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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Décès d'un député (p. 702).

2. Questions au Gouvernement (p. 702).

FINANCEMENT DES MESURES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE (p. 702)

MM. Pierre Albertini, Lionel Jospin, Premier ministre.

FONCTIONNAIRES DE FRANCE TÉLÉCOM (p. 703)

MM. Roland Carraz, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

PARITÉ HOMMES-FEMMES (p. 704)

M. Yves Cochet, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

VIOLENCES À L'ÉCOLE (p. 705)

MM. Robert Pandraud, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

VÉHICULES FONCTIONNANT AU GPL (p. 706)

M. Jacques Pélissard, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

DÉLINQUANCE JUVÉNILE (p. 706)

M. Gérard Hamel, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

VICTIMES DE L'AMIANTE (p. 707)

M. Maxime Gremetz, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DÉLINQUANCE JUVÉNILE (p. 708)

M ms Dominique Gillot, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RENCONTRES DE DAVOS (p. 708)

M

M. Raymond Douyère, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS ET LOGEMENT SOCIAL (p. 709)

Mme Odile Saugues, M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

PRÉSENCE MILITAIRE FRANÇAISE AU KOSOVO (p. 710)

MM. François Lamy, Alain Richard, ministre de la défense.

INSÉCURITÉ (p. 711)

M. Guy Teissier, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

POLITIQUE FAMILIALE (p. 712)

M. Pierre-Christophe Baguet, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Suspension et reprise de la séance (p. 712)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

3. Aménagement du territoire. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 712).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 712)

Rappel au règlement (p. 713)

MM. François Sauvadet, le président.

Article 15 (suite) (p. 713)

Amendement no 861 de M. Bouvard : M. Michel Bouvard.

- Rejet.

Adoption de l'article 15 modifié.

Après l'article 15 (p. 713)

Amendement no 1171, deuxième correction, du Gouvernement, avec les sous-amendements nos 1229, 1223, 1228, 1227 de M. Desallangre, 1209, 1210 de M. Brottes, 1 225, 1226 et 1224 corrigé de M. Desallangre : Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ; MM. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie ; Georges Sarre, François Brottes, Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production ; Patrick Ollier, Maurice Leroy, Félix Leyzour, Jean-Claude Lenoir.

Sous-amendement no 1233 de M. Sarre : MM. Jean Besson, François Sauvadet, Gérard Saumade.

Sous-amendement no 1235 de M. Saumade : M. Félix Leyzour.

Sous-amendement no 1234 de M. Duron : M. le secrétaire d'Etat.

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Rejet du sousamendement no 1229 ; adoption du sous-amendement no 1223 ; rejet des sous-amendements nos 1228, 1233 et 1235 ; adoption du sous-amendement no 1234 ; rejet du sous-amendement no 1227 ; adoption des sous-amendements nos 1209 et 1210 rectifié ; rejet des sous-amendements nos 1225, 1226 et 1224 corrigé ; adoption de l'amendement no 1171 deuxième correction, modifié.

Rappel au règlement (p. 725)

MM. Christian Estrosi, le président, Mme la ministre.

Article 16 (p. 726)

MM. Maurice Leroy, Christian Estrosi, le président, Léonce Deprez.

Rappel au règlement (p. 728)

MM. Patrick Ollier, le président.

Reprise de la discussion (p. 728)

MM. Michel Bouvard, Jean Proriol, Jean-Michel Marchand.

Rappels au règlement (p. 730)

M

M. François Sauvadet, le président, Yves Coussain, Mme la ministre, MM. André Lajoinie, président de la commission de la production ; le président.


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Suspension et reprise de la séance (p. 733)

Amendements de suppression nos 170 de M. Ollier et 409 de M. Chabert : MM. Patrick Ollier, Yves Deniaud, le rapporteur, Mme la ministre, MM. François Sauvadet, Jean-Jacques Filleul. - Rejet.

Amendements identiques nos 457 de M. Michel Inchauspé et 981 de M. Leroy, amendements no 602 de M. Lenoir, et 1068 de M. Proriol, amendements identiques nos 871 de M. Bouvard et 1064 de M. Ollier : MM. Michel Inchauspé, Maurice Leroy, Jean-Claude Lenoir, Jean Proriol, Michel Bouvard, Patrick Ollier, le rapporteur,

Mme la ministre, M. Christian Estrosi. - Rejets.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Fait personnel (p. 741).

M. Christian Estrosi.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 741).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 DÉCE S D'UN DÉPUTÉ (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.)

M. le président.

Mes chers collègues, nous avons appris ce matin avec une très grande tristesse le décès de notre collègue et ami Michel Péricard.

Nous lui rendrons hommage d'ici à quelques semaines, conformément à notre tradition. Mais sans attendre, je veux dire à sa famille, à son épouse, à son groupe, à ses amis, l'estime que nous avions tous pour Michel Péricard, qui était un grand député, qui adorait son pays, qui aimait le journalisme et qui avait un respect profond pour cette maison.

Nous pensons beaucoup à lui en ce moment. Je souhaite que cela soit le sens des quelques instants de recueillement que nous allons observer ensemble.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se recueillent quelques instants.) 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

FINANCEMENT DES MESURES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, qui arrive à l'instant même. Elle concerne le financement et la mise en oeuvre des mesures qui ont été annoncées mercredi dernier, après la tenue du conseil de sécurité intérieure.

Monsieur le Premier ministre, l'opinion a suivi, avec l'attention que vous imaginez - nous l'avons en tout cas ressentie - l'évolution des réflexions au sein du Gouvernement sur la sécurité, et particulièrement sur la progression préoccupante de la délinquance des jeunes.

Aussi nos concitoyens attendaient-ils impatiemment l'annonce des mesures décidées mercredi dernier. Nous avons eu l'impression que les images diffusées par les télévisions résultaient d'un très savant dosage entre vos ministres. Mais il nous a semblé qu'y manquait l'un des personnages principaux : le ministre de l'économie et des finances. En effet, ces mesures, qui n'étaient pas prévues dans la loi de finances pour 1999, auront naturellement un coût, et c'est sur ce coût que je voudrais vous interroger, au nom des préoccupations très concrètes de nos concitoyens.

Vous avez annoncé la création de cinquante centres de placement, dont quinze en 1999. Comment sera-t-elle financée ? Vous avez également annoncé la création de soixantedix-sept centres éducatifs renforcés d'ici à 2001. Comment sera-t-elle financée ? V ous avez encore annoncé un redéploiement de 7 000 policiers et gendarmes dans les vingt-six départements les plus touchés par la délinquance, parmi lesquels figure d'ailleurs celui de Seine-Maritime. Comment allezvous opérer un tel redéploiement après que vous avez annoncé, il y a quelques semaines seulement, le report du plan global qui avait été présenté aux élus à la fin de l'année 1998 ? Vous avez dit, monsieur le Premier ministre, que la sécurité était une affaire trop grave et qu'elle devait échapper à la polémique. C'est vrai, mais à condition qu'elle se traduise en actes.

Aussi ma question sera-t-elle très simple : comment allez-vous financer et mettre en oeuvre les mesures annoncées d'ici à 2001, les Français, nos concitoyens, attendant une amélioration de leur sécurité quotidienne, vingt mois après l'installation de votre gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Mesdames, messieurs les députés, je veux d'abord associer le Gouvernement au premier hommage que vous avez rendu à votre collègue Michel Péricard, qui vient de décéder. Je vous assure de l'émotion qui est la nôtre, sur les bancs du Gouvernement, après la disparition d'un homme qui a marqué non seulement les médias dans notre pays, mais aussi la vie politique française avec, il est vrai, une grande force de conviction, que nous avons toujours respectée.

Monsieur Albertini, à moins de penser que l'organisation de la vie politique, la prise de décision d'un gouvernement face à l'actualité devrait strictement s'inscrire dans ce qui a été décidé dans le projet de loi de finances, puis dans le budget qui a été voté, il faut reconnaître qu'il vous est à tous arrivé, quand vous gouverniez, et cela nous arrive maintenant depuis vingt mois, alors qu'un budget a été voté, que des crédits d'équipement ou de fonctionnement ont été délibérés puis approuvés par le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Parlement, alors qu'un nombre de postes de fonctionnaires a été fixé, de devoir, face à l'actualité, prendre des décisions nouvelles. C'est ce que nous venons de faire.

Depuis le conseil de sécurité intérieure, j'ai rencontré, comme je le fais d'ailleurs chaque semaine, plusieurs de mes ministres, et notamment ceux qui sont directement concernés par la mise en oeuvre de ce programme. Ce matin, j'ai reçu dans mon bureau le ministre de l'intérieur, et je me suis, ce matin également, entretenu avec le garde des sceaux, la ministre de la justice...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

« La » garde des sceaux !

M. François Sauvadet.

Séparément ?

M. Maurice Leroy.

Ensemble, ce doit être houleux !

M. le Premier ministre.

Nous avons commencé d'examiner ensemble les modalités de mise en oeuvre du programme.

Je vais prendre un exemple, qui n'est certainement pas pédagogiquement nécessaire pour la représentation nationale,...

M. Francis Delattre.

Si ! Si !

M. le Premier ministre.

... qui connaît bien ces choses, mais il peut être utile pour ceux qui nous écoutent.

Ce gouvernement, face à des situations, prend des décisions. Mais il veut en même temps, parce que c'est de son devoir, dire aux Français que la mise en oeuvre de ces décisions prend du temps.

M. Pierre Albertini.

Et voilà !

M. le Premier ministre.

On verra, monsieur le député, si vous êtes en état de me démentir.

Nous avons ainsi décidé d'organiser un concourse xceptionnel de recrutement d'éducateurs dans l'année 1999. C'est l'une des décisions prises. J'en ai parlé ce matin avec le garde des sceaux.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

« La » garde des sceaux !

M. le Premier ministre.

Cela suppose d'abord que nous prenions, sous une forme que nous allons choisir - dans un DMOS, par exemple - la décision de créer effectivement un concours. Cela suppose ensuite que le concours soit organisé dans des conditoins qui respectent les règles des concours dans la fonction publique, et qui en assurent donc la validité. Il ne s'agit pas de recruter des amateurs...

M. Jean-Paul Charié.

Il faudra trois ans pour cela !

M. le Premier ministre.

En procédant le plus vite possible, cela nous prendra quelques mois.

Dans tous les domaines, nous analysons les conséquences des décisions que nous avons prises, et nous mettrons celles-ci en oeuvre.

En ce qui concerne le financement des mesures annoncées après le conseil de sécurité intérieure, il sera opé ré soit par redéploiement dans un certain nombre de cas,s oit par création de moyens supplémentaires dans d'autres. Et nous nous donnerons les moyens législatifs classiques - ils sont nombreux - pour traduire tout cela en actes.

Vous avez la responsabilité du pouvoir législatif. Nous avons la responsabilité de mettre en oeuvre nos décisions.

Comme à l'habitude, nous le ferons méthodiquement et progressivement. Si vous nous interpellez dans quelques mois sur le même sujet, nous serons en mesure de vous rendre compte des avancées que nous aurons faites.

Il faut que vous sachiez que nous ne nous contentons pas de proclamations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il nous reste tout à l'heure un peu de temps, j'inviterai M. Baguet à poser sa question.

Pour l'instant, nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

FONCTIONNAIRES DE FRANCE TE LE

COM

M. le président.

La parole est à M. Roland Carraz.

M. Roland Carraz.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, je souhaite vous interroger sur le sort des fonctionnaires agents de France Télécom qui, en 1993, ont choisi de conserver le statut de fonctionnaire, avec une option de cinq ans, que vous avez prorogée d'un an en 1998.

Nous sommes à quelques semaines de l'expiration de cette prorogation. Les questions concernant l'avenir de ces fonctionnaires au sein de France Télécom sont nombreuses, elles sont graves, elles sont simples.

La première est élémentaire : combien d'agents de France Télécom sont-ils aujourd'hui concernés ? La seconde est tout aussi simple : quelles sont les propositions que le Gouvernement entend leur faire pour que ces agents, qui ont choisi le service public, puissent continuer d'exercer dans le service public ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, France Télécom a pris, à la demande du Gouvernement, les dispositions nécessaires, en concertation avec les organisations syndicales, pour permettre aux agents de France Télécom de trouver des mobilités externes par la voie du détachement.

Environ mille agents ont souhaité bénéficier de cette possibilité.

Un correspondant « mobilité » a été nommé dans chaque région. Il est chargé de rencontrer les agents candidats à la mobilité, de constituer avec eux un dossier de candidature et de prendre contact avec les différentes administrations au niveau local.

Qu'ils soient titulaires d'un grade de reclassement ou d'un grade de classification, les fonctionnaires de France Télécom sont détachés exactement dans les mêmes conditions que l'ensemble des fonctionnaires, à partir de leur grade d'origine. A La Poste, il existe un système similaire depuis plusieurs années.

Il convient de rappeler que l'intégration dans un autre corps ne peut intervenir qu'après une période de détachement dans les conditions prévues par le statut particulier de ce corps.

Le décret auquel vous venez de faire allusion et qui a été pris le 30 décembre 1997 à la suite du rapport de Michel Delebarre a permis aux agents de France Télécom


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

et de La Poste qui ont conservé leur grade de reclassement de bénéficier d'une prorogation du délai d'option d'intégration dans le statut de classification. A ce jour, plus de cent personnes ont bénéficié des possibilités offertes par le décret.

Passé ce délai d'option, les fonctionnaires qui auront conservé leur grade de reclassement demeureront des fonctionnaires soumis aux titres Ier et II du statut général de la fonction publique au même titre que les fonctionnaires qui ont opté pour les corps de classification.

Ma réponse ne serait pas complète si je ne précisais pas qu'un congé de fin de carrière est prévu par la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom. Cette mesure permet aux agents fonctionnaires affectés à France Télécom âgés d'au moins cinquantecinq ans et ayant accompli au moins vingt-cinq ans de services chez l'opérateur ou dans les services de l'administration des postes et télécommunications avant la loi de 1990, de bénéficier d'une « préretraite » en percevant une rémunération mensuelle égale à 70% de leur rémunération d'activité complète.

L'ensemble des personnels de France Télécom, quel que soit son statut, est fortement mobilisé pour le succès des technologies françaises dans le domaine des télécommunications, ainsi que vous pourriez le confirmer vous-même.

Les dispositions que je viens de rappeler satisfont pleinement cet objectif national.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

PARITÉ HOMMES-FEMMES

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Depuis que, en 1982, le Conseil constitutionnel a annulé une loi prévoyant des quotas pour les femmes et les hommes, seize ans se sont écoulés avant qu'on ne propose au Parlement une révision constitutionnelle, somme toute assez modeste, puisqu'elle ne vise qu'à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et aux mandats, alors que le préambule de notre Constitution garantit, lui, l'égalité entre les femmes et les hommes.

Que s'est-il passé en France depuis seize ans ? Rien ou presque. Certes, il y a eu la loi Roudy, et fort heureusement, mais elle est mal ou peu appliquée...

Mme Yvette Roudy.

Elle n'est pas appliquée du tout !

M. Yves Cochet.

Elle ne l'est pas du tout, vient de dire

Mme Roudy.

Il y a eu également l'émergence, au niveau européen, du concept de parité. Il y a eu, évidemment, les manifestations des mouvements féministes. En 1995, il y a même eu, organisée par l'ONU, à Pékin, une grande conférence internationale sur le droit des femmes. (

« A Pékin ! » sur plusieurs bancs du Rassemblement pour la République.)

Pourtant, je vois que, dans notre assemblée comme pour l'ensemble des mandats et fonctions, il n'y a pas plus de femmes élues aujourd'hui qu'il n'y en avait en 1982.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je pense donc qu'il faut faire quelque chose.

On a déjà débattu du concept de parité et de l'universalisme. Je voudrais répondre à ceux et à celles qui pensent que la parité serait une sorte de brèche communautariste que, au contraire, celle-ci représente une grande avancée universaliste dans la mesure où les femmes ne sont pas plus que les hommes une catégorie : elles sont la moitié de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Nicole Catala.

Très juste !

M. Yves Cochet.

Au moment où le Sénat a la faculté de bloquer cette réforme importante, au point que l'on peut se demander si, lors du Congrès, cette réforme ne pourrait pas tout simplement avorter, le Gouvernement doit prendre une initiative.

En cas de blocage, monsieur le Premier ministre, vous êtes en mesure, en vertu des articles 11 ou 89 de la Constitution, de proposer l'organisation d'un référendum au chef de l'Etat. Le ferez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Comme pour le traité d'Amsterdam !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, le Sénat a en effet profondément bouleversé le texte que votre assemblée a voté à l'unanimité, tous groupes politiques confondus.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est scandaleux ! Quels ringards, ces sénateurs !

Mme la garde des sceaux.

Il refuse que l'on modifie l'article 3 de la Constitution pour y introduire l'objectif de parité.

Je le répète ici, devant vous : je suis attachée, et le Gouvernement avec moi, pour des raisons symboliques et politiques, à ce que ce soit cet article 3 qui fasse l'objet de la révision constitutionnelle.

(« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Roman.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

Le Sénat préfère modifier l'article 4, c'est-à-dire s'en remettre à la bonne volonté des partis politiques pour promouvoir l'accès des femmes aux fonctions politiques. Il empêche ainsi le législateur de prendre ses responsabilités. Il y a là un paradoxe étonnant : le Sénat admet que les partis politiques sont responsables de la sous-représentation des femmes dans les assemblées et, dans le même temps, il veut s'en remettre à eux pour trouver la solution au problème !

M. Bernard Roman.

Incroyable !

Mme la garde des sceaux.

La vraie question est la suivante : le Sénat veut-il oui ou non de cette réforme constitutionnelle ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Supprimons le Sénat !

Mme la garde des sceaux.

Vous avez raison, monsieur Cochet, de trouver que l'argument d'universalisme est trop facile. Car, après tout, l'universalisme s'est accommodé depuis deux siècles d'une domination masculine presque sans partage dans nos assemblées politiques.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Mme Sylvia Bassot.

Ce n'est pas vrai !

Mme la garde des sceaux.

Qui s'est ému alors de cette dérogation choquante à l'universalisme ? Combien de fois faudra-t-il répéter que les femmes ne sont une catégorie, mais la moitié de l'humanité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je tiens à dire ici que le Gouvernement souhaite que l'article 3 soit révisé et que le Sénat évolue car, sinon, la réforme sera bloquée en raison de la position qu'a prise le Conseil Constitutionnel en 1982 et qu'il a réaffirmée le 14 janvier dernier.

Je pense que le Sénat peut évoluer, car nombreux sont les sénateurs qui n'étaient ni fiers ni satisfaits de la décision prise par leur majorité.

Le projet reviendra devant vous en deuxième lecture le 16 février. Il reviendra le 4 mars devant le Sénat. Je souhaite que nous mettions ce temps à profit pour faire en sorte que la réforme constitutionnelle passe et qu'elle passe avec l'aval des deux assemblées.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

VIOLENCES A L'ÉCOLE

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Monsieur le Premier ministre, nous avons tous connu, il n'y a pas si longtemps, des établissements scolaires sanctuarisés qui faisaient la fierté de la République. Hélas, depuis dix ans, l'école est malade.

Depuis trois ans, j'ai peur qu'elle ne soit devenue moribonde. Certains établissements de la région Ile-de-France sont en coma dépassé.

M. Jacques Myard.

M. Allègre court toujours...

M. Robert Pandraud.

Monsieur le Premier ministre, la violence sévit : les professeurs, leurs familles et leurs enfants, les élèves qui veulent travailler, leurs parents sont menacés et agressés quotidiennement dans les classes, dans leurs déplacements et dans leur existence.

M. Christian Bataille.

Qu'avez-vous fait ?

M. Robert Pandraud.

Comment, dans ce système sauvage, sanctionner sans risques personnels les « sauvageons », ces petits délinquants récidivistes au sens judic iaire du terme, ces apatrides au sens culturel ? (« Scandaleux ! » et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Comment rétablir la discipline alors que les proviseurs, les principaux de collèges, devant l'abondance, le flou, la contradiction des instructions et des promesses non tenues, parfois victimes d'acharnement judiciaire, sont découragés et démotivés ? Comment les collectivités locales peuvent-elles assumer la modernisation, la remise en état des locaux et du matériel pédagogique face à des dégradations répétées et syst ématiques ? Comment certains maîtres peuvent-ils encore imposer la moindre discipline alors que - même si certaines revendications sont justifiées - ils appellent systématiquement à manifester, à défiler, à débrayer, privant les élè ves qui veulent travailler du droit légitime à l'enseignement ?

Mme Raymonde Le Texier.

C'est ridicule !

M. Robert Pandraud.

Des jeunes qui ne veulent pas s'intégrer à nos valeurs nationales, certains maîtres qui préfèrent la marche à pied à la tenue de leur cours créent de véritables zones d'anarchie.

Monsieur le Premier ministre, il ne s'agit plus de s'en tenir aux bonnes paroles devant la montée des périls. Si nous ne voulons pas sacrifier une génération, il faut que vous nous disiez aujourd'hui ce que vous allez faire pour que la rentrée scolaire prochaine se passe dans l'ordre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, comme vous, le Gouvernement est préoccupé par la montée de la violence et ses répercussions dans le domaine scolaire.

Après d'autres, mais d'une manière que nous espérons efficace, nous nous attaquons à ce problème, certes difficile.

Nous avons mis en place l'année dernière un premier plan de lutte contre la violence à l'école (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) qui a donné, dans un certain nombre d'endroits, des résultats tout à fait positifs.

Mme Sylvia Bassot.

Echec !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Le conseil de sécurité intérieur a décidé d'accroître l'effort entrepris et de le faire porter, notamment, sur les secteurs les plus dangereux qui représentent une minorité d'établissements, mais qu'il faut traiter avec détermination.

Nous avons pris plusieurs mesures de surveillance extérieure des écoles.

Nous avons décidé, avec Mme la garde des sceaux, de prendre des mesures extrêmement strictes s'agissant des agressions sur les enseignants. Car le retour de la discipline à l'école, c'est d'abord la protection des enseignants et des personnels.

Mme Sylvia Bassot.

Bravo !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Contrairement à une pratique passée, depuis le début, après chaque agression sur un enseignant, l'éducation nationale s'est portée partie civile. Et elle continuera à le faire.

Mais la violence à l'école résulte aussi - et vous avez raison de le dire - de la dilution de certains programmes pédagogiques qui n'ont pas recentré l'école sur les valeurs f ondamentales, notamment sur l'instruction civique.

Nous avons donc donné des instructions pour y remédier.

L'instruction civique sera enseignée jusqu'au baccalauréat. Désormais, les épreuves d'instruction civique seront obligatoires dans les IUFM et lors de certains examens, que ce soit le brevet ou le baccalauréat. Il faut rétablir l'instruction civique et l'enseignement de la morale dans les établissements. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République).

Cela dit, monsieur le député, ce n'est pas uniquement à l'école que ce combat sera mené. Le Gouvernement a donc proposé une série de mesures plus larges. Croyez


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que nous serons vigilants. En coopérant tous ensemble, je pense que nous ferons sortir la violence de nos écoles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

VÉHICULES FONCTIONNANT AU GPL

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pour vous, l'écologie c'est d'abord l'opposition à maints grands travaux autoroutiers, c'est l'abandon du nucléaire et c'est la guerre contre le diesel. Nous ne sommes pas d'accord. En revanche, nous sommes tous d'accord - du moins je l'espère - pour améliorer la qualité de l'air et utiliser des carburants moins polluants.

Les problèmes de sécurité ne doivent pas être oubliés pour autant. Vous avez, madame la ministre, décidé d'annuler des mesures réglementaires qui appelaient l'attention des usagers sur certains risques liés au GPL. Vous nous aviez assurés de la sécurité d'utilisation de ce carburant. Or, jeudi prochain, des pompiers défileront pour exprimer leur solidarité avec leur collègue gravement blessé par l'explosion d'un véhicule utilisant du GPL, véhicule incendié dans le cadre de cette véritable guérilla urbaine affectant la banlieue lyonnaise. (« Démago ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Je souhaite d'abord exprimer toute notre solidarité et notre soutien à ces soldats du feu, professionnels ou volontaires.

Je vous poserai ensuite, madame la ministre, sans esprit polémique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), deux questions.

Le GPL est-il, oui ou non, un carburant sûr ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour éviter qu'un accident aussi grave ne se reproduise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, permettez-moi de vous le dire, sans esprit de polémique, je ne me serais jamais permis de renoncer à des mesures de sécurité concernant les véhicules fonctionnant au GPL.

Je ne suis qu'en charge de la sécurité des parcs de stationnement souterrains d'au moins 250 places. Par circulaire du 28 octobre 1996 adressée aux préfets, la direction de la prévention de la pollution et des risques de mon ministère a rappelé que l'interdiction d'admission des véhicules GPL dans les parkings avait été levée en 1987, du fait de l'expérience acquise en France et à l'étranger, par exemple aux Pays-Bas, où plus de 8 % du parc automobile circule avec du gaz de pétrole liquéfié.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

C'est le ministère des transports, monsieur le député, qui est responsable de la réglementation concernant l'usage du carburant GPL. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais en l'absence de M. Jean-Claude Gayssot, je suis ravie de vous répondre.

Sept accidents - sans victime humaine jusqu'à l'accident malheureux et dramatique de Vénissieux - ont été recensés par l'Institut d'évaluation des risques industriels entre 1986 et 1998. Ils sont dus, pour l'essentiel, à deux types d'accident : des fuites de GPL hors du réservoir au moment du remplissage et l'explosion, bien plus grave, avec boule de feu engendrant de forts effets thermiques dans le réservoir sous pression. C'est ce qui semble s'être produit à Vénissieux.

Cet accident est dramatique. Il devrait valider l'attitude actuelle du ministère des transports qui envisage la révision de la réglementation pour transcrire les exigences du règlement CEE-ONU no 67 amendé en nombre 1998 et qui permettra d'améliorer encore le haut niveau de sécurité des véhicules fonctionnant au GPL. (« C'est nul ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Des précisions pourront vous être utilement apportées par le ministère de l'équipement, des transports et du logement, avec lequel nous travaillons en bonne harmonie, tant nous considérons que l'intérêt du GPL comme carburant alternatif est important. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

C'est ça, la fiscalité ! DÉLINQUANCE JUVÉNILE

M. le président.

La parole est à M. Gérard Hamel.

M. Gérard Hamel.

Monsieur le Premier ministre, il était temps que vous vous intéressiez au fléau de la délinquance. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq.

Lisez la déclaration du 19 juin !

M. Gérard Hamel.

Combien aura-t-il fallu d'interventions des députés de l'opposition, accusés de ce fait de faire le lit de l'extrême droite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Que vous vous décidiez enfin à vous pencher sur le problème ! L'annonce de moyens et de personnels supplémentaires décidés lors du dernier conseil de sécurité intérieure ne peut que nous réjouir, bien que les financements ne soient pas précisés et que toutes les mesures proposées s'étalent dans le temps alors qu'il y a urgence à agir concrètement et rapidement.

L'éloignement de certains délinquants mineurs multirécidivistes est enfin accepté comme une mesure de bon sens. C'est une mesure que j'avais proposée en 1995 et que vous et vos amis aviez très durement critiquée à l'époque. Comme quoi le bon sens finit toujours par l'emporter ! Permettez-moi aussi de regretter que l'arbitrage que vous avez rendu en faveur de votre garde des sceaux au détriment de votre ministre de l'intérieur vous amène à passer à côté d'actions concrètes et efficaces qui auraient pu être menées rapidement. Ainsi, rien n'a été proposé pour relayer les initiatives des maires qui avaient pris un arrêté limitant la circulation de mineurs non accompagnés la nuit. Rien n'a été proposé non plus s'agissant de la responsabilisation parentale ; aucune sanction n'est prévue, comme la suspension ou la mise sous tutelle des allocations familiales. Plus grave à mes yeux, enfin, est l'oubli total des victimes : pas un mot, pas une seule mesure en leur faveur ! Monsieur le Premier ministre, faudra-t-il attendre une nouvelle cérémonie des voeux pour déclencher un nouveau conseil de sécurité intérieure et pour que vous finissiez par accepter de prendre des mesures efficaces et de simple bon sens ?


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Enfin, le département de l'Eure-et-Loir, classé parmi les vingt-six départements sensibles en matière de délinquance, bénéficiera-t-il de moyens adaptés ? Si oui, lesquels et dans quels délais ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, M. le Premier ministre a réaffirmé et redit tout à l'heure les mesures qui ont été prises, et qui seront financées.

Quant aux mesures supplémentaires que vous avez souhaité voir entrer en vigueur, je répondrais tout d'abord qu'aujourd'hui, dans notre législation, rien n'interdit à personne de ramener chez lui un mineur qui est dehors dans la rue le soir. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Monsieur le maire, si vous souhaitez le faire, vous pouvez le faire. Vous n'avez qu'à organiser, comme cela existe dans certaines villes, des rondes d'éducateurs et demander à votre conseil général de vous aider en ce sens. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialistes, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Certes, la responsabilité des familles est primordiale. Je rappellerai que 30 000 mesures de mise sous tutelle des allocations familiales ont été effectuées. Par conséquent, ces mesures existent déjà, mais elles sont décidées par les juges.

Monsieur le député, ces deux seuls exemples suffisent à montrer que ce que vous proposez existe déjà. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En réalité, vous souhaitez accréditer l'idée qu'il existerait une ou deux recettes miracles, qui ne passeraient pas par la mobilisation de tous. Or nous savons que nous devons tous nous mobiliser.

Enfin, monsieur le député, puisque vous avez été élu maire de Dreux grâce au retrait de la gauche (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), vous feriez mieux, au lieu d'attiser des idées qui font le bonheur du Front national, de vous occuper de la délinquance dans votre ville ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

VICTIMES DE L'AMIANTE

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, la situation des salariés victimes de l'amiante mérite toute notre attention tant les préjudices subis sont terribles.

Les députés communistes ont toujours été sensibles aux conditions de travail de ces salariés. Ils ont contribué à apporter des améliorations tant au niveau de la prévention que de l'obtention d'un départ anticipé à la retraite.

C'est le sens de notre proposition de loi.

Nous nous sommes réjouis, madame la ministre, qu'une disposition juste et attendue ait été adoptée. Cette mesure améliore considérablement les conditions des salariés de l'amiante en mettant en place un dispositif de cessation anticipée d'activité pour ces travailleurs. Ils percevront une allocation identique à l'allocation de préretraite de droit commun. Cette cessation d'activité sera calculée en déduisant de l'âge légal de la retraite un tiers des années d'activité passées dans ce secteur.

Ces premières mesures constituent une étape importante vers la nécessaire reconnaissance des préjudices subis par les salariés qui sont ou qui ont été en contact avec l'amiante. Mais comme vous l'avez souligné, madame la ministre, reste à l'ordre du jour la mise en oeuvre d'un dispositif complémentaire pour y intégrer les salariés tels que les dockers ou certains salariés qui ont travaillé, notamment, au flocage. Il en est de même pour l'élaboration d'un statut des travailleurs de l'amiante.

Madame la ministre, les décrets qui étaient prévus pour le mois de janvier ne sont pas encore publiés. Pouvez-vous nous préciser dans quels délais ils le seront et dans quels délais ils seront applicables ? Pouvez-vous nous indiquer où en sont les travaux des directions régionales du travail et de la santé et les caisses régionales d'assurance maladie sollicitées pour poursuivre des études ciblées par secteur d'activité afin de compléter le dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez eu raison d'insister, une fois de plus, sur les drames que vivent nombre de salariés victimes de l'amiante, touchés parfois très tardivement, devenus inaptes au travail et n'arrivant plus à retrouver un emploi.

Ainsi que vous l'avez rappelé, le Gouvernement a pris plusieurs mesures dont ils peuvent bénéficier : possibilité de prendre la retraite à cinquante ans pour ceux qui ont déjà déclaré une maladie grave et - ce qui a été plus difficile - réduction de l'âge de cessation d'activité en déduisant de l'âge légal de la retraite - soixante ans - un tiers des années passées dans des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante. L'allocation versée sera la même dans les deux cas et nous élaborons les textes d'application.

Ceux relatifs au premier cas sortiront dès les prochains jours, car les maladies déclarées sont reconnues.

Pour le deuxième cas, nous avons dû rechercher l'ensemble des établissements de fabrication utilisant de l'amiante. Le travail est maintenant terminé et une première liste sera proposée dès cette semaine aux partenaires syndicaux et patronaux, ainsi qu'aux associations s'occupant des victimes de l'amiante pour vérifier l'exhaustivité de cette liste. Nous pourrons alors engager effectivement l'examen des dossiers.

Par ailleurs, nous devons étudier la situation d'autres types de salariés qui ont travaillé dans des activités comme le flocage, les chantiers navals, les docks par exemple, où ils ont pu être en contact avec de l'amiante.

Les caisses primaires d'assurance maladie et les directions


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régionales du travail identifient actuellement les intéressés à partir de critères objectifs, car tous n'ont pas été touchés par l'amiante.

J'espère que nous pourrons, dans les semaines qui viennent, au plus tard dans deux ou trois mois car cela est assez difficile, compléter ce dispositif auquel vous êtes très attaché, avec juste raison car il est conforme à la justice sociale de réparer les dommages dus à des maladies provoquées par des conditions de travail souvent difficiles qui ont causé des drames humains douloureux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

DÉLINQUANCE JUVÉNILE

M. le président.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Une longue pression médiatique a mis, à juste titre, l'accent sur le grave problème de notre société que représentent la délinquance juvénile et la violence de mineurs de plus en plus jeunes. Les arbitrages que vous avez rendus, les décisions annoncées à l'issue de la réunion du c onseil de sécurité intérieure, mercredi dernier, les moyens dégagés, les procédures et les méthodes que vous avez exposées apportent les réponses qui manquaient (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) et que beaucoup, tant parmi les responsables politiques que dans l'opinion publique, attendaient.

M. André Berthol.

La brosse à reluire !

Mme Dominique Gillot.

Le recours à la détention, même préventive, doit rester exceptionnel.

Les travaux du CSI ne confondent pas autorité et violence. Ils marquent la nécessité de porter attention à ces jeunes dont la dangerosité l'emporte sur la détresse, mais qui ne peuvent être exclus tant que l'on n'a pas tout tenté pour les inscrire dans une perspective de progrès, alors même qu'ils sont cassés psychologiquement, affectivement et, déjà, socialement.

La question de la contrainte est tranchée : elle est nécessaire ; il faut en renforcer les dispositifs et en garantir l'efficacité pour que les bénéficiaires ne puissent y échapper.

Toutefois, le plus difficile est de trouver, d'urgence, des adultes capables de partager quelque chose avec ces jeunes qu'il faut renvoyer fermement à leur statut d'enfant ne pouvant pas décider de tout et en tout. Cela est le rôle des adultes, personnes structurées, expérimentées, capables d'aider ces enfants, citoyens de demain, de leur offrir un exemple auquel ils pourront s'identifier pour se construire positivement.

Soyons attentifs le plus tôt possible à ces petits qui sont déjà en échec au moment des premiers apprentissages.

M. Gilbert Meyer.

La question !

Mme Dominique Gillot.

Quelle place conférez-vous à la famille ? (« Le PACS ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Comment comptez-vous soutenir les pères et les mères qui ont, en tout premier lieu, cette responsabilité d'accueil, d'éducation, d'encadrement et de surveillance de leurs enfants ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, sans revenir sur ce que vient de déclarer le Premier ministre en rappelant les décisions prises par le conseil de sécurité intérieure, je veux souligner le rôle irremplaçable de la famille que nous connaissons tous. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, elle est le premier lieu déterminant de fixation des repères, le premier lieu d'acquisition de l'appréhension de la vie collective et de la solidarité. Nous savons combien il est important que les parents soient mis en mesure de remplir leur rôle éducatif.

Lors de la précédente conférence de la famille, à laquelle vous avez largement contribué par le rapport que vous avez réalisé et par la concertation que vous avez menée avec les organisations syndicales et les associations familiales, le Premier ministre a décidé de mettre en place des lieux d'écoute et d'accompagnement des familles.

Depuis, nous avons travaillé avec les associations familiales, avec d'autres associations et avec la CNAF, puis nous avons dégagé 200 millions de francs pour mettre en place ces lieux d'écoute et d'accompagnement qui permettront, à partir d'un lieu d'animation dans chaque département, de guider les familles en difficulté vers les structures les mieux à même de les aider.

Nous savons combien il est difficile pour des parents en difficulté sociale, en rupture conjugale ou ayant des racines dans d'autres pays, de remplir pleinement leur rôle éducatif. Nous allons donc les accompagner.

Nous suivons ainsi la démarche inverse de celle qu'a suggérée M. Hamel. En effet, l'objectif n'est pas d'aller au-delà des sanctions prévues par la loi mais bien d'aider, d'accompagner les parents pour qu'ils remplissent une fonction irremplaçable, celle d'éducation de leurs enfants.

Dès la fin du mois de février, ces structures seront mises en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RENCONTRES DE DAVOS

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez participé, il y a quelques jours, au sommet de Davos, où mille dirigeants économiques décident du sort de six milliards d'individus.

M. Francis Delattre.

Scandaleux !

M. Jacques Myard.

Lamentable !

M. Raymond Douyère.

Or, pour la première fois dans ce vaste forum, il a semblé que les discours péremptoires sur les vertus du libéralisme aient été mis en veilleuse. En quelque sort les libéraux ont été saisis par le doute. Ainsi, on a pu entendre des phrases totalement inhabituelles.

Il a, par exemple, été dit qu'il y avait interactivité entre la démocratie et la bonne santé économique. De même, le président Herzog a souligné que la politique devait être


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au coeur de l'économie et qu'elle ne devait pas se transformer, en quelque sorte, en dépanneur des ratés de l'économie.

M. Peter Hartz, manager de Volkswagen, a mis en cause les multinationales et les a fustigées, notamment quant à leur rôle dans les crises sociales. On a même entendu certaines personnes affirmer qu'il fallait mettre au coeur du débat les workholder values plutôt que les shareholder values, c'est-à-dire qu'il convenait de placer l'homme au coeur de l'économie plutôt que l'augmentation des actions.

Il y a un an, lors de ce même forum, les ultralibéraux déclaraient que la politique suivie par la France allait casser la croissance, que les emplois-jeunes et les 35 heures constituaient des abominations absolues. Pourtant, en 1998, la France a eu l'une des plus fortes croissance des pays du monde industrialisé. La croissance a été riche en emplois et nous somme entrés dans une zone de stabilisation grâce à l'euro. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) La France a même enregistré une diminution du chômage.

Monsieur le ministre, que pensez-vous de l'inflexion constatée à Davos en ce qui concerne la politique mondiale ? Quelles répercussions pouvons-nous en attendre sur la politique française ainsi que sur la politique européenne ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, ce n'est pas dans cette station cossue des Alpes suisses que se décide l'avenir du monde. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Néanmoins, il est vrai que s'y retrouvent de nombreux chefs de gouvernement, des ministres, des dirigeants d'entreprises, des syndicalistes, des journalistes. Il faut donc y faire entendre la voix de la France. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je m'y suis employé en défendant les positions du Gouvernement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Puisque vous m'invitez à la commenter, cette visite m'inspire trois remarques.

La première est que, il y a un an ou deux, un climat de douce euphorie flottait lorsque l'on évoquait la mondialisation. La crise financière aidant, cette pensée unique internationale recule. Le fait que, dans ce forum, soient désormais abordées des questions auxquelles nous sommes attachés comme la surveillance des banques et des centreso ffshore ou la spéculation financière internationale, montre que le discours que nous portons avec d'autres gouvernements européens a avancé. A cet égard, nous ne sommes plus considérés comme de curieux agitateurs lorsque nous disons que l'on ne peut continuer à vivre dans un monde régi par une économie de marché sans règles et sans justice.

La seconde remarque est que si les Etats-Unis restent une très grande puissance, l'Europe compte davantage. La croissance européenne, qui a été forte cette année, et la mise en place de l'euro intéressent. Les Américains, les Japonais, les Latino-Américains, l'ensemble du monde les regardent avec attention, à tel point qu'une revue américaine très influente titrait, il y a quelques jours, à l'occasion de ce forum, que, contrairement à ce que l'on croyait, le

XXIe siècle ne serait peut-être pas centré sur le Pacifique, mais sur la relation entre les Etats-Unis et l'Europe, c'est-à-dire sur l'Atlantique. L'Europe et la politique européenne ont donc retrouvé droit de cité.

La troisième remarque est que la France intéresse.

L'année dernière, les propositions du Gouvernement et de sa majorité sur les emplois-jeunes et sur les 35 heures paraissaient incongrues à la plupart de ceux qui se retrouvent à Davos. Aujourd'hui, le rôle que le Premier ministre, Lionel Jospin, tient au sein de l'ensemble des gouvernements de gauche européens et l'influence que la France y exerce sont remarqués. La façon dont nous avons organisé notre croissance en 1998 étonne. Etonne encore davantage le fait que nous ayons, en dix-huit mois, fait à ce point baisser le chômage, même si cela est insuffisant, que nous avons effacé les quatre ans de hausse de la législature précédente. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Cette année, la France et l'Europe étaient donc présentes à Davos pour y faire valoir des idées qui sont les nôtres et qui gagnent du terrain sur l'ensemble de la planète. Nous ne sommes plus à l'époque de la libéralisation galopante, mais dans une bataille idéologique où nos idées progressent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS ET LOGEMENT SOCIAL

M. le président.

La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Monsieur le secrétaire d'Etat au logement, la loi de lutte contre les exclusions entre dans les faits et met à la disposition des collectivités locales, des services de l'Etat, des organismes d'HLM et des associations, des moyens nouveaux pour faire vivre l'accès aux droits partout et pour tous dans l'éducation, la formation, le travail, le logement et la santé.

D'importantes mesures concernent directement le logement social, comme la modification du plafond de ressources permettant l'accès aux logements en HLM ou la création d'une taxe sur les logements vacants.

D'autres décrets sont attendus. Je cite notamment l'octroi d'un numéro d'enregistrement en préfecture pour l'attribution d'un logement en HLM afin d'établir une vraie transparence et de favoriser une réelle mixité dans le parc locatif social, ainsi que la définition du rôle des conférences intercommunales du logement qui doivent permettre une meilleure répartition géographique de l'habitat social dans les agglomérations. En effet, pour instaurer dans les quartiers un meilleur équilibre social - l'actualité témoigne, semaine après semaine, de l'urgence en la matière -, il est nécessaire de dépasser les égoïsmes locaux.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous dire si la publication de ces décrets est programmée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Madame la députée, votre question est d'autant plus pertinente (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) que, comme vous le savez, la loi de lutte contre les exclusions comporte pas moins de cinquante mesures pour le seul volet logement. Un énorme travail de mise en oeuvre était donc nécessaire. A cet égard, je peux vous indiquer que, depuis sept mois, les services du ministère du logement se sont joints à ceux du ministère de l'emploi et de la solidarité pour diffuser à tous les acteurs de la lutte contre les exclusions dans les régions les informations nécessaires à leur mobilisation.

S'agissant des décrets proprement dits, cinq sont d'ores et déjà parus dont celui qui traite de la mise en place de l'aide à la médiation locative ; celui qui corrige le système des plafonds de ressources pour l'accès aux logements en HLM et celui qui permet, depuis le 1er janvier 1999, la perception de la taxe sur la vacance dans les grandes agglomérations où est observée une tension sur la demande, alors que, dans le même temps, le nombre des logements déclarés vacants est en hausse constante.

Neuf décrets sont soumis au Conseil d'Etat, notamment celui, auquel nous avons travaillé avec Bernard Kouchner, qui concerne la lutte contre le saturnisme, celui relatif à la modernisation de la réquisition et, enfin, un troisième, également important, qui allège les obligations des organismes d'HLM en matière d'aires de stationnement à l'appui de leurs constructions.

Deux décrets sont dans une phase de concertation préalable à la saisine du Conseil national de l'habitat et du Conseil supérieur des HLM. Ils seront publiés prochainement. Ils concernent les conférences intercommunales du logement et les règles comptables applicables au FSL.

Deux décrets nécessiteront plus de temps, en particulier celui qui exige une expérimentation préalable. Je fais ici allusion au numéro unique départemental d'enregistrement des demandes de logement pour les HLM.

Enfin, sous quelques jours, une circulaire cosignée de Mme Guigou, de M. Chevènement et de moi-même, s'adressera à tous les préfets et donnera les instructions nécessaires à la mise en place de la nouvelle procédure de prévention des expulsions.

Ainsi, madame la députée, le droit au logement, avec les mesures qui ont tendu à son renforcement, est mis en oeuvre avec plus d'efficacité non seulement grâce aux dispositions nouvelles, mais aussi grâce aux moyens financiers très renforcés que vous avez votés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

PRÉSENCE MILITAIRE FRANÇAISE AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. François Lamy.

M. François Lamy.

Monsieur le ministre de la défense, samedi matin, à l'initiative du groupe de contact, va s'ouvrir la conférence de Rambouillet qui doit réunir - du moins l'espérons-nous - les principaux protagonistes de la crise du Kosovo. La France, nous nous en félicitons, a joué un rôle diplomatique prépondérant dans la proposition du groupe de contact.

Si nous ne pouvons préjuger aujourd'hui l'issue de cette conférence, nous savons cependant que, en cas d'accord, une forte présence militaire sera indispensable pour le faire respecter, voire pour l'imposer. D'ores et déjà, les responsables de l'OTAN travaillent sur différentes hypothèses. Les chiffres évoqués varient entre 20 000 et 100 000 hommes. La France a déjà fait savoir qu'elle pourrait participer à une telle force, ce qui n'est pas encore le cas de tous ses partenaires.

Par ailleurs, nos armées sont actuellement à mi-chemin de leur réorganisation, issue de la professionnalisation.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, quel serait le cadre politique, juridique et militaire d'une telle force ? Combien d'hommes nos armées seraient-elles en capacité d'engager et pour quelle durée ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur le député, le processus fixé par la loi de programmation militaire doit nous conduire d'ici à 2002 à un volume de 92 000 engagés dans la défense. Cette réforme, qui suit son cours normal, se trouve à la moitié de son développement, puisque, partis d'un chiffre de 45 000 militaires p rofessionnels en 1996, nous avons aujourd'hui 64 000 engagés.

Cette professionnalisation donne évidemment la capacité de déploiements rapides face à des situations comme la crise du Kosovo, puisqu'elle ne se heurte pas aux mêmes limites que celles posées par une armée principalement composée de jeunes appelés. Nous pouvons donc assumer, mieux que par le passé, les missions de traitement de crises violentes dont notre continent offre malheureusement la représentation.

Actuellement, 10 000 de nos hommes sont déployés à l'extérieur des frontières de la France. Pour assurer la permanence de cet engagement, il faut utiliser un effectif de 25 000 à 30 000 hommes. J'ai donné le détail de ces engagements lors de la présentation du collectif budgétaire.

S'agissant de l'ancienne Yougoslavie, nous sommes aujourd'hui en mesure de répondre aux différentes situations. Ainsi, nous participons déjà à la SFOR, en Bosnie, avec 3 900 hommes. Je souligne d'ailleurs que la contribution globale des Etats de l'Union européenne est de 17 000 hommes, contre 9 000 hommes pour les EtatsUnis. Nous participons également à la force d'extraction mise en place en Macédoine depuis le début de l'année.

Nous en sommes le premier contributeur, ce qui nous a conduits à en assumer le commandement. Enfin, la France participe pleinement aux travaux en cours dans la préparation des négociations qui pourraient commencer très prochainement à Rambouillet. Notre diplomatie, en particulier Hubert Védrine, y travaille sans relâche.

Sans préjuger l'issue de ces négociations, nous nous mettons en mesure de contribuer avec nos alliés, tout particulièrement avec nos partenaires britanniques, à la mise en place d'une force destinée à faire respecter un éventuel accord.

Au moment où nous débattons, il est inutile d'avancer des chiffres, car tout dépendra de la mission qui sera confiée à cette force. Toutefois, la France serait en mesure, comme pour la SFOR, d'assurer une participation d'un niveau élevé afin de faire en sorte que l'Europe soit le premier contributeur au dispositif nécessaire.

Quant au cadre politique, il se situe à l'intérieur d'une résolution des Nations unies qui a déjà été adoptée et qu i pourra être précisée. Ce sera de toute manière un engagement international, mais chacun connaît bien le rôle essentiel que le groupe de contact a joué pour régler cette crise. Bien qu'il doive s'agir d'une force de l'OTAN, la France gardera sa complète autonomie. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

INSÉCURITÉ

M. le président.

La parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier.

A toutes fins utiles, je précise à Mme la ministre de la justice que j'ai été élu à Marseille maire d'arrondissement après une triangulaire sans le retrait des socialistes, et qu'il m'est arrivé de battre M. Tapie, son ancien collègue et ami.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la république et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Très bien !

M. Guy Teissier.

Monsieur le Premier ministre, de collogues en conseils de sécurité intérieure, vous nous annoncez tous les six mois une série de mesures pour lutter efficacement - à vous entendre - contre les problèmes d'insécurité. Malgré ces annonces faites à grand renfort de médiation, la situation des Français face à l'insécurité n'a pas beaucoup évolué.

Mardi dernier, vous nous avez encore annoncé un train de mesures. Au-delà de l'aspect plutôt sympathique et peu contestable de ces mesures, il est un point important sur lequel vous vous êtes bien gardé de nous apporter des précisions - le financement - et les réponses que vous avez apportées à notre collègue ne nous ont pas convaincus. Autant que je sache, Villepinte datait d'avant la loi de finances de 1989. Vous auriez donc pu, à cette époque, prévoir le financement du train de mesures annoncées.

M. Pierre Albertini.

Absolument !

M. Guy Teissier.

Notre crainte est donc de voir une fois de plus vos promesses ne pas se réaliser. Cette méthode de gouvernement est la pire qui puisse exister car, de déception en déception, elle peut favoriser les votes extrêmes.

Mais il y a pire encore, monsieur le Premier ministre : au-delà de l'aspect peu original des propositions avancées, aucune décision n'a été prise concernant les victimes.

Rien n'a été proposé pour faciliter ou améliorer l'indemnisation de celles et ceux qui ont vu leur voiture partir en fumée ou qui ont été agressés dans leur corps ou dans leur coeur.

Tout aussi absentes sont les propositions pour dépoussiérer l'ordonnance de 1945 ou pour avoir la certitude que tous les crimes et délits seront sanctionnés comme ils doivent l'être.

Les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants sont favorables à un véritable plan d'urgence contre l'insécurité qui redonnerait un sens à l'Etat de droit de notre pays.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bataille.

Vous êtes un propagandiste !

M. Guy Teissier.

Calmez-vous, monsieur Bataille ! Cela reposera votre voix ! Monsieur le Premier ministre, êtes-vous favorable à l'abaissement à treize ans des peines dites de « travail d'intérêt général » ? Etes-vous favorable à la création d'une peine d'injonction sociale qui obligerait les plus jeunes et, dans certains cas, leur famille à suivre un soutien psychologique,...

M. Arnaud Montebourg.

C'est vous qui avez besoin d'un soutien psychologique !

M. Guy Teissier.

... de manière à restructurer le lien familial et l'autorité parentale ? Etes-vous favorable à la création d'une peine d'interdiction judiciaire de sortie qui aiderait les maires à lutter contre la déshérence des jeunes enfants ou des adolescents la nuit ? Etes-vous favorable à la suspension ou à la mise sous tutelle de la part de l'enfant délinquant dans le calcul des prestations sociales, comme le réclame une grande majorité de Français de tous bords ? Enfin, monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à c onseiller au parquet d'appliquer plus souvent l'article 227-17 du code pénal qui engage la responsabilité pénale des parents d'enfants délinquants ?

M. Arnaud Montebourg.

M. Teissier sait-il au moins de quoi il parle ?

M. Guy Teissier.

Soutenez vos policiers, monsieur le Premier ministre, soutenez les victimes ! Bref, agissez ! Vous redonnerez ainsi un sens à la République.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je répondrai brièvement à votre très long exposé car il ne cherchait qu'à faire croire que le conseil de sécurité intérieure n'avait pris aucune décision.

M. Guy Teissier.

Je n'ai jamais dit ça !

Mme la garde des sceaux.

Or tout le pays a entendu, de la bouche du Premier ministre, le premier plan d'ensemble de lutte qui ait été élaboré contre l'insécurité , et notamment contre la délinquance des jeunes.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

C'est la première fois en particulier qu'un gouvernement regarde en face la question de l'éloignement effectif des jeunes qui se livrent à des exactions dans le but de les rééduquer. Ces exactions sont insupportables pour la population. Il faut à la fois pouvoir rééduquer ces jeunes pour les réinsérer dans la société et empêcher qu'ils ne reviennent immédiatement dans leurs quartiers.

Ce sont des mesures effectives qui ont été prises, mais elles ont été décidées, je le répète encore une fois, dans l'optique d'éviter de parquer ces jeunes et de favoriser leur réintégration dans la société.

M. Christian Bataille.

Très bien !

M. Guy Teissier.

Ce sont des mesures sympathiques, je l'ai dit !

Mme la garde des sceaux.

Quant aux questions que vous posez, elles ont été tranchées.

Je reviendrai seulement sur celle de la responsabilité pénale des parents, qui figure déjà dans le code.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Appliquez-la !

Mme la garde des sceaux.

Nous n'avons pas à modifier la législation existante. Notre code pénal prévoit déjà que les parents qui se rendent complices de leurs enfants quand ces derniers commettent des actes de délinquance doivent être sanctionnés par le code pénal.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Une des décisions prises par le conseil de sécurité intérieure du mois de juin a été précisément de rappeler dans des circulaires aux procureurs que ces mesures devaient être appliquées. J'ai moi-même envoyé une circulaire au parquet le 15 juillet 1998 à cette fin.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en revenons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, pour une dernière question.

POLITIQUE FAMILIALE

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le Premier m inistre, face à l'augmentation de la délinquance (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste), vous annoncez, à grand renfort de presse, diverses mesures qui vont coûter fort cher. Or, vous êtes loin de nous avoir rassurés sur leur financement.

(Plusieurs députés du groupe socialiste quittent l'hémicycle.) Vous devriez écouter, mes chers collègues, au lieu de quitter l'hémicycle !

M. Pierre Albertini.

Ça ne les intéresse pas !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Il est bien connu qu'une des causes de l'augmentation de la délinquance est l'absence de structure familiale stable. Mme Martine Aubry l'a rappelé avec force.

Qu'envisagez-vous pour aider les familles françaises ?

M. Yves Fromion.

Le PACS !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Le rapport sur la réforme du droit de la famille doit être rendu avant la fin du mois de juin. Nous n'en avons aucun écho.

Dimanche dernier, des dizaines de milliers de Français ont protesté contre un texte soutenu par votre gouvernement dont l'existence même porte atteinte au modèle familial. N'est-il pas temps d'avoir une véritable politique familiale ? L'insertion des jeunes en difficulté ne passe-telle pas aussi par des structures familiales stables ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Vous avez raison, monsieur le député, il est très important que nous puissions soutenir les familles et que nous menions une politique familiale. Mme Martine Aubry vous a répondu tout à l'heure sur le soutien à apporter aux parents d'enfants tentés par la délinquance.

J'ajouterai quelques mots sur l'autorité parentale. Il est en effet très important que, vis-à-vis d'un enfant, et le père et la mère puissent exercer leurs responsabilités parentales.

M. André Angot.

Avec le PACS ?

Mme la garde des sceaux.

Cela fait partie des questions que le groupe de travail que j'ai installé l'été dernier doit, à ma demande, étudier. Il doit me remettre son rapport l'été prochain. Le travail progresse.

De nombreuses réflexions vont dans le sens que je viens d'indiquer : il est important que les parents exercent leurs responsabilités.

Quant au PACS, je répète - comme cela a été abondamment démontré lors du débat parlementaire - qu'il s'agit d'une proposition raisonnable,...

M. Pierre Albertini.

Non !

Mme la garde des sceaux.

... qui vise à donner des droits aux cinq millions de personnes qui vivent ensemble et qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se marier.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Mais non !

Mme la garde des sceaux.

La proposition de loi donne ces droits à ces personnes parce qu'elles ont à affronter des difficultés, quelquefois très douloureuses, en matière de logement.

Elle n'enlève rien ni au mariage, ni à la famille.

M. Jean-Yves Besselat.

Si !

Mme la garde des sceaux.

Sur toutes ces question, il serait bien avisé de promouvoir un débat loyal jette les procès d'intention et les malversations et qui s'adresse au pays avec l'honnêteté que nous devons tous avoir sur des sujets de société de cet ordre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Yves Cochet.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

3 AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (nos 1071 et 1288).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Mercredi 27 janvier, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée au vote sur l'amendement no 861 de M. Michel Bouvard à l'article 15.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Rappel au règlement

M. François Sauvadet.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet.

Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58 et porte sur le déroulement de la séance de mercredi dernier.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, nous avons été nombreux, sur les bancs de l'opposition, à réagir vigoureusement, et légitimement, aux propos que vous avez tenus lorsque vous avez qualifié d'« ébriété législative » soit le travail que nous étions en train d'accomplir, soit celui qui avait été fait en 1995.

Au nom du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, mais aussi au nom de l'opposition tout entière,...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

... je tiens à vous dire que nous souhaitons que vous retrouviez la tonalité et le sérieux qui doivent présider à l'examen d'une loi d'aménagement du territoire.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Nous vous avons posé des questions importantes tout au long de ce débat, des questions sérieuses qui nous préoccupent et qui préoccupent aussi un certain nombre de nos compatriotes. Ainsi, nous vous avons interrogé sur les schémas de services collectifs et sur le rôle du Parlement dans leur examen.

Nous allons aborder des chapitres très importants de la loi puisque nous allons parler des pays et des agglomérations. Je souhaite, nous souhaitons tous sur les bancs de l'opposition, que vous nous apportiez des réponses et que vous respectiez notre travail, que nous voulons constructif.

S'agissant d'une loi pour laquelle vous avez demandé l'urgence et qui engagera le pays pour plusieurs années, nous devons avoir des réponses aux questions que nous posons. C'était le sens, monsieur le président, de ce rappel au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous donne acte de vos propos.

Article 15 (suite)

M. le président.

Je rappelle les termes de l'article 15 :

« Art. 15. - I. - Après l'article 17 de la loi du 4 février 1995, il est inséré l'intitulé suivant :

« Section 4

« Du schéma de services collectifs de l'information et de la communication »

« II. L'article 18 de la loi du 4 février 1995 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 18 . - Le schéma de services collectifs de l'information et de la communication fixe les conditions dans lesquelles est assurée l'égalité d'accès à ces services.

« Il définit les objectifs de développement de l'accès à ces services et de leurs usages sur l'ensemble du territoire, dans le respect des dispositions sur le service universel et les services obligatoires des télécommunications.

« Il prévoit les objectifs de développement de l'accès à distance, notamment en vue d'offrir aux usagers un accès à distance à certains services publics, et précise les objectifs de numérisation et de diffusion de données publiques.

« Il détermine les moyens nécessaires pour promouvoir l'usage des technologies de l'information et de la communication au sein des établissements d'enseignement scolaire et supérieur. »

L'amendement no 861, présenté par MM. Bouvard, Chabert, Deniaud, Dupont, Estrosi, Fromion, MartinLalande et Quentin, est, je le rappelle, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 15 par le paragraphe suivant :

« Le schéma de services collectifs de l'information et de la communication fait l'objet d'un débat au Parlement, » Avant de mettre aux voix cet amendement, qui a déjà été débattu, je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre.

M. Michel Bouvard.

Je demande la parole sur l'amendement, monsieur le président.

M. le président.

Le débat a déjà eu lieu sur cet amendement.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 15, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 15, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 15

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 1171, deuxième correction, ainsi libellé : Après l'article 15, insérer l'article suivant :

« I. Les articles L.

1 et L.

2 du code des postes et télécommunications sont ainsi rédigés :

« Art. L.

1. - Le service universel postal concourt à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire. Il est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, en recherchant la meilleure efficacité économique. Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. Ces services sont offerts à des prix abordables pour tous les utilisateurs.

« Il comprend des offres de services nationaux et transfrontières d'envois postaux d'un poids inférieur ou égal à 2 kilogrammes, de colis postaux jusqu'à 20 kilogrammes, d'envois recommandés et d'envois à valeur déclarée.

« Les services de levée et de distribution relevant du service universel postal sont assurés tous les jours ouvrables, sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles.

« Art. L.

2. - La Poste est le prestataire du service universel. Au titre des prestations relevant de ce service, elle est soumise à des obligations en matière de qualité des services, d'accessibilité à ces services, de traitement des réclamations des utilisateurs et, pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

des prestations déterminées, de dédommagement, en cas de perte, de vol, de détérioration ou de nonrespect des engagements de qualité du service. Elle est également soumise à des obligations comptables et d'information spécifiques.

« Les services nationaux et transfrontières d'envois de correspondance, y compris le publipostage, d'un poids inférieur à 350 grammes et dont le prix est inférieur à cinq fois le tarif applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie normalisée la plus rapide, sont réservés à La Poste.

« Le service des envois recommandés dont l'utilisation est prescrite par un texte légal ou réglementaire est réservé à La Poste qui est soumise à ce titre à des obligations.

« Les dispositions d'application du présent chapitre sont fixées par décret au Conseil d'Etat. »

« II. L'article L.

7 du code des postes et télécommunications est complété par les mots : "sans préjudice des dispositions de l'article L.

2".

« III. Dans les articles L.

17. L.

20 et L.

28 du code des postes et télécommunications, la référence : " article L.

1" est remplacée par la référence : "article L.

2".

« IV. Au deuxième alinéa de l'article 2 de la loi no 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, les mots : "le service public du courrier sous toutes ses formes, ainsi que celui du transport et de la distribution" sont remplacés par les mots : "le service public des envois postaux, qui comprend le service universel postal et, dans ce cadre, le service public du transport et de la distribution".

« V. Dans le troisième alinéa de l'article 2 de la même loi, après le mot : "distributions", sont insérés les mots : "d'envois postaux,".

« VI. 1.

Après le deuxième alinéa de l'article 8 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : "Le service universel postal".

«

2. En conséquence, à la fin du deuxième alinéa du même article, le mot "assurées" est remplacé par le mot : "assurés". »

Sur cet amendement, je suis saisi de neuf sousamendements, nos 1229, 1223, 1228, 1227, 1209, 1210, 1225, 1226 et 1224 corrigé.

Les sous-amendements nos 1229, 1223, 1228 et 1227 sont présentés par MM. Desallangre, Sarre, Carassus, Carraz, Mme Marin-Moskovitz, MM. J.-P. Michel, Saumade et Suchod.

Le sous-amendement no 1229, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction, substituer au mot : "universel" le mot : "public". »

Le sous-amendement no 1223, est ainsi rédigé :

« Compléter la deuxième phrase du deuxième alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction, par les mots : "et sociale". »

Le sous-amendement no 1228, est ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction, substituer au mot : "universel" le mot : "public". »

Le sous-amendement no 1227, est ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du cinquième alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction, substituer aux mots : "du service universel" les mots : "d'un service public". »

Les sous-amendements nos 1209 et 1210 sont présentés par M. Brottes et les membres du groupe socialiste.

Le sous-amendement no 1209 est ainsi rédigé :

« Dans le sixième alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction, après les mots : "d'envois de correspondance,", insérer les mots : "que ce soit par courrier accéléré ou non,". »

Le sous-amendement no 1210 est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction, par les mots : "après avis de la Commission supérieure du service public de La Poste et des télécommunications". »

Les sous-amendements nos 1225, 1226 et 1224 corrigé sont présentés par MM. Desallangre, Sarre, Carassus, Carraz, Mme Marin-Moskovitz, MM. J.-P. Michel, Saumade et Suchod.

Le sous-amendement no 1225 est ainsi rédigé :

« Dans le IV de l'amendement no 1171 deuxième correction, supprimer le mot : "universel". »

Le sous-amendement no 1226 est ainsi rédigé :

« Dans le IV de l'amendement no 1171 deuxième correction, substituer aux mots : "service public du transport et de la distribution" les mots : "service du transport et de la distribution". »

Le sous-amendement no 1224 corrigé est ainsi rédigé :

« Dans le VI de l'amendement no 1171 deuxième correction, substituer au mot : "universel" le mot : "public". »

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pour soutenir l'amendement no 1171 deuxième correction.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, cet amendement correspondant à la transposition d'une directive européenne sur La Poste, j'ai souhaité demander au secrétaire d'Etat à l'industrie de venir le présenter au nom du Gouvernement.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

Bonne méthode !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

S'agissant d'un insert à vocation de transposition européenne, le Gouvernement a souhaité être le plus rapide possible. C'est pourquoi nous proposons à l'Assemblée cet amendement.

En transposant en droit français la directive européenne du 15 décembre 1997, nous entendons conforter ce grand service public auquel nous sommes tous très attachés. Nous le faisons dans le cadre de ce projet de loi, car le service public postal a sa place. Vous en avez déjà discuté, et vous en rediscuterez, Mme Voynet répondra, à cet égard, à vos questions éventuelles. Mais nous le faisons aussi dans le cadre de ce projet parce qu'il convient de fixer sans tarder le cadre des activités postales tel qu'il résulte de la directive européenne. Ce faisant, nous transposons dans le délai prescrit, écartant ainsi tout risque de vide juridique potentiellement pénalisant pour le service public de La Poste.

L'article présenté traduit dans le code des postes et télécommunications les principales dispositions de la directive, en proposant une définition ambitieuse du service universel, tout en réservant à La Poste le périmètre de services le plus large possible - les fameux services réservés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Ce texte définit tout d'abord les principes d'un service universel postal ambitieux, composante principale du service public postal. Son objet est de contribuer à la cohésion sociale et au développement équilibré du territoire, en garantissant des prestations de qualité, accessibles à tous, tous les jours ouvrables et sur l'ensemble du territoire. Il couvre le service des lettres, de la distribution des journaux, des envois recommandés, mais aussi des colis qui, jusqu'à présent - il faut le signaler -, ne relevaient pas du service public au sens strict.

La Poste est désignée comme le prestataire du service universel. S'il y avait peu de doutes, en vérité, à ce sujet, il est important que la loi le dise explicitement. Le service universel postal est clairement, pour nous, une composante du service public que La Poste est chargée d'assurer.

En conséquence, le service universel est bien entendu inscrit dans les missions de La Poste. Elles sont ainsi confirmées et confortées dans le cadre de la loi du 2 juillet 1990, qui reste le texte fondateur de notre service public postal.

Enfin, la réservation à La Poste d'un périmètre de services conséquent est confirmé. C'est la contrepartie naturelle des obligations liées au service universel, comme je m'emploie à le rappeler dans le débat européen à tous les tenants de la libéralisation la plus rapide, la plus totale, la plus universelle possible. Le périmètre proposé épouse les limites fixées par la directive, soit 350 grammes, et cinq fois le tarif de base, et il comprend, bien entendu, le publipostage et le courrier transfrontalier.

Les autres dispositions de cet article ont pour objet d'assurer la cohérence indispensable du code des postes et télécommunications ainsi modifié.

La Commission supérieure du service public des postes et télécommunications a été consultée sur ce texte. Elle a rendu un avis favorable en mettant en avant l'importance d'une transposition rapide. Je la remercie, et en premier lieu son président, Jacques Guyard, de la célérité avec laquelle elle a bien voulu se prononcer. Nous comprenons sa préoccupation, qui a été rappelée l'autre soir par votre collègue, M. Brottes, et que je sais partagée sur tous ces bancs, que puisse être examiné par le Parlement un projet d'ensemble se rapportant à ces questions du service public de La Poste.

C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, j'ai proposé au Premier ministre que le Gouvernement dépose, dans les prochains mois, un projet de loi qui donnera aux activités postales un cadre jurid ique complet et qui confortera ainsi la lisibilité d'ensemble de notre réglementation relative au service public. Il permettra, par ailleurs, de débattre largement je pense que nous en avons besoin - du service public, de sa modernisation, de son encouragement par les pouvoirs publics et par le Gouvernement.

La commission du service public est d'ores et déjà saisie pour avis d'un projet législatif d'ensemble.

L'article qui vous est proposé, avec les dispositions législatives et réglementaires qui suivront rapidement, permet de fixer pour les acteurs du secteur un cadre clair et stable. Avec le contrat d'objectif et de progrès que j'ai signé avec La Poste, en juin dernier, il donne à La Poste un cadre d'action pertinent pour assurer le développement d'un grand service postal au service de la cohésion sociale et territoriale de notre pays.

Je me félicite que La Poste ait pu proposer aux organisations syndicales, ce matin, un projet d'accord sur l'aménagement-réduction du temps de travail qui marque une avancée très importante en matière sociale dans cette entreprise : 20 000 recrutements sur deux ans, une amélioration du service à la clientèle, plus de stabilité d'emploi pour les postiers, donc une réduction de la précarité.

Je souhaite vivement que cette proposition faite par la direction de La Poste, pour laquelle le Gouvernement lui exprime ses félicitations, recueille l'accord des organisations syndicales. Il s'agit d'une nouvelle étape dans l'application de la loi de Martine Aubry et nous en sommes très fiers et très heureux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Sarre, je vous suggère de présenter l'ensemble des sous-amendements que vous avez cosignés avec M. Desallangre.

M. Georges Sarre.

Volontiers, monsieur le président !

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Sarre.

M. Georges Sarre.

Les députés du Mouvement des citoyens sont cosignataires de ces sous-amendements.

Je m'appesantirai particulièrement sur le sous-amendement no 1223, qui tend à compléter la référence au principe de la recherche d'une meilleure efficacité économique pour la mise en oeuvre des actions et des missions du service postal, dans le cadre de la transposition de la directive européenne.

Très franchement, monsieur le secrétaire d'Etat, depuis Louis XI, la poste avait suffisamment évolué.

(Sourires.)

Que venait faire l'Europe dans cette affaire ?

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Georges Sarre.

Pourquoi cette manie de tout mettre en concurrence et de porter atteinte, qu'on le veuille ou non, au service public ? Lequel devient, d'ailleurs, le service « universel ».

M. Maurice Leroy.

Cela ne veut rien dire, en effet !

M. Georges Sarre.

C'est un abus de mots, car on peut croire que c'est beaucoup plus important, beaucoup mieux, que ce sera plus performant, plus moderne. Or, c'est le contraire, très exactement !

M. Michel Bouvard.

Il n'y a pas de notion juridique làdedans !

M. Georges Sarre.

Il est clair que le maintien de ce seul principe de la meilleure efficacité économique irait à l'encontre d'une des missions du service postal que tente de définir l'article 15, à savoir l'égalité d'accès des citoyens aux services de l'information et de la communication, donc au service postal. Comment, en effet, La Poste pourrait-elle contribuer à un développement équilibré du territoire si l'objectif de la meilleure efficacité économique lui est imposé ?

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Georges Sarre.

Nous sommes pour que La Poste marche, qu'elle ne soit pas endettée, que son budget soit équilibré, mais la meilleure efficacité économique, cela veut dire bien des choses.

Les services publics, en dépit de leur diversité, ont en commun un certain nombre de principes et de règles qui déterminent leur régime juridique. Les trois principes fondateurs sont l'égalité, la continuité, l'adaptabilité. A contrario, la notion d'efficacité économique, qui demeure assez mal définie, pourrait restreindre la portée de ces principes et plus particulièrement l'égalité des usagers devant le service public. L'introduction de cette notion n'est nullement imposée par la directive postale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Aussi, afin de préserver le régime juridique du service public, historiquement et pratiquement défini afin de défendre les valeurs qui fondent la légitimité contre l'atteinte que représenterait l'introduction d'une telle notion, et, surtout, afin de ne pas voir « dépouillé » le schéma de services collectifs de l'information et de la communication d'un de ses principaux outils qu'est la présence ou le maintien du service postal sur nos territoires, il apparaît indispensable de la compléter.

Je propose donc, par le sous-amendement no 1223, de faire référence à la meilleure efficacité économique et sociale. C'est la seule garantie pour être sûr que, tôt ou tard, et vraisemblablement plus tôt que vous ne l'imaginez, il n'y aura pas un trop grand nombre de fermetures.

Déjà aujourd'hui, dans les villes, je le constate à Paris, et M. Pierret le sait bien, il n'y a pas de distribution du courrier le samedi dans certains immeubles collectifs. Cela arrange La Poste et cela arrange le propriétaire bailleur qui n'a pas à remplacer le gardien.

Mes chers collègues, ce n'est pas un sous-amendement de circonstance, c'est une question de fond.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. François Brottes pour défendre les sous-amendements nos 1209 et 1210.

M. François Brottes.

L'article 15 concernait le schéma de services collectifs de l'information et de la communication. Je rappelle qu'il s'agit d'un schéma de services, et non d'infrastructures. Nous avons adopté plusieurs amend ements qui concernaient notamment le téléphone mobile, l'audiovisuel, le multimédia, la connexion à haut débit ou la publiphonie.

Par contre, j'ai retiré un amendement qui avait été adopté par l'ensemble de la commission, qui portait sur le service postal. Le Gouvernement nous avait, en effet, informé au début du débat sur l'article 15 qu'il présenterait après l'article 15 un amendement concernant la transp osition de la directive postale. C'est parfaitement cohérent et cela répond à nos préoccupations.

Effectivement, monsieur le secrétaire d'Etat, il est temps de transcrire la directive postale européenne en droit français. Elle date de 1997 et, sans transcription en droit français au cours du premier semestre de cette année, La Poste risquerait d'être mise en difficulté par ses concurrents, et peu d'entre nous souhaitent qu'il en soit ainsi. Certains pays d'Europe, et non des moindres, ont en effet pris l'option de libéraliser totalement leur secteur postal. Le gouvernement français a fait un autre choix, celui de confier à La Poste et à ses 310 000 postiers le plus grand nombre possible de services réservés, qui resteront sous monopole. Aussi, sans une transposition rapide de la directive, c'est une libéralisation de fait qui deviendrait une libéralisation de droit, ce dont, clairement, le groupe socialiste ne veut pas.

La directive postale conforte le service public à la française. Le service universel, tel qu'il est décrit dans le texte, est un service de qualité, accessible à tous, en permanence, sur l'ensemble du territoire et à des prix abordables, définition qui se rapproche assez fortement de nos convictions en matière de service public. Il ira même audelà du service public du courrier actuel puisqu'il reprend, bien entendu, les services actuels, y compris les recommandés et les envois en valeur déclarée, mais offre également un service de colis qui ne relève pas aujourd'hui du service public. C'est plutôt une évolution favorable à l'ensemble de nos concitoyens.

L'ampleur des services réservés doit garantir un bon fonctionnement du service universel. C'est en effet une transposition qui confirme La Poste comme seul prestataire du service universel.

Le Gouvernement nous propose donc que La Poste conserve ce monopole, la totalité des services pouvant être réservés. Pour être précis et complet, je présente un sousamendement faisant référence au courrier accéléré. Cela concerne les correspondances de moins de 350 grammes transportées et distribuées tous les jours ouvrables à un tarif inférieur à 15 francs ainsi que le publipostage et les c ourriers transfrontières. Le champ des activités de La Poste soumises à concurrence sera donc élargi de façon très marginale.

Cela étant, le contexte national et international impose à La Poste un positionnement offensif, qui s'inscrit d'ailleurs dans le droit-fil du contrat d'objectif et de progrès qu'elle a signé avec l'Etat au mois de juin dernier.

La Poste a conscience des défis qu'elle doit relever.

Pour autant, il sera nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous proposiez un autre texte législatif qui viendra compléter cette première partie de transposition de directive. Ce texte devra comporter des dispositions relatives à l'organisation et au contrôle du secteur postal de façon à clarifier les règles du jeu d'un secteur qui, il faut bien le dire, fait l'objet de nombreuses convoitises et est, de surcroît, confronté à de nombreuses évolutions technologiques.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 1171 deuxième correction et sur les différents sous-amendements ?

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

La commission a constamment et très largement manifesté son attachement au service public. Elle considère La Poste comme un service public essentiel à la structuration du territoire et au maintien du lien social. Elle estime donc nécessaire de garantir un accès de tous au service postal sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi elle avait adopté à l'unanimité un amendement, no 301, de M. Brottes, qui définissait mutatis mutandis le service postal universel.

Le Gouvernement a décidé de hâter la transposition de la directive postale, d'abord pour des raisons de calendrier. La date butoir est en effet le 10 février et il convient de protéger le service public de La Poste. Son amendement répond à nos préoccupations. Il garantit l'avenir du service public et son caractère universel. C'est la raison pour laquelle la commission lui a donné un avis favorable.

Elle est défavorable au sous-amendement no 1229, qui vise à substituer à l'adjectif : « universel » l'adjectif :

« public ». Il s'agit en effet d'une transposition et il n'y a donc pas lieu de changer la terminologie.

Le sous-amendement no 1223, qui a été défendu par M. Sarre, tend à ajouter après l'adjectif : « économique » les mots : « et sociale ». Cela enrichit le texte. La commission y est donc favorable.

Le sous-amendement no 1209 de M. Brottes fait référence au courrier accéléré. Ce n'est pas une notion définie dans le code des postes et des télécommunications.

C'est différent du courrier express, qui est exclu du service universel par la directive. Seuls les critères de prix et de poids sont déterminants pour définir les services réser-


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vés. La commission a cependant accepté ce sous-amendement puisque le courrier accéléré est mentionné dans la directive sans être défini.

Les sous-amendements nos 1228 et 1227, comme le sous-amendement no 1229, tendent à substituer le terme

« public » au terme « universel ». Pour les mêmes raisons, nous les avons repoussés.

Le sous-amendement no 1210 de M. Brott, qui introduit un avis de la commission supérieure du service public des postes et des télécommunications a été bien évidemment accepté.

Les sous-amendements nos 1224 corrigé et 1225 ont été repoussés.

Quant au sous-amendement no 1226, il tend à substituer aux mots « service public du transport et de la distribution » les mots « service du transport et de la distribution ». La loi du 2 juillet 1990 a érigé en service public le transport et la distribution de la presse. Supprimer cette référence au service public affaiblirait la portée de la loi et serait gênant également pour la diffusion de la presse, ce que, je pense, personne ici ne souhaite.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les neuf sous-amendements ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

S'agissant du sousamendement no 1209 de M. Brottes concernant le courrier accéléré ou non, je ferai les mêmes remarques que le rapporteur. Toutefois, puisque rien ne s'y oppose, ni dans notre texte ni dans celui de la directive, le Gouvernement lui donne un avis favorable.

Le sous-amendement no 1210, fondamental, peut être résumé à « plus de Parlement pour contrôler le service public postal et son évolution », c'est-à-dire plus d'intervention de la Commission supérieure des postes et télécommunications. Le Gouvernement, comme la Commission, y est favorable.

Le sous-amendement no 1223 tend à lier l'efficacité du service public à la notion de dimension sociale du service public. C'était, en effet, un oubli fâcheux, monsieur Sarre, et je suis favorable à ce sous-amendement.

Les autres sous-amendements concernent le concept de service universel et de service public. Le Gouvernement, naturellement, comprend le souci de leurs auteurs de privilégier notre concept connu, reconnu, soutenu sur tous les bancs, de service public, mais nous sommes en train de transposer une directive européenne qui institue un service universel postal, élément de l'harmonisation européenne des services postaux. Cette harmonisation, objectif que nous partageons, suppose que nous employions avec nos quatorze autres partenaires le même terme. C'est celui de service universel qui est utilisé dans la directive.

Par ailleurs, une telle modification conduirait à réduire sensiblement notre définition du service public postal. En effet, il va bien au-delà du service universel tel qu'il est défini dans le nouvel article L. 1 du code des postes et télécommunications que je vous propose.

S'y ajoutent en particulier - loi du 2 juillet 1990 dont nous avons dit les uns et les autres qu'elle était toujours fondatrice de notre idée du service public postal - les missions de la poste, qui doivent être définies, le service public du transport de la presse, qui bénéficie d'un régime tarifaire particulier, les missions d'intérêt général dans le domaine des services financiers, ce qui est extrêmement important à mes yeux, la participation à l'aménagement du territoire et à l'effort national d'innovation et de recherche, car le service public est aussi en première ligne sur la recherche et l'innovation.

Je suis d'accord avec vous, monsieur Sarre, sur le fait qu'il faut préserver les notions d'égalité, de continuité et d'adaptabilité. C'est le fondement même de la République, pourrait-on dire, en matière de service public. J'ajouterai d'ailleurs un autre principe que vous avez omis, mais je pense que vous serez d'accord, celui de spécialité.

Le caractère de service public du service universel postal ne fait aucun doute. Le nouvel article L. 1 rappelle que les principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité s'appliquent pleinement au service universel au sens de la directive, et la nouvelle rédaction proposée par l'article 2 de la loi du 2 juillet 1990 rattache clairement le service universel au service public dont il est une des composantes.

Ainsi, il y a un emboîtement de concepts. Je propose à l'Assemblée nationale de repousser ces sous-amendements pour être cohérente, comme l'a expliqué tout à l'heure le rapporteur, ainsi que M. Brottes implicitement, avec une démarche d'ensemble : transposition de la directive mais préservation et promotion d'un service public postal modernisé et dynamique.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Lorsque nous avons demandé la semaine dernière, madame la ministre, que le secrétaire d'Etat à la santé soit présent pour l'examen du schéma des services collectifs sanitaires ou que d'autres membres du Gouvernement viennent pour discuter du schéma des services collectifs de l'information et de la communication, ce n'était en aucun cas une agression quelconque vis-à-vis de l'autorité et de la compétence du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, c'était simplement pour faire ce que l'on est en train de faire maintenant, c'est-à-dire discuter avec le ministre en charge d'un secteur des problèmes posés par ce secteur. Jes uis heureux que le Gouvernement ait acté cette demande. Nous avions raison et nous aurions certainement gagné beaucoup de temps la semaine dernière.

M. Maurice Leroy.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, le problème n'est pas d'être contre l'amendement, c'est d'être rassuré sur sa portée.

Nous avons compris qu'il s'agit de transcrire la directive européenne. En vertu du principe de subsidiarité, qui peut le plus peut le moins. La définition française du service public incluant la notion de service universel met en harmonie tout le dispositif et en aucun cas vous ne renoncez au service public.

Je suis tout de même un peu inquiet. Selon l'amendement, le service universel postal garantit à tous les usagers sur l'ensemble du territoire national des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. J'aurais souaité que vous soyez plus précis, peut-être dans le projet qui va être déposé, pour permettre aux gens qui habitent dans des zones d'accès particulièrement difficile, les zones de montagne par exemple, d'avoir la certitude que le service public y sera rendu dans les mêmes conditions. C'est important pour nous et je souhaiterais que vous nous rassuriez sur ce point.

Quant au dispositif général de l'amendement, je pense que nous pourrions tous être d'accord pour le voter.

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Au nom du groupe UDF, je soutiens les propos de M. Ollier et je partage l'inquiétude qu'a bien exprimée Georges Sarre de façon légitime. Il


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me semble que son sous-amendement concernant les conditions d'accès au service public doit absolument être retenu par notre assemblée.

Selon l'amendement, corrigé deux fois, ce qui prouve que cela ne va pas de soi, le service universel postal « est assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, en recherchant la meilleure efficacité économique ». Je n'y reviens pas, Georges Sarre a très bien expliqué quels dangers pouvait recouvrir cette phrase. « Il garantit à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité déterminées. »

Deux alinéas plus loin, et j'appelle vraiment votre attention, mes chers collègues, quel que soit le banc sur lequel vous siégez, il est écrit que « les services de levée et de distribution relevant du service universel postal sont assurés tous les jours ouvrables, sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles ». Cela pose tout de même problème, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. Patrick Ollier.

C'est ça qui m'inquiète !

M. Maurice Leroy.

Je ne suis pas dans une zone de montagne mais il faudrait nous en dire davantage. C'est en effet totalement contradictoire avec ce que j'ai lu auparavant. C'est avec de telles dispositions qu'on a un véritable cafouillage sur le terrain dans l'application des textes.

Les ministres qui se succèdent au banc du Gouvernement tiennent toujours à la représentation nationale - et leur honnêteté intellectuelle ne fait aucun doute - des discours rassurants : « Dormez tranquilles, on s'occupe de tout. Il s'agit de transposer le droit européen en droit national. Tout va bien, n'ayez aucune inquiétude. » Ils

disent cela, bien sûr, à leur propre majorité, et a fortiori à l'opposition, qui, de toute façon, peut toujours dire ce qu'elle veut - le Journal officiel le publiera, c'est sympathique -, mais n'a guère de chances d'être entendue.

Mais, chers collègues de la majorité, vous qui avez du pouvoir, entendez au moins la voix de votre collègue et ami Georges Sarre. Car il me semble qu'en proposant d'introduire le mot « public », il nous permettrait peutêtre de régler la difficulté posée par la mention : « sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles ». Celle-ci risque de nous faire sortir du cadre du service public, monsieur le secrétaire d'Etat. Il y a service public, je regrette d'avoir à le rappeler ici, quand on distribue les lettres sur l'ensemble du territoire, que ce soit dans un bourg éloigné, dans un lieu-dit ou dans un centre-bourg, et ce au même tarif.

Sincèrement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous seriez bien inspiré de supprimer cette mention. Après tout, au point où on en est, une troisième correction ne serait pas très grave, et elle apaiserait nos inquiétudes.

Je dois dire, d'ailleurs, pour être honnête, que moimême, je n'avais peut-être pas bien lu l'amendement.

C'est en écoutant le débat que je m'aperçois qu'il y a un problème. Ce qui prouve que tout ne se règle pas en commission. C'est toute l'utilité des séances publiques. Je pense qu'il faut aller encore plus loin dans les corrections.

Monsieur le secrétaire d'Etat, des députés siégeant sur tous les bancs, je dis bien sur tous les bancs - il suffit de relire les questions écrites au Journal officiel -, vous ont interpellé au sujet du service public de La Poste. Il y a même eu des questions au Gouvernement émanant du groupe socialiste sur cette importante question, que nous vivons tous sur le terrain. Voilà pour le fond.

Sur la forme, j'espère que nous aurons le plaisir de vous revoir, monsieur le secrétaire d'Etat, au moment de l'examen de l'article 22, parce qu'il faudra veiller à la cohérence entre cet article et cet amendement, dont je ne vois d'ailleurs pas très bien pourquoi il se place après l'article 15. Mais ce n'est là qu'un problème de forme.

Monsieur le président, je m'excuse d'être un peu long, mais c'est tout de même un amendement fondamental, très important.

J'entends bien qu'il y a urgence. J'ai bien entendu l'argument selon lequel il fallait absolument le voter maintenant, en catastrophe, parce que la directive européenne doit être transposée avant le 10 février. Mais je regrette, même si je ne suis qu'un jeune député de base, je sais que nous sommes aujourd'hui le 2 février et la loi, que je sache, ne sera pas définitivement votée le 10 ! Alors, prenons le temps d'en discuter ici, parce que, après, c'est nous, sur le terrain, qui nous trouverons devant nos collègues et amis maires, et devant nos compatriotes, qui vivent les difficultés au quotidien. Cela vaut quand même la peine de prendre un peu de temps pour discuter de cette question importante.

Mme Sylvia Bassot, M. Maurice Leroy et M. François Sauvadet.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Cet article additionnel, introduit ici par le biais de l'amendement no 1171 deuxième correction, remplace en fait l'amendement no 301 de notre collègue François Brottes, que la commission avait accepté.

J'avais bien sûr compris l'intention de notre collègue, qui avait voulu définir, de façon d'ailleurs assez précise,

« les modalités de mise en oeuvre d'une offre de base » en matière de service postal. Dans son dialogue avec le Gouvernement, il a proposé de retirer son amendement au profit de celui que nous examinons aujourd'hui, lequel intègre dans le texte certaines dispositions de la directive européenne sur la poste. Ce serait là, nous a-t-on dit, un premier pas, ayant une dimension d'aménagement du territoire.

Ce qui me gêne, ce qui me pose un peu problème, c'est que l'on aborde la transposition en droit français de la directive européenne par le biais du débat sur l'aménagement du territoire. J'ose espérer, et c'est ce que j'ai cru entendre dans vos propos, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un débat plus large aura lieu sur cette transposition, comme c'est le cas pour la directive concernant l'électricité, ou pour d'autres encore.

Si je comprends bien, il s'agit pour le Gouvernement, en faisant adopter ici quelques dispositions, d'échapper à la pression de la Commission, qui demande l'application rapide de la directive. Si c'est ainsi qu'il faut comprendre cette démarche, la proposition qui nous est faite aujourd'hui permet, en quelque sorte, de protéger le service public, et je serais tout à fait disposé à l'accepter. Mais avec les réserves que m'inspire toujours la fixation d'un minimum, qu'on l'appelle « service universel » ou qu'on l'appelle autrement.

En effet, le service minimum est toujours susceptible d'une double approche. D'une part, on le présente comme une protection contre le risque de désertification.

Sous cet angle, il apparaît comme ayant vocation à assurer la préservation d'un minimum de services. Mais d'autre part, nous le savons tous, dans ce domaine comme dans d'autres, à partir du moment où un service minimum est fixé,...

M. Georges Sarre et M. Gérard Saumade.

Qu'est-ce que c'est, le « minimum » ?


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M. Félix Leyzour.

... que l'on appelle « universel », il est utilisé pour tirer partout vers le bas, vers ce minimum, justement, l'ensemble du service public, avec bien sûr comme objectif d'élargir toujours le champ de la concurrences avec toutes les conséquences que nous connaissons pour des territoires sur lesquels les inégalités se creusent.

On nous dit que le « service universel », c'est le langage européen.

M. Maurice Leroy.

Eh bien oui !

M. Georges Sarre.

C'est une nouvelle langue ? Je ne la connaissais pas, celle-là.

M. Félix Leyzour.

Nous, nous avons l'habitude d'employer l'expression de « service public ».

M. Georges Sarre.

Je n'ai jamais appris la langue européenne. Je ne la connais pas.

M. Félix Leyzour.

Je suis en train d'aller un peu dans votre sens, monsieur Sarre.

M. Michel Terrot.

M. Sarre a de très bonnes idées sur l'Europe.

M. Félix Leyzour.

Cet amendement, disais-je, emploie un terme européen, le « service universel ». J'avoue, pour ma part, que la notion de service public ne m'effraie pas.

Au contraire, nous y sommes particulièrement attachés.

M. Christian Estrosi.

Nous voilà rassurés !

M. Félix Leyzour.

Tout à fait ! Nous sommes très attachés à ce que, s'agissant de La Poste, on puisse faire valoir également cette notion de service public.

M. François Sauvadet.

C'est bien le moins !

M. Gérard Saumade.

C'est dans le texte !

M. Félix Leyzour.

Et j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'avec le projet de loi dont nous discuterons prochainement ici, nous aurons l'occasion de préciser toute une série de points concernant La Poste.

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Je voudrais aussi brièvement que possible revenir sur les notions de « service universel postal » et de « service public postal ».

La transposition partielle de la directive européenne

« concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité de service », proposée et intégrée par le Gouvernement dans ce projet de loi, semble se faire au prix de certains glissements sémantiques très discutables.

M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Georges Sarre.

La notion de « service universel » viendrait se substituer à celle de « service public ». Mais, franchement, si c'est la même chose, pourquoi un tel changement ? Un peu de bon sens !

M. Maurice Leroy.

Il a raison !

M. Jean Besson.

Mais non, il n'a pas raison !

M. Georges Sarre.

Cette référence au service universel a retenu toute notre attention en ce qu'elle est particulièrement discutable. En effet, cette notion, défendue par la Commission européenne, n'a aujourd'hui aucun contenu juridique précis. Si elle en a un, comme j'apprécie le travail fin et complet de M. le rapporteur, sans vouloir lui tendre un piège grossier, je voudrais bien qu'il nous l'explique, en nous donnant les références correspondantes.

Mes chers collègues, comment est-il possible de légiférer sérieusement sur une notion dont la valeur juridique reste encore à déterminer ?

M. François Sauvadet.

Très juste ! Excellent !

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

Mme Sylvia Bassot.

Très bien !

M. Georges Sarre.

A moins qu'une révélation ne nous soit faite tout à l'heure ! Comment légiférer sur une notion qui semble s'arrêter à une vision minimaliste du service public ? Et ce alors que, comme M. le secrétaire d'Etat a eu raison de le rappeler, les services publics, comme la notion même de

« service public », mettent en jeu les fondements mêmes de notre système politique, c'est-à-dire la République.

Les sous-amendements que j'ai présentés rapidement, et qui ont bien entendu des effets sur l'ensemble du texte du Gouvernement, visent donc à remplacer la référence au « service universel » par la référence au « service public ».

Ces sous-amendements sont également fondamentaux, je le répète, pour préserver la spécificité française en la matière. Il s'agit ici de réaffirmer l'attachement de la nation française aux principes qui constituent l'essence même du service public, et en particulier celui de la poste.

En outre, ayant suivi les interventions de nos collègues, même s'ils ne siègent pas sur les mêmes bancs que moi, je trouve moi aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il serait intéressant de supprimer les mots « sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles ».

M. Serge Poignant et M. François Sauvadet.

Très bien !

M. Georges Sarre.

Car, soit je ne comprends plus rien à rien, ce qui est toujours possibles... (Sourires.)

M. Jean Proriol.

Ce serait nouveau !

M. Georges Sarre.

Vous savez, dans la période où nous sommes entrés depuis un certain temps...

M. Jean-Claude Lenoir.

Depuis deux ans !

M. Georges Sarre.

... il faut être modeste, modeste, modeste... à tel point que je ne sais pas où nous conduira la modestie.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance.)

Je dis donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est justement dans des circonstances ou des conditions géographiques exceptionnelles que le service public prend toute sa valeur !

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Georges Sarre.

Je me souviens d'avoir été ministre de l'équipement : franchement, quand le service public fait-il preuve de savoir-faire et de dévouement ? C'est bien en effet quand les circonstances sont exceptionnelles ! Quand c'est prodigieusement banal, quand c'est la mer d'huile, le temps calme, « ça roule », si j'ose dire.

C'est quand les circonstances sont vraiment exceptionnelles, ou que les conditions géographiques le sont, qu'il convient d'avoir un service public efficace.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

M. le président.

Monsieur Sarre, si j'ai bien compris, vous déposez un sous-amendement oral tendant à supprimer, dans le quatrième alinéa de l'amendement no 1771, deuxième correction, les mots : « sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles ».

M. Georges Sarre.

C'est cela, monsieur le président.

M. le président.

M. Leroy ne l'avait pas dit explicitement, mais si vous voulez le cosigner tous les deux...

M. Maurice Leroy.

Avec grand plaisir !

M. Patrick Ollier.

Monsieur Sarre, nous le cosignons avec vous.

M. Georges Sarre.

Non, je le signe tout seul, merci !

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Notre débat sémantique est certes fondamental, mais il risque de nous éloigner du véritable débat.

M. Maurice Leroy.

Mais non !

M. François Sauvadet.

Nous y sommes, au contraire !

M. François Brottes.

Le secteur postal, en France et en Europe, est confronté à des situations de non-droit, ou plutôt de non-respect des textes. Pour procéder à leur nécessaire mise à niveau, un toilettage des textes, si ce n'est un « nettoyage », est nécessaire. Nous avons besoin d'une assise législative. La transposition nous offre une opportunité majeure pour clarifier le rôle de chacun.

C'est ainsi que, dans ce texte-ci, après l'article 15, nous allons transposer la partie de la directive qui concerne le service rendu à nos concitoyens, ainsi que le périmètre du secteur qui sera réservé, sous monopole, à La Poste. Un autre texte viendra fixer et clarifier les règles de fonctionnement du secteur postal, savoir qui ont bien besoin de l'être. On peut bien discuter sur le point de savoir si le service public, c'est ceci ou cela, mais force est de constater que l'opérateur chargé du service public est aujourd'hui attaqué de toutes parts dans les secteurs les plus rentables, et avec lui la garantie de service offerte à nos concitoyens.

La notion de service universel est décrite dans la directive européenne - et je vous y renvoie, chers collègues de façon extrêmement normative. Il n'y a pas d'ambiguïté. Les choses sont extrêmement précises. J'ai le texte à votre disposition. Il nous invite, je l'ai dit tout à l'heure, à un élargissement de ce que nous acceptions jusqu'ici comme service universel, notamment en matière de colis.

Il ne s'agit donc pas d'une régression mais plutôt d'une avancée. Finalement, notre Gouvernement a réussi, avec le Président de la République, à convaincre nos partenaires européens que le secteur postal était quelque chose de sérieux, qui ne devait pas être complètement déstabilisé et qu'il fallait, justement par le biais de cette directive, le conforter en clarifiant les choses.

Donc, je réagis à vos inquiétudes en essayant de vous rassurer,...

M. Maurice Leroy.

Ça ne marche pas !

M. François Brottes.

... et en vous renvoyant au texte de la directive, qui est normatif.

Deuxième remarque : je suis de ceux qui se réjouissent que cette transposition s'effectue après l'article 15. Elle s'inscrit bien dans la logique de ce dernier qui, en son début, pose que tous les services d'information et de communication doivent répondre à l'exigence d'égalité d'accès pour l'ensemble de nos concitoyens. C'est bien de cela qu'il s'agit lorsqu'on évoque les services liés au secteur postal.

Quant à la réserve que vous exprimez, les uns ou les autres, sur la notion d'exception - l'exception n'étant jamais la règle -, j'ose espérer que votre but n'est pas, en supprimant cette notion d'exception, de supprimer par exemple le droit de grève des postiers, ce qui serait quand même un recul grave.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Ollier.

Les « conditions géographiques exceptionnelles », ce n'est pas la grève !

M. Maurice Leroy.

On parle de conditions géographiques, et il comprend la grève !

M. François Brottes.

Je sais bien que ce n'est pas à cela que vous pensiez les uns et les autres, mais supprimer ce membre de phrase pourrait ouvrir la voie à ce qui, à mon avis, ne doit pas être à l'ordre du jour.

Je terminerai sur quelque chose de beaucoup plus léger, monsieur le président, si vous le permettez. Je voudrais en effet corriger mon sous-amendement no 1210, qui sera mis aux voix tout à l'heure. Il faut lire la

« Commission supérieure du service public des postes et télécommunications » et non pas « de la poste et des télécommunications ». C'est son appellation officielle, et il serait dommage que notre texte de loi ne la désigne pas comme il convient.

Mme Béatrice Marre et M. Patrick Rimbert.

Très bien !

M. le président.

Le sous-amendement no 1210 est ainsi réctifié.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir.

Je voudrais tout d'abord, au nom de mon groupe, remercier M. le secrétaire d'Etat d'avoir fait le déplacement, et d'avoir tenu à nous expliquer lui-même quelles étaient les intentions du Gouvernement.

Cet amendement est important. Il suscite néanmoins, sur l'ensemble des bancs, un certain nombre d'interrogations, qualifiées de réserves.

D'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi introduire cette directive dans un texte consacré à l'aménagement et au développement du territoire ? Vous avancez comme argument cette date du 10 février.

Mais, comme l'a excellemment relevé mon collègue et ami Maurice Leroy, la loi ne sera, de toute façon, pas votée avant plusieurs mois sans doute.

D'autre part, ce même argument devrait vous conduire, monsieur le secrétaire d'Etat, à transposer dès maintenant la directive Electricité dans le texte relatif à l'aménagement du territoire, puisque la date butoir fixée par Bruxelles est le 19 février ! Vous ne l'avez pas fait.

Nous discutons donc aujourd'hui d'un document qui a été introduit d'une façon sans doute un peu rapide.

Mme Sylvia Bassot.

Cavalière !

M. Jean-Claude Lenoir.

En d'autres circonstances, monsieur le secrétaire d'Etat, nous parlerions de cavalier budgétaire. Nous parlerons plutôt ici de cheval de Troie, ce qui nous inquiète un peu.

M. François Brottes.

Pourtant, vous étiez présent en commission, monsieur Lenoir !

M. Jean-Claude Lenoir.

Merci de l'avoir noté, mon cher collègue.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Le débat que nous avons est extrêmement utile. En effet, je fais partie de ceux qui, après avoir fait une première lecture de cet amendement, lu les phrases les unes après les autres, ont eu le sentiment que ce texte comportait un encadrement du dispositif qui devait plutôt nous rassurer.

Or, maintenant, je suis plutôt inquiet depuis que j'ai entendu plusieurs collègues de la majorité plurielle, notamment après avoir entendu M. Sarre exprimer ses préoccupations à propos du membre de phrase « sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles ».

Dans un premier temps, j'avoue avoir eu la faiblesse de penser que ces quelques mots ne visaient que des zones de montagne que je fréquente relativement peu...

M. Patrick Ollier.

Hélas !

M. Jean-Claude Lenoir.

... mais qui sont brillamment représentées ici,...

M. Michel Bouvard et M. Patrick Ollier.

Merci !

M. Jean-Claude Lenoir.

... où, lorsque l'enneigement est particulièrement abondant,...

M. Michel Bouvard.

C'est le cas en ce moment !

M. Jean-Claude Lenoir.

... les circonstances météorologiques très défavorables, les postiers - auxquels je tiens à rendre hommage et dont le travail ne doit pas être ici sous-estimé - ont quelque difficulté à rejoindre les boîtes postales de certaines zones rurales.

M. Michel Bouvard.

Ils peuvent même se faire attaquer par des loups ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir.

Mais l'inquiétude me gagne quand j'entends M. Sarre. Je représente, pour ma part, une circonscription qui est faite, non de montagnes, mais de collines, les collines du Perche. C'est d'ailleurs une circonscription que connaît bien Maurice Leroy, puisque nous sommes voisins. N'objectera-t'on pas un jour que les collines du Perche font obstacle à la circulation des véhicules postaux ? Ne s'agirait-il pas là de circonstances jugées exceptionnelles, propres à ce que, une fois de plus, les personnes habitant dans le monde rural soient privées d'un service, qualifié de public ou d'universel, mais auquel nous sommes extrêmement attachés ? La France a une spécificité, celle d'avoir des services publics.

M. Maurice Leroy.

Voilà !

M. Jean-Claude Lenoir.

Je tiens à dire, au nom du groupe Démocratie libérale, que c'est une spécificité à laquelle nous sommes attachés.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jacques Fleury.

Ce n'est pas toujours vrai !

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est l'un des fondements de l'équité, de l'égalité de traitement. Nous avons toujours fait preuve, notamment lorsque nous étions au Gouvernement, d'une grande détermination pour défendre les services publics que nous pouvons considérer comme fondamentaux. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maurice Leroy.

Tout à fait !

M. Jean-Claude Lenoir.

Sous la précédente législature, j'avais moi-même créé un groupe d'étude, que je présidais, sur les services publics en Europe. Les députés de la majorité et de l'opposition d'alors avaient travaillé sur l'ensemble des textes dont nous discutons aujourd'hui, et un consensus avait pu se dégager. Cela prouve qu'il n'y a pas de rupture politique dans la perception que nous avons de l'aménagement du territoire et de la place que doivent y occuper les services publics.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je propose, comme Maurice Leroy et Georges Sarre, que l'expression « sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles » soit biffée du texte du Gouvernement. Mme Bassot, M. Proriol et moi-même soutenons ce sous-amendement qui permet de garantir un fonctionnement équitable et régulier des services publics postaux dans l'ensemble des zones rurales auxquelles nous sommes attachés puisque nous les représentons.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Je viens d'être saisi d'un sousamendement no 1233, présenté par M. Sarre.

Ce sous-amendement est ainsi rédigé :

« Après le mot : "ouvrables", supprimer la fin du quatrième alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction. »

Trois collègues doivent encore intervenir, mais après nous passerons au vote.

La parole est à M. Jean Besson.

M. Jean Besson.

Je voudrais revenir sur plusieurs points du débat.

Je tiens d'abord a rappeler que, telle qu'elle est faite, la transposition de la directive européenne n'est évidemment pas idéale. J'aurais préféré, comme la plupart de mes collègues, que cette transposition fasse l'objet d'un véritable texte de loi destiné à organiser globalement le système postal en France.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Jean Proriol.

Le secrétaire d'Etat est d'ailleurs d'accord !

M. Jean Besson.

Cela dit, j'ai pris note, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre accord pour déposer rapidement sur le bureau des assemblées le projet de loi qui a été soumis la semaine dernière à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

Cette transposition, telle qu'elle est proposée aujourd'hui, n'est donc pas idéale, mais il serait grave de mener la politique du pire en ce domaine. En procédant à cette transposition, il ne s'agit pas de céder à la pression de la Commission européenne, ou de l'Europe tout simplement, mais d'éviter que ne se crée un vide juridique. Il est vrai que nous sommes très en retard pour procéder à cette transposition, mais moins longtemps durera ce vide juridique, moins nous risquerons de voir des concurrents de La Poste s'installer sur notre territoire faute de pouvoir leur opposer un texte - déjà nombre des postes européennes piaffent d'impatience de l'autre côté de nos frontières !

M. Patrick Rimbert.

Très juste !

M. Jean Besson.

N'oublions pas que le droit communautaire s'impose au droit français.

Il ne faut pas faire la politique du pire. Même si la méthode utilisée pour transposer la directive en question n'est pas la meilleure,...

M. Patrick Rimbert.

Très juste !


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M. Jean Besson.

... nous devons adopter cet amendement pour éviter que la poste française ne se trouve en grande difficulté.

S'agissant de la polémique un peu byzantine entre service universel et service public, j'évoquerai deux points d'histoire.

Cette discussion est l'occasion pour moi, monsieur le secrétaire d'Etat, de renouveler une demande que je fais chaque année depuis plusieurs années, et que j'avais faite au nom de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications : faites en sorte que le rapport annuel de cette commission traitant de l'état du service public des postes et télécommunications en France fasse l'objet d'un débat au Parlement. Un tel débat permettrait, apparemment, d'éviter que les notions de service universel et de service public donnent lieu à des malentendus.

Je rappelle que la notion de service universel repose sur une initiative française. Ce ne sont pas nos collègues européens qui nous l'ont imposée.

M. Georges Sarre.

Et alors ?

M. Jean Besson.

M. Quilès, puis M. Zuccarelli, puis

M. Rausch, puis M. Longuet, puis M. Rossi et, enfin, M. Fillon, tous ces ministres d'opinions différentes - je crois que chaque groupe de cette assemblée a eu un ministre issu de ses rangs -...

M. Michel Bouvard.

Pas le Mouvement des citoyens !

M. Jean Besson.

... ont tenté d'obtenir de leurs collègues européens qu'ils fassent un pas en direction de la notion de service public, notion qu'ils rejetaient globalement au début de la décennie.

La libéralisation engagée à l'époque devait conduire à l'harmonisation. Il fallait, pour éviter de créer des distorsions de concurrence insupportables, chercher à mettre en place des systèmes comparables dans tous les pays. Mais comme il était exclu de hisser les services publics grecs au même niveau que ceux de la France, il a été décidé de créer un service universel - lequel se situerait chez nous à un niveau inférieur à celui du service public -, chaque pays conservant, dans le cadre du principe de subsidiarité, le droit d'avoir le service public qu'il souhaite.

Bref, il n'y a pas d'antagonisme entre la notion de service public et celle de service universel. Par conséquent, il ne faut pas prêter de noirs desseins à certains établissements situés à l'extérieur de nos frontières. Il est simplement question d'évoluer - ce qui n'est pas encore possible - vers un service public européen.

M. Georges Sarre.

Libéral !

M. Jean Besson.

C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut soutenir l'amendement du Gouvernement.

M. le président.

Je vais encore donner la parole à deux intervenants, puis nous voterons. Nous ne sommes qu'au premier amendement après l'article 15, et cela fait déjà une heure que je l'ai appelé en discussion.

La parole est à M. François Sauvadet, à qui je demande d'être bref, car un membre de son groupe est déjà intervenu sur le sujet.

M. François Sauvadet.

Je vous remercie, monsieur le président, de nous donner l'occasion d'avoir un vrai débat sur ce sujet essentiel. Je me réjouis aussi que notre appel concernant la présence des ministres compétents ait été entendu et que M. le secrétaire d'Etat à l'industrie soit là. Nous aurions aimé que le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale en fasse autant et vienne répondre aux préoccupations très fortes que nous avons exprimées la semaine dernière. Dans le cas présent, à défaut d'obtenir des réponses qui nous satisfassent, nous aurons au moins les éclaircissements que nous souhaitons.

Cela dit, je suis très frappé par le manque de cohérence et d'organisation de ce débat concernant un sujet aussi essentiel que l'aménagement du territoire, et La Poste en particulier.

Je rappelle que, en commission, lors de l'examen de l'article 22, la discussion d'un amendement avait permis d'engager une réflexion sur la présence, indispensable, de La Poste sur tout le territoire. Or voilà qu'à l'article 15, qui concerne l'information, nous voyons surgir un article additionnel dont M. le secrétaire d'Etat à l'industrie nous dit que l'Assemblée doit l'examiner en urgence...

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je n'ai jamais dit cela !

M. François Sauvadet.

... comme le présent projet de loi.

Vous nous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y avait un calendrier à respecter, une date - butoir celle du 10 février prochain et donc qu'il y avait urgence.

Mais comme l'ont souligné plusieurs intervenants dont M. Leroy, je ne vois pas comment une loi pourrait être votée d'ici au 10 février ! La façon dont le Gouvernement travaille soulève un problème de cohérence.

Je rappelle en effet que la directive a été prise il y a plus d'un an. Je m'étonne donc que cet article additionnel soit présenté aujourd'hui. Dans le même temps, vous nous annoncez, monsieur le secrétaire d'Etat, un projet de loi sur La Poste. Alors, ou bien cet article additionnel arrive trop tard, ou bien il arrive trop tôt ! De surcroît, quand on lit attentivement le texte de cet article additionnel qui tend à transposer la directive en question dans notre droit national, on s'aperçoit qu'il fixe des limites au débat que nous devrions avoir dans quelques mois. Sur ce point, je rejoins M. Sarre.

Mme Sylvia Bassot.

C'est comme pour l'intercommunalité !

M. François Sauvadet.

Il en va de même pour certains débats dont nous ne voyons pas très bien la portée qu'ils auront. En tout cas, nous avons le sentiment que vous voulez allez vite et que vous faites les choses un peu à la hâte.

M. Patrick Rimbert.

Il fallait écouter M. Besson. Il a bien expliqué les choses !

M. François Sauvadet.

Pourquoi avons-nous un débat aussi important, aussi dense sur La Poste ? Tout simplement parce que, au-delà de la distribution du courrier, La Poste est le dernier rempart du service public.

D'ailleurs, La Poste a servi de cadre à des expérimentations découlant de la loi de 1995. Toutefois, Mme la ministre refuse la dimension de l'expérimentation.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. François Sauvadet.

C'est pourtant à La Poste qu'ont été conduites des expériences sur la polyvalence du service public, qu'il s'agisse de l'accès à l'ANPE par le biais du Minitel pour les chômeurs vivant en milieu rural ou qu'il s'agisse de la distribution de billets SNCF.

Je crains, comme M. Mariani l'a expliqué il y a quelques jours, que l'on transfère un certain nombre de charges sur les collectivités locales...


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M. Maurice Leroy.

C'est déjà fait !

M. François Sauvadet.

... pour maintenir la présence du service postal.

Monsieur le secrétaire d'Etat, la sagesse voudrait que vous retiriez cet article additionnel et que vous nous présentiez très vite un projet de loi sur La Poste afin que nous puissions fixer l'orientation que nous voulons donner en ce qui concerne la présence de La Poste. Renvoyons en commission de la production et des échanges ce texte qui porte sur l'application d'une directive dont la portée est lourde de conséquences en matière de présence du service public.

Bien sûr, monsieur Sarre, le groupe de l'UDF apporte son soutien à votre sous-amendement - c'est d'ailleurs Maurice Leroy qui a été le premier à soulever cette question. Mais de grâce, monsieur le secrétaire d'Etat, retirez cet article additionnel. Faisons en sorte que l'on travaille enfin sérieusement dans cette assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union de la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade.

M. Gérard Saumade.

Je ne peux que reconnaître l'habileté dialectique de M. Sauvadet.

M. Michel Bouvard.

M. Sauvadet est excellent !

M. Gérard Saumade.

Pourtant, il sait mieux que personne que l'aménagement du territoire touche à tous les sujets. Il faut cesser là cette polémique.

J'en viens au sous-amendement de M. Sarre tendant às upprimer dans l'amendement du Gouvernement le membre de phrase : « sauf circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles ».

Pour éviter toute polémique et revenir à une notion juridique forte, je proposerai que, au lieu de supprimer ce membre de phrase, on le remplace par les mots : « sauf cas de force majeure ». En effet, la notion de force majeure répond à une définition très précise qui prévoit l'indépendance totale des intervenants. Cela couvre aussi bien les circonstances exceptionnelles que les conditions géographiques,...

M. Jacques Fleury.

Pas la grève, qui n'est pas un cas de force majeure !

M. Gérard Saumade.

... et cela ne remet pas en cause le droit de grève.

M. Jacques Fleury.

Nous voilà rassurés !

M. le président.

M. Saumade vient de présenter un sous-amendement, no 1235.

Il est ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction, substituer aux mots :

« circonstances ou conditions géographiques exceptionnelles », les mots : « cas de force majeure ».

La parole est à M. Félix Leyzour, à qui je demande d'être bref car il est temps de conclure ce débat important.

M. Félix Leyzour.

Vous savez bien, monsieur le président, que nous ne sommes pas de ceux qui font lanterner les débats.

M. François Sauvadet.

Personne ne le fait !

M. Félix Leyzour.

Alors, laissez-nous la possibilité de nous exprimer.

Je voudrais, dans le droit-fil de ce qui vient d'être indiqué, sous-amender l'amendement du Gouvernement.

M. Maurice Leroy.

Cela prouve qu'il y a un problème !

M. Félix Leyzour.

Les circonstances exceptionnelles, nous savons très bien ce que cela peut être. Par exemple, cela peut être une tempête de neige.

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est aussi un cas de force majeure !

M. Félix Leyzour.

Une circonstance exceptionnelle, cela peut être aussi un mouvement social. Je crois que

M. Brottes a tout à fait raison sur ce point.

C'est pourquoi je propose de ne supprimer que les mots « ou conditions géographiques ».

M. Jacques Fleury.

Très bien !

M. Félix Leyzour.

Nous devons toujours être en mesure d'assurer le service public sur l'ensemble du territoire.

Des circonstances exceptionnelles peuvent tenir, je le répète, à des conditions météorologiques mais aussi...

Mme Sylvia Bassot.

A la grève !

M. Félix Leyzour.

... à un mouvement social. Il ne faut pas que, par le biais d'un tel amendement, on puisse contrecarrer un mouvement social.

M. le président.

Monsieur Leyzour, votre sous-amendement étant identique à celui que vient de me faire parvenir le rapporteur, je ne retiendrai que le sous-amendement no 1234 de la commission.

M. Duron, rapporteur, a présenté un sous-amendement, no 1234, ainsi rédigé :

« Dans le quatrième alinéa du I de l'amendement no 1171 deuxième correction, supprimer les mots : "ou conditions géographiques". »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Mesdames et messieurs les députés, je tiens d'abord à vous remercier. En effet, dans un laps de temps assez rapide - même pas une heure -, les intervenants de tous les groupes ont manifesté leur très grand intérêt pour le service public. Pour le Gouvernement, c'est un précieux soutien à l'action qu'il mène pour le promouvoir, le moderniser et le garantir.

M. François Sauvadet.

C'est un artifice !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Cette question ne doit pas diviser. Le service public de La Poste est un service public voulu, organisé et défendu par la nation.

Quand on en parle, on peut, par conséquent, rassembler tous ceux qui composent la nation pour la défense et la promotion de ce qu'est, au fond, la République.

M. Michel Bouvard.

Il faut le dire à tout le monde !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Et le service public nous aide à définir ce qui cimente notre conception commune de la République.

M. François Sauvadet.

Il faut le dire au Conseil des ministres européens !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ce sujet n'est donc pas un sujet polémique. Mme Voynet et moi-même sommes, comme beaucoup d'entre vous, des militants du service public. Nous voulons, grâce à une conjonction et à une convergence des efforts du Gouvernement et de l'Assemblée nationale, conforter le service public à un moment où nous transposons la directive européenne ; c'est de cela qu'il s'agit.

Je ne veux pas être plus rassurant qu'il y serait nécessaire mais je rappelle que j'ai constamment défendu, ainsi, d'ailleurs, que mes prédécesseurs, cités tout à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

l'heure par l'un de vous, au Conseil des ministres de l'industrie de Bruxelles, qui se penche régulièrement sur les problèmes postaux et en particulier sur la notion de service public, que j'ai défendue pied à pied, dis-je, le 27 novembre dernier, l'idée qu'il fallait défendre le service public et, à travers lui, le service réservé, avec le maximum d'extensions possibles, face à certaines propositions, émanant notamment de la Commission et tendant à favoriser un libéralisme sauvage qui détruirait les acquis du service public.

Vous trouverez toujours le Gouvernement unanime, et j'espère qu'il en sera de même sur vos bancs, pour défendre cette conception et empêcher qu'on n'attente à Bruxelles à ce qui nous rassemble aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je résumerai les points essentiels abordés sur tous les bancs.

Il convient, d'abord, de noter le caractère exceptionnel de certaines circonstances ou de certaines situations géographiques. La directive précise elle-même, à l'article 3 du chapitre II : « sauf circonstances ou conditions géographiques jugées exceptionnelles par les autorités réglementaires nationales ».

Nous avons repris cette formulation, non dans l'esprit de réduire - je tiens à vous rassurer sur ce point l'ampleur du service public, ainsi que ses obligations à l'égard des usagers ou des clients, mais pour l'adapter à des circonstances exceptionnelles. Mes conseillers m'ont cité le cas célèbre du cirque de Mafate, à la Réunion, où l'on ne peut effectivement pas se rendre tous les jours pour distribuer le courrier.

Il s'agissait en l'occurrence de prendre en compte des circonstances géographiques tout à fait exceptionnelles empêchant un fonctionnement normal du service public.

M. Maurice Leroy.

Il fallait le dire !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Toutefois, afin de répondre au souci exprimé par M. Leyzour, M. Brottes et d'autres orateurs, notamment de l'opposition, je suis d'accord pour aller dans votre sens et vous rejoindre, d'autant que le cahier des charges de La Poste précise bien, dans son article 2 : « La Poste distribue tous les jours ouvrables à l'adresse indiquée par l'expéditeur les objets de correspondance qui lui sont confiés. »

Cette rédaction me paraît excellente et je l'ai retrouvée dans le communiqué diffusé ce matin par la direction de La Poste en ce qui concerne les apports nouveaux que La Poste peut attendre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, notamment la diminution des files d'attente et l'adaptation des horaires d'ouverture des bureaux aux besoins locaux tous les jours ouvrables. La direction générale de La Poste et les organisations syndicales viennent de discuter de ce problème et ont retenu ces termes.

(M. Raymond Forni remplace M. Yves Cochet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Afin que le texte soit très précis, je vous propose donc de supprimer, à la f in du troisième alinéa de l'amendement no 1171 deuxième correction, les mots « ou conditions géographiques ».

Cependant, comme l'a dit M. le rapporteur à juste titre, il est essentiel de conserver les mots : « sauf circonstances exceptionnelles », pour que l'Assemblée nationale n'adopte pas un texte qui irait à l'encontre de l'exercice du droit de grève.

Je répondrai par ailleurs à M. Leyzour que la notion de service public est tout sauf minimaliste. Avec l'amendement que je vous propose, La Poste sera tenue d'assurer sur tout le territoire un service de colis jusqu'à 20 kilos, ce qui n'était pas inclus dans le service public du courrier tel qu'il était défini jusqu'à présent. Il y a donc, à l'occasion de cette transposition, une avancée du service public, dont le contenu s'enrichit.

M. Jean-Michel Marchand.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il fallait le dire et il convient de saluer cette avancée. Nous avons donc fait la lecture maximale de ce que peut être, en l'état actuel des choses, le service public.

Afin de vous rassurer, mesdames, messieurs les députés, je précise que le second alinéa de l'article 2 de la loi du 2 juillet 1990 disposerait, après l'adoption du texte proposé par le Gouvernement, que La Poste assure « le service public des envois postaux, qui comprend le service universel postal et dans ce cadre, le service public du transport et de la distribution de la presse [...] ».

Cette réaffirmation de ce qu'est le service public, de son ampleur et de son contenu, est un élément de sécurité politique et juridique pour tout le monde et constitue une avancée nouvelle qui va dans le sens souhaité par l'ensemble des orateurs.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Duron, rapporteur.

M. le secrétaire d'Etat a déjà dit l'essentiel. Monsieur Sauvadet, la discussion en commission sur ce point a été nourrie et nous avons discuté longuement de la rédaction proposée par M. Brottes, dont la philosophie était à peu près identique...

M. François Sauvadet.

Non ! Cela n'a rien à voir !

M. Philippe Duron, rapporteur.

... et qui essayait de préciser la notion de service universel.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, ne reprenez pas la discussion qui a eu lieu en commission. Veuillez, je vous prie, indiquer l'avis de la commission sur les différents sous-amendements.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Nous ne pouvons pas retenir le sous-amendement de M. Saumade sur le cas de force majeure.

M. Christian Estrosi.

C'est pourtant un excellent sousamendement !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Pas vraiment, car le cas de force majeure est très limité. Pour qu'il y ait force majeure, il faut, en effet, qu'il y ait une situation imprévisible, irrésistible et extérieure aux parties. Ainsi, le Conseil d'Etat a estimé que la situation liée aux événements de mai 1968 n'était pas une situation de force majeure.

M. Michel Bouvard et M. Maurice Leroy.

Il faut en parler à Cohn-Bendit !

M. Philippe Duron, rapporteur.

J'ai donc souhaité, en accord avec M. le secrétaire d'Etat, que nous supprimions les mots : « ou conditions géographiques », que mentionne la directive, et que nous conservions les mots :

« sauf circonstances exceptionnelles », afin de tenir compte de conditions climatiques difficiles et d'aspects sociaux que nous devons respecter.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

M. le président.

Je vais mettre aux voix les sousamendements.

M. Christian Estrosi.

Puis-je répondre au rapporteur, monsieur le président ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Non, monsieur Estrosi : le débat sur ces sous-amendements est clos. La discussion a été suffisamment longue en commission et en séance publique et nous pouvons passer aux votes.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1229.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1223.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1228.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1233.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1235.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. François Sauvadet.

C'est regrettable !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1234.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1227.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1209.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1210, compte tenu de la rectification consistant à remplacer les mots : « de La Poste et des télécommunications » par les mots : « des postes et télécommunications ».

(Le sous-amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1225.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1226.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1224 corrigé.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1171, deuxième correction, modifié par les sousamendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Rappel au règlement

M. Christian Estrosi.

Je demande la parole pour un appel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour un rappel au règlement.

M. Christian Estrosi.

J'aurais aimé que M. le secrétaire d'Etat à l'industrie reste présent parmi nous.

Mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58.

Nous nous sommes réjouis de la participation de M. le secrétaire d'Etat à la discussion de l'amendement no 1171, deuxième correction.

Celle-ci a en effet éclairé le débat que nous avons commencé il y a près de quinze jours et au cours duquel nous avons eu tant de difficultés à obtenir de Mme la m inistre de l'aménagement du territoire certaines réponses.

M. le président.

Venez-en à votre rappel au règlement, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Nous avons eu ainsi la démonstration que la présence du ministre compétent sur un article relevant du champ de son ministère pouvait éclairer le débat.

J'exprime par conséquent, le souhait que, sur chaque article spécifique - et nous en arrivons à l'article concernant le ministère des transports -, le ministre compétent vienne éclairer l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Estrosi, je vous rappelle qu'il appartient au Gouvernement de décider de la manière dont il organise sa participation au débat.

Vous avez formulé votre demande, mais ce n'était pas à proprement parler un rappel au règlement.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je ne voudrais pas fuir cette discussion.

L'aménagement du territoire est une politique transversale, comme l'environnement d'ailleurs, qui mobilise l'ensemble des champs de l'action publique et est donc, par nature, très largement interministérielle.

Il y a trente ans, on disait : tout est politique. Aujourd'hui, on affirme que tout relève de l'aménagement du territoire. Le projet de loi que je présente, au nom du Gouvernement, a été préparé avec les ministres concernés.

Les articles définissant les schémas de services collectifs ne présentent par une telle spécificité qu'ils nécessitent la présence de mes collègues. En effet, il s'agit de préciser les grands choix stratégiques déjà exposés dans les articles 1er et 2. Il s'agit surtout de définir ce que sont les schémas de services collectifs, la règle du jeu, le cadre dans lequel nous évoluons. Il ne s'agit donc pas de répondre point par point à toutes les questions que peuvent se poser les parlementaires sur telle ou telle politique publique assumée par la quasi-totalité des ministères.

J'ai longuement exposé les enjeux de ce texte avant la discussion générale. J'ai longuement répondu aux parlementaires à l'issue de celle-ci, je ne me suis jamais dérobée quand vous m'avez invitée à préciser tel ou tel aspect de la politique mené par mon ministère devant l'une de vos commissions ou devant l'un de vos groupes de travail.

Je souhaite poursuivre dans cette voie.

Je tiens à vous dire, monsieur Estrosi, que, pour avoir été extrêmement grossier à mon égard la semaine dernière, vous avez sans doute contribué à augmenter la tension dans l'hémicycle, et je ne voudrais pas que cela se reproduise cette semaine.

M. Christian Estrosi.

Fait personnel, monsieur le

président

!


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Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il n'y a pas de ministres compétents et de ministres qui ne le sont pas, ou alors il faudrait admettre que, s'il y a des ministres moins compétents que d'autres, il pourrait bien y avoir des députés qui le sont moins que d'autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Estrosi.

Fait personnel !

M. le président.

Je vous donnerai la parole en fin de séance, monsieur Estrosi.

Article 16

M. le président.

« Art. 16. - I. - Après l'article 18 de la loi du 4 février 1995, il est inséré l'intitulé suivant :

« Section 5

« Des schémas multimodaux de services collectifs de transport. »

« II. L'article 19 de la loi du 4 février 1995 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 19 . - Le schéma multimodal de services de transport de voyageurs et le schéma multimodal de services de transport de marchandises sont établis dans les conditions prévues par l'article 14-1 de la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982 modifiée d'orientation des transports intérieurs. »

L a parole est à M. Maurice Leroy, inscrit sur l'article 16.

M. Maurice Leroy.

Afin de faire avancer le débat et de montrer l'esprit constructif de l'opposition, je renonce à la parole.

M. le président.

Et vous, monsieur Estrosi ?

M. Christian Estrosi.

Non, monsieur le président.

M. le président.

Vous avez la parole.

M. Christian Estrosi.

Je regrette bien entendu les propos injurieux du ministre.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Cela montre une fois de plus un manque de respect à l'égard de l'Assemblée nationale.

M. le président.

Venons-en à l'article 16.

M. Christian Estrosi.

Cet article traduit le retour à l'ère de la diligence en matière de transports.

En effet, nous voyons une fois de plus que, avec les schémas sectoriels, le Gouvernement essaie de tirer un trait sur les grands objectifs que s'était fixés la loi Pasqua sur l'aménagement du territoire, en utilisant la notion de multimodalité, déjà contenue dans la loi Pasqua, mais en en restreignant la portée, car cela aboutira à augmenter les inégalités, à éloigner les territoires et les populations des moyens de transport modernes, à donner une place prépondérante à l'administration pour superviser les élus, empêchant que la démocratie qui pourrait s'exprimer au plan départemental ou au plan régional ne parvienne à un synthèse lors du débat à l'Assemblée nationale.

Cela s'inscrit en fait dans la parfaite continuité des dispositions que vous avez prises en juin 1997, dès votre arrivée au ministère, lorsque, d'autorité et de manière unilatérale, vous avez mis un terme à tous les grands projets structurants en matière de transports sur l'ensemble du territoire national.

M. Daniel Feurtet.

Et le TGV-Est ?

M. Christian Estrosi.

D'ailleurs, le rapport d'un fonctionnaire du ministère des transports prolonge votre décision de mettre un terme au canal Rhin Rhône, aux grandes infrastructures routières et aux grands schémas de transports ferroviaires. C'est le rapport de M. Brossier, qui s'intitule : « La politique française des transports ter-r estres dans les Alpes ». Il ne fait que confirmer l'ensemble de vos décisions et dresse une liste complètement absurde. Je citerai un seul exemple, pour montrer à quel point les neurones de certains des fonctionnaires qui sont sous votre autorité et celle du ministre des transports fument. On apprend notamment que, désormais, il faut construire des autoroutes ouvertes à la seule circulation automobile, et non aux transports de marchandises et aux poids lourds. Les camions devront donc, si l'on suit ce rapport, continuer à traverser les petits villages et les polluer, seules les voitures de tourisme étant autorisées à contourner les zones difficiles par la voie autoroutière.

M. Daniel Feurtet.

Que faites-vous du chemin de fer ?

M. Christian Estrosi.

Je ferai enfin référence à un document resté confidentiel, mais que quelques indiscrétions m'ont fait parvenir, émanant de la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et relatif à la stratégie de l'Etat dans cette région. Après vos initiatives de juin 1997 et le rapport Brossier, ce document ne fait que confirmer votre volonté d'asphyxier totalement cette région puisqu'un terme définitif est mis au projet de percée alpine, que le projet d'A 51 entre Grenoble et Sisteron est transformé en simple voirie qui doit être améliorée et modernisée, que le projet d'autoroute A 58 tendant à dédoubler l'autoroute A 8 est définitivement supprimé et que les seules liaisons avec l'Italie par la RN 204 ne consisteraient qu'en quelques travaux d'amélioration. Il n'est plus question non plus du triplement des voies ferroviaires entre Cannes et Vintimille, ni de train à grande vitesse entre la vallée du Rhône et la frontière italienne, et vous consacrez, en ce qui concerne la communication et les transports de marchandises comme de voyageurs, la décision d'asphyxier totalement le région Provence-AlpesCôte d'Azur.

Il est évident que les schémas multimodaux de services collectifs de transport ne peuvent qu'enfermer un peu plus les élus dans votre stratégie de paupérisation du territoire national. Vos mesures restrictives et rétrogrades éloigneront de plus en plus nos concitoyens de tous les centres de décision, des centres administratifs, des services publics et ne pourront qu'entraîner l'ensemble de nos zones urbaines et rurales vers un appauvrissement progressif.

Tout cela ne peut nous satisfaire. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé plusieurs amendements qui, je l'espère, nous permettront d'inverser la tendance.

M. le président.

Mes chers collègues, à ce stade du débat, je vais faire appel à votre sens des responsabilités, et je sais qu'il est grand.

En application de l'article 57 du règlement, je vais demander à l'un des membres de l'Assemblée de s'exprimer en faveur de l'article 16.

La parole est à M. Jacques Bascou...

M. Michel Bouvard.

Il y a d'autres inscrits !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Je constate que M. Balligand n'est pas présent non plus.

Qui souhaite s'exprimer en faveur de l'article 16 ?...

M. Michel Bouvard.

Je suis inscrit sur l'article, monsieur le président !

M. le président.

Je vais encore donner la parole à l'orateur inscrit suivant, M. Coussain, et nous en resterons là.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

Ce n'est pas possible !

M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas acceptable !

M. le président.

Je pense que tout le monde conviendra que l'Assemblée est suffisamment informée sur les sujets évoqués. (« Non ! non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

Pas du tout !

M. le président.

Par conséquent, je vais donner la parole soit à M. Coussain, soit à M. Deprez. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Léonce Deprez.

Monsieur le président, sans préjuger de la suite, je m'exprimerai sur l'article 16, puisque vous m'y invitez.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Deprez.

M. Léonce Deprez.

Madame la ministre, concernant l'article 16 comme les autres articles, le point de départ de votre réflexion et de vos propositions, nous avez-vous dit, était la nécessité de répondre aux besoins de la vie des citoyens, en leur apportant le service collectif nécessaire. Cela peut se comprendre pour certains services collectifs, comme celui des télécoms. Mais, pour se déplacer, c'est l'infrastructure qui permet le service.

Les infrastructures routières, ferroviaires et fluviales jouent le rôle des artères qui apportent le sang de la vie dans le corps humain. Comment assurer le service sans les infrastructures qui le conditionnent ? En outre, les infrastructures ont un effet structurant sur l'organisation de la vie sur le territoire, à travers toutes les régions. Les chantiers, les activités et les équipements qu'elles entraînent ont un effet créateur de vie é conomique et d'emplois dans les régions qu'elles irriguent de ce sang de la vie dont je parlais il y a un instant.

Enfin, comment la loi pourrait-elle donner mission aux régions d'élaborer un schéma régional des transports si l'Etat, compte tenu de l'inspiration de la Délégation à l'aménagement du territoire et des observations des députés, n'établit pas préalablement un schéma national des infrastructures routières, ferroviaires et fluviales ? La loi de 1995 avait prévu ces infrastructures en vue de « poursuivre l'accessibilité à tout ou partie du territoire français, particulièrement dans les zones d'accès difficile ».

Ces mots ont un sens et peuvent être compris par tous les membres de cette assemblée.

Voilà une formule qu'on ne peut pas ne pas continuer d'approuver en 1999.

Les schémas régionaux prévus et demandés aux régions devront - précise le projet de loi que vous présentez avoir pour « objectif prioritaire d'optimiser l'utilisation des réseaux et équipements existants » et de « favoriser la complémentarité entre les modes de transport [...] en prévoyant, lorsque nécessaire, la réalisation d'infrastructures nouvelles ».

Ainsi, comment mettre noir sur blanc la carte de ces infrastructures nouvelles qui imposent la participation de l'Etat, voire de l'Union européenne, sans que soit élaboré un schéma national des infrastructures de transport multimodal ? Comment pouvez-vous ne pas maintenir le principe prévu dans la loi Pasqua ? Le I de l'article 18 de cette loi dispose ainsi que « le schéma directeur routier national définit les grands axes du réseau autoroutier et routier national dans un objectif de desserte équilibrée et de désenclavement de l'ensemble du territoire ».

C omment une telle formule, si révélatrice d'une volonté d'aménagement du territoire et de solidarité nationale entre toutes les régions du territoire, peut-elle ne pas être reprise par vous-même en 1999 ? Le schéma national doit donc de toute évidence inspirer les schémas régionaux de transport que vous demandez aux régions d'établir.

Pourquoi les cartes destinées à éclairer sur le devenir des transports collectifs jusqu'en 2015, qui étaient jointes à la loi de 1995, que je retrouve dans les documents de l'époque et qui démontraient une volonté politique de liaison et de solidarité entre les régions, ne restent-elles pas le cadre cohérent de votre projet de loi pour ce qui concerne les transports collectifs ? Madame la ministre, les liaisons autoroutières et routières nationales sont de toute évidence de la responsabilité nationale. L'A 16, qui a été achevée au printemps de 1998 dans le nord de la France, et l'A 24, que la région Nord-Pas-de-Calais se doit de prévoir dans son schéma pour assurer la liaison est-ouest qui manque tant au nord de la France, sont des infrastructures d'intérêt national et pas seulement régional.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Deprez !

M. Léonce Deprez.

Je termine, monsieur le président.

Le financement de ces infrastructures est essentiellement un financement national, s'opérant par dotations budgétaires et par emprunts réalisés par les sociétés autoroutières.

Je vous demande donc, madame la ministre, de reprendre les articles de la loi Pasqua qui, en matière d'infrastructures de transport multimodal, permettaient de donner à la France, d'ici à 2015, les bases d'une politique axiale d'aménagement du territoire, du nord au sud et d'est en ouest du territoire français.

M. le président.

Mes chers collègues, de manière à rétablir un peu de calme dans cet hémicycle - s'il y avait quelque énervement - je suggère que l'un des inscrits du groupe du Rassemblement pour la République prenne la parole...

M. Michel Bouvard.

Il y a plusieurs inscrits sur l'article 16 !

M. Patrick Ollier.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement, avec toute la sérénité qui sied à nos débats.

M. le président.

Je n'en doute pas.

(Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Rappel au règlement

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier.

Que ce soit bien clair, monsieur le

président

: depuis quinze jours que nous débattons du texte, l'opposition ne s'est livrée à aucune tentative d'obstruction. Tout le monde l'a d'ailleurs reconnu...

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Patrick Ollier.

... et, disant cela, je parle avec le plus grand calme qui soit.

Nous avons posé des questions et exigé des réponses que nous n'avons toujours pas obtenues.

En quinze jours de débat, nous avons demandé une suspension de séance, à la suite de l'agression verbale dont M. Sauvadet a été l'objet, et fait deux rappels au règlement. Il n'y a donc de notre part aucune velléité d'obstruction.

Cela dit, la déclaration d'urgence fait qu'il n'y aura qu'une lecture à l'Assemblée.

J e me proposais, comme d'autres collègues, de défendre, en intervenant sur l'article 16, un amendement de suppression pour éviter de parler deux fois. Nous passons d'ailleurs notre temps à retirer des amendements pour éviter de prendre deux fois la parole. Mais quand il nous paraît important d'intervenir, nous souhaitons, alors même, je le répète, que la déclaration d'urgence ne nous permettra qu'une seule lecture, pouvoir le faire.

M. Deprez vient quant à lui d'intervenir sur des points techniques. On ne peut donc parler d'obstruction. Mais si la présidence ou la majorité souhaite changer les bons rapports qui existaient jusqu'à présent, qu'on nous le dise, car nous aussi nous avons les moyens d'agir différemment, ce que, au demeurant, nous ne souhaitons pas, monsieur le président.

Je vous ferai remarquer que, cet après-midi, la première demi-heure a été occupée par des prises de parole de responsables de la majorité plurielle. Nous ne leur reproc hons pas d'intervenir, mais nous ne pouvons comprendre qu'au moment où nous voulons nous exprimer il nous soit opposé l'article 57 et qu'ainsi la discussion soit close !

M. François Sauvadet et M. Maurice Leroy.

Très juste !

M. Patrick Ollier.

Je fais ce rappel au règlement avec calme et sérénité.

Je souhaite, monsieur le président, que nous nous entendions bien sur les règles que nous souhaitons respecter : pas d'obstruction mais, comme il n'y aura qu'une seule lecture, un débat, des questions et, surtout, des réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Ollier, je vous ferai deux réponses, sans donner une quelconque passion à notre discussion.

D'abord, ce n'est pas parce que vous posez plusieurs fois la même question que vous obtiendrez forcément une réponse du Gouvernement.

M. François Sauvadet.

Qu'il nous réponde une fois et cela nous suffira !

M. le président.

La réponse peut vous être donnée.

Mais cela dépend de vos interlocuteurs et, en l'occurrence, du Gouvernement, qui agit comme il l'entend.

Ensuite, sur l'article 16, vous êtes à vous seul l'auteur, m onsieur Ollier, d'une trentaine d'amendements au moins.

M. François Sauvadet.

Et le droit d'amendement du Parlement ?

M. Patrick Ollier.

Ce sont des amendements du groupe du RPR !

M. Maurice Leroy.

Nous ne sommes pas encore une chambre d'enregistrement !

M. le président.

J'imagine donc que l'occasion vous sera à de multiples reprises donnée de vous expliquer sur les dispositions de l'article 16.

Je voulais seulement simplifier les choses : il me semblait tout à fait raisonnable de donner la parole à un orateur de chaque groupe de manière qu'il puisse exprimer une position générale, chacun pouvant ensuite, sur les amendements, exprimer son propre point de vue, qui est généralement celui de son groupe...

M. Patrick Ollier.

L'inverse est tout aussi vrai !

M. le président.

Soit ! Mais je ne suis pas sûr que l'on gagne plus de temps dans un cas que dans l'autre. Evitez en tout cas de cumuler les deux inconvénients ! Voilà ce que je voulais dire.

Je vais donner la parole à M. Bouvard, et nous verrons ensuite comment les choses s'orientent. Quoi qu'il en soit, je ne souhaite pas brider l'opposition, vous l'imaginez bien.

M. Maurice Leroy.

Bien sûr que non ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

On ne vous a même pas soupçonné de vouloir le faire !

M. le président.

D'ailleurs, si l'on faisait le total du temps de parole de l'opposition depuis le début de la discussion,...

M. Maurice Leroy.

Ce serait intéressant !

M. le président.

... je ne suis pas sûr que l'équilibre apparaîtrait comme parfaitement respecté.

Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est donc à M. Michel Bouvard, inscrit sur l'article 16.

M. Michel Bouvard.

Madame la ministre, l'article 16 du projet de loi institue les schémas multimodaux de services collectifs de transport pour les voyageurs et les marchandises.

A ce moment du débat, je veux, ainsi que nous avons déjà eu l'occasion de le faire, regretter à nouveau la disparition du schéma national d'aménagement du territoire et des schémas directeurs des transports, qui auraient permis d'établir la liste des infrastructures dont le pays a besoin et dont il n'est pas encore doté, ainsi que les priorités de programmation et les moyens de financement.

Vous avez choisi une autre voie, celle du schéma de services collectifs de transport de voyageurs et de marchandises. C'est votre choix. Je ne sais quand ce schéma verra le jour. Qui en décidera ? Le Parlement ne sera pas consulté...

M. Christian Estrosi.

C'est vrai !

M. Michel Bouvard.

... puisque, depuis le début de la discussion de ce texte, vous vous opposez à ce qu'il puisse délibérer sur les schémas de services.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Je m'étonne d'ailleurs que, avant même l'approbation des schémas de services par la loi, le mode de définition de ces schémas ait déjà fait l'objet d'une circulaire du 17 juillet 1998. Cela n'est pas admissible alors qu'il s'agit d'enjeux essentiels pour le pays : qualité du transport collectif pour les voyageurs, qualité du transport des marchandises pour les entreprises, investissements au titre de l'aménagement du territoire pour le désenclavement des parties isolées qu'évoquait tout à l'heure mon collègue Christian Estrosi, investissements au titre de l'environnement, sur lesquels je reviendrai, investissements dans un système de transports qui, déréglementation européenne oblige, conditionne les flux de transports et donc les emplois liés, singulièrement dans les domaines ferroviaire et maritime. C'est à la représentation nationale d'en décider.

Vous feignez, au travers de ces schémas, de mettre en place une politique cohérente des transports que, selon vous, la majorité précédente n'aurait pas menée à bien. Je me dois de rappeler que c'est à l'initiative d'Edouard Balladur et de Bernard Bosson qu'a été approuvé le schéma directeur autoroutier, lequel a été accompagné par la réforme des SEMCA, qui a permis de le financer et de compléter le maillage du territoire.

Je dois aussi rappeler que c'est à l'initiative de Bernard Pons qu'a été commandé à M. Rouvillois un rapport publié en 1996, permettant de mettre fin à l'hérésie du schéma directeur national des liaisons à grande vitesse complètement irréaliste de 3 500 kilomètres, incluant des TGV normand et limousin, et même une prolongation de Bordeaux à Dax du TGV-Aquitaine. Ce schéma fut publié en 1991 sous votre majorité et j'en ai, dans mon rapport budgétaire de 1997, que je tiens à votre disposition, dénoncé l'impossible faisabilité financière.

C'est à Bernard Pons et à Anne-Marie Idrac que nous devons les études lancées sur les TGV pendulaires et la réforme du service de voyageurs en régions, dont chacun, avec la croissance du trafic, se félicite aujourd'hui du caractère positif alors que vous l'avez combattue quand vos amis étaient dans l'opposition.

Aujourd'hui, le Gouvernement nous dit avoir tranché sur le financement du TGV-Est. Mais qu'en sera-t-il du financement et de l'ordre des autres projets : prolongation du TGV-Atlantique avec un contournement du Mans v ers Rennes et Angers, TGV-Rhin-Rhône, TGV-Montpellier-Barcelone, TGV-Lyon-Turin, sans parler du financement de l'indispensable modernisation des infrastructures classiques, dont le ministre des transports a rappelé à juste titre le besoin, insistant également sur le nécessaire équilibre au sein de RFF entre lignes nouvelles et réseau classique ? Au nom du groupe du Rassemblement pour la République, j'ai proposé à la commission des finances de l'Assemblée, lors de la discussion du budget de 1999, et encore dans une question écrite le 18 janvier dernier, que l'on étudie, pour le financement des ces infrastructures, des ressources à long terme, mobilisables notamment auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Je regrette que M. Balligand ne soit pas présent car il a bien voulu avoir sur ce dossier une approche positive.

Madame la ministre, quand comptez-vous ouvrir ce débat au lieu de décider en solitaire de la suppression de telles infrastructures autoroutières ou fluviales ou de décider seule du lancement de tel projet ferroviaire sans cohérence, et en dehors de la représentation nationale ? J'aborderai enfin - rapidement, monsieur le président -, le problème du franchissement des Alpes et des Pyrénées.

L'accroissement régulier des trafics marchandises sur le rail comme sur la route - surtout sur la route -, provoque l'inquiétude légitime des populations.

Le gouvernement précédent a ratifié la convention a lpine accompagnée d'une déclaration interprétative.

Cette convention a pour priorité la protection des Alpes.

Peut-on imposer des exigences environnementales aux communes - je pense à Natura 2000, aux parcs nationaux et aux ZNIEFF - et ne pas, pour les mêmes populations, mettre en oeuvre les infrastructures permettant de faire face au doublement du trafic de marchandises dans les Alpes au cours de la prochaine décennie ? Le trafic transalpin de marchandises a plus que triplé depuis 1970, essentiellement au bénéfice de la route.

Lors de la discussion de la précédente loi d'aménagement du territoire, le gouvernement de l'époque et Patrick Ollier, rapporteur, avaient accepté l'amendement que j'avais déposé et qui prévoyait des modes de transport adaptés dans les secteurs à l'environnement fragile.

La part de marché de la route est en Autriche et en France le double, voire le triple, de celle du rail...

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. le président.

Monsieur Bouvard, pouvez-vous conclure ?

M. Michel Bouvard.

La répartition modale est inverse en Suisse.

Il y a donc urgence à réaliser ce projet ferroviaire essentiel qu'est la liaison Lyon-Turin pour l'environnement, mais aussi pour notre compétitivité économique.

Or nous constatons - et j'en termine, monsieur le président, vous remerciant au passage de votre bienveillance - que le rapport Brossier, publié en mars 1998 et auquel Christian Estrosi a fait référence, constituait un recul incontestable dans la volonté de mettre en oeuvre ce projet, même si ce rapport, commandé par le Gouvernement, n'a pas été entièrement validé par le ministre des transports. Intervenant après le sommet de Chambéry, il marque une orientation différente en s'en remettant à l'incidence des tunnels suisses du Lo tschberg et du Gothard pour engager cet investissement.

C e rapport a d'ailleurs suscité l'inquiétude de l'ensemble des collectivités territoriales du massif alpin départements français, régions et provinces italiennes - qui ont rappelé leur attachement au projet indispensable pour la qualité de l'environnement dans les Alpes tout autant que pour la maîtrise des flux de transport de marchandises au niveau européen au moment de la mise en place des sillons concurrentiels, ainsi que le rappelle d'ailleurs la lettre de la préfecture de région Rhônes-Alpes qui vient d'être publiée.

Madame la ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous dire si ce projet est encore prioritaire, nous préciser la manière dont l'Assemblée nationale sera consultée sur le schéma des transports et comment sera assurée la cohérence de l'ensemble au niveau des financements.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe DL.

M. Jean Proriol.

C'est une évidence, les transports en France - comme partout - sont un secteur clé de l'économie. Or, dans cet article, vous n'y consacrez que cinq lignes, contre cinq pages à l'article 32 - d'où un certain éparpillement législatif.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Sans aller jusqu'à parler d'« égaiement législatif », je vois là une certaine contradiction et bien que ces cinq lignes ne traitent que de la multimodalité, nous voudrions élargir le débat, car les transports, ce n'est pas seulement la multimodalité.

Certes, nous appliquons la loi de 1982, dite LOTI, mais nous devons tenir compte du contexte international marqué par l'inéluctable libéralisation des échanges, qui touche tous les moyens de transport. Toutes nos compagnies de transport, publiques ou privées, sont confrontées à cette compétition.

Nous aimerions mieux connaître la politique sociale du Gouvernement dans ce secteur sensible, où les mouvements sociaux sont très fréquents. Lorsque les personnels d'Air France, de la SNCF, du métro, ou lorsque les camionneurs utilisent légitimement le droit de grève, notre pays peut se retrouver bloqué ! On a d'ailleurs vu le président de la SNCF lui-même prendre un coup de sang et parler de la « gréviculture » de sa société : 20 à 30 %, et parfois même 40 %, nous dit-il, des jours de conflits en France sont le fait de la SNCF.

Trois idées permettent de définir une politique de transport : rechercher l'efficacité, rechercher la sécurité, mais rechercher aussi le confort. Nous ne les trouvons pas dans votre texte.

Nous souffrons actuellement d'une fragmentation des modes de transport, qui rend les liaisons plus difficiles et qui entraîne des coûts économiques, sociaux et environnementaux élevés.

Les transports représentent en France 1 100 milliards de francs, soit 13,5 % de notre PIB et 3,7 millions d'emplois, soit pratiquement 17 % de l'emploi.

Le but d'un schéma de services collectifs en matière de transport, que le texte ne précise pas et sur lequel personne ne s'est expliqué, pourrait être de chercher à dessiner les déplacements et le cadre de vie de nos concitoyens au-delà de l'horizon 2000, de rééquilibrer durablement les modes de transport - peut-être partagez-vous ce point de vue - et de développer les transports collectifs dans les milieux urbains. Rien dans votre texte ne traite de ces orientations et nous aimerions donc vous entendre à ce propos.

Il n'y a rien non plus sur les infrastructures. Comment parler de transport sans parler d'infrastructures ? Il n'y a rien sur les fournitures de services, il n'y a rien sur la création de plates-formes multimodales, et c'est pour cela que nous déposons un amendement dans ce sens. Il n'y a rien non plus sur l'amélioration souhaitable de la qualité des services offerts aux voyageurs et aux entreprises, sur l'impact des nouvelles directives européennes ni sur les réseaux transeuropéens de transport.

Pendant que nous débattons, madame la ministre, nous constatons que la Deutsche Bahn est en train de racheter le port multimodal de Vérone en Italie, ...

M. Michel Bouvard.

En effet !

M. Jean Proriol.

... et que les chemins de fer suisses s'allient avec les chemins de fer italiens et vont vraisemblablement orienter le trafic sur Bâle, qui remontera par le Rhin en contournant la France !

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Et on nous refuse le tunnel dont nous avons besoin !

M. Jean Proriol.

Or ce sont là des enjeux d'aménagement du territoire.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Proriol...

M. Jean Proriol.

Notre collègue Anne-Marie Idrac rapp elait en matière de transports européens : « Plus d'Europe, c'est bon pour le chemin de fer, c'est aussi bon pour les transports à longue distance ». Madame la ministre, nous aurions aimé vous entendre sur ces sujets.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendant, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La la parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour le groupe RCV.

M. Jean-Michel Marchand.

Je voudrais ramener un peu de sérénité dans ce débat et reprendre quelques points.

Premièrement, l'article 16 concerne deux schémas multimodaux de transport et met sur un pied d'égalité les schémas collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises ; cela illustre tout l'intérêt que nous portons au développement multimodal des transports fret.

Deuxièmement, je voudrais rappeler la cohérence qu'il assure entre les schémas de services collectifs - transports et autres - et les schémas régionaux. Donc, je m'étonne quelque peu des remarques de certains de mes collègues.

Troisièmement, et cela me paraît être un élément essentiel, cette cohérence se retrouve entre le rôle des acteurs de terrain, les choix stratégiques et les objectifs qui ont été définis à l'article 1er et à l'article 2.

Quatrièmement, je comprends, que la situation est complètement différente en milieu urbain ou en milieu rural, en milieu suburbain ou presque urbain. Mais les infrastructures dont vous parlez tant ne peuvent être que des outils au service d'un développement que nous souhaitons durable, et non des buts en soi. Notre réflexion doit s'orienter dans ce sens.

Enfin, nous avons tout intérêt à ne pas reprendre comme vous le faites, mes chers collègues, à chaque fois, le débat à la base, d'autantque nous avons admis tous ensemble que les schémas de services collectifs représentent une avancée non négligeable, tout comme leur cohésion et leurs rapports avec les schémas de services régionaux.

Ces schémas, comme les autres qui vont suivre, méritent non pas qu'on les supprime, mais qu'on réfléchisse à leur mise en oeuvre.

Rappels au règlement

M. François Sauvadet.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet.

Mon rappel au règlement concerne l'organisation de nos débats. Je l'avais d'ailleurs dit en début de séance, nous sommes là pour débattre d'un texte dont nous mesurons les uns et les autres l'importance. Vous-même, madame la ministre, l'avez souligné, engageant d'ailleurs le Gouvernement tout entier en vous exprimant au titre des divers ministres concernés.

C'est dire si ce qui concerne les transports et les infrastructures constitue un sujet essentiel.

Je m'étonne donc, monsieur le président - mais je ne veux faire de procès d'intention à personne -, que vous réorganisiez des débats avant l'examen des amendements, au moment précis où nous en arrivons aux infrastructures, qui sont un des aspects essentiels de la politique d'aménagement et de développement du territoire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

A maintes reprises, certains membres de l'opposition, M. Bouvard, M. Bussereau, Mme Idrac et d'autres ont demandé un débat sur les transports. Aujourd'hui que nous parlons de l'aménagement du territoire, nous abordons les transports. Nous voulons donc nous exprimer.

Nous ne sommes pas là pour prolonger les débats, mais pour remplir notre rôle de parlementaire auquel nous sommes très attachés.

J'observe au demeurant que sur l'article additionnel qui a été déposé par le Gouvernement - dans des procédures sur lesquelles je ne reviendrai pas -, nous avons pu avancer, par voie d'amendements, ou plutôt de sous-amendements, au gré de la discussion parlementaire que le viceprésident Cochet a laissée s'instaurer. Et je remarque que si vous les avez refusés, d'autres les ont acceptés.

Je souhaite donc, monsieur le président, que vous preniez acte de la discussion et de la qualité des débats. Tout en comprenant votre volonté - que nous partageons d'avancer dans les débats, je vous demande encore une fois de laisser à chacun le soin de s'exprimer.

M. le président.

Monsieur Sauvadet, il vous appartient de vous exprimer et il m'appartient de diriger les débats.

Je tiens à vous rappeler que les dispositions réglementaires qui s'appliquent à tous, à vous comme à la majorité, comme à la présidence, prévoient - à l'article 57 - que le président peut prononcer la clôture de la discussion s'il estime que l'Assemblée est suffisamment informée sur un sujet.

J'ai donné la parole à un représentant de chacun des groupes parlementaires sur l'article 16, sur lequel trentehuit amendements ont par ailleurs été déposés. Chacun pourra s'exprimer. Je n'ai pas l'intention d'empêcher la discussion d'avoir lieu. Mais il arrive un moment où il faut savoir arrêter celle-ci pour aller à l'essentiel...

Mme Michèle Alliot-Marie.

Vous l'avez dit au début de l'article !

M. le président.

Je souhaite que nous avancions.

M. Patrick Ollier.

On perd du temps !

M. le président.

Effectivement, on perd du temps pour rien.

Avant d'en venir à l'examen des amendements, je donne la parole à M. Yves Coussain, qui m'a demandé la parole pour un rappel au règlement.

M. Yves Coussain.

Monsieur le président, je vous demande, après avoir consulté les membres de mon groupe, un quart d'heure de suspension de séance. Les conditions de ce débat ayant changé, il convient que nous nous organisions.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pour faire baisser un peu la tension, peut-être pourrais-je présenter brièvement cet article.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Il y a une demande de suspension, monsieur le président !

M. le président.

Le Gouvernement intervient quand il le veut ! Mme la ministre a la parole.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Sans doute aurez-vous plus de mal, ensuite, à dire que le Gouvernement refuse le débat, car ce n'est pas le cas...

L'article 16 du projet de loi institue deux schémas multimodaux de services de transport : l'un pour les voyageurs, l'autre pour les marchandises. La définition précise de leur contenu est prévue à l'article 32 de mon projet, qui modifie l'article 14-1 de la loi d'orientation des transports intérieurs.

L'article 16 introduit quatre modifications substantielles par rapport aux pratiques antérieures de la planification des transports et aux dispositions de la loi de 1995. Il institue deux schémas multimodaux de transport, qui se substitueront aux cinq schémas sectoriels prévus par la loi de 1995 et qui seront bien, monsieur Deprez, des schémas nationaux avec lesquels les schémas régionaux devront être compatibles, comme nous l'avons voté à l'article 5.

Cet article met l'accent sur l'élaboration de schémas multimodaux de transport, qu'il s'agisse des voyageurs ou des marchandises. Bien sûr, la loi de 1995 mentionnait la nécessité d'une approche multimodale. Mais elle le faisait après avoir précisé, d'une façon que l'on peut qualifier de technocratique, (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) des objectifs quantitatifs franchement irréalistes...

M. Yves Deniaud.

Tout a été décidé au Parlement ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... et avant de définir de façon précise cinq schémas sectoriels qui obéissaient à leur propre logique, sans que rien ne soit dit de la cohérence entre ces schémas.

C'est pourquoi cette mention est restée lettre morte.

Les schémas prévus n'ont pas été révisés, alors qu'ils devaient l'être sous dix-huit mois. En revanche, pendant la période de vingt-neuf mois qui a suivi l'adoption de la loi jusqu'à la dissolution d'avril 1997, les gouvernements d'Edouard Balladur puis d'Alain Juppé ont annoncé, au coup par coup, l'inscription au futur schéma routier d'une demi-douzaine d'autoroutes concédées. (Prostestations sur les mêmes bancs) ...

M. Michel Bouvard.

Ce n'était pas au coup par coup ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... totalisant plus de 600 kilomètres de voirie. Le Gouvernement a voulu rompre avec cette façon de faire, qui n'assurait pas la cohérence nécessaire.

M. Michel Terrot.

C'est très tendancieux ! Mme la ministre de l'aménagement d'un territoire et de l'environnement.

Ces décisions avaient été prises en méconnaissance complète des dispositions européennes qui interdisent la poursuite du recours à l'adossement des contrats d'infrastructures, laquelle ne permet pas une véritable concurrence. Le Gouvernement a d'ailleurs dû lancer une nouvelle consultation sur la mise en concession de l'A 86 Ouest, suite à une annulation par le Conseil d'Etat pour non-respect de ces dispositions.

C'est donc la méthode de planification dans ce domaine qui devait être redéfinie. L'approche sectorielle des transports conduit à additionner, par exemple, sur le même trajet Paris-Lille, trois autoroutes : l'A 1, l'A 16, l'A 24, le canal Seine-Nord, une voie de TGV, un axe de ferroutage - et j'en oublie sans doute -, sans que la complémentarité entre ces infrastructures ait été réfléch ie et organisée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Une approche multimodale des transports consiste à penser la complémentarité, à réfléchir à une tarification intégrée entre les différents moyens de transport, à réflé chir à la cohérence entre la fréquence des différents moyens, etc.

Le rapport remis par M. Daubresse au gouvernement précédent mettait en évidence les insuffisances de la planification des transports pratiquée jusqu'à ce jour. Il conclut à la nécessité de prévoir un sixième schéma, celu i des plates formes multimodales et du transport combiné, pour rendre cohérentes les démarches engagées autour des schémas sectoriels.

Le Gouvernement a tiré toutes les conclusions de ces propositions en prévoyant les deux schémas multimodaux dont j'ai parlé. Ces schémas s'appuieront sur une évaluation approfondie des besoins de transport et des différents moyens d'y répondre.

Qu'attendent les citoyens de nous, de vous ? C'est la question qu'a posée M. Deprez. Il y a bien dix façons d'y répondre, mais nous avons souhaité, avec l'aide de la DATAR, approfondir cette question. Je tiens à votre disposition un travail réalisé en octobre 1997, à partir de la consultation des Français sur leurs attentes en matière d'aménagement du territoire.

On demandait aux personnes interrogées de dire si elles jugeaient prioritaire, important mais pas prioritaire, ou secondaire tel ou tel axe de la politique d'aménagement du territoire.

Les Français ont classé en première position la réorientation du trafic des marchandises de la route vers le rail ou les voies naviagables, le développement d'établissements d'enseignement supérieur dans les villes moyennes et la diminution du nombre d'étudiants dans les grandes villes, le développement de grandes villes autres que Paris, etc., et, en toute dernière position, avec un soutien presque trois fois moindre que pour la réorientation du trafic des marchandises, l'accroissement du réseau ferroviaire TGV et du réseau routier et autoroutier. Donc, gardons-nous de trancher de façon définitive sur ce qu'attendent les Français.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Deniaud.

Si on reposait les mêmes questions, on obtiendrait d'autres réponses ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Du calme...

M. le président.

Gardez effectivement votre calme, mes chers collègues ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est un élément à verser au débat.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Ce qui prouve bien qu'il faut qu'il y ait débat ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les schémas s'appuieront donc sur une évaluation des besoins de transport.

La loi est aussi l'occasion de mettre en cohérence et de compléter les dispositions qui résultent de la loi d'orientation des transports intérieurs, auxquelles se sont ajoutées celles de 1995. C'est l'objet de nombreux articles de ce projet de loi - les articles 28, 29, 30, 31, 32 et 33.

Monsieur Proriol, vous avez déploré que seules quelques lignes soient consacrées au schéma de services collectifs. Il nous a en effet semblé logique et plus lisible d'enrichir la loi d'orientation des transports intérieurs, et non de segmenter cette approche dans différents textes de loi.

Avec la LOTI, le gouvernement de l'époque, en 1984, avait défini, avec l'accord du Parlement, des dispositions qui ont permis de moderniser nos infrastructures et d'améliorer la qualité du service rendu. Il faut aller plus loin et adapter nos méthodes de travail et de planification à de nouvelles exigences.

M. François Sauvadet.

Avec le Parlement ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La LOTI est une excellente loi. A nous de la mettre en oeuvre et de tirer toutes les conclusions de ce qui s'est passé depuis quinze ans.

M. Michel Bouvard.

Il faut aussi la mettre à jour ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Deprez, vous avez également dit que c'est l'infrastructure qui permet le service. Biens ûr, sans infrastructure, pas de service. Cependant, soyons-en conscients, la tradition française conduit toujours à répondre à chaque problème de desserte par une augmentation de l'offre d'infrastructure avant d'optimiser l'usage de l'existant. Je souhaite que nous apportions la plus grande attention à l'amélioration du service rendu, qui ne dépend pas seulement de la qualité de l'équipement mais aussi de l'amélioration de la fréquence, de la régularité, du matériel, des tarifs, du confort, de la sécurité, qui conduit aussi à penser les diminutions de rupture de charge entre les modes. C'est ce que fait, par exemple, la SNCF quand elle met en place des corridors prioritaires de fret marchandises à travers le territoire.

Le Gouvernement serait-il hostile à la création d'infrastructures nouvelles ? Que non, mesdames et messieurs les parlementaires !

M. Yves Deniaud.

Prouvez-le ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mais cela ne veut pas dire que l'on fasse tout et n'importe quoi, ...

M. Yves Deniaud.

Précisément ! On fait n'importe quoi en ce moment ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... ni qu'on décide en dehors d'un effort global et cohérent de planification ! L'article 32 prévoit explicitement la création d'infrastructures nouvelles. Les schémas de services collectifs ne resteront pas à l'état de discours désincarnés ; des cartes sont prévues.

Puisqu'il a été question de quelques dossiers précis sur lesquels nous aurons sans doute l'occasion de revenir, je tiens à souligner que, comme M. Bouvard l'a dit - tel est aussi l'avis de Jean-Claude Gayssot -, il est indispensable de donner priorité à des projets ferroviaires innovants pour le transit à travers les Alpes et les Pyrénées. Toutefois, monsieur Bouvard, vous connaissez comme moi les termes du problème : la liaison Lyon-Turin, dans sa définition actuelle, coûterait près de 70 milliards de francs.

Nous serions certes heureux de disposer de l'argent nécessaire pour financer cette infrastructure.

M. Michel Bouvard.

Les Suisses l'ont, eux ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cela étant le rapport Brossier ne constitue pas un recul.

M. Michel Bouvard.

On ne peut pas dire non plus qu'il soit une avancée !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il essaie seulement de rationaliser les choix et d'engager la discussion sur des hypothèses qui pourraient être aussi efficaces en termes de services rendus, tout en permettant un meilleur phasage des investissements et la maîtrise de la dépense publique, ambition que vous partagez.

Je veux également évoquer le triplement des voies entre Cannes et Nice, bien que M. Estrosi ne soit plus là pour m'entendre. Il semble pourtant aimer le débat.

M. Michel Bouvard.

Il va revenir ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je vous rappelle donc que ce triplement, retenu au CIADT du 15 décembre, est l'une des propositions prioritaires du Gouvernement inscrite au prochain contrat de plan.

M. le président.

Que l'on ne vienne pas me dire que le débat n'aura pas été complet sur cet article 16.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mes chers collègues, cela suffit. Je vais donner la parole à M. le président de la commission, puis je suspendrai la séance.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

Ce n'est pas croyable !

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Je voulais précisément m'exprimer sur le déroulement du débat.

Nous avons très sérieusement travaillé sur ce texte en commission puisque nous avons consacré près de trente heures à son examen. Le débat sur ce projet de loi dure depuis plusieurs jours. J'ai même déclaré en conférence des présidents - M. Ollier était présent - que, si les discours étaient, à mon avis, trop répétitifs, il n'y avait pas d'obstruction systématique et avérée.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Monsieur Ollier, je suis en train de changer d'avis. Les rappels au règlement répétitifs s'additionnent. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous en prie ! Je n'ai interrompu aucun d'entre vous et je n'ai pas usé de mon droit de président pour ajouter au verbiage dans cette assemblée. Alors, n'en rajoutez pas ! Je considère donc, ajourd'hui, qu'il y a un début d'obstruction.

M. Maurice Leroy.

C'est faux !

M. Patrick Ollier.

Après trois semaines !

M. André Lajoinie.

président de la commisison.

Je veux donc alerter l'Assemblée et vous mettre en garde sur l'image que nous donnons au pays.

(Rires et exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Oui ! Ne croyez pas que nous ne sommes pas regardés et que vous échappez au jugement des Françaises et des Français.

(Rires et exclamation sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous sommes sous les yeux des Français, Dieu merci.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Les Français voulent se faire entendre ! Ce n'est pas vous qui exprimez leur point de vue !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Madame, laissez-moi parler. Je ne vous ai pas interrompue.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du RPR.)

M. Patrick Ollier.

Elle n'a encore rien dit !

M. André Lajoinie, président de la commission.

Je vous mets donc en garde contre tout projet d'obstruction, car j'ai décelé quelques arrière-pensées d'empêcher que ce projet de loi soit adopté avant les vacances parlementaires, car notre ordre du jour est très chargé.

M. Patrick Ollier.

C'est absolument faux, monsieur le

président

!

M. André Lajoinie, président de la commission.

Si tel était le cas, vous auriez porté un mauvais coup à l'image de notre assemblée parlementaire. C'est tout ce que je voulais dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Lamy.

C'est un procès d'intention !

M. Patrick Ollier.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Non ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Une suspension de séance a été demandée. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

Nous en arrivons aux amendements à l'article 16.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 170 et 409.

L'amendement no 170 est présenté par M. Ollier et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ; l'amendement no 409 est présenté par MM. Chab ert, Deniaud, Estrosi, Fromion, Martin-Lalande et Quentin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 16. »

La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l'amendement no 170.

M. Patrick Ollier.

Je souhaite défendre cet amendement de suppression pour développer des arguments qui ont, certes, été déjà avancés, mais qu'il faut répéter car, malheureusement, nous n'avons pas obtenu les réponses attendues.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Madame la ministre, la disposition que vous proposez pour les services de transport de voyageurs et pour les services de transports de marchandises est trop large ou pas assez. Telle qu'elle est présentée, elle laisse à penser que nombre de dispositions pourraient être prises dans le cadre de ces schémas. Vous en avez d'ailleurs donné des exemples. Cependant, l'absence du Parlement tant dans l'élaboration des schémas que dans les décisions les concernant laisse planer trop d'incertitudes et nous inspire trop d'inquiétudes.

Vous avez rappelé les cinq schémas prévus par la loi de 1995. Or le schéma directeur routier national, le schéma directeur des voies navigables, le schéma des ports maritimes, le schéma des réseaux ferroviaires et le schéma des i nfrastructures aéroportuaires, déclinés et expliqués, constituaient un ensemble important et précis. Il permettait même d'envisager très sérieusement l'organisation des transports multimodaux sur l'ensemble du territoire. Je regrette donc que vous ayez jugé opportun de les supprimer pour les remplacer par la disposition que vous présentez et qui me semble largement insuffisante.

Quant au texte que nous avions fait adopter dans l'article 17 de la loi de 1995 : « Ces schémas veillent notamment à poursuivre l'amélioration de l'accessibilité à toute partie du territoire français, particulièrement dans les zones d'accès difficiles », je peux vous assurer qu'il n'est nullement technocratique, contrairement à ce que vous avez affirmé tout à l'heure. Les auteurs de cet amendement étaient, en effet, des députés de circonscription de montagne comme M. Bouvard, M. Coussain, M. Meylan et moi-même.

Mme Sylvia Bassot.

Pas seulement !

M. Kofi Yamgnane.

Les autres aussi !

M. Patrick Ollier.

Je ne vais pas tous les citer.

Monsieur Yamgnane, vous n'étiez pas député à cette époque.

M. le président.

Poursuivez, monsieur Ollier. Ne vous laissez pas distraire.

M. Patrick Ollier.

Cet amendement n'avait donc rien de technocratique. Il fallait que la loi affiche cet objectif, car nous savons pertinemment que les logiques économ iques, financières, voire administratives, conduisent malheureusement à « oublier » systématiquement de régler les problèmes de ces départements d'accès difficile. D'ailleurs, les perspectives de ces départements sont relativement limitées.

Pour répondre à votre argument selon lequel nous avions simplement prévu une approche multimodale, je vous rappelle, madame, que nous avons créé le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables - le FITTVN - en prévoyant, notamment, d'une manière très précise, qu'il lui appartiendrait de procéder aux études destinées à mettre en place le système de transports multimodaux. Cela était écrit noir sur blanc.

Qu'avez-vous fait depuis deux ans, ...

M. Maurice Leroy.

Rien !

M. Patrick Ollier.

... M. le ministre de l'équiement, des transports et du logement, vous-même et les autres responsables du Gouvernement pour utiliser les crédits de ce fonds afin de lancer les études nécessaires pour préparer cette multimodalité ? Rien, hélas ! Non seulement vous n'avez rien fait, mais la loi de finances pour 1999 a transformé le FITTVN de telle sorte qu'il ne puisse plus rendre les services pour lesquels il avait été créé.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Patrick Ollier.

Comprenez donc que nous soyons inquiets et que la réduction de l'ensemble des schémas que nous avions prévus aux seuls schémas de services collectifs multimodaux nous préoccupe.

J'en prends pour exemple la suppression brutale, dans mon département, de la A 51, la liaison Marseille-Grenoble.

De même, alors que nous militons depuis longtemps pour la réalisation d'un tunnel ferroviaire sous le col de Montgenèvre, nous n'avons toujours aucune réponse du Gouvernement. Chaque fois que nous nous tournons vers le ministère des transports, on nous répond que le projet est à l'étude ; mais il l'est depuis des années ! Pensez-vous que votre schéma vous permettra d'apporter les réponses que nous souhaitons ? Je crains que ce ne soit le contraire. Au vu des inquiétudes nées du bouclage de la convention alpine - M. Michel Bouvard les a exprimées -, nous avons toutes les raisons de penser que votre article 16 est insuffisant.

Nous sommes favorables au transport multimodal, car nous voulons mettre fin à la folie que constitue la traversée de nos massifs montagneux, notamment du massif alpin, par des norias de camions. Toutefois, nous ne pensons pas que la manière dont vous abordez le problème soit responsable et positive. Nous regrettons la disparition des schémas que nous avions prévus, qui étaient complémentaires, qui s'appuyaient les uns sur les autres pour mailler le territoire, y compris dans la perspective d'une organisation européenne des transports. Nous pensons que notre approche était bien meilleure que celle que vous proposez.

Voilà pourquoi nous proposons un amendement de suppression de l'article 16, pour en revenir aux dispositions de la loi Pasqua.

M. le président.

J'imagine que l'argumentation sur l'amendement no 409 est identique puisque l'exposé des motifs est le même, à la virgule près.

M. Yves Deniaud.

Je tiens à le défendre.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Je serai bref, car je ne vais pas reprendre les arguments développés par mon collègue Patrick Ollier. Je tiens cependant à insister sur le fait que les dispositions de la loi Pasqua n'étaient pas irréalistes, contrairement à ce qui a été prétendu, en ce qu'elles prévoyaient que, en 2015, aucun point du territoire ne devrait être à plus de 50 kilomètres d'une autoroute, d'une route à deux fois deux voies ou d'une gare de TGV. Cela traduisait clairement notre volonté d'imposer une contrainte à l'action de tous les gouvernements jusqu'à cette échéance, quant à la réalisation du schéma rou tier et autoroutier national et du schéma national des TGV.

Le texte laissait néanmoins toute latitude à l'Etat de programmer la réalisation des travaux en fonction des priorités définies et de choisir entre une autoroute, une route à deux fois deux voies ou une ligne de chemin de fer à grande vitesse.

Or cette contrainte démocratique, puisque résultant d'un vote du Parlement, et la réalisation d'un schéma national vont disparaître. Dans ces conditions - la tendance est évidente depuis l'ouverture de la discussion - le Gouvernement, autant dire les administrations, décidera


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

seul de l'opportunité de réaliser des infrastructures sans que cela corresponde à une contrainte définie démocratiquement par le Parlement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

La commission les a repoussés.

En effet, elle ne se situe pas dans la logique de leurs auteurs et adhère à la mise en oeuvre des deux schémas de services, pour le transport des voyageurs et pour le fret.

Elle approuve également les principes qui président à l'élaboration de ces schémas : partir des besoins des usagers, évaluer les avantages et les inconvénients des différents modes de transport, rechercher la solution la plus économe pour les deniers publics.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable aux amendements.

Je me contente d'ajouter à mon intervention sur l'article que, si l'article 17 de la loi du 4 février 1995 apportait un soutien général à l'approche multimodale, cette mention figurait dans une phrase à caractère très général, au cinquième alinéa de l'article 17, alors que, dès le premier alinéa, des modalités extrêmement contraignantes étaient édictées pour les autoroutes, pour les routes à deux fois deux voies et pour les TGV, sans aucune prise en compte de la dimension intermodale.

Vous ne m'en voudrez pas, monsieur le député, de répéter que je considère qu'il est irréaliste, du point de vue tant des politiques que des finances publiques, d'affirmer qu'en 2015, il aurait été possible qu'aucune partie du territoire français ne soit située à plus de cinquante kilomètres d'une autoroute, d'une voie expresse ou d'une gare de TGV.

Il me paraît tout aussi irréaliste d'affirmer - cela figure dans l'article 18 de la loi de 1995 - que « le schéma directeur routier national définit les grands axes du réseau autoroutier et routier national dans un objectif de desserte équilibrée et de désenclavement de l'ensemble du territoire, quels que soient les trafics constatés. » Com-

ment, en effet, s'abstraire du contexte économique dans lequel nous évoluons ? Dans l'article 32 comme dans l'article 29, nous aurons l'occasion de redéfinir les moyens que nous nous donnerons pour faciliter la desserte des territoires faiblement peuplés. Ce débat pourra donc être utilement complété ultérieurement.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

La loi de 1995 prévoyait, sous l'intitulé « Des schémas relatifs aux infrastructures de transport », cinq schémas sectoriels : un schéma directeur routier national, un schéma directeur des voies navigables, un schéma du réseau ferroviaire, un schéma des ports maritimes et un schéma des infrastructures aéroportuaires.

Elle fixait aussi comme objectif pour 2015 la proximité de chaque point du territoire d'une autouroute, d'une voie expresse ou d'un réseau ferroviaire à grande vitesse.

On sait très bien, vous l'avez rappelé, qu'une volonté économique sous-tend la réalisation de ces infrastructures.

Je veux appeler votre attention, madame la ministre, sur l'impact économique que représente le développement de voies autour desquelles peut se concentrer l'activité.

Depuis la Haute Antiquité, celle-ci s'est toujours développée autour des voies de circulation.

Je me demande quel est votre objectif à travers le schéma multimodal de services de transports. Ce qui, en toutes circonstances, doit nous guider, dans l'examen d'un tel texte, ce sont les besoins des habitants. Vous nous opposez l'inapplicabilité des schémas sectoriels définis par la loi de 1995. Je vous oppose l'inapplicabilité d'un schéma multimodal de services de transport là où précisément manque l'essentiel, à savoir les infrastructures : je parle des liaisons Est-Ouest, des contournements d'agglomérations par des rocades, bref de tous les équipements qui nous font défaut.

J'observe que vous avez remis en cause certains d'entre eux, notamment la liaison fluviale Rhin-Rhône, sans qu'il y ait eu le moindre débat à l'Assemblée nationale. En effet, ce n'est qu'au détour du texte sur l'aménagement du territoire que vous allez laisser en face du canal RhinRhône à grand gabarit une colonne blanche qui symbolise bien votre ambition en matière d'infrastructures. En tout cas, je ne voudrais pas que ce soit une caractéristique de votre texte.

Ce qu'il faut, madame la ministre, pour rendre applicable une ambition d'équipement, c'est tout simplement définir un calendrier qui tienne compte de nos possibilités financières et de celles des pays avec lesquels nous pouvons prévoir la réalisation de certains équipements en partenariat. A ce sujet, je vous rends très attentive, madame la ministre, aux déclarations de nos amis suisses qui sont prêts à participer à la réalisation de liaisons plus rapides avec notre pays.

M. Michel Bouvard.

Ils ont des sous et une volonté politique, eux !

M. François Sauvadet.

Donc, ce que nous attendons de vous, c'est la définition d'un calendrier et la manifestation d'une ambition d'équipement et d'infrastructures. Si, sous couvert de préoccupations environnementales que, au demeurant, nous partageons, vous en arriviez, en privilégiant l'approche multimodale, à rompre avec une tradition d'équipement qui est une nécessité impérieuse dans notre pays - qui est un grand pays à nul autre comparable par sa dimension et ses espaces ruraux, mais dont il ne faut pas méconnaître la fragilité -, je crois que vous ne seriez pas suivie. M. le président de la commission en a appelé aux Français. Vous ne seriez pas suivie par ceux qui attendent précisément de l'Etat des conditions de circulation qui répondent à leurs besoins légitimes.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul.

Contrairement à ce qu'a dit à l'instant M. Ollier, je crois à la logique des schémas de services de transport de voyageurs et de marchandises. Je trouve d'ailleurs un peu pathétique la défense par l'opposition de la loi de 1995, qui, malheureusement, n'a pas été appliquée...

Mme Michèle Alliot-Marie.

Si...

M. Jean-Jacques Filleul.

... et qui l'aurait été difficilement avec la définition des schémas sectoriels de transport, vous le savez bien mesdames, messieurs de l'opposition.

M. Michel Bouvard.

Nous n'avons pas de leçons à recevoir de ceux qui ont fait le schéma TGV de 1991 !

M. Patrick Ollier.

Là où il y a une volonté, il y a un chemin, monsieur Filleul !

M. Jean-Jacques Filleul.

Je ne comprends pas que nos collègues de l'opposition n'en tiennent pas compte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

Une logique nouvelle est proposée, qui est intéressante.

Les schémas s'inscrivent résolument dans la multimodalité. C'est très important. C'est elle qui va leur donner un vrai ciment.

M. Patrick Ollier.

Nous ne sommes pas contre !

M. Jean-Jacques Filleul.

Les schémas de services de transport de voyageurs et de marchandises sont, à mon avis, indispensables pour un aménagement compréhensible du territoire, ce à quoi, je pense, vous êtes attentif.

Le territoire national, ne l'oublions pas, est maillé par des schémas régionaux. Nous voyons ainsi l'intérêt du dispositif qui nous est proposé.

J'ajoute qu'on peut parler de la multimodalité sur différents modes mais, quand on voit qu'un certain nombre de voies ferrées sont accolées à des autoroutes, on se demande si cette multimodalité dont on a tant parlé a vraiment servi.

Je crois véritablement que les schémas de services de transport vont donner un nouvel élan à la réflexion sur les infrastructures. Et c'est très important.

C'est pourquoi, monsieur le président, je souhaite que l'article 16 ne soit pas supprimé et que le débat se poursuive.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 170 et 409.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de six amendements, nos 457, 981, 602, 1068, 971 et 1064, qui, malgré la place, peuvent être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 457 et 981 sont identiques.

L'amendement no 457 est présenté par M. Inchauspé ; l'amendement no 981 est présenté par M. Maurice Leroy.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Compléter l'article 16 par le paragraphe suivant :

« III. Il est inséré, après l'article 19 de la loi du 4 février 1995, un article 19 bis ainsi rédigé :

« Art. 19 bis. Les zones rurales les plus fragiles de notre territoire doivent être desservies dans des conditions permettant de favoriser leur développement économique.

« En 2015, aucune partie du territoire français ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou de q uarante-cinq minutes d'automobile, soit d'une autoroute ou d'une route expresse à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse ».

L'amendement no 602, présenté par M. Lenoir, est ainsi libellé :

« Après le I de l'article 16, insérer le paragraphe suivant :

« I bis. Il est inséré, avant l'article 19 de la loi du 4 février 1995 un article 19 A ainsi rédigé :

« Art. 19 A. En 2015, aucune partie du territoire français métropolitain ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile d'une autoroute ou d'une route expresse à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse. »

L'amendement no 1068, présenté par M. Proriol, est ainsi rédigé :

« Après le I de l'article 16, insérer l'alinéa suivant :

« En 2015, aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située à plus cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route expresse à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse. »

Les amendements nos 871 et 1064 sont identiques.

L'amendement no 871 est présenté par MM. Bouvard, Chabert, Deniaud, Dupont, Estrosi, Fromion, MartinLalande et Quentin ; l'amendement no 1064, est présenté par M. Ollier et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production.

Ces amendements sont ainsi régigés :

« Compléter le paragraphe II de l'article 16 par l'alinéa suivant :

« En 2015, aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile, soit d'une autoroute ou d'une route expresse à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse. »

La parole est à M. Michel Inchauspé, pour soutenir l'amendement no 457.

M. Michel Inchauspé.

Madame la ministre, je voudrais apporter un élément nouveau dans la discussion. Vous dites que les dispositions prévues à l'article 17 de la loi de 1995 sont irréalistes.

Vous estimez que les zones rurales ne pourront être sauvées que si elles sont en convergence avec les agglomérations. Mais comment pourront-elles l'être si vous ne prévoyez pas de liaisons rapides permettant aux ruraux d'aller en toute sécurité à la ville et d'en revenir ? L'article 17 de la loi de 1995 visait cet objectif. De telles infrastructures existent dans d'autres pays. Aux EtatsUnis, par exemple, la ville de Los Angeles s'étale sur deux cents kilomètres grâce à des autoroutes nombreuses.

L'article 17 de la loi de 1995 prévoyait également un schéma du réseau ferroviaire. Dans une approche multimodale, on ne doit pas s'orienter vers le tout routier.

Comment voulez-vous que les gens restent à la campagne s'ils n'ont pas la possibilité d'aller, en toute sécurité et rapidement, à la ville ? Il faut en particulier leur permettre d'aller y travailler.

Les pouvoirs publics doivent avoir la volonté de conduire cette politique de désenclavement par le développement des transports en faveur des zones rurales, et notamment des zones de revitalisation rurale. Trop éloignées des grands axes de transport, celles-ci voient leur développement économique freiné, voire entravé.

Permettez-moi, monsieur le président, une dernière remarque. Les Alpins ont beaucoup parlé des mesures t ransfrontalières. Souffrez que les Pyrénéens fassent entendre leur voix.

Grâce à M. Augustin Bonrepaux, votre projet de loi a été légèrement modifié. Vous interdisiez pratiquement toute possibilité d'ouverture routière nouvelle dans les Alpes et les Pyrénées.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pur fantasme !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

M. Michel Inchauspé.

Mais vous avez mis un bémol.

Je vous signale au passage que le développement transfrontalier des Pyrénées est supérieur à celui des Alpes.

Si nous ne faisons rien, il se produira, selon le terme employé par un professeur de Toulouse, un phénomène de « percolation », c'est-à-dire de circulation sous l'effet de la pression, comme au travers d'un percolateur. Le transport de marchandises ne se résume pas à un problème de prix. Il demande une exactitude dans la livraison de celles-ci. Donc, si nous ne faisons rien, tous les petits passages transfrontaliers seront envahis par les camions qui délaisseront les autoroutes pour passer par nos petits villages parce qu'ils seront sûrs de livrer leurs marchandises dans un délai précis. Nous irions alors à l'encontre du but poursuivi et nous risquerions de provoquer un engorgement de nos villages.

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy, pour défendre l'amendement no 981 - dont je note, au demeurant, que l'exposé sommaire est absolument identique à celui de l'amendement no 457.

M. Maurice Leroy.

J'ai bien pris note que la commission de la production avait décidé, dans sa majorité, d'adopter l'article 16 sans aucune modification.

Or, mes collègues et moi-même tenons à avoir sur cet article le même débat que celui que nous avons eu sur l'article concernant La Poste, car il a été fructueux et a permis de faire progresser les choses, pas moins de trois sous-amendements tenant compte de nos interrogations ayant été adoptés. Nous ne désespérons donc pas de faire également progresser le débat sur la question importante des schémas de services de transport de voyageurs et de marchandises.

V ous avez écrit, dans votre rapport, monsieur Duron : « Le projet de loi s'attache à définir les services de transport tels qu'ils résultent des besoins effectifs. »

Vous avez reconnu que « par rapport aux dispositions existantes, le projet de loi privilégie également une approche dite multimodale dans la chaîne de transport, même si cette notion n'était pas absente de la loi du 4 février 1995 ». Afin de ne pas trahir votre pensée, j'ai fidèlement cité un paragraphe de la page 138 de votre rapport. Enfin, vous indiquez vouloir plutôt « raisonner en termes d'offre globale de transport ».

Nous ne contestons rien de tout cela, monsieur le rapporteur, mais, comme mon collègue Inchauspé vient de l'expliquer il y a un instant, nous ne pouvons concevoir le développement des territoires ruraux les plus fragiles sur le modèle du développement urbain en matière de schéma de transport.

Nous vous demandons, madame la ministre, de tenir compte de l'identité propre des zones rurales. Elles ne sauraient avoir pour seule vocation de devenir des zones de conservation et de maintien des espaces urbains. Votre projet ne contient aucune disposition permettant de donner un cadre global au développement des zones de revitalisation rurale.

Voilà pourquoi, mes collègues Patrick Ollier, Yves Coussain, Jean Proriol, Eric Doligé et moi-même, après avoir demandé la suppression de l'article 16, demandons maintenant sa modification.

Nous considérons absolument indispensable de fixer de façon précise les perspectives à long terme d'une desserte équilibrée et équitable du territoire, faute de quoi votre schéma restera trop flou. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir et, à ce moment-là, nous ressortirons les déclarations des uns et des autres.

Oui, la loi Pasqua du 4 février 1995 a eu raison d'afficher des objectifs ambitieux en matière de désenclavement du territoire. Je suis frappé, madame la ministre, par le défaitisme dont vous avez fait preuve quand vous avez répondu à notre excellent collègue Patrick Ollier. Vous ne cessez, depuis le début de notre discussion, à chaque fois que se présente une difficulté, de prendre prétexte, à la manière du pompier pyromane, de ce que les dotations n'aient pas pu être employées pour proposer leur suppression.

C'est trop facile ! Ayez un peu plus d'ambition, madame la ministre ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je crois rêver. Nous avons doublé le FITTVN !

Mme Monique Denise et Mme Nicole Feidt.

Quel donneur de leçons !

M. Jean-Paul Mariot.

Monsieur le président, nous sommes suffisamment renseignés !

M. Maurice Leroy.

Pour désenclaver notre territoire, nous proposons de conserver l'ambition affichée au premier alinéa de l'article 17 de la loi Pasqua en la réintroduisant dans l'article. Tel est l'objet de l'amendement no 981. Ne pas affirmer l'objectif d'une vraie politique de désenclavement grâce au développement des transports reviendrait à freiner l'essor économique des zones rurales.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour défendre l'amendement no 602.

M. Jean-Claude Lenoir.

Dans le souci de ne pas prolonger le débat, je ne reprendrai pas les arguments qui ont été excellemment exposés par plusieurs de mes collègues et je veillerai à ce que mon intervention fût compendieuse.

Qu'il me soit permis de dire que la loi Pasqua avait un très grand mérite : elle affichait une volonté, elle fixait une très grande ambition, à savoir permettre à tout citoyen français d'être à une distance raisonnable d'une autoroute, d'une route express ou d'un réseau ferroviaire à grande vitesse. Elle avait suscité, pour nous, représentants des zones rurales, un immense espoir parce qu'elle témoignait de la volonté des pouvoirs publics de parvenir à un vrai équilibre entre toutes les parties du territoire.

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Jean-Claude Lenoir.

En y renonçant aujourd'hui, vous sonnez le glas de nos espérances. Je le regrette et je souhaiterais que notre assemblée acceptât de revoir la copie du Gouvernement en réintroduisant l'alinéa dont il est question dans mon amendement.

Permettez-moi, monsieur le président, de revenir sur un argument employé par Mme la ministre qui justifie la création de certaines autoroutes par la circulation prévisible, introduisant ainsi une donnée de rentabilité économique pour la réalisation de telles infrastructures.

Je rappelle que, dans un certain nombre de pays modernes - je pense en particulier aux Etats-Unis - les moyens de transport, et notamment les voies ferrées, ont précédé le développement économique. On n'a pas attendu que les Indiens se soient organisés pour étendre jusqu'à leurs territoires le réseau ferré. De même, lorsqu'il s'est agi de creuser le canal de Suez, ce n'est pas le nombre de bateaux qui traversaient la péninsule du Sinaï qui pouvait justifier qu'on entreprît les travaux.

(Sourires.)

Si l'on s'était arrêté à une telle considération, il n'exist erait toujours pas.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

La référence à une question de rentabilité, introduite par Mme la ministre, me paraît tout à fait hors de propos quand on veut assurer l'équilibre des infrastructures sur notre territoire et l'égalité des chances entre les régions.

M. le président.

La parole est à M. Jean Proriol, pour soutenir l'amendement no 1068.

M. Jean Proriol.

Je tâcherai d'être concis, les orateurs précédents ayant pratiquement tout dit.

Je rappelle, madame la ministre, que le CIADT du 15 décembre 1997 avait déjà introduit la notion de huit schémas sectoriels, qui avait remplacé celle de schéma national et de schémas sectoriels de transport.

Par ailleurs, le texte que vous nous proposez à l'article 16 s'appuie sur un mot qui devient presque magique puisqu'on s'imagine qu'il va tout résoudre. On trouve des vertus à la multimodalité. Je ne crois pas qu'elle puisse résoudre tous les problèmes de transport que connaissent nos régions.

En août dernier, vous avez, madame la ministre, transmis aux préfets de région, pour qu'ils travaillent avec les présidents de région et les conseils régionaux, des documents de cadrage expliquant la manière dont les grandes orientations de l'Etat en matière de transport devaient être envisagées à l'intérieur de leur région. Dans ces documents, vous ne vous êtes pas contentée de la généralité de l'article 16. Vous êtes un peu plus descendue au niveau du concret.

Il importe de fixer des orientations précises aux préfets de région. L'objectif de l'article 17 de la loi de 1995 qu'aucune partie du territoire, notamment dans les zones rurales, ne soit éloignée de plus de quarante-cinq minutes d'automobile de grands axes de transport nous paraissait être la bonne orientation. Vous ne pouvez pas exhorter les préfets à faire du multimodal dans leur région, en leur faisant croire que cela suffira à résoudre leurs problèmes de transport.

Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiens l'amendement no 1068, qui est cosigné par de nombreux députés.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l'amendement no 871.

M. Michel Bouvard.

Beaucoup de choses ont déjà été dites. Pour ma part, je pense que si le Gouvernement n'acceptait pas cet amendement, qui me paraît pourtant positif, il faudrait qu'il nous présente ce qu'on appelle une carte compressée, c'est-à-dire l'une de ces cartes où les distances figurent non pas en kilomètres, mais en temps de transport, qui nous permette de voir quelles sont les parties du territoire, qui, aujourd'hui, se trouvent éloignées d'une gare desservie par le TGV, d'une autoroute ou d'un échangeur autoroutier, ou d'une voie express.

On s'aperçoit que les zones non irriguées correspondent souvent aux massifs montagneux, pour lesquels, dans plusieurs cas, il y aurait des solutions mixtes permettant d'améliorer la desserte voyageurs mais également de satisfaire des besoins en transit de fret dans les massifs.

Michel Inchauspé a eu raison de parler des Pyrénées, car c'est là que la saturation du trafic ferroviaire créé la plus grande urgence. Viennent ensuite les Alpes où s'ajoutent à la croissance du trafic ferroviaire, celle du trafic poids lourds.

Madame la ministre, je ne peux pas, moi, considérer que notre pays, qui est la quatrième puissance économique mondiale, et l'Italie, qui est une puissance très significative plus importante que le Royaume-Uni, je le dis pour beaucoup qui l'ignorent et considèrent encore ce pays comme un peu en retard de développement -, ne puissent pas réaliser un investissement de ce type pour une nouvelle infrastructure dans le massif alpin, quand la Suisse investit deux fois plus dans la modernisation de son réseau ferroviaire avec le programme du nouveau tunnel du Ltschberg et du nouveu tunnel Gothard, qu'on appelle le programme NLFA, nouvelles liaisons ferroviaires alpines, lequel a été approuvé par référendum par la population suisse, et qu'elle réalise en même temps le programme Rail 2000.

Ce sont des choses importantes au regard de l'enjeu économique que représente la capacité de capter les flux de transport et de maintenir la vitalité de nos zones portuaires. C'est un enjeu national.

J'ai ici, madame la ministre, un document officiel d'octobre 1998 émanant de la préfecture de région RhôneAlpes :

« Les corridors européens se mettent en place par accord entre les opérateurs ferroviaires des pays concernés, ils consistent à faciliter l'accès des opérateurs à un résea u existant, en leur offrant un service unifié. Cette évolution aura donc tendance à concentrer le trafic et incitera les réseaux à investir pour rendre ces couloirs performants.

Le premier maillon ayant fait l'objet d'un accord relie Anvers à Sibelin au sud de Lyon, avec des prolongements vers l'Italie, puis vers Marseille et l'Espagne.

« D'autres projets de corridors franchissent les Alpes vers l'Italie : par le Brenner (Autriche) ; par le Ltschberg ou le Saint-Gothard (Suisse). »

Ce document souligne, évidemment, que ce sont ces projets qui vont capter la richesse économique cela a été excellemment dit, il y a quelques instants, par l'un de mes collègues - laquelle ira, surtout dans une économie de flux tendu, vers les secteurs où nous serons capables de gérer les flux.

Il faut bien reconnaître que le rapport Brossier, qu'on évoquait tout à l'heure, marque un recul par rapport à la volonté politique qui avait été affirmée jsuqu'à ce jour par la France de réaliser ce tunnel. Au-delà de 2015, les flux de transports seront ailleurs. L' hinterland du port de Rotterdam se sera étendu. Nous affaiblirons le fret ferroviaire, la SNCF et les ports français.

Les schémas n'ont pas été faits, avez-vous dit, madame.

Mais le schéma autoroutier existe, il a été approuvé avec la réforme des SEMCA, de même que le schéma fluvial.

Je fais d'ailleurs partie de ceux qui n'étaient pas d'accord sur le projet Rhin-Rhône, mais celui-ci a été décidé par le Parlement, alors que son abandon a été décidé par le fait du prince ! Et c'est cela que je critique - et non sa suppression, que j'approuve ! Enfin, s'agissant du schéma ferroviaire, le rapport qui a été commandé à M. Rouvillois a mis en évidence l'absurdité du schéma de 1991. Dans le même temps, un premier travail a été accompli au Sénat, sur les schémas nationaux d'infrastructures de transports à l'initiative de nos collègues sénateurs, notamment de Jean FrançoisPoncet.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l'amendement no 1064.

M. Patrick Ollier.

L'essentiel, sur le plan technique, a été dit. Je serai donc bref, mais je voudrais rappeler les conditions dans lesquelles nous avions rédigé cet article, car nous l'avons fait à plusieurs ; et ce n'est pas par


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hasard si nous avons abouti à ces mots : « aucune partie du territoire ne sera située à plus de 50 kilomètres ou 45 minutes d'automobile... ».

Madame la ministre, sans revenir sur les problèmes techniques, forts bien développés par ceux qui m'ont précédé, je voudrais vous interpeller sur le rôle du législateur ainsi que sur la responsabilité du Gouvernement.

Nous sommes en train de discuter d'une loi d'orientation, laquelle, me semble-t-il, doit fixer des objectifs. Il est de la responsabilité du Gouvernement, à travers les lois d'orientation, de fixer pour la nation, et pour le Gouvernement, des objectifs que nous nous proposons ensuite d'atteindre. Le Gouvernement et le Parlement devraient au moins avoir des ambitions en la matière.

Quand nous avons rédigé cet article il a fallu près de trois jours de discussion aux soixante que nous étions en commission spéciale pour parvenir à se mettre d'accord sur ces quatre lignes, ce qui peut paraître un peu ridicule.

Une grosse moitié de la commission spéciale était contre. Or c'est la petite moitié qui a gagné, ayant, au terme de ces trois jours, fini par convaincre l'autre qu'il y avait dans ce pays des territoires désespérés parce que enclavés, et qu'il était nécessaire que le Gouvernement fixe dans la loi des objectifs très clairs pour qu'on sache que ces territoires auraient, un jour, à être désenclavés.

Cet objectif étant fixé dans une loi d'orientation, nous pourrions ensuite, tranquillement, dans les schémas, préparer leur réalisation.

Je ne sais pas si beaucoup de mes collègues connaissent les mêmes difficultés que moi. Je suis à 160 kilomètres d'une autoroute ! Qui, ici, peut dire la même chose ? Quoi que je fasse, il me faut, pour atteindre une autoroute, deux heures quinze au minimum, en allant même un peu vite, que j'aille vers Grenoble ou vers Marseille, à Sisteron. Or, en me dirigeant vers l'Italie, en trente minutes, en passant le Montgenèvre, je vais me retrouver sur l'autoroute qui mène à Turin. Hélas ! je n'ai pas grand-chose à faire dans cette ville ! Pour ma région, je travaille davantage à Marseille ou à Lyon.

C'est dire que les Italiens ont réussi à conduire les autoroutes au pied de la montagne alors que nous sommes encore incapables de décider s'il faut construire des tunnels routiers, autoroutiers ou multimodaux ! Cet article n'avait qu'une ambition : faire en sorte que le Gouvernement dise au Parlement, et le Parlement à l'administration et à l'Etat : il faut que ces problèmes soient réglés à travers des dispositions particulières ; voilà pourquoi sont fixés un temps de transport et une distance au-delà desquels il est inacceptable d'être à l'écart d'autoroutes ou de routes à doubles voies.

En conclusion - car, monsieur le président, je tiens à être concis, comme vous m'y invitiez (Sourires) -, pour nous, le désenclavement est prioritaire. Si vous ne le dites pas dans la loi, madame, demain quand vous ne serez plus ministre, et quelles que soient vos bonnes intentions, personne n'essaiera d'atteindre cet objectif.

Je voudrais simplement que nous manifestions, ici, par cet amendement, notre volonté de voir la loi afficher des ambitions et je souhaite que nous le votions unanimement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Ollier, répondant par l'humour à votre humour, je vous suggère d'échanger votre voiture sans permis contre un véhicule plus rapide : vous mettrez moins temps ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Je ne plaisantais pas, monsieur le président. Quand il y a de la neige, il me faut trois heures !

M. le président.

C'était une boutade, monsieur Ollier ! Quel est l'avis de la commission sur les six amendements en discussion ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Ces amendements visent à rétablir le texte actuel de l'article 17 de la loi Pasqua, qui s'assimile à un voeu...

M. Jean-Pierre Balligand.

Un voeu pieux !

M. Philippe Duron, rapporteur.

... certes, séduisant mais peu réaliste tant sur le plan financier qu'au regard des échéances de réalisation.

L'opposition, cependant, n'a pas le monopole de la volonté de désenclavement. C'est pourquoi la commission vous proposera, à l'article 32, un amendement, no 355, qui pose le principe de l'amélioration de la desserte des zones d'accès difficile en insistant sur leur raccordement au réseau rapide.

M. Patrick Ollier.

C'est vrai !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Cela nous paraît être un objectif plus pertinent que celui de fixer un temps maximal de trajet automobile. En effet, vous venez de le souligner, monsieur Ollier, les conditions de trafic et de climat influent notablement sur la durée du trajet.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Argument spécieux ! Il suffit de fixer un temps moyen !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Qui peut être contre l'amélioration de la desserte des zones d'accès difficile ou de moindre densité démographique ? Cet objectif est clairement mentionné dans le cahier des charges des schémas de services de transport que le Gouvernement a choisi de renvoyer aux deux nouveaux articles 14-1 et 14-2 de la LOTI, créés par l'article 32 de ce projet de loi, pour une meilleure articulation des textes législatifs.

Fallait-il, pour autant, maintenir la règle des cinquante kilomètres ou des quarante-cinq minutes telle q'elle figure dans la loi de 1995 ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) N'est-ce pas prendre les Français pour des prunes...

(Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est désobligeant ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... que de promettre à tous les points de m ontagne des équipements autoroutiers à 120 ou 150 millions de francs du kilomètre pour desservir quelques centaines ou quelques milliers d'habitants ? Est-ce vraiment un problème d'ambition ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce n'est pas faire insulte au monde rural que de dire qu'une telle règle est un mythe, une vue de l'esprit, un acte de foi, pour ne pas dire un simple effet d'annonce,...

M. Maurice Leroy.

Il en faut, de la foi ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... une façon un peu chaotique de manifester son intérêt pour la desserte de ces populations, un pari sur l'éternité ou du moins sur un avenir non prévisible.


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M. Patrick Ollier.

Ce n'est pas sérieux !

M. Michel Terrot.

Les électeurs de montagne apprécieront ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je pense qu'en adoptant une règle aussi rigide, en quadrillant le territoire d'une façon aussi mécanique, aussi technocratique - j'assume complètement ce terme - le Gouvernement ne ferait pas un choix politique, mais un non-choix.

M. Patrick Ollier.

Vous ne pouvez pas être sincère quand vous dites cela !

Mme Michèle Alliot-Marie.

Vous ne connaissez pas les réalités du terrain ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Or le Gouvernement entend définir une politique des transports qui définisse des priorités.

C'est bien l'objet d'une loi d'orientation.

M. Patrick Ollier.

C'est une vision urbaine des choses ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Parmi ces priorités figurent - cela sera mentionné à l'article 32 - l'amélioration de la qualité des services de transport, de la desserte des zones d'accès difficile ou de faible densité démographique, dans un but de développement local et pour rapprocherles habitants de ces zones des services que n'offrent que les grandes villes.

Sur certaines liaisons, cette amélioration passera par la création d'infrastructures nouvelles, pas forcément d'une autoroute ; sur d'autres, il s'agira d'améliorer la sécurité ; sur d'autres encore, la qualité du service offert en période hivernale.

Mme Michèle Alliot-Marie.

N'importe quoi ! C'est indigne d'un ministre de l'aménagement du territoire ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Sur d'autres ensuite, la fréquence et le confort des transports en commun.

M. Michel Terrot.

Et l'équilibre du territoire ?

M. Maurice Leroy.

Il n'y a rien pour le rural ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il ne peut, en la matière, y avoir une règle générale. Il faut examiner liaison par liaison, en fonction des besoins réels, des coûts, du contexte géographique.

J'attire votre attention sur le fait que les autoroutes et les TGV ne s'arrêtent pas dans chaque bourg. Construire des autoroutes ou des TGV comme vous le prévoyiez dans la loi de 1995 signifierait construire de nouvelles infrastructures parallèles à des routes existantes,...

M. Eric Doligé.

C'est de la caricature ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qui seraient indispensables pour les dessertes au quotidien. En avons-nous les moyens ? Je ne le crois pas.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Les moyens, on les trouve quand c'est prioritaire ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les améliorations à apporter dans ces zones relèvent, pour les routes, d'objectifs de sécurité, de fluidité, de confort, pas de quantité de trafic à écouler.

Elles passent par des travaux de sécurité, de contournement de villes ou de villages, par la création de créneaux de dépassement, voire de chemins agricoles permettant d'exclure de la voie les véhicules lents.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Est-ce là le commentaire d'une loi d'orientation ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Parallèlement, les transports collectifs doivent faire l'objet d'une amélioration.

Monsieur Bouvard, vous appelez de vos voeux la réalisation d'une carte compressée des temps de transport, mais je vous signale que les temps de transport ne dépendent pas seulement des infrastructures mais bien plus de l'organisation du service. Selon la fréquence, le nombre des arrêts, on peut aller de Mulhouse à Dijon en train, soit en deux heures cinquante, soit en une heure trente soit du simple au double ! C'est pourquoi je souhaite que nous apportions toute notre attention à ce qui ne coûte rien, à savoir l'amélioration du service rendu par les dessertes de plus grande fréquence, par l'articulation des horaires, par l'amélioration du matériel roulant.

M. Michel Bouvard.

C'est utile, aussi !

M. Patrice Martin-Lalande.

L'un n'empêche pas l'autre ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cela me paraît tout à fait indispensable.

Méfiez-vous des références aux Etats-Unis : les projets de TGV développés par les Etats-Unis ont tous été abandonnés au motif que les temps de transport n'étaient pas significativement améliorés et que la desserte des villes moyennes n'était pas assurée par des trains à grande vitesse.

Méfiez-vous aussi des références à la Suisse. En effet, à ma connaissance, le seul corridor de fret qui fonctionne réellement, c'est celui qui va d'Anvers à Lyon par la France. Il a été prolongé jusqu'à Milan via Modane. Seuls deux sillons sont occupés entre Anvers et Milan. En ce qui concerne les sillons suisses, il n'y a encore aucun trafic sur ces corridors.

M. Michel Bouvard.

Les tunnels sont en construction ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Méfions-nous donc des simplifications, dont la rédaction de l'amendement que vous suggérez constitue un bel exemple.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Je suis surpris tant par la réponse du rapporteur que par celle du ministre, qui n'est qu'une affirmation unilatérale.

Mme le ministre décide, en effet, d'autorité que la France ne dispose pas des moyens de réaliser les infrastructures auxquelles nous faisons référence et que nous avions envisagées dans la loi Pasqua de 1995. Elle décide, d'autorité, que cela ne se justifie pas techniquement et que nous n'avons pas de raison de désenclaver un certain nombre de zones grâce à ces infrastructures.

Pour ma part, je considère que le travail politique et démocratique consiste d'abord à mener une réflexion et une étude, puis à débattre, notamment à l'échelon national.

Je voudrais compléter ce qu'ont dit M. Bouvard et M. Ollier. Nous sommes dans la zone la plus montagneuse de France, qui est enclavée entre la barrière des Alpes et la Méditerranée, voisine de la région du Piémont qui est la région d'Europe qui connaît le plus fort taux de croissance, et pour laquelle du travail a été réalisé dans les dossiers du ministère de l'équipement et des transports.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'aurais souhaité


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1999

que M. Gayssot vienne nous rendre compte des dossiers issus des commissions intergouvernementales franco-italiennes sur Lyon-Turin et les liaisons alpines par la Lombarde et par Tende.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Posez-lui une question d'actualité ! Il vous répondra volontiers !

M. Christian Estrosi.

Ces études démontrent, monsieur le rapporteur, que ces projets pourraient s'autofinancer.

Vous ne pouvez donc pas prétendre, ici, que la France ne dispose pas des moyens de faire face à leur financement à l'horizon 2015.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Il ne faut pas dire n'importe quoi !

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Mais, madame le ministre m'a interrompu en m'accusant de dire n'importe quoi ! C'est une insulte de plus à mon égard, que j'aurai l'occasion d'évoquer dans un fait personnel tout à l'heure.

Ces projets sont autofinancés, je le répète. Rapprochezvous donc du ministère des transports pour vous en convaincre ! Ils doivent faire l'objet d'un traité qui, voté par les parlements français et italien, auront force de loi.

Ils comprendraient toutes les conditions d'un appel d'offres pour concéder des exploitations de trente ans, ce qui permettrait de financer ces infrastructures sans faire appel au contribuable.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Que ne l'avez-vous fait ?

M. Christian Estrosi.

Cela signifie donc que, pour chaque projet, il peut y avoir réflexion et qu'ainsi, on peut trouver des solutions.

Vous décidez, madame, d'autorité, d'abandonner toutes les réflexions, donc vous refusez d'envisager toute solution, quelle qu'elle soit.

Voilà ce que je souhaitais préciser en réponse à des propos qui me paraissent complètement dénués de fondement.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 457 et 981.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 602.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1068.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 871 et 1064.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4 FAIT PERSONNEL

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi, pour un fait personnel.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, j'ai été très surpris par la violence avec laquelle le ministre s'est adressé à moi en début de séance. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme le ministre a trouvé que c'était faire preuve de

« grossièreté » que de demander que vienne s'expliquer, notamment sur chaque schéma sectoriel, le ministre compétent. Or nous avons eu la démonstration, une fois de plus, au cours de ce débat, de la difficulté qu'elle éprouvait à répondre à l'ensemble des questions posées par nos collègues de l'opposition.

Vous devez comprendre que nous exprimons ici les angoisses profondes de nos concitoyens, des chefs d'entreprise, des élus territoriaux, qui, à la lecture de ce texte et mesures annoncées jour après jour par les préfets, nous demandent de venir ici interroger le Gouvernement au nom du peuple français.

Je ne vois pas en quoi poser des questions à un ministre serait grossier et inconvenant, défendre des opinions avec l'énergie qui doit caractériser l'opposition nationale ne serait pas acceptable ! Dès lors qu'un ministre n'est pas capable de répondre sur un dossier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste),...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l 'environnement.

Vous n'êtes pas insultant en ce moment ?

M. Jean-Paul Mariot.

Un ministre représente le Gouvernement.

M. le président.

Monsieur Estrosi, revenons-en au fait personnel, je vous prie.

M. Christian Estrosi.

... en quoi serait-il grossier de faire appel au ministre compétent dans un domaine précis, que ce soit l'environnement, les transports, la culture, ou le développement économique ? (Protestations sur les mêmes bancs.)

Monsieur le président, je demande des excuses à Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1071, d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : M. Philippe Duron, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1288).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT