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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Souhaits de bienvenue à l'équipage de la mission spatiale STS-95 (p. 117).

2. Questions au Gouvernement (p. 117).

PROBLÈMES AGRICOLES DANS L'OUEST (p. 117)

MM. MM. Alain Tourret, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

PRÉRETRAITES DANS LE SECTEUR AUTOMOBILE (p. 118)

M. Claude Billard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RETRAITEMENT DES DÉCHETS

NUCLÉAIRES ALLEMANDS (p. 118)

MM. Patrice Carvalho, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

INDUSTRIE NUCLÉAIRE (p. 119)

MM. Claude Gatignol, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

APPLICATION DES 35 HEURES À EDF (p. 120)

M. Pierre Méhaignerie, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

JEUX VIDÉO DANGEREUX (p. 121)

Mmes Martine Aurillac, Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE (p. 122)

MM. Charles Miossec, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE (p. 123)

MM. Pierre Lellouche, Lionel Jospin, Premier ministre.

SITUATION DE LA FILIÈRE PORCINE (p. 124)

MM. Didier Chouat, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

SITUATION DES HARKIS (p. 125)

Mmes Hélène Mignon, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DÉMOCRATISATION DE L'ACCÈS AU WEB (p. 126)

MM. René Mangin, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PLAN DE LICENCIEMENT À LA SEITA (p. 126)

MM. Gérard Gouzes, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Suspension et reprise de la séance (p. 127)

3. Dépôt du rapport de la Cour des comptes (p. 127).

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances.

Prise d'acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes.

Suspension et reprise de la séance (p. 130)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

4. Aménagement du territoire. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 130).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 130)

MM. André Angot, Ernest Moutoussamy, Mme Marie-Thérèse Boisseau,

MM. Jean-Claude Daniel, Paul Patriarche, Jean-Jacques Filleul, Yves Deniaud, Maurice Ligot, François Brottes, Jean Proriol, Yves Dauge, Patrice Martin-Lalande, Alain Cacheux, Marc-Philippe Daubresse, André Vauchez, Michel Meylan, Jean-Paul Chanteguet, Jean-Claude Lemoine, Pierre Cohen, Yves Fromion, Mme Christiane Taubira-Delannon,

MM. Henry Chabert, Henri Nayrou, Thierry Mariani, Mme Martine Lignières-Cassou.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance

5. Ordre du jour de la prochaine séance.

(p. 157).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE À L'ÉQUIPAGE DE LA MISSION SPATIALE STS-95

M. le président.

Mes chers collègues, je salue la présence dans les tribunes de l'équipage de la mission spatiale STS-95, invité par le groupe parlementaire de l'espace, et, en particulier, d'un homme dont le parcours a fait rêver nombre d'entre nous, le sénateur John Glenn.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

Comme je le lui ai dit, il donnera encore un peu plus de hauteur à nos travaux. (Sourires.)

2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe Radical, Citoyen et Vert.

PROBLÈMES AGRICOLES DANS L'OUEST

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Une question terre à terre, et pas tellement dans l'espace, pour M. le ministre de l'agriculture ! (Exclamations sur divers bancs.)

Monsieur le ministre, la France de l'Ouest connaît actuellement deux crises majeures qui, sur le plan agricole, opposent agriculteurs et consommateurs, d'une part, agriculteurs et habitants des campagnes, d'autre part.

Nous pensions avoir éradiqué la vache folle, autrement dit l'encéphalite spongiforme bovine. Or les nouveaux cas se multiplient : cinquante-deux depuis 1990, dont quarante-trois pour l'Ouest, douze pour la Basse-Normandie, le dernier s'étant déclaré il y a quelques jours dans l'Orne. Pourtant, chaque fois, l'ensemble du troupeau est abattu. Les éleveurs sont les premières victimes. La filière bovine est inquiète et les consommateurs se détournent de la viande de boeuf.

On nous assure que les vaches nées après 1996, mais seulement celles-ci, pourraient être, en théorie, à l'abri de toute contamination, à partir du moment où les tissus à risque et les animaux suspects seront retirés de la chaîne alimentaire. Votre ministère compte-t-il prendre de nouvelles mesures pour hâter la fin de ce drame, vécu comme tel par le monde rural ? La crise du porc s'ajoute bien évidemment aux difficultés de la filière bovine. Elle se greffe sur l'opposition p arfois viscérale des habitants des campagnes, qui rejettent la présence de l'élevage industriel, et souvent même d'élevages artisanaux.

Il est désormais indispensable de soumettre à autorisation, et non pas à simple déclaration, toute demande d'élevage de plus de 100 porcs, le chiffre de 450 actuellement retenu paraissant démesuré. De même, il apparaît indispensable de soumettre toute demande concernant une nouvelle installation de porcherie à une étude d'impact préalable, afin de respecter l'environnement et en particulier les eaux et les sources. Faute de quoi, le fossé se creusera un peu plus entre éleveurs et habitants.

Le Gouvernement est-il prêt à revoir le système d'installation des porcheries ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, vous m'interrogez sur deux sujets d'actualité et d'intensité presque égales. Dans la mesure où il y aura une autre question sur la crise porcine, je vais vous répondre sur l'ESB et je détaillerai les mesures concernant la crise porcine tout à l'heure.

Les cas que vous signalez, qui n'échappent évidemment pas au contrôle et à l'observation de mes services, correspondent à ce que l'on appelle les NAIF, c'est-à-dire les bêtes nées après l'interdiction des farines, au deuxième semestre de 1996. Compte tenu des délais d'incubation, nous savions que nous étions exposés à connaître de tels cas pendant un délai estimé à quatre ou cinq ans.

Ces cas font l'objet de traitements particuliers, en particulier l'abattage du troupeau considéré, mais aussi d'une observation scientifique aussi scrupuleuse et systématique que possible. Un comité interministériel d'observation de l'évolution de l'ESB en France, dit comité Dormont, doit rendre un avis en février 1999, c'est-à-dire dans quelques semaines. Nous attendons ses conclusions pour savoir si nous devons adapter notre réglementation et notre dispositif.

Au-delà des dispositions nationales, il y a surtout ce que nous pouvons faire au niveau européen. La question du traitement de l'ESB a fait l'objet de plusieurs échanges au niveau de la Commission et du Conseil agricole. Nous devons en reparler au Conseil agricole dans les mois qui viennent.

Ce qui guide, en tout cas, le gouvernement français dans cette affaire, c'est le respect scrupuleux du principe de plus grande précaution. Nous ne dérogerons pas à cette règle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

PRÉRETRAITES DANS LE SECTEUR AUTOMOBILE

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La presse se fait l'écho de l'accord qu'aurait donné le Gouvernement pour une enveloppe financière permettant 43 000 départs en préretraite contre l'embauche de 12 000 jeunes, et qui concernerait les salariés de PSA et de Renault âgés de cinquante-six ou cinquante-sept ans, ce qui, concrètement, se traduirait par 31 000 suppressions d'emplois.

Il est effectivement nécessaire que les salariés ayant des conditions de travail particulièrement difficiles, dures, pénibles puissent partir en retraite dès l'âge de cinquantecinq ans s'ils le souhaitent. Nous comprenons et nous partageons cette aspiration légitime. Dans le cadre d'une politique efficace en matière d'emploi, il apparaît plus que souhaitable qu'il y ait au moins une embauche pour un départ.

Alors que le patronat de l'automobile a, pendant de longues années, multiplié les plans de licenciement et encouragé la précarité, il souhaiterait aujourd'hui bénéficier de la manne gouvernementale qui, selon la presse, s'éleverait à 60 000 francs par départ. C'est dans ce cadre qu'il se dit prêt à négocier la réduction du temps de travail, cadre qu'il aurait fixé auparavant, mettant ainsi les salariés et leurs organisations syndicales devant le fait accompli.

Le Gouvernement a-t-il donné son accord pour un tel engagement financier de l'Etat sans contrepartie réelle en matière d'emploi ? Quelle appréciation portez-vous sur ces mesures sur lesquelles les syndicat n'ont apparemment pas été consultés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, il ne faut pas croire tout ce qu'on lit, heureusement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ni sur le fond ni sur les chiffres. Rien de ce qui est écrit n'est aujourd'hui fondé. Je tiens à vous dire les choses telles qu'elles se sont passées, comme j'ai d'ailleurs été amenée à le faire à pl usieurs reprises devant la représentation nationale.

Nous savons tous que le secteur automobile est depuis quinze ans soumis à un double problème d'emploi : des sureffectifs traités par des licenciements par milliers chaque année à la suite de gains de productivité et d'un marché à moyen terme en faible croissance, et un problème majeur de pyramide des âges qui pose un problème de compétitivité lié au fait qu'aucune réponse structurelle n'a été mise en place depuis des années.

Aussi, dès septembre 1997 et à plusieurs reprises dans l'année 1998, j'ai prévenu les constructeurs que l'Etat ne ferait plus ce qu'il fait depuis quinze ans, c'est-à-dire financer pour un milliard par an en moyenne des départs en préretraite que la collectivité finance alors qu'il n'y a aucune embauche en contrepartie et que les problèmes structurels ne sont pas résolus.

J'ai toujours expliqué aux constructeurs, et vous remarquerez que nous n'avons pas eu de plans sociaux cette année, que l'Etat ne mettrait une aide sur la table, dans le cadre, bien évidemment, de notre législation et de nos engagements européens, qu'à une double condition : le plan préparé et négocié avec les syndicats doit être un plan d'ensemble cohérent qui traite la durée du travail, l'organisation du travail, la formation, le départ des salariés âgés ayant eu des conditions de travail difficiles en contrepartie d'embauche de jeunes, les montants de l'aide ne pouvant en aucun cas dépasser ceux consentis jusqu'à présent et n'étant donc bien évidemment pas ceux annoncés depuis deux jours dans les journaux ; par ailleurs, et les constructeurs sont d'accord, nous ne parlerons des modalités que lorqu'il y aura eu accord avec les organisations syndicales. Sachez que les syndicats de la fédération de la métallurgie ont été reçus par mon cabinet et ont entendu le même langage.

Voilà donc où nous en sommes aujourd'hui. Je me réjouis de voir que les constructeurs vont engager des négociations, PSA demain, Renault au début de février.

Je crois comprendre qu'elles seront globales. J'en attends, comme vous, les résultats pour vérifier qu'elles sont bien cohérentes, qu'elles traitent tous les aspects et qu'elles règlent des problèmes structurels. Ce n'est qu'après que nous verrons ce que l'Etat peut apporter. L'aide, je le répète, ne peut dépasser ce qu'elle a été les années pré cédentes, et doit se situer dans le cadre de nos engagements européens.

Je crois que nous avons le même objectif et je crois d'ailleurs que nous avons été entendus par les constructeurs. J'attends maintenant le résultat des négociations.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

RETRAITEMENT DES DE

CHETS NUCLÉAIRES ALLEMANDS

M. le président.

La parole est à M. Patrice Carvalho, pour une courte question.

M. Patrice Carvalho.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le Gouvernement allemand a décidé d'interdire le retraitement de ses déchets nucléaires à partir du 1er janvier 2000. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Voynet !

M. Patrice Carvalho.

Bonn se donne douze mois pour négocier avec les gouvernements des pays concernés les conséquences de cette décision.

Des contrats importants sont rompus avec l'usine de retraitement de la COGEMA à La Hague.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Scandaleux !

M. Patrice Carvalho.

Le manque à gagner serait de 30 milliards de francs sur dix ans, sans compter le coût social auquel notre pays devra faire face pour indemniser les salariés au chômage.

Le gouvernement allemand annonce refuser toute indemnisation. Les motifs invoqués par le ministre de l'environnement Juergen Trittin ne sont pas recevables.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement allemand doit assumer les conséquences de ses actes pour le présent et l'avenir.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Patrice Carvalho.

Le gouvernement français doit faire preuve de la plus grande fermeté et obtenir réparation pour les pertes subies par la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Quant aux stocks allemands de déchets nucléaires entreposés sur le site de la Manche depuis leur retraitement, leur rapatriement devrait attendre la construction d'un lieu de stockage sûr. Est-ce à l'Allemagne d'en décider ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendant et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie, pour une réponse courte.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, l'arrêt du retraitement des déchets nucléaires décidé par la coalition au gouvernement en Allemagne soulève de nombreuses inquiétudes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), en particulier en terme d'emplois, chez les salariés de la COGEMA.

M. Bernard Accoyer.

Voynet !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Comme vous, on le comprend aisément ! Cette inquiétude légitime a conduit à quelques débordements physiques et verbaux choquants hier, à l'occasion du déplacement à Cherbourg d'un représentant d'un parti politique. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le nucléaire est une chose trop sérieuse pour prétendre ne relever que de la polémique médiatisée, chacun en conviendra. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Cette industrie, qui est aussi la plus surveillée du monde, a fait ses preuves au plan technique,...

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... mais une confiance durable dans cette forme d'énergie, confiance aujourd'hui accordée très majoritairement par l'opinion française,...

M. Yves Fromion.

Bravo ! Nous sommes d'accord !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... ne peut être confortée que si s'établit une véritable transparence : transparence technologique - c'est l'objet du futur projet de loi décidé par le Premier ministre le 9 décembre dernier -, et transparence politique : c'est l'objet du débat organisé demain devant l'Assemblée nationale sur la politique énergétique. Ce thème de la transparence doit d'ailleurs transcender les clivages politiques, quels qu'ils soient.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

S'agissant de nos relations avec l'Allemagne, le Gouvernement, à plusieurs occasions, et encore très récemment, a rappelé que, s'il ne remettait pas en cause les choix souverains de l'Allemagne en matière de politique économique et énergétique, il n'en attendait pas moins que le droit international soit intégralement respecté.

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je ne reviendrai pas sur la réponse que j'ai faite hier. Le gouvernement allemand a à faire face à des questions difficiles...

M. René André.

C'est lui qui les a créées.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... pour lesquelles il recherche actuellement des solutions appropriées.

M. Pierre Lellouche.

Qu'il tienne sa parole !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Lui en donner le temps n'est pas signe de faiblesse de notre part, mais, au contraire, de détermination et d'efficacité.

M. Pierre Lellouche.

Réparation !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je ne doute pas que, dans le cadre de négociation défini il y a quelques semaines à Potsdam par les chefs d'Etat et de gouvernement, nous puissions aplanir les divergences et définir un compromis mutuellement acceptable.

Enfin, si je comprends le désarroi des salariés des industries nucléaires - le Gouvernement leur rend hommage (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour leurs compétences, leur savoirfaire et la réussite de cette filière, et ils ne méritent pas ce qu'ils vivent comme une sanction -, il est beaucoup trop tôt pour évoquer les conséquences sociales de la décision de notre partenaire allemand, alors même que la loi correspondante n'a pas été présentée au Parlement, n'a pas été discutée avec les électriciens et n'est pas encore formulée, ne serait-ce que dans ses principes.

Je reste confiant sur notre capacité à tous de trouver une solution acceptable. Le Gouvernement défend et continuera à défendre nos salariés, nos entreprises, les intérêts économiques et technologiques de la politique énergétique française. Soyez-en certains, le Gouvernement se bat pour cette magnifique filière énergétique.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

INDUSTRIE NUCLÉAIRE

M. le président.

La parole est à M. Claude Gatignol.

M. Claude Gatignol.

Monsieur le Premier ministre, c'est à vous que j'adresse ma question puisqu'elle concerne ce pilier important de la politique de la France, les choix énergétiques et la filière nucléaire française.

Il y a un an, vous avez arrêté Superphénix pour faire plaisir aux Verts de votre majorité.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Scandaleux !

M. Claude Gatignol.

Il y a trois mois, vous avez a pplaudi aux résultats des élections allemandes qui créaient, à l'image des vôtres, des alliances dangereuses - on voit le résultat aujourd'hui.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Il y a huit jours, vos amis politiques du gouvernement allemand, cédant aux injonctions des Grnen , ont décidé d'arrêter le traitement des combustibles nucléaires usés, et cela au mépris des accords de 1990 visés par les gouvernements. C'est un bien mauvais exemple de coopération européenne ! Hier, lançant sa campagne électorale en Normandie, le chef franco-allemand de la liste verte en France (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) est venu se moquer, et le mot est faible, des travailleurs du Cotentin, pas simplement de COGEMA, mais aussi d'EDF, de la SNCF et des centaines de PME qui font de la sous-traitance. Il n'était pas seul, monsieur le Premier ministre. Il était accompagné p ar plusieurs membres de votre majorité plurielle.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La population du Cotentin a su lui réserver l'accueil qu'il convenait et a su démontrer en ces circonstances qu'elle n'était pas du tout du côté qui joue contre la France.

(Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical Citoyen et Vert.)

Hier, Beaumont-Hague, à l'image de la Normandie, était ville morte.

M. Yves Fromion.

Bravo !

M. Claude Gatignol.

Trop, c'est trop ! L'ambiguïté doit cesser, monsieur le Premier ministre. Allez-vous laisser se développer cette campagne de suspicion, ce matraquage envers une industrie française de haute technologie, hypercontrôlée, qui est source de milliers d'emplois, qui génère des marchés considérables à l'exportation et qui a donné à la France à la fois l'indépendance énergétique et le prix d'excellence pour l'environnement ? Qu'attendez-vous, monsieur le Premier ministre, pour faire preuve de véritable fermeté dans des négociations ouvertes sur ce sujet et à votre demande en conseil des ministres européens ? Si ce n'est pas le cas, j'ai bien peur que le Cotentin ne devienne, après vos décisions sur l'arsenal de Cherbourg et l'hôpital maritime, l'image d'une France sinistrée, et que vous ne soyez à la fois le fossoyeur du nucléaire français et le casseur de la croissance européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une réponse courte. (« Voynet ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, je n'ai pas à juger ici des déplacements d'une personnalité politique qui va défendre ses idées dans des endroits où, visiblement, elle rencontre des contradicteurs (Rires.)

Je ne porte pas de jugement non plus sur la façon dont les personnes qui viennent écouter ses discours les apprécient ou non, sauf que le Gouvernement ne saurait, en aucune manière, s'associer à des manifestations de violence de quelque origine qu'elles puissent provenir. Nous sommes un pays dans lequel les idées peuvent librement s'exprimer. Cela continuera à être le cas.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.) Sur le fond, monsieur le député, n'ayez crainte, le Gouvernement a affirmé à plusieurs reprises quelle était sa politique énergétique.

Parmi les dates successives que vous avez rappelées, vous en avez oublié quelques-unes...

M. Yves Nicolin.

Visiblement, le Gouvernement n'a pas été clair ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... dont celle, il y a à peine quelques semaines, où ont enfin été prises les décisions concernant les laboratoires souterrains, lesquelles étaient attendues depuis le vote de la loi de 1991.

Dans ces conditions, je vous le répète de la façon la plus claire : la politique du Gouvernement n'est en aucune manière d'affaiblir le nucléaire.

M. Yves Fromion.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Comme vous l'avez dit - et je vous rejoins sur ce point -, c'est une grande force technologique et une grande force énergétique. Au bout du compte, c'est un avantage pour l'environnement en matière d'émissions de gaz carbonique et c'est une force de notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) S'agissant du différend qui est né avec nos voisins allemands, ceux-ci ont souverainement pris une décision.

M. Yves Nicolin.

Expliquez-le à Voynet !

M. Charles Cova.

Ce sont eux qui polluent le plus ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Des contrats commerciaux et des accords intergouvernementaux existent. Nous ferons en sorte, de façon bilatérale - et non pas, comme vous l'avez dit, à l'échelon européen, car c'est bien une question bilatérale - que ceux-ci soient respectés, ou que, d'une manière ou d'une autre, des compensations soient accordées. Cela est traditionnel en matière contractuelle. En aucun cas, le Gouvernement n'a l'intention de faiblir et de laisser la filière nucléaire dépérir.

M. Jacques Myard.

Rappelez-le à Voynet ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous ne trouverez pas la possibilité d'enfoncer un coin dans le Gouvernement : la politique énergétique que nous suivons à été clairement définie.

M. Jean-Jacques Guillet.

Parlez-en à Voynet ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les opinions sont libres. La vôtre aussi d'ailleurs.

Mais ne croyez en aucune manière que, sur ce sujet-là, vous pourrez mettre le Gouvernement en position de faiblesse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Nicolin.

Il faut l'expliquer à Voynet !

M. le président.

Nous passons au groupe UDF.

APPLICATION DES 35 HEURES À EDF

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Monsieur le Premier ministre, la décision du Gouvernement - celle-là effective et non virtuelle - de consacrer 560 millions d'argent public à un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

secteur protégé, celui d'EDF (« Ah ! » sur les bancs du groupe communiste), pour permettre le maintien des salaires et de payer les 35 heures 39 et les 32 heures quasiment 39 est lourde de conséquences financières mais aussi source de déséquilibres croissants entre les deux France : la France protégée et la France soumise à la concurrence internationale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Alors, je vous poserai deux questions. Comment pourrez-vous refuser demain les mêmes avantages - avec les conséquences financières qui en découlent - aux quatre millions de salariés du secteur hospitalier...

M. Denis Jacquat.

Absolument !

M. Pierre Méhaignerie.

... des collectivités locales et des administrations publiques ? (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ma deuxième question a trait aux inégalités croissantes entre les deux Frances.

Dans chacune de nos circonscriptions, des milliers d'hommes et de femmes qui travaillent dans les PME, dans le bâtiment, dans l'artisanat et dans l'industrie n'ont, contrairement aux salariés des secteurs protégés, ni les mêmes salaires, ni les mêmes retraites, ni la même sécurité de l'emploi, ni le bénéfice de la retraite à cinquante-cinq ans. Ne croyez-vous pas que, sur le plan social, ces 560 millions de francs auraient été mieux utilisés pour réduire les disparités sociales entre les deux France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je vous répéterai aujourd'hui ce que j'ai déjà dit hier : ...

M. Yves Fromion.

Aucun intérêt !

M. Didier Boulaud.

M. Méhaignerie n'était pas là, il passait les plats à l'Elysée ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... aucune décision n'a été prise pour aider financièrement EDF à réduire la durée du travail. D'ailleurs, comme vous le savez, EDF, comme les entreprises publiques, ne fait pas partie du champ d'application de la loi, laquelle ouvre cette possibilité d'aides incitatives. Aucune aide incitative n'a été apportée à EDF pour réduire la durée du travail. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Du reste, les entreprises publiques ne font pas toutes partie du secteur protégé. Je prendrai l'exemple d'Air France, ...

M. Yves Fromion.

Et les 20 milliards !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui a négocié elle aussi la réduction de la durée du travail.

En revanche, nous l'avons toujours dit, nous envisagerons le problème de la durée du travail dans les entreprises publiques dans le cadre global des rapports avec l'Etat. Et lorsque l'aide structurelle sera mise en place pour l'ensemble des salariés - cela n'est pas encore le cas et doit être discuté devant le Parlement -, nous verrons comment nous traiterons le problème des entreprises publiques.

Je suis désolée que la presse évoque des chiffres qui n'existent pas : il n'y a pas d'aides incitatives à la réduction de la durée du travail à EDF. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Comme vous, monsieur le député, je partage l'idée selon laquelle nous devons réduire les différences et les inégalités entre les salariés des différentes entreprises. Je me réjouis d'ailleurs que 40 % des accords actuellement signés concernent des entreprises de moins de vingt salariés.

M. Yves Nicolin.

Elles sont obligées de le faire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ces accords vont permettre ainsi d'améliorer les conditions de travail de ces salariés et de contribuer à une meilleure articulation entre leur vie familiale et leur vie professionnelle.

Dans quelques jours, j'étendrai un certain nombre d'accords de branche à des branches comportant nombre de petites entreprises. Nous pourrons alors constater une amélioration.

Je vous renvoie par ailleurs à un prochain projet de loi que nous discuterons ensemble sur la couverture maladie universelle. Vous pourrez voir que seront concernées non seulement des personnes exclues mais aussi des salariés à faible revenu : ils auront un accès aux soins gratuits dans notre pays.

M. Yves Nicolin.

Hors sujet !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vous dire que, quel que soit le terrain, les salariés des petites entreprises font partie des priorités du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe RPR.

JEUX VIDÉO DANGEREUX

M. le président.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Madame la garde des sceaux, en août dernier, vous avez été interrogée par Jacques Myard sur les dangers que présentent certains jeux vidéo, en particulier pour nos jeunes.

Vous lui aviez répondu - je cite le Journal officiel relatif aux questions écrites - que vous étiez sensible à ce sujet et que, grâce à la loi sur la délinquance sexuelle, votre administration pourrait, par arrêté motivé, interdire la vente aux mineurs de jeux particulièrement violents et toute publicité pour de tels produits. Nous espérions donc nos enfants protégés.

La fin de l'année nous a montré, hélas, que tel n'était pas le cas. Selon un article paru dans la presse, les rayons des supermarchés ont regorgé à Noël de jeux vidéo permettant d'empaler, de noyer, de torturer et d'entendre hurler ses victimes ou encore d'écraser des piétons en toute impunité.

Ma question sera simple. Elle intéresse tous les parents qui souvent ne sont pas informés du caractère violent de ces jeux et elle ne me semble pas sans rapport avec la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

montée de la violence constatée chez certains jeunes.

Quand allez-vous, madame la garde des sceaux, établir un véritable contrôle sur la diffusion de tels jeux et procéder à une véritable interdiction d'exploitation ? Quand allezvous donner des instructions à vos services pour que les sanctions pénales prévues par la loi soient appliquées aux diffuseurs de ces jeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Madame la députée, vous avez évoqué un vrai sujet qui a mobilisé l'ensemble de la direction de la concurrence et de la répression des fraudes. Nous avons eu d'abord à nous occuper du danger immédiat que provoquaient certains jeux, pas seulement pour des raisons d'éthique, de morale ou d'incitation à la violence comme vous venez de le dire, mais aussi parce que leur utilisation a entraîné des blessures. Quantité de procès-verbaux ont été dressés.

Par ailleurs, il est vrai que, en liaison avec la chancellerie, une action de fond est menée depuis la rentrée scolaire s'agissant des jeux qui constituent de véritables incitations à la violence. Un code d'éthique doit être appliqué. Vous savez que les procédures sont difficiles, mais vous savez aussi que des procédures sont en cours.

Ce que nous avons fait d'important - et l'ensemble de la représentation nationale doit avoir une fonction de relais, - à cet égard c'est de prévenir les consommateurs qu'il existe un droit en la matière. Et si les contrôleurs ne repèrent pas tous les jeux dangereux, en particulier en vidéo ou sur le Net, les consommateurs ont le droit de porter plainte : Mme la garde des sceaux s'est engagée à ce que ces plaintes soient reçues...

M. Richard Cazenave.

C'est normal ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

... alors que, autrefois, elles étaient trop souvent classées sans suite.

Il existe maintenant un certain nombre de procédures, lesquelles sont doublées de contrôles très précis : il y en a en moyenne 173 par jour qui portent sur les jeux diffusés sur le Net ou sur le Web à partir d'accès gratuits ou payants - on peut les trouver dans n'importe quelle revue hebdomadaire -, contrôles qui ont déjà donné lieu à une dizaine de mises en examen par un parquet...

M. Jean-Louis Debré.

Ce n'est pas par le parquet ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

C'est un lapsus, monsieur Debré ! Soyez assurée, madame la députée, que nous serons vigilants, car nous avons affaire à un commerce difficile.

Et nous avons surtout à prévenir les parents que leurs plaintes seront recevables et reçues. Contrairement à ce qui se passait antérieurement, des suites sont désormais données aux plaintes concernant ces jeux destinés aux enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE

M. le président.

La parole est à M. Charles Miossec.

M. Charles Miossec.

Monsieur le ministre de l'intérieur, selon diverses informations parues dans la presse, l'analyse par vos services de l'opération de régularisation des sans-papiers (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) a démontré la présence sur notre sol de 300 000 étrangers en situation irrégulière en 1997, chiffre que vous avez pourtant longtemps nié. Or, parmi ceux-ci, seulement un sur deux a fait une demande de régularisation, ce qui laisse environ 145 000 personnes en situation irrégulière et, qui plus est, non régularisable.

Dans ces conditions, allez-vous, oui ou non, procéder à l'expulsion de ces personnes ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Ou bien, contrairement au discours de fermeté souvent entendu, leur appliquerez-vous votre jurisprudence relative aux déboutés de la régularisation ? En clair, comptez-vous tout simplement ne rien faire en ne procédant pas à leur arrestation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse courte.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, aucune estimation du ministère de l'intérieur ne correspond au chiffre que vous avez cité de 300 000 étrangers en situation irrégulière.

La France est un pays qui accueille chaque année 100 millions d'étrangers, qui repartent, pour la plupart.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Il se peut qu'il y ait une marge statistique, et que certaines personnes prolongent leur séjour au-delà de la durée de leur visa... quand elles en ont un.

En fait, l'estimation à laquelle vous faites allusion a été fournie par le journal Le Monde. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous me posez la question de savoir ce que nous faisons. Je vous répondrai en deux temps.

D'une part, selon l'estimation de deux députés RPR,

M. Philibert et Mme Sauvaigo, faite dans les années 80, ...

M. Yves Nicolin.

Ils ne sont pas « députés RPR » !

M. le ministre de l'intérieur.

Bref, selon l'estimation de ces deux députés qui appartenaient à la majorité de l'époque - qui est devenue l'opposition d'aujourd'hui -, le nombre des étrangers en situation irrégulière était alors de 800 000.

M. Charles Cova.

A cause de vous !

M. le ministre de l'intérieur.

Qu'avez-vous fait à l'époque ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et d u groupe communiste.), puisque, chaque année, le nombre des étrangers reconduits était d'environ d'une dizaine de milliers.

A l'époque, le fichier AGDREF comportait 40 à 50 000 étrangers en situation irrégulière.

Et si vous n'avez rien fait, ou, plus exactement, si vous avez respecté les lois, c'est parce que les lois s'imposent à tous : on ne peut pas interpeller des gens à leur domicile, sauf perquisition ordonnée par un juge, sauf mandat délivré par un juge. Si nous ne le faisons pas, c'est tout simplement parce que nous respectons la loi, comme

M. Debré l'a respectée...


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M. Yves Nicolin.

Ce n'était pas la même loi !

M. le ministre de l'intérieur.

... et comme M. Pasqua l'a fait avant lui.

Par ailleurs, il faut tenir un équilibre entre une société policée - et nous essayons de faire en sorte qu'elle le soit - et une société policière, dont nous ne voulons pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Monsieur le Premier ministre, lors d'une interview récente accordée à un grand journal du soir, assortie, je dois le reconnaître, d'une très belle photo...

M. Jean-Pierre Brard.

Jaloux !

M. Pierre Lellouche.

... qui mettait en évidence votre profil présidentiel (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), vous avez voulu montrer votre intérêt pour les questions de politique étrangère et de défense.

Vous comprendrez donc que je vous adresse ma question puisqu'elle porte sur un dossier extrêmement important de politique industrielle de défense.

M. Jean-Pierre Brard.

Toujours modeste, Lellouche !

M. Pierre Lellouche.

Hier, vos amis politiques britanniques - décidément, vous n'avez pas de chance avec vos amis politiques, que ce soit avec les Allemands pour le nucléaire ou avec les Britanniques pour l'aéronautique (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) - ...

M. Bernard Roman.

Ridicule !

M. le président.

S'il vous plaît !

M. Pierre Lellouche.

Hier, disais-je, vos amis politiques britanniques ont fait procéder ou ont laissé procéder à un regroupement industriel extrêmement important entre le groupe British Aerospace et le groupe GEC-Marconi. La question est vraiment opportune, étant donné la présence ici de M. Glenn, qui s'y connaît en aéronautique.

Le groupe British Aerospace GEC-Marconi devient aujourd'hui le troisième groupe mondial et le premier groupe européen. Le seul problème, c'est que ce premier groupe européen est complètement « anglo-britannique » ! Autre problème : même si on parvient à regrouper Lagardère, Aerospatiale et Dassault, le groupe obtenu pèsera la moitié du groupe britannique et le quart du premier groupe américain, Lockheed-Martin.

Depuis 1945 et jusqu'à présent notre pays avait été aux avant-postes de la technologie européenne et mondiale en matière d'aéronautique, et nous en sommes ici tous fiers.

Or ce secteur industriel, qui fait vivre des centaines de milliers de personnes, qui est une source inespérée pour nos exportations, vous êtes en train de le laisser sur le bord de la route alors que s'organisent les restructurations industrielles européennes.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes au pouvoir depuis vingt mois.

M. Jacques Myard.

Déjà !

Mme Martine David.

A peine !

M. Pierre Lellouche.

Ce dossier, vous ne le découvrez pas. Des industriels français, allemands et britanniques vous l'ont dit, nombre d'entre nous vous l'ont également dit, dont moi-même il y a trois mois : il est urgent d'agir, de privatiser, d'organiser un grand bloc français allié aux Européens.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : pourquoi et comment avez-vous raté cet énorme rendezvous historique ? Que comptez-vous faire pour sortir l'industrie aéronautique française de l'impasse où vous venez de l'entraîner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, d'abord une question de méthode, je dirai même une question de principe, importante en ce qui concerne les relations entre les pays européens : je ne considère pas le Premier ministre britannique comme un ami politique, mais comme le Premier ministre de Grande-Bretagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Martine David.

Très bien !

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est pas une réponse !

M. le Premier ministre.

Monsieur Lellouche, vous posez vos questions librement et vous vous attirez les réponses libres qu'elles méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

De la même manière, lorsque le Président de la République française rencontre le Chancelier allemand, il ne rencontre pas un adversaire politique mais le Chancelier d'Allemagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). C'est ainsi que nous concevons, lui et moi - et, je pense, la majorité des élus de cette assemblée -, les relations avec nos partenaires européens, dans la fidélité à nos convictions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

On vous le rappellera à l'occasion !

M. le Premier ministre.

Toute question appelle donc réponse et toute aventure conceptuelle ou verbale peut attirer une réplique.

Sur le fond, je rappelle que les entreprises privées britanniques déterminent librement leurs choix d'alliance et que ces choix ne dépendent pas des injonctions du gouvernement français.

Nous avons en l'espèce, en tant qu'actionnaire majoritaire, laissé l'entreprise Thomson, alliée avec Alcatel parce que nous avons opéré des restructurations industrielles destinées à renforcer la main de la France dans la compétition mondiale à laquelle se livrent les secteurs de pointe ,...

M. Georges Lemoine.

Très bien !

M. le Premier ministre.

... faire une offre pour Marconi, comme l'ont fait BAE et une entreprise américaine.


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Cette décision a été prise par deux entreprises à dominante britannique, sans doute parce que, dans la conception du capitalisme anglo-saxon, GEC ne souhaitait pas qu'il y ait un partenaire de référence trop puissant. Or Thomson présentait ces caractéristiques, comme la plupart de nos grandes entreprises, d'ailleurs. En effet, c ontrairement au capitalisme anglo-saxon, nous ne sommes pas pour une dispersion pure et simple du capital. Cet élément a été, semble-t-il, pris en considération.

M. Pierre Lellouche.

Tout à fait ! Et vous resterez seuls !

M. le Premier ministre.

Je n'exclus pas non plus, sans pouvoir y décerner la part des influences politiques exercées par les gouvernements, qu'un choix britannique ait été préféré à tout autre choix.

M. François Goulard.

C'est contradictoire !

M. le Premier ministre.

Nous ne nous réjouissons pas de cette décision. Car je pense, comme l'a rappelé le ministre de la défense, que Thomson est, en ce qui concerne la recherche et la compétitivité, tout à fait à la hauteur du nouveau groupe.

Je veux être prudent mais il y a peut-être un aspect positif dans cette affaire. Si j'en juge par les premières réactions allemandes, notamment celles de DASA, la fusion entre British Aerospace, BAE, et Daimler DASA, qu'on annonçait imminente depuis plusieurs mois, et que le Gouvernement français avait prise avec réalisme et sang-froid, ne semble pas s'en trouver facilitée.

Nous avons bien l'intention - si c'est aussi la vision qu'en ont les responsables d'entreprises, le président d'Aérospatiale notamment - de voir comment, sur le terrain de l'aéronautique, décisif pour nous, et dans la perspective du changement de statut d'Airbus, ainsi qu'en tenant compte de la volonté de construire une grande industrie européenne de défense, selon les termes de la déclaration d e décembre 1997 signée par le Président de la République et par moi-même au nom de la France, ainsi que par le Chancelier allemand et le Premier ministre britannique, nous pouvons en faire un élément pour construire mais peut-être à partir d'un rapprochement franco-allemand.

Nous allons refaire des propositions en ce sens. Nous voyons en tout cas dans ce qui s'est passé des raisons d'accélérer la finalisation des discussions qui sont menées entre Matra Hautes technologies et Aérospatiale, en vue de constituer un grand groupe. Cela vous démontrera que, contrairement à l'absence de décisions constatée pendant les années précédentes, nous faisons avancer, effectivement et concrètement, les restructurations industrielles, afin de renforcer le potentiel de la France dans une perspective de construction européenne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

SITUATION DE LA FILIÈRE PORCINE

M. le président.

La parole est à M. Didier Chouat.

M. Didier Chouat.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et porte sur la crise porcine.

Avec un cours de 5,02 francs le kilo, le prix payé aux éleveurs de porcs est tombé à un niveau jamais atteint depuis la création du marché au cadran, il y a vingt-cinq ans.

Lorsqu'on sait que le prix de revient moyen d'un kilo de porc se situe autour de 9 francs chez l'éleveur pour un atelier breton moyen de 150 truies qui fait vivre un couple d'agriculteurs, la perte sur l'année 1998 est estimée à 430 000 francs. Qu'en sera-t-il pour 1999 ? La réponse ne peut consister à distribuer indéfiniment des crédits publics considérables pour compenser les pertes constatées chez tous les éleveurs.

Comme le déclarait récemment un dirigeant syndical agricole, on ne peut être libéral quand ça va bien et interventionniste quand ça va mal.

Au-delà des mesures que vous mettez en oeuvre, comme Stabiporc, les aides aux éleveurs, les restitutions, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner des précisions sur ce que vous avez décidé de faire pour aider les filières porcines françaises à surmonter cette grave crise ? Nous savons en effet qu'elle risque de remettre en cause le modèle d'élevage de taille familiale au profit des élevages industriels.

Les députés de la majorité de Bretagne, comme la plupart des éleveurs qui sont touchés de plein fouet, estiment qu'il est temps, grand temps, d'engager une vérit able maîtrise européenne de la production, en commençant par contraindre les élevages qui ont largement dépassé les effectifs d'animaux autorisés à éliminer les excédents illégaux et à se remettre aux normes, et pas seulement en Bretagne.

C'est nécessaire et urgent sur le plan économique et social d'abord, mais aussi pour prendre en compte la protection de l'environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, j'essaierai de répondre aussi brièvement que possible à votre question, qui est compliquée.

La crise que vous décrivez est si profonde qu'on ne peut plus dire qu'il s'agit d'une simple crise conjoncturelle.

C'est au contraire une crise structurelle, qui remet en cause toute l'organisation de la production porcine en France et en Europe, qui remet en cause des milliers d'exploitations. Elle mérite des réponses à la hauteur du problème.

J'indiquerai d'abord ce qui a été fait au plan national et au plan européen.

Au plan national, des mesures avaient été prises par mon prédécesseur, à hauteur de 100 millions de francs, puis il y a eu le dispositif Stabiporc. Tous les crédits ont été largement consommés.

Les crédits supplémentaires que j'avais dégagés au début du mois de décembre, soit 150 millions de francs, sont délégués dans les préfectures depuis avant-hier. Je rappelle que ce dispositif est ciblé sur les petits éleveurs, pour aider les plus petits et les plus fragiles d'entre eux à passer ce mauvais cap.

Sur le plan européen, à la demande de la France, le commissaire européen avait annoncé et fait approuver par le conseil agricole qui s'est tenu fin novembre une opération de dégagement de marché, c'est-à-dire d'exportation par intervention, notamment par le biais d'une aide alimentaire à la Russie. A cause des longs délais, le traité commercial avec la Russie doit être signé aujourd'hui ou demain et les adjudications seront effectuées aprèsdemain. Cette décision va donc devenir opérationnelle et la légère remontée des cours que nous avons constatée ces derniers mois était sans doute due à un effet d'anticipation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Restent les mesures que nous-mêmes devons prendre, et qui sont de quatre ordres. C'est à ce sujet que j'ai longuement rencontré, hier soir, la fédération et les responsables professionnels.

Nous devons d'abord faire respecter la loi dans un certain nombre de domaines. La circulaire signée par ma collègue Dominique Voynet et mon prédécesseur Louis Le Pensec, visant à faire respecter les règles environnementales dans les installations classées, a fait l'objet d'arrêtés préfectoraux d'application qui sont signés depuis lundi dernier et sont maintenant opérationnels. Nous demandons aux préfets de les mettre en oeuvre dans les départements avec beaucoup de diligence.

En second lieu, nous devons lutter contre ce que l'on appelle les truies illégales. En effet, comme vous l'avez souligné, certains éleveurs ont ouvert des installations d'élevage en restant juste en dessous du seuil de 450 animaux, afin de ne pas être soumis à la procédure d'installation classée, puis ils ont dépassé ce seuil. Les truies en surnombre sont contraires à la réglementation, provoquent une surproduction et une baisse des cours.

J'ai entendu les appels de la profession pour que l'Etat fasse preuve de beaucoup de vigilance. Le laxisme dans ce domaine se manifeste depuis des années, y compris au sein de la profession, mais, je le répète, nous avons entendu l'appel.

En troisième lieu, nous devons prendre des dispositions pour renforcer la législation. Le Parlement est saisi de la la loi d'orientation agricole, actuellement examinée par le Sénat, et qui va faire l'objet d'un examen en commission mixte paritaire. Je vais m'entretenir de ce problème avec Mme Voynet, mais nous allons sans doute renforcer le dispositif et durcir les dispositions relatives aux installations classées.

Enfin, vous avez raison, il faut s'engager dans une maîtrise de la production au niveau européen ; mais nous avons dû convaincre nos partenaires. Alors que le conseil européen auquel j'ai fait allusion avait demandé à la commission de réunir un groupe de travail sur ce thème, nous avons constaté avec dépit que, deux mois après, le commissaire ne l'avait toujours pas fait. Bien mieux : il développait la thèse que cette demande n'était formulée que par la France et que notre pays était très isolé. J'ai donc profité de la réunion du conseil des ministres de l'agriculture d'hier et d'avant-hier pour exiger que ce groupe de travail se réunisse et pour mettre en demeure l'ensemble des pays européens de manifester leur volonté de maîtriser la production porcine. Douze pays sur quinze ont voté dans ce sens et le commissaire européen a dû se plier à la règle démocratique.

Le comité de gestion spécial porc se réunira le 10 ou le 11 février prochain. Nous avons maintenant peu de temps pour faire des propositions au nom de la France et des organisations professionnelles, lesquelles ne peuvent s'en tenir aux simples discours et doivent avancer des solutions concrètes permettant de maîtriser la production au niveau européen.

Cette bataille n'est pas gagnée d'avance, mais la France et le Gouvernement français sont décidés à la livrer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SITUATION DES HARKIS

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et concerne la situation de nos compatriotes harkis et de leurs familles.

Le 27 octobre dernier, madame la ministre, vous avez indiqué devant l'Assemblée que le Gouvernement allait annoncer un plan général pour les harkis. Lors du débat sur le budget des rapatriés, le 9 novembre, M. Kouchner, en réponse à ma question, a confirmé la volonté gouvernementale de prendre en compte, par des mesures concrètes et rapides, la situation des anciens supplétifs et de leurs familles. En effet, cette population, trop longtemps ignorée, alors qu'elle a fait le choix de la France, mérite, comme vous l'avez déjà dit, une réponse de toute la nation. Une réponse que la France doit en effet à une partie de ses citoyens, malmenés par l'histoire, qui étaient Français de l'autre côté de la Méditerranée et le sont restés ici.

Les conditions de vie des harkis sont généralement précaires, puisque le revenu de la majorité d'entre eux ne dépasse pas le minimum vieillesse. Leurs enfants sont touchés par le chômage dans une proportion largement supérieure à la moyenne nationale.

Je vous demande donc avec insistance de nous indiquer quelles décisions le Gouvernement a prises pour que cette fraction attachante et souvent délaissée de la communauté française soit pleinement insérée dans la nation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, comme vous l'avez dit, la France est redevable aux harkis, qu'elle n'a pas su recevoir de manière digne alors qu'elle avait une dette envers eux.

Il faut aujourd'hui traduire totalement dans les faits ce que l'Assemblée a voté à l'unanimité en 1994, c'est-à-dire la reconnaissance de la République française à l'égard des rapatriés anciens membres de formations supplétives ou assimilés, ou victimes de la captivité en Algérie, pour les sacrifices qu'ils ont consentis.

Comme vous l'avez rappelé, les harkis de la première génération vivent aujourd'hui dans une situation précaire : 70 % d'entre eux ont un revenu inférieur ou égal au minimum vieillesse. Quant à la seconde génération, elle connaît un taux de chômage de 30 %. C'est la raison pour laquelle, dès son arrivée, le Gouvernement a pris des mesures visant tout d'abord au désendettement immobilier des harkis : celui-ci était en effet passé d'un million de francs cumulés en 1996-1997 à plus de 12 millions en 1998. L'article 101 de la loi des finances pour 1998 a ainsi suspendu les poursuites engagées par les créanciers.

En second lieu, nous avons donné des instructions aux préfets ; ceux-ci ont mis en place des cellules, qui ont permis de créer plus de 1 800 emplois en 1998 pour les harkis, dont 540 emplois-jeunes et 40 % de contrats à durée indéterminée. Mais nous devons aller plus loin et faire un effort nouveau. Une rente viagère de 9 000 francs v a être accordée à toute personne de moins de soixante ans dont le revenu est inférieur ou égal au minimum vieillesse. Les aides au logement, qui devaient disparaître, en vertu d'une décision du précédent gouvernem ent, le 30 juin 1999, sont maintenues jusqu'au 31 décembre 2000.

Enfin, s'agissant de l'emploi, nous mettons en place un pilotage national entre l'Etat et l'ANPE, en mettant un conseiller de l'agence à la disposition de chaque délégation pour les rapatriés, et en instituant un suivi indivi-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

dualisé des demandeurs d'emploi, puisque 45 départements disposeront désormais d'une cellule spécialisée pour les rapatriés.

N ous accroissons les mesures incitatives à leur embauche, en portant la convention emploi de 50 000 à 70 000 francs dès lors qu'il y a formation, et en portant l e montant de la bourse d'insertion de 6 000 à 30 000 francs.

Enfin, comme vous l'avez dit, la communauté harkie doit participer à des opérations d'intérêt national.

L'ONF recrutera plus de 100 jeunes de la communauté dans les jours qui viennent et j'indique que la reconversion de l'arrondissement de Lodève, où beaucoup de nos compatriotes harkis sont présents, donnera lieu à une intervention financière de mon ministère. Plus de 3 000 emplois par an seront réservés aux harkis et un plan pluriannuel de plus de deux milliards de francs leur sera consacré.

Je tiens, madame la députée, à vous faire part, ainsi qu'aux harkis et à leurs familles, de la détermination du Gouvernement à faire vivre ce plan et à le suivre quotidiennement, pour que nous puissions enfin leur témoigner toute la reconnaissance à laquelle ils ont droit.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

DÉMOCRATISATION DE L'ACCÈS AU WEB

M. le président.

La parole est à M. René Mangin.

M. René Mangin.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Hier, dans une conférence de presse donnée sur Internet, M. le Premier ministre a annoncé la décision de favoriser l'utilisation du cryptage pour protéger la confidentialité et la vie privée sur le réseau.

Mais on connaît le mécontentement des internautes français devant le coût élevé de la tarification des lignes téléphoniques sur Internet. Dimanche 13 décembre 1998, ceux-ci étaient appelés à un boycott des connexions et à une fermeture symbolique des sites Web.

En réponse, le Gouvernement a saisi l'autorité de régulation des télécommunications, l'ART. Cela va dans le bon sens, mais cette instance a déjà rejeté la proposition faite par France Télécom d'aménager un forfait spécial pour les écoles.

Si l'on veut démocratiser l'accès au Web, il appartient à l'autorité de tutelle de proposer des solutions. Le Gouvernement peut-il répondre sur ce point à la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M.

le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une réponse rapide.

M.

Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, comme vous l'avez remarqué, le Gouvernement a fait le point hier, un an après avoir annoncé son programme d'action pour la société de l'information, et le Premier ministre, en faisant le bilan de ce qui s'était passé pendant cette année, a profité de l'occasion pour annoncer quelques décisions importantes.

Vous avez d'abord évoqué la libéralisation de la cryptologie. En effet, il était important que notre pays rejoigne l'ensemble des grands pays leaders en matière de courrier électronique, de commerce électronique et d'utilisation de l'Internet, en permettant la libéralisation des moyens de cryptage.

Des textes seront soumis à votre assemblée en ce sens, mais le maximum autorisé a été relevé à 128 bits en attendant que la loi permette un cryptage sûr et adapté aux nécessités du commerce électronique.

Au-delà de cette annonce importante, et d'autres qui l'ont accompagnée, concernant en particulier la possibilité pour les collectivités locales d'installer des réseaux, un point retient l'attention : le tarif des communications, aujourd'hui considéré comme trop élevé par les internautes.

M. Jean Proriol.

C'est vrai !

M.

le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le problème est réel et le Gouvernement, comme vous l'avez rappelé, a demandé à l'Autorité de régulation des télécommunications de faire des propositions.

La difficulté est évidente. Mettre en place un tarif très peu élevé, éventuellement avec des pertes pour l'opérateur, France Télécom, est très satisfaisant pour les utilisateurs, mais pose des problèmes de concurrence. Car la spécificité du système français et le fait que France Télé com dispose de la boucle locale ont pour conséquence que ce que France Télécom pourrait faire n'est pas obligatoirement possible pour les autres opérateurs, et la question s'est déjà posée pour l'Internet à l'école. Il y aurait alors un problème de concurrence entre France Télécom et les autres opérateurs.

Il faut donc trouver une solution permettant d'offrir un tarif faible, mais proposable par tous les opérateurs.

L'idée du forfait me paraît intéressante et, avec Christian Pierret, nous avons demandé à l'Autorité de régulation des télécommunications de réfléchir à cette solution. Une réunion va se tenir sur ce sujet dans les tout prochains jours et j'espère que nous serons très rapidement en mesure d'annoncer que nous avons obtenu un tarif répondant à la demande des internautes.

Tous les problèmes ne seront certes pas résolus, mais il faut être conscient que, pendant l'année qui vient de s'écouler, la France a rattrapé une bonne partie de son retard.

C'est vrai pour ce qui concerne le financement de l'innovation en matière de capital-risque, la cryptologie, l'équipement des ménages et les connexions à l'Internet.

Nous avons toutes les raisons d'être, demain, l'un des grands pays utilisateurs des technologies de l'information.

Nous en avons les moyens intellectuels et les moyens techniques. Nous sommes en train de nous en donner les moyens juridiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

PLAN DE LICENCIEMENT À LA SEITA

M. le président.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, il y a deux mois, à l'annonce d'un plan de licenciement de plus de 700 salariés de la SEITA, mon collègue Yvon Abiven, député de Morlaix, vous interpellait sur l'attitude de cette entreprise, hélas privatisée par nos collègues de droite en 1995. Malgré un bénéfice de 1,2 milliard de francs en 1998 et plus de 5 milliards de francs de trésorerie, générés en grande par-


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tie par un régime fiscal particulier, elle plongeait deux petites villes, Tonneins et Morlaix, dans l'angoisse du lendemain, que connaissent toutes les agglomérations victimes de ces restructurations financières et spéculatives.

Au privé les bénéfices, au public les pertes et l'obligation de traiter la fracture sociale ! A Tonneins, dans le Lot-et-Garonne - la situation est la même à Morlaix -, au-delà des 350 emplois supprimés, ce sont 1 000 emplois induits qui sont menacés ; ce sont des écoles, des collèges, des commerces, bref, tout un tissu qui va être fragilisé dans ses structures ; c'est une fiscalité de 12 millions de francs qui va disparaître chaque année pour les collectivités locales.

Qui compensera cette perte fiscale ? Qui devra réparer le tissu social qui se déchire ? Ce gâchis social et économique est inadmissible.

Nous nous préoccupons ici même de renforcer l'aménagement du territoire, de créer toutes les conditions d'une reprise de l'emploi. Le Gouvernement conduit luimême une politique de création d'emplois efficace et c oncrète, pendant que certaines entreprises privées ignorent superbement leur devoir de citoyenneté.

Nous savons bien que le Gouvernement n'a pas le pouvoir direct d'intervenir autoritairement dans la gestion d'une entreprise privée. Mais au conseil d'administration de la SEITA, monsieur le ministre, siègent des représentants de l'Etat, lequel détient encore 5 % du capital.

Je vous demande donc de nous dire clairement quelle position adopteront les représentants de l'Etat à ce conseil d'administration, après la réunion du comité central d'entreprise du 27 janvier prochain, lors de la présentation des conclusions du rapport de contre-expertise réclamé par l'intersyndicale.

Nous écouterons votre réponse avec une grande attention. Elle devra démontrer la volonté du Gouvernement d'inscrire l'emploi comme priorité de son action en 1999.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, la SEITA a en effet été privatisée en 1995. Elle a alors changé de propriétaire et l'Etat ne détient plus que 5 % de son capital. Mais elle a aussi changé de logique. Auparavant, la Manufacture des tabacs était un pôle de stabilité locale. Dorénavant, la SEITA vit dans un monde de concurrence, sur le marché français comme sur le marché international, où elle est confrontée à des entreprises étrangères de très grande taille.

La direction de la SEITA a annoncé un plan de restructuration d'une ampleur considérable, et le site de Tonneins est concerné. Le Gouvernement, en dépit de ses 5 % du capital, s'en est fortement ému. Par la bouche du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Dominique Strauss-Kahn, il a demandé à la direction de l'entreprise de revoir ses décisions au vu des résultats d'une contre-expertise qui a été demandée par les organisations syndicales et qui est réalisée conjointement avec les élus locaux.

Les résultats de la contre-expertise seront examinés lors de la réunion du comité central d'entreprise du 27 janvier prochain. Le Gouvernement appréciera alors la décision que la SEITA prendra à la suite de la contre-expertise.

Je puis vous assurer que, lors de la réunion du conseil d'administration qui suivra, le Gouvernement donnera des instructions claires et fermes de façon que les intérêts des salariés et les préoccupations d'aménagement du territoire soient pleinement respectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Afin de me permettre d'accueillir M. le Premier président de la Cour des comptes, je vais suspendre la séance pendant quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président.

La séance est reprise.

3 DÉPÔT DU RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES

M. le président.

L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport de la Cour des comptes.

C'est avec un grand plaisir que je donne la parole à

M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, c'est peut-être la dernière fois que je vous remets le rapport de la Cour des comptes. En effet, la notion de rapport public est née à un grand moment du développement du parlementarisme, sous la monarchie de Juillet.

C'est alors que le rapport public de la Cour des comptes fut pour la première fois imprimé au Journal officiel et diffusé à travers la France. Mais puisqu'on pourra dorénavant en prendre connaissance sur Internet - c'est effectivement le cas depuis quelques minutes - peut-être n'aura-t-il plus, sous sa forme imprimée, qu'une valeur bibliophilique. (Sourires.)

Je m'interrogerai d'ailleurs l'année prochaine sur le point de savoir s'il convient de le diffuser sous cette forme au Parlement. Car je crois savoir que vous êtes t ous câblés, voire branchés (Sourires) et que, par conséquent, vous pourrez en prendre connaissance par les procédés les plus modernes.

Quoi qu'il en soit, nous continuerons de diffuser le rapport sous sa forme traditionnelle car les éditions des Journaux officiels, qui en vendent des milliers d'exemplaires, ont décidé de le mettre en librairie. Il y aura donc deux éditions.

J'insisterai d'abord sur un progrès que nous pensons pouvoir réaliser et qui intéressera particulièrement le Parlement, puis sur d'autres progrès que nous pourrons réaliser, surtout si le Parlement le souhaite.

Je commencerai par l'évolution qui nous paraît aujourd'hui la plus satisfaisante : elle est due aux effets concrets des interventions de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes dans un certain nombre de domaines. A cet égard, je m'en tiendrai à quatre exemples.


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La Caisse centrale de mutualité sociale agricole avait fait l'objet de sévères critiques dans notre rapport public précédent. Les suites du contrôle de la Cour ont été rapides et, je pense, significatives : le conseil d'administration a été suspendu, un administrateur provisoire a été nommé, les instances dirigeantes de l'établissement ont été renouvelées, des plaintes ont été déposées dev ant la juridiction pénale. Surtout, des mesures ont été prises dans cet établissement, comme dans d'autres mutuelles, pour corriger les erreurs de gestion, et le contrôle de l'Etat a été renforcé.

De même, à la suite de nos interventions, EDF a opéré des ajustements et des reprises de provisions qui ont eu d'heureuses conséquences financières pour le budget de l'Etat. L'une des plus lisibles est le versement par EDF, l'année passée, au titre de l'impôt sur les bénéfices, de 3 milliards de francs que l'entreprise n'aurait pas versés si les errements comptables antérieurs avaient continué. Et, 3 milliards de francs, c'est trois fois plus que le budget annuel de la Cour des comptes. Le retour sur investissement est indubitable ! (Sourires.)

M. Arthur Dehaine.

Il est très rentable !

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes.

Troisième exemple : jusqu'à l'intervention des juridictions financières, le Syndicat des eaux d'Ile-deFrance était régi par des dispositions tirées d'un avenant qui avait pour effet - et, je le pense, pour but - de limiter les appels à la concurrence. A la suite des constats et des investigations des juridictions financières, l'autorité préfectorale a déféré au tribunal administratif plus de trente conventions particulières. L'annulation de ces conventions a été prononcée par voie de justice. Un avenant nouveau, qui a amélioré les termes de la convention sur des points importants, a eu pour effet direct une baisse de plus de 5 % du prix de l'eau acquitté par les usagers dans la région.

Dernier exemple, plus technique : à la suite du contrôle de la Cour des comptes concernant l'ARC, des entreprises publiques, des organisations, des associations faisant appel à la générosité publique, ont procédé à des modifications comptables améliorant la clarté, donc la transparence et, finalement, la sécurité.

Tout cela nous paraît être un gage d'efficacité.

Je pourrais prendre d'autres exemples touchant à des mesures que vous avez vous-mêmes décidées.

Indépendamment des suites données à des observations ponctuelles de la Cour, comme celles que je viens d'évoquer, deux points méritent d'être signalés : la comptabilisation des recettes fiscales et la réintégration au budget de l'Etat de certaines recettes ou de certaines dépenses.

D'abord, c'est conformément aux recommandations de la Cour que le Gouvernement a mis en place un nouveau mode de comptabilisation des recettes perçues par les services de l'Etat, lequel permet de distinguer les impôts d'Etat et les impôts locaux sur la base des encaissements effectifs. Je pense qu'il s'agit là d'un élément de technique comptable qui présente un intérêt politique indiscutable.

Ensuite, la suppression demandée depuis assez longtemps par la Cour des comptes de la procédure dite « des crédits d'articles », figure désormais dans la loi de finances que vous avez votée il y a quelque temps. Cette procédure permettait naguère au ministère des finances de financer un certain nombre de dépenses, principalement de fonctionnement, sur le produit des redressements fiscaux ou au titre des recouvrement d'impôts locaux, en utilisant un procédé de rattachement de recettes et d'ouvertures de crédits dont les caractères juridiques étaient discutables. D'ailleurs ils ont été discutés et, à la suite des interventions de la Cour des comptes, ils ont été modifiés.

Le Parlement a voté une disposition exigeant la réintégration de ces crédits dans la loi de finances. Comme vous le savez, après un épisode de contrôle de constitutionnalité, la correction a été faite et elle porte sur plus de 10 milliards de francs par an.

M. Michel Crépeau.

Tout de même !

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes.

La Cour des comptes avait aussi demandé la réintégration au budget d'opérations effectuées en dehors de celui-ci et qui n'étaient ni conformes aux principes budgétaires fondamentaux ni même aux exigences de clarté et d'information du Parlement, et donc de l'opinion. Ces opérations extrabudgétaires portaient sur plus de 3 milliards de francs et le Parlement a voté une disposition qui les réintègre au budget général.

Dans ce domaine, comme dans d'autres domaines connexes, il reste encore bien des progrès à faire. Mais l'évolution qui a été amorcée l'année dernière et à la fin de l'année précédente montre que nous sommes sur une voie tout à fait nouvelle, tendant à garantir que les documents budgétaires fournis au Parlement et, à travers lui, à l'opinion reflètent plus fidèlement les orientations, les choix, les autorisations et les décisions.

Je ne rappellerai que pour mémoire le rapport sur la sécurité sociale, cette nouveauté qui commence à avoir un peu d'ancienneté. Nous avons la satisfaction de constater qu'une proportion exceptionnellement élevée des propositions de la Cour des comptes - plus de la moitié - sont mises en oeuvre. Il est vrai que cela traduit sans doute le fait qu'il s'agissait sinon d'une terra incognita, du moins d'un domaine des finances d'intérêt public, celui des finances sociales, qui représente aujourd'hui 2 000 milliards de francs, c'est-à-dire nettement plus que le budget de l'Etat. Le moins que l'on puisse dire est que son contrôle avait jusqu'alors laissé à désirer. Je pense que le rapport qui a été publié sur la sécurité sociale est encore présent dans vos mémoires.

Pour conclure, je vous dirai que c'est dans cette voie que nous souhaitons poursuivre notre travail, peut-être avec des perspectives encore renouvelées.

Pendant longtemps, le rapport « annuel » - comme on disait et comme on ne peut plus dire - de la Cour des comptes était le seul document publié par elle.

Désormais, grâce à des réformes législatives ou même constitutionnelles, vous bénéficiez d'un rapport annuel sur l'exécution de la loi de finances qui vous est remis de plus en plus tôt - l'année prochaine il y aura un progrès supplémentaire - suffisamment tôt en tout cas pour qu'il puisse vous être utile. Au moment où vous examinez le projet de budget de l'année suivante, il convient en effet de disposer, dès juillet, d'un premier examen de l'exécution du budget précédent. C'est dans cette voie que nous allons poursuivre.

J'ai déjà dit un mot du rapport annuel sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, mais il y a bien d'autres sujets d'études. Depuis maintenant six ou sept ans, la Cour des comptes publie des rapports sur des thèmes spécifiques et je pense que vous serez intéressés de prendre connaissance, d'ici à la fin de l'année, d'un rapport sur la fonction publique, sur les emplois, les modes de rémunération, extrêmement variés et assez peu connus.


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Cela ne relève pas de la polémique ou de l'intoxication.

Cela traduit une volonté de transparence, car certains systèmes de rémunération formellement irréguliers correspondent souvent à des mesures d'adaptation imposées par les circonstances à un moment donné qui date parfois de quarante ans, et sont devenus des habitudes, des droits acquis, des usages. Les rémunérations publiques représentant près de la moitié du budget de l'Etat, il est nécessaire qu'elles soient connues et contrôlées de façon claire.

Cela suppose une clarté dans les comptes et les dispositions financières qui ne doivent pas être aménagés en vue d'entretenir la pénombre. C'est dans ce but que nous poursuivrons l'envoi à la commission des finances de rapports plus mineurs, surtout lorsque le Gouvernement n'y a pas répondu au bout d'un délai de six mois, puisque nous avons maintenant cette obligation légale, et les auditions auprès de vos commissions.

Puisque j'ai eu l'honneur et le plaisir, monsieur le président, d'être invité par la mission sur les méthodes d'évaluation des dépenses publiques que vous présidez, je tiens à vous dire que, quelles que soient les innovations que vous souhaiterez introduire, vous verrez que les magistrats de la Cour des comptes, comme le font les magistrats des chambres régionales des comptes dans leurs diverses régions, sont là pour fournir une information éclairée, à partir d'un travail technique, souvent austère, parfois long et reposant toujours sur la contradiction, à ceux qui doivent prendre des décisions portant sur une proportion très importante de la production intérieure brute, puisque les prélèvements obligatoires représentent aujourd'hui encore plus de 40 %.

J'ai donc beaucoup de plaisir, monsieur le président, à vous remettre aujourd'hui ce qui est peut-être la dernière version de ce type du rapport annuel de la Cour des comptes. Pour l'avenir, comme je vous ai envoyé notre adresse électronique, vous ne pourrez jamais complètement le perdre. (Applaudissements sur les bancs du groupes ocialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au-delà de sa portée symbolique dans la tradition des institutions républicaines, la remise au Parlement du rapport de la Cour des comptes fournit l'occasion, chaque année, de faire le point sur les relations qu'entretient avec notre assemblée cette haute juridiction et, tout spécialement, de tracer quelques perspectives au développement de ces relations.

Vous avez souvent exprimé, monsieur le Premier président, votre désir de donner un contenu plus effectif aux dispositions qui assignent expressément à la Cour des comptes la tâche d'assister le Parlement dans sa mission constitutionnelle de contrôle. En faisant en sorte, cette année, que le rapport public soit mis à la disposition des deux assemblées du Parlement, donc de leurs commissions des finances, au mois de janvier, et non plus au mois d'octobre, la Cour en permet la prise en considération à un moment autre que le temps surchargé de la discussion budgétaire, et cela va certainement contribuer à donner à ce document une portée nouvelle dans la vie de notre institution parlementaire.

La Cour poursuit ainsi, sous votre présidence, un effort tout à fait opportun, que je veux souligner, pour rapprocher la date de publication des rapports et documents, dont la loi met l'élaboration à sa charge, de la période sur laquelle ils portent. Elle contribue ainsi à leur donner le caractère le plus opérationnel possible dans le débat parlementaire. Ces initiatives, qui traduisent le respect profond de la Cour pour la mission démocratique de l'Assemblée nationale, ne peuvent nous laisser indifférents. Elles rejoignent notre souci commun d'inciter à une meilleure gestion des deniers publics par le contrôle des autorisations budgétaires.

Depuis longtemps déjà, la commission des finances dispose de moyens juridiques suffisants pour lui permettre d'exercer, si elle le souhaite, un contrôle effectif sur la gestion des deniers publics. Comme vous le savez, les rapporteurs spéciaux de cette commission ont en effet des pouvoirs d'investigation sur pièces et sur place qui les autorisent à suivre tout au long de l'année l'utilisation des crédits budgétaires dont ils ont la charge. Même s'il est fait recours de manière variable à ces pouvoirs, je dois souligner que le travail effectué par les rapporteurs spéciaux de la commission reste beaucoup plus important qu'on ne veut bien le dire généralement. Depuis le début de cette législature, plusieurs rapporteurs spéciaux ont fait un usage effectif de leurs pouvoirs d'investigation. Je les y ai toujours encouragés et je peux vous assurer que ce travail se poursuivra et va certainement s'intensifier au cours des mois à venir.

La visite de la Chambre des communes que, sur votre invitation, nous avons effectuée avec le rapporteur général, à la fin du printemps dernier, nous a permis de prendre connaissance de la procédure de contrôle parlementaire telle qu'elle est systématiquement pratiquée à la Chambre des communes et des travaux conduits par le Public Accounts Committee sur la base des enquêtes effectuées pour le compte de cette commission par le National Audit Office.

Bien entendu, les méthodes de la Chambre des communes ne peuvent pas être transposées telles quelles, étant donné les différences entre nos traditions constitutionnelles. Cependant, cette visite a largement contribué à la décision que j'ai prise avec le rapporteur général d'organiser, en juin et juillet, des auditions « ciblées » de ministres par la commission sur l'exécution de leurs crédits budgétaires. C'est ainsi qu'au cours du mois de juin dernier furent passés en revue les crédits de l'aménagement du territoire et de l'environnement, de la défense, de l'intérieur et de l'équipement, des transports et du logement. Cela nous a permis d'améliorer encore le contrôle de l'utilisation des crédits, mais aussi de mieux préparer la loi de finances pour 1999.

Je pense qu'il est possible et souhaitable de franchir, avec le concours de la Cour des comptes, une nouvelle étape dans l'affinement de nos procédures de contrôle. Je me trouve sur ce point en plein accord avec les orientations qui se dégagent du groupe de travail que le président Laurent Fabius dirige actuellement et qui réfléchit aux moyens de développer la fonction de contrôle du Parlement afin de renforcer l'efficacité de la dépense.

Sans anticiper sur les conclusions que le rapporteur général va présenter la semaine prochaine à ce groupe de travail, je pense que la commission des finances doit se préparer dès maintenant à renforcer et à systématiser les procédures de contrôle qui sont de sa compétence afin


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d'améliorer l'efficacité de la dépense publique. Pour ce travail, qui doit commencer dès le mois prochain, nos rapporteurs spéciaux auront besoin des compétences techniques de la Cour des comptes pour tous les travaux d'enquête et de contrôle où elle a fait souvent la preuve de son efficacité. Monsieur le Premier président, je vous remercie de nous avoir assuré de ce concours.

Dès maintenant, l'utilisation plus systématique et plus complète des moyens que nous donne la loi en vigueur doit nous permettre d'exercer dans les meilleures conditions nos prérogatives constitutionnelles et de donner au contrôle budgétaire par le Parlement la place importante qui doit être la sienne dans le fonctionnement de nos institutions républicaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

L'Assemblée donne acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes, et remercie M. le Premier président - que je vais reconduire.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. Arthur Paecht.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

4 AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et de développement du territoire (nos 1071, 1288).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Hier, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, il est constant que chaque ministre souhaite laisser une trace de son passage dans l'histoire en concoctant une loi qui porte son nom. Vous n'échapperez pas à la règle. Vous aurez donc votre loi Voynet.

Il fallait probablement modifier quelques points de la dernière loi d'aménagement du territoire de 1995, dont de nombreuses dispositions n'ont toujours pas été mises en pratique pour la raison essentielle que vous les avez toutes bloquées depuis un an et demi. Je suis de ceux qui pensent qu'il aurait suffi de quelques adaptations et qu'il n'était pas nécessaire de tout bouleverser.

Certaines idées de votre projet reprennent ce qui était prévu dans la loi de 1995. C'est le cas de l'incitation à la constitution de pays. Etant moi-même engagé dans la démarche de création d'un « pays de Cornouaille » de 300 000 habitants, regroupant onze communautés de communes, dont une ville de 60 000 habitants, je souscris à cette démarche. Encore faudrait-il être sûr que les pays ne deviennent pas des établissements publics de coopération intercommunale avec une structure administrative et une fiscalité propres.

Nous avons déjà suffisamment de structures administratives. Il n'est pas souhaitable d'en rajouter de nouvelles. Il faut, au contraire, que les pays restent des structures de réflexion et de projets et non un étage supplémentaire de collectivités.

Plusieurs dispositions de votre projet de loi sont inquiétantes pour l'élu que je suis d'une région très périphérique. Il entraînera un fractionnement de la politique d'aménagement du territoire, en transférant une grande part de la responsabilité de l'aménagement du territoire de l'Etat aux régions. Je suis convaincu, au contraire, que c'est l'Etat qui doit être le maître d'oeuvre de l'aménagement du territoire. Il doit garder la maîtrise de la réalisat ion des grandes infrastructures pour permettre de compenser les handicaps économiques ou géographiques des régions isolées ou périphériques.

Vous supprimez les schémas nationaux des transports ferroviaires ou autoroutiers pour les remplacer par un schéma des transports multimodaux. On peut craindre que ce ne soit qu'un prétexte pour affirmer qu'il n'y a plus besoin de grands équipements dans le pays. Ce serait dramatique pour les régions qui attendent toujours leur désenclavement autoroutier ou ferroviaire. Les propos de M. Guigou, délégué à la DATAR, qui affirmait devant notre commission de la production et des échanges, il y a quelques mois, que les Français consultés par sondages trouvaient qu'il y avait assez de TGV en France ne sont pas de nature à apaiser mes craintes. Je suppose que ces sondages ont été réalisés à Paris ou à Lyon. En tout cas, ils n'ont pas dû être effectués en Bretagne.

Le transfert de la responsabilité de l'aménagement du territoire aux seules régions risque de se heurter à des incohérences : toutes les régions n'ont pas les mêmes priorités ou les mêmes intérêts. Les régions du centre de la France, bien desservies par des axes de communication n'auront aucun intérêt à ce que de nouveaux axes les traversent pour aller desservir d'autres régions voisines, plus périphériques. Les conflits d'intérêt entre régions risquent de se multiplier.

En outre, un des gros reproches que l'on peut faire à votre vision régionale de l'aménagement du territoire est l'absence de mécanismes de péréquation financière entre les régions riches et bien équipées et les régions plus pauvres. Nous allons entrer dans un cycle où les régions riches deviendront de plus en plus riches, alors que les régions pauvres n'auront pas les moyens d'engager leur développement ou devront le faire « au rabais ». Je vous


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signale qu'actuellement, 4 régions françaises sur 22 concentrent la moitié de la richesse nationale et que c'est dans ces régions riches que l'Etat investit le plus, alors que la part provenant du contribuable local est la plus faible.

Votre projet donne la priorité au développement des villes, au détriment des zones rurales. Il est vrai que 80 % de la population vit dans les villes et qu'il est indispensable d'organiser le développement urbain. Cependant, votre projet de loi ne prévoit rien pour lutter contre la c oncentration urbaine et la délinquance qui l'accompagne, rien pour lutter contre des fléaux tels que les pollutions atmosphériques, responsables d'un nombre croissant de maladies pulmonaires, en particulier chez les jeunes.

Articulé sur le développement des villes, il consacre l'abandon des 80 % du territoire représentés par les zones rurales. A croire qu'elles devraient devenir un désert économique qu'il faudrait préserver pour permettre aux urbains d'y passer des week-ends ou des vacances sereines.

Pas un mot de votre projet de loi n'évoque l'agriculture, la pêche ou les régions maritimes. L'absence de prise en compte des secteurs ruraux et côtiers risque d'accélérer les pertes d'emplois dans les régions concernées. Je suis pourtant convaincu que nos zones rurales, si on les aidait un peu mieux, pourraient avoir un grand potentiel de développement économique. Je suis persuadé que notre agriculture pourrait continuer, pourvu qu'on lui en donne les moyens, de concilier un rôle de production de forte valeur ajoutée, d'employeur de main-d'oeuvre, et la fonction d'entretien et de préservation de nos espaces ruraux qu'elle remplit depuis toujours. Je pourrais enfin citer de nombreuses entreprises qui ont fait délibérément le choix de s'installer dans des zones d'activités de communes rurales et qui y trouvent toute satisfaction pour leur développement, et dont le personnel est heureux de ne pas être obligé de vivre dans des grands centres urbains. Je ne suis pas certain que cela pourra se faire à l'avenir.

L'article 2 de votre projet fixe comme objectif pour la politique d'aménagement du territoire de venir en aide aux zones en reconversion industrielle. Pourquoi se limiter à la reconversion industrielle et éliminer d'office les autres activités économiques telles que l'agriculture ou la pêche, comme si elles étaient insignifiantes ou indésirables dans notre pays ? L'agriculture, en particulier dans les zones d'élevage, aura besoin d'aides pour assurer sa mutation et se mettre en conformité avec les mesures que vous venez d'imposer aux élevages dans le cadre de la lutte, indispensable, contre les pollutions. Les investissements seront importants et devront être aidés. Le nombre de jeunes agriculteurs qui s'installent, après quatre années de fortes hausses, va chuter de 10 % en 1998. L'Etat doit tout faire pour arrêter cette dégradation, catastrophique pour l'économie et l'emploi dans les zones rurales. Votre texte, de même que la loi d'orientation agricole, ne va pas y contribuer.

Pour les zones côtières, dont l'économie dépend de la pêche, les besoins d'aide vont également s'amplifier.

Votre gouvernement a accepté en juillet 1997 un nouveau plan de réduction des capacités de la flotte de pêche de 59 000 kilowatts, le POP IV. C'est toute l'économie des zones côtières qui a été bradée, sans aucun bénéfi ce pour la ressource en poisson puisque ce qui n'est plus pêché par nos pêcheurs est capturé par les Espagnols qui n'ont pas été soumis aux mêmes réductions des capacités de pêche et qui viennent pêcher sur nos côtes.

Au-delà du bradage de l'économie actuelle, c'est l'avenir de la pêche qui est hypothéqué : les primes « à la casse » des bateaux ont tellement raréfié et fait monter les cours des bateaux d'occasion que les jeunes pêcheurs ne peuvent plus s'installer dans le métier en investissant dans un bateau d'occasion.

Il manque encore, dans votre projet, la prise en compter des régions défavorisées en raison de leur position très périphérique par rapport aux grands centres de développement économique et aux axes de communication européens.

Certes, l'article 2 se préoccupe des régions insulaires et des DOM-TOM. Il ne fait aucune allusion aux régions qui ne sont ni des îles ni des DOM-TOM, mais simplement des régions très excentrées comme la Bretagne.

Pourtant, elles auront besoin d'aides spécifiques pour améliorer leurs axes de communication avec les grands pôles européens dont le centre se déplace de plus en plus vers l'est à mesure que l'Europe s'élargit. Je vous signale que l'Ouest de la Bretagne est la seule région, avec la Corse, qui ne peut livrer en vingt-quatre heures ses produits dans l'ensemble de l'Europe. L'abandon du schéma national des transports risque de faire s'envoler l'espoir d'amélioration rapide des grands axes de communication terrestre que la Bretagne attend.

Pour finir, je souhaite vous faire part de ma crainte de voir disparaître un certain nombre de fonds de péréquation qui avaient été créés pour aider les zones mal desservies. C'est le cas pour le fonds de péréquation des transports aériens et pour le fonds d'investissement des transports terrestres, qui ont été fortement réduits dans votre budget pour 1999.

Vous l'avez compris, madame la ministre, certaines dispositions de votre projet reçoivent notre approbation.

Nous en déplorons de nombreuses autres. Certaines nécessitent d'être améliorées. Nous avons déposé un certain nombre d'amendements pour enrichir votre texte.

J'espère que vous y serez réceptive.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

M. Angot a pratiquement doublé son temps de parole et je considère avec préoccupation la liste des orateurs encore inscrits dans la discussion générale.

J'appelle donc chacun à un effort de concision. Il y va de l'intérêt général.

La parole est à

M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le département de la Guadeloupe, archipel éclaté sur des dizaines de kilomètres, l'absence de schéma d'aménagement régional, la non-application de la loi d'orientation du 4 février 1995 et de celle relative à la zone des cinquante pas géométriques, rendent urgente la définition d'une politique d'aménagement susceptible de favoriser un développement équilibré du territoire et de lui assurer davantage de cohérence pour les infrastructures structurantes, ainsi qu'une meilleure préservation de l'environnement.

Le poids de la pression démographique sur la politique du logement et de l'espace foncier, la nécessité de sauvegarder les équilibres fragiles, les menaces que font peser les avancées de la mer sur certains sites et certains équipements - routes, cimetières, bâtiments publics et privés -, la protection indispensable des ressources naturelles et, notamment, de l'eau impliquent un programme d'actions planifié et énergique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Dans nos régions où le chômage est une véritable calamité, l'aménagement du territoire doit contribuer à créer les conditions du développement et de l'emploi. Tout en permettant une meilleure gestion de l'espace, il doit promouvoir un aménagement stable, capable d'entraîner des services publics adaptés et performants, de « capitaliser » toutes les possibilités de financement et de répondre aux exigences légitimes en matière d'environnement et de qualité de vie.

Ce texte, qui affiche une telle stratégie, pose pour la première fois, notamment dans son article 25, la nécessité d'élaborer la politique d'aménagement des départements d'outre-mer, en tenant compte du concept européen de z onage prioritaire ultra-périphérique, contenu dans l'article 299-2 du traité d'Amsterdam et impliquant la solidarité européenne et nationale.

C'est une avancée importante, madame la ministre, dont il faut traduire le principe en outil efficace pour la construction de l'avenir. Elle peut permettre à l'outre-mer de se doter d'un dispositif fiscal et financier, capable de le redynamiser et de le rendre plus attractif pour les investisseurs créateurs de richesses et d'emplois. C'est pourquoi je refuse de souscrire à une conception réductrice du champ d'adaptation qui s'ouvre ainsi à l'article 73 de la Constitution. Mais le projet de loi, à ce niveau, pèche par sa timidité.

En effet, pour relever le défi du développement de ces régions, outre un fondement juridique aux mesures spécifiques indispensables à la maîtrise des contraintes locales, il faut une définition précise et ouverte de la notion de

« zone prioritaire ultra-périphérique », accompagnée de la mise en oeuvre, dès 1999, de dispositions particulières pouvant aider les départements d'outre-mer à surmonter leurs handicaps géographiques, économiques et sociaux.

Il est à regretter que, dès maintenant, les départements d'outre-mer ne puissent bénéficier de manière adaptée des dispositions applicables aux zones d'aménagement du territoire. Considérer que leur situation est trop spécifique pour être traitée dans ce texte n'est pas un argument recevable au regard de la crise qui les frappe. Au contraire, nous sommes persuadés qu'en explicitant dans le projet de loi la notion de « zone prioritaire ultrapériphérique », nous donnons à nos régions le maximum de chances pour continuer à bénéficier de l'objectif 1 des fonds structurels européens.

En nous renvoyant au prochain projet de loi qui va concerner les départements d'outre-mer, et qui est luim ême une loi d'orientation, je crains, madame la ministre, que nous ne prenions un retard préjudiciable à notre développement, en nous privant des aides indispensables au désenclavement des zones prioritaires ultrapériphériques.

Enfin, je souhaiterais connaître l'articulation entre les SAR des DOM et les zones prioritaires ultra-périphériques.

Que deviennent les zones différenciées des SAR et la problématique de localisation préférentielle d'activités économiques relevant des SAR ? Que va-t-il se passer pour la région Guadeloupe, où le SAR n'est pas encore approuvé ? Va-t-on mettre en oeuvre une nouvelle procédure en faveur d'un schéma régional d'aménagement et de développement du territoire ? Pour conclure, l'aménagement et le développement durable en outre-mer doivent reposer sur une stratégie qui sauvegarde et optimise les ressources vitales et qui favorise la cohésion sociale, tout en conciliant préservation de l'environnement, efficacité économique et réduction des inégalités.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà trente ans que nous avons un ministre chargé de l'aménagement du territoire. Mais si j'étais un peu sévère, je dirais que tout reste à faire. A ce jour, en effet, les lois dites « de décentralisation » n'ont entraîné aucune recomposition des territoires en profondeur. En dehors des régions devenues des collectivités territoriales à part entière, les autres éche lons datent de la Révolution et de l'Empire et restent organisés entre eux selon un mode pyramidal avec croisements de compétences.

Pour compliquer le décor, aucun niveau ne dispose de pouvoirs hiérarchiques sur les autres à l'exception de l'Etat, au nom de qui toutes les compétences s'exercent et qui a tous les pouvoirs, en commençant par celui de ne pas tenir ses engagements...

Les déséquilibres sur notre territoire sont de plus en plus criants entre les villes et les campagnes, entre la région d'Ile-de-France et la province, entre le Nord et l'Est de la France où se concentre chaque jour un peu plus l'essentiel des infrastructures des services et des activités, d'une part, et l'arc atlantique, toujours en retrait, d'autre part. Je n'en veux pour exemple que le CIADT du 15 décembre dernier qui, au titre des mesures territoriales, a alloué un milliard, pour les six années à venir, à la vallée du Doubs et aux terres de Belfort-Montbéliard, ...

M. François Sauvadet.

Tiens ! Tiens !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... alors que le reste du pays devait se partager 800 petits millions. (Exclamations sur divers bancs.)

Ce même CIADT a classé dans les priorités de reconversion les bassins de Lorraine, du Nord Pas-deCalais, encore de Belfort-Montbéliard et de la Meurthe.

Pour l'Ouest, rien ! Vous cherchez dans ce projet de loi, dites-vous, madame la ministre, à recomposer notre territoire en clarifiant les fonctions et les limites de chacun, à prolonger la décentralisation et à donner un nouvel élan à notre démocratie.

Jusque-là, on ne peut qu'être d'accord, et ce d'autant plus que votre discours correspond tout à fait aux attentes des élus locaux qui aspirent de tous leurs voeux à une organisation plus simple, plus décentralisée et plus démocratique.

Mais plus j'étudie le texte qui nous est proposé, plus nous avançons dans la discussion, plus m'apparaît forte la dichotomie, pour ne pas dire la contradiction, entre vos déclarations et celles de votre majorité, et ce qui sera demain la loi.

Si je m'en tiens à la loi, je dirai, comme Patrick Ollier hier, que c'est un rendez-vous manqué.

Rendez-vous manqué, d'abord, avec la clarification et la simplification.

Sur le plan législatif, encore une fois, pourquoi nous infliger trois lois sur le même sujet ? Il est sans doute capital pour l'avenir des ministres concernés d'avoir

« leur » loi. Mais il est encore plus capital pour notre pays et pour les Français d'avoir à leur disposition un outil clair, synthétique, précis, pratique d'aménagement du ter-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

ritoire. Or l'ambition légitime de ces derniers va s'effilocher dans des lois successives et diverses, pour ne pas dire contradictoires.

M. Jean-Claude Lemoine.

C'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

La mise en oeuvre des objectifs du Gouvernement est d'autant plus confuse qu'il se prive de l'instrument de clarification indispensable qu'est le schéma national d'aménagement et de développement du territoire.

M. Yves Coussain.

Eh oui !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je ne fais que citer le Conseil économique et social, selon lequel ni les huit schémas de services collectifs qui ne couvrent pas la totalité des secteurs concernés par l'aménagement du territoire, ni quelques choix stratégiques imprécis qui ne reprennent pas l'ensemble des objectifs annoncés par le Gouvernement, ni les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire simplement juxtaposés et pas nécessairement cohérents entre eux ne pourront véritablement le remplacer.

Cette loi aurait pu être aussi l'occasion d'une clarification - nécessaire - sur le rôle et les fonctions respectives de l'Europe, de l'Etat et des collectivités locales, particulièrement de la région. Qui fait quoi précisément ? La loi ne répond pas à cette question pourtant essentielle.

Vous contournez l'obstacle, madame la ministre, en disant qu'il faut partir du projet et en assurer la coordination. Oui, bien sûr, à condition de ne pas se perdre dans les méandres de compétences mal définies et parfois antagonistes.

M. Yves Coussain.

Tout à fait !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

L'émergence de pays et d'agglomérations, que j'approuve parce qu'ils peuvent être des espaces pertinents de développement, ont toutes les chances de déboucher à terme sur la création d'échelons supplémentaires...

M. François Sauvadet.

Bien sûr !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... puisque vous refusez la remise en question des échelons actuels. Le paysage institutionnel devient ainsi totalement incompréhensible pour la majeure partie de nos concitoyens, sans parler du danger de voir augmenter la fiscalité locale.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M me Marie-Thérèse Boisseau.

La complexité n'a jamais été aussi grande au niveau de ce que j'appellerai les structures d'accompagnement, dont certaines feront à l'évidence double emploi avec des organismes déjà existants.

Comment vont se coordonner les CIADT, dont on vient de voir l'importance, le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire et sa commission permanente, les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire, les conseils de développement des pays et des agglomérations, les conseils économiques et sociaux nationaux et régionaux, alors que les schémas de services collectifs et les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire seront établis pour vingt ans, alors que vont apparaître, décalés dans le temps, des contrats de plan Etat-régions au 1er janvier 2000 et, plus tard, des contrats d'agglomération et de pays, jusqu'en 2003, quand ces entités seront constituées.

Quelle approche globale peut-on avoir, quelle politique d'ensemble peut-on mener dans un tel dédale de structures et de projets ? Ce texte est également un rendez-vous manqué avec la décentralisation. Vous en parlez trop, en termes trop généraux pour que cela soit vrai. Concrètement, nous assistons à une formidable reprise en main par l'Etat. Le schéma national d'aménagement et de développement du territoire, dont je déplore à mon tour la disparition, avait l'immense intérêt de fixer un cadre national à l'intérieur duquel pouvaient fleurir des initiatives locales multiples, proches du terrain, dont j'ai la conviction qu'elles sont une condition sine qua non d'un développement harmonieux.

Je ne peux qu'être en total désaccord quand vousmême ou les membres de votre majorité affirmez, en matière d'aménagement du territoire : « C'est l'Etat, et lui seul, qui peut prendre en compte l'intérêt national et réduire les inégalités des régions. »

M.

le président.

Puis-je vous demander de conclure, madame Boisseau ? Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'ai presque fini, monsieur le président.

Madame la ministre, vous sifflez la fin de la récréation avec ces schémas de services collectifs dont le cadrage est effectué de façon autoritaire par l'administration centrale et sur lesquels les élus nationaux n'auront pas à se prononcer puisqu'ils seront arrêtés par décret. Or tout le reste en découle, puisqu'il est bien précisé à plusieurs reprises que ces schémas s'imposent à l'ensemble des autres documents de planification.

La région, à laquelle vous ne manquez pas d'attribuer dans tous vos discours un rôle majeur dans l'aménagement du territoire, se retrouve coincée entre les schémas de services collectifs, les villes, qui traiteront directement avec l'Etat, et les contrats de plan Etat-agglomération ou

Etat-pays. Quelle marge de manoeuvre lui reste-t-il quand on sait de plus que les SRADT ne seront pas prescriptifs comme nous l'avions souhaité ? La messe est dite, parfois dans ses moindres détails.

C'est ainsi que les préfets annoncent que l'Etat voudra bien contractualiser avec les pays, mais uniquement dans les domaines des infrastructures, si elles sont multimodales, du logement social en milieu rural, du socioenvironnemental et des moyens favorisant le développement, le rayonnement de la ville centre. Peut-on être plus directif ?

M.

le président.

Il vous faut maintenant conclure. Je constate que tout le monde continue allègrement à dépasser son temps de parole.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

J'en arrive à ma conclusion.

Du manque de cohérence, de la complexité et de la centralisation qui caractérisent ce projet, la transition au déficit démocratique est évidente, et ce à divers titres. On le trouve d'emblée dans le fonctionnement de conseils et de conférences pléthoriques où, parmi les très nombreux participants, ne prendront bien sûr la parole que ceux qui y sont habitués. Par ailleurs, le Conseil économique et social, par la voix de son rapporteur, a attiré notre attention, hier encore, sur le fait que l'absence de clarification des compétences entre les différentes collectivités territoriales peut entraîner une absence de transparence des décisions, et donc un contrôle démocratique insuffisant.

Enfin, le déficit démocratique est surtout grave au niveau du mode de désignation des dirigeants des nouvelles structures, dans lesquelles les élus locaux auront l'impression de s'exprimer au deuxième ou au troisième degré. A quand, madame la ministre, le suffrage universel direct pour toutes les élections ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Dommage ! L'aménagement et le développement du territoire, qui constituent un des défis majeurs du vingt et unième siècle, méritaient mieux que cette loi. Mais ne désespérons pas. Peut-être comprendrez-vous un jour que l'aménagement du territoire passe par une clarification des objectifs et des compétences, une décentralisation au plus près du terrain et la mobilisation effective de tous les acteurs. Il sera toujours temps, alors, de faire une autre loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel.

M. Jean-Claude Daniel.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, les politiques d'aménagement et de développement du territoire se donnent essentiellement l'objectif affirmé d'assurer à chaque citoyen l'égalité des chances et de promouvoir un développement équilibré, nous disons aujourd'hui durable, de l'ensemble du territoire.

Il n'est plus possible, comme cela a pu être le cas dans le passé, d'édicter des règles contraignantes de redéploiement des activités industrielles, de création a priori d'équipements touristiques ou de transport. Il est devenu clair que les grands équipements autoroutiers ou les TGV ne suffisent pas, pour nécessaires qu'ils soient, à créer du développement.

Dans ces conditions, les initiateurs des politiques d'aménagement et de développement du territoire, dans un contexte de contingentement de la ressource financière, affichent l'orientation de raisonner la dépense publique en termes d'efficacité et donc de concentrer les crédits sur des territoires jugés particulièrement en difficulté. L'Europe et l'Etat, chacun à sa façon, cherchent, à un niveau fin de régulation, à mobiliser les financements et les hommes pour permettre, sur le territoire, une certaine correction du marché. C'est ce que nous appelons la discrimination positive.

Cette politique risque cependant de laisser parfois de côté les territoires profondément en crise dans lesquels la mobilisation des hommes ne se fait pas. « Organisez-vous, l'on vous aidera ! » : cette déclaration, pour généreuse et positive qu'elle soit, madame la ministre, ne peut en tant que telle rétablir, sinon l'égalité, du moins l'équité sur le territoire. Partant de la même idée que vous, à savoir que l'on ne peut organiser les territoires sans les hommes, il faudra développer des moyens complémentaires importants d'ingénierie pour que nul ne se trouve définitivement écarté.

Selon l'un des paragraphes liminaires de l'exposé des motifs du projet de loi, « l'aménagement et le développement durable du territoire doivent répondre aux trois b uts fondamentaux de la performance économique, notamment par son inscription dans les processus et les échanges mondiaux, de la cohésion sociale et de la qualité de l'environnement et des ressources naturelles. » S'y

ajoutent « quatre priorités qui constituent l'ossature du projet de loi : mobiliser les territoires et réduire les inégalités entre eux, consolider les systèmes urbains à vocation internationale, jeter les bases du développement durable et consolider la décentralisation. Elles placent le développement de l'emploi au centre de la démarche. »

Il faudra donc désormais s'engager dans une logique nouvelle très différente des habitudes prises jusqu'à présent, qui faisaient prédominer la logique de guichet.

Les aides étaient en effet attribuées en fonction de critères souvent technocratiques, reposant sur des zonages, tant n ationaux qu'européens, compliqués, nombreux, peu lisibles et souvent inéquitables, tant par leur recouvrement sur certains territoires que par leur absence sur d'autres.

Cette politique de guichet a conduit à des enfermements sur des modèles non opérants - politiques des quartiers dits difficiles, par exemple, en opposition à ce qu'aurait pu être une politique de ville plus globale - mal répartis et fonctionnant à des vitesses variables selon les territoires.

Il convient aujourd'hui d'inverser cette logique, pour favoriser l'émergence d'une réelle « logique de projet », fondée sur les hommes, leurs liens économiques et sociaux, sur des territoires pertinents, mais en évitant de s'enfermer à nouveau, par un mouvement de balancier redoutable, dans une conception « tout territoire », éloignée d'impératifs nationaux assurant harmonie et équité dans l'aménagement, donc dans le développement.

Il faut engager dans l'ensemble du pays la mise en oeuvre de « territoires de projet », dont le périmètre et le contenu seront définis par les partenaires eux-mêmes, avant d'être cofinancés par l'Europe, l'Etat, les régions, les départements et les intéressés eux-mêmes. Cette logique de projet passe par trois préalables.

Le premier préalable est le désenclavement des territoires, généralement présenté comme la condition première de leur développement.

(« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Or le désenclavement n'est pas une condition suffisante.

M. Yves Deniaud.

C'est en tout cas une condition nécessaire !

M. Jean-Claude Daniel.

De nombreux territoires n'ont pas été dynamisés par une sortie d'autoroute ou un arrêt de TGV.

M. François Sauvadet.

Allez l'expliquer dans nos campagnes !

M. Jean-Claude Daniel.

Désenclaver est une nécessité mais ne saurait suffire. Les acteurs locaux peuvent et doivent également, lorsque leur périmètre d'intervention s'y prête, élaborer une véritable politique d'infrastructures, de projets et d'actions, en lien avec la politique nationale, dans une perspective claire de développement.

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication, les NTIC, devraient jouer un rôle dans l'intégration des territoires isolés, situés en périphérie e t mal reliés au centre. Encore embryonnaires, elles seront vraisemblablement, à l'avenir, un outil d'aménagement du territoire dont il faut dès à présent tenir compte.

Deuxième préalable : l'organisation du territoire.

La décentralisation a remis en cause la stratégie et les moyens classiques de l'Etat dans le domaine de l'organisation et de la structuration du territoire. L'Etat a dû composer avec la répartition des compétences, devenue un véritable maquis, avec l'absence de hiérarchisation des collectivités territoriales, qui complexifie les partenariats, et avec les chevauchements du pouvoir, qui entravent l'efficacité et la lisibilité des actions engagées.

Le développement local suppose souvent des territoires assez vastes, dans lesquels puissent se croiser bassin d'emploi et bassin de vie, d'activité économique, de formation et de recherche.

T roisième préalable : l'aménagement des services publics.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

La présence de services publics est aujourd'hui la condition essentielle de la création d'un cadre propice non seulement au développement économique, mais également à la qualité de la vie et à l'intégration de tous les habitants dans une société développée.

La philosophie qui a présidé à la création des services publics en France, dans un temps déjà éloigné, repose sur deux principes : la proximité, par la couverture de la totalité du territoire français, et l'homogénéité du service rendu, dans un souci d'égalité. Cette conception répondait à une répartition relativement équilibrée des hommes sur le territoire, en particulier entre milieu rural et milieu urbain. Or les déséquilibres qui n'ont cessé de croître depuis quelques décennies entre villes et campagnes, entre villes-centres et banlieues, entre espaces ruraux et désertifiés, intermédiaires ou périurbains, ont profondément hétérogénéisé la démographie des territoires et les servi ces rendus.

Aujourd'hui, certains responsables de services publics s'interrogent sur la pertinence du maintien et de la modernisation des services sur la totalité du territoire. Or l'intégration se fait en grande partie grâce à des services de qualité maillant le territoire, présence visible, entre autres, de l'Etat, garant de la cohésion nationale. La disparition des services en milieu fragile, de l'école ou de la poste en particulier, est vécue par la population et les élus comme un abandon, comme le symbole du déclin et la mise en cause de la survie même de la communauté.

Dans les banlieues des grandes villes, la faible présence des services publics est ressentie comme le signe manifeste d'une moindre intégration de ces quartiers dans la communauté nationale et donc dans l'espace social et politique de notre pays.

Maintenir des services dans les territoires fragiles, condition essentielle de leur intégration, répond à la d emande des élus locaux. L'Etat lui-même a pris conscience, et le Premier ministre l'a réaffirmé auprès de ses partenaires européens, de l'importance de la présence de services publics sur l'ensemble du territoire et de leur caractère d'intérêt général, qui fait qu'on ne peut les confondre avec les services marchands.

Ces préalables étant posés, j'en viens aux dispositions qui nous sont soumises.

Votre projet de loi, madame la ministre, ouvre clairement de nouvelles perspectives, en passant par les trois priorités statégiques de l'Etat que vient de rappeler le Premier ministre : l'emploi, le développement durable et le partenariat avec les collectivités locales.

Ce texte marque d'abord une nouvelle étape dans la politique de décentralisation, que la loi de 1995 avait échoué à moderniser. Il se situe au confluent d'une logique de projet entre des hommes et des territoires, entre le développement économique et social et le respect dû à la préservation de l'environnement.

A ux éléments qui structurent ce système - les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les agglomérations - viennent s'ajouter les dispositifs souples et adaptables que sont les pays et les parcs naturels régionaux.

Le renforcement de la contractualisation doit être salué, car il constitue l'élément nécessaire d'une politique d'aménagement du territoire dont l'échelon régional est le pivot. Mais il reste des difficultés à surmonter ; c'est le rôle du Parlement, par la voie des amendements, que d'y contribuer.

Il faut, pour éviter une réédition de l'échec de la loi de 1995, que l'articulation des différents documents - schémas de services collectifs, schémas régionaux d'aménagement du territoire, contrats de plan Etat-région, zonages européens - soit nettement précisée et que le calendrier ordonné d'application des textes pour 1999 soit tenu.

L'abandon du schéma national d'aménagement du territoire n'a pas le sens que d'aucuns voudraient lui donner : tantôt la nouvelle donne serait peu républicaine car l'Etat n'y tiendrait plus sa place, tantôt elle apparaîtrait comme une tentative subreptice de recentralisation. Il est parfois surprenant d'entendre s'exprimer ainsi ceux qui n'ont pas approuvé les lois de décentralisation de 1982, puis de 1992, ou ceux qui avaient conçu le schéma national d'aménagement du territoire sans d'ailleurs réussir à le rendre opérationnel.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ce n'est pas vrai !

M. François Sauvadet.

Ce n'est pas honnête !

M. Jean-Claude Daniel.

Il convient, par ailleurs, de réaffirmer le rôle de l'Etat et ses missions de service public, dont les règles générales seront fixées dans le cadre des schémas de services collectifs. Il faut remplacer le moratoire factice, souvent transgressé, par une vraie politique assurant au public un service moderne et solidaire.

Y a-t-il opposition entre rural et urbain ? Les pièces constitutives du puzzle seront dorénavant clairement définies : communes, EPCI, communautés d'agglomération, communautés urbaines, communautés de communes.

M. François Sauvadet.

C'est vraiment clair ! Chacun saura s'y retrouver !

M. Jean-Claude Daniel.

Les pays s'inscrivent, comme les parcs naturels régionaux, en tant qu'outils d'intégration de ces pièces, dans une logique de projets consacrés par une charte de développement. L'emboîtement des différentes strates doit être éclairci ; c'est le sens de certains de nos amendements.

L'agglomération devra-t-elle rester longtemps sans démocratie directe ? Dans le bilan de la décentralisation, la réforme a parfois oublié le citoyen. Contrairement au rapport Sueur, le projet de loi ne semble pas prêt, pour l'instant, à faire le choix, pour l'agglomération au moins, d'une élection au suffrage universel. La difficulté de la démocratie urbaine éloigne des choix pourtant nécessaires à terme.

Concernant les périmètres et les seuils, comment définir la pertinence - taille, population, géographie, économie... - du territoire des pays ? Et à quels seuils devronsnous arrêter les communautés d'agglomération en croisant d'autres critères, tels que forte et faible conurbation, taxe professionnelle unique, coefficient d'intégration fiscale, compétences ou projets ? Enfin, il faudra préciser le rôle du Parlement : définition des schémas de services, évaluation et contrôle de la nouvelle politique d'aménagement du territoire.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Jean-Claude Daniel.

En conclusion, je relève que les questions restent nombreuses pour les élus et pour nos concitoyens. La fracture sociale et les déséquilibres territoriaux sont-ils une fatalité ? On pourrait poser la question à la fois au Président de la République et au Premier ministre. Les riches seront-ils plus riches, les pauvres toujours plus pauvres ? Où seront vraiment les pouvoirs de décision ? Quelle place pour les élus de base, mais aussi pour les citoyens ? Quel rôle original peuvent jouer les services publics, particulièrement en milieu rural ? Quelle place pour l'agriculture ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

La LOADT précise ce que pourraient être les agglomérations percevant la taxe professionnelle unique et les pays, véritables formes d'intercommunalité fédérative.

Je crois, pour ma part, à l'hypothèse heureuse de cette structure regroupant des communes, de petites villes ou bourgs non connexes, des GAL, mais appartenant tous et toutes à un même territoire, bassin de vie, d'activité sociale, culturelle et économique, véritable unité « rurbaine », à la fois rurale et urbaine, de dimension suffisante et susceptible d'engager le dialogue contractualisable direct avec l'Etat et la région, dans une grande souplesse d'organisation. C'est en ce sens que je crois très profondément à la non-séparation entre les missions du rural et de l'urbain.

Il faut concevoir le territoire français non plus comme un bloc à homogénéiser, mais comme un ensemble dont chaque pièce a sa richesse, son histoire, sa géographie, et qu'il faut solidariser autour de projets qui forgeront pour le prochain siècle les déséquilibres réparateurs, parfois inacceptables pour certains aujourd'hui, mais indispensables pour notre avenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté a pour objectif principal de rééquilibrer la défini tion et les moyens financiers d'une politique d'aménagement du territoire résolument tournée vers une organisation urbaine de notre société.

Vous partez, madame la ministre, du constat que 80 % de la population vit en zone urbaine et que les tentatives successives de rééquilibrage n'ont, au fond, jamais modifié cette évolution vers l'urbanisation. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que ces 80 % d'habitants des villes n'aspireraient pas à prendre la clef des champs si la perspective de trouver un emploi et des structures adaptées s'offrait à eux. Si les politiques de rééquilibrage n'ont jamais donné totalement satisfaction, c'est que, à tous les niveaux, les villes, fortes de leur poids électoral, ont toujours drainé les moyens financiers et les projets de développement. Or on ne repeuplera pas harmonieusement notre territoire sans un rééquilibrage de l'activité économique.

Le milieu rural occupe 80 % du territoire national pour 20 % de la population. Dans ma région insulaire, la Corse, cette proportion s'aggrave puisque 80 % du territoire est occupé par 6 % de la population et fournit à peine 3 % des emplois. Si on peut espérer qu'avec l'apport touristique le littoral et les centres-bourgs généreront de l'activité et des emplois, les chances de l'intérieur de l'île ne relèvent plus des seules incantations sur la désertification qui font l'objet de nombreux séminaires depuis des années.

C'est pourquoi, contrairement à votre objectif d'aide aux agglomérations et de renforcement des pôles urbains à vocation européenne, qui de toute façon émergent déjà avec ou sans accompagnement de l'Etat, j'aurais préféré que vous jouiez la complémentarité entre villes et campagne.

De fait, l'article 18 de votre projet de loi mentionne essentiellement, dans le cadre des schémas de services collectifs des espaces naturels et ruraux, des mesures de conservation et de protection du patrimoine naturel.

Je crains que ce projet de loi, contrairement à son objectif affiché, ne conduise à opposer les deux parties de notre territoire. La ville sera considérée comme créatrice d'emplois et de richesses ; la campagne deviendra un espace protégé de reconquête écologique, voire une zone de promenade ou - pourquoi pas ? - une « réserve d'indiens ».

Vous supprimez le schéma d'aménagement du territoire, élément de cohérence de l'action publique, pour lui préférer des schémas de services collectifs dont il conviendra de définir le contenu et dont la multiplication risque de conduire à la neutralisation de l'action.

Je considère qu'il faut donner à tout le territoire les mêmes chances de développement, ce qui passe par l'inégalité de traitement, qui nécessite une vue globale des actions menées.

Votre logique urbanistique vous conduit aussi à imposer la constitution de syndicats mixtes ou établissements publics pour pouvoir contractualiser. Or de nombreuses communes, souvent petites, ne souhaitent pas l'apparition de nouvelles structures ayant vocation à percevoir l'impôt pour drainer son produit vers les communes les plus peuplées.

De même, pour régler la question essentielle de la présence des services publics en milieu rural, vous proposez la mobilisation des services publics en faveur d'un égal accès aux savoirs, à la santé, à la culture, à l'information , aux transports et à un environnement de qualité, en utilisant notamment les nouvelles technologies de l'information.

Dans cette optique, le schéma de services collectifs prévoit les objectifs de développement de l'accès à distance, en vue d'offrir aux usagers un accès à certains services publics.

L'auteur de cette proposition, intellectuellement intéressante pour les milieux « branchés » parisiens, semble imaginer que l'égal accès aux services publics de la santé, de l'éducation et de la culture peut se faire à distance, et s'imagine peut-être qu'il va connecter tous les foyers sur Internet, en particulier la population rurale souvent vieillissante.

C'est méconnaître la diversité territoriale française et oublier que la France ne s'arrête pas à la Porte d'Orléans.

On peut, en revanche, s'interroger sur la garantie d'égal accès aux services publics quand le Premier ministre met fin au moratoire sur la fermeture des services publics en zones rurales, ce qui va largement contribuer au mouvement de dévitalisation de nos campagnes.

Il y a quelques années, un inspecteur d'académie déclarait très justement : « Lorsque l'éducation nationale ferme une école dans un village, elle ne signe pas son arrêt de mort, mais paraphe son avis de décès. »

Chacun sait que la disparition des écoles, de la poste, ainsi que les difficultés de desserte, particulièrement en zone de montagne, ont provoqué le départ des familles rurales vers les néons de la ville.

Dans le domaine des transports intérieurs, le projet de loi précise que l'existence des zones de revitalisation rurale est prise en compte dans les schémas de services collectifs et dans les schémas régionaux d'aménagement. Peut-on espérer que les communes des territoires ruraux en déclin bénéficieront enfin d'un service public de transport ? Permettez-moi d'en douter.

Votre projet, qui, au nom si commode de la solidarité nationale, oriente la politique d'aménagement du territoire vers les villes, va conduire à un peu plus de désertification et à rayer de nombreux villages de la carte.

Enfin, comme trop souvent dans les projets de loi touchant l'aménagement du territoire, le manque de moyens financiers est patent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Il est facile pour l'Etat de donner une impulsion nationale dont le financement reste incertain. Comment sera financé le Fonds de gestion des milieux naturels qui remplace le Fonds de gestion de l'espace rural créé par la loi de 1995 dont la dotation doit financer les contrats territoriaux d'exploitation prévus par la loi d'orientation agricole ? La démarche n'est pas nouvelle et le désengagement financier de l'Etat au détriment des collectivités va se poursuivre, notamment pour le maintien des services postaux, alors que, dans le même temps, la question de la péréquation entre les collectivités semble oubliée.

Si la mise en oeuvre de la loi du 4 février 1995 s'est avérée difficile, je crains que l'application de la nouvelle loi ne soit, elle aussi, laborieuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance).

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous poursuivons la discussion générale sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, il me semble nécessaire de souligner d'emblée l'enjeu majeur que renferme ce texte au regard des transports.

Par rapport aux dispositions existantes, le projet de loi affirme la multimodalité dans la chaîne de transport.

Cette orientation s'éloigne de l'approche un peu trop technicienne qui était en oeuvre jusqu'à présent.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Jacques Filleul.

Elle favorise une logique de services rendus face à des besoins clairement identifiés.

Dès lors que nous considérons que le territoire est notre bien le plus précieux, il nous faut nous interroger sur une meilleure régulation de notre espace de vie collectif.

De plus, le projet de loi substitue au schéma national et aux schémas sectoriels de la loi du 4 février 1995 huit schémas de services collectifs dont deux ont trait aux transports, le schéma multimodal de transport de marchandises et le schéma multimodal de transport de voyageurs. Cette séparation en deux schémas de transport constitue une innovation importante qu'il faut souligner puisqu'elle procède de la volonté du Gouvernement de rééquilibrer le transport en faveur du fret, trop longtemps négligé.

Cette manifestation d'intérêt pour le rail, en particulier, est nécessaire mais elle n'est pas sans poser de nouveaux problèmes car ces deux secteurs de transport utilisent les mêmes infrastructures, se disputent les mêmes sillons, se bousculent sur les mêmes itinéraires.

Par conséquent, deux risques apparaissent à mes yeux.

Tout d'abord, j'appréhende une mise en concurrence progressive des deux services qui utilisent les mêmes infrastructures ferroviaires, alors qu'il me semble nécessaire de rechercher une harmonisation et une complémentarité.

Ensuite, il m'apparaît primordial de veiller à ce que l'on conserve l'unicité entre le transport de fret et le transport de voyageurs afin que l'un ne se développe pas au détriment de l'autre mais dans une étroite coordination. Ces enjeux sont d'importance.

Par ailleurs, parce qu'il cherche à lier une meilleure utilisation de l'argent public et de l'espace collectif dans la perspective de l'optimisation du réseau existant, ce texte va dans le bon sens. En effet, on ne peut que regretter le foisonnement déstructuré de réalisations d'infrastructures de transport qui s'est substitué à une réelle politique de transport intégrée à l'aménagement du territoire.

Pendant de trop nombreuses années, les pouvoirs publics se sont évertués à construire des infrastructures, routes principalement, peu adaptées aux besoins et qui, dans le pire des cas, se faisaient concurrence sur les mêmes parcours.

Ce développement anarchique des infrastructures ne pouvait plus durer. Les contraintes budgétaires et environnementales nous ont notamment rappelé à l'ordre. Il devenait donc urgent de réorganiser les schémas de transport en faveur d'une optimisation des réseaux existants, et ce dans une logique de contrôle des dépenses et d'une meilleure réponse à la demande de service. La remise en marche, par exemple, de la ligne Béziers-Neussargues constitue un bon exemple de la réactivation de lignes ferroviaires secondaires pouvant jouer un rôle majeur dans l'aménagement du territoire par leur rôle utile dans le désenclavement des sites saturés et de l'axe Nord-Sud.

Néanmoins, si parfois la réhabilitation de l'existant permet de répondre de manière appropriée à la demande, il n'en va pas de même dans d'autres secteurs, notamment celui du transport intermodale pour le développement duquel de nouvelles infrastructures sont nécessaires.

Ces investissements sont importants pour trois raisons.

Tout d'abord, certains territoires de notre pays continuent à être mal desservis ou à n'être reliés qu'aux villes phares. Sur ce point, il m'apparaît nécessaire d'aller dans le sens d'un plus grand développement des liaisons interurbaines reliant les villes moyennes entre elles. Il nous faut accroître un maillage du territoire plus en phase avec la réalité démographique et les besoins quotidiens de nos concitoyens.

Ensuite, si nous faisons le choix politique de développer les transports multimodaux, la nécessité de réaliser de nouveaux équipements permettant de réaliser le lien entre les différents modes, route, fer et voie d'eau, dans un souci de complémentarité s'imposera comme une évidence à laquelle il nous faudra répondre.

Enfin, la nécessité de développer davantage le transport de marchandises semble faire consensus. Néanmoins, au regard des difficultés ayant trait à ce secteur, il apparaît primordial de trouver des solutions à la saturation du réseau dans ce secteur. Les itinéraires de délestage ou bien les structures de contournement des noeuds de trafic constituent des réponses appropriées à ces saturations. J'ai déposé un amendement à ce sujet. Ces investissements de désaturation répondent à deux objectifs qui vont dans le sens d'une meilleure complémentarité dans les transports : une meilleure concurrence intramodale et l'amélioration du cadencement des trains régionaux de voyageurs. Cela m'amène à préciser combien serait nécessaire la constitution d'un organisme du transport combiné chargé de coordonner et de financer son développement. Un amendement en ce sens sera proposé.

Depuis une trentaine d'années, nos villes se sont grandement modifiées. Certaines se sont largement étendues alors que la densité des autres diminuait. Devant le développement parfois diffus de ces aires urbaines, les transports collectifs n'ont pas suivi le même mouvement. La voiture est souvent largement favorisée. Il ne s'agit pas de chasser la voiture de la ville, mais de repenser la place de chaque mode dans l'espace urbain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

C'est pourquoi l'enjeu réside dans une réorganisation des villes en prenant en compte les transports en site propre capable de s'étendre dans les zones périurbaines et au-delà. La question du développement des zones périurbaines et de l'organisation des déplacements sur ces vastes territoires est un des enjeux de cette loi.

Dans ces perspectives, il est de l'intérêt commun de prendre garde aux superpositions de compétences entre les zones périurbaines et les zones urbaines qui peuvent nuire à leur développement mutuel. Il faudrait veiller à la coordination entre les transports urbains, départementaux et régionaux. Ainsi, les liaisons de transport interurbaines et périurbaines en sortiraient gagnantes.

Enfin, je tenais à souligner l'exclusion de l'Ile-deFrance dans ce projet de loi, exclusion qui n'est pas de votre volonté, madame la ministre, puisqu'elle est effective dans la LOTI. Or, l'Ile-de-France ne saurait être absente d'une réforme de l'aménagement du territoire alors qu'un nombre croissant de difficultés en termes de transport urbain et périurbain apparaît dans cette région.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Jean-Jacques Filleul.

Il convient de développer la q ualité des services des transports publics dans ce domaine. Cela implique notamment de mettre en oeuvre une réforme institutionnelle et financière des transports publics en Ile-de-France, notamment par la clarification des responsabilités entre le syndicat des transports parisiens et les agglomérations et l'introduction du conseil régional au sein du conseil d'administration du STP c'est tout au moins la formulation que j'en fais.

Aménager pour nos enfants un pays solidaire, dynamique et équilibré, tel est l'objectif majeur de ce projet de loi, qui doit concilier égalité d'accès à tous des services publics et amélioration de l'utilisation de notre espace de vie, car c'est ce qui fonde le contrat social qui nous lie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aménager le territoire suppose des instruments et des moyens. La loi Pasqua créait des instruments : le schéma national, les schémas sectoriels et régionaux, le conseil national d'aménagement et de développement du territoire, les pays, etc. Elle fournissait aussi des moyens sous forme d'avantages fiscaux, sociaux et administratifs aux diverses zones déterminées et de fonds divers mis à la disposition de la politique de développement du pays : le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le fonds de péréquation des transports aériens, le fonds national de développement des entreprises, le fonds de gestion de l'espace rural - tous nouveaux - et, bien sûr, le fonds national d'aménagement et de développement du territoire qui fusionnait plusieurs fonds préexistants pour leur donner un champ d'intervention plus large et une souplesse accrue.

On objectera sans doute que ces fonds furent insuffisamment dotés dès le départ.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. Yves Deniaud.

Mais on partait de zéro. Les fonds nouveaux, par définition, ne succédaient à rien.

M. Alain Cacheux.

Et vous êtes arrivés à pas grandchose ! (Sourires.)

M. Yves Deniaud.

C'était toujours mieux que rien ! (Sourires.)

Cela étant, et ceux qui siégeaient dans la précédente assemblée s'en souviennent sans doute, comme rapporteur du budget de l'aménagement du territoire, j'avais fait observer au prédécesseur de Mme Voynet que les moyens alloués par le Gouvernement étaient chiches.

Mais les vôtres ne furent pas meilleurs.

M. Alain Cacheux.

Que si !

M. Yves Deniaud.

Non, les chiffres sont là ! Pour faire justice de ce que nous entendons depuis hier, vous n'avez pas l'excuse d'avoir eu à élaborer les textes d'application de la loi. Une bonne centaine étaient rédigés à votre arrivée, en 1997. Qu'avez-vous fait pendant une période quasiment identique de deux ans et aux recettes fiscales meilleures ?

M. François Sauvadet.

Bonne question !

M. Michel Meylan.

Rien !

M. Yves Deniaud.

La réponse que j'ai entendue de vos prédécesseurs et de vous-même consistait à dire que des fonds européens existaient en quantité et n'étaient pas utilisés.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

C'est vrai !

M. Yves Deniaud.

J'avais souligné le danger que cela pouvait constituer.

Mais au-delà de la maigreur des dotations, le plus grave c'est que les fonds de la loi de 1995 ont été largement détournés de leur objet. Ils ont été presque intégralement avalés par la machine étatique centralisée, au profit de ses propres initiatives et au détriment des projets du terrain qu'ils devaient prioritairement servir dans la souplesse et la rapidité de réaction.

Le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables, le plus gros, finance les dépenses ordinaires des contrats de plan. Le fonds de péréquation des transports aériens n'est plus qu'une petite machine à subventions banale, qui ne soutient plus les petits aéroports isolés alors que c'était sa vocation. Les dotations du fonds national de développement des entreprises - c'est vous qui l'avez doté pour la première fois -...

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. Yves Deniaud.

...s'élèvent à 200 millions. Voilà qui sûrement permettra de faire de grands progrès...

M. Philippe Duron rapporteur.

C'est mieux que rien !

M. Yves Deniaud.

Cela ne donnera que quelques moyens d'intervention à la Banque de développement des PME que nous avons créée. Quant au FNADT, il stagne à un niveau dramatiquement médiocre en cette dernière année de l'actuelle version des fonds structurels - j'y reviendrai.

Le projet de loi, pompeusement baptisé d'orientation, qui nous est soumis, ne crée, lui, qu'un seul fonds, le fonds de gestion des milieux naturels, généreusement doté par la loi de finances de 164 millions de francs, soit l'équivalent, au plus faible étiage, du défunt FGER, qui a été assassiné lors de la dernière loi d'orientation agricole.

Ce FGMM ne représente en fait qu'un découplement de crédits du ministère de l'environnement à des fins d'affichage.

A part ce transfert douteux portant sur le montant considérable d'un dix millième des dépenses de l'Etat, il n'y a pas un euro, ni même un franc de plus qui soit dégagé par ce projet de loi au profit de l'aménagement du pays. Les contrats de pays ou d'agglomération seront inclus dans les contrats de plan, c'est-à-dire nécessairement prélevés sur l'enveloppe d'autres dépenses d'équipement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Bien entendu, si cela vient réduire l'enveloppe affectée à la route, votre ennemi numéro 2 après l'énergie nucléaire, vous en serez sûrement satisfaite. Mais cela ne peut que désoler ceux qui, comme nous, pensent que le maillage du pays est loin d'être achevé.

En fait, le vrai complément dont la loi Pasqua avait besoin était, une fois évalués les résultats financiers des différents zonages qu'elle avait mis en oeuvre, d'harmoniser leur révision avec la réforme des fonds structurels européens.

On nous annonce une baisse de 20 % des crédits et de 40 % des surfaces concernées. Cette loi aurait dû nous dire comment on accompagnera l'effort européen là où il persiste, comment on le suppléera là où il disparaît...

M. Patrice Martin-Lalande et M. François Sauvadet.

Eh oui !

M. Yves Deniaud.

... et mettre en place les financements nécessaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Et je ne parle pas de la prime à l'aménagement du territoire, que Philippe Vasseur évoquait hier.

Mesurons bien, en effet, que 20 % des crédits européens, cela fait environ deux milliards de francs par an, c'est-à-dire plus que la totalité du budget du ministère de l'aménagement du territoire, qui s'élève à 1,799 milliard en 1999. L'agitation médiatique ne saurait masquer cette cruelle réalité : la politique d'équipement et d'aménagement du pays se situera, à partir de l'an 2000, à moins deux milliards par rapport à l'année précédente,...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est exact !

M. Yves Deniaud.

... sans préjuger des baisses à venir sur les moyens du ministère de l'équipement, et sans tenir compte de la nette diminution des investissements autoroutiers dont la France est victime grâce à vous.

M. le président.

Monsieur Deniaud, je vous invite à conclure.

M. Yves Deniaud.

Je conclus, monsieur le président.

Voilà le seul résultat tangible et concret de la politique d'aménagement de ce gouvernement et de cette majorité.

Le reste de votre loi n'est qu'un inutile et souvent nocif bavardage sur les méthodes consistant notamment à dessaisir le Parlement de ses pouvoirs, comme mes collègues de l'opposition l'ont mis et le mettront en évidence. Vous avez tenté de camoufler cet échec financier sous des flots de littérature, vous avez échoué et les Français, n'en doutez pas, le sauront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

En conclusion de mon intervention sur votre projet de budget pour 1999, madame la ministre, j'estimais que l'aménagement du territoire l'une des nécessités absolues de la France d'aujourd'hui ne constituait pas l'une des priorités du Gouvernement et de sa majorité. Il suffit d'ailleurs d'écouter les propos du Premier ministre pour s'en convaincre : s'est-il jamais exprimé sur cette importante question depuis son discours d'investiture en juin 1997 ? Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire qui nous est présenté permet-il de corriger le sentiment que j'exprimais en novembre dernier ? Plusieurs raisons me conduisent à douter de la détermination du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.

Mes inquiétudes tiennent d'abord aux conditions d'élaboration et de présentation du projet de loi.

Ainsi, y aurait-il eu un projet de loi Voynet s'il n'y avait pas eu la loi Pasqua votée par la précédente majorité et que, selon vous, il fallait faire disparaître ?

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. Maurice Ligot.

Il suffit de lire le texte qui nous est présenté pour remarquer que, loin d'être une oeuvre originale apportant une réflexion neuve sur le sujet, il constitue, dans bon nombre de ses articles, une modification de la loi Pasqua pour bien montrer qu'on ne fait pas pareil.

Néanmoins, vous ne pouvez pas trop vous en écarter, car il n'y aurait plus grand-chose à se mettre sous la dent.

Autre remarque concernant l'élaboration du projet de loi : la loi Pasqua fut discutée dans toutes les régions, le ministre se déplaçant et rencontrant tous les responsables locaux et le Premier ministre Edouard Balladur, luimême, participant à certains de ces débats. J'en ai été témoin personnellement.

M. Alain Cacheux.

C'était pour préparer l'élection présidentielle !

M. Maurice Ligot.

Qui a participé à l'élaboration de votre projet ? Un petit cénacle autour de vous, madame la ministre, mais ce ne fut sûrement pas un large débat démocratique qui aurait permis de réfléchir éventuellement aux insuffisances de la loi Pasqua et aux points à réformer.

Malgré cette confidentialité, la procédure de préparation et de présentation n'en fut cependant pas moins longue. Il aura fallu plus de deux ans, après la prise de fonction de votre gouvernement, pour que la loi soit votée et promulguée.

Remarque sans doute plus importante encore : les projets du Gouvernement, en ce qui concerne les territoires, constituent une sorte de puzzle.

Nous avons vu arriver, successivement, sur le bureau de l'Assemblée nationale quatre textes : les projets Voynet, Chevènement, Zuccarelli et Strauss-Kahn sur la taxe p rofessionnelle. Ils se complètent, se corrigent et, disons-le, ajoutent à la cacophonie des législations sur les territoires. Déjà, avec ce qui existe, les élus régionaux, départementaux et locaux se trouvent dans la plus grande confusion. Tous espéraient plus de clarté et de simplification. Leur tâche n'en sera-t-elle pas encore plus compliquée ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Maurice Ligot.

J'en arrive à évoquer trois des lignes directrices de votre texte.

Quel doit être le rôle de l'Etat dans le processus d'aménagement du territoire ? Il s'agit, pour lui, de corriger les inégalités territoriales t ant démographiques qu'économiques, entre régions riches et régions pauvres, entre territoires en développement et territoires en voie de désertification, en mettant en oeuvre des investissements et des aides ; en instaurant des modalités de rééquilibrage, éventuellement inégalitaires, tout cela en respectant les initiatives des collectivités locales, c'est-à-dire la décentralisation, car, depuis qu'elle a été instaurée, l'action régionale relève d'elles e t d'elles seules.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Apprécions votre projet de loi à la lumière de cette définition de l'aménagement du territoire.

Vous avez abandonné le schéma national d'aménagement du territoire, ce qui a tout bloqué en matière de projets d'infrastructures depuis plus d'un an et demi. Cet état de fait est préjudiciable pour bien des régions.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Croyez-moi, l'arrêt des constructions d'autoroutes compte beaucoup pour les régions qui n'en ont pas !

M. François Sauvadet et M. Yves Deniaud.

Absolument !

M. Maurice Ligot.

L'une des lignes directrices de votre projet de loi est constituée par les schémas de services collectifs.

Si je comprends bien, on passe donc d'une préoccupation d'infrastructures à une préoccupation de services. Du même coup, les infrastructures, qui n'ont pas été réalisées précédemment, ne le seront sans doute plus. Mesurons ce que cela signifie.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Quel pessimisme !

M. Maurice Ligot.

Que deviendront les territoires qui ont été les oubliés du réseau en étoile et concentrique, qu'il soit autoroutier et ferroviaire, construit à partir de Paris ? La nécessité des transversales ne risque-t-elle pas d'être occultée ? La façade atlantique n'est-elle pas condamnée à la marginalisation, à la « finistérisation » ? Pour un élu de l'Ouest, il s'agit d'une véritable hantise, car plane le spectre d'une asphyxie progressive, faute de moyens de communications modernes et rapides. Et les élus de l'Ouest ne seront pas les seuls à pleurer ! N'est-ce pas le contraire d'un véritable aménagement du territoire ?

M. François Sauvadet et M. Yves Deniaud.

Eh oui !

M. Maurice Ligot.

De même, une menace ne pèse-t-elle pas sur beaucoup de centres hospitaliers, sur beaucoup d'antennes universitaires, au nom d'une définition centralisée des services collectifs ? Selon le projet de loi, les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire, qui sont les plans des régions, devront être compatibles avec les schémas de services collectifs : où se situe donc la m arge d'initiative propre des collectivités locales ? N'est-on pas en train de vider la décentralisation de son contenu ? La contractualisation, autre ligne directrice de votre projet, deviendra un mode général de relations entre l'Etat et les diverses collectivités territoriales, et de conduite des politiques locales. A cet égard, lisons attentivement les articles 19 et 20 relatifs aux pays et aux établissements publics d'agglomération.

Leur existence est pratiquement liée à la mise en place d'un contrat avec l'Etat, et celui-ci, à travers le contrat, pourra dicter ses propres politiques aux nouvelles institutions de pays et d'agglomération, par la promesse d'aides financières sur la durée du contrat. N'est-ce pas une façon de remettre en cause les acquis de la décentralisation au profit des régions, des départements et des communes ? Autre ligne directrice de votre projet : la notion de pays, que vous avez reprise de la loi Pasqua, et celle d'agglomération qui constitue effectivement une réalité, géographique et territoriale, sont institutionnalisées. Mais, autant le projet d'agglomération paraît construit et organisé, autant celui de pays reste flou et incertain.

Qui plus est, il y aura nécessairement, dans un certain nombre de territoires, superposition des deux : pays et agglomération en son centre. Comment s'organiseront les coordinations et coopérations, d'autant que l'agglomération, mieux organisée, aura tendance à supplanter le pays ? Est-ce cela que l'on recherche ? En ce cas, s'agit-il vraiment d'aménagement du territoire ? Autant je pense que l'agglomération a besoin d'être structurée pour assurer une bonne gestion urbaine, autant il me semble que le pays doit, avec ses problèmes spécifiques, disposer des moyens de son développement, certes en collaboration avec l'agglomération, mais sans être dominé par elle et par sa technostructure.

Ces quelques observations sur de grands problèmes que pose le projet de loi d'orientation, méritent que vous apportiez des réponses claires et précises. Il ne s'agit pas de prétendre qu'un tel projet de loi n'est pas utile. J'ai toujours pensé et dit - j'ai même écrit un livre à ce sujet en 1993 - qu'une loi d'orientation d'aménagement du territoire est indispensable : elle doit donner une inspiration et un cadre tant à l'ensemble des grandes administrations de l'Etat, dans son rôle de créateur d'équilibre entre les territoires, qu'aux collectivités territoriales qui ont pour mission d'animer toutes les actions dans les territoires.

C'est pourquoi je crois devoir rappeler ce qui me paraît être les points forts d'une politique d'aménagement du territoire.

D'abord, la priorité doit être donnée à la décentralisation. Elle est en route, mais elle n'est pas achevée, loin de là et, trop souvent, l'Etat donne l'impression de vouloir reprendre les pouvoirs qu'il a cédés en utilisant des voies diverses et détournées. Le meilleur instrument du développement local est constitué par la responsabilité, les initiatives, les audaces même des collectivités territoriales et de leurs instruments.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Ligot, pouvez-vous vous acheminer vers votre conclusion ?

M. Maurice Ligot.

Je termine.

L'aménagement du territoire ne peut se développer efficacement que s'il y a clarification des compétences.

C'est à ce prix que, sans supprimer des niveaux d'administration, on mettra de l'ordre entre les différentes collectivités.

Enfin, il faut être convaincu que l'aménagement du territoire est inséparable de la pratique de l'expérimentation.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Maurice Ligot.

Chaque territoire a ses caractéristiques propres ; il a besoin de traitements spécifiques ; il doit pouvoir concevoir et mettre en oeuvre lui-même ses propres voies et moyens de développement, de modernisation et d'adaptation aux circonstances.

M. François Sauvadet.

Ecoutez bien, monsieur le rapporteur !

M. Maurice Ligot.

Votre projet n'a de chance de devenir une bonne loi que si, lors de la discussion qui s'ouvre, vous acceptez de donner toute leur place à la décentralisation, à la clarification et à l'expérimentation.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Maurice Ligot.

Vous en avez la possibilité. A défaut d'un débat préalable au dépôt du texte, tenez compte d'une discussion parlementaire la plus large et la plus


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

riche possible en acceptant les amendements de l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire, qui sera certainement, avec votre accord, madame la ministre, sensiblement enrichi par les amendements du Parlement, propose un mode d'action, un mécanisme de concertation pour permettre à nos territoires et à ceux qui y vivent de lutter contre les dérives inévitables, voire naturelles, de l'économie de marché lorsqu'elle est totalement livrée à elle-même.

Comme vous l'avez rappelé, il ne s'agira pas d'un catalogue de mesures sans cesse à réactualiser, mais d'une stratégie de véritable développement. Si vous me permettez cette petite variante, je dirais qu'il s'agira d'une stratégie durable de développement harmonieux.

M. François Sauvadet.

Oh !

M. François Brottes.

Concernant plus particulièrement les missions de service public sur lesquelles je voudrais intervenir, elles sont assurées aujourd'hui par des administrations d'Etat, par des établissements publics, par des collectivités territoriales, mais aussi par des organismes de droit privé, autant de subtilités qui n'étaient d'ailleurs pas prises en considération dans la loi de 1995. Permettezmoi de réaffirmer que cette notion de service public à la française est une fierté de notre République depuis plusieurs générations.

Mme Dominique Gillot.

Eh oui !

M. François Brottes.

Permettez-moi encore de me féliciter qu'elle ait réussi à s'imposer au niveau européen en prenant l'appellation de « service universel ».

M. Maurice Ligot.

Avec des différences !

M. François Brottes.

Que le service public, comme les droits de l'homme, devienne universel est un signe du destin qui impose notre respect et notre vigilance.

M. François Sauvadet.

Lui aussi peut devenir virtuel !

M. François Brottes.

En effet, vous le savez tous, lorsqu'on éprouve le besoin - et cela n'est pas virtuel - d'inscrire dans la loi des droits et des devoirs, c'est que le penchant naturel des mécanismes concernés ne garantit ni l'équilibre ni l'égalité des chances à lui tout seul.

Madame la ministre, il faut que cette nouvelle loi aide nos concitoyens à sortir de l'inéluctable et aide nos territoires à défier les fatalités. Ce texte doit être au service des besoins des populations, y compris les plus fragiles, dans les quartiers sensibles comme dans les secteurs victimes de désertification.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. François Brottes.

En complément des régions, les agglomérations, les pays, les parcs naturels, pourront contractualiser directement avec l'Etat. Il s'agit d'une formule innovante qui laisse l'initiative aux territoires et permet une approche différenciée réellement en adéquation avec les besoins exprimés.

Cette formule garantit la cohérence et la cohésion nationale grâce à la mise en perspective par l'Etat des schémas de services collectifs. De fait, cette démarche ouvre de nouvelles pistes d'organisation des services publics.

Bien sûr, tout cela est très compliqué : l'évolution incessante et très rapide des technologies impose la mutation des métiers ; le service universel a un coût parfois élevé et son financement par compensation, par péréquation, fait toujours l'objet de débats difficiles ; les statuts des différents agents qui accomplissent avec compétence et dévouement les missions de service public sont souvent très différents les uns des autres ; les directives européennes renforcent encore trop souvent la seule logique verticale de chaque secteur d'activité - poste, télécommunications, énergie, transport, etc.

; enfin, les coll ectivités locales sont trop fréquemment démunies, impuissantes, face aux vélléités de désengagement des opérateurs de service public.

En matière de service public, ce texte, complété par p lusieurs amendements cohérents avec son contenu devrait venir soutenir avec bonheur les décisions annoncées par le Gouvernement à l'issue du dernier comité interministériel et dont vous avez rappelé, madame la ministre, les conclusions au début de la discussion générale.

Si le moratoire est plutôt un signe de sanctuarisation des espaces,...

M. François Sauvadet.

Oh là là ! M. François Brottes ... il faut veiller à ne pas faire croire que la réorganisation et la modernisation seraient des signes d'abandon.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. François Brottes.

Alors, madame la ministre, puisque le monde bouge très vite, que la volonté de ce texte est sincère, que les populations, où qu'elles habitent, auront les moyens de formuler leurs besoins et de contribuer à la mise en oeuvre des solutions, prenons le parti d'engager une évolution de l'organisation des services publics, sans jamais rien céder aux principes républicains du service public : celui d'un service de qualité accessible à tous, en permanence, sur l'ensemble du territoire, gratuitement ou à des prix abordables.

Oui, madame la ministre, donnons un cadre juridique clair aux maisons de service public et à ceux qui les feront fonctionner, afin, bien sûr, de renforcer et d'améliorer le service rendu. Permettons aux collectivités de mieux négocier des évolutions constructives de la présence postale territoriale ou encore de la publiphonie. Je veux parler des cabines téléphoniques.

M. François Sauvadet.

Bien sûr ! On les entretiendra !

M. François Brottes.

Donnons aux citoyens des garanties importantes et conformes aux directives européennes en matières de service postal.

Affirmons dès maintenant, dans ce texte, avec l'intégration d'une première étape de la transposition dans notre droit de la directive postale européenne, la qualité du service postal universel garanti aux usagers et l'importance du périmètre des services réservés à La Poste. Le faire dès à présent, compte tenu du calendrier de la directive, est conforme à l'intérêt de l'opérateur postal historique, de ses agents et des Français, qui, vous le savez, y sont très attachés.

N'excluons personne des progrès de la technologie, qu'il s'agisse de la diffusion audiovisuelle, de la téléphonie mobile ou encore de l'accès à Internet, pour lequel de gros efforts de baisse tarifaire doivent être consentis, même s'il faut saluer les signes très encourageants qu'a donnés le Premier ministre hier en faveur du développement d'Internet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

N'excluons personne non plus du droit à l'initiative et a u projet. A ce titre, permettez-moi de souligner l'exemple donné par La Poste, qui, à l'initiative de Claude Bartolone et Christian Pierret, a créé des fonds de participation des habitants des quartiers pour financer des opérations menées par des associations ou des groupes d'habitants. Cela démontre une nouvelle fois que, même en matière de services financiers, La Poste remplit une mission de service public de fait, notamment auprès de ceux, et ils sont nombreux, qui n'ont ni chéquier ni carte bancaire.

Ce ne sont là que quelques exemples dont certains ont débouché sur le dépôt d'amendement, qui devraient constituer ma modeste contribution à l'évolution de ce texte puisqu'ils ont reçu le soutien de la commission et d u rapporteur. Bon nombre de ces amendements concernent le schéma du service collectif en matière d'information et de communication. En ce domaine, conformément à votre souhait, madame la ministre, d'une autonomie des projets des territoires, et dans un contexte de mobilité généralisée, il est vital de garantir à tous, dès l'âge scolaire, et sans discrimination, ce droit universel d'accès à l'information, à la connaissance, à la culture, à la confrontation des idées, à l'échange et au lien social.

C omme l'alimentation, la santé, la formation et l'emploi, dans le monde d'aujourd'hui et dans celui de demain, l'accès à l'information et à la capacité de communiquer appartiennent désormais aux droits fondamentaux que nous devons garantir à nos concitoyens.

Sans cela, il n'y a ni liberté, ni égalité, ni fraternité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol.

M. Jean Proriol.

Madame la ministre, le mot orientation est décidément à la mode au sein du Gouvernement, mais il est parfois utilisé à contre-emploi. Après la loi d'orientation agricole, qui n'en était pas une, voici donc la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, qui est à la fois complexe et imparfaite. Après un enfantement prolongé, difficile, le résultat est loin d'être convaincant et fait apparaître des oublis étonnants.

Le premier d'entre eux, déploré d'ailleurs sur de nombreux bancs, concerne le développement économique, donc l'emploi. Si vous n'aviez pas abandonné l'idée d'un schéma national, vous n'auriez pas pu faire cette impasse.

Nous le répétons : ce texte ne comprend aucune disposition relative aux PME qui sont la matière vivante de l'emploi dans le territoire, car les entreprises, il faut le répéter, sont bien les moteurs de ce développement. Or elles sont les grandes oubliées.

Le deuxième oubli est l'interrégionalité, qui est singulièrement passée sous silence, aussi bien dans les orientations que dans les financements, notamment pour ce qui est de la corrélation des financements entre plusieurs régions.

Troisième oubli : la stratégie européenne du Gouvernement en matière de territoire. A l'heure d'Intereg II C, à l'heure d'Agenda 2000, à l'heure où l'Europe va s'élargir, quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de développement européen de nos territoires ? Pouvait-on améliorer ce projet ? L'exercice a été tenté en commission de la production et des échanges sans grand succès,...

M. Alain Cacheux.

Si !

M. Jean Proriol.

... malgré quelques ouvertures appréciées de notre rapporteur.

M. Alain Cacheux.

Excellent rapporteur !

M. Jean Proriol.

Je dois en effet reconnaître que le rapporteur avait quelques idées qui différaient de celles du Gouvernement.

M. François Sauvadet.

Il n'a pas été assez convaincant !

M. Jean Proriol.

Je veux ensuite formuler quelques remarques dans cette courte intervention.

Je tiens d'abord, madame la ministre, à souligner le caractère un peu irréaliste de votre calendrier ou du calendrier du Gouvernement. Votre texte intervient, en effet, dans un contexte d'urgence imposé par la nécessité de préparer et de signer les contrats de plan avant la fin de 1999, alors qu'ils doivent prendre en considération le contenu des schémas de services collectifs dont l'existence est conditionnée par une loi qui sera adoptée, au mieux, avant la fin de ce premier trimestre 1999. Comment comptez-vous gérer les télescopages qui ne manqueront pas de se produire ? Un autre problème de calendrier et de cohérence est provoqué par l'articulation avec les trois autres projets de loi. De nombreux orateurs sont intervenus sur cet aspect des choses.

La notion de projet d'agglomération est certes globalement cohérente, je le reconnais, avec le projet de loi sur l'intercommunalité de M. Chevènement. Cela peut permettre de faire avancer des solidarités urbaines et périurbaines, voire de débloquer quelques situations. Mais bien des questions restent en suspens, d'abord celle des compétences de l'agglomération.

A mon avis, il faut absolument leur enlever celle relative à l'eau et à l'assainissement, qui fait éclater des structures fonctionnelles et efficaces répandues sur notre territoire.

Lors de la réunion du bureau de l'Association des maires de France, Mme le maire socialiste de Cournond'Auvergne a qualifié d'absurdité technique la mise dans les compétences obligatoires de l'eau et de l'assainissement fort bien traités par ailleurs.

Ensuite, comment comptez-vous définir le périmètre des agglomérations sur des données objectives, démographiques et économiques, non seulement pour le volet contractualisation, mais aussi pour le volet institutionnel ? A moins que vous ne préfériez un dispositif s'appuyant, pour l'essentiel, sur la volonté des communes, mais cela risquerait de diminuer la cohérence et la viabilité des projets.

Ma troisième remarque porte sur les pays à propos desquels tous les élus de terrain qui ont une approche pragmatique des dossiers locaux s'interrogent.

Les pays ne risquent-ils pas de devenir à terme un nouvel échelon administratif,...

M. Alain Cacheux.

Non !

M. Jean Proriol.

... surtout si l'on oblige, comme à l'article 19 modifiant l'article 22 de la loi du 4 février 1995, de passer en syndicat mixte ou en EPCI ?

M. Philippe Duron, rapporteur. Vous savez bien que cette disposition sera modifiée !

M. Jean Proriol.

L'idée des pays est bonne, mais il faut absolument qu'ils restent des pays d'étude, de projets et de concertation. Le pays ne doit surtout pas être l'occasion d'une course vers une nouvelle mosaïque administrative enrichie.

Enfin, élu des monts d'Auvergne, je trouve, madame la ministre, que les intérêts de la montagne dans votre projet d'aménagement et de développement durable du terri-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

toire ne sont pas préservés. La montagne est trop absente et aura beaucoup de difficulté à trouver sa place dans votre politique, car elle ne coïncide avec aucun des territoires qui auront la possibilité de contractualiser avec l'Etat, à savoir les régions, les agglomérations, les pays, les départements. Découpée en tranches territoriales, elle sera, de ce fait, marginalisée.

Par ailleurs, je trouve que vous n'avez pas saisi l'opportunité de votre projet pour donner un caractère concret à la politique en faveur des espaces défavorisés que sont les zones de revitalisation rurale. J'espère que vous accepterez les amendements visant à introduire de vraies discriminations positives en faveur de ces dernières,...

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. Jean Proriol.

... au moins pour ne pas décevoir le conseiller général de Cintegabelle, dont le canton est particulièrement concerné !

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

Ne vous faites pas de souci pour Cintegabelle !

M. Patrice Martin-Lalande.

Il y a d'autres moyens !

M. Jean Proriol.

Il y a un vrai besoin de rééquilibrer la loi et de réintroduire une péréquation. Vous offrez 250 francs pour les agglomérations, 110 francs pour les pays. C'est mal ressenti. Vous élargissez le fossé entre l'urbain et le rural. Je crains fort que votre projet de loi ne soit finalement un facteur de développement durable des inégalités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on voit bien que ce projet correspond à une inflexion politique importante, qui ne fait pas l'unanimité. Je m'en réjouis car il fallait bien qu'un virage soit pris.

Sur le fond, il est attendu par la population, par les maires. Il ne veut pas dire qu'on ne fera pas de politique d'infrastructures. Evitons la caricature ! On peut faire une politique d'infrastructures autrement, moins coûteuse, plus intelligente. On ne va pas faire le bilan mais on a fait de nombreuses erreurs au cours des vingt dernières années. On le paie très chers d'ailleurs. Que d'aberrations au nom de l'aménagement du territoire, chers amis ! Je me réjouis donc, madame la ministre, de ce virage qui tient compte, à l'évidence, d'un certain nombre de réalités et d'attentes de nos concitoyens. Je ne suis pas assez idiot pour penser qu'on arrête les infrastructures.

Dans ma région, d'ailleurs, ce n'est pas l'Etat qui arrête certaines infrastructures, ce sont la région et le département.

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. Yves Dauge.

Je pourrais donner des exemples.

M. Patrice Martin-Lalande.

Votre région est mal dirigée !

M. Yves Dauge.

La situation est assez particulière.

D'habitude, on vote des lois puis on attend les décrets.

Là, le calendrier est très serré, on est obligé d'agir avant même le vote de la loi pour une série d'actions. C'est une expérimentation grandeur nature.

On a enfin une articulation positive avec la loi Chevènement, on prépare les contrats de plan. Dans ma région, je participe déjà à des réunions et je m'inspire de ce texte tous les jours. Les préfets qui ont déjà lu ce texte disent aussi un certain nombre de choses.

Pour une fois, et ce n'est pas tout à fait par hasard, nous nous trouvons devant des mois décisifs pour passer aux actes. Enfin ! Nous ne pouvons pas en effet nous satisfaire de voir des lois non appliquées !

M. Patrice Martin-Lalande.

A qui la faute ! Vous refusez les dossiers !

M. Yves Dauge.

Relisez les textes, voyez la multiplicité de fonds inutiles, de dossiers et de projets annoncés ! Je ne vais pas reprendre le discours qui a été tenu ici par d'autres que moi.

Nous sommes devant un processus concret, nous passons aux actes. Il faut que la France le sache ! Vous avez redonné au budget de l'aménagement du territoire un niveau convenable. Il n'y a qu'à regarder les chiffres antérieurs ! Mais un budget qui ne serait pas l'élément déclencheur de l'ensemble des financements ne servirait à rien ! Cela a été dit 200 fois par tout le monde ! Même chose pour la politique de la ville : c'est l'ensemble des acteurs, et la transformation de leurs esprits, de leur méthode, qui comptent. C'est ce qu'on essaie de faire, avec un dispositif qui articule l'action de l'Etat, des régions, des départements, des agglomérations, des pays, dans le cadre du contrat de plan.

La voilà, la solution ! On y est ! Je me réjouis donc beaucoup.

La grande nouveauté, c'est l'agglomération. Le pays, c'est un peu de l'histoire ancienne déjà. Ça marche à peu près, plus ou moins. La grande affaire que vous lancez, en articulation avec le ministre de l'intérieur, c'est l'agglomération, enfin ! Quelle innovation considérable, avec une taxe professionnelle unique de zone, sans laquelle aucun aménagement du territoire n'est possible en zone urbaine.

Nous franchissons donc une étape décisive.

Pour les schémas de services collectifs, il faut agir assez rapidement. Je veux bien que l'on considère le long terme, mais puisqu'on est en phase avec les contrats de plan, comme la question des services publics est d'une actualité redoutable, il faut considérer aussi le court terme. Il faut travailler immédiatement et déboucher sur une première étape.

Enfin, j'aurais aimé, et on peut peut-être y réfléchir, que vous preniez en compte la question des contrats de ville, pour leur donner un support dans votre loi, parce qu'on n'en parle pas.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Il y a un amendement du Gouvernement !

M. Yves Dauge.

Certaines villes, dans les aires urbaines, ne seront pas dans les agglomérations, ne sont pas dans les pays, et bénéficieront pourtant de contrats de ville. J'aurais aimé qu'il y ait une possibilité de les mettre dans le dispositif pour donner une base législative à cette grande politique qui, par ailleurs, est parfaitement articulée avec la nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Sauvadet.

La conclusion est mieux que le début !

M. le président.

Je vous remercie, monsieur Dauge, d'avoir respecté de façon exemplaire votre temps de parole.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

M. Alain Cacheux.

Le fond aussi était exemplaire !

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, dans ma commune de 4 500 habitants, au coeur de la Sologne, vingt-cinq personnes télétravaillent dans l'entreprise Telpro, créée dans un local communal il y a quatre ans, avec un chef d'entreprise novateur, Francis Vidal, essentiellement des jeunes ayant une formation supérieure et originaires de la région, vingt-cinq personnes qui auraient dû quitter nos villages si les nouvelles technologies de l'information et de la communication ne permettaient justement de valoriser leurs compétences sans les obliger à aller grossir les villes où se concentraient traditionnellement les activités tertiaires.

Oui, en levant le handicap de la distance et de l'isolement, les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont un outil extraordinaire d'égalisation des chances entre tous les territoires de la France et de meilleure compétitivité de nos territoires par rapport à la concurrence mondiale.

Partout il devient possible d'accéder aux meilleures sources d'information et de formation, de régler des formalités administratives, de disposer des capacités d'expertises - combien nécessaires pour nos PME, nos collectivités territoriales ou nos hôpitaux ruraux, par exemple, de travailler en réseau comme le font les écoles du Vercors, de mieux répartir les emplois, de réduire les coûts et les pollutions liés aux transports et aux concentrations urbaines.

Partout, à condition que les modalités d'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication ne créent pas de nouvelles inégalités ! L'accès à des réseaux à haut débit est un enjeu essentiel d'aménagement du territoire.

M. Yves Coussain.

Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande.

Il y a de quoi être inquiet pour une large partie de notre territoire : on constate en effet que la carence des opérateurs du marché pour équiper en réseau à haut débit est à l'origine de projets publics de la taille de ceux de Besançon, Nancy ou Toulouse. Qui s'intéressera à l'équipement du territoire « non rentable » si de tels projets dans de telles agglomérations n'ont pu voir le jour que grâce à l'initiative publique ? Nous ne voulons pas d'une cyber-France à deux vitesses. Il faut donc que notre débat apporte une solution que le projet de loi initial ne contient malheureusement pas. Comme le proposent les amendements que j'ai déposés avec plusieurs de mes collègues, il faut choisir soit d'autoriser clairement les collectivités territoriales à être opérateurs de télécommunications alors que, pour l'instant, il y a un flou et même un frein, soit d'inclure dans le service universel l'accès au haut débit, soit d'autoriser les collectivités territoriales et l'Etat à apporter une contribution financière pour les investissements dont le temps de retour est objectivement trop long pour un opérateur du marché.

Le schéma des services collectifs de l'information et de la communication remplace le schéma des télécommunications.

Certes, il fallait tenir compte des changements technologiques et juridiques importants - notamment les lois Fillon de 1996 - intervenus depuis la loi Pasqua, mais le nouveau schéma reste trop général sur les objectifs à atteindre.

Autant il faut laisser ouverts les choix technologiques - qui peut en effet se prononcer aujourd'hui sur les alernatives entre le câble, le filaire, le satellite, le réseau hertzien, par exemple ? -, autant il faut inscrire, pour mériter le titre de « loi d'orientation », des objectifs plus précis que ceux qui sont prévus.

Si nous ne voulons pas que la loi reste une loi de procédure, mais soit au contraire une véritable loi d'orientation, il nous faut la compléter sur plusieurs points concernant les objectifs du schéma.

Il faut prévoir l'attribution d'une adresse électronique pour tous les Français, afin que chacun ait sa place dans la société de l'information.

Il faut élargir le service universel des télécommunications avec l'objectif d'un égal accès de tous, à prix abordable - c'est important -, aux informations par les réseaux à haut débit ; en particulier, la France doit organiser l'offre d'une tarification forfaitaire pour les communications locales, ce qui est une des raisons du succès de l'Internet aux Etats-Unis et dans d'autres pays.

Le développement des téléprocédures est indispensable.

Pour l'instant, nous n'en sommes qu'au téléchargement de formulaires. On ne peut pas, en retour, payer ses impôts, ses dettes fiscales ou sociales, ou accomplir d'autres démarches.

Il faut aussi compléter le schéma sur le droit d'expérimentation, pour créer de nouveaux usages, évaluer et diffuser les innovations les plus adaptées à la variété des territoires. J'ai ainsi proposé, il y a quelques semaines, à Dominique Strauss-Kahn une expérimentation : transférer, par le télétravail, dans une perception qui manque de travail local et qui est menacée de fermeture, dans un chef-lieu de canton qui s'appelle Mennetou-sur-Cher, une charge de travail disponible ailleurs, j'en suis persuadé, dans son administration, et maintenir ainsi les emplois localement.

Enfin, le développement du télétravail doit aussi être inscrit dans cette loi. C'est une des formes encore mal utilisées en France pour diffuser de façon plus équilibrée sur l'ensemble du territoire les activités tertiaires.

Le groupe RPR veillera, dans la discussion qui s'ouvre, à ce que les nouvelles technologies soient à la fois un outil et un objectif majeur d'aménagement du territoire et de développement durable. Noue ne voulons pas, je le répète, d'une cyber-France à deux vitesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux.

Madame la ministre, en voulant corriger, comme vous l'avez vous-même déclaré lors de la présentation de ce texte, les aspects trop ruralistes de la loi Pasqua du 4 février 1995, le projet de loi entreprend de rendre toute sa place au phénomène urbain, évolution dominante de notre pays durant tout le XXe siècle.

C'est sur ce point que je voudrais insister dans le bref laps de temps qui m'est laissé, quand tant d'autres de mes collègues ont déjà insisté et insisteront encore sur la nécessité de donner toutes ses chances au monde rural.

Si l'aménagement du territoire doit définir les priorités spatiales de l'action publique, dans le but d'améliorer au quotidien la vie des gens et de développer les potentialités économiques des territoires, encore faut-il tenir compte du lieu où vivent désormais la grande majorité de nos concitoyens, c'est-à-dire les villes et les agglomérations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Il est vrai que, lorsque l'on parle de ces dernières dans l'actualité, c'est pour évoquer les banlieues difficiles, l'insécurité qui y progresse, les voitures qui y brûlent, les bandes qui s'y affrontent, et beaucoup moins les emplois qui s'y créent, les possibilités de rencontre et donc d'intégration et d'enrichissement culturel qu'elles procurent, les facilités que donnent au quotidien les nombreux services urbains.

Peut-être faut-il dépasser une certaine conception de la ville, qui prévaut notamment depuis vingt ans et qui consiste à considérer le phénomène de concentration u rbaine comme négatif par essence, comme une contrainte, une servitude aux effets pervers contre lesquels il faudrait lutter en déployant des politiques curatives.

Il est vrai que, depuis vingt ans, sous l'effet de la crise, qui commandait l'urgence, les politiques urbaines ont moins cherché à structurer le territoire qu'à éviter sa déstructuration ; des pôles de conversion aux zones franches urbaines, les outils n'ont certes pas manqué.

Il nous faut donc une grande politique urbaine qui vienne organiser et faciliter le choix fait par nos concitoyens de vivre en ville.

De ce point de vue, votre projet de loi, en rappelant toute la place des agglomérations dans l'aménagement du territoire, représente une avancée. De son côté, le projet de loi sur l'intercommunalité, en simplifiant et en incitant fortement à l'organisation des agglomérations, viendra compléter utilement ces avancées.

Encore faut-il qu'au-delà des crédits plutôt modestes de votre ministère, on retrouve cette orientation dans les grands dossiers pour 1999 que sont les contrats de plan et la réforme des fonds structurels européens. Cela vaut en particulier pour les grandes agglomérations, celles qu'en 1960 on appelait les métropoles d'équilibre.

Au moment où l'on parle tous les jours d'Europe, où l'euro est mis en place, au lendemain du jour où nous avons modifié la Constitution pour pouvoir ratifier le traité d'Amsterdam, comment ne pas être frappé par la faiblesse de l'armature urbaine française par rapport à nos principaux partenaires européens ? Si Paris rivalise avantageusement avec Londres ou Berlin, si elle distance Bruxelles, Rome ou Madrid, il faut bien constater que nous n'avons pas l'équivalent de Francfort, Stuttgart ou Munich, de Manchester, Liverpool ou même Leeds - Bradford, de Barcelone, Valence ou de Séville, de Milan, Turin ou Naples, d'Amsterdam, Rotterdam ou Anvers.

Si nous nous sommes un peu éloignés de Paris et le Désert français, il faut cependant amplifier la construction des grandes métropoles françaises pour donner, selon les termes de votre projet de loi, une alternative au développement inconsidéré de la région parisienne, qui, avec 18 % de la population, rassemble 23 % de l'emploi total français, 30 % du produit intérieur brut national, 40 % des cadres supérieurs et 50 % de la recherche.

En dépit des politiques mises en oeuvre, Paris s'est i nexorablement métropolisé, tandis que nos autres grandes villes s'urbanisaient seulement.

La politique d'aménagement du territoire mise en oeuvre doit donc désormais contribuer à une métropolisation réelle de quelques-unes de nos grandes agglomérations, qui aille de pair d'ailleurs avec la métropolisation parisienne, elle-même favorisée par l'accélération et la mondialisation des échanges.

On en connaît les conditions : une accessibilité forte, qu'elle soit permise par la route, le rail, l'air, voire la voie d'eau, des pôles de services, services financiers, services aux entreprises, services d'enseignement et de recherche de niveau international, une qualité de vie urbaine reconnue, qu'il s'agisse de l'habitat, des espaces verts ou des équipements culturels.

L'enjeu est déterminant : il faut absolument amarrer quelques grandes métropoles françaises aux grands flux de développement des échanges européens, et donc les entreprises et leurs emplois.

Pour rivaliser avec Londres ou Berlin, Paris n'a pas besoin de plus, plus d'habitants, plus de bureaux et donc plus de voitures et d'embouteillages, mais de mieux, d'amélioration qualitative, d'une plus grande qualité de vie, au quotidien notamment, pour attirer les sièges des grandes entreprises multinationales.

C'est Goethe qui disait en 1829 : « Comme la belle France serait plus heureuse si, au lieu d'un seul centre, elle en avait dix qui répandaient partout la lumière et la vie. » Cent soixante-dix ans plus tard, pourquoi ne pas

décider de relever enfin ce défi ? (Applaudissements sur ces bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Rimbert.

Excellent !

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Madame la ministre, lorsque, après être entrée au Gouvernement, vous avez annoncé que vous mettiez en chantier une grande réforme de l'aménagement du territoire, vous avez suscité une curiosité amusée sur ces bancs...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Paternalisme !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... de la part de tous ceux, qui s'intéressent de près à la mise en oeuvre de la décentralisation sur le terrain.

Le chemin était en effet étroit : Ou bien vous choisissiez la voie révolutionnaire, ce que l'on aurait pu attendre de vous, le grand soir qui aurait marqué l'acte II de la réforme de l'organisation et de l'aménagement de notre territoire avec la suppression de plusieurs niveaux de décentralisation, le renforcement du pouvoir et de la légitimité démocratique des agglomérations et des pays, parce que la ruralité a son droit dans cette nation tout autant que les agglomérations,...

M. Jean-Louis Borloo et M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... la mise en oeuvre de nouveaux outils de péréquation financière, au bénéfice des régions les plus démunies, la décentralisation effective des ressources de l'Etat vers la collectivité régionale et les collectivités locales, la souplesse unanimement réclamée par les élus locaux assommés par les législations inapplicables et la réglementation.

M. Yves Coussain.

Faut pas rêver !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ou bien vous choisissiez la voie réformiste, ce qui constituait, reconnaissez-le, un exercice difficile après le vote de la loi Pasqua, qui, sans remettre en cause l'organisation territoriale de notre République, était tout de même, il faut le rappeler ici, l'aboutissement de plusieurs milliers de réunions avec les é lus locaux - qui constituent la sève de notre République - et tentait de prendre en compte les demandes de la plupart d'entre eux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Nous avons vite compris quelle serait l'orientation prise par le Gouvernement après la décision de M. Jospin de saucissonner cette réforme en trois projets de loi, confiés à vous-même, madame Voynet, à M. Chevènement et à

M. Zuccarelli.

Non à la révolution décentralisatrice, oui au ravalement de façade pour faire semblant de relancer la décentralisation et l'aménagement du territoire.

Il en résulte un projet de loi inabouti, qui fait que, contrairement à ce que vous avez dit hier, madame la ministre, les textes ne s'emboîtent pas comme des poupées gigognes. Ils ne sont ni cohérents, ni complémentaires. Ils révèlent une grave erreur en termes de méthode et une mauvaise analyse sur le contenu des problèmes à régler.

Pour ce qui est de la méthode, et au-delà des intentions louables qui figurent dans le titre Ier de projet de loi, comment comprendre la logique de votre démarche quand vous présentez devant le Parlement une loi qui devrait être la conséquence et non le préalable de la loi sur l'organisation territoriale de la République ? Comment comprendre la logique de votre démarche lorsque l'on sait que vous demandez actuellement aux régions de préparer tout de suite les contrats de plan, puis d'élaborer ensuite les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire qui seront l'expression des stratégies régionales pour vingt ans, et, enfin, de prendre en compte les schémas collectifs définis dans ce projet de loi et qui sont la traduction de la politique de l'Etat ? M. Delebarre, président socialiste de la région NordPas-de-Calais,...

M. Alain Cacheux.

Excellent président !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... le disait récemment dans un colloque : c'est tout le contraire qu'il aurait fallu faire.

M. Yves Coussain.

Eh oui !

M. Yves Fromion.

Il a raison !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Il aurait fallu, selon lui, d'abord définir les schémas nationaux d'aménagement du territoire - ce qui serait déjà chose faite si vous n'aviez pas refusé de signer les décrets d'application de la loi Pasqua -...

M. François Sauvadet.

Exactement !

M. Marc-Philippe Daubresse.

... élaborer ensuite en régions les schémas régionaux pour avoir une stratégie régionale, et en déduire le contenu des contrats de plan.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Madame Voynet, j'ai rédigé, à la demande de Mme Idrac, un schéma sur les plates-formes multimodales, que vous devez avoir à votre ministère. Pourquoi n'avez-vous pas signé les décrets d'application ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Parce que c'était un catalogue de voeux pieux !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Les contrats de plan devant, quant à eux, être l'application spatio-temporelle de ces schémas. Tout cela fait franchement désordre et va, à l'évidence, obliger toutes les régions de France à recommencer dans trois ans la négociation des contrats de plan pour intégrer la dimension des SRADT et celle des schémas collectifs nationaux.

M. François Sauvadet.

C'est certain !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Que de temps et que d'énergie perdus ! Sur le contenu, on trouve certes dans votre projet des intentions louables en matière de démocratie, de prise en compte de la dimension européenne, de développement durable et d'intermodalité des transports, qui sont des données incontournables pour entrer dans l'Europe du

XXIe siècle. Mais ces intentions ne se traduiront dans les faits ni par des changements spectaculaires, ni surtout par des moyens adaptés.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Si !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Au demeurant, tous les élus locaux, de droite comme de gauche, attendaient de ce projet de loi et de celui de M. Chevènement quatre orientations fondamentales : simplification et souplesse, clarification, décentralisation, expérimentation.

Rien n'est prévu dans votre texte, ni dans celui de M. Chevènement, sur la simplification des échelons administratifs - et on l'a constaté lors du débat hier soir.

En revanche, il comporte beaucoup de complications sur la manière de trouver une structure pertinente pour que l'Etat contractualise avec les pays alors que tout l'incite à contractualiser avec les futures communautés d'agglomération.

M. Cacheux devrait lire un article écrit par son ami Jean-Pierre Balligand, publié dans la revue de l'Institut de la décentralisation et intitulé : « Prenons garde à un aménagement du territoire à deux vitesses ». Notre collègue s'y inquiète du sort inégalitaire réservé aux pays par rapport aux communautés d'agglomérations.

Rien n'est prévu sur la clarification des compétences entre régions, départements, agglomérations et pays.

Rien non plus n'est prévu sur l'effective décentralisation des moyens de l'Etat pour aider les régions et les territoires en difficulté. Au contraire, des pouvoirs nouveaux seraient donnés aux préfets - cela m'étonne dans un projet de loi que vous présentez, madame Voynet - pour renforcer l'interventionnisme de l'Etat au détriment des collectivités.

Rien n'est prévu pour institutionnaliser le droit à l'expérimentation, de sorte que nous allons devoir présenter une proposition de loi organique sur ce sujet au mois de juin, signée par Pierre Méhaignerie.

Il aurait été tellement plus intéressant que nous discutions ensemble de la possibilité de donner un vrai droit à l'expérimentation. En effet, les collectivités locales ont le droit aussi à la souplesse, compte tenu des hiérarchies de priorités qui sont les leurs.

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Bref, la montagne a, une fois de plus, accouché d'une souris, et d'une souris boiteuse.

M. Patrick Rimbert.

Une « souris boiteuse » !

M. Marc-Philippe Daubresse.

Oui, une souris boiteuse ! Les communautés d'agglomérations, les pays, les syndicats mixtes et les « usines à gaz » que vous êtes en train de mettre en place, j'appelle cela un compromis boiteux.

Bref, la montagne a accouché d'une souris !

M. le président.

N'ouvrons pas un grand débat et laissons M. Daubresse conclure rapidement.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Je conclus.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

J'espère que les débats que nous allons entamer nous permettront d'améliorer un texte qui peut encore l'être.

Faute de quoi, au moment où nous entrons tous ensemble dans l'Europe du

XXIe siècle, nous devrons méditer cet adage : « Le futur serait plein de tous les avenirs si le passé n'y projetait déjà son histoire ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Cacheux.

De qui est-ce ?

M. Marc-Philippe Daubresse.

Valéry !

M. Alain Cacheux.

Lequel ? (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Madame la ministre, trentième orateur inscrit dans la discussion générale, neuvième intervenant du groupe socialiste, j'ai pu remarquer que, depuis le début des débats, de nombreux arguments ont été développés de part et d'autre pour soutenir ou au contraire contester votre projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Pour ma part, je m'attacherai à expliquer mon soutien à votre projet en m'appuyant tout particulièrement sur la place des pays dans ce texte.

De surcroît, en tant que jurassien et franc-comtois, tout comme vous, madame la ministre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), j'évoquerai le fait que cette loi signe l'abandon du canal Rhin-Rhône à grand gabarit. En effet, faut-il rappeler qu'il fut « accroché » à la loi Pasqua du 4 février 1995, à la faveur d'un amendement du Sénat, et ce, contrairement à ce qu'ont affirmé quelques collègues assis sur les bancs à droite de cet hémicycle, dont M. Deniaud et M. Daubresse, sans que ce projet pharaonique, coûteux et inutile n'ait été livré au préalable à la discussion en région Franche-Comté.

M. Patrick Rimbert.

C'est vrai !

M. André Vauchez.

Au demeurant, à part M. Ollier et M. Blanc, qui l'ont dit à cette tribune, les parlementaires ne sont plus guère nombreux à regretter cet abandon.

M. François Sauvadet.

Moi, je le regrette !

M. André Vauchez.

C'est le cas au Sénat, où un rapport paru début 1998 tire le rideau sur cette affaire, monsieur Sauvadet.

La reconquête d'un équilibre : tel est sans doute l'objet du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire que vous nous proposez, madame la ministre. Il propose de gommer les erreurs du texte précédent de 1995 et de fixer les objectifs clairs à atteindre, à moyen et à long termes.

Aujourd'hui, la France apparaît déséquilibrée avec, d'un côté, des villes qui étouffent et, de l'autre, des campagnes qui sont marquées par un inexorable dépeuplement entraînant le départ des services publics et qui sont malades d'une politique agricole productiviste abandonnant à la nature les espaces les moins fertiles.

M. François Sauvadet.

Oh ! là, là !

M. André Vauchez.

Si l'on n'y prend garde, la France des 36 000 communes risque d'être désarticulée avec des oppositions très marquées.

M. Yves Fromion.

Ce sera le résultat de votre politique !

M. André Vauchez.

Je n'invente rien ! Or notre espace national doit vivre en harmonie avec tous ces centres vitaux que sont les communes de France, si différentes soient-elles, car leur diversité est une richesse.

Le maillage du territoire résistera si tous les noeuds sont solidement réunis, du plus gros au « centre de la France » jusqu'aux plus petits situés au fond de nos campagnes.

Le projet propose un équilibre entre le monde rural et la ville. En effet, le constat est dressé que le périurbain et le rural ne peuvent vivre si la ville-centre n'est pas dynamique, créatrice d'emplois et riche sur le plan culturel.

Réciproquement, celle-ci ne peut se développer si, dans son périmètre d'influence le plus large, les communes les plus petites n'offrent pas à leurs habitants un cadre de vie accueillant, une densité de services publics et de services au public suffisante.

A côté de l'agglomération urbaine, organisée autour d'une fiscalité solidaire, sera reconnue la notion du pays.

Son contour sera dessiné sur le terrain par des hommes et des femmes acteurs d'un projet de développement et non par l'Etat, comme le précisait la loi Pasqua,...

M. François Sauvadet.

Au contraire !

M. André Vauchez.

... dans son article 21-I, dernier alinéa : « l'autorité administrative publie la liste et le périmètre des pays ».

Votre texte, madame la ministre, fait redescendre la démocratie au niveau du terrain...

M. François Sauvadet.

Non ! Chez les préfets !

M. André Vauchez.

Vous n'avez peut-être pas lu le texte ! Ce texte, disais-je, fera redescendre la démocratie au niveau du terrain puisque c'est sur l'initiative des élus des communes ou de leurs groupements qu'un territoire présentant une cohésion géographique, culturelle et sociale peut être reconnu par le préfet de région comme une entité de pays, après avis conforme de la conférence de l'aménagement du territoire et avis simple de la commission départementale de la coopération intercommunale, si l'amendement de la commission est voté par notre assemblée.

Ainsi le pays aura-t-il la possibilité de contractualiser avec l'Etat, la région et le département si celui-ci le propose, notamment sur les investissements de proximité, les opérations d'animation déterminantes pour la création d'activités nouvelles, l'émergence de nouveaux emplois et la prise en compte de l'environnement.

Cette contractualisation se fera dans la souplesse en constituant, par exemple, pour la circonstance, un syndicat mixte.

Il est important de souligner qu'est prévue la mise en place d'un conseil de développement composé de représentants des milieux économiques, sociaux, culturels et associatifs, par délibérations concordantes des communes ou de leurs établissements publics. Ces représentants seront associés à l'élaboration de la charte des pays.

La durée du contrat sur une période allant de 2000 à 2006, avec un texte écrit à l'encre jusqu'en 2003 et un autre écrit au crayon de papier pour les trois années suivantes, permettra en outre aux zones rurales de faire coïncider dans le même temps le volet de la programmation des fonds structurels européens avec celui des contrats

Etat-région.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Ainsi, madame la ministre, mes chers collègues, dixsept ans après les lois de décentralisation, ce sera la première fois que les zones rurales seront considérées comme des entités pertinentes à l'échelle du pays...

M. Yves Fromion.

Grâce à Pasqua !

M. André Vauchez.

...et qu'elles pourront contractualiser.

M. Yves Fromion.

C'est déjà le cas !

M. André Vauchez.

Dans ces conditions, on comprend mal les critiques dont fait l'objet un tel concept, critiques souvent alimentées par des présidents de conseils généraux de l'opposition,...

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

M. André Vauchez.

...qui voient s'ouvrir de nouveaux espaces de réflexion et de liberté à l'intérieur d'un périmètre départemental sur lequel ils souhaitaient maintenir leur influence politique.

M. Yves Fromion.

C'est un procès d'intention !

M. André Vauchez.

Non, le pays n'est pas un enjeu politicien ! Il n'est pas un échelon administratif nouveau, qui se situerait entre les communautés de communes et le département. Il naît de la volonté d'hommes et de femmes de nos provinces et constitue un vecteur de projets, dont la concrétisation donnera demain à la France le maillage solidaire d'un aménagement durable du territoire, à l'aube du

XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le président.

La parole est à M. Michel Meylan.

M. Michel Meylan.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l'idée de pays est centrale dans la loi Pasqua du 4 février 1995, et, bien entendu, elle est au coeur du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Toutefois, derrière la définition des pays, nous sommes appelés à débattre d'enjeux fondamentaux.

L'Etat est-il enfin prêt à passer d'une logique de guichet à une logique de projet, d'une logique d'administration à une logique d'animation ? C'est un débat important. La question porte en définitive sur la capacité de notre pays à se moderniser. En matière d'aménagement du territoire, comme ailleurs, nous ne réglerons pas les problèmes de demain avec les solutions du passé. La France doit être capable d'inventer de nouveaux modes de gestion. Je plaide en faveur d'une adaptation en ce sens du texte qui nous est proposé.

En effet, si plusieurs dispositions de ce projet de loi viennent prolonger la démarche engagée par la loi du 4 février 1995, certains des aménagements proposés modifient assez fondamentalement la vocation des pays, les vidant partiellement de leur sens.

La notion de pays offre la possibilité d'évoluer d'un aménagement fondé sur l'organisation administrative du territoire à un développement reposant sur les initiatives et la responsabilité des hommes et des femmes. Pour libé-r er la société des contraintes administratives qui l'étouffent, le pays offre un cadre permettant une plus grande flexibilité et une meilleure adaptabilité des politiques publiques.

Je constate avec regret que le texte que nous discutons est bien timide, voire en recul par rapport à la loi Pasqua,...

M. Yves Fromion.

Exact !

M. Michel Meylan.

...pour explorer cette voie du pragmatisme, encore si étrangère à notre culture administrative, hélas ! En effet, au lieu de donner au pays son plein rôle de structure de projet assise sur un territoire, le présent texte vise à en faire un nouvel échelon institutionnel supplémentaire qui contribue à alourdir un système déjà complexe.

Il faut éviter un empilement des structures et renforcer les partenariats entre les échelons existants. Or le projet de loi conditionne la capacité des pays à contractualiser à la constitution d'un syndicat mixte ou d'un établissement public de coopération intercommunale, ce qui est susceptible de décourager les initiatives.

Il serait souhaitable d'introduire plus de souplesse en autorisant les pays à s'organiser juridiquement sous forme d'association d'établissements de coopération intercommunale ou d'association relevant de la loi de 1901.

D'ailleurs, il y a eu des expériences très intéressantes d'associations relevant de la loi de 1901 dans le cadre des pays-test.

Il s'avère que la mission d'animation du pays est fondamentale. Selon les cas, dans le cadre des pays expérimentaux, cette mission est exercée soit par un élu, soit par un chef d'entreprise, soit par un responsable associatif ou par un sous-préfet, c'est-à-dire par une personnalité qui par son charisme est le pilote naturel du pays.

Imposer une structure particulière limite les possibilités pour un territoire d'utiliser toutes les ressources de ses acteurs.

« La France est plurielle », disait Fernand Braudel.

L'une des avancées remarquables de la loi Pasqua de 1995 a été de proposer, au travers des pays, une structure souple et flexible qui donne un cadre aux initiatives des acteurs sans les modéliser ni les normaliser.

La souplesse d'organisation est un élément essentiel de la réussite des pays, soulignait Michel Kotas dans le rapport qu'il a remis il y a un an. Avec ce projet de loi, je crains que l'on ne tente en réalité de « baliser », de supprimer ce droit à la diversité, d'étouffer la créativité des acteurs locaux, de réduire les solidarités et de rigidifier les services publics au lieu d'accroître leur flexibilité et leur adaptabilité.

Autre source de rigidité : le passage de la notion de pays

«constaté » à celle de pays « délimité » par le préfet de région et constitué en syndicat mixte ou structure intercommunale. Cela apparaît inquiétant pour les élus locaux. L'idée de partenariat n'est plus au coeur du projet de pays. Le pays repose sur l'adhésion et non sur la contrainte. Un pays, ça se constate, ça ne se décrète pas ! C'est le projet qui définit le territoire et non l'inverse !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Tout à fait d'accord ! C'est le sens des amendements de la commission ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Quand il n'y a pas de projet, il n'y a pas de pays !

M. Michel Meylan.

Je défendrai des amendements en ce sens, auxquels vous apporterez certainement votre soutien, monsieur le rapporteur.

En encadrant de façon rigide l'idée de pays et d'agglomération, le projet de loi empêche la prise en compte de réalités nouvelles.

L a définition donnée au concept d'agglomération conduit à ignorer l'existence de réalités de taille moyenne et petite qui vivent pourtant les mêmes problématiques urbaines que les grandes agglomérations.

Comment, par exemple, prendre en compte une conurbation comme celle de la moyenne vallée de l'Arve, qui compte de façon diffuse sur un territoire restreint à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

fort dynamisme économique plus de 70 000 habitants ? Le seuil de 15 000 habitants risque de conduire les petites villes à se constituer en agglomération alors qu'elles pourraient être l'élément moteur de pays.

M. Yves Coussain.

C'est vrai !

M. Michel Meylan.

Le souci de prendre en considération les pays risque d'être sans effet si les agglomérations peuvent se substituer aux pays. En effet, le projet de loi cantonne les pays à un rôle de concertation et de réflexion alors qu'il met en place des moyens et des outils pour les agglomérations. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste).

Aussi, il est indispensable que le seuil démographique retenu pour les agglomérations soit suffisamment élevé pour éviter la dévitalisation des pays. Sinon, il y a un risque de concentrer les créations d'activités et d'emplois dans les zones urbaines aux dépens des zones rurales.

Le nombre des habitants ne paraît pas être un critère pertinent pour définir la réalité d'un bassin de vie, d'un bassin d'emploi ou d'une agglomération. Contrairement à une idée préconçue, il n'y a pas de taille critique.

Enfin, la loi de 1995 proposait de rétablir un équilibre entre le développement des villes et celui des territoires ruraux. La question de la péréquation financière entre les collectivités territoriales et celle de la clarification de leurs compétences reste entière.

Il faut une politique volontariste d'aménagement du territoire pour mieux prendre en compte les spécificités des zones rurales, notamment des territoires de montagne, dont on parle peu.

L'Etat semble abandonner ses responsabilités en matière de lutte contre les inégalités géographiques et de garantie d'égal accès aux services publics, lesquelles ont un rôle structurant sur le territoire. Encore une fois, l'Etat se décharge de ses responsabilités sur le dos des collectivités locales ! Je regrette que le partage en plusieurs textes nous conduise à devoir nous prononcer sur un dispositif tronqué. Nous devons, en effet, nous prononcer sur la notion de pays sans connaître les dispositions relatives à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale qui ne seront examinées qu'ultérieurement. Nous attendons en particulier le développement des possibilités de péréquation de la taxe professionnelle.

Nous aurions également souhaité avoir des précisions sur les possibilités de structuration territoriale des pays déjà existants.

Pour terminer, je présenterai quelques réflexions. En 1994, un rapport du Sénat sur l'aménagement du territoire souhaitait une politique volontariste en la matière pour gommer quelques écueils de la décentralisation. Les lois de décentralisation ont à l'évidence accentué le brouillage des compétences : l'Etat se désengage progressivement des responsabilités qui sont les siennes en matière d'aménagement et il n'y a aucune péréquation des ressources organisée entre les collectivités territoriales.

Faisons en sorte que cette loi contribue à résoudre en partie les difficultés qui trop souvent empoisonnent la vie des élus et des citoyens de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République).

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me bornerai simplement à souligner quelques idées nouvelles qui soustendent le projet de loi qui nous est soumis. La plus significative consiste à introduire la notion de développement durable et à donner la définition de celle-ci dès l'article 1er du texte.

Si ce texte permet de marquer la place des acteurs locaux dans le processus d'aménagement du territoire, il contribue également à introduire de façon forte la logique de projets en modifiant la démarche de la politique conduite jusqu'à ce jour et que l'on a pu considérer comme trop exclusivement redistributive.

Ce texte donne, certes, une place importante aux espaces urbains en reconnaissant le rôle structurant des villes, mais il préserve largement les espaces ruraux.

Malgré tout ce que l'on a pu entendre ou lire sur ce sujet, le projet pris dans son ensemble n'oppose pas, autant que certains veulent le faire croire, les agglomérations et l'espace rural. Il permet surtout de remettre sur le devant de la scène des territoires capables de se mobiliser sur des projets et de porter leur développement en s'appuyant sur les dynamiques locales. A travers ce texte, je tiens à souligner combien je suis satisfait, en tant que président du groupe d'étude sur les parcs naturels régionaux, de voir reconnue l'action de ces structures et de leurs modes d'intervention. Car ceux-ci peuvent se prévaloir d'être des laboratoires du développement durable. Jer appellerai simplement que cette notion traduit la manière la plus efficace d'harmoniser « politique environnementale », au sens large du terme, avec « politique économique et sociale », en tenant compte des ressources du territoire, qu'elles soient naturelles ou humaines, mais également matérielles et immatérielles, et des conditions du développement ultérieur.

Le projet, en prévoyant l'application de cette notion à la politique traditionnelle d'aménagement du territoire, introduit ainsi trois exigences nouvelles : l'application de ces principes au sein de l'ensemble des politiques territoriales ; sa déclinaison sur des espaces pertinents, combinant les enjeux environnementaux et les facteurs économiques et sociaux ; la mobilisation de l'ensemble des acteurs par la voie de la concertation et de la coopération.

Les schémas de services collectifs participent à la déclin aison territoriale des principes du développement durable, et plus particulièrement le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux.

Celui-ci conduit à considérer ces territoires de façon globale en termes d'utilité économique, de protection des milieux et de fonction sociale. Ceux-ci sont alors considérés, à juste titre, comme une ressource à part entière qu'il convient de mettre en valeur, en conciliant leur utilisation économique et leur préservation à long terme au bénéfice de tous.

Ce schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux, tel qu'il est défini dans le projet, recouvre parfaitement les deux objectifs stratégiques consistant à faire reconnaître la multifonctionnalité de ces espaces et à privilégier une approche globale.

De plus, le texte prévoit de distinguer ces espaces à partir de leurs fonctions essentielles, sans toutefois négliger la possibilité d'usages simultanés. Si cette classification et le choix du type d'intervention reviennent de fait à l'Etat afin que l'intérêt collectif puisse prévaloir en tenant également compte de certaines directives européennes, il


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

paraît nécessaire que des concertations soient établies sur ce sujet avec les hommes qui vivent dans ces territoires comme avec ceux qui les façonnent par leur travail.

En complément, le fonds de gestion des milieux naturels, dont la mise en oeuvre prend en compte les orientations du schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux, permet d'envisager le développement d'une véritable politique contractuelle pour un certain nombre d'opérations.

Il permettra notamment, en plein accord avec les orientations générales du projet, de soutenir des actions menées au niveau local, en privilégiant une politique de proximité en vue de favoriser le maintien ou le développement d'activités compatibles avec le respect des équilibres naturels. Il permettra également, comme j'ai déjà pu le souligner lors de l'examen du budget du ministère de l'environnement, dans le cadre de la loi de finances pour 1999, de favoriser la création du réseau Natura 2000 en étant l'instrument financier d'accompagnement d'une politique contractuelle.

La recomposition territoriale proposée dans ce texte passe par la recherche de territoires pertinents, c'est-à-dire des espaces qui structurent la vie et qui sont perçus comme tels.

La définition et la structuration de ces territoires constituent les préalables à l'aménagement et au développement durable du territoire. Le texte prend notamment en compte une dimension nouvelle infrarégionale, avec les pays, les parcs naturels régionaux et les agglomérations.

Pour ces dernières, il prévoit la possibilité de constitution d'un projet d'agglomération et, pour les deux premiers, l'élaboration d'une charte. Dans chacun de ces cas, ces documents peuvent aboutir à des contractualisations, bien que cela ne doive pas être l'enjeu principal.

Ici se trouve affirmée la volonté que la nouvelle politique d'aménagement soit réellement basée sur la notion de projet d'un territoire.

Celle-ci trouvera sa pleine expression dans les chartes qui seront élaborées et qui devront traduire le projet commun de développement du territoire concerné et les orientations de l'organisation spatiale qui en découlent, ainsi que les mesures permettant leur mise en oeuvre.

Même si certains découpages institutionnels doivent être respectés, il me paraît important de souligner qu'un pays ne se décrète pas, mais qu'il se construit avec la population. Il ne doit surtout pas être l'objet ou l'outil politique d'un élu, mais bien correspondre à un véritable espace de solidarité.

La charte doit constituer le cadre que le plus grand nombre d'acteurs se donnent pour agir en faveur d'un territoire ; elle doit être l'expression d'un accord sur les objectifs et les stratégies retenus. Elle doit être publique, solennelle, ratifiée et reconnue, afin d'être un véritable outil de démocratie locale.

Ici encore, je ne peux que me référer aux parcs naturels régionaux, pour lesquels la charte est appliquée comme texte fondateur du projet de territoire. Ils peuvent donc utilement servir de laboratoire pour les pays, puisque le concept présenté dans ce projet de loi s'inspire largement de leur expérience et que ceux-ci disposent collectivement d'un savoir-faire de plus de trente ans.

Les parcs naturels régionaux sont, par leur découpage original, fondé sur des critères biogéographiques, des espaces du développement durable. Nous disposons, par conséquent, avec les parcs, d'un instrument opérationnel et juridiquement en ordre de marche pour expérimenter et appuyer les nouvelles orientations de la future politique d'aménagement du territoire.

Il sera donc important d'être vigilants face aux problèmes que risque de poser la superposition de pays et de parcs naturels régionaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Dans cette loi, madame la ministre, vous avez inscrit clairement la place de la France dans l'Europe. Nous ne pouvons que souscrire à cette orientation car la prise en compte de la construction européenne est impérative si l'on veut développer au mieux la totalité de notre territoire et le préparer à la mondialisation.

Dans cette Europe, nous voulons avoir notre place.

Nous voulons que chacune de nos régions puisse s'y insérer et que chacune bénéficie de la même chance.

Mais la prise en compte de cette dimension européenne nécessite une articulation forte entre la politique menée au niveau européen et celle que nous voulons mettre en place dans notre pays.

Notre insertion dans cette Europe dépend pour beaucoup de nos voies ferroviaires, fluviales, aériennes et autoroutières. Elle nécessite la prise en compte de nos zones continentales, atlantiques et méditerranéennes, de leur place dans cette Europe et de leurs atouts face à la mondialisation. Il est donc indispensable qu'il y ait une adaptation à l'échelle européenne. La construction de l'Europe passe par un aménagement de son espace. La France bénéficie d'une situation privilégiée que nous devons conforter. L'occasion nous en est donnée aujourd'hui.

Pour y arriver, l'Etat doit assurer son rôle de garant des équilibres territoriaux. Il doit offrir à tous nos concitoyens, quelle que soit leur implantation géographique, la même chance, les mêmes possibilités.

Cela nécessite tout d'abord que l'Etat fixe les orientat ions fondamentales en matière de développement durable. C'est un choix important nécessitant une étude approfondie qui ne soit pas menée dans l'urgence.

Il doit proposer une organisation de l'espace, tenir compte des spécificités et des handicaps de chaque territoire, prendre en compte la nécessité de concilier développement économique et préservation des ressources et espaces naturels. Il doit définir les orientations générales en matière d'implantation des administrations de l'Etat, des grands équipements à réaliser, du développement des réseaux et services de communication, de transports, de production et de distribution d'énergie.

Cela n'est possible que par le biais d'un schéma national, comme le prévoit la loi de 1995,...

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. Jean-Claude Lemoine.

... qui dispose d'une vue d'ensemble, fixe les objectifs que nous voulons atteindre et organise l'ensemble de l'action de l'Etat au service d'une France plus équilibrée et plus solidaire.

Sa suppression dans votre texte est fort regrettable et ce schéma national ne peut être remplacé par les différents schémas que vous nous proposez. Un schéma national constitue un instrument de cohérence indispensable alors que les huit schémas de services collectifs, eux, ne seront pas nécessairement cohérents entre eux ; ils seront simplement juxtaposés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Un tel instrument de programmation nationale, même si l'appellation est différente, existe chez nos voisins européens. Il traduit leur volonté politique. C'est la clef de voûte action d'aménagement et de développement. Il permet à la fois une cohérence des politiques de l'Etat et une coordination harmonieuse des interventions des différents acteurs de cette politique.

Un tel document permet de lutter contre les déséquilibres, de réorganiser l'espace rural, d'aménager les territoires urbains et de développer de grandes métropoles régionales.

C'est la base indispensable pour définir la position de la France dans le développement de l'espace communautaire et dans le contexte de la mondialisation de l'économie.

Il est nécessaire pour réaliser notre double ambition que la France demeure une grande puissance économique et ne renie pas son héritage.

Il est indispensable pour garantir une cohésion sociale.

Ses orientations doivent être prises en compte lors de l'élaboration des contrats de plan. Sa révision tous les cinq ans, la concertation préalable à son approbation et sa présentation au Parlement en font un bon instrument.

Son abandon, il faut le souligner, est regretté par beaucoup. En particulier, le Conseil économique et social déplore sa suppression, M. Bury nous l'a confirmé.

Cet abandon du schéma national minore le rôle de l'Etat et, si la région est devenue l'échelon pertinent de mise en cohérence des politiques locales dans tous les domaines, c'est à l'Etat que revient la responsabilité de la politique d'aménagement de la totalité de notre territoire ainsi que de la cohérence nationale.

M. Patrick Ollier.

Tout à fait !

M. Jean-Claude Lemoine.

Enfin, sa disparition rend impossible toute logique de péréquation financière entre les différents acteurs régionaux et locaux, sans laquelle explosera une « mise en concurrence », sans régulation, des collectivités territoriales entre elles.

L'absence de péréquation conduira les collectivités les plus démunies à choisir entre demander un effort fiscal démesuré pour assurer aux habitants un niveau de services convenable, ou se résigner à offrir un niveau de services médiocre et donc insatisfaisant pour leur développement. C'est une atteinte grave à l'égalité des citoyens et à la cohésion nationale.

L'enjeu de la péréquation est politique et pas seulement technique. Et je m'étonne de l'absence dans ce texte d'un tel outil, facteur de solidarité.

Sans schéma national, sans outils financiers adaptés, les déséquilibres s'accentueront entre régions riches et régions pauvres, il y aura une hyperconcentration humaine sur des territoires de plus en plus petits et la fracture territoriale s'accentuera.

Cette loi est une loi historique. L'aménagement et le développement de notre territoire dans l'espace européen est le grand projet à réussir. Nous souhaitons son succès.

Voilà pourquoi, au nom de mon groupe, et, je crois, de nombreux collègues sur tous les bancs, je réclame le rétablissement d'un véritable instrument de programmation, indispensable pour garantir une véritable cohérence des actions qui doivent être engagées pour l'aménagement du territoire national.

Nous voulons une France adaptée et prête à affronter l'avenir dans ce nouvel environnement mondial. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République de l'union pour ladémocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.).

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cohen.

M. Pierre Cohen.

Madame la ministre, le projet de loi que vous nous présentez est, à mon sens, un des plus importants de la législature.

Il traduit en effet la volonté politique de poursuivre, voire de renforcer les dynamiques territoriales et de donner un nouveau sens à l'aménagement du territoire.

Il s'agit bien d'une nouvelle approche qui s'appuie sur deux logiques : la définition de territoires émergents car plus adaptés aux nouveaux enjeux et la négociation de ce qui vertèbre notre nation, c'est-à-dire les services publics.

Avec l'abandon d'un schéma national qui, comme cela a été maintes fois répété, n'a pu voir le jour, nous aurons à répondre aux besoins en mettant en place des schémas de services collectifs nécessaires au rééquilibrage de nos régions, tout en faisant apparaître, au coeur de ce projet, le citoyen.

Par le choix de politiques d'éducation, de santé, d'environnement, de transports, et avec le souci constant de l'emploi, nous aurons les moyens de jeter les bases d'un véritable projet de société.

Autre point fort de cette démarche de services collectifs : l'intégration permanente des nouvelles technologies de communication. Je comprends le désarroi de certains, car il est moins, ou il n'est plus question d'autoroutes ou de grands équipements, et le prochain siècle sera celui de l'information. Il faudra bien inscrire dans les politiques économiques, sociales et culturelles ces nouvelles façons d'échanger.

Tout est en bouleversement. Jusqu'à présent, l'accès à ces services était long, onéreux et lourd. Il peut maintenant se faire d'une manière simple et rapide. Mais attention au mirage du marché, qui pourrait prendre le pas sur les services publics. Contrairement à l'objectif visé, ce ne sont plus les équipements ou la proximité qui pourraient être sources d'inégalité, mais le statut social. Dans cette société qui évolue très vite, la véritable fracture pourrait donc ne plus être géographique mais sociale.

Nous sommes confrontés à un défi auquel les élus ne sont pas toujours préparés.

Enfin, cette loi permet, par la négociation et l'évaluation à chaque niveau, d'associer les acteurs, privilégiant cette méthode afin que l'ensemble des projets soit lisible pour tous les citoyens. J'insisterai sur ce qui me semble être la force de ce projet de loi. Dans la continuité de la d écentralisation de 1982 et de l'intercommunalité de 1992, cette loi apparaît comme une étape supplémentaire et nécessaire à la poursuite de la recomposition de nos institutions. N'en déplaise à l'opposition, on désigne de nouveaux territoires émergents tout en recadrant un espace absent du projet de loi Pasqua : les agglomérations.

Conforter cette nouvelle dynamique ne signifie pas pour autant opposer les territoires ou minimiser l'importance de certains d'entre eux. En effet, en s'appuyant sur les régions, entités qui correspondent aux nouveaux enjeux économiques, pour élaborer les prochains contrats de plan Etat-régions, on fait preuve de pragmatisme et d'efficacité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

En prolongeant ces négociations avec les nouveaux territoires que sont les agglomérations ou les pays, on donne un véritable sens à l'aménagement du territoire, car ces dispositifs concernent l'espace dans son intégralité et rapprochent du citoyen.

Cette loi trop souvent caricaturée met l'accent sur la place et le rôle que doivent occuper les agglomérations.

Mes chers collègues, il est grand temps, et même urgent, de se pencher sur ce problème.

Mon propos n'est pas de dire que cet échelon est plus important qu'un autre ou de prendre des dotations. Les agglomérations ont besoin d'être structurées, organisées, d'obéir à un souci d'équilibre, d'égalité et de justice. Il est urgent que tous les dispositifs existants obéissent à une même logique. L'Etat ne peut plus continuer à négocier, à des tables séparées, des plans de déplacements urbains d'un côté, des schémas directeurs de l'autre, des programmes locaux de l'habitat, des contrats de ville, des contrats locaux de sécurité, avec souvent les mêmes acteurs, mais sans cohérence entre les différents dispositifs.

C'est pourquoi ce projet de loi, sans être contraignant, ouvre une nouvelle voie, celle du projet d'agglomération, qui devra être négocié par tous les acteurs et regrouper l'ensemble des dynamiques locales. Aux termes du contrat, ces acteurs s'engageront dans la création d'une structure d'agglomération, avec une taxe professionnelle unique, source de justice et de répartition, et la définition des compétences nécessaires aux défis urbains de notre société.

Il manque peut-être à cette démarche, pour être complète, l'élection des représentants de ces nouvelles entités au suffrage universel, mais je suis convaincu que ce sera la prochaine étape. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion.

Madame la ministre, je vous parlerai du pays. Vous avez eu le bon sens de conserver cette notion dans votre projet de loi, et on ne peut que vous en féliciter, malgré les condamnations qui, à l'époque, sont venues des bancs de l'opposition, de la majorité actuelle.

M. Alain Cacheux.

Pas des Verts, ils n'étaient pas là !

M. Yves Fromion.

Je ne me priverai pas du plaisir de citer quelques orateurs. Ainsi, M. Bonrepeaux estimait :

« Consacrer dans la loi un titre spécifique aux pays constitue quelque chose de grave. » Le groupe commu-

niste parlait de « défiguration de la France ». On disait aussi qu'il s'agissait d'un « machin ». Enfin, Georges Sarre évoquait une « nouvelle Arlésienne ». C'est dire que les choses ont beaucoup évolué depuis cette époque.

M. Alain Cacheux.

En bien !

M. Yves Fromion.

Cela est sans doute dû au succès que les pays ont immédiatement connu. Je suis d'ailleurs moi-même l'élu d'une région, la région Centre, qui a la taille de la Belgique et qui est quasiment couverte de pays grâce à la volonté de l'institution régionale.

J'aborderai pour ma part le pays sous un angle peutêtre inattendu : celui de la clarification de l'administration territoriale. Nombre des orateurs qui m'ont précédé ont évoqué le danger que faisaient courir les pays s'ils représentaient un étage intermédiaire ou accroissaient la complexité du système. Et il est vrai que le texte de loi qui nous est proposé ne comporte, malgré les discours et les intentions, aucune proposition allant dans le sens d'une simplification.

Pour le citoyen moyen, il y a un enchevêtrement, un empilement de multiples niveaux : l'Etat, les régions, les d épartements, les communes, les communautés de c ommunes, les agglomérations, les communautés urbaines, que sais-je encore ? Mais il y a un chapitre de la gestion administrative territoriale qui échappe souvent à la critique parce qu'il est moins bien connu, je veux parler des syndicats intercommunaux. Leur nombre est considérable, leur enchevêtrement souvent inextricable, et ils sont la plupart du temps illisibles pour nos concitoyens.

Madame la ministre, si vous l'aviez voulu, vous auriez pu faire en sorte que les pays soient un moyen de simplifier la gestion territoriale. Vous avez souhaité qu'ils ne deviennent des EPIC que dans le cas où existe la perspective d'une contractualisation avec l'Etat ou la région.

C'est très réducteur, et j'en parle en praticien puisque, dans la région dont je suis l'élu, tous les pays ont été construits sur la base juridique de l'EPIC. Ils ont ainsi pu prendre une véritable place dans le tissu de la gestion supracommunale ou intercommunale.

Pour faire avancer les choses, votre projet de loi aurait dû encourager les pays à être non seulement des syndicats mixtes, mais des syndicats mixtes à la carte, ...

M. Patrick Rimbert.

Ouverts !

M. Yves Fromion.

... avec des compétences obligatoires et des compétences optionnelles. Cela aurait permis à nombre de syndicats de s'inscrire progressivement et librement dans la logique des pays, et d'éviter ainsi l'émiettement et l'enchevêtrement que nous constatons a ctuellement et qui fait que les habitants de nos communes ne savent pas toujours à quel syndicat ils appartiennent. Nous subissons souvent la loi du syndicat et les augmentations de participation sans avoir notre mot à dire.

Faire du pays le réceptacle de l'action intercommunale organisée permettrait une plus grande mise en cohérence, une économie sans doute, une meilleure lisibilité, et eût représenté pour le pays un souffle nouveau dans le prolongement de ce que voulait la loi Pasqua. Ce que vous nous proposez, c'est en fait un recul. Pourtant, il y a maintenant plusieurs années que les pays vivent, ont élaboré leur charte de développement et signé des contrats avec les régions. Cela a été le cas dans mon département.

On pouvait donc examiner les choses dans le calme, en tenant compte de l'expérience, mais cela n'a pas été fait.

Je crois que le rendez-vous est manqué, madame la ministre. J'espère que, dans un futur que je souhaite aussi proche que possible, on pourra revenir sur ce que je considère comme une erreur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M.

le président.

La parole est à Mme Christiane Taubira-Delannon.

M me Christiane Taubira-Delannon.

Madame la ministre, nous en sommes à trente années de maturation de la prise de conscience de ce que vous avez appelé en d'autres circonstances la « finitude de la planète ». Cette prise de conscience implique, pour chaque génération, la nécessité de concevoir ses ambitions de bien-être et de confort dans le cadre d'un développement qui cesserait d'être écophage et cannibale.

Les premières alertes nous sont venues du Club de Rome, avec son rapport sur la croissance zéro, en 1968.

Elles ont été confortées par le sommet de Stockholm


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

en 1972. La commission Brundtland est revenue à la charge en 1987. En 1992, le sommet de la Terre, à Rio, a marqué un tournant significatif à la fois pour la diffusion des informations et pour l'engagement qui était plus qu'un engagement de principe de certains Etats. C'est là que la France a exprimé son intention de contribuer à la préservation de la biodiversité avec la création d'un parc dans le sud de la Guyane.

Cette prise de conscience s'est poursuivie avec ses soubresauts, ses avatars : à New York en 1997, à Kyoto à la fin de 1997 ou au début de 1998, je ne sais plus - le temps passe si vite - et à Buenos Aires en 1998.

Tout ce cheminement a été entrecoupé mais également nourri par un progrès colossal dans la compilation et l'interprétation de connaissances scientifiques, fussent-elles l'objet de controverses, sur l'évolution des climats, sur la couche d'ozone, sur l'épuisement des ressources. Tout cela a été servi par des moyens techniques très performants, tels que la télédétection.

A cette dimension planétaire de la problématique du développement « durable », que vous préférez « soutenable », j'ajouterai une dimension que j'appellerai « villageoise », au sens du village global. Si nous devons, à notre niveau, penser globalement et agir localement, vous accepterez que j'examine d'un peu près la situation de l'outre-mer.

Les dispositions relatives à l'outre-mer du projet de loi d'orientation se limitent à la mention de son caractère ultra-périphérique et aux conséquences en termes de priorité, par un amendement à l'article 2 et par l'énoncé même de l'article 25.

L'examen de la situation de l'outre-mer est donc reporté à l'élaboration du projet de loi d'orientation a nnoncé par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer. La démarche paraît cohérente, sous la double réserve que, d'une part, les délais soient respectés - un amendement à votre projet de loi y tendra - et, d'autre part, que les principes qui sous-tendent les orientations et les choix stratégiques de votre texte soient maintenus.

Je voudrais ici pendre date et rappeler que l'enjeu de l'aménagement du territoire terrestre et maritime outremer est considérable parce qu'il peut mettre en cause des logiques d'occupation du territoire fondées sur une doctrine colbertiste encore en vigueur ; parce qu'il suppose une politique de coopération dans la connaissance et la gestion non antagoniques de milieux naturels communs tels que le bassin amazonien ; parce qu'il exige que soient mis en mélodie des visions culturelles différentes et des intérêts communautaires divergents ; parce qu'il conseille de régler les problèmes de la pêche dans les eaux territoriales en tenant compte du fait que nous avons un voisinage permanent ; parce qu'il suggère aussi que la stratégie d'exploitation des ressources minières non renouvelables soit conçue dans une approche patrimoniale.

Bref, que l'occupation du territoire cesse d'être une mosaïque de faits accomplis ! Qu'elle devienne l'expression spatiale de la solidarité, comme vous le dites, mais également la projection harmonisée des désirs de ceux qui doivent y inscrire leur destin ! Si je souhaite prendre date, ce n'est pas du fait de mon tempérament anxieux - en tout cas pas seulement : c'est surtout par souci de vigilance parce que des questions centrales doivent être posées.

Vous connaissez le parcours chaotique des schémas d'aménagement régionaux. Ceux de la Corse et de l'outre-mer doivent être approuvés par décret en Conseil d'Etat. Ils ont d'ailleurs vocation à devenir des schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire. La procédure a été lancée en 1988, à la suite du décret de 1984, sur un échéancier de vingt-quatre mois.

Mais, au terme de ces deux ans, aucun SAR n'était prêt.

Une nouvelle procédure a été lancée au mois de janvier 1993 et un délai de deux ans a encore été prévu. En janvier 1995, aucun SAR n'était approuvé. Le premier à l'être fut celui de la Réunion, dix mois plus tard, en novembre 1995 ; celui de la Martinique l'a été il y a à peine un mois en décembre 1998, soit dix ans après le lancement de la première procédure ; celui de la Guadeloupe a été saisi par les services de l'Etat car le délai était écoulé ; celui de la Guyane fait encore l'objet d'observations au titre de vices de procédure, notamment en ce qui concerne la consultation publique.

Il y a certainement des carences locales mais, si les difficultés sont si générales, c'est probablement qu'il y a des difficultés objectives qui appellent un diagnostic.

Telle est la première leçon à tirer de la situation.

Deuxième leçon : hors du SAR, qui s'impose aux schémas directeurs d'aménagement urbain et aux plans d'occupation des sols, qui fait de l'aménagement du territoire ? Pour ce qui concerne la Guyane, c'est clair, ce sont les administrations. C'est l'ONF, avec son schéma de bassin forestier - mais nous savons où en est le code forestier pour la Guyane. C'est la DRIRE, en tant que service instructeur des demandes de titres miniers. C'est la DIREN, avec son réseau d'espaces protégés. C'est l'armée avec ses casernes, ses antennes hertziennes, ses dépôts de matériels et de munitions. C'est le centre spatial avec ses grands chantiers. C'est EDF avec son barrage. Ce sont les administrations quand elles décident de s'installer ou de se retirer. Ce sont les gros investisseurs avec leurs projets alléchants. Ce sont aussi les particuliers lorsqu'ils se mettent à déboiser les collines.

La question est donc de savoir à quel niveau de responsabilité se prennent les décisions sur l'aménagement ou le déménagement du territoire. Nous devons répondre à la question en constatant les contraintes, qui sont fortes.

Le plus grand déséquilibre concernant l'aménagement du territoire en Guyane a une mesure quantitative : 90 % de la population réside sur 5 % du territoire, l'emprise foncière est extrêmement forte de la part de l'Etat à titre privé, et les textes qui doivent corriger cette situation avancent, comme on dit chez moi, pianm pianm, c'est-àdire moins vite qu'un train de sénateur, avec tout le respect que j'ai pour nos collègues de la Chambre haute.

Pourtant, une réflexion de qualité est conduite sur place, dans certaines administrations, au niveau de l'établissement d'aménagement foncier et dans les associations foncières.

Madame la ministre, la commission française de développement durable, lorsqu'elle a examiné votre projet de loi, a notamment affirmé que l'exemplarité pratique des principes généraux constitue le véritable moteur de leur efficacité. Je vous demande donc de me donner l'assurance que vous prendrez votre part dans l'examen du prochain projet de loi concernant l'outre-mer, en veillant de la même façon à articuler à la fois les exigences économiques, sociales et écologiques, et en n'oubliant surtout pas que c'est dans l'occupation de l'espace que pourra se réaliser la difficile conciliation des dynamiques communautaires et des trajectoires citoyennes, toutes deux légitimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Madame la ministre, à entendre les déclarations préalables à la présentation de votre projet de loi, on pouvait penser que si le monde rural n'y trouvait pas son compte, les villes, elles au moins, y seraient traitées comme il se doit.

Mais force est de constater la faiblesse de ce texte en ce domaine alors que 80 % de nos concitoyens sont concernés par l'évolution des villes et que chacun sait les problèmes qui s'y concentrent, d'exclusion et d'insécurité, entre autres.

Le développement durable de notre territoire ne peut d'ailleurs reposer sur une opposition entre le monde rural et le monde urbain, mais sur la création des synergies indispensables entre tous les éléments du territoire et entre les différentes fonctions qu'ils assument.

M. Patrick Ollier.

Très juste !

M. Henry Chabert.

En quoi votre texte est-il décevant pour la ville ? Tout simplement - et je serai très objectif parce qu'un fossé existe entre les déclarations d'intention énoncées dans l'exposé des motifs et auxquelles on ne peut que souscrire, et les propositions concrètes qui suivent.

La suppression d'un schéma national au profit des schémas de services collectifs induit une approche verticale des problèmes là où, pour traiter de l'avenir de la ville, il est indispensable d'introduire une dimension transversale.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Tout à fait !

M. Henry Chabert.

Le fait même de continuer d'utiliser, par exemple, l'expression « transport de voyageurs » au lieu du terme « déplacement », comme dans la loi sur l'air, est significatif.

Le développement durable nécessite en effet la prise en compte de biosystèmes complexes et fragiles, dont tous les éléments interfèrent les uns sur les autres.

Par ailleurs, vous insistez très peu, en tout cas d'une manière très insuffisante sur les équipements en tant que tels. Or la manière, pour les villes, d'assumer leurs fonctions et de répondre à la vocation internationale que vous appelez de vos voeux, passe précisément par la nature de leurs équipements et des infrastructures qui sous-tendent le réseau des villes. L'intercommunalité est nécessaire, tout comme l'interrégionalité, que vous ne prenez pas en compte.

Rien dans votre texte ne prévoit une meilleure répartition des investissements publics sur l'ensemble des territoires pour rééquilibrer une disparité née de « l'effort multiséculaire de la France de centralisation » et servie encore récemment par les projets du président Mitterrand, dont certains étaient pharaoniques ou mal adaptés et la plupart concentrés dans la capitale.

M. Patrick Ollier.

Eh oui !

M. Alain Cacheux.

Le musée des arts premiers ne sera pas à Lyon !

M. Henry Chabert.

Pour ce qui est de l'aménagement des villes en relation avec le reste du territoire, rien n'est indiqué concernant la relation à établir entre un certain nombre d'outils prévisionnels et opérationnels : schéma de développement et d'aménagement urbain, schéma d'urbanisme commercial, plan local de l'habitat, plan de déplacement urbain, qui forgent l'aménagement du territoire au sens le plus large du terme.

J'entends bien que les schémas régionaux auront à répondre à ces questions. Encore faudrait-il qu'ils soient articulés étroitement avec les schémas des services collectifs et que ceux-ci ne soient pas seulement l'émanation de l'administration, mais aussi celle de la représentation nationale, à travers le Parlement.

M. Patrick Ollier.

Exact !

M. Didier Quentin.

Très juste !

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est l'évidence !

M. Henry Chabert.

La question se pose également de la relation existant entre le projet de loi d'aménagement durable du territoire et la politique de la ville.

Certes, il est intéressant de déclarer qu'il convient de passer d'une logique de guichets à une politique de projets. Mais en quoi vos propositions servent-elles les projets déjà développés par de nombreuses agglomérations, alors même que vous rajoutez de la confusion dans les différentes strates de concertation et de décision ? Beaucoup d'autres aspects ne sont pas traités alors qu'ils sont essentiels à l'aménagement du territoire. C'est le cas, par exemple, de la relation entre les centres et la périphérie - c'est tout le problème des banlieues -, mais aussi de l'avenir des villes nouvelles. Les villes nouvelles doivent-elles être conservées, développées ou supprimées ? N'étant accompagné d'aucun moyen significatif, à part la notion d'agglomération, qui anticipe d'ailleurs sur la loi relative à l'intercommunalité, ni d'aucune mesure significative d'ordre fiscal, votre projet de loi présente un caractère incantatoire qui aura beaucoup de mal à se concrétiser.

M. Sueur, dans Le Monde d'hier, déclarait : « C'est tout un système institutionnel qui joue contre la ville. »

Mais vous n'apportez pas de réponse à ce problème. Vous semblez admettre, comme le soulignait hier M. Balligand, que l'histoire tranchera. Est-ce faire preuve, madame la ministre, de volontarisme que d'avoir une telle attitude ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, bien des choses ont été dites sur le sujet toujours controversé de l'aménagement du territoire. D'autres vont l'être, sensées, engagées, intéressées, voire redondantes.

J'ai choisi pour ma part de centrer mon propos sur les futures applications de la loi Voynet dans les zones rurales et de montagne, ce qui serait, m'a-t-on dit, un exercice plus périlleux qu'au temps de M. Pasqua. Mais il serait périlleux à première vue seulement car, s'il est vrai que la loi du 4 février 1995 se voulait favorable à la ruralité, elle n'a, en réalité, favorisé personne puisqu'elle n'a pas été appliquée.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. François Sauvadet.

Quelle mauvaise foi !

M. Patrick Ollier.

Elle n'a pas été appliquée parce que vous n'avez pas voulu l'appliquer !

M. Alain Cacheux.

C'est M. Juppé qui n'a pas voulu qu'elle le soit !

M. Henri Nayrou.

Mais comme on ne choisit pas entre peu de chose et presque rien, je n'ai pas à avoir d'états d'âme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

C'est bien connu, l'aménagement du territoire est à tous, mais chacun le fait sien. Alors, pour tenter de dépasser les clivages que tout le monde connaît, je m'efforcerai d'aborder quelques points particuliers avec lucidité et sincérité.

Madame la ministre, je dis oui à l'adaptation de votre loi aux perspectives européennes ; oui à l'émergence de bassins de vie et d'emplois, qu'ils soient pays, agglomérations ou parcs naturels régionaux ; oui à la prééminence de la logique de projets sur celle de guichets, en acceptant l'idée que cela sera inscrit dans les faits ; oui aux divers a ffichages, dans votre texte, d'ambitions qui ne demandent qu'à être concrétisées sur le terrain : soutien aux territoires en difficulté à l'article 2, accès égal aux soins de qualité et aux nouvelles techniques d'information et de communication, appui aux cultures et langues régionales, maison des services publics, présence postale territoriale à l'article 22, prise en compte des zones de revitalisation rurale.

Je dis oui à toutes ces propositions parce que je crois porter en moi la spécificité de la montagne, parce que je suis l'élu d'une « troisième couronne » à inventer aux abords d'une métropole régionale, parce que je suis intellectuellement opposé à la logique présumée de réserves d'oxygène autour des centres urbains...

M. Alain Cacheux.

Très bien !

M. Henri Nayrou.

... - pour éviter de parler de réserves d'Indiens, puisque je m'appelle Nayrou (Sourires) - parce que je crois vraiment à une alternative semi-rurale pour les urbains, à l'heure de la réduction du temps de travail, des excès dans les grandes villes en matière de pollution, d'insécurité et de stress, à l'heure des étonnants progrès sur les autoroutes de l'information, et enfin parce que j'ai fait personnellement le choix, vingt ans durant, de travailler à Toulouse et de vivre dans la lointaine campagne ariégeoise, à une époque ou l'on était « rurbain » sans le savoir.

Pour toutes ces raisons, objectives et subjectives à la fois, je crois avec ferveur que les zones rurales et de montagne peuvent avoir un destin autre que celui de palliatif de fin de semaine pour citadins pollués et stressés, portant un masque sur le nez et ayant un oeil rivé sur le vendredi soir.

M. Patrick Ollier.

Là-dessus, nous sommes tout à fait d'accord !

M. Henri Nayrou.

Voilà pourquoi je m'inquiétais de la part vraiment trop belle, dans le texte initial, faite au développement du territoire à partir des centres urbains.

Mais en suivant l'évolution du texte et en l'examinant de plus près, il m'est apparu finalement moins défavorable aux perspectives et aux valeurs auxquelles je crois.

Vous pourrez donc constater, madame la ministre, que ruraux et montagnards sauront vous présenter des projets structurants, conformes à l'esprit de votre loi, conformes également à votre propre esprit, vous qui êtes une femme politique engagée pour un autre mode de vie. Au moins, ruraux et montagnards pourront-ils se targuer d'avoir ainsi l'homme au coeur du débat sur le développement.

M. Patrick Ollier.

Il n'y a pas un mot sur la montagne dans le texte !

M. Henri Nayrou.

Nous voterons votre loi, madame la ministre, et nous avons confiance en vous pour l'inscrire dans le concret, sans faiblesse et avec discernement, afin qu'elle ne rejoigne pas celle de M. Pasqua au rang des illusions perdues.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, moins de quatre années après l'adoption de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, notre assemblée est donc une nouvelle fois appelée à se prononcer sur l'avenir de notre pays, sur l'avenir de ses territoires. En effet, vous avez décidé de ne pas appliquer la loi Pasqua.

Dans votre texte, ce qui me frappe, c'est vraiment le peu d'ambition, le peu de place que vous laissez aux services publics locaux en milieu rural.

M. Patrick Ollier.

Hélas !

M. Thierry Mariani.

La loi du 4 février 1995 a placé le service public de proximité comme un élément fondamental de la politique d'aménagement du territoire, en préservant l'indispensable égalité d'accès des citoyens, qu'ils vivent à la ville ou à la campagne. Or le texte que vous nous proposez procède exactement, c'est flagrant, de la démarche inverse.

Les principales dispositions de la loi du 4 février 1995 v ous paraissent peut-être trop rurales et pas assez urbaines. Mais permettez-moi de vous dire qu'elles tenaient au moins compte de l'état de notre pays et des vraies difficultés que la population et les élus rencontrent au quotidien dans les zones rurales.

M. Patrick Ollier.

Très juste !

M. Thierry Mariani.

Que deviennent les dispositions de l'article 29 de la loi du 4 février 1995, qui concernent les problèmes du milieu rural, des petites communes et, bien entendu, de leur habitat ? Nous vous posons la question, madame la ministre, car votre texte crée un vrai déséquilibre au profit des espaces urbains.

Vous ne donnez pratiquement aucun signe à nos campagnes...

M. Patrick Ollier.

Aucun !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Sinon négatif !

M. Thierry Mariani.

... alors même qu'elles en ont le plus besoin, que les élus locaux n'ont de cesse de réclamer plus de moyens et qu'elles sont les premières victimes de la crise des vocations pour assumer un mandat de maire ou de conseiller municipal.

M. Patrick Ollier et M. Didier Quentin.

Très juste !

M. Thierry Mariani.

Pensez-vous réellement que vous motiverez les quelque 40 % de maires en zone rurale qui ne souhaitent pas se présenter lors des prochaines élections en leur démontrant que l'Etat, sous votre direction, se désengage et ignore volontairement leurs problèmes ? Contrairement à ce que vous pensez, ces 40 % d'élus locaux ne se trouvent pas dans les communes les plus importantes, mais bien au contraire dans les plus petites.

M. Jean Besson et M. Henry Chabert.

Eh oui !

M. Thierry Mariani.

Les maires doivent assumer des tâches qui pourtant ne sont pas censées leur incomber. Ils sont tout à tour secrétaire général, cantonnier, car la plupart d'entre eux n'ont pas les moyens d'embaucher une assistante sociale ou un gendarme.

Pourquoi doivent-ils assurer toutes ces fonctions ? Tout simplement parce que, dans nos espaces ruraux, plus que partout ailleurs, l'Etat est de moins en moins présent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

Pour remédier à cela, vous nous proposez plus de moyens pour les villes et, dans le même temps, le Premier ministre nous annonce la fin du moratoire sur les services publics.

M. Alain Cacheux.

Il était temps ! C'était une erreur !

M. Thierry Mariani.

C'est une réelle provocation pour les élus locaux, compte tenu du désengagement de l'Etat que votre projet va accentuer. D'ailleurs, à ce propos, on apprend à la lecture de votre texte, que vous voulez en faire, en plus, des postiers puisque vous suggérez que le service postal soit maintenu à la condition que les maires mettent à disposition les locaux et le personnel nécessaires. Cette unique mesure qui concerne directement les services publics locaux est un chantage inacceptable et d énote, de la part du Gouvernement, une réelle méconnaissance des problèmes spécifiques aux petites communes.

Vous allez accentuer un phénomène qui existe déjà depuis plusieurs années et que nous connaissons bien. Je p rendrai un exemple dans ma circonscription. La commune d'Uchaux a consenti de lourds sacrifices financiers pour que les usagers de ce village puissent accéder à cet indispensable service qu'est La Poste. Il semblerait que vous instauriez deux catégories d'usagers et que votre texte introduise une rupture avec le principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques. En effet, il y aura ceux qui se trouvent en zone urbaine et où le service de La Poste sera assuré comme il se doit et financé par l'impôt national, et ceux qui habitent dans des zones défavorisées et qui paieront doublement le service.

M. Jean Besson et M. Patrick Ollier.

Très juste !

M. Thierry Mariani.

C'est une sorte de Tac-o-tac fiscal.

On est sûr de payer à la fois au grattage pour La Poste au niveau de l'Etat, mais aussi au tirage si l'on habite dans un petit village, pour maintenir le service dans sa commune.

M. François Brottes.

Parce que ça n'existait pas de votre temps !

M. Thierry Mariani.

C'est quand même la première fois que l'on prévoit cela dans une loi, mon cher collègue ! Quel message envoyez-vous aujourd'hui aux élus ruraux ? Ceux auxquels j'ai montré ce texte craignent que l'on ne fasse demain la même chose pour l'école et pour les petits hôpitaux ruraux.

M. Patrick Ollier.

C'est à craindre ! C'est une porte ouverte !

M. Thierry Mariani.

Vous engagez une véritable révolution et vous mettez le doigt dans un engrenage dangereux. Cela inquiète tous les élus de nos campagnes.

Y aura-t-il deux types de contribuables : ceux dont les enfants auront droit à un enseignement scolaire de qualité, dispensé dans de bonnes conditions, et ceux qui d evront doublement payer pour que leurs enfants puissent continuer à bénéficier des mêmes avantages ? Je ne reprendrai pas l'exemple de la sécurité, mais les annonces du Gouvernement en ce qui concerne le redéploiement de la gendarmerie suscite l'inquiétude des élus locaux en zone rurale.

M. Patrick Ollier.

Ils sont très inquiets !

M. Thierry Mariani.

Cela dit, il semble que le Gouvernement soit revenu à la raison sur ce point.

M. François Sauvadet.

C'est provisoire !

M. Thierry Mariani.

En ce début d'année, les élus ruraux sont très inquiets pour l'éducation, la santé, le service postal, la sécurité, en raison de ce que prévoit votre texte.

M. Alain Cacheux.

Vous allez les rassurer !

M. Thierry Mariani.

Nous avons l'impression que l'Etat n'entend plus assumer ses devoirs dans les zones rurales.

Madame la ministre, un projet sur l'aménagement du territoire ne peut faire l'impasse sur une question aussi essentielle que celle touchant à l'égal accès de chacun au service public.

M. François Brottes.

Qui est-ce qui a dérégulé les télécom ?

M. Thierry Mariani.

Le groupe RPR, attaché à un développement harmonieux du territoire, émet de sérieux doutes sur l'opportunité et l'efficacité de votre texte, qui risque d'accentuer les inégalités, alors qu'il s'agirait plutôt de les résorber. Telles sont les raisons pour lesquelles, tout au long des débats, nous nous opposerons à un texte qui oublie nos campagnes au profit des zones urbaines.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.

Mme Martine Lignières-Cassou.

Madame la ministre, vous n'avez pas entendu que des choses très agréables depuis hier. Je voudrais, pour ma part, tout d'abord, vous féliciter car ce texte est l'aboutissement de longs mois de travail, d'un travail concerté,...

Mme Michèle Alliot-Marie.

Avec qui ?

Mme Martine Lignières-Cassou.

... d'un travail difficile, car c'est un exercice d'équilibre.

M. Alain Cacheux.

Eh oui !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Exercice d'équilibre entre les territoires : une des novations du projet de loi est de mettre en perspective l'aménagement de la France dans le cadre de la construction européenne, et donc de renforcer les pôles de développement à vocation européenne.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Il s'agit là d'un choix stratégique qui n'est pas simple, car il faut tout à la fois répondre à un enjeu de compétition économique et assurer la cohésion sociale et territoriale de notre pays. Or, nous savons qu'il n'est pas évident d'associer objectifs de développement et objectifs de solidarité. D'une part, parce que ces objectifs ne sont pas toujours conciliables, ne serait-ce qu'en raison des arbitrages budgétaires qui peuvent se produire. D'autre part, parce qu'il n'est pas aisé d'identifier les interdépendances. Comment mesurer, par exemple, en quoi la modernisation d'un aéroport parisien peut servir une entreprise du Béarn - je parle du territoire dont je suis l'élue ? Et pourtant, je suis sûre qu'un tel équipement parisien peut servir à l'ensemble de la France.

M. Alain Cacheux.

Bien sûr !

Mme Martine Lignières-Cassou.

L'une des questions essentielles qui nous est posée dans l'aménagement du territoire est celle du rôle des villes. Certes, la ville est en crise, mais c'est quand même aujourd'hui le lieu principal de création de richesses.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 1999

M. Jean-Claude Boulard.

Absolument !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Et l'un des devoirs de la ville est d'irriguer le territoire qui l'entoure. Je suis pleinement satisfaite, à cet égard, de l'amendement no 332 de la commission de la production et des échanges, qui vise à permettre à une agglomération de trouver pleinement sa place dans un pays. Cette reconnaissance des interdépendances est à mon sens la seule façon intelligente de dépasser le clivage urbain-rural. Je crois également que, dans l'application de la loi, il faudra rechercher la même complémentarité, l'articulation entre espace naturel et espace rural, notamment au travers du Fonds de gestion des milieux naturels et des contrats territoriaux d'exploitation.

Ce texte est aussi l'aboutissement d'un exercice d'équilibre entre les différents modes de transports. Je le disais tout à l'heure, je suis l'élue d'un territoire adossé aux Pyrénées, donc très sensible à la question du désenclavement, car l'absence d'une liaison routière interrégionale Pau Bordeaux est vécue comme un facteur d'éclatement de la région. Cependant, je partage votre sentiment, madame la ministre, lorsque vous déclarez qu'il faut renverser des logiques, notamment en matière de fret routier.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Je suis satisfaite de la rédaction de l'article 32 qui donne la priorité au transport ferroviaire pour le transit international franchissant les Alpes et les Pyrénées. Je formulerai toutefois deux remarques.

D'une part, je souhaite que cette déclaration s'accompagne d'une action pour inscrire la création de la

« Traversée centrale des Pyrénées » dans le schéma européen des transports qui doit être adopté en 1999.

D'autre part, je pense qu'une infrasctructure, quelle que soit sa nature, qu'elle soit routière, ferroviaire ou fluviale, surtout si sa vocation est interrégionale ou européenne, ne crée de richesses que si une stratégie locale de développement accompagne le projet.

L'un des objectifs forts du projet de loi est de mobiliser les énergies. Cet objectif constitue la démarche même des pays, lieux d'émergence des projets. Je souhaite à ce propos que vous nous assuriez, madame la ministre, qu'une collectivité territoriale - je pense précisément aux c onseils régionaux détenteurs de la compétence en matière d'aménagement du territoire - ne puisse s'opposer à la reconnaissance d'un pays. Des discussions s'engagent dans les conseils régionaux et de telles tentations ne sont pas à exclure.

Enfin, pour développer la démocratie, volonté qui doit s'exercer quel que soit le territoire dans lequel on vit pays ou agglomération -, il nous a semblé utile de déposer à l'article 20 un amendement visant à instituer un conseil de développement dans les agglomérations.

M. Alain Cacheux.

Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou.

Madame la ministre, puisse la démocratie favoriser le développement économique et renforcer la cohésion sociale et territoriale de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1071, d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : M. Philippe Duron, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1288).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT