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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

1. Modification de l'article 88-2 de la Constitution. - Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p. 9540).

Avant l'article unique (p. 9540)

Amendement no 41 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, Henri Nallet, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jacques Myard. - Rejet.

Amendements nos 10 de M. Myard et 57 de M. Baumel : MM. Jacques Myard, le rapporteur, Mmes Nicole Catala, la garde des sceaux, MM. le président, Gérard Gouzes. Rejets.

Amendement no 48 rectifié de M. Lefort : MM. Jean-Claude L efort, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Robert Pandraud, Jacques Myard. - Rejet par scrutin.

Amendement no 39 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 11 de M. Myard : MM. Jacques Myard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 1 de M. Jean-Pierre Michel : MM. Georges Sarre, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes ; René André, Mme Nicole A meline, MM. Gérard Gouzes, Jean-Claude Lefort, Robert Pandraud. - Rejet.

Rappel au règlement (p. 9548)

M. Jacques Myard.

Reprise de la discussion (p. 9548)

Amendement no 45 de M. Lequiller : MM. Pierre Lequiller, le rapporteur, le ministre. - Retrait.

Amendement no 45 repris par M. Pandraud. - Rejet.

Amendement no 6 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 58 de M. Baumel : Mme Nicole Catala,

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements nos 2 de M. Jean-Pierre Michel et 12 de M. Myard : MM. Georges Sarre, Jacques Myard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Amendement no 51 de M. Wiltzer : M. Pierre-André Wiltzer.

Amendement no 52 de M. Wiltzer : MM. Pierre-André W iltzer, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. René André, Hervé de Charette. - Rejet des amendements nos 51 et 52.

Amendements identiques nos 14 de Mme Catala et 54 de M. Baumel : Mme Nicole Catala, MM. Michel Bouvard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Jacques Myard. - Rejet.

Amendement no 4 de M. Millon : MM. Charles Millon, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Philippe de Villiers. - Rejet.

Amendement no 16 de M. Myard : MM. Jacques Myard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Hervé de Charette, Charles Millon. - Rejet.

Amendement no 35 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Article unique (p. 9556)

MM. Charles Millon, Thierry Mariani, François Loncle, Mme Nicole Catala, MM. Lionnel Luca, Jean-Claude Lefort.

A mendement de suppression no 23 de M. Myard : MM. Jacques Myard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 18 de M. Guillaume : M. François Guillaume.

Amendement no 32 de M. Guillaume : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet des amendements nos 18 et 32.

Amendement no 33 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 9 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. François Guillaume, Jacques Myard. - Rejet.

Amendement no 44 de M. André : MM. René André, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Pierre Lequiller, Pierre Lellouche, Hervé de Charette, JeanClaude Lefort, Gérard Gouzes, Robert Pandraud. - Rejet.

Amendement no 7 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 8 de M. Luca : MM. Lionnel Luca, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 50 de M. Deniau : Mme Nicole Catala,

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article unique.

Après l'article unique (p. 9570)

Amendement no 42 de M. André, avec le sous-amendement no 49 de M. Douste-Blazy, amendements identiques nos 15 corrigé de Mme Catala et 55 de M. Baumel, et amendements nos 46 de Mme Ameline, 53 de M. Ligot, 34 de M. Guillaume et 19 de la commission : M. René André, Mme Nicole Catala, M. Michel Bouvard, Mme Nicole A meline, MM. Maurice Ligot, François Guillaume, Hervé de Charette, le rapporteur, le ministre, Pierre Lellouche. - Rejet du sous-amendement no 49 et de l'amendement no

42. Mme Nicole Catala. - Retrait des amendements nos 15 corrigé et 55 ; rejet des amendements nos 46, 53 et 34 ; adoption de l'amendement no

19. Amendement no 17 de M. Myard : MM. Jacques Myard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 5 de M. Millon : MM. Charles Millon, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 38 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 3 de M. Jean-Pierre Michel : MM. Georges Sarre, le rapporteur, le ministre, Jacques Myard. - Rejet par scrutin.

Amendement no 47 de Mme Ameline : Mme Nicole Ameline, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.


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A mendement no 36 de M. Guillaume, amendements identiques nos 56 de M. Baumel et 13 de Mme Catala, et amendement no 43 de M. André : MM. François Guillaume, Michel Bouvard, Jacques Myard, René André, le rapporteur, Mme la garde des sceaux.

Rappel au règlement (p. 9582)

Mme Nicole Catala, M. le président.

Reprise de la discussion (p. 9583)

Mme Nicole Catala, M. Jacques Myard. - Rejet des amendements nos 36, 56, 13 et 43.

Amendement no 24 de M. Myard : M. Jacques Myard, Mme Christine Lazerges, vice-présidente de la commission des lois ; M. le ministre. - Rejet.

Amendement no 40 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 37 de M. Guillaume : MM. François Guillaume, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Titre (p. 9585)

Amendement no 59 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux, M. René André. - Adoption.

Le titre du projet de loi constitutionnelle est ainsi rédigé.

Renvoi des explications de vote et du vote sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle à une prochaine séance.

2. Modification de l'ordre du jour prioritaire (p. 9586).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

3. Dépôt d'un projet de loi organique (p. 9586).

4. Dépôt d'un projet de loi (p. 9586).

5. Dépôt de rapports (p. 9586).

6. Dépôt de rapports sur des propositions de résolution (p. 9586).

7. Communication relative aux assemblées territoriales (p. 9587).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9587).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 MODIFICATION DE L'ARTICLE 88-2 DE LA CONSTITUTION Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution (nos 1072 et 1212).

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique du projet de loi constitutionnelle dans le texte du Gouvernement et les amendements portant articles additionnels.

Avant l'article unique

M. le président.

Nous abordons les articles additionnels avant l'article unique.

M. Guillaume a présenté un amendement, no 41, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 1er de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La Constitution que s'est librement donnée le peuple français l'emporte sur toute autre règle juridique. »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Il s'agit d'éviter que l'on oublie que la constitution française l'emporte sur toute autre règle juridique notamment sur le droit communautaire.

En effet, s'amorce une dérive du droit constitutionnel selon laquelle les traités européens et leurs éventuelles modifications pourraient échapper à la ratification. Il faut donc s'assurer que la France conserve sa liberté d'approuver ou de rejeter un traité européen comme les autres traités internationaux. C'est naturellement conforter de manière indirecte, sur des matières fondamentales, la règle de l'unanimité.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no

41.

M. Henri Nallet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La commission l'a repoussé.

M. Jacques Myard.

C'est un peu court !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Vous avez raison de dire, monsieur Guillaume, que la constitution française l'emporte sur toute autre règle juridique dans l'ordre interne. C'est même si évident qu'il est inutile de l'écrire.

Si les traités internationaux sont supérieurs aux lois en vertu de l'article 55 de la Constitution, ils sont inférieurs aux normes constitutionnelles. Tel est bien le sens de l'article 54 si un traité est contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ou de l'approuver ne peut intervenir qu'après révision de notre loi fondamentale.

C'est ce que nous sommes en train de faire.

Bien entendu, rien n'oblige notre pays à réviser sa Constitution. Si nous le décidons, comme c'est le cas, aujourd'hui, c'est par un acte de volonté souverain. Nous vérifions ainsi que notre Constitution est bien, en droit interne, la norme suprême. Il n'y a donc pas à compléter la Constitution sur ce point.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

En fait, Mme la garde des sceaux vient de donner raison à M. Guillaume. Simplement, elle nous livre une argutie juridique en disant que l'article 54 stipule que seuls les traités dûment ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois et que, s'ils sont contraires à la Constitution, celle-ci doit être révisée. A mon avis, il est clair, et c'est un principe, que le peuple est souverain, que la Constitution est sa loi fondamentale et que en tout état de cause, aucun traité ne peut aller à son encontre. Il s'agit donc d'un bon amendement qui doit trouver place dans la Constitution.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

41. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 10 et 57, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 10, présenté par M. Myard, est ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 3 de la Constitution est ainsi rédigé :

« La souveraineté nationale est inaliénable. Elle appartient exclusivement au peuple, qui l'exerce par la voie du référendum et par ses représentants. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

L'amendement no 57, présenté par MM. Baumel, Michel Bouvard, Mme Catala, MM. Xavier Deniau, Galley, Guillaume, Guillet, Julia, Jean-Claude Lemoine, Luca, Mariani, Mignon, Terrot et Valleix, est ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 3 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : "Elle ne peut être aliénée". »

La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement no

10.

M. Jacques Myard.

La souveraineté nationale, ce n'est pas quelque chose qui flotte dans l'air ! La souveraineté nationale, c'est ma liberté ! Quand je dis « ma » liberté, c'est un singulier pluriel (Sourires) qui désigne la liberté de chacun des citoyens de ce pays. Elle est profondément ancrée dans notre droit. Le peuple est souverain. En droit international, il se détermine librement. Aucune règle ne peut lui enlever cette liberté fondamentale. Il peut déléguer, il peut reprendre parce qu'il est le souverain.

Je propose donc de modifier l'article 3 de la Constitution, dans un alinéa limpide qui rappelle, à celles et ceux qui voudraient faire litière de la souveraineté nationale, que celle-ci est inaliénable et qu'elle appartient exclusivement au peuple.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous citer un texte qui devrait vous interpeller : « Une assemblée, même issue du suffrage universel, ne pourrait invoquer sa souveraineté pour couvrir ou ratifier des exigences destructives de la souveraineté nationale. Elle s'arrogerait un droit qui n'appartient même pas au peuple réuni dans ses comices. » Si vous ne vous en souvenez pas, il s'agit de la

protestation des députés alsaciens et lorrains faite à Bordeaux le 17 février 1871 ! Je souhaite introduire dans la Constitution que la souveraineté nationale est un droit inaliénable, consacré par le droit des gens.

Mme Nicole Catala.

Très bien !

M. le président.

Les explications de M. Myard, dans leur limpidité, ont-elles convaincu la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Non, monsieur le président, puisque la commission, après avoir examiné l'amendement de M. Myard, l'a repoussé.

Mme Nicole Catala.

Parce qu'elle estime que la souveraineté nationale peut être aliénée ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission n'a pas examiné l'amendement de MM. Baumel et Michel Bouvard, mais comme il reprend l'amendement de M. Myard, sa décision aurait été la même.

On peut considérer que ces amendements ont été repoussés par la commission des lois pour des raisons qui ont été très longuement exposées chaque fois que nous avons abordé le problème de la révision de la Constitution, quand il s'agissait de la mettre en conformité avec un traité communautaire.

Je rappellerai simplement à M. Myard ce que nous lui avions dit en commission des lois, à savoir que la souveraineté nationale n'est pas un principe de valeur supraconstitutionnel.

M. Jacques Myard.

Quoi !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Nous nous appuyons simplement sur une décision du Conseil constitutionnel...

M. Jacques Myard.

C'est un scandale !

M. Henri Nallet, rapporteur.

... de 1992, qui précise :

« Le pouvoir constituant est souverain. Il lui est donc loisible d'abroger, de modifier ou de compléter les dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée. »

M. Jacques Myard.

Mais c'est fou !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Je crois donc que l'on ne peut pas mettre au-dessus de la Constitution ce que vous voudriez essayer d'y mettre.

M. le président.

Comme j'aurais dû le faire précédemment, je donne la parole à Mme Nicole Catala, pour soutenir l'amendement no

57.

Mme Nicole Catala.

Je suis surprise par l'analyse que vient de nous développer le rapporteur.

La Constitution de 1791 avait inscrit au fronton de notre République le principe de l'unité, de l'imprescriptibilité, de l'inaliénabilité et de l'indivisibilité de la souveraineté nationale. Si ni l'amendement no 10 ni l'amendement no 57 ne sont votés, nous ne pouvons qu'en déduire que la majorité actuelle admet que la souveraineté de la nation peut être aliénée : ce serait alors dit de façon très claire devant le peuple. Nous estimons, pour notre part, qu'elle ne peut pas l'être.

Je sais bien, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, que le Préambule de 1946 signale qu'elle peut connaître des limites dans l'intérêt de la sauvegarde de la paix. Mais ce n'est pas le mot « aliénation » qui est employé. Nous comprenons qu'il puisse y avoir des limites à cette souveraineté, voire temporairement, qu'il puisse y avoir une concession ou une délégation de compétence, mais cela ne signifie pas que nous acceptons l'aliénation de la souveraineté du peuple. Cette souveraineté, nous entendons la défendre, parce qu'il s'agit d'un principe fondamental de la République. Si la majorité d'aujourd'hui renie ce principe, elle renie une des valeurs essentielles de notre démocratie et de la République.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements ?

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

En effet, la souveraineté est inaliénable.

M. Jacques Myard.

Merci de le reconnaître !

Mme la garde des sceaux.

Cet amendement est inutile puisqu'il se borne à rappeler une des caractéristiques essentielles de la souveraineté, qui est d'être inaliénable.

Mme Nicole Catala.

Alors, précisons-le !

Mme la garde des sceaux.

Notre Constitution précise toutefois que le constituant est souverain. Le Conseil constitutionnel l'a confirmé dans sa décision de 1992 rappelée par M. Nallet.

Le pouvoir constituant est détenu par le peuple, qui l'exerce par voie de référendum ou par le biais de ses représentants réunis à l'Assemblée nationale ou au Sénat.

Le constituant, puisqu'il est souverain, peut réviser la Constitution à une exception près : la forme républicaine du gouvernement. La monarchie ne peut donc être restaurée, j'ai eu l'occasion de le dire hier à M. de Villiers.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Ce qui l'a fâché ! (Sourires.)

Mme Nicole Catala.

Ce n'est pas la question, madame !

Mme la garde des sceaux.

Je voudrais également dire à M. Myard qu'il devrait faire preuve d'un minimum de cohérence : il s'est insurgé contre la révision de la Consti-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

tution et il nous demande maintenant de la réviser. Il faudrait savoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Mme Catala ne semble pas se ranger aux arguments juridiques du Conseil constitutionnel, ce qui déjà est pour moi une surprise.

Mme Nicole Catala.

Vous lui faites dire ce qu'il n'a pas dit !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Je voudrais lui faire remarquer que, de toute façon, la plénitude même du pouvoir constituant s'oppose à son amendement. En 1992, en ratifiant le traité de Maastricht le peuple a consenti un transfert de compétences.

M. le président.

Même s'il n'est pas dans la tradition, vous en conviendrez, de donner de nouveau la parole à ceux qui ont défendu un amendement, je peux malgré tout autoriser un orateur à répondre au Gouvernement et un autre à la commission.

La parole est donc à M. Jacques Myard, à qui je demande d'être bref.

M. Jacques Myard.

Je souhaite répondre au président Nallet qui a tenu des propos assez incongrus - je le lui dis très amicalement, parce qu'il sait quelle estime je lui porte à titre personnel ! Il s'est abrité derrière une décision du juge constitutionnel, lequel est, jusqu'à nouvel ordre, subordonné au souverain. Or le souverain, c'est, en premier lieu, le peuple et, en second lieu, cette assemblée.

M. Henri Nallet, rapporteur.

C'est précisément ce que j'ai dit !

M. Jacques Myard.

Madame la garde des sceaux, il ne s'agit pas simplement de la forme monarchique. Bien évidemment, la souveraineté du peuple ne pouvait être invoquée pour restaurer la forme monarchique comme on l'a effectivement envisagé en 1875. Mais il y a bien davantage : c'est un droit inhérent à une nation, à un peuple.

C'est un droit naturel, si on peut employer cette expression.

En outre, la souveraineté nationale est inaliénable.

P uisque vous l'avez affirmé, madame la ministre, disons-le aussi très clairement : la construction européenne se situe dans un autre secteur qui est celui de la délégation d'un certain nombre de compétences, et ne venez pas me faire procès de vouloir modifier la Constitution, alors que je m'oppose sur les articles 88-2 et 88-4.

Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est la réaffirmation que seul le peuple est souverain, qu'il détient cette souveraineté parce qu'il existe, et que parce qu'il existe, il est.

M. Gérard Gouzes.

Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

Pour respecter l'équilibre, je vais vous la donner.

M. René André.

Mais Mme Catala l'avait demandée avant !

M. le président.

Mon cher collègue, laissez-moi présider et tout ira très bien. Bien sûr, il faut que vous m'accordiez un minimum de confiance pour organiser les débats.

Il n'est pas normal que ceux qui ont présenté un amendement reprennent la parole après le Gouvernement et après la commission.

Mme Nicole Catala.

Ah si, monsieur le président !

M. le président.

Si je l'accepte c'est que je considère que le débat est important et que chacun doit pouvoir s'exprimer. D'un autre côté il n'est pas normal que nous n'entendions qu'une seule opinion. C'est la raison pour laquelle je souhaite que M. Gouzes puisse intervenir.

Vous avez la parole, monsieur Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Je suis déçu. Je pensais, avoir hier éclairé M. Myard, dans mon intervention. Or je m'aperçois qu'il n'a absolument pas retenu ce que j'ai dit !

Mme Nicole Bricq.

Il n'entend pas !

M. Gérard Gouzes.

Si la souveraineté est si importante, cela signifie que la France a la compétence de sa compétence, c'est-à-dire que nous, ici, sommes souverains pour décider de la souveraineté nationale. Je me bornerai à citer le doyen Vedel, qui est certainement plus éminent que moi ou que vous, en tout cas.

M. Jacques Myard.

C'est la doctrine !

M. Gérard Gouzes.

Le doyen Vedel est un homme respecté...

M. Jacques Myard.

Moi, je parle des députés d'AlsaceLorraine !

M. Gérard Gouzes.

Il a très bien expliqué que si l'on dotait la souveraineté nationale d'un statut de supraconstitutionnalité, on ne pourrait plus invoquer de suprac onstitutionnalité internationale puisque, à l'instant même où celle-ci prendrait naissance, elle se heurterait à la souveraineté nationale en possession d'état de supraconstitutionnalité.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Evidemment !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Cette question fondamentale n'est pas seulement théorique : elle aura des conséquences lourdes sur les plans juridique et politique.

Notre rapporteur semble méconnaître le sens des décisions du Conseil constitutionnel selon lequel il y a lieu de réviser la Constitution lorsqu'un traité « porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté ».

Le Conseil n'a jamais admis qu'il puisse être porté atteinte d'une manière irréversible ce qui est le cas avec les traités européens, en théorie au moins à la souveraineté elle-même. Il ne se prononce que sur les conditions d'exercice de cette souveraineté, ce qui est déja très important. Mais jamais, à aucun moment, et je crois vraiment pouvoir l'affirmer, le Conseil constitutionnel n'a envisagé que la souveraineté nationale de notre pays puisse être aliénée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

57. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Nicole Catala.

La souveraineté nationale n'a plus de sens pour nos collègues socialistes !

M. Michel Bouvard.

Delors l'a déjà vendue !

M. Gérard Gouzes.

L'opposition n'est pas démocrate !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. le président.

M. Lefort et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 48 rectifié, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après le premier alinéa de l'article 3 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les projets de loi tendant à autoriser la ratification des traités qui auraient pour conséquence de modifier substantiellement l'exercice de la souveraineté sont soumis à référendum. »

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Cet amendement, dont il c onvient de supprimer le mot « substantiellement » malencontreusement imprimé, peut aussi bien porter sur l'article 88-2 que sur l'article 59 de notre Constitution.

Son adoption aurait des conséquences pratiques réelles et non simplement formelles car nous touchons à une question fondamentale : à qui appartient la souveraineté nationale ?

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Gérard Gouzes.

C'est écrit dans l'article 3 !

M. Jean-Claude Lefort.

Si nous répondons tous et que pouvons-nous répondre d'autre ? que la souveraineté appartient au peuple, alors notre amendement est absolument conséquent et indispensable.

Si la souveraineté nationale appartient bien au peuple, si nous approuvons tous ce principe, alors vous serez tous d'accord avec moi pour considérer que, si le peuple peut choisir d'en déléguer l'exercice, il ne peut nous appartenir à nous, représentants du peuple, de nous octroyer le droit...

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Jean-Claude Lefort.

... de décider à sa place que cette souveraineté ne lui appartiendrait plus...

M. Jacques Myard.

Très juste !

M. Jean-Claude Lefort.

... de lui retirer, sur un sujet qui touche à la souveraineté...

M. Jacques Myard.

A son essence même !

M. le président.

Monsieur Myard, je vous prie ! Si vous tenez à ce point à soutenir M. Lefort, allez vous asseoir à côté de lui, ce sera plus simple ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lefort.

Je suis assez grand, au sens propre comme au sens figuré (Sourires), pour défendre mon amendement tout seul !

M. Jacques Myard.

Je ne l'avais pas remarqué !

M. Jean-Claude Lefort.

Le peuple, qui est souverain, peut choisir de déléguer, par l'intermédiaire de ses représentants, les modalités d'exercice de sa souveraineté.

A l'inverse, il ne peut nous appartenir de décider à sa place du pouvoir d'y renoncer, de l'aliéner, de faire en sorte que cela ne lui appartienne plus. Rien dans la Constitution ne permet d'affirmer que les parlementaires disposent d'une souveraineté qui, en réalité, ne leur appartient pas, dont ils ne sont que délégués pour l'exercice. Au reste, on ne peut déléguer l'exercice que de ce qui vous appartient.

Cette conception fondamentale est conforme à notre Constitution, mais également et ce n'est pas peu à un p rincipe de droit international édicté excusez du peu dans la charte des Nations unies. C'est même un principe fondateur des Nations unies que de reconnaître de manière absolue le droit des peuples à disposer d'euxmêmes. Cette conception fondamentale a été confirmée par les résolutions de l'assemblée générale de l'ONU en 1971 et en 1974. Elle rejoint un principe bien antérieur, proclamé par la Révolution française, précisant que la souveraineté nationale est inaliénable et imprescriptible.

M. Jacques Myard.

Oui !

M. Jean-Claude Lefort.

Bref, on ne peut pas révoquer le peuple.

M. Georges Sarre.

Pas encore !

M. Michel Bouvard.

Certains en rêvent pourtant !

M. Jean-Claude Lefort.

Le peuple, on ne peut qu'exprimer sa représentation, non lui interdire d'être le peuple souverain.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, monsieur Lefort ?

M. Georges Sarre.

Il commence à peine et son propos est important, monsieur le président !

M. Jacques Myard.

C'est un point essentiel !

M. le président.

Je suis désolé, monsieur Lefort, mais les cinq minutes qui vous sont imparties sont épuisées. La règle est la même pour tous.

M. Jean-Claude Lefort.

Tout à fait, monsieur le président, mais j'ai cru comprendre à l'instant que vous faisiez preuve de mansuétude. Et si mes cinq minutes sont épuisées, moi je ne le suis point (Sourires), ...

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, je vous rappelle que M. Lefort a été interrompu par M. Myard ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lefort.

Le référendum en matière de transfert, d'abandon, de délégation de souveraineté ou de compétences - que le peuple peut toujours décider - est, par nature, conforme aux principes constitutifs de notre droit depuis la Révolution française comme du droit international.

Si d'aucuns votaient contre notre amendement, ils voteraient contre l'ensemble de ces principes. Je n'ose l'imaginer. C'est pourquoi, par principe, dès lors qu'un traité, européen ou non, aurait pour conséquence de modifier l'exercice de la souveraineté, il doit être par principe soumis à référendum. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. le président.

Sur l'amendement no 48 rectifié, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

Avant de demander l'avis de la commission, je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 48 rectifié ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été organisé par la commission. A titre personnel, j'ai le sentiment qu'il n'est pas exactement cohérent avec notre tradition démocratique, en particulier avec notre tradition parlementaire et représentative. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Monsieur Lefort, vous avez présenté cet amendement, véritable plaidoyer pour le référendum, avec beaucoup de conviction. En effet, le peuple est souverain. En effet, dans notre Constitution, le référendum est une modalité, très importante, par laquelle le peuple souverain exprime sa volonté. Pourtant, je ne pense pas qu'il faille, en plus des possibilités déjà ouvertes par notre Constitution, introduire une disposition visant à rendre obligatoire le référendum dans certains domaines.

Je considère que, par principe, le Parlement ne peut être exclu d'aucun sujet législatif. Or faire du référendum, comme vous le suggérez au fond, une modalité en quelque sorte obligatoire de la ratification des traités reviendrait précisément à exclure le Parlement.

Monsieur le député, j'ai la conviction que la Constitution procède d'un équilibre entre la démocratie représentative, d'une part, et son exercice direct par le peuple, d'autre part. Tous les démocrates qui siègent ici le savent bien, un recours trop systématique au référendum pourrait introduire - mais vous ne l'avez pas proposé - une dérive préjudiciable à notre démocratie.

Tenons-nous-en à l'équilibre voulu par les constituants entre le recours à la démocratie directe, que vous préférez en l'occurrence, et l'exercice de la souveraineté du peuple par ses représentants. Même sur les sujets qui concernent les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté, il est nécessaire de ne pas priver de manière automatique la représentation nationale du pouvoir de décision.

Le texte constitutionnel, dans sa version actuelle, assure la souplesse nécessaire. Il permet à la fois de soumettre un texte comme le traité de Maastricht au référendum je l'avais personnellement préconisé, en raison des innovations fondamentales que ce traité comportait -, et de privilégier la voie parlementaire lorsque cela s'avère plus opportun. Il faut maintenir ce choix.

Par conséquent, je ne peux pas émettre un avis favorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Je suis tout à fait contre le référendum obligatoire à compétences liées. On oublie que l'équilibre de la Constitution repose sur le Président de la République à qui il incombe de choisir la voie à suivre.

Je suis quelque peu surpris d'entendre M. Lefort préconiser le référendum. Naguère, ses amis politiques placardaient sur tous nos murs des affiches où le référendum était assimilé au plébiscite. Moi, j'étais pour les référ endums lorsque la Constitution a été adoptée. Je le suis toujours et je m'en tiens au choix laissé au Président de la République de soumettre au peuple la ratification des traités, sur proposition du Premier ministre.

M. le président.

La parole est M. Myard.

M. Jacques Myard.

Dès lors où des traités violent la souveraineté nationale et la remettent en cause, il est impératif que le peuple soit consulté. Les déclarations du g arde des sceaux affirmant qu'il existe deux voies m'étonnent : non, le souverain c'est le peuple, le peuple seulement.

M. Gérard Gouzes.

Et le Président de la République ?

M. Jacques Myard.

Vous oubliez, jeune homme, (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), que vous et vos amis avez eu recours au référendum ! Il est manifeste que seul le peuple est souverain. Le consulter entre dans la logique des choses.

M. le président.

Je vais mettre aux voix l'amendement no 48 rectifié.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix l'amendement no 48 rectifié.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

113 Nombre de suffrages exprimés .................

113 Majorité absolue .......................................

57 Pour l'adoption .........................

14 Contre .......................................

99 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. Guillaume a présenté un amendement, no 39, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« I. Le premier alinéa de l'article 11 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ous ur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel , peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, de même que tout acte ou projet d'acte des Communautés ou de l'Union européenne, ou tout projet de loi tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions. »

« II. Après le deuxième alinéa de l'article 11 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Président de la République est tenu de soumettre le texte au référendum si la proposition conjointe des deux assemblées a été adoptée par chacune d'entre elles à la majorité des trois cinquièmes, ou s'il est saisi d'une demande cosignée par cinq cent mille électeurs français. Les modalités d'application de cette dernière disposition sont fixées par une loi organique. »

« III. Le titre VI de la Constitution est complété par un article 55-2 ainsi rédigé :

« Art. 55-2. Lorsqu'un référendum a conclu à l'adoption d'une disposition contraire à un traité, celui-ci doit être dénoncé sans délai, sous réserve de l'accomplissement des formalités qu'il prévoit éventuellement. »

« IV. Le titre XV de la Constitution est complété par un article 88-7 ainsi rédigé :

« Art. 88-7. Lorsqu'un référendum a conclu à l'adoption d'une disposition contraire à un acte des Communautés ou de l'Union européenne, cet acte doit être abrogé ou révisé au plus tôt, dans les formes prévues par les traités. S'il ne peut être ni abrogé, ni révisé, il ne saurait produire d'effets sur le territoire de la République française. »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Il s'agit, par une modification de l'article 11 de la Constitution, d'étendre le champ


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

d'exercice du référendum à tout projet d'acte des Communautés ou de l'Union européenne, dans la logique de l'élargissement du référendum auquel nous avons procédé en juillet 1995. Ce parallélisme se justifie pleinement.

Le Président de la République, dispose, bien sûr, du pouvoir de décider un référendum : mais il serait tenu de soumettre le texte à référendum si la proposition conjoint des deux assemblées, a été adoptée par chacune d'elle, à la majorité des trois cinquièmes ou s'il est saisi d'une demande cosignée par cinq cent mille électeurs. Ainsi, outre le Président de la République, le Parlement ou les citoyens pourraient obtenir l'organisation d'un référendum sur les actes communautaires ou des traités qui, sans être contraires à la Constitution, auraient des incidences sur le fonctionnement des institutions.

Cet amendement prévoit également que, si un référendum a conclu à l'adoption d'une disposition contraire à un traité, celui-ci doit être immédiatement dénoncé par le Gouvernement car il ne saurait produire d'effets sur le territoire de la République.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Défavorable. La commission a considéré que la modification de l'article 11 n'avait pas sa place dans cette discussion.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui vise à élargir le champs du référendum aux actes communautaires, et au-delà, à refondre en profondeur le régime du référendum prévu par l'article 11 de notre Constitution.

S'agissant de l'extension du champ référendaire, il n'est évidemment pas possible de recourir au référendum pour les actes communautaires dont l'adoption ne relève pas de la décision unilatérale du peuple français.

En ce qui concerne la modification fondamentale de l'article 11 de notre Constitution, je rappelle simplement qu'il convient, aujourd'hui, de se prononcer sur les moyens constitutionnels permettant de ratifier le traité d'Amsterdam, ni plus ni moins. Ainsi que je l'ai souligné hier dans mon discours introductif, il ne saurait être question, à l'occasion d'une révision, même nécessaire, de notre Constitution pour ratifier le traité d'Amsterdam, de modifier nos équilibres constitutionnels.

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Myard a présenté un amendement, no 11, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :

« Art. 34-1. La loi votée par le Parlement ou adoptée par référendum s'impose à toute autorité publique, administrative ou judiciaire, nonobstant l'existence de tout traité ou accord international antérieur ou de toutes dispositions antérieures adopt ées dans le cadre de la participation de la R épublique française aux Communautés européennes et à l'Union européenne. »

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Lorsqu'il a été élu président de notre assemblée, M. Laurent Fabius a souligné avec force, dans le même esprit d'ailleurs que Philippe Séguin quelques années auparavant, qu'il convenait de revaloriser le rôle du Parlement. Cela concerne évidemment le fonctionnement du Parlement, mais aussi les actes qu'il produit. Or l'acte essentiel, mes chers collègues, est la loi.

Pourtant, selon une certaine jurisprudence de nos tribunaux, tant administratifs que civils, la loi peut être écartée, ce qui est inacceptable dès lors, qu'elle est postérieure à un texte de nature internationale.

C'est pourquoi cet amendement, qui propose l'introduction d'un article 34-1 dans notre Constitution, tend à modifier la place de la loi votée par le Parlement à l'issue d'un processus législatif complet, y compris la possibilité pour le Président de la République d'en demander une seconde lecture, et celle donnée à soixante députés ou soixante sénateurs, aux présidents des assemblées, au Premier ministre et au Président de la République de la déférer au Conseil constitutionnel.

Nous estimons qu'à partir du moment où ce processus a été complètement accompli, la loi doit s'appliquer sans a ucune crainte, sans aucune limite et s'imposer à l'ensemble des autorités administratives et judiciaires de la nation. Il est temps que ce principe assurant la primauté de la loi dans la hiérarchie des normes de la République soit réaffirmé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Cet amendement a été rejeté par la commission avec d'autant plus de sérénité que ses membres avaient relu l'article 55 de la Constitution selon lequel : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois... »

M. Jacques Myard.

Mais non, ce n'est pas cela !

M. Gérard Gouzes.

Ce sont les lois de la République !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Michel, Sarre, Carassus, Desall angre, Mme Marin-Moskovitz, M. Saumade et M. Suchod ont présenté un amendement no 1, ainsi rédigé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans le dernier alinéa de l'article 43 de la Constitution, le nombre : "six" est remplacé par le nombre : "sept". »

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Nul ne conteste la nécessité de mieux associer les parlements nationaux au processus communautaire. Cependant, derrière ce constat partagé, les avis divergent. Deux options prévalent.

La première tend à instituer une sorte de Sénat des

Etats membres à côté du Parlement de Strasbourg, enr enforçant les prérogatives informelles de l'actuelle COSAC. Cette démarche aurait un sens dans le cadre d'une Europe fédérale. Est-ce cela que nous voulons, monsieur Barrau ? Non.

La seconde vise à renforcer le rôle des parlements nationaux. Mais, alors que chez certains de nos partenaires le législateur dispose de vastes prérogatives, tel n'est pas le cas en France. Nous avons seulement organisé un maigre et léger dispositif d'information via une délégation qui permet à chacune des deux chambres d'adopter des résolutions sans aucune portée juridique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Ce sont des voeux pieux !

M. Georges Sarre.

A l'évidence, nous devons nous atteler à renforcer non seulement la capacité d'information mais également l'action du Parlement français.

Pour faire face à une production normative communautaire débordante...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani.

Délirante !

M. Georges Sarre.

... - puisque 80 % des normes de d roit français de niveau réglementaire ou législatif trouvent leur origine dans des décisions communautaires -...

M. Jacques Myard.

C'est beaucoup trop !

M. Georges Sarre.

... il est temps de créer une commission permanente des affaires européennes.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Georges Sarre.

Seule, en effet, une commission permanente pourra se tenir activement informée des négociations en cours, des textes à l'étude. Seule une c ommission permanente pourra convoquer à tout moment les ministres compétents ou les hauts fonctionnaires représentant la France.

M. Robert Pandraud.

Non !

M. Georges Sarre.

Monsieur Pandraud, je ne souhaite pas que les diplomates deviennent les souverains ! De l'aveu même de membres de la délégation, les rapporteurs d'une résolution ne sont pas systématiquement tenus informés - vous me l'avez dit vous-même - des suites des négociations, y compris de celles portant sur des sujets ayant fait l'objet d'une résolution. Voilà qui justifierait que soit créée une commission permanente chargée des affaires européennes.

Que peut-on opposer à ces raisons pour repousser la création d'une commission permanente des affaires européennes ? Honnêtement, je n'en vois aucune.

M. Gérard Gouzes.

Changez de lunettes ! (Murmures.)

M. Georges Sarre.

Je les enlève, mais je n'en vois toujours pas ! (Sourires.)

A ceux qui craignent qu'une telle commission accapare l'essentiel du travail parlementaire, ne laissant plus, car ce serait la vérité toute nue, de textes en propre aux autres commissions je donne deux réponses : d'abord cette évolution, c'est vous qui l'avez choisie, qui la choisissez encore en préparant la ratification d'Amsterdam ; ensuite un tel déséquilibre dans le travail des commissions permettra à chacun, députés et citoyens, de toucher du doigt l'étendue des transferts de souveraineté qui ont été consentis.

D'autres arguments ont aussi été opposés à ma proposition, notamment que cette modification pourra être opérée une prochaine fois. Or je ne souhaite pas que l'on aille tous les quinze jours à Versailles. C'est pourquoi, puisqu'une opportunité est ouverte, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement afin de créer une nouvelle commission permanente. Nous pourrons alors parler de transparence, de revalorisation du rôle du Parlement français, ce qui est le minimum qu'on puisse attendre de la part de députés français (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Pierre Lequiller.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Cet amendement a été rejeté par la commission.

M. Jacques Myard.

C'est la « commission rejet » !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Il nous a semblé que l'amendement n'entrait pas dans le cadre de la révision constitutionnelle dont nous sommes appelés à délibérer.

Par ailleurs il soulève de nombreuses questions qui exigent une réflexion d'ensemble de la part tant des responsables politiques que des membres de l'Assemblée nationale.

M. Thierry Mariani.

Bref, on verra plus tard... Comme d'habitude !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Nous avons pensé qu'il était plus sage de rejeter l'amendement.

Mme Nicole Catala.

Ce sont des jésuites !

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

1.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

A titre personnel, je ne serais pas forcément défavorable à la transformation de la délégation européenne en commission permanente. Ce serait même, pour le ministre des affaires européennes, un agrément, un confort et un plaisir. Cependant je ne crois pas que cette transformation doive se faire à l'occasion de cette révision constitutionnelle qui porte sur la ratification du traité d'Amsterdam.

Si cette question devait être posée un jour - elle le sera peut-être - il vaudrait mieux que ce soit dans le cadre d'une réforme d'ensemble des modes de travail, d'organisation et de fonctionnement du Parlement.

M. Thierry Mariani.

C'est l'occasion ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Il me semble difficile d'improviser en la matière.

En outre, il peut y avoir discussion sur le fond. En effet, telle qu'elle fonctionne, la délégation a le très grand mérite de la souplesse, de la capacité à irriguer les autres commissions.

M. Jacques Myard.

C'est la commission des voeux pieux ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Chacun sait que les six commissions permanentes sont fortement concernées en de très nombreuses matières par des textes européens qui relèvent tantôt de la commission des finances, tantôt de la commission des lois, tantôt de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, tantôt de la commission des affaires étrangères. Bref, je suggère que nous soumettions cette proposition à une étude plus approfondie et globale.

M. Pierre Carassus.

Nous l'avons déjà bien étudiée.

M. le président.

La parole est à M. René André.

M. René André.

Nous sommes contre l'amendement car nous pensons qu'il s'agit d'une fausse bonne idée.

La délégation, qui est très spécialisée, travaille à la satisfaction de tous.

M. Georges Sarre.

Non !

M. René André.

Elle examine très sérieusement l'ensemble des textes qui la concernent et prend toutes les résolutions qui s'imposent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

Par ailleurs il serait anormal que les autres commissions n'aient pas à connaître des textes européens quand ils touchent à des domaines relevant de leurs compétences.

C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Nous sommes favorables à l'amendement, car nous considérons - tel est d'ailleurs le sens d'un amendement que nous avons déposé au nom du groupe Démocratie libérale - qu'il est largement temps d'adapter nos institutions nationales à la préoccupation européenne afin d'en prendre toute la dimension.

Les arguments développés par le Gouvernement m'ont paru minces en regard du défi majeur de l'intégration de la dimension des affaires européennes dans le mode de travail de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Sans pour autant tomber dans les effets d'affichage, loin s'en faut, la transformation de la délégation en commission permanente, accompagnée d'un renforcement de ses moyens et de ses pouvoirs, marquerait la volonté réelle d'impliquer positivement le Parlement dans le débat et dans le processus européen.

Non seulement cela ne semble pas inopportun, mais j'ai le sentiment que cette proposition est au coeur de ce débat. Marquer ainsi la volonté politique du Gouvernement d'aller dans le sens du renforcement des pouvoirs du Parlement aurait été particulièrement apprécié. Je regrette donc infiniment que, sous couvert d'une réponse courtoise, le Gouvernement oppose une fin de nonrecevoir.

En effet, la revalorisation du rôle du Parlement européen inscrite dans le traité d'Amsterdam appelait une considération plus forte pour les efforts que nous accomplissons afin d'associer davantage le Parlement français au processus décisionnel européen.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Il est intéressant de noter que Mme Ameline, dont les convictions européennes ont toujours été très vivaces et très fortes, approuve l'amendement de M. Georges Sarre, qui nous a démontré qu'il était plutôt réticent à la ratification du traité d'Amsterdam.

En cette occasion, il me paraît donc intéressant de revenir sur les origines de la création de la délégation. A l'époque, cette formule avait été préférée à celle d'u ne commission parce que le RPR de l'époque ne voulait pas d'une nouvelle commission permanente afin de ne pas donner à l'Europe une certaine importance.

M. Jacques Myard.

Les dossiers européens ont évolué depuis !

M. Gérard Gouzes.

Telle est la raison pour laquelle il ne faut surtout pas retenir cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Je n'aurais pas pris la parole si notre collègue Gérard Gouzes n'avait pas tancé Georges Sarre à propos de cet amendement défendu avec sincérité.

Il faut respecter les opinions des uns et des autres.

M. Michel Bouvard.

Très bien, mais en toute circonstance !

M. Jean-Claude Lefort.

Cela étant, M. Sarre n'est pas le seul à avoir eu cette idée, puisque, dans son discours de clôture de la dernière session, le président de l'Assemblée nationale a proposé la création d'une commission sur les affaires européennes.

M. Georges Sarre.

Exactement !

M. Michel Bouvard.

Mais le Gouvernement n'est pas d'accord !

M. Jean-Claude Lefort.

J'entends bien l'argument du Gouvernement, exposé par M. le ministre : on ne saurait agir à la sauvette ! Je serais donc prêt à ne pas voter cet amendement à la condition expresse que le Gouvernement s'engage, de manière formelle, à déterminer les voies et les moyens d'un renforcement des droits du Parlement en la matière afin que notre assemblée soit parfaitement éclairée.

Du même coup, monsieur le président - voyez comme je suis constructif - tous les amendements déposés après l'article 1er tomberaient.

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Je suis contre l'amendement.

M. Pierre Carassus.

Oh, il ne fallait pas lui donner la parole !

M. le président.

Mes chers collègues, ne transformez pas en discussion de café du commerce un débat suffisamment sérieux pour que chacun garde son calme et que

M. Pandraud puisse parler dans la tranquillité.

Mme Nicole Catala.

Mais nous sommes très sérieux !

M. Robert Pandraud.

Je suis d'accord avec M. Sarre sur un point : moi non plus, je ne veux pas d'une Europe des diplomates dont je sais très bien - soit dit sans vouloir faire de racisme élémentaire - qu'à force d'être couchés, ils ont quelquefois perdu leur colonne vertébrale au point, trop souvent, de ne savoir plus se relever. Ils ne sont pas toujours les mieux placés pour défendre les intérêts français.

En tant qu'ancien président de la délégation, vous me permettrez de souligner que la force de celle-ci réside surtout dans le fait qu'elle comprend des membres de toutes les commissions, ce qui permet d'avoir une liaison avec chacune d'entre elles.

M. Gérard Gouzes.

Tout à fait !

M. Robert Pandraud.

N'oubliez pas d'ailleurs que, s'il existait une commission spécialisée, vous passeriez votre temps à régler des conflits de compétences entre commissions puisque les décisions communautaires concernent tous les domaines. Je ne crois pas qu'une telle création améliorerait en quoi que ce soit le travail parlementaire.

S'il est une réforme à proposer, monsieur l'actuel président de la délégation, c'est d'imposer que les commissions permanentes statuent dans un délai déterminé, car là est le principal défaut du système. Trop souvent, des résolutions sont enterrées par les commissions permanentes parce qu'elles n'en sont pas à l'origine. Comme je l'ai essayé et comme vous l'essayez, il faudrait que les rapporteurs désignés par la délégation rapportent les mêmes sujets au nom de la commission permanente compétente afin que les décisions aboutissent vite.

Je ne veux pas conforter la fonction que j'ai exercée et que M. Nallet maintient à son niveau, mais je suis convaincu que ce rôle n'est pas tout à fait nul. Je constate d'ailleurs que beaucoup d'entre ceux qui estiment que la création d'une commission permanente augmenterait les possibilités d'action reconnaissent qu'elle ne changerait rien du tout au fond ! Pour qu'une commission ait un rôle efficace, il faut que son président et son bureau aient la volonté politique de ne pas se mettre à genoux devant les ministres quels qu'ils soient, surtout s'ils appartiennent


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

à leur propre majorité, puisque, par définition, la majorité de la délégation appartient à la majorité gouvernementale.

Le bureau que j'ai eu l'honneur de présider lorsque j'ai été président de la délégation n'a jamais eu de complexes vis-à-vis des ministres. Certains sont mêmes venus devant nous une demi-heure après y avoir été conviés avant d'aller à Bruxelles. J'espère qu'il en sera toujours de même, car cela contribue à asseoir les droits du Parlement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jacques Myard.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard, pour un rappel au règlement.

M. Jacques Myard.

Je veux défendre l'honneur des diplomates.

M. le président.

C'est un fait personnel, si je comprends bien ? (Sourires.)

M. Jacques Myard.

Non, cela concerne le débat. Je tiens en effet à défendre un corps qui est un grand instrument de l'Etat.

M. le président.

Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Jacques Myard.

Si j'en crois certains de mes collègues, je ne suis peut-être pas très diplomate, mais je sais que la diplomatie est dans la main du Gouvernement. S'il lui arrive de mal agir, c'est qu'elle a été mal instrumentée.

M. Gérard Gouzes.

Ce n'est toujours pas un rappel au règlement !

M. le président.

Curieux rappel au règlement, en effet.

Reprise de la discussion

M. le président.

M. Lequiller, Mme Ameline et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants ont présenté un amendement, no 45, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 48 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une séance par mois, au moins, est réservée par priorité aux questions des membres du Parlement concernant les politiques mises en oeuvre par les i nstitutions européennes et aux réponses du Gouvernement. »

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Pour l'Europe les prochaines années seront à bien des égards déterminantes : mise en oeuvre de l'euro, réforme des institutions, élargissement, réforme de la PAC, autant de domaines dans lesquels les p arlementaires comme les citoyens seront en droit d'attendre du Gouvernement des comptes rendus réguliers, publics, et des explications nécessaires.

Notre amendement est certes d'ordre fonctionnel mais il pourrait, si l'Assemblée l'adoptait, avoir des conséquences importantes sur la perception de l'Europe par nos concitoyens car l'on sait que ces questions d'actualité seraient suivies par le public. De plus, cette procédure permettrait aux parlementaires, députés et sénateurs, de prendre la mesure de l'imbrication de nos décisions gouvernementales avec l'Europe. Enfin, elle amènerait le Gouvernement et les ministres eux-mêmes à rendre compte régulièrement des positions prises dans les instances européennes, ce qui participerait d'un meilleur contrôle parlementaire sur les affaires européennes. La pratique des questions européennes au Gouvernement est d'ailleurs courante dans d'autres Parlements.

L'adoption de notre amendement pourrait constituer un progrès important pour l'Europe et pour la popularité de l'idée européenne dans notre pays.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

L'amendement n'a pas été examiné par la commission. J'estime, pour ma part, que la proposition n'a pas à figurer dans le texte de la Constitution.

Néanmoins, comme elle est très intéressante et mérite d'être discutée, je suggère à Mme Ameline et à M. Lequiller de retirer leur amendement au bénéfice d'un engagement qui pourrait être pris et par la commission des lois et par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, de soumettre cette question à la conférence des présidents, le président Fabius ayant décidé d'engager une réflexion avec l'ensemble des responsables de l'Assemblée sur l'amélioration de notre travail.

M. le président.

Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer sur cette question touchant au travail parlementaire ?

M. Michel Bouvard.

C'est au ministre chargé des relations avec le Parlement qu'il faut demander son avis.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

J'abonde dans le sens du rapporteur. Au Sénat, il existe déjà une séance de questions orales avec débat sans vote, et le ministre que je suis est tout à fait disposé à participer ici à de tels exercices.

Mme Nicole Ameline.

Très bien !

M. Jacques Myard.

Il n'y a qu'à s'aligner sur le Sénat !

M. le président.

L'amendement est-il retiré ?

M. Pierre Lequiller.

Je suis d'accord pour retirer mon amendement, pour une question de forme plus que de fond, mais je compte vraiment sur le ministre et sur vous-même, monsieur Nallet, pour traduire l'idée dans les faits car elle est importante pour nos concitoyens.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Je m'y engage, monsieur Lequiller.

M. le président.

L'amendement no 45 est retiré.

M. Robert Pandraud.

Je le reprends, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 45 est repris par M. Pandraud. La discussion ayant eu lieu, nous allons passer au vote.

Je mets aux voix l'amendement no

45. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 6, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après le premier alinéa de l'article 53 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

« Les traités et accords internationaux qui aménagent les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi adoptée par référendum. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

La souveraineté nationale appartient au peuple en vertu de l'article 3 de la Constitution.

Il semble donc indispensable de prévoir que les transferts importants de compétences qui aménagent et modifient l'exercice de la souveraineté nationale ne peuvent être consentis que directement par le peuple.

Par exemple, imaginons qu'un jour il soit demandé à la France, dans le cadre de la ratification d'un traité, d'aliéner sa souveraineté en matière de sécurité, de justice ou d'immigration (Sourires), comment pourrions-nous accepter que le Parlement soit seul à se prononcer sur de tels abandons de notre souveraineté ? Cet exemple, sorti tout droit de mon imagination, illustre bien l'utilité de mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

L'amendement a été rejeté et l'Assemblée a déjà tranché.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

L'Assemblée en effet a déjà tranché ce point.

Je m'étonne que, sur les bancs du RPR, on veuille remettre en cause la liberté de choix du Président de la République en la matière.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Pas de polémique, madame la ministre !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Baumel, Michel Bouvard,

Mme Catala, MM. Xavier Deniau, Galley, Guillaume, Guillet, Julia, Jean-Claude Lemoine, Luca, Mariani, Mignon, Terrot et Valleix ont présenté un amendement, no 58, ainsi rédigé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 54 de la Constitution est complété par les mots : "effectuée selon la procédure prévue par le deuxième alinéa de l'article 89 ci-après". »

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

L'objet de l'amendement est similaire à celui de l'amendement précédent. Il s'agit d'opérer la même distinction que le général de Gaulle entre les réformettes et les réformes importantes. Il considérait, en effet, et beaucoup s'en souviennent, que les réformes importantes devaient être adoptées par référendum.

Nous proposons donc d'opérer la même distinction pour les révisions constitutionnelles provoquées par la signature d'engagements internationaux contraires à notre loi fondamentale.

Dès lors qu'un engagement international comporte des dispositions contraires à la Constitution, comme cela a été le cas d'un certain nombre de traités européens, comme c'est le cas du traité d'Amsterdam, et comme ce sera encore le cas, demain, d'autres traités pour lesquels il nous sera demandé d'accepter la majorité qualifiée sur la quasi-totalité des matières du premier pilier communautaire - il ne faut pas se faire d'illusions, les transferts de souveraineté aux instances de Bruxelles iront croissant -...

M. Georges Sarre.

Hélas !

Mme Nicole Catala.

... nous estimons qu'il faut consulter le peuple.

Cela a déjà été dit, mais j'y insiste. Il y a des décisions que seul le peuple, consulté directement par le Président de la République, peut prendre, parce que c'est lui le souverain.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Même explication, même opinion que précédemment !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

58. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 2 et 12, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 2, présenté par MM. Jean-Pierre Michel, Sarre, Carassus, Desallangre, Mme Marin-Moskovitz, MM. Saumade et Suchod, est ainsi rédigé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans l'article 55 de la Constitution, après le mot : "lois", sont insérés les mots : "qui leur sont antérieures". »

L'amendement no 12, présenté par M. Myard, est ainsi rédigé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Dans l'article 55 de la Constitution, après les mots : "celle des lois", est inséré le mot : "antérieures". »

La parole est à M. Georges Sarre, pour soutenir l'amendement no

2.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, par cet amendement, nous entendons affirmer que le droit des représentants du peuple à faire la loi est entier,...

M. Jacques Myard.

Bravo !

M. Georges Sarre.

... qu'en particulier, ce droit n'est nullement restreint par l'existence de traités internationaux.

La chose est-elle si extraordinaire que d'aucuns le prétendent ? Nullement, car la tradition juridique française, attachée au principe du monisme international ne signifie pas une inféodation de notre droit interne au droit des traités. Elle témoigne, et c'est déjà beaucoup, de l'attachement de la France à une organisation maîtrisée des relations internationales, ce qui suppose naturellement le respect des traités internationaux.

La jurisprudence internationale a précisé de longue date que la signature d'un traité international ne réduit en rien la souveraineté d'un Etat. De surcroît, le droit international des traités, codifié dans la convention de Vienne de 1969, envisage clairement la possibilité pour un Etat de se retirer d'un traité, sous réserve éventuellement d'engager sa responsabilité internationale.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Ni la tradition juridique française ni le droit international public n'interdisent donc à la France de revenir sur un engagement conventionnel,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

fût-ce implicitement, par l'adoption d'une loi postérieure à un traité. Au demeurant, qu'est-ce qui rend un traité invocable dans l'ordre juridique interne sinon une loi de ratification ? Ce qu'une loi a fait, heureusement, une loi peut le défaire.

Ces précisions juridiques s'imposaient pour prévenir des critiques infondées sur le caractère novateur de l'amendement que je défends.

Cela précisé, quelle est l'économie générale de l'amendement ? Nous proposons une modification de l'article 55 de la Constitution, afin que, toujours sous réserve de réciprocité, seuls les traités postérieurs à une loi lui soi ent supérieurs. Cette précision s'impose depuis qu'un revirement de jurisprudence administrative a consacré la primauté des traités communautaires, puis des règlements, enfin des directives européennes sur les lois françaises, y compris celles votées postérieurement auxdits traités, règlements et directives.

M. Jacques Myard.

Tout à fait !

M. Pierre Carassus.

Eh oui, on ne sert plus à rien !

M. Georges Sarre.

Une telle évolution jurisprudentielle met en cause directement et indirectement les prérogatives du Parlement.

Directement, en ce que cette jurisprudence entérine, malgré des précautions oratoires, la prétention, exprimée explicitement par la Cour de justice des Communautés européennes de Luxembourg, depuis deux avis préjudiciels de 1962 et 1963, à construire un Etat fédéral européen doté d'un ordre juridique autonome, dont l'invocation en droit interne est directe et uniforme dans les

Etats membres. Telle n'est pas mes chers collègues, notre conception de l'Europe, Si vos propos ont un sens, ce que je crois, nous sommes d'accord.

Indirectement, parce que le juge administratif est conduit à engager la responsabilité de l'Etat. Exemple : l'arrêt sur les tabacs en 1992. A quand l'arrêt qui mettrait en cause une faute du législateur ? Ce serait un comble, et, pour le coup, une révolution.

Afin de prévenir de telles conséquences, mes chers collègues, je vous invite à voter l'amendement que je viens de vous présenter.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard pour soutenir l'amendement no

12.

M. Jacques Myard.

M. Georges Sarre vient d'expliquer excellement l'enjeu des deux amendements. Je souhaite ajouter quelques mots.

M. François Rochebloine.

Vous allez dire la même chose !

M. Jacques Myard.

Mieux vaut se répéter que se contredire, mon cher collègue ! Vous devriez faire vôtre ce précepte ! Nous sommes là au coeur du débat puisque nous discutons de la place de la loi dans la hiérarchie des normes.

M. Gérard Gouzes.

L'Assemblée a déjà tranché.

M. Jacques Myard.

Je suis d'ailleurs désolé que le rapp orteur ait, d'un revers de main, refusé d'insérer l'article 34-1 que je proposais. Le constituant de 1958 n'avait jamais pensé qu'un juge puisse écarter la loi française pour appliquer une norme internationale quelle qu'elle soit.

M. Gérard Gouzes.

Et l'article 55 !

M. Jacques Myard.

L'article 55 est clair mais, visiblement, il faut de nouveau préciser les choses à l'égard du juge, monsieur Gouzes !

M. Gérard Gouzes.

Je vois que vous êtes réactif !

M. Jacques Myard.

Si, vous rejetez cet amendement, cela signifiera que notre assemblée est de seconde catégorie, un comice agricole - et j'ai beaucoup de respect pour les comices agricoles...

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

Nous sommes choqués !

M. Jacques Myard.

... et qu'elle n'est pas souveraine ! La loi doit s'imposer à tous dans le pays. Une autre chose est la responsabilité internationale qui pourrait être attraite devant des cours internationales, soit la Cour internationale de justice, soit la Cour européenne des droits de l'homme, soit la Cour de justice des Communautés européennes. Elle se situe à un autre niveau et dépend d'autres normes juridiques.

En l'occurrence, nous nous devons de réaffirmer que la loi française s'applique. Il y va de la responsabilité de la nation. Si vous décidiez d'en faire autrement, ne vous étonnez pas ensuite que la pyramide soit posée sur la pointe !

M. Georges Sarre.

Il a raison !

M. le président.

Restez sur vos pieds, monsieur le rapporteur, pour donner l'avis de la commission.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Je vais essayer de remettre la pyramide à l'endroit, monsieur le président.

Les amendements nos 2 et 12 ont été repoussés par la commission des lois pour les raisons déjà exprimées et qui viennent d'être confirmées par l'Assemblée.

M. Michel Bouvard.

On se moque de nous !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission des lois.

Les modifications proposées par les amendements nos 2 et 12 consisteraient à affirmer la supériorité des traités ou accords sur les lois qui leur sont antérieures et non sur les lois qui leur sont postérieures. Nous aurions donc une distinction entre les lois, suivant qu'elles sont antérieures ou postérieures...

M. Jacques Myard.

Bien sûr ! C'est le cas de la loi sur les chasseurs !

Mme la garde des sceaux.

... et une hiérarchie des normes à géométrie variable, ce qui ne me paraît pas acceptable.

M. Jacques Myard et M. Michel Bouvard.

Mais non !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jacques Myard.

Le peuple tranchera.

M. le président.

M. Wiltzer et Mmes Alliot-Marie, Aurillac, MM. Bernard, Berthol, Bourg-Broc, Mme Boutin, MM. Cazenave, Ferrand, Forissier, Foucher, Godfrain, Guillet, Mme Isaac-Sibille, MM. Jean-Baptiste, K ert, Kossowski, Laffineur, Leroy, Marleix, MartinLalande, Meylan, Paille, Pelissard, Perrut, Petit, Quentin, Rochebloine, Voisin, ont présenté un amendement, no 51, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« Avant l'article 88 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les Etats et les peuples ayant le français en partage. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

La parole est à M. Pierre-André Wiltzer.

M. Pierre-André Wiltzer.

La révision constitutionnelle dont nous débattons concerne un engagement international de la France : celui qui conduit notre pays, depuis quarante ans, à renforcer ses liens avec ses partenaires européens, jusqu'à mettre en commun progressivement un certain nombre de compétences relevant de la souveraineté nationale.

Un autre engagement de la France est devenu, lui aussi, est devenu une donnée essentielle et permanente de son rôle dans le monde : celui de la construction d'un ensemble, d'un espace, d'une communauté, appelons cela comme on veut, francophone.

La première institution intergouvernementale des pays ayant en commun l'usage du français, a été créée en 1970 - vingt-huit ans déjà : - l'agence de coopération culturelle et technique. C'est à la fin des années 1970 aussi que le projet de réunir régulièrement tous les chefs d'Etat et de gouvernement s'est imposé et, une fois résolu l'épineux problème de la participation du Québec à ces sommets, le premier d'entre eux s'est tenu en 1986 en France.

Depuis lors, ces réunions ont lieu tous les deux ans.

Un nombre croissant de domaines d'action sont l'objet de décisions concrètes. La coopération entre les pays de la francophonie ne porte plus seulement sur le secteur culturel ou celui de la formation - c'était le secteur initial - mais bien davantage sur le développement économique, les relations financières, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, la santé publique, la protection de la nature. Plus encore, la francophonie est devenue porteuse d'un message politique extrêmement fort, celui du respect des droits de l'homme, celui de l'appui au développement de la démocratie, notamment de la démocratie parlementaire, celui de la résolution pacifique des conflits. Les principes mêmes qui inspirent la Constitution de notre République.

Il y a donc de nombreuses raisons, à l'occasion de la révision des dispositions constitutionnelles relatives aux engagements de la France, à laquelle nous procédons, d'inscrire une référence à une donnée permanente et désormais capitale pour notre pays : la solidarité et la coopération au sein de l'espace francophone.

Que l'on ne nous dise pas qu'il s'agit là d'un simple aspect de notre politique étrangère qui serait par nature révocable et contingent. La France, aux yeux de plus de cinquante pays du monde, a une vocation à assumer.

Cette vocation, parce qu'elle transcende les clivages politiques et les événements quotidiens, doit figurer dans notre loi fondamentale.

C'est la raison pour laquelle, avec vingt-huit collègues, membres comme moi de l'assemblée parlementaire de la francophonie, je propose d'amender dans ce sens le projet de loi constitutionnel présenté par le Gouvernement.

Nous avions demandé à M. le Premier ministre, dans une lettre du 3 novembre, de prendre lui-même l'initiative d'inscrire cette référence à la francophonie, réclamée de toutes parts depuis fort longtemps, dans le projet gouvernemental. Bien que rédigée, je crois, dans un style à la fois respectueux et raisonnablement français et francophone (Sourires), cette lettre collective n'a pas reçu de réponse.

Nos collègues sénateurs - au nombre de vingt-trois, appartenant à tous les groupes politiques du Sénat - Qui avaient pris la même initiative, n'ont pas non plus reçu de réponse.

Mais nous sommes plein d'espoir. L'adage « Qui ne dit mot consent » va probablement s'appliquer maintenant.

M. Jean-Luc Warsmann.

Pas de réponse ? C'est incroyable !

M. Pierre-André Wiltzer.

Nous sommes nombreux, en effet, sur les bancs de cette assemblée, et au-delà, à considérer que la francophonie doit être reconnue comme l'une des missions essentielles que la République s'assigne sur le plan mondial.

Aujourd'hui même s'est tenu à l'Assemblée nationale un colloque sur la nouvelle politique africaine de la France. Vous le savez, monsieur le président, pour avoir présidé à son organisation, on y a rencontré de nombreux présidents d'assemblées africaines, et un certain nombre de chefs d'Etat réunis à Paris à l'initiative du Président de la République, M. Jacques Chirac, pour le sommet franco-africain. Tous l'ont dit et répété : ils souhaitent développer de manière institutionnelle le partenariat qui s'est créé dans le cadre de la francophonie entre les pays riches du Nord, ceux d'Amérique et d'Europe, dont le nôtre, et les pays pauvres du Sud : ceux d'Afrique, d'Océanie et d'Asie.

La coïncidence de deux événements, ce colloque, d'une part, et ce débat constitutionnel, d'autre part, devrait lever les hésitations ou les réticences qui pourraient encore subsister dans certains esprits.

Un dernier argument. J'ai conscience, monsieur le président, d'abuser un peu de votre bienveillance, mais le sujet le mérite. S'il en est un, en effet, qui réalise un consensus général entre les forces politiques de notre pays, c'est bien celui du développement de la solidarité et de la promotion de la démocratie dans l'espace francophone.

La meilleure preuve en est que l'amendement no 51, que je défends au nom de mes collègues, reprend, presque mot pour mot, un amendement présenté le 15 janvier 1996 par M. Jean-Pierre Chevènement, alors député du territoire de Belfort, à l'occasion de la révision constitutionnelle engagée à l'époque pour donner au Parlement le pouvoir de se prononcer sur l'équilibre financier de la sécurité sociale. Le même amendement avait été défendu au Sénat, le 7 février 1996, par MM. Maurice Schumann et Jacques Legendre, sénateurs du Nord. A l'un comme aux deux autres, il avait été objecté que l'objet de la révision constitutionnelle discutée à l'époque, à savoir le financement de la sécurité sociale, n'avait guère de rapport avec l'amendement présenté. C'était exact.

Aujourd'hui, cet argument perd toute justification, puisque la révision constitutionnelle porte bien sur les engagements de la République à l'égard d'autres pays liés à elle par des accords d'association ou des traités.

Notre amendement propose donc d'inscrire dans un article 87 nouveau la phrase suivante : « La République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les Etats et les peuples ayant le français en partage. » L'abrogation par la loi constitutionnelle du

4 août 1995 des articles qui composaient autrefois le titre XIII sur la Communauté rend cette formule aisément praticable puisque nous pouvons profiter, si j'ose dire, des « trous » qu'elle a laissés.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir accepter d'inscrire dans notre loi fondamentale cette référence à la francophonie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Je considère, monsieur Wiltzer, que vous avez également défendu l'amendement no

52. C et amendement est présenté par M. Wiltzer,

Mmes Alliot-Marie, Aurillac, MM. Bernard, Berthol, Bourg-Broc, Mme Boutin, MM. Cazenave, Ferrand, Forissier, Foucher, Godfrain, Guillet, Mme Isaac-Sibille, MM. Jean-Baptiste, Kert, Kossowski, Laffineur, Maurice Leroy, Marleix, Martin-Lalande, Meylan, Paillé, Pélissard, Perrut, Petit, Quentin, Rochebloine et Michel Voisin.

L'amendement est ainsi rédigé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88 de la Constitution est complété par les mots : "notamment dans le cadre de la solidarité et de la coopération francophones". »

M. Pierre-André Wiltzer.

C'est un amendement de repli, qui propose d'insérer une disposition semblable à celle de l'amendement no 51 à un autre endroit.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 51 et 52 ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Comme ces deux amendements n'ont pas été examinés par la commission, je ne peux donner d'avis.

M. Georges Sarre et M. Hervé de Charette.

On s'en passera !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le député, vous abordez un sujet extrêmement important. Vous savez que l'engagement de notre pays en faveur de la francophonie est lui-même considérable. Chacun peut en juger par les moyens que la France consacre à la coopération multilatérale francophone, par l'activité qu'elle déploie pour soutenir la francophonie vivante et attractive souhaitée par M. le Premier ministre.

M. Hervé de Charette.

Que ce compliment est mauvais signe !

Mme la garde des sceaux.

C'est d'abord aux actes que se mesure l'engagement de la France pour la francophonie, à notre appui résolu à ses institutions, notamment l'agence pour la francophonie, à ses opérateurs, à ses projets. Rappelons que le budget global de l'action de la France en faveur de la francophonie s'est élevé à 620 millions de francs en 1998 et qu'il atteindra 700 millions de francs en 1999.

M. René André.

Ce n'est pas vrai !

Mme la garde des sceaux.

Faut-il pour autant intégrer cette solidarité francophone dans notre loi fondamentale ? La notion de francophonie, si forte soit-elle, doit-elle être inscrite dans notre Constitution ? Une telle demande mérite réflexion. La priorité du Gouvernement va aux dispositions concrètes. Outre celles que j'ai déjà citées, je pense au soutien au canal TV 5, relais d'émission en langue française par satellite dans le monde entier, ou bien encore à la défense de l'usage du français dans les organisations internationales. Si le débat sur la francophonie est un réel débat, il me paraît tout de même difficile de le rattacher à la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam. Intégrer la notion de défense de la francophonie dans notre Constitution mérite pour le moins une réflexion approfondie que je ne crois pas mûre en l'état. C'est la raison, pour laquelle, monsieur Wiltzer, je ne puis être favorable à votre amendement.

M. le président.

La parole est à M. René André.

M. René André.

Puisque nous débattons d'Amsterdam et de l'Europe, je veux attirer une nouvelle fois l'attention du Gouvernement et du Parlement sur une dérive communautaire qui devient de plus en plus insupportable : l'usage préférentiel de l'anglais...

M. Jacques Myard.

Cet idiome barbare !

M. René André.

... et l'abandon du français à Bruxelles.

Ainsi, pour prendre l'exemple de deux programmes européens, PHARE et TACIS, que je connais bien, vous n'aurez de chance d'être « short-listé » - pardonnez-moi le jargon, c'est celui utilisé à Bruxelles - que si vous présentez vos programmes en anglais.

M. Jacques Myard.

C'est honteux !

M. Michel Bouvard.

Le français ne sera bientôt plus euro-compatible !

M. René André.

Cela signifie que notre langue n'est plus utilisée là-bas ; c'est déjà profondément regrettable.

Mais cela signifie surtout que sont adoptés à Bruxelles les modes de pensée et de raisonnement anglo-saxons, si bien que les compagnies et sociétés anglo-saxonnes sont naturellement avantagées par rapport aux sociétés françaises. Il faut que nous en ayons bien conscience et que notre gouvernement et nos dirigeants mènent une action forte auprès de Bruxelles pour qu'il soit mis fin à cette dérive.

M. Michel Bouvard.

Il suffira d'une directive communautaire pour que le français n'ait plus droit de cité !

M. le président.

La parole est à M. Hervé de Charette.

M. Hervé de Charette.

Madame la garde des sceaux, permettez-moi d'insister. Sous l'apparence anodine d'une disposition constitutionnelle au contenu peu contraignant, il s'agit en réalité de l'expression d'un des axes fondamentaux de la diplomatie française.

Dans quelques jours doit se tenir une réunion de tous les chefs d'Etat africains autour du Président de la République et du Gouvernement. Ce sera un moment très fort de notre diplomatie. Certes, ce n'est pas la francophonie, mais il faut y voir un des signes de l'influence de la France dans les pays qui ont le français en partage.

Nous devons y attacher une importance capitale. J'ai du mal à comprendre comment on peut être opposé à inscrire dans nos textes fondamentaux une disposition...

M. Pierre Carassus.

Qui ne peut pas faire de mal !

M. Hervé de Charette.

... qui traduit la force, la détermination, l'intention durable de la France, quelles que soient ses majorités, de donner à la francophonie toute sa dimension et sa priorité.

Madame la garde des sceaux, vous allez être sollicitée tout au long de ce débat. Vous le serez dans d'autres discussions où l'occasion en sera encore fournie, bien que cette question y ait moins sa place. Ils nous serait agréable que ce soit aujourd'hui, en cet instant plutôt qu'en d'autres circonstances, qu'une réponse positive soit donnée à la demande du groupe UDF. C'est le moment, faites-le.

M. le président.

La parole est à M. Pierre-André Wiltzer.

M. Pierre-André Wiltzer.

Je ne veux pas prolonger le débat, monsieur le président...

M. le président.

Je vous en remercie !

M. Pierre-André Wiltzer.

... mais seulement, en réponse à l'observation de Mme la ministre, rappeler que cette question, qui dépasse largement les clivages politiques, est


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

posée depuis déjà plusieurs années, et force est de constater que les gouvernements sont réticents à l'idée de sauter le pas. On ne peut pas répondre qu'il faut encore réfléchir. Non, on a déjà bien réfléchi et le moment est vraiment venu de prendre position.

Si notre pays joue un rôle dans le monde, c'est naturellement grâce à son histoire, à sa place, à sa culture, mais c'est aussi pour deux raisons extrêmement concrètes, sur lesquelles je voudrais appeler l'attention de mes collègues comme du Gouvernement : d'abord, nous sommes une puissance nucléaire ; ensuite, la France peut encore compter sur le soutien de quarante ou cinquante pays, pour l'essentiel regroupés dans l'espace de solidarité francophone. Ces pays sont tournés vers nous, ils nous regardent et ils attendent ce geste. Alors j'insiste vraiment pour que nous le fassions.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

51. (L'amendement n'est pas adopté. - Protestations diverses sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

L'amendement n'est pas adopté ! Je mets aux voix l'amendement no

52. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement n'est pas adopté non plus, vous voyez bien !

M. Jean-Louis Debré.

J'admire la rapidité de votre coup d'oeil, monsieur le président. L'expérience, sans doute...

M. le président.

Monsieur le président Debré il suffisait de regarder dans vos rangs, vos députés n'ont pas tous voté. Et c'est parce que je suis rapide que je suis là.

(Sourires.)

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 14 et

54. L'amendement no 14 est présenté par Mme Catala et

M. Myard ; l'amendement no 54 est présenté par MM. Baumel, Michel Bouvard, MM. Xavier Deniau, Galley, Guillaume, Guillet, Julia, Jean-Claude Lemoine, Luca, Mariani, Mignon, Terrot et Valleix.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-1 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-1. - La République participe aux C ommunautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement d'exercer en commun les compétences dont la délégation est explicitement prévue par les traités. »

La parole est à Mme Nicole Catala, pour soutenir l'amendement no

14.

Mme Nicole Catala.

Selon l'article 88-1 de la Constitution dispose que « la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ».

M on amendement propose d'inscrire dans notre Constitution un principe très important : l'Union européenne exerce des compétences d'attribution et les Etats membres des compétences de droit commun. En l'espèce, tout le monde semble d'accord. M. Nallet lui-même, alors que j'évoquais la nécessité de proclamer ce principe, m'a répondu qu'il figurait déjà dans les traités.

J'ai effectivement constaté, en le relisant, que l'article 3 B du traité précise que la Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées, formule qui me convient, mais aussi des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Or c'est cela qui brouille, si je puis dire, la délimitation des compétences de l'Union. En effet, dès lors que l'Union peut agir, audelà des compétences qui lui sont reconnues, afin de poursuivre des objectifs non déterminés, illimités ou imprécis, le principe auquel chacun se dit attaché perd tout contenu. C'est pourquoi j'estime nécessaire d'indiquer dans notre Constitution que l'Union a des compétences d'attribution, c'est-à-dire qu'elle ne les exerce que lorsque délégation lui en a été explicitement consentie par les traités.

Nous aurons alors moins d'hésitation lorsqu'un textecommunautaire viendra mettre en cause le principe de subsidiarité. Nous saurons plus clairement trancher entre les compétences de l'Union et les compétences des Etats membres.

M. Jacques Myard.

Excellent !

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour défendre l'amendement no

54.

M. Michel Bouvard.

Cet amendement de clarification,e ffectivement nécessaire, permettra de savoir quels champs relèvent du domaine communautaire et lesquels n'en relèvent pas ; il facilitera donc grandement les travaux de notre assemblée comme ceux du Gouvernement.

Cet amendement répond aussi à un problème d'actualité, en l'occurrence la montée en puissance progressive du droit, directives et règlements communautaires, dont l'application prévaut même sur des textes de droit national antérieur. Une précision telle que celle que nous proposons dans notre loi fondamentale aurait le mérite d'éviter les empiètements permanents, car nous avons tous conscience que bien des directives ou des règlements communautaires correspondent à des compétences que l'Union européenne s'est appropriées en dehors du strict champ de compétences que lui ont reconnu les traités.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission a rejeté ces deux amendements, les jugeant inutiles, puisque, par définition, les transferts de compétences ne peuvent résulter que de traités.

Mme Nicole Catala.

Ce n'est pas une réponse ! Vos arguments sont inexistants !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez ainsi rejeter ces amendements.

Nous savons pertinemment, et vous êtes aussi fins connaisseurs que moi de la machine communautaire, que, par une vision théologique de tout le système et en jouant des dispositions de l'article 235 et des compétences implicites, la Communauté aspire petit à petit tout un tas de compétences...

Mme Nicole Bricq.

C'est un monstre !

M. Jacques Myard.

... qu'elle globalise, qu'elle fusionne dans un droit communautaire totalitaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

Rappelons à cette noble assemblée que, à chaque fois qu'une directive ou un règlement est arrêté dans le chef des compétences de la Communauté, en vertu des arrêts subséquents de la Cour de justice, l'Etat membre perd aussitôt la compétence correspondante, tant sur le plan interne que sur le plan international.

En refusant ces amendements, vous porteriez un mauvais coup à l'Europe dans la mesure où vous allez exacerber les tensions entre la compétence de la Communauté, qui devient de plus en plus la compétence de droit commun, et celle des Etats souverains, ramenée à une compétence d'exception.

Monsieur Nallet, permettez-moi cette image, vous jouez le second larron sur la croix,...

Mme Nicole Bricq.

... Mais on ne peut vous pardonner, parce que vous savez ce que vous faites.

M. Jacques Myard.

Il est clair que, sur ce point précis, nous devons arrêter ce système. Nous ne pouvons tolérer une incessante captation des compétences des Etats.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 14 et 54.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Millon a présenté un amendement, no 4, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-1 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Conformément au principe de subsidiarité, la France ne consent aux transferts de compétences à la Communauté européenne que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante à son niveau et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. »

La parole est à M. Charles Millon.

M. Charles Millon.

Une contradiction est en train d'apparaître dans la construction européenne.

Le président Valéry Giscard d'Estaing et le président Delors ont affirmé à moult reprises leur attachement au principe de subsidiarité. Lors de la discussion de Maastricht, nous avions obtenu que ce principe soit inscrit dans le traité. Pourtant, nous continuons à assister à l'édification d'une Europe impériale, mue par une frénésie de règlements, harmonisant, uniformisant, centralisant tout sur son passage, sans tenir compte d'aucune manière des singularités locales, des spécificités régionales ou même des identités nationales.

Or nous restons incapables de nous opposer à cette avancée, faute de disposer des moyens juridiques de juger du respect de la subsidiarité, qu'il s'agisse des actes communautaires ou des dispositions des traités.

En effet, le principe de subsidiarité n'est pas inscrit dans notre Constitution et je souhaite l'introduire dans l'article 88-1. Nous pourrons ainsi prévenir le centralisme et l'uniformité des décisions prises à l'échelon communautaire grâce à une interprétation stricte des compétences permettant de prendre en considération la diversité des expériences nationales et les solutions adaptées à la situation de chaque Etat.

M. le président de la commission des affaires étrangères avait fait remarquer que cela conduirait à élargir les compétences du Conseil constitutionnel. J'en suis totalement d'accord et je le souhaite. L'Assemblée ayant accepté que le principe de subsidiarité soit inscrit dans le traité de Maastricht et répétant, à longueur d'analyse des textes communautaires, qu'elle souhaite voir la subsidiarité respectée, elle doit en toute logique s'en donner les moyens en inscrivant ce principe dans la Constitution.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Tout d'abord, la commission a considéré que la construction communautaire était, par elle-même et eu égard à notre droit positif, une construction de subsidiarité.

M. Jacques Myard.

Ah !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Ensuite, le principe de subsidiarité apparaît plutôt comme un guide pour l'action que comme un principe juridique, car son contenu positif est assez difficile à déterminer.

M. Michel Bouvard.

C'est justement pourquoi il faut le définir !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Enfin, la rédaction proposée reste assez vague. Pour toutes ces raisons, la commission a estimé qu'il convenait de rejeter l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission.

M. le président.

La parole est à M. Philippe de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

Je n'ai pas bien compris ce que vient de dire M. Nallet. Dois-je comprendre que la construction européenne serait considérée comme subsidiaire dans le traité d'Amsterdam ? L'amendement déposé par M. Millon a au moins un mérite : notre Constitution ainsi amendée nous permettra de stopper les dérives de Bruxelles, en inversant la notion de compétence d'attribution qui figure dans le traité.

Dans le traité d'Amsterdam, deux types de dispositions sont redoutables.

L es premières, celles de l'article 6 et celles de l'article 13, inversent la notion de compétence d'attribution. Depuis le traité de Rome, le principe retenu était le suivant : les Etats avaient la compétence générale et l'Europe, des compétences d'attribution, ces dernières ayant pour caractéristique d'être précises, limitées et contrôlables. Or, dans le traité d'Amsterdam, avec, pare xemple, la clause antidiscrimination prévue par l'article 13, on passe à la notion de compétence générale pour la Communauté, puisque cet article lui donne la possibilité, et même la mission « de combattre toute discrimination ».

En fait, les rôles sont inversés : ce ne sont plus les nations qui délèguent à Bruxelles dans le cadre du principe de subsidiarité, mais Bruxelles qui contrôle les nations. Selon l'expression, employée il y a quelques jours par un juriste allemand, la subsidiarité, c'est : en bas tout ce qui est possible ; en haut seulement ce qui est nécessaire.

M. Jacques Myard.

Bien !

M. Philippe de Villiers.

Il y a, dans le traité d'Amsterdam, une disposition plus redoutable encore et que vous connaissez bien, monsieur Nallet, que chacun dans ce débat cherche à cacher, le fameux protocole numéro 7. Il est construit comme un pieux mensonge puisqu'il est censé porter sur la subsidiarité. Or ce protocole dit très clairement, dans une petite phrase lovée en son coeur, que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

désormais, à partir de la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg, le droit communautaire sera supérieur - même quand il est dérivé - au droit national, même quand il est constitutionnel.

Plus encore que le problème du franchissement des frontières et de la liberté de circulation, puisqu'il s'agit de la destruction du principe même de notre Constitution, c'est la raison fondamentale pour laquelle cet amendement me paraît utile.

M. le président.

La parole est à Charles Millon.

M. Charles Millon.

M. le rapporteur vient d'affirmer que le principe de subsidiarité ne pouvait pas être « couché » en droit. Il a tort. Qu'il lise la constitution autrichienne, il constatera que le principe de subsidiarité y est inscrit.

Un refus de votre part démontrerait que vous craignez que la construction européenne ne respecte pas le principe de subsidiarité. Alors expliquez-nous pourquoi vous ne voulez pas l'inscrire ? Puisque vous venez de répéter que la construction européenne obéissait à la subsidiarité, vous ne risquez rien ! Chaque fois qu'il devra trancher, le Conseil constitutionnel constatera que la subsidiarité est respectée. Et si, par hasard ou par inadvertance, ce principe était violé, nous disposerions d'une protection.

Or, vous le savez bien, si l'on continue à construire une Europe qui uniformise, harmonise et égalise sans tenir compte des spécificités locales, des singularités régionales ou des identités nationales, non seulement on aboutira à une Europe insupportable, mais pire encore, on assistera au réveil des nationalismes.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà pourquoi les véritables européens sont tous favorables au principe de subsidiarité, comme l'a si bien dit le président Valéry Giscard d'Estaing.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Myard a présenté un amendement, no 16, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-1 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : "Afin de respecter le principe de subsidiarité, toute délégation peut être reprise par la République". »

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

A la tribune, il y quelques heures, je disais qu'il fallait refonder les institutions européennes et que l'un des principes fondamentaux de ces institutions devait être le respect de la subsidiarité.

Il est manifeste que la boulimie de compétences de la Communauté, puis de l'Union européenne va mettre en danger l'Europe. Ça a déjà commencé. Le sentiment antieuropéen, qui est en train de se propager dans tous les pays d'Europe, prend sa source dans cette boulimie et dans la multiplication des textes. Il faut donc, surtout d ans la perspective de l'élargissement, faire maigrir l'Europe. Il faut qu'elle se concentre sur l'essentiel. Et il y a déjà fort à faire en matière de paix et de sécurité col lective, d'environnement, en matière économique et de règles de concurrence ! Il est urgent de faire redescendre au niveau de la démocratie nationale un certain nombre de domaines indûment montés au niveau bruxellois.

Ma proposition est simple, logique et de bon sens :

« Afin de respecter le principe de subsidiarité, toute délégation peut être reprise par la République. »

Croyez-moi, cela fera du bien à ce mastodonte !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Même avis que précédemment.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis.

M. Jacques Myard.

Pour !

M. le président.

La parole est à M. Hervé de Charette.

M. Hervé de Charette.

Monsieur le président, comme vous ne m'avez pas donné la parole tout à l'heure sur l'amendement de M. Millon, je vais profiter de cette circonstance pour vous dire ce que le groupe UDF pense de ces deux amendements très voisins puisqu'ils portent sur le principe de subsidiarité.

Notre groupe attache une grande importance à la question de la subsidiarité dans la construction européenne.

Le vice profond qui perturbe, à n'en pas douter, le bon fonctionnement de la démarche européenne, qui justifie tant de réserves, tant de réticences, parfois tant d'inquiétudes...

M. Philippe de Villiers.

C'est bien, monsieur de Charette !

M. Hervé de Charette.

Je sais que je parle excellemment ! Ce vice profond, disais-je, tient au fait que la question de la subsidiarité n'a pas été clarifiée.

Impliqué dans la négociation du traité d'Amsterdam, j'ai des souvenirs précis sur ce point. Je n'ai pas cessé, je vous assure, de tenter d'obtenir qu'on veuille bien prendre le problème à bras-le-corps, le mettre sur table et le résoudre.

J'ai pu observer que les adversaires de la subsidiarité se cachaient là où on ne les attend pas.

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Hervé de Charette.

D'excellents diplomates appartenant aux diverses administrations des quinze Etats membres s'accordent pour expliquer que c'est justement grâce au non-respect de la subsidiarité, que tel ou tel pays - le nôtre en l'occurrence, la France - a obtenu de B ruxelles telle décision favorable aux planteurs de pommes de terre ou aux éleveurs de bovins mâles. Autrement dit, la violation quotidienne du principe de subsidiarité c'est exactement comme, dans la vie parlementaire, la violation quotidienne de la séparation entre l'article 34 et l'article 37. Et on y trouve les mêmes satisfactions coupables ! En outre, tant qu'il n'y aura pas de juge à la subsidiarité, celle-ci ne sera à l'évidence pas respectée. Or cette affaire ne peut pas se traiter au plan national. Nous n'avons pas approuvé l'amendement de M. Millon, il y a quelques minutes, et je ne peux pas approuver celui de M. Myard pour la simple et unique raison que la subsidiarité n'est pas une affaire nationale. Elle ne peut pas se décider au niveau français. Elle se décide au niveau européen avec une instance d'appréciation et un juge qui dit :

« Voilà la frontière. »

Pour l'instant, la Cour de justice européenne s'est instituée non pas comme le protecteur de la compétence des nations, c'est-à-dire comme le juge du principe de subsidiarité, mais comme le juge et le protecteur de la compétence européenne. Ce faisant, elle a commis, à mon humble avis, une erreur historique qu'un jour ou l'autre elle paiera.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. Pierre Carassus.

Le plus tôt sera le mieux !

M. le président.

La parole est à M. Charles Millon.

M. Charles Millon.

Il convient de rappeler les termes du principe de subsidiarité : tout ce qui peut être fait au plus proche de la personne reste au plus proche de la personne, tout ce qui peut être fait au plus proche de la commune reste au plus proche de la commune, tout ce qui peut être fait au plus proche de la nation reste au plus proche de la nation.

M. Arnaud Montebourg.

C'est du bon Gollnisch dans le texte !

M. Charles Millon.

Ça n'a rien à voir ! Monsieur de Charette, ce ne peut pas être l'instance supérieure qui décide car c'est l'instance concernée qui doit elle-même juger si elle peut déléguer ou pas, en l'occurrence si l'instance supérieure peut faire mieux qu'elle.

Seul un juge national peut juger de la subsidiarité. Sinon ce serait le monde à l'envers !

M. le président.

Mes chers collègues, je veux vous rappeler un principe : le débat organisé sur chaque amendement ne doit pas être l'occasion de convaincre tel ou tel de vos collègues du bien-fondé de votre argumentation !

Mme Nicole Catala.

Alors, à quoi ça sert ?

M. le président.

Il s'agit de répondre sur l'amendement, au Gouvernement ou à la commission, rien d'autre ! Que les choses soient bien claires. Sinon, notre débat risque de durer longtemps...

Mme Nicole Catala.

Ce débat est intéressant !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Guillaume a présenté un amendement, no 35, ainsi libellé :

« Avant l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-1 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles générales des traités et accords internationaux s'appliquent aux Communautés européennes et à l'Union européenne, sous réserve des dispositions du présent titre. »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

J'ai déjà eu l'occasion de justifier mon amendement qui a pour but de préciser qu'au regard de la Constitution les traités communautaires ont le même statut que les traités internationaux, c'est-à-dire ceux conclus avec des pays tiers. Dans les deux cas il appartient au peuple de se prononcer soit par référendum, ce qui est la règle, soit par une procédure parlementaire - qui est l'exception.

Il ne serait pas adéquat de distinguer les traités internationaux et les traités communautaires. Or, je crois avoir entendu Mme la garde des sceaux commencer à opérer cette distinction lorsqu'elle a fait apparaître, sans bien sûr contester la procédure de ratification des traités internationaux, que pour celle des traités communautaires la France n'était pas seule et que notre position, si j'ai bien compris, ne pouvait de ce fait être aussi libre que lorsqu'il s'agit d'un traité avec des pays tiers. C'est une erreur.

Voilà ce qui justifie mon amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Il est évident que les règles relatives aux traités et accords internationaux s'appliquent aux traités européens. Cet amendement est donc inutile.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

35. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article unique

M. le président.

« Article unique. I. A l'article 88-2 de la Constitution, les mots : "ainsi qu'à la détermination des règles relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats membres de la Communauté européenne" sont supprimés.

« II. Il est ajouté à ce même article un alinéa ainsi rédigé :

« Sous la même réserve et selon les modalités prévues par le traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la lib re circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article unique.

La parole est à M. Charles Millon.

M. Charles Millon.

Madame la ministre, mes chers collègues, l'Europe est une noble querelle, peut-être la seule qui vaille aujourd'hui. A vouloir sacrifier à l'illusion du consensus, ce débat parlementaire démontre, une fois de plus, que la France n'a pas aujourd'hui de vision ambitieuse et généreuse de l'Europe.

Jusqu'à présent, on nous a toujours expliqué qu'il fallait être pour l'Europe parce qu'on ne pouvait pas être contre. Nous sommes loin de l'Europe exaltée par Paul Valéry ou Julien Benda. Pourquoi ce malaise ? Tout d'abord, parce que la vision d'une souveraineté nationale absolue se trouve aujourd'hui bousculée par la mondialisation des échanges et ne répond plus à aucune réalité.

Ensuite, parce que, nous, Français, avons des difficultés à concevoir l'Europe autrement qu'à travers notre modèle égalitaire et centralisé, nous avons du mal à imaginer comment vivre ensemble sans que les lois soient les mêmes partout. Nous avons de la peine à accepter que les libertés et les spécificités nationales aient pour contrepartie des différences et, donc, des inégalités dans les autres pays européens.

La France ne peut pas se contenter de participer à la construction d'une Europe par défaut. Nous devons dire quelle Europe nous voulons et redéfinir la souveraineté de la France.

Pour cela, nous avons le choix, je l'ai déjà dit tout à l'heure, entre deux visions de l'Europe.

Une Europe impériale, qui ne conçoit l'Europe qu'à travers notre modèle égalitaire et centralisé, qui a du mal à imaginer comment vivre ensemble sans que les lois soient les mêmes partout, qui a de la peine à accepter qu'au nom du respect des libertés auxquelles nous sommes viscéralement attachés, les autres pays européens ne vivent pas comme nous.

L'autre choix est celui d'une Europe politique au service des nations, qui n'interviendrait que lorsqu'elle est mieux placée que les Etats pour le faire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

C'est cette Europe subsidiaire que nous défendons.

Subsidiaire veut dire que la France ne transfère de compétences à la Communauté européenne que dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante à son niveau et seraient, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, mieux réalisés au niveau communautaire.

A ce choix, deux raisons.

Première raison, nous souhaitons une répartition claire des compétences. A cet effet, j'ai proposé à notre assemblée de reconnaître le principe de subsidiarité en l'inscrivant dans la Constitution. Je suis sûr qu'un jour on regrettera de ne pas l'avoir fait. Je souhaite l'affirmation d'une Europe qui prendrait en charge les seules compétences que les Etats décident de lui déléguer quand ils considèrent que l'Europe est mieux à même de les assumer.

Or, aujourd'hui, si l'Europe prend en charge la normalisation des bâtiments d'élevage, elle se révèle incapable de s'occuper d'un dossier aussi essentiel que ceux du Kosovo ou de la Bosnie.

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

M. Charles Millon.

Si l'Europe se charge du contrôle de la consommation d'eau, elle est incapable de prendre en charge le problème des flux migratoires européens.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Charles Millon.

Seconde raison, nous devons respecter la diversité pour éviter que s'édifie une Europe qui normaliserait et harmoniserait sans tenir compte des spécificités locales, des singularités régionales et des identités nationales.

Pour ma part, je refuse une Europe qui se construirait sur une harmonisation totale des régimes sociaux et fiscaux comme le laissent craindre les velléités de certains responsables socialistes au nom d'une vision socialiste archaïque, qui n'est d'ailleurs pas ressentie de la même manière par nos voisins allemands et anglais.

Au contraire, une émulation, sinon une concurrence, est nécessaire entre les pays pour conserver la souplesse nécessaire au développement des économies européennes.

Avec l'euro, les économies ne pourront plus s'ajuster par les taux de change. Si demain, nous avons les mêmes coûts, les mêmes impôts, les mêmes charges, comment se fera la différence ? Cela veut dire enfin que la France doit aller vers plus de souplesse et de liberté, à l'exemple de ses voisins anglais et néerlandais, si elle veut dynamiser son économie et l'emploi, et ne pas dépendre seulement d'une croissance éventuelle.

Avec la réduction uniforme et obligatoire du temps de travail à 35 heures, nous allons exactement dans le sens inverse. Je comprends que les socialistes aimeraient voir s'appliquer les mêmes lois sociales partout, car leurs erreurs s'en trouveraient sinon effacées, du moins cachées.

M. le président.

Monsieur Millon, veuillez conclure, s'il vous plaît.

M. Charles Millon.

Sur tous ces points, il ne faut pas se le cacher, nous n'avancerons pas sans une Europe politique, seule capable de concilier les identités nationales et l'unité de l'Europe, seule capable de faire de l'Union européenne le garant de la diversité des peuples et des nations.

C'est la raison pour laquelle je présenterai tout à l'heure un deuxième amendement tendant à un contrôle plus strict, grâce à des résolutions de nos Assemblées, afin de peser sur l'interprétation des traités que nous allons voter.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité d'Amsterdam, chacun en est conscient d epuis la décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre dernier, est contraire à la Constitution, dans la mesure où il porte atteinte à l'exercice de notre souveraineté dans les domaines des politiques de l'immigration, des visas et du droit d'asile.

Il nous revient donc aujourd'hui de modifier notre texte fondateur pour permettre d'ici quelque temps, probablement courant janvier, la ratification du traité.

D'autres orateurs l'ont déjà souligné, il n'est pas question ici d'approuver ou non le traité d'Amsterdam. Quel que soit le vote de notre Assemblée sur le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis, et quel que soit le résultat du vote final du congrès sur ce projet, le traité d'Amsterdam ne sera pas approuvé pour autant.

Quels sont les motifs juridiques, incontestables, qui, aujourd'hui, nous amènent à réviser notre Constitution ? Pour les cerner, il convient de se reporter aux considérants de la décision du Conseil constitutionnel du 31 décembre 1997 sur la conformité du traité d'Amsterdam à notre constitution :

« Considérant que le passage automatique à la règle de la majorité qualifiée et à la procédure de codécision, au terme d'une période de 5 ans après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, pour la détermination des procédures et conditions de délivrance des visas de courts séjours par les Etats membres (...) constitue, au regard du traité sur l'Union européenne, une modalité nouvelle de transfert de compétences dans des domaines où est en cause la souveraineté nationale ;

« Considérant que le passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée et à la procédure de codé cision dans de telles matières, pourrait conduire à ce que se trouvent affectées les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale (...)

;

« Il y a lieu dès lors de déclarer contraires à la Constit ution les dispositions du 2e paragraphe de l'article 73-0. »

L'argumentation du Conseil est exactement la même en ce qui concerne la politique de l'immigration : les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

Mes chers collègues, les motifs d'inconstitutionnalité ne sont pas mineurs, loin s'en faut. Le traité d'Amsterdam touche au plus profond de ce qui constitue un Etat nation, en ce qu'il modifie les conditions d'exercice de la souveraineté nationale.

En effet, cinq ans après la ratification du traité d'Amsterdam, la France pourrait se voir imposer par ses partenaires européens une politique de l'immigration qu'elle n'approuverait pas. C'est ainsi que le Conseil pourrait très bien décider, par exemple, de modifier les critères du regroupement familial dans un sens qui serait contraire à l'intérêt de notre pays.

Une nation qui n'est plus souveraine ne peut plus être qualifiée de nation. C'est au mieux un territoire autonome, au pire une région parmi d'autres dans un ensemble fédéral.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

C'est ainsi que, au-delà de la révision constitutionnelle que nous abordons aujourd'hui, il convient de s'interroger, plus généralement, sur le fait de savoir si nous sommes compétents ou non pour modifier, sans en appeler directement au peuple, les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

En d'autres termes, sommes-nous compétents pour effectuer, par la voie parlementaire, un bouleversement aussi radical de l'équilibre des pouvoirs tel qu'il résulte des institutions de la Ve République ? Permettez-moi de ne pas le penser.

Les conditions d'exercice de la souveraineté nationale, nous sont données par l'article 3 de notre Constitution, qui dispose, en effet, dans son premier alinéa que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.

Il y a donc deux modes d'exercice de la souveraineté : d'une part, le parlement français, d'autre part, le peuple, directement, par référendum.

La révision de la Constitution, telle qu'elle nous est proposée, ne modifie en rien cet équilibre général, qui demeure d'actualité. Ce n'est qu'à l'occasion de la ratification du traité que nous transférerons réellement nos compétences.

Or, dans des domaines où, pour reprendre les termes du Conseil constitutionnel, sont en cause les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, il me semble que nous devrions consulter directement nos concitoyens. Cette consultation n'a d'ailleurs pas forcément à intervenir lors de l'étape que nous abordons à présent, et qui consiste à modifier la Constitution.

Bien sûr, j'aurais préféré que nous appliquions la procédure de révision prévue dans le deuxième alinéa de l'article 89, qui consiste à procéder par la voie du référendum plutôt que par une réunion de congrès. Tel ne sera pas le cas, et je ne peux que m'incliner devant cette décision, qui peut d'ailleurs se justifier par certains aspects.

En revanche, il me semble tout à fait indispensable que nous profitions de la révision constitutionnelle que nous sommes en train de discuter pour inscrire dans notre texte fondamental que les traités ou accords internationaux qui touchent aux conditions d'exercice de la souveraineté ne peuvent être ratifiés, compte tenu de leur importance et de leurs enjeux, que par une loi adoptée par référendum.

C'était l'objet, à mon sens essentiel et acceptable, de l'unique amendement que j'avais déposé avant l'article unique. Il n'avait qu'un but : confier directement au peuple, et à lui seul, le soin de déléguer à une institution internationale l'exercice de sa souveraineté.

Dans la mesure où les Français ont directement approuvé, par référendum, en 1958, les modalités d'exercice de la souveraineté nationale, dont ils sont les seuls détenteurs, il me semble juridiquement indispensable et conforme à l'esprit de nos institutions que la ratification d'un traité international opérant un transfert de compétences de nature à modifier les conditions d'exercice de la souveraineté soit acquise par voie de référendum.

Sur des sujets de cette importance, mes chers collègues, la démocratie impose que nous consultions directement le peuple.

M. le président.

Voulez-vous conclure, monsieur Mariani, s'il vous plaît ?

M. Thierry Mariani.

J'allais le faire, monsieur le président.

C'est ce qui a été fait lors de la ratification du traité de Maastricht et c'est de ce débat que nous n'aurions pas dû aujourd'hui faire l'économie. (Applaudissements sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aborder la discussion de l'article unique du projet de loi constitutionnelle nous conduit à revenir au seul enjeu de ce débat : réviser, adapter notre texte constitutionnel, afin, comme le soulignaient nos rapporteurs, Henri Nallet et Michel Vauzelle, que notre pays puisse honorer sa signature sur l'intégralité du traité d'Amsterdam, notamment sur un chapitre on ne peut plus déterminant pour les citoyens français et européens, la libre circulation des personnes et les domaines qui lui sont liés, l'asile, l'accueil et le séjour des étrangers, la politique des visas.

Libre circulation des personnes : grande et belle liberté, l'une des quatre libertés affirmées par l'Acte unique de 1986 qui concernait les marchandises, les services, les capitaux et les personnes. Cette liberté est régie par la convention de Schengen et ses accords d'application. Il s'agit, vous le savez bien, d'une liberté organisée et d'une organisation plus efficace que les dispositifs nationaux de contrôle en la matière. J'y reviendrai avant la fin de cette année en présentant un rapport de bilan et de perspective sur Schengen devant nos collègues de la commission des affaires étrangères.

La réalité de l'Europe, aujourd'hui, mes chers collègues, c'est le marché unique, l'espace Schengen de libre circulation, l'Union économique et monétaire. C'est pourquoi il nous faut envisager désormais l'Europe comme notre bien commun, héritage, bien sûr, mais surtout lieu d'invention de formes inédites pouvant devenir plus explicitement politiques.

Nul ne songe, ici, à construire l'Europe contre les nations, tout simplement parce que les acteurs de la c onstruction européenne sont les Etats nations, les citoyens, les peuples d'Europe, soucieux de leurs intérêts, de sorte que la relation entre l'idée d'une Europe organisée, celle que nous voulons, et l'idée nationale ne fonctionne pas comme un couple antagoniste, mais constitue les deux éléments d'une véritable interaction.

J e souhaite conclure par deux remarques. L'une concerne la question très évoquée cet après-midi et ce soir, trop évoquée à mon sens et quelque peu récurrente, d'un appel au référendum.

Je me réfère souvent, lorsque resurgit ce débat, aux conceptions qui opposaient le général de Gaulle ou Michel Debré à Pierre Mendès France et je n'oublie jamais que toute procédure référendaire est une forme de dessaisissement de la représentation nationale, du rôle éminent que doivent jouer nos assemblées, et singulièrement celle-ci où nous nous exprimons, débattons, votons et décidons au nom du peuple.

Le clivage politique, et peut-être philosophique, qui nous oppose démocratiquement à intervalles réguliers sur l'Europe, et qui traverse aussi bien la majorité plurielle que l'opposition, peut être ainsi résumé ; il y a, d'une part, ceux qui estiment que les identités nationales sont exclusives de toute autre, d'autre part, ceux qui pensent, comme nous, que ces identités peuvent s'enrichir d'une identité européenne.

Nous défendons cette conception de l'Europe et nous souhaitons l'appréhender comme notre bien commun, ne pas en être les spectateurs, mais les acteurs. C'est la raison


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

pour laquelle nous défendons l'article unique, cette révision a minima de notre constitution qui nous permettra d'aborder la ratification du traité d'Amsterdam et de poursuivre notre chemin sans jamais nous satisfaire de la marche des choses. Sinon notre engagement politique n'aurait pas de sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

La révision constitutionnelle qu'il nous est demandé d'accepter devrait au moins avoir le mérite de nous permettre de rattraper une partie du retard du Parlement français par rapport aux autres Parlements de l'Union européenne et de combler ainsi une partie du déficit démocratique dont chacun se plaint.

Du point de vue des principes, la participation du Parlement français à l'élaboration des décisions européennes souffre d'un certain décalage par rapport aux principes qui sont affirmés par exemple chez nos voisins allemands.

La Cour constitutionnelle allemande déclarait ainsi dans une décision du 12 octobre 1993 : « Tant que l'Union constitue une union d'Etats, mais non un Etat européen, la légitimation démocratique de l'Union est en premier lieu garantie par les parlements nationaux. » Nous serons

tous ici d'accord, du moins je l'espère, pour estimer que cette affirmation correspond à une réalité juridique et politique, peut-être pour peu de temps, mais c'est encore le cas.

Si nous adhérons au principe que je viens d'exposer, nous devons tenter de faire progresser ou d'améliorer le suivi - c'est un terme tellement faible et tellement insatisfaisant, mais il n'y en a pas d'autres -, par l'Assemblée et le Sénat, des activités normatives de l'Union européenne, comme nous devons arriver enfin à une vérification systématique par le Conseil constitutionnel de la conformité des textes européens à notre loi fondamentale.

Le suivi par le Parlement français des projets d'actes européens, qui a été amélioré en 1992, a été décrit en 1994, dans un excellent rapport de Robert Pandraud, alors président de la délégation, comme lacunaire et marqué par un esprit trop notarial.

Qu'en est-il exactement ? Aujourd'hui, seuls les projets concernant le marché unique et les politiques communes, c'est-à-dire le premier pilier dans le jargon communaut aire, doivent être soumis par le Gouvernement à l'Assemblée, et non les propositions touchant à la politique extérieure ou aux affaires intérieures et de justice, dont on sait bien sûr qu'elles vont prendre de plus en plus d'importance.

De plus, ces projets concernant le premier pilier ne doivent être soumis à notre assemblée, selon les termes de l'article 8-4 actuel, que s'ils sont transmis au Conseil.

L'interprétation littérale de ce texte conduit à ne pas nous soumettre les accords conclus entre les institutions de l'Union, ceux que l'on appelle les accords institutionnels.

Il en est pourtant d'extrêmement importants, comme l'accord inter-institutionnel concernant la discipline budgétaire et l'amélioration des procédures budgétaires de 1993, qui ne nous a pas été soumis.

Par ailleurs, les projets de l'Union ne sont sousmis au Parlement français que s'ils comportent des dispositions de nature législative. Cette dernière précision peut sembler naturelle. Elle peut même paraître nécessaire au regard de la summa divisio qui marque notre ordre juridique constitutionnel, notre distinction entre la loi et le règlement.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

En fait, mise à l'épreuve du droit européen, cette disposition conduit à des résultats surprenants, et même ubuesques. Ainsi, pour prendre quelques exemples au hasard, notre assemblée a été saisie de propositions de règlements concernant les droits de douane et les contingents tarifaires pour des harengs frais ou réfrigérés de Suède, de l'orge de brasserie ou des résidus d'amidon de maïs, me semble-t-il, monsieur le rapporteur.

M. Henri Nallet, rapporteur.

C'est très important pour les brasseurs !

Mme Nicole Catala.

C'est certainement très important et je ne conteste pas l'utilité de notre saisine. En revanche, notre assemblée n'a pas été saisie de la communication de la commission intitulée Agenda 2000 qui expose le calendrier, les modalités de l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est, document fondamental et vous le savez bien, puisque vous avez consacré un rapport à ce sujet.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Effectivement !

M. le président.

Pouvez-vous conclure, madame Catala, s'il vous plaît ?

Mme Nicole Catala.

J'ai bientôt terminé, monsieur le président.

Ce projet Agenda 2000 met en cause aussi bien la survie des politiques communes que les équilibres budgétaires et le fonctionnement des institutions de l'Union.

Pourtant, nous n'avons pu avoir aucun débat en séance publique sur ce document.

ll faut donc sortir de cette situation absurde. Le Gouvernement doit soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat tous les projets d'actes des Communautés ou de l'Union, y compris ceux qui concernent les deuxième et troisième piliers - je crois que le Gouvernement est prêt à l'accepter -, que ces documents aient été ou non transmis au Conseil, qu'ils comportent ou non des dispositions de nature législative.

La disposition entre loi et règlement a volé en éclats au contact du droit européen. Elle n'est plus conforme à la réalité des textes qui nous sont transmis et qu'il nous est demandé d'adopter. De toute façon, dans ce domaine-là, nous n'exerçons pas notre fonction de législateur, nous ne faisons pas la loi au sens de l'article 34 de la Constitution, nous exerçons notre fonction de contrôle, un contrôle qui doit s'étendre à l'ensemble des activités du Gouvernement, y compris à ses initiatives européennes.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, depuis hier, l'Assemblée nationale débat de la révision de la Constitution nécessaire à l'adoption du traité d'Amsterdam. Les Français le savent-ils ? En janvier prochain, l'Assemblée nationale et le Sénat réunis en congrès devraient se prononcer. Les Français le savent-ils ? D'ici à la fin du mois de mars 1999, le même congrès devrait ratifier le traité d'Asmterdam. Les Français le savent-ils ?

M. François Loncle.

Il n'y a qu'à le leur dire !

M. Lionnel Luca.

Dans un pays où, chaque jour, un sondage paraît sur tout et rien, il n'y en a bizarrement aucun, ou il y en a très peu, pour connaître le point de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

vue des Français. Un tel silence étonne. De même, peu de retentissement a été donné, au printemps dernier, au fait que 62 % des Irlandais et 55 % des Danois aient approuvé, par référendum, le traité d'Amsterdam. Il semble donc que l'on ait plutôt choisi le chemin de l'occultation.

Pourtant, ce traité d'Amsterdam comporte nombre de dispositifs juridiques de première importance qui, comme en 1992, réduisent un peu plus la portée du principe de souveraineté nationale.

Pour ses partisans, le traité ne comporterait que des ajustements techniques d'une importance mesurée qui ne seraient que le complément du traité de Maastricht et, le peuple français ayant déjà eu à en débattre, il ne serait donc plus nécessaire que celui-ci ait voix au chapitre.

Ce discours de banalisation ne rend pas service à l'Europe que l'on prétend faire et donnera l'impression au peuple, une fois de plus, que la construction européenne se fait loin de lui et sans grande transparence.

Or, d'évidence, ce traité dépouille incontestablement et irrémédiablement la nation française de pans entiers de sa souveraineté.

Parmi eux, il y a ceux visés par le Conseil constitutionnel, et dont nous débattons, mais aussi le passage à la majorité qualifiée dans d'autres matières, l'instauration d'un mécanisme de sanction des Etats qui ne respecteraient pas un certain nombre de principes vaguement définis, par la suspension de leur droit de vote décidée à la majorité qualifiée de conseil, l'absence de mention du protocole sur l'application des principes de subsidiarité et d e proportionnalité. Ceux-ci ne doivent pas porter atteinte à la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg en ce qui concerne la relation entre le droit national et le droit communautaire. Or cette jurisprudence englobe le principe de primauté du droit communautaire dont la Cour a une vision très extensive et qui impose la supériorité de tout droit communautaire, même dérivé, sur tout droit national, même constitutionnel. L'article 54 de la Constitution, qui prévoit qu'un engagement international ne peut pas être ratifié s'il est contraire à la Constitution, est donc vidé de son sens.

Comment penser que le principe de souveraineté nationale ait encore une signification quand un règlement communautaire, pris à la majorité qualifiée à Bruxelles, peut déroger à la Constitution adoptée par le peuple français ? On regrettera que le Conseil constitutionnel ne se soit pas prononcé à ce sujet.

L'article unique qui nous est proposé ajoute un dispositif pour autoriser les transferts de compétence en matière de visa, d'asile, d'immigration et d'autres politiques liées à la libre circulation des personnes. Il reproduit en cela le même schéma qu'en 1992. On avait ajouté l'article 88-2 à la Constitution pour permettre les transferts opérés par le traité de Maastricht.

Or, à force de prévoir dans la Constitution des mécanismes dérogatoires qui portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, c'est le principe de souveraineté nationale lui-même qui perd toute portée. A supprimer progressivement chacun de ses attributs, c'est le principe lui-même qui est remis en cause.

Cette tactique du salami est inquiétante dans la mesure où le principe de souveraineté nationale n'est pas un principe de second rang dans la Constitution. Il est, dès le préambule, hissé à un niveau aussi important que les droits de l'homme : « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946. »

Cette souveraineté nationale que vous appelez en

« novlangue », - cette novlangue chère à George Orwell -

« souveraineté partagée », ressemble à s'y méprendre à la

« souveraineté limitée », chère à Leonid Brejnev, pour les pays frères de l'empire soviétique. Dès que le traité d'Amsterdam sera ratifié, un Etat sera né qui battra monnaie à Francfort, fera la loi à Bruxelles, peut-être à Strasbourg, rendra la justice à Luxembourg, mais laissera à Paris la seule prérogative régalienne de lever l'impôt. Joli cadeau ! Peut-on dans ces conditions refuser au peuple de s'exprimer, sous prétexte que le traité serait trop technique ou sans importance ? Quel argument bien faible ! Peut-il être sans importance s'il est trop technique ? Les Irlandais et les Danois l'on fait.

M. le président.

Monsieur Luca, pouvez-vous conclure ?

M. Lionnel Luca.

Je termine, monsieur le président. Les Français seraient-ils moins aptes à s'exprimer que les Irlandais ou les Danois ? Dès lors quelle valeur peut avoir la voie ainsi choisie pour faire l'Europe ? Quelle est cette logique qui consiste à décider que c'est la seule voie en rejetant, très démocratiquement, bien sûr, ceux qui la refusent dans le camp des adversaires de l'Europe ? Ce même discours, le général de Gaulle l'a subi en son temps, et l'histoire en a fait justice.

Le débat qui est le nôtre aujourd'hui est en quelque sorte virtuel. L'actualité du jour a détourné l'attention.

Avec un nombre de députés qui n'est pas digne de l'enjeu et une opinion chloroformée, le Parlement français va donc décider de s'effacer pour n'être plus qu'un conseil de région. Ce ne sera pas la première fois, malheureusement, dans notre histoire. Il a été dit hier que l'histoire nous départagerait.

Lorsque la France est en jeu, mesdames, messieurs les députés, c'est toujours la minorité qui dit non qui a raison. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Si nous n'avons pas déposé d'amendement, c'est, vous l'aurez compris, de manière délibérée. A cela, deux raisons principales.

D'abord, il nous semble nécessaire de ne pas chercher à vouloir changer de sujet. Nous sommes réunis pour modifier la Constitution en vue de la ratification du traité d'Amsterdam. Pour ou contre ? La question est là, nulle part ailleurs. C'est d'ailleurs pourquoi les amendements proposés sont ce que j'appellerai de « fausses fenêtres » absolues. Les faits sont têtus.

M. Hervé de Charette.

Et le désir s'accroît quand les faits se reculent... (Sourires.)

M. Jean-Claude Lefort.

Un traité, dès lors qu'il est adopté, s'impose sur le reste et, en l'espèce, le droit communautaire donne le droit national. Je prendrai deux exemples pour le montrer.

En juin 1977, l'Assemblée votait une résolution dans laquelle il était écrit que si le traité devait modifier le rôle du Parlement européen, cette modification « serait de nul effet à l'égard de la France ». Qu'en est-il de cette résolution ? Plus récemment, à propos du passage à l'euro, l'Assemblée a voté une résolution dans laquelle il était indiqué que nous demandions au président du directoire de la


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Banque centrale européenne de rendre périodiquement compte des objectifs et de l'action de la banque aux organes compétents de l'Assemblée nationale. Il y était d éclaré : « Nous approuvons, sous réserve de cesr emarques, les recommandations de la Commission européenne. » Qu'en est-il de ces recommandations

? De même, qu'en est-il des dix-sept résolutions adoptées par notre assemblée ? Fausses fenêtres...

Que l'on me comprenne bien, je ne dis pas que renforcer le rôle consultatif du Parlement, ainsi qu'il est proposé par ailleurs, serait négligeable. Bien évidemment, être consulté ne signifie pas décider. Nous aurions pu déposer un amendement pour que les ministres concernés par telle ou telle décision du Conseil européen viennent, avant chaque conseil, présenter à la commission compét ente de l'Assemblée la politique qu'ils entendent conduire dans les négociations, et que cette commission ait le pouvoir de fixer par une résolution, un cadre, un mandat de négociation - souple dans les moyens, mais clair dans les objectifs.

Nous n'avons pas déposé d'amendement pour une seconde raison sur laquelle je voudrais appeler l'attention du Gouvernement. C'est que l'on ne peut pas modifier la Constitution à la manière d'un artichaut ou d'un patchwork. Sont posés, outre les problèmes du rôle de notre assemblée, d'autres problèmes qui touchent à notre Constitution : la limitation du cumul des mandats,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Oh là là !

M. Jean-Claude Lefort.

La parité hommes-femmes,...

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas le sujet !

M. Jean-Claude Lefort.

... peut-être la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, le quinquennat,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Et les élections municipales ?

M. Jean-Claude Lefort.

... les dix commissions permanentes à l'Assemblée nationale au lieu de six.

Il nous faut donc une vision globale pour modifier la Constitution. On ne peut pas utiliser des cavaliers constitutionnels à tout bout de champ, sauf à perdre le sens des choses. Voilà pourquoi nous sommes résolument favorables à une modification englobant l'ensemble de ces questions. C'est pourquoi je demande au Gouvernement de prendre une nouvelle fois un engagement ferme sur ces questions, ce qui aurait pour conséquence de susciter une attention particulière de notre groupe, s'agissant de l'article additionnel, et faire tomber l'ensemble des amendements proposés.

M. le président.

Précisément, nous en venons à la discussion des amendements.

M. Myard et M. Guillet ont présenté un amendement, no 23, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article unique. »

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Je suis très conscient que cet amendement a peu de chance d'être adopté par l'Assemblée.

M. le président.

Dans ces conditions, soyez bref, monsieur Myard. Ne vous épuisez pas sur des choses qui vous paraissent inutiles.

(Sourires.)

M. Jacques Myard.

Attendez ! Appliquons le règlement. Vous n'allez pas me dire, monsieur le président, que vous avez envie d'en finir rapidement avec un sujet essentiel.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Toujours, avec lui...

M. Jacques Myard.

Le 2 octobre 1997, un ministre, qui n'est pas très loin d'ici, a signé le traité international d'Amsterdam. Le Conseil constitutionnel, mais ce ne fut pas une surprise, car nous l'avions alerté bien avant, a déclaré que cet accord remettait en cause l'exercice essentiel de la souveraineté en termes de contrôle des flux migratoires et de contrôles des personnes aux frontières.

On pouvait dès lors, bien évidemment, proposer de modifier la Constitution, et c'est ce que l'Assemblée est en train de faire. Je suis surpris que le Gouvernement n'ait pas envisagé une autre option, qui aurait consisté à renégocier le traité d'Amsterdam pour le rendre compatible avec la Constitution, je vois, monsieur le président, que vous êtes d'accord avec moi, puisque vous opinez du bonnet.

M. le président.

Non, c'est surtout que je comprenais ce que vous vouliez dire.

M. Jacques Myard.

Merci !

M. le président.

Et je pense que l'Assemblée elle aussi a compris.

M. Jacques Myard.

Je voulais dire que la Constitution s'impose à tout ministre, à toute autorité et que, dans ces conditions, la première démarche consistait à rendre cet accord compatible avec la Constitution. Ce qui est possible ! Il est possible, notamment par la voie des accords internationaux d'atteindre les mêmes objectifs sans pour autant aliéner notre souveraineté et sans porter atteinte à la Constitution et faire injure au peuple français souverain.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Puisque je vois que vous êtes d'accord avec moi, monsieur le président, je poursuis.

(Sourires.)

M. le président.

Ce n'est pas forcément utile.

(Sourires.)

M. Jacques Myard.

Si, visiblement vous souhaitez être convaincu.

(Sourires.)

M. le président.

Je suis comme ces magistrats qui, pendant que vous plaidez devant eux, opinent toujours du chef...

M. Jacques Myard.

Ah, on sent que vous êtes un homme de robe et nous pouvons là nous retrouver !

M. le président.

... pour signifier que vous êtes compris.

M. Jacques Myard.

Il est certain que l'on peut encore rendre le Traité compatible avec la Constitution sans défaire la Constitution, sans toucher à la souveraineté de la France.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission a repoussé l'amendement pour les raisons que vient d'exposer très brillamment M. Myard.

(Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Guillaume a présenté un amendement, no 18, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du II de l'article unique, substituer aux mots : "consentis les transferts" les mots : "consenties les délégations". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

Nous avons déjà, me semble-t-il, examiné cette question, monsieur Guillaume ?

M. François Guillaume.

Pas du tout, monsieur le président.

M. Jean-Claude Daniel.

Disons que l'on en a déjà parlé.

M. François Guillaume.

Je propose dans cet amendement de substituer au concept « transfert de compétences » le concept « délégation de compétences ».

Le mot « transfert », par son caractère définitif et irréversible, marque un abandon de souveraineté. Il est quasiment impossible - parce que cela créerait une situation conflictuelle aussi tendue que celle que nous avons connue lors de la crise de la chaise vide en 1965 et 1966 - de reprendre un transfert, alors que l'on peut reprendre une délégation de compétences.

Qui plus est, et là je pose une question à Mme la garde des sceaux, qui n'écoute d'ailleurs pas... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Guillaume !

M. François Guillaume.

Le garde des sceaux pourrait tout de même être poli.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Au moins, elle ne lit pas. (Sourires.)

M. le président.

Poursuivez, monsieur Guillaume.

M. François Guillaume.

Pourquoi, madame la ministre, transférer avant cinq ans, puisque le maintien de la règle de l'unanimité pendant cinq ans permet à tout Etat membre de s'opposer à des dispositions de libre circulation des personnes ou d'harmonisation des politiques d'immigration, ce qui revient finalement à laisser à chaque Etat membre sa décision souveraine ?

M. le président.

Merci, monsieur Guillaume. Vous avez donc défendu les amendements nos 18 et 32.

Celui-ci, que vous avez également déposé, est ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa du II de l'article unique, supprimer le mot : "libre". »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Négatif, monsieur le président. Ils ont été rejetés par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Guillaume a présenté un amendement, no 33, ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa du II de l'article unique, supprimer les mots : "et aux domaines qui lui sont liés". »

La parole est à M. François Guillaume.

Mêmes explications, monsieur Guillaume ?

M. François Guillaume.

Non, monsieur le président.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie, il est normal que l'auteur de l'amendement s'exprime !

M. François Guillaume.

Le président de la commission, comme les ministres, n'est guère prolixe. Voilà qui prouve tout simplement qu'ils n'ont aucune réponse précise à apporter à nos objections.

M. le président.

Ceci compense peut-être cela. (Sourires.)

M. François Guillaume.

Je parlerai donc un peu plus longuement. (Sourires.)

Il s'agit de remplacer l'expression

« libre circulation des personnes » par l'expression « circulation des personnes ».

Certes, le traité d'Amsterdam utilise l'expression, je ne le conteste pas. Est-il pour autant judicieux de la reprendre dans notre Constitution ? En effet, elle mêle la question de la procédure de décision - transfert de compétences qui fait l'objet de la présente révision constitutionnelle - au contenu de la politique à mener, notamment à l'intensité des contrôles.

On ne peut pas laisser dans la Constitution interpréter

« libre circulation » par « circulation sans contrôle » !

M. le président.

Monsieur Guillaume, la discussion est déjà très compliquée et, en plus, vous défendez un amendement qui vient d'être rejeté ! Plus personne ne va rien y comprendre ! Nous en sommes, en effet, à l'amendement no 33 et non plus au no 32, monsieur Guillaume.

Je vous ai demandé de présenter l'amendement no

33. (« Il faut suivre ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. François Guillaume.

Tiens ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement, défendu ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

L'amendement a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

33. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Luca a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du II de l'article unique par les mots : "qui doivent être préalablement et précisément définis". »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

La souveraineté nationale repose, entre autres, sur les compétences déléguées qui doivent être précises et limitées. Jusqu'au traité d'Amsterdam, le droit européen des traités l'a toujours respectée : principe d'action dans les limites des compétences déléguées. Or ce traité fait voler en éclats le principe dit des compétences d'attribution avec deux clauses inédites, qui préparent, en fait, les débordements du super-Etat fédéral qu'on nous prépare.

D'abord, une clause arbitrale donne le droit à Bruxelles d'intervenir à n'importe quel moment dans n'importe quel domaine de compétences nationales dès lors qu'il s'agira de prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur le sexe, la race, l'origine ethnique, la religion, les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. On est loin d'une compétence précise et limitée ! Dans ces conditions, un nouveau paysage juridique s'élabore où les blancs-seings le disputent aux chèques en blanc ! Il s'agit purement et simplement d'une délégation de souveraineté qui permet l'interprétation et autorise en fait tous les abus. Clause redoutable entre les mains des « tontons flingueurs » de Bruxelles. (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

L'exemple du travail de nuit des femmes est caractéristique. Le 9 juillet dernier, la Commission européenne a mis en demeure la France de s'expliquer sur son laxisme en la matière au nom précisément de la discrimination à l'envers. Il en sera de même pour toute sa législation sociale. Une clause, la clause punitive, ouvre la possibilité à l'aréopage bruxellois de mettre sous tutelle un pays censé n'avoir pas respecté un certain nombre de principes vaguement définis.

Il me paraît donc nécessaire de préciser les conditions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis.

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Tout à l'heure, sur les trois amendements que je devais présenter, monsieur le président - vous voulez accélérer la procédure - vous m'en avez subrepticement « extorqué » un.

M. le président.

Je suis allé peut-être un peu vite, mais je n'ai « escroqué » personne ni « extorqué » quoi que ce soit.

M. François Guillaume.

Il y avait trois amendements, et je n'ai eu la parole que deux fois. Vous êtes passé sur l'amendement no 32, sans même m'avoir laissé le temps de le présenter.

M. le président.

Oui, mais nous en sommes maintenant à l'amendement no 9 !

M. François Guillaume.

Je trouve tout à fait anormale la façon dont vous présidez. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Chacun appréciera. Souhaitez-vous répondre à la commission ?

M. François Guillaume.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Rapidement alors !

M. François Guillaume.

C'est avec raison que M. Luca a proposé d'ajouter une précision. En effet, les termes

« aux domaines qui lui sont liés » peuvent donner lieu à des interprétations extensives. Par exemple, en cas de conflit, qui arbitrerait ? La Cour de justice européenne qui interpréterait alors notre propre Constitution,...

M. Michel Bouvard.

Comme d'habitude.

M. François Guillaume.

... ce qui serait vraiment inadmissible ? Madame la garde des sceaux, de deux choses l'une : ou bien, vous supprimez ce membre de phrase imprécis, ou bien, comme le propose M. Luca, vous ajoutez une énumération.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Monsieur le président, je vois que vous êtes un président sage et un bon prince, puisque nous sommes de bons sujets.

M. le président.

Décidément, je vais finir par donner raison à M. Guillaume !

M. Jacques Myard.

Nous sommes au coeur du débat et nous ne devrions donc pas passer aussi vite sur cet amendement plein de sérénité et parfaitement bien rédigé. De quoi s'agit-il ? Toujours de la même chose : qu'est-ce qui est délégué - compétence d'attribution - du pouvoir souverain des Etats ? L'amendement de M. Luca a le grand mérite de préciser, que toutes ces matières doivent être préalablement et précisément définies. C'est la sagesse même. La formulation du Gouvernement est beaucoup trop vague, beaucoup trop imprécise pour rencontrer notre agrément.

M. Pierre Lellouche.

Je demande à répondre au Gouvernement !

M. Lionnel Luca.

Et moi à la commission !

M. le président.

Non, mes chers collègues, et vous savez d'ailleurs déjà ce que le Gouvernement et la commission vous répondraient. (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. André, Séguin, Debré et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés ont présenté un amendement, no 44, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du II de l'article unique par les mots : ", l'engagement du Gouvernement, au terme de la période transitoire de cinq ans après l'entrée en vigueur dudit traité, devant procéder de la loi". »

La parole est à M. René André.

M. René André.

Cet amendement, présenté par les députés du groupe RPR, tend à prévoir le vote d'une loi, lors de l'éventuel passage de l'unanimité à la majorité qualifiée dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du traité. Volontairement, la nature de la loi n'est pas fixée.

Ce pourra être une loi simple, une loi organique ou une loi référendaire. Le choix bien entendu ne nous appartient pas. Comme il se doit sous la Ve République, il reviendra au seul pouvoir exécutif.

Cette disposition n'est en rien une condition mise à l'application du traité. Elle ne préjuge nullement du choix qui sera alors fait par les Etats européens en fonct ion des événements, des pratiques, de l'expérience commune acquise au cours des cinq années. Le passage à la majorité qualifiée sera une simple faculté ouverte aux

Etats, rappelons-le. Au cours des débats nous avons, sur ce point, entendu beaucoup d'arguments étonnants, dont le moindre n'était pas celui faisant référence au tac-o-tac, même s'il était humoristique. En effet, il ne s'agit pas pour nous de gagner au grattage puis au tirage. Monsieur de Charette, vous avez, en la matière, choisi le mauvais ticket ou le ticket perdant. Je ne partage pas votre argumentation, que je me suis permis de relire dans le compte rendu analytique. Pour expliquer votre comparaison avec le tac-o-tac vous dites : « Dès lors, ratifier aujourd'hui, c'est accepter par avance que, dans cinq ans, le système passe à la majorité qualifiée. » Non

! Le système pourra passer à la majorité qualifiée ! Ce n'est qu'une possibilité.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. René André.

C'est là tout simplement l'erreur de votre raisonnement. Nous ne pouvons pas vous suivre.

Avec cet amendement, nous voulons simplement que le parlement français ne laisse pas, dans cinq ans, le Gouvernement décider seul du passage à un système de décision majoritaire. Le problème de savoir comment chaque pays prendra sa décision est laissé à l'appréciation de chacun. Chaque pays décidera en fonction de ses propres lois constitutionnelles. Pour ce qui nous concerne, ce n'est


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

pas une affaire internationale ; c'est une affaire francofrançaise, une affaire de droit interne, une affaire intérieure. On ne peut donc pas parler de ratification à double détente - toujours cette référence au tac-o-tac ni d'une nouvelle condition pour la ratification du traité.

Vous avez dit, madame la garde des sceaux, que cette initiative rendrait inutile l'actuelle révision. Je ne vois pas comment vous pouvez affirmer cela. En effet, cette révision est l'exacte application de l'article 54 de la Constitution et elle répond à l'exigence du Conseil constitutionnel. Le vote d'une loi dans cinq ans ne peut être analysé comme une future révision. Une telle loi doit simplement être interprétée comme il se doit, à savoir une modalité institutionnelle élargissant, à l'occasion d'un événement précis, le champ de la responsabilité politique et démocratique. Pour le passage fondamental de l'unanimité à la majorité qualifiée, sur lequel nous ne portons pas de jugement, vous estimez qu'une simple résolution du Parlement serait suffisante. Convenez avec nous que, sur un point essentiel, vous réduisez là le Parlement à un rôle mineur.

M. Jacques Myard.

Il n'y a plus de Parlement !

M. René André.

A nos yeux, une décision positive ou négative qui serait limitée au seul Conseil européen réduirait non pas la légitimité de cette décision, mais sa portée. Un simple débat au Parlement, tel que vous l'avez proposé, révélerait une contradiction qui ne manquerait pas d'échapper à nos concitoyens. Oui, penseront-ils, l'affaire est suffisamment importante puisqu'il est prévu d'en débattre, mais elle est sans doute trop importante pour être sanctionnée par le vote du peuple ou de ses représentants. En défendant cet amendement, nous soulignons que cette étape constituera un changement d'envergure qui devrait, selon nous, faire l'objet d'une procédure ouverte de débat, de choix et de sanction démocratique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est très convaincant !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission des lois a repoussé cet amendement pour quatre raisons importantes, que je veux rappeler devant vous.

Première raison : la proposition de M. André est contradictoire avec la décision du Conseil constitutionnel.

M. Jacques Myard.

Non !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Celui-ci estime en effet qu'il convient de réviser la Constitution...

M. Michel Bouvard.

C'est nous qui faisons la Constitution !

M. Henri Nallet, rapporteur.

... parce que, éventuellement, dans cinq ans, la modification du système de décision sera arrêtée selon les règles du droit dérivé et non pas selon les règles intergouvernementales exigeant un traité, donc une loi.

M. Pierre Lellouche.

C'est une lecture, mais ce n'est pas la seule !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Monsieur Lellouche, c'est ce qui figure dans la décision du Conseil constitutionnel, nous en avons déjà parlé !

M. Pierre Lellouche.

Je répondrai à cela !

M. Henri Nallet, rapporteur.

La deuxième raison forte c'est qu'une telle disposition porterait en fait très gravement atteinte au mécanisme fondamental de nos institutions...

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est faux !

M. Henri Nallet, rapporteur.

... qui veut qu'une décision internationale relève d'abord de l'exécutif (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) , sans mandat de l'Assemblée.

M. Jacques Myard.

Mais non ! C'est un sophisme !

M. Henri Nallet, rapporteur.

La troisième raison importante sur laquelle j'appelle votre attention car elle a été évoquée par plusieurs membres de la commission appartenant à des groupes différents, c'est qu'en fait, que vous le vouliez ou non, adopter une telle disposition reviendrait à organiser la ratification du traité en deux étapes.

M. Jacques Myard.

C'est faux !

M. Alain Barrau.

Mais non, c'est l'évidence !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Enfin, dernière raison forte, si la motivation qui a conduit les auteurs de l'amendement à le défendre à nouveau ce soir est de permettre un débat politique public avant que le Gouvernement prenne sa décision conformément au texte constitutionnel, rien ne s'y oppose. Le système de la résolution, auquel nous avons eu recours pour l'euro, leur donnera satisfaction. En effet, il permet un débat et un vote.

M. Michel Bouvard.

Cela ne sert à rien les résolutions !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Nous ne savons pas ce que sera le Gouvernement dans cinq ans, mais on peut se demander ce qu'il ferait si l'Assemblée lui interdisait, par un vote, de passer à la majorité qualifiée. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Si la motivation qui vous inspire est bien celle que je viens d'indiquer,...

M. Michel Hunault.

Vous n'êtes pas convaincant !

M. Pierre Lellouche.

Vous avez été meilleur, monsieur Nallet !

M. Henri Nallet, rapporteur.

... la Constitution vous donne déjà satisfaction et vous n'ajouterez rien, sinon de la défiance, à vouloir mettre une nouvelle condition à la ratification du traité d'Amsterdam. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Les applaudissements sont maigres !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Monsieur André, bien qu'ayant déjà abordé cette question à deux reprises, apparemment je ne vous ai pas convaincu. Henri Nallet a aussi exprimé, de façon tout à fait brillante (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), les raisons pour lesquelles on ne pouvait accepter cet amendement, et M. de Charette l'a fait tout aussi brillamment hier.

M. Michel Hunault.

Vous allez le gêner !

M. Jacques Myard.

Sophisme !

Mme la garde des sceaux.

Je doute donc d'arriver à vous convaincre, mais je vais vous répéter les raisons du refus du Gouvernement.

M. Jean-Louis Debré.

Elles ne sont pas bonnes !

Mme la garde des sceaux.

Il est exact que, si nous subordonnions aujourd'hui l'action du Gouvernement dans cinq ans au vote d'une loi, nous rendrions inutile la révision constitutionnelle dont nous débattons. (Protestations sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. Michel Hunault.

Mais non !

Mme la garde des sceaux.

Cela résulte exactement de l a décision du Conseil constitutionnel. Peut-être M. Lellouche aura-t-il plus de considération pour le Conseil constitutionnel que pour moi et voudra-t-il bien écouter sa décision !

M. Pierre Lellouche.

Je l'ai lue, madame !

Mme la garde des sceaux.

Dans son considérant 24, le Conseil constitutionnel précise en effet qu'« un tel passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée et à la procédure de « codécision » ne nécessitera, le moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale et ne pourra ainsi pas faire l'objet d'un c ontrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution ».

M. Jacques Myard.

Cela n'a rien à voir ! C'est du niveau de la capacité en droit !

Mme la garde des sceaux.

C'est bien parce que nous révisons aujourd'hui la Constitution, c'est bien parce que le Conseil constitutionnel a estimé que le passage à ces nouvelles règles de décision ne nécessitera, le moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale qu'il ne pourra pas y avoir de contrôle de constitutionnalité. Il n'y a donc pas lieu de procéder à la ratification en deux étapes.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'argumentation ne tient pas en droit !

M. Jacques Myard.

Cela ne tient pas la route !

Mme la garde des sceaux.

J'ajoute, comme vient de le faire Henri Nallet, que de toute façon, dans cinq ans, le Parlement pourra toujours se prononcer...

M. Jacques Myard.

Eh bien alors, inscrivez-le !

Mme la garde des sceaux.

... et que le gouvernement français en place dans cinq ans pourra toujours bloquer le passage à la majorité qualifiée s'il le veut, puisque c'est une décision qui devra être prise à l'unanimité des Etats.

Si le Parlement le lui demande par un vote, je n'imagine pas qu'il puisse agir autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Debré.

Eh bien dites-le !

M. Jacques Myard.

C'est ce que nous voulons inscrire dans la Constitution !

M. le président.

Mes chers collègues, compte tenu de l'importance de cet amendement, nous allons organiser quelque peu notre discussion. Je donnerai la parole à l'un de nos collègues qui s'exprimera contre l'amendement, puis à ceux qui me l'ont demandé, pour répondre au Gouvernement et à la commission : M. Pandraud et

M. Lellouche. Ensuite, vous considérerez, comme moi, que l'Assemblée sera suffisamment informée, du moins je l'espère. Mais je vois que M. Lequiller souhaite intervenir. Je lui donne donc la parole pour l'amendement, et M. de Charette s'exprimera contre. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous avez la parole, monsieur Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Je considère qu'il est normal d'associer le Parlement à ce débat, eu égard aux incidences qu'aura le passage à la majorité qualifiée dans les domaines concernés.

M. Jacques Myard.

C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Pierre Lequiller.

L'Europe y gagnera en transparence.

Nous sommes tous d'accord sur ces bancs pour reconnaître - vous l'avez vous-même dit, Madame la ministre - que dans cinq ans le Gouvernement quel qu'il soit ne pourra cautionner le passage à la majorité qualifiée sans avoir l'aval du Parlement. De même que notre assemblée a voté une résolution au moment du passage à l'euro, on n'imagine pas un Gouvernement passer outre le vote du Parlement, qu'il se manifeste sous forme de loi ou sous forme de résolution.

J'ajoute que c'est à la demande de la France, donc du Président de la République et du Premier ministre, que ce délai de cinq ans a été introduit dans le traité d'Amsterdam. Ils ont voulu ainsi que la France puisse faire le point au terme des cinq ans. A l'heure où l'on veut revaloriser le Parlement sur les questions européennes, il est normal qu'il soit consulté à ce moment. Ce sera d'ailleurs le cas du Bundestag.

M. Jacques Myard.

Bien sûr !

M. Pierre Lequiller.

Je rappelle que sur l'euro, un vote a eu lieu au Bundestag auquel j'ai assisté. Les parlementaires allemands avaient été consultés pendant quatre mois, de janvier à fin avril 1998.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Ce n'est pas passé à la sauvette comme ici !

M. Pierre Lequiller.

Au terme de cette consultation, d'auditions multiples, le gouvernement a fait une déclaration sur le passage à l'euro qui a été suivie d'un débat...

M. Jacques Myard.

Bien sûr !

M. Pierre Lequiller.

... d'un renvoi en commission, puis d'un vote des députés. Quand on connaît la préoccupation du peuple allemand pour la question de l'euro, on ne peut que souscrire au processus qui associe les parlementaires à la mise en oeuvre de décisions aussi importantes. Je voterai donc l'amendement no 44,...

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Pierre Lequiller.

... mais pas pour les mêmes raisons que M. Myard. Je le voterai parce que je crois que l'Europe a tout à gagner à ce que les décisions soient prises démocratiquement.

M. Michel Bouvard.

Nous aussi, on le croit !

M. Pierre Lequiller.

Je le voterai en souhaitant le succès d'Amsterdam, convaincu que, dans cinq ans, on passera à la majorité qualifiée, comme le prévoit le traité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jacques Myard.

Dans cinq ans, on dansera la carmagnole !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Nous discutons là d'un amendement de fond. En réalité, il existe deux lectures de ce qui est proposé à la France dans ce traité.

M. Jean-Louis Debré.

La bonne et la mauvaise !

M. Pierre Lellouche.

La première lecture, dont j'ai montré hier soir qu'elle était partagée, assez curieusement d'ailleurs, tant par Mme Guigou et par M. de Charrette d'un côté, que par M. de Villiers et les communistes de l'autre, consiste à dire que la révision constitutionnelle et la ratification valent, par avance, approbation par la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

République française d'un éventuel transfert vers la communautarisation après l'accord du seul exécutif dans cinq ans. Autrement dit, une fois le traité ratifié, tout le reste est du droit dérivé, seul l'exécutif a le droit de se prononcer, le reste de la République n'a pas à être consulté. Donc, tout se joue aujourd'hui. Les uns en tirent d'ailleurs argument pour réclamer un référendum tout de suite...

M. Gérard Gouzes.

Et un deuxième dans cinq ans ?

M. Pierre Lellouche.

... parce que l'affaire est trop grave pour se limiter à cette seule assemblée. Selon eux tous les Français doivent être consultés. C'est ce qu'ont dit hier soir les communistes et d'autres personnes sur divers bancs de l'hémicycle.

A l'inverse, d'autres - M. de Charrette, Mme Guigou -, nous disent qu'il ne faut surtout pas toucher à l'équilibre de la Constitution et du traité car sinon nous mettrions en péril nos institutions et surtout nous ferions une double ratification.

M. Jacques Myard.

Cela n'a rien à voir !

M. Pierre Lellouche.

C'est une lecture. J'ai écouté avec attention ceux qui la défendent, mais elle me paraît infondée politiquement et juridiquement, et je vais m'efforcer d'expliquer pourquoi.

Premier point : le traité d'Amsterdam n'est pas le traité de Maastricht. Dans ce dernier une série de phases s'emboîtaient les unes dans les autres pour mener inéluctablement à une conclusion voulue à l'avance : l'arrivée de la monnaie unique. C'était la décision des gouvernements et des peuples souverains qui ont ratifié ce traité que d'instaurer la monnaie unique. Quant au traité d'Amsterdam, je prétends qu'il est construit sur un système à double détente et de double décision. Il s'agit, en effet, d'ouvrir la possibilité, la faculté, l'éventualité de passer à la communautarisation dans un deuxième temps et sur la base d'un vote à l'unanimité de l'ensemble des pays membres de l'Union, dès lors, il y a bien deux phases, quoi qu'en dise le Conseil Constitutionnel.

M. Gérard Gouzes.

Ah bon !

M. Pierre Lellouche.

Que je sache d'ailleurs, le Conseil constitutionnel ne fait pas la loi dans ce pays, il l'interprète ! Je tiens à vous rappeler ce point fondamental, mesdames, messieurs : la loi est faite, ici, par le peuple et non par des juges.

M. Gérard Gouzes.

Oui, mais ce sont les gardiens de la Constitution !

M. Pierre Lellouche.

On peut considérer que la lecture du Conseil constitutionnel est incomplète, car je vous mets au défi de me montrer en quoi l'article 67 du traité d'Amsterdam interdirait à la représentation nationale, au peuple français, ou à quelque autre peuple d'ailleurs, d'être consulté au moment où les exécutifs devront se décider. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Le deuxième point est d'ordre constitutionnel. Après tout, nous sommes des législateurs et vous nous demandez, madame la ministre de la justice, d'interpréter la Constitution comme si nous devions donner à l'exécutif, c'est-à-dire à vous-même aujourd'hui et à vos éventuels sucsesseurs dans cinq ans, six ans, sept ans ou huit ans,...

M. Alain Cacheux.

Ce sera toujours nous !

M. Pierre Lellouche.

... une sorte de chèque en blanc, de délégation de compétences dans des matières fondamentales qui relèvent de la loi, article 34, et pour une durée sans précédent. En effet, selon le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution relatif aux habilitations et aux ordonnances le Parlement ne peut habiliter l'exécutif à faire la loi à sa place que « pendant un délai limité ».

Et vous nous demandez de vous transférer cette compétence souveraine qui est celle de faire la loi dans le domaine de l'immigration, de l'entrée et du séjour des étrangers, voire du code de la nationalité, sans délai.

Autrement dit, vous nous demandez un chèque en blanc pour huit ans, dix ans, douze ans ! J'ajoute que nous ne connaissons même pas la composition de la future Union. Nous sommes quinze aujourd'hui, mais ni vous ni votre collègue des affaires européennes n'êtes capables de nous dire combien nous serons dans cinq ans ! Sur quoi portera l'accord ? Je n'en sais rien ! Les visas de six mois, les visas de dix ans, les conditions de séjour, le permis de travail ? Personne n'en sait rien ! Vous nous demandez une délégation qui vaut chèque en blanc.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) M. de Charette, du haut de sa science, nous a dit...

M. le président.

Bien !

M. Pierre Lellouche.

Attendez, je termine, monsieur le président, c'est fondamental ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Il faut terminer, monsieur Lellouche.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Calmez-vous ! Je sais que ces arguments vous ennuient, mais ils sont fondamentaux ! M. de Charette nous a dit hier, du haut de sa science : c'est le grattage et le tirage. Moi, je dis ... M. Robert Gaïa. Calmement alors ! M. Pierre Lellouche. Moi, je dis, permettez qu'une délégation de souveraineté aussi importante confiée du législatif à l'exécutif sans aucune date, sans aucun contenu, sans aucune limitation de contenu, équivaut non pas à un grattage ou à un tirage, mon cher monsieur de Charette, mais à un véritable loto ! On ne connaît, encore une fois, ni le contenu, ni l'identité du gouvernement, ni l'identité de l'Europe. (« Démago ! » et protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Merci, monsieur Lellouche ! M. Pierre Lellouche. Je conclus, monsieur le président.

Non seulement cet amendement est fondé, mais si vous pensez qu'il vient modifier l'équilibre de nos institutions, c'est que vous n'avez pas lu l'article 38. Et si tel est votre opinion, je vous demanderai ce soir de prendre l'engagement d'écrire dans la Constitution que tout gouvernement, dans cinq, six ou sept ans, engagera sa responsabilité devant cette assemblée.

En effet, madame la ministre, supposez que l'exécutif soit d'accord avec les quatorze, quinze ou seize autres membres pour passer au vote à la majorité qualifiée mais que, le lendemain, ici même, les Français étant contre, ce gouvernement soit renversé.

M. Robert Gaïa. Ça, c'était la IVe République ! M. Pierre Lellouche. Que se passerait-il alors ? La décision du Conseil s'imposerait à la France, mais nous n'aurions plus de gouvernement.

Dans ces conditions, l'alternative est la suivante : ou bien vous acceptez l'amendement présenté par le RPR et soutenu par un certain nombre de députés, y compris au groupe Démocratie libérale et Indépendants ; ou bien vous n'acceptez pas cet amendement et vous vous enga-


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gez, à l'avance, à inscrire dans la Constitution l'engagement de la responsabilité des gouvernements qui vous succéderont. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe de Villiers. Bravo !

M. le président.

Sans vouloir réduire le débat, je précise quand même que ces explications ont déjà été données dans le cadre de la discussion générale...

M. Jean-Louis Debré.

Elles étaient intéressantes !

M. le président.

Sans doute, et c'est la raison pour laquelle le débat est quelque peu organisé.

La parole est à M. de Charette, à qui je demande d'abandonner la Française des Jeux (Sourires), parce que tout cela ne nous fait guère avancer.

M. Hervé de Charette.

Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de reprendre mes jeux de mots d'hier. Je désire seulement m'adresser au groupe RPR. Je regrette que

M. Lellouche mette quelque passion dans ses propos.

M. Bernard Accoyer.

Il a des convictions, au moins !

M. Hervé de Charette.

Comme c'est dans son style, je ne lui en voudrai pas. Cependant, je pense que nous devons être capables de nous exprimer ici avec calme, avec sérénité, même lorsque c'est pour constater qu'il y a des différences d'appréciation. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Or il y en a une, entre le groupe UDF et le groupe RPR, sur cette question importante. Je ne développerai pas des arguties juridiques pour vous le prouver car nous n'avons pas intérêt à donner à l'opinion publique l'impression que plane un doute sur ce que nous voulons faire.

En ratifiant le traité d'Amsterdam, nous nous dirigeons vers un système dans lequel nous mettons ensemble - à quinze aujourd'hui, peut-être à davantage demain, peu importe - notre politique de l'immigration, de la libre circulation, des visas et de l'asile, afin d'être plus efficaces.

M. Philippe de Villiers.

C'est de la folie !

M. Hervé de Charette.

Peut-être, mais c'est ainsi. Alors ne ratifiez pas, c'est très simple.

M. Pierre Carassus.

Eh bien, voilà ! Il ne faut pas ratifier !

M. Hervé de Charette.

Et pour mettre ensemble, nous convenons que la bonne procédure, c'est la communautarisation. Mais comme nous voulons, par mesure de précaution, vérifier que c'est bien ainsi que les Quinze vont agir, nous prenons un temps probatoire pour le faire.

Ce temps probatoire ne remet pas en cause l'objectif final. Voilà pourquoi j'ai dit hier, de façon très claire : que c'était ce qui se passerait dans cinq ans, sauf si l'on devait s'apercevoir qu'un certain nombre d'Etats membres ne jouent pas le jeu. Voilà ce qui sera fait.

M. Michel Bouvard.

C'est au Parlement d'en juger !

M. Hervé de Charette.

Il s'agit d'une décision de fond sur laquelle nous devons à nos concitoyens de nous exprimer clairement. Voilà la raison politique pour laquelle je crois nécessaire d'aller dans cette direction.

Les arguments de droit, nous les avons tous exposés.

M. Jacques Myard.

C'est faible !

M. Hervé de Charette.

Je trouve ceux que j'ai avancés meilleurs que les vôtres, mais je les ai pris en considération, chacun décidera et nous voterons.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lefort.

M. Jean-Claude Lefort.

Je comprends la passion de notre collègue Lellouche, qui opère en quelque sorte par déplacement des lignes. Il est très en colère et je le comprends parce que ce traité a été négocié par le Président de la République et l'ancien gouvernement.

M. Pierre Lellouche.

Oh, pas de politique politicienne, c'est indigne !

M. Jean-Claude Lefort.

C'est sa façon à lui de s'en prendre à l'ancien gouvernement et au Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Parlez du fond, monsieur Lefort !

M. Jean-Claude Lefort.

Je comprends la passion de notre collègue, qui se sent peut-être floué. Il établit un lien intime entre cet amendement et le traité d'Amsterdam. Or il s'agit, si on veut parler sérieusement et c'est nécessaire, de renforcer le rôle et le pouvoir du Parlement dans la construction européenne, de parler et de mettre à plat les questions qui se posent. Par exemple, quand 80 % des décisions européennes de la législation nationale nous viennent de Bruxelles,...

M. Jacques Myard.

C'est scandaleux !

M. Jean-Claude Lefort.

... on ne peut pas parler de subsidiarité. Ces questions sont bien réelles et vous connaissez notre opinion en la matière.

M. Pierre Lellouche.

Alors où est le problème ?

M. le président.

Laissez terminer M. Lefort, s'il vous plaît !

M. Jean-Claude Lefort.

Le vrai problème, monsieur Lellouche, que vous venez de soulever avec votre passion qui ne me choque pas du tout, dès lors qu'elle est respectueuse des autres -, c'est que vous vous enfermez dans une nasse terrible : si vous liez votre vote sur le traité d'Amsterdam au sort qui sera réservé à cet amendement, il vous faudra, mon cher Lellouche, voter contre Amsterdam ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Carassus.

Très bien !

M. Henri Cuq.

Vous êtes mal placé pour donner des leçons !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

En entendant notre collègue André, je me posais une question simple : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Jamais le Conseil constitutionnel n'a dit...

M. Pierre Lellouche.

Et le législateur, que dit-il ?

M. Gérard Gouzes.

... que lorsque le transfert se fait immédiatement, puisque les décisions vont être prises à l'unanimité, il y a inconstitutionnalité. Il dit clairement que la potentialité d'inconstitutionnalité ne viendra que lorsque le Conseil, à l'unanimité, aura décidé de passer à la majorité qualifiée.

M. Michel Bouvard.

Raison de plus pour débattre !

M. Gérard Gouzes.

Cela signifie, mes chers collègues, que vous posez un problème qui n'existe pas.

M. Jacques Myard.

Le gag !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. Gérard Gouzes.

Si vous le posez ainsi, c'est qu'il y a une raison. Je crois sincèrement qu'il existe au RPR des Européens convaincus.

Mme Nicole Catala.

Il n'y a que cela !

M. Gérard Gouzes.

Mais je crois aussi que d'autres sont convaincus, tout simplement, que l'Europe n'est pas une bonne chose.

M. Jean-Louis Debré.

Oh, pas de leçons, demandez son avis à Chevènement !

M. Gérard Gouzes.

C'est vrai que, dans ce contexte, il est difficile au RPR de ne pas apparaître divisé. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Jacob.

Regardez-vous !

M. Gérard Gouzes.

C'est tout à fait légitime, chacun peut le comprendre. Je ne vous ferai pas le reproche d'essayer de conserver l'unité du RPR, cela me paraît aller de soi. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Louis Debré.

On n'a pas besoin de vous ! Occupez-vous de l'unité du parti socialiste !

M. le président.

Mes chers collègues !

M. Gérard Gouzes.

Vous êtes obligés immédiatement de faire le grand écart, c'est-à-dire, en l'occurrence, de la

« manipulation constitutionnelle ».

M. Jean-Louis Debré.

Vous n'avez aucun argument !

M. Gérard Gouzes.

Je vous citerai, pour conclure, une phrase de l'un des vôtres : « La révision, la ratification, c'est à prendre ou à laisser. »

M. Jean-Louis Debré.

Nous, on laisse !

M. Gérard Gouzes.

« Nous ne pouvons pas nous prononcer sur la réforme constitutionnelle sans mesurer à quoi nous engage ce traité. Maastricht n'est pas négociable et on ne changera pas le traité par le biais d'une manipulation constitutionnelle. »

C'était M. Séguin et, à l'époque, M. Séguin avait des convictions. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je crains qu'aujourd'hui, à vouloir les avoir toutes, vous n'en ayez plus aucune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud, et ce sera la dernière intervention.

M. Robert Pandraud.

Elle sera brève et je serai serein, monsieur le président.

M. Jean-Louis Debré.

Enfin !

M. Henri Cuq.

Voilà quelqu'un de sérieux !

M. Robert Pandraud.

Je n'arrive pas à comprendre, madame la garde des sceaux, votre respect du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Louis Debré.

C'est Dumas qui le préside...

M. Robert Pandraud.

J'ai peut-êre la naïveté de penser que nous sommes ici en tant que constituants.

M. Jacques Myard.

Bien sûr !

M. Robert Pandraud.

Les décisions que nous sommes amenés à prendre s'imposent au Conseil constitutionnel.

J'ai regretté, en son temps, l'élargissement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : car si cette jurisp rudence avait exercé le même contrôle sous la

IIIe République, je ne suis pas sûr que le droit syndical aurait été autorisé.

M. Jacques Myard.

Souvenez-vous en !

M. Robert Pandraud.

Du moins l'aurait-il été avec vingt ou vingt-cinq ans de retard.

Je ne vois vraiment pas pourquoi vous nous donnez comme argument d'autorité la position du Conseil constitutionnel. En la matière, en tant que formation constituante, nous avons davantage de pouvoir et les décisions que nous prenons s'imposent au Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jacques Myard.

Nous sommes sous le gouvernement des juges !

M. Robert Pandraud.

Par ailleurs, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la délégation, vous l'avez dit : il sera toujours possible dans cinq ans qu'une résolution soit votée par votre assemblée.

Je reprendrai alors l'argumentation de M. Lefort. Nous y avons déjà cru ! Souvenez-vous de la résolution que nous avons votée sur l'euro. Or que s'est-il passé depuis ? A-t-on entendu, dans une formation quelconque, M. Duisenberg ou un de ses valeureux adjoints ?

M. Jacques Myard.

C'est M. Tietmeyer le patron !

M. Robert Pandraud.

Ou M. Tietmeyer, ou un de ces banquiers cosmopolites (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

M. Trichet !

M. Robert Pandraud.

... qui s'opposent à toute politique ? Je m'étais réjoui que le nouveau ministre de l'économie allemand veuille dicter sa loi à la Bundesbank.

M. Jacques Myard.

Et à Cohn-Bendit ! (Sourires.)

M. Robert Pandraud.

Mais j'ai été obligé de constater qu'hélas M. Lafontaine, comme beaucoup d'autres dans notre pays appartenant à toutes les sennsibilités, a fini par céder devant les directeurs des instituts d'émission...

M. Jacques Myard.

Eh oui !

M. Robert Pandraud.

... qui, nommés par nous, prennent très vite l'indépendance que nous leur avons donnée.

Vous estimez que la communautarisation entraînera en matière de contrôle aux frontières des progrès par rapport à la situation actuelle. C'est peut-être vrai, auquel cas je m'en réjouirai. Des arguments plaident effectivement en ce sens. D'autres, non moins légitimes pèsent dans le sens opposé. Certains estiment, par exemple, que la communautarisation accroîtra le désordre.

Je me demande malgré tout si le problème que ni les uns ni les autres n'avons pu régler sur le plan national sera plus aisément réglé sur le plan européen. Je n'en sais rien, vous non plus, personne n'en sait rien.

Sans faire référence à la Française des jeux, je dirai que nous prenons tout de même un pari. Et il serait bon que dans cinq ans, quel que soit le gouvernement de l'époque, que la majorité parlemementaire, car le Parlement existe, prenne une position et qu'une loi puisse intervenir. Pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

aborder l'inconnu, mieux vaut s'assurer de quelques repères. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

44. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Luca a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du II de l'article unique par la phrase suivante : "L'atteinte aux conditions essentielles d'exercices de la souveraineté nationale est définie indépendamment du caractère régalien ou autre, des domaines concernés par le transfert des compétences consenties". »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Cet amendement s'inscrit dans le cadre de ce qui a été dit concernant le Conseil constitutionnel. Le 31 décembre 1997, celui-ci a considéré que la souveraineté nationale s'exerçait dans certains domaines et que, dans d'autres, il n'y était pas porté atteinte. Il a joué sur les conditions « essentielles » d'exercice de la souveraineté nationale.

S'il est porté atteinte aux conditions non essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, le transfert de compétences n'est pas contraire à la Constitution. Cela signifie donc qu'un transfert de compétences n'est pas, par lui-même, considéré comme contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Mais s'il est porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de cette souveraineté, le transfert de compétences sera considéré comme contraire à la Constitution.

En résumé, dans certains domaines touchant par nature auxdites conditions essentielles, ce n'est pas le transfert de compétences qui est par lui-même contraire à la Constitution mais bien les modalités d'exercice de ces compétences par la Communauté. Ce nouvel assouplissement, qui intervient après les décisions du 22 mai 1985 et du 30 décembre 1976, pose un véritable problème.

C'est pourquoi je propose de remédier à cette difficulté et de définir concrètement l'exercice de la souveraineté nationale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Luca a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du II de l'article unique par la phrase suivante : "L'atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ne s'apprécie plus libéralement lorsqu'il s'agit de contrôler la conformité de la Constitution à un engagement communautaire et de contrôler cette même conformité à un engagement international autre que communautaire". »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

L'allusion faite tout à l'heure au Conseil constitutionnel mérite qu'on y réfléchisse un peu plus. Cet amendement a donc une certaine importance.

M. le président.

Tout à fait. Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

L'amendement a été rejeté.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Xavier Deniau a présenté un amendement, no 50, ainsi rédigé :

« Compléter l'article unique par le paragraphe suivant :

« III. Le Conseil constitutionnel français conserve toutes ses compétences intérieures à la République et n'est en rien subordonné à la Cour de justice des Communautés européennes ou à tout autre organisme judiciaire à l'échelon européen. »

La parole est à Mme Nicole Catala, pour soutenir cet amendement.

Mme Nicole Catala.

En effet, M. Xavier Deniau est souffrant et je lui ai promis de défendre son amendement.

Lors de l'audition du ministre délégué chargé des affaires européennes par la commission des affaires étrangères, le 27 mai 1998, M. Deniau avait exprimé sa préocc upation, notamment au sujet des imprécisions du concept de subsidiarité ainsi que au sujet de la tendance de la Cour de justice des Communautés européennes à placer, dans ses décisions, les instruments juridiques de la construction européenne au-dessus de notre Constitution.

M. Moscovici lui avait répondu que le protocole sur la subsidiarité n'affectait pas les compétences du Conseil constitutionnel, mais qu'un conflit entre celui-ci et la Cour de justice des Communautés européennes n'était pas exclu.

Préoccupé par cette réponse, M. Deniau a déposé cet amendement afin que soit proclamée l'intégrité, si je puis dire, des compétences de la juridiction française et la prééminence de sa jurisprudence sur celle de la juridiction européenne. Notre collègue souhaite donc faire clairement reconnaître la supériorité du Conseil constitutionnel sur toute autre juridiction et faire reconnaître ainsi la supériorité de notre droit constitutionnel sur les textes européens et la jurisprudence européenne.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'imagine que, si elle l'avait fait, elle l'aurait repoussé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Il est évident que le Conseil constitutionnel n'est pas subordonné à la Cour de justice des Communautés européennes. Cet amendement est donc une simple pétition de principe. Le Conseil exerce son pouvoir en qualité de juridiction souveraine de la République. C'est d'ailleurs à la suite d'une de ses décisions souveraines que la Constitution est aujourd'hui révisée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

50. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle.

(L'article unique de la proposition de loi constitutionnelle est adopté.)


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Après l'article unique

M. le président.

Je suis saisi de sept amendements, nos 42, 15 corrigé, 55, 46, 53, 34 et 19, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 42, présenté par MM. André, Séguin, Debré et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au conseil de l'Union européenne, tous les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes ou de l'Union européenne, ainsi que tous documents émanant d'une institution européenne, à l'exception de ceux revêtant le caractère d'une mesure d'exécution.

« Des résolutions peuvent être votées, selon les modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée, sur les textes mentionnés à l'alinéa précédent.

« Les assemblées peuvent procéder à la constitution d'un organe paritaire afin de parvenir à l'adoption de résolutions communes.

« Sauf cas d'urgence dûment motivé, l'Assemblée nationale et le Sénat disposent d'un délai de six semaines, à compter de sa transmission, pour se prononcer sur une proposition d'acte de l'Union européenne. »

Sur cet amendement, MM. Douste-Blazy, de Charette et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, ont présenté un sous-amendement, no 49, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 42 :

« Une même résolution peut être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Dans ce but, il peut être constitué une commission mixte paritaire en vue de procéder à l'élaboration d'un texte commun soumis à chaque assemblée. »

Les amendements nos 15 corrigé et 55 sont identiques.

L'amendement no 15 corrigé est présenté par Mme Catala et M. Myard ; l'amendement no 55 est présenté par MM. Baumel, Michel Bouvard, Xavier Deniau, Galley, Guillaume, Guillet, Julia, Jean-Claude Lemoine, Luca, Mariani, Mignon, Terrot et Valleix.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Article 88-4. - Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat les projets d'acte ou de décision de l'Union européenne autres que ceux revêtant le caractère d'une mesure d'exécution.

« Des résolutions peuvent être votées, selon les modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée, sur les documents visés ci-dessus.

« Les assemblées peuvent constituer un organe paritaire destiné à permettre l'adoption de résolutions communes.

« Sauf urgence dûment motivée, les assemblées disposent pour se prononcer d'un délai minimal de six semaines à compter de leur saisine. »

L'amendement no 46, présenté par Mme Ameline, MM. Lequiller, José Rossi, Alain Madelin et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet sans délai à l'Assemblée nationale et au Sénat les proposition d'actes communautaires et les projets d'actes relevant des titres V et VI du traité sur l'Union européenne.

« Pendant les sessions ou en dehors d'elles, des résolutions peuvent être votées sur tout document issu des institutions européennes, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée. »

L'amendement no 53, présenté par M. Ligot et Mme Plagnol, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet dès leur t ransmission au Conseil des Communautés à l'Assemblée nationale et au Sénat les rapports d'information de la Commission et les projets d'actes communautaires.

« Pendant les sessions ou en dehors d'elles, des résolutions peuvent être votées sur tout document issu des institutions communautaires, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée. »

L'amendement no 34, présenté par M. Guillaume, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-4. Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également leur soumettre les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.

« Cette soumission est de droit dès lors que le président de l'une ou l'autre assemblée en fait la demande.

« Selon des modalités fixées par le règlement de c haque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés aux alinéas précédents. »

L'amendement no 19, présenté par M. Nallet, rapporteur, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 88-4. - Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union européenne, les projets ou propositions d'actes des Communautés européennes et de l'Union européenne comportant des dispositions de nature législative. Il peut également


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leur soumettre les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.

« Selon des modalités fixées par le règlement de c haque assemblée, des résolutions peuvent être votées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets, propositions ou documents mentionnés à l'alinéa précédent. »

La parole est à M. René André, pour soutenir l'amendement no

42.

M. René André.

En concluant mon intervention dans la discussion générale, j'ai évoqué la volonté du groupe du Rassemblement pour la République de sauvegarder et de renforcer les pouvoirs du Parlement, tout en contribuant à résorber le déficit démocratique qui marque trop la construction européenne, en tout cas aux yeux de nos concitoyens.

Cet amendement traduit notre souci. Il tend à permettre au Parlement d'exercer un véritable contrôle sur l'élaboration de la norme européenne. Pour ce faire, nous proposons une refonte totale de l'article 88-4 de la Constitution.

D'abord, nous suggérons d'étendre le dispositif de cet article à tous les projets ou propositions d'actes des Communautés ou de l'Union européenne ainsi qu'à tous les documents émanant d'une institution européenne, en dehors des mesures d'application d'importance mineure.

Ainsi, le Parlement sera au coeur du débat. Le Gouvernement n'opérera plus en quelque sorte le tri entre les documents qui sont soumis ou non à la délégation européenne.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. René André.

Comme vous l'avez dit hier, madame la garde des sceaux, le droit communautaire est original.

Il ne connaît pas la distinction entre le domaine de la loi et celui du règlement. Dès lors, pourquoi conserver ce critère en droit communautaire ? Pourquoi conserver la nature législative d'un projet d'acte européen alors que l'ensemble des normes et des institutions européennes l'ignorent ? Je rappelle que, dans le cadre de l'article 88-4, le Parlement exerce une fonction consultative, une fonction de contrôle, et non une fonction délibérative. Il n'y a pas de véritable révolution institutionnelle ou de remise en cause de l'équilibre constitutionnel. Les partisans du maintien de cette distinction devraient alors considérer que, lorsque notre assemblée exerce sa fonction de contrôle dans le cadre d'une commission d'enquête, par exemple, il conviendrait de respecter la répartition entre les articles 34 et 37.

Au-delà du droit communautaire, l'ensemble des institutions de l'Union ne sont pas organisées autour d'une distinction entre organe exécutif et organe législatif. Il n'existe pas de véritable exécutif au sein de l'Union, et le Parlement européen est en devenir ; il n'a pas encore une véritable fonction législative. Qu'on le veuille ou non, c'est une réalité. C'est donc un système original que l'on ne peut pas comparer à notre traditionnelle distinction entre les deux pouvoirs. Dès lors, madame la garde des sceaux, la distinction entre les articles 34 et 37, sur laquelle vous fondez votre raisonnement pour vous opposer à notre amendement, ne tient pas en droit communautaire.

La deuxième réforme que nous proposons vise à accroître le pouvoir du Parlement. Elle consiste à faire en sorte que, sur des textes importants, l'Assemblée et le Sénat puissent prendre des résolutions communes - et rien d'autre que des résolutions - pour adresser au Gouvernement un message clair et fort, qui aurait d'autant plus de poids que ces résolutions auraient été prises en des termes identiques par les deux assemblées. Je précise que cet amendement a recueilli l'accord de l'ensemble des groupes de l'opposition.

Enfin, nous proposons d'inscrire dans la Constitution la notion de « réserve d'examen parlementaire », qui n'est prévue, que par une circulaire du 19 juillet 1994 de M. Edouard Balladur, alors Premier ministre. Celle-ci, je le rappelle, vise à donner un mois de réflexion au Parlement dans l'examen des textes d'origine européenne.

Nous allongeons le délai à six semaines pour permettre au Parlement de travailler dans de bonnes conditions.

Par cet amendement, nous donnons à l'Assemblée l'opportunité, mais aussi la responsabilité, d'améliorer le contrôle du Parlement, et ainsi de rapprocher le citoyen de l'Europe. Cela devrait vous convenir, monsieur Lefort.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala pour soutenir les amendements nos 15 corrigé et 55 qui sont identiques.

Mme Nicole Catala.

Je compléterai ce que j'ai indiqué dans mon intervention sur l'article par quelques exemples qui démontreront le caractère incohérent de la situation actuelle.

J'ai déjà souligné que la communication de la décision de la Commission intitulée « Agenda 2000 », texte pourtant important, n'avait pas été soumis, par le Gouvernement à l'Assemblée au sens de l'article 88-4. On pourrait citer bien d'autres exemples de textes non soumis par le Gouvernement, soit parce qu'ils ne sont pas transmis par la Commission au Conseil, et que l'article 88-4 implique littéralement cette condition, soit parce qu'ils n'ont pas le caractère d'un acte communautaire ou ne comportent pas de dispositions de nature législative stricto sensu.

Deux exemples récents, en tout cas, peuvent être versés à ce dossier. Je vais les exposer en espérant qu'ils conduiront les parlementaires assis à gauche de l'hémicycle à comprendre que la situation actuelle est ubuesque et ne saurait durer.

Premier exemple, le Conseil d'Etat vient d'examiner un projet de proposition de décision du Conseil sur la représentation de la Communauté au niveau international dans le domaine économique et monétaire. Il s'agit de la représentation externe de l'euro. Mais ce projet de proposition du Conseil, n'ayant pas fait l'objet d'une transmission de la Commission au Conseil, a été écarté aux termes de l'article 88-4. Le Conseil d'Etat précise que, de toute façon, si ce texte avait été transmis au Conseil, la proposition ne relèverait pas du domaine de la loi. C'est pourtant une question fondamentale pour l'avenir. Qui s'exprimera dans les enceintes internationales au nom de la monnaie unique européenne ? On ne le sait pas. Notre assemblée n'a pas été saisie par le Gouvernement de la proposition qui va traiter de ce point essentiel. C'est pour le moins stupéfiant ! Le second deuxième exemple porte sur un projet de décision de la Commission modifiant une décision antérieure concernant les mesures d'urgence relatives à l'encéphalopathie spongiforme bovine. On a beaucoup parlé ces jours-ci de la levée progressive de l'embargo sur la viande britannique et les dérivés de viande bovine. Le Conseil d'Etat, là encore, estime que ce projet de décision n'a pas à être soumis à l'Assemblée, d'abord parce qu'il n'est pas certain qu'il ait été transmis au Conseil, ensuite


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

parce que certains articles du code de la consommation et du code rural prévoient en ces matières une large délégation au pouvoir réglementaire.

En conséquence, et alors que tout à l'heure le cas des harengs frais de Suède devait, nous disiez-vous, nous être soumis, nous n'allons pas être saisis de la levée de l'embargo sur les viandes bovines en provenance de Grande-Bretagne.

M. Alain Calmat.

Qu'est-ce que vous y connaissez de toute façon ?

Mme Nicole Catala.

Une telle situation est absurde. Il est temps de poser le principe que tous les projets communautaires, sauf les mesures d'exécution, doivent être soumis à l'Assemblée et au Sénat.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour défendre l'amendement no

55.

M. Michel Bouvard.

Beaucoup de choses ont déjà été dites et bien dites. Je n'ajouterai que deux observations.

Ces amendements nous offrent la possibilité de vérifier si le Gouvernement entend répondre à deux préoccupations très largement partagées sur ces bancs et qui font l'objet de déclarations régulières depuis le début de la législature. Souhaitons-nous ou non revaloriser le rôle du Parlement ?

M. Jean-Louis Debré.

Oui !

M. Michel Bouvard.

Souhaitons-nous ou non faire en sorte que la subsidiarité s'applique effectivement et que le Parlement joue un rôle en termes de contrôle de l'ensemble des dispositions de subsidiarité ? C'est le coeur du débat. Grâce à ces amendements, nous allons voir si le Gouvernement est prêt à traduire ses déclarations dans les faits ou si elles resteront lettre morte. Nous allons savoir si l'Assemblée nationale devra continuer de se contenter de pouvoirs limités, avec l'impossibilité de voir son rôle revalorisé, alors que le droit communautaire progresse chaque jour, et de jouir d'un véritable pouvoir d'action en matière de contrôle de la subsidiarité.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline, pour soutenir l'amendement no

46.

Mme Nicole Ameline.

Mon amendement va dans le même sens que les précédents, mais peut-être pas avec les mêmes motivations. Comme M. Gouzes a bien voulu le noter, je demande, en effet, la revalorisation des pouvoirs du Parlement afin de permettre à notre assemblée d'être résolument sur la voie européenne. Nous sommes vraiment au coeur du débat.

Je ne voudrais pas ajouter aux arguments qui ont été défendus à l'instant ; je les partage en grande partie. Sans prendre modèle sur les parlements voisins, il est toujours intéressant de s'inspirer de ce qui marche et de ce qui a montré son efficacité. Il s'agit de faire sa place et toute sa place au Parlement dans ce qui reste un rôle consultatif.

Personne, en effet, n'a remis en cause la compétence naturelle de l'exécutif dans ce domaine. Nous aurions pu d'ailleurs faire preuve de plus d'audace. Nous en sommes donc restés à un rôle purement consultatif, mais élargi.

C'est le sens de la modernité et de l'histoire.

Si nous ne réintroduisons pas un un dialogue constructif plus adulte entre l'exécutif et le législatif sur les questions européennes, ce sont les parlementaires qui subiront les premiers les effets du déficit démocratique dont nous parlons souvent. Notre responsabilité, à la fois politique et juridique, est mise en jeu.

C'est pourquoi, eu égard à l'importance des questions européennes qui affecteront de plus en plus la vie quotid ienne de nos concitoyens, eu égard au fait que l'article 34 n'est pas adapté au droit communautaire, le groupe Démocratie libérale et Indépendants considère qu'il faut impérativement profiter de l'occasion qui nous est donnée pour revaloriser le rôle du Parlement en prévoyant une extension de sa saisine à l'ensemble des actes communautaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot pour défendre l'amendement no

53.

M. Maurice Ligot.

Avec cette révision constitutionnelle, nous avons l'opportunité de renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement français sur les affaires européennes en général. Certes, il a déjà ce pouvoir sur les textes européens ayant un caractère législatif depuis la réforme de 1992. Mais, on l'a bien vu, c'est tout à fait insuffisant pour lui permettre d'avoir une vision complète d es questions européennes. Ainsi, le contenu d'Agenda 2000 n'a pu être examiné que de façon tangentielle et sans avoir une compétence directe.

Par cet amendement, il s'agit donc de mieux intégrer les préoccupations européennes dans le débat politique national.

L'évocation d'un risque pouvant peser sur l'équilibre institutionnel serait tout à fait injustifié en l'espèce puisque le Parlement, en vertu de l'article 88-4, n'exerce qu'un rôle purement consultatif. Donc le risque est très limité.

Je considère que l'amendement no 19 de la commission est beaucoup trop timide dans sa rédaction puisqu'il n'accorde un pouvoir complémentaire au Parlement que sur proposition du Gouvernement, ce qui est tout à fait insuffisant. Le Parlement doit avoir une prise directe sur l'ensemble des actes à caractère législatif et sur toutes les propositions de la Commission.

Je demande donc à l'Assemblée de préférer mon amendement à celui de la commission.

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume pour soutenir l'amendement no

34.

M. François Guillaume.

Sur tous ces bancs, on a le sentiment que les parlements nationaux risquent de souffrir d'un déficit démocratique. C'est pourquoi de nombreux amendements visant à renforcer leurs pouvoirs ont été déposés, même par ceux qui sont prêts à approuver sans réticence le traité d'Amsterdam.

L'amendement no 34, quant à lui, conformément au protocole no 13 annexé au traité, tend à renforcer les pouvoirs des parlements nationaux, mais avec une petite originalité. Je propose en effet qu'on donne le droit aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat de demander au Gouvernement la transmission de tout document émanant d'une institution de l'Union européenne.

M. le président.

La parole est à M. Hervé de Charette pour présenter le sous-amendement no 49 à l'amendement no

42.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. Hervé de Charette.

Le groupe UDF a en effet présenté un sous-amendement à l'amendement no 42 du groupe RPR. Je voudrais à cette occasion formuler deux observations.

Tout d'abord, tout le monde semble d'accord ici pour accroître le champ du contrôle parlementaire sur les actes communautaires. La question de savoir si on l'étend aux actes législatifs des deuxième et troisième piliers semble faire l'objet d'un accord unanime. Mais faut-il s'en tenir strictement aux actes de caractère législatif ou adopter la formule plus large, quoique non exhaustive, qui figure dans l'amendement du RPR ? De prime abord, la distinction entre acte législatif et acte réglementaire, à laquelle fait référence l'amendement de la commission des lois, m'a paru fondée. Puis j'ai considéré que, dès lors que l'avis rendu par le Parlement était de toute façon un avis, c'est-à-dire un élément consultatif, rien ne s'opposait de façon dirimante à ce que soit soumise au contrôle du Parlement la totalité des actes communautaires. Voilà pourquoi l'UDF apportera sa voix à l'amendement no 42 présenté par le groupe RPR.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien ! Hervé de Charette.

La seconde proposition, approuvée, si j'ai bien compris, sur l'ensemble des bancs de l'opposition, est de faire en sorte que les deux assemblées délibèrent et votent sur le même projet de résolution préalablement élaboré par un organe paritaire.

M. Gérard Gouzes.

C'est de la folie !

M. Hervé de Charette.

Cela marquerait un réel changement et donnerait une autorité accrue à la résolution adoptée par les deux assemblées.

Le groupe UDF a présenté un sous-amendement à l'amendement no 42 de façon à faire référence très explicitement à la procédure des commissions mixtes paritaires. Sous cette réserve, je pense que nous pourrions trouver un accord sur cette base.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 19 et donner l'avis de la commission sur les amendements présentés.

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission n'a pas examiné le sous-amendement no 42 et elle a repoussé l'ensemble des amendements qui viennent d'être présentés, leur préférant l'amendement no 19. Je vais expliquer pourquoi.

Le débat qui se déroule en ce moment est très intéressant et, me semble-t-il, assez consensuel sur plusieurs points. Ainsi, nous sommes tous d'accord pour considérer qu'il faut accroître le contrôle du Parlement sur les actes communautaires.

M. Jean-Louis Debré.

Montrez-le !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Nous sommes également d'accord pour considérer qu'il ne faut pas sortir du système de résolutions qui prévaut à l'heure actuelle...

M. Hervé de Charette.

Exact.

M. Henri Nallet, rapporteur.

... et que les résolutions ne doivent pas être des injonctions adressées au Gouvernement.

M. Hervé de Charette.

Absolument.

M. Michel Bouvard.

Mais ce sont des voeux pieux !

M. Henri Nallet, rapporteur.

En revanche, nous divergeons sur l'étendue de ce contrôle.

M. Gérard Gouzes.

Il y a un problème de constitutionnalité.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Certains proposent, comme dans l'amendement de M. André, que tous les actes de la Communauté et des institutions communautaires soient soumis au Parlement.

M. Michel Bouvard.

Qu'il y ait cette possibilité !

M. Gérard Gouzes.

C'est ridicule.

M. Christian Jacob.

C'est cela, le contrôle.

M. Georges Sarre.

A l'exception de ceux qui relèvent de la commitologie.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Mis à part, effectivement ceux qui relèvent de la commitologie, ils veulent ouvrir la possibilité de prendre des résolutions sur tous les actes.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Nous touchons d'emblée à une première difficulté. A cet égard, en effet, je vais vous décrire le système qui prévaut à l'heure actuelle, puisque, ce soir, votre rapporteur a deux casquettes : celle de rapporteur de la commission des lois et celle de président de la délégation.

Aujourd'hui, tous les actes communautaires, quelle que soit leur nature, sont à la disposition de votre délégation.

Nous pouvons donc nous saisir de n'importe quel acte communautaire...

M. Jacques Myard.

Pas dans les mêmes termes !

M. Henri Nallet, rapporteur.

... même s'il est vrai que nous ne pouvons prendre de résolutions que sur les actes du premier pilier ayant des conséquences législatives. Là réside la première difficulté.

Faut-il élargir la possibilité de prendre des résolutions à tous les actes ? (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Attendez, je vais vousr épondre en décrivant le travail que nous faisons ensemble au sein de la délégation.

Comment, en effet, allons-nous pouvoir opérer le tri entre un peu plus de cinq mille actes communautaires pris tous les ans, et parmi lesquels il faudrait choisir nous-mêmes ceux qui, de notre point de vue, pourraient faire l'objet d'une résolution. Autrement dit, se posera nécessairement le problème du filtre.

D evra-t-il être de nature parlementaire ? (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Devrons-nous imaginer un système de filtre autonome ? Devrons-nous, comme aujourd'hui, nous en remettre à la science du Conseil d'Etat, mais alors sur quels critères ? Telle est la raison pour laquelle j'appelle votre attention sur les conséquences d'une proposition que je peux comprendre et qui part, sans doute, d'un bon sentiment, mais qui risque de poser concrètement de très grandes difficultés dans le fonctionnement du Parlement.

M. Christian Jacob.

C'est un argument fallacieux !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Il me semble donc que l'amendement adopté par la commission des lois sur ma proposition est plus sage.

M. Jean-Luc Warsmann.

Pourquoi ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Ainsi seraient soumis aux délégations et au Parlement tous les actes des premier, deuxième et troisième piliers ayant des conséquences législatives. En gros, ils comprennent les principaux actes communautaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

Mme Nicole Catala.

Non !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Il s'agit notamment des propositions de directives et de règlements.

Certes, il y aurait probablement des déchets, madame Catala, mais nous avons l'habitude de les examiner très rapidement, le jeudi matin, et ils n'encombrent pas l'ordre du jour de la délégation, même s'ils sont parfois irritants.

Lorsque nous considérons que l'un des documents de la Communauté est important et a des conséquences politiques sur lesquelles il convient que nous débattions, nous nous en saisissons et essayons de convaincre la commission qui peut être saisie au fond de le reprendre à son tour. C'est ce que nous avons fait pour Agenda 2000.

Nous n'avons eu besoin de personne.

M. Jacques Myard.

Pas avec les mêmes effets !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Je crois même que ce document, qui ne pouvait pas donner lieu à résolution, a eu une importance politique relativement grande dans la mesure où il a inspiré le Gouvernement parce que nous avons travaillé à temps.

Autrement dit, le système que nous proposons, et qui me semble bien accompagner l'évolution de l'Union européenne, est beaucoup plus prudent et plus conforme tant à nos capacités de travail qu'à notre souci d'efficacité, que celui dans lequel nous pourrions être saisis de tous les actes parmi lesquels nous ne serions pas en mesure de faire le tri.

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous avez dit l'inverse !

M. Christian Jacob.

Il est écrit que les résolutions

« peuvent » être prises !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Il faudra bien toujours que quelqu'un fasse un tri entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas.

M. Michel Hunault.

Cela ne veut rien dire !

M. Christian Jacob.

Ce sera à nous d'en décider !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Je souhaite que l'on conserve au moins la distinction entre ce qui est de l'ordre législatif et ce qui ne l'est pas.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il s'agit de contrôle et non de pouvoir législatif.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Puisque le Gouvernement vous opposera sans doute des arguments de fond, j'ai préféré appeler votre attention sur des arguments de fait.

Comme nous nous disons tout ce soir, je veux vous poser une question avec un peu de solennité et beaucoup de courtoisie : voulez-vous vraiment que l'on contrôle tous les actes de la Communauté, à fond et de manière systématique ?

M. Jean-Louis Debré.

Il faut faire plus !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Venez donc nombreux travailler au sein de la délégation ! Soyez présents régulièrement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République. - Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Catala.

Nous y venons !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Oui, certains d'entre vous, mais pas tous.

Ainsi, je peux vous donner une longue liste de textes que j'ai en stock et pour lesquels je ne trouve pas de rapporteur. Je souhaiterais que nous puissions accomplir complètement et systématiquement la tâche que nous confie le texte actuel en interrogeant les ministres pour leur demander où ils en sont et ce qu'ils ont fait. Or, actuellement, cela n'est pas possible, monsieur Debré, parce que, le jeudi matin, nous ne sommes parfois que quatre ou cinq pour examiner les textes qui nous arrivent.

Mme Nicole Catala.

Il est fréquent que d'autres commissions siègent en même temps !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Il faut donc réfléchir à deux fois avant de créer un système qui, s'il paraît à la fois généreux et sympathique, car tout le monde est favorable au contrôle du Parlement, sera pratiquement ingérable.

Voilà pourquoi je crois que la commission des lois a été plutôt sage en adoptant un amendement apparemment plus restreint que certains de ceux que vous nous avez proposés, mais qui est en tout cas - c'est le président de la délégation qui vous le dit ce soir - beaucoup plus solide et beaucoup plus sûr au regard de cette volonté de contrôle du Parlement que vous affichez avec une belle unanimité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Il fallait accepter la création d'une commission permanente. Ainsi vous auriez eu du monde.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'irai vite car tous les arguments ont été échangés depuis hier. Nous comprenons le souci d'une meilleure participation du Parlement au processus d'élaboration des textes communautaires. C'est d'ailleurs parce qu'il partage ce souci que le Gouvernement accorde son soutien à l'amendement no 19 de la commission des lois qui vient d'être présenté par M. Nallet, à la fois rapporteur de la commission des lois et président de la délégation et qui a d'ailleurs illustré à merveille le travail qu'elle accomplit, ce qu'elle peut faire et ce qu'elle ne pourrait pas faire.

Je considère, comme lui, qu'il est utile d'ajouter le deuxième et le troisième piliers au champ de contrôle du Parlement. Cela est tout à fait congruent avec le traité d'Amsterdam, qui prévoit une extension de ce champ.

Il est également utile de prévoir que le Gouvernement p uisse transmettre, en quelque sorte, proprio motu, d'autres documents importants ou, en tout cas, susceptibles d'intéresser le Parlement.

L'amendement no 19 fait donc effectivement preuve de prudence, de pragmatisme et de souplesse. Il est d'une très grande sagesse et permettra un travail réellement efficace du Parlement. En revanche, le Gouvernement ne souhaite pas aller plus loin. Ainsi il ne désire pas supprimer le critère législatif en modifiant de façon subreptice, à l'occasion d'une réforme de l'article 88-4, l'équilibre fondamental de nos institutions tel qu'il résulte de la distinction opérée par les articles 34 et 37.

M. Jacques Myard.

Mais non ! Cet argument est irrecevable ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Je sais que la distinction entre le législatif et le réglementaire n'existe pas dans le droit communautaire.

M. Jacques Myard.

Eh non !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cependant, cela ne change rien à l'affaire : il s'agit d'un principe constitutionnel et le Conseil d'Etat joue positivement et efficacement son rôle de tri en la matière.

Je veux ajouter deux arguments, dont le premier, quantitatif, va exactement dans le sens des remarques formulées par M. Nallet. En effet, s'il fallait examiner de façon approfondie les milliers de textes transmis à votre délégation et prendre des résolutions, ou s'il fallait que la délégation elle-même fasse le tri entre ce qui relève du législatif et de l'exécutif...

M. René André.

Ce n'est pas à vous de dire cela, monsieur le ministre ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... je crois que le Parlement serait complètement embouteillé et paralysé.

M. René André.

C'est notre problème ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Ensuite, et le RPR devrait être sensible à cet argument, les Etats qui ne connaissent pas la distinction essentielle opérée chez nous par les articles 34 et 37 traversent une crise du processus législatif parlementaire.

L'Italie en est un exemple évident avec les fameux décrets-lois reconductibles tous les six mois sans décision du Parlement.

Nous avons suffisamment souffert dans ce pays des excès du régime parlementaire pour souhaiter continuer à le rationaliser, conformément à l'esprit de la Constitution de 1958.

M. Jean-Luc Warsmann.

Que vous n'avez pas votée !

M. Michel Bouvard.

Pourquoi n'avez-vous pas pris l'exemple de la Grande-Bretagne ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Le Gouvernement ne souhaite pas non plus le vote de résolutions communes aux deux assemblées. En effet, les délais pour obtenir un vote conforme à l'Assemblée nationale et au Sénat risqueraient d'être longs, ce qui entraînerait ipso facto de graves retards dans l'adoption des actes à Bruxelles. Les amendements qui nous sont proposés ne précisent d'ailleurs pas ce qui se passerait en cas d'opposition entre les deux assemblées.

Par ailleurs, une telle procédure pourrait faire des résolutions des textes quasi-législatifs, ce que, pour les motifs précédemment évoqués, nous ne souhaitons pas. Je pense donc qu'il faut en rester à la souplesse de la formule actuelle.

Pour les mêmes raisons, nous estimons qu'il serait contre-indiqué de prévoir dans la Constitution un délai d'examen des actes.

M. Pierre Lellouche.

C'est bien regrettable ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Là encore, nous prenons cette position au nom de la souplesse actuelle. Je rappelle en effet - toujours sous le contrôle d'Henri Nallet - que nous adressons, que j'adresse en l'occurrence, puisque c'est mon rôle au sein du Gouvernement, régulièrement à la délégation des demandes pour lever les réserves à Bruxelles en cas d'urgence. Elles portent sur environ 10 % des textes examinés par la délégation.

M. Pierre Lellouche.

Cela est explicitement prévu dans notre amendement ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cette souplesse essentielle disparaîtrait...

M. Pierre Lellouche.

Mais non ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... si le délai fixé dans une circulaire du 10 juillet 1994 était inscrit dans la Constitution. Faites donc confiance au Gouvernement pour continuer d'agir avec pragmatisme en liaison avec la délégation.

M. René André.

Il y aura quand même un retard ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

A fortiori , je ne crois pas qu'il soit souhaitable de conférer un caractère contraignant aux résolutions votées par le Parlement.

M. Christian Jacob.

Il n'y a pas de caractère contraignant, c'est une possibilité ouverte ! N'employez pas de faux arguments ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cela entraverait, ligoterait le Gouvernement et l'empêcherait de négocier. Or la négociation est une prérogative essentielle que la Constitution confère à l'exécutif.

Mme Nicole Catala.

C'est un mensonge ! Vous êtes d'une mauvaise foi inacceptable.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Enfin, pour les mêmes raisons, je crois qu'il ne faut pas prévoir l'existence de résolutions sur la négociation des traités. Là encore, ce serait une violation des pouvoirs reconnus par la Constitution à l'exécutif, essentiellement au Président de la République.

M. Pierre Lellouche.

Oh ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

J'espère que vous avez compris maintenant quel était l'état d'esprit du Gouvernement dans cette discussion.

Mme Nicole Catala.

Oui ! Il est complètement fermé.

Bouché ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Nous sommes tout à fait favorables à l'accroissement du contrôle parlementaire au travers des mécan ismes pragmatiques et efficaces qui existent déjà.

Néanmoins, nous souhaitons éviter quatre écueils auxquels vous devriez tous être sensibles.

M. Michel Hunault.

Prouvez-le ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Le premier écueil tient au fait que l'on ne peut pas, que l'on ne doit pas modifier les équilibres institutionnels à l'occasion d'une réforme qui doit tout aux circonstances. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Michel Bouvard.

Dites plutôt qu'on ne doit pas donner de pouvoirs au Parlement, ce sera plus honnête.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Ensuite il faut éviter tout mécanisme qui risquerait d'entraver la capacité de l'exécutif, du Gouvernement comme du Président de la République sur la scène internationale.

Le troisième écueil serait que les mesures prises ne provoquent des retards pouvant aboutir à une paralysie dans la transcription du droit communautaire en droit interne.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ne refusez pas les délais ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Enfin, le quatrième écueil, auquel on devrait être sensible sur tous les bancs, est que nous devons refuser les procédures qui risqueraient d'embouteiller le travail du Parlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

Voilà pourquoi la position raisonnable nous semble être d'adopter l'amendement de la commission des lois présenté par M. Henri Nallet et lui seul.

M. Jean-Luc Warsmann.

Aucun applaudissement !

M. Michel Bouvard.

Vous pouvez même ne plus rien donner, au Parlement, comme cela il ne serait plus du tout embouteillé !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je ne reviendrai pas sur les arguments de fond.

M. le président.

En effet, je pense que ce n'est pas le moment.

M. Pierre Lellouche.

J'ai été franchement étonné par les arguments de M. Moscovici.

Quel est le sens de l'exercice qui nous occupe depuis hier, sinon d'essayer de combler, droite et gauche confondues, c'est-à-dire tous les parlementaires présents, le fossé croissant entre la construction européenne et les peuples, ce que l'on appelle le déficit démocratique ?

M. Georges Sarre.

Cela ne changera rien !

M. Pierre Lellouche.

Nous essayons donc depuis hier...

M. Georges Sarre.

Trop tard !

M. Pierre Lellouche.

... de profiter de cette révision constitutionnelle non pas pour faire du minimalisme comme l'a dit hier Mme Guigou, mais pour augmenter les pouvoirs de contrôle de l'Assemblée et du Sénat - je parle bien de contrôle et non pas de pouvoirs normatifs sur la fabrication de législations par ceux vers lesquels nous transférons des compétences, c'est-à-dire le Conseil, le Parlement européen et la Commission.

Cette démarche n'a rien d'étonnant, même s'il est vrai qu'elle pose des problèmes de fond au regard de nos institutions.

Or on ne nous oppose que des arguments assez surprenants.

D'abord on nous dit que si nous voulons réduire le déficit démocratique en accroissant les pouvoirs de contrôle du Parlement, nous allons retomber dans la IVe République. L'argument est assez piquant, venant d'un parti politique qui a été très longtemps partisan du système précédent et qui criait au coup d'Etat permanent quand le général de Gaulle donnait à la France ses institutions.

M. Gérard Gouzes.

Le parti socialiste n'était pas né !

M. Pierre Lellouche.

C'était avant les transferts majeurs de compétences vers l'Union européenne.

Le deuxième argument, tout aussi étonnant, est celui selon lequel l'abondance de textes empêche, en fait, tout contrôle. Selon cet argument quantitatif, parce qu'il y aurait un problème, il faudrait abdiquer à l'avance. C'est tout à fait extravagant !

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Très bien !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Mais non, vous rêvez !

M. Pierre Lellouche.

Le problème de l'embouteillage du Parlement que vous avez évoqué, monsieur Nallet, monsieur Moscovici, dû au manque de moyens donnés aux députés pour contrôler et faire correctement leur travail au sein de la délégation est réel. Nous en sommes tous conscients et nous en avons parlé dans la délégation, mais des solutions existent.

Il faudrait accroître les moyens des parlementaires appelés à contrôler le travail législatif considérable qui nous arrive de l'Europe avec plusieurs milliers de textes chaque année. Actuellement, M. Nallet a eu raison de le souligner, il n'est pas possible de travailler correctement eu égard à la masse des textes ; nous manquons de temps et d'administrateurs.

D ans ces conditions, monsieur Nallet, pourquoi n'avez-vous pas, vous qui êtes dans la majorité, posé l'intéressante question de l'organisation des travaux en matière européenne dans cette assemblée ? Pourquoi ne pas envisager la création d'une vraie commission des affaires européennes ?

M. Pierre Carassus.

Nous l'avons proposé !

M. Michel Bouvard.

Oui, mais il fallait venir nombreux voter l'amendement !

M. Pierre Lellouche.

Pourquoi ne pas adapter le travail parlementaire aux problèmes nouveaux qui nous sont posés ? Vous devriez convenir, monsieur Nallet, qu'il est surprenant d'entendre dire que le problème quantitatif est tel que le Parlement ne saurait se saisir de tous les textes.

M. Pierre Carassus.

M. Debré ne tient plus ses troupes !

M. Pierre Lellouche.

Sans revenir sur le bien-fondé des propositions élémentaires que vous avons présentées, je veux rappeler que nous voulons simplement pouvoir contrôler l'ensemble des textes, parce que la distinction opérée par les articles 34 et 37 n'est pas opérante en droit communautaire, et disposer de délais suffisants.

M. le président.

Monsieur Lellouche, veuillez conclure et ne pas reprendre l'argumentation utilisée pour défendre les amendements.

M. Pierre Lellouche.

Mes chers collègues, les arguments qui vous ont été présentés, je le souligne avec beaucoup d'amitié pour M. Nallet dont je respecte le travail au sein de la délégation, ne sont qu'un plaidoyer pour renforcer les moyens du Parlement et non pas pour les réduire.

M. Henri Nallet, rapporteur.

C'est ce que je propose !

M. Pierre Lellouche.

J'aurais souhaité que tous, ce soir, de droite ou de gauche, nous travaillions ensemble, pour améliorer les pouvoirs de contrôle du Parlement.

M. Pierre Carassus.

Il fallait venir voter notre amendement, monsieur Lellouche ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Georges Sarre.

Il a raison !

M. le président.

La parole est à Mme Catala.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, j'essaierai d'être brève, mais j'ai, comme chacun ici, le droit de m'exprimer dans ce débat très important.

L'argumentation de M. Nallet m'a surprise et ne m'a absolument pas convaincue.

D'abord, comme il l'a dit, notre délégation reçoit et examine tous les textes communautaires. Vous ne me direz pas le contraire, monsieur le président. Comment a uriez-vous, sinon, détecté la communication Agenda 2000 ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Il ne fallait pas être grand clerc pour s'en apercevoir !

Mme Nicole Catala.

Il y a bien un administrateur qui examine les textes qui arrivent dans les services de la délégation - c'est d'ailleurs un gros travail. Ne nous dites donc pas que ce travail n'est pas fait. Il l'est. C'est ma première observation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

Deuxième observation : vous nous avez dit que nous n'étions pas saisis, en fait, si je me rappelle votre expression, des « déchets ».

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

Mme Nicole Catala.

Personnellement, je considère que la question de la représentation externe de l'euro n'est pas un déchet. C'est, au contraire, une question majeure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Jacques Myard.

C'est l'euro qui est un déchet !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Ce n'est pas ce que j'ai dit, madame Catala !

Mme Nicole Catala.

Ces « déchets », au rang desquels figure, je le répète, la représentation externe de l'euro, le Gouvernement, nous avez-vous dit, n'a pas à nous les soumettre et nous ne pouvons pas formuler de résolution les concernant. Je trouve cette situation inacceptable.

M. Henri Nallet, rapporteur.

J'ai dit le contraire !

Mme Nicole Catala.

Troisième observation : tous les a utres parlements européens reçoivent, examinent, débattent librement des propositions d'actes communautaires. Ils ne sont pas subordonnés, dans l'exercice de cette tâche, par les décisions de leur gouvernement.

Le Parlement britannique, le Parlement allemand, le Parlement européen se saisissent des projets qui les intéressent...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

Mme Nicole Catala.

... et ils les examinent, débattent et rédigent des rapports.

M. Michel Bouvard.

Ils reçoivent autant de textes communautaires que nous.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Vous caricaturez ! Notre Parlement le peut aussi !

Mme Nicole Catala.

Non, pas en séance publique, monsieur le président.

Ce que nous demandons, c'est d'être mis au même niveau que les autres parlements de l'Union européenne.

M. Henri Nallet, rapporteur.

C'est insupportable. Notre règlement le permet.

Mme Nicole Catala.

Avec une mauvaise foi incommensurable, M. le ministre délégué chargé des affaires européenne a prétendu que nous voulions déséquilibrer les institutions, nous accusant de vouloir donner un mandat impératif. Nous ne sommes pas allés jusque-là. Nous voulons simplement disposer des mêmes pouvoirs de contrôle que les autres parlements de l'Union.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

49. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

42. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Nicole Catala.

Je retire les amendements nos 15 et 55.

M. le président.

Les amendements nos 15 et 55 sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement no

46. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

53. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

34. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Myard a présenté un amendement, no 17, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement est tenu de respecter les résolutions communes des assemblées. »

La parole est à M. Jacques Myard, à qui je demande d'être bref, parce que, comme dit l'aphorisme, bis repetita placent !

M. Jacques Myard.

Bien évidemment, monsieur le président, puisque l'amendement s'inscrit dans la logique même de ce qui a été débattu auparavant.

Je m'interroge, cependant. Notre pays compte malheureusement, comme les autres, des SDF, des sansdomicile fixe, et tout le monde compatit à leur détresse en cette période de froid. Je me demande si les députés, eux, ne sont pas devenus des SPL, c'est-à-dire des sanspouvoir législatif.

M. Alain Cacheux.

C'est malin !

M. Jacques Myard.

Nous sommes là au coeur du problème : ces nouveaux SPL présenteront des résolutions, dont le Gouvernement se bornera à prendre connaissance.

« Tiens, l'Assemblée a dit ceci, et le Sénat cela », remarqueront nos gouvernants, sans que cela porte à conséquence.

Tout cela n'est pas très sérieux, et cette maison va bientôt pouvoir être affectée au ministère de la culture, pour passer dans la catégorie des musées nationaux.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est comme dans la Charte telle que la concevait Charles X : alors que nous avions le pouvoir législatif, on nous octroie la possibilité de prendre quelques résolutions.

Je souhaite que le Gouvernement soit tenu de respecter les résolutions - communes ou séparées, peu importe des assemblées à Bruxelles.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission a, bien évidemment, rejeté cet amendement, monsieur le président.

M. Jacques Myard et M. Michel Bouvard.

Evidemment !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Millon a présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

« Des résolutions peuvent être votées par l'Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre de l'examen de tout projet de loi autorisant la ratification d'un texte modifiant les traités visés à l'article 88-1, selon des modalités déterminées par le règlement de chaque assemblée. »

La parole est à M. Charles Millon.

M. Charles Millon.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde se souvient du traité de l'Elysée en 1963 : il avait donné lieu au Bundestag au vote d'une déclaration préalable et avait permis aux parlementaires allemands de faire connaître les orientations politiques qu'ils souhaitaient poursuivre à travers la ratification du traité de l'Elysée.

Aujourd'hui, nombre de parlementaires favorables à la ratification du traité d'Amsterdam rappellent que, avant tout nouvel élargissement de l'Union européenne, ils demandent que les institutions soient réformées pour être renforcées, ce qui n'a pas été réalisé par le traité. Le débat et l'adoption de ce préalable institutionnel seraient un signal fort de la représentation nationale en direction des partenaires de la France.

Or, aujourd'hui, cela n'est pas possible parce que le Parlement ne peut présenter de résolution lors de l'examen d'un projet de loi autorisant la ratification d'un traité, la possibilité de résolution ouverte par l'article 88-4 de la Constitution ne concernant que les actes communautaires.

C'est la raison pour laquelle je propose, par cet amendement, d'autoriser le Parlement à assortir l'adoption d'un traité européen du vote d'une résolution, comme c'est d'ailleurs déjà le cas dans d'autres parlements de l'Union européenne et, ainsi, d'exprimer la volonté politique par un texte d'orientation.

Je sais que le Gouvernement entend répondre à ce voeu en proposant un article additionnel, l'article 2, au projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam qui sera examiné en février prochain. Mais cet article sans valeur juridique soulignerait la nécessité de renforcer les institutions de l'Union européenne avant son élargissement. Il serait bien meilleur que ce soit la représentation nationale, par une résolution, qui puisse le faire. Ce geste serait beaucoup plus fort vis-à-vis de nos partenaires et vis-à-vis des institutions européennes.

C'est la raison pour laquelle je présente cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission l'a rejeté, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Guillaume a présenté un amendement, no 38, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« L'article 88-4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la proposition ou le projet soumis tend à donner à la Communauté européenne ou à l'Union européenne un pouvoir d'action qui n'est pas explicitement prévu par les traités, il doit faire l'objet d'un vote d'approbation par chaque assemblée. »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

L'amendement no 38 a pour objet de limiter l'usage abusif de l'article 235 - 308 nouveau - du traité sur la Communauté européenne qui permet au Conseil d'accorder à celle-ci des « pouvoirs d'action » non prévus par les textes, dès lors qu'ils paraissent conformes aux objectifs généraux des traités.

Cette pratique est regrettable car elle conduit à des extensions déguisées des traités, qui ne sont ratifiées ni par les peuples ni par le Parlement. L'amendement propose donc de soumettre de telles propositions à une approbation obligatoire et explicite des deux assemblées.

Un exemple d'abus de droit permis par l'usage de cet article 235 est le changement de nom de la monnaie unique d'écu en euro qui a été opéré par le Conseil en juin 1997 pour le bon plaisir des Allemands. Il s'agit donc de pallier un déficit démocratique.

Il faut noter d'ailleurs que la Cour de justice, ellemême, a fini par s'en émouvoir. Dans son avis du 28 mars 1996 relatif à l'adhésion de la Communauté à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle écrit : « Faisant partie intégrante d'un ordre institutionnel basé sur le principe des compétences d'attibution, cette disposition - l'article 308 - ne saurait constituer un fondement pour élargir le domaine des compétences de la communauté au-delà du cadre général résultant de l'ensemble des dispositions du traité... Elle ne saurait en tout cas servir de fondement à l'adoption de dispositions qui aboutiraient en substance, dans leurs conséquences, à une modification du traité échappant à la procédure que celui-ci prévoit à cet effet. »

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

38. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. J.-P. Michel, Sarre, Casassus, Desallangre, Mme Marin-Moskovitz, MM. Saumade et Suchod ont présenté un amendement, no 3, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 88-4 de la Constitution, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :

« Art. 88-5. - Le Parlement peut demander au Gouvernement la renégociation du traité visé aux articles 88-2 et 88-3. Le Gouvernement est tenu d'engager cette renégociation et d'en communiquer les résultats au Parlement dans un délai maximum d'un an. La loi fixe les conditions dans lesquelles s'exerce le contrôle parlementaire sur la construction européenne. »

Sur l'amendement no 3, je suis saisi par le groupe Radical, Citoyen et Vert d'une demande de scrutin public. Je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, mes chers collègues, le troisième amendement que nous vous proposons se fonde sur deux considérations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

La première est éminemment politique : le Parlement est souverain, le peuple plus encore. En conséquence, aucun engagement international n'est irréversible.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. Georges Sarre.

J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer ce raisonnement lors de la discussion générale.

La révision constitutionnelle à laquelle il nous est demandé de procéder vise à autoriser des transferts de souveraineté. Pour bien comprendre le sens de ces transferts, nous devons nous interroger sur la nature de l'organe auquel ces pouvoirs sont transférés. Cet organe, en l'occurrence un ensemble hétéroclite...

M. Jacques Myard.

Le machin !

M. Georges Sarre.

... regroupant la Commission, le Conseil, le Parlement européen, ainsi que la Cour de Luxembourg, est-il souverain ? Si l'on répond oui, alors nous sommes dans un processus fédéral. Mais comme, à l'occasion de Maastricht, toute démarche fédérale a été récusée, l'organe auquel sont transférés ces pouvoirs n'est pas souverain, donc ces transferts ne sont pas irréversibles. Il nous faut, par conséquent, organiser les conditions de réversibilité des transferts de souveraineté.

M. Jacques Myard.

Excellent !

M. Georges Sarre.

Tel est l'objet du présent amendement : donner la possibilité au Parlement de faire renégocier par le Gouvernement un traité européen.

M. Hervé de Charette.

C'est inadmissible ! M. Sarre veut révolutionner les choses. Il veut détruire l'Europe.

M. Georges Sarre.

Cela nous conduit à la seconde considération qui justifie cet amendement. Pourquoi infléchir l'équilibre institutionnel traditionnel qui laisse au seul exécutif la conduite des négociations internationales ? se demande-t-on.

En fait, cette objection ne tient pas. La négociation, en effet, resterait toujours du seul ressort de l'exécutif, le législateur pouvant seulement demander la renégociation d'un traité qu'il estime insuffisant ou nocif.

M. Jacques Myard.

Tout à fait !

M. Georges Sarre.

Le Parlement disposerait ainsi d'un moyen supplémentaire, et moins tardif que le refus de ratification, de participer à l'élaboration de nos engagements internationaux.

C ette disposition, loin d'entraver les marges de manoeuvre du Gouvernement lors de la négociation de traités communautaires, conduirait à une meilleure information du Parlement. Par la force des choses, le Gouvernement informerait le Parlement en temps réel de l'état des négociations en cours.

Cela permettrait plus sûrement, mais sans contrainte juridique inutile, la prise en compte de l'avis des représentants du peuple en amont de la signature d'un traité communautaire.

L'amendement permettrait, s'il était adopté, de rendre à notre Parlement national des prérogatives que d'autres parlements européens exercent de façon beaucoup plus large. Ainsi, le Parlement danois donne en fait de véritables mandats de négociation à son gouvernement, non seulement sur les traités mais aussi sur toutes les mesures communautaires.

Vous l'aurez compris, notre amendement n'a pas cette audace. Sa modestie même est gage de réalisme. Je vous invite, mes chers collègues, à le voter.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Pierre Carassus.

Il a raison.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Je dois dire que l'amendement de M. Sarre nous a laissé assez perplexes. De deux choses l'une ! Ou il s'agit d'assurer la prééminence du Parlement une fois que le traité est négocié - mais vous avez déjà satisfaction : il suffit que le Parlement n'adopte par la loi de ratification...

M. Michel Bouvard.

C'est intéressant ! Pouvez-vous développer ce point ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

... ou il s'agit d'autre chose...

M. Georges Sarre.

Peut être !

M. Henri Nallet, rapporteur.

... et votre amendement, monsieur Sarre, tendrait à donner des mandats de négociation avec le terme de celle-ci. Contrairement à ce que vous venez de dire, on assisterait alors à un bouleversement complet de l'équilibre des institutions à l'intérieur de notre République.

M. Georges Sarre.

Pas du tout !

M. Michel Bouvard.

Non !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Il nous a donc paru nécessaire de repousser cet amendement.

M. Hervé de Charette.

C'est un amendement assassin !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Permettez-moi d'ajouter, monsieur Sarre, parce que la question est revenue très souvent dans nos débats à la commission des lois et à la délégation, que, dans les affaires communautaires, le bon exemple n'est pas le Danemark.

M. Georges Sarre.

C'est la France ?

M. Michel Bouvard.

Pourtant le parlement danois a plus de pouvoirs que le nôtre.

Mme Nicole Catala.

Et les Danois sont très efficaces.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Les mandats donnés par le Folketing aux différents représentants du Danemark dans les instances communautaires empêchent ce pays de négocier.

M. Michel Bouvard.

Non, ils leur permettent de bien négocier !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Le Danemark est toujours rivé à un mandat et il ne bouge pas.

Or, et c'est là peut-être qu'existe entre nous, monsieur, une différence fondamentale, la communauté est d'abord un exercice de négociation dans lequel chacun donne et chacun prend.

M. Michel Bouvard.

Oui !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Si, dans votre esprit, il s'agit d'imposer par quelque système que ce soit sa propre volonté...

M. Michel Bouvard.

Le Danemark a eu un traité sur mesure !

M. Henri Nallet, rapporteur.

... nos vues ne peuvent être que très différentes sur tout ce qui concerne le fonctionnement de l'Union.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Le Gouvernement partage, bien évidemment, l'avis du rapporteur. Nous sommes en total désaccord avec la proposition de M. Sarre. Cela ne le surprendra pas.

M. Georges Sarre.

Pas vraiment !

M. Hervé de Charette.

Ce n'est plus la majorité plurielle. C'est la cacophonie.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cet amendement est en totale contradiction tant avec l'esprit de la Constitution de 1958 qu'avec la lettre de bon nombre de ses dispositions. Il est aussi, comme vient de le démontrer brillamment M. Nallet, tout à fait contraire à la logique de la construction européenne.

M. Michel Bouvard.

La logique n'est pas bonne ! M. le ministre délégué chargé des affaires europ éennes.

Je rappelle bièvement qu'aux termes de l'article 52 de la Constitution, c'est le Président de la République qui négocie et ratifie les traités. Par ailleurs, il est informé de toute négociation tendant à la conclusion d'un accord international non soumis à ratification.

Aux termes de l'article 53, certains traités parmi les plus importants - et ceux visés à l'article 88-1 et 88-2 de la Constitution comptent parmi les plus importants - ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.

Les équilibres institutionnels actuels se partagent donc entre le Président de la République, qui négocie les traités, et le Parlement, qui en ratifie certains. Permettre au Parlement d'enjoindre par voie exécutive de renégocier les traités conduirait à un bouleversement complet de ces équilibres.

Enfin, nous avons choisi, librement, ce que traduit clairement l'article 88-1 de la Constitution, de participer à une communauté européenne - et le mot « communauté » est fort -, à une union européenne - et le mot

« union » est fort - constituée d'Etats qui ont décidé librement, en vertu de traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences.

P ermettre au parlement français d'intervenir de manière aussi directive dans la construction européenne introduirait un désordre complet dans l'Union. C'est peut-être l'objectif de cet amendement. C'est aussi une raison pour ne pas le voter.

M. Pierre Carassus.

De tels sous-entendus ne sont pas acceptables !

M. Michel Bouvard.

C'est un procès d'intention.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

L'amendement de notre collègue Sarre est parfait. Nous ne débattons pas d'un traité international classique, comme le rappelait tout à l'heure M. le ministre, nous nous engageons dans un processus de délégation de souveraineté à un organisme supranational.

M. Gérard Gouzes.

Vous le direz à Chirac !

M. Jacques Myard.

Si la souveraineté a un sens mais, visiblement, sur certains bancs de cette assemblée, elle n'en a plus, elle n'est qu'une coquille vide - ...

M. Gilbert Mitterrand.

Pas de procès d'intention !

M. Jacques Myard.

... il est parfaitement logique d'inscrire dans la Constitution que tout ce qui a été délégué peut être repris et que l'on peut renégocier d'une manière ou d'une autre les traités. Cet amendement vient renforcer l'idée qu'il ne s'agit que de délégations de compétence et de rien d'autre. En conséquence, nous devons l'adopter.

M. Michel Bouvard.

Bravo !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous rappelle que sur le vote de l'amendement no 3, je suis saisi par le groupe Radical, Citoyen et Vert d'une demande de scrutin public.

Le scrutin a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix l'amendement no

3. Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

86 Nombre de suffrages exprimés .................

86 Majorité absolue .......................................

44 Pour l'adoption .........................

15 Contre .......................................

71 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

M. Jacques Myard.

L'écart se resserre ! (Sourires).

M. le président.

Mme Ameline, M. Lequiller et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants ont présenté un amendement, no 47, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 88-4 de la Constitution, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :

« Art.

88-5 . - Dans chaque assemblée, il est créé une commission permanente pour l'Union europénne, qui est chargée d'examiner les propositions d'actes communautaires, tous les actes et documents émanant des institutions de l'Union, ainsi que les projets de transposition des directives européennes. »

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Je connais le sort qui sera réservé à cet amendement, puisque nous en avons déjà parlé. Il me donne cependant l'occasion de déplorer que la proposition du président Nallet n'ait abouti qu'à nous enfermer davantage encore dans un système où le Parlement n'est plus qu'un incapable, au sens juridique du terme : nous plonger dans tel état de dépendance politique ne répond ni aux enjeux ni à ma conception de la modernité. Transformer la délégation en commission permanente était une façon de lui donner davantage de moyens, répondant ainsi aux arguments d'ordre quantitatif et matériel soulevés, mais également, sur un plan plus juridique, de renforcer sa place au sein même de notre organisation institutionnelle.

M. le président.

On peut parfois avoir le sentiment d'avoir des incapables dans cet hémicycle, sauf lorsque l'on vous entend, madame Ameline. (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Rejet. Nous avons déjà discuté de ce sujet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

47. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 36, 56, 13 et 43, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 36, présenté par M. Guillaume, est ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le titre XV de la Constitution est complété par un article 88-5 ainsi rédigé :

« Art. 88-5. Si le Conseil constitutionnel, saisi dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 54, a déclaré qu'un projet d'acte des Communautés européennes ou de l'Union européenne est contraire à la Constitution, cet acte ne peut produire d'effet sur le territoire français qu'après révision de la Constitution.

« Le Conseil constitutionnel se prononce dans le délai d'un mois. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être ramené à huit jours sur demande du gouvernement. »

Les amendements nos 56 et 13 sont identiques.

L'amendement no 56 est présenté par MM. Baumel, Michel Bouvard, Xavier Deniau, Galley, Guillaume, Guillet, Julia, Jean-Claude Lemoine, Luca, Mariani, Mignon, Myard, Terrot et Valleix ; l'amendement no 13 est présenté par Mme Catala et M. Myard.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 88-4 de la Constitution, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :

« Art. 88-5. Le Conseil constitutionnel peut être saisi dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61, de tout acte communautaire comportant des dispositions de nature législative. Il se prononce sur sa conformité à la Constitution.

« Une disposition communautaire déclarée inconstitutionnelle ne peut être mise en application. »

L'amendement no 43, présenté par MM. André, Séguin, Debré et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés, Mme Ameline, MM. Rossi, Madelin et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants, est ainsi libellé:

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 88-4 de la Constitution, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :

« Art. 88-5. Les projets et propositions d'actes des Communautés européennes ou de l'Union européenne soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat, aux termes de l'article 88-4, peuvent être déférés au C onseil constitutionnel par le Président de la République, le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat. Le Conseil constitutionnel se prononce sur leur conformité à la Constitution dans le délai d'un mois. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s'il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours. »

La parole est à M. François Guillaume, pour soutenir l'amendement no

36.

M. François Guillaume.

Cet amendement vise à instaurer un contrôle de constitutionnalité du droit dérivé, pour éviter toute contradiction entre les actes communautaires de droit dérivé et notre Constitution. Le rapport présenté par M. Mazeaud en 1996, intitulé « Droit communautaire et Constitution nationale » lançait déjà un avertissement en proposant de mettre un terme à l'immunité constitutionnelle du droit dérivé.

Certes, il est toujours possible au Président de la République, au Premier ministre, aux présidents des deux assemblées, à soixante députés ou soixante sénateurs, de recourir à l'article 61 de la Constitution pour demander que soit contrôlée la constitutionnalité des projets de loi intégrant en droit interne certaines normes communautaires ; on objectera toutefois que ce contrôle reste limité aux directives et que son efficacité est discutable, puisque le rejet d'un acte adopté par le Conseil de l'Union européenne exposerait la France à une action en manquement.

Il faut donc opter, comme le préconise notre amendement, pour un contrôle préventif. Ce contrôle exercé en amont revêt plusieurs avantages. Il ne remettrait pas en cause la stabilité et l'unité du droit communautaire. Il n'exposerait pas la France à des actions en manquement, puisqu'il ne conduirait pas notre pays à s'exposer à des actes définitivement adoptés. Il s'apparenterait à un contrôle exhaustif puisqu'il ne se limiterait pas aux seuls actes communautaires de nature législative.

Cependant, un tel contrôle serait dépourvu d'efficacité s'il n'était pas garanti de l'exercer en temps utile, c'est-àdire avant l'adoption définitive du projet d'acte. C'est pourquoi notre amendement propose d'obliger le Conseil constitutionnel à se prononcer dans le délai d'un mois.

En cas d'urgence, ce délai serait ramené à huit jours sur demande du Gouvernement. Il est enfin précisé que tout acte jugé contraire à la Constitution ne pourrait produire d'effets sur le territoire français qu'après révision de la Constitution.

M. le président.

L'amendement no 56 est-il défendu ?

M. Michel Bouvard.

Défendu.

M. le président.

L'amendement no 13 est-il défendu ?

M. Jacques Myard.

Absolument défendu : il tend à apporter une garantie contre les dérapages continus.

M. le président.

La parole est à M. René André, pour soutenir l'amendement no

43.

M. René André.

Notre amendement soulève un problème qui, incontestablement, deviendra de plus en plus sensible : le contrôle de la constitutionnalité des projets ou propositions d'actes de l'Union européenne. Notre système constitutionnel établit que toute norme de droit interne peut faire l'objet d'un contrôle de sa conformité à la Constitution. En revanche, le droit dérivé communautaire - règlements, directives - échappe à tout contrôle de constitutionnalité. Nous proposons de mettre un terme à cette immunité constitutionnelle dans les domaines qui relèvent du troisième pilier et qui touchent aux libertés publiques.

Les cas de contradiction entre des actes de droit dérivé et notre Constitution ne sont plus des hypothèses d'école.

Nous vous avons entendue évoquer hier, madame la ministre, la possibilité offerte aux Etats d'attaquer devant la Cour de justice de Luxembourg les actes de droit dérivé qui ne seraient pas conformes au traité, et vous référer au respect de la Convention européenne des droits de l'homme ; mais sans doute n'avons-nous pas la même lecture.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

En effet, il n'est pas dans la mission des juges européens de Luxembourg de contrôler la conformité de ces actes de droit dérivé avec notre Constitution, encore moins celle des projets d'acte.

Je tiens à préciser, car cela semble avoir échappé à certains, que le contrôle que nous proposons est bien en a mont, a priori.

Notre dispositif n'entraînerait par conséquent aucun déséquilibre institutionnel, ni aucun trouble, ni aucun désordre dans le fonctionnement de l'Union européenne.

Il ne remettrait pas en cause la stabilité et l'unité du droit communautaire. En ne conduisant pas la France à s'opposer unilatéralement à l'application d'un acte définitivement adopté, il n'exposerait pas notre pays à des condamnations de la Cour de justice des Communautés pour des actions en manquement.

Enfin, élément important, nous proposons que cette possibilité de recours soit réservée à un nombre limité de hautes autorités : le Président de la République, le Premier ministre, le président de l'une ou l'autre des assemblées. Ainsi, cette procédure resterait tout à fait exceptionnelle et ne serait pas susceptible d'être banalisée par une utilisation excessive.

Le groupe RPR et le groupe Démocratie libérale et Indépendants vous demandent donc d'adopter cet amendement qui mettrait fin à un vide juridique inquiétant.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, je n'est pas retiré mon amendement no

56.

M. le président.

Mais personne n'a dit que vous l'aviez madame. M. Myard, qui en est cosignataire avec vous, m'a indiqué qu'il était défendu.

Mme Nicole Catala.

Je ne l'ai pas défendu !

M. le président.

Il a été défendu par M. Bouvard. Il n'est pas question d'accepter les diktats de qui que ce soit...

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M. Arnaud Montebourg.

Voilà un bon président !

M. Philippe Vuilque.

Ça, c'est de la présidence !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Cette série d'amendements a été repoussée par la commission des lois pour diverses raisons, en particulier pour les raisons juridiques à nouveau exposées ici hier, et de manière tout à fait remarquable par Mme la ministre. Je n'y reviendrai donc pas.

Je suis malheureux que nos explications n'aient, semblet-il, pas été entendues. Ne travaillons pas de manière masquée ou dissimulée : nous savons tous fort bien que, si un tel système était accepté en France, puis généralisé dans les quinze Etats membres, c'est tout le mécanisme de décision communautaire qui s'en trouverait complètement paralysé.

M. Gérard Gouzes.

Il n'y aurait plus d'Europe !

M. Henri Nallet, rapporteur.

Si c'est ce que l'on veut - après tout, ce peut être légitime -, au moins qu'on le dise ! Je suis très surpris que des parlementaires qui ont exercé des responsabilités à l'intérieur de la Communauté, qui connaissent le détail des mécanismes communautaires, puissent, sans nous dire ce qu'ils cherchent réellement, soutenir de tels amendements, pour cette raison tout à fait fondamentale qu'ils contiennent un risque majeur de mort de l'Union européenne. Il faut à tout prix s'opposer à ces amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements ?

Mme la garde des sceaux.

M. Guillaume et M. André souhaitent un contrôle de constitutionnalité du droit dérivé.

Je veux répéter pourquoi je suis défavorable à ces amendements, en reprenant trois éléments.

Tout d'abord, la Constitution et le droit communautaire dérivé appartiennent à deux ordres juridiques différents, même s'ils s'appliquent aux mêmes sujets de droit, et les citoyens français participent à ces deux ordres juridiques.

Ensuite, les rapports entre les traités et la Constitution sont réglés par l'article 54. Le droit communautaire dérivé ne peut que mettre en oeuvre les dispositions du traité.

Enfin, à chaque texte son juge. Je vais vous détailler les quatre types de conflits envisageables.

Premier cas : conflit entre la Constitution et le traité.

L'article 54 dispose que, en cas de contradiction, il faut changer la Constitution pour ratifier le traité. C'est ce que nous sommes en train de faire.

M. Jacques Myard.

Il fallait plutôt renégocier le traité !

Mme la garde des sceaux.

Deuxième cas : conflit entre la Constitution et le droit dérivé. S'il s'agit d'une loi de transposition de la directive communautaire, elle peut être soumise au Conseil constitutonnel. S'il s'agit d'un règlement, l'Etat peut le contester devant la Cour de justice des Communautés, conformément à l'article 173 du traité.

M. Jacques Myard.

Mais sur la base de la Constitution.

Mme la garde des sceaux.

Troisième cas : conflit entre la loi nationale et le traité. En France, la primauté du traité est instituée par l'article 55 de la Constitution.

Quatrième cas enfin : conflit entre la loi nationale et le droit dérivé. La jurisprudence donne la primauté au droit dérivé.

M. Jacques Myard.

Eh oui, c'est bien ce que nous contestons !

Mme Nicole Catala.

Voilà ce que nous voulons changer !

Mme la garde des sceaux.

Je rappelle pour terminer que la cour de justice de Luxembourg a jugé depuis 1964 que « la force exécutoire du droit communautaire ne saurait varier d'un Etat à l'autre sans mettre en péril la réalisation des buts du traité ».

M. Gérard Gouzes.

Bien sûr !

M. Henri Nallet, rapporteur.

C'est l'évidence !

Mme la garde des sceaux.

M. Henri Nallet vient excellemment de le rappeler, en termes concrets. Depuis trente-quatre ans, la France adhère à ce principe, le seul compatible avec l'existence de l'Union européenne. Je ne suggère pas que nous le remettions en cause ce soir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Rappel au règlement

Mme Nicole Catala.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Si ce rappel au règlement porte sur la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

manière dont je préside, madame, permettez-moi de vous redire que lorsque j'ai demandé qui défendait l'amendement no 13, M. Myard m'a indiqué très clairement qu'il était défendu. Je n'avais donc pas à vous donner la parole.

Mme Nicole Catala.

Je vous parle de l'amendement no 56, monsieur le président.

M. le président.

Quoi qu'il en soit, vous avez la parole, madame Catala, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, vous présidez généralement avec courtoisie, mais il vous arrive de vouloir faire avancer le débat si rapidement que les parlementaires n'ont pas le temps de vérifier dans la liasse des amendements celui auquel vous vous référez.

M. Gérard Gouzes.

Myard l'avait bien vu, lui !

M. Arnaud Montebourg.

Myard est plus rapide !

Mme Nicole Catala.

Nous verrions bien ce que vous diriez, messieurs, si vous aviez à défendre toute une série d'amendements. Mais ce n'est pas le cas, vous n'êtes ici que pour crier, et encore, je suis polie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Probablement n'avez-vous même pas lu les amendements dont nous débattons.

(Mêmes mouvements.)

Monsieur le président, je déplore que vous ne m'ayez pas laissé le temps de défendre l'amendement no 56. De la même façon, lors du débat sur le traité de Maastricht, vous aviez escamoté un amendement auquel je tenais et que je n'avais pas pu défendre en séance.

M. le président.

Madame Catala, n'allons pas ouvrir une querelle entre nous ; je le regretterai car je m'efforce de diriger nos débats avec le maximum de courtoisie.

Le premier signataire de l'amendement no 56 était M. Baumel, le second M. Michel Bouvard. J'ai posé à M. Bouvard la question de savoir si l'amendement était défendu ; M. Bouvard m'a répondu qu'il l'était. Je n'ai donc fait que respecter la volonté des auteurs des amendements, rien d'autre.

Si malgré tout vous tenez à intervenir, je vous suggère de me demander la parole pour répondre au Gouvernement ou à la commission. Je vous la donnerai volontiers et vous aurez tout loisir d'exposer votre point de vue. Je ne suis pas pressé. Cela dit, nous avons déjà débattu longuement. Le sujet est important, certes, mais j'ai eu l'impression d'une certaine répétition des arguments. Peutêtre vais-je plus vite que certains ici. Il est en tout cas de mon devoir de mener les débats avec le maximum d'objectivité.

Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

M. Jacques Myard.

J'avais également demandé la parole, monsieur le président, pour répondre au Gouvernement.

M. le président.

En effet, monsieur Myard, je vous avais bien vu...

M. Jacques Myard.

Et même entendu ?

Mme Nicole Catala.

La question du contrôle de constitutionnalité est extrêmement grave.

On ne peut pas se retrancher derrière le fait que la conformité des traités à notre Constitution est vérifiée par le Conseil constitutionnel pour dire ensuite amen à tout le droit produit par les institutions communautaires, quelle qu'en soit la valeur et qu'il soit conforme ou non à la lettre de notre Constitution ou au bloc de constitutionnalité tel que façonné par le Conseil constitutionnel.

On ne peut écarter les possibilités d'un conflit entre le droit dérivé et nos normes constitutionnelles. Certes, nous n'en avons pas connu beaucoup jusqu'ici, je le reconnais. Mais de là à nier la nécessité d'un contrôle de constitutionnalité, qu'il soit a priori , comme celui que nous proposons ce soir, ou a posteriori , c'est reconnaître que l'on a insidieusement placé l'ensemble de l'ordre juridique communautaire au-dessus de notre ordre juridique constitutionnel.

Ce serait un renversement fondamental de la hiérarchie des normes auxquels sont assujettis les citoyens français, qui n'ont jamais été éclairés ni appelés à débattre. C'est cela que nous ne pouvons accepter, c'est de cela que nous contestons radicalement la légitimité.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Les propos tenus par Mme Guigou ce soir, et qui figureront au Journal officiel de la République française, sont inquiétants. Elle a en effet admis très clairement, au nom du gouvernement de la République, que la Constitution était un chiffon de papier et devait, quoi qu'il arrive, se plier aux règlements et aux directives. Cela n'est pas acceptable, madame.

Vous êtes le fossoyeur de la Constitution.

M. Gérard Gouzes.

Et l'article 55 de la Constitution ?

M. Jacques Myard.

Il est temps que l'Assemblée nationale adopte les amendements que nous proposons.

M. Gérard Gouzes.

C'est vous qui faites de la Constitution un chiffon de papier !

M. Jacques Myard.

Un instant, mon cher collègue. Ce qui vient d'être dit est extrêmement grave. Ne pas admettre qu'il puisse y avoir, y compris sur les actes de droit dérivé de la Communauté, un contrôle a priori de notre Conseil constitutionnel revient à mettre la Constitution sous le boisseau de la Commission et du Conseil des ministres européen.

M. Gérard Gouzes.

Vous n'avez rien compris à l'Europe !

M. Jacques Myard.

C'est reconnaître qu'il n'y a plus de liberté française et que, sous l'effet de la multiplication des actes de la Communauté, notre pays n'a plus de statut juridique !

M. Gérard Gouzes.

Vous êtes anti-européen !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

36. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 56 et 13.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Myard et M. Guillet ont présenté un amendement, no 24, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Après l'article 88-4 de la Constitution, il est inséré un article 88-5 ainsi rédigé :

« Lorsqu'un intérêt national essentiel est en jeu, la France se réserve la faculté d'invoquer l'arrangement de Luxembourg du 29 janvier 1966. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Il fut un temps où il y avait un gouvernement en France.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Gouzes.

Il y a encore un Président de la République ?

M. François Loncle.

Il craque !

M. le président.

Je reconnais qu'il est très tard, monsieur Myard, mais quand même !

M. Jean-Claude Lefort.

Et dire que c'est Chirac qui a signé le traité !

M. Jacques Myard.

Face aux conditions inacceptables que l'on cherchait alors à nous imposer, il avait obtenu en janvier 1966, et vous savez de quelle manière, ce qu'on a appelé le compromis de Luxembourg. Il est urgent, compte tenu de ce que vient de dire Mme Guigou, et qui restera dans les annales,...

M. Gérard Gouzes.

Vous, vous n'y resterez pas !

M. Jacques Myard.

... que la France se réserve la faculté d'évoquer l'arrangement de Luxembourg dès lors que ses intérêts nationaux essentiels sont en jeu et de bloquer la négociation.

M. Robert Gaïa.

C'est vous qui débloquez, Myard !

M. Gérard Gouzes.

Monsieur René André, surveillez votre collègue !

M. Jacques Myard.

Je propose donc, par cet amendement, que l'arrangement prenne place dans la Constitution.

M. le président.

Monsieur Myard, je vous rassure : tout ce que dit Mme Guigou reste dans les annales, ne serait-ce que parce que ses propos sont consignés au Journal officiel.

M. Jean-Luc Warsmann.

Voilà qui est bien présomptueux !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, vice-présidente de la commission.

L'amendement a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

L'amendement de M. Myard fait une interprétation un peu baroque et extrémiste du compromis de Luxembourg, qui constitue, je vous le rappelle, un arrangement sur le vote à la majorité.

M. Jacques Myard.

Ayatollah communautaire ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

En d'autres termes, c'est une sorte de code de bonne conduite au terme duquel la majorité du Conseil ne peut imposer une décision à un Etat si celui-ci considère qu'elle porterait atteinte à ses intérêts essentiels.

La France avait indiqué, à l'époque, que la discussion devrait alors se poursuivre jusqu'à ce que l'on soit parvenu à un accord unanime.

Le compromis de Luxembourg constatait en quelque sorte qu'un désaccord subsistait sur ce point, mais - et c'est très important - que ce désaccord ne faisait pas obstacle à la poursuite des travaux de la Communauté. Il s'agit donc d'un accord sur un désaccord.

A partir du moment où cela s'inscrit dans un processus, ce serait un contresens que de vouloir le codifier. Il serait infondé de l'introduire dans le traité...

M. Jacques Myard.

Dans la Constitution ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... et plus encore dans notre Constitution.

D'autre part, monsieur Myard, c'est une arme de dissuasion, vous le dites vous-même dans votre exposé sommaire, qui n'a d'efficacité - et les gaullistes le savent bien ! - que si elle est utilisée de façon exceptionnelle et surtout si on en agite avec pertinence la menace.

M. Jacques Myard.

Je doute que vous sachiez le faire !

Mme Nicole Catala.

J'ai aussi des doutes sérieux ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Je rappelle que la dernière fois que cette arme a été utilisée, c'était en 1989 par le Danemark. Elle a aussi été brandie en 1992, à titre préventif, et efficacement par la France...

Mme Nicole Catala.

Mais pas par un gouvernement de gauche ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... dans les négociations agricoles entre les

Etats-Unis et l'Europe, lors des accords de Blair House. Ce qui veut dire, en clair, que le compromis de Luxembourg demeure, mais qu'il n'a absolument rien à faire dans notre constitution, surtout si l'on veut qu'il soit efficace.

M. Gérard Gouzes.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Guillaume a présenté un amendement, no 40, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le titre XV de la Constitution est complété par un article 88-5 ainsi rédigé :

« Art. 88-5. - Les actes des Communautés européennes ou de l'Union européenne visant à l'harmonisation du marché intérieur et des règles de circulation des personnes ne peuvent porter atteinte au droit souverain du peuple français, en dernier ressort, de prendre des mesures nationales de protection de l'ordre public, de la sécurité publique, de la protection de la vie et de la santé des personnes, de la moralité publique, du milieu du travail et de l'environnement, des animaux, des végétaux, des trésors nationaux ayant une valeur culturelle, artistique, historique ou archéologique, de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, ou dans tous autres domaines où le peuple français constate une exigence impérative liée à sa sauvegarde. »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

L'amendement reprend les principes établis par le traité en son article 36, devenu, modifié, l'article 30 dans le traité d'Amsterdam. C'est une véritable sauvegarde mais qui s'est affaiblie à cause des pratiques et des procédures ajoutées par les traités successifs, notamment par l'article 100 A, numéroté désormais 95. Cet article pose, à la mise en oeuvre d'une clause de sauvegarde d'un Etat membre, des conditions telles qu'il est quasiment impossible de les réunir. En réalité, le texte nouveau transforme cette clause de sauvegarde originelle en simple demande de dérogation. Notre amendement a pour objet d'y remédier.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Défavorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

40. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Guillaume a présenté un amendement, no 37, ainsi libellé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le titre XV de la Constitution est complété par un article 88-6 ainsi rédigé :

« Art. 88-6. Si le Gouvernement s'oppose à un projet d'acte des Communautés européennes ou de l'Union européenne qui serait contraire à la Constitution, qui outrepasserait les compétences déléguées en application des traités, ou qui violerait un intérêt national fondamental, ce projet d'acte ne saurait être adopté, ou, s'il l'était, ne saurait avoir d'effet contraignant sur le territoire de la République française. »

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Cet amendement propose une issue au problème des contradictions possibles entre la Constitution et le droit dérivé, lorsqu'elles ne seraient pas résolues par une révision constitutionnelle.

Tout projet d'acte européen, refusé dans ces conditions, ne pourrait s'appliquer en France, c'est évident. En revanche, il pourrait être mis en oeuvre par les autres

Etats membres, au titre d'une « coopération renforcée » prévue par le traité d'Amsterdam en son titre VII.

Cet amendement s'inspire d'ailleurs - et en reprend même les termes - de l'arrêt de 1993 de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, dont on a déjà parlé tout à l'heure. Pourquoi les Allemands et pas nous ?

M. Jacques Myard.

Parce qu'ils sont plus intelligents !

M. François Guillaume.

En fait, c'est une légalisation du compromis de Luxembourg dont on nous explique, suivant les circonstances, qu'il est caduc ou toujours d'actualité.

Comme aujourd'hui on nous a encore, assuré à ce sujet, je rappelle notamment à Mme la garde des sceaux qu'en 1992 elle avait fait des déclarations indiquant que le compromis de Luxembourg était caduc, ce qui avait nécessité les démarches successives du ministre des affaires étrangères, M. Dumas, et du Premier ministre de l'époque, M. Bérégovoy, pour remettre les choses en place et indiquer qu'il était toujours valable.

M. Moscovici tout à l'heure, la main sur le coeur, nous a indiqué que le compromis de Luxembourg était toujours valable mais nous préférons que les choses soient claires. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président.

La main sur le coeur, la commission pourrait-elle nous donner son avis ?

M. Henri Nallet, rapporteur.

Elle ne peut que s'opposer à cet amendement pour les raisons déjà exposées.

M. le président.

La raison et le coeur ! (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Toujours la main sur le coeur, avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

37. (L'amendement n'est pas adopté.)

Titre

M. le président.

Je donne lecture du titre du projet de loi constitutionnelle :

« Projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution. »

M. Nallet, rapporteur, a présenté un amendement, no 59, ainsi rédigé :

« A la fin du titre, substituer aux mots : "l'article 88-2" les mots : "les articles 88-2 et 88-4". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Henri Nallet, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. René André.

M. René André.

Enfin, merci, monsieur le ministre.

(Sourires.)

M. le président.

Tout est possible !

M. René André.

Nous n'y verrions aucun inconvénient, mais ça ne dépend pas de nous.

M. le président.

Pas de moi non plus !

M. René André.

Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez rejeté, hélas ! tous nos amendements.

M. Jacques Myard.

C'est scandaleux !

M. René André.

Ils tendaient simplement à sauvegarder, voire à étendre les droits du Parlement et à résorber le déficit démocratique qui frappe la construction de l'Europe, et non, je tiens à le dire, parce que je ne peux pas accepter qu'on nous en soupçonne, à paralyser la construction européenne.

M. Jacques Myard.

Elle se paralysera bien toute seule ! M. René André. Nous ne comprenons donc pas votre position qui nous paraît en contradiction complète avec vos propos, et nous la déplorons. Sans doute avez-vous pensé, nous sachant attachés à la construction européenne, et donc à cette étape qui lui est nécessaire de la ratification du traité d'Amsterdam, que vous pouviez passer outre.

Notre combat n'est pas fini. Il va se poursuivre au Sénat. Et quoi qu'il en soit de notre position future, on se souviendra qu'au cours de ce débat, c'est nous qui avons combattu pour étendre le contrôle parlementaire et pour essayer de rendre le citoyen plus proche de la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

59. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, le titre du projet de loi constitutionnelle est ainsi libellé.

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé, en application de l'article 65-1 du règlement, de reporter les explications de vote et le vote sur le projet de loi constitutionnelle au mardi 1er décembre 1998 après-midi, après les questions au Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, le Gouvernement, conformément à l'article 48 de la Constitution, retire de l'ordre du jour de cette séance l'examen du projet de loi relatif aux animaux dangereux qui sera inscrit à l'ordre du jour du 9 décembre prochain.

M. Jacques Myard.

Il ne nous reste que ça maintenant ! Et encore il nous est interdit d'aboyer !

M. le président.

L'ordre du jour est ainsi modifié.

3 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ORGANIQUE

M. le président.

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. le Premier ministre, un projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie.

Ce projet de loi organique, no 1229 est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. le Premier ministre, un projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie.

Ce projet de loi, no 1228, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Jean-Jacques Filleul, un rapport, no 1216, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'organisation de certains services au transport aérien (no 1186).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Daniel Marcovitch, un rapport, no 1217, fait au nom de la commission de la production et des échanges sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'emploi des fonds de la participation des employeurs à l'effort de construction (no 1192).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. François Loncle, un rapport, no 1218, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur la proposition de loi relative à la validation législative d'actes pris après avis du comité technique paritaire du ministère des affaires étrangères (no 1205).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Pierre Brana, un rapport no 1219, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (no 920), ensemble un protocole.

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Etienne Pinte, un rapport no 1220, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant l'approb ation de l'accord entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République tunisienne sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (no 918) (ensemble un échange de lettres).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. René Mangin, un rapport, no 1221, fait au nom de la commission des affaires étrangères sur les projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération culturelle, scientifique et technique, et autorisant l'approbation d e la convention entre le Gouvernement de la R épublique française et le Gouvernement de la République de Namibie en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (nos 785 et 921).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Patrick Delnatte, un rapport, no 1222, fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations internationales non gouvernementales (no 320).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Paul Dhaille, un rapport, no 1223, fait au nom de la commission des affaires étrangères sur les projets de loi, adoptés par le Sénat, autorisant l'approbation de la charte sociale européenne (révisée) (ensemble une annexe) et autorisant l'approbation du protocole additionnel à la charte sociale européenne prévoyant un système de réclamations collectives (nos 678 et 676).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport, no 1224, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998 (no 1210).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport, no 1225, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan sur le projet de loi modifié par le Sénat portant règlement définitif du budget de 1995 (no 1159).

6 DÉPÔT DE RAPPORTS

SUR DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Yves Durand, un rapport, no 1226, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

sur la proposition de résolution de M. Claude Goasguen, visant à créer une commission d'enquête sur les modalités de gestion des personnels enseignants de l'enseignement secondaire (no 1140).

J'ai reçu, le 25 novembre 1998, de M. Gaëtan Gorce, un rapport, no 1227, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de résolution de M. Alain Barrau, sur la proposition de lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres pour 1999 [COM (1998) 574 final/E1171] (no 1184).

7

COMMUNICATION RELATIVE AUX ASSEMBLÉES TERRITORIALES

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre, en date du 25 novembre 1998, relative à la consultation de l'assemblée territoriale de la Polynésie française sur les projets de loi portant ratification des ordonnances prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 (nos 1173 rectifié, 1174, 1175 rectifié et 1176 rectifié).

Cette communication a été transmise à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République et à la commission de la production et des échanges.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à dix heures, première séance publique : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1208, de financement de la sécurité sociale pour 1999 : MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Dominique Gillot, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1215).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 26 novembre 1998, à une heure quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

EXAMEN PAR LA COMMISSION DE LA PRODUCTION ET DES E CHANGES EN NOUVELLE LECTURE DU

PROJET DE LOI, MODIFIE PAR LE SE NAT EN D

EUXIE ME LECTURE, RELATIF AUX ANIMAUX DANGEREUX ET ERRANTS ET A LA PROTECTION

DES ANIMAUX Présidence de M. André Lajoinie, président La commission de la production et des échanges a examiné, le mardi 17 novembre 1998, en nouvelle lecture, sur le rapport de M. Georges Sarre, le projet de loi, modifié par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux (no 1185).

M. Georges Sarre, rapporteur, a rappelé que la commission mixte paritaire n'avait pu parvenir à un texte sur les dispositions de ce projet de loi restant en discussion.

C HAPITRE Ier Des animaux dangereux et errants Article 1er (art. 211 du code rural) Mesures visant à prévenir le danger susceptible d'être présenté par un animal Sur cet article, le rapporteur a proposé de rétablir le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et prévoyant que le délai de garde de l'animal n'est pas de quinze jours à compter de la date de la capture de celui-ci, mais de huit jours ouvrés.

M. André Angot a fait valoir que le délai de quinze jours retenu par le Sénat s'expliquait pour l'essentiel par les nécessités de la lutte contre la rage et, qu'en prévoyant de réduire ce délai , on prenait un risque grave pour la santé publique.

Le rapporteur a fait remarquer que les données de ce débat étaient désormais bien connues et que la réduction du délai de garde à huit jours ouvrés s'imposait en considération des finances des organismes gestionnaires. Il a indiqué également que le délai franc de huit jours ouvrés était suffisant pour permettre au vétérinaire de juger de la dangerosité d'un animal.

M. André Angot a rappelé qu'un cas de rage de chien avait été détecté dans le Gard au début de 1998 et que des préc autions importantes devaient en toute hypothèse être prises face à ce risque. Il a indiqué également que, dans le cas de ce chien atteint de la rage, nul ne connaissait ses antécédents et qu'il ét ait en particulier impossible de déterminer si cet animal avait été l'auteur de morsures. Ceci justifie, a estimé M. André Angot, que le délai de quinze jours au préalable prévu pour le contrôle du risque rabique soit en tout état de cause maintenu.

M. Jean-Pierre Blazy a exprimé son accord avec l'analyse du rapporteur.

La commission a ensuite adopté l'amendement du rapporteur, puis l'article premier ainsi modifié.

Article 2 (art. 211-1 à 211-9 [nouveaux] du code rural) Mesures applicables aux chiens potentiellement dangereux Art. 211-1 (nouveau) du code rural Etablissement d'une liste de chiens potentiellement dangereux La commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le texte adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale et distinguant deux types de chiens susceptibles d'être dangereux, les chiens d'attaque et les chiens de garde et de défense, la liste des types de chiens relevant de chacune de ces catégories étant fixée par arrêté interministériel.

Art. 211-2 (nouveau) du code rural Interdiction faite à certaines catégories de personnes de détenir des chiens potentiellement dangereux Sur cet article, la commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le texte voté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, afin de faire référence à l'existence de deux catégories de chiens susceptibles d'être dangereux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

Art. 211-3 (nouveau) du code rural Formalités imposées aux détenteurs de chiens potentiellement dangereux La commission a adopté deux amendements du rapporteur rétablissant le libellé de cet article, tel qu'adopté par l'Assemb lée nationale en deuxième lecture. Le premier amendement prévoit que l'identification du chien dont la preuve doit être apportée au moment de la déclaration du chien en mairie peut être opérée par une personne autre qu'un vétérinaire titulaire d'un mandat sanitaire. Le deuxième amendement prévoit que la déclarat ion en mairie doit également être accompagnée par la fourniture du certificat vétérinaire de stérilisation de l'animal dans le cas des chiens de la première catégorie.

Art. 211-4 (nouveau) du code rural Mesures spécifiques concernant les chiens d'attaque La commission a adopté un amendement du rapporteur ayant pour objet de rétablir cet article dans le texte adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, en cohérence avec son vote sur l'article 211-1 créant la catégorie des chiens d'attaque.

Art. 211-5 (nouveau) du code rural Mesures restreignant la circulation des chiens potentiellement dangereux La commission a adopté sur proposition de son rapporteur un amendement rétablissant cet article dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Art. 211-5 bis (nouveau) du code rural Interdiction de posséder ou de détenir dans les logements un chien d'attaque Le rapporteur a proposé un amendement prévoyant que les règlements de copropriété et les contrats de location puissent prescrire l'interdiction de posséder ou de détenir un chien appartenant à la première catégorie.

M. André Lajoinie, président, a observé que le texte de l'amendement prévoyait une possibilité d'interdiction, offrant ainsi une certaine souplesse dans l'application de cette mesure.

M. Nicolas Dupont-Aignan, usant de la faculté offerte par l'article 38 du règlement de l'Assemblée nationale, a exprimé son accord avec la suggestion du rapporteur, estimant que celle-ci répond à de vrais besoins sur le terrain.

M. Jean-Pierre Blazy a rappelé qu'il avait lui-même souhaité l'intervention de cette mesure lors des débats de la commission en première lecture, mais que des risques d'inconstitutionnalité avaient été alors évoqués. Notant que la jurisprudence rendait impossible de telles interdictions, M. Jean-Pierre Blazy a souligné l'intérêt d'une disposition législative en la matière.

La commission a adopté cet amendement puis l'article 2 ainsi modifié.

Article 7 (art. 213-3 à 213-6 [nouveaux] du code rural) Mesures relatives à la mise en fourrière et aux chats errants Art. 213-4 (nouveau) du code rural Fonctionnement du service de fourrière pour les animaux identifiés La commission a adopté deux amendements du rapporteur rétablissant le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture : le premier, rétablissant la possibilité d'identifier un chien ou un chat accueilli en fourrière par le port d'un collier où figurent le nom et l'adresse de son maître ; le second, prévoyant que le délai de garde de l'animal identifié en fourrière est, comme pour l'article 211, non de

« quinze jours à compter de la date de la capture de l'animal », mais de « huit jours ouvrés ».

Art. 213-5 (nouveau) du code rural Fonctionnement du service de fourrière pour les animaux non identifiés Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement rétablissant le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture et prévoyant, par cohérence avec les votes intervenus aux articles 211 et 213-4, que le délai de garde de l'animal en fourrière est de « huit jours ouvrés ».

La commission a ensuite adopté l'article 7 ainsi modifié.

C HAPITRE II De la vente et de la détention des animaux de compagnie Article 10 (art. 276-3 du code rural) Terminologie - Gestion des fourrières et refuges ; élevages de chiens et chats ; activités commerciales concernant les chiens et chats et autres animaux de compagnie d'espèce domestique La commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant le texte voté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture afin d'asseoir l'obligation de mettre en place et utiliser des installations conformes aux règles sanitaires et de protection animale sur la notion de chiens sevrés figurant dans la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. M. André Angot a cependant fait valoir que le dispositif voté par le Sénat, qui avait décidé de ne faire supp orter cette obligation qu'aux détenteurs de plus de neuf chiens âgés d'au moins six mois, prenait mieux en compte la réalité de la situation des propriétaires de chiots auxquels il sera particulièrement difficile d'imposer la réglementation sanitaire.

Puis la commission a adopté l'article 10 ainsi modifié.

Article 13 (art. 276-5 [nouveau] du code rural) Cessions et publication d'offres de cession d'animaux de compagnie Protection des races de chiens et chats La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant l'interdiction de céder à titre gratuit des chiens et chats âgés de moins de huit semaines introduite par le Sénat. Puis, elle a adopté l'article 13 ainsi modifié.

Article 15 (art. 276-8 à 276-12 [nouveaux] du code rural) Sanctions des infractions à l'article 276-3 et pour mauvais traitements envers animaux dans des établissements professionnels Amende forfaitaire Art. 276-9 (nouveau) du code rural Sanctions pénales pour infraction à l'article 276-3 La commission a adopté un amendement du rapporteur rétablissant la référence au seuil de dix chiens sevrés qu'elle a esti mé préférable à celui de dix chiens âgés de plus de six mois vo té par le Sénat.

Puis, elle a adopté l'article 15 ainsi modifié.

C HAPITRE V Dispositions diverses Article 19 bis (nouveau) Validation des concours d'entrée dans les écoles vétérinaires pour 1998 La commission a été saisie par le rapporteur d'un amendement de rédaction globale de l'article additionnel introduit par le Sénat en deuxième lecture afin de préciser la rédaction du d ispositif et indiquer que la mesure de validation n'éteint pas les recours en indemnité. Un débat s'est engagé.

Le rapporteur a fait valoir que son amendement visait à conforter la situation des candidats reçus. Il s'est cependant déclaré très circonspect quant à l'équité de cette mesure de validation.

M. André Angot a souhaité que la commission propose un dispositif permettant que ne soit pas remise en cause l'admission des candidats reçus en 1998 aux concours des écoles nationales vétérinaires et que puisse être réglée la situation de ceux qui auraient dû être reçus.

M. Nicolas Dupont-Aignan a dénoncé les conditions scandaleuses du déroulement des concours en 1998. Il a estimé que le Parlement devait répondre à deux préoccupations : la validation des candidats admis et l'impossibilité dans laquelle se trouvent les candidats recalés de repasser à nouveau les concours.

M. Pierre Ducout a convenu que tous les députés étaient d'accord pour ne pas remettre en cause la situation des candidats admis en 1998. Par ailleurs, le ministre de l'agriculture a


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

supprimé le système des quotas pour les prochains concours de 1999. Cependant, il souhaite s'en tenir aux décisions des jurys relatives aux listes des candidats reçus aux concours. Il a proposé que les candidats recalés en 1998 puissent, par souci d'équité, se représenter une nouvelle fois aux concours. Il convient en outre d'étudier la possibilité d'admettre un certain nombre - une quarantaine par exemple - d'élèves vétérinai res.

M. Jacques Fleury a rappelé que les concours vétérinaires établissaient traditionnellement une distinction entre les candidats se présentant pour la première fois aux concours et ceux se présentant pour la seconde fois. Au cours de la scolarité 1997-1998, le ministère de l'agriculture a créé une nouvelle distinction entre les candidats se présentant pour la première fois ayant effectué une année de classe préparatoire et ceux ayant effectué deux années de classe préparatoire. L'iniquité des concours 1998 provient du fait que le jury a déclaré que les candidats ayant effectué deux années de classe préparatoire seraient traités non pas comme ceux ayant effectué une seule année de classe préparatoire mais comme ceux passant pour la seconde fois les concours. Cette dernière catégorie a bénéficié d'une note d' admission minimale de 12,03 alors que les candidats se présentant pour la première fois après avoir effectué une seule année de classe préparatoire ont bénéficié d'une note de 10. Quarantequatre candidats ayant effectué deux années de classe préparatoire ont ainsi été éliminés au profit de candidats se prése ntant pour la seconde fois aux concours.

M. Léonce Deprez s'est interrogé sur les possibilités dont dispose le législateur pour remédier à de telles situations.

M. François Patriat a rappelé que M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, avait introduit des quotas dans les concours vétérinaires afin de rétablir une égalité des chanc es qui n'existait pas entre les candidats ayant des moyens financiers leur permettant d'effectuer ou non plusieurs années de classe préparatoire. Les règlements des concours pour 1998 ont été établis en juillet 1997 et la modification du 6 février 1998 n'a fait qu'entériner ce qui avait été annoncé. En outre, 44 places supplémentaires ont été débloquées pour les candidats se présentan t pour la seconde fois aux concours. Si les candidats déclarés non admis en application du nouveau système de quotas devaient être reçus grâce à une mesure de régularisation rétroacti ve, 225 places supplémentaires seraient nécessaires.

M. François Patriat a indiqué avoir consulté l'ordre des vété rinaires qui lui a déclaré que les concours pour 1998 lui paraissaient valables et qu'ils devaient être validés. En outre, M. François Patriat a rappelé que les jurys de concours étaient souverains et que la loi ne devait pas remettre en cause leur autorité sous peine de discréditer le système français de recrutement par concours. Il a conclu qu'il fallait avoir conscience que les écoles nationales vétérinaires étaient dans l'incapacité matérielle d'accueillir plusieurs dizaines d'élèves supplémentaires.

M. Jean-Pierre Blazy a fait observer que l'organisation des concours relevait du pouvoir réglementaire et qu'il était contestable de se tourner vers le Parlement pour régler les vices de procédure et redresser les irrégularités d'organisation.

M. Nicolas Dupont-Aignan a approuvé les propos de M. Jean-Pierre Blazy et a ajouté que la loi ne pouvait pas tout régler, notamment l'admission des candidats inscrits sur les listes complémentaires.

Le rapporteur a rappelé que le Parlement était avant tout saisi d'une demande tendant à permettre le maintien d'une promotion d'élèves vétérinaires dont l'existence est menacée par les risques sérieux de constatation de l'illégalité des règlements d'organisation des concours et donc d'annulation des concours.

M. Roger Meï s'est interrogé sur les possibilités offertes au Parlement pour régler les injustices des concours pour 1998.

Après une suspension de séance, M. Pierre Ducout a présenté un sous-amendement tendant à permettre aux candidats déclarés non admis en 1998, mais dont la note est supérieure à la note obtenue par le dernier élève admis, de repasser les concours en 1999.

Le rapporteur a souligné que ce dispositif permettait de valider les concours de 1998, de proposer une mesure redressant certains torts et d'engager la discussion.

M. Jacques Fleury a estimé que le sous-amendement n'offrait qu'une solution de repêchage qui ne corrigeait pas l'injustice subie par les candidats visés.

M. André Angot a fait observer que plusieurs de ces candidats ne s'étaient sans doute pas inscrits à nouveau en classe préparatoire à la rentrée 1998 après avoir appris leur échec aux concours.

La commission a adopté le sous-amendement de M. Pierre Ducout et l'amendement de rédaction globale du rapporteur ainsi modifié.

Puis, elle a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE Il résulte d'une lettre de M. le ministre des relations avec le Parlement, communiquée à l'Assemblée au cours de la première séan ce du mercredi 25 novembre 1998, que l'ordre du jour est ainsi modifié : (Mardi 1er décembre 1998, le matin, à 10 h 30.)

: Questions orales sans débat.

(L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement , et le soir, à 21 heures.)

Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, en nouvelle lecture nos 1208 et 1215 ; Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution nos 1072, 1212 et 1209 ; Suite de la discussion des propositions de loi relatives au pacte civil de solidarité nos 1118, 1119, 1120, 1121, 1122, 1138 et 1143.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1998

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mercredi 25 novembre 1998 SCRUTIN (no 145) sur l'amendement no 48 rectifié de M. Lefort avant l'article unique du projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution (autorisation, par référendum, de la ratification des traités modifiant l'exercice de la souveraineté).

Nombre de votants .....................................

113 Nombre de suffrages exprimés ....................

113 Majorité absolue ..........................................

57 Pour l'adoption ...................

14 Contre ..................................

99 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (250) : Contre : 75 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votants : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Raymond Forni (président de séance).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 8. - MM. Pierre Aubry , Michel Bouvard , Philippe Briand , Mme Nicole Catala , MM. Robert Galley , François Guillaume , Thierry Mariani et Jacques Myard

Contre : 15 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (68) : Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 7 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Contre : 1. - M. François Huwart.

Non-inscrits (6).

SCRUTIN (no 146) sur l'amendement no 3 de M. Michel après l'article unique du projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 88-2 de la Constitution (obligation pour le Gouvernement de renégocier le traité, sur demande du Parlement).

Nombre de votants .....................................

86 Nombre de suffrages exprimés ....................

86 Majorité absolue ..........................................

44 Pour l'adoption ...................

15 Contre ..................................

71 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (250) : Contre : 59 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votants : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Raymond Forni (président de séance).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 5. - M. Michel Bouvard , Mme Nicole Catala ,

M M. François Guillaume , Jean-Jacques Guillet et Jacques Myard.

Contre : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (68) : Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (6).