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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

SOMMAIRE

PRE

SIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 848).

BAISSE DE L'IMPO T SUR LE REVENU (p. 848)

MM. François Goulard, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

SURENDETTEMENT (p. 849)

Mmes Véronique Neiertz, Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

ACCE S DE TOUS AUX SOINS (p. 850)

Mmes Odette Grzegrzulka, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

DISCRIMINATIONS ETHNIQUES (p. 850)

M. Michel Vauzelle, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

SITUATION EN IRAK (p. 851)

MM. Gérard Bapt, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

ACCE S DES JEUNES A L'EMPLOI (p. 852)

M. Félix Leyzour, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

LUTTE CONTRE LE DOPAGE (p. 852)

M. Pierre Goldberg, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

DURE E DU TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE (p. 853)

MM. Lionnel Luca, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

DE

LINQUANCE DES MINEURS (p. 854)

M

M. Jean-Claude Abrioux, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

E

COUTES TE LE

PHONIQUES DANS LE CADRE DE L'ENQUE TE

SUR L'ASSASSINAT DU PRE

FET ERIGNAC (p. 855)

M. René André, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

AVENIR DE GIAT INDUSTRIES (p. 856)

Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Alain Richard, ministre de la défense.

PRE LE

VEMENTS SUR LES BE NE

FICES DE LA COUPE DU MONDE (p. 857)

M. Edouard Landrain, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Suspension et reprise de la séance (p. 857)

PRE

SIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

2. Remplacement d'un député décédé (p. 857).

3. Aménagement du territoire. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 857).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 858)

Après l'article 21 (p. 858)

Amendement no 739 de M. Rimbert : Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production ; Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. - Rejet.

Avant l'article 22 (p. 858)

Amendement no 333 rectifié de la commission de la production : MM. François Brottes, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Patrick Ollier, François Sauvadet. Retrait.

Article 22 (p. 860)

MM. Maurice Leroy, Thierry Mariani, Patrice MartinLalande, François Sauvadet, Paul Patriarche, Léonce Deprez, Jacques Le Nay, Patrick Rimbert.

Amendements de suppression nos 210 de M. Ollier, 437 de M. Chabert, 555 de M. Lenoir, 667 de M. Deprez, 717 de M. Coussain et 974 de M. Leroy : MM. Patrick Ollier, Christian Estrosi, Maurice Leroy, le rapporteur,

Mme la ministre, M. François Brottes. - Rejet.

Amendements identiques nos 509 de M. Adevah-Poeuf et 975 de M. Leroy : MM. Maurice Adevah-Poeuf, Yves Coussain, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Les amendements nos 334 et 335 de la commission ont été retirés.

Amendement no 1170 rectifié du Gouvernement, avec les ous-amendement no 1206, deuxième correction, de M. Jacob : Mme la ministre, MM. le rapporteur, Eric Doligé, François Sauvadet. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.

Amendements identiques nos 510 de M. Adevah-Poeuf et 998 de M. Gérard Voisin : MM. Maurice Adevah-Poeuf, Eric Doligé, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 1169 du Gouvernement, avec le sousamendement no 1188 de M. Daniel, amendement no 337 de la commission, avec les sous-amendements nos 1200 de M. Jacob, 1179 de M. Brottes et 1178 de M. AdevahP oeuf, et amendement no 1143 de M. Estrosi : MM. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation ; le rapporteur. - Retrait de l'amendement no 337 ; les sousamendements nos 1200, 1179 et 1178 n'ont plus d'objet.

MM. Jean-Claude Daniel, Patrice Martin-Lalande, Jacky Darne, François Sauvadet, Serge Poignant. - Adoption du sous-amendement no 1188 et de l'amendement no 1169 modifié ; l'amendement no 1143 n'a plus d'objet, non plus que l'amendement no 976 de M. Leroy.

Adoption de l'article 22 modifié.

Après l'article 22 (p. 879)

Amendements identiques nos 338 de la commission, 3 corrigé de M. Bouvard, 59 de M. Ollier, 440 de M. Chabert, et amendement no 1005 de M. Proriol : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption des amendements identiques ; l'amendement no 1005 n'a plus d'objet.

Amendements identiques nos 5 de M. Bouvard, 57 de M. Ollier, 691 de M. Bonrepaux, et amendement no 1007 de M. Proriol : M. le rapporteur, Mme la ministre. Rejets.


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Amendements identiques nos 339 de la commission, 4 de M. Bouvard, 58 de M. Ollier, 439 de M. Chabert et 1008 de M. Blanc : M. le rapporteur, Mme la ministre. Adoption.

Amendements identiques nos 340 de la commission, 6 de M. Bouvard, 56 de M. Ollier, 438 de M. Chabert, et amendement no 1006 de M. Proriol : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption des amendements identiques rectifiés ; l'amendement no 1006 n'a plus d'objet.

Amendements identiques nos 891 de M. Bouvard et 957 de M. Ollier : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 23 (p. 881)

M. François Sauvadet, Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Amendement de suppression no 81 de M. Deprez : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Serge Poignant. - Rejet.

Amendement no 341 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Les amendements nos 899 de Mme Boisseau, 922 de M. Meylan et 825 de M. Quentin n'ont plus d'objet.

Amendements nos 908 de M. Accoyer et 826 de M. Quent in : MM. Yves Deniaud, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

Adoption de l'article 23 modifié.

Article 24 (p. 883)

Amendement de suppression no 1090 de M. Lamy : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 24.

Article 25 (p. 883)

MM. Léo Andy, Camille Darsières, Patrice Martin-Lalande.

Amendement no 827 de M. Quentin : MM. Patrick Ollier, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 474 de M. Chaulet, 211 de M. Ollier et 83 de M. Turinay : MM. Patrick Ollier, le rapporteur,

Mme la ministre. - Rejets.

Amendement no 370 de M. Hoarau : M. le rapporteur,

Mme la ministre, MM. Claude Hoarau, Patrick Ollier, Camille Darsières.

Sous-amendement no 1249 de M. Darsières : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption du sous-amendement no 1249 et de l'amendement no 370 modifié.

Rappel au règlement (p. 887)

MM. Michel Bouvard, le président, Camille Darsières.

Reprise de la discussion (p. 888)

Amendement no 1196 de M. Martin-Lalande : M. Patrice Martin-Lalande.

Amendement no 1195 de M. Martin-Lalande : MM. Patrice

M artin-Lalande, le rapporteur, Mme la ministre, M. Patrick Ollier. - Rejet des amendements nos 1196 et 1195.

Amendement no 212 corrigé de M. Turinay : MM. Patrick Ollier, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 342 de la commission : M. Félix Leyzour,

Mme la ministre, M. Michel Bouvard. - Adoption.

Adoption de l'article 25 modifié.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 891).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

BAISSE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la semaine dernière, vos services faisaient circuler l'information selon laquelle le Gouvernement étudiait une baisse de l'impôt sur le revenu pour l'année prochaine.

Ce matin même, Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité déclarait quant à elle : « Tout le monde est pour la réduction des prélèvements obligatoires et il est toujours facile de promettre des baisses d'impôt, mais il est moins facile d'articuler cette promesse en cohérence avec l'action du Gouvernement. »

Nous ne saurions mieux dire ! En effet, la cohérence de l'action du Gouvernement, si elle existe (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), est une augmentation programmée des dépenses publiques. Bien sûr, vous pouvez présenter un bilan apparemment satisfaisant en 1998 parce que 1997 et 1998 ont été des années de croissance mais, tous les Français le savent, en matière économique, il y a des années fastes, d'autres qui le sont moins et 1999 sera une moins bonne année. Du coup, les largesses fiscales ne seront pas au rendez-vous.

Elles le seront d'autant moins que vous avez tiré des chèques, pour l'instant sans provision, et qu'il faudra bien honorer un jour.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je pense en particulier aux 35 heures enr aison de l'onéreuse mobilisation des entreprises publiques qui vont faire payer aux finances publiques la réduction du temps de travail ; aux emplois-jeunes qui sont en fait des emplois de fonctionnaires à statut précaire dont le coût va monter en charge. Dans le domaine social, le Gouvernement ne sait plus comment juguler la dérive des dépenses de l'assurance maladie, sans parler du dossier explosif des retraites. La sécurité enfin, avec votre prise de conscience bien tardive et bien insuffisante, va appeler de nouvelles dépenses.

M. Patrice Carvalho.

La question !

M. François Goulard.

Chacun comprend bien que les dépenses publiques vont augmenter au cours des prochaines années.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie !

M. François Goulard.

Chacun comprend bien que l'on ne s'attaque aujourd'hui ni aux gaspillages, ni aux dépenses inutiles. Chacun comprend bien aussi, et cela est vrai pour tous les gouvernements quels qu'ils soient, qu'il n'y aura pas de véritable réduction d'impôt tant qu'il n'y aura pas d'abord une baisse des dépenses.

C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), si vous pouvez reconnaître avec la même franchise que Mme Aubry que la baisse des impôts ne serait pas en cohérence avec la politique du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une réponse rapide.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, deux ou trois remarques simples et rapides - puisque M. le président me demande d'être bref.

D'abord, le Premier ministre a pris l'engagement, lors de son discours de politique générale au mois de juin 1997, d'organiser la stabilisation, puis la baisse des prélèvements obligatoires. En 1998, ceux-ci ont baissé de 0,2 point par rapport à 1997.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.).

En 1999, ils continueront de baisser de 0,2 point par rapport à 1998.

M. Jean-Michel Ferrand.

Mais non ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous pourriez certes me répondre : « En deux ans, cela fait à peu près un demi-point, c'est ce que nous faisions chaque année avant. » La différence, c'est que

vous, vous le faisiez à la hausse et que nous, nous le faisons à la baisse ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Au-delà de cela, pendant la même période, nous avons réussi à financer nos priorités. Je vous remercie, monsieur le député, de les avoir rappelées. Il est bon que les Français entendent quelles sont les priorités de la majorité et que l'opposition reconnaisse qu'elles sont mises en oeuvre.

M. Jean-Michel Ferrand.

Et la baisse des impôts !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ces priorités, ce sont les emplois-jeunes, les 35 heures, la lutte contre l'exclusion, tout ce qui est au service de l'emploi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Avec l'argent du contribuable ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et comme vous l'avez dit vous-même au début de votre intervention, monsieur le député, malgré la baisse des prélèvements obligatoires...

M. Jean-Michel Ferrand.

Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et le financement de ces priorités, le déficit, en 1998, a été inférieur...

M. Jean-Michel Ferrand.

Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... de 10 milliards à celui que l'Assemblée avait voté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Lucien Degauchy.

C'est du camouflage tout ça ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Voilà la politique économique du Gouvernement. Elle a réussi, en 1998, la diminution des prélèvements obligatoires, le financement des priorités, ainsi que la baisse du déficit, et elle continuera. C'est d'ailleurs le sens du programme pluriannuel de finances publiques que nous avons déposé à Bruxelles comme nos collègues européens. Et nous irons dans la même direction dans les années qui viennent.

En 1998, ont été traitées la fiscalité du patrimoine, la fiscalité écologique, la taxe professionnelle. En 1999, nous réfléchissons aux impôts payés par les ménages. Pour le moment, la réflexion n'en est qu'à son début, et la loi de finances sera votée, comme il est normal, dans les délais prévus. En juin, aura lieu à l'Assemblée un débat d'orientation budgétaire. En septembre, le projet de loi de finances sera examiné. Les services n'ont pas encore commencé leur travail là-dessus, par conséquent toute hypothèse concernant tel ou tel impôt relève de la plus pure spéculation... intellectuelle, bien sûr ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

SURENDETTEMENT

M. le président.

La parole est à Mme Véronique Neiertz.

Mme Véronique Neiertz.

Madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, vous avez enfin réussi à faire paraître les décrets d'application de la loi de 1989 sur le surendettement, et je vous en félicite. Le précédent Gouvernement n'avait pas voulu le faire. Ce gouvernement l'a fait et je l'en remercie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il l'a fait pour lutter contre l'exclusion de surendettés d'un nouveau profil, qui, n'ayant plus de ressources, notamment à cause du chômage, ne peuvent même plus faire face à leurs dépenses de vie quotidienne. Ces cas représentent aujourd'hui, dix ans après la loi de 1989, un tiers des dossiers déposés devant les commissions de surendettement. Moratoire ou effacement de la dette, suspension des poursuites en cas d'urgence, fixation uniforme d'un

« reste à vivre » qui ne peut pas être inférieur au revenu minimum d'insertion, prise en compte par l'administration fiscale du problème du surendettement, telles sont les principales novations de cette réforme.

Madame la secrétaire d'Etat, ma question portera sur u n dernier point, mais non le moindre, puisqu'il concerne l'application sur le terrain de la réforme sur le surendettement. Compte tenu de l'énorme augmentation du nombre de dossiers de surendettement déposés devant les commissions gérées par la Banque de France, quel effort le Gouvernement compte-t-il faire...

M. Christian Cabal.

Aucun !

Mme Véronique Neiertz.

... pour aider cet établissement à gérer une mission de service public ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Ensuite, compte tenu de l'inquiétude unanime exprimée par les syndicats à ce sujet, quelles sont les augmentations d'effectifs dévolues au surendettement qu'env isage la Banque de France pour faire face aux conséquences profondes qu'entraînera cette réforme sur le fonctionnement, des commissions, surtout si l'on veut respecter les délais fixés par la loi et qui correspondent au traitement de situations d'urgence sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Madame la députée, le traitement du surendettement fait bien partie de la lutte contre les exlusions, objectif évoqué par le Premier ministre dès sa déclaration de politique générale.

En juillet nous avons présenté un projet de loi sous la responsabilité de Mme Aubry et le ministre de l'économie et des finances et moi-même avons réussi à obtenir de la Banque de France qu'elle garantisse que mille emplois au moins seront entièrement consacrés à la mise en oeuvre du dispositif de lutte contre le surendettement.

Outre l'enveloppe financière déterminée par le budget, qui se monte à 400 millions de francs pour le fonctionnement, nous avons décidé de l'ouverture d'une négociation sur des observatoires de surendettement, région par région, département par département, pour connaître très vite le nombre exact de dossiers, et le délai pendant lequel il faut assurer des instructions que la loi a rendu plus lourdes.

In fine, après la mise en place de l'observatoire, il faudra opérer un redéploiement des agents de la fonction publique pour aider les commissions de surendettement.

A cet égard, il faut saluer le très important travail accompli, depuis le vote de la loi, en collaboration par les salariés de la Banque de France et les fonctionnaires sous les ordres des TPG qui nous ont déjà communiqué une analyse fine de l'état des dossiers en retard et se sont attachés à les régler au plus vite. Cela dit, le décret n'est paru qu'hier et nous nous donnons un mois et demi à deux mois maximum pour évaluer l'engorgement et déterminer la manière de le résorber. Mais l'enveloppe budgétaire existe, madame la députée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ACCÈS DE TOUS AUX SOINS

M. le président.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ma question s'adresse à

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Ah ? Elle vous a téléphoné ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Aujourd'hui, dans notre pays, six millions de personnes ne peuvent se soigner faute de ressources. C'est une situation inacceptable à l'aube du

XXIe siècle.

M. Jean-Michel Ferrand.

Eh, dix-huit ans de socialisme !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est pourquoi, conformément aux engagements pris par le Gouvernement dans le cadre de la loi contre les exclusions, vous venez d'annoncer les modalités du dispositif qui offrira enfin à chacun de nos concitoyens l'accès aux soins. Il s'agit de la couverture maladie universelle. Le Parlement souhaite être saisi très rapidement de ce projet de loi.

En attendant, pourriez-vous, madame la ministre, préciser à la représentation nationale comment les personnes exclues de toute couverture sociale seront affiliées à la sécurité sociale ; comment et grâce à quels partenaires une couverture complémentaire des soins leur sera-t-elle proposée ? Enfin, les futurs assurés sociaux pourront-ils choisir leur mutuelle, leur assurance librement ? Je vous remercie.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, vous avez parfaitement raison de dire que l'une des inégalités les plus inacceptables est bien l'inégalité relative aux soins, car avoir accès aux soins, c'est avoir accès à un avenir. Les études qui viennent encore d'être publiées au niveau international montrent combien l'espérance de vie est différente dans notre pays selon les catégories sociales, c'est-à-dire selon qu'on a ou non les moyens de se faire soigner. Vous l'avez rappelé, aujourd'hui six millions de personnes connaissent des difficultés financières pour accéder aux soins.

Nous discutons actuellement les dernières modalités du projet de couverture maladie universelle que le Gouvernement arrêtera dans quelques jours.

Tout d'abord, ce projet garantira à tous les résidents un droit à une couverture de base, c'est-à-dire à une carte de sécurité sociale. C'est très important pour les jeunes en rupture de famille qui ont aujourd'hui du mal à se faire soigner, comme pour les 150 000 à 200 000 personnes qui n'ont pas de couverture personnelle et qui n'ont pas accès à l'assurance de base. C'est d'ailleurs ce qu'avait préconisé le précédent gouvernement. Mais nous souhaitons aller au-delà de ce qu'il avait appelé l'assurance maladie universelle pour permettre une couverture maladie universelle, c'est-à-dire une couverture complémentaire comme celle dont dispose la grande majorité des Français, à tous ceux qui ne peuvent pas payer les tickets modérateurs, les forfaits hospitaliers, les tickets pour le remboursement de médicaments, de prothèses ou de soins divers. Avec ce projet de loi, le Gouvernement permettra à six millions de personnes d'accéder gratuitement aux soins, sans avoir à faire d'avance, à partir d'un barème : 3 500 francs maximum de revenus pour une personne isolée, 5 250 francs pour deux personnes et 7 700 francs pour quatre personnes.

S'agissant des modalités pratiques à mettre en place, le seul objectif du Gouvernement est l'intérêt des bénéficiaires. Sur un sujet aussi majeur, qui est un progrès social formidable - six millions de personnes soignées gratuitement dans notre pays - nous ne devons pas nous diviser sur des modalités. Il faut trouver le plus simple et le plus adéquat pour les personnes en cause et c'est ce que nous recherchons. Des positions différentes ont été exprimées par les acteurs concernés et nous avons proposé de retenir une formule qui permette à chacun de choisir de voir sa couverture liquidée soit par l'assurance de base, c'est-à-dire par les caisses primaires d'assurance maladie, soit par une mutuelle ou une assurance. Je ne vous cache pas que nous souhaitons que la grande majorité des personnes ayant la CMU puisse, comme tous les Français, accéder à une mutuelle ou à une assurance. Il faudra leur en montrer tout l'intérêt. Mais beaucoup de ces exclus auront du mal à choisir - c'est ce que nous disent les associations qui s'occupent d'eux. Pour ceux qui n'arriveraient pas à faire ce choix dans un premier temps, il faut donc ouvrir tout de suite le droit d'être remboursé par la caisse primaire d'assurance maladie.

Je voudrais rassurer tout le monde ici. Il ne s'agit pas de faire entrer la caisse primaire d'assurance maladie dans la couverture complémentaire. Elle ne fera que rendre un service au nom de l'Etat et dans un budget qui sera bien différent, ce qu'elle fait d'ailleurs déjà aujourd'hui en gérant l'assurance médicale gratuite pour nombre de départements. Il ne s'agit pas non plus de faire rentrer les assurances dans l'assurance de base. Nous nous battrons pour que la sécurité sociale reste ce qu'elle est dans les régimes de base. Il s'agit tout simplement, dans la couverture complémentaire, comme c'est déjà le cas pour 30 % des Français, de permettre aux assurances, comme aux mutuelles et aux instituts de prévoyance, d'apporter un plus à ceux qui sont les plus défavorisés.

Vous l'avez dit, madame la députée, c'est une réforme d'une ampleur considérable et je souhaite vivement que, dans les jours qui viennent, chacun s'accorde sur les modalités les plus simples, les plus pratiques pour les intéressés, car c'est le seul objectif qui doit nous réunir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

DISCRIMINATIONS ETHNIQUES

M. le président.

La parole est à M. Michel Vauzelle.

M. Michel Vauzelle.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y a quelques jours une grande entreprise, pourtant d'origine étrangère - du Nord, il est vrai, pas du Sud IKEA, pour ne pas la nommer, a commis semble-t-il un acte de discrimination raciale, sous la forme d'une note tendant à écarter expressément les personnes d'origine ethnique non européenne de certaines fonctions d'accueil et de représentation. Pour un acte ainsi repéré et dénoncé, nous savons tous ici par ce que nous entendons dans nos permanences de député que des centaines de personnes, dont le nom ou le visage indique une origine non européenne, sont rejetées de la vie sociale, qu'il s'agisse du logement, de lieux de loisirs ou de l'emploi.

De tels cas sont toujours scandaleux. Ils sont particulièrement fréquents pour les jeunes d'origine maghrébine ou


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

africaine et ne sont pas sans conséquences au moment même où l'extrême droite fait un amalgame scandaleux entre la délinquance, l'insécurité et ces jeunes. Il est donc urgent que le Gouvernement renforce sa politique de solidarité et de respect dû, en particulier, à ceux de nos jeunes qui sont les plus fragiles et les plus exposés. Nous devons, à l'avenir, leur porter une attention particulière, sans pour autant les gêner bien sûr, afin de les protéger face aux pratiques quotidiennes d'un racisme - hélas ordinaire.

Que compte faire le Gouvernement pour mieux lutter contre toutes ces formes d'une discrimination d'autant plus scandaleuse qu'elle est massive et cachée et qu'elle contribue à exclure de notre société des jeunes qui se sentent rejetés avant d'être montrés du doigt, puis poussés au désespoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez raison d'insister sur des discriminations, malheureusement rarement dénoncées dans notre pays - nous avons souvent préféré la loi du silence. Pourtant nous savons que ces discriminations, à l'embauche notamment, sont inacceptables et constituent un obstacle majeur à l'intégration de certaines personnes.

Le Gouvernement a choisi de s'exprimer et de dire haut et fort, comme certaines organisations syndicales ont eu le courage de le faire ces derniers mois, que le racisme gagne partout, y compris dans le monde du travail et pas seulement dans celui des entreprises.

Nous nous devons de lutter en commun contre ces discriminations particulièrement inacceptables pour des jeunes dont beaucoup - ou dont les parents - ont fait l'effort de s'intégrer, de poursuivre des études et qui se sentent repoussés parce que leur nom, ou leur adresse, ne correspond pas à des schémas préétablis.

Ce sont des étrangers. Ce sont aussi ceux qui le paraissent, mais dont la plupart sont Français. Ce sont même, nous le savons bien, les Français d'outre-mer.

Pour tous, c'est inacceptable ! Le Gouvernement a décidé d'agir dans trois directions.

Premièrement, il met en place un observatoire des discriminations qui publiera un rapport annuel (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants) avec des organismes de recherche indépendants, comme c'est le cas, aujourd'hui, pour la lutte contre le racisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communistre et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Deuxièmement, je réunirai dans quelques jours avec les partenaires sociaux une table ronde sur les discriminations en vue de développer des opérations de parrainage et de v érifier, avec les organisations syndicales, comment, patiemment - car cela prendra du temps, le problème ne sera pas réglé en un jour -, faire en sorte que ces jeunes intègrent nos entreprises sans se heurter au racisme. Nous étudierons aussi comment revoir la charge de la preuve qui est aujourd'hui nécessaire pour faire condamner quelqu'un pour discrimination. C'est un des sujets qui sera à l'ordre du jour.

Troisièmement, l'Etat doit, bien évidemment, avoir une attitude exemplaire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je ne vise pas la fonction publique, qui est réservée aux Français, mais les établissements publics. J'ai par ailleurs rappelé aux services publics qu'ils ne doivent pas accepter d'offre discriminatoire. Il est préférable de perdre une offre que d'en accepter une contraire aux lois de la République.

Enfin, il faut poursuivre systématiquement ceux qui se rendent coupables d'actes de racisme.

Ce n'est que par une action volontaire, permanente et quotidienne que nous arriverons, tous ensemble, à faire reculer l'inacceptable, c'est-à-dire le racisme et la discrimination.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

SITUATION EN IRAK

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, tous les parlementaires qui suivent les problèmes du Moyen-Orient reçoivent à l'heure actuelle des informations alarmantes sur la situation en Irak.

Dans la journée d'hier, de nouvelles actions de guerre ont été menées dans le ciel d'Irak par l'aviation angloaméricaine. Après des années d'embargo dont a profondément souffert le peuple irakien, notamment les enfants, et qui n'a fait que renforcer le pouvoir en place, l'opération

« Renard du désert » a aggravé les souffrances du peuple, humilié l'ONU, mis fin à l'action de l'UNSCOM dont le résultat concret en matière de destruction d'armes biologiques et balistiques a pourtant été probant.

Elle a débouché sur des incidents militaires incessants, et sur des bavures, comme récemment à Bassorah où un missile perdu, tombé sur les habitations, a tué des civils.

Elle est enfin à l'origine d'un mouvement d'exaspération générale des populations arabes, tel qu'il serait impossible aujourd'hui de reconstituer un front occidentalo-arabe contre Saddam Hussein.

Cette situation est dangereuse, parce que lourde de conséquences imprévisibles, au moment où plusieurs pays arabes sont engagés dans des processus de succession délicats.

Monsieur le ministre, la crise actuelle place le peuple irakien dans une situation humainement inacceptable et le régime irakien devant la tentation d'une fuite en avant guerrière, en s'appuyant sur l'opinion publique arabe.

L'Irak fut un partenaire privilégié de la France, qui ne peut rester spectateur, là moins qu'ailleurs, et je sais qu'elle ne le reste pas.

Q uelles perspectives envisagez-vous, monsieur le ministre, pour sortir de la poudrière actuelle après la formulation, auprès du conseil de sécurité, du plan français de sortie politique de la crise, dont la gravité dans la région m'apparaît très sous-estimée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères, pour une réponse courte.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, je serai court, comme le président m'y incite, d'autant que je n'ai rien à ajouter à votre description de la situation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Je rappellerai que pour sortir de cette situation dangereuse et de l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui la communauté internationale, le seul pays qui ait fait des propositions d'ampleur traitant à la fois la dimension de ce drame qui n'en finit pas et la dimension de la sécurité, afin de rétablir dans la région, autour de l'Irak, une situation permettant à l'ensemble des pays du Proche et du Moyen-Orient de réenvisager l'avenir avec confiance, le seul pays qui ait abordé globalement ce problème, c'est la France.

Au début du mois de janvier, au conseil de sécurité des Nations unies, la France a avancée plusieurs idées : levée de l'embargo, mise en place d'un système de contrôle de tout éventuel réarmement en armes de destruction massive, contrôle des revenus financiers. Depuis lors, c'est autour de nos idées, même de la part des pays qui contestent complètement notre démarche, que le débat a lieu.

En attendant de la conclure d'une façon aussi ambitieuse, le conseil de sécurité a entrepris une évaluation de la situation en matière de réarmement - ou de désarmement -, en matière humanitaire et en matière de prisonniers de guerre. A partir de ses conclusions nous relancerons, avec tous nos moyens, nos propositions car elles nous paraissent constituer la seule issue. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

ACCÈS DES JEUNES À L'EMPLOI

M.

le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M.

Félix Leyzour.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, l'Assemblée nationale a voté, en juillet dernier, une loi tendant à lutter contre les exclusions.

Cette loi répond à une attente forte et devrait permettre d'apporter des éléments de solution aux problèmes de celles et ceux qui vivent dans la plus grande précarité.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

De plus en plus !

M.

Félix Leyzour.

Dans son volet emploi, des dispositions sont prévues pour conduire les jeunes à l'emploi et donc vers l'insertion. Je pense, en particulier, au programme instituant un trajet d'accès à l'emploi qui constituera une aide précieuse pour près de 60 000 jeunes.

Cependant, nous le savons tous, ce dispositif a encore besoin d'être complété. Aujourd'hui, les jeunes entre dixhuit et vingt-cinq ans, dans le cadre d'une recherche d'emploi, ne perçoivent aucune aide. Pour peu qu'ils se retrouvent seuls ou vivent dans un environnement social déjà en difficulté, ils deviennent les premières victimes de la redoutable spirale de la grande précarité.

L'objectif premier reste, bien entendu, l'emploi, ce à quoi pourrait répondre la mise en place d'un dispositif impliquant davantage les entreprises.

La seconde loi sur les 35 heures pourrait être le support de ce dispositif. Mais, dans l'attente de trouver un emploi, ces jeunes ne peuvent rester sans ressources. Il ne s'agit pas d'entretenir l'assistanat, bien au contraire.

Les députés communistes avaient proposé de créer une allocation de recherche d'emploi afin que ces jeunes puissent subvenir, pour un minimum, à leurs besoins.

Cette disposition est toujours d'actualité. Seule la solidarité nationale est en mesure d'apporter partout, dans tous les départements, la réponse attendue à ce douloureux problème social.

Madame la ministre, quelle réponse envisagez-vous d'apporter à l'attente de ces jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, vous avez bien posé le problème. La première chose qu'attendent les jeunes, c'est effectivement un emploi. Et je me réjouis que, depuis dix-huit mois, le chômage des jeunes ait baissé de 15 %. Je précise qu'au-delà de l'effort réalisé par l'Etat en ce qui concerne les emplois-jeunes, les entreprises françaises ont embauché cette année plus d'un million de jeunes, d'où la difficulté de réfléchir à une aide accompagnant toute embauche. Car vous voyez bien l'effet d'aubaine qu'il y aurait, en période de croissance, à apporter une telle aide.

En revanche, nous devons aider tous les jeunes qui font un effort pour rentrer dans un parcours de qualification et de sensibilisation. Car nous ne souhaitons pas assister les jeunes, mais leur permettre d'aller vers l'emploi.

C'est l'objectif du parcours TRACE, qui fait rentrer progressivement des jeunes éloignés de l'emploi. C'est aussi ce que fait actuellement l'Agence nationale pour l'emploi. Celle-ci reçoit tous les jeunes, avant qu'ils aient atteint six mois de chômage, pour leur proposer un parcours leur permettant d'être rémunérés dès qu'ils entreront dans une action d'insertion ou de formation et, entre ces diverses actions, de bénéficier du fonds d'action jeunes qui, grâce à la loi sur les exclusions, a augmenté de 260 millions de francs.

Bien sûr, nous ne touchons pas tous les jeunes. Mais nous devons agir dans tous les domaines.

La couverture maladie universelle permettra à nombre de ces jeunes qui n'arrivent pas à se faire soigner de le faire aujourd'hui gratuitement. De même, l'action menée par Mme la ministre de la jeunesse et des sports, pour faciliter l'accès au sport, aux loisirs mais aussi au tourisme, prévue dans la loi contre les exclusions, permet l'accompagnement des jeunes.

Nous avons plusieurs autres projets. En particulier, nous travaillons avec le secrétaire d'Etat chargé du logement sur l'accès au logement des jeunes en grande difficulté. Le point sera au coeur de la conférence de la famille au mois de juin, car c'est un problème majeur.

Vous le voyez, monsieur le député, nous essayons de résoudre structurellement les problèmes rencontrés par les jeunes, car ils ne pourraient pas être résolus par une aide générale d'assistance que les jeunes ne souhaitent d'ailleurs pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

LUTTE CONTRE LE DOPAGE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg.

Madame la ministre de la jeunesse et des sports, au moment même où le Parlement français est en train d'adopter le projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, la conférence mondiale sur le dopage se réunit au siège du Comité international olympique, à Lausanne.

Mon groupe a eu l'occasion de souligner, lors des débats sur le texte français, toute l'importance qu'une harmonisation des règles, au niveau européen et international, pouvait avoir dans la lutte contre le dopage et surtout pour la préservation de la santé des sportifs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Notre législation fera de la France, et nous nous en réjouissons, une référence pour le milieu sportif international. Mais son entière efficacité dépendra de l'adoption de dispositions internationales communes, sous la pression des opinions publiques internationales.

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser quel a été le message du gouvernement français porté - de la meilleure façon - par votre intermédiaire ? Comment s'engagent les discussions au sein de la conférence de Lausanne ? Quelles avancées ont pu déjà être obtenues et quels obstacles persistent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le député, je voudrais d'abord souligner l'importance de cette conférence internationale initiée par le Comité international olympique. C'est la première fois qu'à ce niveau, Etats et mouvements sportifs se rencontrent pour discuter ensemble de la préservation de la santé des sportifs et lutter contre le dopage.

Au nom du gouvernement français, j'ai tout d'abord dit que nous menions cette lutte contre le dopage au nom des hommes et des femmes qui pratiquent le sport en vue de leur épanouissement individuel et de la rencontre avec d'autres.

M. François Goulard.

Comme en Allemagne de l'Est ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Cette lutte contre le dopage, nous l'avons soutenue au nom des champions et des championnes qui veulent que soient respectés leurs résultats. Nous l'avons menée avec le souci de faire porter le débat sur les causes du dopage, toutes les causes du dopage, y compris, monsieur le député, le dopage d'Etat tel qu'il a pu être organisé à une certaine époque. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je suis également intervenue, comme mes collègues de l'Union européenne, sur les propositions visant à harmoniser la lutte contre le dopage, que nous avons élaboréese nsemble et qui ont fait l'objet d'une résolution commune au niveau de l'Union européenne.

Permettez-moi de le dire avec une certaine solennité, aucun des ministres de l'Union européenne qui sont intervenus dans le débat d'hier à Lausanne n'a voulu donner une leçon au mouvement sportif. Comme ils l'ont déclaré, ils sont prêts à prendre leurs responsabilités aux côtés du mouvement sportif et en complémentarité avec lui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

J'ai donc été particulièrement étonnée d'entendre ce matin certains membres du CIO, au lieu de discuter sérieusement de ce problème du dopage, déplacer le problème vers celui de la corruption aux hommes politiques.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Maurice Leroy.

Très bien !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Cette volonté de travailler en complémentarité avec le mouvement sportif est réelle en France et je dois remercier le Comité national olympique et sportif français d'avoir lancé cette campagne de prévention. Nous sommes le seul pays dont les sportifs sont venus porter à Lausanne un message sur les valeurs du sport.

C'est ensemble que nous allons mener la lutte et organiser le suivi médical. Je me félicite aussi que la représentation nationale, après plusieurs votes à l'unanimité, à l'Assemblée nationale et au Sénat, et ce matin, en commission mixte paritaire, ait adopté le projet de loi sur la santé des sportifs et la lutte contre le dopage.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Hier après-midi, les ministres de l'Union européenne ont été amenés à faire une remarque. Je vais vous expliquer pourquoi en vous lisant un texte.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce sera très court, car je ne vais pas vous lire tout le document qui émane du CIO. (« Ah ! » sur les mêmes bancs.)

« Le mouvement olympique créera immédiatement une agence internationale indépendante sous la forme d'une fondation régie par le droit suisse, établie à Lausanne, dirigée par un conseil présidé par le président du CIO et composée de : trois représentants pour le CIO, les fédérations internationales, les comités nationaux olympiques, les organisations internationales, l'industrie pharmaceutique, les sponsors et l'industrie des articles sportifs. »

Les ministres de l'Union européenne ont fait remarquer que ce qui n'allait peut-être pas dans ce texte c'était le terme « indépendante ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Vous pouvez conclure, madame, s'il vous plaît !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Les travaux qui se poursuivent aujourd'hui permettront d'avancer dans un sens plus efficace. Mais je pense vraiment que cette conférence aura marqué un tournant et j'espère qu'elle permettra aux instances internationales olympiques de retrouver toute leur crédibilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

DURÉE DU TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE

M. le président.

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, le 13 janvier dernier, vous avez annoncé la publication, p our le 28 janvier, d'un rapport commandé à M. Jacques Roché, sur les états des lieux de la réglementation et les pratiques effectives sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques : Etat, collectivités locales et fonction publique hospitalière. Remis à M. le Premier ministre, ce rapport n'a pas été publié à la date prévue. Interrogé lundi, vous avez répondu : pas avant la semaine prochaine ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Interrogé ce jour, vous dites : mercredi prochain !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. Bernard Accoyer.

Oh !

M. Lionnel Luca.

Entre temps, la presse s'est fait bizarrement l'écho d'une note dite « confidentielle » de l'inspection générale des finances parvenue dans les rédactions, fuite malencontreuse qui fait état « d'un temps de travail des fonctionnaires moins long que la durée légale actuelle et future, de congés parfois illégaux et, surtout, p ropose de refuser une application uniforme des 35 heures, préconise une modération des salaires et une amélioration de la productivité.

J e souhaiterais vivement que vous nous éclairiez aujourd'hui. Quelles sont les vraies raisons du retard pris dans la publication de ce rapport ? L'échantillon concerné par la note de l'IGF, moins de 1 200 agents, peut-il vraiment être pris en considération ? Est-il bien sérieux et opportun de laisser planer la suspicion sur tous les agents de la fonction publique, qu'elle soit d'Etat, locale ou hospitalière, alors qu'ils font, dans leur ensemble, leur travail consciencieusement et honorent l'administration française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quel est votre véritable but ? Vous avez dit que vous ne disposiez pas d'une bagette magique. A vous voir procéder ainsi, on veut bien le croire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, dans l'accord salarial du 10 février 1998, il était effectivement prévu de confier à une personnalité la réalisation d'un état des lieux exhaustif des réglementations et des pratiques en matière de temps de travail et d'heures supplémentaires dans la fonction publique. Cet état des lieux devait permettre d'analyser, secteur par secteur, les conséquences du passage aux 35 heures.

J'avais dit ici même, après le Premier ministre, qu'il n'y avait pas de raison que cette perspective ne concerne pas la fonction publique...

M. Pierre Lellouche.

Ils ne font pas les 35 heures ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... même si, pour des motifs évidents, elle ne peut pas s'inscrire dans la même logique et avec les mêmes mécanismes que les autres secteurs concernés par la loi du 13 juin 1998, de Mme Martine Aubry.

Le rapport de M. Roché sera remis mercredi prochain.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ne faites pas semblant de considérer que quelques jours de retard constituent une affaire d'Etat ! Quelques jours supplémentaires ont en effet été nécessaires (Plusieurs députés miment le maniement de ciseaux.)

pour obtenir une présentation plus homogène des données issues des trois fonctions publiques. (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jacques Myard.

Anastasie ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ces données permettront de constater qu'il y a une diversité, une hétérogénéïté des situations, que le rapporteur m'a d'ores et déjà signalée.

La lettre de mission que j'avais adressée à M. Roché prévoyait - cela me paraît bien naturel - qu'il puisse s'appuyer sur l'expertise des corps d'inspection générale des finances, des affaires sociales et de l'administration. Il a pu ainsi recueillir des notes, qui ne le lient pas, mais qui sont des apports à sa réflexion.

Dès que ce rapport m'aura été remis, il sera évidemment communiqué aux partenaires sociaux, syndicats et organisations d'élus.

M. Jean-Louis Debré.

Et le Parlement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je procéderai ensuite avec eux à un échange de vues sur le contenu de ce rapport et sur les propositions qui l'accompagneront. Ce n'est qu'après cette phrase que pourront s'engager véritablement les discussions sur les objectifs.

Il va de soi que ce rapport, quelle que soit la qualité de son auteur, n'engage que M. Roché lui-même. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il sert à éclairer l'action du Gouvernement, il ne le lie pas. J'espère cependant, connaissant justement la qualité de l'auteur, que les constats faits par M. Roché constitueront un socle consensuel sur lequel les discussions pourront s'engager dans la clarté.

Je note votre impatience, mais je vous rappelle que la loi du 13 juin 1998, dans son article 14, a prévu la présentation au Parlement d'un rapport sur le bilan et les perspectives de la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Vous serez donc parfaitement informés en temps voulu. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Louis Debré.

Dans un certain temps...

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Enfin, je note avec satisfaction, sur des bancs où, très souvent, j'ai entendu parler des fonctionnaires en termes extrêmement défavorables et injustes (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), une évolution qui me paraît de bon aloi et dont je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

DÉLINQUANCE DES MINEURS

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Abrioux.

M. Jean-Claude Abrioux.

Monsieur le Premier ministre, tous les élus de banlieues qualifiées trop facilement de « difficiles » attendaient avec impatience vos premières mesures en matière de sécurité et de délinquance des mineurs. Malheureusement, vos effets de manche et vos affirmations de fermeté n'ont une nouvelle fois été suivis que de voeux pieux, de poncifs et de moyens encore non financés.

Vous aviez pourtant affirmé votre volonté de responsabiliser les parents des jeunes délinquants. Ne me dites pas que la mise sous tutelle des allocations familiales est pré-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

vue par le code de la sécurité sociale. Les élus connaissent le code et ils savent aussi que, depuis des années, on refuse de l'utiliser. Ils savent que la baisse de la délinquance juvénile passe par une action éducative, une meilleure politique de la ville, mais surtout par le rappel de la loi et des devoirs de chacun.

Monsieur le Premier ministre, entendez-vous donner aux acteurs locaux des procédures simples d'action, permettant notamment de créer un dispositif d'allocations familiales à points, comme des élus l'ont déjà fait pour les allocations communales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, le conseil de sécurité intérieure a pris trois séries de dispositions. La première vise à assurer une présence plus visible des forces de sécurité sur la voie publique. La deuxième vise à apporter une réponse immédiate à la commission de délits lorsqu'ils sont le fait de mineurs multirécidivistes bien connus des services de police et de justice. La troisième vise à soustraire l'école au monde de la violence en créant 250 classes relais, de façon que des élèves exclus d'un collège ne soient pas envoyés dans un autre mais puissent trouver une structure d'accueil adéquate. De même, 10 000 postes d'éducateurs seront créés.

Vous avez évoqué le problème des prestations familiales. C'est un fait que la législation en vigueur, comme je l'ai rappelé récemment, en permet la suspension ou la mise sous tutelle si les parents se sont soustraits à leurs obligations éducatives. Ce n'est évidemment qu'un aspect de la politique de responsabilisation des parents.

Pour le reste, les décisions prises par le conseil de sécurité intérieure doivent permettre, si elles sont suivies méthodiquement, d'apporter des réponses plus précises, plus déterminées à une situation qui justifie qu'on l'aborde avec toute la préoccupation qu'elle mérite, mais sans surenchères inutiles. Nous avons les moyens de mener une politique efficace si chacun veut bien essayer de ne pas en faire un enjeu idéologique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

E

COUTES TÉLÉPHONIQUES DANS LE CADRE DE L'ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT DU PRÉFET ERIGNAC

M. le président.

La parole est à M. René André.

M. René André.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Il y a un an, M. le préfet Erignac était assassiné. Ses tueurs ne sont toujours pas arrêtés même si, selon certaines informations, ils seraient identifiés. Nous souhaitons tous et leur arrestation, et leur condamnation rapide.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. René André.

Selon les mêmes sources auraient été pratiquées en Corse des écoutes téléphoniques illégales ou non autorisées. Si chacun, sur ces bancs, comprend que les enquêteurs doivent user de certaines méthodes pour l utter contre la criminalité, encore faut-il que ces méthodes s'inscrivent dans un cadre légalement défini, soient autorisées par la loi.

M. Jacques Myard.

C'est vrai !

M. René André.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, ce qu'il en est réellement de ces écoutes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Claude Goasguen.

Excellente question !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, le 6 février dernier, il y aura un an samedi prochain, le préfet Claude Erignac était froidement assassiné. Le pays tout entier, profondément choqué et profondément ému par ce crime odieux, s'est associé à la douleur de Mme Erignac et de ses enfants.

Aujourd'hui, à l'approche de ce triste anniversaire, je suis sûr que, comme le Gouvernement, l'ensemble de l'Assemblée nationale a une pensée pour Mme Erignac et ses enfants, et l'assure de toute la détermination des autorités publiques pour que les auteurs de cet assassinat soient poursuivis, confondus et jugés. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Pour l'enquête, des moyens très importants ont été mis en oeuvre.

Sur le plan judiciaire, deux informations ont été ouvertes et confiées au parquet de Paris, en vertu de sa compétence en matière de terrorisme.

Dans le cadre de ces deux informations judiciaires, ouvertes, l'une pour assassinat, l'autre pour association de malfaiteurs, les investigations ont été menées très activement. Je rappelle le bilan établi par le parquet de Paris le 23 décembre : 618 personnes entendues en qualité de témoin, 349 personnes interpellées, 48 personnes mises en examen et 36 personnes placées sous mandat de dépôt. Les enquêtes ont permis de saisir un grand nombre d'armes et de munitions, et de découvrir plusieurs dépôts d'explosifs.

Je précise également qu'afin de faciliter le déroulement des investigations, un regroupement des procédures a été décidé le 8 décembre dernier par les magistrats instructeurs entre les deux informations dont je viens de parler et une troisième information ouverte à la suite de l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella. Vous vous souvenez en effet que c'est une arme dérobée au moment de l'attaque de la gendarmerie qui a tué le préfet Erignac et a été trouvée à ses côtés.

Le travail accompli par la justice et les forces de police judiciaire, gendarmerie et police, portera ses fruits si celles-ci continuent à agir avec la même constance, la même fermeté qui animent leur action depuis le début de l'enquête et si elles veillent à observer la discrétion indispensable pour la mener à bien !

M. Bernard Roman.

Très bien.

Mme la garde des sceaux.

S'agissant des écoutes téléphoniques, je rappelle que les écoutes judiciaires qui ont pu être ordonnées dans le cadre de l'instruction en cours l'ont été, dans la stricte application de la loi de 1991, sous la responsabilité du magistrat instructeur et sous le contrôle de la chambre d'accusation. Vous comprendrez que je m'interdise, sur ces écoutes judiciaires, toute information et tout commentaire supplémentaire.

Sur les écoutes administratives, je rappellerai d'abord qu'elles sont distinctes de la procédure judiciaire. Elles répondent à des préoccupations de sécurité et de renseignement et doivent, selon la loi de 1991, être auto-r isées par le Premier ministre sur proposition des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

ministres compétents, le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense, et après avis de la commission d'interception des écoutes téléphoniques. Il est évident que ce système légal a été respecté et qu'aucune écoute illégale n'a pu être réalisée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

AVENIR DE GIAT INDUSTRIES

M. le président.

La parole est à Mme Chantal RobinRodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Monsieur le ministre de la défense, ma question a trait à la restructuration des industries de la défense, qui touche les différents sites de GIAT Industries. Cette restructuration préoccupe et mobilise, à juste titre, les élus et la population des départements concernés.

Depuis 1990, l'histoire du groupe GIAT a été ponctuée d'échecs industriels, de réductions d'activité et de plans de restructuration. Il nous est proposé aujourd'hui un plan stratégique, économique et social inacceptable, dans la mesure où ce énième plan ne contient aucune perspective d'avenir, du moins rien qui permette de croire qu'un véritable plan de redéveloppement industriel est en cours d'élaboration, rien qui donne un signe fort d'espoir pour la redynamisation des bassins économiques concernés.

Certes, l'Etat a manifesté clairement sa solidarité nationale lors du CIADT du 15 décembre dernier. Certes aussi, on peut considérer que l'Etat a donné à GIAT Industries les moyens sociaux concrets permettant à ce plan d'éviter tout licenciement en mesures d'autorité.

Mais qu'en est-il de la stratégie de développement ? Nous n'avons que trop peu d'assurances. Le désespoir et la colère se sont emparés des salariés du GIAT, qui ont décidé, sur divers sites, de bloquer l'envoi des pièces permettant d'alimenter la chaîne de construction du char Leclerc.

Sur le terrain, la situation est ingérable. L'Etat, actionnaire majoritaire, a sa part de responsabilité dans ce gâchis. Aussi attendons-nous de lui une attitude responsable.

Si je n'ai pas la légitimité pour parler au nom des élus des sites de Tulle, Roanne, Bourges ou Saint-Chamond, je le ferai pour Tarbes, qui s'est résolument engagée dans la voie de la diversification et qui a fait des propositions en ce sens au Gouvernement sur la base de l'expertise du cabinet Ouroumov. Dans ce cadre, les élus et les salariés tarbais, unanimes, exigent le maintien des forges et de l'usinage à Tarbes.

Monsieur le ministre, l'Etat, actionnaire majoritaire, est-il prêt à s'engager de façon concrète sur un plan quinquennal de développement du site ? Quels moyens nouveaux le Gouvernement est-il prêt à mettre en oeuvre pour régler de toute urgence ce conflit social ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Comme vous l'avez dit, madame la députée, le Gouvernement, dans les derniers mois, a manifesté très clairement son soutien à GIAT Industries, à sa direction et à ses personnels. Pour combler les déficits accumulés dans la gestion des dernières années, résultant eux-mêmes d'une baisse massive des marchés qui est une réalité, l'Etat a recapitalisé le GIAT, en trois ans, à hauteur de 17,5 milliards de francs.

Depuis son entrée en fonctions, ce gouvernement a procédé à trois recapitalisations pour un total de 13,7 milliards de francs.

Le plan stratégique, économique et social de GIAT a été présenté par la direction de cette entreprise le 7 juillet 1998, à l'issue de la procédure intégrale prévue par le code du travail, avec trois réunions du comité central d'entreprise. Les concertations se sont achevées au mois d'octobre et le plan est entré en vigueur le 1er janvier 1999.

Quatre organisations syndicales sur les cinq représentées à GIAT ont signé, le 5 janvier dernier, un protocole d'accord sur l'accompagnement social de ce plan. Il faut rappeler que ce dernier prévoit des mesures exceptionnelles dont, notamment, un dégagement des cadres et des ouvriers d'Etat à cinquante-deux ans. Il n'y a pas de licenciement ; il n'y a pas de notification individuelle de suppression de poste. Je crois donc que, socialement, ce plan est en avance sur presque tout ce qui a été fait jusqu'à présent dans ce pays.

Mais ce plan n'a été accepté par le Gouvernement que parce qu'il comprend aussi un important volet industriel, qui repose sur la rationalisation des sites et des productions et qui, précisément, manquait au plan d'adaptation précédent. Je vous donne l'assurance, madame la députée, que, dans le cadre de ce projet industriel, les forges, qui sont le point fort technologique et industriel de Tarbes, seront maintenues et modernisées.

Notre démarche vise à pérenniser GIAT Industries et à lui donner un avenir. Je note, à cet égard, la lettre d'intention signée tout récemment avec l'entreprise britannique Vickers, qui est la première manifestation d'une coopération industrielle crédible dans ce secteur sinistré de l'armement terrestre.

Je connais les difficultés d'adaptation que cela représente pour les bassins mono-industriels comme Tarbes, où GIAT est implanté. L'étude que nous avons contribué à financer prévoit des projets pour la conversion du bassin d'emploi et le développement de nouvelles activités.

C'est dans le mois qui vient, je vous l'annonce, que la filiale GIAT Développement sera créée par le groupe GIAT Industries, avec les fonds propres qui conviennent.

Dans ces conditions, je suis prêt, avec le délégué aux restructurations de défense, à mobiliser l'ensemble des moyens dont je dispose.

Vous savez que nous avons inscrit au budget de 1999 700 millions de francs de crédits d'engagement pour accompagner les restructurations industrielles. Si les partenaires locaux s'engagent dans un plan de développement du site sur cinq ans - et à la suite de nos fréquents dialogues, je connais la volonté offensive de tous les partenaires des Hautes-Pyrénées pour le développement local ce plan sera suivi et soutenu par le Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

PRÉLÈVEMENTS SUR LES BÉNÉFICES DE LA COUPE DU MONDE

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la jeunesse et des sports ou, éventuellement, à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La Coupe du Monde de football a été un remarquable succès sportif et financier. Les recettes du CFO ont été d e 2,9 milliards de francs et le bénéfice brut d'exploitation de 505 millions de francs, 77 millions d'euros. L'Etat va prélever 42 % de cette somme au titre de l'impôt sur les sociétés et l'on peut craindre une amende infligée par la Commission européenne pour abus de position dominante dans la vente des billets.

(« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

On peut donc raisonnablement estimer le bénéfice final à 200 millions de francs, 30 millions d'euros.

D'où mes deux questions : Quel qu'en soit le montant exact, comment ce bénéfice sera-t-il réparti ? L'Etat ne devrait-il pas avoir l'élégance de revoir à la baisse le prélèvement de 42 %, voire de l'effacer, quand on sait la maigreur du budget de la jeunesse et des sports : 0,19 % du budget général ? Si l'Etat était moins gourmand, les sports de base, les petits clubs pourraient espérer une plus juste répartition de la manne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Monsieur le député, on peut d'abord se réjouir qu'un grand événement sportif se soit pour une fois traduit par des bénéfices et non par des dettes. Je rappelle en effet que nous avons fini en 1998 seulement de régler les dettes d'Albertville.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Je tiens ensuite à préciser que ces bénéfices sont dus, d'une part, et il faut l'en féliciter, à la très bonne gestion du comité français d'organisation, d'autre part, à un fort engagement de fonds publics dans la réalisation de cette Coupe du Monde. J'estime donc normal qu'à travers l'impôt, l'Etat, et par là même les contribuables récupèrent une partie de cet argent.

Comment utiliser les 200 à 300 millions de francs, selon l'issue des contentieux européens, qui resteront ? Le Gouvernement a souhaité, rejoignant ainsi la volonté du regretté Fernand Sastre, que cet argent serve avant tout aux petits clubs, au développement sportif et aux équipements locaux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Renaud Muselier.

Et les villes d'accueil ?

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Avec cet objectif, nous avons proposé que cette somme soit versée sur une ligne particulière du Fonds national de développement sportif. Elle sera gérée par un comité de gestion composé de représentants de l'Etat, du Comité national olympique et sportif français, du CFO, de la Fédération française de football et des représentants des villes sites.

M. Renaud Muselier.

Ah ! Quand même !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Ce comité de gestion travaillera sur la base des projets qui seront adressés par ces villes, par d'autres cités ou par des clubs sportifs. Et il examinera tous les projets. Voilà, à mon sens, le meilleur moyen d'utiliser ces fonds. C'est peut-être les prémices d'une mutualisation dont le sport a tant besoin. N'oublions pas, en effet, que ce sport professionnel qui nous a tant fait rêver doit sa popularité à des joueurs issus de petits clubs. Il est donc normal qu'ils en retirent quelques bénéfices ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Raymond Forni.)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 REMPLACEMENT D'UN DÉPUTÉ DÉCÉDÉ

M. le président.

J'ai reçu, en application des articles L.O. 176-1 et L.O. 179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l'intérieur, en date du 3 février 1999, m'informant du remplacement de M. Michel Péricard, député de la sixième circonscription des Yvelines, décédé, par M. Pierre Morange.

3 AMÉNAGEMENT ET DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (nos 1071, 1288).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Discussion des articles (suite)

M. le président.

La nuit dernière, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 739 portant article additionnel après l'article 21.

Après l'article 21

M. le président.

MM. Rimbert, Brottes, Daniel,

M me Pérol-Dumont, MM. Bataille, Patriat et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 739, ainsi libellé :

« Après l'article 21, insérer l'article suivant :

« Il est inséré dans la loi du 4 février 1995 un article 29-1 ainsi rédigé :

« Art. 29-1. - Les services publics constituent un élément essentiel d'intégration sociale et de réduction des inégalités entre les personnes et entre les territoires ; l'accès égal pour tous aux différents services publics contribue à l'aménagement et au développement durable du territoire ; dans cette perspective, les personnes de droit public ou privé chargées du fonctionnement de services publics contribuent à u ne offre de services publics de qualité sur l'ensemble du territoire.

« En vue de remplir cet objectif, les administrat ions, collectivités territoriales, établissements et organismes de statut public ou privé en charge d'un service public peuvent décider par convention de mettre en commun les moyens nécessaires pour maintenir le fonctionnement d'un service public en milieu rural ; ils peuvent également constituer entre eux, par convention, lorsque le besoin existe, des maisons des services publics.

« Ces conventions interviennent dans le cadre du schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics mentionnés à l'article 28, ou des contrats d'objectifs ou contrats de services publics mentionnés à l'article 29. »

Cet amendement est défendu.

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges pour donner l'avis de la commission.

M. Philippe Duron, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, pour donner l'avis du Gouvernement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cet amendement est satisfait par l'amendement gouvernemental no 1119 qui sera soumis à l'examen de votre assemblée à l'article 22.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 739.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 22

M. le président.

M. Duron, rapporteur, et M. Brottes ont présenté un amendement, no 333 rectifié, ainsi rédigé :

« Avant l'article 22, insérer l'article suivant :

« L'article 28 de la loi no 95-115 du 4 février 1995 est complété par l'alinéa suivant :

« Pour ce qui est de la présence postale territoriale, une commission départementale spécifique est constituée. Cette commission, dont la composition est déterminée par le ministre chargé de la poste, est tenue informée des projets d'évolution du réseau des points de contact. Elle dispose, à compter de sa saisine par une collectivité locale ou par La Poste, d'un délai de 6 mois pendant lequel La Poste ne devra pas modifier le service rendu à la population concernée. Ce délai est mis à profit par tous les partenaires pour trouver, en relation avec La Poste et avec le soutien de l'Etat, dans le cadre de sa politique d'aménagement du territoire, et des collectivités, la meilleure solution du maintien ou de l'évolution des prestations de La Poste sur la commune concernée. »

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Hier, après l'article 15, en traitant de la transposition d'une partie de la directive postale européenne, nous avons beaucoup parlé de La Poste, mais surtout du courrier. Nous avons ainsi eu l'occasion de conforter les services rendus à nos concitoyens en matière de courrier, de publipostage, de colis et de conserver à La Poste, notre opérateur historique, un secteur réservé sous monopole le plus large possible. Nous n'avons donc évoqué que le courrier et l'activité postale.

En revanche, cet amendement traite de la présence postale territoriale, celle qui permet d'assurer d'autres missions de service public que celles liées au courrier, des missions pas toujours reconnues voire très contestées par les concurrents de La Poste ; je veux parler des services financiers qui se situent effectivement en dehors du champ du service universel du secteur postal.

Nous savons tous, mes chers collègues, que cette activité financière est indissociable de l'activité postale. En effet, la conjugaison de ces deux activités permet à nos concitoyens d'accéder à un service de proximité de qualité. Quoi qu'en disent certains autres opérateurs du secteur financier, nombre de nos concitoyens n'ont ni carte bancaire ni compte chèque. Pour eux, l'accès au guichet pour faire une opération sur leur livret ou utiliser les mandats constitue la seule solution. Ce service fait donc partie intégrante de leur droit à vivre ou, malheureusement trop souvent, de leur droit à survivre.

La Poste consent actuellement de gros efforts pour améliorer sa présence, notamment dans les quartiers de banlieue. Elle réfléchit, dans le cadre de négociations sur l'aménagement et la réduction du temps de travail qui ont progressé assez rapidement au cours de ces derniers jours, à la meilleure manière d'assurer une présence plus permanente pour accueillir les usagers. Tout cela va dans le bons sens et mon amendement, adopté par la commission, tend à établir un lien étroit entre La Poste et les collectivités locales pour que toute évolution du service rendu soit étudiée au plus près des réalités sans laisser les petites communes à l'écart des discussions.

Cependant, madame la ministre, monsieur le ministre de la fonction publique, lorsque nous avons débattu de cet amendement en commission, nous ne connaissions ni les conclusions du CIADT sur le service public ni les amendements déposés à l'article 22 par le Gouvernement afin d'inscrire dans la loi une mécanique concrète édictant les mesures nécessaires pour éviter toute dégradation des missions de service public sur notre territoire. Il permettront de préciser le rôle donné aux préfets, de faire


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

référence aux contrats de plan passés entre les opérateurs de service public et l'Etat, d'instaurer un cadre juridique pour la création des maisons de services publics.

Je considère que ces dispositions répondent avec bonheur à la préoccupation que j'ai exprimée avec cet amendement. Je serais donc disposé, bien évidemment avec l'accord du rapporteur, à le retirer si vous nous confirmiez, madame la ministre, monsieur le ministre, que les amendements du Gouvernement satisferont, en matière de présence postale territoriale, le dispositif proposé par mon amendement, lequel reprend, en fait, celui qui figure dans le contrat d'objectif et de progrès signé en juin dernier entre l'Etat et La Poste, prévoyant même la possibilité de soutiens émanant de la politique d'aménagement du territoire.

Dans le même esprit, et toujours si le rapporteur en est d'accord encore, je retirerais les amendements nos 334, 335 et 336 puisque les préoccupations qu'ils portent sont prises en compte par les amendements du Gouvernement à l'article 22.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je suis tout à fait d'accord avec le retrait des amendements nos 334, 335 et 336.

En revanche l'amendement no 333 rectifié me semble comporter des avancées par rapport à la circulaire du 3 septembre adressée aux préfets.

Il impose d'abord à La Poste de ne pas modifier le service rendu à la population concernée pendant un délai de six mois, en précisant que le délai court à compter de la saisine de la commission départementale, alors que la circulaire le fait partir de l'annonce du projet d'évolution du réseau des points de contact de La Poste.

Enfin, l'amendement prévoit que le délai de six mois sera mis à profit pour trouver la meilleure solution quant au maintien et à l'évolution des prestations de La Poste sur la commune concernée, ce qui constitue un objectif plus large que celui défini par la circulaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je confirme à M. Brottes que le dispositif de concertation locale mis en place par le contrat d'objectifs et de progrès passé avec La Poste le 25 juin 1998 continuera à s'appliquer. Les commissions de présence postale sont d'ailleurs déjà en place. Elles fonctionnent, semble-t-il, de façon satisfaisante.

L'amendement proposé n'apparaît donc pas d'une urgente nécessité. Le dispositif contractuel arrêté permet d'expérimenter l'efficacité et l'intérêt de ces dispositions.

Il est peut-être trop tôt pour en évaluer les effets et en tirer des conséquences législatives qui devraient viser à unifier les instruments des cadres de concertation - les commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics notamment - plutôt qu'à multiplier les commissions ad hoc.

J'accueille donc avec satisfaction la proposition de M. Brottes de retirer cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Il est important que nous intervenions sur ce sujet pour fixer le cadre général du débat.

Je comprends bien les difficultés que rencontre le Gouvernement en égard à la rédaction initiale de l'article 22.

Je suis d'ailleurs heureux que M. le ministre de la fonction publique soit parmi nous, car il pourra peut-être clarifier les choses.

Ainsi qu'en témoigne l'amendement de M. Brottes, le texte présenté par le Gouvernement suscite des inquiétudes parfaitement justifiées chez les élus locaux. Les propos que vient de tenir Mme la ministre ne sont d'ailleurs pas de nature à nous rassurer car le contrat d'objectifs et de progrès passé entre La Poste et l'Etat se situe au niveau national. En revanche, les dispositions relatives à ce que nous qualifions de service public de La Poste au niveau local ne sont pas suffisamment précisées pour que nous puissions être satisfaits. Tel qu'il nous est proposé, l'article 22 constitue même une circonstance aggravante.

L'indication, dans un texte proposé par le Gouvernem ent, « qu'une commune ou un groupement de communes peut apporter son concours au fonctionnement d'agences postales » signifie que les collectivités locales seront sollicitées pour se substituer à la responsabilité de l'Etat. En fait, ce texte organise la manière dont elles devront intervenir en fournissant des moyens de fonctionnement, des locaux et des moyens financiers pour préserver ce service que nous considérons comme indispensable.

La majorité a donc des difficultés et M. Brottes essaie de trouver une solution. Je l'en remercie. Nous avons également tenté d'en trouver en commission.

Nous voulons surtout que l'Etat et le Gouvernement nous répondent d'une manière très claire. L'amendement que M. Brottes veut retirer est bon et je ne suis pas persuadé que la réponse donnée par Mme la ministre soit de nature à nous satisfaire. Les inquiétudes perdurent donc et je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez clairement si, en ce qui concerne La Poste, vous êtes prêt à faire en sorte que le dispositif mis en place permette de préserver la notion de service public de proximité, notamment dans des zones géographiquement difficiles d'accès. En effet, cela ne figure nulle part.

L'amendement est tellement généraliste qu'il ne nous permet pas d'avoir la certitude que les mesures envisagées permettront de préserver l'existence de ce service de proximité.

Enfin, je suis heureux que Mme la ministre reconnaisse l'utilité de la commission départementale des services publics que la loi de 1995 a créée. Elle constitue, en effet, un moyen efficace d'assurer la proximité et de prendre les décisions nécessaires dans le cadre local.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Dans une loi d'orientation, l'objectif est évidemment de fixer des orientations. En ce qui concerne La Poste, il s'agit d'exprimer ce que nous attendons d'un service postal - j'y reviendrai - le dernier CIADT de 1998 ayant aussi rappelé l'importance de la polyvalence.

Chacun sait qu'elle peut être organisée au travers du dernier service public présent sur un territoire, en général le bureau de poste. Nous voudrions donc que vous nous indiquiez, madame la ministre, monsieur le ministre, comment vous allez aborder la problématique postale.

Après avoir traité de la directive européenne et du contrat de plan, nous devons fixer les orientations permettant d'atteindre l'objectif d'assurer le service de proximité en tous points du territoire, sauf conditions exceptionnelles sur lesquelles nous avons débattu hier.

L'amendement qui va être retiré présente l'intérêt d'édicter un délai de six mois pendant lequel La Poste ne devra pas modifier les services rendus à la population concernée. Cette disposition est conforme à l'esprit du moratoire, que vous avez d'ailleurs critiqué, madame la ministre, de manière un peu injuste. Il tendait en effet,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

non pas à geler les situations, mais à laisser le temps d'organiser le service avec les partenaires intéressés, dans le cadre de commissions.

Vous avez vous-même rappelé l'existence des commissions d'organisation et de modernisation des services publics, que les préfets ont trop peu souvent réunies. Le moratoire devait donc permettre la recherche des meilleures solutions, mais dans le respect des prérogatives de chacun. L'Etat devait ensuite assumer ses responsabilités sans se tourner vers les collectivités. Nous aurons ce débat en examinant l'article 22.

Le délai de six mois correspond donc au bon esprit du moratoire et je voudrais que cette idée soit reprise, madame la ministre, afin de laisser à l'Etat le temps de s'organiser et de définir les moyens qu'il mettra en oeuvre au lieu de se retourner vers les collectivités.

M. le président.

Monsieur Brottes, l'amendement no 333 rectifié, le retirez-vous ?

M. François Brottes.

La rédaction de cet amendement est la copie presque conforme du texte qui figure dans le contrat d'objectifs et de progrès passé entre l'Etat et La Poste. Mon souci était de faire en sorte que la loi impose ce dispositif de façon un peu plus forte que ne pouvait le faire ce contrat entre l'opérateur et l'Etat.

Dans la mesure où les amendements du Gouvernement à l'article 22 rappellent, en faisant référence au contrat d'objectifs et de progrès dans la loi elle-même, qu'un dispositif existe ce qui permettra d'utiliser les dispositions qui y figureront, mon amendement est satisfait et je peux envisager son retrait.

Un lien est en effet établi entre la loi et le contrat de progrès, ce qui nous donne les garanties que je voulais obtenir avec mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 333 rectifié est retiré.

Article 22

M. le président.

« Art. 22. - I. - Le cinquième alinéa de l'article 29 de la loi du 4 février 1995 est abrogé.

« II. Après l'article 29 de la loi du 4 février 1995, il est ajouté un article 29-1 ainsi rédigé :

« Art. 29-1 . - Une commune ou un groupement de communes peut, afin de maintenir le fonctionnement du service postal en milieu rural, dans le cadre d'une convention conclue avec La Poste, apporter son concours au fonctionnement d'agences postales, par la mise à disposition de locaux ou de personnels dans les conditions prévues par l'article 62 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

« Le contrat d'objectifs conclu entre l'Etat et La Poste précise les conditions dans lesquelles ces conventions peuvent être conclues. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Comme mes collègues, je suis ravi que le ministre de la fonction publique participe aujourd'hui à ce débat. Sa présence est d'autant plus intéressante que nous abordons, avec l'article 22, un autre aspect essentiel de l'aménagement et du développement d u territoire : le maintien des services publics sur l'ensemble du territoire.

Avec l'amendement no 974 que je défendrai dans quelques instants, j'aborderai plus précisément le problème de la présence postale et de la qualité du service postal qui sont, comme M. Duron l'a souligné dans son rapport écrit, des éléments structurant le territoire français.

En intervenant sur l'article 22, je veux appeler, madame la ministre, monsieur le ministre, votre attention sur le problème du service public hospitalier. Certes, nous avons traité du schéma relatif à la santé dans un article précédent, mais ni le secrétaire d'Etat à la santé ni le ministre de la fonction publique n'étaient présents.

Je tiens donc à vous interpeller sur le maintien du service public hospitalier dans les villes moyennes, comme celle de Vendôme, dans ma circonscription. Ainsi que l'a fait hier mon collègue et ami Michel Bouvard en évoquant des problèmes concrets qu'il vit au quotidien, je vais évoquer un cas pratique qui intéresse ma circonscription.

Au moment où nous discutons de ce projet de loi d'aménagement du territoire, au moment où il est beaucoup question de concertation des élus et de consultations, j'ai vécu ce fait assez rare d'apprendre à l'occasion de la cérémonie des voeux du président du conseil d'administration du centre hospitalier de Vendôme - j'ai été heureux de m'y être rendu, car cela m'a permis d'être informé - que l'on envisageait la fermeture de plusieurss ervices de ce centre hospitalier, choix totalement contraire à l'accord de complémentarité conclu entre le centre hospitalier public de Vendôme et la clinique privée du Saint-Coeur, non loin de l'hôpital.

Cela démontre toute la différence entre les déclarations d'intention - puisque l'on fait de beaux discours sur l'aménagement du territoire, sur la concertation, sur la consultation - et le vécu de terrain.

Membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée je me souviens d es déclarations de vos collègues, Mme Aubry et M. Kouchner, dont tous les commissaires pourraient témoigner, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent. Il nous avait ainsi été indiqué, au début, que les directeurs des agences régionales hospitalières consulteraient - il n'était déjà plus question de concertation - les parlementaires, représentants de la nation sur les schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale.

Or il faut être invité à l'assemblée générale d'une organisation syndicale ou assister à une cérémonie de voeux du président du conseil d'administration d'un centre hospitalier pour savoir à quelle sauce sera mangé l'hôpital de votre circonscription ! A l'occasion de l'examen de l'article 22 relatif au maintien des services publics, je préférerais que l'on abandonne les grands baratins sur la question pour traiter concrètement des dossiers. Monsieur le ministre de la fonction publique, les travaux pratiques sont indispensables, y compris, cela peut vous être utile, pour faire remonter les informations du terrain, car nous sommes aussi là pour cela.

Au-delà des déclarations et des pétitions de principe de cet article 22, quelles mesures comptez-vous prendre pour que la consultation et la concertation existent réellement en la matière ? Je conviens, certes, que le cas évoqué est particulier, mais je suis persuadé qu'il doit se retrouver ailleurs, si j'en juge d'après les discussions que j'ai eues avec mes collègues. Il en ressort que nous ne sommes pratiquement jamais consultés sur les schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale, ce qui est proprement scandaleux ! Les directeurs d'agences régionales hospita-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

lières sont beaucoup plus difficiles à rencontrer dans nos départements que les préfets. Même si on les appelle parfois les préfets sanitaires, cela est scandaleux et inadmissible.

M. Henri Nayrou.

Ce n'est pas nouveau !

M. Maurice Leroy.

Je ne prétends pas que cela soit nouveau, mais, siégeant ici et aujourd'hui, je parle du présent et ne veux pas remonter à Vercingétorix. Je pose les problèmes tels qu'ils existent actuellement dans ma circonscription, sans esprit polémique. Aujourd'hui, les personnels, le corps médical et les habitants de toute une région, de tout un bassin de vie sont touchés.

Sachez également, mes chers collègues, que, comme cela a encore été le cas cet après-midi au cours des questions d'actualité, je peux applaudir un collègue qui ne siège pas sur les mêmes bancs que moi si j'estime qu'il a posé une bonne question. Je l'ai fait pour une question sur l'Irak. J'exprime toujours ce que je ressens et je dis les choses comme je les vis.

Je répète donc qu'il est absolument inadmissible que les parlementaires ne soient jamais invités aux réunions de concertation sur le schéma régional d'organisation sanitaire et sociale. Alors que nous devons ensuite affronter les réclamations dans nos permanences, nous ne disposons même pas des réponses nécessaires ! Nous apprenons les nouvelles par la presse ou par les organisations syndicales. Vive la démocratie ! Il vaut mieux être délégué CGT, CFDT, FO ou CFTC qu'être député, car cela permet au moins de disposer des dernières informations sur l'hôpital de sa circonscription ! Pourtant, c'est nous qui nous faisons « engueuler » par des électeurs qui nous demandent comment nous défendons leurs intérêts ! Je lance donc un cri du coeur, monsieur le ministre, madame la ministre, et je voudrais obtenir des réponses précises : quand les directeurs de ARH daigneront-ils enfin informer les parlementaires sur les projets d'organisation des services publics ?

M. le président.

Pourriez-vous conclure, monsieur Leroy ?

M. Maurice Leroy.

Ils sont bien plus difficiles à rencontrer qu'un ministre.

M. le président.

J'allais vous dire, monsieur Leroy, que les cris du coeur les plus brefs sont aussi les plus beaux.

(Sourires.)

En l'occurrence, vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Je m'exprimerai en défendant mon amendement tout à l'heure.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Madame la ministre, l'article 22 de votre projet de loi illustre parfaitement le décalage entre votre volonté d'aménager notre territoire, vos discours et les véritables besoins de nos concitoyens.

Nous ressentons d'ores et déjà les premiers effets de la décision du Premier ministre de mettre fin au moratoire de la fermeture de services publics en milieu rural - instaurée, je le rappelle, par la précédente majorité. Comment pouvez-vous ignorer à ce point les besoins de nos petites communes ? Comment pouvez-vous demander à leurs élus « d'apporter leur concours au fonctionnement d'agences postales, par la mise à disposition de locaux ou de personnels », comme l'indique l'article 22 ? Cette mesure, à l'image d'une grande partie de votre projet de loi, est lourde de conséquences. J'en vois deux particulièrement inacceptables ; la délicate situation des élus de communes rurales, d'une part, l'inégalité des usagers devant le service public de La Poste, d'autre part.

Tout d'abord, en ce qui concerne la situation des élus ruraux, vous savez peut-être qu'en milieu rural, les services publics sont indispensables au maintien de nos communes les plus défavorisées.

La Poste est précisément le symbole par excellence de ces structures qu'il ne fallait pas affaiblir mais, bien au contraire, renforcer au sein des collectivités les plus modestes.

L'Etat ne peut laisser au bord de la route les villages les plus durement touchés par la désertification. Il y a urgence en la matière.

Comme je vous le disais lors de la discussion générale, les élus de ces petites communes sont confrontés à une multitude de problèmes et doivent déjà compenser le désengagement de l'Etat dans plusieurs domaines. Désormais, ils devront devenir en quelque sorte des postiers et seront dans l'obligation de fournir locaux et personnels s'ils veulent assurer la continuité du service public. Alors qu'ils ont toutes les peines du monde à réunir les moyens nécessaires pour rémunérer un secrétaire général,...

M. Maurice Leroy. C'est vrai ! M. Thierry Mariani. ... un cantonnier ou le personnel administratif indispensable pour remplir les formalités du RMI, croyez-vous qu'ils pourront, en plus, trouver les ressources nécessaires dans leurs budgets misérables pour maintenir le service postal ? Cette mesure, une fois de plus, ne tient aucun compte des difficultés du milieu rural.

Pire, cette disposition est d'autant plus dangereuse que, combinée avec l'annonce de la fin du moratoire et les fermetures de classes que votre collègue Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire prononce arbitrairement, elle aboutit à un réel démantèlement du service public.

Hier encore, j'étais aux côtés des instituteurs, parents d'élèves et élus de la commune de Cairanne dont le groupe scolaire risque d'être injustement frappé par une fermeture de classe.

Avec ce projet de loi, vous devenez des « snipers » du service public ! Les coups fusent de toutes parts sans que l'on arrive à les identifier, mais, en fin de compte, c'est bien la mort d'une certaine conception du service public en milieu rural que vous programmez.

Ne nous y trompons pas, l'école et la poste sont bien deux institutions indispensables à la survie de nos petites communes. Les usagers jusqu'alors attirés par les services de proximité qu'elles pouvaient encore leur offrir s'en détournent au profit des zones urbaines que vous favorisez outrageusement.

Voilà qui me permet d'aborder le second point de mon propos qui touche à l'inégalité de traitement dont sont victimes les usagers concernés par une telle mesure.

Cette disposition illustre bien votre désintérêt à l'égard des habitants des communes dites défavorisées. Non contents de payer un droit de timbre et des impôts pour que le service soit rendu dans des conditions correctes, ils devront aussi le financer à travers l'impôt local. Y-a-t-il deux types de contribuables, ceux des villes et ceux des champs ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Une fois encore, les conventions qui organiseront le m aintien du service tourneront au désavantage des communes. L'expérience passée et suffisamment critiquée par l'Association des maires de France a maintes fois démontré le peu de clarté des règles de prises en charge des prestations. Encore une fois, c'est le contribuable local qui devra compenser vos carences sur une question aussi essentielle que le maintien du service postal dans nos petites communes, et je veux le déplorer. Aussi c omprendrez-vous, madame la ministre, que votre article 22 suscite de notre part les plus expresses réserves.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

J'interviens à nouveau sur cet article pour regretter que, sitôt que le volume de travail devient insuffisant dans les administrations, notamment en zone rurale, on se contente de recourir au classique système de compensation - en d'autres termes, on essaie de faire payer les collectivités territoriales.

En aucune manière on n'a cherché un tant soit peu à innover pour transférer les charges de travail excessives vers les endroits où justement l'on constate un déficit, en recourant aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. C'est désormais tout à fait possible, pour peu qu'on le veuille bien. L'activité des administrations est par définition largement immatérielle ; en nous servant de moyens de communication de plus en plus accessibles, nous pouvons, si nous le voulons bien, réorganiser la charge du travail qui, pour des causes diverses, apparaît insuffisante à tel endroit et excessive dans tel autre et la répartir sur l'ensemble du territoire.

Efforçons-nous d'utiliser les nouvelles technologies de l'information pour assurer cette compensation au lieu de continuer à accumuler dans les zones urbaines des activités, des emplois et des structures administratives. Trois ou quatre emplois en moins dans mon département, à Blois, par exemple, ne changent rien ; en revanche, la fermeture de la perception de Mennetou peut bouleverser une partie de la vie de ce canton et de son chef-lieu.

M. Henri Nayrou.

C'est vrai !

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous pourrions tomber d'accord là-dessus : c'est une question de bon sens. Servons-nous de cette arme nouvelle que constituent les nouvelles technologies pour transférer, par exemple, sur la perception de Mennetou une partie de l'excédent de travail qui doit bien exister ailleurs.

J'ai demandé à M. le ministre Strauss-Kahn de conduire une expérimentation dans ce sens. Par là même, nous maintiendrons une activité, un personnel qui remplit des fonctions indispensables à la vie locale et qui pourrait ainsi consacrer une partie de son temps insuffi-s amment employé à travailler pour l'administration départementale ou nationale par le biais du télétravail ou des téléservices.

Votre projet de loi n'envisage finalement d'autre novation que celle de faire payer les collectivités. Le véritable progrès serait d'abord de mettre en oeuvre les dispositions déjà prévues dans la loi de 1995 et que j'avais moi-même essayé de faire avancer en déposant un amendement autorisant une étude d'impact du télétravail.

Le texte d'application connaît, paraît-il, quelques prob lèmes de rédaction relevés par le Conseil d'Etat.

Commençons par le sortir afin de pouvoir mesurer comment le recours au télétravail pourrait maintenir les services publics en zone rurale. Expérimentons, essayons cette voie ; et si nous n'y parvenons pas, cherchons d'autres pistes. Mais vous avez décidé d'agir en sens inverse, en faisant payer les collectivités au lieu d'imaginer des solutions innovantes. C'est cela que je conteste en espérant que nous parviendrons à renverser le cours des choses. Il n'y a plus aucune raison aujourd'hui de ne pas faire entrer l'administration, à l'exemple du secteur privé, dans l'ère de l'entreprise ou de l'administration virtuelle, travaillant en réseau, à distance, afin de répartir sur l'ensemble du territoire une charge de travail qui n'avait jamais été aussi facile à transférer.

M. Patrick Ollier.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Madame la ministre, nous voilà devant un des aspects les plus importants du projet de loi que vous présentez. En effet, la question des services publics est, vous le savez, précisément au coeur de cette égalité que nous nous devons d'assurer en tous points du territoire, en y apportant les services qui offriront à chacun, là où il vit, un environnement favorable. Nous avons déjà longuement débattu, Maurice Leroy y a fait encore allusion, du cas des hôpitaux et de la difficulté à passer de l'objectif affiché de maintenir partout un égal accès à des soins de qualité à sa traduction sur le terrain, avec les fermetures d'établissements et les problèmes de recrutement de personnels. J'appelle votre attention sur ce dernier point, monsieur le ministre de la fonction publique : nous éprouvons de plus en plus de mal à faire venir dans nos hôpitaux des personnels qualifiés, notamment lorsqu'ils estiment que l'établissement concerné n'est pas de nature à leur garantir une carrière. Je souhaite que nous nous penchions sur ces problèmes de gestion des personnels. Le sentiment se répand dans la fonction publique que seule la ville permet d'avancer dans sa carrière, ce qui pose de sérieux problèmes de mobilité, singulièrement en milieu rural. La présence, la bonne connaissance de son terrain sont pourtant des éléments déterminants de cette qualité à laquelle je ne doute pas que, comme nous, vous aspiriez.

Je ferme cette parenthèse, pour revenir au sujet qui nous préoccupe, en l'occurrence La Poste.

Je commencerai, monsieur le président, par un bref point de méthode. Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de l'application d'une directive en présence de M. Christian Pierret. Je me suis étonné, au nom du groupe UDF, qu'on débatte de la transcription d'une directive engageant l'avenir du service public dans notre pays au détour d'une discussion sur un article additionnel. Cette façon de procéder n'a que peu de rapport avec le grand débat que nous attendons tous sur l'avenir de La Poste, parfois dernier rempart, ou ultime présence, si vous préférez, du service public dans nos zones rurales.

J'aurais souhaité une discussion beaucoup plus approfondie. M. Pierret a annoncé le dépôt d'un projet de loi sur La Poste pour bientôt. Quelle en sera la portée alors que nous avons déjà débattu - et fort brièvement - de la directive ? J'aurais apprécié que nous nous donnions un délai de six mois afin de voir comment les choses s'organiseraient sur le terrain. Je ne reviens pas sur le moratoire, excellente disposition au demeurant.

Le point le plus grave, je le dis avec une certaine solennité, c'est cette disposition de l'article 22, qui vise à renvoyer aux collectivités locales la responsabilité, en quelque sorte, du maintien d'un service public postal en propo-s ant un marché tout simple, comme l'a rappelé

M. Mariani, ...

M. Patrick Ollier.

Un marché de dupes !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. François Sauvadet.

Ou elles paient et l'on ne ferme pas, ou elles ne paient pas et l'on ferme. Pour la première fois, nous nous trouvons face à un transfert de charges légalisé. La responsabilité de la présence d'un service public, qui devrait être garantie par l'Etat, puisque c'est sa vocation et son rôle, se voit ramenée au niveau d'un investissement des collectivités locales. Je ne puis que m'interroger sur cette porte ouverte à un désengagement organisé de l'Etat au travers du service postal - entre autres. Je le répète avec une certaine solennité : ce serait un précédent grave pour la présence, dans l'avenir, de l'ensemble des services publics sur le territoire national, et pour la conception que nous avons de l'Etat, celle d'un

Etat proche et à l'écoute de nos concitoyens. Je ne prendrai plus que quelques minutes, monsieur le

président

; je serai beaucoup plus bref sur les amendements de suppression.

Madame, monsieur les ministres, j'ai le sentiment que ce texte accentuera les disparités entre villes et campagnes, entre milieux urbains et milieux ruraux. Vous-mêmes aviez pourtant trouvé, madame la ministre, en réponse à une question de M. Mariani, qu'il serait surprenant de proposer à des zones rurales de payer pour conserver leurs postes alors qu'on ne le demanderait pas à des villes comme Neuilly, - je vous laisse la responsabilité de vos exemples. Aujourd'hui, c'est un précédent grave que vous êtes en train de mettre en place et qui pourrait s'appliquer demain à d'autres secteurs. On parle de la réorganisation des gendarmeries : nous sommes très inquiets face aux menaces permanentes de disparition de brigades au motif qu'il y aurait peu d'habitants à protéger, oubliant au passage combien les gangs sont devenus mobiles et capables de mener des raids en tout point du territoire.

Cela entraîne un climat d'insécurité, perceptible en ville, mais également dans les milieux ruraux.

M. Pierre Cohen.

Quel rapport avec le sujet ?

M. François Sauvadet.

Ne m'oubliez pas ainsi, mon cher collègue ! Ce sont des problèmes que vous devez rencontrer, vous aussi, dans vos cantons.

M. Pierre Cohen.

Hors sujet !

M. François Sauvadet.

Je connais des cantons ruraux de 1 000 habitants où il faut maintenir des présences de gendarmerie parce qu'ils sont situés au bord d'une autoroute. Leurs habitants cherchent à vendre leurs maisons après avoir subi plusieurs vols à répétition. C'est cela, la réalité du terrain, ne la niez pas ! Je veux simplement vous rendre attentif à cette conception territoriale du maintien d'un service public.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. François Sauvadet.

Voilà la problématique devant laquelle nous sommes désormais placés. Au-delà des critères de population, nous devons maintenir nos services publics, car nous sommes un grand pays, comparable à aucun autre pays européen. Nous devons maintenir une présence territoriale des services publics...

M. Alain Fabre-Pujol.

Dans les grandes villes aussi !

M. François Sauvadet.

... en tenant compte de la démographie, mais en vous attachant aussi à maintenir un service minimum. Faute de quoi, vous accélérerez ce lent déshabillage auquel nous assistons depuis des années et que nous réprouvons. Nous sommes là pour parler d'aménagement du territoire, alors parlons-en ! Parlons des territoires ! Monsieur le ministre, madame la ministre, vous avez réaffirmé au cours du CIADT du mois de décembre, la nécessité d'une conception beaucoup plus globale du service public. Je serais assez prompt, je l'avoue, à vous rejoindre sur cet aspect des choses, mais soyons bien clairs : si vous voulez mettre en place des pays et un véritable contrat territorial, réfléchissons aux services qu'il nous faut y maintenir et passons contrat avec l'Etat, avec l'ensemble des entreprises qui assurent une mission d'Etat, pour garantir dans chacun de ces pays qui correspondent à des bassins de vie, cette présence d'un service public. Malheureusement, nous ne sommes pas du tout dans cette logique. Allez rencontrer un directeur départemental de la poste dans le cadre d'un conseil départemental ; il vous répondra qu'il est bien obligé d'appliquer un contrat de plan et de faire avec les moyens qu'on lui donne. Et c'est la même chose avec les écoles, avec le calcul du nombre de postes alloués en fonction du nombre d'élèves à scolariser dans le département. C'est avec cette logique qu'il faut rompre et, sur ce point, monsieur le ministre, nous pourrions avancer ensemble.

M. le président.

Monsieur Sauvadet, veuillez conclure.

M. François Sauvadet. Définissons dans les pays, par des contrats francs passés avec l'Etat ou les entreprises nationales assurant des missions de service public, les conditions d'un maintien, dans la durée, de la présence de ces services, au lieu de nous en remettre à des choix stratégiques variant d'une année sur l'autre et à des fonctionnaires impuissants, obligés de gérer la pénurie. C'est ce que nous avons connu en matière d'hôpitaux avec la région Bourgogne où le préfet de santé nous a répondu qu'il faisait avec ce qu'il avait... Il y a des régions auxquelles il faut donner davantage, car il faut prendre en compte la dimension territoriale, pour assurer un service public de proximité. Sinon, madame la ministre, nous aurons échoué dans notre ambition commune d'aménager le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, comprenant l'importance de ce débat, je vous laisse un peu de liberté.

Mais n'en abusez pas...

La parole est à M. Paul Patriarche.

M. Paul Patriarche. Je ne pense pas en avoir jamais abusé, monsieur le président...

M. le président.

Ce n'était pas à vous que je m'adressais en particulier, monsieur Patriarche.

M. Maurice Leroy.

Des noms !

M. Paul Patriarche.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, je voudrais intervenir sans esprit polémique...

M. Alain Fabre-Pujol.

Ça commence bien !

M. Paul Patriarche.

... et rappeler que l'article 1er de ce projet de loi vise à promouvoir « un développement intégrant le progrès social, en réduisant les inégalités territoriales, en préservant les ressources et les milieux, etc. »

Je lis ensuite à l'article 2 qu'il faut soutenir les territoires en difficulté, notamment les territoires ruraux en déclin, les zones en reconversion industrielle, les régions insulaires. Afin de concourir à la réalisation de ces objectifs, l'Etat assure la mobilisation des services publics en faveur d'un égal accès aux savoirs, à la santé, à la culture , etc.

Quant à l'article 15, il indique que le schéma prévoit les objectifs de développement de l'accès à distance mais, s'agissant de La Poste, je vois mal comment pourrait se faire cet accès à distance !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Les petites communes assument volontiers, il est vrai, les frais inhérents au regroupement pédagogique et à l'entretien des écoles pour conserver leur population. Je sais de quoi je parle, ayant été élu en 1983 maire d'une petite commune de 200 habitants : deux ans après, l'école a fermé, puis la poste, trois ans après, et finalement l'épicerie ; aujourd'hui, ce village est mort. M. le ministre de la fonction publique, dont je salue la présence parmi nous, connaît fort bien les situations auxquelles je fais allusion.

Madame la ministre, je ne doute absolument pas de vos intentions, et ce d'autant moins que je me souviens, comme M. Sauvadet, de la réponse que vous aviez apportée à M. Mariani lors de la discussion générale. « Il peut paraître surprenant, diriez-vous, de proposer à des zones rurales difficiles de payer pour conserver leur poste alors qu'on ne le demanderait pas à Neuilly ou à Puteaux. »

M. Pierret lui-même auditionné le 27 octobre par la commission de la production et des échanges, a réaffirmé la nécessité de conforter la présence de La Poste dans les zones rurales en déshérence et dans les quartiers en difficulté. Je ne nie donc pas votre volonté de rééquilibrer les territoires et de lutter contre ce que nous appelons la désertification. Mais si vous voulez que les contrats territoriaux d'exploitation, votre projet d'aménagement du territoire, la future loi sur l'intercommunalité forment un tout cohérent, vous devriez réfléchir à nouveau et ne pas nous condamner à devenir des Indiens...

M. Patrick Ollier.

Parfaitement ! Des Indiens parqués dans leur réserve !

M. Maurice Leroy.

Tout à fait ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Qu'avez-vous contre les Indiens ? (Sourires.)

M. Paul Patriarche.

Je le répète, au risque de lasser : la disparition de l'école et de la poste, c'est la mort programmée d'un village.

Ecoutez le député-maire d'une commune qui est passée de 350 habitants à 51 aujourd'hui.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Et combien d'électeurs ? (Sourires.)

M. Paul Patriarche.

Je vous en supplie, ne venez pase ncore augmenter les impôts locaux des petites communes, on n'y arrive pas. Nous sommes un certain nombre de maires qui nous chargeons de changer les ampoules des lampadaires, de débroussailler le cimetière...

Avec les obligations sur l'eau, l'assainissement, les ordures ménagères, on ne tient plus le coup. Ne venez pas maintenant nous demander de subventionner La Poste qui est un service public.

Au nom d'un principe d'égalité de tous les citoyens, je vous prie de réfléchir avant d'agir, de revoir la loi de 1984 s'il le faut. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Voyez, mes chers collègues, on peut être bref et applaudi.

(Sourires.)

M. François Sauvadet.

On peut être long et applaudi aussi.

(Sourires.)

M. le président.

C'est vrai. (Sourires.)

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Cette nuit, nous avons fait un long chemin jusqu'à sept heures du matin et nous avons réussi à nous rejoindre sur certains amendements qui ont fait honneur à l'Assemblée nationale puisqu'ils étaient la conséquence d'un dialogue public et finalement positif. Je pense qu'on pourrait faire le même effort de jour pour parvenir à nous comprendre de part et d'autre.

Cette question, qui a été évoquée avec flamme par certains d'entre nous est vraiment au coeur de la politique d'aménagement du territoire, et je vais vous donner l'idée force qui nous anime et qui doit être partagée. Plus on avance vers une société de liberté, plus l'économie est libérale, plus on a besoin d'une politique volontariste d'aménagement du territoire,...

M. Michel Bouvard.

Très juste.

M. Léonce Deprez.

... parce que les mouvements naturels de la vie économique entraînent les capitaux, les cerveaux et les affluences là où se trouve l'argent, là où se trouve le pouvoir, financier et politique.

L'Etat doit donc rééquilibrer la vie économique et sociale à travers tous les espaces du territoire français. Le territoire, c'est, en effet, la matière précieuse dont disposent tous les Français et dont dispose l'Etat, et il n'est pas possible de laisser faire un gâchis.

Nous défendons ardemment ce point de vue et nous vous demandons de ne pas vous laisser affaiblir par les ministres qui vous entourent et qui en demandent plus dans d'autres domaines.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Léonce Deprez.

Nous comptons sur l'ardeur que vous manifestez, nous le savons, pour défendre certaines causes, pour obtenir un rééquilibrage, notamment grâce à une augmentation des crédits destinés à La Poste. Les communes peuvent bien sûr intervenir mais elles n'en ont pas les moyens. L'Etat en a les moyens, mais il faut qu'il en ait la volonté. Cela passe par la politique d'aménagement du territoire.

Voilà pourquoi, plutôt que de donner les capacités aux communes, nous préférons porter notre regard vers ceux qui ont le pouvoir au niveau national, pour que La Poste puisse vraiment être accessible à tous et pour que tous les Français, quel que soit le territoire, puissent avoir le service public auxquels ils ont droit.

Un dernier mot, madame la ministre. Le service public doit être assuré à tous les Français et l'Etat doit permettre l'expression de la solidarité nationale, mais il ne faudrait pas que les communes participent à l'aménagement de locaux servant à des actes commerciaux alors qu'elles ne doivent agir que pour rendre service aux citoyens. Il faut veiller à éviter tout problème de concurrence qui pourrait nuire à des établissements supportant des frais généraux dans des cadres dont la rentabilité n'est pas toujours évidente.

J'espère que vous ferez au sujet de La Poste l'effort que vous avez réalisé cette nuit pour nous comprendre à l'occasion de l'examen de la politique des pays et de la politique des agglomérations.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Le Nay.

M. Jacques Le Nay.

L'article 22 a pour objectif le maintien des services publics en milieu rural. Sur ce point, il n'y a pas de problème. Mais nous ne sommes pas d'accord sur les moyens employés. En effet, cet article officialise la mise à disposition par les communes en milieu rural, pour les services de La Poste, de locaux et, comme si cela n'était pas suffisant, de personnels.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Vous pourrez toujours me répondre, madame la ministre, que ce système existe déjà ! Mais le fait de l'offic ialiser permettra aux directions départementales de La Poste de généraliser le recours à cette pratique dans toutes les petites communes rurales. C'est un nouveau transfert de charges au détriment des communes qui ont de très faibles moyens.

Aujourd'hui, les services de la Poste usent de tous les stratagèmes pour réduire leurs effectifs en milieu rural.

Les élus locaux et la population sont obligés de se battre sur chaque projet de suppression d'agence postale ou de réduction d'activités.

Ainsi, tout récemment, je participais à une réunion dans des petites communes de la Bretagne centrale : les communes de Plouray et du Croisty. Dans ce secteur, la direction départementale de La Poste souhaite regrouper le service de tri sur une commune voisine plus grande.

Même si on leur affirme qu'il n'y aura pas d'incidence sur le service rendu au public, les élus locaux savent très bien que, s'ils acceptent cette réorganisation, ces bureaux subiront dans quelques mois, voire quelques semaines, une autre modification. S'ils cèdent aujourd'hui, ils mettent le doigt dans un engrenage qui les conduira à plus ou moins long terme à une diminution du service postal sur leurs communes, voire à une suppression de La Poste. Tout un symbole quand les élus ruraux ont à faire face à la désertification des campagnes.

Aujourd'hui, les élus des petites communes n'ont plus confiance dans les accords qui leur sont proposés en matière de service public de proximité. Ce n'est pas faute de signer des chartes avec les services de l'Etat pourtant ! Mais ils s'aperçoivent qu'en dépit des chartes, l'Etat se désengage. Je pourrais vous citer de nombreux exemples dans le milieu scolaire. Chaque année, des classes sont fermées en milieu rural alors que des chartes ont été signées pour créer des réseaux.

On pourra toujours me dire que 80 % de la population est concentrée en milieu urbain. Au lieu de renforcer le milieu urbain comme vous le faites avec ce projet de loi, il serait préférable d'aider les zones rurales à accueillir des activités et à construire des habitations.

M. François Sauvadet.

Très bien.

M. Jacques Le Nay.

Je citerai l'exemple du logement.

Chaque année, les maires connaissent les pires difficultés pour obtenir des prêts locatifs aidés et autres moyens pour construire des logements locatifs. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au lieu de construire sans arrêt des logemens HLM en milieu urbain, il vaudrait mieux repeupler les zones rurales, car je pense que, dans les vingt années qui viennent, nous aurons une telle politique de repeuplement des campagnes. Aujourd'hui, tout semble être fait pour la ville. Je ne dis pas qu'il n'existe pas de problème en milieu urbain, mais il y en aurait moins si la population n'était pas obligée de s'y entasser.

Avec les dispositions de ce projet de loi, nous n'aménageons pas le territoire français, nous aménageons les espaces urbains autour de grandes agglomérations, et tout l'espace laissé vide autour de ces agglomérations se dévitalise de plus en plus vite.

Il n'est peut-être pas encore trop tard pour équilibrer ce qui peut l'être encore, et j'en appelle à votre sagesse, avec l'aide du Gouvernement, pour trouver des moyens permettant d'éviter ces transferts de charges. Cet article concernant la poste illustre tout à fait les difficultés auxquelles sont confrontées nos communes rurales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Rimbert.

M. Patrick Rimbert.

Apparemment, mes chers collègues de l'opposition, nous sommes d'accord sur deux points : l'égalité d'accès au service public constitue pour chacun des citoyens français une possibilité de s'intégrer à cette société française, et la présence des services publics sur chaque partie du territoire permet à ce territoire d'avoir une certaine vie locale, élément de dynamisme important.

Par contre, je suis scandalisé par vos propos. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Dire que ce problème ne concerne que 20 % des Français (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) ...

M. Maurice Leroy.

Il faudrait écouter quand même !

M. Patrick Ollier.

Personne n'a dit cela !

M. Patrick Rimbert.

Je viens d'entendre dire que les 80 % de la population qui vivent dans les milieux urbains n'ont pas d'importance. (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Maurice Leroy.

Mais il dit n'importe quoi !

M. François Sauvadet et M. Patrick Ollier.

C'est un provocateur !

M. Patrick Rimbert.

Ces populations ont des problèmes et je n'ai entendu aucun d'entre vous parler d'eux. Vous en aviez tout le temps, vous étiez suffisamment nombreux. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Permettez-moi au moins de parler de ces gens qui vivent dans les villes.

M. Eric Doligé.

Je voulais en parler !

M. le président.

Ce ne sera plus nécessaire, monsieur Doligé ! Mes chers collègues, nous gagnerons du temps si vous évitez de vous interrompre.

Monsieur Rimbert, vous avez la parole, et vous seul,...

M. François Sauvadet.

Il nous provoque, monsieur le président.

M. le président.

... chacun s'efforçant de ne pas provoquer l'autre, ce qui simplifiera ma tâche.

M. Patrick Rimbert.

Je me suis contenu pendant huit interventions, je me contiendrai donc encore, mais je demande à mes collègues de m'écouter un petit peu, également.

M. Patrick Ollier.

Quelles force de caractère !

M. Eric Doligé.

On a parlé de Neuilly. C'est dans les 80 %.

M. Patrick Rimbert.

La moitié des villes ont été construites après la Seconde Guerre mondiale, ce qui veut dire que la moitié du monde urbain n'existe que depuis un demi-siècle,...

M. Michel Bouvard.

Quelle découverte !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. Patrick Rimbert.

... alors que l'autre moitié s'est construite au cours des siècles.

M. Maurice Leroy.

Il fallait le dire !

M. Patrick Rimbert.

En conséquence, on ne trouve pas dans les villes construites depuis un demi-siècle un certain nombre de services publics.

Quand je me rends dans certaines communes, je vois une belle poste, un beau théâtre, de beaux équipements, une belle mairie...

M. François Sauvadet.

Où ça ?

M. Patrick Ollier.

On va y aller !

M. Maurice Leroy.

Organisez un voyage !

M. Patrick Rimbert.

Ne vous faites pas plus bêtes que vous n'êtes.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

Quelle élégance !

M. Pierre Micaux.

M. Rimbert n'a pas sa place ici s'il est trop intelligent ! (Sourires.)

M. Maurice Leroy.

Rendez-nous Balligand ! (Sourires.)

M. Patrick Rimbert.

Dans des zones urbaines quatre ou cinq fois plus grandes, il n'y a pas de poste de police, pas de théâtre, pas de maison de justice, et les centres commerciaux meurent. Dans ces zones également, les services publics sont un bon moyen pour dynamiser et maintenir l'activité, qu'elle soit commerciale ou associative. Bref, comme dans une commune rurale, la présence du service public y est importante.

M. Eric Doligé.

Je vote pour.

M. Patrick Rimbert.

Elle y est aussi importante et elle est souvent inexistante. Comme dans les villes qui évoluent, comme dans le monde rural,...

M. François Sauvadet.

Ça c'est mieux !

M. Patrick Rimbert.

... où il y a une perte de population, faisons en sorte de garantir une présence minimale de service public.

Moi, cela ne me gêne pas d'ajouter mes moyens à ceux de l'Etat pour garantir un service public de meilleure qualité, mais ceux qui demandent le maintien des services publics et même un accroissement de leur présence dans certaines zones nous expliquent par ailleurs que toute dépense supplémentaire doit être assurée par des recettes supplémentaires. Ils réclament une baisse des impôts, une diminution des effectifs des services publics et du nombre de fonctionnaires, la libéralisation du service public, etc.

M. le président.

Monsieur Rimbert, comme vous me tournez le dos, vous n'avez pas vu le panneau. (Sourires.)

Je vous avais accordé une minute supplémentaire en raison des arrêts de jeu, mais vous êtes arrivé au bout de votre temps de parole.

M. Patrick Rimbert.

Je vous remercie de votre clémence et de votre compréhension, monsieur le président, et je conclus.

M. Michel Bouvard.

Il retarde les débats !

M. Patrick Rimbert.

Mes chers collègues, si nous voulons nous adapter aux nouvelles demandes, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain, si nous voulons que chaque Français, quel que soit le lieu où il habite, ait la même qualité de service public, si nous voulons mieux répondre aux demandes, n'hésitons pas à conjuguer nos efforts.

J'avais déposé un amendement sur les maisons de services publics. Je remercie d'avance M. le ministre d'avoir répondu par un amendement beaucoup plus large concernant les services territoriaux de l'Etat.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, la discussion a é té large, nous n'avons pas fait le tour des 36 000 communes françaises mais presque, et nous en arrivons aux amendements sur lesquels, je l'espère, vous serez brefs. Je pense que vous pouvez les présenter en deux phrases, d'autant que bon nombre d'entre eux sont identiques.

Je suis d'abord saisi de six amendements identiques.

L'amendement no 210 est présenté par M. Ollier et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ; l'amendement no 437 par MM. Chabert, Deniaud, Estrosi, Fromion, Martin-Lalande et Quentin ; l'amendement no 555 par MM. Lenoir, Proriol, Nicolin, Gatignol, Forissier, Gérard Voisin, Blanc et Mme Bassot ; l'amendement no 667 par M. Deprez ; l'amendement no 717 par MM. Coussain, Gengenwin, Sauvadet, Le Nay, Caillaud, Mme Boisseau et les membres du groupe de l'Union p our la démocratie française-Alliance ; l'amendement no 974 par M. Maurice Leroy.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 22. »

J'imagine que les argumentations ne doivent pas être très différentes...

La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l'amendement no 210.

M. Patrick Ollier. Monsieur le président, je ne me suis pas inscrit dans la discussion sur l'article pour gagner du temps, je vous demande donc de me laisser le temps de défendre cet amendement.

D'abord, je tiens à remercier M. le ministre de la fonction publique d'être présent. Cela prouve que nous avions raison l'autre jour de demander que les ministres spécialisés dans les différents secteurs du texte soient présents, et je remercie Mme la ministre d'avoir donné suite à notre demande. C'est très important parce qu'on va entrer dans un débat très technique.

M oi, je n'accepte pas les propos que je viens d'entendre. S'il y a autant d'amendements proposés, autant de changements acceptés par l'Assemblée, c'est bien que ce texte méritait d'être modifié, qu'il était mal structuré et mal écrit.

Si je dépose avec mon groupe un amendement de suppression de l'article 22, c'est pour plusieurs raisons, et la première est extrêmement grave.

Quand on lit que vous supprimez le cinquième alinéa du dispositif de l'article 29 de la loi Pasqua, on se rend compte de la perversité du dispositif prévu par le Gouvernement.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La perversité ?

M. Patrick Ollier.

Oui, et personne n'en a encore parlé.

Dans le dispositif de la loi de 1995, l'article 25 créait d es schémas départementaux des services publics, l'article 28 des commissions départementales chargées de valider ces schémas, et l'article 29 obligeait les établisse-


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ments, organismes publics et entreprises nationales supprimant une antenne locale ou des emplois à compenser les effets de cette réorganisation.

Et qu'avions-nous prévu dans le cinquième alinéa de l'article 29, que vous proposez de supprimer ? La compensation par l'Etat aux établissements, organismes et entreprises publics des charges qui résultent de l'application de l'article.

De même, le troisième alinéa de l'article 29 prévoyait des mesures pour compenser ou réduire les conséquences dommageables du projet.

M. François Sauvadet.

C'est une bonne mesure !

M. Patrick Ollier.

Enfin, monsieur le ministre - et c'est là qu'on s'aperçoit de la perversité du dispositif que vous proposez -, le cinquième alinéa de l'article 29 précisait notamment les règles permettant d'assurer l'équilibre entre les obligations des établissements, organismes et entreprises mentionnés au premier alinéa du même article et la compensation par l'Etat des charges qui en résultent.

La messe est dite ! La loi de 1995 bouclait le dispositif en obligeant l'Etat à faire face à ses responsabilités, en particulier en matière de service public de proximité afin de garder nos postes, nos gendarmeries, nos écoles, là où elles sont nécessaires, aussi bien dans nos campagnes que dans nos villes, monsieur Rimbert. L'article 29 de la loi Pasqua prévoit en effet que le soutien aux services publics s'exerce aussi bien dans les zones rurales que dans les zones urbaines, ces dernières subissent, elles aussi, la suppression des services publics.

On ne peut pas laisser dire n'importe quoi dans cet hémicycle par des gens qui visiblement n'ont pas lu la loi qu'ils veulent changer !

M. Jean-Pierre Dufau.

Puisque ce texte était si beau, il fallait l'appliquer !

M. Patrick Ollier.

Monsieur le ministre, vous devez vous expliquer sur la suppression du cinquième alinéa de l'article 29, qui prévoyait la juste compensation par l'Etat de la suppression d'un service public.

Je rappelle la difficulté qu'a eue M. Pasqua pour faire voter cet alinéa. Il a fallu que le Premier ministre tape sur la table ! Près de deux mois de discussion ont été nécessaires pour que l'autorité de l'Etat s'impose à l'administration et pour que celle-ci accepte que l'Etat honore ses engagements, compense toute éventuelle suppression d'un service public.

Bref, la perversité de la mesure qui nous est proposée aura des conséquences très graves.

Je terminerai en évoquant le problème de la confiance.

Quand un texte est bien structuré et cohérent, je ne vois pas pourquoi nous n'y serions pas favorables.

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. Patrick Ollier.

Si nous nous battons, je ne le redirai jamais assez - je vous demande de m'excuser d'être long, monsieur le président, mais il n'y a qu'une seule lecture -, c'est parce que nous avons le sentiment que ceux qui ont préparé ce texte n'ont pas eu une lecture suffisamment attentive de la loi de 1995. Et si c'est autre chose qu'un manque d'attention, cela veut dire qu'ils sont guidés par une volonté déterminée de revenir en arrière, de destructurer toute la politique volontariste que nous avions mise en place pour obliger tant l'Etat que les collectivités à assumer leurs responsabilités pour que tous les citoyens aient un égal accès aux services publics.

M. Maurice Leroy.

Très juste !

M. Patrick Ollier.

Si, dans nos zones de montagne, nous avons besoin de quelques moyens supplémentaires, il est bien évident qu'il revient à l'Etat de les apporter.

M. Michel Bouvard.

Bien sûr !

M. Patrick Ollier.

Enfin, en faisant cohabiter deux statuts, celui de la fonction publique territoriale et celui de la fonction publique nationale, qui n'ont pas les mêmes règles de fonctionnement et qui ne supportent pas les mêmes contraintes, l'article 22 va créer une terrible ambiguïté.

Pour toutes ces raisons, notamment à cause de la suppression de la compensation par l'Etat, le groupe du Rassemblement pour la République et les autres groupes de l'opposition demandent la suppression de l'article 22.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Ollier, il n'y aura qu'une lecture. C'est vrai, mais nous en sommes à quarante-neuf heures trente minutes de discussion, ce qui fait que nous avons déjà pratiquement dépassé le temps consacré à l'examen de la loi Pasqua.

M. Patrick Ollier.

Evidemment, c'était un bon texte, la discussion pouvait être plus rapide !

M. le président.

Pour soutenir l'amendement no 437, la parole est à M. Christian Estrosi, à qui je demande d'être rapide.

M. Christian Estrosi.

Monsieur le président, j'ai renoncé à mon temps de parole dans la discussion sur l'article pour me concentrer sur cet amendement de suppression.

Madame la ministre, connaissant votre sensibilité et votre générosité pour tout ce qui concerne l'amélioration de la qualité de vie en milieu rural, mais aussi votre intérêt pour la montagne et pour la campagne, je ne comprends pas - mais j'espère que cette discussion me permettra d'y voir plus clair - pourquoi vous souhaitez absolument imposer une vision administrative de la gestion des services publics dans le monde rural.

Si le service public dans le monde rural ne coûtait pas plus cher que dans les centres urbains, cela se saurait.

(« Et oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocraite libérale et Indépendants.)

La solidarité consiste donc pour l'Etat, comme pour les collectivités territoriales d'ailleurs car il faut les loger à la même enseigne, à consentir un effort supplémentaire au bénéfice de la campagne et de la montagne par rapport à la ville. C'est ainsi que l'on parviendra à l'égalité.

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Christian Estrosi.

Il est normal qu'un conseil général, ou un conseil régional, intervienne pour la construction d'écoles dans les campagnes, pour la réhabilitation du patrimoine en milieu rural, pour la maîtrise foncière et l'équilibre foncier dans les petites communes, comme il est normal que les municipalités des grandes villes fassent face aux besoins en crèches, maternelles ou écoles communales.

Il est évident que la péréquation opérée par le conseil général ou par le conseil régional se fait davantage au bénéfice des communes rurales qu'elle ne se fait au béné-


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ficie des grands centres urbains. C'est l'application au bénéfice de la campagne et de la montagne du principe même de la solidarité. Il doit en être de même de la part de l'Etat.

Certes, un bureau de poste implanté dans un petit village ou dans un canton coûte beaucoup plus cher en termes de rapport qu'un centre postal installé dans un grand quartier urbain. Mais sait-on à quel point les services publics qui sont en place dans le monde rural permettent aujourd'hui d'y préserver la vie ? Il y a eu une formidable prise de conscience de ce phénomène ces dix à quinze dernières années. Les lois de décentralisation y ont contribué.

D'ailleurs, avant d'aborder le traitement de cette affaire de cette manière, peut-être aurait-il mieux valu remettre à plat les lois de décentralisation pour redistribuer les compétences entre les uns et les autres ? Cela dit, cette prise de conscience fait que, aujourd'hui, dans le monde rural, nous assistons à des réouvertures de classes, à des implantations d'entreprises - il y a quelques années, on y constatait plutôt des fermetures - à un nouvel élan...

M. le président.

Monsieur Estrosi, voulez-vous en venir à l'objet de l'amendement, dont vous êtes en train de vous en éloigner quelque peu ?

M. Christian Estrosi.

Dans ces conditions, je préfère m'arrêter. C'est inadmissible, scandaleux !

M. le président.

L'amendement no 555 de M. Lenoir est défendu, de même que l'amendement no 667 de M. Duprez et l'amendement no 717 de M. Coussain.

La parole est à M. Maurice Leroy, pour soutenir l'amendement no 975.

M. Maurice Leroy.

J'espère que, dans sa réponse, M. le ministre répondra aux questions que j'ai posées à propos des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale.

M. le président.

Monsieur Leroy, vous avez parlé sept minutes de l'article, et il s'agit maintenant de défendre votre amendement et de rien d'autre.

M. Maurice Leroy.

J'y arrivais, monsieur le président.

Si vous laissiez parler les orateurs, l'Assemblée gagnerait du temps ! Vos interjections retardent à chaque fois les débats, ainsi que vous avez pu le constater hier soir.

M. le président.

Bien entendu, je suis le seul élément perturbateur de cette Assemblée ! (Sourires.)

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous n'irons pas jusque-là !

M. le président.

Poursuivez, monsieur Leroy.

M. Maurice Leroy.

Pour justifier mon amendement de suppression de l'article 22, je vais donner lecture du rapport écrit de notre rapporteur.

A la page 195, il y est écrit à propos de l'article 29 de la loi de 1995 : « L'article 29 précise que les objectifs établis par l'Etat sont fixés dans les contrats de plan de ces établissements ou dans les contrats de service public conclus à cet effet. Il est également indiqué que l'Etat compense à ces établissements, organismes et entreprises publics les charges qui en résultent ».

Or les dispositions prévues par l'article 29 de la loi Pasqua disparaissent totalement de l'article 22 du présent texte. Que faut-il en conclure ? Nous attendons donc des réponses sur ce point, monsieur le ministre. Patrick Ollier vous a posé des questions très précises, et il était qualifié pour le faire puisqu'il a été rapporteur de la loi Pasqua.

M. Ollier se souvient aussi que, à l'époque, un ministère a dû plier les gaules : celui qui est installé à Bercy ! Faut-il voir dans le présent texte une revanche de Bercy ? Je crains que la disparition dans l'article 22 de l'alinéa essentiel de l'article 29 de la loi Pasqua, puisqu'il concerne la compensation, n'ait quelque peu échappé à nos collègues de la majorité. Désormais, qui devra compenser ? Bien entendu, ce seront les communes, notamment les communes rurales.

M. François Sauvadet.

Et voilà !

M. Maurice Leroy.

Vous êtes en train de saborder toute l'architecture du mécanisme de compensation prévu par les articles 28 et 29 de la loi Pasqua.

Cela dit, je dois rendre hommage à votre honnêteté, monsieur le rapporteur, car vous écrivez à la page 198 du rapport écrit : « Le dispositif posera des difficultés délicates d'application sur le terrain car au sein d'une agence postale, comme dans tout point de contact postal, les tâches d'accomplissement du service postal et celles relevant des services financiers ne sont aucunement séparées.

Il appartiendra aux conventions de mise à disposition de régler ce problème. » Et c'est la seconde justification de

l'amendement de suppression que j'ai présenté.

Premièrement, la compensation disparaît - de façon assez élégante d'ailleurs, car si Patrick Ollier n'avait pas appelé notre attention sur ce point, cela aurait pu passer inaperçu.

Deuxièmement, vous mettez en place un chantage incroyable.

Supposons simplement qu'un Gouvernement « réactionnaire » de droite...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Oui !

M. Maurice Leroy.

... ait proposé de telles dispositions : eh bien, nous serions submergés de télégrammes de protestations. On nous accuserait de vouloir démembrer le service public, privatiser La Poste ! C'est pourtant ce que vous faites avec l'article 22.

C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 22 en nous appuyant d'ailleurs sur l'excellente argumentation développée par M. Duron dans son rapport écrit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Bouvard.

C'est Delors qui a liquidé le service public !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression de l'article ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Il y a, à propos de l'article 22, un grand malentendu. Nous sommes, je le crois, tous attachés au service public et au fait qu'il soit accessible pour tous et partout.

En entendant M. Leroy, j'ai eu l'impression qu'il n'avait pas bien compris quelles étaient les dispositions de l'article 29 de la loi Pasqua qui étaient supprimés.

Seul le dernier alinéa de cet article est supprimée.

M. Michel Bouvard.

Ce n'est pas très clair !

M. Maurice Leroy.

C'est celui qui concerne la compensation !

M. Philippe Duron, rapporteur.

Le dernier alinéa de l'article 29 prévoyait qu'un décret en Conseil d'Etat définirait les modalités d'application de cet article, en préci-


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sant notamment les règles permettant d'assurer l'équilibre entre les obligations des établissements, organismes et entreprises et la compensation par l'Etat des charges qui en résultent et en fixant les critères spécifiques que doit respecter la décision du représentant de l'Etat dans le département ou du ministre de tutelle lorsque le projet de suppression concerne une zone prioritaire de développement du territoire.

Ce décret n'a jamais pu voir le jour bien que plusieurs versions aient été soumises au Conseil d'Etat. Dès lors, on se trouve placé devant une difficulté. La loi du 4 février 1995, en visant les établissements et organismes publics placés sous la tutelle de l'Etat et chargés d'un service public, ne pensait concerner que six établissements : La Poste, Electricité de France, Gaz de France, France Télécom, SNCF, Banque de France. Mais, tel qu'il est rédigé, l'article peut viser environ 400 établissements de cette sorte, comme les haras nationaux ou les chambres de commerce et d'industrie.

Un décret d'application édictant des règles générales pour l'ensemble de ces établissements n'ayant pu être rédigé,...

M. Michel Bouvard.

C'est caricatural !

M. Philippe Duron, rapporteur.

... le Gouvernement propose, dans le paragraphe I de l'article 22 du projet, la suppression du dernier alinéa de l'article 29 de la loi Pasqua.

Cette suppression n'empêchera pas la signature par l'Etat de contrats avec la SNCF, la Banque de France,...

M. Michel Bouvard.

Il n'y a plus de Banque de France !

M. Philippe Duron, rapporteur.

... France Télécom, comme cela a déjà été fait pour EDF et Gaz de France.

De surcroît, monsieur Leroy, il a été prévu, lors du dernier CIADT, que des compensations seraient possibles lorsque des établissements publics devraient être restructurés.

Par conséquent, je crois qu'il y a un malentendu. C'est pourquoi la commission n'a pas pu suivre les auteurs des amendements de suppression.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, je me permettrai d'être un petit peu longue. En effet, nous en arrivons à un point important du projet de loi et très attendu par les parlementaires qui ont vigoureusement plaidé en faveur des services publics depuis plusieurs semaines.

Dès ma première intervention, en présentant ce projet de loi, j'ai exposé notre démarche en la matière et annoncé l'intention du Gouvernement de muscler cette dimension.

Le texte initialement prévu accordait en fait à la place des services publics une portion un peu congrue. Cela s'expliquait par le fait que le Gouvernement avait souhaité proposer trois projets : un sur l'aménagement du territoire ; un sur l'intercommunalité que vous examinerez à partir de demain ; et un sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. En raison de l'embouteillage du calendrier parlementaire, ce dernier texte n'a pas encore pu être examiné par l'Assemblée nationale, mais Emile Zuccarelli devrait le présenter au début du mois de mars au Sénat.

Je tiens d'ailleurs à remercier mon collègue du gouvernement d'avoir bien voulu accepter que les dispositions concernant les services publics soient intégrées dans l'article 22. Avec les dispositions qui ont été ajoutées à l'article 15, nous avons un dispositif très complet concernant les services publics.

La loi Pasqua avait consacré deux articles généraux à cette question : l'article 28, qui élargissait à l'ensemble des départements français des dispositions de la loi montagne concernant les commissions départementales d'organisation de services publics et les schémas départementaux d'organisation et d'amélioration des services publics ; l'article 29, qui instituait le principe d'une prise en compte des objectifs d'aménagement du territoire par les établissements, organismes et entreprises publics dans leurs missions de service public, et qui, de fait, mettait en place un mécanisme de régulation permettant d'accompagner la modernisation de ces services.

Un tel dispositif avait été notamment conçu dans la perspective d'une sortie du moratoire concernant les fermetures de services dans les communes de moins de 2 000 habitants et pour les services rendus au public, instauré par une circulaire du 10 mai 1982. On est loin des préoccupations en faveur des quartiers que M. Rimbert a défendus tout à l'heure !

M. Maurice Leroy.

Les ZRU, c'est quoi ?

M. Patrick Ollier.

Les propos de Mme la ministre sont incroyables ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le dispositif prévu n'a pas bien fonctionné. Si les commissions départementales ont effectivement été installées dans tous les départements et ont, conformément aux instructions reçues, achevé l'analyse des besoins des usagers, cela a rarement débouché sur un travail d'organisation. Une vingtaine de départements seulement ont arrêté la totalité de leur schéma. Le travail se poursuit. Je ne crois donc pas que l'on puisse affirmer, comme cela a été dit à droite de cet hémicycle, que c'est la faute des préfets. Simplement, le travail est plus lourd et plus complexe que prévu.

Le dispositif de sortie du moratoire n'a pas pu être mis en oeuvre, comme le rapporteur vient de le signaler, les 400 établissements visés n'ayant pas, loin s'en faut, tous vocation à signer un contrat de plan ou de service public.

En fait, trois contrats seulement ont été signés : ceux d'EDF, de GDG et, plus récemment, de La Poste.

Le décret d'application de l'article n'a jamais été publié, le rapporteur l'a rappelé. Je ne crois pas, monsieur Leroy, qu'on puisse affirmer que c'était une revanche du grand méchant Bercy.

M. Maurice Leroy.

C'est pourtant la réalité ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le projet qui vous est soumis permet de sortir d'une situation de blocage qui ne pouvait servir éternellement de politique. Un moratoire est par définition, de durée limitée. Il fige la situation pendant une phase de réflexion et de situation ; c'est son intérêt, mais c'est aussi sa limite.

Le projet que je vous propose offre les garanties nécessaires pour que l'évolution des services publics sur le territoire ne se fasse pas au détriment des zones les plus fragiles. Encore faut-il que nous acceptions de voir que les besoins de nos concitoyens évoluent, que leur comportement change, que les évolutions technologiques sont en mesure d'offrir des solutions nouvelles pour répondre à leurs besoins.


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Je me réjouis, d'ailleurs, de l'accent mis sur ces évolutions dans le programme d'action gouvernemental de la société de l'information et du soutien apporté par M. Martin-Lalande à cette politique, mais nous aurons l'occasion de reparler de ce point.

M. Michel Bouvard.

Les grands-mères de quatre-vingtdix ans se réjouiront aussi certainement ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le dispositif que vous propose le Gouvernement permet d'avoir un vrai système de régulation des suppressions et des réorganisations de services. La suppression du décret d'application pour l'article 29 rend immédiatement applicable le dispositif prévu : l'étude d'impact et les mesures suspensives pour les entreprises, organismes et établissements sous contrat.

La transcription dans la loi par l'amendement gouvernemental des décisions du CIADT étend ce dispositif aux établissements, organismes et entreprises qui ne signeront pas de contrat ou qui ne disposeraient pas de cahier des charges approuvé par décret.

La modification du décret no 82-389 du 10 mai 1982, qui est en cours, permet également de soumettre les décisions des administrations au contrôle du représentant de l'Etat dans le département, notamment en ce qui concerne la concertation et le recours suspensif auprès des ministères concernés en cas de cumul de réorganisations.

Il engage la modernisation des terminaux de l'Etat en concrétisant le principe de la polyvalence dans des maisons de service public ; c'est l'objet de l'amendement gouvernemental que présentera tout à l'heure M. Zuccarelli.

Cet amendement ouvre également de nouvelles perspectives à l'organisation des services publics en donnant aux collectivités locales des possibilités d'action nouvelles, et je reviendrai sur ce point.

L'amendement permet aux collectivités et à leurs agents d'apporter leur concours, par convention, au fonctionnement de services publics.

Le CIADT a par ailleurs décidé que le FNADT pourrait dorénavant contribuer au financement de ces dispositifs.

Je veux revenir sur l'appréciation que j'ai portée lors de la discussion générale sur l'article 22, en réponse à une intervention de M. Mariani. Il ne serait en effet pas normal que La Poste envisage de faire peser sur des collectivités modestes la charge, en locaux et en personnel, du service public. Ce n'est pas le cas dans le projet de convention type que La Poste discute avec l'Association des maires de France.

M. Maurice Leroy.

Si ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Là, les communes sont au contraire rémunérées par La Poste pour les actes relevant du service postal qui pourront être assurés par des agents communaux dans le cadre des agences postales communales. Un maître mot préside en tout cas à l'application de ces dispositions : la concertation.

M. Maurice Leroy.

Oui, c'est ça, on vous écrira ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En guise de conclusion, j'invite les parlementaires à adopter une attitude conséquente. Un discours dominant, qu'on pourrait presque qualifier de pensée unique, encourage à diminuer les dépenses de l'Etat, le nombre des fonctionnaires, les impôts. Pourtant, on nous dit en permanence qu'il y a des régions où il faut donner plus, qu'il faut plus d'infirmières, d'enseignants, de policiers, et j'en passe.

M. Patrick Ollier.

Il faut moins d'Etat mais mieux d'Etat ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ces besoins n'existent pas seulement dans les zones rurales mais aussi dans les quartiers des villes.

Je ne veux pas polémiquer mais je crois vraiment que l'isolement des personnes âgées dans un quartier dégradé de grande ville n'est pas plus facile à supporter que l'isolement des personnes âgées dans des cantons ruraux.

Ne retombons pas dans le piège qui consiste à opposer de façon caricaturale les zones urbaines et les zones rurales. Le dispositif proposé par le Gouvernement a l'immense mérite d'être applicable à toutes les zones difficiles, où des enjeux de service public se marient avec les enjeux de l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes.

Je parlerai contre la suppression de cet article, qui est important et sera modifié par différents amendements du Gouvernement que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer.

M. Mariani a déploré tout à l'heure avec une grande passion la disparition d'un certain nombre de missions de service public et je déplore qu'il ne soit plus parmi nous.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Monsieur Brottes, mieux vaut éviter, par principe, d'évoquer le départ ou l'arrivée de nos collègues ; nous y passerions sinon notre temps et nous donnerions l'impression que l'Assemblée est une compagnie de hallebardiers ! Répondez à M. Mariani comme s'il était là.

M. François Brottes.

Veuillez m'excuser, monsieur le président, de cette digression ! Je veux insister sur le fait qu'il y a dans ce pays ceux qui rendent les cartes d'identité gratuites et ceux qui suppriment la franchise postale.

Je n'ai pas beaucoup entendu pleurer sur vos bancs, messieurs de l'opposition, à l'époque où elle a été supprimée, cela s'est fait ; or les petites communes et leur fonctionnement en ont pâti. Pourtant, cette suppression a suscité une grande émotion dans le pays. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je ne veux pas polémiquer, je veux simplement dire que ce débat est marqué par une grande hypocrisie. Y compris pendant la période du moratoire, certaines communes ont fréquemment dû mettre la main au portemonnaie pour financer des aménagements dans la poste de leur village ; le cas est extrêmement fréquent.

Il s'agit simplement de régulariser par la loi une situation existante. Ne donnons pas plus de sens à ce texte, dont l'objet est de permettre ce qui était fait jusqu'à présent de façon plus ou moins illégale.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 29 de la loi Pasqua, que j'ai lue très attentivement, dispose : « Toute décision de réorganisation ou de suppression d'un service aux usagers par les établissements, organismes ou entreprises mentionnés à l'alinéa précédent doit, si elle n'est


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pas conforme aux objectifs visés dans les contrats de plano u de service public, être précédée d'une étude d'impact. »

Cela veut dire en clair que, dans la mesure où une initiative est prise par un service public, y compris lorsque celui-ci est assuré par un établissement public du type de La Poste, pour modifier le service, sans pour autant déroger aux objectifs qui figurent dans le contrat de plan, la modification peut avoir lieu.

Or le contrat de plan qui a été signé en 1994 entre La Poste et l'Etat par M. Alphandéry, M. Sarkozy, M. Longuet et le président de La Poste précisait : « Pour optimiser l'efficacité de son réseau, la présence de La Poste sera analysée au niveau le plus pertinent avec les collectivités locales concernées. L'offre de services pourra intervenir dans le cadre de formules adaptées aux caractéristiques locales associant les collectivités locales. »

Le contrat de plan prévoyait que les collectivités locales devaient intervenir auprès de La Poste si elles voulaient maintenir le service. Il y a donc beaucoup d'hypocrisie dans les accusations qui sont formulées à notre égard, car les dispositions de la loi Pasqua et du contrat de plan de 1994 étaient semblables à celles qui nous sont proposées aujourd'hui.

Le texte que nous allons adopter représente une véritable avancée. Il fait référence au contrat d'objectif et de progrès qui a été signé en juin dernier. Celui-ci prévoit un délai de six mois et la loi assure le relais avec le contrat. Il est également possible d'actionner des fonds d'aménagement du territoire, comme Mme la ministre l'a rappelé.

Il n'y a donc pas de recul par rapport à la situation existante, y compris par rapport au précédent contrat de plan avec La Poste et à la loi Pasqua. Le projet, je le répète, représente une avancée réelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Mon Dieu que d'efforts a dû faire M. Brottes pour défendre ces dispositions !

M. Joseph Parrenin.

Quel talent, voulez-vous dire !

M. Patrick Ollier.

Un talent certain pour l'équilibrisme !

M. Joseph Parrenin.

Talent et conviction !

M. Patrick Ollier.

J'ai du mal à comprendre l'argumentation du rapporteur et celle du ministre.

Monsieur le rapporteur, voilà deux fois que vous nous faites le coup ! Vous nous avez dit à propos du schéma national d'aménagement du territoire que nous n'avions pas su le faire, ni vous non plus, et que pour cette raison v ous le supprimiez. Et là, vous recommencez ! A l'article 29 de la loi Pasqua, nous avions prévu à tous les alinéas une compensation par l'Etat, mais un décret d evait définir les modalités de cette compensation.

Comme vous n'avez pas rédigé le décret permettant l'application de cet article, vous supprimez en fait le principe de la compensation.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Nous prenons une autre voie ! En second lieu, madame la ministre, je ne peux être d'accord quand vous affirmez que l'article 28 et l'article 29 de la loi Pasqua prévoient la sortie du moratoire. Ce ne sont pas les articles 28 et 29, mais l'article 25, qui concerne les schémas départementaux des services publics, et l'article 28, qui crée la commission départementale. L'article 29 n'a rien à voir dans l'affaire puisqu'il concerne les établissements nationaux et les entreprises nationales. Je vous l'avais déjà dit l'autre jour, mais vous m'aviez contredit, et voilà qu'aujourd'hui vous reprenez mon argumentation. Je regrette que vous remettiez notre dispositif en cause. Soyez gentille, madame la ministre : dites-moi comment vous allez pouvoir mettre en place un système de compensation s'il n'y a pas de décret pour l'organiser.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

On peut toujours répéter inlassablement la même chose. Nous avons déjà passé une heure sur ce sujet il y a quinze jours mais je vais recommencer.

L'article 25 de la loi Pasqua concerne le transfert d'attributions des administrations d'Etat. Seule la déconcentration des décisions individuelles a été réalisée sous le gouvernement d'Alain Juppé. Les différents scenarii de regroupement, notamment au niveau des administrations d éconcentrées, n'ont pas abouti. Il faut dire que l'approche choisie était un peu théorique, un peu technocratique, éloignée du terrain, et qu'elle n'avait pas été débattue par les personnels.

M. Patrick Ollier.

Me permettez-vous de vous interrompre ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non, monsieur Ollier.

L'article 28 concerne bien la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics, et nous avons déjà longuement débattu de ce problème.

Vous avez insinué que nous n'aurions pas lu la loi Pasqua du 4 février 1995. Je vous confirme que nous l'avons bien lue.

M. Patrick Ollier.

Non, vous ne l'avez pas lue ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Si des divergences se manifestent quant à l'appréciation à en tirer, c'est peut-être parce qu'elle n'était pas formulée aussi clairement que vous le dites.

M. Patrick Ollier.

Puis-je vous répondre ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Concernant la compensation, on peut certes confier à un décret le soin de mettre en place des dispositifs théoriques inapplicables sur le terrain.

M. Patrice Martin-Lalande.

Vous renoncez avant d'avoir essayé ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Nous avons choisi une autre solution.

Le CIADT a décidé que les collectivités concernées par la fermeture d'un établissement entraînant la désaffection d'une emprise publique dans leur projet de réutilisation de celle-ci seraient accompagnées par l'Etat. A cette fin, les crédits d'aide au logement seront mobilisés prioritairement dans les conditions les plus favorables prévues par la réglementation dans ce domaine. Le préfet disposera d'une enveloppe spécifique sur les crédits d'intervention de l'Etat pour favoriser l'installation dans ces locaux de nouvelles activités économiques.

En outre, nous pourrons mobiliser le FNADT pour assurer la compensation en faveur des collectivités qui souffriraient de la suppression de tel ou tel service. Par


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

ailleurs, dans les entreprises publiques, les contrats de plan et les contrats de service public prévoient des modalités de compensation. C'est vrai pour EDF-GDF, mais aussi pour La Poste, où une recherche de compensation doit être effectuée au sein des commissions de présence postale. Les entreprises qui refuseraient de s'engager dans les contrats n'auront pas de compensation si l'on décide de maintenir leurs installations. C'est une incitation puissante qui vise à les obliger à s'engager dans des contrats, ce que la loi Pasqua n'avait pas prévu.

M. Patrick Ollier.

Puis-je répondre d'un mot, monsieur le président ?

M. le président.

S'il s'agit simplement d'un désaccord sur un numéro d'article,...

M. Patrick Ollier.

Pas du tout !

M. Maurice Leroy.

Il s'agit du fond !

M. le président.

... nous n'allons pas y passer une heure ! Vous avez la parole, monsieur Ollier, mais soyez très bref.

M. Patrick Ollier.

Madame la ministre, vous avez dit que j'avais tort mais vous n'avez lu que la moitié de l'article 25, qui comprend en fait deux parties. La première fait état des transferts d'attribution, vous avez raison, mais la seconde prévoit la définition des schémas départementaux des services publics.

M. le président.

Ce sera noté au Journal officiel...

M. Patrick Ollier.

C'est cette seconde partie qui nous permet de sortir du moratoire, et je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis d'apporter cette précision.

M. Maurice Leroy.

C'était une précision de fond !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 210, 437, 555, 667, 717 et 974.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 509 est présenté par M. AdevahPoeuf, l'amendement no 975 par M. Maurice Leroy.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le I de l'article 22. »

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf, pour soutenir l'amendement no 509.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je suis ce débat de mon mieux et j'aimerais bien que tout le monde respecte tout le monde.

Pour ma part, je suis très heureux d'être aux côtés de ministres qui sont à la fois spécialisés et compétents.

La Poste, ce n'est pas un symbole, c'est un service. Sa vocation n'est pas d'être une entreprise de spectacle finançant des agents regardant passer des gens qui n'entrent jamais dans les bureaux. Il faut bien un minimum d'activité pour maintenir une présence postale en zone rurale ou ailleurs, de même qu'il faut bien des élèves pour maintenir des écoles et des classes. Il me semble que, dans ce débat interminable sur l'article 22, ces vérités d'évidence ont parfois été quelque peu oubliées.

Le moratoire, une très bonne idée au demeurant était appliqué partout, sauf là où il ne l'était pas, et il faut donc bien prévoir, d'une manière ou d'une autre, les moyens d'en sortir, en préservant autant que faire se peut les intérêts des communes rurales, ainsi que les besoins des grandes agglomérations urbaines, que personne ici ne peut méconnaître.

L'amendement no 509, qui va dans le sens indiqué tout à l'heure par notre collègue Ollier, vise, en supprimant le I de l'article 22, à rétablir l'alinéa 5 de l'article 29 de la loi Pasqua, c'est-à-dire à prévoir un décret en Conseil d'Etat pour le calcul des compensations que l'Etat doit aux entreprises publiques et autres, à raison des obligations de service public qu'il leur impose.

Cela dit, j'ai le regret d'annoncer à notre collègue Ollier que je retire mon amendement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Eric Doligé.

Ah, c'était de l'obstruction pour faire durer ? (Sourires.)

M. Maurice Adevah-Poeuf. Mesdames, messieurs les députés de l'opposition, ma conviction est maintenant faite. Il est évident que si cet alinéa de la loi Pasqua n'a pu s'appliquer, c'est parce que sa rédaction était mauvaise ! (Rires et exclamations sur les mêmes bancs.)

Vous pouvez toujours essayer de rejeter la responsabilité sur le Gouvernement actuel, car je comprends que votre susceptibilité d'auteurs soit froissée,...

M. François Sauvadet. Quelle pirouette ! M. Maurice Adevah-Poeuf. ... mais n'oubliez pas que vous avez eu presque deux ans et demi - de février 1995 à juin 1997 - pour transmettre au Conseil d'Etat des projets de décrets et en affiner la rédaction. Mais vous n'avez pas pu le faire ! La conclusion qui s'impose, c'est que votre rédaction n'était pas pertinente du point de vue juridique et qu'il faut donc chercher d'autres solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

L'amendement no 509 est retiré.

M. Patrick Ollier.

Nous le reprenons !

M. le président.

La parole est à M. Yves Coussain, pour soutenir l'amendement no 975.

M. Yves Coussain.

Nous demandons la suppression du I de l'article 22. Le Gouvernement a annoncé la fin du moratoire et il nous semble donc normal que la représentation nationale ait des explications sur les mesures qu'il entend prendre en faveur du maintien des services de proximité essentiels.

M. Leroy veut insister sur le fait que les articles 28 et 29 de la loi du 4 février 1995 tentaient de répondre au problème difficile du maintien des services publics sur l'ensemble du territoire, comme l'a d'ailleurs reconnu objectivement M. le rapporteur à la page 194 de son rapport écrit. L'amendement signifie qu'il est absolument indispensable de maintenir les services publics en milieu rural, en particulier La Poste, ces services publics étant la condition sina qua non de la survie de nos zones rurales.

Or que constatons-nous concrètement sur le terrain, en particulier pour La Poste ? Que celle-ci transfère la charge de l'exploitation des prestations de services des bureaux de poste aux communes par l'intermédiaire de conventions signées entre La Poste et les collectivités locales. Un tel transfert de charges s'apparente en fait à un véritable chantage au maintien du service public en zone rurale : ce chantage qui vise les maires ruraux et leurs conseils municipaux est proprement scandaleux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Quant à nous, nous considérons que c'est à l'Etat qu'il revient d'élaborer une véritable politique d'aménagement du territoire. Pour La Poste, cette politique doit respecter l'équilibre entre milieu rural et milieu urbain, et assurer l'égalité d'accès des citoyens au service public de La Poste et à tous les services publics sur l'ensemble du territoire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 509 et 975.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Les amendements nos 334 et 335, présentés par M. Duron, rapporteur, et M. Brottes, ont été retirés.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 1170 rectifié, ainsi rédigé ;

« Substituer au I de l'article 22 les paragraphes suivants :

« I. Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 29 de la loi du 4 février 1995, après le mot : "plan" sont insérés les mots : "ou les cahiers des charges lorsqu'ils sont approuvés par décret". »

« I bis Le cinquième alinéa de l'article 29 de la loi du 4 février 1995 est remplacé par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. Les établissements et organismes publics ainsi que les entreprises nationales placées sous la tutelle de l'Etat ou celles dont il est actionnaire et chargés d'un service public et disposant d'un réseau en contact avec le public, dont la liste est fixée par le décret mentionné au dernier alinéa, qui n'ont pas conclu de contrat de plan, de contrat de service public ou qui ne disposent pas de cahier des charges approuvé par décret, établissent un plan triennal global, intercommunal et pluriannuel, d'organisation de leurs services dans chaque département. Ce plan est approuvé par le représentant de l'Etat dans le département après examen de la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics. Chaque premier plan sera présenté dans un délai d'un an après la publication de la présente loi. Le plan est révisé selon les mêmes formes, tous les trois ans.

« Toute décision de réorganisation d'ensemble ou d e suppression d'un service aux usagers non conforme aux objectifs fixés dans le plan global, intercommunal et pluriannuel, d'organisation mentionné fait l'objet d'une étude d'impact conformément aux dispositions fixées aux alinéas 2, 3 et 4 du I.

« Un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application du II du présent article. »

Sur cet amendement, M. Jacob et M. Doligé ont présenté un sous-amendement, no 1206, deuxième correction, ainsi rédigé :

« Au début de la première phrase du troisième alinéa (II) de l'amendement no 1170 rectifié insérer les mots : "A condition de ne pas porter atteinte au strict respect d'une concurrence loyale entre entreprises publiques et privées et sans que les contrats induisent une charge supplémentaire pour les collectivités locales". »

Je vous donne la parole, madame la ministre, pour soutenir l'amendement no 1170 rectifié mais peut-être pourriez-vous, par la même occasion, donner l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Tout à fait, monsieur le président ! L'amendement vise à introduire dans la loi les dispositions arrêtées lors du dernier conseil interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 15 décembre 1998 concernant l'évolution des services publics sur le territoire. L'article 29 de la loi d'orientation d'aménagement et de développement du territoire du 4 février 1995, modifié par cet article 22, organise l'évolution des services publics pour les organismes, établissements, entreprises publiques disposant d'un contrat de plan ou d'un contrat de services. Cette disposition est complétée par l'introduction du cas des établissements, organismes ou entreprises disposant d'un cahier des charges approuvé par décret et par la définition de modalités nouvelles pour les établissements, organismes ou entreprises nationales qui ne disposent ni d'un contrat de plan ou de services publics, ni d'un cahier des charges et qui, pour certaines, n'ont pas vocation à signer un tel contrat.

L'amendement tend à créer une obligation pour les établissements dont la liste sera arrêtée par décret de produire un plan d'organisation de leurs services au niveau départemental, approuvé après examen par la commission départementale d'organisation et de modernisation des services publics. Toute décision qui sera prise en contradiction avec ce plan devra, comme c'est le cas pour les organismes, établissements ou entreprises sous contrat, faire l'objet d'une étude d'impact susceptible de conduire à une suspension de la décision selon les dispositions prévues par l'article 29 de la loi d'orientation.

Cette mesure est par ailleurs complétée par une dispositions réglementaire - la révision du décret 389-82 du 10 mai 1982 - qui permettra aux représentants de l'Etat dans le département d'intervenir, s'ils le jugent nécessaire, sur toute décision de suppression ou d'évolution d'un service prévue par une administration.

Le sous-amendement ne me semble pas à sa place ici.

Il concerne vraisemblablement l'amendement no 1169.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Favorable à l'amendement, défavorable au sous-amendement.

M. le président.

Monsieur Doligé, vous avez pris acte de la déclaration de Mme la ministre sur votre sousamendement ?

M. Eric Doligé.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Madame la ministre, votre amendement va plutôt dans le bon sens dans la mesure où il prévoit une étude d'impact, après examen de la commission départementale. Vous voyez bien que nous ne pratiquons pas une opposition négative et que nous sommes constructifs lorsque le débat va dans le bon sens.

Il fallait le souligner.

Cela dit, j'ai trouvé inacceptables les propos que vous avez tenus sur la dépense publique, établissant un lien étroit entre l'exigence de maintien d'un service public et celle de maîtrise de la dépense publique qui s'impose à nous tous. Le lien n'est pas aussi évident. N'essayez pas de trouver des contradictions là où il n'y a que le souci


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

d'assurer une meilleure efficacité de la dépense publique.

Il s'agit simplement de faire un bon usage de l'argent public dont nous sommes les uns et les autres les garants.

Nous souhaitons d'ailleurs que l'Assembée exerce davantage son pouvoir de contrôle, ce que vous nous empêchez de faire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1206, deuxième correction.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1170 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 510 est présenté par M. AdevahPoeuf, l'amendement no 998 par M. Gérard Voisin.

Les amendements sont ainsi rédigés : « Supprimer le II de l'article 22. »

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf, pour soutenir l'amendement no 510.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Nous en revenons à un problème central dont nous avons abondamment parlé dans la discussion sur l'article, celui de l'inscription dans la loi de la possibilité pour les collectivités locales, les collectivités territoriales de passer des conventions avec La Poste pour mise à disposition de locaux ou de personnels.

Je ne suis pas favorable à une telle disposition, dont je ne vois pas ce qu'elle peut apporter. En effet, la législation le permet déjà. Pour les locaux, c'est une pratique ancienne. Quant à la mise à disposition de personnels, elle est autorisée par la loi de 1984. Le seul apport que permettrait l'insertion de la formulation juridique proposée dans la loi serait le suivant : les mises à disposition seraient prévues sur des périodes annuelles, renouvelables sans limite, au lieu de l'être sur des périodes de trois ans renouvelables. Cela ne serait pas une révolution pour notre droit positif. Une telle disposition ne se justifie donc ni sur le plan législatif, ni sur le plan réglementaire.

En revanche, la préservation d'un minimum de maillage du service public postal en zone rurale se heurte malheureusement à un problème de pratique, non pas des collectivités territoriales, mais de l'établissement public qu'est La Poste. Si nous inscrivons dans le marbre de la loi une disposition qui, à mon sens, n'a pas une très grande portée juridique, je crains qu'elle ne soit comprise comme un signe extrêmement négatif par les élus ruraux, comme un moyen supplémentaire de déséquilibrer le rapport qui, à un moment ou à un autre, est un rapport de forces entre l'établissement public La Poste et les élus locaux.

Des dispositifs s'appliquent actuellement. La commission départementale de la présence postale territoriale est en place dans de nombreux départements. Les conseils postaux locaux se réunissent. On a parlé de Vendôme, de la Haute-Corse. Pour prendre, moi, l'exemple de la commune d'Echandelys dans le Puy-de-Dôme, moins de trois semaines avant la réunion du conseil postal local auquel le maire était invité, elle a reçu une lettre du chef de groupement lui indiquant : « Si le logement de fonction continue d'être occupé, c'est le postier qui paiera. La commune fait des travaux d'isolement complet entre bureaux et logements. Cela fait tant le mètre carré. On discutera du loyer nouveau, à la baisse bien sûr, et nous vous informons tout de suite que cela fait 5 000 francs. »

Voilà une pratique qui nous montre que, quelles que soient les dispositifs que nous inscrivons dans la loi, les organismes de concertation que nous mettons en place, la bonne volonté des uns et des autres, à commencer par celle des préfets, les rapports sont disproportionnés : La Poste est souvent en situation de position dominante.

Inscrire dans la loi la disposition proposée ne fera à mon avis que renforcer ce déséquilibre, ce que personne ne souhaite. Ce n'est pas une affaire d'Etat, cette rédaction ne pose pas un problème considérable, mais en l'adoptant nous risquons d'envoyer un signe négatif, ce qui ne me semble pas souhaitable.

M. François Sauvadet.

Très juste !

M. le président.

La parole est à M. Eric Doligé pour défendre l'amendement no 998.

M. Eric Doligé.

M. Adevah-Poeuf avait demandé la suppression de la première partie de l'article. Il a retirés a demande et propose maintenant de supprimer la seconde, ce qui, bien sûr, nous donne entière satisfaction.

Mme la ministre et certains collègues nous ont dit que, de toute façon, le CIADT pouvait permettre de rééquilibrer les choses. Je ne suis pas d'accord : ou les choses sont inscrites dans la loi ou elles ne le sont pas et quand on voit ce qui se passe dans certains CIADT - je ne voudrais pas citer celui du mois de décembre - on a parfois l'impression de n'être pas sur un pied d'égalité. On peut résoudre des problèmes locaux, mais pas des problèmes nationaux et d'aménagement bien réparti et durable du territoire. Il n'est pas normal de penser que l'on va reporter sur les maires des responsabilités qui relèvent de l'Etat, s'agissant tant du financement que de la décision.

Il est indispensable qu'une concertation ait lieu avec les maires. Si la disposition qu'il est proposé de supprimer est adoptée on nous dira systématiquement : « On en a discuté avec votre maire, mais il ne veut pas participer financièrement. C'est donc à cause de lui que l'on ferme la poste ! » Nous souhaitons le maintien des dispositions antérieures, elles sont claires et Patrick Ollier en a bien parlé tout à l'heure.

Vous voyez, monsieur le rapporteur, que sur tous les bancs nous avons des opinions identiques sur certains sujets. Je soutiens tout à fait M. Adevah-Poeuf, qui fait partie de votre majorité et dont les propositions sont tout à fait raisonnables.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

La commission a émis un avis défavorable. L'amendement no 1169 du Gouvernement répondra en partie au problème posé par nos collègues.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 510 et 998.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

L'amendement no 1169, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II de l'article 22 :

« Après l'article 29 de la loi du 4 février 1995, il est inséré un article 29-1 ainsi rédigé :

« Art. 29-1. - En vue de mieux répondre aux attentes des usagers concernant l'accessibilité et la proximité des services publics sur le territoire en milieu urbain et rural, l'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale et les autres organismes chargés d'une mission de service public peuvent mettre, par convention, des moyens en commun pour assurer l'accessibilité et la qualité des services publics sur le territoire et les rapprocher des citoyens.

« A cette fin, les organismes visés au premier alinéa peuvent, lorsqu'au moins une personne morale de droit public est partie à la convention, constituer des maisons des services publics offrant aux usagers un accès simple, en un lieu unique, à plusieurs services publics. Les collectivités locales peuvent également apporter par convention leur concours au fonctionnement des services publics par la mise à disposition de locaux ou par la mise à disposition de personnels dans les conditions prévues par l'article 62 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositons statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

« La convention intervient dans le cadre du schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics mentionnés à l'article 28, ou des contrats d'objectifs, contrats de services p ublics ou cahier des charges mentionnés à l'article 29. Elle définit notamment le cadre géographique des activités exercées en commun par les parties, les missions qui seront assurées dans ce cadre, et les conditions dans lesquelles les personnels relevant des personnes morales qui y participent exercent leurs fonctions et les modalités financières et matérielles d'exécution de la convention. »

Sur cet amendement, M. Daniel a présenté un sousamendement, no 1188, ainsi rédigé :

« Au début du deuxième alinéa de l'amendem ent 1169, substituer aux mots : "de mieux répondre aux attentes", les mots : "d'apporter une réponse améliorée aux attentes". »

Les amendements nos 337 et 1143 sont identiques.

L'amendement no 337 est présenté par M. Duron, rapporteur, et M. Parrenin ; l'amendement no 1143 est présenté par M. Estrosi.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Substituer aux deuxième et dernier alinéa du II de l'article 22, les alinéas suivants :

« Art. 29-1. - Une commune ou un groupement de communes peut conclure avec le représentant de l'Etat dans le département, ou avec les établissements publics ou entreprises nationales sous tutelle de l'Etat et chargé d'un service public, une convention de service public par laquelle elle ou il apportes on concours au fonctionnement des services publics, notamment par la mise à disposition de locaux ou de personnels dans les conditions prévues par l'article 62 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

« Cette convention intervient dans le cadre du schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics mentionné à l'article 28, ou des contrats d'objectifs ou contrats de service publics conclus entre ces établissements, organismes ou entreprises et l'Etat mentionnés à l'article 29 qui en précisent les conditions de mise en oeuvre. »

Sur l'amendement no 337, je suis saisi de trois sousamendements.

Le sous-amendement no 1200, présenté par M. Jacob et M. Doligé, est ainsi rédigé :

« Au début du premier alinéa de l'amendement no 337, après la référence : "Art. 29-1", insérer les mots : "A condition de ne pas porter atteinte au strict respect d'une concurrence loyale entre entreprises publiques et privées et sans que les contrats induisent une charge supplémentaire pour les collectivités locales,". »

Le sous-amendement no 1179, présenté par M. Brottes et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 337, après les mots : "entreprises nationales sous tutelle de l'Etat", insérer les mots : "ou entreprises dont l'Etat est actionnaire majoritaire". »

Le sous-amendement no 1178, présenté par M. AdevahPoeuf, est ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa de l'amendement no 337, supprimer les mots : "notamment par la mise à disposition de locaux ou de personnels dans les conditions prévues par l'article 62 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale". »

L'amendement no 1143, présenté par M. Estrosi, est ainsi libellé :

« Substituer aux deuxième et dernier alinéas du II de cet article les alinéas suivants :

« Art. 29-1. - Une commune ou un groupement de communes peut conclure avec le représentant de l'Etat dans le département, ou avec les établissements publics ou entreprises nationales sous tutelle de l'Etat et chargé d'un service public, une convention de service public par laquelle elle ou il apportes on concours au fonctionnement des services publics, notamment par la mise à disposition de locaux ou de personnels dans les conditions prévues par l'article 62 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

« Cette convention intervient dans le cadre du schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics mentionné à l'article 28, ou des contrats d'objectifs ou contrats de service publics conclus entre ces établissements, organismes ou entreprises et l'Etat mentionnés à l'article 29 qui en précisent les conditions de mise en oeuvre. »

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, pour soutenir l'amendement no 1169.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Les services publics jouent un rôle éminent en faveur d'un développement équilibré du territoire sur les plans économique et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

social, un développement qui assure des droits égaux à tous nos concitoyens en matière de démocratie et d'intégration.

A ce titre, les services publics ont fait l'objet de nombreuses interventions de votre part dans ce débat. Par

« services publics », j'entends non seulement les services de l'Etat, mais aussi, bien sûr, ceux des collectivités territoriales, ainsi que ceux qui sont gérés par des personnes morales diverses, de droit public ou privé, et qui pour nos concitoyens font partie de la même offre d'un service public auquel, pour ma part, je suis très attaché, de même que la plupart d'entre vous.

Pour moi un service public moderne et de qualité c'est aussi un service public qui sait s'adapter aux besoins des usagers. Le Gouvernement ne peut pas ignorer les difficultés particulières que rencontrent certaines zones dont la population s'est accrue rapidement - M. Rimbert l'a rappelé tout à l'heure - ni les besoins nouveaux. Dans le même temps, il ne peut pas perdre de vue les légitimes demandes des habitants des zones moins peuplées ou moins dynamiques qui refusent de voir leur ville ou leur village perdre sa vitalité. Les interventions à ce sujet sont parfaitement compréhensibles.

Nous sommes attachés au service public. Il ne s'agit pas de le réduire. On a parlé d'un moratoire, mais un moratoire n'est pas fait pour durer éternellement, sinon on appellerait cela autrement ! Il est impossible de mener une politique d'augmentation permanente des moyens, chacun d'entre vous le sait. En vous écoutant, je me remémorais des temps assez récents, une époque où nous n'étions pas dans les mêmes situations respectives de majorité et d'opposition : vous étiez alors moins ardents pour défendre, par exemple, les financements de La Poste et les compensations. Je me souviens de certains débats ici sur la fiscalité de La Poste. J'ai été d'autant plus attentif à ces questions-là qu'en des temps encore plus reculés j'étais ministre des PTT.

Il faut donc trouver des moyens d'offrir un bon service public. Ces dernières années ont été menées des expériences de points publics, de services polyvalents dans l'ensemble de la diversité des configurations. Ces expériences ont permis de mettre au point une forme d'organisation polyvalente de services de proximité qui est désormais connue sous le nom de « maisons des services publics » et que l'on trouve plutôt dans les grandes agglomérations. Son encadrement juridique sera précisé lors du débat dont parlait Dominique Voynet sur le projet de loi DCRA sur les droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration. Je le présenterai au Sénat durant la deuxième semaine de mars dans la perspective de la réforme de l'Etat et du perfectionnement du service à l'usager qui est, vous le savez, l'une de nos priorités.

Ces maisons des services publics offriront des services à part entière, de qualité, pas des services au rabais. J'ai même pour objectif d'en faire, grâce à l'utilisation des outils les plus modernes de fonctionnement, notamment les nouvelles technologies de l'information et de la communication, un exemple de services publics de pointe.

Au cours de la discussion de ce projet de loi d'orientation, qui trace les grandes perspectives de l'aménagement et du développement durable de notre territoire, la question de la présence des services publics a été abordée, notamment à l'article 2. Le Gouvernement vous a suggéré d'y revenir lors de la discussion sur l'article 22. Et puisque nous y sommes, je vous propose d'adopter un amendement intégrant la notion de « maisons des services publics ». Il s'agit en effet d'une façon d'assurer la continuité du service à l'usager lors des réorganisations nécessaires de structures administratives lorsque les besoins l'exigeront.

Les maisons des services publics qui fonctionnent déjà regroupent surtout des services à caractère social, mais rien n'empêche, selon les spécificités locales, de leur donner des missions et des périmètres différents. C'est en cela précisément que la maison des services publics contribue à la volonté du Gouvernement d'aménager durablement le territoire. L'amendement prend également en compte la demande de certains élus qui souhaitent passer convention avec des services publics. Il s'agit notamment de maintenir, dans le cadre des contrats d'objectifs et de progrès que La Poste a passés avec l'Etat, les éléments du service public postal qu'ils jugent utile à la vie des habitants de leur commune.

Aussi l'amendement ouvre-t-il explicitement aux collectivités la possibilité, si elles le souhaitent, de signer une telle convention dont je précise que le modèle est actuellement en discussion avec l'AMF et la Fédération nationale des maires ruraux. Enfin, cet amendement souligne que ces conventions sont à considérer dans le cadre du schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics, car les décisions de créer des maisons des services publics doivent tenir compte des besoins de l'ensemble du département et donner lieu à concertation afin d'assurer au mieux l'égalité d'accès aux services publics.

J'ai entendu M. Patrick Ollier et M. Patrice MartinLalande évoquer avec pertinence le télé-travail. C'est une question à laquelle nous sommes extrêmement attentifs et je me suis porté à plusieurs reprises sur ce front.

M. Patrice Martin-Lalande.

Quand le décret sera-t-il publié, monsieur le ministre ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je sais que des expériences sont en cours, auxquelles nous nous intéressons.

Mais cela n'a rien à voir et ce n'est absolument pas contradictoire avec la possibilité de conventionner.

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est bien préférable à la convention ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Adevah-Poeuf et d'autres députés sur ces rangs craignent que l'on ne charge les finances des collectivités. Il faut être réaliste.

Certains points de contact postaux travaillent quelques minutes par jour, quand ils travaillent une fois par jour !

M. Patrice Martin-Lalande.

Cas limite !

M. Eric Doligé.

C'est les 35 heures ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

On peut toujours dire que l'on ne pourra pas faire bouger les choses, les situations intenables ne durent jamais indéfiniment. Or le but est de s'inscrire dans la durée. Donner, dans le cadre du contrat d'objectifs et de progrès de La Poste, la possibilité de conventionner ne contribuera pas à accentuer la pression sur les collectivités.

M. Yves Coussain.

C'est pourtant ce qui se passera ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Cela ne jouera pas sur le volume global du réseau postal. J'ai été autrefois en charge de ce secteur. Nous avons cherché à avancer dans le cadre de la polyvalence. Nous n'y avons finalement jamais réussi, malgré certaines proclamations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. François Sauvadet.

A cause des rigidités ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Justement, là, nous en supprimons une. Tout à l'heure, on a dit : on va faire payer l'agence postale par la collectivité. Mais si, comme le prévoit cet amendement, on ouvre la possibilité pour La Poste de prendre en charge une partie de la charge de la secrétaire de mairie, cela peut être, au contraire, extrêmement positif.

M. Patrick Rimbert.

Bien sûr ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Et les représentants des associations de maires pourront y être extrêmement attentifs puisque nous sommes en train de discuter cette convention.

Ne voyez donc pas toujours les choses de façon négative. Cette possibilité existe déjà, M. Adevah-Poeuf l'a dit. Il a parlé de chantage, de pression insupportable.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

De décision unilatérale prise sans concertation ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Dans la situation actuelle, ce déséquilibre dans la négociation existe peutêtre, mais nous proposons justement que le partage des charges puisse, au contraire, se faire de manière bilatérale, dans le cadre de la commune ou de l'intercommunalité.

C'est important pour que les petites communes puissent partager avec La Poste des frais que, de toute façon, elles ont déjà. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 337.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Je le retire monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 337 est retiré.

De ce fait, les sous-amendements nos 1200, 1179 et 1178 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. Jean-Claude Daniel, pour présenter le sous-amendement no 1188.

M. Jean-Claude Daniel.

Ce n'est pas un simple amendement syntaxique ; sous les mots, il a le sens.

D'abord, je remercie mes collègues, en particulier l'opposition, pour ce long plaidoyer en faveur du service public et donc des emplois de la fonction publique dont certains, m'avait-il semblé, n'étaient pas vraiment les défenseurs.

M. Eric Doligé.

C'est un procès d'intention !

M. Patrice Martin-Lalande.

Oui, et déplacé !

M. Jean-Claude Daniel.

L'amendement no 1170 modifié nous a permis de prendre la mesure des obligations de l'équité républicaine dans les conditions renouvelées et contractuelles des missions de service public.

L'amendement no 1169 permet d'envisager des « plus ».

La définition vient d'en être donnée par le biais des maisons de services publics, par exemple. Il s'agit d'organiser une réponse dans le cadre de la logique de projets et de territoires. Nous sommes bien dans la fonction de l'aménagement du territoire.

Par exemple, dans le cadre d'une intercommunalité, si nous prenons le soin de développer les hypothèses du développement économique, rien ne s'oppose à ce que des services publics complémentaires postaux ou autres puissent s'installer sur une zone de développement économique. A projets nouveaux, services publics complémentaires.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande, pour défendre l'amendement no 1143.

M. Patrice Martin-Lalande.

Nous serons sans doute tous d'accord pour partager les frais de maintien de services publics en opérant en temps partagé, la répartition ou l'agrégation des tâches utiles aux uns et aux autres.

Cela permettrait également de maintenir un certains nombre d'emplois à des coûts qui n'auront rien d'artificiel.

En revanche, nous n'approuvons pas l'idée consistant à faire contribuer les collectivités territoriales au maintien d'emplois ne correspondant plus à des activités suffisantes : cela reviendrait en effet à faire payer par les finances publiques locales des emplois qui ne sont plus justifiés. Autant transférer, et je reviens sur ce que j'ai dit, dans les endroits où la charge de travail manque, la charge de travail qui existe au niveau national. On pourrait aussi transférer la gestion ou la réservation des TGV dans une gare un peu en sous-activité. Et la collectivité territoriale n'aurait plus à intervenir.

Consacrer de l'argent public à soutenir un emploi qui n'a plus une productivité suffisante serait artificiel, on ne pourrait pas tenir longtemps. En revanche, mieux répartir le travail sur l'ensemble du territoire, grâce au télétravail, permettrait de maintenir une productivité à un niveau suffisant et d'assurer durablement la présence des emplois correspondant à un service rendu effectif.

L'amendement de M. Estrosi, qui sera ainsi défendu, permettrait aux collectivités de contribuer au maintien des services publics en apportant certains moyens matériels, notamment par la mise à disposition de locaux.

M. le président.

La parole est à M. Jacky Darne.

M. Jacky Darne.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, tenait, en cette qualité, à exprimer son soutien à l'amendement proposé par le Gouvernement.

En effet, l'égal accès de tous au service public est l'une des raisons d'être de notre administration ; nos concitoyens y sont particulièrement attachés. Or cette égalité est de plus en plus remise en cause tant dans les zones rurales que dans certaines zones urbaines.

Pour assurer cet égal accès, les pouvoirs publics ont répondu jusqu'ici au coup par coup : ce furent d'abord les points publics en milieu rural, puis les plates-formes de services publics et, enfin, les maisons des services publics, au nombre de soixante-neuf aujourd'hui.

Cette pratique, toutefois, n'a pas de base légale. Le projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, qui n'a pu être mené à son terme en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale, a constitué un premier pas pour encadrer ces maisons des services publics. Mais des questions restaient en suspens.

Les articles 24 et 25 du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration encadreront plus rigoureusement le fonctionnement de ces maisons des services publics. Il pourra être fait appel à cette formule par la voie de la convention pour les plus petites des communes, et par recours au statut du groupement d'intérêt public pour les opérations les plus


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

importantes. La présence d'une personne morale de droit public comme partie à la convention sera exigée et les positions des agents employés dans ce cadre seront par ailleurs précisées.

Les articles 24 et 25 de ce projet de loi ont trois mérites : ils donnent une base légale à des pratiques qui relèvent aujourd'hui de la bonne volonté ; ils permettent de maintenir des services publics dans un contexte difficile ; ils offrent enfin une aide aux usagers.

Sans remettre en cause ces choix qui ne manqueront pas de devoir être précisés lorsque ces dispositions viendront en discussion, l'amendement que propose le Gouvernement montre bien que le service public participe de la politique d'aménagement du territoire.

Il pose surtout deux principes : d'une part, il permet aux différents services publics, quel que soit leur statut, de passer des conventions qui recouvrent le cas du service postal visé à l'origine dans cet article 22 et s'inscrivent dans le cadre de schémas départementaux ; d'autre part, il offre la possibilité à ces organismes de constituer des maisons de services publics lorsqu'une personne morale de droit public est au moins partie à la convention. L'organisation et le fonctionnement de ces maisons sont évidemment renvoyés au projet de loi précité.

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet, à qui je demande d'être bref, dans la mesure où le sujet a déjà été évoqué de façon assez complète.

M. François Sauvadet.

Certes, monsieur le président, mais nous examinons un des aspects essentiels de la loi.

D'autres articles n'ont pas suscité des débats d'une telle ampleur, parce qu'ils n'avaient pas la même portée.

Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention.

Vous avez parlé d'équilibre, d'économie générale, de services, mais aussi d'accès au service public. La concrétisation des droits que nos compatriotes sont en droit d'exiger passe par la mise en oeuvre de certains moyens. Tel est l'objet de l'amendement que vous proposez aujourd'hui.

S'agissant d'une loi d'orientation, la question qui nous est posée, est bien celle-ci : quels moyens se donne l'Etat pour assurer l'aménagement du territoire et le maintien du service public ? Seulement, j'observe que le seul moyen que vous ayez trouvé, la seule innovation que vous suggériez, c'est de se tourner encore une fois vers les collectivités locales ! Si une majorité différente, issue de droite, avait proposé un tel texte, je n'ose même pas imaginer les tollés que cela aurait suscités ! Car vous proposez d'opérer, non seulement un transfert de charges, mais un transfert de compétences en matière de services publics.

Par ailleurs, je m'interroge sur la portée normative de votre texte. Les maisons de services publics existent déjà.

Rien ne nous interdit dès aujourd'hui d'en créer. Rien ne nous interdit aujourd'hui de passer convention. On en passe même presque quotidiennement, ce qui constitue d'ailleurs un élément de complexité sur lequel il conviendrait de s'interroger.

Monsieur le ministre, si vous vouliez faire oeuvre utile, vous pouviez vous pencher sur la répartition des compétences entre les collectivités locales, tout en veillant à ne pas écraser encore davantage les maires et les conseillers municipaux sous les responsabilités, qu'il s'agisse de la présence du service public - M. Adevah-Poeuf l'a dit tout à fait intelligemment tout à l'heure - ou des choix financiers qu'ils doivent assumer.

En effet, derrière tout cela, il y a la commune, l'unité de base, qui supporte déjà bien des charges en matière d'exercice des premières solidarités, en matière d'aménagement du territoire, d'entretien des routes et avec des moyens extrêmement limités. Comme Mme la ministre avait dit que cette loi était un peu trop « ruraloruraliste », j'avais cru comprendre qu'on procéderait à une répartition différente des moyens financiers. Voilà le contexte.

Vous m'avez surpris, monsieur le ministre, en parlant de la polyvalence et de l'échec relatif que nous avions connu en ce domaine. Je voudrais donc appeler votre attention sur les raisons de cet échec et sur les rigidités devant lesquelles nous sommes placés.

J'ai essayé, de mon côté, d'organiser une polyvalence de services publics autour d'un bureau de poste. Il m'a fallu six mois pour trouver le moyen de faire livrer par un facteur un billet SNCF ! Six mois, monsieur le ministre ! Il faudrait que vous vous attaquiez aux rigidités qui font que le service n'est pas aussi bien rendu qu'il le faudrait.

Autre exemple : la plupart des gens travaillent à trente ou quarante minutes de leur lieu de domicile. Il faudrait prendre en compte ce phénomène et adapter les heures d'ouverture des services publics comme La Poste. Au lieu d'ouvrir de quatorze heures à seize heures, où il n'y a personne, que l'on ouvre de dix-huit à vingt heures ! Mais on ne le peut pas, parce que nous sommes enferrés dans des questions de statut. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous essayiez d'y réfléchir.

Voilà comment on pourra être efficace. Il ne s'agit pas, madame la ministre, d'augmenter la dépense publique, mais de mieux utiliser tous les agents qui contribuent au service public.

M. Patrick Rimbert.

Ce ne sont pas des esclaves !

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, explorez donc les pistes. Vous n'avez pas besoin de la loi. Recourez aux nouvelles technologies et maintenez des cadres dirigeants dans nos territoires ruraux, au lieu de les concentrer par des réorganisations.

Car la réorganisation ainsi conçue n'est pas forcément une bonne chose. On parle aujourd'hui du conseil de La Poste. Auparavant, il y avait chez moi un conseil local de La Poste que l'on vient de concentrer sur Dijon. Maintenant, pour les rencontrer et leur parler de nos zones rurales, je doit parcourir soixante-dix kilomètres ! En conclusion, ce texte a un caractère pernicieux. Il n'a pas de portée normative mais il introduit un concept nouveau : « faire porter le chapeau » de la présence des services publics aux collectivités locales ! Monsieur le ministre, nous prenons date ! Et je ne fais pas de politique politicienne...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Jamais ! (Sourires.)

M. François Sauvadet.

... parce que le sujet est trop grave et trop important, madame la ministre. Mais je vous donne rendez-vous sur la portée normative de ce que vous venez de faire aujourd'hui !

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant. Monsieur le président, vous m'avez refusé, tout à l'heure, la parole sur l'amendement de M. Adevah-Poeuf, alors permettez-moi de m'exprimer quelques minutes.

Tout d'abord, s'agissant de la forme ; l'article 22 ne dépasse pas un quart de page. Or vous présentez, sur cet article, au nom du Gouvernement, un amendement de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

deux pages. Cela signifie que vous avez préparé une loi, que vous vous êtes aperçu qu'un problème se posait, et que vous vous avez tenté de le résoudre en déposant cet amendement.

Ensuite, sur le fond, vous supprimez le moratoire de M. Balladur, décidé en 1993. Je partage totalement les propos de notre collègue Sauvadet à ce sujet. Vous profitez de l'aubaine et entérinez une coutume consistant à f aire participer financièrement les communes à la construction des bureaux de poste ! Il est vrai que l'on n'a pas besoin de conventions ! C'est vrai aussi que l'on peut construire un bureau et faire payer un loyer à La Poste. Si ce n'est que, dans les petites communes, ce sera impossible parce que le loyer ne rejoindra jamais l'emprunt engagé ! Vous n'assurerez donc pas ainsi le service public de La Poste.

M. Adevah-Poeuf a parfaitement mis le doigt sur le problème, mais il a finalement retiré son amendement tout en nous soutenant que notre loi, la loi Pasqua, était mal rédigée. Or notre loi prévoyait justement une compensation financière de l'Etat et c'est bien là le problème. J'observe que votre texte n'institue pas de fonds de compensation financière. Encore une fois, vous profitez de l'aubaine pour transférer aux collectivités une charge publique qui devrait revenir à l'Etat.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1188.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1169, modifié par le sous-amendement no 1188.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 1143 n'a plus d'objet non plus que l'amendement no 976 de M. Maurice Leroy.

M. François Sauvadet.

Il est dommage que le Gouvernement n'ait pas répondu !

M. le président.

Je mets aux voix l'article 22, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 22, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 22

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 338, 3 corrigé, 59, 440 et 1005, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L'amendement no 338 est présenté par M. Duron, rapporteur et M. Parrenin ; l'amendement no 3 corrigé par M. Michel Bouvard ; l'amendement no 59 par M. Ollier et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ; l'amendement no 440 par MM. Chabert, Deniaud, Estrosi, Fromion, Martin-Lalande et Quentin.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« Le sixième alinéa de l'article 7 de la loi no 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne est ainsi rédigé :

« Il est informé au moyen d'un rapport annuel, établi par le préfet désigné pour assurer la coordination dans le massif, des décisions d'attribution des crédits inscrits dans la section locale à gestion déconcentrée du fonds national d'aménagement et de développement du territoire et correspondant à des projets situés en zone de montagne. »

L'amendement no 1005, présenté par MM. Proriol, Blanc et Meylan, est ainsi rédigé :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« Avant le dernier alinéa de l'article 7 de la loi no 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par ailleurs, il est informé au moyen d'un rapport annuel, établi par le préfet désigné pour assurer la coordination dans le massif, des décisions d'attribution des crédits inscrits dans la section locale du FNADT et correspondant à des projets situés en zone de montagne. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 338.

M. Philippe Duron, rapporteur.

L'amendement no 338 tend à actualiser la loi du 9 janvier 1985, relative au développement et à la protection de la montagne et à substituer, à l'obligation de consultation du comité de massif, une obligation d'information sur l'attribution de certains crédits du FNADT.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 338, 3 corrigé, 59 et 440.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 1005 n'a plus d'objet.

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 5, 57, 691 et 1 007, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement no 5 est présenté par M. Michel Bouvard et M. Estrosi ; l'amendement no 57 par M. Ollier et les membres du groupe RPR appartenant à la commis-s ion de la production ; l'amendement no 691 par MM. Bonrepaux et Idiart.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« Après le deuxième alinéa de l'article 33 de la loi du 4 février 1995, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les crédits de chacune des sections mentionnées au deuxième alinéa sont affectés par priorité aux projets de développement dans les zones de revitalisation rurale. »

L'amendement no 1 007, présenté par M. Proriol et M. Blanc, est ainsi libellé :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« Après le deuxième alinéa de l'article 33 de la loi du 4 février 1995, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les crédits de chacune des sections sont affectés en priorité aux projets de développement situés dans les zones de revitalisation rurale. »

Ces quatre amendements sont défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Et du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Même avis.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 5, 57 et 691.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1 007.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement no 339 est présenté par M. Duron, rapporteur, MM. Parrenin et Proriol ; l'amendement no 4 par M. Michel Bouvard ; l'amendement no 58 par M. Ollier et les membres du groupe RPR appartenant à la commission de la production ; l'amendement no 439 par MM. Chabert, Reniaud, Estrosi, Fromion, MartinLalande et Quentin ; l'amendement no 1008 par M. Blanc et M. Meylan.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« Après le deuxième alinéa de l'article 33 de la loi du 4 février 1995, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il est périodiquement fait état au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire, défini à l'article 3, des décisions d'attribution des crédits de ce fonds. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 339.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Il s'agit de faire régulièrement rapport au Conseil national de l'aménagement et du développement du territoire sur les crédits attribués par le FNADT, afin d'améliorer la transparence de fonctionnement de ce fonds.

M. le président.

Les autres amendements identiques sont défendus.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 339, 4, 58, 439 et 1008.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 340, 6, 56, 438 et 1006, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L'amendement no 340 est présenté par M. Duron, rapporteur, MM. Parrenin et Proriol ; l'amendement no 6 par M. Michel Bouvard ; l'amendement no 56 par M. Ollier et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production ; l'amendement no 438 par MM. Chabert, Deniaud, Estrosi, Fromion, Martin-Lalande et Quentin.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« Avant le dernier alinéa de l'article 33 de la loi du 4 février 1995, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les décisions d'attribution des crédits inscrits dans la section locale à gestion déconcentrée sont communiqués par le préfet de région aux présidents des conseils régionaux et des conseils généraux intéressés.

« Le trésorier-payeur général de région adresse, chaque année, au président du conseil régional un rapport sur les conditions d'exécution de ces décisions. »

L'amendement no 1006, présenté par M. Proriol et M. Blanc, est ainsi rédigé :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« Après le deuxième alinéa de l'article 33 de la loi du 4 février 1995 sont insérés les deux alinéas suivants :

« Les décisions d'attribution des crédits inscrits à la section locale du FNADT sont communiquées par le préfet de région aux présidents des conseils régionaux et généraux intéressés.

« Le trésorier payeur général de la région adresse, chaque année, au président du conseil régional un rapport sur les conditions d'exécution de ces décisions. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 340.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Il s'agit d'adresser chaque année au président du conseil régional un rapport sur les conditions d'affectation des crédits du FNADT.

Mais le Gouvernement souhaite apporter à cet amendement une rectification à laquelle j'indique d'emblée que je suis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le Gouvernement est en effet favorable à cet amendement sous réserve de la substitution aux mots : « Le trésorier-payeur général », des mots : « Le préfet de région ».

M. le président.

Je pense que les auteurs des amendements identiques seront favorables à cette rectification de bon sens.

M. François Sauvadet.

Bien sûr.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 340, 6, 56 et 438, tels qu'ils viennent d'être rectifiés.

(Ces amendements, ainsi rectifiés, sont adoptés.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement 1006 tombe.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 891 et 957.

L'amendement no 891 est présenté par MM. Michel Bouvard, Chabert, Deniaud, Dupont, Estrosi, Fromion, Martin-Lalande et Quentin ; l'amendement no 957 par M. Ollier et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après l'article 22, insérer l'article suivant :

« Lorsqu'une commune ou un groupement de communes, pour leurs projets de développement, sont soumis à l'application de la loi sur la protection du littoral et à celle de la loi relative à la montagne, c'est le texte le moins contraignant des deux qui s'applique. »

Ces deux amendements sont soutenus.

M. Philippe Duron, rapporteur.

Avis défavorable.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 891 et 957.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Article 23

M. le président.

« Art. 23. - Après l'article 38 de la loi du 4 février 1995, il est ajouté un article 38-1 ainsi rédigé :

« Art. 38-1 . - Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, dans les conditions prévues dans la loi de finances, un fonds de gestion des milieux naturels.

« Ce fonds contribue au financement des projets d'intérêt collectif concourant à la protection, à la réhabilitation ou à la gestion des milieux et habitats naturels.

« Il prend en compte les objectifs fixés par le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux. »

La parole est à M. François Sauvadet, inscrit sur l'article.

M. François Sauvadet.

Madame la ministre, j'aimerais que vous nous donniez une précision que nous vous avons déjà demandée lors de l'examen du schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux. Nous retrouvons à l'article 23 le fonds de gestion de l'espace rural prévu dans la loi de 1995, dont je vous avais dit, à l'occasion de la motion de renvoi en commission, qu'il n'était plus doté. Vous aviez été nombreux, mes chers collègues, à vous émouvoir dans des temps antérieurs que le fonds de gestion de l'espace rural soit moins doté.

Nous nous étions battus ensemble pour qu'il le soit mieux. Aujourd'hui, il ne l'est plus du tout. Pourquoi, alors qu'il présentait un grand intérêt ? Nous avions même eu, au moment de l'examen du budget, un long débat pour essayer de le réorienter vers les espaces ruraux en déprise agricole. Nous étions d'ailleurs revenus à l'esprit de la loi initiale puisqu'il était indiqué : « Le fonds de gestion de l'espace rural contribue au financement de tout projet d'intérêt collectif concourant à l'entretien ou à la réhabilitation de l'espace rural. »

Si j'ai bien compris, madame la ministre, vous maintenez dans votre texte un fonds de gestion de l'espace rural qui n'est plus doté : pas un franc ne lui est affecté dans le budget. De plus, vous créez un autre fonds à l'article 23 :

« Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, dans les conditions prévues dans la loi de finances, un fonds de gestion des milieux naturels. Ce fonds contribue au financement des projets d'intérêt collectif concourant à la protection, à la réhabilitation ou à la gestion des milieux et habitats naturels. »

Comment tout cela va-t-il fonctionner ? C'est très important pour le monde agricole. Les moyens financiers consacrés aux espaces ruraux en déprise seront-ils réduits ? Consacrerez-vous l'essentiel de votre effort aux espaces naturels, puisque les deux fonds semblent se compléter ? Pourquoi l'un n'est-il plus doté ? Comptez-vous le doter ultérieurement et à quelle hauteur ? A toutes ces questions laissées jusqu'à présent sans réponse, j'espère que vous répondrez précisément dans le débat qui s'ouvre sur l'article 23.

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Madame la ministre, je me réjouis de la création d'un fonds de gestion des milieux naturels qui devrait permettre de financer des projets d'intérêt général et de gestion des espaces naturels.

Cependant, il m'apparaît que la création de ce fonds devrait s'accompagner d'une réforme importante de la taxe sur le foncier non bâti, dont on parle régulièrement tant sont avérés ses effets pervers en termes d'aménagement du territoire et de conservation des milieux. En effet, à valeur économique égale, l'imposition du foncier non bâti est parfois plus élevée dans les zones sensibles, en particulier les zones humides, qu'en dehors de ces zones. C'est le cas, plus précisément, dans le marais poitevin.

Au surplus, la déconnexion de l'imposition et du revenu généré par les terrains produit une situation de surimposition qui renforce le constat précédent, le tout aboutissant à la non-conservation des milieux et de leurs usages traditionnels extensifs.

Si l'un des objectifs de la loi d'orientation est de favoriser un développement durable du territoire, nous devons aussi donner un coup d'arrêt à un système fiscal qui, dans les zones sensibles à fort intérêt écologique, incite à l'intensification, à la gestion sylvicole non biologique ni même paysagère des forêts, à l'exploitation de terres boisées au détriment des prairies naturelles. En effet, la taxe sur le foncier non bâti ne prévoit aucun abattement pour la satisfaction de contraintes écologiques de gestion durable ; son abattement forfaitaire est bien inférieur à celui appliqué au foncier bâti. Cette taxe représente donc l'inverse d'un régime incitatif à la conservation des caractéristiques des milieux naturels.

Pour la recherche d'une synergie de moyens, il semblerait nécessaire, dans certaines zones d'une importance écologique particulière, de coupler la création de ce fonds de gestion avec une étude importante sur les exonérations qui pourraient être accordées en matière de foncier non bâti. Il serait également intéressant d'accompagner ce texte par une volonté forte de rendre la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles applicable partout et surtout de l'affecter réellement à l'aménagement d'espaces naturels et non, comme on le voit quelquefois, d'équipements qui ne présentent qu'un piètre intérêt environnemental, par exemple des ronds-points.

M. le président.

M. Deprez a présenté un amendement, no 81, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 23. »

Cet amendement est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Rejet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Sauvadet, le fonds de gestion des milieux naturels est destiné à accompagner la politique qu'entend conduire le Gouvernement en faveur des espaces naturels, telle qu'elle sera définie par le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux.

Le fonds de gestion de l'espace rural reste bien inscrit au budget de l'agriculture. Il est destiné à évoluer vers un f onds de financement des contrats territoriaux d'exploitation. Ses moyens vont donc être significativement renforcés pour permettre une gestion cohérente et intégrée des zones rurales.

Le fonds de gestion des milieux naturels ne fait pas double emploi avec l'actuel fonds de gestion des espaces ruraux. En effet, il servira rapidement à financer la politique de gestion de mesures contractuelles - Natura 2000, p arcs naturels régionaux, conservatoires régionaux d'espaces naturels, zones humides, conservation d'espèces telles que le loup et l'ours - ainsi que les moyens d'expertise pour la connaissance des milieux et l'élaboration des mesures de gestion.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Madame Perrin-Gaillard, il me paraît, à moi aussi, paradoxal que seuls soient exonérés de la taxe sur le foncier non bâti ceux qui exploitent leur territoire et en retirent donc des revenus liés à la production, mais aussi des primes, alors que ceux qui acceptent d'importantes contraintes de conservation et de protection ne bénéficient pas d'un dispositif analogue. Je me réjouis donc du soutien que m'apportent les parlementaires dans ce qui s'annonce comme un combat relativement difficile avec Bercy.

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Madame la ministre, vous nous annoncez le maintien du FGER. Mais de deux choses l'une : ou bien il conserve sa vocation, ou bien ses crédits sont intégralement affectés aux CTE et il n'y aura plus rien pour la gestion de l'espace rural. Il faut que les agriculteurs le sachent.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce point a été largement débattu lors de l'examen de la loi d'orientation agricole.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement de suppression no

81. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Duron, rapporteur, a présenté un amendement, no 341, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 38-1 de la loi du 4 février 1995 :

« Art. 38-1. - Le fonds de gestion des milieux naturels contribue au financement des projets d'intérêt collectif concourant à la protection, à la réhabilitation ou à la gestion des milieux et habitats naturels.

« Sa mise en oeuvre prend en compte les orientations du schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Duron, rapporteur.

La commission a adopté cet amendement qui propose une nouvelle rédaction globale du futur article 38-1 de la loi du 4 février 1995. Par rapport au projet de loi, cette nouvelle rédaction supprime le premier alinéa du texte proposé, devenu obsolète du fait de la dotation du fonds, à compter du 1er janvier 1999, au moyen de crédits budgétaires de l'environnement inscrits dans la loi de finances pour 1999.

L'amendement rectifie par ailleurs la rédaction du dernier alinéa. Le fonds n'ayant pas d'autonomie ni de personnalité juridique, il est plus correct de viser sa mise en oeuvre.

En conséquence, la commission a repoussé les autres amendements à l'article 23, formellement incompatibles avec cette nouvelle rédaction.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 341.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 899, 922 et 825 tombent.

Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 908, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 38-1 de la loi du 4 février 1995 par l'alinéa suivant :

« Les modalités de répartition de ce fonds dans les départements sont fixées par décret. Sa mise en oeuvre s'inscrit dans le cadre d'orientations générales pluriannuelles arrêtées au niveau de chaque département en cohérence avec le schéma des services collectifs des espaces naturels et ruraux, par le représentant de l'Etat après consultation d'une commission associant des représentants des services de l'Etat, des élus, des associations de protection de la nature, de la profession agricole et des autres acteurs économiques. »

L'amendement no 826, présenté par M. Quentin, est ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 38-1 de la loi du 4 février 1995 par les deux alinéas suivants :

« La mise en oeuvre du fonds s'inscrit dans le cadre d'orientations pluriannuelles arrêtées au niveau de chaque département par le préfet en association avec le président du conseil général, après consultation d'une commission associant des représentants de services de l'Etat, du département, des communes concernées et de leurs groupements, du milieu associatif et de la profession agricole, forestière et le cas échéant conchylicole.

« Les crédits du fonds de gestion des milieux naturels sont répartis entre les départements dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à M. Yves Deniaud, pour soutenir l'amendement no 908.

M. Yves Deniaud.

Une remarque de vocabulaire à propos de l'amendement no 899 de Mme Boisseau, qui vient de tomber alors qu'il relevait du bon sens. L'article 23 fait référence aux « milieux et habitats naturels ». Ces derniers peuvent recouvrir des gîtes, des terriers, des nids, voire la partie caverneuse d'une habitation troglodytiques.

C'est pourquoi la rédaction proposée par notre collègue, à savoir « les milieux naturels et le patrimoine bâti », me paraîssait de bon sens et de bon français.

M. le président.

Cette discussion pourra être poursuivie au Sénat, monsieur Deniaud.

L'amendement no 826 est défendu.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 908, (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 826.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 23, modifié par l'amendement no 341.

(L'article 23, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Article 24

M. le président.

« Art. 24. - L'article 39 de la loi du 4 février 1995 est abrogé. »

M. Lamy a présenté un amendement, no 1090, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 24. »

Cet amendement est soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

D'abord, cet amendement si l'on en croit son exposé sommaire, se réfère à l'article 22. De toute façon, l'avis de la commission est défavorable.

M. le président.

Et celui du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1090.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 25

M. le président.

« Art. 25. - L'article 42 de la loi du 4 février 1995 est modifié ainsi qu'il suit :

« I. - La première phrase du deuxième alinéa est remplacée par la phrase suivante :

« Ces zones comprennent les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire, les zones urbaines sensibles et les zones prioritaires ultra périphériques. »

« II. Il est ajouté un 4 ainsi rédigé :

«

4. Les zones prioritaires ultra périphériques recouvrent les départements d'outre-mer. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Léo Andy.

M. Léo Andy.

Madame la ministre, votre projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire se fixe des objectifs ambitieux et adopte une démarche novatrice. Il vise, en effet, à répondre aux trois buts fondamentaux de la performance économique, de la cohésion sociale, de la sauvegarde de la qualité de l'environnement et des ressources naturelles, en privilégiant le développement de l'emploi. Les départements d'outre-mer, dont les problèmes aigus sont connus dans chacun de ces domaines, auraient donc dû être concernés au premier chef par ce projet.

En effet, en Guadeloupe, le mal-développement, porteur de forts déséquilibres socio-économiques, la pression démographique, la fréquence des calamités naturelles, tous facteurs concourant à la dégradation poussée de notre environnement, exigent la mise en place d'une politique globale pour y remédier. Comme vous le savez, faute d'approbation par le Conseil d'Etat, la Guadeloupe n'a toujours pas de schéma d'aménagement régional et la loi Pasqua de 1995 y reste complètement inappliquée, tandis que celle sur les cinquante pas géométriques demeure lettre morte en l'absence de décrets d'application. C'est dire l'urgence d'une véritable politique d'aménagement du territoire.

Or force est de constater que les dispositifs législatifs de votre projet sont élaborés en fonction des réalités hexagonales, ce qui les rend, dans de nombreux cas, inadaptés et donc inapplicables outre-mer.

Les départements d'outre-mer ne sont mentionnés qu'à deux reprises : à l'article 2, qui les qualifie de « territoires en difficulté », et à l'article 25, qui crée une quatrième catégorie de zone prioritaire : « les zones prioritaires ultrapériphériques » constituées précisément des départements d'outre-mer. Cette notion empruntée au droit communautaire définit les départements d'outre-mer comme des régions subissant un retard structurel important et elle sert de base à l'Union européenne pour la définition des mesures dérogatoires en leur faveur.

Si je me réjouis, en conséquence, de son introduction dans votre texte, je constate que ce dernier ne précise pas le contenu opérationnel des ZPU. Des mesures spécifiques d'aide au désenclavement des DOM, comme l'exonération de charges sociales et de taxe professionnelle pour les entreprises exportatrices ou encore des primes régionales d'équipement et d'aide au fret pour l'ensemble des entreprises, s'avèrent pourtant indispensables pour permettre leur insertion dans leur environnement régional et dans l'ensemble national et européen. Sans cette politique d'aide et de protection de leurs activités productrices, ils ne pourront faire face ni à la mondialisation ni à la concurrence des économies régionales. Or le projet actuel ne prévoit pas la création de mesures nouvelles et, comme tel, s'avère vide de sens pour l'outre-mer.

D'autre part, l'aménagement et le développement durable du territoire imposent qu'un certain nombre de décisions prises à la limite de l'absurde soient désormais revues et corrigées. C'est ainsi que plusieurs sièges d'administration restent encore localisés en Martinique, alors que cette « concentration » ne se justifie aucunement.

Entorse au principe démocratique de la proximité entre administrés et administration, elle s'avère même nuisible du point de vue de l'efficacité. Alors que le rectorat de la Guadeloupe est devenu une réalité depuis peu, la trésorerie générale, la CAF, la CGSS, l'INSEE, le commandement des forces armées, etc. échappent encore à la règle de la déconcentration et leur localisation impose aux Guadeloupéens l'obligation de se rendre en Martinique pour des problèmes relevant de ces administrations.

Ainsi, prendre en compte les besoins des DOM et adapter les dispositions du projet à leur réalité spécifique exigeraient d'amender fortement votre projet. M. le rapporteur, en admettant le bien-fondé de cette préoccupation, a estimé plus logique de renvoyer à une loi spécifique d'aménagement et de développement durable des DOM le contenu détaillé de mesures concernant les zones prioritaires ultra-périphériques ainsi que les autres adaptations indispensables. Il est vrai qu'il faudrait partir de la situation spécifique de l'outre-mer et des particularismes de chacun de ces départements pour proposer un dispositif législatif et réglementaire approprié et efficace.

Il est vrai aussi qu'un projet de loi d'orientation pour l e développement durable des DOM est prévu à l'automne prochain. On peut donc concevoir d'y ajouter un volet « aménagement du territoire ». Cela permettrait d'ailleurs de débattre en toute clarté des enjeux spécif iques d'aménagement et de développement durable outre-mer. C'est le sens de l'amendement que j'ai déposé et que la commission a retenu. J'espère qu'il sera adopté par la représentation nationale, d'autant que le Gouvernement ne semble pas s'y être opposé.

L es Domiens, et notamment les Guadeloupéens, attendent que ces textes débouchent sur des mesures concrètes permettant d'assurer un développement harmonieux, respectueux des équilibres socio-écologiques et garant de la pérennité des ressources naturelles pour les générations futures.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. le président.

La parole est à M. Camille Darsières.

M. Camille Darsières.

Il est heureux, madame la ministre, que vous ayez accepté dans une loi de la République la notion de zones prioritaires ultra-périphériques pour définir les départements d'outre-mer.

Ainsi, il y aura concordance pour désigner les DOM entre l'appellation retenue dans les traités européens, et le droit public français. Mais qu'il n'y ait pas de malentendu : le qualicatif ultra-périphérique ne relève pas du hasard ; il recouvre une notion économique très précise.

Parmi les regroupements que des régions européennes ont créés pour une meilleure sensibilisation par Bruxelles de leurs problèmes, il y a la Conférence des régions périphériques et maritimes. Ici, l'expression « régions périphériques » a une signification non pas géographique mais économique. Dans la Communauté économique européenne, ces régions, du fait de leur faible développement, sont considérées comme marginales. La région Limousin en est l'illustration la plus significative : ni maritime, ni frontalière, elle est périphérique parce qu'économiquement défavorisée.

Or, au sein de cette conférence des régions périphériques, les régions de Madère, des Açores, des Canaries, et les quatre régions françaises d'outre-mer, regroupées, dès novembre 1988, à l'initiative de la région Martinique, se sont vues reconnaître par Bruxelles une économie plus dégradée encore. Parce que plus que périphériques, elles ont été définies ultra-périphériques.

L'ultra-périphéricité implique donc une impulsion du développement économique. Concrètement, les régions ultra-périphériques de la République ne peuvent être aménagées comme le sont les régions développées. On ne peut faire comme si elles n'étaient pas frappées de handicaps structurels permanents.

Ainsi, l'éloignement de leur actuel centre d'échanges, l'Europe, génère des surcoûts de toute nature et favorise à plaisir le très actif lobby de l'import-export. De même, l'étroitesse de leur marché intérieur, dont une des incidences est de dissuader l'affectation de l'épagne locale à des investissements productifs, encourage la consommation de produits de l'extérieur. Soulignons encore que las urvenance quasi-annuelle de calamités naturelles entraîne, faute d'une indemnisation rapide et conséquente, la paupérisation continue de notre paysannerie.

A cela s'ajoute le handicap absurdement créé par l'homme : l'application surréaliste de la fiction que les départements français d'Amérique, en retard de développement, représentent dans la Caraïbe la puissance économique européenne. En clair, cela signifie qu'il leur est imposé le principe de non-réciprocité avec les voinsins ACP. Dès lors, cependant que les produits des départements français d'Amérique paient des droits de douane à leur entrée dans les pays caribéens, les produits des pays de la Caraïbe, eux, rentrent chez nous avec interdiction de leur faire payer la moindre taxe douanière.

De même, dans des régions qui sont des carrefours particuliers de cultures et de civilisations, le développement culturel ne peut être conçu comme il l'est en France continentale. Ainsi, défense et illustration de notre culture métissée et de notre histoire propre, et illustration et défense de la langue véhiculaire propre au peuple martiniquais, le créole, s'avèrent indispensables dans notre système scolaire. Le développement économique sera d'autant plus durable qu'il aura de profondes racines culturelles.

A l'instar de la Cour de justice des Communautés européennes, convenons que la discrimination c'est autant traiter de manière différente des situations identiques, que traiter de façon identique des situations différentes.

Convenons donc que s'impose une loi de développement spéciale à l'outre-mer, plus profonde que l'actuel projet.

Cette loi ne pourra éviter, si elle veut produire effet, de domicilier dans les DOM, sans exclure l'autonomie locale, davantage de responsabilités au profit des élus locaux, plus en mesure que les fonctionnaires parisiens, lointains ou de connaissance théorique, de cerner le mal et de proposer la thérapeutique.

Si les parlementaires des DOM ont proposé peu d'amendements au projet actuel, c'est que, lors du débat budgétaire, le Gouvernement a annoncé le 23 octobre une loi d'orientation pour l'outre-mer. Excellente initiative, à condition que cette loi ne traîne pas pour être déposée, sous peine d'aggraver d'autant le retard économique de ces zones prioritaires ultrapériphériques. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement - essentiel à nos yeux - prévoyant que le dépôt du projet de loi spécifique devra intervenir dans un délai de six mois, à compter de la promulgation du présent texte.

Un plus grand retard ne serait vraiment pas compris de nos 29 % de chômeurs, de nos petits agriculteurs, de nos acteurs économiques surendettés et de nos diplômés qui piaffent de travailler, pas plus que des familles et des associations qui, sur le terrain, se frottent aux causes de la délinquance et tentent d'aider notre jeunesse, en détresse parce que sans perspective...

Puis-je émettre le voeu que notre Assemblée ait à coeur de voter unanimement cet amendement ? La prise en compte rapide de nos problèmes excitera la détermination d e vaincre des élus d'outre-mer. Elle relancera la confiance en nos communes destinées, parce qu'elle sera vécue comme manifestation volontariste et concrète de la solidarité française.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Je voudrais profiter de la discussion sur l'article 25 pour revenir sur un point que j'ai eu l'occasion de développer lors de l'examen de la loi sur la réduction du temps de travail. Cette loi, fort malheureusement, interdit le cumul des aides accordées aux entreprises au titre de la réduction du temps de travail et de celles dont bénéficient les entreprises installées dans les zones défavorisées, notamment les ZRR. De ce fait, toute entreprise située dans une zone défavorisée mais souhaitant, comme le Gouvernement l'y invite, réduire le temps de travail va se trouver pénalisée. Elle va perdre les aides d'aménagement du territoire et sera traitée comme n'importe quelle entreprise du territoire. Le principe selon lequel, dans le cadre de l'aménagement du territoire, les ZRR bénéficiaient d'aides particulières est donc remis en cause. Madame la ministre, ne pourrait-on au moins prévoir un cumul partiel des différentes aides ? J'espère que le présent débat permettra d'entrouvir cette possibilité.

Cela réparerait l'injustice faite aux entreprises des zones défavorisées et la politique d'aménagement du territoire dans les zones les plus défavorisées ne serait pas privée des outils financiers qui existaient antérieurement.

M. le président.

Nous en arrivons aux amendements.

M. Quentin a présenté un amendement, no 827, ainsi libellé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

« Rédiger ainsi l'article 25 :

« L'article 42 de la loi du 4 février 1995 est modifié ainsi qu'il suit :

« Art. 42. - I. - La première phrase du deuxième alinéa est remplacée par les phrases suivantes :

« Des politiques renforcées et différenciées de développement sont mises en oeuvre dans les zones caractérisées par des particularités géographiques, notamment les zones littorales et de montagne, et dans les zones caractérisées par des particularités économiques ou sociales.

« Ces zones comprennent les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire, les zones urbaines sensibles, les zones du littoral et de la montagne et les zones prioritaires ultra-périphériques. »

« II. - Il est ajouté un 4 ainsi rédigé :

« 4. Les zones du littoral et de la montagne sont les zones soumises à l'application des lois d'aménagement et d'urbanisme relatives aux littoral et à la montagne. »

« III. - Il est ajouté un 5 ainsi rédigé :

« 5. Les zones prioritaires ultra-périphériques recouvrent les départements d'outre-mer. »

La parole est à M. Patrick Ollier, pour présenter cet amendement.

M. Patrick Ollier.

Il s'agit par cet amendement d'insister sur les politiques différenciées qu'il convient de mettre en oeuvre dans les zones souffrant de handicapts particuliers, zones de montagne, mais aussi zones littorales. En harmonisation avec les lois spécifiques qui traitent de ces problèmes, il serait heureux que la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire réaffirme la nécessité de ces politiques différenciées.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Décidément, M. Ollier est un homme formidable (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Patrick Ollier.

Je vous remercie, madame la ministre ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Lorsque le Gouvernement se permet de modifier les articles de la loi Pasqua, il propose des amendements de suppression. En revanche, si le Gouvernement reprend à son compte les dispositions antérieures, il s'autorise à les modifier, ce que je n'aurais pas osé faire sur un article aussi important que celui qui concerne les zonages.

Monsieur Ollier, je vous rappelle que tous les parlementaires se plaignent de la complexité du dispositif des zonages. Nous avons convenu, il y a déjà plusieurs mois, d'en dresser un bilan complet. Nous tirerons les leçons méritant de l'être à l'occasion du réexamen du dispositif qui nous est demandé par l'Union européenne, à laquelle nous devrons formuler des propositions avant les mois de mars.

A cet égard, je vous confirme que Pierre Moscovici et moi-même tiendrons à l'attention des parlementaires et des élus des différentes collectivités locales une réunion de concertation sur ce thème le 11 février.

Vous l'aurez donc compris, l'article 25 avait pour objet non pas de rendre le dispositif encore plus complexe, mais de se mettre en accord avec l'Union européenne et singulièrement avec les dispositions du Traité d'Amsterdam qui reconnaît le concept d'ultrapéripéricité.

Il s'agit non pas de traiter de façon marginale la situation des départements d'outre-mer, mais de reconnaître ce concept. Je vous rappelle que le Gouvernement s'est d'ores et déjà engagé à présenter dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi un projet de loi spécifique sur l'outre-mer. Des amendements vont d'ailleurs permettre de le réaffirmer tout à l'heure.

Enfin, je répèterai ce que j'ai déjà dit il y a près de quinze jours, monsieur Ollier : les zones littorales et de montagne sont soumises à des lois d'aménagement et d'urbanisme particulières. Elles ne sont pas toutes, loin s'en faut, des zones défavorisées. Celles qui le sont relèvent déjà des zonages de l'aménagement du territoire.

Avis défavorable donc.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 827.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 474, présenté par M. Chaulet, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II de l'article 25 :

« II. - Le 1 de l'article 42 de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire est complété par la phrase suivante : chaque département d'outre-mer est érigé en zone prioritaire ultrapériphérique, afin de tenir compte de leur situation géographique, économique et sociale spécifique, et de créer les c onditions durables d'un développement économique générateur d'emploi et de désenclavement. »

L'amendement no 211, présenté par M. Ollier et les membres du groupe Rassemblement pour la République appartenant à la commission de la production, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du II de l'article 25 :

«

4. Afin de tenir compte de leur situation géographique, économique et sociale spécifique, et de créer les conditions durables d'un développement économique générateur d'emplois et d'accessibilité, les départements d'outre-mer sont érigés en zones ultra-prioritaires ».

L'amendement no 83, présenté par M. Turinay, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 25 :

«

4. Afin de tenir compte de leur situation géographique, économique et sociale spécifique, et de créer les conditions durables d'un développement économique générateur d'emplois et de désenclavement, les départements d'outre-mer sont érigés en zones prioritaires ultrapériphériques ».

Vous soutenez l'amendement no 211, monsieur Ollier ?

M. Patrick Ollier.

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai les trois amendements en même temps.

M. le président.

Je vous en prie.

M. Patrick Ollier.

Madame la ministre, comme j'aimerais pouvoir dire que vous êtes un ministre formidable !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mais je le suis, monsieur Ollier ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier.

Lorsque vous aurez accepté l'amendement de M. Turinay, qui me semble le mieux rédigé des trois, je pourrai enfin le dire.

(Sourires.)

En l'occurrence, il s'agit non pas de modifier fondamentalement votre texte mais de le compléter. En effet, la rédaction du deuxième alinéa du II de l'article 25 nous semble un peu laconique : « 4. Les zones prioritaires ultrapériphériques recouvrent les départements d'outremer.» L'amendement no 83, ou l'amendement no 211, vous permettrait de mieux préciser vos intentions et la définition de l'ultrapériphéricité, sans rien changer au dispositif général que vous préconisez.

M. le président.

Monsieur Ollier, sans retirer les amendements nos 474 et 211, vous exprimez une préférence pour le no

83.

M. Patrick Ollier.

C'est bien ainsi, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Défavorable.

M. Patrick Ollier.

Pourquoi ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Même avis que la commission.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Vous avez raté l'occasion d'être un ministre formidable, madame la ministre ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 474.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 211.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

83. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Claude Hoarau, Elie Hoarau et

Mme Huguette Bello ont présenté un amendement, no 370, ainsi rédigé :

« Compléter le II de l'article 25 par l'alinéa suivant :

« Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement proposera, dans le cadre d'un projet de loi d'orientation pour les DOM, des dispositions visant à l'adapter aux spécificités de chaque département d'OutreMer. »

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

La commission a accepté l'amendement qui me semble maintenant poser un petit problème de rédaction. Il conviendrait d'écrire :

« Compléter l'article 25 par le paragraphe suivant : » plutôt que : « compléter le II de l'article 25 par l'alinéa suivant : ».

M. le président.

Pas de problème, l'amendement est ainsi rectifié.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Même avis que la commission.

M. le président.

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Je ne doutais pas que l'assemblée accepterait de suivre le Gouvernement et la commission.

J'ai tenu à décaler de vingt-quatre heures mon retour à la Réunion - ce qui n'est pas facile - pour être présent lors de l'examen de cet amendement. J'ai eu quelques sueurs froides en constatant que l'heure tournait et que le débat n'avançait pas cet après-midi. Monsieur le président, je vous sais gré d'avoir fait diligence et je remercie les collègues qui ont accompagné le mouvement.

A ce moment de la discussion, nous tenons à saluer l'adoption d'un précédent amendement que nous avions déposé à l'article 2 : il institue - enfin, pourrait-on dire dans la législation nationale un concept défini depuis de très nombreuses années au niveau européen, celui de l'ultrapériphéricité. Cette notion, commune à l'ensemble des territoires insulaires de l'Union européenne, est très importante en ce qu'elle reconnaît l'idée de rattrapage et détermine l'attribution des financements prioritaires. A ce titre, les départements d'outre-mer bénéficient de l'objectif 1 des fonds structurels, c'est-à-dire des aides aux régions connaissant un retard de développement.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est l'Union européenne qui, la première, aura posé le problème dur attrapage des retards structurels des départements d'outre-mer. En effet, pendant des décennies, ce problème n'a pas été inscrit dans la législation française.

Même dans le domaine social où l'on repère les avancées les plus notables, il aura fallu du temps. Il aura fallu que l e parti auquel j'appartiens, notamment, et surtout l'Union des femmes de la Réunion mènent bien des combats.

Il nous est donc impossible d'imaginer que la présente loi, après avoir reconnu la notion d'ultrapériphéricité, ne prenne pas en compte la notion de rattrapage. Nous avons déjà souligné les différents points où tel n'est pas le cas. Pour mémoire, je citerai l'exemple du plan de rattrapage pour le fonds routier ou de la nécessité de prévoir un dispositif fiscal approprié pour favoriser un développement équilibré du territoire réunionnais. Je citerai aussi la contribution à la continuité territoriale à hauteur de un milliard de francs en faveur de la Corse, alors que les départements d'outre-mer ne perçoivent pas un franc.

Je dois souligner que l'esprit de coopération entre le ministère de l'aménagement du territoire et les députés d'outre-mer, et la qualité de nos débats ont permis de faire émerger l'idée d'intégrer, en les adaptant, l'ensemble des dispositions inapplicables ou absentes de ce projet de loi dans un volet spécifique à la loi d'orientation relative aux départements d'outre-mer. Ainsi, outre les volets institutionnel, économique et social, ce texte comportera un volet sur l'aménagement du territoire.

Sans doute faudrait-il également, reprenant en cela une de vos suggestions, madame la ministre, envisager un volet supplémentaire sur la protection des espaces naturels et la lutte contre les risques naturels spécifiques.

L'objectif de l'amendement que nous présentons est donc de relier les deux textes législatifs afin d'arriver à la plus grande cohérence possible et de parvenir à des dispositions en matière d'aménagement et de développement durable adaptées à nos besoins.

M. le président.

Je vous prie, monsieur Hoarau, d'accepter mes excuses pour ne vous avoir pas donné la parole immédiatement pour présenter votre amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

Je tiens à rendre hommage, et tous nos collègues se joignent à moi, au travail des parlementaires des départements et territoires d'outre-mer, qui subissent souvent des contraintes difficiles pour venir jusqu'ici.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Le groupe du Rassemblement pour la République ne voit que des avantages à l'élaboration d'un projet de loi d'orientation pour les DOM tel qu'il est proposé, d'autant qu'il se situe dans la ligne des mesures prises par le gouvernement précédent en faveur de ces départements.

Après avoir apporté notre soutien à cette initiative, je me permets de faire part à Mme la ministre, qui approuve aussi cette proposition, de ma satisfaction de la voir accepter qu'une loi ultérieure précise les dispositifs envisagés dans la loi d'orientation en discussion. J'en suis heureux car l'un des reproches qu'elle nous a adressés dans la discussion générale était d'avoir prévu ce genre de loi.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En l'occurrence, le sujet en cause ne relève pas de mes compétences !

M. Patrick Ollier.

Je suis ravi que, faisant preuve de bon sens, Mme la ministre accepte enfin cette démarche, parce que cela est utile. Je regrette simplement que, dans un esprit polémique, elle ait critiqué des dispositions antérieures ayant le même objet.

M. le président.

La parole est à M. Camille Darsières.

M. Camille Darsières.

Sans avoir à défendre qui que ce soit, je veux indiquer à notre collègue, M. Ollier, que nous ne demandons rien d'autre que le respect d'une promesse faite le 23 octobre par M. le ministre Jean-Jack Queyranne.

Monsieur le président, j'ai déposé, avec nos collègues M. Tamaya, Mme Taubira-Delannon, M. Marsin et M. Andy, un amendement no 740 rectifié dont l'esprit est identique à celui de M. Hoarau. Or, pour des raisons administratives, l'amendement de M. Hoarau a dû être appelé le premier avant. Nous sommes donc prêts à le voter des deux mains à condition que l'Assemblée accepte u n sous-amendement qui satisferait complètement l'amendement no 740 rectifié.

Il s'agirait d'ajouter, à la fin du texte proposé par M. Hoarau, une disposition qui figure dans notre amendement :

« Il complètera notamment les mesures prévues par la loi citée ci-dessus en faveur des zones prioritaires ultrapériphériques, en vue de leur garantir leur développement économique et culturel.

« Il contribuera à assurer aux habitants des zones prioritaires ultra-périphériques des conditions de vie équivalentes à celles ayant cours sur les autres parties du territoire. »

Si la commission et le Gouvernement en étaient d'accord, nous pourrions ainsi sous-amender l'amendement de M. Hoarau, ce qui éviterait à l'Assemblée d'avoir une nouvelle discussion sur le même sujet lorsque l'amendement no 740 rectifié sera appelé.

M. le président.

Compte tenu des contraintes des uns et des autres, que je comprends parfaitement, je suis prêt à accepter cette procédure un peu exceptionnelle, si M. Hoarau ne voit pas d'inconvénient à cette modification.

Qu'en pensez-vous, monsieur Claude Hoarau ?

M. Claude Hoarau.

Non seulement je n'y vois pas d'inconvénient, mais je trouve la démarche de nos camarades des Antilles tout à fait légitime. Je suis donc favorable à ce que l'Assemblée suive leur proposition.

M. le président.

Je suis donc saisi d'un sous-amendement, qui portera le no 1249, présenté par M. Darsières.

Il est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 370 par la phrase et l'alinéa suivants :

« Ce projet complètera notamment les mesures prévues par la présente loi en faveur des zones prioritaires ultra-phériphériques, en vue de garantir leur développement économique et culturel.

« Il contribuera à assurer aux habitants des zones prioritaires ultra-périphériques des conditions de vie équivalentes à celles ayant cours sur les autres parties du territoire. »

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

La commission est très favorable à cet arrangement et vous en remercie.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 1249.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 370 rectifié, modifié par le sous-amendement no 1249.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Rappel au règlement

M. Michel Bouvard.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour un rappel au règlement.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 91 relatif à l'organisation de la séance.

N ous comprenons évidemment, compte tenu des contraintes de nos collègues d'outre-mer, que la présidence puisse accepter de tels sous-amendements en séance, mais il conviendrait qu'elle l'admette également dans certains cas, au moins pour la fin de la discussion de ce texte. En effet, la même possibilité nous a été refusée au cours de ce débat.

Il conviendrait donc, monsieur le président, que vous vous efforciez d'être cohérent et d'avoir une jurisprudence constante à ce sujet jusqu'à la fin de l'examen de ce projet.

M. le président.

Mon cher collègue, votre intervention me conduit à formuler deux remarques.

D'abord le sous-amendement accepté ne faisait que reprendre un dispositif figurant dans un amendement porté à la connaissance de l'ensemble de nos collègues.

Ensuite, monsieur Bouvard, la différence entre vous et moi d'une part, et nos collègues qui sont intervenus sur ce sujet d'autre part, tient au fait que si nous pouvons rentrer chez nous en deux ou trois heures, il leur faut bien davantage de temps pour regagner leurs circonscriptions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. Michel Bouvard.

J'en conviens et je l'ai dit.

M. Patrick Ollier.

Nous avons d'ailleurs voté en faveur du sous-amendement !

M. le président.

J'ai donc cru pouvoir déroger au principe habituel, ce qui n'est pas de bonne gestion dans un débat parlementaire, j'en conviens, compte tenu de la spécificité de ceux qui souhaitaient intervenir lors de l'examen de l'article 25 du projet.

M. Michel Bouvard.

Nous en sommes d'accord ! Le groupe RPR comprend suffisamment de députés d'outremer !

M. Camille Darsières.

Contrairement aux propositions antérieures de nos collègues, le texte de notre sousamendement figurait dans un amendement dont chacun avait pu prendre connaissance !

M. le président.

Puisque nous en sommes là il convient de souligner, afin que cela figure au Journal officiel, que cet amendement, ainsi sous-amendé par M. Darsières, a été adopté à l'unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Reprise de la discussion

M. le président.

MM. Martin-Lalande, Fromion, Quentin, Deniaud et Poignant ont présenté un amendement, no 1196, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 25 par les deux paragraphes suivants :

« III. Les exonérations de charges bénéficiant aux entreprises liées aux zones d'aménagement du territoire prévues par la présente loi sont cumulables avec celles prévues pour la mise en place de la réduction du temps de travail.

« IV. 1o La perte de recettes est compensée pour l'Etat par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

« 2o La perte de recettes est compensée pour les organismes de sécurité sociale et les collectivités locales à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Me permettez-vous de défendre en même temps l'amendement suivant ?

M. le président.

Tout à fait. L'amendement suivant, no 1195, présenté par MM. Martin-Lalande, Fromion, Quentin, Y. Deniaud et Poignant, est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 25 par les deux paragraphes suivants :

« III. Les exonérations de charges bénéficiant aux entreprises dans les zones de revitalisation rurale sont cumulables avec celles prévues pour la mise en place de la réduction du temps de travail.

« IV. 1o La perte de recettes est compensée pour l'Etat par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

« 2o La perte de recettes est compensée pour les organismes de sécurité sociale et les collectivités locales à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Ces amendements traitent des exonérations de charges dont bénéficient les entreprises présentes dans les zones d'aménagement du territoire, plus particulièrement dans les zones de revitalisation rurale. En effet l'interdiction de cumul qui les frappe et dont j'ai déjà parlé, concerne les aides dont peuvent bénéficier, au titre de la réduction du temps de travail, les entreprises installées dans ces zones.

On retrouve d'ailleurs ce problème, pour un autre type d'aide dans la zone de revitalisation rurale située dans ma circonscription en Sologne. Touchés par la crise de l'industrie de l'armement, nous avons en effet droit aux aides du fonds de reconversion des entreprises de défense, le FRED. Or il nous a été opposé une interdiction de cumul entre les aides du FRED et celles accordées au titre de la réduction du temps de travail.

Il est indispensable de corriger cette anomalie. En effet, la réduction du temps de travail par l'instauration des 35 heures constitue, pour les entreprises, où qu'elles se trouvent, un passage coûteux avec des aménagements lourds à réaliser. Elles ont donc besoin partout de cette aide pour franchir ce pas, si le Gouvernement veut que les choses se passent dans de bonnes conditions.

Si les aides prévues dans ce cadre ne peuvent être cumulées avec celles concernant les zones d'aménagement du territoire ou les ZRR, les objectifs de l'aménagement du territoire sont gravement menacés, notamment dans les zones rurales.

Sont particulièrement concernés le cumul des aides pour le passage aux 35 heures et de celles accordées au titre des zones de revitalisation rurale, ainsi que le cumul des aides liées aux 35 heures et de celles offertes dans les territoires ruraux de développement prioritaire.

Or l'interdiction du cumul des aides prévues pour la mise en place de la réduction du temps de travail peut compromettre - je l'ai constaté dans mon secteur - l'installation ou le développement d'entreprises dans ces zones, car les entreprises sont alors confrontées à un choix qu'il n'est pas facile de trancher : obligées de choisir entre deux types d'aides, elles opteront pour la plus intéressante financièrement, ce qui est logique.

Si elles optent pour celles concernant les 35 heures, l'effet incitatif des politiques d'aménagement du territoire sera gommé. Si elles préfèrent les aides allouées au titre des zones de revitalisation rurale ou des zones d'aménagem ent du territoire, l'investissement qu'elles doivent consentir pour le passage aux 35 heures sera grevé d'un poids qui sera leur faire perdre leurs capacités compétitives, donc de faire échouer cette réduction du temps de travail, voire risquera de mettre en cause, ultérieurement, leur développement et leur maintien dans la compétition.

A terme, l'objectif de rééquilibrage du développement géographique et de la répartition des populations et des activités peut ainsi être touché.

En interdisant le cumul, madame la ministre, le Gouvernement renforce malheureusement les mécanismes naturels de concentration des activités économiques dans certaines zones et contredit les objectifs de création et de développement équilibré de l'emploi, ainsi que les objectifs de cohésion sociale qu'il prétend pourtant s'être fixés.

S'il n'est pas possible - ce qui serait pourtant l'idéal d'autoriser le cumul des aides, il faudrait au moins, madame la ministre, que le Gouvernement accepte un cumul partiel plafonné à un certain niveau pour que la politique nationale de réduction du temps de travail et la politique nationale d'aménagement du territoire ne se


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

neutralisent pas dans certaines zones, alors que, partout ailleurs, dans les zones non touchées par l'aménagement du territoire, les entreprises ont déjà accès à ces aides au titre de la réduction du temps de travail.

M. Patrick Ollier et

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

Monsieur le président, en fait, je vais donner le point de vue de la commission sur trois amendements : les deux que vient de défendre M. Martin Lalande, et un autre, sur l'article 26, qui prévoit la possibilité de cumuler l'aide accordée aux entreprises qui réduisent la durée du travail et une exonération totale ou partielle des cotisations patronales de sécurité sociale.

Pour l'instant, cela est formellement interdit par la loi no 98-461 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail.

L'amendement no 1196 prévoit cette possibilité pour les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire et l'amendement no 1195 le propose pour les ZRR.

Quant à l'amendement sur l'article 26 il vise le cumul dans les TRDP, ce qui pourrait se justifier, car il y a un réel problème.

(« Ah ! » sur les bancs du du Rassemblement pour la République.)

Néanmoins, ces amendements ont été rejetés par la commission qui a estimé qu'ils n'avaient pas leur place dans un projet de loi d'orientation.

M. Patrice Martin-Lalande.

Vraiment !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Le plaidoyer de M. Martin-Lalande montre à l'évidence l'extrême complexité du système des zonages.

Je vous en donne quelques exemples. Ainsi, la rédaction du paragraphe III des deux amendements : il qualifie d'exonération de charges le dispositif prévu pour la mise en place de la réduction du temps de travail. Or il s'agit d'aides incitatives et non d'exonérations de charges. Par ailleurs l'amendement no 1196 propose des exonérations de charges qui ne concernent pas les zones d'aménagement du territoire.

Le dispositif est donc extrêmement complexe. Il est nécessaire d'en dresser un bilan complet et de le clarifier.

En tout cas, le Gouvernement est sensible à la préoccupation, exprimée par ces amendements, d'assurer une articulation entre les incitations à la réduction du temps de travail et les aides aux entreprises qui sont installées ou qui s'installent dans les zones prioritaires.

Nous menons actuellement cette nécessaire réflexion dans le cadre de la préparation de la deuxième loi sur les 35 heures avec l'objectif d'assurer la meilleure cohérence entre les différents systèmes d'exonérations qui se sont superposés depuis plusieurs années : exonérations ciblées sur des zones particulières et dont l'efficacité peut être renforcée, exonérations pour l'embauche de personnes en difficulté - chômeurs de longue durée ou bénéficiaires de minima sociaux -, exonérations pour temps partiel et aides incitatives pour le passage au 35 heures. Il me paraît donc prématuré et peu opportun de régler cette question dans une loi d'orientation sur l'aménagement du territoire.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement, quoique sensible aux préoccupations exprimées, émet un avis défavorable à ces amendements.

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

J'ai déjà déposé, avec d'autres collègues, un amendement identique lors de l'examen de la loi sur la réduction du temps de travail et un amendement identique lors de la discussion budgétaire de l'année dernière et je dépose un amendement identique aujourd'hui : or, chaque fois, on me répond que ce n'est pas le bon moment pour régler le problème ! Pendant ce temps, les mois passent et l'on me dit maintenant qu'il va falloir attendre la deuxième loi sur la réduction du temps de travail. Nous allons donc perdre encore un an. Cela signifie que, pendant deux ans, la politique d'aménagement du territoire dans les zones les plus défavorisées sera privée de certains outils financiers à moins que les entreprises choisissent de ne pas s'engager dans la voie de la réduction du temps de travail.

Vous placez donc les entreprises et les territoires en cause devant un grave dilemme et il est tout de même curieux que vous vouliez le prolonger encore d'un an. J'ai donné l'alerte sur ce sujet depuis longtemps dans cet hémicycle, au moins à trois reprises.

Qu'il ne soit pas possible de trouver une solution pour permettre un cumul plafonné dès maintenant me semble aller à l'encontre de la volonté d'aménagement du territoire qui devrait tous nous réunir.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Je suis stupéfait des réponses données tant par le rapporteur que par le Gouvernement Si une loi d'orientation n'est pas le lieu où l'on peut prévoir un dispositif de soutien à la création de richesses ou au maintien de l'activité, je me demande où il faut le faire ! Pourtant, madame, c'est bien dans la loi de 1995 que figure l'article consacré aux ZRR et aux ZRU. Je l'ai d'ailleurs rédigé moi-même.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Vous faites tout !

M. Patrick Ollier.

Je suis bien obligé de le dire ! Or il s'agissait bien d'une loi d'orientation, que je sache ? C'est également au nom du principe selon lequel l'égalité des chances passe par l'inégalité des traitements que, dans la loi d'orientation, nous avions affirmé le principe de la fiscalité dérogatoire afin de mieux aider le maintien et le développement des richesses ainsi que la création d'activités dans les zones rurales et dans les zones urbaines sensibles : ZRU et ZRR.

Tel est bien l'objet de toute loi d'orientation : mettre en place des dispositifs permettant, dans le cadre de l'aménagement du territoire, de créer des instruments efficients pour favoriser, dans les villes comme dans le monde rural, le maintien et la création de richesses.

M. Martin-Lalande propose donc simplement un ajout à ce que vous ne voulez heureusement pas supprimer : les ZDR, les ZRU et la fiscalité dérogatoire. Je vous en suis d'ailleurs reconnaissant. Il vous propose simplement d'ajouter aux aides déjà prévues les nouvelles dispositions d'incitation que votre gouvernement a instaurées pour la mise en place des 35 heures. Ce n'est tout de même pas grand chose. Il s'agit simplement de favoriser davantage la création des activités en conjuguant les deux efforts consentis l'un par l'ancien gouvernement, l'autre par le vôtre.

Choisissez la rédaction que vous voulez, mais acceptez le principe.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Patrick Ollier.

Nous n'avons même pas de réponse de Mme la ministre !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1195.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Michèle Alliot-Marie.

Avouez que le ministère du budget ne vous a pas autorisée à accepter une telle disposition, madame la ministre ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je n'ai pas besoin d'avouer, nous n'en sommes pas là !

M. le président.

MM. Turinay, Ollier et les membres du groupe du Rassemblement pour la République appartenant à la commission de production ont présenté un amendement, no 212 corrigé, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 25 par le paragraphe suivant :

« III. - Pour répondre aux objectifs fixés au II, des dispositions spécifiques seront mises en oeuvre en faveur des zones prioritaires ultra-périphériques d'ici fin 1999. »

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

M. Turinay, et je pense que tous les députés des territoires d'outre-mer ont le même avis, estime nécessaire de préciser l'objectif du II de l'article en demandant qu'il fasse l'objet de mesures spécifiques.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Duron, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. Elle estime, que c'est dans la loi d'orientation sur l'outre-mer que ces problèmes pourront être réglés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 212 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Duron, rapporteur, et M. Leyzour ont présenté un amendement, no 342, ainsi libellé :

« Compléter l'article 25 par le paragraphe suivant :

« III. - Le B de cet article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tous les trois ans, à compter de la promulgation de la loi no du d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, un rapport d'évaluation de l'impact des politiques visées au premier alinéa sera remis eu Parlement. »

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Favorable, à une petite inquiétude près : je ne compte plus les rapports que les honorables parlementaires nous somment de produire... J'espère de tout coeur, mesdames et messieurs les députés, que je pourrai compter sur votre soutien pour obtenir un renforcement notable des moyens financiers et humains de la DATAR qui éprouve beaucoup de difficultés à tenir ses engagements en la matière.

M. Patrick Ollier.

A chaque fois que nous vous proposons un rapport, vous nous le refusez ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

La volonté politique est liée tout comme la disponibilité des fonctionnaires, mais les moyens manquent parfois pour assumer cette lourde tâche. Ne faites pas semblant de ne pas voir ce à quoi je fais allusion, monsieur Ollier. La DATAR est confrontée à une tâche écrasante,...

M. Patrick Ollier.

Sur ce point, vous avez raison.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... surtout en cette année où elle doit préparer les contrats de plan, la réforme des fonds structurels, sans compter ce projet de loi.

M. Patrick Ollier.

Soyez cohérente, refusez ce rapport ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Non. Je crois à la nécessité d'une politique d'évaluation rigoureuse. Il est normal de rendre compte régulièrement devant la représentation nationale, mais si l'on ne veut pas faire les choses à moitié, les moyens doivent suivre.

M. le président.

Madame la ministre, j'ai cru un instant que vous alliez nous proposer de remplacer le rapport écrit par un rapport publié sur Internet, ce qui aurait évité au passage l'abattage de quelques forêts...

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

De quelques arbres, monsieur le président, mais la peine des gens qui collectent les données et les utilisent n'aurait pas été épargnée.

M. le président.

C'est exact.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le président, en tant que forestier, je précise que le papier se fabrique principalement avec des produits du sous-bois. On abat rarement des arbres de haute futaie de nos jours pour faire de la pâte à papier.

Cela dit, j'ai bien compris que pour présenter des rapports acceptables par le Gouvernement, l'opposition aurait intérêt à s'en remettre au groupe communiste.

Peut-être lui demanderons-nous de reprendre quelquesuns de nos amendements.

Je comprends d'autant mieux l'inquiétude du Gouvernement quant à sa capacité à livrer les rapports dans les délais que les parlementaires de montagne attendent toujours le rapport de la commission d'évaluation de la politique de la montagne.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Ce rapport a été rendu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1999

M. Michel Bouvard.

Les parlementaires ne l'ont pas encore reçu, madame la ministre. Au demeurant, il n'a pu être livré que ces jours-ci, il y a moins de quinze jours ou trois semaines, alors que nous l'attendons depuis trois ans.

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

La question est très sérieuse. Il est bon de mesurer l'impact réel d'une politique dont il est souvent question ici. En tant que rapporteur pour avis du budget de l'aménagement du territoire, il m'arrive de demander des rapports ; nous devrions travailler ensemble là-dessus.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 342.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 25, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 25, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1071, d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire : M. Philippe Duron, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1288).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT