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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRE

SIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 9886).

FUSIONS DANS LE SECTEUR PHARMACEUTIQUE (p. 9886)

MM. André Gerin, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

RE

FORME DE L'AUDIOVISUEL (p. 9887)

M. Christian Kert, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

ARTICLE ANTISÉMITE D'UN HAUT MAGISTRAT (p. 9888)

M. Bernard Grasset, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

PRESTATIONS SOCIALES (p. 9888)

MM. Robert Gaïa, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

RE

FORME DE LA JUSTICE (p. 9889)

M. André Vallini, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

SOMMET FRANCO-ALLEMAND (p. 9890)

MM. Jean Espilondo, Lionel Jospin, Premier ministre.

POLITIQUE DE LA VILLE ET SÉCURITÉ (p. 9891)

Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

SITUATION AUX COMORES (p. 9892)

MM. Claude Hoarau, Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

CONJONCTURE E

CONOMIQUE (p. 9892)

M

M. Georges Colombier, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

RE

FORME DE L'AUDIOVISUEL (p. 9893)

MM. Renaud Muselier, Lionel Jospin, Premier ministre.

DISCIPLINE A L'E

COLE (p. 9895)

MM. Lionnel Luca, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

BOGUE DE L'AN 2000 (p. 9896)

MM. Pierre Lellouche, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 9896)

PRE

SIDENCE DE M. YVES COCHET

2. Rappels au règlement (p. 9897).

M. Philippe Douste-Blazy, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. José Rossi.

Suspension et reprise de la séance (p. 9898)

MM. François d'Aubert, Henri Plagnol, Georges Hage, Bernard Accoyer.

3. Pacte civil de solidarité. - Suite de la discussion d'une proposition de loi (p. 9900).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 9900)

Article 1er (suite) (p. 9900)

APRE S L'ARTICLE 515-8 DU CODE CIVIL (p. 9901)

Amendement no 723 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice Martin-Lalande, Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Bernard Accoyer. Rejet.

Réserve du vote sur les amendements précédemment réservés et sur l'article 1er

Après l'article 1er (p. 9902)

Amendements nos 188 de M. Estrosi, 422 de M. Accoyer, 186 de M. Estrosi, 791 de M. Dutreil et 270 de M. Mariani, et amendements identiques nos 792 de M. Dutreil et 185 de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, Bernard Accoyer, Richard Cazenave, Dominique Dord, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Edouard Landrain, Philippe de Villiers. - Rejets.

Amendement no 257 de M. Mariani : MM. Bernard A ccoyer, le rapporteur, Mme la garde des sceaux,

M. Edouard Landrain. - Rejet.

L'amendement no 813 de M. Tourret n'est pas défendu.

Amendement no 813 repris par M. Dord : MM. Dominique Dord, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. le président, Richard Cazenave, Henri Plagnol, Alain Tourret, Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois ; M. Claude Goasguen. - Rejet.

Mme la garde des sceaux.

Amendement no 786 de M. de Courson : MM. Henri Plag nol, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Dominique Dord, Renaud Donnedieu de Vabres, le président. - Rejet.

Article 2 (p. 9913)

M. le président.

MM. Henri Plagnol, Guy Hascoët, Bernard Birsinger.

MM. le président, Bernard Accoyer.

L'Assemblée, consultée en application de l'article 57 du règlement, décide de clore la discussion sur l'article 2.

Rappels au règlement (p. 9916)

MM. Bernard Accoyer, le président, Dominique Dord.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Suspension et reprise de la séance (p. 9917)

Rappels au règlement (p. 9917)

MM. Patrick Ollier, Philippe Douste-Blazy, le président, Henri Plagnol, Dominique Dord.

Suspension et reprise de la séance (p. 9918)

Reprise de la discussion (p. 9918)

Amendements de suppression nos 20 de M. Besselat, 120 de Mme Boutin, 215 de M. Estrosi, 258 de M. Mariani, 397 de M. Accoyer, 470 de M. Masdeu-Arus, 504 de M. Baguet, 538 de M. Goulard, 579 de M. Goasguen, 752 de M. Plagnol, 765 de M. Fromion, 818 de M. Vannson et 874 de M. Doligé : M. Bernard Accoyer, Mme Christine Boutin, M. Christian Estrosi, Mme MarieThérèse Boisseau, MM. Dominique Dord, le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejet.

M. le président.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Fait personnel (p. 9924).

M. Bernard Accoyer.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9925).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

FUSIONS DANS LE SECTEUR PHARMACEUTIQUE

M. le président.

La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin.

Monsieur le président, ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle concerne les secteurs de la chimie, de la pharmacie et de l'agro-alimentaire.

Le rapprochement annoncé de Rhône-Poulenc et de Hoechst présente de graves dangers pour notre industrie, notre santé publique et notre politique du médicament.

D'autres fusions vont se produire dans l'industrie pharmaceutique et seront à l'origine d'une casse sociale et industrielle dont la France et l'Europe subiront les conséquences.

Avec l'abandon total de la branche chimie, par exemple, des activités et de nombreux sites vont être sacrifiés. Les actionnaires des fonds de pensions américains tirent le « jus » d'une rentabilité prohibitive puisqu'ils exigent 12, 15, voire 20 % de profit. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette exigence financière est incompatible avec l'ambition industrielle, avec le développement des métiers et des savoir-faire, avec l'innovation. Nous disons non à ces fusions qui mettent en cause les lois de la République.

Le même problème se pose pour la branche pharmacie où la recherche de nouvelles molécules est orientée vers un hit-parade de la rentabilité, alors que l'on abandonne des médicaments de base qui ne seraient pas assez rentables.

Les députés communistes condamnent cette fusionmutilation qui va à l'encontre de la coopération et de la mutualisation des moyens et des compétences entre la France, l'Allemagne et l'Europe.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, je pense que c'est vous qui allez me répondre et j'ai quatre questions très simples à vous poser. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Premièrement, quelle est la position du Gouvernement sur ces fusions ? Deuxièmement, le Gouvernement va-t-il décider avec l'Assemblée nationale de donner des droits et des pouvoirs nouveaux aux salariés des entreprises pour qu'ils puissent intervenir sur les stratégies industrielles et financières ?

M. Maurice Leroy.

Litanie !

M. André Gerin.

Ce n'est pas une litanie pour les ingénieurs et les techniciens qui n'ont pas voix au chapitre.

Troisièmement, n'est-il pas temps d'organiser avec les syndicats, les salariés et l'ensemble des PME et des PMI qui vont en souffrir, une consultation nationale pour s'opposer à ce pétainisme industriel ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quatrièmement, puisqu'il s'agit de la santé et du médicament, il s'agit de l'art de vivre. Je pense que le Gouvernement devrait examiner les conséquences de telles décisions sur le plan sanitaire pour la France et l'Europe, afin d'endiguer ces bouleversements, de défendre la promotion de la personne et le bien commun, notions dont ces grands groupes industriels ont perdu le sens, et de maintenir ainsi une certaine idée de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Aujourd'hui, le groupe communiste ne dispose malheureusement que de cinq minutes. Il en reste une pour la réponse.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je vais m'efforcer d'être bref.

Monsieur le député, il faut garder la tête froide face à ces mouvements de fusion et de concentration au plan international, qui affectent non seulement le secteur que vous évoquez mais de très nombreux autres secteurs, notamment dans l'industrie.

L'essentiel - vous avez mille fois raison - est que la fusion qui va intervenir conserve une logique industrielle et n'obéisse pas uniquement à des critères financiers, notamment ceux des fonds de pension. Il faut développer des synergies entre les deux groupes qui se rapprochent, afin de ne pas additionner les faiblesses ou les difficultés mais de multiplier les opportunités de développement de nouveaux produits et de nouveaux marchés.

Ainsi, le nouveau groupe consacrera environ 15 milliards par an à la recherche et développement. Ce peut être, si on a une vision industrielle correcte, une opportunité formidable de développement de la pharmacie européenne, et française en particulier. Chaque molécule, c'est sept ou huit ans de travail et un milliard d'investissement. Il faut donc donner tous les moyens à notre indutrie nationale pour aller de l'avant et pour être compétitive.

Le nouveau groupe doit accroître ses efforts en recherche et développement et pour la conquête de nouveaux marchés. Il sera probablement au premier rang mondial sur les vaccins, au deuxième sur les produits bio-


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logiques, au troisième sur la cardiologie et le diabète, au quatrième sur les anti-infectieux et les anti-allergiques.

C'est une opportunité que nous avons la possibilité d'exploiter mieux encore grâce au dialogue avec les travailleurs des deux entreprises.

Le Gouvernement veillera, comme vous, à ce que l'intentité de la recherche et le développement de ses débouchés soient le fruit de ce rapprochement. Il veillera à ce que l'on maintienne ou même développe l'emploi à partir des nouveaux marchés qui peuvent être conquis. Il veillera à ce que notre ambition industrielle se manifeste notamment pour la ville de Strasbourg, où sera créé le siège social commun des deux entreprises, mais aussi pour la région de Lyon, à laquelle vous êtes légitimement attaché, afin que les atouts de l'agrochimie puissent être développés dans cette ville.

Soyons vigilants, mais ayons aussi une ambition industrielle pour la pharmacie et les sciences de la vie dans notre pays.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

RE

FORME DE L'AUDIOVISUEL

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Madame la ministre de la culture et de la communication, le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance dans son entier m'a chargé de vous faire part de son sentiment de compassion.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En effet, votre situation n'est pas facile. Depuis hier soir, vous n'avez plus ce projet de loi sur lequel vous travailliez depuis dix-huit mois. Le Premier ministre luimême vous en a privé brutalement au retour de Potsdam.

On vous avait d'abord prêté un ministre virtuel, notre collègue Mme Bredin, pour réviser votre copie. Puis, l'on a vu que l'exercice était impossible. Nous en avons eu la confirmation puisque, hier soir, ce projet préparé depuis dix-huit mois a été retiré dans des conditions sans précédent (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), au mépris du travail de notre assemblée.

(Protestat ions sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il avait pourtant été annoncé ici même par M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.

Le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance trouve donc un peu facile que l'on vous fasse porter, à vous seule, toute la responsabilité des hésitations, des reniements, des détournements de ce gouvernement.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Santini.

Sortez les mouchoirs !

M. Christian Kert.

Ce matin, madame la ministre, vous avez confirmé que vous étiez toujours en charge de ce dossier.

(« Ah bon ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Alors, dites-nous enfin quelles sont les intentions de votre gouvernement vis-à-vis de l'audiovisuel. Pouvons-nous compter sur un projet qui assure l'équilibre financier de l'audiovisuel public sans taxer le téléspectateur ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Sur un projet qui prenne la mesure des évolutions technologiques liées à l'image ? (« Non ! ») Sur un projet, enfin, qui assure l'impartialité politique des chaînes publiques (« Non ! »)...

Mme Martine David.

Pas vous !

M. Christian Kert.

... qui soit tourné vers les producteurs, vers les réalisateurs, et qui ne soit pas un retour à l'ORTF ? Ma dernière question s'adresserait peut-être à M. le Premier ministre : trouverez-vous une majorité plurielle kyrielle pour le voter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Huéess ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur Kert, si vous aviez un doute sur la motivation de la majorité à défendre le premier projet de loi sur l'audiovisuel (« L'ex-projet ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, celui portant réforme de l'audiovisuel public, je crois qu'il vient d'être dissipé.

Ce texte est centré sur les programmes et, pour la première fois, il garantit à l'audiovisuel public les moyens de ses ambitions. Cela, vous ne l'aviez jamais fait. Je rappelle les chiffres de 1997 : moins 550 millions de francs pour France 2 et France 3, moins 140 millions pour Arte et La Cinquième. J'étais même allée trouver M. Juppé, à l'époque, pour protester contre le fait que les programmes d'Arte-La Cinquième n'étaient plus financés et que la France ne respectait pas sa parole vis-à-vis de ses partenaires allemands.

Que propose cette loi avec l'engagement du Premier ministre ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Elle s'adresse aux téléspectateurs, qui approuvent massivement la réforme ; elle libère l'audiovisuel public de la recherche de recettes commerciales pour lui permettre de se consacrer à son travail et de réussir la révolution technologique de la télévision numérique ; elle répond aux voeux des téléspectateurs, avec plus de programmes pour les familles et la jeunesse, avec plus de programmes éducatifs, avec des programmes de meilleure qualité. C'est cela l'enjeu de cette réforme.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est la Bérézina, oui !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Quant au reste, franchement, je n'ai pas pu compter sur vos propositions pour enrichir le texte. Par contre, j'ai pu compter sur celles de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

Je suis confiante, car le projet est maintenu. Il est aujourd'hui complété par l'engagement qui a été pris de compenser par 2,6 milliards de francs les exonérations de redevance. C'est une première en France et c'est l'assurance de garantir aux chaînes publiques et à la radio publique les moyens de leur fonctionnement.

Alors, la compassion, laissons-la pour le passé ! J'en ai beaucoup, en effet pour la manière dont vous avez parfois espéré garantir l'audiovisuel public sans jamais y réussir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

En revanche, je me réjouis de vous retrouver bientôt dans ce débat, monsieur Kert, et de pouvoir compter, sur vos bancs aussi, des défenseurs et non pas des casseurs de l'audiovisuel public. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

ARTICLE ANTISÉMITE D'UN HAUT MAGISTRAT

M. le président.

La parole est à M. Bernard Grasset.

M. Bernard Grasset.

Madame la garde des sceaux, c'est avec consternation, avec colère, avec dégoût, que nous avons appris que la revue d'une organisation professionnelle, jadis bien représentée dans certains cabinets ministériels, avait accueilli l'article nauséeux d'un haut magistrat s'en prenant à un collègue déjà attaqué par des journaux d'extrême droite. Avec mépris, nous avons entendu ses explications confuses. De tels jeux de mots ont déjà été condamnés. Ils sont indignes de la part d'un citoyen. Ils le sont encore plus venant d'un magistrat chargé de dire le droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Jadis, dans mon école, j'avais deux amis de mon âge.

Ils ne s'appelaient pas Lévy, ils s'appelaient Mossé. Ils sont partis en empruntant le chemin évoqué par ces ignobles propos.

Ne serait-ce que pour eux, je souhaite que de tels écrits ne restent pas impunis et vous demande, madame la garde des sceaux, d'en saisir le Conseil supérieur de la magistrature. (Applaudissements sur les bancs du groupes ocialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Vous venez de rappeler, monsieur le député, les termes scandaleux dont a usé un haut magistrat dans la revue de l'Association professionnelle des magistrats. Ce haut magistrat, avocat général à la Cour de cassation, en conclusion d'un article désobligeant pour M. Albert Lévy, récemment encore substitut à Toulon, a écrit : « Tant va Lévy au four qu'à la fin il se brûle ! » (Murmures sur de nombreux bancs.)

Dès que j'ai eu connaissance de ce texte, hier en fin de matinée, avant de quitter Potsdam, j'ai été comme vous saisie d'indignation. Ma première réaction a été de prononcer la suspension immédiate de M. Terrail.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais pour que le garde des sceaux puisse prononcer une suspension, il lui faut, selon les procédures, qu'il convient bien entendu de respecter, l'avis préalable du chef de cour, en l'occurrence le procureur général près la Cour de cassation, ainsi que l'avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature. Pour que la procédure disciplinaire puisse être plus rapide et plus efficace, j'ai donc pensé préférable de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature, ce que j'ai fait hier après-midi. Je souhaite que le Conseil me donne son avis dans les meilleurs délais sur les sanctions disciplinaires qu'il estimerait appropriées, en respectant, comme il se doit, les droits de la défense.

Que M. Terrail soit un haut magistrat, qu'il soit de surcroît avocat général à la Cour de cassation, qui est chargée de dire le droit, sont à mes yeux des circonstances aggravantes.

Ce ne sont évidemment pas les seules mesures qui ont été prises. Le parquet de Paris, de son côté, a engagé, hier après-midi, une enquête préliminaire pour injures raciales, démarche qui permet d'empêcher la prescription de poursuites éventuelles. Cette enquête préliminaire permettra de vérifier si les poursuites pénales du chef d'injures raciales sont juridiquement possibles contre les personnes dénommées, en l'espèce le rédacteur de l'article et le directeur de la publication. Au vu du résultat, le parquet de Paris appréciera l'opportunité d'engager des poursuites.

Je précise à l'Assemblée nationale que cette enquête préliminaire ne fait pas obstacle à ce que M. Albert Lévy puisse se constituer partie civile. S'il le souhaite, sa protection juridique pourra, comme il est d'usage en pareil cas, être assurée par le garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons à mobiliser tous nos responsables contre les injures raciales et la progression du racisme. Le 16 juillet dernier, dans une circulaire au parquet, j'ai à nouveau rappelé à quel point il était important de réprimer les infractions en matière raciale. Je veux affirmer ici ma confiance dans la capacité de notre système judiciaire et de notre magistrature à réprimer ce type d'infractions qui ont, malheureusement, tendance à augmenter. Depuis hier, en effet, j'ai reçu de multiples témoignages qui me confirment, monsieur le député, que la quasi-totalité de nos magistrats sont aussi indignés que vous l'êtes, que je le suis et que l'est, je pense, l'ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupes ocialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Bataille.

A bas les fachos !

PRESTATIONS SOCIALES

M. le président.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Permettez-moi, monsieur le président, de me réjouir que la représentation parlementaire affirme, dans sa diversité, sa solidarité à l'égard de M. Lévy dans l'épreuve qui le touche aujourd'hui.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

De nombreux allocataires viennent nous rencontrer dans nos permanences pour nous faire part de leur détresse face aux pratiques de certaines caisses d'alloca-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

tions familiales. En effet, les CAF continuent à effectuer des versements dans les mêmes conditions qu'avant, alors que la situation des allocataires a souvent été modifiée. La réglementation en matière de prestations familiales, vous le savez bien, peut être parfois complexe et il convient d'être indulgent avec ces allocataires qui sont souvent des personnes en grande difficulté.

Dans ces conditions, est-il normal que les CAF soient autorisées à récupérer sur les allocataires, de façon aveugle et abrupte, des trop-perçus, quelquefois à hauteur de 100 % de leurs revenus, plaçant certaines personnes dans des difficultés inextricables ? Non, madame la ministre, les caisses d'allocations familiales ne peuvent ajouter de l'exclusion à la précarité. Elles n'ont pas vocation à créer elles-mêmes de l'exclusion.

Madame la ministre, nous avons voté une loi contre les exclusions qui visait à prévenir ce type de situations.

Quelles mesures comptez-vous prendre rapidement pour les éviter ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, vous avez parfaitement raison de mettre en avant la situation que vivent bon nombre de familles et de nos concitoyens qui connaissent de graves difficultés sociales. C'est d'ailleurs pour essayer d'y remédier que l'Assemblée nationale a adopté, dans le cadre de l'article 129 du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, une mesure permettant d'empêcher les saisies que vous avez dénoncées et qui privent des familles de tout revenu.

Les décrets d'application vont être signés. Ils seront soumis à la Caisse nationale d'allocations familiales et, après cette consultation, ils seront mis en oeuvre, ce qui devrait permettre de soulager les souffrances que vous avez évoquées.

En ce qui concerne les indus, des mesures similaires à celles que je viens de citer avaient été adoptées par l'Assemblée nationale, dans le cadre d'un texte voté par la précédente majorité en 1994, mais les décrets d'application n'ont jamais été publiés.

M. Christian Bataille.

Voilà !

M. le ministre délégué à la ville.

Le Gouvernement prend l'engagement de les sortir en même temps que ceux que je viens d'évoquer pour essayer de régler le problème social qui fait l'objet de votre question.

D'une manière plus générale, vous avez appelé l'attention sur la complexité des règles qui régissent actuellement l'attribution des prestations sociales. A cet égard, Martine Aubry formulera diverses propositions dans les mois qui viennent. Elles seront présentées lors de la prochaine conférence familiale et j'espère que l'Assemblée n ationale pourra en tirer des conclusions positives.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RÉFORME DE LA JUSTICE

M. le président.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini.

Madame la ministre de la justice, l'Elysée a fait savoir ce matin, par un communiqué de presse, que le Président de la République souhaite que les projets de loi sur la présomption d'innocence et l'action publique en matière pénale soient votés par le Parlement le plus vite possible, afin de débloquer la révision constitutionnelle nécessaire à la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Cette prise de position du Président de la République est pour le moins surprenante. (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

En effet, la révision constitutionnelle nécessaire à la réforme du CSM est prête, puisque le texte a été voté en termes identiques - et cela n'a pas été facile - par notre assemblée et par le Sénat. Il suffit donc aujourd'hui au Président de la République de convoquer le Parlement en congrès à Versailles pour qu'il adopte cette réforme, laquelle n'est donc en rien tributaire des projets de loi auxquels fait référence l'Elysée.

J'ajoute que les deux textes visés - celui relatif à la présomption d'innocence et celui concernant les rapports entre la chancellerie et le parquet - n'ont pris aucun retard, puisqu'ils ont été adoptés par le conseil des ministres, approuvés par le Président de la République et déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale. Ils sont donc en cours d'examen et leur adoption devrait intervenir en 1999.

M. Richard Cazenave.

Après le PACS !

M. André Vallini.

Il s'agit de surcroît de textes importants, complexes et difficiles qui nécessitent un examen approfondi par l'Assemblée et par le Sénat. On ne saurait donc bâcler leur examen comme semble le souhaiter le Président de la République.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

Vous préférez que l'on siège sur le PACS !

M. André Vallini.

Dans ces conditions, madame la ministre, on comprend difficilement la position exprimée par le Président de la République, car elle conduit, en fait, à freiner la réforme de la justice, à l'entraver.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il avait pourtant appelé de ses voeux cette réforme et approuvé tous les projets, je dis bien tous les projets, présentés par le Gouvernement.

M. René André.

Rappel au règlement !

M. André Vallini.

Il est donc nécessaire que le Président de la République se décide à être enfin clair dans sa volonté et cohérent dans sa démarche.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres.)

M. Jean-Louis Debré.

Rappel au règlement !

M. André Vallini.

De deux choses l'une : soit le Président de la République...

M. le président.

Veuillez conclure, s'il vous plaît.

M. André Vallini.

... souhaite sincèrement une réforme de la justice et il doit résister aux pressions de ses amis politiques qui veulent entraver cette réforme (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres), soit il ne s'agit pour lui


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

que d'une posture qui ne pourra cacher longtemps son soutien implicite aux conservateurs qui désirent que rien ne change.

Dans ces conditions, madame la ministre, je vous demande d'indiquer à l'Assemblée nationale la position du Gouvernement sur cet aspect essentiel de son action réformatrice qui ne saurait être entravée ni par les conservatismes ni par les corporatismes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je rappelle qu'il s'agit de questions posées au Gouvernement.

M. Pierre Lellouche.

Cette mise en cause du Président de la République est scandaleuse.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député...

M. Francis Delattre.

Je vous remercie de votre question !

Mme la garde des sceaux.

... la réforme de la justice comporte trois volets indissociables : la rapprocher des citoyens, améliorer la protection des libertés individuelles, augmenter les garanties en matière d'indépendance des magistrats du parquet.

Cette réforme avance puisque trois des cinq textes qu'elle comporte sont aujourd'hui soit conclus - tel est le cas du projet de loi constitutionnelle voté le 18 novembre, dans les mêmes termes, par l'Assemblée nationale et par le Sénat - soit très avancés, comme le projet sur l'accès au droit que votre assemblée examinera la semaine prochaine, ou celui relatif à la simplification des procédures pénales.

Deux projets de loi restent à examiner, mais ils ont été approuvés par le conseil des ministres : l'un sur la présomption d'innocence, l'autre sur les rapports entre la chancellerie et le parquet, lequel ne pourra être examiné qu'après l'adoption de la réforme constitutionnelle qui pose le principe de cette indépendance. (« Non ! Non ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Séguin.

Pas du tout ! C'est absurde !

Mme la garde des sceaux.

Où en sommes-nous ? J'ai effectivement souhaité, au nom du Gouvernement, que le Président de la République clarifie sa position.

(Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Séguin.

Incroyable !

M. Jean-Michel Ferrand.

Quelle impudence !

M. Lucien Degauchy.

C'est scandaleux !

Mme la garde des sceaux.

Ecoutez ma réponse ! Après avoir mis les textes au point avec M. le Premier ministre, nous sommes allés soumettre le projet de loi constitutionnelle au Président de la République et nous avons présenté tous les projets au conseil des ministres.

Ce matin, le Président de la République a réaffirmé au Premier ministre qu'il était d'accord non seulement avec la réforme globale, mais aussi avec chacun des textes qui lui avaient été soumis. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Vous n'êtes pas le porte-parole de l'Elysée ! Nous sommes dans les questions au Gouvernement !

M me la garde des sceaux.

Le Président de la République a réaffirmé au Premier ministre, sans ambiguïté, qu'il souhaitait que cette réforme aille à son terme et dans les meilleurs délais possibles.

Mesdames, messieurs de l'opposition, je me tourne vers vous : oserez-vous vous opposer plus longtemps à une réforme voulue par le Président de la République et par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

On n'est pas sous la IVe République !

SOMMET FRANCO-ALLEMAND

M. le président.

La parole est à M. Jean Espilondo.

M. Jean Espilondo.

Monsieur le Premier ministre, le soixante-douzième sommet franco-allemand s'est achevé hier à Potsdam, dans une ambiance qui paraissait très chaleureuse et très amicale. Nos deux pays souhaitaient que ce sommet soit celui de la relance du couple francoallemand, dont les initiatives ont été souvent, par le passé, au coeur des avancées de la construction européenne. D'ailleurs, les sujets de discussion pouvant redonner une nouvelle dynamique à la relation franco-allemande ne manquaient pas, qu'il s'agisse des négociations Agenda 2000, de la défense européenne, de l'industrie aéronautique européenne, de la réforme du système m onétaire international, de l'Europe sociale ou de l'Europe de l'emploi, qui sera l'un des thèmes majeurs du prochain Conseil européen de Vienne.

Monsieur le Premier ministre, avec l'arrivée au pouvoir du nouveau chancelier social-démocrate Gerhard Schrder, pensez-vous que le couple franco-allemand soit en mesure de retrouver son rôle moteur dans la construction européenne, alors que subsistent quelques sujets de divergence, tel celui de la répartition des charges financières entre les Etats membres de l'Union ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, dans cette ville de Potsdam, où rayonna la culture française au

XVIIIe siècle et où se solda une partie des comptes tragiques de la seconde guerre mondiale, nous avons tenu, avant-hier, un très bon sommet francoallemand.

La force de la relation franco-allemande réside dans la capacité qu'ont le Président de la République et le Premier ministre avec, autour de lui, le Gouvernement, à travailler avec nos partenaires allemands, quelle que soit


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la configuration politique dans les deux pays. Après avoir travaillé avec Helmut Kohl, nous travaillons aujourd'hui avec Gerhard Schrder.

Cela étant, il est indéniable, monsieur le député, que les affinités, les convictions communes aux deux gouvernements et la volonté de relancer la relation francoallemande rendent les contacts plus aisés, ce qui nous a permis d'avancer de façon positive.

M. Jean-Louis Debré.

Vous menez des politiques différentes !

M. le Premier ministre.

S'il le fallait, je tirerais essentiellement deux leçons de ce sommet.

D'abord il a montré que nous avons la possibilité de relancer la dynamique sur les grands objectifs communs que sont la priorité à la croissance économique, la nécessité de coordonner les politiques économiques dans l'Union européenne, l'importance attachée aux questions sociales et la volonté d'harmonisation non seulement sociale mais aussi fiscale.

Nous avons également le même désir de dynamisme dans la relance de nos relations bilatérales. Les deux ministres des affaires étrangères ont d'ailleurs été chargés de nous proposer des réformes, y compris structurelles, de l'organisation de cette relation.

Ensuite, ce sommet a mis en évidence notre capacité à trouver des compromis sur des questions à propos desquelles nos intérêts nationaux légitimes et nos visions ne s'accordent pas spontanément. A cet égard, nous avonsr appelé au chancelier Schrder que nous voulions résoudre les difficultés soulevées par Agenda 2000 sous présidence allemande. Cela implique que l'on mette tous les problèmes sur la table afin de rechercher des compromis dans lesquels chacun trouverait des avantages, à défaut de voir satisfaites toutes ses exigences initiales.

Je pense que cette démarche réaliste, définie au sein du Gouvernement puis avec le Président de la République, a été comprise. J'espère qu'elle nous permettra de jouer un rôle utile dans les prochains rendez-vous de l'Union européenne.

J'ai naturellement profité de ce sommet, comme le Président de la République d'ailleurs, pour évoquer des questions importantes à régler entre les deux pays dans le détail desquelles je ne veux pas entrer aujourd'hui. Je veux cependant citer la politique nucléaire, compte tenu des inflexions décidées souverainement par les Allemands qui diffèrent des choix opérés tout aussi souverainement par la France, et l'industrie aérospatiale et spatiale.

Bref ce sommet a été bon, constructif, dynamique sans pour autant que nous nous enfermions dans la relation franco-allemande, car cela n'est pas ma vision des choses.

Je crois donc, monsieur le député, que ce moteur dont vous parliez a bien été remis en route.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

POLITIQUE DE LA VILLE ET SÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le ministre de l'intérieur par intérim, le budget de la ville pour 1999 atteste de la volonté du Gouvernement de donner un souffle nouveau à la politique de la ville. Il concrétise des objectifs ambitieux et mobilisateurs : lutte contre les exclusions, égalité d'accès aux services publics et proximité. Pour les atteindre, l'Etat doit remplir pleinement les missions qui lui incombent, qu'il s'agisse de l'éducation, de la qualité des services publics, de la justice ou de la sécurité.

Dans les Hautes-Pyrénées, notamment à Tarbes où je suis élue, nos quartiers sont touchés par une petite et moyenne délinquance dont le niveau est relativement élevé, même si l'on observe une tendance à la baisse des faits constatés. Si la sécurité est le socle nécessaire à l'exercice des libertés individuelles et collectives et constitue un droit fondamental de chaque citoyen, elle est aussi une dimension essentielle de la politique de la ville. Vous avez d'ailleurs souligné la nécessité du renforcement et de l'adaptation des conseils communaux de prévention de la délinquance pour une meilleure participation des habitants à la vie locale.

Dans les Hautes-Pyrénées, un contrat local de sécurité est en cours d'élaboration, mais il ne concerne que l'agglomération de Tarbes, et rien n'est prévu pour le reste du département. En outre, le conseil départemental de la prévention de la délinquance dispose de très peu de moyens et ne se réunit qu'une fois par an.

P ourriez-vous donc nous rappeler les cadres qui doivent être respectés pour l'élaboration des contrats locaux de sécurité ? Quelles dispositions comptez-vous prendre concrètement afin de renforcer les moyens des acteurs de la prévention de la délinquance dans le cadre de la politique de la ville ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.

Madame la députée, vous avez souligné que la politique de sécurité était partie intégrante de la politique de la ville et que, à ce titre, nous avions engagé la réalisation de contrats locaux de sécurité. A ce jour, je peux vous indiquer que cent quarante d'entre eux ont été signés avec des communes ou des ensembles de communes dans le cadre de l'intercommunalité.

Ces contrats locaux de sécurité déclinent quatre objectifs en matière de prévention de la délinquance : la prévention de la délinquance sur laquelle vous avez insisté ; la dissuasion, notamment par la présence de forces de police ; la répression, c'est-à-dire la sanction, dans laquelle la justice est directement engagée ; la réparation dont doivent bénéficier les victimes.

En ce qui concerne Tarbes, j'espère que ce contrat sera prochainement signé. Il doit être fondé sur un diagnostic précis et sur un ensemble de mesures.

Avec mon collègue Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, nous allons relancer la politique des conseils communaux et départementaux de prévention de la délinquance. Pour autant, il s'agit non pas d'opposer la prévention à la sanction, mais bien de s'inscrire dans un mouvement continu avec tous les acteurs sur le plan local. Je pense, bien sûr, aux collectivités, mais aussi aux conseils généraux qui utilisent les services d'éducateurs de prévention.

J e vous indique également que, prochainement, l'annonce faite par Jean-Claude Gayssot et moi-même en ce qui concerne l'aggravation des sanctions par rapport à


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ceux qui auront commis des actes de délinquance contre des agents de transport en mission de service public sera concrétisée. Il s'agit aussi d'un élément important pour assurer la sécurité dans nos villes et dans les transports publics.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SITUATION AUX COMORES

M. le président.

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, chaque jour, chaque semaine qui passe, des d rames insoutenables se jouent dans l'archipel des Comores, à moins de 1 500 kilomètres de la Réunion.

Voulant fuir une situation devenue insupportable, des centaines d'habitants de l'île d'Anjouan tentent à bord d'embarcations frêles et peu fiables de gagner clandestinement l'île de Mayotte dans l'espoir d'un avenir meilleur.

Certaines embarcations y parviennent et les personnes qui s'y trouvent sont alors recueillies à Mayotte, où elles posent aux autorités françaises de l'île des problèmes difficiles à résoudre. Mais le plus grave, c'est que nombreuses sont les embarcations qui coulent, entraînant dans la mort chaque semaine leurs occupants.

La loi des passeurs est draconienne. Je citerai à titre d'exemple cette embarcation qui a été repérée par une vedette de gendarmerie grâce aux cris de l'une des occupantes. Savez-vous pourquoi elle criait si fort ? Parce que le passeur avait jeté ses enfants à l'eau, au motif qu'ils faisaient, selon lui, trop de bruit et risquaient de compromettre le passage ! Monsieur le ministre, je sais bien que la situation est particulièrement délicate dans l'archipel des Comores, mais notre Gouvernement ne peut pas se désintéresser des drames vécus quotidiennement par ces populations.

La France a, dans la situation actuelle de l'archipel, une responsabilité que personne ne peut nier. L'heure n'est-elle pas venue pour le Gouvernement français de prendre une initiative à caractère humanitaire en direction des nouvelles autorités de l'archipel, celles d'Anjouan comme celles de Mayotte, dans le but de mettre fin à las ituation dramatique que connaît la population d'Anjouan ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, pour une réponse courte.

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie.

J'essaierai de répondre à votre souhait, monsieur le président, mais la question évoque une situation douloureuse et un peu compliquée.

Monsieur le député, le Gouvernement suit l'évolution de la situation dans l'archipel des Comores avec une attention particulière depuis l'explosion du mouvement sécessionniste d'Anjouan, l'été dernier. J'ai eu l'occasion, lors du sommet franco-africain, de m'en entretenir avec le président par intérim désigné à la suite de la mort brutale du président Taki.

Le nouveau président a déjà pris des mesures très positives. S'appuyant sur l'article 20 de la loi fondamentale, il a désigné comme Premier ministre le chef de l'opposition, et l'Assemblée nationale, où l'opposition n'est pas représentée, a entériné cette désignation.

Autre geste positif : la levée de l'embargo qui frappait la circulation des personnes et des biens à destination d'Anjouan.

Comme toujours, c'est la misère qui explique très largement la situation actuelle, et Anjouan s'est sentie éloignée, et même un peu oubliée de Moroni, et s'est donc rapprochée de Mayotte. Certains ont même repris le vieux rêve du rattachement à la France.

Votre question me donne l'occasion de préciser plusieurs points.

Premièrement, la France n'est évidemment en aucune manière impliquée dans le mouvement sécessionniste.

Deuxièmement, nous entendons réaffirmer l'intégrité territoriale de la République islamique des Comores.

Troisièmement, nous appuyons les efforts de médiation entrepris. Nous pouvons d'ailleurs nous féliciter que la médiation conduite par l'OUA du 19 au 22 novembre ait convaincu l'ensemble des protagonistes de tenir une conférence inter-îles. Celle-ci aura lieu dans quelques jours. Nous pouvons en attendre beaucoup.

La France est prête à aider le président comorien à explorer les voies constitutionnelles qui permettraient de d onner à toutes les composantes de l'archipel la reconnaissance et la dignité qu'elles revendiquent.

Enfin, nous sommes, bien sûr, prêts à apporter notre appui au plan de reconstruction et de développement de l'archipel. Il est le moyen par lequel il sera possible d'assurer de façon durable la stabilité que, tous, nous souhaitons, et en particulier la Réunion, dans cette région du monde.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à la question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

CONJONCTURE ÉCONOMIQUE

M. le président.

La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous répétez fréquemment que tout va bien, que l'économie française ne connaîtra qu'un trou d'air. Or vos prévisions sont contredites par les faits. Les uns après les autres, les indicateurs tournent au rouge. Ainsi, la production industrielle a reculé d'un point au mois de septembre : c'est le premier recul auquel nous assistons depuis le début de l'année. Il marque le retournement de la conjoncture.

La consommation s'est contractée de 0,7 % au mois de septembre, ce qui entraîne chez les Français une inquiétude pour l'avenir. Une étude récente de l'INSEE souligne que l'investissement ne progresserait pas, comme le Gouvernement le prévoit, de 8 % en 1999, mais stagnerait. Les entreprises, du fait de la diminution de leur carnet de commandes, revoient à la baisse leurs dépenses d'équipement.

Enfin, et ce n'est que la simple traduction des faits que je viens de décrire, la croissance du produit intérieur brut s'affaiblit. Elle est passée sur une base trimestrielle de 0,8 % à moins de 0,5 % du début de l'année à maintenant. Nous commencerons donc l'année 1999 sans réserves.

Tous les instituts de conjonctures, le FMI, l'OCDE comme les autres, ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance pour 1999. Le maintien de la prévision de croissance pour 1999 à 2,7 % confine à l'obstination.

Par des propos exagérément optimistes, le Gouvernement trompe les Français. Il les berce d'illusions, et le réveil sera dur, pour la France et pour les Français.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Vous avez, monsieur le ministre, un devoir de vérité.

Pour éviter une dérive des finances publiques et le renouvellement du scénario catastrophique de 1993, qui, je le rappelle, s'était conclu par un doublement du déficit, le Gouvernement a-t-il l'intention de revoir sa copie budgétaire ? A moins qu'il ne préfère déposer un projet de loi de finances rectificative pour 1999 avant même l'adoption de la loi de finances initiale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une réponse courte.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, d'où partons-nous ? D'une année 1998 qui sera probablement la meilleure de la décennie, avec un taux de croissance supérieur à la cible que nous nous étions fixée.

M. Jean Ueberschlag.

Quelle était-elle ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... le taux avait été fixé à 3 % et il sera supérieur, et notre résultat est classé deuxième des grands pays du G7, plus que la moyenne européenne. Bref, c'est une solution satisfaisante. Cela nous permettra d'ailleurs une réduction plus importante que prévue de notre déficit, comme vous le verrez à l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale du collectif de fin d'année.

Cela dit, il est exact que nous avons connu aux mois de septembre et d'octobre une crise financière que certains jugent comme la plus grave depuis des décennies.

Nous commençons à en sortir, mais la rechute récente d'hier et d'aujourd'hui montre qu'elle n'est pas encore totalement terminée.

Une crise de ce genre n'a pu qu'avoir des conséquences sur le moral des chefs d'entreprise. Elles sont même supérieures à ce à quoi l'on pouvait s'attendre. Les enquêtes d'octobre et de début novembre que vous évoquez montrent en effet que les résultats des chefs d'entreprise en matière d'investissements sont un peu en recul par rapport à leurs prévisions d'avant la crise. Cela doit-il inquiéter ? Cela doit certainement nous soucier. Mais plusieurs éléments donnent à penser qu'il faut en savoir un peu plus et attendre un peu.

D'abord, les enquêtes que vous évoquez et qui paraissent maintenant ont été réalisées au creux de la crise financière.

Ensuite, le phénomène de déstockage auquel nous avons assisté au troisième trimestre signifie que les entreprises ont vendu leurs stocks, et donc ont peu commandé aux autres entreprises. On peut donc normalement s'attendre à un rebond en 1999.

Enfin, sans être excellent, l'environnement international est moins mauvais qu'il ne l'était il y a un mois et demi. La situation en Amérique s'améliore. En Asie aussi.

Le dollar remonte un peu.

En revanche, vous aurez sans doute remarqué qu'en Allemagne comme en Grande-Bretagne les prévisions ne sont pas très bonnes. Donc, restons réservés sur l'environnement international.

Le principal moteur de notre croissance reste la consommation ! Elle est sur un rythme de 3,7 % par an et est en particulier tirée par les créations d'emploi qui entraînent une augmentation du pouvoir d'achat.

Résumons-nous. Nous assistons à un ralentissement du côté des entreprises. Vous avez raison de le souligner. Le devoir de vérité s'applique à tout le monde et pas seulement au Gouvernement, qui lit comme vous les enquêtes, mais il ne faut pas faire de catastrophisme non plus.

Sommes-nous sur la pente des 2,7 % de croissance ? Evidemment non, puisque nous ne sommes pas encore sortis de la crise. La cible que nous avons fixée doit-elle être conservée ? Sans doute oui. Il appartient au gouvernement français et à l'ensemble des gouvernements européens qui veulent travailler ensemble à la croissance, aux entreprises qui doivent continuer à investir et aux ménages, dont l'importance de la consommation traduit la confiance, de tout mettre en oeuvre pour qu'ensemble nous soyons capables de conserver cette cible et de l'atteindre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL

M. le président.

La parole est à M. Renaud Muselier.

M. Renaud Muselier.

Monsieur le président, je me permets de rappeler que la règle et la tradition républicaine dans cet hémicycle veulent qu'on ne mette pas en cause le Président de la République.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Aujourd'hui, un parlementaire et un ministre ont enfreint cette règle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous tenons à dénoncer cette dérive institutionnelle.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka et Mme Nicole Bricq.

Vous avez la mémoire courte !

M. Didier Boulaud.

Nous étions là en 1993 !

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît.

M. Renaud Muselier.

Monsieur le Premier ministre, en mai 1997, vous annonciez une nouvelle loi sur l'audiovisuel. Durant l'été 1997, votre ministre de la communication est venue présenter ce dossier à l'Assemblée nationale pour l'abandonner dès l'automne.

En janvier 1998, une nouvelle mouture du projet de loi, aussi éphémère que la première, est présentée en conseil des ministres. Mais, le 29 septembre 1998, vous reprenez à votre compte ce que vous appelez la grande réforme de la gauche. Le 5 novembre 1998, le Conseil d'Etat soutient qu'il y a atteinte aux libertés publiques et risque d'inconstitutionnalité.

Mme Odette Grzegrzulka.

Faux !

M. Arnaud Montebourg.

Il n'a jamais dit ça.

M. Renaud Muselier.

Mi-novembre, nous assistons à une réécriture hâtive du projet de loi et au lancement de la mission Bredin pour « épauler » Mme Trautmann. Le résultat était garanti ; exit la grande réforme de l'audiovisuel ! C'est la preuve de l'échec de votre méthode, monsieur le Premier ministre.

Un député du groupe socialiste.

Absolument pas.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

M. Jean-Louis Debré.

Si !

M. Pierre Lellouche.

C'est comme le PACS !

M. Renaud Muselier.

Pas de préparation, pas de fonds, pas de vision d'avenir, pas d'ambition ! Vous venez de rater - mais jusqu'à quand ? - la mise sous tutelle de l'audiovisuel public et la tentative d'achat, avec près de deux milliards de francs, de l'audiovisuel privé.

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature ! Vous avez la mémoire courte ! Qu'ont fait Léotard et Douste-Blazy ?

M. Renaud Muselier.

Monsieur le Premier ministre, vous qui êtes à la fois producteur, metteur en scène, réalisateur, acteur, nous attendons le prochain épisode de votre étonnant feuilleton, que nous suivons depuis près de dix-huit mois et qui n'a pas fini de ménager des surprises.

(Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Pouvez-vous nous fixer un calendrier clair et précis ? Votre prochain projet de loi sera-t-il encore limité à l'audiovisuel public, et laissera-t-il de côté, comme les précédents, des questions aussi importantes que la diffusion par satellites ? Mme Trautmann nous a expliqué tout à l'heure que le projet était bon, bien ficelé et parfaitement au point.

Pourquoi le retirer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, Mme Catherine Trautmann aurait parfaitement pu répondre à votre question.

M. Yves Nicolin.

On s'en doute !

M. François Vannson.

Mais...

M. le Premier ministre.

Mais, comme vous l'avez élargie à des problèmes de méthode, je vous réponds moimême pour bien marquer que, dans cette affaire, Mme la ministre de la culture et de la communication et le Premier ministre marchent de concert.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Debré.

Ah !

M. le Premier ministre.

Je présenterai tout d'abord une remarque et, ce faisant, je pourrai regarder dans les yeux certains des parlementaires qui siègent sur les bancs de l'opposition.

M. Lionnel Luca.

Regardez également ceux qui siègent sur les bancs de votre majorité !

M. le Premier ministre.

Vous avez invoqué, monsieur Muselier, la tradition selon laquelle on ne met pas en cause dans cet hémicycle le Président de la République.

Mme Martine David.

C'est vrai !

M. Pierre Lellouche.

En effet !

M. le Premier ministre.

Il me semble avoir entendu ici même, il y a quelques années, des mises en cause d'un autre Président de la République autrement plus violentes et même scandaleuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe D émocratie libérale et Indépendants où l'on scande

« Rocard ! Rocard ! ».)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie.

Laissez parler M. le Premier ministre.

M. le Premier ministre.

En réalité, Mme Elisabeth Guigou a mis en lumière une contradiction, il est vrai, un peu cruelle. Ce qu'elle regrettait, ce n'est pas l'opposition d'une seule personnalité que, paraît-il, il ne faut pas trop mentionner dans cet hémicycle - et vous constaterez que je le fais généralement de façon fort courtoise, notamment quand j'évoque Postdam -...

M. Charles Ehrmann.

C'est vrai !

M. le Premier ministre.

... mais bien l'hostilité de l'ensemble des membres de l'opposition à un projet que le Président de la République, sur la base d'une proposition du Gouvernement, a déclaré approuver.

M. Jean-Louis Debré.

Ce n'est pas vrai !

M. le Premier ministre.

C'est ça qui vous pose problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il y a dans la vie politique comme dans la vie parlementaire, monsieur Muselier, des moments plus ou moins faciles.

M. Richard Cazenave.

Vous dites n'importe quoi !

M. le Premier ministre.

Je peux prendre d'autres exemples.

Sur le PACS, le retard pris par le débat s'explique pour l'essentiel par une obstination dans l'obstruction et par le choix de l'opposition de confier l'exposé de sa vision de ce problème de société à une députée marginale sur ces questions et outrancière dans ses propos. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

C'est scandaleux, honteux !

M. le Premier ministre.

En ce qui concerne la réforme de la justice, je viens de le dire à l'instant, c'est vousmême qui vous opposez à un projet qu'approuve le Président de la République.

En ce qui concerne la réforme de l'audiovisuel, nos objectifs sont clairs et approuvés. Ils tendent à créer un grand pôle public de l'audiovisuel.

(« Ce que vous avez dit de Mme Boutin est scandaleux ! » sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais nous devons apporter des garanties sur la pérennité des financements publics et sur le refus d'accorder au privé des avantages.

Et nous nous donnons le temps de le faire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Godfrain.

Après ce que vous avez dit, vous devriez arrêter !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

M. le Premier ministre.

Face à des problèmes, mesdames, messieurs les députés, il y a deux façons d'agir : il y a celui qui dit : « Je suis droit dans mes bottes » et il y a celui qui préfère ajuster, reprendre et dire : « Je suis souple dans mes baskets. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Cris, huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Scandaleux !

M. François Vannson.

Lamentable !

M. Jacques Godfrain.

Inimaginable !

M. Patrick Ollier.

Quel manque de courtoisie ! (Mme Christine Boutin quitte son banc et s'approche de celui de M. le Premier ministre. - Les huissiers s'interposent.)

Mme Christine Boutin.

Monsieur le Premier ministre, vos propos sont scandaleux ! (De nombreux députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants quittent l'hémicycle en protestant avec véhémence.)

DISCIPLINE À L'ÉCOLE

M. le président.

Je vous prie, mes chers collègues, de bien vouloir vous rasseoir et de garder votre calme.

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Le groupe du RPR est vraiment choqué par les attaques systématiques qui sont lancées contre le chef de l'Etat... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) ... et par la volonté de M. le Premier ministre de s'affirmer en se positionnant par rapport au Président de la République élu par le suffrage universel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous attendons nous aussi une réforme globale de la justice et nous ne sommes en aucun cas en contradiction avec le chef de l'Etat. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mais cette réforme se fait toujours attendre.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, afin d'essayer de ramener un peu de sérénité dans cet hémicycle, je vais changer de sujet et poser ma question, qui concerne un fait divers. Le 5 octobre dernier, un instituteur de Rouen a tenté de neutraliser un élève qui agressait l'un de ses camarades. A trois reprises, il l'a averti sans succès.

Pour mettre un terme à la bagarre, il a fini par lui donner trois coups de pied aux fesses. La mère de l'élève a porté plainte immédiatement pour coups et blessures.

L'instituteur a été traduit devant un conseil de discipline et il risque désormais la révocation. Il devra passer en médiation judiciaire. En d'autres temps, c'est l'élève qui serait passé en conseil de discipline. Si l'on en croit les collègues de l'instituteur et les familles qui le soutiennent, on est en train de casser un homme qui s'est toujours très bien occupé de ses élèves. Combien d'autres cas semblables ? Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous qui n'avez eu de cesse, depuis votre nomination, de proférer à l'égard des enseignants des critiques désobligeantes, blessantes et bien souvent injustifiées - les désavouant ainsi par avance - et dont on mesure aujourd'hui les conséquences, allez-vous enfin leur apporter le soutien qu'ils méritent dans leur mission de plus en plus difficile et éprouvante face à des enfants qui n'ont plus les repères autrefois acquis au sein de la famille ? Saurez-vous leur rendre l'hommage que leur doit la nation ? Votre ministère, dans cette affaire, va-t-il soutenir cet instituteur digne d'éloges qui n'est finalement coupable que d'avoir sauvé un enfant qui était le plus faible et qui était en danger ? Allez-vous encore longtemps désespérer le monde enseignant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues, il n'est pas admissible que l'on soit obligé de parler dans un tel brouhaha ! La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, Ségolène Royal et moi-même, depuis que nous sommes en charge de l'éducation nationale, nous nous sommes préoccupés du problème de la violence dans les écoles.

Nous avons pris des mesures précises pour la protection des enfants victimes de violences, et chacun sait ici que le silence dans ce domaine n'est plus de mise. Nous avons également lancé un plan de lutte contre la violence, car nous sommes également comptables du climat de calme indispensable au bon déroulement du travail des élèves comme des enseignants.

(« La réponse ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je ne veux pas ici parler précisément d'un cas, en l'occurrence celui de Seine-Maritime, car il doit être traité localement par les instances compétentes.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cependant, je veux rappeler devant la représentation nationale combien les enseignants sont de plus en plus confrontés à des difficultés multiples pour accomplir leur tâche. Depuis toujours, le métier d'enseignant consiste à transmettre des connaissances et faire partager des valeurs qui accompagneront les jeunes tout au long de leur vie.

M. Jean-Louis Debré.

Soyez donc sincères !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Mais vous savez aussi bien que moi, puisque vous êtes sur le terrain au contact de la réalité, que la société demande toujours plus à l'école, rendant encore plus difficile la tâche des enseignants.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les problèmes d'indiscipline sont croissants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Je ne vais pas, en tant que ministre de l'éducation nationale, trancher un problème d'en haut. Je veux juste ici rappeler à la communauté éducative, en l'occurrence ici aux instituteurs, que je comprends la complexité et la difficulté de l'exercice, aujourd'hui, de leur métier.

M. Patrick Ollier.

Laborieux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Le respect des enseignants est une nécessité absolue pour le fonctionnement de l'école. Nous avons poursuivi chaque cas de violence envers les enseignants. La violence doit disparaître des écoles et nous nous y employons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Intervention nuancée ! BOGUE DE L'AN 2000

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Monsieur le Premier ministre, je vous rassure, ma question ne porte ni sur les dérapages de tout à l'heure, y compris les vôtres, ni sur les clandestins que vous régularisez, ni sur le PACS, ni sur vos cafouillages en matière d'audiovisuel.

Plusieurs députés socialistes.

La question !

M. Pierre Lellouche.

Puisque vous êtes au pouvoir depuis dix-huit mois, que nous sommes à douze mois de l'an 2000, que l'article 21 de la Constitution vous donne une responsabilité exécutive en matière de défense nationale, je voudrais vous interroger sur un sujet extrêmement sérieux et grave, dont on parle trop peu dans ce pays : qu'entendez-vous faire pour que notre système de défense, notamment tout ce qui touche à l'électronique, résiste à ce que l'on appelle le virus ou le bogue de l'an 2000 ? Vous savez que 80 % des systèmes d'armes modernes dépendent de l'électronique et qu'il ne s'agit pas seulement d'ordinateurs mais de composants. Un rapport récent de l'UEO indique que la France est en retard dans ce domaine. M. Strauss-Kahn, a déclaré, il y a quatre jours, que les avions français ne devraient pas voler le 31 décembre 1999.

Qu'en est-il des avions militaires ? Qu'en est-il de notre défense nationale ? Quelle est votre évaluation et votre politique dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Richard Cazenave.

Pas le ministre de la dépense ! Le ministre de la défense !

M. Arnaud Lepercq.

Il n'a pas la compétence !

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, j'ai plaisir à répondre à votre question. Après que vous avez longuement dit sur quoi elle ne portait pas, nous avons fini par comprendre sur quoi elle portait ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Les avions militaires voleront-ils après l'an 2000 ? Oui, monsieur le député, ils voleront ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Inutile de faire du bruit, la télévision n'est plus là ! Vous pouvez vous calmer ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'ai, en effet, tenu l'autre jour un point de presse pour expliquer où en était la préparation du Gouvernement dans son ensemble, y compris sur les questions de défense, en prévision du bogue de l'an 2000. Bien entendu, ce Gouvernement-ci n'est pas le premier à travailler sur la question, car s'il est bien une chose qui était prévisible depuis longtemps c'est l'an 2000 ! (Sourires.)

Nous n'avons fait au cours des derniers dix-huit mois, que poursuivre ce que les gouvernements que vous avez soutenus avaient commencé bien avant, notamment sur les questions de défense nationale qui vous tiennent tant à coeur, à juste raison.

L a défense nationale, comme les grands services publics, comme l'ensemble des services de l'Etat, est traitée pour éviter tout dommage sur tous les aspects électroniques susceptibles d'être touchés par ce fameux bogue de l'an 2000. Cela concerne les systèmes électroniques mais aussi des choses auxquelles on ne pense pas immédiatement, pour lesquelles interviennent des puces électroniques : climatisation, ascenseurs, digicodes. Autant dire que cela concerne tout le monde.

J'ai, en effet, déclaré que beaucoup de compagnies d'aviation avaient déjà annoncé que, sans doute, leurs avions ne voleraient pas - je pense en particulier à KLM.

Depuis lors, les services de l'aéronautique civile ont fait savoir qu'il est probable qu'ils seront à jour et que, partout dans le monde, les avions pourront voler. Je le souhaite.

Ce qui importe, c'est que l'ensemble du pays se prépare, les militaires, certes, toute l'administration, les particuliers, mais aussi les entreprises. Les grandes sont prêtes.

Les petites, malheureusement, pas encore. Je profite de votre question pour lancer un appel à tous les chefs de petites et moyennes entreprises qui n'ont pas tous encore entrepris l'effort nécessaire pour s'adapter, en informatique comme en électronique. Ils ont encore un an pour le faire. En tout cas, le Gouvernement, lui, se mobilise massivement sur cette question.

M. Pierre Lellouche.

Pourriez-vous répondre à ma question ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vous réponds. Oui, monsieur Lellouche, les efforts nécessaires pour que l'ensemble du système militaire soit opérationnel au passage à l'an 2000 ont été accomplis et seront achevés au cours de l'année à venir. Il n'y a pas de crainte à avoir s'agissant de notre système militaire.

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Yves Cochet.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

2 RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le président, le Premier ministre vient à l'instant...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

... de déraper !

M. Philippe Douste-Blazy.

... d'insulter une femme.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Patrick Braouezec.

Mais non !

M. Philippe Douste-Blazy.

... et c'est inadmissible.

Ainsi, il insulte l'opposition et, au-delà, il insulte lar eprésentation nationale. (Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De nombreux députés du groupe socialiste.

Mais non !

M. Philippe Douste-Blazy.

Manifestement, comme l'opposition tout entière l'explique aux Français depuis le début, le Gouvernement présente, avec le PACS, un mauvais texte et le Parlement ne travaille pas dans de bonnes conditions.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Philippe Douste-Blazy.

On lui refuse la possibilité d'étudier ce texte dans la sérénité.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La faute à qui ?

M. Philippe Douste-Blazy.

Le résultat est là : un texte qui patine et des mots qui dérapent.

M. Robert Gaïa.

Caricature ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est l'opposition qui dérape !

M. Philippe Douste-Blazy.

Je demande, monsieur le président, que l'on rende au Parlement sa dignité et au travail parlementaire sa sérénité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous demandons au Premier ministre de présenter ses excuses à l'opposition.

(Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au moment où le Gouvernement tente de s'approprier le débat sur la parité hommes-femmes, son chef s'attaque à une femme députée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Leroy.

Cela commence bien !

M. Philippe Douste-Blazy.

La question est simple. Que reste-t-il de la méthode Jospin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ne peux évidemment pas laisser passer de tels propos sans réagir.

Le Premier ministre n'a insulté personne.

(Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Arnaud Lepercq.

Elle est sourde et aveugle !

Mme la garde des sceaux.

Il a simplement constaté une situation de fait : seuls quelques députés, dont

Mme Boutin, M. Plagnol, M. Mariani et M. Accoyer, s'acharnent à faire de l'obstruction sur ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)...

M. Arnaud Lepercq.

Ce ne sont pas des marginaux ! Il n'y a pas de marginaux ici !

Mme la garde des sceaux.

... et vous vous gardez bien, vous, les chefs de groupe et de parti de l'opposition, de prendre vos responsabilités ! Voilà la réalité, monsieur Douste-Blazy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste. Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

C'est scandaleux ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

C'est lamentable !

M. Jean Valleix.

C'est vulgaire ! Quel manque de classe !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues ! La parole est à M. José Rossi.

M. José Rossi.

Monsieur le président, je voudrais à mon tour, après M. Douste-Blazy et au nom du groupe Démocratie libérale et Indépendants, manifester mon entière solidarité avec de Mme Boutin. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Son propos a dérangé, mais elle n'a pas à s'en excuser. Cela signifie qu'il a été entendu.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Il peut plaire ou déplaire. En tout cas, Mme Boutin, comme l'ensemble des députés des groupes Union pour la démocratie française, Démocratie libérale et Indépendants ou Rassemblement pour la République a exprimé ses convictions. Elles sont différentes de celles de la majo-r ité et du Gouvernement. Le Gouvernement doit apprendre à entendre ce qui est dit dans cette enceinte, même s'il n'est pas prêt à en tenir compte. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. François Sauvadet.

C'est ça la démocratie !

M. José Rossi.

Il doit s'habituer à ne plus surfer avec la facilité qui a été la sienne au cours de l'année qui vient de s'écouler et à voir l'opposition jouer tout son rôle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Nous avons le sentiment que, depuis quelques semaines, le Gouvernement et la majorité n'acceptent plus que l'opposition s'exprime. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Acceptez-le et assumez les responsabilités qui sont les vôtres en tant que membres de la majorité de cette assemblée ! En tout cas, le mot qui a été prononcé par le Premier ministre,...

M. Arnaud Lepercq.

Est scandaleux !

M. José Rossi.

... le mot « marginal », est effectivement insultant (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), et nous lui demandons de le retirer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous demande donc, monsieur le président, en tant que président de groupe, une suspension de séance symbolique d'un quart d'heure pour marquer notre désapprobation fondamentale et demander au Premier ministre de venir dans cette assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Des excuses !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur Rossi, Mme Boutin se serait peut-être sentie moins isolée si vous aviez été cette nuit présent dans l'hémicycle (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. François Goulard.

C'est ridicule !

Mme la garde des sceaux.

... ainsi que d'autres personnes qui ont des responsabilités dans l'opposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

C'est scandaleux !

Mme la garde des sceaux.

La réalité, c'est que vous ne prenez pas vos responsabilités sur le PACS (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et que vous laissez trois ou quatre députés développer des arguments d'obstruction ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

C'est faux !

Mme la garde des sceaux.

Face à cette réalité, je conçois que Mme Boutin se sente isolée,...

M. Arnaud Lepercq.

Non !

Mme la garde des sceaux.

... qu'elle en conçoive à la fois du dépit et de la tristesse...

M. Edouard Landrain.

Vous aggravez la situation !

Mme la garde des sceaux.

... et que, par conséquent, vous vous sentiez obligés aujourd'hui, mais bien tardivement, de vous solidariser avec elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Lepercq.

C'est minable ! Il n'y a pas de marginaux au Parlement, il n'y a que des représentants du peuple !

M. le président.

Monsieur Rossi, maintenez-vous votre demande de suspension de séance ?

M. José Rossi.

Je demande une suspension de séance d'un quart d'heure car la protestation que nous avons exprimée correspond à nos convictions profondes et nous entendons les faire respecter. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Rossi, une suspension de séance demandée par un président de groupe est destinée à réunir le groupe.

M. José Rossi.

C'est évidemment pour réunir mon groupe et délibérer sur l'insulte dont nous avons été victimes. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vais suspendre cinq minutes. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

M. François d'Aubert.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour un rappel au règlement, un vrai rappel car il connaît bien le règlement.

M. François d'Aubert.

Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 58.

Je voudrais d'abord revenir sur l'incident de tout à l'heure. Le Premier ministre a mis en cause, d'une façon invraisemblable et scandaleuse, une de nos collègues,

Mme Boutin.

Compte tenu du caractère à l'évidence injurieux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) ...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Etiez-vous ici hier soir avec Mme Boutin ?

M. François d'Aubert.

... des propos tenus par le Premier ministre - peut-être n'étaient-ils pas prémédités, peut-être lui ont-ils échappé - le président du groupe UDF-Alliance a simplement demandé que ces paroles, qui auraient justifié un fait personnel si nous n'avions pas été alors dans les questions d'actualité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Jean-Claude Boulard.

C'est vrai qu'elle a des positions extrémistes ! Ce n'est pas injurieux de le dire.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Il fallait venir la soutenir hier dans l'hémicycle !

M. François d'Aubert.

... soient retirées par le Gouvernement. A tout le moins, nous souhaitons que le Premier ministre, ou un représentant du Gouvernement - pour-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

quoi pas Mme la garde des sceaux ? - s'excuse des propos qui ont été tenus à l'encontre de Mme Boutin. Nous attendons toujours ces excuses. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Boulard.

Vous pouvez attendre longtemps !

M. François d'Aubert.

Le second point de mon rappel au règlement, madame le ministre (« La ministre ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) vous concerne plus précisément. Tout à l'heure, lors d'un rappel au règlement vous avez mis en cause le président du groupe Démocratie libérale et Indépendants, José Rossi.

Madame le ministre (« La ministre ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste), je ne suis pas sûr que ce soit le rôle du Gouvernement de relever si tel ou tel membre du Parlement, quelle que soit son appartenance politique est présent ou absent à telle heure du jour ou de la nuit. Ce n'est pas à vous - excusez-moi de vous le dire - de faire la pionne dans cette enceinte parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Béatrice Marre.

C'est insultant. Des excuses ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François d'Aubert.

Il est un devoir qui me paraît élémentaire, celui de ne pas mettre en cause personnellement les parlementaires pour leur présence ou leur absence.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Ce n'est pas ce qui a été reproché à Mme Boutin !

M. François d'Aubert.

Je crois très franchement que, dans l'affaire du PACS, certaines absences vous ont davantage gênée il y a deux mois ! (Applaudissements sur les bancs du du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M Henri Plagnol, pour un nouveau rappel au règlement.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Je souhaite, mes chers collègues, que nous puissions reprendre rapidement nos travaux sur le fond et concerver un rythme soutenu à nos débats.

M. Richard Cazenave.

Apprenez la démocratie, mes chers collègues de la majorité. Acceptez que l'opposition fasse valoir ses droits.

M. Henri Plagnol.

Madame la garde des sceaux, puisque vous m'avez fait l'honneur de me citer parmi les quatre députés marginaux qui, selon vous, seraient les seuls responsables de l'enlisement du débat sur le PACS...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. Henri Plagnol.

... je voudrais, avec sérénité mais une certaine gravité, vous dire que vous avez décidément une bien étrange comception de votre fonction. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Et vous, vous avez une bien piètre conception de la pratique parlementaire ! C'est un scandale !

M. Henri Plagnol.

Garde des sceaux, cela signifie d'abord dépositaire et garant de la Constitution et du droit.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Quel cinéma !

M. Henri Plagnol.

Or l'esprit de la Constitution est manifestement violé par le débat sur le PACS, et j'en donnerai quelques exemples.

Mme Yvette Roudy.

C'est hors sujet !

M. Alain Barrau.

Vous voulez une révision de la Constitution ?

M. Henri Plagnol.

D'abord, depuis deux siècles, tous vos prédécesseurs, quand il s'est agi de toucher au code civil - ce monument qui a fait l'admiration du monde entier - l'ont fait avec une extrême prudence. Vous, vous avez été la première à introduire des dispositions qui bouleversent des pans entiers de ce code et ce, sans la moindre concertation préalable.

M. Michel Pajon.

C'est hors sujet !

M. Henri Plagnol.

De telles réformes doivent être longuement mûries, dans la concertation avec toutes les familles de pensée du pays. Peut-être est-ce l'une des raisons pour lesquelles nous en arrivons à cet affrontement passionnel et à cet enlisement que vous déplorez ?

M. Georges Hage.

Comme il parle bien !

M. Henri Plagnol.

Ensuite, je vous rappelle que, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, une exception d'irrecevabilité a été adoptée contre un projet de la majorité.

M. Alain Barrau.

C'est le début de l'histoire.

M. Henri Plagnol.

Or, vous n'avez pas hésité, avec un acharnement idéologique coupable et en violation caractérisée de la Constitution, à accepter le dépôt devant notre Assemblée d'une proposition quasi identique, faisant ainsi preuve d'un grand mépris vis-à-vis de l'opposition, voire, mes chers collègues, vis-à-vis de toute l'Assemble nationale.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oh !

M. Henri Plagnol.

Enfin, si j'ai bien compris, vous nous reprochez de vous avoir obligée à siéger jusqu'à sept heures du matin.

Mme Yvette Roudy.

Tout à fait.

M. Henri Plagnol.

Mais nous avons discuté, dans des conditions de quasi-clandestinité que nous n'avons cessé de déplorer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), de questions très graves touchant à la protection du plus faible en cas de dissolution du PACS ou au sort des enfants.

J'ajoute, et j'en finis par là (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste) que la réunion de la commission des lois qui débutait à neuf heures et demie, à laquelle avec certains collègues, j'aurais dû assister, n'a même pas été reportée. C'est d'autant plus regrettable que son ordre du jour appelait l'examen de deux réformes jugées par vous comme fondamentales : la généralisation de l'accès au droit des citoyens et l'inscription de la parité hommesfemmes dans la Constitution.

Madame la garde des sceaux, est-il vraiment conforme à votre éminente mission d'agir ainsi ? Comment pouvezvous vous étonner des réactions suscitées par ce texte ? Est-il vraiment raisonnable de prétendre qu'une poignée de députés ont pu, à eux seuls, vous amener à cette situation ? C'est nous faire trop d'honneur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratique libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

Merci, monsieur Plagnol. Je reconnais que votre intervention concernait le déroulement du débat et qu'elle était donc pertinente.

M. Richard Cazenave.

Très pertinente !

M. Georges Hage.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Sur le déroulement du débat aussi ?

M. Georges Hage.

En effet, monsieur le président.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Hage.

M. Georges Hage.

Sénèque, que personne ne pourrait prendre pour un frivole, a écrit que le Sénat romain jugeait déplacé que l'on discutât de choses sérieuses après la dixième heure du jour, c'est-à-dire après seize heures.

M. Yves Nicolin.

Très bien !

M. Georges Hage.

Je constate, monsieur le président, que c'est l'heure à laquelle nous commençons de travailler.

M. Bernard Accoyer.

Arrêtons là !

M. Georges Hage.

C'était une simple remarque sur l'organisation des débats.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

Je vous remercie monsieur Hage.

Votre sagesse va nous inspirer.

M. Bernard Accoyer.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un dernier rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, mon rappel au règlement se réfère à l'article 58, alinéa 4, du règlement sur les faits personnels. Je souhaite que vous me donniez l'occasion de prendre la parole à la fin de la séance.

M. le président.

Soit !

M. Bernard Accoyer.

J'ai, en effet, été personnellement, avec plusieurs de mes collègues, mis en cause par Mme le garde des sceaux.

M. Yves Nicolin.

C'est une habitude !

M. Bernard Accoyer.

J'entends ne pas laisser ces propos insultants et infamants sans réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe radical, Citoyen et Vert.)

3 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Suite de la discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

Le rapport de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, no 1138, porte sur les cinq propositions de loi de : M. Jean-Pierre Michel (no 1118) ; M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues (no 1119) ;

M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues (no 1120) ; M. Guy Hascoët et plusieurs de ses collègues (o 1121) ; M. Alain Tourret (no 1122).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée, à l'article 1er , à l'amendement no 723 portant article additionnel après l'article 515-8 du code civil.

Article 1er (suite)

M. le président.

Je rappelle les termes de l'article 1er :

« Art.

1er Le livre Ier du code civil est complété par un titre XII ainsi rédigé :

«

TITRE

XII

« DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ

« Art.

515-1. Un pacte civil de solidarité peut être conclu par deux personnes physiques, quel que soit leur sexe, pour organiser leur vie commune. »

« Art.

515-2. A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

« 1o Entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus ;

« 2o Entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du mariage ;

« 3o Entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité ».

« Art. 515-3. Le pacte civil de solidarité fait l'objet, à peine de nullité, d'une déclaration écrite conjointe des partenaires organisant leur vie commune et remise par eux à la préfecture du département dans lequel ils établissent leur résidence d'un commun accord.

« Les services de la préfecture l'inscrivent sur un registre et en assurent la conservation.

« Ils font porter mention de la déclaration sur un registre tenu à la préfecture du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger, à la préfecture de Paris.

« L'inscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au pacte.

« Les partenaires annexent au pacte une copie de leur acte de naissance et un certificat de la préfecture de leur lieu de naissance attestant qu'ils ne sont pas déjà liés par un pacte.

« Les modifications du pacte font l'objet d'un dépôt, d'une inscription et d'une conservation à la préfecture qui a reçu l'acte initial.

« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation du pacte, liant deux partenaires dont l'un au moins est de nationalité française, sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français. Le dépôt, l'inscription et la conservation des modifications du pacte sont également assurées par ces agents. »


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« Art. 515-4. - Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et matérielle.

Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte.

« Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante. »

« Art. 515-5. - A défaut de stipulations contraires de l'acte d'acquisition, les biens des partenaires acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont soumis au régime de l'indivision. Les biens dont la date d'acquisition ne peut être établie sont également soumis au régime de l'indivision. »

« Art. 515-6. - Les dispositions des articles 832 à 832-4 sont applicables en cas de dissolution du pacte civil de solidarité. »

« Art. 515-7. - Le pacte civil de solidarité prend fin par la volonté, le mariage ou le décès de l'un des partenaires. »

« Art. 515-8. - Lorsque les partenaires liés par un pacte civil de solidarité décident en commun d'y mettre fin, ils remettent une déclaration conjointe écrite à la préfecture du département dans lequel l'un d'entre eux au moins a sa résidence. Les services de la préfecture inscrivent cette déclaration sur un registre et en assurent la conservation. Ils en font porter mention sur l'acte initial, en marge du registre sur lequel a été enregistré celui-ci, ainsi qu'en marge du registre prévu au troisième alinéa de l'article 515-3.

« Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il notifie à l'autre sa décision. Il informe également de sa décision, ainsi que de la notification à laquelle il a procédé au moins trois mois auparavant, les services de la préfecture qui ont reçu le pacte pour qu'il en soit porté mention sur celui-ci, en marge du registre sur lequel cet acte a été inscrit, ainsi qu'en m arge du registre prévu au troisième alinéa de l'article 515-3. En cas de mariage, il adresse également une copie de son acte de naissance sur lequel est porté mention du mariage.

« Lorsque le pacte civil de solidarité prend fin par le décès de l'un au moins des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de l'acte de décès à la préf ecture qui a reçu l'acte initial pour qu'il en soit porté mention sur celui-ci, en marge du registre sur lequel ce pacte a été inscrit, ainsi qu'en marge du registre prévu au troisième alinéa de l'article 515-3.

« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation de la déclaration, de la décision ou de la copie de l'acte mentionnés aux premier, deuxième et troisième alinéas ainsi que leur mention en marge de l'acte initial sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français.

« Les partenaires déterminent eux-mêmes les conséquences que la rupture du pacte entraîne à leur égard.

A défaut d'accord, celles-ci sont réglées par le juge. »

APRÈS L'ARTICLE 515-8 DU CODE CIVIL

M. le président.

MM. Martin-Lalande, Fromion, Doligé et Masdeu-Arus ont présenté un amendement, no 723, ainsi rédigé :

« Après le texte proposé pour l'article 515-8 du code civil, insérer l'article suivant :

« Art. 515-9. - Le tribunal de grande instance statuant en matière civile est seul compétent pour se prononcer sur les conséquences que la rupture du pacte civil de solidarité entraîne à l'égard des partenaires.

« 1o Les partenaires doivent soumettre à l'approbation du juge compétent un projet de convention qui règle les conséquences de la rupture. Le juge examine la convention avec chacun des partenaires, puis les réunit. Il homologue la convention s'il a acquis la conviction que chacun des partenaires a donné librement son accord au contenu de la convention. Il peut refuser l'homologation de la convention s'il constate qu'elle préserve insuffisamment les intérêts de l'un des partenaires ou des enfants vivant sous l'autorité des partenaires.

« 2o A défaut d'accord entre les partenaires ou en cas de non-homologation de la convention, les conséquences que la rupture du pacte entraîne à l'égard des partenaires sont réglées par le juge compétent. Par son jugement, celui-ci doit préserver les intérêts des deux partenaires et des enfants vivant sous l'autorité des partenaires.

« L'un des partenaires peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du pacte crée dans les conditions de vie respectives.

Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en compte :

« l'âge et l'état de santé des partenaires ;

« le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants ;

« leurs qualifications professionnelles ;

« leur disposition pour de nouveaux emplois ;

« leurs droits existants et prévisibles ;

« leur patrimoine après la rupture du pacte.

« Le juge désigne dans l'intérêt de l'enfant la personne chez laquelle il réside. Pour cela, le juge tient compte :

« des accords passés entre les partenaires ;

« des renseignements recueillis dans l'enquête sociale éventuellement menée à la demande du juge ;

« des sentiments exprimés par les enfants mineurs. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Madame la garde des sceaux, l'amendement no 723, déposé avec mes collègues Yves Fromion, Eric Doligé et Jacques Masdeu-Arus, vise à introduire une procédure judiciaire aussi claire et précise que possible pour régler les conséquences de la rupture du pacte.

En effet, le texte initial n'offre aucune garantie à la préservation de l'intérêt des enfants ou du partenaire qualifié « le plus faible ». Cet amendement propose de corriger cette importante lacune qui peut gravement nuire aux situations de vie respectives des enfants ou du plus faible.

Il prévoit d'abord que le tribunal de grande instance statuant en matière civile est seul compétent.

Dans le 1o de l'amendement, il est introduit une intervention du juge en cas d'accord par une procédure d'homologation de la convention rédigée par les partenaires. Cette procédure est fondamentale. En effet, elle permet de garantir les intérêts des enfants ou du plus


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faible grâce aux critères d'homologation de la convention : d'une part, l'accord sur le contenu de la convention doit être donné librement par chacun des partenaires ; d'autre part, l'intérêt des partenaires et des enfants doit être jugé suffisamment préservé. Cela n'est en aucune façon garanti dans le texte initial.

Le 2o de l'amendement spécifie le cadre et les objectifs de l'intervention de l'autorité judiciaire à défaut d'accord entre les partenaires.

Cela est en effet insuffisamment précis dans le texte initial. L'amendement établit une procédure qui définit les conséquences de la rupture, tout en préservant les intérêts de l'enfant, notamment quant à la garde des enfants, ainsi que les intérêts du plus faible, notamment par l'introduction du versement éventuel d'une prestation compensatoire.

Enfin, cet amendement dans sa globalité pose des obligations face aux droits octroyés aux contractants d'un pacte. Il contribue ainsi, me semble-t-il, à la responsabilisation des deux partenaires désirant signer un pacte et évite l'utilisation abusive de la formule du PACS pour l'attrait que présentent ses droits sans que soient pris en considération les devoirs des uns et des autres.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 723.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La commission est opposée à l'amendement no 723. Elle estime que la question a été réglée par l'adoption à la fin de la séance d'hier soir de l'amendement no 1046 que j'avais déposé avec M. Bloche et M. Tourret.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 723.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

L'amendement no 723 est un de ces amendements qui opèrent une confusion entre le PACS et le mariage.

J'ai déjà indiqué, à plusieurs reprises, que je m'opposerais à chaque fois que le cas se présenterait.

M. Edouard Landrain.

Ecrivez la différence dans la loi !

Mme la garde des sceaux.

Je ne ferai bien sûr pas exception pour celui-ci.

M. François Guillaume.

C'est la rengaine !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Pour répondre à Mme la garde des sceaux, dussé-je l'excéder un peu plus puisque c'est ce qu'elle nous a dit tout à l'heure, ce qui est relativement contrariant s'agissant de notre devoir d'exprimer l'opposition contre ce texte qui est majoritaire dans le pays, vous le savez.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est faux !

M. Bernard Accoyer.

Ce texte mal ficelé, mal préparé, fait, de surcroît, couurir de grands risques aux plus faibles. Prétendre que l'amendement no 1046, adopté hier soir ou plutôt ce matin, règle la question de la rupture du PACS en garantissant les intérêts des plus faibles et en particulier les intérêts de l'enfant est faux. L'amendement no 1046, proposé par la majorité, n'apporte aucun élément rassurant sur ce point.

Or, nous l'avons vu, le PACS est un contrat susceptible de créer des contentieux, voire des falsifications.

Nous devons nous préoccuper des enfants : c'est la responsabilité de leurs parents, lorsque ceux-ci sont des

« pacsés », mais c'est surtout la nôtre, en tant que législateurs.

Se pose encore, nous l'avons vu, le problème des dettes communes, celui de l'indivision, toutes situations qui, on l'a rappelé à de multiples reprises, créeront inévitablement des contentieux. Il est erroné de prétendre que ces graves situations potentielles qui ne manqueront pas de se produire fréquemment seraient réglées dans le texte. L'amendement de notre collègue Martin-Lalande est donc particulièrement justifié et il convient de l'adopter.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 723.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 561 de M. Goasguen n'est pas défendu.

C ompte tenu, chers collègues, de la réserve de 27 amendements proposant diverses dénominations pour le pacte civil de solidarité, le vote sur l'article 1er est réservé.

Après l'article 1er

M. le président.

Je suis saisi de dix amendements nos 188, 480, 422, 271, 186, 791, 270, 792, 185 et 269 pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 188 et 480 sont identiques.

L'amendement no 188 est présenté par M. Estrosi ; l'amendement no 480 est présenté par M. Masdeu-Arus.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« La conclusion d'un pacte civil de solidarité entre deux personnes de même sexe n'entraîne aucun droit en matière d'adoption ou de procréation médicalement assistée ».

L'amendement no 422, présenté par MM. Accoyer, Jacob, Muselier, Demange, Doligé et Schneider, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 343-1 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 343-1. L'adoption peut être aussi demandée par toute personne âgée de plus de 28 ans et non engagée par un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe. »

L'amendement no 271, présenté par MM. Mariani, Masdeu-Arus et Doligé, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 343-1 du code civil est complété par les mots :

« à l'exclusion de celle ayant contracté un pacte civil de solidarité avec une personne de même sexe ».

L'amendement no 186, présenté par M. Estrosi, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Après l'article 341-1 du code civil, il est inséré un article 341-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 341-1-1. - L'adoption ne peut être demandée par des partenaires de même sexe ayant conclu un pacte civil de solidarité ».

L'amendement no 791, présenté par MM. Dutreil, Lellouche, Mme Alliot-Marie, MM. Baguet, Blessig,

Mme Boisseau, MM. Bur, Carrez, Cazenave, de Courson,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Daubresse, Doligé, Dord, Dupont-Aignan, Estrosi, Forissier, de Gaulle, Gengenwin, Guibal, Guillet, Herbillon, Kert, Kossowski, Laffineur, Leonetti, Leroy, Loos, Luca, Martin-Lalande, Nicolin, Ollier, Perrut, Plagnol, Quentin, Salles, Tron, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Il est créé dans le livre Ier du code civil, au titre VIII : « de la filiation adoptive », au chapitre Ier : "de l'adoption plénière", section I : "des conditionsr equises pour l'adoption plénière", après l'article 343-1, un article 343-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 343-1-1. - L'adoption ne peut être demandée par des partenaires de même sexe ayant conclu un pacte civil de solidarité". »

L'amendement no 270, présenté par MM. Mariani, Masdeu-Arus et Doligé, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« La conclusion d'un pacte civil de solidarité entre deux personnes de même sexe ne leur ouvre aucun droit en matière d'adoption. »

Les amendements nos 792 et 185 sont identiques.

L'amendement no 792 est présenté par MM. Dutreil, Lellouche, Mme Alliot-Marie, MM. Baguet, Blessig,

Mme Boisseau, MM. Bur, Carrez, Cazenave, de Courson, Daubresse, Doligé, Dord, Dupont-Aignan, Estrosi, Forissier, de Gaulle, Gengenwin, Guibal, Guillet, Herbillon, Kert, Kossowski, Leonetti, Maurice Leroy, Loos, Luca, Martin-Lalande, Nicolin, Olier, Perrut, Plagnol, Salles, Tron ; l'amendement no 185 est présenté par M. Estrosi.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Il est créé dans le livre Ier du code civil, au titre VII : « de la filiation », au chapitre Ier : "dispositions communes à la filiation légitime et à la filiation naturelle", section IV : "de la procréation médic alement assistée", après l'article 311-19, un article 311-19-1 ainsi rédigé :

« Art. 311-19-1. - Les partenaires de même sexe ayant conclu un pacte civil de solidarité ne peuvent recourir à la procréation médicalement assistée. »

L'amendement no 269, présenté par MM. Mariani, Masdeu-Arus et Doligé, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« La conclusion d'un pacte civil de solidarité entre deux personnes de même sexe ne leur ouvre aucun droit à la procréation médicalement assistée. »

La parole est à M. Christian Estrosi, pour soutenir l'amendement no 188.

M. Christian Estrosi.

Ce texte entraînera des inégalités entre les citoyens face à la loi. Le RPR s'est préoccupé tout au long de ce débat d'assurer la protection et la défense du plus faible, que ce soit le plus faible des deux contractants à l'intérieur du PACS, que ce soient les enfants.

Vous avez rappelé, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que la législation permettait à des célibataires d'adopter. Vous n'avez cessé de dire qu'il ne pouvait y avoir aucune confusion entre le PACS et le mariage, mais, en affirmant qu'un célibataire peut adopter et en refusant d'inscrire dans ce texte le fait qu'un couple de

« pacsés », et notamment du même sexe, ne peuvent adopter ou ne peuvent bénéficier de la procréation médicale assistée, vous admettez le principe qu'un couple de

« pacsés » peut bénéficier de l'adoption ou de la procréation médicale assistée.

Nous avons défendu des amendements relevant de la même logique lors de l'examen de l'article 1er , mais ils ont été rejetés. Nous proposons donc de nouveau, car cette disposition nous paraît fondamentale, qu'il soit inscrit clairement dans un article distinct qu'un couple de pacsés n'a aucun droit en matière d'adoption ou de procréation médicalement assistée. Nous vous offrons une occasion supplémentaire d'inscrire une telle disposition dans la loi.

M. le président.

L'amendement no 480 de M. Jacques Masdeu-Arus n'est pas défendu.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 422.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement est totalement différent de l'amendement no 480 qui tend à préciser que la conclusion d'un pacte civil de solidarité n'entraîne aucun droit en matière d'adoption ou de procréation médicalement assistée.

En effet, l'amendement no 422 dont je suis l'un des co-auteurs vise à souligner les conséquences de ce texte, à souligner ce qui n'a pas pu être mis en évidence dans les travaux en commission qui n'ont pas eu lieu, à souligner ce qui n'a pu être entendu dans des auditions qui n'ont pas eu lieu. Il prévoit d'inscrire dans la loi la réalité, c'està-dire que l'adoption peut être aussi demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans et non engagée par un pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe.

Nous savons qu'un célibataire âgé de plus de vingt-huit ans peut adopter. Mais nous savons aussi - nous l'avons appris au cours du débat - que les pacsés resteront des célibataires. De ce fait, le PACS autorise l'adoption.

Ainsi, deux personnes âgées de plus de vingt-huit ans et de même sexe ayant signé un PACS pourront adopter.

M. le président.

Concluez.

M. Bernard Accoyer.

Le rapporteur trouve cela absolument normal et il l'a dit clairement à de multiples reprises ; je ne reprendrai pas les citations.

M. le président.

Non, en effet.

M. Bernard Accoyer.

Toutefois, le Gouvernement doit prendre ses responsabilités en la matière, au lieu de se contenter de vouloir une opposition muette. Il est vrai que le Gouvernement n'accepte pas qu'elle s'exprime !

M. le président.

L'amendement no 271 de M. Mariani n'est pas défendu.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour défendre l'amendement no 186.

M. Christian Estrosi.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave, pour présenter l'amendement no 791.

M. Richard Cazenave.

Je considère que la question de la procréation médicalement assistée est réglée par les lois de 1994 relatives à l'éthique biomédicale. Il n'est pas inutile de le rappeler, car mieux vaut répéter que se contredire.

S'agissant de l'adoption, la situation est beaucoup plus floue. Notre inquiétude est d'autant plus grande que la position de Mme la garde des sceaux a sensiblement évolué entre le 10 novembre dernier, date à laquelle elle excluait de façon très ferme la possibilité d'adoption par des couples de même sexe, et hier où elle nous a présenté un texte juridique très long qui porte en lui les germes de cette possibilité d'adoption par lesdits couples. Cela ne peut que nous inquiéter.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Déjà, aujourd'hui, les juges sont plus qu'hésitants sur ce sujet. Ils verront dans la création du PACS, catégorie juridique nouvelle qui se situe à mi-chemin entre le contrat et l'institution, et qui est donc susceptible de s'apparenter tantôt à l'un, tantôt à l'autre, un signe supplémentaire en faveur de la possibilité d'adoption par des couples d'homosexuels.

La création du PACS est déjà un signal lancé en direction de ceux qui sont favorables à ce type d'adoption.

Refuser avec persistance d'inscrire clairement dans la loi que l'adoption ne peut être demandée par des partenaires de même sexe ayant conclu un PACS est un signal supplémentaire. Pourtant, une telle inscription dans le texte correspondrait à ce qui semble être la volonté unanime de l'Assemblée. Et si ce n'est pas le cas, j'aimerais que ceux qui défendent la possibilité d'adoption par des couples d'homosexuels s'expriment. Or, en dehors de la voix de M. Jean-Pierre Michel, je n'en entends pas d'autres.

Par conséquent, si la majorité de l'Assemblée n'est pas d'accord pour autoriser l'adoption par des couples d'homosexuels, je voudrais que l'on prenne la précaution d'inscrire dans la loi ce refus d'une telle évolution.

J'en appelle à la conscience et à la responsabilité de chacun. Je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement qui ne fait que traduire les intentions que, les uns et les autres, nous affichons dans ce débat.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour soutenir l'amendement no 270.

M. Christian Estrosi.

J'espère que les réponses qui nous seront apportées sur ce sujet ne seront pas empreintes du même mépris que celui qui a caractérisé les réponses qui ont été faites cette nuit à l'opposition, et qu'il ne nous sera pas rétorqué, une fois de plus, qu'il ne faut pas mettre en parallèle le PACS et le mariage.

Il nous appartient d'insister auprès de l'ensemble de nos collègues pour que, au-delà de Mme la ministre et du rapporteur, il y ait une prise de conscience générale sur cette affaire.

Les sentiments peuvent être différents, les positions contraires, mais il faut débattre de cette affaire grave que constitue la possibilité offerte ou non à un couple d'homosexuels ayant contracté un PACS d'adopter.

Oui ou non, l'Assemblée nationale veut-elle affirmer qu'elle refuse ce type d'adoption ? Ou veut-elle, en restant silencieuse, car qui ne dit mot consent, montrer à la France entière qu'elle est prête à accepter l'adoption par un couple de pacsés ? Voilà la lecture qui sera faite en fonction de la réponse qui sera apportée à ces amendements.

Le rapporteur, lui, avec beaucoup de franchise, n'a jamais cessé de nous répéter depuis plusieurs mois que le CUC, le CUS, le CUCS, le PIC ou le PACS ouvriraient la voie à l'adoption pour les couples d'homosexuels. C'est d'ailleurs ce qui se passe aujourd'hui en Suède. Pourtant, il y a six ou sept ans, lors des débats portant sur un texte relatif à une certaine forme de mariage homosexuel, le gouvernement suédois affirmait que jamais l'Etat suédois n'accepterait et ne tolérerait que les couples d'homosexuels aient des droits en matière d'adoption. Or c'est aujourd'hui le contenu d'un texte qui est inscrit à l'ordre du jour du Parlement suédois ! En dépit des affirmations de Mme la ministre et de certains de nos collègues, et parce que M. le rapporteur est très clair sur le sujet, nous savons que, dès l'instant où l'on refuse d'inscrire notre proposition dans la loi, on ouvre la porte à l'adoption dans quelques années par les couples d'homosexuels issus du PACS.

Mes chers collègues, je vous en conjure, adoptez au moins un de ces amendements.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord, pour soutenir l'amendement no 792.

M. Dominique Dord.

Comme l'amendement no 790, cet amendement a été signé par vingt-neuf députés des trois groupes de l'opposition. Il revêt pour nous une valeur symbolique et montre l'unité de nos points de vue sur ce sujet. Alors que l'amendement no 790 visait l'interd iction d'adoption par des couples d'homosexuels, l'amendement no 792 concerne, lui, l'interdiction d'avoir recours à la procréation médicalement assistée pour les partenaires homosexuels ayant conclu un PACS.

Le PACS vise à introduire dans le droit français une nouvelle catégorie juridique afin de ne pas laisser perdurer des situations que vous estimez discriminatoires entre couples hétérosexuels et couples d'homosexuels. Mais en supprimant cette discrimination, le PACS va réintroduire dans notre droit un autre mécanisme de discrimination en accordant aux pacsés hétérosexuels le droit à l'adoption ou à la procréation médicalement assistée alors même qu'il sera refusé aux pacsés homosexuels.

A l'instar de certains professeurs de droit, de droit civil en particulier, nous craignons que cette nouvelle discrimination ne dure pas très longtemps. Le lobby homosexuel revendique déjà ce droit, mais nous saurons sans doute faire face à ces revendications et les endiguer. Pour autant, la Cour européenne des droits de l'homme, si elle était saisie de cette question, pourrait, selon certains professeurs de droit, juger que l'introduction d'une nouvelle discrimination dans notre droit au nom de la nondiscrimination est inconséquente, illogique, et pourrait nous obliger à aller plus vite vers ce que nous ne voulons pas, en l'occurrence l'adoption ou la procréation médicalement assistée étendue aux couples d'homosexuels.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur le député.

M. Dominique Dord.

Je conclus.

C'est vrai que nous avons abordé cette question de nombreuses fois au cours de nos débats. Il n'en reste pas moins qu'il existe à ce sujet un sentiment d'incompréhension largement répandu. Si j'en juge par les personnes que je rencontre dans ma circonscription, en particulier des maires qui partagent plutôt les options de la majorité - et qui sont bien obligés de soutenir le texte - ce qui les gêne dans ce texte, c'est qu'il ouvre la voie à l'adoption ou à la procréation médicalement assistée pour les couples d'homosexuels.

Si vous ne le faites pas pour nous, faites-le au moins pour eux et inscrivez dans le texte qu'il n'est pas possible à un couple d'homosexuels d'avoir des droits en matière d'adoption et de procréation médicalement assistée. De la sorte, vous rassurerez la France entière.

Vous nous dites depuis des jours que c'est inutile, madame la ministre. Mais si c'est vraiment inutile, au pire, vous aurez pris le risque d'écrire quelque chose qui n'ajoutera rien au texte et qui n'y enlèvera rien. Mais, au moins, vous aurez rassuré l'ensemble des députés et, en tout cas, l'ensemble des Français.

M. le président.

Les amendements no 185 de M. Estrosi et no 269 de M. Mariani qui sont relatifs à la PMA ont déjà été évoqués hier.

Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements soumis à discussion commune ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ces amendements ont déjà été défendus hier et même lors des séances pr écédentes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Mme la ministre et moi-même avons apporté des réponses, notamment sur les points précis que vient d'aborder M. Dord.

Je ne peux que répéter que la commission des lois a repoussé ces amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je me suis exprimée longuement et par deux fois sur ces questions de l'adoption et de la PMA, qui sont, évidemment, des questions extrêmement importantes. Je ne vais pas, par conséquent, répéter à nouveau les réponses que j'ai déjà faites et qui étaient argumentées.

M. Bernard Accoyer.

Vous avez dit tout et son contraire à quinze jours d'intervalle !

M. Patrick Ollier.

En effet, les réponses ont été différentes selon les jours !

Mme la garde des sceaux.

Si les parlementaires qui se plaignent de recevoir les mêmes réponses arrêtaient de poser de façon obsessionnelle les mêmes questions, peutêtre avancerions-nous plus vite !

M. Bernard Accoyer.

Si vous respectiez la Constitution, nous n'en serions pas là !

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Je n'ai rien d'un obsédé, madame la garde des sceaux, et je fais partie de ces troupes fraîches que vous attendiez quand vous redoutiez la fatigue qui s'emparait de l'opposition. Je peux vous annoncer que, ce soir, nous sommes en pleine forme et parfaitement décidés à défendre les bonnes idées.

Il est vrai que si vous aviez l'opportunité, j'allais dire l'intelligence (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

Mme Yvette Roudy.

C'est incroyable !

M. Edouard Landrain.

... d'accepter des amendements aussi simples que ceux qui prévoient que les personnes ayant conclu un PACS n'ont pas le droit à l'adoption, ce serait tellement plus facile !

Mme Yvette Roudy.

C'est quoi votre intelligence, à vous ?

M. Edouard Landrain.

Je suis sûr que certains sur les bancs de la majorité souhaitent l'inscription d'une telle disposition. Ils nous le disent, mais ils sont un peu prisonniers du système. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Parodiant les Guignols de l'info, je dirai, comme un cycliste célèbre, que je ne voudrais pas que, « à l'insu de mon plein gré », je sois condamné à accepter demain des choses que je ne veux pas et que vous dites ne pas vouloir.

C'est simple, madame la garde des sceaux,...

Mme Yvette Roudy.

Quelle condescendance !

M. Edouard Landrain.

... il suffirait d'écrire dans la loi ce que vous nous dites ici d'une façon presque officielle.

Ce n'est pas grand-chose. Cela serait suffisant pour apaiser les tensions et pour permettre d'achever l'examen de l'ensemble du texte.

Dans le journal Libération de ce matin, j'ai eu le plaisir de lire un article intitulé « Mignonne, allons voir si le PACS... ». Ce texte rappelait certaines pratiques existant

entre les

XVIe et

XVIIIe siècles comme l'affrèrement et la frerèche. Si nous avions l'intelligence de nos ancêtres, nous pourrions sans doute arriver à des solutions acceptables.

Mais, en l'occurrence, vous êtes en train d'ouvrir des voies aventureuses car, demain, la science, la génétique feront que, en matière de PMA, des choix que nous ne soupçonnons pas actuellement seront possibles. C'est cela qu'il faut prévenir. Il faut donc que ce texte refuse la possibilité aux couples d'homosexuels ayant conclu un PACS d'avoir des enfants, quelle que soit la façon dont ceux-ci peuvent être conçus.

M. le président.

La parole est à M. Philippe de Villiers.

M. Philippe de Villiers.

Vous venez, madame la garde des sceaux, de nous dire que nos arguments n'étaient pas neufs. Je voudrais donc vous poser une question.

Il y a quelques jours, vous défendiez ici le texte tendant à reviser la Constitution en vue de la ratification du traité d'Amsterdam.

Vous étiez apparement très à l'aise et vous nous disiez qu'il n'était pas question d'accepter les amendements de l'opposition visant à interdire l'adoption d'enfants par des couples homosexuels. C'est parce que vous savez, vous, contrairement à la plupart des députés, qui n'ont pas eu l'occasion de lire le traité dans le détail, que l'article 13 du traité d'Amsterdam prévoit expressément que, au nom de la lutte contre toute forme de discrimination fondée sur le sexe et l'orientation sexuelle, les institutions européennes nous obligeront, à la suite de votre texte sur le PACS, à aller plus loin et à adopter - c'est le cas de le dire - la disposition que M. Michel souhaite depuis le début, honnête et cohérent en cela avec les idées qu'il défend.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mais j'ai quand même voté contre le traité d'Amsterdam !

Mme Yvette Roudy.

C'est un autre débat, monsieur de Villiers !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Vous vous livrez à une extrapolation hasardeuse !

M. Philippe de Villiers.

Madame la garde des sceaux, ma question est simple et je souhaite obtenir une réponse. Est-ce que, puisque vous refusez nos amendements, votre position n'est pas, eu égard à l'article 13 du traité d'Amsterdam, de faire passer en douce, sans en parler à la représentation nationale, l'idée de l'adoption des enfants par des couples homosexuels ?

Mme Yvette Roudy.

Nous sommes en dehors de l'amendement !

M. Philippe de Villiers.

Si c'est ça, ayez le courage de le dire à la représentation nationale et aux Français ! Je pense que le Gouvernement est très hypocrite dans cette affaire : en fait, il sait que le traité d'Amsterdam contient une disposition de secours qui va dans le sens de l'adoption des enfants par les couples homosexuels.

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Le rapporteur nous a dit qu'il avait déjà répondu sur ce point. En réalité, ses réponses ont toujours été évanescentes quant à l'aspect juridique, mais toujours très précises en ce qui concerne la projection dans l'avenir. Je ne vous renverrai pas une fois de plus à ses déclarations : elles sont suffisamment claires, mes chers collègues, pour vous interpeller les uns et les


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autres. Je pense que vous n'êtes pas là seulement pour lever le bras quand le président du groupe socialiste vous demande de le faire et j'aimerais que vous vous posiez certaines questions.

Mme Yvette Roudy.

Vous êtes hors sujet !

M. Richard Cazenave.

Si certains sont favorables à l'adoption d'enfants par les couples homosexuels, j'aimerais entendre leur voix. Il faudrait qu'ils aient le courage de s'exprimer et de développer leurs arguments.

Sinon, pourquoi serait-ce une erreur de préciser de façon claire et nette dans le texte qu'il n'ouvre pas droit à l'adoption, afin d'envoyer un signal ferme aux juges et à la jurisprudence ? Comment pouvez-vous vous contenter, alors que la situation juridique est totalement instable, de quelques vagues assurances du Gouvernement, qui sont d'ailleurs contradictoires entre elles car, madame la garde des sceaux, vos déclarations du 10 novembre n'ont rien à voir avec celles que vous avez faites hier sur ce sujet. Vos déclarations d'hier laissent clairement entrevoir la mécanique qui va aboutir à l'adoption d'enfants par des couples de même sexe.

J'aimerais que vous bougiez, que vous parliez ! Qu'avez-vous à dire sur ce sujet ? Prenez position, au lieu de vous planquer derrière un texte (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) dont vous savez parfaitement - et là est l'hypocrisie - qu'il va véhiculer ce que, officiellement, vous dites refuser !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 188.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 422.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 791.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 270.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 792.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 269 est tombé.

M. Mariani a présenté un amendement, no 257, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'acte de reconnaissance d'un enfant naturel est porté automatiquement en marge de l'acte de naissance de chacun des parents ayant effectué la déclaration auprès de l'officier d'état civil. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement soulève un problème qui ne manquera de se poser si le PACS s'applique un jour. En effet, les naissances hors mariage seront plus nombreuses. Or, dans nombre de cas, il est difficile d'établir la filiation, en particulier pour les enfants naturels.

Nous avons à plusieurs reprises manifesté notre étonnement, notre crainte et notre opposition car le PACS n'établit pas de présomption de paternité, alors que cela aurait constitué un élément de protection des femmes et, plus encore, des enfants.

Cet amendement se justifie donc totalement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement ; je n'en vois pas vraiment l'intérêt.

D'abord, l'adoption du PACS n'entraînera pas forcément plus de naissances hors mariage. Il y aura simplement des naissances totalement hors mariage dans le cas du concubinage ou de l'union libre, et d'autres dans le cadre du PACS, mais je ne crois pas qu'il y aura plus de naissances hors mariage au total.

Je ne vois pas en quoi ce texte serait favorable aux enfants naturels. La reconnaissance est indiquée sur l'acte de naissance de l'enfant reconnu. Pourquoi l'inscrire sur l'acte de naissance des parents ? Il faudrait alors également y inscrire les enfants légitimes.

Peut-être vous faites-vous inconsciemment le porteparole d'une revendication quelquefois exprimée par les notaires car, lorsque les liens familiaux se sont distendus, ils ont parfois du mal à retrouver les héritiers lors des successions. Il sera possible d'ouvrir cette possibilité ailleurs, par exemple dans un texte général sur la famille, mais ce problème n'a aucun rapport avec le PACS.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Très bien ! Quelle clarté !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le problème soulevé n'a rien à voir avec le débat sur le pacte civil de solidarité.

Je rappelle que le PACS n'a pas pour objet de traiter de la filiation ni de modifier les règles en matière d'état civil. Je rappelle aussi que j'ai constitué un groupe de travail sur les réformes à opérer dans le droit de la famille, et que la question de la filiation naturelle sera abordée dans ce cadre.

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

M. le rapporteur s'est opposé à cet amendement en disant que c'étaient les notaires qui se souciaient de ce problème. Mais ce que nous craignons, précisément, c'est que les choses ne se passent pas comme le voudraient ceux qui sont chargés de faire respecter les règlements et les lois !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Hors sujet !

M. Edouard Landrain.

La moindre des choses serait tout de même de s'inquiéter de ce problème, qui est important.

Ne mésestimez pas le rôle essentiel des notaires. Si nous l'avions reconnu, il aurait été possible de garantir un certain nombre de droits à des personnes qui désirent vivre ensemble. Mais, non : on a voulu faire plus, améliorer, créer un mariage bis , et maintenant on en arrive à des discussions qui n'ont ni queue ni tête.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 257.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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M. le président.

MM. Tourret, Charasse, Charles et Honde ont présenté un amendement, no 813, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le livre Ier du code civil est complété par un titre XIII intitulé : "Du concubinage" ainsi rédigé :

«

TITRE

XIII »

« DU CONCUBINAGE »

« Art. 515-9. - Le concubinage se constate par la possession d'état stable et notoire du couple, que les concubins soient ou non de sexe différent. »

Cet amendement n'est pas défendu.

M. Dominique Dord.

Je le reprends ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ah non !

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Dord, pour soutenir cet amendement.

M. Dominique Dord.

Je regrette que notre collègue Tourret ne soit pas là pour le défendre, car cet amendement me paraît en effet très intéressant.

Il vise à mettre fin à l'inégalité de traitement aujourd'hui constatée entre les partenaires homosexuels et les partenaires hétérosexuels en ce qui concerne le transfert du bail en cas de décès de l'un de deux partenaires.

M. le président.

Il ne s'agit pas de cela dans l'amendement !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Aucun rapport !

M. Dominique Dord.

Si !

M. le président.

L'amendement concerne la situation des personnes non intéressées par un PACS.

M. Dominique Dord.

Tout à fait ! C'est bien de cela que je parle.

Aujourd'hui, la situation est telle que, lorsque deux partenaires ne sont pas liés par un PACS, l'un des deux peut se voir signifier qu'il doit quitter le logement au décès de l'autre. On nous a souvent accusés, et certains d'entre nous en ont été blessés, d'homophobie, mais nous considérons que cet amendement est intéressant pour les homosexuels.

Aux termes de la loi de 1989, si l'une des deux personnes est à la charge de l'autre, le cohabitant peut rester dans les lieux après le décès. Mais il y a des cas où cette condition n'est pas remplie et où le survivant doit quitter les lieux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission des lois a repoussé cet amendement, qui procède d'une autre logique que celle du PACS. C'est la logique exposée dans son rapport par Irène Théry, qui proposait, d'une part, de légaliser le concubinage pour tout le monde et, d'autre part, d'ouvrir les droits du mariage aux couples homosexuels.

Cet amendement reprend la moitié de ce que proposait Irène Théry et se situe totalement en dehors de notre débat. Nous, nous proposons un statut nouveau pour tous les couples. En ce qui concerne le concubinage, nous espérons que la jurisprudence évoluera à la lumière de nos débats.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Cet amendement propose effectivement une autre logique, dans le droit-fil de certaines des propositions formulées par Mme Théry.

Je me suis déjà exprimée sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à soutenir le choix, fait par vos rapporteurs, d'un contrat, plutôt que d'un constat de fait.

J'ai déjà dit devant l'Assemblée que l'objectif est le même : il s'agit de reconnaître que les personnes qui vivent ensemble sans être mariées, qu'elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles, doivent se voir reconnaître certains droits, qu'elles doivent être protégées.

Mais cet amendement, qui énonce que le concubinage se constate par la possession d'état stable et notoire du couple, choisit le constat. Ce choix a pour effet d'assimiler concubinage homosexuel et concubinage hétérosexuel.

Avec le PACS, nous choisissons également d'établir une non-discrimination, dans le domaine de l'organisation de la vie commune, entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. Mais, si nous choisissons le constat, nous rencontrons un problème pour établir une distinction dès lors que nous nous intéressons à la filiation.

Car autant il est indispensable de faire cesser toute discrimination en matière de droits, autant, en matière de filiation, une distinction doit demeurer entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels.

M. Dominique Dord.

J'ai parlé du droit au logement, pas de la filiation !

Mme la garde des sceaux.

J'attire donc votre attention sur ce premier point, mais je me suis déjà longuement exprimée à ce sujet.

Ma deuxième remarque sera d'ordre plus juridique.

Cet amendement ne définit pas le concubinage comme la cohabitation stable et durable entre deux personnes, qu'elles soient de même sexe ou de sexe différent, mais il indique comment ce concubinage se constate, en introduisant la notion de possession d'état de couple.

Jusqu'à présent, la preuve du concubinage est libre. Il faut bien évaluer les conséquences d'un constat par la possession d'état de couple.

La possession est définie à l'article 2228 du code civil comme « la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit ». Pour avoir un effet, elle doit être, aux termes de l'article 2229, « continue et non interrompue, paisible publique, non équivoque ». La possession d'état n'est précisément définie dans le code civil qu'en matière de filiation. Quand elle est utilisée, c'est pour conforter un état ou détruire cet état. C'est une notion qui fait l'objet d'une importante jurisprudence.

Celui qui se prévaut d'une possession d'état doit établir cette possession et les caractéristiques que je viens d'énoncer.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

Mme la garde des sceaux.

La possession d'état de couple, terme qui n'est pas juridique, n'existe ni dans la loi ni dans la jurisprudence.

Aujourd'hui, par exemple, un homme marié qui vit non avec son épouse, mais avec une autre femme, peut être considéré comme le concubin de celle-ci. Le concubinage est fondé sur l'apparence et ne remet pas en cause l'état des personnes.

Demain, si le concubinage est fondé sur la possession d'état de couple, les juridictions pourraient décider que cette possession est équivoque, car cet homme, dans l'exemple que je viens de citer, est marié, et, avec son épouse, il forme aussi un couple, même s'ils ne cohabitent pas.


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Voilà pourquoi l'introduction de cette notion nouvelle de possession d'état de couple me paraît susceptible de créer plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait.

Pour ces deux raisons, je ne peux qu'être défavorable à cet amendement, en dépit de l'intérêt de cette proposition novatrice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Bravo ! Magistral !

M. Richard Cazenave.

Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

Monsieur Cazenave, avant de vous la donner, ainsi qu'à M. Plagnol et à M. Donnedieu de Vabres, qui me l'ont également demandée, je tiens à rappeler quelques points relatifs à l'organisation du débat.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est souhaitable, car ils ont oublié !

M. le président.

Tout d'abord, en vertu de l'article 100, alinéa 7 de notre règlement, ne peut prendre la parole après le Gouvernement qu'un orateur désirant s'exprimant contre l'amendement, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent.

L'article 56, alinéa 3, indique que le président a la faculté de donner la parole à un orateur pour répondre au Gouvernement ou à la commission. C'est donc une simple faculté qui a été utilisée.

M. Jean-Louis Debré.

Vous êtes libéral !

M. le président.

En effet, mais c'est la présidence qui apprécie s'il convient de donner la parole à un orateur.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Jusqu'à présent, vous étiez mieux que Forni ! N'essayez pas de l'imiter ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Seconde observation : on ne peut prétendre que l'opposition n'aurait pas eu le temps de débattre, et je rappellerai certains chiffres que m'ont communiqués les services de l'Assemblée.

Ce matin, à sept heures, la durée totale d'examen du texte en séance publique était déjà de quarante-cinq heures dix-huit minutes.

La discussion générale a duré vingt et une heures sept minutes. Trois motions de procédure ont été défendues : celle de Mme Boutin a duré cinq heures vingt-six minutes...

M. Jean-Louis Debré.

Et alors ?

M. le président.

... et celle de M. Lenoir trois heures dix-neuf. Quant aux orateurs inscrits dans la discussion générale, ils ont parlé pendant cinq heures vingt-quatre.

Enfin, la motion de renvoi en commission défendue par

M. Devedjian a duré une heure vingt-deux.

Quant à l'examen des articles, nous le poursuivons depuis vingt-quatre heures onze minutes.

Je souhaite par conséquent que nous puissions adopter un rythme normal, mais toutefois soutenu, pour la discussion des amendements.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Monsieur le président, si vous avez effectivement la faculté, aux termes de l'article 56, de donner la parole à un orateur pour répondre à la commission ou au Gouvernement, nous avons, nous, la faculté de demander des suspensions de séance. Nous pouvons jouer à ce petit jeu...

M. Guy Hascoët.

Des menaces ?

M. Gérard Terrier.

Provocateur !

M. Richard Cazenave.

... mais la pratique constante a toujours été de permettre de répondre au rapporteur et au ministre. Respectons cette tradition et ne faites pas comme s'il s'agissait de votre part d'une concession nouvelle et soudaine.

Je ferai une seconde observation. Si la séance publique est aussi longue, c'est parce que ce texte n'a pas été assez travaillé du point de vue juridique. Cela a été rappelé longuement et à plusieurs reprises, notamment par Claude Goasguen, qui a expliqué que nous sommes en train de faire un travail juridique au lieu de faire un travail politique, parce que ce texte ne tient pas debout.

C'est en fait un OJNI, un objet juridique non identifié, qui ouvre d'immenses possibilités de conflits et de recours, et qui risque de créer des situations de grande fragilité. Notre devoir de législateurs, c'est de réduire ces risques, c'est de prévoir les conséquences pour les personnes de ce que nous sommes en train de décider, c'est de penser, dans le cadre de la situation nouvelle qui va être créée, aux plus faibles.

Ne nous reprochez pas la longueur des débats, qui n'est que la conséquence du fait que le texte n'a pas été suffisamment travaillé en amont, n'a pas été l'objet des auditions...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Il y a eu des auditions ! On a travaillé, nous !

M. Jacques Fleury.

Cela fait cinq ans qu'on prépare le texte !

M. Richard Cazenave.

... ou des consultations qui sont normalement nécessaires dans ce genre de situation. En ce qui nous concerne, c'est ainsi que nous avions procédé avant la discussion du projet de loi sur l'éthique biomédicale. En l'occurrence, nous avions, en amont, fait en sorte qu'une véritable réflexion s'engage entre nous et que la préparation de la discussion du texte soit sereine.

Voilà ce que je voulais dire pour remettre les pendules à l'heure. Nous n'acceptons ni leçons ni remises en question permanentes ! Nous sommes dans une situation que nous devons gérer tous ensemble. C'est donc tous ensemble que nous devons tirer des conclusions pour l'avenir, en évitant que cette assemblée continue de fonctionner comme actuellement.

M. le président.

J'en appelais justement à votre responsabilité, monsieur Cazenave !

M. Richard Cazenave.

J'en viens à l'amendement no 813, portant article additionnel.

J'ai entendu les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur la possession d'état. Mais le plus important est l'objectif que nous voulons atteindre. Cet objectif a déjà fait l'objet d'un amendement de M. Albertini, qui a été repoussé, et que je souhaitais sousamender : il s'agissait de reconnaître que des personnes de même sexe pouvaient relever du concubinage. Cette mesure, prise en complément de l'amendement no 786 de M. de Courson que M. Plagnol défendra tout à l'heure, aurait permis de mettre en oeuvre un dispositif répondant parfaitement aux besoins et aux situations d'injustice qui ont été, à juste titre, dénoncées, sans que nous entrions pour autant dans l'aventure juridique où vous nous entraînez avec votre PACS.

Il n'y aurait pas eu besoin de déclaration spécifique, il n'y aurait pas eu de fichier, non plus que de pseudosolidarité financière à géométrie variable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

La situation aurait été claire et n'aurait pu être assimilée à quelque chose qui n'existe pas, comme au PACS, intermédiaire entre le contrat et l'institution.

Si la possession d'état n'est pas le bon moyen de constater le concubinage, il me paraîtrait en tout cas réaliste, légitime, correct de reconnaître que les couples homosexuels peuvent relever du concubinage et de leur octroyer les droits qui y sont liés. Cela éviterait des débats interminables qui risquent finalement de se retourner contre ceux auxquels le texte est destiné.

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

L'amendement no 813 est, comme tous ceux que M. Tourret a déposés, très intéressant.

L'une des raisons pour lesquelles notre discussion peut paraître un peu longue est que nous n'avons pas assez travaillé en amont, c'est-à-dire en commission.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Vous avez boycotté ses travaux !

M. Henri Plagnol.

Le groupe de l'UDF avait déposé en commission des lois un amendement quasi identique à l'amendement no 813. Il reprenait la « solution Théry », dont le Gouvernement n'a pas voulu. Puisqu'il émanait du groupe de l'UDF, cet amendement avait été balayé d'un revers de la main, et M. Tourret avait préféré ne pas le défendre.

De quoi s'agissait-il ? D'étendre la notion de concubinage que la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation limite aux couples de deux personnes de sexe différent.

C'était de loin la solution la plus simple pour répondre à 99 % des problèmes dus aux discriminations que subissent les couples homosexuels. Ces discriminations sont extrêmement choquantes et elles doivent disparaître.

Ce système avait en outre l'avantage de concerner tous les couples alors que la proposition de loi soutenue par le Gouvernement ne bénéficiera qu'aux couples qui auront conclu un PACS, c'est-à-dire, si l'on se réfère aux précédents de l'Europe du Nord, à une minorité de couples homosexuels : nombre de couples homosexuels ne souhaiteront pas entrer dans le système du PACS, compte tenu de ses contraintes et de la publicité dont certains n'ont nulle envie.

Le problème, brillamment exposé par Patrick Devedjian, de l'inégalité entre les couples non mariés se posera alors. Face aux couples pacsés, ceux qui choisiront de rester en union libre - très probablement la grande majorité - ne seront pas protégés par le système voulu par le Gouvernement et, sur ce point, vous ne nous avez pas répondu, madame la garde des sceaux. Ces couples n'auront donc d'autre choix que de pacser pour échapper aux discriminations.

Il y a là quelque chose qui me paraît très choquant, bien que, jusqu'à présent, nous y ayons très peu insisté.

Voilà donc deux raisons fortes de voter l'amendement no 813 : il apporte une réponse concrète, simple, efficace et immédiate aux problèmes sans déclencher aucune des passions ou des polémiques très regrettables suscitées par le système souhaité par le Gouvernement ; la disposition, universelle, s'appliquerait à tous les couples, qu'ils soient ou non pacsés.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Lorsque j'ai déposé l'amendement no 813, je n'avais pas entendu certains des arguments qui ont été développés en commission.

Cet amendement se justifiait compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la cour d'appel de Paris, que j'ai brièvement rappelée dans l'exposé des motifs : elle se fondait essentiellement sur l'impossibilité de reconnaître des droits aux concubins homosexuels.

En commission, notre rapporteur a exposé une argumentation très subtile. Il a fait valoir que, si la Cour de cassation et la cour d'appel de Paris s'étaient prononcées comme elles l'avaient fait, c'était parce qu'il y avait un vide législatif, lequel serait comblé par la nouvelle définition du couple donnée par le PACS.

Dans ces conditions, je pense que l'argumentation que j'avais avancée en faveur de l'amendement ne tient plus.

J'ai d'ailleurs indiqué en commission, avec la grande liberté d'esprit que j'ai pour ce qui concerne toute cette discussion, que cet amendement n'avait plus lieu d'être.

Je maintiens cette position, confortée par les interventions de Mme la garde des sceaux et de mes collègues de l'opposition. Je pense qu'il n'y a plus d'inquiétude à avoir : la jurisprudence changera nécessairement en raison de la nouvelle définition du couple homosexuel ou hétérosexuel qui sera donnée dans le cadre de la nouvelle loi.

M. Jean-Christophe Cambadélis.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, depuis le début de notre débat, l'opposition, de façon répétitive, incantatoire, lancinante, affirme que le texte n'a pas été étudié, qu'il n'est pas au point, qu'il n'est pas ficelé sur le plan juridique.

M. Bernard Accoyer.

Mais c'est vrai !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Et bien entendu, cette critique est reprise d'abondance en dehors de ces murs.

Comme l'Assemblée nationale est un lieu privilégié d'information de nos concitoyens sur les réformes dont nous débattons, je tiens à faire une mise au point.

A la vérité, aucun texte n'a eu une vie aussi longue, n'a fait l'objet d'études aussi pointues, aussi nourries que la proposition de création du pacte civil de solidarité.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Tous les parlementaires qui s'intéressent à la question et il en existe sur tous les bancs de l'Assemblée - savent que, depuis près de dix ans, parlementaires, juristes et experts de toutes sortes ont réfléchi aux vrais problèmes de société qui se posent aujourd'hui aux couples qui ne sont pas reconnus par notre Etat de droit, qu'ils soient concubin hétérosexuels ou qu'ils vivent en union homosexuelle.

Nul ne peut donc honnêtement prétendre que le texte a été élaboré à la va-vite ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Vous avez évolué !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Pour ce qui la concerne, la commission des lois s'est saisie de ces problèmes dès le début de la législature. Un groupe de travail confié à M. Jean-Pierre Michel et à M. Patrick Bloche, et ouvert à tous les parlementaires intéressés, a travaillé sur le sujet avec beaucoup de compétence, beaucoup de sérieux et une grande faculté d'écoute sur l'extérieur.

Vous êtes nombreux à évoquer des rapports d'experts.

Je crois que Mme la garde des sceaux a fort bien répondu sur l'attention qu'il faut évidemment leur accorder. On en cite un abondamment : celui de Mme Théry. Mais il y a eu aussi celui du professeur Hauser, et tant d'autres.

Quoi qu'il en soit vient le moment où il appartient aux parlementaires comme au Gouvernement de prendre position sur les avis d'experts. C'est ce que nous avons fait.

Je regrette, en tant que présidente de la commission des lois, que l'opposition ait été si peu présente dans nos travaux en commission.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

Vous avez consacré vingt-sept minutes au texte !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Vous n'étiez pas là !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Je pourrais d'ailleurs citer ceux qui, lors des réunions de la commission, ont très clairement dit qu'ils réservaient leurs arguments pour la séance publique et que, ce faisant, ils refusaient de participer au travail en amont.

Je tenais, monsieur le président, à rétablir la vérité.

L'opposition a le droit, pour les raisons qui sont les siennes, de ne pas adhérer à la proposition de loi, mais elle n'a pas le droit de donner à croire en dehors de cette enceinte que ce texte n'a pas été préparé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Accoyer.

C'est pourtant la vérité !

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Il ne faut pas croire, en entendant les diverses remarques de l'opposition - et pas seulement celles de l'opposition - qu'un quelconque reproche soit adressé à la commission pour son travail.

C'est une approche politique - ce n'est pas un défaut presque idéologique et au sens noble du terme, qui a présidé à la rédaction de la proposition de loi. Vous avez inventé un nouveau dispositif et il était bien évident que son intégration dans des ensembles de règles de droit qui n'étaient pas prévus pour l'accueillir soulèverait quelques difficultés.

Dans ces conditions, il eût été nécessaire non pas simplement de consulter des politiques, des sociologues ou des notaires, mais de donner le texte à « lisser », comme on dit, à des professionnels de l'intégration de ce type de lois dans le dispositif juridique général.

Il serait bon qu'à l'avenir le Parlement puisse bénéficier de l'aide du Conseil d'Etat, réservée normalement au Gouvernement. Le Conseil pourrait déléguer un ou deux de ses spécialistes, afin de faciliter l'intégration technique des propositions de loi. Une telle précaution nous aurait évité de perdre beaucoup de temps.

Cela dit, je le répète, madame la présidente, la commission n'est nullement en cause.

(M. le rapporteur applaudit.)

M. le président.

Merci pour ce débat, qui a duré vingttrois minutes.

(Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no 813.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous venons d'examiner tous les amendements qui concernent le code civil.

La proposition de loi relative au PACS comporte différents articles, le premier concernant le code civil et, les autres, notamment le code général des impôts.

Alors que nous allons en venir, avec l'amendement no 786 de M. de Courson puis avec l'article 2, à des dispositions concernant le code général des impôts, je voudrais revenir sur le PACS et le code civil.

Plusieurs d'entre vous, sur les bancs de l'opposition, ont craint que le fait d'intégrer le PACS dans le code civil présente le risque de « désintégrer » ce même code.

Je cite là, en substance, des propos qui ont été tenus par

M. Plagnol et auparavant par M. Devedjian.

Je voudrais rappeler ce qu'est le code civil.

Du point de vue étymologique, le code civil est le corps des règles qui régissent la vie de nos concitoyens.

M. Claude Goasguen.

En effet !

Mme la garde des sceaux.

C'est le code des concepts - la personne, la nationalité, le mariage, le décès. C'est le code des principes - l'exécution des lois, à l'article 1er , ou la non-rétroactivité des lois, à l'article 2. C'est aussi le code de la vie personnelle, des liens personnels, des biens personnels, des lieux personnels comme, par exemple, le domicile. C'est, enfin, le code de la stabilité des situations juridiques, telles que les acquisitions, les successions et les contrats.

Toutes ces caractéristiques expliquent que le PACS ne peut être que dans le code civil car ce code est par excellence le code de tous les jours, celui qui gouverne l'ensemble des actes que l'on accomplit quotidiennement et des relations que l'on entretient régulièrement avec ses semblables.

Puisqu'il n'y a pas un aspect fondamental de la vie civile qui lui échappe, il est essentiel que le code civil ne soit pas une oeuvre figée mais qu'il reflète au contraire les évolutions de la société puisqu'il a pour objet d'organiser les relations entre les membres de celle-ci.

Il est vrai que, jusqu'au milieu de notre siècle, le code civil traduisait, en ce qui concerne le droit des personnes, une conception que je qualifierai de « classique », peu éloignée des principes fondateurs du texte de 1804 : priorité, sinon exclusivité donnée au mariage ; conception inégalitaire des relations entre les hommes et les femmes au détriment de ces dernières, par le biais des notions de chef de famille et de puissance maritale.

Pourtant, c'est au lendemain de la dernière guerre que les évolutions ont commencé. Elles se sont accélérées au début des années 60. Le code civil a alors intégré l'égalité entre époux en matière de régime matrimonial, il a consacré le divorce par consentement mutuel, il a posé le principe de l'autorité parentale partagée. Depuis 1993, il a intégré les dispositions relatives à la nationalité.

Je voulais vous citer tous ces exemples pour vous montrer que le code civil n'est pas statique, qu'il intègre depuis maintenant une cinquantaine d'années les mouvements qui animent la société comme les nouvelles données de la science puisque, ainsi que je l'ai rappelé, les principes fondateurs de la bioéthique y figurent aussi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

M. Jacques Heuclin.

En effet !

Mme la garde des sceaux.

Il est donc parfaitement naturel que le code civil du

XXIe siècle intègre en son sein une donnée sociale aussi importante que celle du concubinage, qui concerne aujourd'hui près de cinq millions de nos concitoyens.

Il est vrai que le code civil est un monument juridique, mais je ne voudrais pas qu'il soit un monument figé : il est vivant et il a besoin d'évoluer.

Dernière remarque : le code civil est là aussi pour assurer la lisibilité de nos règles de droit, pour faire en sorte qu'en rassemblant dans un même code l'ensemble des règles qui régissent les relations entre les personnes on sache, si on le souhaite, et d'une manière très précise, ce qu'il en est.

Ce souci de lisibilité a été exprimé par M. le Président de la République devant la représentation nationale dans le message qu'il a adressé au Parlement après sa prise de fonctions et qui a été lu ici même.

Je cite le Président de la République :

« En ce qui concerne votre mission législative, je crois utile d'opérer un véritable changement de méthode. Les citoyens doivent connaître leurs droits et leurs devoirs.

Quant aux dispositions existantes, une remise en ordre s'impose par un exercice général de codification et de simplification des textes, afin qu'ils soient rendus accessibles. »

(« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Estrosi.

Vous ne faites que compliquer les textes !

Mme la garde des sceaux.

Je ne peux bien entendu qu'approuver les propos du Président de la République. Il est donc naturel que le PACS soit intégré dans le code civil. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 786, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Le 1 de l'article 6 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les couples hétérosexuels non mariés ayant ou ayant eu au moins un enfant à charge font l'objet, pour les revenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune à compter de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de la délivrance par le maire du lieu de leur domicile, d'un certificat de vie commune. L'imposition est établie à leurs deux noms, séparés par le mot "ou". »

« II. Après le 6 de l'article 6 du même code, il est inséré un 7 ainsi rédigé :

«

7. Chacun des membres des couples visés au dernier alinéa du 1 est personnellement imposable pour les revenus dont il a disposé l'année au cours de laquelle une déclaration de rupture de la vie commune est constatée par un certificat délivré par le maire du lieu de leur domicile.

« Lorsque les couples visés au dernier alinéa du 1e t soumis à imposition commune contractent mariage, les dispositions du 5 ne s'appliquent pas.

« En cas de décès de l'une des personnes visées au d ernier alinéa du 1 et soumise à imposition commune, le survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès. »

« III. Les règles d'imposition et d'assiette, autres que celles mentionnées au dernier alinéa du 1 et au 7 de l'article 6 du code général des impôts, les règles de liquidation et de paiement de l'impôt sur le revenu et des impôts directs locaux ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et le contrôle des mêmes impôts prévues par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour les contribuables mentionnés au deuxième alinéa du I de l'article 6 du code général des impôts s'appliquent aux couples visés au dernier alinéa du I. »

« IV. Il est inséré, après le tableau III de l'article 777 du code général des impôts, un tableau IV ainsi rédigé :

« Tableau IV FRACTION DE LA PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE en pourcentage E ntre les personnes hétérosexuelles non mariées vivant en couple, ayant ou ayant eu au moins un enfant à charge pendant dix ans : N'excédant pas 100 000 F

............................

40 Supérieure à 100 000 F

.................................

50 Entre autres personnes non parentes

.............

50

« V. - En conséquence, dans l'intitulé du tableau II de l'article 777 du code général des impôts, les mots : "et entre non-parents" sont supprimés. Dans la dernière ligne de ce tableau, les mots : "et entre personnes non parentes" sont supprimés.

« VI. - L'article 779 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 250 000 francs sur la part de la personne survivante du couple visé au dernier alinéa du I de l'article 6 du même code. »

« VII. - Après le quatrième alinéa de l'article 885 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes mentionnées au dernier alinéa du 1 de l'article 6 du même code font l'objet d'une imposition commune. »

« VIII - Au II de l'article 885 W du code général des impôts, après les mots "les époux" sont insérés les mots "et les personnes mentionnées au dernier alinéa du I de l'article 6 du même code".

« IX - A l'article 1723 ter 00 B du code général des impôts, après les mots "les époux", sont insérés les mots "et les personnes mentionnées au dernier alinéa du 1 de l'article 6 du même code."

« X. - Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998.

« XI. - La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Henri Plagnol, pour défendre cet amendement.

M. Henri Plagnol.

L'amendement de M. de Courson s'inscrit dans le droit fil des propositions réitérées par l'opposition en faveur d'alternatives plus simples, plus efficaces et plus concrètes que le PACS. En l'occurrence, notre collègue, avec la maîtrise technique que chacun lui reconnaît et que je suis loin d'égaler en ce domaine, suggère des solutions fiscales appropriées s'agissant des couples hétérosexuels avec enfants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Je ne vous infligerai pas la lecture intégrale de cet amendement, car il me faudrait beaucoup plus de cinq minutes, mais deux points me paraissent spécialement intéressants.

Il s'agit d'abord de préciser les conditions de vie commune qui doivent être remplies pour bénéficier des abattements fiscaux, puisque l'un des reproches majeurs que l'on peut adresser au PACS - nous le verrons à l'article 2 - c'est d'ouvrir la brèche à toutes sortes de tentatives de fraude fiscale.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est le contraire : le PACS évite les fraudes fiscales.

M. Henri Plagnol.

M. de Courson suggère que la condition requise soit la délivrance, par le maître de la commune où est domicilié le couple, d'un certificat de vie commune.

Il suggère surtout, s'agissant des abattements sur les droits de succession, d'inscrire notre réflexion dans un cadre beaucoup plus large en modernisant et en simplifiant considérablement l'ensemble des règles fiscales applicables aux personnes non parentes. Il n'y aurait plus que deux tranches : l'une à 40 %, et l'autre à 50 %, afin de remédier au caractère confiscatoire de cette fiscalité et de permettre à tout testateur de désigner comme légataire la personne de son choix pour lui transmettre son patrimoine dans des conditions décentes. Cette tentative de modernisation me semble mériter réflexion et nous aurons l'occasion d'y revenir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission des lois a rejeté cet amendement. Il présente un intérêt certain, comme toutes les propositions de M. de Courson en matière fiscale. Mais il n'a pas de rapport avec le texte, dans la mesure même où il se situe dans la logique propre à son auteur. Il faut se rappeler que M. de Courson avait déposé des amendements visant à n'ouvrir le PACS qu'aux couples hétérosexuels. Or le PACS, dans son principe, est ouvert aux couples homosexuels et hétérosexuels. Avec cet amendement, M. de Courson propose un statut fiscal réservé aux couples auxquels il veut ouvrir le PACS, c'est-à-dire aux couples hétérosexuels. C'est une démarche cohérente, mais ce n'est pas conforme à la logique du PACS.

A l'article 2, nous proposons des mesures similaires mais pour toutes les personnes pouvant conclure un PACS - qui tendent à simplifier les règles applicables en matière d'impôt sur le revenu, de droits de mutation et d'impôt sur la fortune.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je crois, comme le rapporteur, que le problème posé par M. de Courson est mieux résolu par la proposition de loi que par son amendement.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

L'amendement de M. de Courson, comme celui de M. Tourret que j'avais repris tout à l'heure, s'inscrit dans une logique parallèle à celle du PACS ou, plus exactement, tend à en élargir le champ.

L'amendement Tourret visait à permettre aux couples homosexuels qui ne veulent pas conclure un PACS de bénéficier néanmoins du droit de suite dans le logement.

L'amendement Courson vise à autoriser les couples hétérosexuels non pacsés à bénéficier malgré tout de l'imposition commune.

Je le reconnais à nouveau, ce n'est pas la logique du texte et je suis même prêt à vous concéder que l'article 2, comme l'a indiqué Mme Guigou, est probablement plus favorable. Néanmoins, nous allons assister, une fois ce texte adopté, à la division de la société française en trois catégories : les couples mariés, disposant des droits que l'on sait ; les couples hétérosexuels ou homosexuels pacsés, auxquels nous attribuons certains droits, et puis tous les couples qui refusent de s'inscrire dans la logique du PACS. En équité, il ne me semble pas illégitime d'imaginer que cette troisième catégorie de personnes vivant une forme d'union qui n'est pas juridiquement reconnue puissent elles aussi bénéficier de droits. Et je ne crois pas que les arguments avancés par la commission et le Gouvernement répondent aux problèmes posés respectivement par M. Tourret et M. de Courson.

Leurs deux propositions, en effet, ne me semblent pas contradictoires avec la logique du PACS ; elles en sont bel et bien complémentaires. Il serait juste d'introduire, à côté du PACS, des mesures en faveur des concubins hétéro ou homosexuels.

Je conclurai, monsieur le président...

M. le président.

S'il vous plaît.

M. Dominique Dord.

... en soulignant que, sur ces points précis, notre logique ne me semble pas se heurter à la vôtre. Nous pensons qu'un contrat supplémentaire n'est pas souhaitable, mais qu'il faut prendre en compte les réalités sociales qui se rencontrent dans la vie de tous les jours et leur rattacher certaines conséquences juridiques. On nous répond que ce n'est pas possible et qu'il y a contradiction. Je regrette cette réponse, car les deux approches, j'y insiste, sont en réalité complémentaires et nos propositions fondées en équité.

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le débat entre nous n'est pas uniquement juridique ou de principe.

Les uns et les autres, nous reconnaissons qu'il y a une réalité sociale à prendre en compte et j'espère que vous ne nous suspectez pas de ne pas vouloir la régler concrètement.

Le PACS est une institution nouvelle qui, certes, pour reprendre l'expression du garde des sceaux, sera lisible, mais notre inquiétude est qu'elle n'entre pas dans l'usage à cause même de la formalisation qu'elle suppose. Sur le plan des comportements, les obstacles psychologiques à la d éclaration et à l'engagement inhérents au PACS risquent, malgré les meilleures intentions du monde, de priver le plus grand nombre des personnes concernées d'un progrès qui restera virtuel. Le débat entre nous, audelà des principes et du droit, est donc de nature très concrète.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

J'aimerais répondre à M. Dord et à M. Donnedieu de Vabres, car quand le débat prend ce tour paisible et serein, il faut le poursuivre au fond.

Si nous avions choisi, mes chers collègues, la solution que vous préconisez, nous aurions donné beaucoup plus de prise à la critique en ce qui concerne la fraude. Car nous aurions ouvert aux articles suivants toute une série de droits - et comme vous n'y êtes pas opposé, j'espère que vous retirerez vos amendements de suppression - à des concubins notoires, considérés comme tels après une simple déclaration de vie commune devant le maire en présence de deux témoins. La fraude aurait pu s'installer bien plus largement qu'elle ne pourra le faire avec le PACS.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Nous avons pensé qu'un contrat conclu entre deux personnes et déposé auprès d'une institution - nous proposons le greffe du tribunal d'instance - donnerait beaucoup plus de garanties à l'Etat quant aux droits qu'il allait ensuite consentir. C'est d'ailleurs ce raisonnement qui a fourni la trame de l'article intéressant publié par Alain Madelin dans Libération, il y a quelques semaines.

Second débat que nous n'avons pas encore épuisé : où conclure le contrat ? Vous proposez qu'il soit simplement passé devant notaire. C'est la solution du rapport Hauser, et je veux bien entrer dans cette discussion qui s'inscrit vraiment dans la logique du texte, à la différence de votre proposition selon laquelle un simple concubinage ouvrirait de larges droits, solution propice à la fraude.

C'est également l'extension du concubinage que Mme Théry proposait, en y ajoutant quelque chose à quoi personne ne souscrit sur ces bancs, ni vous, ni moi, ni le Gouvernement : l'ouverture des droits du mariage aux couples homosexuels. Cela faisait un tout, mais nous n'avons pas voulu la suivre sur ce terrain.

Voilà la logique de notre texte. Nous allons maintenant aborder les articles relatifs aux droits ouverts par le PACS. Il peut y avoir débat sur les modalités. Mais, comme vous avez tous reconnu que des problèmes concrets se posaient aux couples concernés et qu'il faut leur offrir des droits, je pense que nous aurons une discussion de meilleure qualité que celle que nous avons eue cette nuit.

Je souligne à ce propos que la majorité s'est montrée particulièrement démocratique et ouverte.

M. Arthur Paecht.

Pas toujours, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Car si elle avait voulu tirer profit d'une application stricte du règlement, elle aurait présenté un orateur contre chacun de vos amendements et le président, obligé de lui donner la parole, n'aurait pas pu laisser s'exprimer à chaque fois deux orateurs de l'opposition.

M. Jean-Claude Lefort.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mais la majorité ne l'a pas fait, et je crois qu'elle a eu raison.

M. Alain Calmat.

Il faut le faire ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Quand le débat se déroule comme cet après-midi, c'est une bonne chose que l'opposition puisse apporter des précisions et nous faire réfléchir pour les lectures suivantes. En revanche, si le débat devait déraper comme cette nuit, nous pourrions peut-être appliquer la méthode que je viens d'évoquer et le président serait alors obligé d'appliquer le règlement : pour la majorité l'orateur contre, et pour l'opposition juste l'auteur de l'amendement.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, je vous coupe, car ce que vous dites n'est pas tout à fait exact. Le règlement précise que deux procédures peuvent se superposer. Si un orateur veut s'exprimer contre l'amendement, il a de droit la parole. C'est l'article 100, alinéa 7.

Mais en vertu de l'article 56, alinéa 3, le président, à sa libre appréciation, peut donner en outre la parole à deuxo rateurs supplémentaires, l'un pour répondre à la commission, l'autre pour répondre au Gouvernement.

Cela dit, l'Assemblée est maintenant éclairée et nous allons passer au vote.

Je mets aux voix l'amendement no 786.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - I. - Le 1 de l'article 6 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil font l'objet, pour lesr evenus visés au premier alinéa, d'une imposition commune à compter de l'imposition des revenus de l'année du troisième anniversaire de l'enregistrement du pacte. L'imposition est établie à leurs deux noms, séparés par le mot : "ou". »

« II. - Après le 6 de l'article 6 du code général des impôts, il est inséré un 7 ainsi rédigé :

«

7. Chacun des partenaires liés par un pacte civil de solidarité est personnellement imposable pour les revenus dont il a disposé l'année au cours de laquelle une déclaration de rupture du pacte est enregistrée à la préfecture dans les conditions prévues à l'article 515-8 du code civil.

« Lorsque les deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune contractent mariage, les dispositions du 5 ne s'appliquent pas.

« En cas de décès de l'un des partenaires liés par un pacte civil de solidarité et soumis à imposition commune, le survivant est personnellement imposable pour la période postérieure au décès. »

« III. - Les règles d'imposition et d'assiette, autres que celles mentionnées au dernier alinéa du 1 et au 7 de l'article 6 du code général des impôts, les règles de liquidation et de paiement de l'impôt sur le revenu et des impôts directs locaux ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et le contrôle des mêmes impôts prévues par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour les contribuables mentionnés au deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts, s'appliquent aux partenaires liés par un pacte civil d e solidarité qui font l'objet d'une imposition commune. »

Mes chers collègues, j'approuve les paroles d'apaisement que vient de prononcer M. le rapporteur. Or près d'une vingtaine d'orateurs sont inscrits dans la discussion sur l'article 2. Je vous invite donc, soit à renoncer à la parole sachant que les nombreux amendements vous permettront largement de vous exprimer, soit à désigner, par exemple, un orateur par groupe.

La parole est à M. Henri Plagnol, à moins qu'il ne préfère la céder à un autre membre de son groupe.

M. Henri Plagnol.

Non, monsieur le président, je suis toujours aussi passionné par ce débat. Et comme le rapporteur, qui a eu la gentillesse de le souligner, je suis très heureux, cet après-midi, de la qualité de nos échanges.

Nous souhaitons, dans l'opposition, que cette sérénité se prolonge dans la nuit aussi tard que le décidera la majorité.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Que vous le déciderez !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Que nous le déciderons ensemble.

M. Henri Plagnol.

Nous abordons un autre volet de notre discussion, plus technique puisqu'il s'agit de la fiscalité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Le rapporteur et Mme la garde des sceaux ont souligné la difficulté de la preuve en matière de vie commune, et c'est pourquoi le Gouvernement a choisi un système consistant à doter d'un statut juridique et fiscal commun les couples qui s'engagent par une déclaration contractuelle.

Il y a là, à mon sens, une confusion entre le rôle du législateur et celui du juge, car c'est à la jurisprudence qu'il appartient de préciser, au plus près possible des situations concrètes, les exigences relatives à la preuve de la vie commune. En effet, rien n'est plus difficile que de prouver que deux personnes vivent ensemble.

En tout cas, l'article 2 ne résout en rien ce problème puisque vous avez renoncé en pratique à exiger des couples liés par un PACS toute forme de preuve sérieuse.

Dès lors que ce statut fiscal est institué dans la loi au chapitre du code général des impôts y afférent, il deviendra très difficile au juge d'exercer un contrôle, car les personnes pacsées pourront se prévaloir de ces dispositions législatives. Je crains donc, au contraire de vous, que la fraude fiscale ne soit favorisée par votre texte.

A l'exception de M. Tourret, qui, si ma mémoire ne me trompe pas, a apporté des améliorations en ce qui concerne la déclaration de vie commune, vous avez refusé de renforcer les conditions de preuve. Le groupe UDF, pour sa part, avait suggéré d'introduire la notion de communauté de vie parce qu'elle est plus contraignante et qu'elle exige un engagement clair des deux personnes.

En effet, la communauté de vie présuppose une communauté de toit - ce qui n'est pas clair dans votre texte -, sans parler de la communauté de lit, le PACS ne s'appliquant pas seulement aux personnes ayant un lien sexuel, mais également à toute forme d'association entre deux personnes qui souhaitent faire un bout de chemin ensemble.

Ce caractère général du PACS a pour effet évident de favoriser les abus fiscaux, car nous ne devons pas faire preuve d'angélisme. Or notre rôle est de veiller à l'équité fiscale et de faire en sorte que ceux qui doivent des impôts les paient.

Bref, je ne crois pas que le système proposé par le Gouvernement réponde au problème très difficile de l'exigence d'une preuve attestant la solidité des liens que suppose un engagement de vie commune.

Je crois que ce système va favoriser les riches car eux seuls seront en mesure de bénéficier de l'évasion fiscale.

Ce sera donc la porte ouverte à bien des abus.

Enfin cette formule ne résoudra pas le problème de tous les couples, car certains n'auront pas envie de se pacser. Parmi les couples, nous aurons donc trois catégories de contribuables : les couples mariés, les couples pacsés, et tous les autres qui choisiront de demeurer en union libre, alors même que leur engagement dans une vie commune est beaucoup plus fort.

Cette situation a des conséquences choquantes car l'on va introduire une discrimination en portant atteinte au libre choix des couples qui sont nombreux à avoir suivi l'exemple donné dans la chanson de Brassens citée par

M. Devedjian.

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Plagnol !

M. Edouard Landrain.

C'est important !

M. le président.

Peut-être, mais les cinq minutes sont passées !

M. Henri Plagnol.

J'ai pratiquement fini.

M. le président.

Concluez !

M. Jean-Claude Lefort.

Brassens n'aurait certainement pas été de votre côté !

M. Henri Plagnol.

En raison de la publicité donnée au PACS et du caractère contraignant d'un système institutionnel dont l'esprit est contraire à celui de l'union libre, de nombreux couples ne feront pas le choix du PACS.

Par conséquent, ils ne bénéficieront pas des avantages fiscaux qui en découlent.

A l'inverse, je crains que beaucoup de couples ne se pacsent que pour des raisons fiscales et que le PACS se réduise à un produit fiscal.

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

M. Henri Plagnol.

Viendra le jour où il sera offert par les agences bancaires ou les compagnies d'assurances comme un moyen permettant d'échapper à l'impôt, lequel est beaucoup trop lourd dans notre pays. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Edouard Landrain.

Absolument !

M. Jean-Claude Lefort.

Pour vous, il n'y a pas de relations humaines sans argent !

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

J'ai été quelque peu surpris d'entendre l'orateur précédent accuser les banques et les compagnies d'assurance de vouloir détourner la loi. Je n'y aurais pas pensé un seul instant ! (Sourires.)

Cela étant, je veux revenir sur le débat que nous avons eu sur cet article en commission, car nous estimons qu'il serait quelque peu absurde pour ne pas dire plus, d'obliger des personnes qui auront eu de nombreuses années de v ie commune connue avec, parfois, des comptes communs, à attendre trois années complètes après la signature d'un PACS pour bénéficier de cet avantage fiscal. J'avais donc présenté un amendement qui n'a pas été retenu et que je n'ai d'ailleurs pas redéposé en séance, proposant que soient prises en compte ces situations. Dès lors que des personnes pourraient attester sur l'honneur ou par tout autre moyen de leur bonne foi quant à une durée de vie commune antérieure supérieure au délai réclamé pour l'application du PACS, les droits prévus devraient pouvoir jouer dès le jour de la signature.

Le rejet de cet amendement a peut-être été provoqué par une crainte liée d'ailleurs à une vraie difficulté, celle d'estimer le nombre de futurs pacsés et le rythme auquel les contrats seront signés. Cette angoisse financière, qui semble inquiéter un grand ministère, est-elle fondée ? J'ai tendance à penser que la situation va se décanter tranquillement et que l'on n'aura pas une vague de millions de pacsés. L'évolution sera progressive et elle sera digérée lentement par le corps social.

Cependant, si j'ai décidé de ne pas présenter cet amendement en séance, j'en défendrai un autre qui, fondé sur le même principe mais avec une portée générale, propose une réduction des délais, car il est curieux de prévoir que les conséquences d'un engagement sont retardées.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Ce texte ouvre des droits nouveaux à des millions de gens. Il offre, en particulier, à deux personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier, la possibilité d'une imposition commune. Il s'agit d'une bonne décision, mais pourquoi attendre trois ans ? L'instauration d'un tel délai ne nous paraît pas judicieuse. Cela risque surtout de provoquer une suspicion inutile à l'égard des contractants du PACS. On pourrait


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ainsi laisser planer un doute a priori sur les intentions des signataires, comme si l'intérêt financier pouvait seul les motiver.

Pour établir un parallèle avec le mariage, je souligne que l'on ne se permet jamais d'interpréter les raisons pour lesquelles un homme et une femme se marient et choisissent un type de contrat de mariage plutôt qu'un autre.

Il serait donc plus juste que le PACS, produise immédiatement ses effets dans le domaine fiscal.

J'ajoute que les dispositions de l'article 2 devraient être étendue à tous les couples vivant en concubinage, notamment en ce qui concerne la signature conjointe de la déclaration de revenus et le droit à bénéficier des plafonds pour les réductions d'impôts.

Nous regrettons que les trois amendements déposés à cette fin par le groupe communiste aient été jugés irrecevables en application de l'article 40 de la Constitution. Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur cet article et je profite de l'occasion pour exprimer un nouvelle fois notre mécontentement quant à son utilisation. La question des délais est l'objet d'un débat politique et, puisque je ne pourrai pas défendre nos amendements dans le débat, je profite de cette intervention pour les évoquer afin que notre assemblée puisse envisager de les prendre en compte.

D'abord il serait juste que le délai ne soit pas appliqué pour les couples ayant eu ensemble un enfant qu'ils ont reconnu, car cela est le signe d'une vie commune stable.

L'intérêt de l'enfant commande en effet que l'on offre aux parents le maximum de dispositions favorables.

Puisque, depuis l'ouverture de la discussion, chacun se fait l'avocat de la cause des enfants, nous offrons à tous l'opportunité d'aller plus loin que des déclarations.

Ensuite, nous tenons à appeler l'attention sur les personnes vivant en couple depuis un certain temps et qui vont signer un pacte civil de solidarité. Pourquoi leur demander d'attendre encore trois ans pour bénéficier des nouveaux droits ? Ainsi il ne nous semble pas juste de les obliger à attendre ainsi avant de leur accorder le droit à l'imposition commune. C'est pourquoi l'un de nos amendements tendait à autoriser l'imposition commune dès l'entrée en vigueur du PACS pour les personnes pouvant justifier de deux années de vie commune.

Ces deux amendements ont été jugés irrecevables.

Nous vous demandons toutefois, madame la ministre, mes chers collègues, de bien vouloir les prendre en considération.

Enfin, pour aller dans le sens voulu par M. le président, qui nous a invité à raccourcir les interventions, qu'elles viennent de la majorité ou de l'opposition, je me demande si nous ne pourrions pas interrompre maintenant la liste des inscrits sur l'article, d'autant que la discussion pourra être poursuivie lors de l'examen des amendements.

Monsieur le président, je fais donc appel à l'article 57, alinéa 3 du règlement pour vous demander la clôture de la discussion sur l'article 2.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Très bien !

M. le président.

D'après ce texte l'Assemblée est appelée à se prononcer sans débat. Je vais donc la consulter sur la demande de clôture.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Non ! Laissez parler un orateur contre !

M. le président.

Non, monsieur Accoyer, l'Assemblée est consultée sans débat.

M. Jean-Claude Lefort.

Eh oui !

M. Edouard Landrain.

Belle démocratie : circulez, y a rien à voir !

M. Bernard Accoyer.

Aucun orateur du groupe du Rassemblement pour la République ne s'est exprimé sur l'article !

M. le président.

Je vais consulter l'Assemblée sur la demande de clôture. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Non, lisez l'alinéa 2 de l'article 57 ! Il faut donner la parole à un orateur contre !

M. le président.

Je vous en prie ! Je vais vous donner lecture de l'alinéa 2 de l'article 57, monsieur Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je veux bien !

M. Jean-Claude Lefort.

Ne laissez pas entacher votre autorité, monsieur le président ! Présidez !

M. le président.

Ne vous inquiétez pas, monsieur Lefort ! Cet alinéa qui permet de donner la parole à un orateur contre commence ainsi : « Si la clôture de la discussion générale est proposée par un membre de l'Assemblée... ».

M. Jean-Claude Lefort.

Voilà ! Il ne le savait pas !

M. le président.

Or, en l'occurrence, nous sommes non pas dans une discussion générale, mais dans une discussion sur un article. C'est donc l'alinéa 3 qui s'applique.

Je vais donc mettre aux voix cette demande. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas sérieux !

M. Bernard Accoyer.

Rappel au règlement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Accoyer, vous le ferez après, mais je dois d'abord effectuer la mise aux voix, justement pour appliquer le règlement. En effet, ce dernier impose au président de séance de consulter l'Assemblée sans débat sur une demande de clôture de la discussion sur un article. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Edouard Landrain.

Quel scandale !

M. le président.

Je consulte l'Assemblée sur la proposition de clôture de la discussion sur l'article 2.

(La proposition de clôture est adoptée.)

M. le président.

Je prononce donc la clôture de la discussion sur l'article.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Edouard Landrain.

On se le rappellera !


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Rappels au règlement

M. Bernard Accoyer.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je veux, en cet instant, rappeler les propos que vous avez tenus, il y a moins de quinze minutes. Vous avez en effet indiqué - et cela nous paraissait raisonnable - qu'il faudrait aviser car il y avait beaucoup d'inscrits sur cet article 2. Il est vrai qu'il est question de 8 milliards de francs...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Mais non !

M. Bernard Accoyer.

... que notre assemblée va décider d'attribuer aux « pacsés » alors que, dans le même temps, nous retirons 4,8 milliards aux familles ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

Mme Nicole Feidt.

Cela n'a rien à voir avec un rappel au règlement !

M. le président.

Monsieur Accoyer, traitez de la procédure, et non du fond ou des fonds ! Nous y viendrons plus tard !

M. Bernard Accoyer.

Mon rappel au règlement s'appuie sur l'article 58, alinéa 1er , relatif au déroulement de la séance.

Vous aviez donc précisé, monsieur le président, que chacun des groupes pourrait s'exprimer sur l'article par la voix d'au moins l'un de ses membres.

M. Jean Vila.

Le règlement prévoit le contraire !

M. Bernard Accoyer.

Cette décision était sage, s'agissant d'un article aussi conséquent tant pour le pays que pour nos finances...

M. Jean-Claude Lefort.

Nous avons voté !

M. Bernard Accoyer.

... et pour celles de tous les foyers, de tous les Français qui paient des impôts.

Vous avez donc brusquement décidé d'interrompre cette discussion. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Edouard Landrain.

Comme à Moscou !

M. Bernard Accoyer.

Il me semble cependant, monsieur le président, que vous devriez laisser s'exprimer tous les groupes de l'opposition, sinon nous serions fondés - comme Mme Tasca nous le reproche - à estimer que vous voulez empêcher l'opposition de s'exprimer de crainte qu'elle ne dise des choses désagréables à la majorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Afin d'éviter que nous ne soyons obligés de vous demander des suspensions itératives et que la qualité de nos débats sur cet article important se dégrade, je vous demande de bien vouloir donner la parole au moins à un orateur de chacun des groupes de l'opposition.

M. le président.

Monsieur Accoyer, je comprends bien votre point de vue puisqu'il correspond à ce que j'avais proposé. Mais l'un de nos collègues qui connaît le règlement a proposé la clôture de la discussion sur cet article et j'étais obligé de mettre cette proposition aux voix.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est cousu de fil blanc !

M. le président.

Je n'avais pas le choix et il appartenait à l'Assemblée de décider.

M. Jean-Claude Lefort.

C'est le règlement !

M. le président.

Nous allons donc aborder l'examen des amendements. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Edouard Landrain.

Ces sont des combines !

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, j'avais demandé la parole pour un rappel au règlement.

M. Jean-Claude Lefort.

Les membres de l'opposition ne respectent ni le président ni le réglement !

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord, pour un rappel au règlement.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, j'entends bien que notre collègue M. Birsinger est un expert en règlement de l'Assemblée nationale.

M. Edouard Landrain.

C'est la Douma !

M. Dominique Dord.

Grâce à lui, cependant, nous sommes revenus à des pratiques que l'on ne voudrait plus voir dans des assemblées comme les nôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Claude Lefort.

C'est le règlement !

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, je ne conteste pas que, sur la base de l'article évoqué, vous ayez juridiquement raison. Néanmoins, j'en prends à témoin ceux qui nous regardent - politiquement cela est inacceptable, surtout après que vous nous ayez demandé de regrouper nos interventions. C'était d'ailleurs logique et allait, faute de combattants, être la pratique dans cette assemblée.

Porte-parole du groupe Démocratie libérale et Indépendants, je regrette que mon groupe ne puisse pas s'exprimer sur cet article. Cela est un peu fort de café !

M. Bernard Birsinger.

Vous n'étiez pas inscrit !

M. Dominique Dord.

Monsieur Birsinger, s'il vous plaît ! Ce regret vaut également pour le groupe du Rassemblement pour la République, qui est aussi un groupe important de cette assemblée, car aucun de ses membres n'aura pu s'exprimer.

M. Jean-Claude Lefort.

Où est votre président ?

M. Dominique Dord.

Revenant sur les propos tenus par M. Jean-Pierre Michel, j'admets, de façon décontractée et dépassionnée, que nous avons eu, durant quelques jours et quelques nuits, un affrontement relativement dur sur l'article 1er . Cela n'a rien d'étonnant, car nous avions annoncé, dès la discussion générale, notre hostilité au principe du contrat. Or il est l'objet de l'article 1er

M. Jean Vila.

Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Dominique Dord.

Bien que cette divergence d'appréciation ait entraîné des discussions relativement dures, j'ai malgré tout le sentiment que le texte a progressé au fur et à mesure du débat. Je ne crois donc pas qu'il faille regretter cet affrontement. Cela fait aussi partie du contexte politique dans lequel nous sommes.


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Il est également exact, mais je ne vous en veux pas, que rapporteur et Gouvernement n'ont pas toujours accordé à nos remarques...

M. Alfred Recours.

Où est le rappel au règlement ?

M. Dominique Dord.

... le prix ou le respect qu'elles méritaient. Peu importe, d'autant que cela relève du contexte qui a prévalu du tout au long de l'examen de l'article 1er

En revanche, il n'a échappé à personne, en tout cas ni à notre rapporteur ni aux observateurs que, depuis son adoption, les débats avaient un autre ton. Il ne s'agit plus d'affrontements frontaux, parce qu'il n'y a plus de différence de fond entre nous sur les amendements, mais seulement des divergences d'appréciation. Il doit donc être possible de retrouver un peu plus de sérénité...

M. Alain Barrau.

Nous ne l'avons jamais perdue !

M. Dominique Dord.

... ou de cordialité, afin d'être plus constructifs.

Mme Véronique Neiertz.

Cela suffit, il a dépassé ses cinq minutes !

M. Dominique Dord.

Cela étant, monsieur le président, même si M. le rapporteur a reconnu que le ton avait changé - nous nous en réjouissons -, vous ne pouvez pas à la fois nous inviter à être plus concis dans nos interventions, ce que nous acceptons (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), et céder devant M. Birsinger, qui, en vertu de pratiques d'un autre âge (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), veut nous imposer le silence, alors même que deux groupes de l'opposition ne se sont pas exprimés.

M. Edouard Landrain.

C'est la Douma !

M. Dominique Dord.

C'est la raison pour laquelle, de manière à voir quelle tonalité nous allons donner à la suite de ce débat, je vous demande une suspension de séance de quinze minutes, pour réunir l'ensemble des groupes de l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous devons décider si nous allons conserver une attitude aussi ouverte, ou si, au contraire, des pratiques de ce genre vont nous obliger à revenir en arrière. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

A la demande du groupe Démocratie libérale et Indépendants, la séance est suspendue pour cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Patrick Ollier.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 57, alinéa 3, de notre règlement, qui me donne la possibilité d'aborder en toute sérénité les conditions dans lesquelles notre débat a lieu.

Je peux comprendre que la majorité ne souhaite pas, ou soit irritée, que l'opposition s'exprime et fasse valoir ses arguments.

M. Alain Barrau.

Non, nous sommes libéraux, nous !

M. Jean-Pierre Blazy.

Mais on n'entend que vous !

M. Patrick Ollier.

Mais je ne peux admettre, monsieur le président, que, sur un article aussi important, dont l'enjeu n'est rien moins que 8 milliards de francs - cela a déjà été dit, je ne reviens pas sur le fond - et dans un débat aussi politique que le nôtre, vous ne puissiez pas, dans le cadre du pluralisme qui existe dans l'opposition comme dans la majorité, laisser au moins s'exprimer un orateur de chaque groupe.

Un groupe de notre assemblée a utilisé l'article 57, alinéa 3, pour demander la clôture de la discussion sur l'article 2. Il a appliqué le règlement. Nous ne pouvons pas nous y opposer.

Il m'arrive d'être assis à votre place, monsieur le président, et ma tâche est alors de faire comme vous respecter le règlement. Mais je vous lance un appel, ainsi qu'à la majorité : la clôture de la discussion sur l'article 2 aurait dû être prononcée après que l'opposition eut pu s'exprimer, c'est-à-dire après avoir permis à un orateur de chaque groupe de l'opposition de prendre la parole dans des conditions de transparence et de sérénité favorables au débat.

M. Robert Pandraud et M. Henri Plagnol.

Absolument !

M. Francis Delattre.

Notre assemblée est comme la Douma !

M. Patrick Ollier.

Si vous avez l'intention d'utiliser ce genre de méthode pour priver l'opposition de son droit de parole, sachez que les groupes de l'opposition ne se laisseront pas traiter de la sorte et réagiront en conséquence.

J'en appelle, monsieur le président, à votre objectivité pour trouver une solution à ce problème.

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Douste-Blazy.

Contrairement à l'usage constant de notre assemblée, vous avez, monsieur le président, interrompu la discussion sur un article très important du texte après que trois orateurs se soient exprimés.

De mémoire de parlementaire, c'est un fait rarissime. De plus, cela s'inscrit dans une ambiance déplorable. C'est la raison pour laquelle, je vous demande de convoquer le bureau de l'Assemblée nationale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) pour savoir si une telle pratique peut se reproduire et, surtout, si elle peut également être utilisée par les vice-présidents de l'opposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Douste-Blazy, vous devez vous en souvenir, il y a déjà eu, à la demande de M. Hascoët, une interruption de la discussion sur un article de cette proposition de loi, il y a quelques semaines.

M. Henri Plagnol.

C'est d'autant plus regrettable !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

Il ne s'agit donc pas d'une pratique exceptionnelle.

Ce petit point d'histoire étant posé, voici ce que je peux vous proposer. Sur l'article 2, treize amendements de suppression ont été déposés.

Je suggère qu'un orateur de chaque groupe défende son amendement de suppression, comme je suggère que, sur les articles 3, 4 et suivants, un membre de chaque groupe, de l'opposition comme de la majorité, si elle le souhaite, puisse s'exprimer. Il ressort de cet arrangement que les amendements de suppression qui ne seront pas défendus tomberont.

Les autres amendements seront débattus normalement.

Nous pouvons mettre cela en pratique dès maintenant...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Les auteurs des amendements ne sont pas là !

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir les trois groupes parce que votre proposition n'est pas acceptable. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Daniel Marcovitch.

M. Plagnol a-t-il une délégation ?

M. le président.

Monsieur Plagnol, ma proposition est très sérieuse et tout à fait convenable. Elle a pour but d'organiser nos débats de la manière la plus sereine possible.

M. Edouard Landrain.

Elle est mal préparée. On ne joue pas au Monopoly ici !

M. Dominique Dord.

Non, monsieur le président, je ne crois pas que votre proposition soit acceptable. Elle l'aurait peut-être été si nous avions pu nous exprimer sur l'article. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Bret.

Vous répétez toujours la même chose !

M. Dominique Dord.

Après nous avoir interdit de parler sur l'article 2,...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est l'Assemblée qui a décidé ! Ce n'est pas le président !

M. Dominique Dord.

... vous ne pouvez pas maintenant limiter à trois le nombre des orateurs qui peuvent défendre leur amendement de suppression.

Je ne comprends pas du tout la logique qui prévaut pour l'examen de ce texte. Celui-ci a débuté il y a plusieurs semaines. Le Gouvernement s'est engagé par la voix de Mme Guigou à laisser les débats se dérouler normalement jusqu'à leur terme sans recourir à une quelconque procédure d'urgence.

M. Jacques Fleury.

Oui, à condition qu'ils se déroulent normalement !

M. Dominique Dord.

Nous venons de passer, mes chers collègues, plusieurs dizaines d'heures sur l'article 1er ...

M. Bernard Birsinger.

A vous écouter !

M. Dominique Dord.

S'il vous plaît, monsieur Birsinger, ne me coupez pas la parole.

M. Bernard Birsinger.

Cela fait des dizaines d'heures que vous parlez et qu'on vous écoute !

M. Dominique Dord.

Respectez les orateurs ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Ce n'est pas à vous d'organiser les débats.

Monsieur le président, si vous souhaitez comme je le souhaite moi aussi que les débats se déroulent normalement, l'important n'est pas qu'un orateur par groupe puisse s'exprimer. C'est de savoir à quel moment l'Assemblée est suffisamment éclairée.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Elle l'est !

M. Dominique Dord.

Nous estimons, quant à nous, que l'argumentation sur un texte de l'importance de celui que nous examinons doit être sérieuse et diverse.

M. Jean-Paul Bret.

Mascarade !

M. Dominique Dord.

Il n'est pas sérieux de prétendre qu'un orateur par groupe puisse balayer l'ensemble des champs d'intervention sur les articles qui vont venir en discussion.

M. Jean-Paul Bret.

Arrêtez cette mascarade !

M. Dominique Dord.

Je m'associe donc à la demande de M. Plagnol. Afin que nous puissions examiner avec mes collègues des autres groupes de l'opposition la proposition que vous venez de nous faire, je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance d'un quart d'heure.

M. le président.

Je réitère ma proposition avant de vous accorder la suspension de séance que vous demandez. Si elle n'est pas acceptée, je vous propose de vous rencontrer à la fin de votre brève réunion afin de voir ensemble comment organiser non seulement le débat pendant la demi-heure qu'il nous reste avant le dîner, mais également pendant toute la soirée.

M. Hubert Grimault.

Ces méthodes ne sont pas bonnes.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il faut convoquer le bureau ! Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Reprise de la discussion Je suis saisi de treize amendements identiques nos 20, 120, 215, 258, 397, 470, 504, 538, 579, 752, 765, 818 et 874.

L'amendement no 20 est présenté par M. Besselat ; l'amendement no 120 est présenté par Mme Boutin, MM. Dord, Myard, Gengenwin, Kossowski, Christian Martin et Perrut ; l'amendement no 215 est présenté par M. Estrosi ; l'amendement no 258 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 397 est présenté par

M

M. Accoyer, Jacob, Demange, Delnatte, Ferrand, Muselier et Quentin ; l'amendement no 470 est présenté par M. Masdeu-Arus ; l'amendement no 504 est présenté par M. Baguet ; l'amendement no 538 est présenté par M. Goulard ; l'amendement no 579 est présenté par MM. Goasguen, Herbillon et Teissier ; l'amendement no 752 est présenté par M. Plagnol et les membres du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance ; l'amendement no 765 est présenté par M. Fromion ; l'amendement no 818 est présenté par M. Vannson ; l'amendement no 874 est présenté par MM. Doligé, Dupont, Audinot et Devedjian.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 2. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je défendrai ensemble l'amendement de M. Besselat, membre du groupe du RPR comme moi, et le mien, no 397, qui sont identiques.

Ils visent à supprimer l'article 2 que nous considérons comme extrêmement important puisqu'il dispose des avantages fiscaux s'attachant à cette nouvelle institution qu'est le PACS, en particulier l'imposition commune pour les partenaires liés par un PACS depuis au moins trois ans.

L'article 1er nous avait appris que les « pacsés » n'avaient pas d'obligation d'habitation commune ni de vie commune, puisqu'il y était simplement mentionné qu'il suffisait qu'ils établissent d'un commun accord leur résidence dans un seul et même département.

On voit donc que les liens qui vont donner droit à des avantages, sur lesquels je reviendrai tout à l'heure, et que nous aurons l'occasion de développer davantage dans les articles suivants, sont particulièrement ténus.

L'imposition commune des signataires a pour effet de l eur appliquer les mêmes avantages qu'aux couples mariés, en leur donnant accès au bénéfice du quotient familial. Nous observons que, bien que le Gouvernement et les rapporteurs nous aient inlassablement répété qu'il ne s'agissait pas d'un succédané du mariage, le PACS bénéficiera des mêmes dispositions fiscales que le mariage.

Le ministère des finances évalue le coût de cette mesure entre 6 et 8 milliards de francs. Je rappelle que, dans le même temps, le Gouvernement a annoncé le plafonnement du quotient familial et une réduction de 4,8 milliards de francs de l'effort national en direction des familles. Ce choix est un choix éminemment politique du Gouvernement et de cette majorité que les familles, bien entendu, apprécieront.

M. Alfred Recours.

C'est de la justice sociale !

M. Bernard Accoyer.

Les familles, en particulier les familles nombreuses, apprécieront, monsieur Recours ! Vous qui êtres attentif au problème des retraites, vous devriez savoir que, quand une nation décide de consacrer un effort matériel en faveur des familles avec des enfants, c'est en fonction d'une certaine logique : assurer la pérennité de la nation et la solidarité entre les générations.

M. Alfred Recours.

Tous les enfants sont égaux, y compris ceux dont les parents ne sont pas mariés !

M. Bernard Accoyer.

Les fiscalistes estiment que cette mesure sera anti-redistributive car elle favorisera les ménages mono-actifs et ceux à grande disparité fiscale.

D'ailleurs, le rapporteur Jean-Pierre Michel, dans son rapport sur le PACS II écrit, page 23, que « l'imposition commune sera favorable pour les couples disposant de niveaux de revenus déséquilibrés » ; toujours le plus faible et le plus fort ! En raison du mécanisme de la décote, le régime de l'imposition unique sera moins avantageux que celui de l'imposition séparée pour les contractants titulaires tous les deux de faibles revenus. Il leur suffira de ne pas conclure de PACS, s'ils souhaitent conserver le bénéfice du RMI, de l'AAH ou d'un autre minimum social. Par ailleurs, la signature du PACS peut faire perdre certaines allocations, l'allocation de parent isolé ou l'allocation de soutien familial.

Ainsi, et ce point est très important, le PACS laisse à ceux qui sont susceptibles de le contracter le choix de la formule la plus avantageuse pour eux, choix qui n'est, en revanche, pas possible pour les couples mariés.

Si, pour assurer l'équilibre des générations, l'Etat accorde des avantages matériels aux familles, c'est donc à une inversion coupable de l'ordre des priorités que le Gouvernement se livre dans cet article 2.

Désormais, la dernière catégorie exclue des avantages fiscaux est celle des personnes isolées, devant la « solitude » desquelles certains de nos collègues qui ont l'habitude de verser souvent des larmes ne se sont pas encore attendris, je pense notamment à Jack Lang.

L'avocat Odile Dhavernas, dans un article paru le 29 septembre dernier, dans Libération , s'interroge : « Qui sont les personnes seules ? Le plus souvent des femmes et, parmi elles, de nombreuses veuves et des mères seules avec des enfants. » Ce sont elles, finalement, qui vont

payer les avantages financiers du PACS ! « Comment vivent-elles ? L'INSEE nous apprend qu'un couple n'a besoin que d'une fois et demie le revenu d'un célibataire pour atteindre le même niveau de vie... A niveau de vie égal, un couple dépense seulement 1,3 fois plus qu'une personne seule pour l'occupation et le chauffage de son appartement. On verra donc d'un côté des personnes quis'entraident et améliorent leur confort en vivant ensemble, gratifiées par la République, et les isolés, les solitaires, les abandonnés, ceux à qui personne ne tend la main, appelés à contribuer à la réalisation de la grande oeuvre. Il y a bien une farce et des dindons. Drôle d'égalité. »

M. Alfred Recours.

Quel méli-mélo !

M. Bernard Accoyer.

Du fait de l'attractivité des avantages conférés aux pacsés notamment pour les célibataires, et de la difficulté des contrôles sur la réalité de la vie commune, le développement de la fraude est quasi inévitable.

Dans son rapport sur le PACS II, Jean-Pierre Michel a lui-même été obligé de le reconnaître, page 22 : « Le dispositif proposé s'appliquera automatiquement, et non sur option, dès lors que le PACS aura une ancienneté suffisante pour garantir la stabilité de l'union et éloigner le risque de PACS de complaisance à but purement fiscal. »

Mes chers collègues, madame la ministre, on voit bien que le PACS, au-delà de ce qui en constitue l'essentiel, à savoir des dispositions d'aide mutuelle et d'aide matérielle, pourra aussi être purement de complaisance financière.

Dans ces conditions, afin d'épargner cet effort supplémentaire aux familles et aux personnes seules, il convient de supprimer l'article 2.

M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no 120.

Mme Christine Boutin.

L'amendement a pour objectif de proposer la suppression de l'article 2 car l'option fiscale qui serait reconnue aux personnes « pacsées » ou

« pactisants » - depuis hier nous demandons en vain comment il faut nommer ces personnes...

Un député socialiste.

Pacsifiques !

M. le président.

Continuez, madame Boutin.

Mme Christine Boutin.

L'option fiscale, dis-je, qui serait reconnue aux « pactisants » a toujours été refusée aux époux, on se demande pourquoi. En effet, il suffira


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

aux « pactisants » de rompre le PACS par un simple accord de volonté - et nous avons vu hier que la rupture n'était autorisée encore d'aucune forme ni d'aucune garantie - pour bénéficier d'une imposition séparée lorsqu'elle sera plus avantageuse pour eux. Ils vivront alors en concubinage, quitte à conclure ensuite un nouveau PACS si leur situation financière change, rendant l'imposition commune plus avantageuse.

Je vous rappelle qu'entre époux la rupture n'est pas libre. Le divorce suppose toujours une procédure judiciaire, relativement lourde et coûteuse, ce qui constitue un frein considérable que ne connaît pas le PACS, nous l'avons vu pendant toute la nuit d'hier.

Comme tous les avantages fiscaux transférés aux partenaires d'un PACS, l'article 2 constitue une discrimination fiscale au détriment des célibataires, des veufs et des divorcés, contraire au principe d'égalité qui est un des p rincipes fondamentaux reconnus par la loi de la République.

Est-il besoin de dire l'omniprésence de l'égalité au sein des textes qui comprend le bloc de constitutionnalité ? Dans la Constitution de 1958, l'égalité se trouve d'abord mentionnée dans le préambule qui énonce que les institutions de la République sont « fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité ».

Elle est ensuite consacrée à l'article 1er de la Constitution qui dispose que la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Et elle trouve une expression particulière à l'article 3 de la Constitution, qui dispose que le suffrage « est toujours universel, égal et secret ». Enfin, l'égalité est au centre de la devise de la République.

L'idée d'égalité irrigue également la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Dans son article Ier , il est dit que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »

M. Alfred Recours.

Vive le PACS !

Mme Christine Boutin.

A l'article VI, que la loi « doit être la même pour tous... » «

Tous les citoyens étant égaux à ses yeux... », à l'article VIII surtout

: « une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

On retrouve le même principe d'égalité, énoncé de manière plus concrète dans le préambule de la Constitution de 1946 auquel renvoie la Constitution de la Ve République.

Par exemple, l'alinéa 12 stipule : « La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales. »

Cela est souligné dans un article de M. Molfessig,

« Du Conseil constitutionnel et du droit privé » et une thèse qui a été soutenue à Paris-II en 1997. M. Drago a également soutenu ce principe, dans un article paru aux Presses universitaires de France en 1998.

Sans doute, et les propos tenus cet après-midi le laissent à penser, le principe d'égalité ne vous préoccupe guère. Pourtant, je fais observer à M. le rapporteur que c'est à la suite de l'exception d'irrecevabilité que j'ai défendue que le Gouvernement a décidé de supprimer certaines notions qui risquaient de poser des problèmes d'inconstitutionnalité.

J'appelle donc votre attention sur le fait que l'article 2, tel qu'il est rédigé, est susceptible d'être censuré par le Conseil constitutionnel, car il rompt l'égalité des Français devant les charges fiscales.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi pour défendre l'amendement no 215.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Encore un membre du RPR !

M. Christian Estrosi.

Chacun défend son amendement, mon cher collègue !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Un orateur par groupe, monsieur le président !

M. Christian Estrosi.

Le Gouvernement a souhaité, il y a un an, supprimer les allocations familiales à certaines familles françaises et la déductibilité fiscale de l'allocation pour garde d'enfants à domicile à des mamans à qui cela permettait de travailler, avec toute la dignité nécessaire, tout en assurant l'éducation de leurs enfants.

P lusieurs députés du groupe socialiste.

Quelles familles défendez-vous ?

Mme Dominique Gillot.

Dans la dignité ? Certes, avec 35 000 francs par mois ?

M. Christian Estrosi.

Oui, la dignité, pour des mères de famille qui pouvaient ainsi s'épanouir par le travail tout en éduquant leurs enfants ! (Exclamations sur les b ancs du groupe socialiste) et ce dans des familles modestes.

M me Raymonde Le Texier.

Modestes ? Avec 35 000 francs par mois ?

M. Christian Estrosi.

Après avoir supprimé pour près de 6 milliards de francs d'aides aux familles...

Mme Dominique Gillot.

C'est faux !

M. Christian Estrosi.

... qui consentent des sacrifices importants pour élever leurs enfants, des familles qui construisent la France (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), des familles qui assurent la pérennité de nos comptes sociaux et de nos retraites, vous préférez aujourd'hui en faire profiter des citoyens qui n'useront du présent texte que pour bénéficier d'avantages fiscaux et sociaux.

M. Daniel Marcovitch.

Faut-il enlever ces avantages aux familles sans enfants ?

M. Christian Estrosi.

Je reconnais qu'il peut y avoir, notamment dans les communautés homosexuelles, des hommes ou des femmes confrontés à des difficultés majeures auxquels il importe d'apporter des réponses.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Lesquelles ?

M. Daniel Marcovitch.

Je répète : faut-il enlever ces avantages aux familles sans enfants ?

M. Christian Estrosi.

C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à des dispositions précises allant en ce sens mais pas à un contrat comme celui-ci qui modifie considérablement notre code civil et notre code général des impôts.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Quelles dispositions ?

M. Daniel Marcovitch.

Répondez à ma question !

M. Christian Estrosi.

Voulez-vous prendre la parole plutôt que de m'interrompre ? Sinon, taisez-vous !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Estrosi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

M. Christian Estrosi.

Ayez au moins du respect pour ceux qui s'expriment, qui travaillent dans cette assemblée et qui ne dorment pas la nuit sur ces bancs ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Poursuivez, monsieur Estrosi !

M. Christian Estrosi.

Je vous remercie, monsieur le président.

M. le président.

Et essayez de conclure d'ailleurs.

M. Christian Estrosi.

J'ai encore deux points à soulever.

Nous sommes nombreux sur ces bancs, monsieur le rapporteur, à être favorables au fait que l'on apporte des réponses précises à des couples d'hommes ou de femmes qui ont la volonté de bâtir une vie commune et qui sont confrontés à de vraies difficultés, mais nous ne voulons pas d'un texte qui incite à la fraude fiscale et qui crée un avantage financé par la diminution de l'aide destinée aux familles françaises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Pourquoi françaises ?

M. Christian Estrosi.

C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 2.

Je termine en vous prenant en défaut, monsieur le rapporteur, madame la ministre. A partir de cet instant, vous ne pourrez plus nous répondre que nous voulons en permanence faire un parallèle entre le mariage et le PACS car c'est vous qui, en faisant référence à l'article 6 du code général des impôts, assimilez la situation d'un couple ayant contracté un PACS à celle d'un couple marié, notamment avec cette phrase : « L'imposition est établie à leurs deux noms, séparés par le mot : "ou".» Cette rédaction, comme bien d'autres que nous avons proposées tout au long des débats, ressemble étonnemment à celle utilisée pour l'imposition des familles.

Vous prévoyez que les règles d'imposition concernant la souscription des déclarations et le contrôle des mêmes impôts prévues par le code général des impôts et le livre des procédures fiscales pour les contribuables mentionnés au deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts s'appliquent aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité qui font l'objet d'une imposition commune. Que dit l'alinéa du 1 de l'article 6 ? « Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention "Monsieur ou Madame". »

Nous y sommes bien. Bien que vous l'ayez démenti tout au long de la première de ce débat,...

M. Alain Barrau.

Et nous le démentirons encore !

M. Christian Estrosi.

... vous avez choisi d'assimiler un couple ayant contracté un PACS à un couple marié.

Vous ne pouvez donc plus utiliser cet argument contre les amendements de l'opposition.

M. Georges Hage.

Quel péril pour le budget de l'Etat !

M. le président.

L'amendement no 258 est proposé par le groupe du Rassemblement pour la République, l'amendement no 397 a été présenté par M. Accoyer, l'amendement no 470 est également proposé par le groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour soutenir l'amendement no 504.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je voudrais défendre l'amendement, de M. Baguet, pour trois raisons.

La première a déjà été avancée à de nombreuses reprises. Si je n'avais qu'une raison pour demander la suppression de l'article et ne pas voter la proposition de loi, ce serait le fait que l'on trouve tout d'un coup 8 milliards...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

On ne trouve rien !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... pour aménager le statut fiscal des « pacsés » et qu'on a parallèlement enlevé 4 milliards aux familles.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il est absolument insupportable...

M. René Dosière.

De vous entendre !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... pour beaucoup de Français de voir qu'on trouve de l'argent pour les « pacsés » et pas pour les familles. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est un argument essentiel.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est faux !

M. Edouard Landrain.

Il n'y a rien pour la jeunesse et les sports !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il y en a deux autres, moins importants.

Il y a d'abord un défaut de cohérence.

Curieusement, alors que vous vous évertuez depuis des dizaines d'heures à nous expliquer qu'il ne faut pas assimiler le PACS à un sous-mariage, et alors que vous battez en brèche le quotient familial, vous vous apprêtez à renforcer le mécanisme du quotient conjugal : les couples sont imposés conjointement sur la base de deux parts, indépendamment des enfants éventuellement à charge, et vous faites tout naturellement le parallèle avec le mariage.

Pour être en cohérence avec ce que je crois être votre logique, il aurait mieux valu, me semble-t-il, que vous vous orientez vers un régime d'imposition individuelle dans lequel chacun, marié ou non, homosexuel ou hétérosexuel, serait imposé séparément. Cette imposition individuelle est déjà de mise d'ailleurs dans un certain nombre de pays, les Pays-Bas ou l'Angleterre par exemple.

L'imposition commune des pacsés a des effets très pervers et crée des inégalités. Lorsque les deux partenaires ont le même salaire, le quotient conjugal n'entraîne aucune réduction d'impôt, mais celle-ci est d'autant plus forte que les revenus des partenaires sont très différents.

M. Jean-Claude Lefort.

Toujours l'argent !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le mécanisme proposé dans cet article fonctionne donc comme une subvention implicite aux couples inégaux et plus précisément à la personne qui a de hauts revenus.

M. Edouard Landrain.

Tout à fait !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Les petits revenus, par contre, risque d'être lésés.

Comment, concrètement, se traduira un PACS entre deux RMIstes ? Pourront-ils garder chacun leur allocation RMI, soit en gros 2 500 francs, ou les considérera-t-on comme un couple et leur versera-t-on 3 644 francs pour les deux ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Et si un retraité bénéficiaire du minimum vieillesse, soit 3 471 francs, s'associe avec un ou une retraité dont les ressources atteignent ou dépassent les 6 227 francs du minimum vieillesse pour un ménage, se verra-t-il privé de


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son avantage, ce qui ne serait pas normal puisque le PACS est théoriquement créé pour ceux qui ne veulent pas se marier ? Notre dernier point de divergence est l'équivalence établie entre les couples, qu'ils aient ou non des enfants, ce qui ne correspond en rien à la logique de l'administration fiscale. Les avantages consentis à un couple hétérosexuel afin de reconnaître, sinon de récompenser une certaine stabilité affective, sont une condition nécessaire non seulement à la procréation, mais plus encore à l'éducation des enfants qui ont besoin d'une stabilité certaine pour se structurer.

Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de l'article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord, pour soutenir l'amendement no 538.

M. Dominique Dord.

Je serai le seul orateur de Démocratie libérale à prendre la parole, monsieur le président.

Cela va vous faire gagner un peu de temps puisque nous étions trois à être inscrits.

L'article a donné lieu à des débats et à des controverses ou diversités d'appréciation au sein de notre groupe. Il contient en fait deux éléments : le principe de l'imposition commune, et un certain nombre de modalités, essentiellement le délai.

Nous nous sommes d'abord interrogés sur le fondement de l'imposition commune dans le mariage.

Pour certains d'entre nous, c'est la potentialité de charges de famille. La société accorderait l'imposition commune dans cette perspective. Dans ces conditions, il serait difficile d'en accepter le principe pour le PACS, notamment parce qu'il est ouvert aux partenaires homosexuels qui n'ont pas vocation à avoir charge de famille.

Mais nous sommes un certain nombre à pencher plutôt pour un fondement différent, la solidarité financière.

En fait, la société trouve un avantage à ce que deux personnes vivent ensemble et fassent preuve l'une envers l'autre d'une espèce de solidarité. Il y a des avantages financiers, des avantages affectifs également, la possibilité notamment de vaincre la solitude. Si ces personnes étaient seules, cela aurait des conséquences sociales qu'il reviendrait à la société d'assumer.

Le fondement de l'imposition commune est donc plutôt la solidarité financière.

A cet égard, puisque le PACS concerne des personnes hétérosexuelles ou homosexuelles faisant preuve l'une envers l'autre d'une espèce de solidarité, le principe de l'imposition commune pourrait être retenu.

Il y a trois raisons néanmoins qui bloquent notre adhésion à cette idée.

C'est, bien sûr, d'abord le fait que ce soit déclenché par le PACS, contrat que nous refusons, vous le savez. Si cela avait été déclenché par une attestation de vie commune devant notaire, l'obstacle serait tombé.

C'est ensuite l'égalité de traitement par rapport au mariage. Or la solidarité exigée des personnes liées par un contrat de mariage s'exerce également après la rupture du mariage. L'obligation alimentaire perdure au-delà du mariage, ce qui ne sera pas le cas dans le PACS. Les liens de solidarité sont donc plus forts dans le mariage que dans le PACS. Il serait donc gênant que la contrepartie accordée par la société, en l'occurrence l'imposition commune, soit la même. S'il y a imposition commune pour les pacsés, il faut un avantage supplémentaire pour le mariage.

M. le président.

Si vous pouviez conclure, monsieur Dord...

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, je parle pour trois orateurs. Je n'ai pas participé à la discussion sur l'article. Je sera peut-être un peu plus long mais je n'abuse pas, je vous assure.

M. Alain Calmat.

Quel cinéma vous nous faites ! C'est incroyable ! Cela fait des heures que vous nous faites un cinéma épouvantable !

M. Dominique Dord.

Monsieur Calmat, rien ne vous empêche de prendre la parole et de nous expliquer tout le bien que vous pensez du texte et sur quel fondement.

Nous essayons d'avoir un débat sérieux, essayez au moins de faire preuve de respect !

M. Alain Calmat.

Cela fait des heures que nous sommes là ! Nous avons autre chose à faire !

M. le président.

S'il vous plaît, monsieur Calmat !

M. Dominique Dord.

La troisième raison, enfin, c'est la communauté de vie. Je vais aller vite car ce point a déjà été soulevé par plusieurs orateurs.

S'il y a communauté de vie, la solidarité devient bien réelle, et cela justifie une imposition commune, mais vous avez refusé plusieurs de nos amendements visant à l'imposer. Dans ces conditions, il risque d'y avoir un certain nombre de fraudes, fiscales en particulier, et cela ne nous semble pas acceptable.

Je ne reviens pas sur l'objection politique qu'a évoquée notamment Mme Boisseau, mais il est vrai qu'il y a un côté un peu choquant dans le choix des priorités. Vous avez décidé l'année dernière de revenir sur un certain nombre d'avantages budgétaires en faveur des familles.

C'est un choix possible, mais il est un peu choquant de consacrer à peu près les mêmes sommmes aujourd'hui au PACS ! Cela, c'était pour le principe.

Il y a ensuite les modalités, et en particulier le délai de trois ans, et je voudrais m'attarder un instant sur trois éléments. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Vous pourriez peut-être y revenir dans les amendements, monsieur Dord !

M. Dominique Dord.

J'en ai vraiment pour une minute, monsieur le président.

M. le président.

Juste pour une minute, parce que vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Dominique Dord.

Oui, mais vous savez que je parle pour trois. Il me faut donc un peu de temps ! D'abord, la multiplication de délais différents implique un certain risque de confusion.

Ensuite, et c'est un argument qui a été développé notamment par notre collègue communiste tout à l'heure, il est un peu choquant de demander trois ans supplémentaires probatoires aux couples hétérosexuels ayant déjà un enfant. C'est une idée un peu étonnante.

A contrario, enfin, si nous ne demandons pas un délai de trois ans, compte tenu du fait qu'il n'y a pas d'obligation de communauté de vie, les risques de fraude sont nombreux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

Voilà ce que je voulais dire sur le principe et sur les modalités sur l'article 2. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Vous présentiez en même temps l'amendement no 579 de M. Goasguen. Pour l'amendement no 752 de Plagnol, le groupe UDF s'est exprimé.

Pour les amendements nos 765 de M. Fromion, 818 de M. Vannson et 874 de M. Doligé, le groupe RPR s'est exprimé.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission les a refusés, évidemment. Elle se réserve de discuter les amendements portant sur le texte de la proposition de loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je voudrais répondre aux différents intervenants sur les arguments qu'ils ont fait valoir pour justifier ces amendements de suppression.

L'imposition commune des personnes qui s'engagent dans un pacte de solidarité est subordonnée à l'existence p réalable d'une communauté de vie de trois ans.

M. Bernard Accoyer Non ! A trois ans de PACS ! Ce n'est pas la même chose.

Mme la garde des sceaux.

Seuls les couples qui auront ainsi démontré leur volonté de s'engager dans une union durable pourront prétendre à cette imposition commune.

Ils seront en outre tenus solidairement au paiement des dettes fiscales.

Le pacte civil de solidarité ne sera donc pas, comme certains d'entre vous se plaisent à l'imaginer, un vecteur d'optimisation fiscale. Il contribuera au contraire à assurer la neutralité fiscale entre contribuables supportant les mêmes charges de famille, et sera ainsi le garant d'une plus grande justice sociale.

Je pense tout particulièrement, en l'occurrence, aux familles recomposées ne disposant que d'un seul salaire, souvent modeste, pour faire vivre le compagnon ou la compagne privé d'emploi, ainsi que les enfants issus d'une précédente union.

M. Jean Michel.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

Actuellement, ces personnes ne sont pas prises en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu du membre du couple qui travaille, alors qu'il supporte en fait de très lourdes charges de famille.

Le pacte civil de solidarité réparera ce genre d'injustices.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Quant au coût, puisque M. Estrosi et Mme Boisseau notamment sont intervenus sur ce point, je tiens d'abord à préciser que la politique du Gouvernement vis-à-vis de la famille est équilibrée : le p lafonnement du quotient familial, qui concerne 400 000 familles, disposant, je le souligne au passage, d'un revenu de plus de 48 200 francs par mois pour un couple avec deux enfants (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste)...

M. Paul Dhaille.

Cela, ils ne le disent pas !

Mme Raymonde Le Texier.

Les voilà, leurs pauvres !

Mme la garde des sceaux.

... « coûte » 3,9 milliards de francs. En contrepartie, la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales bénéficie à plus de 600 000 familles, pour un gain de 4,7 milliards de francs.

M. Edouard Landrain.

Et les autres ?

Mme la garde des sceaux.

La balance entre ces deux mesures donne donc un gain de 800 millions de francs.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Pour la famille !

Mme la garde des sceaux.

Pour la famille, bien sûr ! J'ajoute que, pour les familles modestes, la politique du Gouvernement se traduit par un gain de 6,8 milliards de francs, en particulier grâce à l'allocation de rentrée scolaire.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

Mme la garde des sceaux.

Par conséquent, vous ne pouvez pas prétendre que la politique du Gouvernement pénalise les familles.

M. Christian Estrosi.

Si ! (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Edouard Landrain.

Les Français jugeront !

Mme la garde des sceaux.

Notre choix politique est justement de favoriser les familles modestes.

L'opposition a vraiment la mémoire courte.

M. Francis Delattre.

Oh !

Mme la garde des sceaux.

Qui a mis l'allocation pour jeune enfant sous condition de ressources, privant ainsi de son bénéfice des femmes déjà enceintes ?

Mme Frédérique Bredin.

Oui qui ?

Mme la garde des sceaux.

Qui a fiscalisé les indemnités de maternité ?

M. Alain Barrau.

Eh oui !

Mme la garde des sceaux.

Qui avait prévu de supprimer les réductions d'impôts pour frais de scolarité, pénalisant ainsi 2 300 000 familles ? Voilà la réalité.

Nous, notre choix, c'est de faire gagner les familles modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Edouard Landrain.

C'est insultant pour l'opposition !

M. le président.

Je vais mettre aux voix l'ensemble des amendements de suppression. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, je voudrais répondre au Gouvernement.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président,...

M. le président.

Ne vous inquiétez pas, monsieur Accoyer. Vous aurez la parole avant la levée de séance.

M. Richard Cazenave.

Nous souhaiterions répondre avant de voter !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 20, 120, 215, 258, 397, 470, 504, 538, 579, 752, 765, 818 et 874.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

M. Edouard Landrain.

Nous n'avons plus le droit de répondre ? Bravo !

M. le président.

Avant de donner la parole à M. Accoyer, pour un fait personnel, je signale que tous les groupes, notamment ceux de l'opposition, ont essayé de voir comment, à la reprise de nos travaux, nous pourrions travailler de manière plus soutenue, sans toutefois occulter le débat. J'espère que ce contrat oral et tacite entre nous sera tenu.

Cette proposition commune, qui reprend pour une part ma suggestion, est la suivante : puisque de nombreux députés sont inscrits sur les articles, je proposerai qu'une personne par groupe s'exprime. Ensuite, je donnerai la parole également à une personne par groupe pour soutenir les amendements de suppression avant de passer à la discussion des amendements « ordinaires ».

4 FAIT PERSONNEL

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, en application de l'article 58, alinéas 4 et 5 du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer pour un fait personnel.

M. Bernard Accoyer.

Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole.

Je commencerai par ce qui vient de se passer. Nous n'avons pas pu répondre à Mme la garde des sceaux. Or, elle a dit une chose totalement inexacte.

M. Georges Hage.

C'est impossible !

M. Bernard Accoyer.

Elle a affirmé que trois ans de vie commune étaient nécessaires pour bénéficier des avantages fiscaux du PACS.

Mme Frédérique Bredin.

Ce n'est pas un fait personnel !

M. Bernard Accoyer.

Mais la vie commune n'est pas exigée pour conclure un PACS. On nous l'explique à longueur de journée et de soirée depuis deux mois. Il n'est même pas nécessaire d'habiter dans le même logement.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas la même chose !

M. Bernard Accoyer.

Je pourrais également revenir sur ses propos sur les allocations familiales.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ce n'est pas un fait personnel !

M. Bernard Accoyer.

En réalité, un choix est fait, en faveur du PACS, contre les familles en baissant le quotient familial.

J'en viens au fait personnel.

M. Alain Barrau.

C'était l'introduction !

M. Bernard Accoyer.

Une nouvelle fois, Mme la garde des sceaux a mis personnellement en cause plusieurs députés dont je suis. L'une d'entre eux a, de plus, été mise en cause, ce qui est un fait unique, par le Premier ministre lui-même...

M. Alain Barrau.

A juste raison !

M. Bernard Accoyer.

... dans des conditions qui sont inquiétantes pour le bon fonctionnement de notre démocratie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Edouard Landrain et M. Hubert Grimault.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

Mme la garde des sceaux nous reproche de défendre nos amendements. C'est pourtant notre travail, notre devoir de parlementaires. Les amendements de l'opposition sont presque tous des amendements de fond, qui soulèvent de vraies questions et qui ont conduit le Gouvernement, par exemple sur des questions aussi importantes que l'adoption, à nous donner des positions totalement inverses à quinze jours d'intervalle.

C'est inimaginable !

M. Jean Michel.

C'est un fait personnel ?

M. Daniel Marcovitch.

C'est un dévoiement du règlement !

M. Bernard Accoyer.

Le 30 novembre, le Gouvernement déposait une nouvelle rédaction de l'article 515-8, alors que nous discutons de ce texte depuis deux mois.

Cela prouve que ce texte avait besoin d'être travaillé, d'être amélioré par le débat parlementaire, même si notre opposition sur le fond perdure.

Dois-je vous rappeler, mes chers collègues de gauche, que, de tout temps, les députés de l'opposition ont déposé des amendements. C'est le travail de l'opposition.

Il était habituel, lorsque vous étiez dans l'opposition, que vous en déposiez plusieurs milliers.

M. Edouard Landrain.

C'était normal.

M. François Rochebloine.

Jusqu'à 4 000 !

M. Bernard Accoyer.

Jusqu'à 4 à 5 000 sur les privatisations et la réforme de la sécurité sociale ! C'était votre travail et vous avez eu raison de le faire. C'est notre tour aujourd'hui ! Nous ne comprenons pas que Mme la garde des sceaux puisse nous le reprocher !

M. François Rochebloine.

Elle n'était pas députée à l'époque !

M. Bernard Accoyer.

D'autant, madame la garde des sceaux, que notre attitude n'excuse pas la vôtre, pour plusieurs raisons, et ce serait plutôt à nous de vous faire des reproches !

Mme Frédérique Bredin.

Ce n'est pas un fait personnel !

M. Daniel Marcovitch.

C'est quoi ce discours ?

M. Bernard Accoyer.

D'abord, sur le non-respect du règlement de notre assemblée, sur votre attitude à l'égard de l'opposition et sur la procédure choisie - une proposition de loi pour un texte qui modifie le code civil et menace l'institution du mariage, et alors que les auditions ont été confidentielles ainsi que le montre le rapport.

M. Bernard Birsinger.

Combat d'arrière-garde !

M. Bernard Accoyer.

Tous les juristes, les philosophes, les sociologues, les psychologues, les autorités morales consultés se sont déclaré opposés à ce texte. Cette procé dure est inacceptable ! (Protestations sur les bancs du groupe socialite et du groupe communiste.)

M. le président.

Monsieur Accoyer, veuillez-vous en tenir uniquement au fait personnel, sans reprendre le débat général.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 2 DÉCEMBRE 1998

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, les propos qui suscitent ce fait personnel remettaient en cause le travail global de l'opposition.

(De nombreux députés socialistes quittent l'hémicycle.)

M. Edouard Landrain.

Ils n'écoutent même pas ! Ils méprisent l'opposition !

M. Bernard Accoyer.

Quant à la gestion de l'ordre du jour par le Gouvernement elle est déraisonnable. Les fonctionnaires de la maison sont épuisés, les députés aussi, tout comme vous, madame la ministre, j'en conviens, mais c'est aussi votre responsabilité. Nous siégeons la nuit, le week-end...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

L'ordre du jour, lui, n'est pas épuisé !

M. Bernard Accoyer.

Nous pourrions aussi vous reprocher votre non-respect de la Constitution. Pour la deuxième fois de l'histoire de la Ve République, le 9 octobre, une exception d'irrecevabilité a été adoptée. Cela aurait dû vous interdire de représenter ce texte avant un an. Or, pour la première fois de la Ve République, c'est un texte quasiment identique au premier qui a été représenté.

Et que dire de votre attitude en séance, madame la garde des sceaux, quand, le 9 octobre, vous répétiez à la tribune deux fois votre discours entre dix heures trente et quinze heures trente...

Mme Christine Boutin.

Absolument ! Elle n'aime pas qu'on le lui dise.

M. Bernard Accoyer.

... en espérant que le grand absent, M. Ayrault, réussirait à réunir une majorité ? Que dire enfin du fait que vous lisez un roman pendant que s'expriment les parlementaires à la tribune (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)...

M. Christian Estrosi.

C'est vrai !

M. Patrick Braouezec.

Heureusement qu'on peut lire, sinon on s'ennuierait beaucoup !

M. Bernard Accoyer.

... et que vous ne daignez même pas répondre aux questions qui sont pourtant fondées ? Oui, madame la garde des sceaux, cette attitude pourrait effectivement nous conduire à protester. Je ne comprends pas pourquoi vous insultez ainsi les parlementaires qui ne font que leur travail, celui pour lequel ils ont été élus par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) 5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite - et j'espère fin - de la discussion des propositions de loi : de M. Jean-Pierre Michel, de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, de M. Alain Bocquet et plusieurs de ses collègues, de M. Guy Hascoët, de M. Alain Tourret, relatives au pacte civil de solidarité, nos 1118, 1119, 1120, 1121 et 1122 ; M. Jean-Pierre Michel, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1138) ; M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1143).

La séance est levée.

(La séance est levé à dix-neuf heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT