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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 29).

MASSACRES AU KOSOVO (p. 29)

MM. François Asensi, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

VIOLENCE URBAINE (p. 30)

M

M. Dominique Baudis, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

EUROPE ET KOSOVO (p. 30)

MM. Arthur Paecht, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 31).

3. Questions au Gouvernement (suite) (p. 31)

CONTRATS FRANCO-ALLEMANDS DE RETRAITEMENT DES DÉCHETS NUCLE AIRES (p. 31)

MM. Bernard Cazeneuve, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

VIOLENCES À GIVORS (p. 32)

MM. Gabriel Montcharmont, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

KOSOVO (p. 33)

MM. Paul Quilès, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

35 HEURES (p. 34)

M. Yves Cochet, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DE

ROULEMENT DES CONCOURS

DES GRANDES ÉCOLES EN MARTINIQUE (p. 35)

MM. Alfred Marie-Jeanne, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

RE DUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (p. 36)

M. Laurent Dominati, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

POLITIQUE DE LA MONTAGNE (p. 37)

M. Michel Bouvard, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

LUTTE CONTRE LA DE LINQUANCE (p. 38)

MM. Henry Chabert, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

STATISTIQUES DE LA DÉLINQUANCE (p. 38)

MM. Yves Fromion, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Suspension et reprise de la séance (p. 39)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD

4. N omination d'une députée en mission temporaire (p. 39).

5. Aménagement du territoire. Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 39).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production.

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 55)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : M. Philippe Vasseur, Mme la ministre, MM. le rapporteur, Bernard Perrut, Jean-Pierre Balligand, Patrick Ollier, Félix Leyzour, Maurice Leroy, Jean-Michel Marchand. Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 69).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

MASSACRES AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Les massacres perpétrés ces derniers jours par les forces serbes au Kosovo ont soulevé l'indignation de l'ensemble de la communauté internationale, mais en même temps révélé son impuissance. Comment ne pas rapprocher ces atrocités de certaines formes de barbarie que nous avons connues en Europe durant la Seconde Guerre mondiale ? Ce conflit oppose depuis mars 1988 l'armée de libération du Kosovo aux milices serbes aux ordres de Milosevic, toujours partisan de l'épuration ethnique. De nombreuses tentatives de conciliation ont été menées par l'OSCE et la présence de vérificateurs chargés de faire respecter le cessez-le-feu avait permis d'apaiser provisoirement le conflit. En effet, la paix et l'établissement de la démocratie en ex-Yougoslavie sont bien l'affaire des peuples d'Europe confrontés à la montée des nationalismes chauvins et destructeurs.

Hélas ! Les nouvelles offensives serbes ont fait voler en éclats tout espoir de paix dans cette région des Balkans.

Pourtant, les Albanais du Kosovo s'apprêtaient à s'engager dans un processus de négociation sur le statut de cette région...

M. Robert Pandraud.

Tu parles !

M. François Asensi.

... qui a perdu son autonomie depuis son annexion brutale par Milosevic en 1989.

Hier, c'est le procureur du tribunal pénal international de La Haye, chargé des crimes de guerre en exYougoslavie, qui s'est vu refuser l'accès aux lieux des massacres.

La paix au Kosovo est un défi lancé à l'Union européenne, qui doit à tout prix retrouver, avec l'OSCE, la voie d'une solution politique au conflit.

Monsieur le Premier ministre, quelle nouvelle initiative la France compte-t-elle proposer à ses partenaires européens pour punir les responsables des massacres et contraindre les dirigeants serbes à relancer le processus de paix ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Robert Pandraud.

Pourquoi n'en fait-on pas autant avec l'Algérie ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, nous sommes tous sous le coup de l'immense émotion provoquée par le massacre de quarante-cinq civils par la police serbe le 16 janvier à Racak.

Ces atrocités ont été unanimement condamnées par la communauté internationale. La France a exprimé sa révolte et son dégoût et le Premier ministre a dénoncé

« un acte de barbarie ». Comme lui, je pense qu'il n'y a pas de mots pour qualifier l'horreur : la révolte et le dégoût nous saisissent à la vue de ces vieillards et de ces enfants assassinés.

Les responsables de ces actes de barbarie doivent savoir qu'ils ne peuvent échapper à la justice et qu'ils devront répondre de leurs crimes. Il n'y a pas de contestation sur le fait que la compétence du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie s'étend au Kosovo. Cela a été confirmé par plusieurs résolutions des Nations unies, dont, tout dernièrement, la résolution no 1207. Il est impératif que les autorités de Belgrade se conforment à ces résolutions afin que les auteurs du massacre de Racak ne restent pas impunis. Et Mme Arbour doit pouvoir mener, comme vous le souhaitez, son enquête.

La France est très impliquée dans la gestion de la crise du Kosovo. Rappelons que c'est un Français, M. Keller, qui est le principal adjoint de M. Walker, le chef de la mission de l'OSCE au Kosovo ; c'est encore un Français, le général Valentin, qui dirige la force de sécurisation de l'OTAN en République de Macédoine. Depuis plusieurs semaines, nous avons tenté avec acharnement et persévérance, aux côtés de nos partenaires de l'Union européenne, de relancer le processus politique et d'amener les parties à négocier.

Les événements de ces derniers jours représentent un défi pour la communauté internationale et la stratégie menée jusqu'ici. Nous ne pouvons rester sans réagir face à ce qui pourrait être une menace de violence et de guerre. Aussi des pressions très fortes doivent-elles être exercées sur les deux parties, d'abord sur les autorités de Belgrade, mais aussi sur l'UCK, pour que s'ouvre une négociation. Nous allons en discuter dès demain avec nos partenaires de l'Union européenne et, avant la fin de la semaine, au niveau du groupe de contact. Le temps est compté, vous l'avez dit, pour une solution politique. La France fera tout pour que les pressions aboutissent, faute de quoi il faudra reconsidérer l'ensemble de la question.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.


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VIOLENCE URBAINE

M. le président.

La parole est à M. Dominique Baudis.

M. Dominique Baudis.

Monsieur le ministre de l'intérieur, plusieurs quartiers de nos villes, à Toulouse ou ailleurs, vivent dans un climat de violence intolérable. Quelques groupes dangereux tiennent la population et les agents des services publics - auxquels il convient de rendre hommage - sous une pression et une menace permanentes.

Les habitants concernés, que j'ai longuement rencontrés, sont attachés à leur quartier. Ils y disposent d'équipements sportifs et culturels, de services publics, d'un bon réseau de transports, indispensables dans ces secteurs qui connaissent des difficultés sociales plus lourdes qu'ailleurs. Mais ils me demandent aussi de vous dire qu'ils veulent avant tout y vivre en paix et en sécurité. Or la violence est quotidienne et entretenue par quelques dizaines de délinquants bien connus de la population, de la police et de le justice. Pour la présidente du tribunal pour enfants de Toulouse, qui connaît bien la question, ce n'est plus un problème de délinquance juvénile, c'est un problème de mafia. Un certain nombre de familles ont intérêt à ce que les policiers, les pompiers, les médecins n'interviennent plus sur le quartier. Et ces délinquants, tout le monde les connaît.

M. Jacques Myard.

Même Guigou !

M. Dominique Baudis.

Plusieurs organisations professionnelles ou syndicales de policiers ont de leur côté exprimé leur volonté de faire respecter la loi dans ces quartiers, y compris la nuit. Mais, monsieur le ministre, ils demandent des effectifs et des moyens appropriés, et ils attendent des ordres clairs. Allez-vous faire acheminer ces moyens et donner ces ordres, monsieur le ministre de l'intérieur ? Il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur à qui je souhaite un bon retour sur cette rive.

(Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe Union pour la démocratie française-Alliance se lèvent. - Tous les députés applaudissent.)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de cet accueil auquel je suis sensible.

Monsieur Baudis, la situation à Toulouse n'a pas échappé au Gouvernement. Que ce soit à Toulouse ou ailleurs, les zones de non-droit ne peuvent être tolérées.

Voilà quelques mois, des opérations avaient été menées avec succès grâce à une coopération resserrée entre les renseignements généraux et la sécurité publique, afin de démanteler plusieurs réseaux de trafiquants de drogue.

Mais, fin novembre et début décembre, les choses ont dérapé, dans les conditions que je n'ai pas besoin de rappeler. Il n'en reste pas moins que le problème est aujourd'hui posé.

Vous avez raison de distinguer, d'une part, les jeunes, et, d'autre part, les délinquants, souvent multirécidivistes.

Il faut en effet se garder de faire l'amalgame en parlant

« des jeunes » comme je le lis ou l'entends quelquefois, pour désigner ceux qui littéralement pourrissent la vie d'un quartier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), des individus multirécidivistes pour la plupart qui vivent de trafics divers, généralement de drogue, de vols et de recel. Tout le problème aujourd'hui consiste justement à bien cibler, en les distinguant bien de la masse des jeunes, ces gens contre lesquels nous devons absolument faire preuve de fermeté, d'une fermeté républicaine ; faute de quoi, nous nous engagerions dans une dérive grandissante vers une société de ghetto et de répression accrue, les deux allant de pair.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jacques Myard.

Et Guigou ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Parlez-en à Mme Guigou !

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement se prépare donc à prendre plusieurs dispositions qui seront rendues publiques à l'issue du conseil de sécurité intérieure fixé au 27 janvier prochain, dans huit jours. Mais d'ores et déjà, j'ai envoyé plusieurs directives. Je me suis également rapproché de mes collègues de l'économie et des finances, de la justice, de l'emploi et de la solidarité afin que la lutte contre ces petits caïds soit plus activement menée, sans hésiter par exemple à faire usage des procédures d'ordre fiscal en tenant compte des signes extérieurs de richesse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Le but est de mettre ces individus de côté, de les éloigner des quartiers où ils sévissent. Tout cela demande évidemment, cela ne vous aura pas échappé, un travail resserré et une coopération interministérielle poussée. Telle est bien mon intention, l'intention du Gouvernement et nous y veillerons très précisément dans les jours qui viennent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe radical, Citoyen et Vert.)

EUROPE ET KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Arthur Paecht.

M. Arthur Paecht.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je précise d'emblée que, sur un sujet aussi grave et préoccupant que le Kosovo, déjà évoqué par le groupe communiste, mon propos n'est évidemment ni polémique ni critique.

Au moment même où nous venons de nous donner hier, au congrès de Versailles, la possibilité de faire évoluer dans le bon sens la construction européenne, y compris dans sa dimension politique et donc aussi de défense, d'atroces images sont projetées sur nos écrans à propos d'un conflit meurtrier, prélude sans aucun doute à quelques autres, au centre même de l'Europe, à une heure et demie de vol de chez nous.

Hommes, femmes, enfants sont exécutés d'une balle dans la nuque, exposés pour l'exemple de la terreur ; et cela nous rappelle forcément, et à moi personnellement, des souvenirs douloureux.

Tous nos dirigeants ont trouvé les mots justes et émouvants pour flétrir et condamner ces événements mais, faute d'une capacité politique et militaire européenne spécifique, nous ne pouvions que nous tourner vers l'Alliance atlantique. Celle-ci, à l'occasion de sa dernière réunion et après force tergiversations, a décidé d'envoyer à Belgrade deux hauts responsables militaires pour négocier avec le président Milosevic.

Mais peut-on, doit-on encore négocier avec celui qui a unilatéralement supprimé le statut d'autonomie de la province du Kosovo, expulsé le représentant officiel de


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l'OSCE, ridiculisé les observateurs internationaux, y compris les nôtres, empêché l'entrée sur son territoire du procureur du tribunal pénal international, femme remarquable et courageuse ? Force est de constater que ces négociations auxquelles nous étions tous très favorables ont abouti à une impasse totale et surtout à une décrédibilisation des institutions européennes.

Ce matin même, le ministre des affaires étrangères a clairement évoqué dans un quotidien l'existence d'un vrai risque de guerre. Il a raison ; mais, dans ces conditions, c'est ici, devant la représentation nationale, qu'il aurait dû s'exprimer, afin de provoquer le sursaut d'union nationale indispensable pour surmonter les crises.

Peut-on nous révéler aujourd'hui quelles ont été la position de la France et ses propositions lors de la réunion de l'Alliance atlantique ? Par ailleurs, quels sont, selon le Gouvernement, l'avenir et les risques encourus par la force d'extraction déployée en Macédoine, qui ne saurait en aucun cas jouer le rôle d'une éventuelle force d'interposition ? Par manque d'Europe et d'un pilier européen de la défense, allons-nous éternellement nous soumettre aux décisions américaines ? Dans Le Monde d'aujourd'hui, le général Cot s'est exclamé : « La honte revient ! » Que f erons-nous demain pour éviter le déshonneur de l'Europe, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, je voudrais tout d'abord excuser Hubert Védrine, en visite en Hongrie. Je peux vous assurer en son nom que les autorités françaises, à commencer évidemment par le Gouvernement, définissent des positions et s'efforcent de les faire appliquer dans un contexte extrêmement complexe.

Vous avez souligné la difficulté à parler avec M. Milosevic ainsi que les offenses faites tant au tribunal pénal international qu'à l'OSCE, mais nous devons, en même temps, tenir compte de l'extraordinaire complexité d'une situation, M. Védrine l'a décrite ce matin, où les positions, les responsabilités des uns et des autres sont engagées. Cette crise doit me semble-t-il être l'occasion, non d'une critique de l'Europe, mais bien d'un appel à l'Europe.

Je veux dire en quelques mots ce que nous pouvons faire, ce que nous devons faire.

Pour commencer, la France demande à l'OSCE d'établir les faits et les responsabilités des massacres de Racak.

Aucune impunité, je le répète, ne doit couvrir pareilles atrocités. C'est pourquoi la communauté internationale devra obtenir des autorités de la république fédérale yougoslave de permettre au procureur du TPIY, Mme Arbour, de se rendre au Kosovo, comme le prévoient du reste les résolutions du Conseil de sécurité.

Au-delà, dans ce contexte inquiétant, je pense tout comme vous, monsieur le député, que la paix au Kosovo reste un défi pour la communauté internationale. Nous devons donc nous mobiliser davantage pour enrayer cette escalade de la violence et faire prévaloir un règlement politique. C'est pourquoi la France entend, avec ses partenaires, notamment ceux du groupe de contact, relancer ce processus plus urgent que jamais, qui reste le seul moyen de parvenir à l'apaisement des tensions et à une autonomie substantielle du Kosovo, seule solution politique envisageable, qui préserve également l'autorité et l'intégrité territoriale de la république fédérale yougoslav e. Le groupe de contact se réunira à Bruxelles d'ici à la fin de la semaine. Il doit forcer la voix à l'engagement d'un dialogue direct entre les parties pour définir un statut provisoire fondé, je le répète, sur l'autonomie du Kosovo. Il est impératif d'y parvenir avant le printemps.

Mais il est vrai, et croyez que nous y veillons, que chacun devra prendre ses responsabilités, à commencer par le président Milosévic qui doit être prêt à assumer les conséquences de ses actes. C'est la position de la France et j'espère que ce sera celle de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

2

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par son Altesse Royale le Prince Norodom Ranariddh, président de l'Assemblée nationale du Royaume du Cambodge.

3 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président.

Nous reprenons les questions au Gouvernement.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

CONTRATS FRANCO-ALLEMANDS DE RETRAITEMENT DES DÉCHETS NUCLÉAIRES

M. le président.

La parole est à M. Bernard Cazeneuve.

M. Bernard Cazeneuve.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La semaine dernière, lors de sa visite en France, M. Trittin a fait part à ses homologues français de la décision prise par le gouvernement allemand de mettre fin par voie législative aux activités de la filière électronucléaire allemande, et plus particulièrement aux contrats de retraitement liant la France à l'Allemagne, les électriciens allemands aux industriels français.

Cette décision est surprenante et grave.

Elle est surprenante parce qu'elle s'inscrit en contravention des contrats liant la France à l'Allemagne, dont un certain nombre ont force juridique de traités internationaux.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Elle est grave pour trois raisons.

D'abord, elle privera l'industrie française du retraitement de 20 % de sa charge, notamment l'usine de la Hague, située sur un bassin d'emplois mono-industriel, que l'industrie nucléaire soit militaire ou civile, bassin d'emplois qui souffre.


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Ensuite, elle risque de remettre en cause l'excellente collaboration initiée en Europe entre la France et l'Allemagne, notamment dans le domaine de l'EPR.

Elle est grave, enfin, parce qu'elle n'est pas assortie d'une décision du gouvernement allemand de rapatrier sur son territoire les déchets allemands retraités au sein de l'usine de La Hague.

Je voudrais par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, vous poser trois questions simples : que peut faire le Gouvernement pour ramener les Allemands à de meilleurs sentiments ? Que peut-il faire pour relancer la dynamique de l'EPR, c'est-à-dire les réacteurs de nouvelle génération (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et essayer de relancer la f ilière « Mox » ? Enfin, que peut-on faire pour contraindre les Allemands à rapatrier sur leur territoire les déchets retraités à La Hague ? (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, la coopération, au demeurant très positive, avec l'Allemagne dans le domaine nucléaire (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) ne peut se résumer à la seule question des contrats de retraitement. Elle couvre de nombreux thèmes tels que la sûreté avec les deux autorités de sûreté, la sûreté dans les pays de l'Est, en Russie ou en Europe de l'Est, la technologie avec le très important projet EPR de réacteur nouveau pour lequel la société allemande Siemens a déclaré il y a quelques jours son intérêt et réaffirmé son intérêt et son engagement,..

M. Yves Nicolin.

Bavardage !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... la gestion sûre et transparente des déchets nucléaires.

Sur ce dernier point, il faut souligner l'intérêt dur etraitement en termes énergétiques. Il est évident puisque 96 % du combustible usé est recyclé en nouveau combustible...

M. Philippe Briand.

C'est vous qui êtes usé !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et qu'une tonne de combustible usé a la même valeur énergétique que 20 000 tonnes d'équivalent pétrole. L'usage du Mox dans dix réacteurs allemands n'est d'ailleurs pas remis en cause dans l'immédiat, et c'est tant mieux pour l'usine de Cadarache, qui pourra bénéficier d'un bon plan de charge.

L'Allemagne a décidé, et c'est son droit souverain, d'abandonner au 1er janvier de l'an 2000 le retraitement de ses déchets. La loi allemande sur le nucléaire qui est en préparation et qui doit concrétiser cette décision de la coalition allemande doit encore faire l'objet de négociations dans ce pays avec les électriciens concernés.

M. Pierre Lellouche.

L'Allemagne paiera !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Toutefois, il faut tenir compte dès à présent en France de cette décision.

Sur le plan des matières et déchets ultimes présents à La Hague, il faut prévoir le retour total en Allemagne dès que possible de la totalité des déchets. C'est la loi française. A ce titre, l'entretien que j'ai eu avec M. Juergen Trittin, le ministre fédéral allemand de l'environnement, peut être jugé très constructif (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), puisqu'il s'est engagé à organiser le retour dès cette année de six châteaux de déchets à haute activité, au demeurant prêts à partir de Cherbourg depuis janvier 1997, dont les modalités de retour seront fixées le plus vite possible.

S'agissant des conséquences économiques de cette décision, des divergences existent entre les points de vue allemand et français. L'Allemagne estime que nous sommes en présence d'un cas de force majeure prévu dans les contrats, et le Gouvernement français estime que le jeu des contrats privés entre COGEMA et les électriciens, d'une part, et des actes internationaux de 1989 et 1990 auxquels vous avez fait référence, d'autre part, conduit à une interprétation différente de celle qui est donnée par le gouvernement allemand et pourrait conduire, s'ils n'étaient pas respectés, à des applications dommageables pour l'économie française. Il faut donc trouver une compensation d'une manière ou d'une autre.

Je suis certain que le groupe de travail qui a été mis en place à Postdam lors de la réunion des chefs d'Etat et de gouvernement, il y a quelques semaines, saura trouver les solutions pragmatiques, positives et dynamiques pour garantir l'intérêt des uns et des autres dans le cadre du respect de la fixation par chacun des pays de sa politique é nergétique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

VIOLENCES À GIVORS

M. le président.

La parole est à M. Gabriel Montcharmont.

M. Gabriel Montcharmont.

Ma question s'adresse à

M. le ministre de l'intérieur. Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, de vous dire notre joie de vous revoir au banc du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

La ville de Givors a été victime le week-end des 9 et 10 janvier d'événements d'une grande gravité qui ont meurtri et choqué les habitants de cette ville qui compte 20 000 habitants : vingt-deux voitures incendiées dans une ville qui n'avait jamais connu cela, événement inexcusable quel que soit le prétexte invoqué, la blessure par les forces de l'ordre d'un jeune homme mêlé à une affaire de grand banditisme.

Ces incendies de voiture qui ont touché des gens modestes témoignent d'une réelle perte de repères et d'une absence du sens des valeurs.

Notre société est ouverte, mais les droits sont inséparables des devoirs et du respect des lois.

La population de Givors, comme celle d'autres villes, connaît des difficultés. Des efforts admirables sont réalisés par la municipalité, les associations et le monde enseignant de cette ville, où vous êtes venu en janvier 1998 signer le premier contrat local de sécurité.

Vous avez témoigné avec constance de votre ferme volonté de lutter contre l'insécurité et de conduire une politique qui allie prévention et répression. La solution passe par la résolution du problème des effectifs et de l'emploi de nos forces de police.

Vous avez souhaité privilégier la police de proximité par rapport à la police d'ordre. Pourriez-vous nous préciser quelles mesures vous allez prendre pour développer une police de proximité si nécessaire à la sécurité de nos concitoyens ? Par ailleurs, quelles dispositions peuvent être prises pour que l'effectif réel des commissariats soit le plus proche possible de l'effectif théorique ? (Applaudissements


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, je connais bien en effet la ville de Givors puisque j'y ai signé le premier contrat local de sécurité, il y a très exactement un an. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ça n'a pas servi à grand-chose !

M. le ministre de l'intérieur.

Il était utile que l'ensemble des partenaires de sécurité commencent à se rapprocher, et ce qui s'est passé doit effectivement servir de signal d'alarme pour tous, et en particulier pour ceux qui n'ont pas pris conscience de la gravité du phénomène des violences urbaines. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

A partir du moment où un certain nombre de violences se déclenchent parce que l'un des malfrats impliqués dans le braquage de Tain-l'Hermitage a été blessé, alors qu'il avait pris lui-même plusieurs otages, c'est un signe clair que des repères essentiels ont été perdus.

(Applaudissements sur quelques bancs.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

N'est-ce pas, madame Guigou ?

M. le ministre de l'intérieur.

La solution n'est pas uniquement dans le renforcement des effectifs, même s'ils sont - et ils sont toujours - insuffisants, ni dans l'évolution de la doctrine que je m'efforce de promouvoir pour développer la présence de la police nationale sur le terrain, développer, plus que l'îlotage, une conception de la police de proximité impliquant territorialisation par quartier, par rue, par bloc d'immeubles, impliquant responsabilisation, contacts avec les associations, les différents part enaires que sont par exemple les directeurs d'établissement scolaire, les gardiens d'immeuble, tout ce travail qui doit renforcer la confiance entre la police nationale et la population et rompre le tête-à-tête mortele ntre, d'une part, ces voyous et les jeunes qu'ils entraînent quelquefois, et, d'autre part, les policiers, érigés en « Tuniques bleues », dans ce monde sommaire décrit par certains, avec ce que l'on appelle la culture de la haine, titre d'un film qui a eu beaucoup de succès.

Il faut prendre conscience que c'est en réalité un immense travail qui nous incombe, qui doit prendre en compte la déshérence dans laquelle sont laissés ces jeunes, ces jeunes en friche, victimes d'un processus de « déséducation », parce que nous n'avons pas été capables, collectivement, de transmettre les valeurs essentielles. Cela, c'est le problème des parents et de l'école, c'est le problème de toutes les institutions éducatives. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je peux vous dire, en tant qu'ancien ministre de l'éducation nationale, qu'on ne peut transmettre que les valeurs auxquelles on croit. C'est la b-a-ba de l'éducation.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Alors évidemment, si on veut suivre l'adage selon lequel il est interdit d'interdire, on ne peut rien semer de bon ni rien récolter d'autre que ce que nous voyons.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Ralliez le RPR !

M. le ministre de l'intérieur.

Est en cause la moindre capacité de la France à intégrer les jeunes nés de l'immigration, dont deux millions ont moins de vingt ans, et que nous devons faire accéder à une citoyenneté pleine et entière.

Autrement dit, la réponse ne réside pas seulement dans la police de proximité mais aussi dans une démarche plus globale destinée à ouvrir un avenir de justice et à promouvoir le dialogue nécessaire avec ces jeunes car si nous devons nous faire respecter, nous devons aussi envoyer des messages respectables.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe communiste.)

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Paul Quilès.

M. Paul Quilès.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais dire à mon tour, au nom des députés socialistes, que les images des quarante-cinq villageois kosovars massacrés par les forces serbes que nous avons vues il y a quelques jours nous ont horrifiés.

M. Robert Pandraud.

Et l'Algérie ?

M. Paul Quilès.

Ce drame épouvantable nous rappelle tragiquement celui d'Oradour-sur-Glane. Il n'est pas le fait du hasard. Il constitue une nouvelle provocation de M. Milosevic à l'égard de la communauté internationale.

Les autorités de Belgrade, à l'évidence, violent sciemment et ouvertement les résolutions de l'ONU et l'accord qui a été passé avec l'OSCE. Elles ne reculent désormais devant aucun crime pour tenter d'imposer leur volonté.

Je voudrais vous poser trois questions.

Ne croyez-vous pas que ce massacre, qui vient après d'autres exactions, traduit en fait l'échec de la stratégie diplomatique et militaire de l'OTAN et de l'OSCE ? Pensez-vous que le dispositif mis en place - des observateurs de l'OSCE au Kosovo qui « observent » les massacres et une force d'extraction en Macédoine chargée de les protéger - est encore pertinent ? Je pense personnellement que l'on peut douter de son efficacité.

Enfin, ne faudrait-il pas intervenir fermement auprès du Conseil de sécurité pour que soient mises en oeuvre rapidement les actions militaires prévues pour de pareilles circonstances par le chapitre VII de la charte des Nations unies ? Faute d'une inflexion ferme donnée à notre politique à l'égard de la Serbie, c'est la crédibilité même de l'Europe qui risque d'être sérieusement affectée par les événements qui se produisent actuellement au Kosovo. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affairese uropéennes.

Monsieur le député, vous avez évoqué d'abord la question des responsabilités dans ces atrocités que je condamne à nouveau. Elle soulève le problème, que j'ai déjà évoqué, de la poursuite de la mission du tribunal pénal international. Nous souhaitons vivement, je le répète, que Mme Arbour puisse effectuer son travail.

L'OSCE a clairement imputé les atrocités de Racak aux forces serbes, et cela ne pourra pas rester sans conséquences.

Au-delà, vous vous interrogez sur la stratégie qui a été conduite, sa pertinence et son devenir.

Par l'accord conclu avec M. Holbrooke le 13 octobre dernier, M. Milosevic a pris un certain nombre d'engagements, qu'il a été loin de tenir tous, qui ont été entérinés par le Conseil de sécurité. C'est à la suite de ces engagements et pour en vérifier le respect qu'a été déployée une mission de l'OSCE au Kosovo et qu'a été établi un dispositif de vérification aérienne de l'OTAN. Une force de l'OTAN a, en outre, été déployée en république de Macédoine sous commandement français pour extraire les vérificateurs de l'OSCE en cas de nécessité.

C'est pourquoi la décision de Belgrade, hier soir, de déclarer M. Walker, chef de la mission de l'OSCE, persona non grata est absolument inacceptable. A l'ONU, le Conseil de sécurité réuni hier a, par une déclaration de son président, condamné le massacre de Racak, appelé Belgrade à revenir sur cette décision de déclarer M. Walker persona non grata et demandé au tribunal pénal international pour la Yougoslavie de faire toute la lumière sur les événements de Racak.

Le Conseil de sécurité, qui doit rester légitime, se réunit aujourd'hui même pour faire le point de la situation et des réactions qu'elle appelle. Et nous continuons de penser qu'il est essentiel qu'il joue tout son rôle dans cette crise.

Il va de soi que les événements qui se déroulent, que ces provocations - vous avez prononcé le mot juste constituent de nouveaux défis pour la communauté internationale. Le Président de la République et le Gouvernement procèdent à l'évaluation de leurs conséquences.

Naturellement, c'est une réflexion qui doit être menée en liaison avec nos principaux partenaires. C'est la raison pour laquelle, outre le groupe de contact dont je parlais tout à l'heure, une réunion des directeurs politiques de l'Union européenne se tiendra demain à Bruxelles.

En tout état de cause, ce dont je veux vous assurer, c'est que, dans le droit fil de cette évaluation, ce qui ne c hangera pas, c'est la détermination de la France.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les lois sur la réduction du temps de travail sont pour nous les plus importantes de notre législature.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Oui, parce que nous pensons que ce sont les outils principaux de lutte contre le chômage.

(Exclamations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Et c'est sur la question de la réduction du chômage que nous serons jugés à la fin de cette législature.

Ce que l'on constate, c'est que la mise en place et l'application de la première de ces lois est lente. Or, dans certains secteurs, le Gouvernement peut en accélérer l'application.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Dans le secteur public !

M. Michel Bouvard.

Merci EDF !

M. Yves Cochet.

Je pense notamment au secteur non lucratif social et médico-social.

Dans ce secteur, six organisations d'employeurs essaient d'imposer un accord-cadre par l'intermédiaire d'une nouvelle branche professionnelle appelée UNIFED, fortement contestée par les organisations syndicales de salariés. Sous prétexte de négociations de branches, on prépare en fait, avec la réduction du temps de travail envisagée par les employeurs, un démantèlement complet des conventions collectives.

En voici plusieurs exemples : dérogation au code du travail en ce qui concerne notamment la fixation du repos quotidien ; mise en place de systèmes de calcul du travail effectif et de restrictions financières qui augmenteront en fait le nombre d'heures de travail et diminueront les rémunérations financiaires ; pour les salariés à temps partiel, régression sur les heures complémentaires ; mise en place d'une flexibilité maximale ; absence de dispositions en matière de création d'emplois, qui est pourtant le premier but de notre loi sur la réduction du temps de travail.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Madame la ministre, il semble que votre ministère refuse, dans un secteur qu'il encadre,...

M. Claude Goasguen.

Echec et mat !

M. Yves Cochet.

... toute mise en place du financement nécessaire aux créations de postes induites par la réduction du temps de travail. De ce fait, la crainte du personnel est que votre ministère n'avalise l'accord régressif proposé par les employeurs de l'UNIFED.

Ma question est simple : quelle est réellement la position de votre ministère ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout d'abord, monsieur le député, le Gouvernement a pris ses responsabilités en intégrant le secteur sanitaire et social dans la loi sur la réduction de la durée du travail. Le précédent gouvernement l'avait écarté de l'application de la loi Robien par une circulaire qui a d'ailleurs été annulée par le Conseil d'Etat.

C'est effectivement un secteur très important, parce qu'il touche les plus fragiles, les personnes âgées, handicapées, la petite enfance, les exclus, et parce qu'il emploie 400 000 salariés dont 40 % à temps partiel.

En mettant en place la révision de la loi du 30 juin 1975, le Gouvernement souhaite contribuer à améliorer d'abord la qualité du service rendu, mais aussi les conditions de travail, souvent difficiles, des salariés, et entend


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

parvenir à des gains en matière d'emploi. Mais le secteur privé est régi par des conventions collectives. La négociation doit donc se dérouler, de manière décentralisée, au niveau de ces conventions. Vous l'avez rappelé, dans un secteur bien particulier, nous avons confié à l'IGAS une mission d'accompagnement des syndicats et des fédérations patronales pour plusieurs de ces négociations.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Qui paiera ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Par ailleurs, je voudrais vous rassurer, monsieur le député : si ces accords ne sont pas équilibrés, s'ils ne respectent pas la réglementation et les droits des salariés, ils ne seront pas agréés.

De manière plus générale, je tiens à dire aux sceptiques qu'il faut du temps pour régler le problème de l'emploi : nous avons tous payé pour le savoir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ces problèmes ne se règlent pas dans l'urgence.

M. Bernard Accoyer.

C'est comme les retraites !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Certains, l'été dernier, prétendaient que tout cela allait mettre les entreprises par terre, notamment les plus petites. Qu'ils le sachent, aujourd'hui, 40 % des accords sont signés dans les entreprises de moins de vingt salariés.

M. Pierre Lellouche.

C'est une escroquerie !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les mêmes disaient que ces mesures entraîneraient une baisse de pouvoir d'achat des salariés. Il va, au contraire, augmenter de 3% cette année, ce qui est le meilleur résultat depuis vingt ans. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les mêmes ont ajouté que cela ne créerait pas d'emplois. Les accords déjà signés prévoient une augmentation des effectifs de 8 % et, chaque jour, de nouveaux accords créent des milliers d'emplois.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

C'est du vent !

M. le président.

S'il vous plaît !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quand, comme le Premier ministre, on a fait du combat contre le chômage la priorité du Gouvernement, on trace sa voie sans fébrilité, avec la conviction que l'on va dans le bon sens, comme la moitié des entreprises qui négocient actuellement.

M. Pierre Lellouche.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous donne rendez-vous au printemps : nous verrons alors qui aura gagné la bataille de l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) DÉROULEMENT DES CONCOURS DES GRANDES ÉCOLES EN MARTINIQUE

M. le président.

La parole est à M. Alfred MarieJeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Ma question s'adresse à M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

La première classe préparatoire aux grandes écoles n'a été ouverte en Martinique qu'en 1995. Elle accueillait les seuls élèves des sections commerciales et littéraires.

En raison du décalage horaire avec la métropole, l'autorisation de composer en différé lors des concours a été accordée en contrepartie de quelques contraintes : les candidats étaient hébergés en internat dès la veille de chaque épreuve, encadrés et surveillés dans des conditions excluant toute communication avec l'extérieur. Depuis, à la satisfaction générale et avec l'aide de toutes les parties,

Etat et région compris, des classes préparatoires scientifique ont été ouvertes dès la rentrée scolaire de 1997.

Aujourd'hui, alors que la Martinique a été agréée comme centre d'examen, l'aménagement précédent n'a pas été reconduit. Les élèves martiniquais candidats aux concours communs - Polytechnique, Mines-Ponts et Supélec - se trouvent ainsi dans l'obligation de composer dans des conditions dommageables. En effet, de fin avril à fin mai, pendant plusieurs périodes de deux à cinq jours consécutifs, ils devront concourir quotidiennement de deux à six heures du matin, puis à nouveau de huit heures à midi.

M. le président.

Pouvez-vous conclure, s'il vous plaît ?

M. Alfred Marie-Jeanne.

Si ce programme était maintenu, il porterait préjudice au principe de l'égalité des chances.

Monsieur le ministre, ce serait faire injure à votre formation que de tolérer allègrement (Sourires) une telle discrimination.

M. le président.

Posez votre question.

M. Alfred Marie-Jeanne.

Aussi, toute démarche que vous voudrez bien entreprendre pour remédier à cette situation sera hautement appréciée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, pour une réponse très courte.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, par une lettre du 8 janvier, à la demande du recteur, j'ai autorisé les candidats au concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure de Fontenay Saint-Cloud à composer - conformément au voeu que vous exprimez - en différé pour tenir compte du décalage horaire, à condition qu'ils soient placés en internat, sous la responsabilité du proviseur du lycée de Bellevue. Il en sera de même pour tous les concours, mais, pour des raisons réglementaires, le recteur devra en renouveler chaque fois la demande.

Votre voeu est donc satisfait. Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement fait en sorte que l'égalité républicaine soit garantie sur tout le territoire national.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement est-il capable d'abandonner le discours de communication ou de propagande pour tenir, sur les 35 heures, un langage de vérité ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

D'après les réponses ou les annonces qui nous sont faites, le Gouvernement est en train de commettre des injustices, privilégiant le secteur protégé au détriment du secteur privé, qui subit la loi sur les 35 heures.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je veux parler d'EDF. Mme la ministre de l'emploi a beau dire, la loi sur la réduction du temps de travail est un échec en matière de créations d'emplois.

M. Bernard Accoyer.

Un échec cuisant !

M. Laurent Dominati.

Pour masquer cet échec, on annonce 6 000 à 8 000 créations d'emplois, alors que la croissance a créé 300 000 emplois cette année dans le secteur privé. Vous concluez un accord avec EDF, non sur les 35 heures, mais sur les 32 heures, subventionné par l'Etat.

M. Bernard Accoyer.

C'est scandaleux !

M. Laurent Dominati.

Ce sont les contribuables qui vont payer. Ce qui est présenté comme une avancée sociale correspond en réalité à une injustice sociale, car les 600 millions qui vont y être consacrés le seront au détriment des petites entreprises et des contribuables qui, eux, ne travaillent pas 35 heures, mais, parfois, 39, 40 et plus.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

S'agit-il simplement d'un accord avec la CGT et avec M. Gayssot, qui, on le comprend, est tout sourire ? (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Les contribuables financent-ils un accord politique ? Paient-ils votre prestation à la télévision où vous vous êtes présenté tout fort et tout frais, en vous prévalant d'un accord avec EDF subventionné par les Français ? S'agit-il vraiment d'un langage de vérité sur les 35 heures, alors que, au cours de la même émission, vous avez annoncé que vous alliez imposer la même réglementation aux petites entreprises, celles de moins de dix salariés, ce qui les ruinera un peu plus ?

M. François Rochebloine.

Très juste !

M. Laurent Dominati.

Monsieur le Premier ministre, vous ne pourrez poursuivre longtemps sur cette voie.

Vous ne pourrez pas éventuellement faire financer par le contribuable des accords politiques et une politique de communication.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai ! C'est scandaleux !

M. Laurent Dominati.

Comptez-vous élargir l'accord sur les 32 heures à toutes les entreprises publiques.

Combien cela coûterait-il aux Français ? Comptez-vous vraiment sacrifier les petites entreprises, les petits salariés, ceux qui travaillent dans de petites unités de production ? Et que pensez-vous de ce paradoxe qui fait que vous financez les gros, le secteur protégé, avec l'aide des petits et de ceux qui travaillent beaucoup ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Yves Le Déaut.

Zéro !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse assez courte.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je vous remercie d'avoirr econnu que, cette année, la croissance a créé 300 000 emplois.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Lucien Degauchy.

Ce n'est pas grâce à vous !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le résultat tient bien au fait que nous avons conduit la politique inverse de celle que vous avez menée, en relançant la croissance et en redonnant du pouvoir d'achat aux Français.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Je comprends que cela vous fâche, mais c'est la vérité.

Il faudrait que vous cessiez de changer de discours tous les mois.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est vous qui changez !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je l'ai dit tout à l'heure, vous nous avez d'abord annoncé que nos mesures allaient mettre les entreprises par terre. Il est difficile de répéter cela, aujourd'hui, alors qu'une entreprise sur deux négocie et que 30 000 emplois ont été créés grâce à la réduction du temps de travail.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. Eric Doligé.

Il y a une loi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je l'ai dit aussi, le pouvoir d'achat des salariés n'en a pas pâti.

Je vous ferai porter, dès cet après-midi, le bilan des premières négociations. Vous verrez que nous avons dépassé depuis longtemps les 6 000 à 8 000 emplois auxquels vous faisiez allusion.

Mais permettez-moi de dire un mot sur le secteur public.

M. Patrick Ollier.

C'est le minimum !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Au mois d'octobre ou de novembre, vous nous demandiez pourquoi nous imposions la loi sur les 35 heures au secteur privé alors que nous étions incapables de montrer l'exemple dans le secteur public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Vous avez même défendu des amendements, que nous avons repoussés, pour rendre cette loi applicable, avec les aides de l'Etat, au secteur public.

Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Rendez l'argent !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Alors qu'hier vous nous disiez incapables d'imposer au secteur public ce que nous imposions au secteur privé, aujourd'hui vous nous reprochez d'imposer au secteur public ce que nous n'arrivons pas à imposer au secteur privé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

La vérité est bien différente. Aujourd'hui, les entreprises du secteur public en monoactivité, qui peuvent d onc négocier plus facilement au niveau national, commencent à conclure des accords, une aide spécifique leur étant accordée non pas dans le cadre de la loi, mais, comme nous l'avons toujours dit, dans celui des contrats qui les lient à l'Etat.

M. Bernard Accoyer.

Combien ça coûte ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce ne sont donc pas les petites entreprises qui paieront pour elles.

M. Bernard Accoyer.

Combien ça coûte ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Au contraire, elles l'ont bien compris et seront très nombreuses à signer avant 2002, et les aides qu'elles recevront de par la loi seront bien supérieures à celles accordées aux grandes entreprises.

Vous le verrez, dans quelques jours, le secteur privé en mono-activité emboîtera le pas au secteur public et, dans quelques semaines, les grands groupes en pluriactivité, qui négocient de manière décentralisée, créeront à leur tour des emplois grâce aux 35 heures.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. François d'Aubert et M. Dominique Dord.

Combien ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Encore une fois, les faits parleront d'eux-mêmes.

Donnons-nous rendez-vous au milieu de l'année : nous aurons alors à préparer, avec les entreprises et les syndicats, une loi de progrès social qui permettra aussi aux entreprises de mieux fonctionner. Tel est l'honneur de la politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

POLITIQUE DE LA MONTAGNE

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

La question que je pose au nom de plusieurs de mes collègues élus montagnards s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La sortie du moratoire sur les services publics en zone rurale et la réforme de la carte de la gendarmerie et de la police ne manquent pas de susciter des inquiétudes parmi les élus montagnards. Mais ceux-ci sont bien davantage préoccupés par le sort qui sera réservé aux réunions des instances normales de la politique montagnarde, le Conseil national de la montagne, à l'instance d'évaluation de la politique de la montagne et au rapport qui devait être publié.

Je voudrais rappeler quelques points. Le 29 septembre 1997, notre collègue Augustin Bonrepaux déposait une question écrite sur le devenir des travaux de l'instance d'évaluation de la politique de la montagne.

Trois mois plus tard, en décembre 1997, vous répondiez qu'il serait tenu compte des travaux d'évaluation menés par la commission, lesquels doivent se terminer avant la fin de l'année en cours.

Le 5 mai 1998, je vous questionnais à mon tour sur les réunions du conseil national de la montagne. Vous me répondiez que cette instance serait réunie dès que possible et que mon collègue Patrick Ollier aurait ainsi l'occasion de rendre compte des travaux de la commission permanente qui se sont achevés voici plus de deux ans.

En juillet 1998, le rapporteur spécial du budget de l'aménagement du territoire abordait de nouveau la question de l'instance d'évaluation de la politique de la montagne. On lui répondait, en août, que les travaux n'étaient pas terminés, qu'un projet très achevé de rapport définitif avait été produit, mais que le rapport final ne serait rédigé qu'à l'automne.

A l'automne, le rapporteur spécial du budget de l'aménagement du territoire, qui appartient à la majorité, parlait, désespéré, de « l'évaluation évanouie ».

Le 23 octobre 1998, devant le congrès des élus de la montagne, vous annonciez, madame la ministre, que le conseil national se réunirait avant la fin 1998.

Ma question est très simple : quand ce conseil se réunira-t-il ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Quand le rapport sur la politique d'évaluation sera-t-il publié. Il serait temps : la discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable commence cet après-midi même. Les contrats de plan sont déjà en discussion.

(Mêmes mouvements.)

Pouvons-nous arrêter des orientations avant que tout ne soit décidé ? Madame la ministre, il vous reste peu de temps.

M. Yves Nicolin.

Au boulot !

M. Michel Bouvard.

Nous ne voudrions pas que votre passage au Gouvernement ne soit marqué que par la réintroduction sur le territoire national du loup et de Daniel Cohn-Bendit.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, vous le savez, je n'ai jamais été très à l'aise...

Un député du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

... avec Daniel Cohn-Bendit ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... avec l'expression « la montagne », car elle recouvre une grande diversité. Si la situation évolue de façon très favorable dans les Alpes ou dans le Jura, il n'en est pas de même dans le Massif central et les Pyrénées. Nous connaissons des situations où la dynamique économique est manifeste, où des secteurs économiques très performants sont intégrés à l'activité internationale, où la pression foncière est forte et concentrée, où l'activité touristique se développe rapidement, et d'autres où la situation est très difficile.

La politique en faveur de la montagne est marquée par une très grande continuité. Je pense évidemment à la loi

« montagne » du 9 janvier 1985, que je souhaite voir appliquée strictement dans toutes ses dimensions, protec-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

trice et « développeuse ». Je pense aussi à la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Le projet que je vous présenterai tout à l'heure conserve toutes les dispositions en faveur de la montagne, les schémas interrégionaux de massif, les directives territoriales d'aménagement qui concernent la montagne, et les outils financiers en faveur de la montagne.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Nicolin.

Blabla !

M. Bernard Accoyer.

Vous ne répondez pas à la question !

M. Patrick Ollier.

Pas un mot sur la montagne ! Pas un mot ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'en viens à votre question.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Après de nombreuses péripéties, le rapport du commissariat au plan, qui évalue l'efficacité des dispositifs en faveur de la montagne et formule un certain nombre d'analyses et de propositions, a été remis au Gouvernement à la fin du mois de novembre. Le Premier ministre vient de me confirmer qu'après la phase normale de concertation interministérielle et d'examen de ces propositions, le conseil national de la montagne serait réuni en février en Ariège.

Ce sera l'occasion, soyez-en convaincu, de donner un nouvel élan à la politique de la montagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

LUTTE CONTRE LA DE

LINQUANCE

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

La montée de la violence dans les banlieues est évidente, monsieur le ministre. Elle a été soulignée par notre collègue Dominique Baudis, et mon expérience me conduit à approuver totalement ses propos. Mais elle se manifeste aussi dans les centres-villes où des bandes de plus en plus nombreuses, de plus en plus jeunes, de plus en plus armées, n'hésitent pas, en plein jour, à attaquer des commerces ou à racketter nos concitoyens.

Il devient donc urgent d'apporter une réponse adaptée et efficace à la délinquance, tant dans sa prévention que dans sa répression, en traitant tous les maillons de la chaîne de sécurité.

C'est une question importante. Or, il semblerait que, sur différents points, la cacophonie règne au sein du Gouvernement, où de grandes déclarations sont devenues la règle, sans toujours être suivies d'effet en termes d'action.

Le dernier exemple en date a vu Mme la ministre de la justice déclarer qu'elle ne savait pas ce qu'étaient les centres de retenue dont M. le ministre de l'intérieur avait parlé. Après quoi, chacun s'est exprimé - le ministre de la ville, la ministre de l'environnement - si bien que, avouons-le, il faudra bientôt un décodeur pour faire la synthèse de la pluralité gouvernementale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vos collègues du Gouvernement ne vous suivent pas. Aussi, pourriez-vous nous préciser si vos déclarations en matière de lutte contre la délinquance ne sont que des déclarations d'intention ? Dans le cas contraire, pouvez-vous nous indiquer ce que sont les centres de retenue dont vous avez parlé, ainsi que le type de délinquants auxquels ils s'adressent. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse courte, car il reste encore une question.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

M. Chabert, en tant qu'élu de la région Rhône-Alpes, sait ce que cacophonie veut dire ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quoi de plus naturel, monsieur le député, que, face au problème, qui nous interpelle tous, de la montée des violences urbaines - près de 25 000 faits recensés en 1998, même si, pour la plupart d'entre eux, cette violence est de faible intensité, sans connotation anti-institutionnelle -, problème qui contribue au mal vivre de nos villes, quoi de plus naturel, dis-je, que l'on s'interroge et que l'on fasse des propositions pour le traiter ? Mais auparavant, il convient de poser un diagnostic lucide.

Vous ne me retirerez pas le bénéfice d'une certaine inventivité langagière. Le mot retenue évoque des souvenirs pour tous, il n'est pas méchant et dit bien ce qu'il veut dire. Mais si l'on trouve mieux, je n'y vois aucun inconvénient et je ne suis absolument pas attaché à tel ou tel mot. Ce qui compte, pour moi, c'est de traiter efficacement le problème, qui se pose à nous aujourd'hui, des violences urbaines et d'une délinquance des mineurs qui va malheureusement croissant puisqu'elle représente pratiquement le quart de la délinquance totale.

Je suis sûr que le Gouvernement trouvera très rapidement des réponses satisfaisantes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

STATISTIQUES DE LA DÉLINQUANCE

M. le président.

La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion.

Monsieur le ministre de l'intérieur, au cours de l'année passée, nous vous avons demandé à plusieurs reprises de porter à notre connaissance les statistiques de l'insécurité sur l'ensemble du territoire national.

Il nous a été invariablement répondu qu'elles n'étaient pas disponibles. Mais cela n'a trompé personne, puisque l'on sait que ces statistiques sont en général trimestrielles.

Il est vrai que les statistiques pour Paris peuvent expliquer l'extrême pudeur de votre ministère.

Nous voudrions savoir si, au plan national, les statistique relatives à la délinquance des mineurs confirment le dérapage considérable observé dans la capitale. Si l'on note là aussi un nombre important de vols avec violences commis par des mineurs, et si vous entendez porter à la connaissance de la représentation nationale les statistiques de l'insécurité ou si nous ne les connaîtrons qu'en lisant le journal.

Comme de nombreux parlementaires, j'ai assisté aux cérémonies de voeux marquant la rentrée solennelle des cours d'appel et des tribunaux de grande instance. J'ai pu


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

observer à cette occasion que les propositions relatives à la mise en oeuvre de dispositions spécifiques pour retenir ou éloigner - si l'on en préfère ce dernier terme - les délinquants, propositions qui ne relèvent plus de l'admonestation sympathique, rencontrent un accueil tout à fait favorable non seulement des responsables des forces de l'ordre, mais aussi des magistrats du siège comme du parquet.

Ceux de vos collègues du Gouvernement qui font la sourde oreille porteront bientôt la responsabilité d'une aggravation de l'insécurité s'ils ne veulent pas écouter ce que leur demandent leurs fonctionnaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, je ne dispose des chiffres de la délinquance pour 1998 que depuis ce matin.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

L'augmentation de 2 % doit être mise en regard de la baisse de 1,9 % enregistrée en 1997.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Grâce à qui ?

M. le ministre de l'intérieur.

Nous retrouvons donc le niveau de 1996, qui était la deuxième meilleure année depuis 1990. Je le précise non pour minimiser en quoi que ce soit le problème de l'insécurité, mais parce que je crois que celui-ci doit être traité sans démagogie et sans surenchère.

Je regrette donc que vous ayez évoqué la délinquance des mineurs à Paris, car s'il y a un département où celle-ci est faible, c'est Paris. La délinquance n'y atteint que 13 %, pour la raison très simple que Paris est une ville vieille. Ce pourcentage est en tout cas très inférieur à celui de 25 %, qui correspond à la moyenne nationale.

Il est facile de dire, comme vous le faites, que, quand la droite est au pouvoir, l'insécurité recule, et que, quand la gauche est au pouvoir, elle se développe.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

C'est exact !

M. le ministre de l'intérieur.

C'est trop facile,...

M. Thierry Mariani.

C'est pourtant la réalité !

M. le ministre de l'intérieur.

... car vous savez très bien que la délinquance des mineurs et les violences urbaines se développent depuis 1992, et c'est ce qui vous gêne ! D'ailleurs, lors d'une conférence de presse, le porte-parole du RPR a déclaré le 5 décembre 1998 : « Cette délinquance des mineurs s'est accélérée à partir de 1993, au début de la seconde cohabitation. Ce constat ne remet pas en cause le bilan de la droite en matière de lutte contre l'insécurité ; paradoxalement, il le renforce. En effet, une réponse systématique à ce type de délinquance a été organisée dans le cadre de la politique pénale du nouveau gouvernement. Le parquet a commencé à exercer un contrôle plus rigoureux. Encouragées par cette politique, les victimes ont été incitées à porter plainte plus fréquemment. »

Ainsi, quand vous êtes au pouvoir, les statistiques traduisent une activité plus grande des services de police et le fait que les citoyens sont encouragés à porter plainte, mais il faudrait faire la lecture inverse lorsque la gauche est au pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Trêve de plaisanteries, monsieur le député ! Restons modestes à l'égard des réalités. Elles sont suffisamment graves pour qu'on y réfléchisse et pour porter le fer là où il le faut ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Michel Péricard.)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL PÉRICARD,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

4

NOMINATION D'UNE DÉPUTÉE EN MISSION TEMPORAIRE

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre u ne lettre m'informant de sa décision de charger

Mme Paulette Guinchard-Kunstler, députée du Doubs, d'une mission temporaire, dans le cadre des dispositions de l'article L.O.

144 du code électoral, auprès de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et de M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Cette décision a fait l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 19 janvier 1999.

5 AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (nos 1071, 1288).


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La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la venue devant votre assemblée d'une loi consacrée au cadre général de l'aménagement du territoire n'est jamais un moment ordinaire.

Elle fait souvent date. Les plus anciens parmi vous disent y retrouver à chaque fois une atmosphère particulière.

Par la variété des sujets qu'embrasse ce type de débat, par la force des images ou des référents d'identité qu'il sollicite, par l'attention forcément respectueuse qu'il accorde à la diversité des espaces et des communautés constitutifs de la tradition française, se trouvent mises en éveil nos mémoires, nos passions, nos perceptions du quotidien, notre projection vers le futur.

Nous voilà au croisement de multiples regards.

Comment ignorer, même quand elles semblent aplanies par l'activité des hommes, les contraintes et les richesses de notre géographie, alors même que les bouleversements en cours sur notre continent atténuent les frontières et permettent d'élargir notre vision ? Comment ne pas intégrer à nos raisonnements le sens et parfois les ruses de l'histoire, qui ont vu naître et créer ici tel inventeur, installé là telle industrie, rassemblé ailleurs encore tel pôle de savoir-faire ou de technologie ? Est-il possible de négliger, sous prétexte que le monde change, notre patrimoine, dont la seule valorisation digne d'intérêt est évidemment celle à laquelle nous invitent la jeunesse et l'avenir ? Et, dans ce patrimoine, enfin, comment ne pas rénover notre pratique démocratique, dont les cadres s'adaptent sans cesse aux évolutions sociales, économiques et culturelles ? Géographie, histoire, mémoire, art du gouvernement : l'aménagement du territoire en appelle aux mille et une facettes de notre culture commune. Il s'accommode donc mal de la simplification technocratique, de la défense d'intérêts catégoriels ou des particularismes et, a fortiori, de polémiques politiciennes.

Je suis fière aujourd'hui de défendre devant vous, avec conviction, une conception de l'aménagement du territoire peut-être un peu en distance par rapport à celle qui a prévalu jusqu'à présent, une conception peut-être plus

« développeuse » que strictement « aménageuse ». Mais je sais également qu'aucune mutation ni rupture ne s'affranchit de la continuité dans laquelle elle s'inscrit. Il m'est donc impossible de ne pas saluer ceux qui sont montés avant moi à cette tribune pour apporter leur contribution à la naissance et à la reconnaissance de notre commune passion pour les territoires en mouvement.

Dans son discours de politique générale de juin 1997, le Premier ministre avait indiqué que son gouvernement préparerait un projet de loi visant à réformer la loi du 4 février 1995 afin de donner un cadre nouveau à la politique d'aménagement du territoire de notre pays. Le projet que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui traduit cet engagement.

Vous savez que ce projet de loi s'inscrit dans un ensemble de textes législatifs qui, ensemble, vont dessiner pour notre pays le cadre nouveau de la politique d'aménagement du territoire, de planification territoriale, de contractualisation entre l'Etat et les régions.

Je veux parler de la loi d'orientation agricole que vous avez examinée au mois d'octobre dernier ; de la loi qui sera présentée par Jean-Pierre Chevènement devant votre assemblée au début du mois prochain ; de la loi qu'Emile Zuccarelli présentera au Sénat dès le mois de mars et, bien sûr, du projet que je vous présente aujourd'hui. Ces textes s'emboîtent les uns dans les autres, comme des poupées gigognes. Ils sont cohérents et complémentaires.

La loi d'orientation agricole, adoptée en première lecture par votre assemblée, a posé les termes d'une réorientation de la politique agricole. Celle-ci sera mise au service d'une redynamisation du monde rural et d'un rééquilibrage du développement des différentes parties de notre territoire.

La loi Chevènement fixera les modalités nouvelles du développement de l'intercommunalité et donnera des moyens d'action nouveaux et renforcés aux communes et à leurs groupements.

La loi présentée par Emile Zuccarelli redéfinira l'équilibre des relations entre les citoyens et l'administration, avec la volonté affirmée de renforcer les droits des citoyens dans ces relations. Elle précisera également les conditions nouvelles de l'intervention économique des collectivités locales.

En lançant la discussion sur tous ces sujets, j'ai conscience d'évoquer devant vous des préoccupations majeures pour les élus que vous êtes. Nous aurons l'occasion, au cours de ces jours de débat, d'évoquer au fond l'ensemble des questions que vous vous posez sur l'avenir des politiques publiques d'aménagement.

La première de ces questions est de savoir s'il existe encore aujourd'hui une place pour une politique d'aménagement du territoire. En effet, alors qu'on ne parle plus que de mondialisation de l'économie, de délocalisation d'entreprises ou d'activités, de fusions massives et accélérées entre groupes multinationaux financiers ou industriels, quelle marge de manoeuvre reste-t-il au pouvoir politique ? La volonté de conduire une politique d'aménagement du territoire n'exprime-t-elle pas simplement l'ambition un peu désuète des pouvoirs publics sinon d'agir, du moins de feindre d'agir sur des choses qu'ils ne maîtrisent plus ? N'est-elle pas l'expression d'une illusion sur leurs capacités à infléchir ces évolutions, à en modifier le cours ? Je ne le pense pas.

Bien sûr, la mondialisation de l'économie se poursuit.

Les marchandises et les capitaux circulent de plus en plus rapidement, etles êtres humains aussi. La mobilité professionnelle, choisie ou subie, est devenue un fait « de société » et l'idée s'est installée selon laquelle les jeunes entrant dans la vie active auront à connaître plusieurs changements de métier.

Tout cela contribue à affaiblir les solidarités traditionnelles, à renforcer l'indifférence, voire le rejet, à multiplier les situations de solitude. Mais cette mobilité permet aussi d'élargir les horizons et d'enrichir les rapports sociaux et humains.

La mondialisation de l'économie est un processus complexe. Elle n'a pas supprimé l'existence des Etats nations, elle n'a pas effacé les territoires qui constituent le cadre de la vie quotidienne des populations.

La mondialisation renforce la compétition entre les nations et entre les territoires. Elle rend plus nécessaire que jamais leur organisation pour les rendre attractifs, pour rendre leur économie plus compétitive. C'est au moment où les frontières s'ouvrent sous la pression de forces économiques de plus en plus concentrées, que les femmes et les hommes expriment leur besoin d'apparte-


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nance à des entités qu'ils maîtrisent, leur volonté de donner corps à des projets de développement sur lesquels ils aient prise.

C'est pourquoi une politique d'aménagement du territoire me semble encore aujourd'hui non seulement possible mais absolument nécessaire.

Elle est nécessaire en premier lieu parce que nous part ageons en France une certaine conception de la République. Cette conception ne va pas sans l'affirmation de la solidarité nationale à l'égard des catégories de populations ou des parties du territoire qui se trouvent en situation de retard ou de décrochage.

Notre conception de la République ne va pas non plus sans affirmation de la volonté de tout mettre en oeuvre pour permettre l'égalité des chances entre les citoyens.

Cela suppose que l'on puisse bénéficier des mêmes possibilités d'épanouissement individuel et professionnel où que l'on vive dans notre pays. Cela ne se fera pas tout seul. Cela ne se fera pas sans une politique qui rende ce résultat possible.

Une politique d'aménagement du territoire est nécessaire parce que le libre jeu des forces économiques ne conduit pas spontanément à la meilleure affectation possible des ressources et des richesses.

M. Patrice Martin-Lalande.

On peut dire la même chose des forces administratives ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Chacun d'entre nous peut le constater au quotidien : la seule logique économique conduit à la concentration en quelques points des richesses et des populations au-delà de ce qu'il est possible de gérer convenablement mais, par contre, à une trop grande rareté dans d'autres espaces, situés plus à l'écart des grands flux de production et d'échanges.

Au bout du compte, le laisser-faire gaspille les ressources et appauvrit notre économie.

Cela a été dit avant moi : « Il n'y a pas de territoires condamnés, il n'y a que des territoires sans projet. » Je

partage cette affirmation. Négliger certaines parties de notre territoire national serait une solution de facilité inacceptable. Les aider à construire un projet de développement et à le mettre en oeuvre, c'est la voie du courage et de la responsabilité politiques.

On a beaucoup parlé ces dernières semaines de l'euro, la monnaie unique européenne. C'est un pas en avant qui n'a de sens que s'il s'agit de mieux coordonner les politiques économiques et fiscales au sein de l'Union européenne.

B eaucoup d'étapes seront encore nécessaires pour construire une Europe qui soit à la fois une Europe politique, une Europe sociale et une Europe des citoyens.

Dans ce processus, il est nécessaire de penser et d'organiser le développement de notre territoire pour assurer convenablement son intégration à une Europe élargie.

Mobiliser toutes les énergies sur cet enjeu est le seul moyen d'éviter un développement de l'Europe qui se ferait, sinon sans la France, en tout cas sans une grande partie de la France, celle qui se trouve à distance de la g rande zone de prospérité européenne que chacun connaît, allant du sud de l'Angleterre au nord de l'Italie en passant par les pays rhénans.

Notre projet est que la construction et l'élargissement de l'Europe intègrent comme facteur de prospérité et de stabilité ses liens et son histoire avec le bassin méditerranéen ainsi que le développement de ses échanges maritimes, sans pour autant que la France devienne un simple territoire de transit entre l'Atlantique et l'Oural ou entre le nord et le sud de l'Europe.

Mais si une politique d'aménagement du territoire est possible et nécessaire, encore faut-il dire en quoi elle consiste.

La politique d'aménagement du territoire n'est pas un domaine à part de l'action de l'Etat, réservée à quelques spécialistes, géographes ou sociologues, essayant après coup de raisonner l'action publique ou inventant dans leurs bureaux des schémas théoriques d'organisation de l'espace.

En réalité, toutes les politiques publiques ont un impact sur l'aménagement du territoire : qu'il s'agisse bien entendu de la fiscalité, de la politique des transports, de l'organisation des postes et des télécommunications, du logement, de l'agriculture, de l'environnement, de la culture, des aides au développement économique des entreprises. Chaque décision prise dans ces différents secteurs conduit à un certain type d'organisation du territoire.

La politique du Gouvernement dans ce domaine ne se juge donc pas à l'aune des crédits accordés au travers du Fonds national d'aménagement du territoire ou à l'importance des primes d'aménagement du territoire. Ces outils financiers en constituent bien sûr un volet incitatif important, mais leur poids est bien relatif face à l'impact des moyens mis en oeuvre dans tous les secteurs que je viens d'évoquer.

La première responsabilité du Gouvernement est donc de coordonner l'ensemble des politiques publiques qu'il maîtrise, en cohérence avec celles des collectivités locales, pour les faire converger vers les objectifs qu'il s'est fixés.

Et puis, par-delà les politiques nationales de l'Etat, pardelà les politiques des collectivités territoriales, il faut avoir le souci d'assurer la cohérence entre les actions nationales et les politiques communautaires. Ces dernières représentent des financements déjà significatifs, et leurs réglementations ont un impact chaque jour plus important sur notre vie quotidienne.

A quoi peut servir, par exemple, l'effort de tel ou tel gouvernement pour revitaliser les campagnes si, dans le même temps, la politique agricole commune, avec des moyens financiers beaucoup plus importants, contribue à les vider ? L'aménagement du territoire est donc l'une des actions publiques les plus difficiles à conduire. Il faut en effet assurer la cohérence entre les politiques sectorielles et les politiques territoriales conduites par les différents intervenants publics. Une fois cette cohérence établie, il faut qu'elle soit suffisamment convaincante pour inciter les acteurs privés à aller dans le même sens.

C'est sans doute cette complexité et cette difficulté qui expliquent les limites des précédentes politiques d'aménagement du territoire et l'écart très important, toujours constaté, entre les objectifs affichés par les gouvernements successifs, et les résultats obtenus.

Pour bien comprendre nos propres orientations, il est difficile de ne pas évoquer brièvement les conditions historiques dans lesquelles se sont développées les politiques qui les ont précédées.

Je veux d'abord parler des « Trente Glorieuses », de cette époque où les ambitions des gouvernements successifs épousaient, en matière d'aménagement du territoire, les grands objectifs, d'ailleurs consensuels, de la planification nationale : réduire les écarts entre la France et ses


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voisins en matière industrielle et d'équipements lourds ; accompagner la mutation agricole ; loger rapidement les Français dans les agglomérations ; stabiliser les standards de consommation des couches moyennes urbaines ; faire mieux s'opérer la rencontre entre l'industrie et une maind'oeuvre souvent peu qualifiée ; élever le niveau de formation, et j'en passe.

Nous pouvons, avec le recul, dresser un bilan objectif de cette période : si nous lui sommes redevables d'une bonne part de la place et de la puissance françaises dans le concert des nations, nous lui devons aussi des factures impayées qui se sont accumulées et qui restent à solder.

L'exode rural, l'urbanisation désordonnée, l'allongement continu des distances domicile-travail, la surconsommation énergétique, la fragilité de notre tissu de PME-PMI, la reprise de la concentration des centres de décision en région parisienne, les friches industrielles polluées ou encore l'appauvrissement environnemental ont été et restent à ce jour le prix à payer de cette façon de concevoir la production de richesses.

Dès la période ouverte par la rupture du système monétaire issu de l'après-guerre, puis par la première crise pétrolière en 1973, l'idée qu'il fallait procéder autrement s'est imposée.

Les conditions dramatiques dans lesquelles durent commencer à s'opérer les reconversions de la mine et de la sidérurgie, ces symboles de notre histoire industrielle, accélérèrent certainement notre prise de conscience.

Pendant quelques années, nous eûmes à subir une mutation dont la compréhension ne fut pas simple : les politiques d'aménagement du territoire apparurent alors davantage comme des politiques réparatrices, de compensation, d'accompagnement, de correction. Elles perdirent tout à la fois une partie de leur ambition et de leur prestige et parurent condamnées à un certain déclin.

Ce n'est que depuis quelques années, alors qu'il apparaît que nous sommes placés devant de véritables défis de civilisation, où ce qui change, ce sont les conditions de production et de partage de la richesse, que la nécessité d'une relance de l'aménagement du territoire semble s'imposer.

La persistance d'un chômage massif, le constat que la croissance est une condition nécessaire mais non suffisante de la pleine activité, les nouvelles mobilités et pratiques territoriales nées de l'inventivité des populations, tout cela a contribué à remettre à l'ordre du jour des réflexions politiques les préoccupations d'un usage plus équilibré des territoires.

Mais les conditions dans lesquelles l'Etat agit se sont profondément transformées.

Ce n'est pas seulement le contexte économique qui s'est modifié : l'Etat ne peut plus agir seul ; il ne peut plus conduire une politique en demandant à ses grands commis de penser la carte de la France à une échéance donnée et de dessiner la carte de l'occupation de l'espace français dans le futur.

La décentralisation, adoptée au début des années 80, est devenue un fait. Les régions, les départements et les communes se sont habitués à un exercice libre des compétences qui leur ont été transférées et auxquelles, à juste titre, ils n'entendent pas renoncer. Parmi ces compétences, l'intervention économique et l'aménagement de l'espace figurent bien entendu au premier chef.

D'un autre côté, l'intégration européenne de notre pays ne cesse de s'approfondir. Le champ d'intervention des politiques communes s'élargit. Cela correspond à la volonté politique affirmée par la France et par les autres pays européens. Quoique ce champ d'intervention ne soit pas stricto sensu une préoccupation communautaire, un schéma européen d'aménagement du territoire est en cours d'élaboration.

Enfin, l'Etat doit compter avec la demande des citoyens, qui aspirent à un mode d'exercice renouvelé de la démocratie. Cette demande doit être prise en compte par nous tous. Il faut trouver les modalités permettant d'y répondre si nous voulons réduire la fracture souvent dénoncée, entre les citoyens et la classe politique.

Nous devons avoir en tête ce cadre général, pour aborder la discussion sur les objectifs et les méthodes que nous entendons mettre en oeuvre en matière d'aménagement du territoire.

J'en viens précisément maintenant aux objectifs de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Il s'agit de consolider les acquis de la décentralisation en renforçant les capacités d'organisation des territoires et la mobilisation des énergies au niveau local. Cela peut se décliner en plusieurs points : Favoriser l'insertion de notre pays dans l'ensemble européen et dans les relations économiques internationales - j'en ai déjà parlé ; Créer les conditions d'un développement économique durable valorisant notre territoire en le « ménageant » pour les générations futures ; Lutter contre le chômage et créer des emplois ; Réduire les inégalités territoriales et renforcer la cohésion sociale ; Améliorer la qualité de la vie de nos concitoyens ; Donner à tous les mêmes chances de participer au développement économique, social et culturel de notre pays ; Favoriser le développement local par une offre de serv ices de qualité, accessibles et mieux répartis sur l'ensemble du territoire, en ville comme à la campagne.

Le projet, que j'ai préparé avec mes collègues du Gouvernement, traduit l'ensemble de ces objectifs et de ces orientations. Pour y parvenir, la planification territoriale et la programmation des actions doivent être le produit d'une réflexion décentralisée et d'un dialogue avec l'Etat.

La planification territoriale à long terme sera élaborée dans le cadre de huit schémas de services collectifs. Ces huit schémas de services remplaceront le schéma national d'aménagement du territoire et les schémas sectoriels, prévus par la loi du 4 février 1995.

M. François Sauvadet.

Quel dommage !

M. Patrice Martin-Lalande.

Ils ne le remplaceront pas ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Afin d'être en phase avec la renégociation des contrats de plan Etat-régions, des comités stratégiques ont d'ores et déjà été constitués. Ils réunissent, autour des ministères concernés et des administrations, leurs principaux interlocuteurs. Ces comités stratégiques ont établi des cahiers des charges : ils serviront de cadre à la réflexion qui va maintenant se dérouler dans les régions, sous l'impulsion des préfets de région.

Il s'agit bien de définir les priorités à long terme, puisque l'horizon de cette réflexion est de vingt ans. Bien entendu, ces prévisions devront être régulièrement actualisées dans le temps, en prenant en compte les résultats constatés des prochaines générations de contrats de plan

Etat-régions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

En utilisant cette notion de « services collectifs », le G ouvernement veut inciter ses administrations et l'ensemble de ses interlocuteurs à une réflexion qui ne se limite pas à l'addition de projets d'infrastructures ou d'équipements, mais qui permette la confrontation de diverses offres.

La planification territoriale doit s'appuyer sur une évaluation des besoins exprimés par la population et les acteurs socio-économiques, des capacités existantes pour y répondre et des solutions nouvelles qui peuvent être mises en oeuvre pour les satisfaire. En d'autres termes, il s'agit non pas de plaquer des réponses toutes faites à des situations particulières, mais de dialoguer et d'innover. Il s'agit non pas de piocher au coup par coup dans le stock des projets, mais de privilégier l'ajustement aux demandes, la rigueur dans la dépense publique, le contenu en emplois et l'insertion environnementale. Il s'agit donc de faire des choix, de dire ce qui est prioritaire et ce qui ne l'est pas.

Les huit schémas de services collectifs prévus par la loi correspondent aux domaines privilégiés d'action conjointe entre l'Etat et les collectivités locales. Ils correspondent également à des domaines d'intervention qui nécessitent une collaboration interrégionale et une réflexion dans le cadre européen. Ces schémas de services seront élaborés, comme vous le voyez, dans le cadre d'un va-et-vient entre l'échelon national et l'échelon décentralisé.

A ce point de mon intervention, je voudrais répondre par avance à une question que vous vous posez : en abandonnant le schéma national d'aménagement du territoire prévu par la loi Pasqua ne risque-t-on pas de perdre la nécessaire cohérence des grands choix de la politique d'aménagement du territoire ?

M. Patrick Ollier.

Bien sûr que si !

M. Patrice Martin-Lalande.

Vous connaissez la réponse ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je ne le pense pas, pour plusieurs raisons. La première c'est que le schéma national prévu par la loi de 1995 établissait en réalité une fausse cohérence.

Au bout du compte, il s'est avéré n'être que l'addition de schémas sectoriels qui ne constituaient pas une politique d'ensemble d'aménagement du territoire. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Patrick Ollier.

C'est l'inverse ! Ce sont les schémas sectoriels qui déclinaient le schéma national ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est sans doute la raison pour laquelle cette démarche n'a jamais pu aller jusqu'à son terme.

M. Patrick Ollier.

Vous n'avez pas pris les décrets d'application ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La loi du 4 février 1995 a beaucoup fait rêver, elle a aussi déçu. Je pourrai détailler devant vous, si vous le souhaitez, toutes les dispositions de cette loi qui n'ont pas pu être traduites dans les faits.

M. Patrice Martin-Lalande.

Cela fait deux ans que vous la gelez !

M. Patrick Ollier.

En deux ans qu'avez-vous fait ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La bonne volonté de ceux qui l'ont soutenue n'est pas en cause. Si cette loi est restée inaboutie, c'est qu'elle a été élaborée à partir d'un diagnostic unilatéral. Elle aura marqué la fin d'un cycle plutôt que l'avènement d'une vision nouvelle.

M. Patrick Ollier.

C'est parce que vous n'avez pas voulu l'appliquer ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Elle était fondée sur le postulat simplificateur d'une France fracturée, écartelée entre la désertification des campagnes et l'hyperconcentration de ses agglomérations.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Enfin, elle exagérait le risque d'éclatement communautaire de notre identité nationale.

M. Patrice Martin-Lalande.

On voit le résultat ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cette vision ne traduit pas le constat lucide qu'il faut porter sur la quatrième puissance économique mondiale.

M. Alain Marleix.

Pas grâce à vous ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La France dispose d'une agriculture puissante, de villes performantes, d'une population inventive, de réseaux efficaces de communications, de services publics de bon niveau, d'un patrimoine naturel et culturel exceptionnel et d'espaces dont la qualité et la diversité en font la première destination touristique du monde.

M. Patrick Ollier.

Raison de plus pour en tenir compte ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

De cette vision partielle et politiquement orientée ne pouvaient naître que des stratégies défensives, oublieuses de la réalité.

M. Patrick Ollier.

Quelle caricature ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Et ce n'est pas tout à fait un hasard si la loi de 1995 ne comporte aucune référence à l'Union européenne ni au fait urbain.

La vision tutélaire et, je vous l'accorde, rassurante, du schéma national d'aménagement du territoire, de même que la conception recentralisatrice dans les faits, traduite par la loi Pasqua, ne correspondent ni à la réalité de l'organisation administrative et politique de notre pays depuis les lois de décentralisation, ni aux principes d'action d'un Etat moderne.

La démarche que je vous propose est donc aussi ambitieuse que celle de mes prédécesseurs. Elle permet une approche plus fine des problèmes. Elle privilégie la concertation plutôt que la proclamation, l'évaluation des solutions proposées, la mobilisation des partenaires autour de projets collectifs, plutôt que des décisions unilatérales ou des annonces se révélant ensuite inapplicables.

L'aménagement du territoire doit s'inscrire dans une démarche collective vers le développement durable. Bien sûr, tout le monde est pour le développement durable.

C'est devenu un thème à la mode et la France, qui l'a adopté avec retard, a pris des engagements dans ce domaine au cours de diverses grandes conférences internationales. Mais au fond, qu'est-ce que cela veut dire ? Il ne suffit pas de parler de durabilité pour faire effectivement évoluer les choses en ce sens.

Le terme même de développement intègre l'idée de qualité, ignorée par le terme de croissance. Une politique de développement se choisit des objectifs plus ambitieux,


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plus complets, plus cohérents et conformes à une haute idée de la richesse, de la diversité et de la dignité humaines.

Mais un développement n'est durable que s'il ne sécrète pas lui-même ses propres obstacles sociaux, environnementaux, économiques ou culturels. Une vision trop exclusivement quantitative et sectorielle du progrès peut créer des situations insupportables, par exemple de graves déboires économiques.

Une telle vision peut endommager ou détruire de façon irréversible des ressources précieuses, qui ne sont pas toutes renouvelables, comme la diversité du vivant, source de son adaptabilité, ou le climat de la planète. Les exemples, hélas ! ;ne manquent pas dans le monde, mais aussi sur notre territoire, depuis les littoraux jusqu'aux montagnes.

Le développement durable implique donc, pour chacun de ses acteurs, la conscience forte de sa responsabilité visà-vis des autres. N'est-ce pas d'ailleurs au premier chef le devoir et le mandat des élus ? Pour ne donner que deux exemples, la garantie d'une qualité de l'eau suffisante dans un bassin versant est un bien meilleur atout pour l'implantation d'activités agroalimentaires que toutes les aides financières imaginables.

Il s'agit d'un comportement de prévention de base.

Dans un autre domaine, notre responsabilité à l'égard du climat que nous fabriquons pour nos enfants, responsabilité affirmée dans nos engagements internationaux qu'inspire l'esprit de précaution, doit se traduire avec constance et raison dans les décisions d'aménagement du territoire. Il faut donc, dans chacune de nos régions, une approche de développement durable pour les projets, une approche globale qui prenne en compte toutes leurs facettes et valorise les opportunités en anticipant et limitant les risques. Une démarche qui respecte la diversité régionale, en garantissant une grande cohérence dans nos objectifs généraux. Une démarche qui donne priorité à l'emploi, à l'utilité sociale et à la qualité des services rendus, à la maîtrise des impacts sur les milieux, à l'efficacité économique.

C'est pourquoi je vous propose d'adopter, à l'occasion des prochains contrats de plan Etat-régions, une méthode commune de définition, de discussion et d'évaluation de leur contenu. Cette méthode est exposée dans les schémas de services collectifs de transports, de santé, d'énergie, des espaces naturels et ruraux, de culture, des télécommunications, de la recherche, qui ont été ou seront adressés prochainement aux préfets de région pour la concertation.

Ainsi, les projets d'investissements tels que la création d'une infrastructure passeront par un examen a priori de toutes les alternatives, à l'aune des conditions d'un développement durable. J'insiste sur cet examen a priori car, encore trop souvent, la concertation légale revient à demander l'avis de la population sur un seul projet, décidé par quelques-uns, et qu'il n'est plus possible de corriger qu'à la marge.

En outre, les facettes du développement, durable ou non, sont multiples et les maires, par exemple, savent combien une décision prise à la hâte peut produire d'effets pervers dans le fonctionnement de leur commune, parfois dans un tout autre domaine que celui auquel appartenait la décision initiale.

Il en est de même pour le fonctionnement des écosystèmes. Par exemple quand une pollution azotée en amont d'une rivière peut faire apparaître des algues toxiques près de son embouchure, au grand dam des conchyliculteurs et des hôteliers.

C'est aussi le cas pour les décisions socio-économiques, puisque le Conseil général des Ponts et Chaussées a montré, dès 1994, que le passage d'une autoroute dans une région économiquement fragile présentait de forts risques de vider cette zone plus rapidement encore, au profit des pôles urbains reliés par cette voie.

Quel expert pourra garantir qu'il balaie l'ensemble des difficultés possibles, qu'il a en mémoire un nombre suffisant d'exemples pour couvrir tous les champs d'analyse ? Il faut donc recourir davantage à l'expertise contradictoire et multidisciplinaire, appuyée sur des experts indépendants.

Enfin, si l'on veut que le développement durable ne soit pas qu'une figure de style, dans l'intérêt même des décideurs et de ceux au nom desquels ils exercent leurs fonctions, les modes d'évaluation et de suivi devront être définis simultanément aux projets qu'ils visent, dans tous les domaines auxquels fait référence le développement durable. Il faudra élaborer des indicateurs, adaptés aux objectifs que s'est assignée la collectivité nationale, dans un comportement de pleine responsabilité de la part des pouvoirs publics.

Je suis convaincue que cette méthode et ces principes seront mis en oeuvre avec d'autant plus de succès que les représentants de l'Etat dans les régions auront à coeur de transmettre ce message de responsabilité, d'organiser dans cet esprit les débats publics nécessaires et d'associer les citoyens, sous des formes appropriées, à l'élaboration des décisions. Quels meilleurs lieux, quels meilleurs moments, pour cette participation, que les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire auxquelles le présent projet de loi donne un rôle élargi, une légitimité accrue ? L e Gouvernement entend bien que s'y trouvent reconnues toutes les facettes et tous les acteurs de l'innovation : les élus régionaux, départementaux et locaux évidemment, mais aussi les représentants les plus dynamiques des PME-PMI ; les associations, avec lesquelles se construit un partage plus équitable de l'expertise et un accès plus égal à de nouveaux services ; les entrepreneurs de la nouvelle économie sociale et solidaire, etc. A la France qui monte et qui invente son avenir, nous proposons ainsi de prendre acte de sa diversité et de nouvelles formes de coopération.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Dans cet esprit, la politique d'aménagement du territoire doit favoriser l'émergence et la concrétisation de projets fondés sur la valorisation des ressources, plutôt que la compensation de handicaps et la réparation des dégâts.

La politique d'aménagement du territoire a été longtemps dominée par les idées de compensation entre zones riches et zones pauvres, de péréquation, d'implantations autoritaires...

M. Patrice Martin-Lalande.

Jamais autoritaires, volontaristes ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... d'infrastructures ou d'équipements dans des régions réputées « défavorisées » soit ex nihilo , soit par le biais de « délocalisations » arbitraires.

C'est aussi l'idée qui domine à Bruxelles, idée que traduisent les différents zonages avec lesquels vous avez dû vous habituer à vivre.


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Je ne conteste pas la nécessité de ce rééquilibrage entre les moyens des uns et des autres. Mais si le rééquilibrage, notamment fiscal, est nécessaire, il n'est pas suffisant.

Une conception de l'aménagement du territoire qui s'en tiendrait à ce seul principe conduirait à installer des zones entières dans ce que j'appellerai « la zone culture du handicap ».

L'Histoire nous a appris que le caractère favorisé ou handicapé d'une région était relatif et pouvait évoluer dans le temps. Telle région, hier prospère grâce à ses mines de charbon, s'est trouvée soudain handicapée par ses friches industrielles et contrainte à de douloureux efforts de reconversion, alors que des zones réputées enclavées ont bénéficié du développement d'un tourisme attentif à la qualité de l'accueil et des milieux, et se sont enrichies.

C'est pourquoi j'insiste : aucune région ne peut concevoir un avenir résidant durablement et uniquement dans des ressources provenant de la péréquation. De même, le fait de brider la région parisienne ne garantit nullement une dynamique de développement pour les autres régions.

Le zonage du territoire communautaire ne constitue pas un but en soi, pas plus que le fait pour une région d'être incluse dans une ou plusieurs zones.

La définition de zones n'a d'intérêt que si elle permet, pendant une période de temps limitée, d'accorder des moyens publics spécifiques pour mettre en place les conditions d'un développement autonome des régions considérées. Dès lors qu'un zonage recouvre une part trop importante du territoire ou qu'il devient pérenne, il manque son objectif.

C'est avec cette compréhension des choses qu'il nous faut aborder les négociations européennes sur la réforme des fonds structurels et la réforme des zonages qui l'accompagnera ; avec le souci également de bien distinguer ce qui doit relever de la nécessaire solidarité européenne et ce qui incombe aux solidarités locales.

Nous ne pouvons pas tout attendre des transferts nationaux ou communautaires. Ils sont là pour accompagner des démarches, mais ils ne peuvent remplacer la prise en charge, par chacun des niveaux de responsabilité, de la part d'initiatives qui lui revient. C'est ce qu'on appelle la subsidiarité.

Je rappelais tout à l'heure qu'il n'y a pas de territoires condamnés, mais des territoires sans projet.

M. François Sauvadet.

Et des projets sans moyens aussi ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Bien entendu, il faut que les projets soient réalisables sur le territoire en question, qu'ils y soient adaptés et qu'ils concourent à en exprimer les potentialités.

L'idée qui sous-tend le projet du Gouvernement, c'est que l'Etat aidera prioritairement ceux qui s'organisent pour élaborer un projet. L'Etat récompensera la créativité, l'initiative, la coopération entre les acteurs, la synergie des efforts, parce qu'en faisant cela, les dépenses publiques contribueront effectivement au développement de la richesse produite, à l'occupation équilibrée du territoire, et pas simplement à la compensation des retards de développement.

Je suis consciente du fait que la capacité de mobilisation dépend aussi des moyens dont on dispose, des moyens financiers, mais aussi et surtout des moyens en matière grise. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé, lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, de créer une section spéciale du Fonds national d'aménagement pour le financement de l'ingénierie de projets.

M. Charles Miossec.

Ça c'est bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'accès à l'initiative est fondamental. Il s'agit de redonner le goût d'entreprendre, la culture de l'autonomie.

Je propose un cadre favorable à cette culture, à l'élaboration et au développement des projets que je viens d'évoquer : ce cadre, c'est celui des pays et des agglomérations. Je souligne à cet égard la totale cohérence entre le texte que je vous présente aujourd'hui et celui que JeanP ierre Chevènement vous proposera dans quelques semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Edouard Landrain.

Tu parles ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il s'agit de définir les conditions de création, de gestion et de développement de ce nouveau cadre de coopération au service du développement des territoires que sont les pays et les agglomérations.

Le pays peut être défini très simplement comme un territoire de projet. Il ne s'agit pas d'un nouvel échelon d'administration territoriale ni d'une nouvelle collectivité locale. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce qui définit le pays, c'est son projet, traduit par une charte acceptée et signée par l'ensemble des partenaires. Ne me dites pas, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, que vous avez, vous aussi, joué à vous faire peur !

M. François Sauvadet.

Non ! On a lu le texte ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le pays c'est donc un cadre très souple, permettant d'unir des volontés sur des territoires considérés par les acteurs eux-mêmes comme ayant une cohérence suffisante. Ces projets, ces territoires et la concrétisation de leur volonté seront accompagnés par l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

Le Gouvernement souhaite encourager le développement des pays, sans faire preuve du moindre dogmatisme.

Je n'ai pas en tête un quadrillage de la France en pays aux frontières établies. Plus modestement, et de façon pragmatique, je vous propose d'accompagner un processus déjà à l'oeuvre avec l'intercommunalité et la constitution déjà effective de nombreux pays. Cela ne fait que traduire le besoin largement ressenti de traiter un certain nombre de questions de développement local en dépassant les limites communales.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Très bien ! C'est le bon sens ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pour s'inscrire dans une démarche de développement durable, les pays bénéficient d'ailleurs de l'expérience irremplaçable des parcs naturels régionaux dont la capacité à piloter de façon transversale des politiques locales alliant innovation économique et qualitée nvironnementale est aujourd'hui unanimement reconnue.


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Les parcs naturels régionaux, dont le nombre doit encore augmenter, profiteront eux-mêmes beaucoup de l'émergence de nouveaux pays avec lesquels les ajustements, pour autant que les uns et les autres jouent le jeu, devraient offrir de nouvelles opportunités de partenariat.

Les agglomérations, quant à elles, correspondent à un niveau d'exigence supérieur. Elles ne pourront être constituées que s'il existe dans un cadre territorial donné une agglomération centre de plus de 15 000 habitants et une nsemble de communes avoisinantes qui, au total, regroupent une population de 50 000 habitants, dotées d'une taxe professionnelle unique, dans le cadre d'un établissement public de coopération intercommunal.

M. Pierre Méhaignerie.

C'est artificiel ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ces agglomérations, dotées de compétences importantes, auront la possibilité de passer des contrats avec l'Etat en vue de la réalisation des objectifs qu'elles se seront fixés.

Le Gouvernement voit dans ces communautés d'agglomérations le cadre qui permettra réellement de développer la politique de la ville dont nous avons besoin pour faire face aux difficultés graves nées de l'urbanisation incontrôlée. Ce que l'on baptise hâtivement « crise des banlieues » est en effet une crise de la ville et du développement urbain. Elle ne pourra être traitée qu'en appréhendant cette réalité dans sa totalité, en faisant jouer effectivement les solidarités locales de projet dont je parlais tout à l'heure.

Or, si l'intercommunalité s'est développée dans le monde rural, elle reste embryonnaire dans les aires urbaines. Il est urgent de donner l'impulsion qui permettra de mettre en place ces structures indispensables à la maîtrise de la croissance urbaine, à la reconquête de la qualité de la vie et à de meilleures relations entre les êtres humains dans les quartiers et les villes.

En fixant ce cadre pour les pays et les agglomérations, le Gouvernement ne définit pas de nouvelles collectivités territoriales et ne modifie pas la répartition des compétences entre les collectivités locales issues des lois de décentralisation.

Il s'agit d'un pas en avant mesuré et d'une démarche pragmatique à laquelle le Gouvernement entend bien se tenir. Sans doute faudra-t-il un jour aller plus loin. La question de l'exercice de la démocratie dans les instances de coopération intercommunale est posée avec de plus en plus d'insistance. Je suis d'accord avec le Président de la République lorsqu'il affirme « qu'il est temps de donner leur expression démocratique aux communautés de vie qui se sont formées dans les agglomérations comme dans les pays ruraux ». Bien que cette proposition comporte des éléments de complexité dans un paysage institutionnel déjà touffu - ce qui inquiète nombre d'entre vous, soucieux de simplification - il faudra sans doute y répondre dans un futur proche. Le Gouvernement a considéré que la discussion sur ce point n'était pas encore aboutie.

Mais, d'ores et déjà, le champ de leurs compétences fera des pays et des agglomérations, avec les régions, de vrais partenaires des contrats de plan.

M.

Christian Estrosi.

Et les conseils généraux, alors ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est une des principales novations introduites dans la négociation des prochains contrats de plan Etat-régions.

M.

Christian Estrosi.

Ce n'est pas une modification territoriale, ça ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Elle fait suite au rapport élaboré par Jacques Cherèque à la demande du Gouvernement.

Les futurs contrats de plan Etat-régions comprendront donc deux volets : un volet régional, qui touche essent iellement aux équipements d'intérêt général pour l'ensemble du territoire régional et un volet territorial, qui vise à encourager le développement et la concrétisation des projets des territoires.

Cette conception des futurs contrats de plan découle très naturellement de ce que j'ai dit tout à l'heure sur la volonté du Gouvernement d'encourager le développement local. La construction d'infrastructures est indispensable, mais elle ne suffira pas demain, pas plus qu'elle n'a suffi hier à assurer le développement harmonieux de tout le territoire. C'est pourquoi le volet territorial des contrats de plan est aussi important à mes yeux pour l'avenir.

Pour qu'ils puissent voir le jour, encore faut-il laisser aux pays et aux agglomérations le temps de se constituer et de travailler. C'est pourquoi ils disposeront de trois années pour élaborer leur projet ; ils pourront signer avec l'Etat des contrats de plan jusqu'en 2003.

De même qu'elle introduit de nouveaux espaces de projet, la loi fixe le cadre de l'évolution sur le territoire des services rendus aux publics pour les années qui viennent.

Chacun en conviendra aisément : le « moratoire » décidé par le gouvernement d'Edouard Balladur ne pouvait constituer une réponse durable aux questions relatives à l'évolution des services publics sur notre territoire.

M.

Patrice Martin-Lalande.

Tout a été bloqué pendant deux ans ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Peut-être a-t-il permis d'éviter des décisions dont les conséquences auraient été difficilement réparables pendant une période de réflexion. Ce faisant, il a aussi figé les inégalités et empêché l'évolution des se rvices, qui passe par la mise en adéquation des moyens et des besoins. Il a freiné les dynamismes des territoires là où ils auraient pu émerger.

Cette réponse de l'Etat n'a pas été satisfaisante. Toutes les enquêtes le montrent aujourd'hui : les Français privilégient la proximité des services publics et l'égalité de traitement entre les citoyens. Notre devoir est de répondre à cette demande.

M

Patrice Martin-Lalande.

Mais c'est incroyable ! Depuis deux ans, rien n'a été fait pour y répondre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est pourquoi la loi Pasqua avait prévu un certain nombre de dispositions pour organiser la sortie du moratoire. Nombre de ces dispositions sont restées lettre morte, notamment celle qui prévoyait l'élaboration de schémas départementaux d'évolution des services publics.

M.

François Saudavet.

Quel dommage ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les décisions du CIADT du mois de décembre et le projet de loi que je vous soumets fixent les règles de cette évolution future.

Les administrations devront élaborer des plans pluriannuels d'évolution de leurs services. Elles transmettront ces plans à la DATAR, qui les examinera et en vérifiera la cohérence.


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La DATAR conduira la concertation avec les préfets, elle vérifiera avec eux les conséquences des programmes qui leur sont présentés dans l'ensemble des départements...

M.

Patrice Martin-Lalande.

Et les élus, dans tout cela ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qu'il s'agisse des conditions dans l esquelles seront assurés les services eux-mêmes, de l'emploi ou de la dynamique des territoires.

Les préfets, quant à eux, seront responsables de la conduite des négociations de la concertation, au niveau local, sur les évolutions souhaitables du service public.

Aucun service ne pourra être supprimé sans une étude d'impact préalable. Si un désaccord apparaît entre telle ou telle administration et les autorités territoriales, le préfet aura la possibilité d'introduire un recours suspensif auprès du ministre concerné, après une phase de négociations, pour trouver une solution satisfaisante pour tous.

M.

Patrice Martin-Lalande.

Le préfet, toujours le préfet ! C'est l'aménagement du territoire par les préfets ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Dans le même temps, le Gouvernement a décidé de présenter, dans le projet que je défends devant vous, un certain nombre d'amendements permettant la mise en place de maisons de service public, qui pourront être un cadre satisfaisant susceptible d'offrir un service de qualité sur l'ensemble du territoire.

Enfin, le Gouvernement a entendu les interrogations que se posaient beaucoup d'entre vous sur la nécessité de fixer un cadre à l'évolution de certains services publics comme, par exemple, le service postal. C'est pourquoi je vous proposerai des amendements permettant de transposer dans notre droit interne une directive communautaire intervenue dans ce domaine.

M. François Brottes.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce sera l'occasion de répondre aux préoccupations qui sont les vôtres et de vous apporter des garanties sur une offre de service équitablement répartie sur l'ensemble du territoire.

Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui sera discuté avec passion dans les jours qui viennent, si j'en juge par le nombre des amendements qui ont été déposés.

M. Patrice Martin-Lalande.

Vous pouvez compter sur nous ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Je voudrais d'ailleurs rendre hommage à la qualité du travail accompli par le rapporteur, Philippe Duron, et par la commission de la production et des échanges que préside André Lajoinie. Celle-ci a examiné plus de 500 amendements et en a adopté 129. Je m'en félicite Cela ne me surprend pas, car il s'agit d'un enjeu essentiel pour notre société.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est dire s'il y avait du travail à faire ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'y vois la traduction des relations normales entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.

Il est juste et efficace que le travail parlementaire contribue à enrichir les projets du Gouvernement. C'est d'ailleurs ce qui s'était passé avec le projet de loi de Charles Pasqua.

Mesdames, messieurs, il y a, dans le projet que je soumets à votre approbation, une certaine idée de la démocratie, de la République et de la France.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Sauvadet.

Oh ! là ! là ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Elle ne s'énonce ni au clairon, ni au canon. Elle s'inscrit comme contribution à un véritable projet global de développement pour notre pays.

M. Maurice Leroy.

Voté dans l'urgence...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Elle repose sur une confiance, également répartie entre l'Etat et le mouvement de toute la société, dont elle équilibre les rôles et les responsabilité s.

M. Patrick Ollier.

Pas envers les élus, en tout cas ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Au lieu d'entretenir les oppositions idéologiques binaires et caduques entre le national et le local, la société et la communauté, le petit et le grand, la mobilité et l'identité, elle s'attache à ce qui relie, au contrat qui fait passerelle, c'est-à-dire aux conditions contemporaines par lesquelles se produit et s'affiche l'intérêt général.

Loin de faire l'apologie de la nouveauté sans critique, elle redonne du contenu et de la matière aux cadres traditionnels de notre démocratie, que sont par exemple la commune et les départements.

M. François Sauvadet.

Oh ! là ! là ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mais elle considère aussi que l'exercice de la responsabilité des individus, des groupes et des collectivités ne fonctionne bien qu'à des niveaux adaptés.

Nous avons à faire l'apprentissage de formes de plus en plus fines d'organisation qu'impliquent des flux et des gestions de plus en plus complexes. On ne pilote pas la biodiversité à partir des mêmes échelles que le traitement social du chômage, le patrimoine culturel comme les déchets, les échanges transfrontaliers comme les bassins d'emplois.

M. Patrick Ollier.

C'est une pétition de principe ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En ce sens, l'ambition que je vous propose, c'est de revisiter notre façon commune de faire de la politique, par un dialogue renouvelé avec nos concitoyens, leur quotidien, leur savoir-faire, leur territoire.

M. François Sauvadet.

Quelle pratique du dialogue ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mesdames et messieurs les députés, j'espère vous avoir convaincus que, par notre démarche, c'est la politique elle-même qui retrouvera une part de son crédit et de sa dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la conception moderne de l'aménagement du territoire au sens où nous l'entendons aujourd'hui a été imaginée, décidée et mise en place voici près d'un demi-siècle. La réussite de cette idée et de


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cette politique se mesure au débat qu'elle suscite, aux publications qui lui sont consacrées et à l'intérêt que lui porte aujourd'hui notre assemblée.

Les quelque 1 200 amendements déposés par nos collègues, et qui seront défendus et discutés pendant les deux semaines qui s'ouvrent au débat, en sont la meilleure preuve.

Pour ma part, j'ai mesuré, mes chers collègues, votre intérêt et votre sérieux tout au long des trois journées de réunion de la commission de la production et des échanges, sous l'autorité bienveillante de notre président André Lajoinie. Cette réunion nous a permis, au travers d'une discussion de bonne tenue, d'enrichir de quelque 129 amendements, dites-vous, madame la ministre - ce sera vraisemblablement 150, si l'on tient compte de ceux déposés en application de l'article 88 - le projet de loi que vous nous proposez.

Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire répond à la volonté exprimée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, le 19 juin 1997. M. Lionel Jospin annonçait alors la révision de la loi du 4 février 1995 afin que « toutes les dimensions - écologiques, culturelles et é conomiques - du développement soient prises en compte dans les régions ». Peu après, le CIADT du 15 décembre 1997 réorientait les priorités de la politique d'aménagement et de développement du territoire.

Ce projet de loi vise à fournir un cadre pour l'élaboration de la nouvelle génération de contrats de plan Etatrégions, une doctrine pour conduire de manière cohérente la renégociation de la politique européenne des fonds structurels.

Il s'inscrit dans un dispositif plus large, qui vise aussi à simplifier l'organisation des territoires, avec le projet de loi qui sera présenté par M. Chevènement dans quelques semaines et à organiser les interventions économiques des collectivités territoriales, avec le projet de loi de M. Zuccarelli, qui devrait être examiné avant la fin de l'année.

Ce projet de loi d'orientation modifie la loi du 4 février 1995, dont les difficultés d'application ont montré les limites. En effet, les lois d'application, les décrets et les circulaires nécessaires à sa mise en oeuvre sont loin d'avoir été tous élaborés et publiés. Ainsi, sa principale disposition, le schéma national d'aménagement et de développement du territoire a connu des vicissitudes d'élaboration avant que le Gouvernement ne renonce à le valider.

Il était donc urgent de compléter le dispositif législatif afin de reprendre les articles de la loi du 4 février 1995 qui n'avaient pu connaître un début d'application.

Il n'est pas possible de rendre compte ici de l'intégralité de la discussion de la commission sur les amendements. Je reviendrai donc sur les principales dispositions du projet de loi et vous ferai part des débats que nous avons eus, sur certains points du texte, en commission de la production et des échanges.

Il faut d'abord souligner que les 36 articles de ce projet de loi modifient la loi du 4 février 1995 qui en comptait pour sa part 88. Il ne s'agit donc pas de faire table rase de ce texte important ni du travail parlementaire qui l'avait accompagné.

Le premier point que je souhaiterais évoquer concerne le rôle de l'Etat afin de dissiper dès à présent certaines craintes...

M. Patrick Ollier.

Justifiées !

M. Philippe Duron, rapporteur.

... nées de l'abandon du schéma national.

Le projet de loi qui nous est soumis conserve à l'Etat son rôle majeur dans la politique d'aménagement du territoire. En effet, son article 1er stipule que c'est à l'Etat que revient de déterminer cette politique à l'échelon national, après avoir consulté l'ensemble des partenaires intéressés et associé les citoyens à son élaboration et à sa mise en oeuvre. L'Etat est le garant des choix stratégiques en matière d'aménagement du territoire et des objectifs des schémas de services collectifs, au moyen desquels il assure la cohérence des politiques publiques.

La commission de la production et des échanges a également réaffirmé le rôle de l'Etat dans la réduction des écarts de richesse entre les collectivités territoriales.

Mais l'Etat a aussi pour tâche d'assurer un égal accès de chaque citoyen aux services publics sur l'ensemble du territoire. L'égalité d'accès aux services publics constitue en effet un facteur d'intégration dans la société.

La commission a consacré un long débat à cette question et a souhaité enrichir le texte sur ce point, tout en sachant qu'il fera l'objet, de manière plus approfondie, du projet de loi de M. Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, projet qui traite des droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration.

La nécessité d'une politique coordonnée des services publics, assurant un service moderne et solidaire, a par ailleurs été clairement réaffirmée par le Premier ministre lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, réuni le 15 décembre dernier. Cette volonté gouvernementale tranche avec le système de moratoire mis en place par le gouvernement de M. Balladur en 1993.

Ce souci de la commission se manifeste, notamment, à travers un amendement à l'article 15 sur le schéma des services collectifs de l'information et de la communication.

La commission a également souhaité inscrire dans le projet de loi, dans un article additionnel avant l'article 22, des dispositions visant à mieux garantir la présence postale territoriale en donnant un statut législatif aux commissions départementales de présence postale, prévues dans le contrat d'objectifs et de progrès, portant contrat de plan entre l'Etat et La Poste signé en juin dernier.

Les contrats de plan Etat-régions, mis en oeuvre à la suite des lois de décentralisation, ont fait la preuve de leur efficacité. L'Etat, tout en conservant son rôle majeur, n'est donc plus le seul décideur en matière d'aménagement du territoire.

Le projet de loi vise à créer un nouvel équilibre entre l'action de l'Etat, qui reste le garant de l'équité territoriale et du respect de la décentralisation, et celle des autres acteurs de l'aménagement.

La région est reconnue comme l'échelon pertinent pour l'aménagement du territoire, sans que les compétences de chacune des collectivités territoriales soient pour autant modifiées.

Pour répondre aux inquiétudes exprimées par un certain nombre de nos collègues sur l'avenir du département, un amendement de la commission prévoit que dans le cadre de la préparation des contrats entre l'Etat et la région, lorsque d'autres collectivités seront appelées à cofinancer les actions ou les programmes inclus dans ces contrats, elles seront associées à l'ensemble de la procédure de négociation, de programmation et de suivi des contrats relative à ces actions ou à ces programmes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

Plusieurs mesures sont proposées par le projet de loi en vue d'aboutir à ce nouvel équilibre entre l'Etat et les acteurs locaux de l'aménagement du territoire.

Le schéma national d'aménagement du territoire est remplacé par huit schémas de services collectifs élaborés dans une perspective de vingt ans, en harmonie avec les schémas régionaux. Les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, les SRADT, acquièrent un rôle plus important.

Le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire est doté d'un vrai rôle de proposition en matière d'aménagement ; il disposera aussi d'une commission permanente, chargée d'une mission d'évaluation des politiques d'aménagement du territoire et qui se substitue au groupement d'intérêt public prévu par la loi de 1995, lequel n'avait jamais vu le jour.

Le rôle et la composition des conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire, instituées par la loi de 1995, sont également renforcés.

Outre la recherche d'un nouvel équilibre entre l'action de l'Etat et celle des acteurs locaux en matière d'aménagement du territoire, quatre nouvelles idées me semblent importantes dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Elles s'ouvrent sur des problématiques de notre temps, qui fonderont demain la politique d'aménagement du territoire.

La première est la prise en compte de la dimension européenne. La construction de l'Union européenne, l'ouverture des frontières, l'adoption d'une monnaie unique nous amènent à repenser notre rapport au territoire. Aujourd'hui, un remodelage de celui-ci s'impose. Il s'agit d'en faciliter l'insertion dans un espace plus large, celui de l'Europe, dont le centre de gravité tend à glisser vers l'Est au rythme des élargissements réalisés et attendus. En effet, c'est dans cet espace ouvert que s'organisent aujourd'hui les flux majeurs de l'économie, qui c onditionnent les localisations des activités et des hommes. En outre, la prochaine génération des contrats de plan sera en phase avec le calendrier des nouveaux fonds structurels européens. Cette dimension européenne faisait défaut dans la loi du 4 février 1995.

La deuxième idée est la substitution d'une approche fondée sur les besoins des populations aux politiques de l'offre mises en oeuvre jusqu'à présent.

Dans le domaine de l'aménagement du territoire, la loi a, par le passé, souvent imposé des outils dont la mise en application sur le terrain ne répondait pas aux attentes de nos concitoyens. L'Etat n'a pas toujours été à l'écoute des projets et des véritables besoins de la population.

La logique de l'offre a atteint ses limites avec l'impossible mise en oeuvre du schéma national prévu par la loi de 1995. Soucieux de répondre à l'ensemble des sollicitations, il ne fixait pas de choix stratégiques clairs. Il est remplacé, je l'ai dit, par huit schémas de services collectifs, qui partent des besoins de services et d'équipements, et non de l'offre ou de la seule demande exprimée.

Ces schémas s'agrègent au niveau régional dans des schémas régionaux d'aménagement du territoire, qui en assurent la cohérence au niveau territorial.

Ils ont une double ambition : assurer une prévision à vingt ans et une programmation à sept ans, c'est-à-dire la durée nouvelle des contrats de plan. Ils ont vocation à fixer les orientations stratégiques de l'Etat et ses priorités d'actions dans les huit domaines clés. Ils constituent le cadre unique de planification de la politique nationale d'aménagement et de développement du territoire. Ils fixent les orientations des autres documents de planification.

La cohérence entre les différents schémas de services collectifs est garantie par le fait qu'ils seront soumis à la double signature des ministres concernés et du ministre de l'aménagement du territoire.

Le projet de loi prévoit la validation des schémas de services collectifs par décrets. Cette disposition a fait l'objet d'un débat particulièrement intense en commission de la production et des échanges.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Les commissaires ont cru bon d'indiquer au Gouvernement que le Parlement ne pouvait se dessaisir de toute compétence en matière d'aménagement du territoire.

M. Patrick Ollier et M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Philippe Duron, rapporteur.

C'est le sens des amendements adoptés par la commission.

M. François Sauvadet.

Bons amendements !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Le premier de ces amendements prévoit que les schémas de services collectifs seront soumis au Parlement dans un projet de loi. En ma qualité de rapporteur, j'avais émis des réserves pour deux raisons. La première tient au calendrier. En effet, les schémas de services collectifs devront être mis en place dans un délai court, puisqu'ils contribueront au cadrage des prochains contrats de Plan. Ils doivent donc être opérationnels avant la fin de l'année 1999. La seconde raison est méthodologique. En effet, la mise en place des schémas de services collectifs va résulter d'un dialogue entre l'Etat et l'échelon régional. Ainsi, légiférer sur le contenu de ces schémas risquerait de remettre en cause l'équilibre né de cette concertation. Je crains que l'adoption de cet amendement par notre assemblée ne provoque une recentralisation, à l'inverse des objectifs du projet de loi.

Le second amendement adopté par la commission est un amendement du rapporteur proposant la création d'une délégation parlementaire à l'aménagement et au développement durable du territoire. Son objet est de permettre un suivi continu de cette politique par le Parlement, qui deviendrait ainsi un lieu de débat permanent sur la politique d'aménagement et de développement du territoire. Il serait aussi en mesure d'alerter le Gouvernement en temps utile sur certains problèmes dans ce domaine. Je pense tout particulièrement à la question des gendarmeries et des commissariats de police qui nous a beaucoup émus au dernier trimestre de l'année précédente.

M. Maurice Leroy.

La question n'est pas réglée !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Une telle délégation n'ira pas à l'encontre des intérêts des commissions permanentes. Bien au contraire, elle permettrait d'associer les commissions concernées par l'aménagement du territoire, que sont, à côté de la commission de la production et des échanges, les commissions de la défense, des lois et des finances.

Le troisième idée consiste à renforcer la démocratie participative.

Les Français ont le souhait d'être davantage associés aux décisions qui les concernent. Ils veulent participer plus concrètement à la construction de leur cadre de vie et de travail. Votre projet de loi, madame la ministre, entend encourager le dialogue et la participation des citoyens, en ouvrant les différentes instances de l'aménagement du territoire aux associations.


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Enfin, l'idée de développement durable, inhérente à l'ensemble du projet de loi, est affirmée, dès l'article 1er , comme l'élément nouveau et moteur de la politique d'aménagement du territoire.

Il est issu du constat des risques qu'un développement peu soucieux du devenir de nos enfants fait courir à la planète et à chacun de ses habitants. Il cherche à combiner, dans une stratégie de développement, préservation de l'environnement, efficacité économique et équité sociale.

Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire vise enfin, et c'est le dernier point que je souhaiterais aborder ici devant vous, à recomposer notre territoire national autour de territoires pertinents, c'est-à-dire des espaces dont la dimension correspond au vécu professionnel et social de nos concitoyens. La définition et la structuration de ces territoires constituent les préalables à l'aménagement et au développement du territoire.

Le projet de loi prend en compte, pour cette restructuration de l'espace national, deux dimensions nouvelles : l'une européenne, donc macro géographique, l'autre infrarégionale, ce sont les pays et les agglomérations.

L'ouverture des frontières stimule la concurrence entre les villes de l'Union européenne. Si l'on en croit le classement des villes françaises effectué par le professeur Roger Brunet, on ne peut que constater la faiblesse des villes françaises. Si Paris est au deuxième rang sur les 165 villes retenues, Lyon, deuxième ville de notre pays, n'arrive qu'en vingtième position. Les métropoles régionales françaises n'ont pas une envergure internationale suffisante.

Seule Paris est en mesure de s'imposer à l'échelle de l'Union européenne.

Le projet de loi propose donc de replacer l'espace français dans sa dimension européenne, en renforçant les pôles de développement à vocation européenne - il s'agit vraisemblablement des trois ou quatre plus grandes agglomérations françaises - véritables alternatives à la régio n parisienne, capables de rivaliser avec leurs concurrents dans l'espace européen, en offrant un niveau de services élevés. Ces pôles pourront aussi animer des réseaux de villes en mesure de structurer des espaces ayant une pertinence européenne. Il faut éviter, mes chers collègues, la marginalisation des périphéries de notre continent.

A côté de cette dimension européenne, la dimension infrarégionale de notre espace national est aussi prise en compte par ce projet de loi, avec les pays et les agglomérations. Les bassins d'emploi et les bassins de vie, identifiés par l'INSEE, constituent une préfiguration vraisemblable de ces nouveaux territoires.

La notion de pays a été créée par la loi du 4 février 1995. Elle avait rencontré l'intérêt des élus. Le projet de loi reprend cette notion et la consolide. Il ouvre en effet aux pays, territoires de projet caractérisés par une cohésion géographique, culturelle, économique et sociale et par l'existence de fortes interdépendances entre leurs composantes urbaines et rurales, la possibilité de s'inscrire dans les contrats de plan Etat-régions.

Les pays deviennent donc une des principales mailles du territoire réigonal. Le souci du rapporteur et de la commission a été ici de surmonter le clivage entre le rural et l'urbain. Celui-ci tend à s'estomper. En effet, les modes de vie respectifs des ruraux et des urbains tendent à s'homogénéiser. Des interdépendances mulitiples se sont créées entre les villes et les campagnes. Les deux mondes s'interpénètrent, le pays devient alors un espace de réconciliation.

Les dispositions du projet de loi consacrées aux pays ont suscité certaines inquiétudes : le pays n'allait-il pas devenir un échelon administratif supplémentaire ? Là encore, l'examen en commission de la production a permis d'éclaircir certains points. Je citerai les deux principaux : le problème du statut des pays, et celui de la superposition des périmètres d'un pays et d'un parc naturel régional.

En ce qui concerne le statut du pays, dans un souci de souplesse et de pragmatisme, nous avons souhaité distinguer deux phases. La première concerne la définition du pays et de son projet, durant laquelle les communes et leurs groupements peuvent demeurer sous la simple forme associative.

Une fois la charte adoptée et le périmètre arrêté, le pays peut alors passer à la deuxième phase, celle de la contractualisation avec l'Etat. Ici, le projet de loi prévoit que le pays devra se constituer en syndicat mixte pour pouvoir contractualiser avec l'Etat. La commission de la production et des échanges à également décidé de donner à un pays la possibilité de créer un groupement d'intérêt public pour la durée de son contrat avec l'Etat et la région. Elle a aussi souhaité accorder la possibilité de contractualiser avec l'Etat ou la région aux groupements constituant le pays, qu'il s'agisse de communautés de communes à fiscalité propre...

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. Philippe Duron, rapporteur.

... ou de syndicats, intercommunaux à vocation multiple, si les communes qui le constituent s'engagent à le transformer en communauté de communes à fiscalité propre avant la fin de la contractualisation.

M. Patrick Ollier.

Tout à fait !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Ici nous avons voulu adopter une symétrie avec les possibilités de contractualisation de la communauté d'agglomération.

La question de la superposition des périmètres d'un pays et d'un PNR a aussi longuement retenu l'attention de la commission. Elle a trouvé une solution conventionnelle qui, je le pense, assure l'intégrité des parcs, tout en permettant à des communes qui les composent de s'associer à certaines des politiques menées par les pays.

A côté des pays, le projet de loi renforce aussi le rôle des agglomérations. Alors que la loi du 4 février 1995 privilégiait une vision rurale de l'aménagement du territoire...

M. Patrick Ollier.

C'est faux ! Il y avait un équilibre !

M. Philippe Duron, rapporteur.

... le texte qui nous est soumis aujourd'hui veut redonner toute son importance au fait urbain, sans affaiblir pour autant les dispositions relatives au milieu rural, monsieur Ollier. Il fait de l'agglomération un objectif prioritaire de l'action publique, en lui permettant notamment, à l'instar des pays, de contractualiser avec l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

En effet, le passage à une société urbaine est une des mutations majeures de la France contemporaine. Elle a entraîné, non seulement une transformation complète des modes de vie, mais aussi une modification fondamentale de l'organisation du territoire. Les agglomérations, qui rassemblent 80 % de la population française actuelle et qui, tout en jouant un rôle déterminant pour l'économie nationale, concentrent également l'essentiel des phénomènes de pauvreté et d'exclusion, sont devenues un véritable enjeu de gouvernement.


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Le projet de loi reconnaît aux agglomérations constituées, ou qui s'engagent à se constituer en établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, la possibilité de contractualiser avec l'Etat comme cela est possible pour le pays.

Votre commission a engagé, lors de l'examen du texte, un débat sur la pertinence des seuils définissant l'agglomération. Toutefois, par souci de cohérence avec le texte de M. le ministre de l'intérieur, la commission a jugé qu'il n'était pas souhaitable de les modifier dans le cadre du projet de loi concernant l'aménagement du territoire, estimant qu'une éventuelle modification relevait plutôt de l'examen du texte sur l'intercommunalité.

Par ailleurs, la commission, dans le souci d'étendre la concertation et de développer la démocratie participative, a adopté un amendement prévoyant de créer, à l'instar de ce qui existe pour les pays, un conseil de développement, c omposé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs dans l'agglomération.

Elle s'est également penchée sur le problème de la superposition des territoires d'un pays et d'une agglomération. Un amendement qu'elle a adopté rend possible l'inclusion d'une agglomération dans un pays.

Le projet de loi qui nous est soumis définit, enfin, comme l'un des choix stratégiques de la politique d'aménagement et de développement du territoire le soutien aux territoires en difficulté. Lors de l'examen du projet de loi, les questions posées par les amendements relatifs aux d épartements d'outre-mer ont retenu l'attention des commissaires. La commission a modifié l'article 2 du projet de loi afin d'y introduire la notion de région ultrapériphérique, au sens où l'entend l'Union européenne. Par ailleurs, une loi concernant l'outre-mer, qui devrait être présentée ici même dans quelques mois, adaptera ce texte aux réalités de ces départements.

Les lois successives sur l'aménagement du territoire n'ont pas toujours répondu aux attentes qu'elles avaient suscitées. J'ai la conviction que le point de vue pragmatique, adopté par le projet de loi du gouvernement de Lionel Jospin et présenté par Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, saura être à la hauteur des enjeux européens. J'en suis sûr, il répondra aux aspirations des populations et des territoires et réconciliera les infrastructures et l'environnement. En favorisant le développement local, il s'inscrit dans la priorité du Gouvernement, l'emploi, et répond ainsi à l'attente des Français. Les enjeux de l'aménagement du territoire dépassent largement les clivages partisans et visent à l'intérêt général. C'est pourquoi, votre commission de la production et des échanges, présidée par M. André Lajoinie, s'est efforcée de rechercher et de trouver des solutions d'équilibre sur les questions clés que traite ce projet de loi.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je veux croire, mes chers collègues, que le débat qui s'ouvre aujourd'hui sera empreint de ce même souci et nous permettra de voter une bonne loi qui s'inscrira dans la durée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Conformément à l'article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social a désigné M. Jean-Claude Bury, rapporteur de la section des économies régionales et de l'aménagement du territoire, pour exposer devant l'Assemblée l'avis du Conseil sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Messieurs les huissiers, veuillez conduire M. le rapporteur du Conseil économique et social à la tribune.

(M. le rapporteur du Conseil économique et social est conduit à la tribune avec le cérémonial d'usage.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, le Conseil économique et social a examiné, dans ses séances des 7 et 8 juillet 1998, l'avant-projet de loi d'orientation sur l'aménagement durable du territoire.

Il a tout d'abord pris acte que bon nombre de dispositions de la loi du 4 février 1995 sont restées à l'état d'intentions, comme la clarification des compétences entre les différentes collectivités locales, la péréquation des ressources, l'implication des citoyens, la démocratie intercommunale, ou abandonnées, comme le schéma national d'aménagement et de développement du territoire.

Pour autant, le texte qui était proposé permettait-il de répondre à ces préoccupations ? Je dois vous dire qu'il a au moins, dans un premier temps, laissé notre assemblée perplexe.

Certes, cette dernière a approuvé les trois buts fondamentaux assignés conjointement à la politique d'aménagement du territoire, à savoir : assurer la cohésion économique et sociale, prendre en compte la qualité de l'environnement, mobiliser toutes les composantes du territoire en faveur de sa compétitivité et de son inscription dans les processus et les échanges mondiaux.

Le Conseil a également pris acte des trois priorités décidées lors du conseil interministériel d'aménagement du territoire de décembre 1997, à savoir : mobiliser les territoires et réduire les inégalités entre eux, à la fois en compensant les handicaps des zones rurales et en favorisant l'émergence de nouveaux pôles de développement à partir des agglomérations ; jeter les bases du développement durable en précisant des mesures de préservation et de valorisation des espaces et ressources naturels ; enfin, consolider la décentralisation en assurant un réel partenariat entre l'Etat et les acteurs locaux, la région voyant son rôle pivot affirmé en matière d'aménagement du territoire.

Notre assemblée a également apprécié l'organisation du territoire en espaces pertinents avec la reconnaissance des pays dans le cadre régional, la mise en place d'agglomérations, la création du fonds de gestion des espaces naturels, l'approche intermodale en matière de transports, de même que le souci de procéder à l'évaluation des politiques publiques d'aménagement du territoire. Sur ce point, nous ne pouvons que nous féliciter des propositions de votre commission de la production et des échanges qui visent à donner un peu de consistance à ce dispositif.

Cela étant, nous avons formulé un certain nombre de remarques sur lesquelles je souhaiterais m'attarder un peu plus.

La première portait sur la confusion qu'entretenait l'emploi alternatif des termes « développement » et « aménagement » tout au long du texte, d'autant que ces termes étaient qualifiés l'un et l'autre de « durable ».

En effet, si la conception de développement durable est assez bien définie, dans la mesure où il s'agit d'harmoniser politique environnementale avec politique économique et sociale en tenant compte des ressources naturelles mais


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aussi matérielles et immatérielles et des conditions du développement ultérieur, celle d'aménagement durable nous paraissait moins claire. Un tel aménagement pouvait en effet laisser supposer qu'aucune évolution ne serait susceptible d'intervenir après qu'il eut été réalisé, figean t ainsi pour une longue période la structure territoriale du pays. Or la réduction des inégalités entre les différentes zones et la revitalisation des espaces ruraux passent d'abord par la mise en oeuvre de leur développement, le souci de mettre fin à la seule logique redistributive étant d'ailleurs affirmé dans l'exposé des motifs.

C'est pourquoi, tant dans l'avant-projet de loi que dans le titre, le Conseil économique et social avait proposé d'utiliser l'expression : « aménagement et développement durable du territoire ». Il se réjouit d'avoir été entendu sur ce point.

Deuxième remarque, l'avant-projet de loi donnait souvent l'impression de privilégier l'existant au détriment d'une réflexion sur le contenu d'une offre renouvelée en fonction de l'évolution des besoins nouveaux. Si les équipements déjà réalisés méritent en effet d'être optimisé s, cet objectif ne doit pas conduire à l'abandon de toute politique de construction d'infrasctructures et d'équipements nouveaux, lorsque ceux-ci, sont nécessaires, notamment pour terminer le maillage des zones en difficulté et assurer leur raccordement aux grand réseaux.

S'il convient d'améliorer la qualité de vie, de préserver les ressources naturelles, de favoriser les modes de transports non polluants, la place légitime faite aux préoccupations environnementales ne doit pas bloquer le dével oppement économique et la croissance qui restent essentiels pour la création d'emplois.

C'est dans cet esprit que nous n'avions pas souhaité placer les parcs naturels sur le même plan que les pays et les agglomérations.

M. Serge Poignant.

Très bien !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

En outre, le Conseil économique et social ar egretté l'absence de toute référence à l'urbanisme commercial. Il aurait souhaité que soit abordée la place des observatoires et des schémas d'équipements commerciaux.

La troisième remarque portait sur la nécessaire clarification du rôle et des fonctions de chacun des acteurs principaux de l'aménagement du territoire que sont l'Europe, l'Etat et la région.

Si notre assemblée considère que la région est l'échelon pertinent de mise en cohérence des politiques locales dans les domaines de l'aménagement du territoire, des interventions économiques, de l'emploi et de la formation, c'est à l'Etat que doit revenir la responsabilité principale de la politique d'aménagement du territoire, notamment celle du rééquilibrage entre les régions. Même s'il aurait été délicat à mettre en oeuvre, l'absence du principe de péréquation qui visait à réduire les écarts de ressources des collectivités territoriales en tenant compte de leurs charges nous paraît à cet égard fort préjudiciable.

Les transferts de compétences effectués vers l'Union européenne, d'une part, et vers les collectivités territoriales, d'autre part, ne remettent nullement en cause les fonctions de régulation et d'arbitrage de l'Etat. L'intervention de ce dernier se fait plus contractuelle et, dans le cadre de l'Europe, il doit partager certaines décisions avec d'autres Etats. Il convient donc de tirer publiquement les conséquences de ces souverainetés partagées et de préciser clairement ce qui relève de sa décision et ce qui est effectivement délégué. Le projet de loi souffre d'un déficit de lisibilité sur ce point.

Par exemple, les liens entre aménagement du territoire et services publics relèvent d'une capacité de l'Etat à déterminer les options de long terme, puis à les faire partager en concertation avec les autres acteurs tant publics que privés ; il s'agit d'une dimension essentielle de son action. Au passage, nous nous sommes interrogés pour savoir comment tout cela allait pouvoir s'articuler avec les plans pluriannuels de modernisation des services publics en cours d'élaboration.

La quatrième remarque était relative à l'abandon du schéma national d'aménagement et de développement du territoire et son remplacement par les huit schémas de services.

Ce schéma constituait en effet, à nos yeux, un instrument de cohérence indispensable.

M. François Sauvadet.

Eh oui !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

Son élaboration aurait pu permettre de prendree n compte notamment les travaux prospectifs du Commissariat général du Plan.

M. Yves Coussain.

C'est vrai !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

Ni les huit schémas de services collectifs ni les schémas régionaux de développement et d'aménagement du territoire, par ailleurs fort utiles, ne pourront véritablement le remplacer.

M. François Sauvadet et M. Yves Coussain.

Très juste !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

De même, la suppression de l'article 2 de la loi du 4 février 1995 fait disparaître, avec le schéma, le principe de son évaluation et de son réexamen tous les cinq ans. Pourtant cela aurait permis un suivi périodique de la mise en oeuvre concrète de ses principes sur le terrain et leur réorientation éventuelle.

Notre assemblée soulignait en outre le caractère préjudiciable de l'abrogation des articles 15 et 16 de la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification. Ces articles fournissaient en effet un cadre juridique aux relations contractuelles entretenues entre les grandes entreprises publiques et privées et le conseil régional.

M. Gérard Saumade.

Très bien !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

Tout en convenant que ce type de relation n'a pas toujours été satisfaisant dans le passé, le Conseil économique et social rappelle que les choix de ces acteurs économiques ont des incidences considérables sur le développement local et régional.

Le Conseil économique et social a insisté pour que la réflexion sur les schémas collectifs soit conduite de manière concomitante et que ceux-ci soient présentés dans un rapport unique précédé d'un exposé qui en précise les enjeux et en assure la cohérence. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) La note de problématique introductive aux schémas de services collectifs intitulée « Des chemins vers 2020 » en cours d'élaboration à la DATAR va, nous semble-t-il, dans le bon sens.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

Nous estimons, en outre, qu'il y a lieu de prévoir une procédure adaptée de concertation permettant une bonne prise en considération des attentes et des besoins régionaux dans les schémas de services collectifs.

Plus précisément, s'agissant des schémas de services, le contour et la vocation d'un certain nombre d'entre eux laissent notre assemblée dubitative. Est-ce vraiment la vocation d'un schéma de service collectif de définir les objectifs de mobilité en fonction de la pyramide des âges des chercheurs et enseignants-chercheurs ? Peut-on vraiment parler de service de transports collectifs quand il s'agit de marchandises ? Le Conseil économique et social s'interroge également sur le caractère de service collectif attribué aux espaces naturels et ruraux.

Mme Sylvia Bassot.

Très bien !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

Il craint que, dans un souci, certes compréhensible, de préservation de l'environnement, le schéma qui les concerne freine le développement économique plutôt qu'il ne l'encourage dans les territoires ruraux.

Nous considérons également que le schéma doit contribuer à affirmer la place des fonctions humaines, économiques, environnementales du milieu rural pour éviter une extension mal maîtrisée des espaces urbanisés.

M. Gérard Saumade.

Très bien !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

Concernant le schéma des services collectifs culturels, le Conseil économique et social se félicite de la mise en place au niveau régional d'un instrument d'information et de coordination. Il l'avait appelé de ses voeux en matière culturelle dans le cadre de son récent avis sur l'impact et l'apport des événements culturels dans le développement local et régional.

Toutefois, il ne croit pas opportun de confier ce rôle à la conférence régionale d'aménagement et de développement du territoire, dont le champ de compétence lui paraît déjà très large, et préfère le voir assumé par une conférence régionale de la culture, instance spécialisée dont il demandait la création.

Enfin s'agissant du schéma de services collectifs sanitaires, si le Conseil économique et social partage la volonté du Gouvernement d'assurer un égal accès à des soins de qualité en tout point du territoire, conciliant cet objectif avec le principe de sécurité et d'efficience, il considérait toutefois que l'alinéa visant au respect du principe d'équilibre financier de la sécurité sociale n'avait pas sa place dans un projet de loi consacré à l'aménagement et au développement du territoire.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est évident !

M. Jean-Pierre Soisson.

C'est le bon sens !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

La proposition de votre commission de supprimer cet alinéa nous paraît sage.

La cinquième remarque concernait la définition de nouveaux espaces pertinents de développement.

Si nous approuvons totalement l'objectif de mise en place des pays avec la dynamique de projet qu'elle va engendrer, le risque n'est pas exclu de déboucher sur un alourdissement du paysage institutionnel et de la fiscalité locale.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Eh oui !

M. François Sauvadet.

Bien sûr.

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

En effet la possibilité existe pour les acteurs locaux de créer de facto un échelon supplémentaire sans qu'aucun autre niveau institutionnel ne soit supprimé.

Mme Sylvia Bassot et M. François Sauvadet.

Voilà ! M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

Le Conseil économique et social prend acte du fait que le périmètre du pays doive respecter, si possible, celui des établissements publics de coopération intercommunale situés sur son territoire et dotés d'une fiscalité propre, mais il s'interroge sur la nature juridique du pays.

Selon notre assemblée, le pays doit rester un territoire de projet et non de pouvoir.

("Très bien !" sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Nous émettions, de ce fait, les plus grandes réserves quant à l'imposition de la formule du syndicat mixte comme instrument unique et obligatoire de gestion du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Si le rôle de maître d'ouvrage doit nécessairement être assuré, rien n'impose en effet que ce soit par une structure unique, ni que celle-ci revête obligatoirement la forme du syndicat mixte.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

C'est pourquoi le projet de loi qui vous a été proposé nous semble aller dans le bon sens puisqu'il prévoit que le pays pourra prendre la forme juridique non seulement du syndicat mixte mais aussi d'un établissement public de coopération intercommunale.

("Très bien ! " sur les bancs du groupe socialiste.)

Au-delà de la confusion qu'entretient l'absence de clarification des compétences entre les divers niveaux de collectivités territoriales, le Conseil économique et social appelait aussi l'attention sur les problèmes que pose, au regard de la démocratie, la gestion des pays et des agglomérations. Faibles sont, en effet, les dispositions concrètes visant à renforcer la transparence des décisions et leur contrôle démocratique. La concertation et la mobilisation des acteurs locaux au service du développement économique et de l'emploi s'en trouvent ainsi affectées.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très intéressant !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

C'est dans cet esprit que nous avions souhaité que soit créée, pour les agglomérations, une instance regroupant les représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs, de même type que le conseil de développement prévu dans le cadre du pays.

Cette proposition a également été reprise, me semble-t-il, par votre commission.

Ma dernière remarque porte sur la fonction consultative.

S'agissant du conseil national d'aménagement et de développement du territoire, le CNADT, au niveau national, et des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire, les CRADT, au niveau régional, notre assemblée souhaite vivement que soit évitée toute confusion entre les missions de ces instances et celles exercées, d'une part, par le Conseil économique et social et, d'autre part, par les conseils économiques et sociaux régionaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

Si elle apprécie que puisse être instaurée, en matière d'aménagement du territoire, une rencontre régulière entre les élus politiques et les responsables socioprofessionnels, qui s'expriment généralement de manière parallèle, elle souhaite que soient préservées, voire renforcées, les missions des assemblées consultatives déjà existantes.

Nous n'allons pas, semble-t-il, dans cette direction et nous le déplorons.

Par exemple, si le CNADT doit être associé à l'élaboration et à la révision des projets de schémas de services collectifs, c'est au Conseil économique et social d'émettre des avis sur lesdits projets.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social.

De plus, si le Conseil économique et social n'a pas d'objection majeure à formuler quant à l'extension du rôle du Conseil national d'aménagement et de développement du territoire en matière d'évaluation des politiques publiques d'aménagement du territoire, il s'interroge sur les moyens dont il disposera pour remplir ce rôle dévolu dans la loi du 4 février 1995 à un groupement d'intérêt public.

En conclusion, l'aménagement du territoire arrive, en cette fin de siècle, à un tournant, le temps pour le prendre est compté. En effet, la nouvelle phase de programmation des fonds structurels européens doit démarrer le 1er janvier 2000 ; elle doit être précédée de l'élaboration des schémas de services collectifs, des schémas régionaux et d'une nouvelle génération de contrats de plan.

Dans ces délais très courts, l'Etat devra mobiliser les collectivités locales, notamment les régions, mais aussi toutes les forces vives, afin que l'aménagement et le développement du territoire deviennent réellement l'affaire du plus grand nombre.

Nous appelons donc l'attention sur la nécessité de veiller à la cohérence des divers instruments, dont les horizons temporels ne coïncident pas mais dont l'utilisation sera d'autant plus cruciale que, avec l'élargissement prévisible de l'Union européenne, la France pourrait ne plus bénéficier des fonds structurels européens, ou dans des proportions très réduites, à compter de 2006.

Le Conseil économique et social a vraiment l'impression d'avoir fait oeuvre utile. Plusieurs de ses propositions ont été retenues par le Gouvernement. Je pense notamment à la modification du titre de ce projet de loi qui tend à en changer la philosophie, à la recherche d'une cohérence des divers schémas de services collectifs avec un texte placé en chapeau, à l'introduction de la possibilité pour le pays de prendre la forme de tout type d'établissement public intercommunal, pour ne citer que quelques exemples.

Je pense également à plusieurs amendements retenus par votre commission, qu'il s'agisse de l'égalité d'accès des citoyens aux services publics, de la péréquation des ressources et de la modulation des aides publiques, de la prise en compte du caractère spécifique des régions ultrapériphériques, de l'évaluation des politiques publiques, ou encore du développement de projets économiques porteurs d'investissements et d'emplois, conformément à notre voeu de voir l'emploi érigé au rang de priorité.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, la portée de cette loi dépendra surtout des moyens que le Gouvernement se donnera pour mener cette politique, mais aussi de la volonté des acteurs sur ce point. Les premiers effets devraient apparaître très bientôt à travers l'élaboration des futurs contrats de plan Etat-région.

Des équipements structurants, des infrastructures, mais aussi des aides à l'ingénierie, à la mise en oeuvre des projets de développement restent nécessaires, tout particulièrement dans les territoires les plus défavorisés qui n'ont pas les moyens d'assurer seuls leur financement.

Je vous remercie de votre attention.

(Applaudissements.)

M. Patrick Ollier.

Excellente intervention !

M. le président.

Je vous remercie.

Messieurs les huissiers, reconduisez M. le rapporteur du Conseil économique et social.

(MM. les huissiers reconduisent M. le rapporteur du Conseil économique et social.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Votre projet de loi, madame la ministre, a vocation à réviser la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995. Il se propose, notamment, de conformer l'esprit de la loi aux options du Gouvernement actuel en intégrant les préoccupations d'un développement durable, économe en ressources, de soutien aux initiatives locales et de restauration d'un meilleur équilibre territorial.

Par ailleurs, si quelques dispositions de la loi de 1995 ont été mises en oeuvre, bon nombre d'entre elles n'ont pas été appliquées. Ainsi la clarification des compétences, la péréquation des ressources, l'implication des citoyens et le schéma national d'aménagement et de développement du territoire sont largement restés à l'état d'intention.

Votre projet de loi définit des outils d'intervention mis à la disposition des acteurs locaux. Jusqu'à maintenant, l'aménagement du territoire s'appuyait sur une démarche privilégiant une action dirigiste de l'Etat capable de répartir la croissance sur le territoire. Cette démarche trouve ses limites dans l'insuffisante mobilisation des potentialités locales et dans la modestie des moyens mobilisés par l'Etat.

Votre projet vise à aider les territoires à se valoriser à partir de leurs atouts et de leurs richesses. Le passage d'une logique exclusivement redistributive à une volonté de valorisation des projets donne une place plus importante aux acteurs locaux. Cela correspond au souhait des Français d'être davantage associés aux choix qui les concernent. Vous l'avez souligné avec force dans votre intervention, madame la ministre.

Cet encouragement à un développement endogène implique un effort important de réduction des inégalités entre les territoires. Cette politique est légitime et cohérente si elle permet de sortir d'une simple logique de mise en concurrence des territoires qui serait génératrice d'inégalités.

L'opposition simpliste entre des zones urbaines trop concentrées et des campagnes en voie de désertification ne permet pas de construire une politique d'aménagement opérante. Les villes aussi sont concernées par ces problématiques. La présence des services publics dans les quartiers, leur desserte par les transports publics, en sont des exemples. La préoccupation de l'urbain devait donc être introduite dans la loi de 1995.

La priorité affichée en faveur de la ruralité, tout à fait légitime, s'est faite en opposition au traitement de la question urbaine. Or les villes et les zones rurales doivent


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se développer en complémentarité et non en opposition.

Le dynamisme des agglomérations doit irriguer les espaces ruraux qui les entourent. Les villes ont un rôle structu-r ant, notamment au plan de l'emploi. Il faut le reconnaître en veillant à ce que ce dynamisme serve à lutter contre la désertification rurale et à la préservation du cadre de vie.

L'application partielle de la loi de 1995, la volonté de revenir sur certaines de ces orientations et la nécessité de la compléter justifient sa révision.

La commission de la production et des échanges a proposé des améliorations à votre projet de loi. Elles portent notamment - car il y en a beaucoup d'autres - sur trois questions importantes.

D'abord la commission a souligné, dans sa majorité, la nécessité d'une plus grande cohérence nationale de la politique d'aménagement du territoire. L'Etat est seul à pouvoir prendre en charge l'intérêt national, dans le cadre de l'Union européenne, et assurer la cohérence des diverses politiques, en décidant des péréquations nécessaires pour réduire les inégalités entre régions et territoires.

Son action n'a pas vocation à brider les dynamismes locaux, mais elle doit viser à les encourager, à corriger les déséquilibres, à garantir la solidarité nationale, à veiller à ce que la politique d'aménagement du territoire ne soit pas une juxtaposition de choix régionaux. Sans ce souci, la volonté de privilégier le développement local perpétuerait au mieux les déséquilibres et, plus sûrement encore, risquerait de les aggraver.

Les mécanismes de péréquation, les interventions différenciées de la puissance publique selon les situations locales dans le cadre, entre autres, des contrats de plan, la préservation et le développement des services publics sont quelques-unes des actions par lesquelles l'Etat doit assumer sa responsabilité ultime en matière de cohésion nationale.

La commission vous proposera, dans ce débat, plusieurs amendements réaffirmant ces principes et leur donnant vie. Ils respectent la place donnée aux régions en veillant à ce que les projets locaux s'inscrivent dans une cohérence nationale.

La commission s'est également préoccupée du rôle du Parlement dans les processus d'élaboration, d'adoption, d'évaluation et, enfin, de révision des schémas de services collectifs. Ils ont vocation à s'inscrire dans une perspective de vingt ans.

Les orientations aujourd'hui définies doivent nécessairement être réactualisées périodiquement. Le projet de loi le prévoit, mais, dans tous les cas, par décret. Or la représentation nationale doit être associée à cet exercice.

C'est à elle de faire les choix importants traduisant les priorités qu'elle souhaite donner à la politique d'aménagement du territoire.

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Le renforcement du rôle du Parlement permet également de garantir la cohérence des différents schémas. Ils pourraient, à cet effet, être présentés dans un texte unique, comme l'a rappelé le rapporteur du Conseil économique et social, mettant en évidence les enjeux et les réponses proposées par le Gouvernement. C'est aussi un moyen d'éviter que le cadre de l'aménagement du territoire soit défini par l'administration, si compétente soit-elle.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est déjà fait !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Notre commission présente des amendements en ce sens. Il ne me semble pas juste, en effet, de considérer que le Parlement ne serait pas capable de définir des orientations structurantes pour le territoire au motif qu'il privilégierait les préoccupations locales ou électoralistes. Je souhaite, madame la ministre, que ce souhait unanime de notre commission soit entendu dans la discussion.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Voeux pieux !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Le troisième axe majeur des propositions de la commission a trait aux rapports entre collectivités. L'organisation territoriale et la répartition des rôles assignés aux collectivités dans l'aménagement du territoire, vous l'avez vous-même souligné, madame la ministre, doivent rester très souples et respecter le rythme progressif de la montée en puissance de l'intercommunalité sur la base de projets mis en oeuvre dans la transparence et la démocratie, ainsi que la coopération croissante entre les agglomérations et les zones rurales.

Si les pays peuvent apparaître comme des territoires pertinents pour établir des projets de développement, ils ne doivent pas pour autant devenir un nouvel échelon administratif. Leur contenu et leur forme d'organisation doivent être conçus de façon pragmatique. Le respect de la diversité est une condition de leur développement.

L'imposition de la formule du syndicat mixte comme instrument unique et obligatoire de gestion du pays conduirait à freiner leur apparition et leur développement. Dans cet esprit, la commission a proposé que les pays puissent se structurer de façon souple, afin qu'ils ne constituent pas un échelon institutionnel supplémentaire, mais qu'ils coopèrent avec les autres collectivités.

Par ailleurs, la place importante attribuée aux régions, agglomérations et pays risque d'éclipser les missions et le rôle du département. La forte participation de cette dernière institution à l'aménagement du territoire, en particulier dans ses volets sociaux, et ceux liés à l'aménagement, mérite que l'on ne l'oublie pas dans l'architecture que dessine le texte. Le département a vocation à être un partenaire actif dans l'élaboration des contrats de plan. Il reste également un échelon démocratique irremplaçable f avorisant l'expression des besoins et l'intervention citoyenne.

Notre commission souhaite que le Gouvernement prenne pleinement en compte ces modifications qui visent à enrichir le texte, à donner plus de cohérence à la politique d'aménagement et de développement du territoire, tout en y impliquant davantage le Parlement et l'ensemble des collectivités territoriales. Notre souci est de parvenir à une mobilisation de l'ensemble des citoyens sans laquelle il ne peut y avoir d'aménagement équilibré ni de développement durable.

Enfin, la commission de la production et des échanges a rejeté l'exception d'irrecevabilité et la question préal able, considérant qu'il importait de délibérer sans attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.


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La parole est à M. Philippe Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis d'avoir entendu le rapporteur de la commission de la production et des échanges rappeler que l'aménagement du territoire devait échapper aux clivages partisans ; je regrette simplement, monsieur le rapporteur, que vous n'ayez pas été écouté au préalable par le Gouvernement.

Cela nous aurait peut-être évité de nous retrouver à examiner une nouvelle loi d'orientation sur l'aménagement du territoire. Etait-ce vraiment nécessaire alors que notre pays en a déjà une, en l'occurrence la loi de 1995, appelée par certains « loi Pasqua », jugée, certes, inacceptable par le Gouvernement au motif notamment qu'elle serait trop « ruralo-ruraliste » ? (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Angot.

Ils n'aiment pas les ruraux !

M. Philippe Vasseur.

Quand bien même ce serait le cas, le président de la commission de la production et des échanges, M. Lajoinie lui-même, l'a très bien dit, une loi doit être modifiée et complétée lorsqu'on n'en est pas satisfait, et l'on pouvait fort bien procéder ainsi.

M. Jean-Claude Daniel.

C'est justement le cas !

M. Philippe Vasseur.

Fallait-il vraiment une nouvelle l oi d'orientation alors qu'il suffisait d'améliorer l'ancienne ? On aurait pu agir de façon un peu moins solennelle, un peu moins spectaculaire, d'autant plus que la comparaison montre que le texte proposé - et d'ores et déjà approuvé, ai-je cru comprendre après avoir écouté certains d'entre vous - n'est en fait qu'une révision partielle, lacunaire, de celui de 1995.

Ainsi, sur les 88 articles que compte la loi Pasqua, 68 ne sont pas modifiés par le projet qui nous est aujourd'hui soumis. On a notamment maintenu en l'état ou à quelques légères modifications près les dispositions relatives aux directives territoriales d'aménagement, aux schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, aux schémas interrégionaux du littoral et de la montagne, à l'organisation de l'action territoriale de l'Etat, à certains instruments financiers tels que le Fonds national de développement économique, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire ou encore le Fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables. On a également conservé les dispositifs d'aide, exonérations fiscales et sociales, assortis aux différents zonages, et j'en passe.

M. Jean-Pierre Balligand.

De quoi vous plaignez-vous ?

M. Philippe Vasseur.

En fait, madame la ministre, si j'ai bien compris les propos que vous avez tenus à cette tribune, il s'agit de faire date. Effectivement, vous faites date, réalisant cette ambition qu'ont parfois les ministres - pas tous - d'attacher leur nom à une loi. Il y aura donc une loi Voynet ; je vous concède que, de votre point de vue, ce doit être important.

Cela doit l'être d'autant plus que l'on accorde dans ce texte, me semble-t-il, beaucoup d'importance aux noms, aux mots. Ainsi, la première modification introduite par votre projet de loi porte sur le nom même du texte : il s'agit d'une loi d'orientation pour l'aménagement du territoire et le développement durable. L'ajout est, à n'en pas douter, considérable !

M. Jean-Pierre Balligand.

Ça change d'avoir Mme Blandin comme président de région !

M. Philippe Vasseur.

J'entends, et depuis longtemps, parler de développement durable. J'ai donc cherché à savoir ce que l'on entendait par là. La réponse, vous nous l'apportez, madame la ministre : c'est, dites-vous, un développement intégrant le progrès social, la protection de l'environnement et l'efficacité économique. Qui pourrait s'y opposer ? Du reste, tout le monde est pour le développement du territoire, avez-vous ajouté ; et c'est bien vrai. Pardonnez-moi seulement de vous signaler que nous ne vous avons pas attendue pour cela.

M. Jean-Pierre Balligand.

Même sur l'agriculture ?

M. Philippe Vasseur.

Monsieur Balligand, vous qui connaissez bien le code rural, je vous recommande de vous reporter à son article L. 200-1, précisément consacré au développement rural. Il y est écrit que le développement vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. J'ai un peu l'impression que votre projet de loi, tout au moins son nouvel intitulé, nous renvoie au temps de Molière : tout comme M. Jourdain faisait de la prose, y a belle lurette que nous faisions du développement durable sans le savoir...

Mais après tout, s'il s'agit de montrer qu'il faut prendre mieux en compte les préoccupations de l'environnement, soit ! Ne sommes-nous pas tous favorables à une conception écologique de la société ? Comme vous le remarquiez, l'élu du Nord Pas-de-Calais que je suis ne peut que se rappeler ce qui s'est passé dans sa région : celle-ci ayant eu le bonheur - ou le malheur, cela dépend de quel point de vue on se place - d'avoir sous son sol des ressources naturelles énergétiques, en l'occurrence le charbon, qu'elle a exploité pendant des décennies pour fournir de l'énergie à la France entière, elle se retrouve aujourd'hui à gérer les séquelles du passé.

A propos de charbon, je ne sais si vous avez appris par la radio que M. Daniel Cohn-Bendit, que vous connaissez bien, madame la ministre, est aujourd'hui même dans le département de la Manche pour manifester vigoureusement son opposition au nucléaire. Il ne vous a pas échappé non plus, et M. Cohn-Bendit sait d'ailleurs très bien de quoi il parle,...

M. Albert Facon.

Quel rapport avec le charbon ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

De quel article du projet parlez-vous ?

M. Philippe Vasseur.

Nous allons y venir, rassurezvous : tout est dans tout et réciproquement ! ... que les Allemands avaient l'intention de mettre un frein et si possible une marche arrière à leur programme nucléaire.

M. Jacques Blanc.

Cela va coûter cher !

M. Philippe Vasseur.

Et j'ai même entendu dire qu'ils se proposaient d'utiliser l'énergie charbonnière comme palliatif.

M. André Angot.

Qui ne rejette pas de CO 2 , c'est bien connu !

M. Philippe Vasseur.

Il faudra probablement nous expliquer en quoi tout cela sera meilleur pour l'écologie.

M. André Angot.

Et durable !

Mme Michèle Rivasi.

C'est hors sujet ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il faut aller voir à Gardanne !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

M. Albert Facon.

Vous n'êtes pas encore en campagne pour les européennes, monsieur Vasseur !

M. Jean-Pierre Balligand.

Que c'est dur de monter au charbon !

M. Philippe Vasseur.

Quoi qu'il en soit, pour en revenir à l'exploitation charbonnière qui, il est vrai, a laissé quelques séquelles, la question est de savoir s'il fallait ou non exploiter les ressources minières et s'il fallait les exploiter autrement. La réponse tient du bon sens : il fallait bien entendu exploiter nos ressources énergétiques, mais dans des conditions à même de préserver, de sauvegarder et même de valoriser la région concernée.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce qu'on n'a jamais fait !

M. Philippe Vasseur.

Bien évidemment, l'écologie, l'environnement, est une condition nécessaire. Mais doit-on pour autant considérer, dans une loi d'aménagement du territoire, que ce soit une condition suffisante ? La protection, la valorisation de l'environnement sont certes des aspects très importants, sinon essentiels, d'une politique.

Mme Michèle Rivasi.

Vous n'en avez jamais tenu compte !

M. Philippe Vasseur.

Mais ils ne sauraient constituer à eux seuls l'armature d'une politique nationale d'aménagement du territoire, sous peine d'y créer des carences, et non des moindres, des carences sévères, comme celles justement que nous relevons dans ce texte.

M. Jean-Claude Bury, rapporteur du Conseil économique et social en a souligné une tout à l'heure à propos des équipements, des infrastructures : que l'on privilégie l'existant, disait-il, soit, mais nous n'en sommes pas pour autant quittes de la nécessité de continuer à développer certains équipements et infrastructures. Et sur ce point, madame la ministre, vos propos m'ont un instant plongé, je l'avoue, dans un grand étonnement, à tel point que je me les suis fait répéter par mes collègues pour savoir si j'avais bien entendu. Vous avez parlé d'implantations autoritaires. Il suffit pourtant de circuler en France et d'y écouter les uns et les autres pour se rendre compte qu'il n'existe pas de refus des nouveaux équipements et les infrastructures ; dans bien des régions, au contraire, on les réclame...

M. Yves Coussain.

Eh oui !

M. Philippe Vasseur.

... tant il est vrai que ce sont des facteurs de développement, de mieux-être pour les populations en question. Parler d'implantations autoritaires alors que nous pleurons si souvent dans nos collectivités locales pour que l'Etat tienne ses engagements afin de nous doter des infrastructures que nous réclamons depuis longtemps, c'est avoir une fausse vision de ce qu'est réellement ce pays.

(Applaudissement sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Carence également en ce qui concerne les prévisions de financement : du reste, si votre gouvernement avait eu l'intention de consacrer davantage de moyens financiers à l'aménagement du territoire, il aurait commencé par le faire dans le budget pour 1999. Or, nous l'avions relevé ici même, cela n'a pas été le cas, loin s'en faut.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Cela a été l'inverse !

M. Philippe Vasseur.

La notion de péréquation financière, fondamentale pour l'aménagement du territoire et pour l'équilibre de notre pays, a été totalement oubliée.

Or comment voulez-vous un véritable aménagement du territoire sans péréquation financière ?

M. Patrick Leroy et Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. Philippe Vasseur.

Mais la principale carence porte à mes yeux sur le fond.

Vous nous présentez comme un choix stratégique la volonté de renforcer les pôles urbains et l'organisation des agglomérations. Fort bien ; c'est effectivement nécessaire.

Mais nous avons récemment examiné, je vous le rappelle, une autre loi d'orientation, exclusivement consacrée, celle-là, à la politique de la ville. Sans doute faut-il considérer que ce texte était insuffisant, puisque vous nous présentez une nouvelle loi d'orientation qui vise essentiellement, à en croire vos propres paroles, à conforter les ensembles urbains. Dont acte ; l'auteur de la précédente loi appréciera...

Bien entendu, la ville a besoin d'une politique forte ; nous le constatons malheureusement jour après jour à la lecture des faits divers. Il faut effectivement mettre en oeuvre un nouvel urbanisme pour casser les véritables ghettos qui sont en train de se créer dans nombre de grandes cités. Il nous faut aussi lutter contre la « désertification » - entre guillemets, celle-là - qui se développe au sein même de nos agglomérations...

M. Jacques Blanc.

Eh oui !

M. Philippe Vasseur.

... une désertification des centresvilles grave, génératrice d'inégalités et de déséquilibre s, mais probablement de nouveaux problèmes qui viendront s'ajouter à ceux que nous connaissons déjà. Là encore, ne dramatisons pas. Mais il n'empêche que, jour après jour, dans bien des cités, nous voyons des commerces, des équipements de loisirs fermer pour aller s'installer à la périphérie,...

M. Jacques Blanc.

Eh oui !

M. Philippe Vasseur.

... sous des formes qui, sur le plan urbanistique, n'en font pas des chefs-d'oeuvre d'architecture, et créant par là même de nouveaux ghettos.

M. Jacques Blanc.

Tout à fait.

M. Philippe Vasseur.

L'activité commerciale a incontestablement de plus en plus tendance à déserter les centresvilles pour la périphérie, et nous assistons maintenant à un phénomène identique ou tout au moins de nature similaire pour les grands équipements de loisirs. Que restera-t-il demain dans nos centres-villes ? Il faut aménager nos territoires urbains. C'est parfaitement exact. Cela ne relève d'ailleurs pas toujours de l'aménagement du territoire. La politique de la ville dépend aussi de la façon dont on traitera les problèmes sociaux, familiaux et, bien entendu, celui de la délinquance. Sans sécurité, quel aménagement durable voulezvous offrir à ce pays ? Cela dit, l'aménagement du territoire peut et doit, me semble-t-il, apporter lui aussi ses propres réponses à l'aménagement urbain. Mais on ne saurait se contenter de traiter les effets : le propre d'une politique d'aménagement du territoire est d'abord de s'attaquer aux causes.

Ces causes, nous devons les rechercher dans les politiques menées jusqu'alors, de droite ou de gauche, qui n'ont pas réussi à éviter la concentration, la surconcentration urbaine. Et si l'on ne prenait pas garde à empêcher ce


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p hénomène de continuer à se développer, nous recommettrions la même erreur.

Certes, on m'invoquera la tendance naturelle, ou tout au moins commune à presque tous les pays du monde, à l'explosion de véritables mégapoles. C'est d'autant plus vrai que, chez nous aussi, nous voyons se développer des métropoles. Mais constatez avec moi que ce mouvement se remarque avant tout dans les pays en voie de développement. Dans les civilisations comme les nôtres, le phénomène est d'une nature plutôt différente. Certains pays comme l'Allemagne, toute proche, ont même, à la différence du nôtre, réussi à l'éviter.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'histoire n'est pas la même !

M. Philippe Vasseur.

Nous devrions tirer une leçon de ce constat : on ne fait pas une bonne politique de la ville en faisant une mauvaise politique de la campagne. Or vous faites une mauvaise politique de la campagne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ou alors, c'est peut-être un symbole que vous recherchez à vouloir à toute force démontrer que, décidément, il fallait jeter la loi Pasqua aux orties, que ce texte était vraiment par trop « ruralo-ruraliste » et nous, des attardés bucoliques, attentifs aux fleurs et aux petits oiseaux - ce qui aurait dû pourtant plaire aux écologistes,...

M. Jean-Pierre Balligand.

Quel discours !

M. Philippe Vasseur.

... à vous évertuer à insister sur la nécessité d'une loi d'orientation qui écarte ces tentations

« ruralo-ruralistes » et « bucolo-bucoliques » au profit d'une politique davantage axée sur les cités urbaines.

Ce n'est pas en défavorisant l'un que l'on favorisera l'autre. Or vous défavorisez, vous négligez en tout cas, les zones rurales.

L'article 61 de la loi de 1995, qui prévoyait une loi spécifique pour le développement des zones rurales, est supprimé. Je vous disais tout à l'heure qu'une vingtaine d'articles étaient modifiés. On ne peut pas dire que les modifications aillent toujours dans le bon sens ! L'article 18 du projet de loi prévoit l'élaboration d'un schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux, qui doit fixer les orientations fondamentales permettant la valorisation économique, environnementale et sociale des espaces, mais, en fait, le texte mentionne essentiellement des mesures de conservation et de protection du patrimoine naturel.

L'article 23 du projet de loi institue un fonds de gestion des milieux naturels qui devrait contribuer au financement des projets d'intérêt collectif. Or la loi de 1995, je vous le rappelle, avait créé le fonds de gestion de l'espace rural, par son article 38. Ce fonds n'est pas formellement supprimé dans votre projet de loi, madame la ministre, mais ses dotations seront intégrées au fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation prévu par la loi d'orientation agricole actuellement en discussion au Sénat.

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est logique !

M. Philippe Vasseur.

On a l'impression qu'il y a actuellement un jeu de bonneteau dans les crédits gouvernementaux à propos de l'aménagement du territoire ! Introduire des mesures de reconquête écologique, c'est bien, mais ce n'est pas en se contentant de cela que l'on parviendra à maintenir la population en zone rurale. Or, je le répète, quand la population quitte les zones rurales, elle va en ville, ce qui augmente un certain nombre de besoins, et crée des problèmes dans les cités urbaines.

Nous avons donc, d'un côté, une forme de désertification qui pose problème et, de l'autre, une surconcentration qui pose également problème. Ce n'est pas de bonne politique. Aménager le territoire, c'est avoir une conception globale d'un équilibre nécessaire à la totalité de notre pays. Tels sont d'ailleurs les principes qui ont depuis toujours été évoqués en la matière, même si l'on peut avoir un jugement mitigé sur leur mise en oeuvre.

Je me souviens de ce livre publié en 1947 par un célèbre géographe, Jean-François Gravier, Paris et le désert français.

Ce fut la première manifestation d'une volonté d'aménager notre territoire. A l'époque, la question qu'on se posait, c'était de savoir comment parvenir à un meilleur équilibre entre Paris et ce que l'on appelait et ce qu'on appelle encore parfois la province, mot hideux comme disait Malraux, mot que je déteste, parce qu'on a l'impression que tout ce qui est intelligent est à Paris et tout le reste en province. (Sourires.)

Bref, il s'agissait bien d'éviter d'avoir une agglomération parisienne qui grossisse, grossisse, grossisse, et le reste du pays qui s'appauvrisse.

Puis se sont développées d'autres conceptions. Souvenez-vous, c'était l'équilibre entre l'Est et l'Ouest, l'Est qui avait la chance d'avoir un passé industriel et un passé économique assez forte, et l'Ouest qui souffrait d'un certain nombre de carences. De ce point de vue-là, des choses ont été faites et bien faites. Je pense notamment au grand plan que le général de Gaulle avait lancé pour la Bretagne et l'Ouest de la France. On s'est occupé également des zones de conversion, etc.

Aujourd'hui, nous ne devrions pas avoir un problème de même nature : des villes concentrant l'essentiel de l'activité sur une petite partie du territoire, le reste du pays étant en quelque sorte laissé pour compte.

C'est pourquoi il était important que nous disposions d'un schéma national d'aménagement du territoire, que nous ayons un document d'ensemble mettant en cohérence toutes les politiques nécessaires, posant tous les problèmes les uns par rapport aux autres, les uns en interpénétration avec les autres, et je rejoins tout à fait l'avis du Conseil économique et social que le rapporteur, M. Jean-Claude Bury, nous a donné tout à l'heure. Ce schéma national d'aménagement du territoire devait alors être considéré comme un élément capital.

Il n'y avait pas de cohérence, avez-vous expliqué tout à l'heure, madame la ministre. Alors il fallait en donner une ! Il fallait trouver les moyens de rendre tous les éléments cohérents pour avoir une ligne directrice de notre aménagement du territoire.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Bien sûr !

M. Philippe Vasseur.

Au lieu de cela, vous supprimez ce schéma national d'aménagement du territoire et vous le remplacez par huit schémas sectoriels de services collectifs. On aurait d'ailleurs pu retrouver les mêmes préoccupations dans le schéma national d'aménagement du territoire.

Ces schémas de services collectifs, vous nous les proposez dans une perspective de vingt ans. C'est bien. Il faut savoir voir loin et se donner de longues perspectives. Bien souvent, en effet, des problèmes sont négligés ou ignorés faute d'avoir une vision qui nous porte suffisamment loin. En l'occurrence, on est gâté ! Cela fait pratiquement trois septennats. On a le temps de voir venir ! J'aimerais


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tout de même que l'on ne se contente pas d'une telle vision et que l'on soit capable aussi de procéder par étapes et de ne pas occulter les problèmes du moyen terme, voire du court terme.

Ces schémas, dites-vous, donneront lieu, avant la fin de cette année, bien entendu - puisque vous devez les adopter par décret avant la fin de l'année, on n'a pas de temps à perdre -, à des consultations ou à des concertations. J'aurais souhaité, comme beaucoup ici, davantage de démocratie.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout à fait.

M. Philippe Vasseur.

Incontestablement, de tels schémas méritent au moins d'être soumis à l'avis du Parlement, comme l'a précisé tout à l'heure M. le président de la commission de la production et des échanges, André Lajoinie. On a d'ailleurs le sentiment, mais peut-être allez-vous nous rassurer, que le Gouvernement fuit le débat, qu'il n'a pas envie de ce débat démocratique qui pourrait au moins avoir lieu au Parlement,...

M. André Angot.

C'est dangereux pour la démocratie.

M. Philippe Vasseur.

... et je me demande s'il n'y a pas dans ce texte, en dépit de ce que l'on peut dite, en dépit des effets d'annonce, une prééminence de la technocratie sur la démocratie.

M. Jean-Claude Lemoine.

Si ! Si !

M. Philippe Vasseur.

Je retrouve cette tentation dans l'approche qui est faite de la décentralisation. On nous parle de la décentralisation vers les régions mais, en fait, il s'agit d'une décentralisation au rabais, pour ne pas dire d'une fausse décentralisation.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Absolument !

M. Alain Barrau.

En 1982, vous étiez contre !

M. Philippe Vasseur.

Je parle de la loi de 1999, pas de celle de 1982 !

M. Alain Barrau.

Que vous avez combattue à l'époque !

M. Philippe Vasseur.

Vous devriez appuyer ma démarche dans la mesure où les avancées que vous revendiquez au titre de la loi de 1982...

M. Alain Barrau.

Indubitables !

M. Philippe Vasseur.

... me paraissent être quelque peu mises à mal.

M. Jean-Pierre Balligand.

Que racontez-vous ?

M. Philippe Vasseur.

Je vais y venir ! Il ne faut pas faire comme ceux qui ont déclaré qu'ils étaient contre l'exception d'irrecevabilité avant même qu'elle n'ait été défendue ! Ce projet a théoriquement pour ambition de consolider la décentralisation et de renforcer le rôle de la région.

Dans ce but, il est notamment prévu à l'article 5 que les régions élaborent les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire, mais contrairement, d'ailleurs, si j'ai bien compris, à ce que vous souhaitiez vous-même, madame la ministre - de ce point de vue, vous ne seriez donc pas personnellement responsable -, ces schémas n'auront aucun caractère prescriptif.

A quoi serviront-ils alors ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

A rien !

M. Philippe Vasseur.

A recommander, et on sait tous ce que cela veut dire ! En politique, on décide ! Là, il s'agit de recommander la mise en place d'instruments d'aménagement tels qu'un schéma directeur, un parc naturel ou une directive territoriale d'aménagement. Le rôle des régions n'a pas été suffisamment respecté, il n'est d'ailleurs pas suffisamment défini. J'en dirai d'ailleurs autant des départements, qui sont notoirement absents de ce texte.

La décentralisation, ce n'est pas donner de nouveaux pouvoirs aux préfets.

M. Yves Coussain.

C'est pourtant le cas !

M. Philippe Vasseur.

J'ai un grand respect pour les préfets, et je trouve qu'ils remplissent leurs missions avec beaucoup d'impartialité dans la plupart des cas. On en a beaucoup parlé, vous les avez beaucoup cités vous-même, madame la ministre. On va leur confier de nouveaux rôles, de nouvelles missions. J'appelle cela de la déconcentration, pas de la décentralisation. Ils auront notamment un rôle qui ne sera pas mineur dans la reconnaissance des pays. Ceux-ci méritent que l'on parle un peu d'eux d'ailleurs ! Les pays, qui ont été reconnus par la loi de 1995, sont maintenus. Ils sont même confortés par l'article 19 de votre projet de loi. Votre projet prévoit de les doter d'un conseil de développement et de les charger d'élaborer une charte de pays, qui leur permettra de conclure avec l'Etat un contrat particulier en application du contrat de plan

Etat-région, mais il supprime la disposition qui figurait dans la loi de 1995, selon laquelle l'existence de pays pouvait remettre en cause le découpage des arrondissements, ce qui permettait une simplification.

D'une façon générale, les modifications envisagées pour le cadre d'intervention des acteurs publics et principalement des acteurs locaux risquent de ne pas avoir d'effets suffisants si nous n'avons pas en même temps la volonté de réduire la complexité du paysage administratif, et je ne voudrais pas que l'existence des pays, qui doivent constituer le support d'une stratégie de développement solidaire, nous conduise à créer directement ou indirectement dans le paysage administratif français un échelon supplémentaire.

Je crois même que l'occasion est bonne pour simplifier les structures et clarifier les compétences. Je ne vais pas ici lancer un débat - en plus ce serait un débat qui fâcherait ! - sur le fait de savoir s'il y a trop d'échelons dans l'administration française...

M. Jean-Pierre Balligand.

Si, si, allez-y !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Il n'ose pas !

M. Philippe Vasseur.

... ni, si jamais on répondait par l'affirmative, sur l'échelon qu'il faudrait supprimer.

Sans aller aujourd'hui jusque-là, le moins que l'on puisse dire en tout cas, c'est qu'il y a un manque total de lisibilité. Bien souvent, et cela risque d'être encore pire demain, on se demande qui fait quoi. Pour une fois, le parti socialiste avait été bien inspiré lorsqu'il avait écrit dans son programme pour les élections législatives qu'il faudrait clarifier les compétences exercées par chaque collectivité. Belles paroles, promesses non tenues ! On finit par en avoir l'habitude, me direz-vous ! C'est une promesse non tenue de plus ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Barrau.

Quelle est la position de l'Alliance à ce sujet ?

M. Philippe Vasseur.

Malheureusement, je ne vais pas avoir le temps de détailler toutes les promesses électorales du parti socialiste qui n'ont pas été tenues, cela me pren-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

drait la nuit ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Cacheux.

Et la fracture sociale ?

M. le président.

Monsieur Vasseur, c'est une exception d'irrecevabilité que vous défendez.

M. Philippe Vasseur.

C'est bien pour cela, monsieur le président, que je ne me lance pas dans cet exercice,...

M. Henri Nayrou.

Les électeurs s'en sont chargés pour vous.

M. Philippe Vasseur.

... qui serait certainement très intéressant et très périlleux pour la majorité actuelle, mais je me tiens à la disposition de qui voudra pour avoir ce débat dans une autre instance, à un autre moment.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je voudrais vous renvoyer, et là je vais faire oecuménique, à ce qu'a dit le bureau de l'Association des maires de France. Tout le monde y est représenté, vous ne pouvez pas être contre.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Le président est RPR !

M. Philippe Vasseur.

Mais pas le secrétaire général, que je sache ! Il faudrait que vous révisiez vos classiques. Le bureau de l'Association des maires de France est pluraliste ! Il comprend même des membres de la majorité, je vous le rappelle.

Selon le bureau de l'Association des maires de France, le projet de loi qui nous est présenté ne peut pas être isolé des autres réformes qui vont affecter l'organisation urbaine et la coopération intercommunale, le régime d'intervention économique des collectivités territoriales, les règles de gestion et de distribution des fonds structurels (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Je ne comprends pas ! Quand on vous dit des choses qui vous déplaisent, vous trémoussez et vous avez même tendance à lancer des interpellations superfétatoires, et, quand on vous approuve, vous protestez également ! Cela doit vous surprendre qu'on vous approuve ! Vous en venez à douter vous-mêmes de votre propre politique ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Le bureau de l'Association des maires de France indique donc qu'on ne peut pas isoler ce projet de loi des autres réformes, qu'il importe par conséquent de veiller à harmoniser les logiques présidant à chacune d'entre elles et qu'il faut veiller également à assurer une réelle cohérence et une complémentarité entre les orientations de ces réformes.

M. Bernard Roman.

C'est ce que nous faisons.

M. Philippe Vasseur.

Vous précisez d'ailleurs vousmême, madame la ministre, dans l'exposé des motifs de votre projet de loi, qu'il renvoie à un projet de loi relatif à l'initiative économique des collectivités locales, à un projet de loi sur la simplification de la coopération intercommunale, à des dispositions concernant la fiscalité locale, la péréquation financière, etc.

M. Philippe Duron, rapporteur.

La loi Pasqua fonctionnait ainsi !

M. Philippe Vasseur.

Je vous ai bien écoutée. Vous nous expliquez que c'est comme des poupées gigognes : tout est dans tout et réciproquement. Je me demande simplement quel rôle a cette loi d'aménagement du territoire le rôle de la poupée la plus petite celle qui est enfermée dans les autres ou celui de la poupée qui coiffe toutes les autres ? J'ai l'impression qu'il faudra attendre la réponse.

De votre propre aveu, cette loi est donc notoirement insuffisante,...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est une loi d'orientation, monsieur Vasseur.

M. Philippe Vasseur.

Je sais ce que c'est qu'une loi d'orientation, madame, croyez-moi ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

On ne dirait pas !

M. Philippe Vasseur.

Oh ! que si.

M. Philippe Vasseur.

J'ai le sentiment que le gouvernement actuel a une conception des lois d'orientation qui mériterait peut-être d'être revue, en tout cas au niveau de la sémantique.

Cette loi est donc notoirement insuffisante, de l'aveu même du Gouvernement, et je dirai même qu'elle souffre d'un autre péché originel : sa mise en oeuvre est totalement irréaliste.

Nous entamons aujourd'hui la première lecture de ce texte, qui va durer quelques jours. L'adoption définitive ne pourra avoir lieu, au mieux, qu'à la fin du premier trimestre de 1999. Vous devrez prendre les décrets d'application le plus rapidement possible et je suppose que vous y êtes prête. A partir de là, il faudra, premièrement, établir les schémas de services collectifs qui, je le répète, doivent faire l'objet d'une large consultation et d'une large concertation et qui devraient être soumis à la représentation nationale, deuxièmement, élaborer dans chaque région le schéma régional qui doit être compatible avec les schémas de services collectifs et, troisièmement, établir les contrats de plan Etat-région qui contribuent à la mise en oeuvre des orientations retenues pour le schéma régional. Je pense que la mise en oeuvre de la future loi Voynet - je vous ferai plaisir en l'appelant ainsi - risque de se heurter à des difficultés d'ordre temporal, avec tous les inconvénients qu'entraîne la précipitation ! Si j'étais mal intentionné, ce que je ne suis pas,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non !

M. Philippe Vasseur.

... je me demanderais si, derrière cette précipitation, cette volonté de bousculer un peu le calendrier, il n'y a pas la tentation de créer un rideau de fumée.

M. André Angot.

Ce n'est pas compatible avec les trente-cinq heures !

M. Philippe Vasseur.

Dans le même temps, ce que l'on prépare est très grave, mais, jusqu'à présent, personne n'en a parlé à cette tribune.

M. Alain Barrau.

Le débat ne fait que commencer !

M. Philippe Vasseur.

Raison de plus pour le signaler dès le début, dans le cadre de l'exception d'irrecevabilité.

Ce problème, en effet, est crucial. Je rappelle que la prime d'aménagement du territoire a été instituée pour rendre plus attractives des zones défavorisées et pour orienter géographiquement le choix de la localisation des agents économiques. C'est une subvention d'équipement accordée par l'Etat aux entreprises françaises et étrangères qui réalisent, dans les régions bénéficiaires, des programmes répondant à différentes caractéristiques : activités industrielles ou tertiaires, création d'emplois, etc.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

Or les discussions engagées entre la commission européenne et le Gouvernement français avaient permis d'aboutir à l'accord du 20 décembre 1993 qui sauvegardait les intérêts de la France. On a évoqué tout à l'heure la politique du gouvernement précédent ; il convient peut-être aussi de rappeler certains faits. On avait alors signé un protocole d'accord qui fixait la population maximale éligible à la prime d'aménagement du territoire pour les projets industriels à 40,9 % de la population métropolitaine, et à 42 % si l'on prenait en compte les départements d'outre-mer.

Nous avions alors acté le principe d'un rapprochement entre les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire et celles éligibles aux fonds structurels européens.

M. Alain Barrau.

C'était une excellente idée !

M. Philippe Vasseur.

C'était une bonne idée !

M. Alain Barrau.

On verra bien !

M. Philippe Vasseur.

En vertu de ce protocole d'accord, la population éligible aux primes d'aménagement du territoire se montait, en France, à près de 25 millions de personnes. Au sein de cet ensemble, nous avions en outre réussi à faire prendre en compte le cas des communes et des cantons les plus fragiles, qu'ils soientr uraux ou industriels. Cela représentait près de 6 400 000 habitants pouvant bénéficier des « taux majo-r és », c'est-à-dire de primes supplémentaires. C'était quand même une très belle affaire ! Or, la commission envisage aujourd'hui de réduire la couverture géographique des aides régionales. Nous passerions ainsi de 42 % de la population française concernée à 32 % : un quart des populations qui peuvent aujourd'hui prétendre au bénéfice de la prime d'aménagement du territoire se verrait purement et simplement rayé de la carte.

M. Alain Barrau.

C'est le décrochage !

M. André Angot.

Merci la gauche !

M. Philippe Vasseur.

Si ce projet était adopté, 6 millions de personnes se verraient dans l'impossibilité de bénéficier de ces fonds.

M. André Angot.

Merci, madame la ministre !

M. Philippe Vasseur.

Il y a bien de quoi être inquiet, car nous sommes devant un grave danger. Cela fait longtemps, madame la ministre, que j'ai attiré votre attentions ur ce risque, mais les paroles s'envolent. Le 4 novembre 1997, en effet, je vous ai interrogé sur cette tentation et sur cette volonté de la Commission européenne en vous mettant en garde contre le danger qui pouvait en découler et en vous demandant ce que comptait faire le Gouvernement.

M. André Angot.

Rien !

M. Philippe Vasseur.

En effet, qu'envisage de faire le Gouvernement ?

M. Jean-Claude Lemoine.

Rien !

M. Philippe Vasseur.

La suppression de ces 6 millions d'habitants s'accompagne de mesures aggravantes.

En premier lieu, les plafonds seraient réduits. Il est bon que vous le sachiez et que la population soit informée de ce qui se trame.

Le « taux normal », en vigueur dans les trois-quarts des régions concernées s'élève à 17 %. La prime d'aménagement du territoire peut donc représenter jusqu'à 17 % de l'investissement. Alors que 6 millions de personnes sont déjà mises de côté, ce « taux normal » serait ramené à 10 %. Cette mesure est d'autant plus néfaste que le caractère déjà insuffisamment incitatif des aides ne permettra plus de compenser les handicaps imposés aux territoires défavorisés,...

M. André Angot.

C'est bien pour la région parisienne !

M. Philippe Vasseur.

... par leurs moyens de transport, leur situation géographique, le niveau de qualification de leurs habitants, etc. D'autre part, je l'ai évoqué tout à l'heure, certaines régions bénéficient d'un taux majoré de 25 %. La commission propose de le ramener à 17 %. Quelles sont les régions menacées ? Le Massif central, le Nord Pas-de-Calais, la Lorraine, la Bretagne, le Languedoc-Roussillon, l'Aquitaine, le Poitou-Charentes, l'Alsace et Provence Alpes Côte d'Azur.

M. André Angot.

Merci pour la Bretagne, madame la ministre !

M. Philippe Vasseur.

Il existe, enfin, un troisième type de taux, les taux dérogatoires. Ils s'appliquent aux cas les plus difficiles, ceux qui posent le plus de problèmes. La Corse bénéficie ainsi d'un taux dérogatoire plafonné à 33 %. Sont aussi concernés trois arrondissements de la région Nord Pas-de-Calais, qui étaient éligibles à l'objectif I prévoyant un taux de 28 %, ainsi que le pôle industriel de la zone de Longwy, qui peut bénéficier d'un taux dérogatoire de 33 %. Là encore, on va faire très fort, puisque, si tout se passe comme prévu, ces taux dérogatoires seront purement et simplement supprimés ! Il est une deuxième circonstance aggravante : non seulement la prime d'aménagement du territoire donne lieu au versement des subventions d'équipement que j'ai évoquées, mais elle permet, les choses étant liées, des accompagnements économiques, notamment par les collectivités territoriales. Pour le moment, seules les entreprises installées dans une zone éligible à la prime d'aménagement du territoire, et même celles qui ne la touchent pas, peuvent bénéficier des aides concernant la taxe professionnelle, l'impôt sur les sociétés pour les entreprises nouvelles, le crédit impôt-recherche, les droits d'enregistrement pour les mutations d'immeubles ou le crédit-bail. Dans ces régions-là, les entreprises vont perdre le bénéfice de ces aides.

M. André Angot.

Merci !

M. Philippe Vasseur.

Ce n'est pas une menace à long terme, elle aura un effet immédiat ! Le nouveau régime sera mis en place en même temps que la loi de Mme Dominique Voynet, puisque la commission réclame qu'il soit effectif le 1er janvier 2000, ce qui oblige les Etatsmembres à se mettre en conformité, et donc à adapter leur réglementation avant la fin de cette année.

A la question que je vous posais, madame la ministre, vous aviez apporté une réponse que je trouvais singulièrement résignée. Vous vous étiez contentée de déplorer l'inexistence d'un conseil des ministres de l'aménagement du territoire au niveau européen, et vous nous aviez dit, le Journal officiel du 4 novembre 1997 en fait foi :

« L'élargissement de l'union va provoquer une concentration des aides communautaires et, simultanément, la réduction des zones éligibles, ce qui aboutira, et je le déplore, à exclure des régions qui en bénéficiaient jusqu'alors. » Nous aussi, nous le déplorons.

Vous aviez également évoqué trois pistes de réforme : ce sont trois scénarios de l'inacceptable, et les régions menacées doivent savoir à quelle sauce elles risquent d'être mangées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

Cela ne concerne pas seulement la droite ou la gauche, mais tout le monde, tous les élus.

Le premier scénario gouvernemental consiste à réserver la prime d'aménagement du territoire aux projets internationalement mobiles.

M. André Angot.

Toyota, peut-être ?

M. Philippe Vasseur.

C'est un exemple, bien que, à y regarder de près, je ne sois pas du tout certain que, avec ce texte, nous aurions pu accueillir Toyota dans la région de Valenciennes.

Dans ce scénario, seuls les territoires disposant de suffisamment d'atouts pour prétendre attirer les grands investisseurs internationaux resteraient éligibles. On entrerait ainsi dans une logique de compétition européenne pour la localisation de nouvelles activités : on y prendrait notamment en compte la concurrence transfrontalière, celle de la Belgique, de l'Angleterre, de l'Allemagne, voire de l'Espagne ou de l'Italie. Les critères retenus seraient le bilan des implantations internationales des dernières années et le développement futur des moyens de transport.

Dans un tel scénario, les territoires industriels éloignés seraient purement et simplement rayés de la carte de la prime d'aménagement du territoire. Quant aux territoires ruraux - je le dis aux tenants du « ruralo-rural » -, ils seraient, eux, supprimés de la carte des aides.

M. André Angot.

C'est pour les week-ends des urbains ! M. Philippe Vasseur Dans le deuxième scénario, la prime d'aménagement du territoire serait réservée aux territoires dont la situation est particulièrement dégradée, ceux dont les bassins d'emplois sont les plus affectés par les restructurations industrielles ou les plus exposées à des restructurations futures.

M. André Angot.

Mme la ministre n'écoute pas ! M. Philippe Vasseur Ne vous inquiétez pas, mon cher collègue : de cette tribune, c'est au peuple français qu'il faut s'adresser, aux élus locaux et aux gens qui sont concernés par leur avenir et par leur développement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du groupe Démocratie libérale et Indépendants du Rassemblement pour la République.)

Pour le reste, on verra plus tard.

M. Joseph Parrenin.

Il ne faut pas dire n'importe quoi !

M. Philippe Vasseur.

Ecoutez bien ce que je dis, car vous aurez des comptes à rendre à vos électeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Daniel.

C'est la machine Vasseur !

M. Joseph Parrenin.

Le dieu Vasseur s'exprime !

M. Philippe Vasseur.

Il faut chercher à compenser les handicaps de ces territoires, notamment en termes d'éloignement par rapport à la localisation des investissements internationaux.

Les critères retenus par le Gouvernement dans le deuxième scénario sont la perte d'emplois industriels sur p lusieurs années et les restructurations industrielles récentes, actuelles ou à venir.

La carte de la prime d'aménagement du territoire s'établirait donc ainsi :...

M. Joseph Parrenin.

On est venu pour l'écouter, pas pour le croire !

M. Philippe Vasseur.

... les territoires les plus largement couverts sont réduits et ceux dont on estime qu'ils disposent d'atouts pour accueillir les investissements internationaux sont éliminés.

M. Joseph Parrenin.

C'est M. Catastrophe !

M. Philippe Vasseur.

Non, je me contente de rappeler les scénarios du Gouvernement. Il faut vous informer, mon cher collègue. L'information aurait-elle du mal à circuler entre le Gouvernement et sa majorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Robert Gaïa.

Quelle suffisance !

M. Philippe Vasseur.

Heureusement, nous sommes là pour y remédier ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean Auclair.

Ils ont la trouille !

M. Philippe Vasseur.

Troisième scénario...

M. Joseph Parrenin.

Vous devriez raccourcir !

M. Philippe Vasseur.

Je comprends que ça vous inquiète !

M. Joseph Parrenin.

Ce ne sont que sottises sur sottises !

M. Philippe Vasseur.

Je vous invite à vous reporter au Journal officiel de la République du 4 novembre 1997.

M. Joseph Parrenin.

Je vous invite à ne pas interpréter les textes !

M. Philippe Vasseur.

Votre méconnaissance des problèmes d'aménagement du territoire et des déclarations du Gouvernement me stupéfie.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Troisième scénario : la prime d'aménagement du territoire serait réservée aux zones peu industrialisées et en difficulté économique. On aiderait les zones rurales à se développer, en considérant que les zones industrialisées sont relativement - tout est relatif - favorisées par rapport aux zones rurales. Cela permettrait de montrer que le Gouvernement s'intéresse aux zones rurales bien plus que nous ne le disions tout à l'heure, en faisant état de nos inquiétudes à ce sujet. On ne retiendrait que des critères de population et de proportion des emplois industriels. Dès lors, la carte de la prime d'aménagement du territoire se verrait privée de zones industrialisées plutôt bien situées par rapport au coeur du marché européen.

Tels sont les trois scénarios.

Si l'on se rend aux injonctions de la Commission - mais on peut toujours s'y refuser - ce sont 6 millions d'habitants qu'on doit rayer de la carte. Il faudra bien les trouver quelque part ! Mais Mme la ministre aura à coeur, tout à l'heure, de compléter nos informations en nous indiquant qui sont et où sont les 6 millions de Français qui, demain, ne pourront plus bénéficier de la prime d'aménagement du territoire.

M. André Angot.

Ils sont en Franche-Comté !

M. Philippe Vasseur.

Heureusement, un débat comme celui-ci nous permet de dénoncer la gravité de la situation, car l'opération que je viens d'évoquer se déroule dans une absence totale de transparence. Qui a été consulté ?

M. André Angot.

Personne.

M. Philippe Vasseur.

Qui a été associé ? Nous n'en savons strictement rien. On nous placera devant le fait accompli : ce procédé est intolérable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

Nous avons le droit d'exiger ce qui ne figure pas dans le projet de loi qui nous est présenté : des mesures pour compenser ce qui sera un véritable « déménagement » du territoire.

Voilà pourquoi, sur l'esprit plutôt que sur la lettre, nous avons le devoir de déclarer irrecevable ce texte qui va aggraver les inégalités entre les citoyens, alors qu'il nous faudrait assurer davantage l'égalité des chances entre les Français, quelle que soit la région où ils vivent et veulent travailler. Nous ne pouvons pas tolérer qu'à la faveur d'une loi qui se dit « l'orientation », nous en venions à sacrifier des territoires de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, une exception d'ir-r ecevabilité a théoriquement pour objet de faire reconnaître qu'un texte est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles. En fait, c'est souvent un simple exercice de style et vous n'avez pas rompu avec cette tradition. (« Bien ! » sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Philippe Duron, rapporteur.

C'est bien vrai ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous avez dit que, quand on n'est pas satisfait d'une loi, on la modifie ou on la complète. C'est ce que nous faisons. Vous avez explicitement reconnu que le Gouvernement avait conservé les trois quarts des dispositions de la loi Pasqua, celles qui sont fonctionnelles et de bon sens. Vous avez dit que vous n'étiez pas opposé au développement durable - il ne manquerait plus que ça ! - mais vous avez démontré, par quelques exemples surréalistes, que, décidément, vous n'avez toujours pas compris ce que c'était : le développement durable n'est pas, monsieur le député, une couche de préoccupations bucoliques passée sur le bon vieux productivisme. (Sourires.)

M. André Angot.

Quel jargon ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce ne sont pas non plus des préoccupations réservées au monde rural et qui pourraient se traduire dans un nouvel article du code rural. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Ce sont des préoccupations qui doivent inspirer l'ensemble des politiques publiques dans le souci d'éviter à nos régions ce qu'une certaine conception du développement mal maîtrisé a fait connaître à la vôtre.

(« Très bien » sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Vous nous avez reproché de négliger les zones rurales quand nous avons conservé l'essentiel des dispositifs qui les concernent et dégagé les moyens permettant d'aller au-delà du bavardage pré-électoral et de l'effet d'annonce.

Vous avez critiqué le constat cruel que j'ai dressé à propos du schéma national, alors que, promis pour l'année suivant la publication de la loi, il n'a pu être présenté, et bien qu'il ne soit qu'un exercice largement virtuel fixant d es orientations et des principes, exercice dont Charles Pasqua reconnaissait qu'il était « indicatif » et que, comme tout document de planification établi par l'Etat, il n'obligeait que par la conviction qu'il susciterait.

Vous nous avez également reproché de regarder l'avenir à vingt ans alors que, vous le savez très bien, les schémas modaux présentés par l'ancien gouvernement accumulaient des stocks de projets infinançables à l'horizon de plusieurs siècles ! Vous nous avez aussi reproché de mentionner le lieu où vivent 90 % des Français, c'est-à-dire la ville. Vous avez démontré que vous n'aviez pas compris que les zonages servaient à faire converger des moyens exceptionnels vers les territoires les plus difficiles ; cela suppose que, quand le redécollage économique aura lieu, on puisse sortir de ces zonages, en s'en réjouissant.

Vous avez, enfin, fait l'impasse sur quelques réalités triviales. Sur le fait, par exemple, que la loi Pasqua était, plus qu'une loi d'orientation, un programme de travail, avec une flopée d'autres lois à préparer, dont pas une ligne n'était écrite, et qu'elle comportait également une liste de mesures financières qui n'ont jamais été financées, et qui ont dû attendre pour l'être le gouvernement de Lionel Jospin.

Je rappelle en effet que les moyens consacrés à l'aménagement du territoire de 1995 à 1997 ont été réduits de plus d'un tiers, en autorisations de programme comme en crédits de paiement, alors qu'ils ont augmenté depuis le mois de juin 1997. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Je rappelle également qu'après un discours extrêmement intéressant sur l'aménagement du territoire, les deux milliards de francs ouverts en autorisations de programme dans la loi de finances initiale pour 1995 ont été annulés, pour la moitié, trois mois plus tard à peine, en mai 1995.

Je rappelle que le gouvernement actuel a non seulement renforcé le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN,...

M. Jean-Pierre Balligand.

Eh oui ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... mais qu'il a également doté un outil dont M. Pasqua considérait qu'il était absolument essentiel pour permettre le développement des territoires,...

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est dur d'entendre ça ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... le Fonds national de développement des entreprises, dont l'intérêt est suffisamment important pour que nous l'ayons doté pour la première fois et pour que nous ayons l'intention d'en faire un élément central de notre stratégie de développement économique.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Philippe Vasseur.

Et la PAT ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pour tous ces motifs, monsieur le député, je ne peux accepter votre longue argumentation (« Et la PAT ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et j'invite les parlementaires à repousser l 'exception d'irrecevabilité que vous avez défendue.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je ne reprendrai pas tout ce qu'a dit Mme la ministre. Je vous ai écouté attentivement, monsieur Vasseur, mais j'ai cherché en vain dans vos propos le fondement juridique de l'irrecevabilité de ce texte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

M. Jean-Pierre Balligand.

Evidemment ! C'est dur !

M. François Sauvadet.

Cherchez les fondements politiques !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je n'ai pas trouvé les arguments qui auraient pu nous conduire à juger cette exception recevable. En revanche, j'ai noté quelques inexactitudes ou contradictions sur lesquelles j'aimerais insister.

Vous avez tout d'abord affirmé qu'il n'était pas nécessaire de légiférer puisqu'il y avait déjà la loi Pasqua, et que, par conséquent, nous nous faisions un peu plaisir en discutant une nouvelle loi.

Je vous rappelle, monsieur Vasseur, que la présente loi ne compte que trente-six articles alors que la loi Pasqua en comptait quatre-vingt-huit, dont un grand nombre vont rester en vigueur. Il s'agit donc simplement d'une loi de modification.

Vous avez évoqué, en second lieu, la désertification des campagnes, décrivant de façon catastrophiste l'exode des ruraux vers les villes. Or, aujourd'hui, le mouvement est plutôt inverse, puisque un tiers des communes rurales sont en forte croissance.

M. Patrick Ollier.

Vive Pasqua !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ça dépend desquelles !

M. Philippe Duron, rapporteur.

C'est d'ailleurs là un des phénomènes les plus notables des quinze dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et l'on doit reconnaître que les communes rurales sont devenues attractives pour les habitants des villes.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendante.

Merci, Pasqua !

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Vous avez enfin évoqué le pouvoir du préfet, sous-entendant qu'il pourrait être arbitraire dans la définition du périmètre des pays.

Je rappelle que le préfet arrête le périmètre d'un pays a près que la conférence régionale a émis un avis conforme. Notre commission a par ailleurs souhaité que la commission départementale de coopération intercommunale éclaire la décision du préfet en émettant un avis simple. Le préfet a donc un rôle d'arbitre dans le cas où les acteurs locaux ne parvienent pas à se mettre d'accord. Cela n'a rien d'excessif et je crois que les préfets méritent cette confiance.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Et la PAT ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Ce n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui ! (« Si ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il s'agit des fonds structurels et il ne faut pas tout mélanger. Il n'y a donc aucune raison pour voter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe Démocratie libérale soutient, bien sûr, cette exception d'irrecevabilité.

Notre collègue Philippe Vasseur a eu le très grand mérite d'insister sur les carences de ce texte et sur l'important problème de la PAT, auquel vous n'avez pas répondu, madame la ministre. Il a montré que le débat est tronqué et que ce texte n'aborde qu'un aspect de l'importante question de l'aménagement et du développement durable du territoire.

Ce texte ne répond pas, c'est vrai, à l'attente de tous ceux qui croient à l'aménagement de notre pays, à l'avenir de la France, de nos 36 000 communes. L'Etat a pour mission d'être le garant des équilibres territoriaux et de la solidarité nationale. Or on peut estimer que ce texte ne répond pas aux besoins largement exprimés sur le terrain car le budget qui vient d'être adopté ne prévoit pas les moyens financiers supplémentaires nécessaires et aucune disposition ne va dans le sens de l'économie et de l'emploi. Or on sait combien d'élus locaux et de responsables économiques et sociaux se battent tous les jours sur le terrain pour faire face à de nombreuses difficultés.

Nos collègues du groupe Démocratie libérale se sont largement exprimés au sein de la commission. Ils ont, je le répète, insisté sur le fait que le texte était déséqui libré et qu'il accordait de nouveaux pouvoirs aux préfets, ce qui peut aller à l'encontre de la décentralisation que nous défendons tous, qu'il pouvait aussi conduire à créer des obligations de service public pour les petites communes alors que c'est l'Etat qui devrait être aux côtés des élus ruraux pour défendre les derniers commerces, la présence de La Poste, de la dernière classe, de tout ce qui fait la vie. Et ce n'est pas aux communes de faire face, en augmentant les impôts locaux, à certaines difficultés, dans le cadre de conventions signées avec l'Etat.

Ce projet de loi ne prend pas assez en compte les zones rurales.

M. François Sauvadet.

Vous avez raison !

M. Bernard Perrut.

Pour reprendre une expression du doyen Vedel, nous sommes sur ces bancs un certain nombre d'élus du seigle et de la châtaigne, c'est-à-dire du monde rural. Et nous constatons que ce texte fixe comme priorité le renforcement des pôles urbains et des agglomérations.

J'en viens enfin aux pays, thème que Philippe Vasseur a très bien développé. Les pays doivent être avant tout des cadres de communauté de vie, ils ne doivent pas devenir de nouveaux enjeux de pouvoir et de responsabilité débouchant sur des conflits de compétences entre les communes.

Ce sont là autant de motifs de rejet d'un texte qui ne nous permet pas de percevoir l'avenir avec suffisamment de force et de conviction. Georges Bernanos disait : « On ne subit pas l'avenir, on le fait. » Mais j'ai bien peur que

ce texte ne soit insuffisant pour nous permettre d'y faire face.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

M. Jean-Pierre Balligand.

Nous avons été nombreux à écouter M. Vasseur avec une grande attention. Je reprendrai une expression qu'il a utilisée tout à l'heure de façon quelque peu agressive à l'égard de Mme la ministre, en lui disant qu'il est dur d'aller au charbon et de défendre une telle exception d'irrecevabilité. Entre nous, il n'a développé aucun argument juridique de fond. Mais on sait très bien que cette motion de procédure pouvait offrir l'occasion de présenter une politique alternative au projet de Dominique Voynet et au travail réalisé par la commission de la production et des échanges.

Honnêtement, qu'est-ce que cette loi ? Il est vrai qu'il reste soixante-huit articles de la loi Pasqua sur lesquels nous ne revenons pas. La présente loi se veut modeste et ciblée sur certains points précis. Pour dire les choses clairement, la loi Voynet n'est donc pas le grand soir de l'aménagement du territoire ! Nous sommes quelques-uns ici à être largement intervenus dans le débat sur la loi Pasqua. Moi qui suis un élu rural, j'affirme que ça a été un moment où on a fait rêver la France rurale sur l'aménagement du territoire des années soixante, sur un aménagement du territoire nostalgique, sur le thème « Que la France était belle avantguerre ! » (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est la pire des choses ! La loi Pasqua a permis de tenir un grand nombre de réunions et il faut reconnaître que, du point de vue de l'orchestration politique, ça a été bien joué !

M. Augustin Bonrepaux.

Il n'y avait rien dans le texte !

M. Jean-Pierre Balligand.

Elle s'intégrait d'ailleurs dans le dispositif de la campagne présidentielle de M. Balladur, qui était orchestrée par M. Pasqua.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Roman.

Mais si !

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues ! La parole est à M. Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

En outre, comme Mme la ministre l'a rappelé il y a quelques instants, trois mois après le vote de cette loi, la moitié des crédits budgétaires prévus ont été annulés. La baudruche s'est dégonflée !

Mme Nicole Bricq.

Exactement !

M. Patrick Rimbert.

Même chose pour le thème de la fracture sociale !

M. Jean-Pierre Balligand.

Mais il y a plus grave. Cette loi d'orientation, je l'avais dit au nom du groupe socialiste, était une loi à crédit. Elle prévoyait pour les dixhuit mois suivants une réforme fondamentale des lois décentralisation. Résultat : la bulle ! Aucun texte n'a fait avancer les lois de décentralisation, alors que c'était nécessaire, selon vous.

En second lieu, il fallait avancer en ce qui concerne l'intercommunalité, et c'est ce que nous avons fait, mais contre vous. La loi du 6 février 1992 à la discussion de laquelle j'ai participé avec Gérard Gouzes, Augustin Bonrepaux et d'autres, vous la revendiquez aujourd'hui, tout comme les lois de 1982 et 1983. Mais vous n'avez jamais été au rendez-vous des avancées en matière de décentralisation et vous vous permettez aujourd'hui de faire de grands discours sur ce thème ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je le répète, derrière la loi Pasqua, il n'y a rien eu de concret, seulement un beau rêve qui s'est mal terminé pour M. Balladur et pour M. Pasqua avec l'élection présidentielle.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En quoi doit consister une loi d'aménagement du territoire ? Nous devons fixer quelques orientations qui ne fassent pas trop rêver et qui puissent entrer rapidement en application. Mais, surtout, dans un pays décentralisé comme le nôtre, il faut cesser de rêver sur le rôle de l'Etat. En tant que président, en alternance, avec mon collègue de droite, sénateur, M. Hoeffel, de l'institut de la décentralisation, je fais partie de ceux qui luttent pour faire avancer la France vers l'acte II de la décentralisation.

Mais, pour cela, il faut une bonne boîte à outils. Il faut en particulier développer l'intercommunalité à fiscalité propre, fondée sur la loi du 6 février 1992 sur les communautés de communes. Celle-ci a bien fonctionné puisque plus de 1 500 structures à fiscalité propre existent aujourd'hui dans notre pays. Il faut essayer de les rassembler à l'intérieur de pays parce qu'elles sont parfois trop petites : seulement 12,3 communes par structure en moyenne.

Il convient au passage de préciser que les pays ne sont pas un nouvel échelon administratif, et je réponds là à Philippe Vasseur ; il s'agit simplement d'un échelon pour définir des projets.

Cette loi va permettre au milieu rural de contractualiser, s'il s'organise bien. Au nom du groupe socialiste, j'ai déposé un amendement permettant aux communautés de communes organisées en pays et ayant un fort degré d'intégration fiscale et une taxe professionnelle unique de recevoir des dotations supplémentaires de l'Etat, afin d'assurer le parallélisme avec le futur projet de loi Chevènement sur les communautés d'agglomérations.

La loi Pasqua ne comportait aucune disposition relative au monde urbain, alors que la crise urbaine fait rage.

Arrêtons de parler sans cesse de sécurité ! Ce qui est important, c'est que les agglomérations soient bien organisées. Je revendique d'être un provincial, et je déplore q ue, dans certaines grandes agglomérations, des communes très riches ne veuillent surtout pas participer à u ne communauté d'agglomérations et tolèrent que d'autres communes, qui sont pauvres parce qu'elles ne perçoivent pas de taxe professionnelle,...

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. Jean-Pierre Balligand.

... essaient de résoudre les problèmes sociaux lourds en augmentant les impôts qui pèsent sur les ménages.

M. Alain Cacheux.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Balligand.

Ce n'est pas tolérable. C'est la raison pour laquelle il faut faire avancer l'intercommunalité en milieu urbain et pour laquelle l'article 20 affirme ce principe. Mais il y aura tout de suite après la loi Chevènement.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Balligand, pouvez-vous conclure ?

M. Jean-Pierre Balligand.

Je termine, monsieur le président.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

Cette loi prévoit des moyens très importants en faveur de l'intercommunalité en milieu urbain. Il faut mettre fin à certains scandales, comme celui de la région parisienne, où le département des Hauts-de-Seine dont le produit national brut est supérieur à celui de la Grèce, jouxte le département de Seine-Saint-Denis, qui est plus pauvre que la Creuse.

Quand nous serons capables de légiférer et d'aller plus loin sur la voie des communautés d'agglomérations et des communautés urbaines organisées, pour les zones de plus de 500 000 habitants, nous aurons un paysage institutionnel qui permettra réellement de faire de l'aménagement du territoire, au sens noble du terme, et non au sens trivial et petit qui a été développé tout à l'heure.

La boîte à outils dont j'ai parlé figure dans la loi Voynet, qui sera suivie immédiatement d'une autre loi. Il ne s'agit donc pas d'une législation à crédit et c'est la différence fondamentale avec la loi Pasqua, qui a été votée par une autre majorité mais n'a été suivie, après de grandes déclarations, d'aucune réalisation concrète.

M. Jacques Blanc.

Si !

M. Alain Cacheux.

Excellent !

M. Jean-Pierre Balligand.

J'en viens enfin à la prime d'aménagement du territoire. Lors de l'examen du budget de l'aménagement du territoire, nous avons été nombreux, sur différents bancs, à réclamer que cette prime ne soit pas réservée uniquement aux grands projets internationalement mobiles, mais qu'il puisse y avoir une PAT pour les petits projets, parce que certains projets industriels ne créent parfois que quinze ou vingt emplois au départ, avec des investissements de plus en plus élevés. La DATAR et le ministère de l'aménagement du territoire essaient d'apporter des réponses, mais sans casser la solidarité nécessaire que la PAT exerce et doit continuer d'exercer vis-à-vis de régions comme la Bretagne, le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine ou des bassins plus isolés du Massif central. On ne peut pas dire que la gauche n'est pas capable d'organiser une telle solidarité.

Nous avons donc vu le pauvre Philippe Vasseur ramer pour défendre l'exception d'irrecevabilité.

M. le président.

Monsieur Balligand, vous avez doublé votre temps de parole !

M. Jean-Pierre Balligand.

Notre collègue a essayé d'expliquer l'inacceptable, et il faut bien entendu rejeter l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Roman.

Vasseur rameur, Balligand excellent !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier, à qui je n'ai pas besoin de rappeler que le temps de parole, pour les explications de vote, est limité à cinq minutes.

M. Patrick Ollier.

Je compte sur vous, monsieur le président, pour me le rappeler si je dépasse ce temps, mais ce n'est pas mon intention.

Mesdames, messieurs les députés, je suis stupéfait d'avoir entendu ce qu'a dit M. Balligand. Mon cher collègue, vous nous aviez habibués à des propos beaucoup plus intéressants et je suis consterné de voir les efforts que le groupe socialiste doit faire pour soutenir le texte de Mme Voynet.

Mme Nicole Bricq.

Nous n'avons aucun effort à faire !

M. Patrick Ollier.

Remonter à 1995 et faire un procès d'intention à la loi Pasqua est un mauvais argument !

M. Jean-Noël Kerdraon.

C'est pourtant la vérité !

M. Patrick Ollier.

M. Balligand, après Mme la ministre et M. le rapporteur, affirme que le texte de M. Pasqua n'a pas été appliqué...

M. Bernard Roman et M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. Patrick Ollier.

... et que c'est pour cette raison qu'il faut en faire un autre. Mais vous avez attendu deux ans avant de pondre ce texte, deux ans pendant lesquels vous n'avez rien fait, en arguant qu'il y aurait un jour une loi Voynet.

M. Bernard Roman.

Le texte est là et il est excellent !

M. Patrick Ollier.

Monsieur Roman, écoutez : ça vous changera ! La loi Pasqua a fait l'objet, au cas où vous l'auriez oublié, monsieur Balligand, de 102 textes d'application.

M. Jean-Louis Debré.

Eh oui !

M. Patrick Ollier.

Encore faudrait-il que vous les lisiez.

M. Bernard Roman.

Et les crédits ?

M. Patrick Ollier.

Connaissez-vous une loi d'orientation faite pour vingt ans qui, après deux ans, a déjà fait l'objet de 102 textes d'application ? Madame la ministre, j'espère que, dans les deux ans qui viennent, vous aurez à coeur de rédiger autant de circulaires, d'arrêtés et de décrets d'application de votre loi.

M. Alain Cacheux.

Il en faudra moins !

M. Jean-Louis Debré.

C'est Cohn-Bendit qui les prendra !

M. Patrick Ollier.

Cessez donc les procès d'intention ! Vous nous avez dit que le projet de schéma d'aménagement du territoire ne pouvait être élaboré, mais il suffisait de reprendre celui qui avait été préparé par le gouvernement précédent.

M. Augustin Bonrepaux.

Nous ne l'avons jamais vu ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il s'agissait de considérations générales.

M. Patrick Ollier.

Il est insupportable d'entendre proférer des contrevérités, et c'est un mensonge de prétendre que le gouvernement précédent n'a pas fait son travail alors qu'il a produit un avant-projet de schéma national après dix-huit mois.

M. Bernard Roman.

Non ! Il n'a rien fait !

M. Alain Cacheux.

Les électeurs ont tranché !

M. Patrick Ollier.

Qu'avez-vous fait quand vous êtes a rrivée, madame la ministre ? Vous avez arrêté la machine, vous avez rangé au placard le travail réalisé et vous avez attendu deux ans sans rien faire pour nous présenter aujourd'hui un texte qui supprime le projet de schéma d'aménagement du territoire. C'est inadmissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Reprenant un ton plus calme. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais M. Balligand m'avait irrité (Sourires), j'énoncerai des arguments juridiques découlant de l'excellente démonstration de M. Vasseur.

M. Jean-Pierre Balligand.

M. Vasseur nous a énuméré des inepties !

M. Patrick Ollier.

La suppression du schéma national, élément unique, élément global de référence au niveau national, ne risque-t-elle pas de déstructurer la politique


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

nationale d'aménagement du territoire ? A partir de là, n'y aura-t-il pas une sorte d'inégalité de traitement de nos concitoyens au regard des dispositions législatives ? Réfléchissez-y et vous ne pourrez que conclure que, sans élément de référence nationale, des éléments d'iné galité vis-à-vis de la loi peuvent apparaître.

L'article 2 de votre projet de loi, madame, ne fait pas état d'une manière suffisamment précise de l'égalité d'accès de chacun des citoyens aux différents services publics.

Et cela aussi peut être un élément d'inégalité.

Vous voulez des arguments juridiques en faveur de l'exception d'irrecevabilité ? Eh bien ! Je viens de vous en donner deux que M. Vasseur, passionné qu'il était par la prime d'aménagement du territoire, n'a pas évoqués luimême.

Au surplus, vous avez complètement oublié le Parlement ! Il n'existe plus pour définir la politique d'aménagement du territoire des vingt ans qui viennent.

Peut-on être fier de voter un texte qui supprime le rôle du Parlement et qui n'aura même pas son mot à dire sur la mise en place des schémas de services collectifs que vous voulez créer ? Bien évidemment non ! Moi, je dis que le rôle du Parlement est en l'occurrence de rétablir un vote indispensable à la suite d'un débat sur l'aménagement du territoire, qu'il s'agisse d'un schéma national ou des schémas de services collectifs.

Comment peut-on laisser l'administration se substituer au pouvoir politique en décidant de ce qui sera fait pour vingt ans sur le territoire ? Mesdames, messieurs les parlementaires, je vous le demande : n'est-ce pas à nous d'en décider ? Est-ce à l'administration de le faire à notre place par décret ? Je soutiens qu'il y a un détournement du rôle du Parlement, qui sera également source d'inégalités.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Vasseur a défendu une exception d'irrecevabilité...

M. Jean-Louis Debré.

Avec talent !

M. Félix Leyzour.

Il a parlé longuement, et même très longuement. (« Trop longuement ! » sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Ici, lorsqu'un orateur parle longuement, il tient nécessairement des propos qui, sur tel ou tel problème, recoupe nécessairement des observations que certains d'entre nous peuvent faire.

M. Jean-Louis Debré.

Ça y est : il va s'inscrire à l'UDF !

M. Félix Leyzour.

Mais il est dommage qu'il ait noyé ses propos dans un long discours fleuve charriant tous les clichés de la défense d'une politique qui a été rejetée par le pays il y a quelque temps.

M. Yves Deniaud.

Elle reviendra !

M. Félix Leyzour.

Nous l'avons connu meilleur en d'autres occasions. Le ton employé, qui traduit un peu trop de suffisance, n'a pas su donner de la crédibilité à un tel discours.

M. Jean-Louis Debré.

Ne donnez pas de leçon !

M. Félix Leyzour.

En tout cas, M. Vasseur n'a pas démontré que le projet qui nous est soumis était irrecevable. Il nous a simplement demandé, comme après lui

M. Ollier, pourquoi on n'appliquerait pas la loi existante, c'est-à-dire la loi Pasqua-Balladur. Mais il ne nous a pas dit pourquoi ceux qui ont soutenu cette loi ne l'avaient pas appliqué dans ses dispositions essentielles de 1995 à 1997 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Philippe Vasseur.

M. Ollier vous a répondu par avance !

M. Félix Leyzour.

Si cette loi n'a pas été appliquée, il est évidemment nécessaire de discuter d'un nouveau projet de loi...

Mme Michèle Alliot-Marie.

Il faudrait peut-être étudier ses dossiers avant de parler !

M. Félix Leyzour.

Le moment est maintenant venu d'entamer cette discussion, de l'enrichir, d'amender le texte proposé. C'est la raison pour laquelle le groupe communiste estime qu'il faut rejeter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Je voudrais d'abord remercier notre collègue Félix Leyzour d'être revenu sur ce qui motiverait la majorité à vouloir absolument décapiter la loi Pasqua de 1995 sur le billot de l'équilibre politique de la majorité plurielle.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est impossible : cette loi n'a pas de tête !

M. Maurice Leroy.

On n'a cessé de nous dire, comme M. Balligand tout à l'heure, qu'il convient de la supprimer parce qu'elle n'a pas été appliquée.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Elle est inapplicable !

M. Maurice Leroy.

Il faudrait peut-être, dans cet hémicycle, par-delà les différents clivages, que l'on sache s'écouter.

Patrick Ollier a quelques qualités pour dire ce qu'il a dit, puisqu'il fut l'excellent rapporteur du texte de 1995.

Comme beaucoup de rapporteurs, il a suivi son application. Voulant être aussi précis que lui, je rappellerai que la loi Pasqua, prétendument non appliquée, n'a fait l'objet de rien de moins que de 43 décrets d'application et de 51 arrêtés, circulaires et instructions.

M. Bernard Roman.

M. Ollier a avancé le chiffre de 102 !

M. Maurice Leroy.

Avouez que, pour une loi non appliquée, cela fait pas mal de textes d'application ! Voilà pour la forme.

Quant au fond, madame la ministre, on sent un peu votre embarras et l'on s'interroge sur la ligne que vous vous fixez.

Vous nous affirmez que vous voulez revenir sur la loi Pasqua. Soit ! C'est votre droit, vous disposez de la majorité pour le faire clairement. A cet égard, je rends hommage à la cohérence de M. Balligand, qui avait combattu la loi Pasqua, et qui continue dans cette voie. Mais je ne peux rendre hommage à la vôtre, madame la ministre, car vous nous avez dit, à la tribune, que nous devions être rassurés puisque l'essentiel de la loi Pasqua demeurait.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

M. Bernard Roman.

Mais non !

M. Maurice Leroy.

Alors, faites mieux encore ! Renforcez la loi Pasqua puisque vous en avez conservé, ditesvous, les principales dispositions.

Mme Nicole Bricq.

La loi Pasqua n'a pas fonctionnée !

M. Alain Cacheux.

C'est sûr !

M. Maurice Leroy.

Deux conceptions s'opposent. La vôtre, madame la ministre...

M. Jean-Louis Debré.

Et celle de Cohn-Bendit !

M. Maurice Leroy.

Elles se rejoignent...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Quant à Pasqua, il s'inscrit sans doute dans une logique européenne !

M. Maurice Leroy.

Deux conceptions s'opposent, disais-je : l'une - la vôtre, madame la ministre - consiste à opposer le village planétaire à nos villages millénaires deux visions aussi illusoires l'une que l'autre, cher monsieur Balligand.

Nous considérons, quant à nous, qu'il faut conjuguer l'urbain et le rural...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Et l'européen !

M. Maurice Leroy.

... et que chaque espace à une fonction. De même, nous estimons que c'est une utilisation cohérente de l'ensemble qui favorise un progrès harmonieusement réparti sur tous nos territoires.

M. Marcel Rogemont.

Belles paroles !

M. Maurice Leroy.

... et que chaque espace a une fonction. De même, nous estimons que c'est une utilisation cohérente de l'ensemble qui favorise un progrès harmonieusement réparti sur tous nos territoires.

M. Marcel Rogemont.

Belles paroles !

M. Maurice Leroy.

« Belles paroles ! », dites-vous. Mais si le projet de loi tel qu'il nous est soumis est si merveilleux, expliquez-moi pourquoi vous avez été contraint d'adopter - pardonnez-moi de le rappeler, monsieur le rapporteur - un peu plus d'une centaine d'amendements ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)

M. Bernard Roman.

Parce que nous travaillons, nous, monsieur !

M. Maurice Leroy.

Vous parliez même tout à l'heure de cent cinquante amendements...

M. Bernard Roman.

C'est le rôle du Parlement !

M. Maurice Leroy.

... et cela prouve que le texte n'est pas, en l'état, si merveilleux. C'est vous qui décidez, et cette procédure me convient. Je dirai même qu'il faudrait plus encore de Balligand dans le texte ! (Sourires.)

M. Alain Cacheux.

M. Leroy est balliganiste !

M. Maurice Leroy.

Continuez donc de déposer des amendements ! (Sourires.)

Cela dit, vous commettez à mon sens une grave erreur en déclarant l'urgence sur un projet de loi qui nécessite une réelle concertation, notamment avec tous les acteurs locaux.

M. Yves Cochet.

Cette concertation a eu lieu !

M. Maurice Leroy.

La loi existante serait, à vous entendre, « trop ruraliste ». Un peu de bon sens, mes chers collègues ! Le monde rural n'aspire en rien à être une réserve de Sioux !

M. Patrick Ollier.

Très juste !

M. Maurice Leroy.

Doit-on continuer à tout concentrer dans nos villes ? Il serait préférable que vous prévoyiez immédiatement, avec votre texte, une politique de la ville puissance 100 par rapport à ce que vous nous préparez.

Sinon, la politique de la ville sera sans fond, comme le tonneau des Danaïdes, et vous n'aurez pas assez de crédits pour résoudre les problèmes que nous allons vivre dans nos cités.

Vous avez raison, monsieur Balligand : il faut arrêter de concentrer un certain nombre d'activités dans les Hauts-de-Seine ou la région parisienne en général. Il faut les répartir sur l'ensemble de notre territoire, comme cela a été fait, assez habilement, en Allemagne : un maillage de PME-PMI est nécessaire sur l'ensemble du territoire.

C'est en ce sens qu'il faudrait agir...

M. le président.

Monsieur Leroy, il vous faut conclure !

M. Maurice Leroy.

Je vais conclure, monsieur le président.

L'enjeu de la reconquête du territoire est fondamental.

A travers un modèle d'occupation du territoire, il s'agit bel et bien de construire la France du

XXIe siècle.

Sait-on que 70 % des communes entretiennent 80 % de l'espace français avec seulement 8 % des ressources des budgets communaux ?

M. François Sauvadet.

Voilà un point qui n'est pas mineur !

M. Maurice Leroy.

Cela représente moins de 4 milliards de francs pour plus de 400 000 kilomètres carrés. Ce miracle quotidien, la France le doit d'abord au dévouement de ses 300 000 élus locaux.

M. François Sauvadet.

Bravo !

M. Maurice Leroy.

Irrecevable aussi, le saucissonnage que l'on nous impose avec la loi Chevènement à venir et la loi Zuccarelli, que l'on ne voit toujours pas venir.

Nous aurions besoin d'un projet global cohérent.

Pour toutes ces raisons de fond et parce que nous considérons que l'égalité de tous devant les services publics est l'un des éléments constitutifs de la citoyenneté, le groupe de l'UDF votera l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Cacheux.

Il est rentré dans le rang !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

J'ai écouté M. Vasseur avec attention et j'ai relevé les propos alarmistes qu'il a tenus.

Il s'en est cependant expliqué : notre collègue voulait s'adresser directement à la campagne, aux élus ruraux, pour les inquiéter.

M. Philippe Vasseur.

Non ! La PAT concerne les villes !

M. Patrick Ollier.

Vous n'avez rien compris !

M. Jean-Michel Marchand.

Or je ne pense pas qu'ils aient des raisons de s'inquiéter alors que nous préconisons que les pays deviennent des territoires de projets et que les acteurs de terrain puissent prendre leur avenir en main.

(Exclamations sur les bancs du Rassemblement pour la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 JANVIER 1999

République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Vasseur.

Il n'y a pas que les villes : il y a aussi les campagnes !

M. Jean-Michel Marchand.

Votre texte, madame la ministre, place, me semble-t-il, par rapport à la loi Pasqua, le curseur à son juste niveau.

Il existe une réalité incontournable : plus de 80 % de la population habitent aujourd'hui dans les agglomérations.

M. Patrick Ollier.

Et il faut laisser faire ?

M. Jean-Michel Marchand.

Comme M. Balligand, je pense qu'il faudra faire en sorte que se mettent en place des communautés d'agglomérations et faire vivre des intercommunalités qui, pour l'instant, ne se développent pas.

M. Maurice Leroy.

Vous êtes un vrai libéral, monsieur Marchand : il faut laisser faire !

M. Jean-Michel Marchand.

J'ai entendu des propos inquiétants.

Monsieur Vasseur, vous avez parlé de « développement durable », mais je ne pense pas que vous en donniez la même définition que nous, car vous écartez rapidement la prise en compte de l'environnement. Vous ne voyez pas d'inconvénient à ce que l'environnement ne reste, comme c'est bien trop souvent le cas, qu'un critère d'ajustement économique.

J'ai également entendu des déclarations incantatoires en faveur de l'implantation d'infrastructures et d'équipements comme seul facteur de développement.

Nous avons en ce qui nous concerne une autre ambition : faire vivre la démocratie, permettre une participation citoyenne, aménager le territoire...

Mme Michèle Alliot-Marie.

Quel verbiage !

M. Jean-Michel Marchand.

... tout en ayant le souci de le ménager.

Pour toutes ces raisons, le groupe RCV ne votera pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité présentée par M. Rossi.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1071, d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : M. Philippe Duron, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1288).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT