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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

ARTHUR PAECHT

1. Egalité entre les femmes et les hommes. Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle (p. 10513).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (suite) (p. 10513)

Exception d'irrecevabilité de M. Julia (suite) : M. Jean-Luc Warsmann, Mme Muguette Jacquaint, M. Jacques Floch,

Mme Nicole Ameline, MM. Pierre-Christophe Baguet, Michel Crépeau. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10515)

Mmes Huguette Bello, Nicole Ameline,

M.

François Colcombet, Mme Marie-Jo Zimmermann,

MM. Robert Hue, Pierre-Christophe Baguet, Mme Chantal Robin-Rodrigo,

M.

François Goulard, Mmes Nicole Feidt, Roselyne Bachelot-Narquin,

MM. Christian Paul, Pierre Albertini, Mmes Gilberte Marin-Moskovitz, Yvette Roudy, Nicole Catala, Béatrice Marre, Marie-Hélène Aubert, Martine Lignières-Cassou,

MM. Richard Cazenave, Bernard Roman, Mmes Yvette Benayoun-Nakache, Danièle Bousquet, Odette Casanova.

Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 10542)

MM. Claude Goasguen, Pierre Lellouche, Mmes Françoise de Panafieu, Roselyne Bachelot-Narquin.

Amendement no 5 de M. Cazenave : M. Richard Cazenave, Mmes Catherine Tasca, présidente de la commission des lois, rapporteur ; Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. - Retrait.

A mendement no 18 de Mme Bachelot-Narquin : Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements nos 6 de M. Cazenave et 17 de M. Goasguen : MM. Richard Cazenave, Claude Goasguen, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, M. Pierre Lellouche. Rejets.

A mendements nos 15 de M. de Courson et 14 de Mme Aubert : M. Charles de Courson, Mmes MarieHélène Aubert, le rapporteur, la garde des sceaux. Rejets.

Amendement no 10 de M. Myard : Mmes Nicole Catala, le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 13 de M. Myard : Mmes Nicole Catala, le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements identiques nos 1 de la commission des lois et 4 de Mme Jacquaint et amendements nos 12 et 11 de M. Myard : Mmes le rapporteur, Muguette Jacquaint, N icole Catala, la garde des sceaux, M. Charles de Courson. - Adoption de l'amendement no 1 ; les amendements nos 4, 12 et 11 n'ont plus d'objet.

Amendements nos 16 de M. Goasguen et 9 de Mme Catala : M. Claude Goasguen, Mmes Nicole Catala, le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 16 ; l'amendement no 9 n'a plus d'objet.

Amendement no 2 de M. Luca : M. Lionnel Luca.

Amendement no 3 de M. Luca : M. Lionnel Luca, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet des amendements nos 2 et 3.

Amendement no 19 de M. Brard : M. Jean-Pierre Brard, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, Roselyne Bachelot-Narquin. - Retrait.

Adoption de l'article unique modifié.

Après l'article unique (p. 10553)

Amendement no 8 de Mme Catala : Mmes Nicole Catala, le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

EXPLICATIONS DE

VOTE (p. 10553)

Mme Marie-Jo Zimmermann,

M.

Pierre-Christophe Baguet, Mmes Marie-Françoise Clergeau, Nicole Ameline, Muguette Jacquaint, Marie-Hélène Aubert.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 10555)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi constitutionnelle qui se limite à l'article unique.

2. Loi de finances rectificative pour 1998. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 10555).

3. Dépôt de propositions de loi (p. 10555).

4. Dépôt de rapports (p. 10556).

5. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 10556).

6. Dépôt de rapports d'information (p. 10556).

7. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 10556).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10556).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES Suite de la discussion d'un projet de loi constitutionnelle

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes (nos 985, 1240).

Exception d'irrecevabilité (suite)

M. le président.

Nous en arrivons aux explications de vote et au vote sur l'exception d'irrecevabilité.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Luc Warsmann.

Madame la ministre de la justice, madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes, mes chers collègues, c'est l'honneur d'une assemblée que de respecter la liberté d'expression de chacun de ses membres. A cet égard, je tiens à saluer la force avec laquelle notre collègue Didier Julia a exposé ses convictions, même si, je le dis très clairement, j'aboutis à une conclusion fort différente de la sienne. En effet, mes chers collègues, ce projet de loi constitutionnelle est nécessaire, parce que nous, députés, devons regarder la réalité.

Depuis ce 21 avril 1944, où le général de Gaulle a institué la véritable égalité politique des hommes et des femmes, en reconnaissant à celles-ci la qualité d'électrices et le droit de se porter candidates, quel chemin parcouru par notre démocratie ! Pourtant, seulement 8 % des maires et 10 % des députés sont des femmes. Il faut donc aller plus loin encore dans cette direction. En outre, depuis la décision du Conseil constitutionnel de 1982, il devenait, au fil des années, de plus en plus nécessaire d'engager une révision constitutionnelle. Il n'y aura donc pas de suspense, chacun le sait bien, car elle va être votée très massivement sur tous les bancs. C'est d'ailleurs, je le crois, le devoir des députés que de donner ce soir un tel signe.

A ce propos, je veux dire, avec un petit sourire, à Mme Guigou, dont j'ai applaudi le discours, qu'elle a commis une omission. Même si la situation est rare, elle n'en est pas moins réelle : Mme Guigou, assise au banc du Gouvernement, a présenté un projet de loi, non pas au nom du Premier ministre, mais au nom du Président de la République.

Ce projet de loi constitutionnelle recevra donc le soutien du mouvement gaulliste parce que, depuis sa fondation, nous avons toujours été attachés à défendre une société ouverte, une société où chaque homme et chaque femme puisse accéder à toutes les responsabilités tant en matière politique, par l'élection, que dans tous les domaines de la vie, chacun et chacune en fonction de ses qualités, de sa volonté, de son travail et de son mérite, bref une société où règne l'égalité des chances.

Parce qu'il entend rester fidèle à ses convictions, le groupe RPR rejettera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

L'explication de vote qui vient d'être faite au nom du RPR me satisfait. On comprenait d'autant moins l'intervention de M. Julia...

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est la liberté de chacun, chère collègue !

Mme Muguette Jacquaint.

... que, sur la parité, les mentalités semblaient, depuis quelques années, avoir évolué, n'est-ce pas, madame Bachelot ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Tout à fait, madame Jacquaint !

Mme Muguette Jacquaint.

Je voulais dire à M. Julia...

Mme Frédérique Bredin.

Il n'est pas là !

Mme Muguette Jacquaint.

..., qui a prononcé plusieurs fois le mot « faveur », que les femmes n'ont jamais rien réclamé de tel. Le texte que nous examinons aujourd'hui va faire progresser les idées d'égalité et de justice, mais il n'entend nullement accorder des faveurs que, au demeurant, nous ne réclamons pas.

Mme Monique Collange.

Il a même parlé de privilèges !

Mme Muguette Jacquaint.

L'égalité de droits entre les femmes et les hommes est un progrès décisif de la vie sociale. Elle répond à l'aspiration profonde des femmes.

Elle tend à réparer une injustice majeure à leur égard.

Des dispositions législatives précises permettront aux citoyennes et aux citoyens de notre pays de vivre concrètement cette égalité. La gauche a fait beaucoup pour garantir une telle équité. Pour autant, nous ne prétendons pas avoir le monopole de ce combat. Si les femmes n'avaient pas obtenu le droit de vote, nous ne serions peut-être pas en train de discuter de ce projet de loi.

C'est pourquoi l'exception d'irrecevabilité défendue par un orateur de l'opposition me semble peu compréhensible et malvenue. Dans le passé, chaque fois qu'un gouvernement de droite a proposé une avancée significative en tenant compte, bien sûr, du rapport de forces, et des


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actions menées par les femmes pour avoir leur place, le groupe communiste, avec d'autres, l'a votée. Je pense par exemple à l'interruption volontaire de grossesse, présentée par Mme Simone Veil, mais je pourrais tout aussi bien citer la loi mettant fin à la notion, qui semble aujourd'hui préhistorique, du père, chef de famille, décidant en dernier ressort de la résidence du couple ! Ces lois sont autant de jalons importants qui ont contribué à l'évolution du droit des femmes.

Cela dit, je ne suis qu'à moitié rassurée.

M. Jean-Luc Warsmann.

Seulement à moitié ?

Mme Muguette Jacquaint.

D'autres lois seront nécessaires pour faire progresser encore l'égalité. Certes, nous risquons de ne pas nous entendre sur le scrutin proportionnel aux élections législatives et cantonales ou sur le statut de l'élu. Tout cela demande à être discuté.

Pour l'heure, s'agissant du point fort que constitue la discussion d'aujourd'hui, chacun aura compris que le groupe communiste votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le groupe socialiste.

M. Jacques Floch.

M. Julia a dit que l'égalité entre les femmes et les hommes était une évidence. Si c'était tellement évident, le Président de la République et le Premier ministre auraient-ils accepté de signer ce projet de loi ? M. Warsmann a rappelé qu'en 1982 le juge constitutionnel avait rejeté un amendement, d'origine parlementaire tendant à assurer l'égalité entre les femmes et les hommes, arguant que la Constitution était muette sur ce point. Doit-on laisser le juge dire la loi à notre place ou bien lui demander de se limiter à dire le droit issu de la loi ? Le législateur, c'est-à-dire nous, doit faire la loi.

J'aurais aimé dire à M. Julia qu'en cette fin de siècle il faut compléter notre loi fondamentale de façon intelligente, car nous devons les uns et les autres, veiller à ce que la moitié de la population française accède enfin à tous les droits, à tous les postes, non pas en fonction de je ne sais quelle loi de faveur, mais au nom de l'égalité et du mérite.

L'interprétation de la Constitution de la Ve République que fait M. Julia repose sur une vision de la société qui relève, je le crois, du conservatisme le plus étriqué. Il faut arrêter de considérer les femmes comme une minorité dans la nation et de tenir un discours obtus digne du

XIXe siècle. Je comprends pourquoi Mme Boutin a applaudi notre collègue Julia : elle a été la seule à comprendre son argumentation.

Pour notre part, nous pensons que le projet de loi mérite mieux qu'une telle litanie, et c'est pourquoi le groupe socialiste vous demande de rejeter une exception d'irrecevabilité qui aura dû en faire rougir plus d'un ou plus d'une. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale ne votera pas l'exception d'irrecevabilité présentée par M. Julia dont les arguments sont révélateurs de ce travers français qui consiste à fixer des objectifs sans jamais se donner les moyens de les atteindre. Chacun s'accorde à penser que la situation française est inadmissible, voire intolérable, notamment au regard de l'Europe. La question n'est plus de savoir si nous avons de bonnes intentions, mais de savoir comment nous agissons. La double exigence de modernité et d'efficacité commande des actions et une volonté politique concrète et forte.

Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par M. Julia. Mais il est clair que la comparaison avec l'esprit communautariste n'est pas de mise, s'agissant des femmes qui, faut-il le répéter encore, ne sont pas une minorité, mais bien la moitié de l'humanité.

Par ailleurs, une telle mesure n'a rien d'infamant pour elles. Ce qui l'est c'est de n'être nulle part, et donc de n'exister en rien, et non d'être enfin reconnues par la Constitution et par la loi.

Seul un point de l'intervention de M. Julia m'a semblé positif. Il concernait les conquêtes sociales et politiques dues au cours des dernières décennies à l'actuelle opposition. Elles devaient, en effet, être rappelées. Elles ont été essentielles en ce qu'elles ont permis, en cette toute fin de siècle, de rattraper un retard historique. Au moment d'entrer dans un siècle et dans un espace nouveaux, avec l'Europe, il était plus que temps de prendre les mesures qui s'imposent.

C'est pourquoi nous voterons la loi de révision constitutionnelle et nous opposerons donc formellement à l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

Pour le groupe Union et démocratie française, la parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

L'absence de notre collègue Julia prouve, s'il en était besoin, que sa démarche manquait de réelle motivation.

(Sourires.)

Mme Dominique Gillot.

Très juste !

M. Pierre-Christophe Baguet.

D'ailleurs, son intervention relevait plus d'une question préalable que d'une exception d'irrecevabilité.

Aussi, sans insister, je dirai simplement que le groupe Union et démocratie française rejettera cette motion de procédure.

(Applaudisements sur tous les bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Crépeau, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Michel Crépeau.

Mes chers collègues, comme vous tous, j'ai écouté avec beaucoup d'attention et avec une certaine surprise M. Julia. J'ai eu un peu l'impression d'entendre mon grand-père, mais un grand-père qui, d'une certaine manière, aurait vieilli (Sourires), car n'appartenant plus à notre époque et à notre temps.

Qu'il y ait un problème juridique, cela me paraît évident. Le Conseil constitutionnel a en effet déjà annulé pour inconstitutionnalité une disposition instituant un quota de femmes aux élections municipales. Or là, il s'agit d'aller plus loin, puisqu'il est prévu, d'une certaine manière, une parité.

M. Pierre Albertini.

Non ! L'égalité !

M. Michel Crépeau.

Il est bien évident que ce qui vaut pour un quota vaudra a fortiori davantage pour une parité.

M. Pierre Albertini.

Le mot « parité » n'est pas dans le texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Michel Crépeau.

Et, si un problème se pose, il n'est à mon avis pas d'essence juridique, mais d'essence culturelle. Nous sommes en effet tous les héritiers de trois tra-


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ditions : une tradition de droit romain, droit qui considérait que les femmes étaient des incapables au même titre que les enfants et les fous ;...

Mme Dominique Gillot.

Oh !

M. Michel Crépeau.

... une tradition catholique qui voulait que les femmes ne puissent donner ni la communion ni l'absolution ;...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Pourtant, certains en auraient bien besoin !

M. Michel Crépeau.

... une tradition germanique et franque, celle de la loi salique.

Nous portons ce triple héritage dans notre inconscient c ollectif. La difficulté, c'est justement, face à l'inconscient, de faire le geste de conscience, le geste volontariste, le geste législatif qui consiste à voter la loi qui est aujourd'hui proposée par Mme le garde des sceaux.

Mme Odette Grzegrzulka.

« La » garde des sceaux !

M. Michel Crépeau.

Mme « La » garde des sceaux, bien sûr, madame la députée.

Bref, cette exception d'irrecevabilité est intrinsèquement irrecevable. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les explications de vote.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Zéro voix pour !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'était donc marginal et outrancier ! Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

« Je vois bien que vos intentions sont bonnes. Mais ce que vous voulez me donner, je l'ai déjà... Vous voulez me donner le droit d'être un être humain. Ce droit, je l'avais en naissant. Vous pouvez m'empêcher de le vivre, si vous êtes le plus fort, mais vous ne pourrez jamais me donner ce qui m'appartient déjà. » Ces paroles, adressées naguère à un anthropologue

plein de bons sentiments, le secrétaire général des Nations unies les plaçait en tête d'un article récent.

De ce droit, quand il s'agit de cette forme profonde de domination dont les femmes furent et sont encore victimes, nous n'avons, au fond, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat aux droits de la femme, qu'à tirer les conséquences, toutes les conséquences. Et cela regarde les hommes autant que les femmes. Ou plutôt, cela regarde les hommes et les femmes ensemble, tant il est vrai que, pour ce qui touche à l'essence même de notre condition humaine, le registre de la seule revendication apparaît bien limité.

Nous, Réunionnaises, nous pourrions certes en énoncer des revendications ! Non seulement l'administration des colonies fut une affaire d'hommes, mais même, peut-on dire, leur peuplement, puisque les femmes, longtemps minoritaires et vouées au seul service des hommes, y réinventèrent pour un temps une polyandrie toute utilitaire.

Et la domination masculine ne s'exerça pas seulement du côté du pouvoir. Anchaing, Cimendef, Dimitile, ces lieux que tous les Réunionnais connaissent, portent le nom des esclaves révoltés qui les ont baptisés. Mais cette Héva, qui partagea la vie d'Anchaing et lutta avec lui pour la liberté, quelle trace est restée d'elle, sinon qu'elle fut une épouse ? Certes le temps n'est plus où l'on achetait deux noires pour un fusil. Mais faut-il suivre dans l'Histoire, et jusque dans la plus récente, dans notre vie quotidienne elle-même, les traces de l'humiliation ? Hier, les enfants des femmes esclaves, qui n'appartenaient qu'au maître, pouvaient être vendus dès l'âge de huit ans. Aux temps du malheur, dans les propriétés, les femmes étaient de simples instruments de reproduction que visitaient, sur l'ordre du maître, des esclaves étalons.

Ces violences d'autrefois, il arrive que, en dépit de toutes les législations, on en soupçonne encore la trace dans les crimes sexuels qui sont quasiment le quotidien de nos sessions d'assises.

Mais l'injustice moderne prend surtout d'autres formes.

Plus touchées encore que les hommes par la crise économique, les femmes ont peu de chances d'aborder les rivages mythiques de la modernité. Situation paradoxale.

C'est autour d'elles que s'édifie la vie du foyer. Elles rassurent, mais on ne leur en sait pas gré. La vie familiale s'organise autour de la mère, mais cette mère protectrice est en même temps une femme dominée. Belle illustration des thèses de Simone de Beauvoir, et dont les deux sexes sont ensemble victimes. Aux femmes, l'enfermement dans le rôle sécuritaire. Aux hommes, l'illusion de l'aventure. Double aliénation qui s'entretient et s'aggrave.

On pourrait faire état de beaucoup de souffrances féminines à la Réunion. Il ne faut pas remonter au-delà des années 60 pour trouver des cas d'avortement et de stérilisation pratiqués à l'insu des femmes. A la même époque, bien des Réunionnaises ont été soumises à des expériences très particulières de contraception : elles subissaient, avec l'aval des pouvoirs publics, des injections de produits utilisés par les vétérinaires.

La liste de tels abus serait longue. Ils ne peuvent évidemment être isolés du contexte général d'un développement incertain et encore balbutiant, mais il est certain que, de ces retards, les femmes subissent toujours les dommages les plus lourds.

A la nécessaire protestation contre l'injustice doit s'ajouter une prise de conscience collective. Les problèmes posés par les femmes ne sont pas seulement ceux des femmes. Ils sont ceux de toute la société. Ils en sont même l'expression centrale puisque les relations entre les hommes et les femmes touchent à la fois à l'intime et au politique, à l'instant et à l'avenir.

Il va de soi que les dispositions législatives sont, sur de tels sujets, à la fois urgentes et dramatiquement insuffisantes. Nous avons certes à épurer de monstrueuses injustices, à nous purger de réflexes de méfiance et de mépris, mais nous avons aussi, et surtout, à nous demander, quand nous participons à la construction de la société, quel être humain, c'est-à-dire quel homme et quelle femme, nous avons dans l'esprit et dans le coeur.

Nous ne sommes pas ici en face d'une double contrainte, mais d'une double espérance. D'une part, aucun progrès ne peut être imaginé sans que les femmes y aient toute leur place. D'autre part, seule la volonté conjuguée des hommes et des femmes peut y parvenir.

Le bonheur du monde ne peut se concevoir avec seulement la moitié du ciel. La question de la femme est la question de l'humanité. C'est dire qu'elle renvoie à une critique radicale de tout ce que nous entreprenons, de toutes les valeurs, ou prétendues valeurs, sur lesquelles


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nous fondons notre action. Nous savons, depuis Kant, que l'être humain ne peut se donner d'autre finalité que lui-même. Est-ce ainsi que l'envisagent nos logiques économiques, sociales, culturelles et médiatiques ? Nous sommes ici au coeur de notre sujet. Ne nous étonnons pas si, à chaque fois que l'humanité s'engage sur les chemins de la violence, fût-elle économique, il se lève des Cassandre. Ce n'est pas parce qu'elles sont femmes qu'elles ont l'humeur maussade, c'est parce que leur amour de la vie les rend plus que d'autres, mais pour d'autres, plus sensibles à la souffrance de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur certains bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un anachronisme criant frappe la société française : au pays des droits de l'homme, alors que la déclaration universelle est à juste titre solennisée, l'exception f rançaise que constitue la faible représentation des femmes en politique nous distigue singulièrement des autres démocraties européennes.

Au-delà de cette réalité, cet état de fait a ralenti l'évolution de notre société et, sans aucun doute, sa modernisation. Car si personne ne songe à sous-estimer la part des femmes dans notre vie sociale et économique, l'accès à la vie politique, là où tout se décide, leur est naturellement trop faiblement ouvert.

Au moment d'entrer dans un nouveau temps, celui du

XXIe siècle, et un nouvel espace, celui de l'Europe élargie, on constate que la très grande majorité des Etats membres de l'Union ont réussi sans drame là où la France a échoué.

Bien plus, l'observation montre que le renouvellement de la vie politique dans le monde se fait, le plus souvent, par et avec les femmes : le Parlement européen compte 30 % de femmes, l'Afrique du Sud, 25 %, l'Allemagne réunifiée, 27 %.

Ce constat est aujourd'hui unanimement partagé. C'est un premier point positif, et il est heureux que ces murs ne résonnent plus, ou peu, d'arguments d'un autre âge.

Le constat est partagé, comme l'est aussi le sentiment que seul le volontarisme politique peut répondre au conservatisme de l'Histoire, héritage de la loi salique qui a vu le système politique se reproduire inlassablement.

Lorsque l'Histoire mit en valeur des femmes, rares, magnifiques, ce fut souvent comme sujets de curiosité, en fonction du privilège que constitue la rareté qui fait que l'on remarque ce qui ne saurait exister.

Le fait de l'Histoire, c'est que les femmes ont raté les marches essentielles des siècles : celle de la Révolution, à laquelle elles prirent toute leur part et qui a débouché en 1793 sur un suffrage universel réservé aux hommes ; celle du

XIXe siècle, dont la construction juridique principale, le code Napoléon, fit d'elles des mineures incapables, consacrant ainsi la thèse rousseauiste de l'existence de deux sphères : sphère privée, domestique, réservée aux femmes, et une sphère publique, évidemment masculine ; enfin, la marche du XXe siècle qui vit des femmes avoir une conduite héroïque et remarquable pendant le premier conflit mondial, assumer formidablement les responsabilités les plus diverses et se voir refuser, en 1920, le droit de vote.

Certes, les années contemporaines ont résonné de prog rès nouveaux, tels l'indépendance économique des femmes, la maîtrise de leur descendance et le partage de l'autorité parentale. Ces victoires ont été celles des femmes : elles ont marqué un progrès, mais elles n'ont été rendues possibles chaque fois que par une volonté politique marquée, traduite en termes législatifs.

De ce point de vue, la parité n'est pas une idée neuve.

Dès 1979, Monique Pelletier en ouvrait le débat, au cours du septennat de Valéry Giscard d'Estaing, marqué par un réel esprit de modernité.

Jacques Chirac, à son tour, dans le cadre de la modernisation de la vie publique, vient de réaffirmer sa volonté de poursuivre dans cette voie, en approuvant le texte qui nous est proposé aujourd'hui.

Si, politiquement, cette question est récurrente, constitutionnellement, depuis 1982, le débat est clos. En effet, la décision du Conseil constitutionnel de cette date a fermé la voie à toute évolution vers la parité. Le juge constitutionnel se situait alors dans la conception républicaine de la citoyenneté dans laquelle le droit ne doit connaître que les individus, et la République que des citoyens, affirmant ainsi l'unité fondamentale de l'espèce humaine sans distinction de race, de sexe ou de religion.

Ce principe d'indivisibilité de la souveraineté nationale, tel qu'il ressort de l'article 3 de la Constitution au sens du Conseil constitutionnel, conduit à un paradoxe : au nom de l'égalité juridique, notre Constitution met un frein à l'égalité réelle.

Quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur la m otivation de cette décision, cette jurisprudence a condamné toute évolution réelle vers l'égalité. Il faut donc aujourd'hui réviser la Constitution, car, ouvrir le débat, c'est le concrétiser, c'est aller au-delà du discours et se donner enfin les moyens d'une véritable transition historique. C'est en quelque sorte accélérer l'histoire et faire véritablement des années 2000, celles de la parité.

Je ne sous-estime en rien les arguments qui s'opposent à cette réforme. On le sait, l'inscription d'un tel principe dans notre loi fondamentale suscite des réserves, notamment de la part de juristes qui s'opposent à cette idée au nom de leur attachement au principe d'universalité posé par la Déclaration des droits de l'homme. Pour eux, une telle mesure impliquerait un changement de système politique en imposant une démocratie communautariste, comme aux Etats-Unis. Il s'agirait même d'une brèche mettant en péril la démocratie elle-même en ouvrant la porte à de nombreuses législations différenciées visant des groupes spécifiques, en un mot : une violation de la notion même de citoyenneté.

C ette argumentation paraît aujourd'hui largement contestée et dépassée : les femmes ne sauraient être assimilées à un groupe identifié et minoritaire. Elle sont la moitié du genre humain, indissociable de la notion même d'être humain. Elle ne sont pas une catégorie, mais elles se retrouvent dans toutes les catégories, par définition.

En réalité, dans une démocratie moderne, il est des instants ou la Constitution et la loi doivent jouer leur rôle d'incitation et d'innovation, bref de réforme de la société et du droit.

Qui pourrait sérieusement craindre, par ce biais, une assimilation des femmes à une quelconque minorité ? Ne sont-elles pas plutôt aujourd'hui cette minorité silencieuse alors qu'elles représentent plus de la moitié du corps électoral ? Serait-il plus infamant de se voir reconnaître un droit par la Constitution, organisé par la loi, que de n'être rien, parce que l'on n'est nulle part ? Car, si cette réforme répond davantage à un objectif politique qu'à la recherche d'un calcul arithmétique, n'oublions pas que la


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loi de la démocratie, c'est aussi celle de la majorité et du nombre, et ne pas exister en nombre suffisant revient à ne pas exister du tout.

Y a-t-il une meilleure solution que celle ouverte par ce projet de loi constitutionnelle ? Le choix politique qui consisterait à attendre l'évolution normale des moeurs et des usages reviendrait à mons ens à accepter l'inacceptable : une démocratie du

XXIe siècle privée de l'apport de la moitié de l'humanité.

Soit une démocratie inachevée, en décalage avec le pays réel.

Penser que les femmes sont capables, dans notre société actuelle, d'être élues sur leur seul mérite nous conduit à une interrogation : pourquoi ne sommes-nous pas 250 dans cet hémicycle ? Confier aux seuls états majors politiques le soin d'évoluer vers cette parité conduirait à une nouvelle conception du pouvoir octroyé, et l'on accepterait du pouvoir politique ce que l'on refuserait de la Constitution.

Pour toutes ces raisons, la révision constitutionnelle est évidemment le meilleur choix.

Pour autant, le projet présenté, qui prévoit que la loi

« favorise l'égal accès des femmes aux mandats et aux fonctions » est-il adapté ? Ce texte prône une simple intention politique puisqu'il retient le terme « favoriser », qui est ambigu, de faible portée juridique, et qui ne préserve pas les textes à venir de la sanction éventuelle du juge constitutionnel.

Il eût été préférable de considérer que la loi « assure » ou « peut assurer » ou « détermine », pour donner toute sa force et son sens à ce texte, car il est important que le pouvoir constituant exerce là pleinement ses responsabilités et adopte la rédaction la plus appropriée.

Si l'on peut penser que cette ouverture constitutionnelle servira une approche nouvelle de l'ensemble des conditions économiques et sociales permettant une participation plus importante des femmes à la vie politique, ce qui justifie le rattachement du texte à l'article 3 de la Constitution, nous aurions souhaité connaître davantage les premières applications de ce projet en termes politiques. Rien ne serait plus pervers, en effet, que de réunir le plus large consensus sur un principe pour en détourner aussitôt l'esprit à des fins partisanes ou politiciennes.

Bien que vous nous ayez apporté quelques réponses, nous aurions aimé, madame la ministre, que vous soyez plus explicite sur l'évolution législative à venir dans ce domaine, notamment en matière électorale.

J'ai noté dans votre intervention la référence à un projet de loi concernant le financement des partis politiques, et je vous demande d'ores et déjà que les forces politiques soient largement consultées et étroitement associées, car ce sujet intéresse l'ensemble de la classe politique. Nous ne saurions en effet totalement adhérer à un texte sans en connaître les intentions véritables. Je vous remercie cependant à nouveau d'avoir ébauché la présentation de ce texte, relayée par Mme Péry.

On peut en tout cas adresser au présent texte un reproche. Car l'avenir des femmes en politique n'est pas un combat de pure forme. Il s'agit de choisir entre une démocratie inachevée et une démocratie restaurée, et ce débat est au coeur de l'évolution de la société tout entière. Il est clair, à un moment où l'on ressent avec une telle acuité la nécessité de réhabiliter le politique, que, si l'on veut contrer la montée des extrémismes qui menacent notre démocratie, cela passe par un rôle nouveau joué par les femmes, qui apporteront sans doute au débat politique plus de pragmatisme, ainsi qu'un vision différente.

C'est dans un souci de modernisation de la vie politique mais aussi d'émergence d'une nouvelle culture politique que s'impose aujourd'hui cette démocratie plus participative, plus contemporaine. Redonner du sens à la vie politique, c'est redonner du pouvoir aux Français et aux Françaises, c'est leur donner plus de liberté, plus de responsabilité.

Le groupe Démocratie libérale votera donc ce texte, qui est la victoire de la modernité, et le résultat de l'action de l'ensemble des associations qui militent depuis toujours pour la parité, et auxquelles je rends hommage.

Les faits ne précèdent pas toujours le droit et la volonté politique est ici la plus belle expression d'une démocratie en phase avec son temps.

Dire oui à ce projet, c'est faire confiance aux femmes en politique, comme on leur fait confiance aujourd'hui sur les plans professionnel, social, familial et personnel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Pas suffisamment !

M. le président.

La parole est à M. François Colcombet.

Mme Odette Grzegrzulka.

Le premier homme de la soirée !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Il y en a eu d'autres !

M. François Colcombet.

Après l'intervention de M. Julia, je serai le premier homme à m'exprimer en faveur de ce texte dans la discussion générale.

M. François Colcombet.

Le pays des droits de l'homme n'est manifestement pas celui du droit des femmes, et cet état de choses, ne nous le cachons pas - nous, les hommes, en particulier -, prend racine dans une longue tradition et reste ancré au plus profond de nous.

La loi salique et l'attitude de l'Eglise n'y sont certainement pas étrangères. Toujours est-il que le grand mouvement de revendication intellectuelle de la Renaissance s'est achevé, au

XVIIe siècle, par une remise au pas bouff onne et autoritaire. Molière, souvenez-vous-en, fut applaudi quand il proclamait que les hommes devaient s'occuper des affaires et que les femmes devaient retourner aux fourneaux. Et ce n'est pas un hasard si l'Académie française, créée en 1634, s'oppose encore aujourd'hui à l'évolution de la langue.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est honteux !

M. François Colcombet.

Cette académie qui a raté Mme de La Fayette, George Sand et Colette, et qui a eu tous les ducs, tous les cardinaux, Pétain et Maurice Druon (Rires sur les bancs du groupe socialiste), pourrait nous expliquer non seulement pourquoi il est interdit de mettre au féminin les noms de métier ou les titres, mais aussi pourquoi une « grande femme » n'est pas le symétrique d'un « grand homme », et pourquoi l'expression

« homme public » est valorisée, alors que celle de « femme publique » est plus que péjorative. (Rires.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Merci pour nous !

M. François Colcombet.

Les femmes aux fourneaux mais, même chez elles, dans la famille, elles ont longtemps été tenues en brassière. Le code civil de 1804,


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pourtant égalitaire, les maintenait pour le droit des successions sous la tutelle étroite de leur père, puis de leur mari. Le régime dotal, vous le savez, a été, jusqu'aux années 50, le régime matrimonial de la bourgeoisise. Les biens destinés à l'épouse étaient gérés par le mari sous le contrôle étroit du père de celle-ci. L'adultère de l'homme, bien entendu, était considéré comme beaucoup moins grave que celui de la femme, celui-ci étant puni bien plus sévèrement par le code pénal. Le mari pouvait même faire incarcérer son épouse. Quant aux rapports avec les enfants, ils étaient régis à l'aune de l'autorité paternelle : la femme n'exerçait cette autorité, toujours paternelle, que lorsqu'elle était veuve, mais on lui adjoignait prudemment un conseil de famille.

Bien entendu, il y a eu des protestations, il y a eu des provocations, et cela a permis aux conservateurs de tout poil - il y en a encore quelques-uns parmi nous - de traiter les suffragettes comme d'autres avaient ridiculisé leurs arrière-arrière-grand-mères en les traitant de « précieuses ridicules ». Néanmoins, le problème était posé.

Vous savez que, en 1919, la Chambre des députés a voté un texte de principe favorable aux femmes, mais, en novembre 1922, le Sénat, déjà là, toujours là, refusait de passer à la discussion sur le suffrage des femmes.

Mme Yvette Roudy.

Ils avaient peur !

M. François Colcombet.

Nouvelle tentative en 1922.

On la doit à un député de Lyon dont le nom mérite d'être cité : Justin Godart. Parmi les signataires, il y avait Ferdinand Buisson, Paul Boncour et Léon Blum.

Mme Odette Grzegrzulka.

Gloire à eux !

M. François Colcombet.

Ce dernier s'était abstenu en 1919, mais il nommera néanmoins trois femmes secrétaires d'Etat dans son gouvernement.

Mme Yvette Roudy.

Et ce n'étaient pas des juppettes !

M. François Colcombet.

Le texte de Justin Godart mérite qu'on s'y arrête. Il proposait de ne donner le droit de vote et d'éligibilité aux femmes qu'à trente ans, au motif qu'elles étaient plus nombreuses que les hommes.

Malgré ces restrictions, ces précautions, cette proposition a fait long feu. Il faut attendre l'Assemblée consultative provisoire du 18 mars 1944, date à laquelle, grâce à l'obstination du résistant communiste Fernand Grenier, le Conseil national de la Résistance s'est enfin prononcé pour le vote des femmes. Et c'est le 21 avril 1944 que le général de Gaulle a signé l'ordonnance concrétisant ce droit. La Constitution de 1946, on le sait, est précédée d'une déclaration qui affirme clairement l'égalité de l'homme et de la femme dans tous les domaines. Hélas, nous sommes en France. Malgré des textes excellents, les traditions détestables sont solides. Le texte constitutionnel sera compris et appliqué comme ne nécessitant un équilibrage des droits que dans la sphère privée, dans la famille, c'est-à-dire près des fourneaux.

Il est exact qu'en cinquante ans le droit positif de la famille a évolué de façon plus égalitaire : régimes matrimoniaux, divorce, filiation, passage de l'autorité paternelle à l'autorité parentale conjointe. Nous avons beaucoup fait, au point que certains secteurs semblent inconsidérément abandonnés aux femmes, ce qui n'est ni convenable, ni juste. Un exemple : en matière de droit de la famille, la pratique des tribunaux est trop souvent de faire siéger des femmes, si bien qu'il va falloir se donner les moyens d'imposer la présence obligatoire d'un homme dans ces formations qui n'intéressent pas que les femmes, mais la famille et les enfants.

Ceux qui feignent de croire qu'il est possible que les femmes acquièrent enfin les droits auxquels elles ont droit sans textes se trompent. Mais il est vrai que le texte que nous allons voter ne dispensera jamais les hommes de changer leur comportement, ni les femmes de continuer leur lutte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Avant de donner la parole à Mme Marie-Jo Zimmermann, je tiens à faire remarquer que j'ai un grand privilège ce soir, car la parité hommesfemmes est assurée dans l'hémicycle.

M. Michel Crépeau.

Parce que c'est vous qui présidez !

Mme Yvette Roudy.

Vous êtes un bon président !

M. Jean-Luc Warsmann.

Vous n'avez pas toujours dit ça !

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas vraiment la parité : 30 % d'hommes, 70 % de femmes !

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cinquante-quatre ans après la reconnaissance du droit de vote des femmes par le général de Gaulle, comment ne pas regretter que nous soyons obligés, à l'aube du

XXIe siècle, de modifier la Constitution pour inscrire le principe de l'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions et mandats électifs ? C'est en quelque sorte l'aveu d'un échec.

La France est au soixante-douzième rang mondial et à l'avant-dernier rang au sein de l'Union européenne, avec 10,5 % de femmes parmi les députés et 5,9 % parmi les sénateurs.

Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une révision de la Constitution est devenue nécessaire afin de provoquer les évolutions trop longtemps attendues. En novembre 1982, le Conseil constitutionnel a en effet annulé une disposition selon laquelle aucune liste ne devait comporter plus de 75 % de candidats du même sexe. Un des principaux motifs de la décision du Conseil constitutionnel était le risque de créer une législation particulière à une catégorie de Français.

Il est temps, dès maintenant, de dire clairement et solennellement que les femmes ne sont pas une catégorie de citoyens, mais qu'elles forment une des deux composantes de l'humanité. A ce titre, elles sont absolument égales en dignité du point de vue des droits et de la représentativité.

Si la révision constitutionnelle qui nous est soumise aujourd'hui ne réussissait qu'à mieux enraciner cette évidence dans notre culture, elle serait déjà justifiée.

Avant d'aborder les mesures incitatives en faveur d'une parité effective, il me semble nécessaire de rappeler les données du problème.

Si les femmes sont aujourd'hui sous-représentées dans la vie publique, ce n'est pas le fruit du hasard ou celui du simple choix des électeurs, c'est au contraire la conséquence d'une pesanteur sociologique héritée d'un long passé.

Sous l'Ancien Régime, les femmes étaient exclues de la plupart des secteurs de la vie publique. La Révolution de 1789 a certes démocratisé la société mais elle n'en a pas moins laissé les femmes à l'écart en leur refusant le droit


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de vote. De même, si, en 1848, le suffrage censitaire a été remplacé par le suffrage universel, ce n'était encore qu'une demi-universalité dans la mesure où les femmes en étaient exclues.

Elles ne sont devenues des citoyennes à part entière en obtenant le droit de vote qu'en 1944, et c'est au général de Gaulle qu'elles le doivent.

Presque au même moment, en 1945, une autre étape importante a été franchie avec la création de l'ENA pour le recrutement de la haute fonction publique. Créée par Michel Debré, ce fut la première grande école ouverte aux femmes, qui furent mises sur un pied d'égalité avec les hommes. Michel Debré a rappelé les difficultés auxquelles il fut confronté lorsqu'il prit cette décision : « Je me vois encore dans la grande salle de Matignon, l'annonçant à tous les responsables réunis... Un silence suivit. Je présentai un exposé des motifs. A quoi bon ouvrir les universités aux jeunes filles si on leur refusait tout débouché ? Est-il raisonnable, quand on connaît la qualité de nombre d'entre elles, de n'offrir à leur zèle que des emplois de second ordre ? En quoi le travail des administrations centrales, du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes est-il incompatible avec l'état de jeune fille, de femme mariée, de mère de famille ? ».

Dès lors, le chemin d'une évolution irréversible était tracé. Partout dans la vie familiale et professionnelle, dans la vie personnelle et sociale, les femmes ont conquis, parfois rapidement, parfois difficilement, des droits égaux à ceux des hommes.

Nous sommes fiers du chemin parcouru et fiers de la part que les gaullistes y ont prise tout au long des dernières décennies, sous les gouvernements de Georges P ompidou, de Jacques Chaban-Delmas, de Jacques Chirac, d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé.

Les grandes dates de la promotion des femmes rappellent a contrario avec une lumière crue ce qu'était naguère, il y a encore bien peu de temps, leur condition dans notre pays.

C'est pas à pas que l'égalité des droits en matière civile et que l'accès à toutes les responsabilités, professionnelles et sociales ont été reconnus.

En 1965, sous le gouvernement de Georges Pompidou, les femmes ont acquis le droit d'exercer une activité professionnelle sans l'accord de leur mari.

En 1967, une loi votée à l'iniative de Lucien Neuwirth autorise la contraception.

En 1970, sous le gouvernement de Jacques ChabanDelmas, l'autorité paternelle est remplacée par l'autorité parentale et, en 1972, le principe « à travail égal, salaire égal » est voté.

En 1975, sous le gouvernement de Jacques Chirac, le divorce par consentement mutuel est voté, ainsi qu'une loi interdisant toute distinction de traitement entre hommes et femmes dans la fonction publique.

La même année, une nouvelle législation sur l'interruption volontaire de grossesse et l'interdiction des discriminations à l'embauche sont votées.

En 1976, pour la première fois, une femme accède au grade de général dans l'armée, et la première promotion mixte des commissaires de police sort de l'école.

En 1993, sous le gouvernement d'Edouard Balladur, l'Ecole navale est ouverte aux femmes.

En 1996, sous le gouvernement d'Alain Juppé, une femme est nommée pour la première fois préfet de région, en Lorraine, région dont je suis issue.

Ainsi, la vie des femmes s'est beaucoup modifiée, et une nouvelle répartition des tâches au sein des couples fera encore évoluer la situation. Les femmes sont entrées dans la vie active, elles s'intéressent à la politique et participent très largement à la vie associative. Toutefois, leur place dans les fonctions de responsabilité est réduite. On constate en effet une contradiction croissante entre la participation des femmes à la vie de la nation et leur raréfaction dans la hiérarchie des responsabilités.

Dans le secteur privé, 25 % des cadres d'entreprise sont des femmes, mais seulement 5 % des cadres supérieurs. Dans le secteur de la santé, il y a 76 % de femmes mais 86 % d'infirmières, contre seulement 20 % de femmes médecins généralistes. Dans le secteur de l'éducation, les femmes représentent 65 % des enseignants de l'école primaire, mais seulement 10 % des professeurs d'université.

Les évolutions si profondes de la société auxquelles les gaullistes ont tant contribué ont donc été à l'origine d'avancées importantes, sans régler pour autant tous les problèmes. C'est néanmoins dans la vie politique que les difficultés et la sous-représentation des femmes sont les plus flagrantes.

N otre démocratie semble comme rétive, craintive d evant les femmes. Certes, des progrès importants doivent être soulignés dans les communes, où les femmes représentent 21 % des conseillers municipaux, et dans les conseils régionaux, où elles représentent 25 % des élus depuis les dernières élections. Ces chiffres nous donnent beaucoup d'espoir pour l'avenir de notre démocratie.

Toutefois, les femmes ne représentent encore que 7,6 % des maires, 10,5 % des députés, moins de 6 % des sénateurs et un peu moins de 8 % des conseillers généraux.

Il y a certes là un héritage historique, mais le passé n'explique pas tout. En effet, l'Espagne, avec 24,6 % de femmes au Parlement, et l'Italie, avec 11,1 %, font bien mieux que la France. Or ces deux pays ont pourtant le même passé religieux et culturel que nous. Mais ils ont pris des initiatives pour faire évoluer la situation.

Il serait donc fort hypocrite de regretter le manque de femmes dans la vie politique sans proposer des solutions pour y remédier.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est bien vrai !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Ce constat, nous l'avons tous fait sans aucun esprit de polémique. La réalité s'impose à tous et ne peut être jetée au visage des uns ou des autres.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Dès 1995, un observat oire de la parité, voulu par le Président de la République, a été mis en place par Alain Juppé et présidé par notre collègue Roselyne Bachelot. Le rapport remis à l'époque préconisait déjà des mesures d'accompagnement et une révision constitutionnelle. Un débat dans cet hémicycle a également été organisé par le Premier ministre en mars 1997.

Par ailleurs, au niveau international, la France a adhéré dès 1979 à la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Cette convention, ratifiée en 1983, autorise les Etats membres à prendre des mesures temporaires et spécifiques pour lutter contre les discriminations dans la vie publique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

C'est dans cette continuité historique et dans cette logique que nous examinons aujourd'hui une révision constitutionnelle qui, je le répète, est un pis-aller, mais ne peut plus être retardée.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

A ce stade, nous ne pouvons pas cacher nos interrogations et nos inquiétudes q uant aux arrière-pensées de l'actuel gouvernement.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Yvette Roudy.

Quelles arrière-pensées ? Expliquez-vous !

M. Bernard Roman.

Sans esprit polémique, avez-vous dit ?

M. le président.

Veuillez poursuivre, madame Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Je vais essayer d'aller jusqu'au bout de mon propos et vous verrez que je fais simplement allusion à ce qui s'est passé mercredi dernier.

Attaché au scrutin uninominal, qui garantit l'étroitesse du lien entre les électeurs et l'élu, notre groupe n'acceptera pas que certains s'appuient sur cette révision constitutionnelle pour modifier le mode de scrutin. Nous prenons acte des déclarations du Premier ministre...

Mme Odette Grzegrzulka.

Et du Président de la République !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ce n'est pas lui qui change le mode de scrutin !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Absolument ! Nous prenons acte, ai-je dit, des déclarations du Premier ministre. Rien ne serait plus condamnable que de cacher derrière la grande cause des femmes des tricheries politiciennes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Yvette Roudy.

Prouvez vos assertions !

Mme Odette Grzegrzulka.

Pas le RPR, pas ça ! Vous avez la mémoire courte !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Et vous peut-être encore plus courte !

Mme Yvette Roudy.

Parlez-nous plutôt de Juppé et de ses « jupettes » !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

J'évoquerai simplement le nom de Mme Cresson et j'arrêterai là la polémique.

Il doit être bien clair que, pour nous, la fin, fût-elle aussi noble que la place des femmes dans notre vie politique, ne saurait justifier des moyens peu républicains.

Mme Yvette Roudy.

Elle nous fait la leçon !

Mme Marie-Jo Zimmermann.

La voie des quotas ou celle du financement modulé selon un coefficient de parité, c'est-à-dire selon le nombre de femmes élues, suscitent bien des craintes et bien des questions que, le moment venu, nous examinerons avec le plus grand soin.

Rien ne serait pire pour nous les femmes, rien ne serait plus dangereux pour notre communauté nationale tout entière, que d'assurer une fausse promotion des femmes en bafouant nos principes républicains.

En conclusion, je voudrais dire que le groupe du RPR votera le projet de modification constitutionnelle qui nous est proposé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Nous formons le voeu que cette déclaration proclamée avec tant de force dans notre loi fondamentale provoque enfin une vraie prise de conscience des responsables politiques de notre pays, qui, s'ils en ont vraiment la volonté, peuvent par leurs décisions et leur exemple aider les mentalités et les comportements à évoluer profondément.

Mme Yvette Roudy.

En tout cas, ce n'est pas votre exemple qu'ils suivront !

Mme Odette Grzegrzulka.

Langue de bois ! Bouillie pour les chats !

M. Robert Lamy.

Mais taisez-vous donc ! C'est incroyable !

M. Richard Cazenave.

Quel spectacle nous donnezvous là !

M. le président.

Madame Zimmermann, veuillez conclure, je vous prie.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mais si cette révision constitutionnelle ne se suffisait pas à elle-même, elle ouvrirait la voie, certes étroite et difficile, à la contrainte et à la ferme incitation.

Sachons vraiment utiliser la chance que nous donne cette révision constitutionnelle pour que la représentation des Français - tous les Français, hommes et femmes soit, comme le souhaitait à Rennes, le 4 décembre dernier, le Président de la République, « à l'image de la France ». (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je veux d'abord dire ici ma profonde satisfaction de voir soumise au débat et au vote de l'Assemblée nationale une proposition défendue depuis plusieurs années déjà par le groupe communiste et apparentés.

C'est aussi avec une certaine fierté que j'interviens sur cette question décisive de l'égalité des femmes, cinquantequatre ans après que le droit de vote leur a été accordé par le gouvernement du général de Gaulle sur proposition du député communiste Fernand Grenier, dans l'esprit du Conseil national de la Résistance. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) C'est une grande réforme pour la France et un honneur pour la gauche que d'accéder enfin à cette demande portée par une majorité de Françaises et de Français.

L'opinion de notre pays montre ainsi que, par-delà ses doutes, elle n'a pas renoncé à se reconnaître davantage dans ses représentants, qu'elle n'admet pas une délégation de pouvoirs qui tient parfois de la confiscation et qu'elle n'abandonne pas ses espoirs vis-à-vis du « politique ».

Pour réussir le changement attendu par les Françaises et les Français, la gauche plurielle se doit en effet de marquer un vrai pas vers l'égalité, particulièrement dans cette vie politique où elle fait le plus manifestement défaut.

Il est temps de provoquer une avancée qui soit à la mesure de la place que les femmes ont conquise dans la société, du rôle qu'elles jouent dans la vie économique et sociale, de leur apport à la vie associative et locale, au mouvement social, à la vie culturelle et intellectuelle du pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

Modifier la constitution de la France, c'est y inscrire une volonté de la communauté nationale, lever une hypothèque et se fixer une obligation de résultat en matière de parité.

Je ne cacherai pas que cette notion de parité n'a pas rencontré d'emblée l'adhésion du parti communiste, pour la raison simple que nous y avons vu, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, notamment des femmes, le spectre des quotas et la marque d'un sexisme condescendant. On a également pensé pendant longtemps, et à tort, que l'évolution sociologique, matérielle et sociale, que l'évolution des moeurs entraîneraient naturellement - mécaniquement, dirai-je - une plus juste représentation des femmes dans la vie politique.

Le parti communiste, qui avait pris la décision, dès les années 20, de présenter des femmes aux élections alors même qu'elles n'avaient pas le droit de vote, et qui a été capable de faire élire au cours de son histoire de très nombreuses femmes...

Mme Yvette Roudy.

C'est vrai !

M. Robert Hue.

... en des périodes où il était bien le seul à le faire, était porté à croire que la force de la conviction et le mouvement de la société seraient suffisants pour dépasser les pesanteurs.

Force est de constater que nous étions trop optimistes : d'abord parce que les discriminations - de la disparité des salaires pour une même qualification à l'inégalité d'accès aux responsabilités de direction - ne sont pas vaincues dans la vie sociale, tant s'en faut ; ensuite et surtout parce que le pouvoir politique, avec des règles institutionnelles qui n'incitent pas au renouvellement, est bel et bien toujours dominé par les hommes.

Nous savons donc à l'expérience qu'il faut faire preuve de volontarisme. Certes, comme l'a déclaré Mme Catherine Tasca, la modification qui nous est proposée est une étape nécessaire, mais elle n'est pas suffisante. Elle ne garantit pas la parité, mais elle constitue un solide point d'appui pour progresser. Bien des dispositions seront désormais nécessaires pour atteindre cet objectif de parité qui s'est imposé par le combat des femmes, non plus comme une exigence, mais bien comme une évidence démocratique.

Inscrire dans l'article de la Constitution concernant la souveraineté nationale l'égal accès des femmes et des hommes aux divers mandats et fonctions est une avancée réelle mais, sans une profonde réforme des institutions, elle perdrait beaucoup de sa force de progrès.

Il faut donner la primauté à l'Assemblée élue au suffrage universel direct et, face à l'exécutif et à l'Union européenne, accroître les pouvoirs d'initiative, de décision et de contrôle de l'Assemblée nationale dont les membres, hommes et femmes, doivent être vraiment représentatifs de notre pays dans ses diverses catégories socio-professionnelles.

Etendre le scrutin proportionnel, limiter le cumul des mandats et adopter un véritable statut de l'élu - et de l'élue - sont des mesures urgentes et nécessaires pour rendre cet accès effectif.

On ne peut ignorer que les difficultés que rencontrent les femmes, à la fois pour exercer un emploi et éduquer les enfants, pour beaucoup dans un cadre monoparental, les empêchent souvent d'exercer tous leurs droits de citoyennes et d'élues. Le statut de l'élu - et de l'élue - se doit d'apporter les moyens et de créer les conditions de cette citoyenneté. Je note d'ailleurs que ces modifications des règles du jeu politique, qui figuraient dans les propositions de loi déposées par le groupe communiste, ont été retenues dans le rapport de l'observatoire de la parité, alors sous l'égide de Mme Roselyne Bachelot-Narquin et

Mme Gisèle Halimi.

Je constate qu'alors qu'elle s'apprête à voter ce premier pas - je le dis sans polémique - la droite aiguise déjà ses armes contre l'extension de la proportionnelle, alors que tout le monde sait que c'est le moyen décisif de garantir la parité.

Il ne faudra donc pas s'arrêter au milieu du gué. Le Gouvernement et la majorité doivent prendre leurs responsabilités en la matière.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il faudrait accorder vos violons !

M. Robert Hue.

Il ne faut pas renoncer devant les pressions de ceux qui veulent faire de la politique la chasse gardée d'une élite formée dans les grandes écoles et qui tirent avantage d'une représentation démocratique mutilée à bien des égards. Et puis nous savons tous que les droits c iviques et politiques sont indissociables des droits sociaux. Penser, vouloir un autre visage de la politique, c'est nécessairement agir, dans le même temps et avec la même énergie, pour une autre conception du travail et des rapports sociaux. A cet égard, l'application de la loi relative aux 35 heures, l'amélioration des conditions de travail, la lutte contre les discriminations salariales, le développement des services publics et de proximité, la création de nouveaux droits pour les salariés, la lutte résolue contre toutes les formes d'exclusion sont autant de leviers pour une meilleure participation des femmes à la vie publique.

Il me paraît tout à fait significatif de voir les femmes majoritaires dans les actions pour les 35 heures, pour l'enseignement - je pense notamment aux lycées et à l'action des jeunes lycéennes -, pour la dignité des chômeurs, des sans-logis, des sans-papiers. Elles savent pourquoi elles luttent. Des inégalités scandaleuses persistent dans tous les secteurs de formation et de qualification et pour tous les niveaux de revenus. Le chômage et la précarité touchent majoritairement les femmes.

Comment prétendre combattre ces ségrégations, faciliter l'accès des femmes aux responsabilités, sans engager une politique audacieuse de qualification, de rémunération et de création d'emplois ? Sans améliorer concrètement des conditions de vie dont on sait qu'elles sont toujours plus durement vécues pour les femmes, pas parce qu'elles seraient plus faibles, mais parce qu'elles sont au coeur de la tension entre le social et le familial ? Comment progresser sans développer à tous les niveaux des droits d'intervention qui fassent reculer le mépris et les discriminations, notamment dans l'entreprise, des droits d'intervention qui mettent l'exercice de la citoyenneté à la portée de chacune, de chacun ? Réciproquement, pour avancer dans toutes ces directions, il faut réhabiliter l'action politique, la rendre plus ouverte, plus accessible, plus citoyenne, plus à l'écoute, plus proche des réalités : il faut donc une représentation élective reflétant mieux la diversité et le mouvement de la société.

On ne sait que trop qui a intérêt à enfermer les femmes entre morale et maternité, entre cuisine et précarité !

Mme Danièle Bousquet et Mme Dominique Gillot.

C'est vrai !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

M. Robert Hue.

Dans une société toujours dominée par la rentabilité financière et le règne de la marchandisation, elles sont encore trop souvent une force d'appoint avec un salaire d'appoint, une main-d'oeuvre dont on utilise les responsabilités familiales pour imposer le temps partiel ou carrément le retour au foyer, mais que l'on n'hésite pas à faire travailler le week-end au nom de la sacrosainte raison du profit. Elles sont aussi force de travail domestique, appât publicitaire, bouc émissaire de l'échec scolaire et de la délinquance juvénile. Et je vous épargne les nouvelles formes d'esclavage - le mot n'est pas trop fort - imposées à certaines de celles que la pauvreté a poussées à l'exil dans notre pays.

Pour dire avec leurs mots ce qu'elles attendent de la politique et pour y imprimer leur spécificité, les femmes se doivent d'être plus nombreuses, ici comme dans tous les lieux de pouvoir.

On ne peut pas dire à leur place la somme des souffrances et des humiliations, pas plus que la diversité de leurs expériences, de leurs espoirs et de leurs idées. Mais il faut entendre ce qui gronde.

Reconnaissons que, derrière les images d'Epinal qui sont données d'elles, c'est l'exploitation, l'exclusion et la culpabilisation qui leur sont imparties dans la triste distribution du libéralisme moderne. C'est ce carcan-là que leur accession massive aux postes de responsabilité peut contribuer à briser. Et c'est l'intérêt de la société tout entière que d'y aider !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, rapporteur.

Absolument !

M. Robert Hue.

Quand on dit que les hommes auraient peur de perdre leurs privilèges dans ce pari, sans doute faut-il voir de plus près de quels privilèges il s'agit.

Car sur le terrain politique et social, je pense que les hommes n'ont rien à abandonner : ils ont tout à gagner ; ils ont à s'enrichir de l'altérité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai !

M. Robert Hue.

De cet enjeu-là, qui dessine les contours de la société de demain, on ne s'acquittera pas par l'arithmétique, le différencialisme sexiste ou les déclarations d'intention. Ce dont il s'agit, c'est de donner l'élan nécessaire pour combler un retard, un grave déséquilibre, qui tient, pour une part, à l'abstraction de notre tradition universaliste, mais qui lui fait perdre aujourd'hui beaucoup de sa crédibilité.

A la guerre des sexes qui semble succéder outreAtlantique à la guerre froide, une guerre où les tribunaux facturent en dollars les incapacités à vivre ensemble, il est grand temps qu'un pays comme la France invente, non pas un modèle, mais au moins un dessein démocratique qui favorise une citoyenneté active et solidaire, complète et donc mixte, à tous les niveaux de représentation et de décision.

Une citoyenneté dont on sait qu'elle ne se décrète pas, mais qu'elle se conjugue avec la dignité et le respect de la personne humaine : comme l'indique l'article 2 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont nous célébrons le cinquantième anniversaire, un « chacun » abordé « sans distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion ». A travers l'objectif de parité, c'est un grand chantier qui s'ouvre à nous parce qu'il concerne tous les domaines de la vie de notre société et de chacun des individus qui la composent.

Elle est, comme l'a dit Mme Geneviève Fraisse, « la tentative de joindre ce qui a été disjoint : l'universel et l'utopie ». Parce que les communistes sont pour les utopies concrètes, ils ne manqueront pas de propositions pour faire en sorte que cette démarche de parité dynamise l'ensemble des choix de la majorité de la gauche plurielle.

Tout en voyant bien les étapes franchies grâce aux luttes des femmes par des conquêtes majeures - je pense n otamment à l'interruption volontaire de grossesse - jamais depuis cinquante ans, à ma connaissance, notre assemblée, et bientôt le Congrès, n'auront marqué depuis cinquante ans, de manière aussi significative, une volonté solennelle en faveur de l'égalité.

Nous ne pouvons pas mesurer aujourd'hui la portée de cet acte et de ce qui en découlera. Mais on peut y voir un point d'appui pour un changement profond de la vie politique.

Nous accomplissons cet acte avec confiance et avec enthousiasme parce que, quand cet acte symbolique aboutira à sa pleine concrétisation, nous trouverons enfin dans la vie politique la stimulante dualité qui existe dans la réalité de notre société, une société de femmes et d'hommes que nous voulons libres, associés et égaux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est des moments dans la vie d'un parlementaire qui sont empreints d'une réelle solennité.

Aussi dois-je remercier mes collègues de l'UDF-Alliance et le président du groupe, Philippe Douste-Blazy, de m'offrir aujourd'hui l'honneur de m'exprimer devant vous sur un texte qui revêt à nos yeux une importance toute particulière.

En effet, je mesure les combats menés et le chemin parcouru pour arriver à la présentation au Parlement du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes.

L'égalité est gravée aux frontons de toutes nos mairies aux côtés des mots si nobles de « liberté » et de « fraternité ».

Aujourd'hui, il est question de parfaire cette égalité - vaste et ambitieuse intention, pourtant si mal appliquée dans notre société et plus particulièrement à l'adresse des femmes dans le domaine politique.

Je ne m'attarderai pas sur les causes pourtant nombreuses et parfois historiques qui nous conduisent à cette situation. Une anecdote fixera mieux les choses.

J'interrogeais ce matin l'un de mes amis : « Sais-tu, lui demandai-je, de quand date la possibilité pour une femme d'exercer une activité professionnelle sans l'autorisation préalable de son mari ? » Après quelques moments d'hésitation, il me répondit : « Sans doute à la fin du

XIXe siècle. » «

Que nenni, mon cher ami ! Que nenni ! Cette loi date de 1965 ! » Vous vous souvenez sans doute de l'année 1965 : France Gall gagne le concours de l'Eurovision et le tunnel du Mont-Blanc reliant l'Italie à la France est inauguré. Tout cela n'est pas si loin ! Je n'insisterai pas non plus sur les chiffres désormais connus de tous. En revanche, permettez-moi d'insister sur les conséquences de l'absence des femmes en politique qui contribue beaucoup plus qu'on ne le croit au décalage entre la société civile et la classe politique à laquelle nous appartenons. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs.)

Personne ne peut douter de nos convictions, ni du sens de notre engagement, ni encore de notre volonté individuelle de contribuer à une société meilleure. Mais ce


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

décalage persistant entre la réalité que nos concitoyens perçoivent tous les jours, notamment dans leur vie professionnelle, et notre monde politique leur permet légitimement de s'interroger sur notre sincérité de mieux les représenter pour mieux les écouter et les servir.

Souvent, je m'interroge sur cette fonction de représentation, et je suis certain de ne pas être le seul. Individuellement, nous sommes tous volontaires pour un réel c hangement. Malheureusement, collectivement, nous reculons souvent devant l'ampleur de la tâche. Car, audelà de la simple égalité entre les hommes et les femmes en politique, il faudrait s'attaquer à la modernisation de la vie sociale et économique de notre pays. En effet, l'égalité entre les hommes et les femmes passe d'abord par l'égalité socio-économique.

S'il est aujourd'hui d'abord question de la représentation politique, nous devons, mes chers collègues, nous engager davantage dans la modernisation de la vie politique afin de réduire le fossé qui nous sépare de la société civile.

Aussi, il est heureux qu'un premier pas puisse être franchi ce soir avec l'examen de ce projet de loi constitutionnelle.

Revenons quelques instants sur la place des femmes dans notre sphère politique - je pourrais dire le peu de place, tellement les chiffres sont affligeants. Encore une fois, nous les connaissons, et personne en la matière n'a le droit de donner de leçon à quiconque, pas un parti politique plutôt qu'un autre. Et toute tentative de récupération démagogique par un parti politique me semblerait pour le moins déplacée.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Pierre-Christophe Baguet.

J'ai d'ailleurs approuvé l'analyse de notre collègue Catherine Tasca qui reconnaît, dans son rapport, que la situation particulièrement défavorable de son parti à la veille des dernières législatives lui a permis beaucoup plus facilement qu'aux autres de favoriser des candidatures féminines. Alors, soyons pour une fois modestes, puisque nous sommes tous responsables de cette situation.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous avons nos chances pour la prochaine fois !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Aujourd'hui, on nous propose une réforme de la Constitution pour favoriser l'égal accès des hommes et de femmes aux mandats et fonctions. C'est bien, mais est-ce suffisant ?

M. Bernard Roman.

Non !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Plus qu'une loi qui imposera, ce sont les moyens d'accès à l'égalité sociale et économique qu'il faut développer. Plus que cette loi, c'est la vie politique dans son ensemble qu'il faut modifier, avec un véritable statut de l'élu, de réelles procédures démocratiques de désignation des candidats et de nouvelles habitudes de fonctionnement des partis.

Mme Nicole Bricq.

Et en décidant le non-cumul des mandats !

M. Pierre-Christophe Baguet.

C'est à l'ensemble de la société civile qu'il faut permettre de participer à l'action publique. Et ce sont, aujourd'hui, les femmes qui sont les p rincipales victimes des nombreux obstacles qui se dressent sur leur route, à tous niveaux. Les chiffres de la haute administration, par exemple, parlent d'eux-mêmes.

Au 1er juin 1996, les femmes représentaient 7 % des directeurs d'administrations centrales, 10 % des recteurs, 6 % des ambassadeurs, 3 % des préfets, 5 % des souspréfets, etc.

Un article du Monde publié hier soir donne, à ce sujet, un éclairage tout à fait intéressant : vingt ans après, dans la promotion de l'ENA « Pierre Mendès France » de 1978, seulement trois femmes occupent aujourd'hui un poste à haute responsabilité. « Ces trois femmes n'étaient pas forcément les mieux placées au classement de sortie, mais elles étaient les plus pugnaces », dit l'une d'elles. Leur carrière a été un combat permanent. Mais, honnêtement, comment pourrait-il en être autrement lorsque celles-ci sont mises très tôt devant l'impossible dilemme de choisir entre leur vie de mère et leur épanouissement social ? Comment pourrait-il en être autrement lorsque, s'engageant dans cette double voie, pourtant fort légitime, elles se retrouvent face aux manques de places en crèche ou lorsque, si elles ont la chance d'avoir une place, elles se retrouvent prisonnières d'horaires rigoureux. Comment s'organiser avec des enfants qui ne sont scolarisés que 143 jours par an et face à un calendrier économique si décalé par rapport au calendrier scolaire ? Je ne passerai pas en revue tous les exploits quotidiens qu'on leur demande de réussir pour persévérer dans cette double voie socio-économique et personnelle. Chacun sait bien qu'une des solutions repose avant tout sur la souplesse et une plus grande liberté de la gestion individuelle, souplesse dans le temps et liberté de choix. Or, depuis dix-huit mois, le gouvernement socialiste semble s'acharner sur cette plus grande liberté nécessaire aux femmes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Catherine Génisson.

Vous aviez pourtant bien commencé !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Les attaques répétées contre la famille : réduction de l'AGED, diminution de la déduction fiscale pour les emplois familiaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , diminution du quotien familial, frappent directement les femmes. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. François Goulard.

Il a raison !

Mme Dominique Gillot.

C'est faux !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Il est assez paradoxal d'entendre aujourd'hui s'étonner de l'absence des femmes en politique les mêmes qui, au lieu de lever les obstacles, renforcent les contraintes.

Mme Nicole Bricq.

Hors sujet !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Comment les femmes pourraient-elles ajouter à leur course contre la montre quotidienne le temps nécessaire à la vie publique ?

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Il faudrait que les hommes soient un peu présents !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Je n'ose même pas aborder la situation d'une femme seule avec des enfants.

Mme Dominique Gillot.

Il faut que les pères s'occupent de leurs enfants !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Cessons là l'hypocrisie ! Et même si l'on accorde volontiers l'image d'une femme moderne à celle qui peut à la fois être un acteur économique et une mère ou une épouse, il y a des limites à l'exercice ! Cela étant, les réformes sociales et économiques nécessaires seront longues et le changement de mentalité probablement encore plus. Aussi la loi peut-elle et doit-elle être un début pour avancer vers cette égalité si attendue par nos concitoyens. Ce n'est pas l'idéal, mais le législateur doit parfois savoir stimuler la démocratie. En l'occurrence, un acte volontariste est maintenant nécessaire.


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L'Union pour la démocratie française a toujours été, sur ce sujet, en avance, avec les propositions de loi déposées dès 1996 par mes collègues Nicole Ameline, Gilles de Robien et Alain Ferry.

Mme Nicole Bricq.

Pourquoi n'avez-vous pas présenté des projets de loi ?

M. Pierre-Christophe Baguet.

L'Union pour la démocratie française de François Léotard et la nouvelle Union pour la démocratie française de François Bayrou aussi ! Cette Union pour la démocratie française qui se veut un parti résolument moderne comme on a pu l'entendre à Lille, il y a moins de quinze jours. Il faut aussi rappeler que le Premier ministre, Alain Juppé, l'avait souligné luimême à cette tribune lors de la déclaration du Gouvernement en mars 1997.

M. Bernard Roman.

Parlons-en !

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est peut-être pas le meilleur exemple !

Mme Catherine Génisson.

Les « Jupettes » !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Aujourd'hui, nous sommes au pied du mur et ce n'est pas parce que nous sommes dans l'opposition que nous changerons d'avis.

Modifier la Constitution n'est pas un acte neutre. Se fixer comme objectif d'aboutir à plus d'égalité entre les êtres est un acte louable dont il est impossible pour un Républicain de contester le principe. Mais, lorsque ce choix débouche sur des chemins dont on ne connaît pas précisément les issues, il y a objectivement matière à réflexion.

Ce projet de loi constitutionnelle mérite donc quelques précisions.

Premièrement, quels seront les calendriers et surtout le contenu des lois organiques ou non qui suivront ? Deuxièmement, ces lois ne devront pas servir d'alibi au statu quo des moyens. Aussi serait-il raisonnable de les limiter à une durée de dix ans et d'organiser alors un bilan objectif devant le Parlement de toutes les avancées sociales, économiques et politiques enfin réalisées.

Troisièmement, il faut que Gouvernement s'engage clairement à ne pas détourner l'objet de ce projet de loi constitutionnelle à des fins partisanes en imposant une modification des modes de scrutin.

Mme Catherine Génisson.

Cela a déjà été dit clairement !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Vous venez successivement, mesdames les ministres, de prendre un engagement déterminant en ce sens et je vous en remercie. Toutes ces questions sont essentielles. Elles méritent des réponses claires et précises du Gouvernement.

M. Bernard Roman.

Vous les avez eues !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Pour partie ! Comme l'a exprimé le Président de la République, j'aurais préféré personnellement un changement des mentalités, mais je ne me fais guère d'illusions. Face à une telle situation, je suis d'accord pour jouer la confiance collective de la parité, au moins pour deux législatures, car celui qui n'ose pas n'obient rien ! Or il est question aujourd'hui, au-delà des femmes, de l'intérêt général de notre pays tout simplement.

Dans cette logique, il serait peut-être opportun de réfléchir également à la modification de la loi de 1988 sur le financement des partis politiques. A fonds publics, contraintes publiques. Il serait sain d'introduire un troisième paramètre dans le financement des partis politiques q ui reposerait sur une meilleure représentation des femmes candidates. Certains parlent de femmes élues, mais restons dans le domaine du raisonnable.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Oh !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Le choix de l'électeur existe. Le peuple doit rester souverain. Cette réalité doit être prise en compte par le législateur. Il n'est donc pas envisageable de punir un parti parce que les électeurs auraient mal voté.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman.

Une obligation de résultat, pas de moyens !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Enfin, il reste un risque dont il faut s'affranchir rapidement et clairement : celui du communautarisme futur, dont on mesure aujourd'hui les effets pervers outre-Atlantique. A ce propos, on peut légitimement s'interroger sur la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982. D'un point de vue juridique, on peut considérer que celui-ci avait raison. D'un point de vue sociétal, cela reste discutable.

M. François Goulard.

Il juge en droit !

M. Pierre-Christophe Baguet.

On ne peut, en effet, considérer la femme comme une catégorie d'individus.

Car, que diable, les femmes ne sont pas une minorité, elles représentent plus de la moitié de l'humanité !

Mme Nicole Bricq.

Le diable n'a rien à voir là-dedans ! (Sourires.)

M. Pierre-Christophe Baguet.

A ce titre, elles méritent le plus naturel - j'insiste bien - le plus naturel des resp ects. Elles ne demandent pas l'aumône. Elles ne méritent aucune condescendance humiliante. Aussi, au nom du groupe Union pour la démocratie françaiseAlliance, j'exprime un oui à cette première étape nécessaire de la modernisation de la vie politique, un oui à cette égalité enfin gagnée, je l'espère, entre les femmes et les hommes, accompagné toutefois d'une vigilance affirmée sur l'exploitation ultérieure de cet engagement.

Je voudrais conclure, mes chers collèges, sur une image qui devrait convaincre les plus réticents sur l'avenir de notre représentation nationale, celle du Parlement des enfants qui, année après année, nous montre tant de visages féminins sur ces bancs. Ils sont l'avenir de notre démocratie et, croyez-moi, le Parlement des enfants, mes chers collègues, c'est le visage de la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui revêt une importance toute particulière et symbolique à mes yeux : depuis quelques semaines seulement, je suis la première femme à représenter ici le département des HautesPyrénées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Je considère que mon arrivée dans l'hémicycle est une reconnaissance pour les femmes que je représente. Pour autant, ce sont des idées politiques que je défendrai ici et non spécifiquement les femmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

Dans le département où je suis élue, la place des femmes dans la vie politique est significative de ce qui se passe un peu partout dans notre pays. Elles représentent 9 % du conseil général des Hautes-Pyrénées, 6,5 % des maires - en majorité dans les communes de moins de 500 habitants - et seulement 17 % des conseils municipaux. Les délégations qui leur sont confiées concernent l'enfance ou l'action sociale et rarement le budget, l'urbanisme ou les finances. Ici même, malgré des progrès récents, 90 % des députés sont des hommes. Nous sommes loin de la mixité dans les lieux de pouvoir. Nous sommes loin également de la politique et du modèle suédois en matière d'égalité des chances ! Nombreuses sont les historiennes, sociologues et politiques à avoir démontré les raisons de la sous-représentation des femmes dans la vie publique et surtout politique.

Je rappellerai brièvement l'héritage historique : le principe d'organisation de la société a privilégié le cantonnement des femmes à la sphère privée et domestique et beaucoup d'entre elles ont consenti à ce rôle qui leur était dévolu.

Mais l'héritage historique ne saurait, à lui seul, expliquer pourquoi les Françaises se tiennent en retrait de la vie politique alors qu'elles représentent plus de la moitié du corps électoral. Plusieurs facteurs expliquent, à mes yeux, pourquoi ce processus est en panne.

D'abord, le mode de désignation des candidats aux élections et le mode de scrutin constituent un frein considérable dans l'accès des femmes aux lieux décisionnels. Et si beaucoup de responsables des partis politiques trouvent cette situation inacceptable, aucune mesure concrète n'a été prise.

De même, l'organisation de la vie politique est un obstacle pour les femmes qui pratiquent la double journée : le temps libre n'est pas suffisant et le partage du travail à la maison n'a pas atteint le seuil de juste mixité. Cela repose une nouvelle fois la question du statut de l'élu.

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Enfin, le cumul des mandats ne favorise pas le renouvellement nécessaire de la classe politique et ne permet pas aux femmes qui le souhaitent de se présenter aux élections, ou alors elles sont cantonnées aux places de suppléantes.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il y en a qui deviennent députées comme cela !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

De ce point de vue, la limitation du cumul des mandats conjuguée avec des propositions concrètes visant à faciliter la vie quotidienne des femmes qui travaillent, en matière de garde d'enfants par exemple, me semble nécessaire.

M. Bernard Roman.

Excellent !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Qui, aujourd'hui, pourrait croire à une évolution naturelle et à une démarche spontanée ?

M. Jean-Michel Boucheron.

Personne !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Des sociologues ont calculé qu'au rythme de progression des femmes dans la vie publique depuis cinquante ans, il faudrait 500 ans pour arriver à la parité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Plus précisément 470 ans !

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Il semble donc nécessaire de fixer des contraintes, et par conséquent de légiférer.

On le sait, la loi ne peut intervenir en ce domaine sans un changement de Constitution. Faut-il pour autant prendre le risque de modifier la Constitution et de remettre en cause l'universalisme républicain, d'engager un processus susceptible de déboucher sur une législation spécifique pour chaque catégorie ? Dans son principe, comme dans ses modalités, la parité suscite ainsi débats.

Je réfute personnellement ces arguments : les femmes ne sont pas une « catégorie ». Je citerai Gisèle Halimi que j'ai plaisir à saluer dans les tribunes : « Les femmes ne constituent pas une catégorie mais, comme les hommes, elles les englobent toutes et les engendrent ». C'est pourquoi les radicaux de gauche sont favorables au projet qui nous est présenté et satisfaits de voir que la commission des lois a amélioré le texte initial.

Toutefois, cette réforme constitutionnelle ne serait qu'une coquille vide si elle n'était pas suivie d'une série de lois permettant d'atteindre effectivement la parité.

C'est à cela, madame la ministre, que vous vous être engagée. Pour cette démarche également, vous pouvez compter sur l'appui des radicaux de gauche. Nous pourrons ainsi, je l'espère, améliorer de façon significative la situation.

Soyons bien conscients toutefois que la lutte contre l'inégalité dans le domaine politique n'est qu'un des combats que nous devons mener parallèlement. Il faudra accompagner cette réforme de réponses adaptées sur le terrain de l'emploi par l'égalité des salaires, l'aménagement du temps de travail, la lutte contre la précarité et par des transformations de la vie quotidienne et sociale des femmes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme le Malraux des Antimémoires, je pense que

« les femmes sont la seule part raisonnable de l'humanité. »

Mme Nicole Bricq et

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ça commence bien !

M. François Goulard.

J'appartiens à une génération pour laquelle la mixité fut la règle dans les études et la vie professionnelle. J'appartiens à une génération où le partage traditionnel des rôles entre les hommes et les femmes dans la société s'est considérablement estompé par rapport à ce qui prévalait à l'époque de nos parents et de nos grands-parents. Autant dire que la place des femmes dans la vie publique, dans la vie politique me paraît anormalement peu développée. Le causes en sont d'ailleurs connues.

La première d'entre elles est le conservatisme foncier d'un monde politique où le jeu de chacun est de rester le plus longtemps possible au poste qu'il occupe jusqu'à un âge largement plus avancé en moyenne que dans la vie professionnelle. Joue également la lenteur du déroulement des carrières au cours desquelles il faut généralement franchir de multiples étapes, consacrée chacune par une élection à chaque fois plus sélective. Cela tient aussi aux conditions de la vie des femmes qui, encore aujourd'hui malheureusement, sont incontestablement moins disponibles que les hommes, en particulier lorsqu'elles ont des enfants.

Le souci de remédier à une situation qui n'est pas satisfaisante, qui nous distingue de la moyenne des autres pays est donc parfaitement naturel. En proposant une


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révision constitutionnelle, le Gouvernement a-t-il choisi le bon moyen ? J'estime que non, pour des raisons qui sont avant tout de principe.

Nous ne pouvons, et c'est parfaitement regrettable, nous prononcer directement, mesdames les ministres, sur les lois que projette de nous soumettre ultérieurement le Gouvernement, mais nous savons que la seule justification juridique de cette révision constitutionnelle est d'introduire dans notre législation une rupture de l'égalité des conditions d'accès aux mandats publics, rupture qu'interdisent les textes constitutionnels actuels.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est pour cela qu'on les change !

M. François Goulard.

C'est l'instauration de ce que l'on appelle une discrimination positive en faveur des femmes. Je suis résolument hostile, pour ma part, à toute discrimination, qu'elle soit négative ou positive, l'une entraînant d'ailleurs immanquablement l'autre.

L'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que les hommes, c'est-à-dire les femmes comme les hommes, « naissent et demeurent libres et égaux en droits ».

Mme Catherine Génisson.

Ça se saurait !

M. François Goulard.

Selon son article 6, tous les citoyens étant égaux aux yeux de la loi, ils « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ».

Au regard de ces principes sacrés, inscrits dans nos lois à une époque où jamais la clarté de l'expression n'a mieux servi la netteté de la pensée, y a-t-il aujourd'hui dans notre droit une seule loi, une seule disposition, un seul texte qui fasse obstacle à l'égalité d'accès des femmes et des hommes aux mandats publics ? La réponse est évidemment non.

Rien, dans nos textes, n'interdit à une femme de se déclarer candidat.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Nous avons bien fait d'applaudir avant.

(Sourires.)

M. François Goulard.

Rien, dans nos textes, n'interdit aux citoyens de voter pour elles. Rien, dans nos lois, n'interdit à notre société d'accroître la place des femmes dans la vie publique. Dès lors, ce ne sont pas nos lois qui sont en cause, mais nos comportements.

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Nous sommes d'accord !

Mme Nicole Bricq.

Il faut donc les faire évoluer !

M. François Goulard.

Ce que nous ne sommes pas capables de faire de nous-mêmes, aussi bien individuellement que collectivement, nous voudrions que la loi nous y contraigne. Pardonnez-moi de vous le dire, c'est une forme de pusillanimité. La loi n'est pas faite pour gouverner les moeurs. En prétendant nous imposer à nousmêmes, par la loi, de changer des moeurs que nouss erions incapables de réformer spontanément, nous commettrions une infraction à un principe fondateur de notre démocratie. Nous restreindrions la liberté des citoyens, nous porterions atteinte à leur égalité devant la loi.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

On l'a déjà entendu !

Mme Nicole Bricq.

Il a bien commencé, mais il va finir très mal !

M. François Goulard.

Nous aurions des élus qui seraient moins élus que d'autres, pour ne pas dire des élus ou plutôt des élues « par protection ».

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Oh la la !

M. François Goulard.

Les femmes, dans notre pays, ont subi...

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

N'importe quoi !

M. François Goulard.

Souffrez qu'on soit d'un avis différent du vôtre sur un sujet aussi sérieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Nous souffrons, en effet !

M. François Goulard.

Les femmes, dans notre pays, ont subi une discrimination grave, au regard de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il est bien d'habitude, M. Goulard ! (Sourires.)

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Il est rarement bien !

M. François Goulard.

... discrimination corrigée en 1944 en ce qui concerne le droit de vote et l'éligibilité.

Les effets de cette discrimination se font encore sentir plus de cinquante ans après. Je souhaite vivement que cette période s'achève, et je suis d'ailleurs convaincu qu'elle touche à sa fin. Il n'y a pas de raison objective p our que les évolutions culturelles qu'ont connues d'autres pays, sans le secours douteux de lois de discrimination, ne s'accomplissent pas en France.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Dans cinquante ans !

M. François Goulard.

Je n'accepte pas qu'on enfreigne le principe d'égalité devant la loi pour accélérer ce passage, car il s'agirait en vérité d'un dévoiement.

Mme Nicole Bricq.

Il finit très mal !

M. Bernard Roman.

Personne n'applaudit !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Feidt.

Mme Nicole Feidt.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le débat que nous conduisons sur la parité, ou mieux, pour répondre aux convenances du vocabulaire, sur l'égalité entre les femmes et les hommes revêt, quoi que puissent en penser certains, une signification toute particulière pour les femmes exclues de la vie politique ou sociale en raison de leur sexe.

Ce n'est un secret pour personne que le barrage sexiste existe dans toutes les couches de la société et qu'il est très lent à disparaître, même dans les organisations politiques, sociales ou philosophiques.

Certes, par notre vote, nous allons introduire dans notre constitution le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes. C'est là une démarche nécessaire, mais sans doute pas suffisante. Ce ne serait pas la première fois qu'un principe constitutionnel ou une règle normative inscrite dans une déclaration solennelle telle que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou la charte sociale européenne resterait lettre morte, faute de mesures d'application réelles et concrètes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

Une fois reconnu le principe d'égalité entre les femmes et les hommes, il faut passer aux mesures concrètes à introduire dans la législation et la réglementation. Les femmes attendent cela, non seulement dans la vie politique, mais aussi dans la vie sociale, syndicale ou associative.

Nous sommes en droit d'attendre du Gouvernement, au-delà de la défense et de l'approbation du texte qui nous est soumis, qu'il prenne clairement et fermement l'engagement de donner un contenu pratique et effectif au principe général qui va être inscrit dans la Constitution après le vote du Congrès du Parlement.

Des avancées ont déjà été réalisées. Les propositions de réglementer le cumul des mandats vont dans ce sens, mais elles devraient encore être renforcées, par-delà les difficultés politiques ou institutionnelles du moment, pour assurer une participation complète des femmes à la vie politique.

Dans plusieurs pays de l'Union européenne, la règle du non-cumul des mandats s'applique corrélativement à des mesures tendant à assurer la présence des femmes à tous les stades de la vie politique et représentative.

Le système des quotas s'impose dans un grand nombre de cas parce que la volonté sexiste de barrer l'accès aux fonctions représentatives effectives, et non exclusivement honorifiques, aux femmes multiplie les obstacles au fonctionnement normal de la démocratie.

Il en résulte que pour garantir le principe d'égalité entre les femmes et les hommes, il faudra bien passer par une réflexion et par des propositions tendant à assurer l'application de la règle de la parité, voire l'application de pénalités, si cela était décidé ! On voit bien que ceux qui ont voulu imposer le principe d'égalité plutôt que d'accepter la règle de la parité n'ont eu qu'une idée en tête : éviter que la parité n'entre dans les faits. En espérant sans doute que le Conseil constitutionnel saura, lors de l'élaboration des textes normatifs, privilégier l'égalité sur la parité. Il l'a déjà fait dans le passé. Pourquoi ne le ferait-il pas dans l'avenir ? Il appartiendra au Gouvernement et aux parlementaires d'éliminer le risque que présente une application restrictive, étroite, et pour tout dire rétrograde des principes constitutionnels dont la rigueur apparente ou la facilité interprétative l'emporte sur les nécessités de la vie politique et sociale.

Dans l'application du principe de parité, il faudra aller plus loin et veiller, bien au-delà de la lettre de la Constitution révisée, à garantir aux femmes l'exercice des responsabilités économiques, sociales et culturelles, lequel assure au principe constitutionnel d'égalité un contenu concret.

Il est frappant de voir que la quasi-totalité des postes de responsabilités dans les entreprises nationales et dans la fonction publique est exercée par des hommes. On ne fera jamais croire à un esprit simplement sensé qu'il n'y a pas de femmes pour exercer de telles responsabilités ! Chaque fois qu'une femme est nommée ou élue au Conseil constitutionnel, à l'Académie française, à la tête d'une juridiction ou simplement d'une administration, la n ouvelle est considérée comme exceptionnelle, alors qu'elle devrait être considérée comme normale, voire banale.

C'est vrai qu'il y a une révolution des mentalités à faire. On l'a bien vu il y a quelques années lorsque, à l'occasion d'un remaniement ministériel, sept femmes ont été remerciées d'un coup.

M. Patrice Martin-Lalande.

Et avant elles une femme Premier ministre...

Mme Nicole Feidt.

Par-delà le fait politique, il y avait là l'expression d'une mentalité qui doit disparaître. Nous attendons du gouvernement actuel, au-delà de la révision constitutionnelle, qu'il s'y emploie. Et nous savons que nous pouvons, hommes et femmes, compter sur lui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

M. Jean-Pierre Brard.

On la préfère à Mme Boutin !

M. Patrice Martin-Lalande.

Pas de fait personnel !

M. Jean-Pierre Brard.

C'est un plébiscite, madame Bachelot-Narquin !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Merci, monsieur Brard.

Mesdames les ministres, mesdames, messieurs, quand on interroge les responsables politiques français, il est impossible d'en trouver un qui ne verse des larmes de crocodile sur la quasi-absence des femmes des lieux de pouvoir.

M. Jean-Pierre Brard.

Ce sont des larmes d'eau bénite !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres. Tous et toutes les connaissent. Beaucoup les ont rappelé ici ce soir et l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes, dont Alain Juppé m'avait confié la tâche de rapporteuse générale, le 21 octobre 1995, a dressé le constat accablant de l'exclusion de la moitié de l'humanité de la sphère politique française.

Le remarquable travail animé par Gisèle Halimi, que je veux saluer ici avec amitié et reconnaissance, a fixé les origines historiques, philosophiques et religieuses de cette exclusion.

Les débats du 11 mars 1997, organisés à la suite de la remise de notre rapport à Alain Juppé, avaient éclairé la problèmatique et je vous renvoie à leur intéressante lecture.

Assez de pleurnicheries, des actes ! Faut-il espérer une évolution lente vers une féminisation présentée par certains comme inéluctable ? Je n'en crois rien.

La démarche volontariste du parti socialiste, lors des dernières législatives, est certes à méditer. Mais outre que le quota de 30 % de femmes avait été contesté de façon peu amène par des hommes furieux d'être mis sur la touche, le processus n'a amené que 18 % d'élues, preuve que les femmes avaient été mises généralement dans les circonscriptions les plus difficiles. La démarche avait aussi été facilitée par la défaite électorale subie en 1993. Il n' en sera plus de même lors des prochaines élections. Comment ferez-vous alors, lors de ces échéances, avec 82 % de sortants hommes ? Nous verrons !

M. Bernard Roman.

Nous continuerons le combat !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quant à la progression des femmes dans les conseils municipaux dont on nous rebat les oreilles, elle est due surtout au monde rural, tout simplement parce que les hommes ne veulent plus des responsabilités écrasantes et mal payées que représente le mandat d'un élu d'une petite commune.

Elle ne préjuge donc pas d'une quelconque évolution positive dans les sphères réelles du pouvoir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

Pas de femme maire d'une commune de 100 000 habitants, on vient de le rappeler. Très peu occupent les vrais postes décisionnels dans les équipes municipales : urbanisme, finances, action économique. On constate donc que s'il existe une petite amélioration, elle est très insuffisante et réversible à tout moment.

Devrions-nous alors nous tourner vers des mesures incitatives, dites encore mesures d'accompagnement ? J'en crois certaines utiles, d'autres profondément nocives. Au rang de ces dernières, à mon tour, j'épinglerai le scrutin de liste proportionnel présenté par certains comme la panacée, dans la mesure où tous les scrutins proportionnels - régionaux, municipaux et européens sont ceux qui voient le plus de femmes élues.

J'ai dit ce qu'il fallait penser du scrutin municipal.

Pour les deux autres, il est certain que la survenue récente des élections concernées a empêché la stratification des copinages et des situations acquises, d'autant qu'elles ne constituaient pas - tout au moins jusqu'ici - un véritable enjeu de pouvoir.

S'agissant des élections législatives, n'oublions pas que celles de 1986 se déroulèrent à la proportionnelle, sans améliorer le nombre de femmes députées.

M. Bernard Roman.

Si !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ce n'est donc pas la proportionnelle en elle-même qui féminise ou qui féminisera. Elle sera simplement un facteur de déstabilisation de nos institutions. Notre groupe s'y opposera de toutes ses forces et nous ne pourrons accepter de voir « instrumentaliser » les femmes dans ce débat.

M. Pierre Albertini.

Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Je prends acte des assurances qui viennent de nous être données par le Gouv ernement. Mais je n'oublie pas que M. Hue et Mme Voynet, lorsque nous les avons auditionnés devant l'Observatoire de la parité, avaient fait du scrutin proportionnel un corollaire obligé de la parité. M. Hue vient de le rappeler avec beaucoup d'honnêteté.

M. Bernard Birsinger.

Il a raison !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

En revanche, deux processus d'accompagnement sont indispensables : le statut de l'élu et le renforcement de l'interdiction du cumul des mandats - le plus strict possible, à mon avis. Certes, ni l'un ni l'autre ne sont en eux-mêmes susceptibles de féminiser. Nous l'avons bien vu avec les effets de la loi du 30 décembre 1985. Mais ce sont des mesures de modernisation capables de briser certains « clonages » dont les femmes ont fait les frais.

A l'évidence, puisqu'aucune amélioration notable ne saurait résulter de ces dispositifs, il nous faut nous résoudre à des mesures pudiquement appelées volontaristes ou, clairement, contraignantes, M'y suis-je résolue de gaieté de coeur ? Certes non ! Mais nous voyons bien aujourd'hui que la loi doit fixer les conditions de cette parité hommes-femmes que nous n'avons pu établir naturellement.

L'épisode malheureux de la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1982, annulant l'amendement du 27 juillet 1982 instaurant un pourcentage maximum de candidats d'un même sexe sur les listes municipales, mesure votée, je le rappelle, à la quasi-unanimité de l'Assemblée de l'époque, a montré la nécessité d'une réforme constitutionnelle préalable. Tous les constitutionnalistes interrogés par l'Observatoire de la parité, même ceux opposés à toute mesure de contrainte, en sont convenus.

Nous en sommes donc là. Que penser alors du texte de révision constitutionnelle qui nous est proposé ? J'aurais la tentation de le qualifier de « service minimum ». L'absence du concept de parité, mécanisme opérationnel de l'égalité, est regrettable. Le mot « favorise » est trop flou et ouvre la porte à des mesures de quotas inégaux et - ou - progressifs inacceptables.

Il convient donc de réécrire l'article unique de manière plus ferme en précisant qu'il s'agit bien des mandats et des fonctions politiques, sous peine d'entraîner des contentieux ingérables.

En revanche, la modification me paraît judicieusement placée à l'article 3 de la Constitution, celui relatif à la souveraineté du peuple, d'autant que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 novembre 1982, s'était fondé sur cet article.

Pour autant, on voit bien que cette modification peut n'être qu'une belle incantation de plus si elle n'est pas suivie de procédures opératoires précises. Et là s'ouvre toute une série de questionnements auxquels, madame la ministre, vous n'avez répondu encore que d'une façon incomplète.

Quelles lois allez-vous édicter ? J'ai déjà parlé du mode de scrutin pour insister sur notre refus, que vous partagez, de tout retour à la proportionnelle.

Allez-vous établir des mesures progressives, comme des quotas évolutifs ? Quel calendrier vous êtes-vous fixé ? C es mesures seront-elles transitoires, comme le recommande Olivier Duhamel ? Comment allez-vous instituer la parité dans les scrutins uninominaux ? Nous attendons les réponses à ces questions avec intérêt.

Mais je voterai, bien sûr, cette réforme constitutionnelle. Je me suis battue pour elle pendant tant d'années ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Elle est la clé que nous allons tourner ensemble pour ouvrir la porte du pouvoir politique aux femmes qui en ont été si souvent exclues.

Mme Nicole Bricq.

C'est une belle image !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Non, les femmes, je le répète après d'autres, ne sont ni une minorité ni une catégorie. La différence sexuée est fondatrice, et toutes les autres sont contingentes ou transitoires. L'universalisme voulu par les constituants de la Révolution française n'aura été au sens propre qu'un cache-sexe, une justification de l'exclusion des femmes de la politique.

Non, ces mesures ne sont pas déshonorantes pour les femmes ! D'ailleurs, les hommes se sentent-ils déshonorés d'accaparer 90 % des postes ? Nous n'en réclamons nous que 50 % ! (« Bravo ! » et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Pourtant, combien en avons-nous vu, des hommes potiches, des hommes alibis, des protégés des chefs, des amis des ministres ? Nous verrons peut-être demain quelques femmes « pots de fleurs » : ce sera peut-être là la véritable égalité. (Sourires.)

Oui, les femmes s'intéressent à la politique. Quand j'entends un élu me dire, avec un air faussement navré, qu'il a cherché des femmes pour constituer une liste mais qu'il n'en a pas trouvé,...

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Il n'a pas cherché !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... je lui rétorque que quand on fait une politique qui n'intéresse pas 50 % du corps électoral, soit on change de méthode, soit on rentre à la maison tailler ses rosiers. (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

Non, nous ne sommes ni moins compétentes, ni moins h onnêtes, ni moins bonnes gestionnaires que les hommes ! Il nous arrive parfois - pas toujours, mais parfois - d'être meilleures, même si nous voulons souvent faire de la politique autrement.

Cette réforme constitutionnelle sera donc un premier pas dans la voie de l'égalité réelle, mais seulement un premier pas. Tout reste à faire, non seulement ici au Parlement, mais aussi dans l'opinion publique, pour que la parité politique soit génératrice de parité dans la vie professionnelle, sociale et familiale.

Alors, seulement, nous serons vraiment la « précieuse moitié de la République ». (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

A vous entendre, madame, je comprends mieux que le Président de la République se soit rallié, certes un peu tardivement, au projet que nous allons voter ce soir.

M. Pierre Lellouche.

C'est le monde à l'envers, cher monsieur ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Paul.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mesdames, messieurs les députés, nous irons dans quelques semaines à Versailles, dans un lieu qui ne symbolise pas véritablement les progrès de la démocratie, mais où, dès octobre 1789, la parole publique des femmes, sortant d'un long silence, retentit et fut entendue.

Je voudrais à mon tour exprimer trois convictions qui placent la réforme d'aujourd'hui sur le terrain qui est le sien, celui des progrès de la démocratie politique.

Longtemps, c'est vrai, y compris dans nos rangs, à gauche, les efforts engagés et les combats menés pour la justice et pour la démocratie sociales, pour les droits nouveaux à conquérir dans l'entreprise ou dans la société - et c'était là l'urgence - ont occulté ou différé la volonté de faire progresser la démocratie politique.

Ma première conviction est que cette réforme offre une réponse à la crise de la représentation politique. Il est aujourd'hui de notre responsabilité collective, dans cette a ssemblée comme partout dans notre pays, de reconstruire un socle de confiance entre les Français et les institutions, entre les Français et la politique.

La critique de nos institutions ne porte pas seulement sur leur efficacité, leur moralité ou le spectacle qu'il leur arrive de donner, y compris dans notre assemblée. Elle porte aussi sur le reflet déformé que la représentation politique offre de la société. Elle porte encore sur l'écart entre le droit et les faits, entre les droits proclamés et la réalité des droits exercés. En excluant en fait, sinon en droit, les femmes de la représentation et de la décision politiques, nos institutions ont perdu et perdent encore en légitimité. Comment invoquer durablement et sans sourire, devant cette fiction, la souveraineté du peuple quand la moitié ou presque de celui-ci reste à l'écart des responsabilités ? Cette réforme, mesdames et messieurs, répond à une attente forte dans notre pays. Si la France a beaucoup gagné depuis quarante ans en stabilité constitutionnelle, elle doit encore gagner en vitalité démocratique. C'est l'un des enjeux de cette législature.

Notre tradition démocratique s'est peu renouvelée. Lese ngagements collectifs se sont affaiblis. Notre vie publique n'a pas, à l'évidence, tiré toutes les conséquences de l'élargissement aux femmes du suffrage universel. Leur venue en plus grand nombre dans l'espace public représente à mes yeux une chance de rompre avec ce désenchantement qui est la marque de notre époque.

Ma seconde conviction est que cette réforme ouvre l'un des chantiers majeurs de la modernisation de la vie publique.

Dans le contrat passé par notre majorité avec les Français au mois de juin 1997, il y avait le partage du travail.

Et ce fut la réduction du temps de travail. Il y avait aussi le partage du pouvoir, entendu comme l'accès aux responsabilités de femmes et d'hommes porteurs d'autres expériences et parfois aussi d'autres espérances.

L'égal accès des hommes et des femmes aux responsabilités publiques complète un édifice que nous sommes en train de construire ensemble, et dont Lionel Jospin a tracé les contours à cette tribune en juin 1997.

La limitation du cumul excessif des mandats en est l'une des autres pièces majeures : des élus plus disponibles, un débat public plus lisible, mais surtout une ouverture à des candidats renouvelant l'image de l'engagement citoyen et la conduite de projets collectifs.

L'addition de ces deux réformes provoquera une révolution tranquille dans nos moeurs politiques. Sans vouloir faire moderne à tout prix, faut-il renoncer à l'idée d'être de son temps ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Sûrement pas !

M. Christian Paul.

Ma troisième conviction est que la parité reste un combat.

Le terme est violent, trop guerrier peut-être. Mais s'il n'était pas nécessaire d'user de la contrainte pour faire progresser l'égalité des droits politiques, on aurait pu laisser faire les partis ou l'évolution de la société. Or l'on mesure le temps passé et le temps perdu depuis 1944.

Aussi ce combat ne sera-t-il pas gagné ce soir, même si la volonté de la loi constitutionnelle fera reculer nombre de résistances.

Comme nous l'avons fait à l'occasion du vote de la loi sur le scrutin régional, ce texte nous fait obligation de passer rapidement aux travaux pratiques.

Ce combat n'est pas gagné. Il est des conversions tardives qui ne peuvent faire totalement oublier les obstacles dressés, les arguments déployés ou les doutes exprimés encore aujourd'hui. Nous retrouverons sur le chemin de la modernisation de la vie publique ces mêmes oppositions. Nous verrons les mêmes conservatismes se coaliser.

En France, les changements institutionnels, les droits politiques ont toujours été gagnés à l'occasion de conflits ou de ruptures. Aujourd'hui, par un acte politique fort, au coeur du pacte républicain, nous faisons la démonstration que la modernisation de notre vie publique est possible en dehors d'une crise majeure et qu'elle n'est pas impossible, même si elle est rendue plus difficile en période de cohabitation. Que cette preuve soit apportée pour la cause des femmes est pour moi un motif de fierté que je souhaite partager avec vous toutes et avec vous tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, mesdames les ministres, chers collègues, je voudrais aborder ce débat sans démagogie ni naïveté, en essayant de souligner l'intérêt mais aussi les limites de la démarche qui nous est proposée.

Un constat, d'abord, que plusieurs orateurs ont déjà fait et sur lequel je n'insisterai pas : la faible participation des femmes à la vie politique dans notre pays est un échec, un échec de notre système politique au sens large, de notre système institutionnel et de notre démocratie. La place que les femmes occupent aujourd'hui en politique est indigne de ce qu'elles représentent dans la société civile, sur le plan économique, sur le plan familial, sur le plan culturel. Il y a donc un très grand décalage entre l'émancipation civile qu'elles ont conquise - il n'y a pas si longtemps, d'ailleurs, le XIXe siècle ayant été une parenthèse noire à cet égard - et leur accès aux responsabilités qui demeure beaucoup trop limité quels que soient les échelons, locaux ou nationaux.

Beaucoup de signes attestent le retard qu'a pris notre pays. Entre 1848, année où le suffrage universel a été reconnu aux hommes, et 1944, année où il l'a été aux femmes, il a fallu près d'un siècle, ce qui est beaucoup plus que dans la plupart des autres démocraties occidentales. Il est aujourd'hui plus difficile pour les femmes de réussir en politique, et j'oserai dire que souvent, lorsqu'elles sont sous le feu des projecteurs, elles font l'objet d'une plus grande sévérité...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

C'est vrai !

M. Pierre Albertini.

... qui rend sans doute l'exercice de leurs responsabilités plus délicat. Je me rappelle avec une certaine émotion le « lynchage médiatique », je reprends ses propres termes, dont Edith Cresson a été victime en 1991.

Plusieurs députées du groupe socialiste.

C'est vrai ! M. Pierre Albertini Je le dis sans ostentation, pour rappeler simplement les faits.

Les très modestes progrès qui ont été enregistrés, essentiellement au Parlement européen et dans les conseils régionaux, ne sauraient masquer les pans entiers de démocratie masculine qui subsistent dans notre pays. Je pense tout spécialement au Sénat et aux conseils généraux, dont la composition, en effet, rend plus difficile encore la percée des femmes en politique.

Les causes de ce décalage sont multiples : poids des traditions, influence de l'Eglise, droit romain, a dit M. Crépeau, loi salique, que sais-je encore ? Nicole Ameline a évoqué un autre facteur sur lequel je voudrais revenir : la conception même de la citoyenneté et de l'égalité qui était celle des révolutionnaires de 1789.

Oserai-je rappeler que la notion de citoyen à laquelle ils se réfèrent est purement abstraite ? Que la nation ellemême est une entité qui ne s'appuie pas sur la prise en compte des différences sociales et économiques, et qui priviliégie l'idée d'une égalité formelle ? Que le suffrage était censitaire en 1791 et qu'il a fallu attendre 1848 pour qu'il soit accordé à tous les hommes ? Les conséquences de cette conception expliquent en grande partie le retard que la France a pris pour reconnaître pleinement aux femmes leur rôle politique.

Un historien qu'on ne peut pas soupçonner de prévention à l'égard des femmes, Pierre Rosanvallon, a bien montré les différences qui existent entre la conception française et les conceptions anglo-saxonnes. Celles-ci sont beaucoup plus fondées sur l'idée de représentation des intérêts, sur l'acceptation des différences économiques, sociales ou culturelles. Ce sont des conceptions beaucoup plus utilitaristes que celle de notre pays, qui a voulu forger une notion de citoyen, peut-être un peu idéale et éloignée des difficultés réelles de la vie, mais qui était noble. C'est de cette noblesse que procède encore assez largement l'esprit de la République, qui doit insister beaucoup plus sur ce qui rassemble que sur ce qui divise.

L'esprit de la République implique donc l'universalisme. Or la démarche qui nous est proposée, et à laquelle l'Union pour la démocratie française adhère, laisse tout de même transparaître, en filigrane, quelques risques de différencialisme ou de catégorisation.

M. Pierre Lellouche.

Eh oui !

M. Pierre Albertini.

Sans doute les femmes ne sont-elles ni une catégorie juridique ni une catégorie électorale, nous en sommes bien d'accord. Mais on voit bien qu'en ouvrant cette porte, on aura, un jour ou l'autre, un débat sur d'autres critères que celui du sexe, sur l'âge ou l'origine sociale, pourquoi pas ? A titre personnel, je suis partisan d'une participation plus intense, plus forte, plus active des femmes en politique. Mais cette place doit être aussi acceptée et elle se conquiert beaucoup plus qu'elle ne s'octroie par la Constitution, la loi ou le décret.

Le combat pour une plus grande participation des femmes aux responsabilités politiques n'est du reste que l'un des aspects du combat plus général encore en faveur d'une plus grande diversité des élus, notamment sociale et professionnelle.

La clé de l'évolution, le président de la République l'a dit le 17 juin dernier, c'est naturellement l'évolution des mentalités. Des mentalités des hommes, d'abord, et notamment de ceux qui détiennent le pouvoir d'investiture dans les partis politiques. Mais des femmes aussi, qui doivent naturellement prendre leur place, toute leur place, leur juste place dans notre société politique.

Aucun pays, madame la garde des sceaux, ne s'est engagé dans le sens de la reconnaissance d'une stricte parité constitutionnelle. Le texte qui nous est proposé parle d'ailleurs d'assurer, de garantir, d'organiser, de favoriser - nous verrons quel terme sera retenu - l'égal accès des femmes et des hommes à la vie politique. C'est bien sûr une démarche infiniment préférable à une parité mathématique qui serait non seulement juridiquement impossible, mais également réductrice. Après tout, pourquoi ne pas imaginer un jour un Parlement qui serait composé de beaucoup plus que de la moitié de femmes ?

Mme Frédérique Bredin.

Qui peut le plus, peut le moins !

M. Pierre Albertini.

Je conclurai en relevant quelques ambiguïtés de ce texte.

Quel est son apport au regard du préambule de 1946 ? Sur le fond, cet apport vise surtout le Conseil constitutionnel, pas du tout le terrain des principes.

Mme Frédérique Bredin.

La parité veut se protéger !

M. Pierre Albertini.

Je rappelle en effet que le préambule de 1946 indiquait déjà : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, » - ce qui inclut naturellement les mandats et les fonctions - « des droits égaux à ceux de l'homme. » Le texte issu de la commission

: « La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions » n'apporte donc rien, je le répète, sur le plan des principes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

Bien plus, il faut en avoir conscience, la révision constitutionnelle aura des effets juridiques différés. Tout dépendra des textes qui nous seront présentés ensuite, lois ordinaires, lois organiques. Et comme l'a fait remarquer le doyen Vedel qui, lui non plus, ne peut pas être suspecté d'un parti pris anti-femmes...

Mme Frédérique Bredin et M. Jean-Pierre Brard.

Pourquoi ?

M. Pierre Albertini.

... aucun principe ne guide le législateur ultérieur, si bien que les lois que nous serons amenés à voter seront probablement soumises au contrôle du Conseil constitutionnel. La rédaction proposée garantitelle que le Conseil constitutionnel ne censurera pas ces textes ? Nous ne pouvons pas le dire aujourd'hui avec certitude. Le coefficient d'incertitude est assez fort.

En attendant ces lois que nous examinerons le moment venu, le véritable accélérateur, à mon sens, doit être celui du financement des partis politiques au moyen d'une réforme de la loi de 1988. Nous avons, avec quelques-uns de mes collègues, rédigé une proposition de loi qui sera très prochainement déposée et qui vise à créer dans la loi de 1988 une troisième fraction accordant une prime aux partis politiques présentant un plus grand nombre de candidates.

Mme Frédérique Bredin.

Non !

Mme Yvette Roudy.

Pas une prime à ceux qui le feront, un malus à ceux qui ne le feront pas !

M. Pierre Albertini.

Cet effet d'accélération me paraît essentiel. Il n'encourt, lui, à mon avis, aucune censure du Conseil constitutionnel. Ce serait, en tout cas, un moyen très pratique de braquer le projecteur sur la responsabilité de ceux qui détiennent la clé des investitures. Ce serait en même temps un moyen de respecter la liberté du suffrage, à laquelle nous sommes les uns et les autres très attachés.

M. le président.

La parole est à Mme Gilberte MarinMoskovitz.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on a beaucoup parlé d'évolution des mentalités. Alors, même si je vous prie de bien vouloir m'en excuser, la répétition est certainement utile.

Dans le domaine politique, la France, pays de l'universalité, a mis un siècle et demi pour accorder le droit de vote aux femmes. Il y a cinquante ans seulement, en effet, que les Françaises l'ont enfin obtenu, bien après les Néo-Zélandaises, en 1893, les Scandinaves et les Allemandes, en 1919, les Britanniques, en 1928, les Portugaises, en 1931, et les Turques, en 1933.

Aujourd'hui, la France demeure très en retard en Europe du point de vue de la présence des femmes dans les lieux de pouvoir et de prise de décision. Alors que les femmes constituent 54 % du corps électoral et 44 % de la population active, cette sous-représentation démontre combien le principe d'égalité formelle reconnu par le préambule de la Constitution de 1946 ne parvient pas à se concrétiser dans la réalité.

Le fait que la répartition des rôles entre hommes, sphère publique, et femmes, sphère privée, ait été longtemps considérée comme faisant partie de l'ordre naturel des choses explique très largement cette situation. D'ailleurs, la tentation est toujours grande, en période de crise, de renvoyer les femmes à la maison. Pendant les guerres, les femmes remplaçaient les hommes dans les usines ; mais, dès la guerre terminée, elles étaient priées de retourner dans leurs foyers. De même, il n'y a pas si longtemps, certaines avancées ont été remises en cause ; on nous a ainsi présenté la réduction de l'AGED comme un moyen très efficace de renvoyer les femmes à la maison.

Le poids de l'histoire, de l'idéologie, de la culture, les conditions économiques et sociales concrètes, le rapport des hommes au pouvoir constituent autant de freins et d'obstacles placés sur la route des citoyennes. Il s'agit donc d'abattre des barrières pour accéder à un nouvel âge de la démocratie.

En 1982, un amendement au texte de loi modifiant le code électoral et le code des communes présenté par Gisèle Halimi et ainsi libellé : « Les listes de candidats ne peuvent comporter plus de 75 % de personnes de même sexe », avait été adopté par la quasi-unanimité des membres des deux assemblées. Aucun recours contre cet amendement n'avait été déposé devant le Conseil constitutionnel. Cependant, ce dernier, saisi d'autres dispositions de la loi, l'a déclaré non conforme à la Constitution dans sa décision du 18 novembre 1982. Le Conseil constitutionnel a justifié sa décision par le fait que l'amendement aboutissait, selon lui, à une division des citoyens en « catégories ».

Par principe, la démocratie représentative transcende les intérêts particuliers en symbolisant l'ensemble de la collectivité nationale. Celle-ci est composée d'hommes et de femmes qui ne sont pas des êtres humains identiques, mais qui concourent ensemble et complémentairement à la pérennité de l'espèce humaine. Il leur appartient donc de concourir ensemble et complémentairement à la conduite des affaires de la cité.

Cette conception, qui représente une avancée du principe d'égalité dans le domaine de la vie publique, l'emportera parce qu'elle correspond aux niveaux de formation, au moins égaux entre les sexes, à l'évolution des moeurs et à la place acquise, ou en voie de l'être, par les femmes dans le monde du travail.

La lutte des femmes a fait bouger et changer les regards et les mentalités. A l'étape actuelle de l'évolution des mentalités, il est nécessaire de légiférer pour vaincre les forces d'inertie qui pèsent sur elles afin d'établir l'équilibre entre les hommes et femmes au plan de la représentation politique.

Le Conseil constitutionnel lui-même a, de façon constante, admis que le principe d'égalité n'était pas méconnu quand, à des circonstances de fait ou de droit différenciées, le législateur faisait correspondre des dispositions législatives différenciées. De même, l'outil législa tif est souvent utilisé pour limiter ou neutraliser les rapports de force trop déséquilibrés, notamment en matière de relations sociales, dans le droit du travail par exemple.

C'est par une action volontariste s'appuyant sur la loi, expression de la volonté générale, qu'il sera possible de faire franchir une étape historique à la démocratie dans notre pays en créant les conditions d'une réelle parité entre hommes et femmes dans les instances élues.

Dès 1994, les députés du Mouvement des citoyens, Jean-Pierre Chevènement, Georges Sarre et Jean-Pierre Michel, ainsi que Mme Taubira-Delannon, déposaient une proposition qu'ils estimaient de caractère constitutionnel. Dans son intitulé, il était bien précisé : « tendant à assurer un égal accès, par la parité, des hommes et des femmes aux mandats politiques ». Ils souhaitaient, dans le cas où un accord ne pourrait être trouvé au Congrès, que l'on recoure au référendum soit au titre de l'article 89 de la Constitution, soit au titre de l'article 11, s'agissant


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

d'un texte relatif à l'organisation des pouvoirs publics. Ils précisaient que la loi constitutionnelle serait complétée par une autre loi définissant, pour chaque mode de scrutin, les règles susceptibles d'assurer l'application effective du principe de parité introduit dans la Constitution.

En 1994, il n'existait pas encore de « fenêtre » parlementaire. Toujours est-il que cette proposition de loi n'est jamais venue devant l'Assemblée.

A travers une question posée à M. le Premier ministre, la semaine dernière, l'opposition a révélé sa peur d'être obligée de faire de la place aux femmes.

M. Pierre Lellouche.

C'est scandaleux de dire ça ! La manipulation politique est évidente !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Toutes les femmes de France ont encore en mémoire la valse des « Jupettes » et leur sortie du Gouvernement.

Le gouvernement Jospin compte, lui, 30 % de femmes.

C'est un signe fort pour les femmes de notre pays.

M. Richard Cazenave.

Bla, bla, bla !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

J'ose donc affirmer que la parité est une idée de gauche.

M. Pierre Lellouche.

Allons !

M. Richard Cazenave.

C'est ridicule !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Laissez-moi terminer !

M. Pierre Lellouche.

Ne trouvez-vous pas ce manichéisme un peu primaire, madame ?

M. Jean-Pierre Brard.

La droite est sexiste !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Cependant, je ne sens pas une volonté politique forte dans la rédaction du texte proposé. La formule : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions » est en retrait par rapport à celle qui figure déjà dans le Préambule de la Constitution : « La loi garantit, dans tous les domaines, l'égalité de la femme et de l'homme. »

Or « favoriser » n'est pas « garantir ». La révision de la Constitution ne ferait donc qu'autoriser l'adoption par le Parlement de lois permettant des actions positives en faveur des femmes.

Il faudra ensuite modifier les lois électorales. Dans combien d'années les assemblées élues compteront-elles autant de femmes que d'hommes ou simplement davantage qu'aujourd'hui ? Je voterai donc l'amendement proposé par la commission des lois et je souhaite vivement que la représentation nationale dans son ensemble vote le projet de loi constitutionnel, qui fera avancer la démocratie dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Roudy.

Mme Yvette Roudy.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, le projet de loi du Gouvernement que nous discutons ce soir se propose de modifier la Constitution pour permettre au législateur de prendre des mesures garantissant la participation des femmes à la prise de décision politique, et cela à parité. C'est ainsi tout au moins que j'ai choisi de comprendre les choses. Je sais qu'elles sont légèrement différentes. Je n'ignore pas que le terme de parité ne figure pas, hélas ! dans le texte. Mais l'important finalement - et c'est ce qui sera retenu - c'est qu'aujourd'hui, nul n'ignore que, plus de cinquante ans après l'obtention du droit de vote,...

M. Pierre Lellouche.

Grâce au général de Gaulle !

Mme Yvette Roudy.

... les Françaises se trouvent bonnes dernières dans le concert européen en matière de représentation politique.

Nous n'en serions pas là si, en 1789, les hommes de la Révolution n'avaient pas eu si peur des femmes. Le fait est qu'en entendant parler de liberté, d'égalité et de fraternité, les femmes se sentirent concernées et prétendirent participer à la Révolution en prenant part aux débats à l'Assemblée nationale, en portant les armes, en arborant la cocarde, symbole du pouvoir politique. Mais les hommes ne l'entendirent pas de cette oreille, ceux-là même qui surent faire rayonner aux quatre coins du Globe les grands principes des droits de l'homme. Et pour eux, l'expression, croyez-moi, désignait bien la moitié masculine de l'humanité (Sourires), le concept peu convaincant du fameux « sens générique » n'ayant pas encore été inventé.

S'appuyant sur la loi salique de Clovis, ils approuvèrent le député Amar qui proposait d'interdire aux femmes la sphère politique par voie législative. Incroyable arrogance, une seule moitié de l'humanité allait parler au nom de l'ensemble de l'humanité ! Ce texte d'exclusion fut adopté en novembre 1793 - la faute originelle date bien du 9 brumaire de l'an II - et fut plus tard consolidé par l'oeuvre de Napoléon.

C'est Olympe de Gouges, l'indomptable, dont on rappelait la mémoire tout à l'heure, qui, la première, et de belle façon, mit le doigt sur ce que j'appelle la bavure républicaine en ripostant à cette exclusion par sa fière Déclaration des droits de la femme et sa célèbre phrase :

« Si la femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit également avoir le droit de monter à la tribune. »

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme Yvette Roudy.

Pour ce qui est du droit de monter à l'échafaud, Fouquier-Tinville le lui accorda dès 1793 mais, pour ce qui est du droit de vote, les Françaises durent encore attendre cent cinquante ans.

C'est donc par la loi que les Françaises ont été privées de leurs droits politiques. C'est bien par la loi qu'il faut effacer ce que j'appelle - et j'insiste - la bavure républicaine.

Les premières tentatives de réparation se situent surtout entre les deux guerres. A plusieurs reprises - une soixantaine, je crois - nos députés se posèrent avec angoisse la question du vote des femmes. Leurs efforts restèrent infructueux, le Sénat veillant à ce que la représentation nationale reste pure de toute intrusion féminine. La lecture des débats est, je puis vous l'assurer, plus que divertissante.

Il fallut donc attendre 1944 et la décision du Conseil n ational de la Résistance appliquée par le général de Gaulle, et cela par ordonnance, pour couper court à la reprise de discussions peu glorieuses pour nos représentants.

Ainsi, les Françaises purent enfin voter pour la première fois le 29 avril 1945, mais bien après les Américaines, les Allemandes, les Britanniques et les Canadiennes qui l'obtinrent toutes au lendemain de la guerre de 14-18.

M. Pierre Albertini.

Et après les Espagnoles !

Mme Yvette Roudy.

Après cela, silence total !


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Pour un signe, il a fallu attendre la convention onusienne de 1979 qui, par son article 4, autorise « l'adoption par les Etats parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes ».

C'était il y a vingt ans. Des mesures positives étaient déjà recommandées. Sachez que la France a ratifié cette convention.

Au niveau européen, la charte d'Athènes de 1992, fort éloquente, revendiquant l'égalité de participation des femmes et des hommes à la prise de décision politique lança le débat européen sur la parité. Il réveilla suffisamment l'opinion pour que le thème devint incontournable au moment des dernières grandes élections.

Enfin, au niveau national, un autre signe a été le Manifeste des dix pour la parité. Mais je pourrais citer d'autres exemples. Le 10 juin 1996, dix anciennes ministres, à parité cette fois droite-gauche, ont appelé au respect de la parité dans les instances dirigeantes des partis politiques et prôné - c'était le point 3 du manifeste :

« un financement des partis politiques en fonction du respect de la parité dans les instances dirigeantes et parmi leurs élus ».

Je n'ignore pas, chers collègues, que certains considèrent qu'il n'était pas nécessaire de modifier la Constitution dès lors que le principe d'égalité entre hommes et femmes y est déjà inscrit. Mais nous savons que cela n'a pas empêché nos gardiens de la Constitution de considérer, en 1982, qu'une mesure d'application de ce principe était inconstitutionnelle parce que, ont-ils estimé, elle favorisait une certaine catégorie de citoyens. Ainsi, une mesure visant à réduire une inégalité peut être considérée contraire à l'égalité telle que la Constitution l'entend ! A moins qu'il faille comprendre qu'il peut exister une conception de l'égalité qui soit contraire à la justice. Pour ma part, je vois là un fabuleux paradoxe.

Mais, soit, modifions la Constitution afin de ne pas encourir les foudres de ses sages gardiens ! Mais si cette modification est nécessaire, nous le savons, elle n'est pas suffisante.

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme Yvette Roudy.

Elle n'est pas suffisante car, une fois ce texte constitutionnel voté, tout restera à faire : définir un calendrier - et je souhaiterais vraiment entendre parler d'un calendrier -, définir des orientations, voire des sanctions que la loi d'application devra prévoir, pour garantir la parité et éviter que ce beau geste et ce beau texte ne restent au niveau des voeux pieux. Cela serait particulièrement fâcheux non seulement pour la situation des Françaises, qui attendent depuis plus d'un demi-siècle leur entrée à parité au Parlement, mais aussi pour la crédibilité de nos gouvernements successifs lorsqu'ils se présentent au nom du pays des droits de l'homme à une table de discussion européenne, sachant que le degré de démocratie d'un pays se mesure à la place qui y est faite aux femmes.

Parlons donc d'ores et déjà du contenu de la loi d'application. Je plaiderai pour qu'elle soit votée dans le courant de l'année 1999 et pour que le Gouvernement se tourne vers les partis afin qu'ils garantissent la parité graduellement, progressivement mais intégralement dans la decennie. Et je propose que, dès le lendemain du vote de cette seconde loi, la subvention que l'Etat octroie aux partis pour les aider à faire élire leurs représentants soit calculée proportionnellement à l'effort de féminisation de leurs élus. Je parle des élues et non des candidates. Et je parle d'un malus, et non pas d'un bonus : les femmes ne sont pas à mettre sur le marché !

Mme Nicole Bricq.

Absolument !

Mme Béatrice Marre.

Très bien !

Mme Yvette Roudy.

Je souhaiterais d'ailleurs - comme je l'ai déjà dit - que, dans le projet de loi constitutionnelle, le mot « accès » soit remplacé par le mot « exercice », plus précis.

Certains peuvent être choqués de voir mêler à une question de démocratie un problème d'argent.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Oui.

Mme Yvette Roudy.

L'idée n'est pas neuve. Déjà en 1871, Hubertine Auclert posa, la première, la question de la parité en même temps que celle du vote des femmes : elle décida de faire la grève de l'impôt et déclara : « Je ne vote pas, je ne paie pas. » Morte en

1914, elle ne vécut pas assez longtemps pour voir le vote des femmes mais suffisamment pour voir ses meubles saisis par le fisc...

Je n'ignore pas non plus la riposte que l'on opposera à ma proposition : « Ce sont les électeurs qui décident. »

Sans doute. Mais ce sont les partis qui proposent et ratifient les candidatures.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

Mme Yvette Roudy.

Et nous savons bien qu'il existe de bonnes et de moins bonnes circonscriptions - selon les camps évidemment. Tous les partis, sur ce sujet, ont leurs spécialistes : ils sont capables d'élaborer des pronostics. La marge d'erreur existe, mais elle est minime.

On peut aussi considérer affligeant et consternant d'être obligé d'en arriver à de telles propositions, mais la place des Françaises dans le concert des pays de l'Union est encore plus affligeante et consternante. C'était l'opinion d'un ministre socialiste qui m'a plus d'une fois soutenue dans mon combat lorsqu'il m'arrivait de sentir monter le découragement. Il s'appelait André Bouloche.

C'était un grand ami de la cause des femmes, comme il s'en est toujours trouvé tout au long de notre histoire.

Mme Nicole Bricq.

c'est vrai.

Mme Yvette Roudy.

Je sais qu'il s'en trouve ici. Vous avez, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, d'illustres prédécesseurs. Tout le monde connaît Condorcet, Fourrier ou Saint-Simon. On connaît moins Poulain de la Barre qui, inspirant John Stuart Mill et Simone de Beauvoir, voyait dès le

XVIe siècle, dans l'exclusion des femmes un des effets de la plus vieille loi du monde, la plus primitive et la plus barbare : celle des plus forts sur les plus faibles.

Mes chers collègues, il est plus que temps de mettre fin à ce pur scandale qu'est l'absence des femmes dans les lieux de décision. Elles nous apporteront, dans un univers souvent décrié, un peu d'air frais, un peu plus d'humanité et un regard neuf sur la chose politique. Nous n'avons que trop tardé. Il faut prévoir une loi d'application de cette révision constitutionnelle dès maintenant car demain, nous le savons, se prépare aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin. Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, la situation française du point de vue de la participation des femmes à la


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vie politique est choquante et ne doit pas se perpétuer.

C'est ce qui était ressorti notamment du débat qui s'est déroulé dans cette enceinte le 11 mars 1997, à l'initiative d'Alain Juppé. J'avais alors pu relever que notre pays constituait, sur ce terrain aussi - hélas ! - une exception.

Une exception dans l'histoire et une exception dans le temps, si je puis dire, puisque, il y a un peu plus d'un an, le pourcentage des femmes dans les assemblées - Assemblée nationale et Sénat - était le même qu'en 1945 : 6 %. Nous sommes le seul pays développé à enregistrer une telle stagnation, alors que, par ailleurs - et c'est là le caractère géographique de cette même exception française - la représentation des femmes dans les assemblées est en moyenne, dans l'Union européenne, de 16 %, et dans le monde, d'après certaines enquêtes de l'Union interparlementaire, de près de 12 %. Cette situation ne doit pas se perpétuer. Elle est d'autant plus choquante que la France n'a cessé d'apposer sa signature au bas de déclarations internationales ou de conventions prévoyant des mesures d'action positive, voire de discrimination positive. Elle a signé la convention de l'ONU pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Elle a participé à la conférence des femmes, à Pékin, en 1995, où les pays ont été appelés à mettre en oeuvre des mesures d'action positives pour réaliser l'égalité entre les hommes et les femmes.

Pourtant, chez nous, un décalage choquant, celui que j'évoquais tout à l'heure, persiste entre la société politique et la société civile. Ce décalage frappe presque exclusivement le monde politique. Dans l'administration, l'égalité est devenue pratiquement effective, en particulier sous la pression du droit européen, lequel a contraint notre pays à ne plus organiser de concours séparés de recrutement de fonctionnaires dans la quasi-totalité des cas, deux catégories d'emplois publics seulement étant désormais réservées à des candidats masculins. Dans le secteur privé aussi, la place des femmes s'est accrue. Il n'y a plus guère maintenant que dans le monde politique qu'elles ont des difficultés à se tailler la place correspondant à leurs compétences et à leur niveau d'éducation et de formation.

Bien sûr, une tentative a déjà été entreprise pour faire évoluer cette situation. Chacun la connaît. C'est le texte qui a été censuré en 1982 par le Conseil constitutionnel.

La décision du Conseil a établi un obstacle qui n'a pu être surmonté. Aujourd'hui, on nous présente un texte qui, nous dit-on, écartera la jurisprudence du Conseil interdisant le système des quotas.

Je pense, pour ma part, que le projet du Gouvernement, tel qu'il a été soumis à la commission des lois, ne comporte, contrairement à ce que l'on a prétendu, aucun caractère normatif. Il ne contraindra pas par lui-même le Conseil constitutionnel à renoncer à sa jurisprudence de 1982. Le Conseil pourra le faire s'il le juge utile et bon.

Il n'y sera pas contraint par la rédaction du projet de loi constitutionnelle.

M. le doyen Vedel, dont la compétence en ce domaine ne peut être mise en doute, l'a écrit de façon tout à fait éloquente dans un récent article paru dans un journal du soir, et je partage son analyse. Le constituant, avec ce texte qui nous est proposé, se décharge sur le Conseil du soin de décider si, à l'avenir, des mesures de discrimination positive seront ou non contraires à la Constitution.

Je ne peux pas, pour ma part, accepter cette démarche.

Nous n'avons pas le droit, me semble-t-il, de procéder à une révision constitutionnelle dans un simple but d'affichage politique pour faire croire aux femmes qu'on lève l'obstacle juridique principal à des mesures d'action positive en leur faveur.

Mais ce que je déplore aussi, au-delà de ce déni de principe constitutionnel - car c'en est bien un - c'est l'imprécision, le flou, l'incertitude qui enveloppent la suite qui sera donnée ou qui pourra être donnée à cette révision constitutionnelle. Nul ne nous a dit quelles mesures le Gouvernement entendait prendre pour donner un contenu effectif à ce principe d'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et aux fonctions qu'il veut inscrire dans la Constitution. De quelles mesures contraignantes s'agira-t-il ? S'agira-t-il de quotas ? S'agira-t-il d'introduire dans notre droit le principe de la représentation proportionnelle pour les élections législatives ? Nous n'en voulons pas ! Cela a été dit, et je le répète.

M. Pierre Lellouche. Très bien.

Mme Nicole Catala. M. le Premier ministre a, dans cette assemblée, pris, quasiment, l'engagement qu'il n'entendait pas aller dans ce sens.

M. Pierre Lellouche.

On jugera sur les actes.

Mme Nicole Catala.

Mais chacun sait que les partenaires du groupe socialiste souhaitent une telle réforme et qu'une proposition de loi inscrite dans le « créneau » laissé à la discrétion d'un groupe parlementaire pourrait permettre d'arriver à un tel résultat tout en laissant le Premier ministre à l'écart d'une telle réforme, les mains pures.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est de la politique fiction ! Nous sommes à la veille de Noël, mais ce n'est pas l'heure des contes !

Mme Nicole Catala.

Nous serons donc très vigilants, vous le comprendez, monsieur Brard, et nous veillerons au respect, par le Premier ministre, de l'engagement qu'il a pris devant nous.

L'amendement adopté par la commission des lois, qui réécrit entièrement le texte, à tel point que l'on pourrait presque songer à une proposition de loi, ne lève pas les ambiguïtés que je dénonce dans le projet de révision constitutionnelle. Pas plus contraignant que ne l'est la proposition initiale du Gouvernement, il suscite les mêmes critiques, les mêmes réserves.

En vérité, madame la garde des sceaux, nous ne savons pas ce que veut le Gouvernement. Vous ne nous l'avez pas dit. Nous ne savons d'ailleurs même pas s'il s'agit seulement des mandats et des fonctions politiques, car le texte ne le précise pas.

M. Bernard Roman.

Et l'article 3 de la Constitution ? Mme Nicole Catala et Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Cela ne suffit pas !

M. Bernard Roman.

Ce n'est pas ce que dit M. Vedel.

M. Pierre Lellouche.

Le constituant, il est ici même, ce n'est pas M. Vedel !

Mme Nicole Catala.

Relisez-le. On peut très bien ajouter des mandats qui ne soient pas proprement politiques dans l'application de ce texte qui reste très ambigu. Quels sont les objectifs poursuivis par le Gouvernement ? Est-ce ou non la parité intégrale que vous entendez rechercher ? C'est important à nos yeux.

Nous nous retrouvons confrontés à l'éternel problème du passage de l'égalité formelle à l'égalité réelle. L'é galité formelle existe dans nos principes, elle existe dans notre


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droit. Nos textes fondamentaux proclament depuis longtemps l'égalité entre les hommes et les femmes. Mais comment passer de cette égalité de principe à une égalité effective ? Là est le problème. Or je ne suis pas convaincue que le texte que vous nous soumettez ce soir nous permette d'aller vers plus d'égalité réelle.

Pour ma part, j'aurais penché pour un cheminement plus simple, qui n'aurait pas impliqué de révision constitutionnelle. J'aurais préféré que l'on procédât à une modulation du financement des partis politiques en allouant un bonus aux partis en proportion de la place des femmes élues - je dis bien élues - sous leur étiquette.

Une telle réforme n'appellerait pas, à mon sens, de révision de la Constitution, puisqu'elle ne mettrait pas en cause l'exercice des droits fondamentaux, ni l'égalité devant le suffrage, l'électorat ou l'éligibilité, ni même l'unicité, si je puis dire, du corps électoral. Elle pourrait être mise en oeuvre pendant une période déterminée, dix ans, par exemple, au terme de laquelle on pourrait concevoir de consulter le peuple par un référendum, afin qu'il dise si la place entre-temps conquise par les femmes lui paraît satisfaisante et si ce dispositif de pression sur les partis politiques peut être levé ou si, au contraire, il estime qu'elle reste insuffisante et que cette contrainte doit être maintenue. Je regrette que cette piste n'ait pas été explorée.

Je continue donc de penser que cette révision constitutionnelle est à la fois inutile et fallacieuse. Je la voterai, certes, pour ne pas donner le sentiment de jouer contre mon camp, de ne pas adhérer à l'objectif d'une égalité plus effective des femmes et des hommes dans le monde politique. Mais ce n'est, me semble-t-il, qu'une réforme de façade.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Elle n'est pas dupe !

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à exprimer ma réelle satisfaction de voir notre assemblée réunie pour débattre d'une réforme constitutionnelle qui n'a que trop tardé même si, malheureusement, la parité n'est pas tout à fait respectée ce soir, au détriment des hommes, bien entendu. (Sourires.)

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous sommes quand même là !

Mme Béatrice Marre.

La France, pays fier de sa tradition démocratique, reconnue ces jours derniers encore par le monde entier, ne pouvait plus persister dans d'aussi mauvais résultats dans le domaine de la représentation politique des femmes. Plusieurs chiffres que chacun ici connaît nous permettent de mesurer notre retard : nous sommes en la matière à l'avant-dernier rang des pays d'Europe et même au quarante et unième rang mondial.

Remarquons que les plus récentes avancées de la parité ont été d'abord le fait de l'Europe : c'est au niveau européen qu'ont été prises, assez tôt, des initiatives pour tenter d'améliorer la situation des femmes. Sans entrer dans une longue histoire maintes fois rappelée, on peut dater l'acte de naissance officiel de l'idée très contemporaine de parité au niveau européen aux 6 et 7 novembre 1989, au moment où s'est tenu à Strasbourg, à l'initiative du Conseil de l'Europe, un séminaire spécifiquement consacrée à la démocratie paritaire. Puis, en 1991, dans le cadre du troisième programme « Egalité des chances », la Commission européenne a mis en place un réseau d'expertes des pays européens chargées de réfléchir au problème des femmes dans la prise de décision. Françoise Gaspard y représentait la France. Par la suite, les réflexions se sont poursuivies avec la charte d'Athènes ; enfin, en décembre 1996, le Conseil européen a adopté une recommandation incitant les Etats membres à développer des mesures appropriées pour une participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision, dans toute l'Europe et dans tous les domaines. Un rendez-vous a d'ailleurs été fixé à la fin de l'année 1999, pour dresser le bilan des actions engagées et des résultats obtenus. Il sera très intéressant à lire, en particulier pour nous.

Enfin, et je l'avais fait remarquer lors du débat sur la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, les traités eux-mêmes ont inscrit, pour Maastricht, l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes en matière sociale et, pour Amsterdam, dans le nouvel article 40, le principe de discrimination positive. Et si le traité de l'Union européenne l'écrit, peut-être pourrions-nous l'appliquer.

Face à ces avancées européennes et aux comportements positifs de la plupart des Etats membres de l'Union européenne, la concrétisation de l'égalité des chances entre les hommes et les femmes en politique devenait véritablement un défi démocratique pour notre pays, auquel nous a llons nous attaquer aujourd'hui. J'ajoute, madame Catala, que l'inscription du principe de la parité dans le titre I de la Constitution : « De la souveraineté », place d'emblée le débat là où il doit être...

Mme Nicole Catala.

Ce n'est pas la parité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

En effet !

Mme Béatrice Marre.

... car la moitié de l'humanité ne constitue pas une catégorie et, de ce point de vue, les choses sont parfaitement claires.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Hélas non !

Mme Béatrice Marre.

Cela dit, mesdames les ministres, cette réforme constitutionnelle, aussi nécessaire et attendue soit-elle, n'aura de portée que dans la mesure où des lois d'application seront rapidement votées. Et la première, à mon sens, devrait être exclusivement consacrée à la parité et non, comme feignent de le croire certains membres de l'opposition, au mode de scrutin.

En effet, cette loi devrait être l'occasion de réaffirmer le rôle attribué par la Constitution, en son article 4, aux partis politiques : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. » Et donc d'appliquer le nouvel alinéa, que nous

allons décider d'introduire, du moins je l'espère, à l'article 3 de la Constitution. Car c'est bien à ce titre que les lois de 1988 et de 1990 relatives au financement des partis politiques et des campagnes électorales sont allées jusqu'au bout d'une démarche nécessaire. La démocratie a un coût ; les citoyens doivent l'assumer. Voulus et votés, rappelons-le, par une majorité de gauche, ces textes répondent à l'exigence posée par la Constitution en permettant effectivement aux partis politiques de participer activement à la réalisation de l'objectif de démocratie. Sur ce point, je rejoins Yvette Roudy. C'est donc sans doute de ce côté qu'il faudra chercher une éventuelle sanction aux manquements au principe de parité dont la loi devrait faire incomber la mise en oeuvre - lourde responsabilité - aux partis politiques.


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Je conclurai mon intervention en soulignant la satisfaction que j'éprouve à participer à ce débat. On y a entendu des choses positives, d'autres qui le sont moins.

Mais je me dois de rappeler le caractère tardif de la reconnaissance officielle d'une égalité pourtant si naturelle, mais surtout la nécessaire vigilance dont il convient de faire preuve face à certaines oppositions que je n'hésite pas à qualifier d'un autre âge ou d'un autre siècle, même si elles ont été exprimées ce soir même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

« Alors, heureuses ? » nous disent en choeur MM. Chirac et Jospin. (Sourires.)

Eh bien non, pas vraiment, pas encore ! La cause des femmes est décidément une longue marche. Ainsi, il aura fallu seize ans, depuis la décision du Conseil constitutionnel d'annuler une loi de 1982 instaurant des quotas, pour voir proposer au Parlement une révision de la Constitution, encore bien timide, autorisant p eut-être des mesures de « discrimination positive », comme on dit, pour améliorer la place des femmes en politique.

Le texte que vous proposez, madame la ministre, est donc le plus petit dénominateur commun entre l'Elysée, Matignon, l'Assemblée nationale et le Sénat. Autant dire qu'il ne va pas très loin ! Il se contente de « favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions », alors que le préambule de la Constitution garantit l'égalité entre les hommes et les femmes. Quelle audace ! Cela relativise aussi les prétendues ardeurs réformatrices du Président de la République.

C'est pourquoi nous demanderons une rédaction plus volontariste de l'article proposé, où figurera le terme de parité, qui revêt pour nous une importance à la fois stratégique et symbolique. Les Verts ont inscrit en effet la parité dans leurs statuts dès l'origine. Ce n'est pas un hasard si les femmes y tiennent des rôles importants : je pense à Marie-Christine Blandin et à Dominique Voynet qui avait proposé en 1995, lors de la campagne présidentielle, une révision de la Constitution instituant la parité.

Seize ans donc, pendant lesquels la proportion des femmes élues n'a quasiment pas bougé en France - on peut même remonter à 1946 - et cela malgré l'émergence du concept de parité au niveau européen, à travers le programme pour l'égalité des chances et la recommandation de décembre 1996 du Conseil des ministres, malgré la pression du mouvement des femmes qui ne supportent plus cette injustice, malgré la conférence de Pékin en 1995, malgré la convention de l'ONU de 1979, que la France a pourtant ratifiée en 1983, et qui autorisait déjà les « mesures temporaires d'action positive en faveur de la place des femmes en politique ».

Bref, ça bouge partout, sauf chez nous, incroyablee xception française. Aujourd'hui, nous ne sommes que 10 % dans cette assemblée. Et, hélas ! le nombre d'intervenantes ici présentes pour débattre de cette révision constitutionnelle ne reflète pas la réalité, toujours masculine à 90 %, au point que même les plus réticents et réticentes voient dans cette loi constitutionnelle une nécessité, désespérant que les hommes et les partis politiques veuillent bien un jour consentir à déverouiller le système ! Pourtant, tel un joli cadeau de Noël un peu trop bien décoré et emballé, mais finalement tout petit, cette révision constitutionnelle ne sera qu'un affichage proclamatoire si elle n'est pas suivie rapidement de lois électorales déterminant pour chaque scrutin comment l'on promouvra concrètement l'égalité des candidatures ou, mieux encore, la parité des élus : autant d'hommes que de femmes. C'est ce que nous attendons, d'abord pour les européennes, ensuite pour les municipales. C'est ce que nous proposons dès aujourd'hui à travers une proposition de loi.

Plus globalement, la parité s'inscrit à nos yeux dans une démarche urgente, incontournable, de rénovation de la vie politique, avec une amélioration du statut de l'élu, la fin du cumul des mandats, la réforme aussi des modes de scrutin, mais c'est un autre débat. Car nous, les Verts, avons toujours milité pour la proportionnelle et nous n'avons pas changé d'avis. Cette révision constitutionnelle, qui pour l'instant n'engage d'ailleurs à rien, ne saurait donc servir de contrepartie à un statu quo sur les autres points, où il est plus difficile de recueillir un consensus et où la résistance des hommes en place reste très forte.

Enfin, l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions ne suffira pas à alléger le fardeau des milliers de femmes qui subissent le chômage et le temps partiel, la double journée au travail et à la maison, la violence, les discriminations et les stéréotypes de toutes sortes qui les enferment aujourd'hui encore dans une condition dont elles ont bien du mal à sortir. C'est le même fardeau d'ailleurs qui les empêche de se lancer dans la vie politique à égalité avec les hommes.

Madame la secrétaire d'Etat, nous comptons sur vous pour proposer une vraie politique pour l'égalité et l'amélioration des conditions de vie des femmes.

Pour toutes celles-ci, le débat d'aujourd'hui apparaîtra sans doute très intellectuel et leur fera une belle jambe, si j'ose dire, s'il n'est accompagné de réformes touchant davantage à leur quotidien. Mais tout ne passe pas par la loi : dans ce domaine comme dans d'autres, le droit suit le plus souvent l'évolution des mentalités. Il y a encore donc beaucoup de chemin à faire.

Certains, à droite comme à gauche, voudraient monnayer la présence des femmes, par un bonus ou un malus, en la liant au financement des partis politiques.

On se demande ce qui a pu leur passer par la tête. Je trouve pour ma part scandaleuse une telle proposition qui, une fois de plus, associe les femmes et l'argent dans un mode très malsain que l'on connait par ailleurs. Là aussi, le marché se substituerait-il peu à peu au droit ? Il est assez symptomatique que cette éventualité soit suggerée justement à propos de la place des femmes en politique ! J'espère pour ma part que cette idée ne sera qu'un moment d'égarement vite dépassé.

Alors, s'il est difficile d'être contre une proposition aussi minimale, nous veillerons à ce qu'elle ne soit pas de surcroît un trompe-l'oeil. La modernisation de notre vie politique et la refondation d'une VIe République, si n écessaires aujourd'hui, ont besoin d'un projet d'ensemble cohérent qui redonne vie à nos institutions. Il y faudra du courage politique et sans doute un retour salutaire vers l'expression du peuple français.

La parité, qui concrétise l'égalité effective entre les hommes et les femmes en politique, en est un élément essentiel. Nous en sommes encore loin, mais cette révi-s ion constitutionnelle nous permet d'entrevoir une lumière au bout du tunnel. C'est une chance à saisir et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

toujours bonne à prendre. Vous me pardonnerez ce manque d'enthousiasme, mais les femmes, en France comme ailleurs, savent qu'elles doivent compter avant tout sur elles-mêmes et sur les associations qui les représentent, avec le soutien de nos collègues les plus éclairés, pour obtenir gain de cause. Continuons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, un constat amer marque l'ensemble de nos interventions : nous vivons dans une société à domination masculine. Notre société est structurée ainsi, à commencer par son pouvoir politique. Rien ne nous est donné, rien ne nous sera donné.

Plusieurs oratrices qui m'ont précédé ont rappelé la longue histoire, le long combat des femmes à travers les siècles. Oui, la parité est un combat. Aucune avancée vers l'égalité ne peut se faire spontanément, naturellement.

Je prendrai, pour illuster mon propos, l'exemple des dernières élections législatives.

J'appartiens à une formation politique qui, grâce à la pression des femmes et à la volonté de son premier secrétaire national, à l'époque Lionel Jospin, fut la seule à présenter 30 % de candidates aux élections législatives, ce qui nous a permis d'obtenir quarante députées.

Malheureusement, j'ai le sentiment que, pendant plusieurs mois, nous nous sommes quelque peu endormies, reposées sur ce succès, relâchant notre vigilance : nous n'avons plus enregistré d'avancée lors des élections cantonales et sénatoriales suivantes.

La loi que nous allons donc voter ce soir est pour moi une étape qui peut être historique, en ce qu'elle permet de faire sauter le verrou constitutionnel. Mais nous savons, et plusieurs d'entre nous l'ont dit avant moi, que sans lois d'application, elle restera un voeu pieux. Si le scrutin de liste favorise la parité, celle-ci n'en doit pas moins s'appliquer quel que soit le mode de scrutin.

Elisabeth Guigou et Nicole Péry nous ont indiqué comment s'oriente la réflexion du Gouvernement. Mais il serait bon qu'elles puissent préciser, dès ce soir si possible, le calendrier et les méthodes qu'il compte mettre en place.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Comme l'a souligné Yvette Roudy, ce sont les partis qui désignent les candidats et les candidates aux différentes élections. C'est donc à eux de porter la responsabilité de l'exercice de la parité et d'avoir une obligation de résultats.

La parité, c'est non seulement l'égalité dans le domaine politique, mais également dans les domaines économique et social. Quand on sait que 80 % des bas salaires qui sont distribués en France sont perçus par des femmes, on mesure le chemin qui nous reste à parcourir. Cependant, des instruments permettant d'avancer existent : depuis peu, nous disposons d'un secrétariat d'Etat aux droits des femmes, l'observatoire de la parité qui va être réactivé et, bientôt, du moins je l'espère, il y aura une délégation parlementaire aux droits des femmes. Sachons nous en servir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, permettez-moi d'abord quelques remarques avant de poser trois questions.

A l'instant, j'entendais Mme Lignières-Cassou se féliciter de l'initiative prise par Lionel Jospin à l'occasion des élections législatives et s'étonner de ne pas en avoir vu les suites aux cantonales et aux régionales. Mais, madame la députée, aux législatives, le faible nombre de députés sortants socialistes a tout simplement permis de faire une place à de nouveaux candidats et candidates. En outre, si 30 % de candidates figuraient sur les listes socialistes, il n'y a pas eu 30 % d'élues parce que, comme l'a dit Roselyne Bachelot, les femmes ont plutôt été placées dans des circonscriptions difficiles.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

La paille vous empêche de voir la poutre !

M. Richard Cazenave.

Alors, arrêtons de claironner d'un côté ou de l'autre, car l'échec est partagé.

Quant aux avancées qui ont été accomplies au profit des femmes au cours de ces cinquante dernières années, Marie-Jo Zimmermann a très bien rappelé le rôle des gouvernements gaullistes, et aucun d'entre vous n'a pu la contredire sur ce point.

Aujourd'hui, la volonté est partagée parce que l'échec l'est aussi. D'ailleurs, y aurait-il projet de révision constitutionnelle s'il n'y avait eu dans l'opposition des hommes et des femmes pour le soutenir puisque la révision constitutionnelle suppose une majorité qualifiée. Je voulais le rappeler à l'intention de ceux d'entre vous qui sont tentés parfois par l'excès.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est un expert qui parle !

M. Richard Cazenave.

J'en viens aux questions.

Qu'apporte la révision constitutionnelle ? C'est d'abord une mesure symbolique forte, et je ne la négligerai pas.

Mais au-delà, est-il vraiment nouveau de dire que la loi va garantir l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités politiques ? L'alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946 l'avait déjà clairement affirmé, et le Conseil constitutionnel aurait été bien inspiré de se le rappeler. Il faudra donc, après le vote de la révision constitutionnelle, d'autres lois, et c'est à ce moment-là que les vraies questions se poseront.

Je ne vois pas comment on pourrait déclarer que cette révision, qui ne fait que rappeler le préambule de 1946, n'est pas opportune. C'est donc après que les choses vont se compliquer car nous aurons à dire comment nous organisons l'égal accès aux mandats sans tomber pour autant dans des pratiques discriminatoires jugées scandaleuses par les uns, quand d'autres ne les trouvent qu'incitatives. Nous aurons donc des débats difficiles, il faut que nous en soyons conscients.

En outre, si les femmes ont du mal à jouer un rôle politique, ce n'est pas à mon avis que les hommes les en empêchent (Rires sur quelques bancs du groupe socialiste), mais c'est pour des raisons concrètes qui tiennent à leur vie quotidienne. Beaucoup de femmes rencontrent des difficultés d'ordre pratique pour concilier leur engagement avec leur vie professionnelle et familiale. (Exclamations sur les mêmes bancs.).

M. Jean-Pierre Brard.

Qu'il est réac !


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M. Richard Cazenave.

Si nous voulons aller au-delà de l'effet d'annonce, si nous voulons éviter de susciter un espoir qui déboucherait par la suite sur une déception, c'est donc bien sur le terrain concret qu'il nous faudra innover pour faire avancer les choses dans la société.

Mme Yvette Roudy.

Condescendant !

M. Richard Cazenave.

D'ailleurs, vous le disiez également, chers collègues, il y a bien d'autres domaines que la vie politique dans lesquels nous devons nous montrer vigilants et actifs pour faire évoluer la situation. Ce n'est pas simplement le geste d'aujourd'hui qui va résoudre les problèmes.

Y a-t-il un risque de catégorisation de la société française ? Ma réponse est non. Si le texte contenait un tel danger, nous nous y opposerions de toutes nos forces, parce qu'il serait contraire à notre idéal républicain. Mais qu'y a-t-il de plus naturel que de rappeler qu'il y a 50 % d'hommes et 50 % de femmes sur la terre. A ce titre, c'est une distinction que nous pouvons faire sans opérer de discrimination. Nous n'avons donc pas d'états d'âme, car, je le répète, c'est dans les lois que nous serons amenés à voter par la suite que les difficultés pourront commencer.

M. Bernard Roman.

Je crois !

M. Richard Cazenave.

Dernière question : faut-il inscrire la révision à l'article 3 de la Constitution ? Personnellement, je crois que non. C'est pourquoi je proposerai des amendements tout à l'heure. Ce n'est pas parce que le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur l'article 3 pour conclure que la loi de 1982 n'était pas conforme à la Constitution qu'il faut pour autant inscrire dans cet article notre révision constitutionnelle. En réalité, c'est davantage sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme que le Conseil constitutionnel a fondé sa décision.

Selon moi, il serait beaucoup plus cohérent de l'inscrire soit à l'article 1er , si nous visons un champ plus large que celui des fonctions politiques proprement dites, puisque c'est l'article qui traite de l'égalité des citoyens, soit à l'article 4 relatif au rôle des formations politiques dans l'exercice de la souveraineté. C'est en fondant sur cet article-là les lois successives que nous aurons à voter que nous pourrons agir concrètement et non pas sur l'article 3 qui traite du caractère universel et indivisible de la souveraineté. Avant le débat que nous aurons tout à l'heure, j'attire d'ores et déjà votre attention sur ce point. Si nous voulons être cohérents et cerner correctement le champ des questions sans laisser planer d'ambiguïté sur notre démarche, nous aurions tout intérêt à nous rattacher à l'article 4 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman.

Mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, l'inscription de ce projet à l'ordre du jour du Parlement a provoqué un débat philosophique autour de la notion d'universalisme républicain. Un tel débat n'est pas illégitime, mais la réalité de la société française s'impose au législateur d'aujourd'hui.

Cette réalité ne peut plus se satisfaire de l'inaction et de l'immobilisme. C'est notre histoire qui l'a forgée et qui a placé la femme là où elle se situe dans la vie politique française. Faut-il rappeler que la Déclaration des droits de l'homme de 1789 excluait les femmes de la citoyenneté, que le suffrage dit « universel » de 1848, ne concernait que les hommes, que ce n'est que depuis 1944 que les Françaises sont devenues citoyennes, électrices et éligibles ? Faut-il rappeler que, un demi-siècle plus tard, la place des femmes dans les responsabilités politiques n'est pas digne de la démocratie ? Cette réalité concerne aussi, bien sûr, le champ social.

Inégalité face à l'emploi, aux salaires, devant la crise, dont les femmes sont sans aucun doute - on ne le dit pas assez - les premières victimes. Mais comment mieux prendre en compte cette réalité qu'en permettant aux femmes de prendre leur juste place dans le champ politique ? Dans une démocratie de représentation, rien n'est pire que de constater que le monde politique est perçu par les citoyens comme décalé. Nous avons déjà fait ce constat dans les discussions sur le projet de loi limitant le cumul des mandats. Le monde politique ressemble de moins en moins à la société qu'il est censé représenter.

Mme Yvette Roudy.

C'est vrai !

M. Pierre Lellouche.

Il y a trop de fonctionnaires ici !

M. Bernard Roman.

De là vient sans doute le sentiment d'impuissance des citoyens et, malheureusement, le discrédit qui frappe la politique. Mais cette crise de la démocratie n'est pas inéluctable. La limitation du cumul est l'une des réponses...

M. Pierre Lellouche.

Le cumul, voilà !

M. Bernard Roman.

Je suis heureux, monsieur Lellouche, d'avoir été rejoint dans ce constat par le Président de la République.

M. Pierre Lellouche.

Vous plaisantez ? Vous devriez vous rappeler la campagne de 1995 !

M me Yvette Benayoun-Nakache.

Franchement, ce n'est pas le soir à se faire des misères !

M. Bernard Roman.

La parité en constitue aussi une autre étape décisive.

Cette loi, en garantissant l'accès des femmes aux mandats et fonctions, provoquera un véritable appel d'air dans la vie politique et permettra davantage aux citoyens de se reconnaître dans leur représentation politique. Il s'agit donc, en modifiant la Constitution, d'ouvrir toutes grandes les portes de la politique aux femmes et, disons-le ici clairement, de donner aux partis qui structurent notre vie politique un cadre nouveau et contraignant à l'occasion de chaque scrutin à venir.

Au-delà de l'unanimisme, ou presque, de notre assemblée, il est nécessaire d'être clairs sur nos intentions. Vous avez raison, monsieur Cazenave, pour ne pas se cantonner à un effet déclaratoire, pour être crédibles, nous devons nous engager à mettre en application la parité dès les prochaines échéances électorales.

M. Pierre Lellouche.

Ah !

M. Bernard Roman.

La plus grande difficulté va se poser dans les scrutins uninominaux : élections législatives et élections cantonales. Alors, évacuons, comme l'a fait le Premier ministre dans cette enceinte, l'hypothèse d'une modification du type de scrutin et interrogeons-nous sur les moyens que pourrait se donner le législateur pour faire en sorte que nous appliquions rapidement la parité dans ces scrutins. Un certain nombre d'idées ont été émises à ce sujet : contraindre les formations politiques à présenter un nombre égal de candidats de chaque sexe à l'occasion de ces élections ; rendre obligatoire la présentation de candidats titulaires et suppléants des deux sexes dans l'ensemble des circonscriptions, à charge pour les partis de répartir de manière égale les candidats titulaires


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hommes et femmes ; enfin, contraindre financièrement les partis, comme cela a été évoqué par Mme Roudy et par quelques autres orateurs.

L'ensemble de ces éléments sont sur la table. Il faut que le législateur s'en saisisse, sans tarder, pour faire en sorte que la loi, à la suite de la modification constitutionnelle, permette effectivement d'avancer à un rythme soutenu.

Et si Mme Roudy évoquait un délai de dix années, mais je pense que si le législateur est, comme j'ai cru le comprendre attaché au fond, il fera en sorte d'arriver bien plus vite à l'objectif fixé.

M. Christian Paul.

Très bien !

M. Bernard Roman.

Le plus difficile sera de le faire pour les élections au scrutin uninominal. Si j'en juge par les débats, cette mise en oeuvre ne présentera pas de difficultés pour les scrutins proportionnels : élections municipales, régionales, européennes et, pour certains départements, sénatoriales. Encore faut-il dire que rien ne justifierait que nous ne mettions pas en oeuvre la parité dès les premières élections au scrutin proportionnel. Pour les élections régionales, considérons que les choses sont bien engagées et la parité quasiment réalisée. Pour les autres scrutins, disons sans ambiguïté que les arguments classiques du type : « On voudrait bien, mais il n'y a pas assez de femmes investies en politique », ou bien : « On voudrait bien, mais il faut y aller progressivement », ne sont plus acceptables. La parité peut être appliquée sans tarder dans tous les scrutins proportionnels car les femmes s'engagent, elles sont citoyennes actives, présentes souvent majoritairement dans un grand nombre de responsabilités associatives. Cet engagement citoyen doit trouver aujourd'hui son prolongement politique.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

M. Bernard Roman.

Ni notre culture latine, ni notre histoire ne peuvent justifier l'inacceptable. L'inacceptable, c'est le constat que nous faisons de la place faite actuellement aux femmes dans notre démocratie. Devant l'inacceptable, nous décidons d'agir, d'engager un mouvement irréversible qui passe par la révision constitutionnelle, mais qui doit rapidement se prolonger par des textes de loi qui appliqueront le principe de parité aux différents scrutins. Nous ferons ainsi ce que nous avons dit. Nous servirons la démocratie et montrerons notre fidélité à nos convictions, à notre mission, à la République.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, peut-on finir l'année 1998 par un plus beau cadeau fait aux femmes que l'introduction, dans notre Constitution, du principe de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions ? Comme l'a annoncé Lionel Jospin dans son discours de politique générale du 19 juin 1997, il s'agit de « permettre aux Françaises de s'engager, sans entrave, dans la vie publique ». Cette volonté politique a, depuis, incité au débat public sur la place des femmes dans nos sociétés et a ainsi contribué à consolider leur place et leur rôle.

Nous ne pouvons donc que nous réjouir de voir le débat ouvert devant notre haute assemblée.

Pour autant, il ne faudrait pas se laisser aller à considérer la parité comme une panacée. Cette parité désirée n'est qu'une étape sur le long chemin escarpé et semé d'embûches qu'ont ouvert pour nous un grand nombre de pionnières héroïques et pugnaces. Songeons seulement à ces femmes de la Révolution française, défilant sous les fenêtres de la royauté, ou aux suffragettes violentées lors de manifestations pacifiques, ou encore aux femmes de ce

« joli mois de mai », que l'on n'hésitait pas à accuser d'être hystériques.

Car l'oppression des femmes - et peut-être l'inscription de l'égalité des chances entre hommes et femmes dans la Constitution - marque-t-elle une étape qui va contribuer à une prise de conscience, n'est pas qu'une histoire de travaux domestiques quotidiens, de tâches répétées, de la sempiternelle appartenance à la sphère « privée » de notre société, c'est aussi une histoire politique, de l'événement, de combats, de ruptures, bref, une histoire qui s'écrit avec un grand H.

Dans l'histoire des femmes, 1946 est une année essentielle. Elle l'est aussi dans mon histoire, puisque c'est celle de ma naissance et celle qui a vu ma maman voter pour la première fois, elle qui venait d'Algérie et qui avait choisi de vivre en France. Son droit de vote et ma naissance ont fait deux citoyennes.

Je ne peux que m'incliner et rendre hommage à celles qui ont exercé leur citoyenneté sans que ce droit leur soit reconnu, telles que Rosa Luxembourg ou Louise Michel, sans lesquelles je ne serais certainement pas à cette place aujourd'hui.

Mais l'absence des femmes des lieux de décision est malheureusement encore d'actualité. Et nous ne pouvons pas considérer que c'est là le résultat du cours naturel d'une histoire, à l'encontre duquel nous ne pourrions aller. Cette situation est le fruit d'une construction sociale, sur laquelle nous pouvons agir, pour édifier, à notre tour, avec les hommes, une autre forme de rapports sociaux.

Ce combat, nous devons le mener, que nous soyons femme ou homme, de droite ou de gauche. Revendiquer la parité aujourd'hui, c'est vouloir accéder au pouvoir de façon égale aux hommes, avec eux et non pas contre eux, p our participer ensemble à la gestion des affaires communes. D'aucuns diront que nous n'en sommes pas capables, que notre action politique se résume à un spectacle larmoyant, digne de « potiches », de « kleenex » ou de « jupettes », nous déniant ainsi toute légitimité à exercer une activité politique, à être des femmes politiques.

N os détracteurs ne nous renvoient pas à notre incompétence. Certaines ont montré de façon spectaculaire et médiatique, comme Françoise Giroud, déjà citée, ou Simone Veil, avec la loi sur l'IVG, que nous pouvions prendre des décisions politiques courageuses. Ce qu'ils nous renvoient, c'est leur refus, leur incapacité à admettre que notre travail quotidien, certes loin des caméras mais réel, est digne de reconnaissance sociale et de l'exercice des plus hautes fonctions de l'Etat.

Nous savons toutes et tous que les jugements portés sur l'exercice d'une fonction politique diffèrent selon que la fonction est exercée par un homme ou par une femme, que les femmes doivent en faire beaucoup plus que n'imp orte quel homme pour s'attirer le minimum de reconnaissance, celle que l'on accorde au plus flegmatique des hommes. Les lourdeurs et les blocages sociaux sont souvent décourageants.

Heureusement, des mesures telles que celle que nous nous apprêtons à adopter, et ce même si l'effectivité d'un texte dépend de notre capacité à le faire vivre dans les faits, nous encouragent sur la voie de l'établissement de nouveaux rapports entre femmes et hommes.


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Et si je tiens à rendre aux pionnières, et aux femmes en général, leur place légitime, je ne manquerai pas de reconnaître à Aragon son rôle précurseur lorsqu'il affirmait que « la femme est l'avenir de l'homme ». Aujourd'hui, en tout cas, elle est celui de notre Constitution. Il était temps que notre société prenne en compte, dans ses textes fondateurs, la moitié de la population qui la compose.

Je suis fière ce soir, moi, fille d'ouvrier, de pouvoir le dire du haut de cette tribune. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Danièle Bousquet.

Mme Danièle Bousquet.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce texte qui nous est soumis aujourd'hui va dans le sens de l'histoire, car la parité est un des éléments majeurs de la modernisation de la vie politique. Il va dans le sens de l'Histoire parce que la sous-représentation des femmes dans les lieux de décision et de pouvoir ne constitue pas seulement une discrimination à leur égard, mais aussi un véritable handicap pour nos sociétés.

En effet, pour construire de nouveaux équilibres correspondant aux réalités économiques et sociales actuelles, il faut pouvoir prendre en compte la diversité des aspirations et des besoins. Or notre système exclut de fait une partie importante de la population du processus de décision.

Chaque jour, en effet, des décisions sont prises dans la sphère politique, dans l'entreprise, dans la vie locale, décisions qui ont un impact important sur la vie quotidienne des citoyens, hommes et femmes, et qui souvent engagent leur avenir. Or, à l'évidence, les principaux acteurs de ce processus sont des hommes. Je ne reviendrai pas sur les chiffres bien connus qui ont déjà été cités à plusieurs reprises et qui donnent une vision archaïque de la vie politique française, mais qui, malheureusement, correspondent effectivement à la réalité.

Une représentation plus équilibrée dans les instances de décision représente donc un enjeu majeur.

A l'heure actuelle, il est de bon ton, dans tous les partis politiques, de regretter la sous-représentation des femmes dans les instances de décision. Au reste, la nécessité de modifier cet état de fait n'y est plus contestée.

Cependant, beaucoup estiment que les choses évolueront d'elles-mêmes et qu'il ne servirait à rien de légiférer en ce domaine. Il en est même d'autres qui affirment qu'il serait dangereux de légiférer en la matière, au motif que l'universalisme de la République serait menacé par la parité et que le concept de citoyen est neutre et doit absolument le rester.

Le problème, c'est que l'universel s'est passé des femmes pendant longtemps et a entraîné des effets pervers. On observe, en effet, que toutes les fois que l'on efface absolument la différence sexuelle, on identifie en réalité le genre humain à un seul sexe.

J usqu'à présent, notre Constitution affirmait une conception jugée formelle de l'égalité, masquant inégalités et exclusions. Or l'humanité est universellement sexuée, et nous devons assumer cette mixité universelle à travers l'exigence de parité, qui devient une condition de la réalisation de l'universel dans sa traduction politique. Les femmes sont, en effet, la moitié de l'humanité,...

M. Charles de Courson.

Un peu plus !

Mme Danièle Bousquet.

... et aucune démocratie ne saurait justifier qu'on l'oublie. L'universalité est avant tout une exigence d'égalité.

Le débat sur la parité se situe dans la perspective de l'égalité des sexes, égalité fondée sur une différence que l'on reconnaît pour l'évacuer là où elle produit de l'inégalité.

La parité dans la représentation, c'est tout simplement l'application du principe d'égalité des personnes qui forment le genre humain. Il s'agit là d'un combat législatif autant que culturel. La gauche l'avait compris en proposant, dès 1982, une première loi, dont le texte qui nous est soumis est l'héritier.

Cette révision constitutionnelle devrait avoir une portée qui dépasse le domaine strictement politique afin de généraliser un principe de l'égal accès. D'ailleurs, l'exposé des motifs évoque l'objectif d'égalité dans l'ensemble des composantes de la vie, et pas seulement dans la politique.

Il faut ajouter que ce projet de loi réaffirme un principe qui existe déjà. Cette loi ne prendra donc tout son sens que lorsque les textes d'application seront adoptés. Il ne s'agit, en effet, que d'une première étape. Il nous faudra travailler et proposer ultérieurement des lois qui permettent de rendre les processus de décision réellement accessibles aux femmes.

Lorsqu'on exclut les femmes du système politique, on ferme le chemin du progrès démocratique. Au contraire, tout ce qui peut encourager et améliorer la représentativité des femmes dans la vie publique et les assemblées élues est bénéfique à la démocratie.

Nous faisons là, mes chers collègues, le choix de l'avenir en nous tournant résolument vers une modernisation de la vie politique en phase avec son temps.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Odette Casanova, dernière oratrice inscrite.

Mme Yvette Roudy.

La dernière, mais la meilleure !

M. Bernard Roman.

C'est sympa pour les autres ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

En tout cas, c'est celle qui a battu le FN !

M me Odette Casanova.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, être la dernière à intervenir de cette tribune n'est pas chose facile, mais je vais tout de même tenter de vous faire part de mon sentiment sur ce projet de loi constitutionnelle.

Les hommes et les femmes qui ont construit la République en 1789 la disaient égalitaire. Dans la patrie des droits de l'homme, celle qui a inventé l'universel, les femmes et les hommes participaient de l'universalité sans distinction de sexe. Par conséquent, les assemblées représentatives, élues par les hommes et les femmes, représentent les hommes et les femmes. Qu'importe le sexe des représentants : ils sont l'émanation de la nation.

Pour autant, la pleine citoyenneté de toutes les femmes n'était pas acquise pour autant. C'est par leur combat qu'elles en ont pas à pas conquis des parcelles.

Pourtant, cent ans plus tard, en 1892, Hubertine Auclert disait déjà : « Il n'y aura de bonheur pour l'humanité que dans l'égalité des droits pour tous et l'équitable répartition des fonctions entre tous les hommes et toutes les femmes indifféremment. »


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En 1945 les deux piliers de la citoyenneté des femmes étaient acquis : le droit de vote et leur éligibilité. Et pourtant, là encore, beaucoup restait à faire.

Et ici, dans ce haut lieu de la démocratie, souvenonsnous des quolibets sexistes qui accueillirent un Premier ministre à l'Assemblée nationale.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais ils venaient de son propre camp !

Mme Odette Casanova.

On peut se demander comment cela aurait pu se passer si l'Assemblée avait été composée de 50 % de femmes.

P lus récemment, souvenons-nous d'un Premier ministre qui, après avoir affiché une féminisation significative de son gouvernement, profita du premier remaniem ent ministériel pour en « débarquer » une bonne dizaine. Tout un symbole !

Mme Yvette Roudy.

Vrai ou faux ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Faux ! C'était huit !

M. François Colcombet.

Tout le monde joue contre son camp !

Mme Odette Casanova.

Quelle est la femme qui aujourd'hui, dans l'Assemblée, dans ce moment hautement symbolique, n'a pas le souvenir des temps de lutte politique acharnée, où se mêlaient déceptions, conflits, espoirs et bonheurs, des temps où l'obstacle était un fait courant : obstacle à la prise de parole, à la désignation et à l'enfermement dans des pièges statutaires, puis électoraux.

Après une période d'avancées significatives dans le domaine des droits des femmes, avancées mises en oeuvre tout au long des années 80, grâce au ministère des droits de la femme conduit par Mme Yvette Roudy, l'année 1993 a marqué un coup d'arrêt brutal. L'alternance de 1997 a permis de rompre avec cette logique d'enfermement dans des principes conservateurs d'un autre âge et lors de la victoire de la gauche plurielle, le Premier ministre a donné toute leur place aux femmes en leur confiant des ministères importants.

Mais, aujourd'hui, le projet de loi constitutionnelle que nous examinons va beaucoup plus loin. Il s'agit tout simplement, mais fondamentalement, d'ajouter aux deux droits du suffrage et de l'éligibilité des femmes, un troisième droit, celui de l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme Odette Casanova.

Cela étant, je préférerais moi aussi le mot « exercice » à celui d'« accès ». Ce nouveau droit ouvert, c'est celui de la parité, c'est-à-dire une participation égale, inscrite dans la loi, des hommes et des femmes dans toutes les institutions de la République, à commencer par les assemblées d'élus.

Il s'agit donc de construire un droit nouveau, pour obtenir que la gestion des affaires publiques soit le fait des deux composantes de la nation : les femmes et les hommes.

Ce droit à la parité, en tant que fondement de la démocratie au même titre que le suffrage universel et la séparation des pouvoirs, doit s'inscrire dans la Constitution.

Jusqu'alors, l'égalité des femmes était traitée en droit par une succession de textes juridiques séparés. Dans tous les types de société, l'idéal de l'égalité des femmes et des hommes n'a jamais été reconnu comme un principe fondamental d'ordre philosophique ou juridique, consacré par le système politique, mais au contraire comme une question ayant un caractère subsidiaire.

Aujourd'hui, la reconnaissance constitutionnelle d'un tel droit comme une exigence fondamentale doit constituer un principe directeur auquel toutes les autres branches du droit devront se conformer.

Pour que cette égalité soit consacrée et assurée dans les faits, une seconde étape est nécessaire. Il faut que les lois et règlements traduisent dans les faits cette volonté politique « proclamée » dans la Constitution. Il ne suffit pas d'affirmer que l'humanité est duelle. Il faut qu'elle soit légitimement représentée sous sa double forme, masculine et féminine, pour éviter les pièges d'une abstraction asexuée du citoyen, qui finit toujours par se décliner au masculin.

Puisque l'égalité des chances entre les hommes et les femmes existe théoriquement, il nous faut aujourd'hui parler de l'égalité quantitative garantie pour l'accès et la participation aux mandats et fonctions politiques, égalité qui n'est ni reconnue ni réalisée dans les faits.

« Les femmes se désintéressent de la politique », dit-on.

Pourtant, depuis les élections municipales de 1977 et sans interruption, les femmes ont participé au moins autant que les hommes à tous les scrutins politiques, et, du fait de leur poids démographique, elles pèsent majoritairement sur les résultats des scrutins.

« Les femmes ne sont pas formées », entend-on encore.

Quand elles luttent pour les libertés et la paix, en Argentine, en Afgahnistan, en Algérie et plus près de nous en Corse, le problème de leur formation ne se pose pas !

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

Mme Odette Casanova.

« C'est à cause du mode de scrutin que si peu de femmes sont élues », dit-on également. Entendons-nous bien, la réforme des modes de scrutins, la loi sur la limitation et le cumul des mandats et le statut de l'élu traduisent, certes, des problèmes d'éthique fondamentaux mais ils ne permettront en rien d'établir une discrimination positive susceptible de faire avancer la place des femmes en politique.

Il se dit aussi : « Pour être élues, les femmes n'ont qu'à se présenter. La compétition est ouverte à toutes et à tous : que les meilleurs gagnent ! » La réalité est tout autre. Jusqu'à ce jour, on a souvent envoyé les femmes dans des « terres de mission » : contre un ancien Président de la République, contre des anciens premiers ministres ou des anciens ministres, contre un maire Front national !

M. Richard Cazenave.

Quand je l'ai dit tout à l'heure, cela vous a fait hurler !

Mme Odette Casanova.

Ces combats symboliques sont-ils toujours reconnus à leur juste valeur ? A nous de voir.

Aujourd'hui, nous franchissons ensemble une étape historique et nous devons ensemble nous donner les moyens pour que de tels propos n'aient plus cours, notamment dans nos formations politiques respectives.

Ce projet de loi permet de rendre hommage à des décennies de lutte et prend acte de la modernisation et du renouvellement nécessaire de nos pratiques politiques.

Nous devrons donc proposer des lois et règlements pour que le système politique français instaure une démocratie paritaire et, pour cela, rester vigilants sur les méthodes, les moyens et les délais.

Le concept de parité que nous sommes en train de mettre en oeuvre contient un potentiel constructif et subversif qui bousculera les règles du jeu et débouchera sur


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une société plus généreuse et plus ouverte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La discussion générale est close.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique du projet de loi constitutionnelle dans le texte du Gouvernement.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Il est ajouté à l'article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 un alinéa ainsi rédigé :

« La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article unique.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Je n'allongerai pas le débat, l'essentiel ayant déjà été dit. Je me contenterai de souligner que les amendements que nous avons déposés sur l'article unique l'ont été dans un esprit de contribution positive. A l'orée de la discussion de cet article unique, nous sommes en effet nombreux sur les bancs de cette assemblée à nous féliciter que, pour une fois, un réel consensus se soit établi sur un sujet important pour l'avenir de la démocratie française.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Puisque la parité homme-femme n'exclut pas la galanterie, galanterie qui fut durant des siècles l'un des traits de notre culture, souffrez, madame Guigou, que je vous dise le plaisir que j'ai à passer une nouvelle fois une longue soirée en votre présence pour débattre d'un tel texte,...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Et nous alors ?

M. Pierre Lellouche.

... après les autres très longues soirées que nous avons déjà passé ensemble à discuter du PACS et de la modification de la Constitution qu'impose la ratification du traité d'Amsterdam.

Je note aussi, et c'est assez curieux, que, sur la trentaine de députés présents ce soir dans cet hémicycle, on trouve, pour une fois, une majorité de femmes...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

On voit que vous ne venez pas souvent le soir ! Les femmes, elles, sont souvent présentes le soir !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

M. Lellouche n'a pas tort !

M. Pierre Lellouche.

... et que fort peu d'hommes sont présents, aussi bien à droite qu'à gauche, ce qui en soi est assez symptomatique de la difficulté du sujet que nous traitons. Comme si cette modification sur laquelle nous sommes tous d'accord n'intéressait que les femmes et peu nos collègues masculins...

Sur l'objectif, je crois que nous sommes tous d'accord.

Il est ridicule, injuste et bête pour notre démocratie, pour notre vie démocratique, que les femmes soient si peu présentes dans notre vie politique.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Certes !

M. Pierre Lellouche.

Il est normal, puisque apparemment nous ne parvenons pas à accroître la présence des femmes dans la vie politique, de forcer un peu les choses par une révision constitutionnelle pour que, par le biais d'une discrimination positive, nous arrivions peu à peu à modifier les habitudes, les mentalités et le fonctionnement de nos partis politiques. Sur ce point, il n'y a pas de problème.

En revanche, laissez-moi vous dire, madame la ministre puisqu'il s'agit aussi de féminiser les noms - mon embarras,...

M. Jean-Pierre Brard.

Ça se voit !

M. Pierre Lellouche.

... mon inquiétude à propos de certaines arrière-pensées qu'on peut déceler derrière ce texte.

Cet embarras est d'abord dû à l'habitude, que vous avez depuis un certain temps, d'utiliser les problèmes dits de société pour faire diversion sur l'essentiel. Pendant que la société se rigidifie dans ses corporatismes et ses habitudes, sans qu'aucune réforme de structure n'intervienne pour la changer vraiment, le pouvoir actuel aime à donner l'impression du mouvement en s'appuyant sur de tels débats ; dits de société. On nous a ainsi accusés d'avoir voulu modifier le droit du sol lors du débat sur le code de la nationalité, nous avons longuement débattu du PACS, des faux débats ont été lancés sur l'euthanasie, les technoparades et autres, et, ce soir, il s'agit de modifier la Constitution pour aboutir à la parité entre les hommes et les femmes.

Je voudrais être sûr que l'opinion retienne de cette affaire que, contrairement à ce qu'a dit une collègue de la majorité, la parité n'est pas une idée de gauche, mais une idée de tous les républicains. Ce qu'a dit notre collègue m'a profondément choqué car, a contrario , tous ceux qui ne sont pas de gauche seraient des racistes, des machistes, des sexistes, des rétrogrades.

M. Charles de Courson.

C'est du sectarisme !

M. Pierre Lellouche.

Mon inquiétude est donc due en premier lieu à ce manichéisme idéologique que vous aimez tellement manier.

Elle tient ensuite à l'ambiguïté du texte qui nous est proposé, laquelle a été soulignée par le doyen Vedel dans une excellente tribune déjà mentionnée ce soir. Nous ne savons pas, au fond, de quoi on parle. Ce texte vise-t-il à organiser l'égalité ou la parité des candidatures entre les hommes et les femmes, ce qui est parfaitement louable mais ne passe pas nécessairement par une réforme de la Constitution et pourrait se faire par des mesures incitatives visant les partis politiques, encore que les mesures financières soient discutables ? Ou bien, seconde hypothèse, cherche-t-il à aboutir à une parfaite égalité du nombre des élus entre les hommes et les femmes ? Si c'est cela, l'objectif visé, en partant du constat que les femmes, qui représentent 50 % de la population, ne représentent que 6 % du nombre total des élus, nous limiterions la liberté de suffrage, pourtant fondamentale dans notre Constitution, et, surtout, le seul mode de scrutin compatible avec cet objectif serait nécessairement la généralisation du scrutin proportionnel.

J'ai entendu les dénégations embarrassées du Premier ministre à ce sujet et je voulais simplement que les travaux préparatoires soient très clairs à cet égard. Si le jeu consiste, pour la gauche, à constitutionnaliser la proportionnelle et à préparer une magouille électorale, nous serons très vigilants. Pour ma part, je trouverais parfaitement scandaleux, et je sais que tous mes collègues hommes ou femmes, sont d'accord sur ce point, que l'entrée en plus grand nombre de femmes dans cet hémicycle, que je souhaite, s'accompagne de l'arrivée de députés du Front national.


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Enfin, ce texte, qu'on le veuille ou non, modifie fondamentalement la règle républicaine qui figure à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme, laquelle est annexée à notre Constitution : « Tous les citoyens étant égaux - aux yeux de la loi -, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Telle était la base de la conception

française de la République : le citoyen, l'élu, sans distinction aucune.

J'ai bien compris, car cela nous a été répété, que la distinction entre les hommes et les femmes n'était pas une distinction communautariste, que c'est une distinctions tructurante de l'humanité. J'aurais d'ailleurs aimé entendre davantage cet argument sur les mêmes bancs pendant la discussion du PACS. Curieusement, nous ne l'avons pas entendu !

M. Charles de Courson.

Tout à fait !

M. Pierre Lellouche.

On nous a donc dit qu'il s'agissait d'une distinction structurante et que l'appartenance au sexe féminin n'était pas l'appartenance à une communauté. Très bien ! Mais vous n'empêcherez pas que certains, surtout proches de la gauche, d'ailleurs, et qui n'ont jamais abandonné le rêve d'une république commun autariste, n'utilisent l'innovation constitutionnelle à laquelle nous allons procéder.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est nul !

M. Pierre Lellouche.

En se fondant sur la notion de discrimination positive liée au sexe, certains prétendront demain que d'autres communautés devraient se voir garantir, au nom du même principe, un accès proportionnel aux emplois et aux fonctions. Certains le font d'ailleurs déjà.

M me Paulette Guinchard-Kunstler.

C'est vraiment n'importe quoi !

Mme Nicole Feidt.

Il commence à nous pomper l'air !

M. Pierre Lellouche.

Ainsi, ces derniers jours, Jacques Attali, qui est un homme de gauche, a réclamé dans L'Express, au nom d'une certaine communauté religieuse établie en France, une représentation proportionnelle à l'Assemblée nationale.

Je voudrais donc être sûr que ce débat ne soit pas dévoyé, qu'il n'y ait pas de bidouillage électoral, qu'on ne bascule pas vers le communautarisme. Aux Etat-Unis, j'ai vécu la discrimination positive et je connais le modèle américain. Je peux vous assurer qu'il est extraordinairement nocif, toxique et contre-productif, et qu'il va contre l'intérêt des femmes et des autres minorités qu'il entend défendre.

Mme Odette Casanova.

Les femmes, une minorité ?

Mme Dominique Gillot.

Nous ne sommes pas une minorité : nous somme la moitié du monde !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Ne mélangez pas tout !

Mme Catherine Génisson.

Lisez Sylviane Agacinski !

M. Pierre Lellouche.

Aux Etats-Unis, elles sont considérées comme une minorité.

Bien entendu, je voterai cette réforme, comme le groupe du Rassemblement pour la République, mais je voulais que le Journal officiel témoigne que nous avons mis en garde le Gouvernement contre ces deux risques.

M. le président.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu.

Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission, nous voici donc amenés aujourd'hui à envisager une modification de notre Constitution. Permettezmoi de vous dire d'entrée de jeu que, pour moi, la révision de la Constitution est un acte solennel, qu'on ne doit toucher à celle-ci qu'avec prudence et parcimonie. A trop utiliser cette démarche, nous risquerions de banaliser cet acte fondamental. La Constitution, ce n'est pas un contrat révisable à la petite semaine, c'est le pacte essentiel conclu par le peuple et assurant les fondements de notre République.

Pourquoi en sommes-nous là aujourd'hui ? Tout simplement pour rappeler que le genre humain est mixte et que l'égalité n'est pas divisible. L'égalité entre les hommes et les femmes est naturelle.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Dites-le à votre collègue Lellouche !

Mme Françoise de Panafieu.

Alors que la situation se n ormalise dans de nombreux secteurs - fonction publique, secteur privé, où des progrès sont encore à faire, ainsi qu'au niveau de l'Europe -, force est de constater que, cinquante ans après la reconnaissance du droit de vote aux femmes par le général de Gaulle, leur place reste marginale en politique.

L'égalité entre les femmes et les hommes est nécessaire.

Si nous voulons que nos assemblées soient représentatives, que nos concitoyens se reconnaissent en elles, elles doivent être le reflet dans leur composition de notre société, faite à égalité d'hommes et de femmes, de jeunes et de moins jeunes. Le peuple, aujourd'hui, le demande, et il a raison.

L'égalité est applicable. Les mesures envisagées doivent être temporaires et elles le seront forcément, en politique comme ailleurs. Lorsque les femmes sont en place, elles savent se défendre. L'application du principe est évidente dans le cadre des scrutins de liste, des modes de scrutin à la proportionnelle : un, deux ; un, deux. Pour être un peu brutale, la méthode est efficace.

Mais, et nous ne le répéterons jamais assez, il ne saurait être question de changer de mode de scrutin, notamment pour les élections législatives, dans le seul but d'assurer la parité. L'électeur a besoin de ce rendez-vous très particulier avec son élu, il a besoin d'établir un dialogue sans passer obligatoirement d'abord par le parti politique.

Dans ce cas précis, envisageons une incitation financière, une sorte de bonus accordé à la parité pour la répartition de l'argent public auquel chaque parti politique a droit à l'issue des élections. Cette dotation devrait être calculée au prorata du nombre de candidates élues à l'issue du scrutin. Cette mesure peut choquer certains mais elle a au moins deux mérites. D'abord, elle tape là où ça fait mal. Ensuite, quelle autre mesure incitative proposer pour s'opposer à la proportionnelle aux élections législatives ? Pour ma part, je n'en vois aucune.

Ces mesures doivent être prises dans le pays des droits de l'homme, qui se permet pourtant d'être la lanterne rouge sur notre continent en ce qui concerne la place qu'il donne aux femmes en politique.

Nous devons ensuite veiller à ce que cette démarche, cette déclaration d'intention soit suivie de faits. Nous préférons, c'est vrai, les actions aux déclarations d'intention.

J'en viens à la rédaction même. Le débat s'est focalisé autour du verbe employé. « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes » : tel était le texte initial du


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Gouvernement. « La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès » : tel est le texte de l'amendement adopté en commission des lois le 2 décembre dernier.

Madame la présidente de la commission, cette seconde version nous paraît mieux répondre au but visé ; mais, sans minimiser à l'excès du choix du verbe, il me semble que la vraie question a plutôt porté sur le complément de ce verbe.

Fallait-il parler d'égal accès ou de parité ? La rédaction « égal accès » a été préférée. C'est un point essentiel et il me semble que cette rédaction répond mieux à l'idée républicaine de l'universalité des droits des femmes et des hommes.

En ce qui concerne sa portée exacte, ce texte n'impose pas d'obligation d'emblée. Il établit une habilitation à faire. Son but est de permettre de lever, dans le domaine politique, les obstacles, afin d'assurer une répartition plus équilibrée des responsabilités entre les hommes et les femmes. C'est donc l'interprétation modérée qui a prévalu et c'est celle qui convient le mieux à une inscription de cette disposition dans notre Constitution, puisqu'il faut bien en passer par là. A l'aube du

XXIe siècle, au printemps du troisième millénaire, vous avouerez que la situation est surréaliste ! Nous devons écrire noir sur blanc ce qui aurait dû se faire naturellement depuis cinquante ans au moins. Nous toutes ne manifesterons donc aucune gloire ce soir, nous faisons simplement un constat. Puisqu'il faut inscrire ce principe d'égalité d'accès des femmes et des hommes dans la Constitution, nous le ferons !

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, nous avons pris note avec satisfaction de votre engagement et de votre refus de profiter de cette discussion quant à un meilleur accès des femmes à la vie publique pour instituer la proportionnelle aux élections législatives.

Toutefois, le problème reste entier pour instituer la parité lors des scrutins uninominaux, et en particulier lors des élections à l'Assemblée nationale.

Reprenant les interventions de Françoise de Panafieu et d'Yvette Roudy, je propose qu'une partie du financement public des partis politiques soit liée à la place faite aux femmes. Cela ne saurait bien entendu concerner la première partie du financement, celle qui constate le nombre de candidats présentés, car on pourrait imaginer que soient systématiquement réservées aux femmes les plus mauvaises circonscriptions ; il faut donc que cette modulation du financement concerne les femmes réellement élues.

Vous n'ignorez pas, mes chers collègues, que nous donnons chacun à nos partis respectifs un peu plus de 300 000 francs par an. Une partie de cette somme pourrait être consacrée à une dotation de parité. Ni trop forte, car les partis doivent fonctionner, ni trop faible, bien entendu, pour être véritablement incitative.

Je propose donc qu'une somme de 100 000 francs par d éputé soit consacrée à cette cagnotte de parité.

Cent députés dans un parti, cela fait une cagnotte de 10 millions de francs ; s'il y a cinquante femmes et cinquante hommes élus, on touche la totalité de la cagnotte ; s'il y a soixante-quinze hommes et vingt-cinq femmes, ou soixante-quinze femmes et vingt-cinq hommes, seulement la moitié, soit 5 millions de francs ; et si tous les élus sont du même sexe, on ne touche rien.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Le calcul est très précis !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il faut faire des propositions concrètes ! Les partis trop éloignés de la parité contribueraient ainsi à un fonds de parité, qui pourrait être utilisé pour des actions d'information, de sensibilisation et de motivation de l'opinion publique, en particulier en direction des jeunes.

L'adoption de ce principe entraînerait donc une modification de la loi du 11 mars 1988 et un amendement à l'article 9 de la loi du 15 janvier 1990, qui précise les conditions d'attribution de l'aide publique aux partis politiques.

Une telle modification serait d'ores et déjà possible.

Nous avons, en effet, à l'Observatoire de la parité, interrogé des constitutionnalistes. L'organisation des partis politiques est régie par l'article 4 de la Constitution, le libellé est purement incitatif et il n'est donc pas besoin de réforme constitutionnelle pour instituer un financement conditionnel des partis politiques lié au respect du principe de parité, le doyen Vedel, M. Carcassonne, Francine Demichel et Louis Favoreu nous l'ont confirmé.

Cette modulation a reçu l'accord de l'ensemble des responsables de partis politiques, en particulier l'accord de M. Jospin, qui était alors premier secrétaire du parti socialiste. Si elle n'a pas reçu l'accord de Robert Hue, ce n'est pas sur le fond, mais parce que celui-ci, estimant qu'il fallait en même temps instituer le scrutin proportionnel, ne voyait pas l'utilité d'un financement conditionnel des partis politiques.

Je souhaite donc que ces modalités soient très rapidement adoptées, afin de permettre un égal accès, ou tout au moins un meilleur accès des femmes dans notre assemblée.

Mme Nicole Catala.

Très bien !

M. le président.

M. Cazenave a présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article unique :

« L'article 1er de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. »

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Cet amendement vise à inscrire le principe d'égal accès des hommes et des femmes dans l'article 1er de la Constitution, qui pose le principe d'égalité. Ainsi, ce principe aura une portée plus large que si nous l'inscrivons à l'article 4 de la Constitution, qui concerne les fonctions politiques et les mandats électifs.

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Tasca, présidente et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no

5.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

M. Cazenave, reprenant la rédaction adoptée par la commission, propose de l'intégrer dans l'article 1er de la Constitution.

La commission a repoussé cet amendement, estimant que l'article qui doit être modifié est l'article 3. C'est en effet en invoquant cet article que le Conseil constitutionnel a censuré, en 1982, des dispositions tendant à favoriser la présence des femmes aux élections municipales.


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Il s'agit, à travers cette révision constitutionnelle, de lever cet obstacle juridique, et c'est pourquoi l'inscription de cette précision à l'article 3 nous semble s'imposer.

Par ailleurs, vous évoquez, monsieur le député, un élargissement du champ d'application du principe d'égalité.

C'était d'ailleurs le point de départ du projet gouvernemental. Mais le Conseil d'Etat a fait observer à juste raison que le troisième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 permet déjà d'organiser, si le législateur le souhaite, l'égalité d'accès dans les autres champs de l'activité économique et sociale.

Ce qui est en cause aujourd'hui, ce sont les élections et les activités politiques ; c'est là qu'est le barrage. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Même avis que le rapporteur.

M. le président.

Monsieur Cazenave, maintenez-vous votre amendement ?

M. Richard Cazenave.

Le Conseil constitutionnel fonde sa décision d'annulation non seulement sur l'article 3, mais surtout sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Nous n'allons pas pour autant modifier cette déclaration !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Nous n'en sommes pas là !

M. Richard Cazenave.

Je trouve votre argumentation spécieuse, madame la présidente. Ce n'est pas parce que le Conseil constitutionnel a trouvé une faille par le biais de l'article 3 qu'il est légitime d'incrire la révision constitutionnelle dans cet article. Mais nous reviendrons sur ce point en examinant l'amendement qui propose de faire figurer cette disposition à l'article 4.

Pour l'instant, prenant acte du fait que nous nous limitons au champ politique, je retire cet amendement.

M. le président.

L'amendement no 5 est retiré.

M. le président.

Mme Bachelot-Narquin a présenté un amendement, no 18, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article unique :

« L'article 3 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et aux fonctions politiques est assuré par la parité. La loi en fixe les modalités. »

La parole est à Mme Roselyn Bachelot-Narquin.

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

En ce qui me concerne, introduire la disposition à l'article 3 de la Constitution me convient parfaitement, mais je crois déceler dans la rédaction qui nous est proposée un certain nombre de pièges.

Celle que je vous propose réintroduit d'abord le concept de parité. Il est évident que c'est en utilisant le concept d'égalité qu'on a exclu les femmes de la vie politique, au motif de l'universalime, et de nombreux orateurs ont surabondamment développé ce thème. La parité est le concept opérationnel de l'égalité et il est souhaitable qu'il apparaisse en toutes lettres dans la rédaction de l'article unique.

D'autre part, le mot « favorise » a été relevé par de nombreux observateurs et observatrices comme étant beaucoup trop flou. Ceux-ci ont craint qu'il ne soit la porte ouverte à des mesures insuffisamment contraignantes ou transitoires. Je propose donc qu'il soit remplacé par les mots « est assuré ». On pourrait proposer

« garantit » ou « assure ». Mais la formule doit être à tout le moins plus ferme que celle qui figure dans le texte.

Enfin, de nombreux analystes ont remarqué que la référence aux « mandats » et aux « fonctions » ne précisait pas la nature « politique » de ces mandats et de ces fonctions. Si l'on en restait au libellé prévu, des difficultés surviendraient car il faudrait évidemment couvrir non seulement la sphère politique, mais aussi la sphère sociale et professionnelle, ce qui est, je le reconnais, souhaitable.

Cela poserait des problèmes de mise en oeuvre considérables. Or il s'agit bien là de la sphère politique.

Telles sont les trois objections que je souhaitais exprimer.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Cet amendement, qui n'a pas été examiné par la commission, m'offre l'occasion de préciser notre positions ur les différentes questions que vient de soulever

Mme Bachelot, en particulier sur la notion de parité.

Tout au long des travaux préparatoires et notamment lors des auditions auxquelles a procédé la commission, les points de vue se sont confrontés quant à la nécessité d'écrire le terme « parité » dans le corps même de la loi.

Je rappelle que ce terme figure dans l'exposé des motifs. De notre point de vue, ce terme symbolique extrêmement fort - il a animé l'action militante, en particulier ces dernières années, dans le combat des femmes pour accéder aux responsabilités politiques - ferait naître plusieurs difficultés s'il figurait dans la loi.

Tout d'abord, la parité est un concept très mathématique, qui impose un résultat chiffré d'égalité absolue. Si cette égalité absolue est notre ligne d'horizon à tous, elle ne peut devenir la règle constitutionnelle. En effet, nous savons d'ores et déjà que, sur le plan technique, nous pourrons nous heurter à ces cas de figure dans lesquels la parité mathématique ne sera pas réalisable.

Nous nous référons beaucoup plus au principe d'égalité. Je crois qu'il faut s'en tenir au principe de l'égalité républicaine : il s'agit aujourd'hui de passer de l'énoncé du principe à la mise en oeuvre réelle de ce principe. La rédaction que nous avons adoptée en commission permet d'organiser cette égalité réelle alors que la parité conçue comme règle mathématique ne peut pas être l'objectif visé. Plusieurs orateurs ont d'ailleurs fait observer que, dans certains cas, on pourrait se retrouver avec une proportion inversée par rapport à celle que nous vivons depuis des décennies.

Il s'agit donc bien de promouvoir le principe de l'égalité réelle. Il est très important, dans un texte constitutionnel, de s'en tenir aux grands principes républicains, et l'égalité est de ceux-là.

Je reviendrai plus tard, à l'occasion d'autres amendements, sur les remarques concernant la qualification des mandats et fonctions, pour aller dans votre sens d'ailleurs.

Je ferai simplement observer que le qualificatif « politique » ne me semble pas être suffisamment précis par rapport au champ d'application de la loi.

Quant au verbe qu'il convenait d'utiliser, vous qui avez participé à nos travaux savez que nous en avons beaucoup discuté et passé en revue tous les verbes possibles. « A assurer » a été abandonné au profit d'« organiser ». Nous y reviendrons ultérieurement.


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Quoi qu'il en soit, l'amendement n'a pas été examiné par la commission et, à titre strictement personnel, je ne propose pas à l'Assemblée de l'adopter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je partage évidemment le souci de Mme Bachelot de manifester que la parité est bien notre objectif. Je crois avoir été suffisamment claire à ce sujet dans mon discours introductif.

Mais l'important est de montrer que la parité est l'instrument essentiel, s'il n'est pas toujours le seul, pour parvenir à l'égalité réelle, à l'égalité concrète. Il appartiendra à la loi de déterminer les conditions dans lesquelles cette parité est obtenue.

Nous poursuivons les mêmes objectifs, même si nous pouvons diverger sur la meilleure façon de les atteindre.

Comme Mme Tasca, je pense qu'il est préférable de s'en tenir à la rédaction retenue par la commission des lois, qui permet, pour toutes les raisons que j'ai dites, de préciser que la loi organisera effectivement les conditions dans lesquelles l'objectif sera atteint.

M. le président.

Mme Bachelot, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 6 et 17, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 6, présenté par M. Cazenave, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article unique :

« L'article 4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs et fonctions politiques. »

L'amendement no 17, présenté par M. Goasguen, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article unique, substituer à la référence : "article 3", la référence, "article 4". »

La parole est à M. Richard Cazenave, pour soutenir l'amendement no

6.

M. Richard Cazenave.

Revenant sur l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure, je soutiens que, par souci de cohérence, c'est à l'article 4 de la Constitution que nous devons écrire que « la loi détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs et aux fonctions politiques ».

Tous les exemples qui ont été cités visaient les partis politiques et les incitations qui pouvaient leur être adressées : ce sont eux qui élaborent les listes en cas de scrutin de liste et qui accordent les investitures pour l'ensemble des élections. C'est bien à ce niveau que cela se passe ! D'ailleurs, madame Tasca, vous avez bien précisé, en rejetant tout à l'heure le premier amendement, qu'il s'agissait en l'occurrence uniquement du champ politique. Et qui, dans le champ politique, fera vivre le principe de l'« égal accès », sinon les partis politiques à travers leurs investitures ? Il est inopérant de m'opposer que le Conseil constitutionnel s'est appuyé en 1982 sur l'article 3, qui traite de la souveraineté et non pas de l'exercice des responsabilités politiques. Effectivement, la souveraineté appartient au peuple français. Celle-ci, indivisible et universelle, s'exprime par le suffrage universel. Mais nous parlons là des responsabilités politiques et de ceux qui y accéderont. Et par quoi y accède-t-on ? Par les partis politiques, par les investitures, par l'organisation du suffrage.

C'est donc à l'article 4 de la Constitution que la disposition doit être insérée, et je ne vois pas ce que pourrait objecter le Conseil constitutionnel.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l'amendement no

17.

M. Claude Goasguen.

La place de la disposition à l'intérieur de la Constitution peut paraître un sujet purement formel et abstrait. La Constitution comprend d'ailleurs un certain nombre de dispositions qui sont mal placées. Ce ne sera donc ni la première ni la dernière fois que cela arrivera : la Constitution est un organisme vivant. (Sourires.)

Mais il est tout de même singulier de se fonder sur la décision du Conseil constitutionnel pour choisir l'article 3.

En effet, cette disposition, en fait, n'est pas de nature constitutionnelle. Pour être clair, je rappellerai que les autres pays européens n'ont pas eu besoin d'intégrer une disposition de ce genre dans leur Constitution. Et quelle en est la raison ? Ils disposent de moyens juridiques qui les en ont dispensés, c'est-à-dire de procédures souples, que les pays anglo-saxons utilisent depuis des décennies.

Mais, en France, nous avons cette spécificité d'avoir un Conseil constitutionnel qui, depuis 1982, sur la base de l'article 3, s'oppose à ce que souhaite l'ensemble du pouvoir constituant.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai !

M. Claude Goasguen.

Ainsi, non seulement le Conseil constitutionnel a constitué un frein à l'évolution, par une jurisprudence que je n'hésite pas à qualifier de restrictive, mais il déciderait de plus de la place à donner à la disposition souhaitée.

Quelle que soit l'estime que l'on peut porter à cette haute juridiction, il ne faut pas lui donner un pouvoir excessif.

La place naturelle de la disposition dont il s'agit est l'article 4 pour une raison très simple : l'article 3, qui concerne l'exercice de la souveraineté, a une portée très générale et le fait d'y vouloir y placer la disposition a sans doute des connotations politiques qui ne seront pas neutres dans la jurisprudence ultérieure du Conseil.

En effet, dans son esprit, la disposition placée à l'article 3 revêtirait elle aussi une portée générale. Par conséquent, le Conseil constitutionnel serait tenté d'en revenir à une vision restrictive, cherchant dans les textes de loi la moindre faille, la moindre imperfection permettant de justifier de nouvelles annulations.

La souveraineté est indivisible : c'est un des dogmes de la République. Par conséquent, vous ne pouvez pas la diviser en fonction du sexe, pas plus qu'en fonction d'autres notions.

En revanche, l'article 4 porte sur l'expression du suffrage. Et l'expression du suffrage, c'est, en droit français, l'expression des partis et des groupements politiques.

Même si cela ne plaît pas au Conseil constitutionnel, la logique veut que la disposition soit intégrée à l'article 4, ne serait-ce que pour assurer la sécurité juridique ultérieure.

N'en faisons pas un débat de doctrine ! N'engageons pas de discussion, qui pourrait paraître ésotérique ou abstraite, sur l'évolution des moeurs et de la démocratie !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

Mon amendement aurait sans doute des conséquences sur le droit positif : je ne suis pas sûr que le Conseil constitutionnel soit profondément convaincu de l'évolution que nous, en tant que pouvoir constituant, souhaitons, et qu'il ne cherchera pas à revenir à des habitudes anciennes, héritées de sa jurisprudence de 1982.

Je demande en tout cas à l'Assemblée d'être particulièrement attentive au positionnement des textes juridiques.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

La place de la disposition n'est, en effet, pas du tout anecdotique, et vous avez eu raison, messieurs, d'insister sur ce point. La commission a cependant rejeté les deux amendements.

Lorsque vous évoquez la sécurité juridique future du texte, je vous écoute attentivement car cette sécurité est notre préoccupation à tous. Mais il me semble important de bien éclairer le Conseil constitutionnel sur l'intention du constituant. On peut penser que sa jurisprudence de 1982 est venue du fait qu'il a estimé que la volonté du constituant n'était pas assez claire sur les mesures favorisant les femmes. Je ne veux pas dire qu'il y ait été hostile, encore que...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Oui, encore que...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Il s'agit bien en l'occurrence de modifier dans notre Constitution la conception que nous avons de l'unité de la souveraineté et du suffrage. Et, pour ce faire, c'est bien l'article 3 que nous devons compléter.

Tout notre débat a tendu à démontrer qu'il s'agissait d'une même souveraineté, mais bisexuée. C'est d'ailleurs ce qui nous oppose définitivement à M. Lellouche, qui craint une dérive communautariste...

M. Pierre Lellouche.

Je ne sais pas ce qu'est une souveraineté « bisexuée » !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

C'est dommage pour vous, monsieur Lellouche ! Mais permettez-moi de continuer de répondre à M. Cazenave et à M. Goasguen.

Quant au souci de clarté de l'intention du constituant, qui les anime, il nous a semblé qu'en situant la révision à l'article 3 non seulement nous répondions à l'argumentaire de 1982, mais aussi que nous éclairions, pour l'avenir, notre conception de l'exercice de la souveraineté.

Monsieur Goasguen, vous avez raison : beaucoup de choses passeront par les partis politiques. Mais votre rédaction, monsieur Cazenave, n'est pas tout à fait adaptée à votre intention. Il faudrait, si l'on allait jusqu'au bout de votre raisonnement, préciser non pas que la loi détermine les conditions de l'égal accès, mais préciser

« les » conditions elles-mêmes dans lesquelles les partis organisent cet accès.

En outre, je me permets de vous rappeler que certaines candidatures ne passent pas par les partis.

Nous nous situons au plus haut du dispositif, et pas seulement au niveau des partis.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je partage l'analyse de Mme la rapporteur.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

La place dans la Constitution de la disposition n'est pas neutre. J'y vois même le point cardinal de l'ambiguïté que j'ai dénoncée tout à l'heure quant aux objectifs recherchés.

Nous sommes tous d'accord pour faire en sorte que les femmes occupent pleinement leur place dans notre vie politique. Mais qu'est-il recherché à travers la disposition proposée ? L'égalité des candidatures ou l'égalité des élus ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

L'égalité d'accès au mandat ! Un mandat n'est pas une candidature !

M. Pierre Lellouche.

Tout le sujet est là, madame Tasca ! Si vous placez la disposition à l'article 3, vous l'associez à l'exercice de la souveraineté et au mode de suffrage.

Vous confortez alors mes inquiétudes quant aux conséquences de la disposition en termes de constitutionnalisation de la proportionnelle. Vous aurez beau dire que le Premier ministre a fait toutes les dénégations possibles, vous avez vous-même, si j'en crois le compte rendu des débats de la commission des lois, tiré la conclusion que la seule façon d'aboutir à la pleine parité, à la pleine égalit é, était de modifier le mode de scrutin.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Je n'ai jamais dit cela !

M. Pierre Lellouche.

En revanche, si nous parlons de l'égalité de candidatures, donc de la modification du comportement des partis politiques, ou encore des incitations financières qu'a évoquées Mme Bachelot-Narquin - sur ce point, je ne suis d'ailleurs pas d'accord avec elle c'est l'article 4 que nous devons viser, car c'est cet article qui est consacré aux partis politiques et aux groupements politiques qui concourent à l'expression du suffrage.

Dans un cas, avec l'article 3, on ouvre la voie à une modification constitutionnelle du scrutin et, par voie de conséquence, celle à la constitutionnalisation de la proportionnelle ; dans l'autre, il s'agit d'une modification, qui n'avait pas besoin d'être constitutionnelle, du mode de désignation des candidats.

Voilà pourquoi la place de cette disposition est extrêmement importante. Je trouve la position de la commission et du Gouvernement particulièrement inquiétante à cet égard. Ils viennent de confirmer mes craintes sur une éventuelle modification du scrutin.

Mme Nicole Feidt.

Vous êtes contre la parité, c'est tout !

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Juste un mot, madame la présidente de la commission, pour ne pas laisser entamer la cohérence de ma proposition par vos observations. Vous indiquiez tout à l'heure que si c'est aux partis que nous devons imposer certaines obligations, il faudrait écrire :

« La loi détermine les conditions dans lesquelles les partis doivent assurer l'égal accès... ». Mais non, car il n'y a pas

que les partis politiques. En effet, se constituent à l'occasion des élections, sous un sigle donné, des groupements qui ne sont pas des partis politiques. Il existe en outre des candidatures hors parti. Il faut donc bien maintenir ma rédaction.

A l'inverse, comment imposerez-vous à des candidats indépendants une quelconque obligation ? Interdirez-vous à tel ou tel, isolément, de se présenter parce qu'il est homme et parce qu'il faudrait que ce soit une femme qui se présente au nom d'un principe de parité ? Bien


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entendu que non ! On ne pourra donc imposer des règles qu'aux grands partis et groupements politiques. On ne pourra pas imposer quoi que ce soit, à titre individuel, à des citoyens qui sont libres de se présenter à une élection à partir du moment où ils remplissent les conditions requises pour ce faire. Je maintiens donc que ma proposition est parfaitement cohérente et je ne vois toujours en quoi l'article sur la souveraineté peut servir de support à cette réforme.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 15 et 14 pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 15, présenté par M. de Courson, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article unique :

« La loi détermine, pour une période maximale de dix ans, les mesures dérogatoires au principe d'égalité visant à organiser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions. »

L'amendement no 14, présenté par Mme Aubert, MM. Marchand, Aschieri, Cochet, Hascoët et Mamère est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article unique :

« La loi organise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions pour atteindre l'objectif de parité. »

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no

15.

M. Charles de Courson.

Mon arrière-grand-mère était une ardente suffragette et elle a eu le bonheur de connaître l'issue de ce combat puisqu'elle est morte deux ans après que les femmes eurent obtenu le droit de vote.

Alors je me suis posé une question très simple : qu'auraitelle pensé aujourd'hui de ce projet de loi constitutionnelle ? Elle aurait probablement dit à son arrièrepetit-fils qu'il n'est pas clair, car il ne fixe pas des principes contitutionnels clairs, ne choisit pas entre l'égalité des moyens et celle des résultats et parce qu'il pourrait avoir des effets pervers si les mesures prises pour l'appliquer devenaient permanentes. Elle m'aurait donc suggéré de l'améliorer sur deux points.

D'abord, il faudrait préciser quels sont les principes constitutionnels auxquels on peut déroger afin de faciliter l'accès des femmes aux mandats et fonctions. Il faut donc tout simplement dire que l'on peut déroger au principe d'égalité, donc a contrario pas à d'autres principes. Dans la conclusion de son article intitulé « La parité mérite mieux qu'un marivaudage législatif », que vous êtes nombreux ici à avoir lu, le doyen Vedel souligne que ce texte confie au Conseil constitutionnel le soin de fixer les règles constitutionnelles à respecter dans l'application de la présente réforme constitutionnelle. Et le doyen Vedel dit avec justesse que, une nouvelle fois, notre absence de rigueur juridique aboutira au gouvernement des juges.

Ensuite, ne faudrait-il pas limiter dans le temps la possibilité de déroger au principe d'égalité ? Je propose quant à moi de la limiter à dix ans, c'est-à-dire deux législatures. En effet, si les mesures que nous adoptons aboutissent à une augmentation importante du nombre de femmes élues, la pompe sera amorcée et ces dispositions ne seront plus utiles. Cela présenterait aussi l'avantage de répondre à tous ceux qui objectent que si la disposition devenait permanente, cela voudrait dire que l'on crée une sous-catégorie par rapport au principe d'universalité du suffrage.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais non !

M. Charles de Courson.

A l'inverse, si les mesures que nous voterons ultérieurement échouaient, cela signifiera qu'elles ne sont pas bonnes. Il faudrait alors les abroger et les remplacer par d'autres.

En adoptant cet amendement, nous répondrions aussi à ceux qui se demandent comment le Conseil constitutionnel pourra vérifier la conformité des lois que nous voterons ultérieurement à la réforme constitutionnelle en cours. Il est vrai qu'aujourd'hui nous sommes dans le flou, c'est le moins que l'on puisse dire. Je propose donc tout simplement de préciser que la loi ne peut déroger qu'au principe d'égalité, parce que je pense qu'il y a un large consensus là-dessus.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert, pour soutenir l'amendement no

14.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Avec cet amendement, fort différent du précédent, nous proposons une rédaction beaucoup plus volontariste de l'article unique. En effet, je n'ai pas assisté à tous les débats de la commission, mais je ne vois pas l'utilité d'une formule alambiquée telle que

« détermine les conditions dans lesquelles est organisé... »,

ou alors il y a une subtilité qui m'échappe.

En tout cas, nous souhaitons faire figurer dans le texte l'objectif de parité, qui nous semble extrêmement important. Et nous avons justement pris soin de rédiger la phrase de façon à ce que la parité apparaisse non pas comme une règle mathématique obligatoire, mais comme un objectif à atteindre. J'ai d'ailleurs écouté avec beaucoup d'attention les propos d'Elisabeth Guigou qui a répété, il y a quelques instants, qu'il s'agissait bien d'atteindre l'objectif de parité. Je propose donc qu'il figure explicitement dans la Constitution.

M. Pierre Lellouche.

Cela a au moins le mérite d'être cohérent !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Vous proposez, monsieur de Courson, une période dont je ne sais s'il faudrait l'appeler « probatoire » ou « transitoire ».

M. Charles de Courson.

C'est une période d'amorçage !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Tout d'abord, je vous trouve fort pessimiste.

M. Bernard Roman.

Oui, cela ira plus vite !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

J'espère bien que nous aurons atteint l'objectif avant dix ans. En tout cas, il est très arbitraire de définir ainsi une période. La révision se situe sur le plan des principes. Et, quand bien même, dans dix ans, l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions serait réalisé, cela n'imposerait nullement de faire disparaître de notre Constitution ce principe, qui resterait valable pour la suite. C'est pourquoi la commission a repoussé l'amendement no

15. Madame Aubert, je ne peux que vous répéter ce que j'ai dit tout à l'heure à propos de l'amendement présenté par Mme Bachelot : le Gouvernement, et la commission


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l'a suivi, n'a pas souhaité faire figurer dans le texte le terme de « parité » et le fait de lui associer le mot « objectif » ne change rien. La parité est un concept mathématique. Je le redis ici, elle a été un étendard, un thème très fort de l'action militante qui nous a permis de déboucher sur cette révision, mais elle ne peut figurer dans notre dispositif constitutionnel. Voilà pourquoi, madame la députée, la commission a repoussé l'amendement no

14.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis hostile à l'amendement no 15. D'abord, l'introduction dans notre constitution de dispositions destinées à s'appliquer pendant une durée déterminée porterait atteinte à l'autorité de notre charte fondamentale. Ensuite, elle affaiblirait les dispositions du préambule de la Constitution de 1946, qui garantit aux femmes, sans réserve et dans tous les domaines, des droits égaux à ceux des hommes. Enfin, le caractère temporaire de cette mesure réduirait la portée symbolique de la révision constitutionnelle dont nous débattons aujourd'hui.

Madame Aubert, comme je l'ai dit à Mme BachelotNarquin, nous partageons bien entendu cet objectif de parité, mais je rejoins l'analyse de votre rapporteur.

Même si la parité est une évidence qui doit, à nos yeux, s'imposer comme une réalité et non comme un simple principe juridique, il est préférable de poser, dans notre constitution, le principe de l'égalité réelle, et pas simplement de l'égalité abstraite, et de faire de la parité l'instrument pour y parvenir. C'est la loi qui nous le permettra.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Je crois que Mme la présidente de la commission des lois et Mme la garde des sceaux n'ont pas bien compris mon amendement. La disposition que je propose est bien pérenne du point de vue de la Constitution. Ce sont les mesures prises pour atteindre l'objectif qui seraient limitées à dix ans, mais il serait possible de les changer au bout de cinq ou dix ans si elles échouent. Dix ans, c'est une durée maximale.

Ensuite, pourquoi dix ans ? Si l'évolution des mentalités ne demandait que dix ans, ce serait déjà formidable...

Mme Nicole Feidt.

Avec vous, il faudra vingt ans !

M. Charles de Courson.

... puisque, depuis 1975, le nombre de femmes élues a régressé en France.

Enfin, ni Mme la garde des sceaux ni Mme la présidente de la commission des lois n'ont répondu à une question fondamentale, à savoir : quels sont les principes constitutionnels que le texte, tel qu'il nous est proposé, permettra de ne pas respecter ? Il y a là un vrai problème.

Le texte est en effet complètement flou et aboutira à ce que ce soit le Conseil constitutionnel qui fixe les règles au travers de sa jurisprudence, ce qui est tout de même paradoxal puisque c'est à nous parlementaires qu'il appartient de le faire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Myard a présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Au début du dernier alinéa de l'article unique, insérer les mots : "Dans le strict respect du principe d'égalité,". »

La parole est à Mme Nicole Catala, pour soutenir cet amendement.

Mme Nicole Catala.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Cet amendement a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Myard a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Au début du dernier alinéa de l'article unique, insérer les mots : "à l'exception de toute mesure discriminatoire,". »

La parole est à Mme Nicole Catala, pour soutenir cet amendement.

Mme Nicole Catala.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 1, 4, 12 et 11, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 1 et 4 sont identiques.

L'amendement no 1 est présenté par Mme Tasca, rapporteur, Mme Feidt et Mme Neiertz, MM. Floch, Christian Paul et Roman ; l'amendement no 4 est présenté par Mme Jacquaint, Mme Jambu, MM. Hue, Hage, Brunhes et les membres du groupe communiste.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, substituer au mot : "favorise", les mots : "détermine les conditions dans lesquelles est organisé". »

L'amendement no 12, présenté par M. Myard, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, substituer au mot : "favorise", les mots : "met en oeuvre des mesures tendant à faciliter". »

L'amendement no 11, présenté par M. Myard, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, substituer au mot : "favorise", le mot : "encourage". »

La parole est à Mme la présidente de la commission, pour soutenir l'amendement no

1.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Cet amendement, qui a été adopté à la quasiunanimité par la commission, devrait répondre aux inquiétudes et aux interrogations qui sont apparues durant nos travaux préparatoires ainsi qu'à la plupart des questions soulevées par l'amendement de Mme Bachelot.

En fait, il résout deux problèmes. D'une part, il souligne bien qu'il reviendra au législateur, à la loi, de déterminer les conditions dans lesquelles ce principe d'égal


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accès des hommes et des femmes aux mandats et fonctions devra être mis en oeuvre et trouver sa place réelle dans notre vie politique.

D'autre part, il vise à renforcer l'obligation de résultat en substituant au terme « favorise » les mots : « détermine les conditions dans lesquelles est organisé ». Il répond donc ainsi aux deux objections majeures, hormis la question de l'inscription du terme « parité » à laquelle il a déjà été répondu.

Il est en effet important que le constituant donne un principe qui fondera ensuite l'initiative du législateur sans renvoyer au Conseil constitutionnel l'obligation d'interprétation. De même, il nous a semblé que cette traduction concrète devait être une véritable obligation de faire pour le législateur. Préciser que celui-ci « détermine les conditions dans lesquelles est organisé l'égal accès » nous semble à cet égard un engagement plus ferme que celui figurant dans la rédaction initiale. Le choix du terme

« favorise » par le Gouvernement n'a jamais traduit une faiblesse par rapport à cette obligation, mais la nouvelle rédaction devrait lever toute inquiétude en la matière.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement no

4.

Mme Muguette Jacquaint.

Le groupe communiste se rallie à l'amendement de la commission. Comme l'a dit Mme Tasca, il vise en effet à renforcer l'obligation de prendre des mesures pour assurer cette parité qui nous occupe maintenant depuis plusieurs heures et qui est réclamée par l'ensemble de nos concitoyens et des formations politiques, ce dont je me réjouis.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala, pour défendre l'amendement no

12.

Mme Nicole Catala.

Il est défendu.

M. le président.

L'amendement no 11 est-il défendu également ?

Mme Nicole Catala.

Oui, monsieur le président !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 12 et 11 ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Ils ont été repoussés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission des lois - auquel Mme Jacquaint vient de se rallier. J'ai expliqué longuement pourquoi dans mon discours introductif, je n'y reviendrai donc pas.

Il est par ailleurs défavorable aux amendements de M. Myard.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Je voudrais poser une question à la présidente de la commission. Si nous votons l'article 1er , aurons-nous une obligation de résultats ou simplement une obligation de moyens ? Les constitutionnalistes ont débattu de la portée du texte gouvernemental, lequel était très flou. Ce texte-ci l'est un peu moins, mais implique-t-il une obligation de résultats ?

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Ce texte, commun au Gouvernement et au Président de la République, est clair quant à ses intentions.

Il constitue un engagement ferme, mais pas un engagement de résultats au sens mathématique du terme. Il enclenche un processus, puisque la loi devra intervenir pour organiser cet égal accès. Et il appartiendra à la majorité, quelle qu'elle soit, de traduire cette intention, une fois qu'elle sera inscrite dans notre Constitution.

C'est un engagement de faire, ce n'est pas qu'un engagement de moyens, mais ce n'est pas un engagement de résultats au sens mathématique.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 4, 12 et 11 tombent.

Je suis saisi de deux amendements, nos 16 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 16, présenté par M. Goasguen, est ainsi rédigé :

« I. Dans le dernier alinéa de l'article unique, après les mots : "mandats", insérer le mot : "électoraux".

« II. En conséquence, dans le même alinéa, après le mot : "fonctions", insérer le mot : "électives". »

L'amendement no 9, présenté par Mme Catala, est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article unique par le mot : "politiques". »

La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l'amendement no

16.

M. Claude Goasguen.

Mon amendement no 16 vise à préciser cet article, qui sera soumis, je le répète, de toute évidence, à la vigilance du Conseil constitutionnel, lequel l'a exercée depuis longtemps dans le sens que vous connaissez. Il convient d'éviter des interventions susceptibles de réduire à néant la portée des dispositions que nous allons voter.

L e Préambule de 1946 est extrêmement général concernant l'égalité des droits et, sans que les dispositions que nous allons voter en soient atténuées, l'article 3 de la Constitution que nous nous apprêtons à modifier est en retrait par rapport au Préambule. Il devient donc nécessaire de préciser la portée de cet article 3 et donc les notions de mandats et de fonctions concernés.

La notion de mandat est une notion bien connue des juristes. C'est une notion très large, qui intéresse aussi bien le droit public que le droit privé et s'étend pratiquement à tout l'exercice de notre vie juridique. Ainsi introduite dans la Constitution, elle n'a pas de signification véritable.

Il en va de même de la notion de fonction qui, elle aussi, est un terme générique, sans doute utile à retrouver dans un dictionnaire, mais dont la qualification juridique risque de donner lieu à des interprétations les plus larges ou les plus restrictives, selon l'humeur ou selon les décisions du Conseil constitutionnel.

Nous nous situons dans un domaine qui n'est pas strictement politique. C'est d'ailleurs ce qui différencie mon amendement de celui qui va venir, car la notion de mandat politique est un peu plus large que la notion de mandat électoral. Il me semble nécessaire, pour bien situer notre débat, de préciser ce texte et de réaffirmer ainsi l'aspect politique et électoral de l'article 3.

Je propose d'ajouter au terme « mandats » l'adjectif

« électoraux » et au terme « fonctions » l'adjectif « électives », tout en étant conscient que nous ne réglerons pas


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

ainsi tous les problèmes. Je pense à ceux posés par d'autres élections, notamment celles des conseillers prud'homaux.

Malgré tout, la précision que vise à introduire cet amendement éviterait certaines contestations et permettrait de cerner au plus près l'objectif visé par le projet du Gouvernement.

C'est en ce sens, mes chers collègues, que j'appelle votre attention sur les suites de ce texte. Il ne s'agit pas d'en limiter mais d'en garantir la portée pour l'avenir, souci partagé, je le crois, par l'ensemble de cette assemblée.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala, pour défendre son amendement no

9.

Mme Nicole Catala.

Le texte qui nous est proposé est curieusement succinct. On y parle des mandats et des fonctions, sans préciser de quels mandats et de quelles fonctions il s'agit. On ne sait donc pas dans quel domaine on se trouve, ni quel champ on entend couvrir avec cette disposition. Je souhaiterais donc vivement que l'Assemblée précise le domaine d'application de cette révision constitutionnelle en indiquant qu'il s'agit de mandats et de fonctions politiques.

Je précise que mon amendement est plus rectrictif que celui que propose M. Goasguen.

Quel sera le champ d'application de ce texte ? Même restreint au champ politique, ce principe d'égalité s'appliquera-t-il à la désignation des membres du Conseil économique et social, qui est un organe prévu par la Constitution et de grande importance dans notre architecture institutionnelle, ou à la désignation des membres des comités économiques et sociaux des régions ? Si mon amendement était adopté, je considérerais que le principe d'égal accès ne jouera pas pour les élections des conseillers prud'homaux ou l'élection des juges consulaires.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

La commission a repoussé ces amendements, bien qu'il ait pas de désaccord de fond sur le champ d'application de ce texte. Nous sommes bien d'accord : il vise bien la vie politique, donc les mandats électoraux et les fonctions électives.

Mme Nicole Catala.

Alors, pourquoi ne pas le dire ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

La commission n'a pas retenu l'amendement no 16 par souci de pureté de forme. En plaçant cette mesure à l'article 3 de la Constitution, on la cadre très précisément dans le domaine électoral.

Mme Nicole Catala.

Pas du tout !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Je m'étais engagée à ce que nous reprenions cette question lorsque vous aviez présenté votre amendement, monsieur Goasguen. Nous l'avons évoquée à nouveau ce matin à propos de l'amendement de Mme Catala, lors de la réunion de la commission tenue en application de l'article 88.

Je comprends que plusieurs députés s'inquiètent du champ d'application de ce texte, bien que des explications aient été données à ce propos. Si l'amendement visant à préciser « mandats électoraux » et « fonctions électives » permet de mettre un terme au débat, à titre personnel, je recommanderai à notre assemblée de l'adopter. Mais nous entendrons, évidemment, le point de vue du Gouvernement.

En revanche, l'amendement de Mme Catala utilise un terme qui ne me semble pas suffisamment précis, suffisamment ciblé par rapport à l'objet de la réforme. Je lui préfère donc l'amendement de M. Goasguen.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements nos 16 et 9 ?

Mme la garde des sceaux.

Je comprends qu'on veuille s'assurer qu'il s'agit bien des mandats électoraux et des fonctions électives. Mais dans la mesure où le projet du Gouvernement vise à insérer cette modification dans l'article 3 de notre Constitution, qui concerne la souveraineté nationale et les élections politiques, il ne peut pas y avoir d'ambiguïté. Je considère, par conséquent, que cette précision est inutile.

Cela étant, si l'Assemblée nationale y tient, dans la mesure où il n'y a pas de contradiction et d'objections sur le fond, je m'en remettrai à sa sagesse concernant l'amendement de M. Goasguen, qui me semble bien préférable à celui de Mme Catala.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Je ne comprends pas pourquoi on refuse de préciser qu'il s'agit de mandats et de fonctions politiques, puisque tout le monde convient que c'est bien l'objectif poursuivi. Les raisons qui ont été alléguées pour repousser mon amendement no 9 ne me semblent pas convaincantes.

Je repose donc les questions que j'ai évoquées à l'instant : si l'amendement de M. Goasguen est adopté, si nous précisons « mandats électoraux » et « fonctions électives », ce texte s'appliquera-t-il à l'élection des conseillers prud'homaux et à l'élection des juges aux tribunaux de commerce ? J'attends une réponse du Gouvernement sur ce point.

M. le président.

Je vais donc mettre aux voix...

Mme Nicole Catala. Le Gouvernement ne répond pas à des questions fondamentales !

M. le président.

Je ne peux obliger le Gouvernement à répondre !

Mme Nicole Catala.

C'est déplorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 9 tombe.

M. Luca a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article unique par les mots : "sans avoir recours au principe des quotas". »

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l'amendement no

3.

M. le président.

Je vous en prie.

M. Luca a donc présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article unique par les mots : "sans avoir recours à des formes de `discrimination positive'" ».

La parole est à M. Lionnel Luca.


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M. Lionnel Luca.

Il s'agit de deux amendements de précision. Je ne reviendrai pas sur ce qui a déjà été dit concernant les dérives que peuvent entraîner le système des quotas ou les pratiques de discrimination positive. Je souhaite simplement entendre Mme Tasca et Mme la ministre sur la question, même si Mme Tasca, tout à l'heure, a déjà répondu en partie.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Avis défavorable. L'objectif même de cette révision constitutionnelle est de permettre au législateur de trouver, cas par cas, les voies et moyens d'organiser l'égal accès.

On ne peut pas, a priori, lui interdire le recours à tel ou tel procédé. Le législateur prendra ses responsabilités lors de la mise en oeuvre du principe.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'ai déjà indiqué que je n'étais pas favorable à l'institution de quotas. Je pense que le vrai, le beau combat est celui de la parité. Pour autant, je ne crois pas qu'il faille priver le législateur, a priori, de la possibilité d'utiliser cette méthode pour atteindre l'objectif de parité. Adopter un tel amendement restreindrait la portée de la révision.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 7 et 19, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 7 de M. Hunault n'est pas défendu.

L'amendement no 19, présenté par M. Brard, est ainsi rédigé :

« Compléter l'article unique par l'alinéa suivant :

« Lorsque les élections ont lieu au scrutin de liste, les listes doivent comporter un nombre de candidats de sexe masculin et de sexe féminin égal ou différent au plus d'une unité. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je ne reviendrai pas sur la place des femmes dans la vie publique, qui reste marquée, dans notre pays, par un archaïsme patent.

Tout à l'heure, plusieurs intervenants ont indiqué qu'ils étaient d'accord avec le texte mais ont regretté son caractère de principe qui, selon eux, n'engageait pas suffisamment.

Il est très important que les femmes et les hommes politiques mettent en accord les actes avec les paroles, et je vous propose de le faire.

Madame la ministre, à propos des quotas, vous avez dit qu'on ne pouvait pas interdire au législateur d'y recourir ultérieurement, leur instauration serait d'ailleurs un terrible constat d'échec après notre discussion d'aujourd'hui.

Pour ma part, je ne vous propose pas un système de quotas. Mais je vous propose d'aller vraiment vers la parité, pour ne pas rester dans cette situation où les femmes ne représentent que 7 % des maires et moins de 8 % des conseillers généraux.

Je vous suggère donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement qui s'applique à tous les scrutins de liste et qui, contrairement à ce que disait M. Lellouche tout à l'heure, n'implique pas nécessairement une proportionnelle généralisée. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt pour refuser des avancées qui sont à notre portée !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

L'amendement no 7 de M. Hunault, qui n'a pas été défendu, avait été rejeté par la commission. Celui de M. Brard n'a pas été examiné, mais il traite du même sujet.

La commission a estimé que l'amendement no 7 n'avait pas sa place dans le texte constitutionnel. Il n'y a aucune raison de réserver un sort particulier au scrutin proportionnel. C'est, encore une fois, aux futures dispositions législatives d'apporter les réponses concrètes à la mise en oeuvre de l'égal accès.

Je propose donc que les deux amendements soient rejetés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis également défavorable à ces deux amendements.

D'abord, monsieur Brard, la révision constitutionnelle qui est proposée ne concerne pas les modes de scrutin.

Elle ne peut pas être le prétexte pour en consacrer un dans la Constitution. En effet, les modes de scrutin ne relèvent pas de la charte fondamentale, mais de la loi.

Ensuite, cet amendement conduit à limiter les pouvoirs du Parlement, alors que la rédaction proposée par la commission des lois, à laquelle se rallie le Gouvernement, lui permet, au contraire, de les exercer pleinement.

Voilà les raisons pour lesquelles je ne peux pas accepter l'amendement no

19.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

J'ajouterai un troisième argument pour m'opposer à la proposition de M. Brard. Il ne précise pas que les candidats de sexe masculin et féminin doivent être placés sur les listes en position alternée. Son système permettrait, si la rédaction était retenue, que les femmes soient placées en fin de liste et les hommes au début. Cela rendrait votre disposition totalement inopérante, monsieur Brard.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Evidemment, monsieur le président, n'ayant pas l'esprit malicieux (Sourires),...

M. le président.

Si peu !

M. Jean-Pierre Brard.

... je n'imaginais pas de telles turpitudes dans la tête de ceux qui constituent les listes.

Il est vrai que votre objection, madame BachelotNarquin, n'est pas...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Dénuée de fondement !

M. Jean-Pierre Brard.

... sans pertinence.

Madame la ministre, si je comprends bien votre propos, après celui de Mme Tasca, ma proposition pourrait être satisfaite dans des lois qui n'ont effectivement pas à figurer dans la révision constitutionnelle.

Et comme, madame la ministre, venant de vous, un engagement vaut parole pour l'avenir, je retire mon amendement. Cela évitera d'exposer une telle modification à la malice d'hommes ou de femmes politiques à l'esprit pervers. (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il appartient en effet à la loi de prendre les dispositions d'application, y compris sur les modes de scrutin, comme je l'ai dit tout à l'heure.

J'ai précisé aussi, après le Premier ministre, que la parité ne peut pas être non plus un prétexte pour étendre le champ du scrutin proportionnel. Mais c'est un autre sujet dont vous nous avez entretenu, lequel relève, en effet, de la loi.

M. le président.

L'amendement no 19 est retiré.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi constitutionnelle, modifié par les amendements adoptés.

(L'article unique du projet de loi constitutionnelle, ainsi modifié, est adopté.)

M. Jean-Pierre Brard.

... sans pertinence.

Madame la ministre, si je comprends bien votre propos, après celui de Mme Tasca, ma proposition pourrait trouver satisfaction dans des lois qui n'ont effectivement pas à figurer dans la révision constitutionnelle.

M. Bernard Roman C'est même indispensable !

M. Jean-Pierre Brard.

Et comme, madame la ministre, venant de vous, un engagement vaut parole pour l'avenir, je retirerai mon amendement. Cela éviterait d'exposer une telle modification à la malice d'hommes ou de femmes politiques à l'esprit pervers. (Sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Il appartient en effet à la loi de prendre les dispositions d'application y compris sur les modes de scrutin, comme je l'ai dit tout à l'heure. J'ai précisé aussi, après le Premier ministre, que la parité ne peut pas être non plus un prétexte pour étendre le champ du scrutin proportionnel. Mais c'est un autre sujet dont vous nous avez entretenu, lequel relève, en effet, de la loi.

M. le président.

L'amendement no 7 n'a pas été défendu.

L'amendement no 19 est retiré, si j'ai bien compris ?

M. Jean-Pierre Brard.

Vous avez parfaitement compris, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi constitutionnelle, modifié par les amendements adoptés.

(L'article unique du projet de loi constitutionnelle, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article unique

M. le président.

Mme Nicole Catala a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« Le deuxième alinéa de l'article 24 de la Constitution est complété par les mots : "et au scrutin uninominal". »

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Le Gouvernement, qui a refusé de répondre sur des points importants, a néanmoins affirmé à plusieurs reprises que ce projet de loi ne serait pas le prétexte d'un changement de mode de scrutin, en particulier pour les élections législatives. Il s'est donc engagé, en quelque sorte, à ne pas introduire la représentation proportionnelle. Pour consacrer solennellement l'engagement ainsi pris, il serait judicieux d'inscrire dans la Constitution elle-même le principe du scrutin majoritaire pour les élections législatives.

Cette disposition pourrait prendre place à l'article 24 de la Constitution. Je pense - et je ne suis pas la seule puisque plusieurs dizaines de députés de mon groupe ont signé une proposition de loi en ce sens - que le scrutin majoritaire a une telle importance quant à la stabilité des institutions, quant à la garantie d'une majorité claire et stable au sein de notre assemblée, qu'il mérite d'être consacré dans le texte constitutionnel.

Je propose donc d'ajouter à l'article 24, au deuxième alinéa, que les députés sont élus au suffrage direct « et au scrutin uninominal ». Si le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée suivent cette proposition, nous serons rassurés. S'ils ne la suivent pas, nous continuerons d'être inquiets quant aux arrière-pensées que pourrait cacher cette révision constitutionnelle.

M. Jean-Pierre Brard.

Il ne faut pas voir tout le monde à son image !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur, Je me permets de faire observer à Mme Catala que ce n'est quant même pas un hasard si le constituant de 1958 n'a pas inscrit le mode de scrutin pour l'élection des députés dans le corps de la Constitution.

Mme Nicole Catala.

Les choses ont bien changé, hélas depuis 1958 !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, rapporteur.

Aucun mode de scrutin n'y figure.

Ensuite, il s'agit là d'un cavalier, puisque l'objet de la révision constitutionnelle soumise à notre assemblée n'est nullement, comme l'a dit Mme la garde des sceaux, de traiter des modes de scrutin.

Ce sont les deux raisons pour lesquelles la commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement n'est pas adopté.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann.

Je serai brève, monsieur le président. Le groupe RPR votera le projet de révision de la Constitution. Dans les débats à venir, il sera présent, actif et très vigilant.

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Je serai également très bref.

Le groupe Union pour la démocratie française votera, bien sûr, ce projet de loi constitutionnelle. Mais l'examen des amendements nous a montré que nous ne sommes qu'au début du chemin et nous serons extrêmement vigilants pour la suite.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

M. Lellouche a apporté des précisions qui méritent d'être prises en compte. M. Goasguen a bien fait également de présenter son amendement. Nous votons donc aujourd'hui avec enthousiasme ce texte important mais, comme le groupe RPR, nous serons très présents dans les débats à venir.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis longtemps, trop longtemps, on débat de la parité. Il existe en effet un dysfonctionnement démocratique concernant le droit des femmes à être élues. C'est une réalité que nous avons à coeur de voir disparaître.

Alors qu'en France les femmes représentent plus de 51 % de la population, elles demeurent sous-représentées dans les instances législatives et exécutives, bien qu'elles s'investissent citoyennement : les principaux interlocuteurs de la vie associative sont majoritairement des interlocutrices. Aujourd'hui, dans un pays qui proclame le principe d'égalité comme l'un des fondements de sa démocratie, l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes, et a fortiori celui de parité, ne sont pas réalisés.

La France reste la lanterne rouge de l'Europe en matière de représentation parlementaire féminine.

Lors des dernières élections législatives, le Parti socialiste a franchi une première étape en faisant le choix de présenter 30 % de femmes, et les résultats sont assez probants. Dans sa déclaration de politique générale, Lionel Jospin proposait « une révision de la Constitution afin d'y inscrire l'objectif de la parité entre les femmes et les hommes ». Nous sommes aujourd'hui réunis pour concrétiser, par la loi, cet engagement.

On voit bien dans les sondages que l'ensemble de la population appelle de ses voeux un véritable changement permettant d'introduire dans la représentation une diversité sociale plus fidèle à la réalité. Il existe toujours, q uels que soient le sexe, l'âge, la catégorie socioprofessionnelle et la sensibilité politique des personnes interrogées, une majorité pour réclamer la parité.

L'instauration de la parité dans la vie politique bénéficie de la faveur grandissante de nos concitoyens et est souvent reconnue comme condition d'une meilleure prise en compte des réels problèmes de la société. C'est également une exigence démocratique. Léon Gambetta déclarait : « Ce qui constitue la vraie démocratie, ce n'est pas de reconnaître des égaux mais d'en faire. »

Je pense qu'il est indispensable, compte tenu du décalage qui existe entre la place des femmes et celle des hommes dans la société et dans les instances décisionnelles, d'intervenir pour obliger les partis et groupements politiques à donner leur juste place aux femmes.

Ce projet de loi constitutionnelle est une première étape pour que la parité devienne une réalité juridique.

Mais il devra être suivi d'autres lois pour qu'il ne reste pas lettre morte : lois touchant directement à la parité, aboutissement de la loi sur le non-cumul des mandats, élaboration d'un véritable statut de l'élu, modifications du financement des partis politiques.

Pour que l'égalité entre hommes et femmes soit réelle et pour donner une acception encore plus universelle à la Déclaration des droits de l'homme, cinquante ans après sa proclamation, le groupe socialiste votera bien sûr ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Ce dossier très important et urgent a été traité dans un climat particulièrement consensuel et il réunit, semble-t-il, une volonté politique quasi unanime de progresser vers la parité. On peut s'en féliciter.

Les améliorations apportées au texte, et notamment l'amendement de Claude Goasguen, nous satisfont pleinement. Le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera donc bien entendu ce projet de loi, considérant qu'il renforcera l'aspect symbolique de l'égalité, qu'il encouragera les femmes à ne plus renoncer par avance aux carrières politiques face aux difficultés supposées et qu'il permettra, madame la ministre, si son champ d'application peut être précisé, d'ouvrir un vaste chantier de modernisation de la vie politique.

De ce point de vue, nous rappelons notre souci de voir préciser les intentions du Gouvernement. Nous avons pris acte de vos engagements concernant divers points, dont la réforme des modes de scrutin. Mais nous resterons également très attentifs à la conduite du grand chantier qui s'ouvre devant nous.

Enfin, non seulement l'exception française que nous avons tous dénoncée va être corrigée, mais ce texte placera probablement la France à l'avant-garde des mesures volontaristes en Europe. Ce n'est pas un moindre sujet de satisfaction.

M. le président.

Avant de donner la parole à Mme Jacquaint pour l'explication de vote du groupe communiste, j'indique à l'Assemblée que, sur le vote de l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, un scrutin public a été demandé par le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte du Palais.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Je serai moi aussi très brève, monsieur le président.

Dans cet hémicycle, chaque formation politique, au cours de la discussion, a reconnu le retard pris pour la réalisation de la parité entre les femmes et les hommes dans la vie politique. L'Assemblée rejoint ainsi les 86 % de Français favorables à des mesures législatives efficaces qui permettent de répondre à cette exigence de démocratie et de modernité. Mme de Panafieu a souligné que modifier la Constitution n'est pas quelque chose de banal. C'est en effet un acte important que nous allons faire ce soir.

Cette loi constitutionnelle appellera, bien sûr, d'autres lois pour aller dans le sens de la parité que nous avons tous appelée de nos voeux. Le groupe communiste et apparentés votera ce texte.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

M me Marie-Hélène Aubert.

Le groupe Radical, Citoyen et Vert votera, bien sûr, ce projet de loi, car nous nous battons pour la parité depuis des années.

Nous regrettons néanmoins que le consensus dont tout le monde s'est réjoui ne soit pas allé plus loin. Il ne suffit pas de demander au Gouvernement quelles sont ses intentions. Il faut aussi que chacun assume ses responsabilités et dise clairement ce qu'il veut.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

Pour notre part, notre position est très claire : nous souhaitons que la parité soit effective, c'est-à-dire qu'il y ait autant d'élus femmes et hommes. Nous aurions préféré que cet objectif soit inscrit clairement dans le texte.

Nous mesurons l'importance de cette étape, mais nous espérons que nous pourrons passer très rapidement à l'étape suivante et aller concrètement vers la parité.

M. le président.

Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, l'ensemble du projet de loi constitutionnelle qui, après le rejet de l'article additionnel, se limite à l'article unique.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

83 Nombre de suffrages exprimés .................

82 Majorité absolue .......................................

42 Pour l'adoption .........................

82 Contre .......................................

0 L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

2 LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 1998 Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante : Paris, le 15 décembre 1998.

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1998.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux même fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

3 DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de M. Laurent Fabius et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Cette proposition de loi, no 1261, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de M. André Berthol, une proposition de loi visant à étendre aux hommes fonctionnaires certaines dispositions de l'article L.

24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Cette proposition de loi, no 1262, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de MM. Edouard Landrain et François Rochebloine, une proposition de loi tendant à autoriser les associations sportives non professionnelles à vendre certaines boissons dans l'enceinte de la compétition.

Cette proposition de loi, no 1263, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de M. Edouard Landrain, une proposition de loi tendant à autoriser un centre hospitalier à recruter des praticiens par contrat.

Cette proposition de loi, no 1264, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de M. Alain Madelin, une proposition de loi autorisant la ratification du traité de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale internationale.

Cette proposition de loi, no 1265, est renvoyée à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de M. Guy Hascoët et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi autorisant la ratification du traité de Rome du 17 juillet 1998 portant création de la Cour pénale internationale.

Cette proposition de loi, no 1266, est renvoyée à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de MM. Gérard Fuchs, Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste et apparentés, une proposition de loi visant à la ratification du traité de Rome créant une Cour pénale internationale.

Cette proposition de loi, no 1267, est renvoyée à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de MM. Pierre Albertini et Alain Ferry, une proposition de loi tendant à modifier la loi no 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique et visant à assurer une représentation équilibrée des femmes en politique.

Cette proposition de loi, no 1268, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

4 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 15 décembre 1998, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport no 1269, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de finances pour 1999, modifié par le Sénat (no 1252).

J'ai reçu, le 15 décembre 1998, de Mme MarieFrançoise Clergeau, un rapport, no 1270, fait au nom de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi créant le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » (no 11).

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de M. le premier ministre, en application de l'article 4 de la loi no 91-1381 du 30 décembre 1991, le quatrième rapport de la commission nationale d'évaluation relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs.

6 DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION J'ai reçu, le 14 décembre 1998, de M. Michel Voisin, un rapport d'information no 1260, déposé en application de l'article 29 du règlement, au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), sur les travaux de la VIIe session annuelle de cette Assemblée.

J'ai reçu, le 15 décembre 1998, de MM. Pierre Brana et Bernard Cazeneuve, un rapport d'information, no 1271, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission de la défense nationale et des forces armées et la commission des affaires étrangères, sur les opérations militaires menées par la France, d'autres pays et l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994.

7 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 15 décembre 1998, transmis par M. le ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat, de finances rectificative pour 1998.

Ce projet de loi, no 1272, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

8

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mercredi 16 décembre 1998, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion du projet de loi, no 1243, portant prorogation des mandats des membres des conseils consultatifs et des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance : M. Alain Rodet, rapporteur, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1254).

(Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 1999 (no 1252) : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1269).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 16 décembre 1998, à deux heures quinze.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TRANSMISSION DE PROPOSITIONS D'ACTES COMMUNAUTAIRES

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les propositions d'actes communautaires suivantes : Communication du 10 décembre 1998 E 1183. Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres modifiant l'accord entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine relatif au commerce de produits textiles et d'habillement.

E 1184. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7/CE et 98/27/CE (COM [98] 468 final).

E 1185. Proposition de décision du Conseil relative à l'application des principes d'un accord-cadre en matière de financement de projets dans le domaine des crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public (COM [98] 583 final).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1998

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 3e séance du mardi 15 décembre 1998 SCRUTIN (no 156) sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Nombre de votants .....................................

83 Nombre de suffrages exprimés ....................

82 Majorité absolue ..........................................

42 Pour l'adoption ...................

82 Contre ..................................

0 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (250) : Pour : 46 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (139) : Pour : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Abstention : 1. - M. Lionnel Luca

Groupe U.D.F. (69) : Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Arthur Paecht (président de séance).

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (43) : Pour : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (36) : Pour : 8 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (34) : Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (6).