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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

1. Organisation urbaine et coopération intercommunale. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 977).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 977)

MM. Jean Vila, Pierre Méhaignerie, Gérard Saumade, Gérard Voisin, Mme Annette Peulvast-Bergeal,

MM. Robert Poujade, Mmes Muguette Jacquaint, Christine Boutin,

MM. Jean-Michel Marchand, Alain Cacheux, Jacques Pélissard, Jean Codognès, Léonce Deprez, Daniel Vachez, Dominique Paillé, Roland Garrigues, Rudy Salles, Mme Nicole Bricq,

MM. Alain Barrau, Jean Espilondo, Bernard Roman, Jean-Pierre Balligand.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance (p. 999)

2. Nouvelle-Calédonie. - Communications relatives à la désignation de commissions mixtes paritaires (p. 999).

3. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi.

(p. 999).

4. Organisation urbaine et coopération intercommunale. - Reprise de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 1000).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 1000)

Motion de renvoi en commission de M. Douste-Blazy : MM. Jean-Jacques Weber, Gérard Gouzes, rapporteur de l a commission des lois ; Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Francis Delattre, Léonce Deprez, Michel Vaxès, Jacky Darne. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 1006).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

ORGANISATION URBAINE ET COOPÉRATION INTERCOMMUNALE Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale (nos 1155, 1356).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, le texte soumis aujourd'hui à notre examen entend tirer les leçons de l'échec de la loi de 1992 en milieu urbain, en proposant un cadre juridique plus incitatif mais aussi beaucoup plus directif.

Vous avez noté, ce matin, en présentant votre projet, monsieur le ministre, que ce texte n'était pas qu'une simplification de la coopération intercommunale. C'est, en effet, une nouvelle étape de la décentralisation qui nous conduit à la mise en place d'un nouvel échelon administratif doté de compétences transférées de nos communes.

C'est un bouleversement du paysage administratif français. Mais une telle « révolution » ne mériterait-elle pas, dans un souci de citoyenneté, une consultation des Françaises et des Français ? Si nous sommes sensibles à l'ambition affichée de promouvoir une véritable coopération de projet, nous nous interrogeons sur la méthode proposée pour y parvenir.

Par-delà la multiplication du nombre d'établissements publics de coopération intercommunale sur le territoire, la réussite de cette coopération sera jugée à sa capacité à répondre aux besoins de la population et à favoriser son intervention en contribuant à un aménagement harmonieux et équilibré de l'espace.

A cet égard, on ne saurait faire abstraction du contexte de difficultés financières des collectivités locales marqué par une distorsion persistante entre les compétences que leur ont données les lois de décentralisation et les recettes dont elles disposent. Cette distorsion s'est encore aggravée avec le pacte de stabilité qui s'est traduit pour les collectivités par un manque à gagner sur trois ans de quelque 14 milliards, voire de 19 milliards si les collectivités avaient, durant cette période, bénéficié à égalité ave c l'Etat des fruits de la croissance.

Face à ces difficultés les élus locaux ont déployé des efforts importants pour équilibrer leur budget. Il ont réduit leur dette, développé plus de rigueur dans leur gestion, recherché dans la coopération la mise en commun de moyens pour plus d'efficacité, et cela à la ville comme à la campagne.

Si dans le monde rural cette coopération a pris des formes institutionnelles plus manifestes, n'est-ce pas, au moins pour partie, en raison de marges de manoeuvre encore plus réduites et qui ne laissent comme seule issue raisonnable qu'une coopération intercommunale approfondie ? Certes, des formes exemplaires de coopération impliquant des élus et des populations dynamisant des territoires méritent d'être citées en exemple. Mais nombre d e structures intercommunales sont demeurées des coquilles vides. On ne saurait tirer la conclusion que le regroupement intercommunal serait, par nature, à même de régler la crise des finances locales ou la crise sociale.

Durant toute la dernière période, les choix de gestion qui leur ont été imposés par leurs finances ont amené nombre d'élus locaux à réduire l'impact de leur action au service du développement économique et à augmenter les impôts au-delà des possibilités contributives des ménages.

Dans une telle situation, les inégalités de ressources entre les communes sont devenues insupportables. Elles ne sauraient toutefois servir de prétexte à une coopération qui, si elle était imposée, risquerait de démobiliser les élus locaux en éloignant les décideurs des citoyens.

La coopération intercommunale se développera d'autant plus librement et efficacement que les communes disposeront des moyens de leurs compétences.

Si la loi de finances pour 1999 a engagé une timide sortie du pacte de stabilité, beaucoup de chemin reste encore à parcourir pour construire un véritable pacte et de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités. Ainsi, celles-ci devraient, dès aujourd'hui, bénéficier, au moins pour moitié, des fruits de la croissance.

Il faut revoir les mécanismes de surcompensation de la CNRACL et compenser intégralement les charges nouvelles consécutives aux nouvelles normes imposées par l'Etat ou tout autre organisme. Il faut revenir, comme nous l'avons proposé dans le débat budgétaire, au régime de droit commun s'agissant du versement de la taxe professionnelle de France Télécom.

Réduire les inégalités de ressources entre les communes suppose de revoir les modalités de la péréquation.

En 1995, 2,5 milliards de francs ont été redistribués pour la péréquation départementale et 3,3 milliards pour la péréquation nationale, soit moins de 4 % du produit de cette taxe.

Il serait possible, dans un souci d'égalité, de taxer les entreprises dans les villes qui pratiquent un taux inférieur à la moyenne nationale, ou de prélever les accroissements


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de base de taxe professionnelle au-delà d'un certain montant par habitant et par commune. Inclure, comme nous le proposons, les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle pourrait générer un surplus de recettes de plusieurs dizaines de milliards de francs qui pourrait être affecté au fonds national et réparti sur la base d'un indice synthétique prenant par exemple en compte celui retenu pour la répartition de la dotation de solidarité urbaine.

C'est l'ensemble de la redistribution au titre de la péréquation de la taxe professionnelle qui mériterait d'être revu dans le même esprit.

Si l'institution, librement consentie, d'une taxe professionnelle unique peut contribuer à réduire les inégalités de base sur les territoires d'une même agglomération, les inégalités entre agglomérations demeurent et pourraient même devenir caricaturales.

Ne risque-t-on pas de voir se constituer, à côté des communautés d'agglomération partageant leur misère, des regroupements de communes ayant les mêmes intérêts fiscaux voire sociaux ? Dans le département des Hauts-de-Seine, par exemple, les bases totales de la taxe professionnelle s'élèvent à 37,7 milliards de francs. Quatre de ces communes représenteraient, à elles seules, dans le cadre d'un regroupement sur la base de la proximité géographique, 13,3 milliards, soit plus du tiers des bases du département.

Cet exemple, outre qu'il démontre le caractère inadapté du texte aux réalités spécifiques de l'agglomération parisienne, souligne les limites d'une démarche dogmatique qui conditionnerait le règlement de toutes les difficultés de la ville à l'impératif du regroupement intercommunal et à l'institution d'une taxe professionnelle unique. Ne conviendrait-il pas plutôt d'améliorer la péréquation sur des territoires pertinents prenant en compte notamment les besoins sociaux de la population ? Si le texte de loi amorce une déliaison partielle des taux, il faut rétablir le droit pour toutes les communes et leurs groupements de fixer les taux de la taxe professionnelle dans la seule limite du taux moyen national d'augmentation de cette taxe.

Il y a d'autant plus nécessité d'accroître globalement les ressources des collectivités locales en confortant notamment le rendement de la taxe professionnelle que le projet de loi en examen propose de mettre à contribution le fonds de péréquation de la taxe professionnelle afin de compléter ces 2,5 milliards de francs programmés sur cinq ans pour honorer l'engagement pris d'accorder 250 francs par habitant aux communes qui choisiront d'ici à 2005 la communauté d'agglomération. Il serait inacceptable que d'autres collectivités soient en définitive pénalisées.

C ette dotation aux communautés d'agglomération mériterait d'être pérennisée dans le temps au-delà de 2005. L'inscription dans une vraie démarche de projet d'agglomération suppose en effet des moyens supplémentaires permanents.

La levée d'une fiscalité additionnelle à la taxe professionnelle unique, si elle peut être admise, risque en tout cas de générer des effets pervers en alourdissant la charge pesant sur les ménages.

Développer harmonieusement le territoire, répondre aux besoins sociaux impliquent plus que jamais aujourd'hui la participation citoyenne. C'est pourquoi, dans le contexte de la France de 1999, nous demeurons si attachés au fait communal et au principe de la libre administration des collectivités locales.

Pour coopérer librement, ces collectivités ont besoin aujourd'hui de disposer des ressources correspondant aux compétences que leur ont données les lois de décentralisation. Si des pas ont été accomplis depuis juin 1997, la réalité de la crise des finances locales demeure un handicap sérieux pour une vraie coopération de projet.

Obtenir sous la contrainte économique, voire juridique, que des collectivités délèguent leurs compétences et mutualisent leurs moyens dans la constitution de communautés d'agglomération est une chose, permettre une mobilisation efficace des acteurs sociaux et économiques dans une vraie coopération de projet intercommunal pour combattre la crise urbaine et agir contre le chômage et la précarité est une toute autre ambition.

Vous l'aurez compris, nous sommes plus que réservés sur la capacité du texte, en l'état, à concrétiser cette ambition pourtant nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Monsieur le ministre, ce texte suscite quelques satisfactions ; je n'y reviendrai pas, elles ont été largement exprimées ce matin. Mais il provoque aussi des déceptions. Peuvent-elles être surmontées ? Nous l'espérons.

Déception face au sentiment de complexité croissante du fait des trois textes soumis successivement au Parlement et d'une insuffisante lisibilité de l'ensemble. Il y a, parmi les élus, une formidable aspiration à la simplification et à la souplesse pour une meilleure répartition des compétences. Or, il n'est pas répondu à cette attente.

Prenons l'exemple des pays. Beaucoup dans cette assemblée y croient - je suis de ceux-là -, mais le pays sera très vite rejeté par nos collègues s'il apparaît comme un nouvel échelon administratif.

M. Didier Chouat, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie.

J'aurais préféré qu'il reste territoire de projets sous forme associative, celle de syndicat mixte conduisant presque fatalement à une nouvelle administration.

Déception encore ou plutôt sentiment de rester au milieu du gué pour tout ce qui concerne la fiscalité et la démocratie. Le pouvoir immense de fixer le principal impôt, la taxe professionnelle, ne peut pas ne pas aboutir un jour à l'élection au suffrage universel et, donc, fatalement, à la transformation des départements et du mode d'élection des conseillers généraux. Certes, je mesure l'extraordinaire difficulté de l'exercice et j'ai bien conscience qu'on ne peut pas tout faire en une fois. Mais, face à la diversité des situations, ne pourrait-on permettre à quelques départements d'expérimenter une nouvelle forme d'organisation par la voie volontaire et amiable ? Je le reconnais, cela supposerait une modification de la Constitution qui devrait être complétée par un article additionnel sur le droit à l'expérimentation.

M. Bernard Roman.

Le Sénat ne voudra pas ! Un député du groupe UDF.

Mais si !

M. Bernard Roman.

Le Sénat ne veut jamais rien !

M. Pierre Méhaignerie.

Nous n'aurons jamais vingt parlements régionaux, et c'est tant mieux. Mais entre une loi qui s'applique de façon uniforme à des situations diff érentes et une loi différente dans chacune des vingt régions, il y a des possibilités intermédiaires.


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A cet égard, j'aimerais vous citer cette phrase d'un h omme d'Etat européen qui a exercé une grande influence ces dernières années : « Les peuples qui, dans les vingt prochaines années, vont réussir sont ceux dont les

Etats accepteront un double transfert de pouvoir, l'un de l'Etat vers l'Union européenne, compte tenu de la mondialisation de l'économie, dans des limites strictes - cette précision devrait vous faire plaisir, monsieur le ministre (Sourires) -, l'autre de l'Etat vers les structures de base, pour libérer les capacités d'initiative, de créativité et d'adaptation des sociétés ».

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Cela me fait effectivement plaisir ! (Sourires.)

M. Pierre Méhaignerie.

En la matière, nous devons effectivement franchir une nouvelle étape. Je vous suggère donc de soutenir la proposition de loi organique que nous présenterons en juin.

Ma troisième observation porte sur les risques que peut comporter une déliaison totale des taux. Il ne faut paso ublier que, tant les entreprises que les ménages, redoutent une montée de la pression fiscale. Du reste, beaucoup, ici, commencent à comprendre que le pouvoir d'achat des familles et des entreprises doit désormais devenir la priorité et que les consommations collectives ont peut-être atteint, dans certains domaines - y compris dans les collectivités locales - une limite.

Dernier point, enfin, l'article 56 du projet remet en cause l'aménagement équilibré du territoire que vous avez défendu à la tribune ce matin, monsieur le ministre, et donne, comme l'ont dit certains, le sentiment de privilégier le milieu urbain.

Je prendrai un exemple tout à fait local que mon collègue de la commission des finances et rapporteur pour avis du texte connaît bien. Suite à un accord entre les responsables politiques d'Ille-et-Vilaine, le produit de l'écrêtement de la taxe professionnelle versée par l'usine Citroën de Rennes, soit 140 millions de francs, va pour 44 % au district où habitent 36 % des salariés et pour 55 % aux autres communes où résident 64 % des salariés.

Voilà un accord équilibré et juste dont profite la Mayenne, ainsi que les Côtes-d'Armor.

L'article 56 le remet en cause. Je comprends parfaitement que l'on utilise ces arguments pour faciliter l'intercommunalité dans les grandes villes, là où elle ne s'est pas développée, mais c'est loin d'être le cas partout.

Le Gouvernement semble convaincu, ainsi que les deux rapporteurs, que le fonds départemental ne saurait être rétroactivement diminué. Je les en remercie : cela aurait à coup sûr provoqué une véritable révolution des élus locaux. C'est un premier progrès. Il n'en reste pas moins que le fonds resterait désormais figé à son niveau actuel et que les autres communes ne bénéficieraient plus de la croissance des bases. C'est là une injustice qui renforcera l'idée que l'on priviligie le milieu urbain au détriment du milieu rural, d'autant plus que tous les autres secteurs des départements limitrophes sont en coopération intercommunale.

C'est la raison pour laquelle l'assemblée départementale a voté, lundi dernier, l'unanimité, le fait est rare, un texte demandant que les équilibres existants soient préservés en Ille-et-Vilaine, compte tenu de la spécificité du fonds Citroën. Je vous en remercie d'avance, ainsi que les deux rapporteurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade.

M. Gérard Saumade.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux pour commencer rassurer notre collègue Méhaignerie : suivant l'expression célèbre, nous sommes tous, en matière d'intercommunalité, des expérimentateurs sociaux. Et le projet de loi que nous présentez, monsieur le ministre, sur l'organisation urbaine et la simplification de la coopération intercommunale représente un moment dans une évolution qu'il ne prétend pas figer, mais bien accompagner.

Votre texte suscite un grand espoir, celui de voir se moderniser le fonctionnement de notre société, mais en même temps une appréhension en laissant entrevoir certains dangers qui pourraient remettre en cause les structures de base de notre République.

Il est clair qu'il nous faut favoriser institutionnellement le passage de la société rurale, à dominante agricole, qui caractérisait notre pays depuis des millénaires, où les villes étaient pour la plupart les lieux de service du monde rural, vers une société urbaine, en ce sens que tous les besoins sont désormais urbains sur la quasi-totalité du territoire. Et c'est la volonté de satisfaire ces besoins qui conduit à l'intercommunalité.

Ce mouvement date, on l'a dit, de presque un siècle déjà avec les premiers syndicats de communes qui s'occupaient d'ailleurs de l'électrification et des adductions d'eau. Il s'est accéléré après la Seconde Guerre mondiale avec le développement des SIVOM, dont les compétences vont de la création d'une administration intercommunale au traitement des déchets ménagers, en passant par les zones d'activité économique.

Ces syndicats ont deux caractéristiques. Premièrement, ils se sont développés dans le monde que l'on dit rural.

Ce n'est pas étonnant, puisqu'ils ont été créés pour satisfaire les besoins nouveaux d'une société qui devenait urbaine. Deuxièmement, ils sont le fait de la libre volonté des élus communaux qui les ont expérimenté sur place, m ais ils préservent aussi l'autonomie politique des communes.

Le développement des districts à fiscalité propre nous a fait franchir une nouvelle étape qui, incontestablement, annonce votre projet de loi. En effet, la majorité des communes ayant désormais créé les structures intercommunales qui leur étaient nécessaires, une sérieuse simplification s'imposait. C'est là un des grands mérites de votre projet de loi, monsieur le ministre. Je souhaite cependant que l'on évite, comme disent les Anglais, de jeter le bébé avec l'eau du bain.

M. Gérard Gouzes, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Oh !

M. Gérard Saumade.

Votre texte vise à faire un bond en avant dans le sens d'une plus grande efficacité de l'action des collectivités locales, tout en renforçant leurs relations avec l'Etat et ses services déconcentrés placés sous l'autorité du préfet. Tout un dispositif institutionnel est prévu pour relancer l'intercommunalité : suppression des communautés de ville, création des communautés urbaines dont le seuil sera relevé pour permettre la constitution de quelques grands pôles urbains que l'on espère susceptibles de rétablir quelque peu l'équilibre entre Paris et le désert français, création également, c'est la grande nouveauté, de communautés d'agglomération à partir de 50 000 habitants, mise en place d'un régime juridique unifié et clarifié avec un toilettage général du code des collectivités locales instauration enfin, d'une démocratie et d'une transparence accrues dans le fonctionnement des structures de coopération intercommunale. A ce propos,


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il apparaît judicieux, comme le suggérait ce matin notre collègue Jacky Darne, de rendre publics lors des prochaines élections municipales les noms de ceux qui seraient candidats aux conseils des communautés d'agglomérations - et j'ajoute : des communautés de communes.

Enfin, monsieur le ministre, votre texte témoigne d'une volonté de redresser les déséquilibres existants en développant les solidarités et en luttant contre ce que vous avez justement appelé l'apartheid social.

Toutes ces réformes nous paraissent aller dans le bon sens. Mais leur mise en place recèle évidemment des risques dont il faut se prémunir. Ceux-ci me paraissent d'abord tenir à une certaine lacune dans l'analyse des territoires, que l'on retrouve d'ailleurs dans les deux projets de loi, le vôtre et celui que nous avons étudié hier. Ils résultent également d'un éclairage politique insuffisant sur les caractéristiques de l'Europe dans lequel doit désormais s'inscrire notre pays.

Votre projet de loi, tout comme celui de l'aménagement du territoire, met l'accent sur la dichotomie entre ville et campagne, espace urbain et rural. Or, dans cette nouvelle société en gésine, les gens sont de plus en plus nombreux à choisir d'habiter et de vivre sur un territoire qui n'est plus strictement rural, mais qui n'est pas urbain au sens traditionnel du terme. On parle de péri-urbain et, faute de mieux, on avance le néologisme de « rurbain » pour qualifier la nouvelle entité en gestation.

Ces secteurs sont caractérisés par une démographie très dynamique. Et cette population dont la croissance rapide bouleverse par conséquent les équilibres sociaux, manifeste un fort sentiment identitaire pour sa commune et sa petite région, ce qui provoque du reste la création d'un tissu associatif très dense.

Il faut tenir compte de ces nouveaux secteurs en pleine évolution où, peut-être, est en train de se créer ce que l'on pourrait appeler la nouvelle ville. Pour prendre en compte les besoins de ces populations, pour permettre le développement de leur citoyenneté, il conviendrait d'y favoriser la constitution des communautés de communes, à l'instar de ce que l'on fait pour les communautés d'agg lomération, en particulier si ces communautés de communes adoptent la taxe professionnelle unique.

Je préfère d'ailleurs la notion socio-politique de développement de la citoyenneté à celle, plus géographique, de territoire. On est souvent trop impressionné par l'analyse géographique des territoires ; en fait, le plus important, ce sont les gens qui s'y trouvent et la façon dont ils y vivent.

M. Gérard Voisin.

C'est exact !

M. Gérard Saumade.

C'est cela qu'il faudrait essayer d'aménager. Votre projet de loi, monsieur le ministre, me paraît de nature à le permettre. Je souhaite que l'on aille plus loin et, surtout, que l'on cesse de parler d'urbain et de rural : ces termes sont déjà en partie périmés, tant la compénétration de l'urbain et du rural est devenue forte.

La taxe professionnelle unique peut constituer un levier à cet égard, en particulier dans ces secteurs péri-urbains.

En effet, quels que soient les jugements que l'on porte sur les diverses vertus de la taxe professionnelle unique, elle caractérise la volonté et la capacité d'une petite région à réaliser un véritable aménagement de son territoire. La taxe professionnelle de zone peut être - elle l'a d'ailleurs déjà été dans certains SIVOM ou dans certains districts un premier élément dans cette direction. Cela dit, dans les secteurs péri-urbains, la relative inefficacité des plans d'occupation des sols communaux exige un critère plus fort pour permettre l'émergence d'une petite région où la production agricole, le respect de certains espaces dits naturels et l'urbanisation doivent aller de pair et être conduits dans un cadre intercommunal, celui de la commune apparaissant largement insuffisant.

Pour que la taxe professionnelle joue ce rôle de levier, encore faut-il qu'elle ne soit pas amputée d'une part de son produit comme le prévoit l'actuelle loi de finances. Il va nous falloir, monsieur le ministre, convaincre nos amis de la « forteresse de Bercy » de prendre en considération les problèmes politiques d'aménagement de la cité avant les problèmes financiers. Malheureusement, on a largement fait passer la charrue avant les boeufs. Que vont faire les boeufs ? Dieu seul le sait, mais il ne faudrait pas amputer ce qui constitue un des outils, un des leviers de la coopération intercommunale.

Je serais assez d'accord avec l'idée de mon ami Balligand de permettre aux communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique, ce qui suppose, n'en doutons pas, un gros effort d'administration, de toucher une part plus importante de la DGF - peut-être pas du niveau de celle que vous prévoyez pour les agglomérations, mais tout de même relativement incitatrice. En effet, je ne vois pas de différence majeure dans la structure du pouvoir entre les communautés de communes et les communautés d'agglomération. Ce n'est, me semblet-il, qu'une différence de structure, non de nature.

Cette réflexion nous amène à recommander un assouplissement de la loi afin de lui permettre de gérer au mieux la transition sociale qui caractérise notre temps.

Qui dit transition dit souplesse, mais aussi nécessité d'un éclairage de l'objectif à long terme. Or cet éclairage, j'en suis persuadé, ne peut être que politique : quelle France voulons-nous et dans quelle Europe ? Si nous concevons la France comme une République décentralisée, unitaire, au sein d'une Europe de nations rassemblées - ce qui, me semble-t-il, serait le choix du Gouvernement -, encore les réformes doivent-elles respecter les institutions fondamentales de cette République unitaire et décentralisée, cette dernière notion étant du reste assez récente dans l'espace français.

Commençons par le préfet, seul représentant de l'Etat dans les départements. Affirmer la déconcentration autour du préfet, ce n'est pas réduire la décentralisation, c'est éviter la féodalisation, un des risques permanents dans une France qui, n'ayant jamais su ce qu'était le fédéralisme, a toujours oscillé entre l'hypercentralisation et la féodalité. La déconcentration me paraît de nature à éviter ces deux écueils. Dans une de mes dernières conversations, en avion, avec Gaston Defferre, celui-ci me confiait : « On a décentralisé, mais j'ai loupé quelque chose : la déconcentration autour du préfet. Le dialogue sera difficile. » C'est cela qu'il nous faut respecter, tout

comme nous devons respecter les départements et les communes, bases de notre fonctionnement républicain.

Les nouvelles institutions intercommunales ne doivent pas conduire à la disparition des collectivités de base, même si l'on trouve que c'est compliqué. Après tout, la France est compliquée. Sartre ne faisait-il pas dire à Dieu, dans Le Diable et le Bon Dieu que l'homme était trop compliqué et que, s'il avait su, il l'aurait fait plus simple ?

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

C'est trop tard ! (Sourires.)

M. Gérard Saumade.

La France est ainsi : une nation qui vit dans un humus culturel extrêmement important accumulé au cours des siècles. A ce propos, un des traits


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caractéristiques des habitants des espaces péri-urbains, c'est cette quête éperdue de racines, de quelque chose de profondément culturel. N'oublions jamais que les nouvelles unités intercommunales durant dialoguer avec les départements qui constituent depuis 1789 une base solide de la République, et que la démocratie au quotidien se trouve dans les communes, y compris les plus petites.

Penserait-on à remplacer leurs conseils municipaux par des animateurs socioculturels ? Nous y perdrions à tous points de vue... Mais, sur ce point, monsieur le ministre, nous vous faisons entièrement confiance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Voisin.

M. Gérard Voisin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, loi Voynet, loi Chevènement, même le calendrier, comme les textes, est à cheval... A peine achevé l'examen de la loi de Mme Voynet, non encore votée, voilà qu'arrive la loi Chevènement avec comme outil principal commun la taxe professionnelle unique dont on sait malheureusement qu'elle restera toujours, et malgré ce texte, quasiment irréalisable en l'état.

Ces 250 francs par habitant de la communauté d'agglomération pouvaient être donnés autrement.

Alors, deux lois pour rien ? A mon avis, sûrement.

Nous avons déjà tous les outils, disait M. Darne, député socialiste. Pour ce qui me concerne, j'étais garagiste ; jamais je n'ai acheté d'outils neufs sans besoin. Ceux que j'avais, je les nettoyais, je les rangeais soigneusement pour rendre la réparation plus facile et plus fiable. Vous, mesdames et messieurs du Gouvernement et de la majorité, vous voulez avoir vos lois, faire vos lois ; les pays en sont un exemple. Bonjour, madame Voynet, au revoir, monsieur Pasqua... Piètre satisfaction ! Nos élus locaux et nos concitoyens attendent bien autre chose, bien d'autres explications pour les convaincre des bienfaits de l'intercommunalité. Je ne vois dans ce texte pratiquement pas de renforcement de l'intercommunalité, monsieur le rapporteur Gouzes, et sûrement pas de simplification.

Et pourtant, monsieur le ministre, les élus du mouvement intercommunal qui représente 1 600 structures, la moitié des communes et 50 % de la population française attendent beaucoup de votre nouveau texte. Ils espèrent surtout que cette réforme, engagée par un de vos prédécesseurs, ici présent, Dominique Perben, sera celle qui verra l'achèvement de la carte de l'intercommunalité. Ils attendent du législateur une réelle ambition, une vraie reconnaissance de l'intercommunalité perçue comme un lieu d'efficacité des politiques publiques locales. Pour répondre à cette ambition, il nous faut un texte susceptible de simplifier le paysage intercommunal, d'accompagner le développement et le renforcement de l'intercommunalité et enfin de favoriser sa transparence.

Simplifier le paysage intercommunal : c'est une évidence que de souhaiter un peu plus de lisibilité dans le jargon intercommunal. SITU, SIVOM, districts, communautés de communes, de villes, communauté urbaines ou d'agglomération, syndicats mixtes, syndicats d'agglomérations nouvelles, GIP, pays... Les élus locaux eux-mêmes ont bien du mal à se retrouver dans cet empilement de catégories juridiques qui, au fil des réformes, ont fini par constituer un mille-feuille de plus en plus indigeste. Non seulement ce catalogue de structures obéit à des règles juridiques et fiscales différentes mais, sur le terrain, qui plus est, les périmètres de ces établissements se juxtaposent, s'enchevêtrent, se télescopent enfin.

Le projet de loi affiche l'intention de simplifier la coopération intercommunale, cela figure même dans le texte.

Il propose notamment de supprimer deux catégories d'EPCI : district et communauté de ville. Mais c'est pour, aussitôt, en créer une nouvelle : la communauté d'agglomération.

De même, il propose d'unifier un certain nombre de règles de fonctionnement, mais il prévoit toujours un florilège de régimes d'exception. La « simplification » devrait donc, hélas ! rester un vain mot en matière intercommunale.

Je suis de ceux qui regrettent que l'on n'ait pas préféré conserver une seule catégorie d'EPCI adaptable à toutes les situations de terrain. Pour cela, nous devrons probablement attendre la réforme suivante.

Par ailleurs, pour se développer et se renforcer, conformément au nouveau titre proposé par la commission des lois, l'intercommunalité a besoin d'outils et de moyens, mais aussi de souplesse. Dans cet esprit, il me paraît fondamental de reconnaître à chacun le droit de progresser à son rythme dans l'intercommunalité. Il ne faut donc pas plaquer des schémas rigides et contraignants.

Malheureusement, le projet de loi tombe dans le travers des seuils de population qui induisent une discrimination fâcheuse et affichée entre le rural et l'urbain, discrimination que l'on retrouve dans les moyens que le Gouvernement entend offrir à l'intercommunalité. Une intercommunalité à trois tiroirs va donc se dessiner. Les communautés urbaines seront toujours aidées par l'Etat à hauteur de 500 francs par habitant. L'intercommunalité d'agglomération urbaine devrait l'être à hauteur de 250 francs, ce dont on peut se féliciter. Mais le reste du monde, de notre monde, soit un bon millier de communautés, pour qui l'intercommunalité est parfois une question de survie, qui ont souvent été pionnières et qui affichent parfois des niveaux d'intégration très poussés, ce tiers état devra encore se contenter d'une DGF en baisse régulière à hauteur de 100 francs, environ,...

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

C'est faux !

M. Gérard Voisin.

... que des dispositions techniques du projet de loi vont tendre à faire baisser encore.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Mais non, ça dépend du coefficient d'intégration fiscale ! Cela peut représenter 400 francs par habitant !

M. Gérard Voisin.

J'ai bien entendu M. Crépeau, qui, avec un grand réalisme, nous rappelait ce qui se passe aujourd'hui et ce qui se passera, malheureusement, demain.

Par ailleurs, le projet de loi met en avant l'outil de la taxe professionnelle unique comme un moyen privilégié de renforcement de la coopération intercommunale.

Dans l'absolu, nul ne contestera le bien-fondé de cet outil. Mais, sur le terrain, la mise en oeuvre de cette forme très aboutie de solidarité fiscale rencontre de nombreux obstacles techniques que le projet de loi n'élimine pas complétement. En conséquence, le projet de rendre la TP unique obligatoire dans les agglomérations risque, ni plus ni moins, de compromettre l'avancement de l'intercommunalité dans les aires urbaines. Et l'on peut craindre que, pour cette raison, la communauté d'agglomération soit amenée à subir le même échec que les communautés de villes créées en 1992.

La proposition faite à cette tribune par Dominique Perben et également, pour le compte de l'ADCF, doit être entendue.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

On peut aussi s'interroger sur l'opportunité d'encourager la TPU, à l'heure où la suppression de la part salariale conduit à vider la taxe professionnelle de sa substance. Elle programme la mort lente et prochaine de cette taxe. Je le dis, même si je suis heureux pour les entreprises des dispositions qui leur sont agréables.

Pour finir, il est un point sur lequel le projet de loi manque singulièrement d'ambition, c'est celui de la transparence et de la nécessaire émergence d'une démocratie intercommunale.

La question de la légitimité des représentants de l'intercommunalité, qui commence à se poser à certains endroits, est indissociable du débat visant à renforcer l'intercommunalité.

Le redoutable privilège de lever l'impôt - ce qui est le cas de l'ensemble des EPCI depuis 1995 -, rend le mode actuel de désignation des élus intercommunaux, au second degré, très insatisfaisant.

Je suis, pour ma part, opposé à une élection spécifique d es élus intercommunaux, laquelle, inéluctablement, conduirait l'intercommunalité à devenir un niveau supplémentaire de collectivité locale, serait source de conflits de compétences et finirait par mettre en danger l'échelon communal, base de notre démocratie.

Sagement, monsieur le ministre, le projet de loi ne contient, d'ailleurs, aucune disposition en ce sens, ce dont on peut se féliciter.

M. Robert Poujade.

Très bien !

M. Gérard Voisin.

Toutefois, il est indispensable de débattre des moyens d'impliquer les citoyens face à l'autorité intercommunale, en trouvant une solution qui n'aboutisse pas à l'opposition de deux légitimités. Cela pourrait prendre la forme d'un mode de scrutin sur liste associée, suggéré également par l'ADCF et soutenu par M. Darne, du type Paris/Lyon/Marseille, dont le mérite serait d'introduire le débat intercommunal au coeur de l'élection municipale. Cette solution demande à être approfondie et mérite, en tout cas, d'être débattue.

Pour conclure, je souhaite que la réforme que nous allons discuter ces prochains jours permette à chaque commune d'accéder librement à la forme de coopération que ses élus jugeront comme la plus adaptée à ses réalités géographiques, économiques et sociales.

Je souhaite que ce projet de loi encourage et renforce la solidarité des territoires autour d'un projet, librement négocié, et équitablement soutenu par la solidarité nationale.

Je souhaite, enfin, que ce projet permette à l'intercommunalité de se voir reconnaître une légitimité renforcée, dans le respect de l'autonomie et de la souveraineté des communes, cellules de base de notre démocratie représentative.

C'est à un véritable devoir d'ambition que nous sommes confrontés aujourd'hui, et auquel le mouvement intercommunal nous invite.

A nous de ne pas le décevoir ! Acceptez les amendements de l'opposition comme vous accepterez ceux de la majorité : ce sera la grande victoire d'une intercommunalité nouvelle et moderne.

M. Robert Poujade.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la loi portant réforme, amélioration et renforcement de la coopération intercommunale marque une avancée importante dans notre système français, encore à ce jour trop complexe et trop peu lisible.

Les élus attendaient depuis de nombreuses années qu'une loi vienne leur donner la possibilité d'accroître leurs dispositifs de solidarité et de coopération par une harmonisation pertinente. Voilà qui est fait : ce projet va nourrir un dialogue qui sera certainement enrichissant et positif pour tout le pays.

N antie d'une modeste expérience en la matière, puisque appartenant à un des plus vieux districts de France qui a pratiquement trente-cinq ans d'existence, vous me permettrez, monsieur le ministre, d'insister sur deux points touchant ce projet de loi qui, je le répète, est indispensable, porteur à la fois d'espérance et d'interrogations.

Le premier point que je voudrais évoquer devant vous concerne le mode de représentation des communes dans les structures à venir, c'est-à-dire l'exercice de la démocratie ; le second a trait aux mécanismes de solidarité financière et fiscale au sein des agglomérations, et plus particulièrement à la taxe professionnelle unique.

En ce qui concerne la représentation politique des communes au sein des assemblées, je voudrais attirer votre attention sur la nécessaire souplesse qu'il me semble important d'introduire dans les dispositions de la loi, afin que la transition entre anciennes et nouvelles structures puisse se faire dans de bonnes conditions. Je m'interroge, pour le moment, sur l'opportunité d'une élection des assemblées intercommunales au suffrage universel direct.

Ne voyez pas là, monsieur le ministre, un refus de l'expression démocratique de nos concitoyens, mais une préoccupation liée à la nature même du fonctionnement intercommunal.

Tout d'abord, je considère que nombre de nos concitoyens n'ont pas encore une vision très claire du rôle joué par l'intercommunalité. Une élection supplémentaire, c'est-à-dire un échelon supplémentaire, ne serait ni la meilleure voie ni la plus rapide pour les sensibiliser à la démarche intercommunale. Ensuite, une élection directe me semble lourde de risques, en ce qu'elle permettrait l'élection de délégués qui, d'une certaine façon, pourraient être un peu déconnectés des assemblées communales.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Voire en opposition avec elles !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Il y aurait là, sans nul doute, une possibilité de dérive, voire de conflits, et se reposerait alors la question de la pertinence des échelons décisionnels.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

En effet !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Même si nous devons tendre vers cet objectif, cette éventualité me semble prématurée. Il nous faut réfléchir à un nouveau moyen de réunir transparence et démocratie.

Toujours en matière de représentation politique, le système qui sera mis en place ne doit pas laminer les petites communes, qui jouent un rôle important dans l'intercommunalité, au profit des communes de taille plus importantes, qu'on appelle les communes centres, même si celles-ci portent l'essentiel des charges et parce que, trop souvent, elles font peur en raison des problèmes qu'elles incarnent.

Deux raisons principales à cette réserve, monsieur le ministre.


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D'une part, nombre de petites communes sont intégrées depuis de longues années dans un processus intercommunal ; l'intercommunalité et les agglomérations ont tout à gagner, pour leur avenir, à une participation déterminée des communes de petite taille à cet enjeu ; il y a là un objectif qu'il faut relier au débat que nous venons de terminer sur l'aménagement du territoire, en termes de développement durable, cohérent et harmonieux : n'accentuons pas, par nos décisions, le fossé entre communautés urbaines et communautés rurales ou semi-rurales, tant il est vrai que beaucoup d'entre nous sont à la fois

« élus des villes et élus des champs » ; D'autre part, compte tenu de l'évolution des phénomènes urbains, les périphéries jouent un rôle important, n otamment en terme d'attractivité économique : les communautés, demain, ne pourront pas se passer de l'apport fiscal des petites communes qui entourent les villes plus importantes, grandes ou moyennes. Et dans ce schéma, compte tenu de leur apport potentiel à la solidarité financière et fiscale, il me paraît difficilement envisageable que soient trop faiblement représentées les petites communes au sein des assemblées communautaires.

Disant cela, j'en arrive naturellement à la question de la taxe professionnelle unique. Bien sûr, il convient d'aller dans cette direction et, en premier lieu, pour les agglomérations qui bénéficieront, sur la période du futur contrat de plan, des mesures liées à la mise en oeuvre des contrats de ville de nouvelle génération, tels qu'ils ont été définis par Claude Bartolone.

En effet, il me semble que cette disposition fiscale, par son intérêt et ses conséquences, serait de nature à créer, pour les périmètres retenus au titre des contrats de ville, un effet de levier très fort et d'entraînement supplémentaire, dans la lutte qui est celle de ces agglomérations contre l'exclusion et pour le développement économique.

Là aussi, je plaiderai pour une certaine souplesse : pour que l'Etat, d'une part, se donne les moyens, sur des territoires donnés et en accord avec les futures structures, d'aller plus vite, par des mécanismes d'intégration fiscale, d'incitation et de compensation plus volontaires ; d'autre part, pour que soient prévues des incitations plus conséquentes, autres que celles qui sont liées purement et simplement à un surcroît de DGF - je pense notamment à la PAT dont nous sommes, en Ile-de-France, exclus pour des communautés qui, par décision politique, décideraient d'accélérer volontairement le rythme de leur intégration financière et fiscale.

La TPU est restée en de trop nombreux endroits une chance qui n'a pas su être saisie en temps utile ; elle n'est pas étrangère au fait que certaines agglomérations restent confrontées à de très grosses difficultés. Je crois, pour ma part, urgent, dans le contexte qui est le nôtre, c'est-à-dire de croissance et de création d'emplois, d'aller plus vite et plus loin.

Votre loi, monsieur le ministre, va dans le bon sens.

Vous avez dit que vous étiez prêt à entendre toutes nos suggestions. Nous allons donc apporter notre modeste pierre à la nouvelle architecture que vous êtes en train d'élaborer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Poujade.

M. Robert Poujade. Monsieur le ministre, je ne sais si vous vous laisserez convaincre de voiler la formule d'« organisation urbaine » qui choque les susceptibilités.

En tout cas, vous ne changerez pas l'exposé des motifs de votre texte de loi qui ne laisse pas indifférent et qui, me semble-t-il, ouvre bien le débat. Il témoigne de la prise de conscience, qui transcende les frontières politiques, du rôle structurant des agglomérations dans notre pays et donc de la nécessité de les renforcer.

Il souligne qu'une civilisation de la ville se cherche et reste largement à construire. Peut-être vaudrait-il mieux dire, monsieur le ministre, une civilisation de la ville

« moderne ». Mais peut-on inventer, ou du moins retrouver une civilisation de la ville sans donner à la ville les moyens qui correspondent à sa place dans notre espace, dans notre vie économique, sociale, culturelle et dans nos relations avec le monde ? Existe-t-il une politique de la ville ? Si l'on s'en tenait aux dispositifs législatifs, aux tentatives, aux interventions que recouvre cette formule, il serait permis de s'interroger. Ces dispositions, plus palliatives qu'inventives, plus parcellaires que substantielles, procédant plus du constat que de l'anticipation, relèvent d'actions certes utiles, indispensables parfois, intéressantes dans leurs démarches contractuelles, mais en fait marginales par rapport à ce que réclamerait aujourd'hui une politique audacieuse et dynamique de la ville.

La civilisation de la ville existe depuis les anciens empires, il y a des millénaires. Elle a été accoucheuse de modernité. Elle l'a été pour le meilleur et pour le pire, il faut assurément qu'elle le redevienne pour le meilleur.

Car c'est d'abord en ville et par la ville, ayons le courage de le dire, que nous surmonterons la crise de notre société.

Or, les villes françaises sont faibles. Elles sont faibles démographiquement, économiquement, financièrement.

Dans l'espace européen, elles n'ont ni la dimension, ni en tout cas les moyens d'action qui leur permettraient d'affronter à armes égales la compétition et de redevenir des villes modèles.

Elles souffrent, on l'a déjà dit, à raison je crois, de la complexité ou de l'obsolescence de nos grandes structures territoriales, et c'est un point sur lequel ni le projet de loi sur l'aménagement du territoire, ni d'ailleurs celui que nous examinons, peut-être plus structuré, n'apportent de réponse.

Pourtant, la concurrence entre les régions et les départements, préjudiciable aux uns et aux autres, est aussi néfaste aux villes. Car nos grandes villes, en particulier, n'ont pas d'interlocuteur clairement identifié. Les régions y installent souvent leur siège, sans nécessairement conforter pour autant leur rôle.

Dans le cadre départemental, elles sont souvent stigmatisées comme privilégiées, au mépris d'ailleurs de toute réalité : elles donnent, fiscalement parlant, dans bien des cas, quatre ou cinq fois - et parfois plus - que ce qu'elles reçoivent.

M. Michel Crépeau.

C'est vrai !

M. Robert Poujade.

Cela est volontiers occulté.

Elles connaissent les surcoûts de la centralité, elles rassemblent - on le dit beaucoup, mais on se contente surtout de le dire - les précarités et les marginalités sociales et - il faut également le dire et on ne le dit guère - nombre d'entre elles sont peu favorisées selon leur strate dans la répartition des dotations de l'Etat.

Les villes auraient à gagner à une réforme profonde et hardie de notre organisation territoriale, réforme qui clarifierait les compétences, qui favoriseraient de vraies c ontractualisations, qui donneraient à une politique d'aménagement du territoire des bases plus solides et pérennes. On nous a dit que c'était hier, que c'est aujourd'hui trop tôt, trop risqué, trop traumatisant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

A défaut d'une démarche plus audacieuse, la réforme proposée, seulement bien sûr si elle permet des évolutions et des adaptations rapides, peut aider à la renaissance d'une civilisation de la ville. Elle peut conduire les villes, comme d'ailleurs, mes chers collègues, des agglomérations de taille limitée, je cite votre exposé des motifs, monsieur le ministre, « par leur capacité à entraîner les espaces qui les entourent à faire naître de nouvelles solidarités ». Ce sont, je crois, de très bonnes formules.

C'est pourquoi la formule des communautés d'agglomération mérite un examen attentif et objectif. Elle implique, en effet, la mise en place d'une taxe professionnelle d'agglomération qui est une nécessité. Elle doit conduire à des compétences élargies et obligatoires susceptibles de donner à l'intercommunalité une efficacité et un dynamisme nouveaux.

Le dispositif prévu par le projet peut conduire à une avancée significative de l'intercommunalité en général, et de l'intercommunalité urbaine en particulier. Les critères de population seront contestés, peut-être remis en cause.

Et pourtant ils correspondent à une approche réaliste d'une intercommunalité forte, à vocation d'entraînement dans des espaces urbains de dimension démographique et économique suffisante. De tels espaces urbains sont en mesure, en effet, d'engager des politiques d'agglomération vraiment exigeantes grâce au niveau de ressources réunies, au niveau de services procédant de l'intégration fiscale et aux synergies qui garantiront à la fois la productivité de ces services et le développement de la solidarité.

La taxe professionnelle à taux unique est indiscutablement la clé de ce projet. Fallait-il la rendre obligatoire ? C'est une idée avancée par l'Association des maires de grandes villes de France. Je serais beaucoup plus prudent.

Si l'on veut que la communauté d'agglomération soit une idée largement partagée, il vaut mieux sans doute ne pas décourager de futurs partenaires.

L a loi de 1992 avait justement découragé nos communes d'aller vers des formules plus complexes que les formules simples et éprouvées qu'elles ont choisies. Le projet qui nous est proposé rejoint des dispositions déjà envisagées par Dominique Perben. C'est une démarche assez pragmatique pour qu'il constitue une bonne base de discussion. Encore faut-il, bien sûr, que ce texte nous permette d'avancer vite, que l'écriture de certains articles permette sans interminables procédures ces avancées et en assure le financement.

Sans doute faut-il aussi, disons-le carrément, émonder la loi de certaines dispositions dont on a dit, sévèrement, monsieur le ministre, qu'elles la polluent, mais qui, indiscutablement, affaiblissent sa valeur de consensus.

On n'imagine pas en tout cas qu'une loi dont les ambitions sont grandes, dont les conséquences peuvent être aussi importantes pour l'avenir de nos communes ne procède pas d'un vrai dialogue et ne transcende pas, par conséquent, j'insiste beaucoup comme mes collègues sur ce point, les clivages politiques. De ce dialogue, en effet, dépendent bien sûr, au-delà de son accueil et de son succès parlementaire, son accueil et son succès dans le pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le ministre, les élus et les députés communistes n'ont jamais mesuré leurs efforts pour favoriser les coopérations intercommunales librement décidées, pour doter les communes des moyens nécessaires à ces coopérations. Autant dire que l'annonce de ce projet de loi ne pouvait que susciter leur intérêt.

Or, à la lecture des dispositions qui y sont contenues, permettez-moi de suggérer qu'il s'agit ici plus de mettre en place des mécanismes conduisant à la supra-communalité que de favoriser les coopérations intercommunales.

Je souhaite tout particulièrement attirer l'attention sur la situation de la région parisienne. L'exposé des motifs évoque la pertinence du territoire sur lequel s'exerce l'intercommunalité. Nous sommes en droit de nous interroger sur le sens que recouvre en Ile-de-France la notion d'agglomération. Cette région est caractérisée par une forte densité d'habitat et de population, par l'enchevêtrement des bassins d'emploi et de vie. La restructuration urbanistique de la région concourt elle-même à cet enchevêtrement et les schémas d'aménagement successifs n'ont eu que peu d'influence.

En matière d'intercommunalité, il n'y a pas de lois spécifiques à la région parisienne, et c'est bien ainsi.

Cependant, il faut constater que l'intercommunalité ne fait pas recette en Ile-de-France : trente-six établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont vingt-trois en Seine-et-Marne, le département le plus étendu et le plus rural. Ce peu d'intérêt pour les structures les plus intégrées de la coopération intercommunale est sûrement à rechercher dans le manque de pertinence du territoire de l'Ile-de-France pour de telles solutions.

N ous refusons que, par effet d'aubaine, la loi contraigne les collectivités à s'enfermer dans des structures intercommunales non choisies sur des territoires dont la pertinence reste à démontrer.

Avec cette loi, allons-nous en Ile-de-France vers une multitude de communautés d'agglomération morcelant le territoire, ou bien vers une grande communauté urbaine rassemblant Paris, la petite couronne et bien au-delà ? Ces deux hypothèses portent en elles de profonds bouleversements et des risques certains pour la démocratie.

En revanche, les députés communistes ne peuvent que se réjouir des dispositions concernant le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France. Le fonds, qui s'élevait en 1998 à 716 millions de francs, atteindra 1 milliard l'année prochaine.

Les articles 57 et 58 du projet de loi répondent en partie à l'exigence, que nous exprimons depuis de longues années, de s'attaquer aux disparités qui existent au sein de la région parisienne. Cependant, il faut aller plus loin dans la redistribution et modifier l'indice synthétique pour que soit mieux pris en compte les efforts entrepris par certaines municipalités dans le domaine social.

Pour en revenir aux dispositions institutionnelles prévues par le projet de loi, notre réflexion et nos interventions seront guidées par un seul souci constructif : élaborer des structures intercommunales de coopération qui répondent aux besoins de nos concitoyens.

Permettez-moi d'évoquer la question des départements qui, à écouter certains, seraient devenus dépassés et superflus, constitueraient un obstacle à la compétitivité des entreprises, une entrave à l'essor de l'intercommunalité.

Nulle structure n'est intangible, mais, s'agissant d'une composante de l'originalité française qui favorise le maillage serré des services publics, il convient, avant d'en nier l'utilité, d'y regarder de plus près.


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L'étendue de leurs compétences sociales, leur rôle traditionnel de péréquation, l'importance des budgets d'invest issement, les aides apportées aux réalisations des communes confèrent aux départements un rôle essentiel dans la cohésion sociale et territoriale, dans l'aménagement équilibré du territoire. C'est donc un garde-fou contre la mise en concurrence des territoires et des himmes induite par une construction européenne encore dominée par la logique libérale.

Le département constitue aussi un cadre idéal pour faciliter l'essor des coopérations entre les différentes collectivités locales.

C'est tout ce rôle que nous sentons menacé par l'actuel projet de loi.

Les besoins de nos concitoyens évoluent. Ils grandissent, se perpétuent, se transforment. D'autres peuvent apparaître. Une chose est certaine : la réalité bouge. Il convient donc d'être audacieux pour apporter les meilleures réponses. C'est bien cela qui motive notre scepticisme face à un projet de loi qui porte en lui l'effacement des institutions départementales et communales, lesquelles demeurent des facteurs essentiels d'efficacité car elles mettent en oeuvre des décisions de proximité au plus près de l'expression des besoins.

Nous devons veiller à ce que la loi n'éloigne pas les citoyens des lieux réels de prise de décision. Si c'était le cas, il s'agirait d'un recul de la décentralisation, d'un retour à l'étatisme. Avec ce projet de loi, le risque est grand de voir reculer la libre administration des collectivités territoriales, de voir l'Etat disposer de leviers de contraintes encore plus puissants sur ces dernières. Le parti pris de la démocratie doit être le fil rouge du législateur. Cela implique des droits nouveaux pour les citoyens et les institutions territoriales démocratiques, leur permettant de participer toujours mieux aux décisions stratégiques.

C'est ce qui va dans le sens des réponses aux attentes de nos concitoyens. C'est ce qu'attendent de très nombreux élus de notre pays. C'est ce point de vue que porteront les députés communistes dans le débat pour modifier en profondeur le texte qui nous est proposé.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les 17 000 structures intercommunales de notre pays correspondent à un besoin et à une réalité. Grâce à ces structures, les communes peuvent accéder à des services qu'elles ne pourraient pas, seules, proposer à leurs administrés. C'est sans doute pour ces raisons qu'il n'existe pas d'adversaires farouches de l'intercommunalité. Tout le monde y est favorable. « Du moment que cela ne coûte pas trop cher à ma commune », entend-on très souvent.

Le texte que nous débattons aujourd'hui tend à rétablir plusieurs équilibres par des mesures techniques que mes collègues ont largement évoquées et sur lesquelles je n'ai rien à ajouter. En revanche, je tiens à développer deux idées qui me paraissent importantes et qui touchent à la vie de la démocratie dans notre pays.

Depuis quelques années, le débat sur le nombre des communes françaises occupe une grande partie des réflexions sur les questions intercommunales. On raille volontiers notre pays en expliquant qu'il est le seul en E urope à se payer le luxe de comprendre 36 000 communes, auxquelles s'ajoutent 17 000 structures intercommunales, le département, la région, l'Etat et l'Europe. On explique que cette profusion des niveaux de décision rend nécessaire une simplification des structures.

On pense que l'empilement des collectivités locales n'arrange rien et on envisage parfois de sacrifier quelquesunes de ces instances au nom de la sacro-sainte fusion.

M ais on oublie très certainement que ces 36 000 communes sont également le résultat d'une longue histoire et qu'elles sont également l'une des expressions du génie français, que l'on ferait bien de ne pas oublier trop vite. Il ne s'agit donc pas d'en réduire le nombre.

Un premier problème, sur lequel je serai brève, me paraît devoir être étudié sérieusement. C'est celui de l'intercommunalité ville-campagne - votre projet, monsieur le ministre, y répond en partie - dans des domaines que l'intercommunalité n'est pas encore accoutumée à prendre en charge, c'est-à-dire l'éducation et l'insertion sociale.

C'est difficile à réaliser dans l'univers turbulent de nos agglomérations mais je pense que les élus ruraux peuvent très avantageusement y être associés.

Le second problème que je voudrais évoquer rapidement est certainement plus culturel et politique que légal.

Il touche au mode de désignation des délégués.

L'intercommunalité est, à l'échelle des collectivités locales, la traduction incontournable de la solidarité nécessaire entre les hommes, moyen indispensable à notre cohésion sociale. Elle doit donc être sans aucun doute encouragée. Mais elle demande, c'est vrai, des efforts de négociation et parfois même certains abandons de pouvoir sans lesquels son efficacité n'est pas possible. C'est pourquoi on doit écarter toute mesure qui encourage la confusion.

Les élus sont élus au suffrage universel. Ils sont à la fois les représentants et les défenseurs des communes. Il leur revient donc naturellement d'être les décideurs et les animateurs des structures intercommunales. Faire élire les responsables des structures intercommunales au suffrage universel reviendrait à organiser la mort des communes sans le dire. En effet, il n'est pas souhaitable de créer deux niveaux de compétence partagée dont les élus seraient désignés dans les deux cas par le même mode de scrutin : le suffrage universel.

Actuellement, les maires et les conseillers municipaux tiennent leur légitimité du suffrage universel. C'est également lui qui les rend représentatifs au sein des instances intercommunales. Ils sont représentatifs aussi parce que les administrés les connaissent, mesurent leur dévouement et savent ce qu'ils doivent au temps qu'ils consacrent à leur mandat. La disparition des élus locaux, on l'a dit sur tous les bancs, aussi bien à gauche qu'à droite, aurait des répercussions graves sur le tissu social français. Elle obligerait l'Etat, avec toutes les charges que l'on imagine, à prendre à son compte la proximité et le dialogue avec les citoyens.

La vie intercommunale aujourd'hui, qu'elle soit finalisée par la fourniture de services ou par l'aménagement du territoire, prend souvent la forme d'une négociation préalable et de la recherche de l'adhésion des délégués des communes. Il y aurait un grand risque à vouloir agir par la contrainte. Vous souhaitez l'incitation, monsieur le ministre. L'association des communes en tant que telle est parfaitement nécessaire à la vie de l'intercommunalité, mais les communes doivent y conserver l'initiative.

Au fond, l'alternative est celle-ci : l'intercommunalité est soit un échange et une mise en commun de moyens librement consentis par les élus locaux, soit une structure


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supplémentaire qui s'ajoute à la panoplie existante. C'est pourquoi les dispositions du texte qui vont dans le sens d'une plus grande transparence dans la gestion des structures intercommunales, tant en interne qu'en direction des collectivités locales, doivent être soutenues et poursuivies. Les moyens à mettre en oeuvre doivent être ceux de l'incitation plutôt que ceux de la contrainte légale.

Il serait périlleux pour l'équilibre social de notre pays de modifier le mode de désignation des délégués. Certains n'assument pas totalement leur responsabilité devant leur conseil municipal, c'est vrai, mais des dispositions de votre loi permettent de les obliger à rapporter devant le conseil municipal. Mieux vaut donc développer leur sens de la responsabilité plutôt que de modifier leur mode de désignation. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Au risque de vous surprendre, monsieur le ministre, je vais vous faire un aveu avant de commencer mon propos : les Verts sont favorables à la loi Chevènement. (Sourires.)

Mme Nicole Bricq.

Une fois n'est pas coutume, mais c'est une bonne fois.

M. Jean-Michel Marchand.

Pourquoi y sommes-nous favorables ? Parce qu'il est nécessaire de corriger les profonds déséquilibres entre les communautés de communes, parce qu'il reste à créer une nouvelle architecture de communautés de communes adaptée aux zones urbaines, parce qu'il faut regrouper les élus locaux autour du projet ambitieux qu'est le partage de la taxe professionnelle.

Nous nous félicitons que, sur notre proposition, la commission ait cru bon de « verdir » cette loi. Sont ainsi élargies les compétences optionnelles des communautés d'agglomération et celles des communautés urbaines en direction du développement durable, afin d'encourager franchement leur engagement dans les agendas 21 locaux tel que le préconise le chapitre 28 de cet agenda, défini lors de la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement à Rio en 1992. Voilà de quoi parachever l'audacieuse démarche que vous nous proposez.

Notre deuxième proposition va dans le même sens : il s'agit de compléter le cahier des charges du développement durable en introduisant l'objectif de l'efficacité énergétique et en confiant la compétence de la maîtrise des consommations d'énergie aux communautés urbaines, dans la perspective de la lutte contre l'effet de serre. De fait, grâce aux autres compétences qui leur sont dévolues, les collectivités locales sont à même de coordonner ces politiques. Cela permet de faire apparaître la nécessaire corrélation entre action locale et responsabilité planétaire.

Dernier point, ce que j'appellerai la prime démocratique.

La coopération intercommunale ne trouvera sa légitimité aux yeux des citoyens que si elle est incarnée dans des institutions réellement démocratiques. C'est pourquoi les membres des assemblées intercommunales doivent êtres élus au suffrage universel direct. De fait, l'élection au suffrage universel indirect ne peut qu'éloigner les structures intercommunales des citoyens, alors que l'élection au suffrage universel direct est une condition nécessaire à l'appropriation par les citoyens des enjeux intercommunaux. Un véritable débat public et démocratique ne pourra s'instaurer que si les citoyens peuvent élire directement leurs représentants dans les assemblées intercommunales. Le mode de scrutin adopté récemment pour les élections régionales permet de concilier représentation proportionnelle et gouvernabilité. Il ne faut donc pas craindre les transferts de souveraineté vers les établissements publics de coopération intercommunale. Ce qui compte en la matière, c'est le principe de subsidiarité.

En reportant trop longtemps cette exigence de démocratie, les EPCI risqueraient d'être en butte aux mêmes critiques que celles qui visent actuellement les institutions européennes : trop éloignées des citoyens, trop technocratiques au bout du compte. Cet argument, j'en suis sûr, ne saurait vous laisser insensible.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux.

Après le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire dont nous venons d'achever l'examen en première lecture cette nuit, le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunales, que vous avez parfois présenté, monsieur le ministre, comme un projet modeste, a de bonnes chances d'apparaître demain, avec le recul, comme une étape majeure et décisive dans la structuration du paysage administratif de notre pays.

La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire est venue reconnaître le fait urbain et corriger les aspects par trop ruralistes de la loi Pasqua de février 1995. Elle affirme, conformément aux décisions du CIADT de décembre 1997, que l'agglomération est devenue le point d'appui de la politique d'aménagement du territoire, dans le cadre de la solidarité nécessaire entre les espaces ruraux et les espaces urbains.

En élaborant une nouvelle architecture institutionnelle de l'intercommunalité en milieu urbain, en proposant un ensemble de règles unifiées pour les structures de coopération intercommunale, en renforçant la démocratie et la transparence dans les établissements de coopération, en accordant à l'agglomération une triple reconnaissance, institutionnelle, fiscale et financière, votre projet de loi met de la cohérence dans le paysage urbain et permet la structuration du fait urbain. Il est le moyen de traduire dans le domaine territorial la nécessaire cohésion sociale.

Qui ne voit en effet que la crise sociale, le chômage, l'insécurité, les déséquilibres économiques et sociaux se concentrent d'abord dans les agglomérations, au point que l'on parle de crise urbaine ? Y a-t-il d'ailleurs une crise strictement urbaine ou n'y a-t-il pas d'abord et avant tout une crise sociale qui, n'arrivant plus à s'exprimer dans l'entreprise, se développe désormais de manière privilégiée sur les territoires, et en particulier dans les banlieues ? Comme le dit l'exposé des motifs de votre projet de loi : « Une civilisation de la ville se cherche. Elle reste encore largement à construire. »

Qui ne voit aussi que les problèmes de développement économique, d'habitat, de mixité sociale et géographique, de transports, de services majeurs à rendre à la population ne peuvent trouver de solution satisfaisante qu'au niveau de l'agglomération ? Enfin et surtout, qui ne voit que les disparités des taux de taxe professionnelle au sein d'une même agglomération, non seulement accentuent les inégalités et les


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déséquilibres existants, qui témoignent de l'absence de solidarité dans notre société, mais constituent aussi un obstacle majeur à l'organisation cohérente et harmonieuse de nos agglomérations ? En proposant des mesures fiscales et financières très i ncitatives pour développer une taxe professionnelle unique dans les agglomérations - ce que la loi ATR de 1992 essayait déjà de promouvoir sans y être parvenue - et en en faisant la condition nécessaire pour la création de communautés d'agglomération et de nouvelles c ommunautés urbaines, vous donnez aux ensembles urbains l'instrument dont ils ont besoin pour se développer, s'aménager de manière cohérente, faire vivre la solidarité territoriale.

Au travers d'une taxe professionnelle unique, que d'énergie économisée dans une concurrence parfois surréaliste entre les communes, que d'implantations économiques prévues sans conception d'ensemble de l'aménagement évitées ou relocalisées, que de rancoeurs nées de compétitions exacerbées pourront ainsi être évitées pour progresser dans la voie de la solidarité territoriale ! Ce qui vaut pour l'ensemble des agglomérations françaises vaut encore plus pour les très grandes : les communautés urbaines. En relevant le seuil de création de ces communautés, vous avez souhaité qu'elles deviennent le mode d'organisation des très grandes agglomérations, celles que l'on appelait hier « les métropoles d'équilibre ».

Au moment où notre pays est de plus en plus engagé dans la construction européenne, il faut renforcer l'armature urbaine française, à la fois pour présenter une solution de rechange au développement inconsidéré de la région parisienne et pour assumer la concurrence désormais bien réelle avec les autres métropoles européennes.

Or, en matière de création de communautés urbaines et de structuration des grandes agglomérations, l'essentiel du travail est désormais accompli, puisqu'il n'en resterait que cinq à créer. S'il convient de parachever ce travail par la création des quelques communautés urbaines qui manquent, il faut surtout que celles qui existent déjà demeurent les plus intégrées et continuent de représenter l'expression la plus achevée de la coopération intercommunale. Cela passe, en particulier, par l'instauration de la taxe professionnelle unique dans les communautés urbaines existantes.

Or si le texte de votre projet de loi autorise une telle démarche, il n'y incite pas aussi fortement que pour les nouvelles communautés - qu'elles soient urbaines ou d'agglomération -, puisque, pour celles-ci, l'instauration de la taxe professionnelle unique est la condition nécessaire pour leur création. Les communautés urbaines existantes, après avoir été longtemps à la tête de l'intégrat ion intercommunale, risqueraient donc se retrouver à la traîne.

Vous pourrez me rétorquer qu'elles auront toujours la possibilité de décider de l'instauration d'une TP unique.

Certes, mais elles pouvaient déjà le faire dans le cadre de la loi de 1992 ; or aucune n'a usé de cette faculté. Il faut donc, monsieur le ministre, les y inviter beaucoup plus fortement. C'est le sens des amendements que j'ai déposés et que la commission des lois a acceptés. Ainsi, nous doterons notre pays des grandes agglomérations dont il a besoin pour prendre toute sa place dans le paysage des villes d'Europe. Il serait dommage que le projet de loi, qui propose une réforme d'ampleur de la coopération intercommunale, n'atteigne pas aussi cet objectif de c onstruction de grandes métropoles d'équilibre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 36 000 communes, cela semble beaucoup. Avant le dernier élargissement de l'Union européenne, la France comptait à elle seule plus de communes que les onze autres Etats membres.

Est-ce un héritage ? Et nous savons tous que dans notre vocabulaire politique le mot « héritage » a toujours une connotation négative. Est-ce « un héritage lourd à gérer », comme le souligne notre rapporteur à la page 11 de son rapport écrit ? Ou n'est-ce pas, au contraire, une richesse, une exception française porteuse d'exemplarité ? N'oublions pas non plus que 36 000 communes, ce sont des centaines de milliers d'élus locaux associés à la vie publique,...

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

500 000 !

M. Jacques Pélissard.

... ce sont 36 000 maires qui assument une gestion de proximité, qui jouent un rôle social, humain et technique essentiel, et qui, chaque jour, veillent à la paix, à la sécurité et au développement de leur commune, bref qui recousent le tissu social.

Par contre, la dispersion communale ne permet ni la conception, ni le financement de projets à impact supracommunaux, porteurs de compétitivité économique, facteurs de développement des équipements et des infrastructures.

Il nous faut donc concilier, d'une part, la pérennité et la liberté communales et, d'autre part, la solidarité territoriale.

Votre projet, monsieur le ministre, reprend plusieurs des idées et des principes pertinents posés par le projet de l oi rédigé par Dominique Perben au début de l'année 1997 et il présente des aspects intéressants.

Ainsi, il clarifie les procédures et améliore la lisibilité du dispositif en proposant trois formules de coopération correspondant à trois niveaux de population. J'espère seulement que cette clarification ne sera pas battue en brèche par la création des pays prévue par le projet de loi de Mme Voynet. En effet, l'article 19 de ce texte impose aux pays, pour qu'ils puissent contractualiser avec l'Etat, de se constituer en un établissement public de coopération intercommunale, en GIP ou en syndicat mixte. Or vous nous avez indiqué en commission des lois, monsieur le ministre, que les pays n'avaient nullement vocation à s'ériger en établissement public ou en échelon supplémentaire de collectivité territoriale. Cela mérite une précision.

E nfin, votre projet incite financièrement à une démarche intercommunale constructive.

Bref, pour le groupe du RPR, votre texte présente plusieurs aspects positifs. Toutefois, nous allons nous efforcer de contribuer à son amélioration sur différents points qui posent, par contre, de réels problèmes.

Le premier problème est relatif à la distorsion qui joue au détriment des zones rurales en matière de DGF. Il nous faut échapper, nous en sommes tous d'accord, au d ébat stérile ville-campagne. Chaque zone a ses contraintes : celles de la densité pour les villes ; celles de l'espace, voire de la désertification, pour les campagnes.

Ainsi, une communauté de communes jurassiennes est, en règle générale, constituée d'un habitat dispersé, ce qui


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implique donc l'entretien de dizaines, voire de centaines de kilomètres de voirie et d'un patrimoine bâti important.

Les contraintes des zones urbaines sont différentes de celles des zones rurales. Toutefois, cela justifie-t-il une répartition injuste des dotations ? Je ne le pense pas. Rien ne permet d'expliquer que les communautés d'agglomération perçoivent une DGF de 250 francs et les communautés de communes une DGF de 104 francs en moyenne. La distortion est réelle. Il nous faudra la corriger. La commission des lois a fait des propositions à cet égard.

L'intercommunalité doit être un outil efficace. Elle doit s'adresser à tous les Français, à ceux des villes comme à ceux des champs ! Le deuxième problème a trait aux communautés d'agglomération et au risque de voir apparaître une nouvelle distorsion, cette fois entre les agglomérations. La fixation du seuil démographique à 50 000 habitants est porteuse d'effets discriminatoires. A mon avis, ce seuil mérite d'être assoupli car il écarte des pans entiers du territoire, des départements complets de cette forme nécessaire d'organisation intercommunale.

L'administration du territoire moderne et concrète, à laquelle vous êtes attaché, monsieur le ministre, implique la vitalité communale en zone rurale, mais aussi que soient garantis la place, le rôle et donc le financement des agglomérations centres, lesquelles permettent précisément l'irrigation du tissu rural.

Il nous faut éviter d'en arriver à caricaturer cette vieille formule : « La capitale de région et le désert régional. »

Le rôle des agglomérations moyennes est essentiel. Elles évitent les concentrations humaines excessives, sources de toutes les pollutions : la pollution de l'eau, la pollution de l'air et même la délinquance, qui est une forme de pollution sociale encouragée par la concentration des hommes.

Les agglomérations moyennes sont également le support des services publics et elles gèrent au quotidien la liaison entre les villes et les campagnes.

Ce sont dans les villes moyennes que sont localisés les services publics d'Etat : services administratifs, services judiciaires, services hospitaliers, établissements de formation. Pour autant, ces services ne génèrent ni taxe professionnelle ni foncier bâti ; ils n'apportent donc aucune ressource aux villes chefs-lieux de département.

Ce sont également dans les agglomérations moyennes que les services municipaux supportent les charges de

« centralité ». Tous les maires des villes moyennes - et vous en fûtes un, monsieur le ministre - savent que les prestations fournies sur les plans sportif, culturel, social et scolaire bénéficient en général à plus de 50 % d'usagers extérieurs à la commune elle-même.

Ce sont les villes moyennes dont les strates de population se situent entre 20 000 et 50 000 habitants qui disposent, en proportion des charges qui sont les leurs, de la DGF par habitant la moins favorable.

C e sont enfin les villes moyennes d'au moins 20 000 habitants qui doivent contribuer, dans le cadre des contrats de Plan, au cofinancement des infrastructures routières, lesquelles profitent à leur périphérie.

Dans ce contexte et en fonction de ces éléments, ne serait-il pas possible, monsieur le ministre, que les structures intercommunales à fiscalité propre, incorporant des villes chefs-lieux de département, puissent devenir des c ommunautés d'agglomération ? Tel est d'ailleurs le souhait unanime du bureau de l'association des maires de France, bureau dont je rappelle qu'il est de composition pluraliste. De la sorte, nous parviendrions à une véritable équité territoriale.

Le troisième point qui pose problème concerne le pouvoir des communautés d'agglomération pour les choix optionnels.

C'est le conseil communautaire qui arrête à la majorité des deux tiers le caractère communautaire des compétences optionnelles choisies. Jusqu'à présent, la détermination de l'intérêt communautaire d'une opération requé-r ait au préalable la majorité qualifiée des conseils municipaux. Dans le présent projet, les conseils municipaux ne participent plus à la reconnaissance de cet intérêt. La communauté d'agglomération devient ainsi un véritable niveau autonome d'administration et le rôle des communes devient subsidiaire. Ce ne sont plus les communes qui décident de transférer les compétences dans des conditions précises et limitées mais le groupement qui définit lui-même les frontières de partage avec les compétences communales.

Ne convient-il pas, monsieur le ministre, d'associer les conseils municipaux à cette décision en prévoyant un vote à la majorité simple ou au moins un avis des conseils municipaux ? Cela pose une question de fond essentielle. De deux choses l'une : soit la communauté d'agglomération est délégataire des compétences des communes, et la délibération des conseils municipaux reste à mon sens nécessaire ; soit la communauté d'agglomération est une nouvelle structure détachée des communes, puisqu'elle peut fixer unilatéralement ses domaines d'intervention, et se pose alors avec acuité la question de l'élection directe de ses élus au suffrage universel, mode d'élection qui, je le rappelle, est souhaité par le Président de la République.

Si, monsieur le ministre, l'élection au suffrage universel n'est pas envisagée - et je peux le comprendre, étant donné l'état actuel de l'évolution des esprits -, la cohérence impose que les communes demeurent délégantes par rapport à des communautés d'agglomération délégataires, ce qui implique que les communes se prononcent par délibération de leurs conseils municipaux sur les choix des compétences optionnelles exercées par les communautés d'agglomération.

Le quatrième et dernier problème est relatif à la création des périmètres des EPCI. Le périmètre est fixé soit par le préfet, soit à l'initiative d'un ou plusieurs conseils municipaux. Les conseils municipaux auront trois mois pour se prononcer sur l'arrêté. A défaut, le silence gardé vaudra décision implicite d'acceptation.

Or - et j'insiste sur ce point, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur - l'intercommunalité suppose un engagement clair et précis de la part de chacune des collectivités locales. Dès lors, la disposition selon laquelle le silence gardé vaut décision favorable pourrait engendrer des intercommunalités par défaut : une commune pourrait être incorporée dans les rangs de l'intercommunalité sans en avoir débattu.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Cela existe déjà !

M. Jacques Pélissard.

Or, en matière de démocratie et de respect de la liberté communale, un tel dispositif apparaît dangereux. Je souhaite donc que le texte soit modifié et qu'il soit prévu l'obligation d'inscrire la question à l'ordre du jour de la prochaine séance du conseil municipal qui suit la notification de l'arrêté de périmètre et ce afin de permettre débats et échanges.


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Voilà, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, quelques éléments de réflexion. Je souhaite que, sans parti p ris, sans approche politicienne, nous préparions ensemble, si vous acceptez certains de nos amendements, un texte qui améliore durablement le fonctionnement intercommunal, lui-même garant de la pérennité communale. Les communes, issues de la Révolution française, constituent le socle de la République. Les élus locaux, auxquels nous devons faire confiance, étant, quant à eux, non point les hussards de notre démocratie, mais ses fantassins.

M. le président.

La parole est à M. Jean Codognès.

M. Jean Codognès.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la création des communautés de communes et des communautés de villes par la loi portant administration territoriale de la République du 6 février 1992, l'intercommunalité est devenue sans conteste une pratique incontournable dans la gestion quotidienne de toute collectivité locale.

Transversal ou thématique, le mariage des clochers se décline aujourd'hui sous les formes les plus diverses.

Inhérent à l'aménagement du territoire, il a souvent répondu aux nécessités du moment qui, avec le temps, ne sont plus forcément d'actualité.

Le projet soumis à notre assemblée devrait, à mon sens, contribuer à instaurer un nouvel équilibre de nos territoires et, de ce fait, moderniser le cadre de la décentralisation. De plus, ce texte tire les enseignements des principales évolutions constatées ces dernières années.

Ainsi, la réforme part d'un constat pertinent : le bilan réaliste de la loi ATR du 6 février 1992.

Le bilan quantitatif de cette loi en matière d'intercommunalité est incontestablement positif. Chacun s'accorde à reconnaître les progrès de l'intercommunalité sur le terrain. Les structures de coopération à fiscalité propre, en particulier les communautés de communes, se sont multipliées et, parallèlement, l'adhésion à l'intercommunalité s'est largement répandue.

Le bilan qualitatif, lui, appelle un jugement plus nuancé. On peut en effet s'interroger sur la portée et sur l'effectivité de certaines structures intercommunales. Les communautés de villes en sont l'exemple le plus significatif. Mais les doutes portent aussi sur l'efficacité sociale de ces structures. Dans quelle mesure l'intercommunalité a-telle permis d'améliorer la vie quotidienne des citoyens ? Dans quelle mesure a-t-elle contribué au développement local et à la création d'emplois ? Ces interrogations suscitent la perplexité des Français et font craindre à certains élus que les coûts qu'engendre l'intercommunalité ne l'emportent sur les éventuelles économies d'échelle qu'elle permet de réaliser.

Face à cette réalité, ce projet de loi est empreint de pragmatisme. En effet, le texte permettra aux communes d'évoluer à leur rythme dans l'intercommunalité, ce qui signifie, à la lecture du projet, coopération librement consentie, simplification, assouplissement de l'organisation et du fonctionnement des régimes existants.

En outre, le Gouvernement aborde avec beaucoup de lucidité le cadre législatif existant, pour le réformer intelligemment. La loi du 6 février 1992 a, par son application, soulevé les trois handicaps majeurs de l'intercommunalité. En effet, son déficit de démocratie, le manque de lisibilité fiscale et l'échec des communautés de villes incitaient à se poser des questions sur l'avenir. Ce texte apporte des solutions souples et efficaces à chacun de ces problèmes.

Au déficit démocratique, le Gouvernement répond par une meilleure information des conseils municipaux des communes membres de la communauté et par une plus grande association des citoyens aux décisions communautaires, à travers les comités consultatifs.

Au manque de lisibilité fiscale, le projet répond notamment par la création de la taxe unique d'agglomération.

Enfin, l'échec des communautés de villes a incité le Gouvernement à créer des communautés d'agglomération, dont la constitution sera appuyée par de nombreuses mesures volontaristes, en particulier par une révision de la dotation globale de fonctionnement des groupements.

Sur tous ces points, les choix du Gouvernement sont des plus pertinents. C'est donc avec confiance, monsieur le ministre, que les élus attendent ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Monsieur le ministre, je voudrais, au coeur de ce débat, exprimer deux idées-forces pour compléter ce qu'ont déjà dit, souvent très bien, les orateurs qui se sont exprimés.

D'abord, il faut marier la politique d'aménagement du territoire et la politique d'organisation territoriale, d'organisation intercommunale de ce territoire. Nous souhaitons tous ce mariage et nous aurions aimé que ces deux thèmes soient abordés dans le même débat, fassent l'objet du même texte. Nous ne vous demandons pas d'épouser Mme la ministre de l'aménagement du territoire (Sou-r ires), nous souhaitons simplement que les idées s'épousent et se complètent, pour aboutir à une politique cohérente répondant aux aspirations de l'ensemble des députés. Ce qui m'a beaucoup frappé, en commission et dans différents débats, c'est que ces idées nous rassemblent et ne nous divisent pas, contrairement à ce qui arrive si souvent.

Votre responsabilité est donc importante : vous pouvez rassembler les Français et les entraîner vers le futur dans la mesure où votre politique s'adapte à la politique d'aménagement du territoire, lui apporte des réponses et des moyens.

Le texte qui nous a occupés pendant trois jours et trois nuits traduit notre volonté d'aménager, de valoriser, de dynamiser, d'équilibrer le territoire.

Le présent texte, quant à lui, précise qui pourra aménager, dynamiser, équilibrer et valoriser le territoire, qu'il s'agisse d'espaces ruraux ou d'espaces urbains.

Il faut bien être conscient que c'est le projet de loi Chevènement qui permettra d'atteindre les objectifs de la loi Voynet.

Nous savons tous que la commune est la cellule de base de la démocratie mais qu'il faut aboutir à l'intercommunalité.

Le rapporteur a insisté à juste titre sur un point,...

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Merci !

M. Léonce Deprez.

... c'est qu'il y a deux France : celle des 17 760 communes entraînées dans un esprit intercommunal vers le futur, et celle des 20 000 autres communes,...

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Qui hésite !

M. Jean-Pierre Balligand.

19 000 !

M. Léonce Deprez.

... qui sont en train de piétiner.


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En fait, la France est coupée en deux : 31 millions d'habitants entraînés dans l'intercommunalité, et les autres. Nous voulons mettre fin à cette inégalité parce qu'elle entraîne manifestement des retards.

Vous avez apporté un élément intéressant : nous allons simplifier en créant des communautés de communes et des communautés d'agglomération.

Les communautés de communes vont s'occuper du développement et de l'aménagement des pays, leur donner un espoir, et les communautés d'agglomération vont accroître les perspectives d'avenir des communes regroupées dans une aire urbaine.

Nous avons fait à cet égard des propositions au sein des différentes commissions, et il faut reconnaître que notre collègue Balligand a oeuvré très utilement. Grâce à sa proposition, il y aura une dotation de 250 francs pour la communauté d'agglomération, et une autre dotation pour les communautés de communes.

Le débat n'est pas clos. Il faudrait une incitation aussi forte pour les communautés de communes que pour les communautés d'agglomération. Certes, les secondes ont des charges plus lourdes. Mais si, pour les communautés de communes, on n'accordait pas 150 francs par habitant, comme on l'a annoncé, mais 200 francs, ce serait une incitation à n'avoir plus qu'une France, où les structures intercommunales seraient aussi bien traitées les unes que les autres.

En réalité, nombre de syndicats intercommunaux à vocation multiple n'ont pas encore franchi le pas, n'ont pas encore compris la nécessité de se structurer en communautés de communes. Si, comme on peut l'espérer, l'incitation financière venant de l'Etat est supérieure à 150 francs par habitant en moyenne, si l'on peut atteindre 200 francs, ce serait plus efficace qu'une loi, car les élus locaux qui ont du bons sens s'attacheraient à organiser la vie intercommunale.

Vous devez donc nous comprendre lorsque nous vous disons qu'il faut, aux côtés des communautés d'agglomération, des communautés de communes aussi stimulantes pour les élus locaux, qu'il soient ruraux ou élus de villes petites et moyennes, que l'est la perspective d'une dotation de 250 francs par habitant pour les communautés d'agglomération.

Vous pouvez favoriser le développement local grâce à l'organisation territoriale que permet l'intercommunalité, mais aussi par la prise de conscience que la France a une vocation touristique qu'elle peut développer considérablement. Les pouvoirs publics peuvent jouer à cet égard un grand rôle car l'économie touristique est une économie partenariale qui doit associer le dynamisme public et le dynamisme privé. J'ai proposé pour ma part une organisation territoriale de l'économie touristique qui aurait l'avantage de permettre d'actualiser des textes dont certains datent de plus de cinquante ans. Je vais remettre le travail que j'ai réalisé à vos collaborateurs, monsieur le ministre. Il constituera peut-être la base d'un projet nouveau qui permettra à toutes les régions de France d'être motivées et de se mobiliser en faveur du développement de l'économie touristique, à partir des 1 500 à 2 000 pôles territoriaux d'économie touristique que compte notre pays.

Telles sont les deux idées-forces que je voulais développer. J'espère que vous donnerez suite à ce message et que les dispositions de ce projet de loi nous offriront des raisons d'espérer et de nous regrouper autour d'une politique visant à ce qu'il n'y ait pas deux France demain, mais une seule pour aborder le prochain siècle.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Vachez.

M. Daniel Vachez.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons, les inégalités sociales, économiques, culturelles et les ségrégations qu'elles entraînent s'inscrivent très profondément dans les territoires. Les déséquilibres dans les espaces urbains, qui ont eu tendance à s'accroître ces trente dernières années sous l'effet conjugué de la crise économique et du développement accéléré des villes, sont le produit des inégalités sociales et économiques existantes. Mais, en retour, ces déséquilibres graves contribuent à creuser ces inégalités, renforçant les ségrégations, voire l'exclusion dont sont victimes les habitants des territoires concernés.

C'est pourquoi la recherche d'une meilleure organisation urbaine est plus que jamais indispensable, comme une affirmation de notre volonté de maîtriser le devenir de nos villes en refusant de céder à la force, à la fois injuste et hiératique, du marché.

Dans un pays comme le nôtre, marqué par le morcellement communal, l'intercommunalité répond d'abord à la nécessité d'une conduite plus rationnelle des politiques locales, et donc plus soucieuse des deniers publics.

Nous avons tous pu constater des exemples de gâchis, constitués par certains aménagements dictés davantage par une vision étriquée des compétences communales que par le souci de répondre aux besoins des populations. La demande, réelle, s'inscrivant souvent dans des territoires dépassant largement les frontières communales.

Mais l'intercommunalité répond surtout à la nécessité d'oeuvrer à une plus grande solidarité urbaine, tant il est vrai que la recherche d'une plus grande justice sociale nécessite une lutte renforcée contre les inégalités spatiales.

Le chemin parcouru n'est pas négligeable puisque, comme cela a été déjà souligné, près de la moitié des communes sont aujourd'hui associées dans des structures de coopération intercommunale à fiscalité propre, qui concernent un peu plus de la moitié de nos concitoyens.

Mais il fallait aller encore plus loin dans la promotion d'une véritable intercommunalité de projet fondée autour de territoires cohérents, notamment dans les zones fortement urbanisées qui concentrent la plupart des déséquilibres. Le texte qui nous est aujourd'hui présenté introduit véritablement les outils nécessaires pour donner un second souffle à l'intercommunalité.

Je pense, bien sûr, à la simplification des structures existantes et à la mise en place d'un corps de règles unifiées relatives au fonctionnement et à l'organisation de l'ensemble des structures de coopération intercommunale.

Cette simplification était indispensable à une meilleure lisibilité de l'intercommunalité, tant pour les élus que pour les citoyens.

Mais je pense surtout au versement d'une dotation d'un montant significatif pour inciter fortement à une intercommunalité intégrée et à la mise en place d'une taxe professionnelle d'agglomération, dont nous savons bien qu'elle est l'instrument privilégié de l'exercice d'une véritable solidarité intercommunale.

La redéfinition du mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale va également dans le bon sens puisqu'elle permettra une meilleure modulation de l'aide apportée par l'Etat en fonction de la réalité des compétences exercées.

Ces éléments sont donc de nature à permettre d'avancer vers une intercommunalité plus forte, plus intégrée et jouant ainsi pleinement son rôle de lutte contre les inégalités spatiales.


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Je regrette cependant que les villes nouvelles soient les grandes oubliées de ce projet de loi. Avec les communautés urbaines, les agglomérations nouvelles constituent la forme la plus avancées de coopération intercommunale ; elles sont dotées depuis longtemps d'une taxe professionnelle unique et d'une très large délégation de compétences. En l'espace d'un peu moins de trente ans, elles ont su donner corps à une intercommunalité de projet et de solidarité concernant près d'un million d'habitants.

Au moment où l'on évoque la fin des villes nouvelles et où, très concrètement, Evry et Saint-Quentin-enYvelines sont appelées à sortir à brève échéance du dispo sitif, il est nécessaire d'apporter des réponses quant à leur avenir juridique et financier.

En cohérence avec la volonté de simplification qui anime le projet de loi, les élus des SAN ne revendiquent pas le maintien d'un statut qui serait durablement exorbitant du droit commun. Mais ils tiennent à conserver les acquis de vingt-cinq ans d'une coopération intercommunale fortement inscrite dans la réalité quotidienne des habitants.

Alors que les agglomérations nouvelles constituent sans doute le meilleur exemple d'une intercommunalité solide et qui réalise une effective solidarité entre ses membres, il serait paradoxal que le projet de loi que nous sommes amenés à examiner, et dont la vocation première est der enforcer la coopération intercommunale en milieu urbain, conduise à un affaiblissement de l'intégration réalisée et des compétences effectivement exercées.

L'assemblée des élus des villes nouvelles avait, vous le savez, monsieur le ministre, marqué sa préférence pour le statut des communautés urbaines, qui semblait le mieux en adéquation avec les compétences très larges exercées par les SAN.

La fixation à 500 000 habitants du seuil requis pour la création de nouvelles communautés urbaines semble a priori exclure cette possibilité.

En tout état de cause, il importe que le statut finalement retenu pour succéder aux SAN prenne en compte l'histoire et l'identité des villes nouvelles.

Des amendements parlementaires émanant de mon groupe politique ont été déposés, qui visent à combler le vide juridique actuellement existant. Je souhaite qu'ils soient pleinement pris en compte. Néanmoins, ils ne règlent pas l'ensemble des problèmes auxquels sont confrontés les SAN.

La question du financement est évidemment prédominante. Or les dotations affectées aux futures communautés d'agglomération, qui, en l'état actuel de la réflexion, seraient amenées à se substituer aux SAN, se situent bien en deçà des besoins.

Les villes nouvelles connaissent en effet des situations contrastées. Si certaines d'entre elles sont achevées et s'apprêtent à quitter le dispositif, d'autres sont encore en plein essor, à la fois démographique et économique.

Opérations classées d'intérêt national, les villes nouvelles ont connu un développement urbain accéléré, source d'un très fort endettement. Les équipements d'accompagnement des logements, dans les domaines scolaire, parascolaire, sportif et culturel, l'aménagement des espaces ou les installations d'assainissement nécessitent de très importants financements.

Depuis leur origine, les villes nouvelles ont bénéficié d'un fort soutien financier de l'Etat, en compensation de l'effort de construction accompli pour accueillir des populations souvent modestes. Mais ce soutien s'amenuise régulièrement. J'avais d'ailleurs interrogé au printemps dernier le ministre de l'équipement sur la disparition de la dotation globale d'équipement des agglomérations nouvelles. Il avait reconnu la nécessité de poursuivre l'aide aux villes nouvelles n'ayant pas encore atteint l'équilibre, et s'était engagé à ce qu'une solution soit recherchée.

Depuis, l'annonce de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle a renforcé l'inquiétude des élus concernés quant à la garantie de disposer de ressources suffisantes pour faire face aux dépenses engendrées par l'urbanisation.

C'est dire s'il convient d'être particulièrement attentif au maintien du niveau des dotations dont bénéficient les villes nouvelles.

Pour conclure, je souhaite rappeler que les villes nouvelles ont été les pionnières de l'intercommunalité.

Certes, elles ont aujourd'hui à subir, comme d'autres, les difficultés liées à la crise économique et sociale. Mais elles ont très largement satisfait aux objectifs qui leur étaient assignés. Elles ont répondu à la forte demande de logements, ont accueilli une population très diversifiée et souvent modeste, voire très modeste, ont su concilier développement et solidarité économique tout en offrant aux habitants un cadre de vie agréable et des services publics multiples.

Il importe donc aujourd'hui que le Gouvernement fournisse aux villes nouvelles les assurances tant juridiques que financières leur garantissant qu'elles pourront poursuivre et achever leur développement dans la fidélité à l'esprit qui a fondé leur création : la recherche d'un meilleur équilibre social, économique, urbanistique et environnemental. Un esprit qui, je crois, peut continuer à ouvrir la voie à l'intercommunalité d'agglomération que le Gouvernement souhaite voir bâtir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Paillé.

M. Dominique Paillé.

Monsieur le ministre, le projet que vous nous présentez avait fait naître beaucoup d'attentes parmi les élus locaux français. Mais force est de constater qu'il risque de nourrir un grand nombre de frustrations et de susciter beaucoup de regrets car il manque de souffle, il ne fait pas progresser réellement la démocratie et il présente une lacune très importante en ne traitant pas d'un problème lancinant, notamment dans les zones rurales, né de l'application de la loi Marcellin de 1971.

Ce projet manque de souffle : il manque deux objectifs, unanimement reconnus comme acceptables.

Le premier de ces objectifs manqués est la rationalisation de la cartographie communale. En effet, le texte maintiendra les 36 000 communes françaises. Certains peuvent s'en réjouir, mais ce n'est pas mon cas - je pense que nos communes sont trop nombreuses.

Le second est la rationalisation des structures intercommunales.

D'ailleurs, votre projet avait été présenté comme devant opérer cette rationalisation. Or il ne rationalise rien, il ne simplifie rien et, au bout du compte, il ne change rien.

Mme Nicole Bricq.

Attendez ! On verra bien !

Mme Martine Lignières-Cassou.

M. Paillé fait dans la nuance !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

M. Dominique Paillé.

Votre texte ne fait pas progresser la démocratie, monsieur le ministre, car ainsi que cela a déjà été dit, il creuse le déséquilibre existant entre les zones urbaines et les zones rurales, notamment en matière d'aides.

Au surplus, et très curieusement, alors même qu'il renforce l'intercommunalité que représentent les communautés à fiscalité propre, il ne va pas jusqu'à en tirer la conséquence logique qui serait de doter les organes exécutifs et délibératifs de ces structures de la légitimité que confère le suffrage universel. Nous risquons donc, dans les prochains mois ou les prochaines années, de déplorer que les maires, qui verront leurs prérogatives diminuer, seront les seuls dépositaires d'une autorité qui leur aura été donnée par le suffrage universel direct, contrairement aux présidents de structures intercommunales, qui verront quant à eux leurs prérogatives et leurs possibilités financières s'accroître.

Enfin, je regrette profondément que votre projet de loi ne comble pas une lacune qui me semble extrêmement d ommageable parce qu'elle concerne 8 000 des communes françaises. Il aurait pu être l'occasion de régler les difficultés nées de la loi Marcellin de 1971, qui a créé les communes fusionnées associées. Parmi celles qui ont choisi cette voie, un grand nombre ont demandé des dissociations et un très grand nombre de ces dissociations ont été accordées par les préfets. Mais il est vrai que la situation n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire.

Dans le volet « démocratie » de votre projet, cet oubli me semble regrettable. C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à le réparer. Il me semble que, en saisissant l'occasion que présente votre texte, nous pourrions offrir aux communes qui veulent « défusionner » la possibilité de le faire avant les échéances électorales de 2001.

La loi pourrait prévoir qu'elles seraient alors ipso facto intégrées dans une communauté de communes à taxe professionnelle unique, ce qui rendrait la rupture moins forte et permettrait à l'acquis commun de perdurer au moins en partie.

J'aimerais, monsieur le ministre, que vous examiniez avec bienveillance mon amendement. Dans les zones rurales, et je sais que M. le rapporteur est très sensible à la situation car il est directement concerné, cette difficulté, qui se rencontre au quotidien, est pratiquement ingérable dans un grand nombre de cas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance ; du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Roland Garrigues.

M. Roland Garrigues.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne m'attarderai pas sur le fond du texte qui nous est présenté. C'est une loi nécessaire, et le nombre des intervenants montre le vif intérêt qu'elle suscite. Mes appréciations porteront sur le volet fiscal et financier.

Je parlerai d'abord des éléments de calcul du coefficient d'intégration fiscale.

Avec la population et le potentiel fiscal, le coefficient d'intégration fiscale est l'un des trois éléments pris en compte dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement intercommunale. Le projet de loi propose de corriger ce coefficient des dépenses de transfert, c'est-àdire des compétences qui ne sont pas directement affectées à l'exercice d'une compétence intercommunale. Il importe en effet que le coefficient reflète véritablement le degré d'intégration intercommunale et permette un partage équitable de la dotation globale de fonctionnement.

Le projet de loi précise que la communauté d'agglomération exercerait de plein droit, en lieu et place des communes membres, quatre compétences : développement économique, aménagement de l'espace, logement et équilibre social de l'habitat et politique de la ville.

La communauté d'agglomération devrait en outre choisir deux au moins des compétences parmi les quatre suivantes : voirie, assainissement et qualité de l'eau, collecte et traitement de déchets, construction et aménagement d'équipements sportifs et scolaires liés à des services publics d'intérêt communautaire. Parmi ces compétences optionnelles, la faculté de choisir la compétence « collecte et traitement des déchets » est intéressante, mais il semblerait opportun, pour cette compétence particulière, de ne pas réduire le coefficient d'intégration fiscal des éventuelles dépenses de transfert correspondant à des degrés plus importants d'intercommunalité. En effet, certains sujets présentent un caractère transversal, qui dépasse largement les compétences devant être attribuées aux étab lissements publics de coopération intercommunale.

L'épineux problème de l'épandage des boues d'épuration en fait d'ailleurs partie.

Le traitement des déchets s'inscrit dans le cadre plus général des actions menées en faveur de l'environnement et du cadre de vie. C'est dans cette logique que le législateur a voulu que les schémas d'élimination des ordures ménagères soient déterminés au niveau départemental.

La communauté d'agglomération peut être un bon niveau pour exercer la collecte des ordures ménagères. En revanche, faut, pour ce qui concerne la compétence « élimination des déchets », laisser la porte ouverte à une éventuelle coopération entre les établissements publics de coopération intercommunale à un niveau départemental ou même interdépartemental. C'est pour cela qu'il me semble intéressant que les participations des établissements publics de coopération intercommunale à de telles structures soient prises en considération dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement et qu'elles ne viennent pas en déduction.

Je pense en effet que les compétences liées à l'environnement, prioritaires pour le pays, ne doivent pas être considérées comme des compétences de transfert. Elles doivent donc être intégrées dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale.

Deuxième sujet que je souhaite aborder : les problèmes que rencontrent les petites communes rurales quand elles adhèrent à un établissement public de coopération intercommunale qui opte pour une fiscalité additionnelle et dont la ville centre a une structure fiscale très différente de la leur. Cela se produit en particulier lorsque les communes rurales ont des taux d'imposition de taxe professionnelle proportionnellement plus faibles que ceux de la ville centre - c'est le cas de Montauban.

Le calcul des taux d'imposition communaux se fait en application d'un coefficient de variation proportionnelle déterminé par le rapport du produit attendu des quatre taxes sur le produit assuré. Or cela peut avoir une influence sur la structure des taux d'une commune donnée et induit, mécaniquement, une augmentation des impôts-ménages et une diminution de la taxe professionnelle.

La volonté d'inverser cette tendance se heurtait à la contrainte de la règle du lien des taux. En effet, on peut aisément comprendre que la structure des taux de la


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communauté de communes reflète surtout la structure des taux de la commune qui pèse le plus en termes de produit fiscal transféré. Afin de corriger l'influence de ce déséquilibre, il conviendrait d'apprécier la variation proportionnelle des taux globalement en considérant des taux consolidés.

L'adoption d'un tel principe permettrait de rétablir l'équité entre les contribuables.

A pression fiscale égale, le législateur pourrait donc autoriser une commune à opérer des variations différenciées de ses taux dans la limite des taux votés l'année précédente.

Le même scénario devrait pouvoir être envisagé si la commune décide de faire varier sa pression fiscale, en faisant varier le taux consolidé de l'évolution de la pression fiscale.

Tels sont les différents sujets que je voulais évoquer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Monsieur le ministre, le principe même de l'intercommunalité ne peut réellement être combattu par personne. En effet, les problèmes complexes auxquels sont de plus en plus souvent confrontés les maires et, d'une façon générale, les élus locaux, imposent des solutions adaptées. Très souvent, les réponses sont trouvées dans les structures et les compétences communales. Parfois, les problèmes ne peuvent être réglés qu'à un échelon intercommunal, ce que la plupart des élus acceptent bien volontiers.

Ce n'est pas pour rien que 17 760 communes sur les 36 763 que compte notre pays sont déjà associées dans des structures de coopération intercommunale à fiscalité propre - districts, communauté de communes, communautés de ville, communautés urbaines et syndicats d'agglomération nouvelle -, ce qui représente une population de 31,7 millions de citoyens.

Le principe étant posé, il convient d'examiner si les mesures prévues correspondent aux attentes des collectivités locales concernées.

J'insisterai d'abord sur un point qui me semble capital et sur lequel l'Association des maires de France a émis un avis : la procédure d'acceptation des communes pour adhérer à un EPCI.

En effet, après l'initiative prise par un ou plusieurs conseils municipaux ou par le préfet, les conseils municipaux auront trois mois pour se prononcer sur l'arrêté. A défaut, leur silence vaudra acceptation.

L'intercommunalité suppose un engagement clair et précis de la part de chacune des collectivités locales. La procédure prévue dans le projet de loi permettrait donc d'engager les communes dans une intercommunalité par défaut. Mais il serait préférable que le silence gardé équivale à une décision défavorable. D'ailleurs, on pourrait faire en sorte que la procédure soit plus nette en rendant obligatoire son inscription à l'ordre du jour de la séance du conseil municipal qui suit la notification de l'arrêté de périmètre, permettant ainsi débat, échange et décision.

L'innovation du projet de loi réside dans la création des « communautés d'agglomération », pour lesquelles vous prévoyez, d'une part, un seuil de population de 50 000 habitants et, d'autre part, une ville centre de 15 000 habitants. Vous ajoutez une incitation financière de 250 francs de dotation globale de fonctionnement par habitant pour ces nouvelles structures.

Cependant, les communes qui se sont déjà regroupées en communautés de communes ne pourront pas bénéficier des avantages financiers prévus par la nouvelle loi. Je pense notamment à des communes de banlieue qui, pour régler un certain nombre de problèmes en commun, ont créé des communautés de communes. Celles-ci peuvent être placées en lisière d'une grande ville, non contre la grande ville, mais en complément de celle-ci. En effet, l'intercommunalité plus large ne pourra réellement se réaliser qu'à partir du moment où les appréhensions auront disparu, c'est-à-dire quand la pratique de l'intercommunalité aura démontré que les intérêts de chacun seront sauvegardés.

Il faut pouvoir encourager la création de structures intercommunales même si les périmètres peuvent sembler au départ moins ambitieux. C'est pourquoi je pense qu'il faut que la communauté d'agglomération, dont on aurait d'ailleurs pu faire l'économie en transformant les structures existantes, voie son seuil ramené à 20 000 habitants et que soit supprimée la notion de ville centre. Ainsi, nombre de communes s'associeront dans le dispositif et feront l'expérience de l'intercommunalité.

Pour moi, le moteur de la communauté d'agglomération doit être plus la notion de projet commun que celle de population et d'existence ou de non-existence d'une c ommune centre. Un tel système permettrait aux communautés de communes de plus de 20 000 habitants ne possédant pas de commune centre et ayant déjà joué le jeu de l'intercommunalité d'être encouragées à poursuivre et même à renforcer leurs actions.

Par ailleurs, je voudrais insister sur un point sur lequel les maires sont dubitatifs : la dotation globale de fonctionnement de 250 francs par habitant. Chacun s'accorde sur le fait qu'il s'agit d'une mesure incitative, mais la question qui vient immédiatement à l'esprit des maires est la suivante : pour combien de temps ? Ne serait-il pas utile d'inscrire dans la loi une durée d'application de la mesure - dix ans, par exemple ? Cette indication serait une garantie donnée aux communes et une incitation encore beaucoup plus forte à se lancer dans une aventure intercommunale.

Au-delà de ces dispositions, sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir lors de la discussion des amendements, je voudrais me faire l'interprète des préoccupations des maires qui, toutes tendance confondues, s'interrogent sur la réforme qui nous est proposée.

Ils regrettent notamment que l'Etat continue de prélever près de 80 % des ressources fiscales et ne profite pas de cette occasion pour décentraliser davantage les moyens mis à la disposition des collectivités locales qui, quant à elles, réalisent 80 % des équipements publics de notre pays.

Enfin, tous regrettent qu'à aucun moment l'Etat ne s'exprime dans le sens de l'allégement des charges administratives ni s'agisse contre la complexité des procédures qui rendent la vie des élus et des fonctionnaires municipaux de plus en plus difficile. Votre réforme est, hélas, muette sur ces points. C'est fort dommage car il s'agit là de préoccupations majeures et quotidiennes des collectivités locales.

J'espère que le débat ne sera pas seulement théorique, et que le Gouvernement saura entendre l'expression des députés, de l'opposition en particulier, de façon que la réforme réponde le plus possible aux attentes des élus locaux et des citoyens qu'ils représentent.

M. Léonce Deprez.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Bricq.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

Mme Nicole Bricq.

Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez exprimera la volonté de donner un coup d'accélérateur à l'intercommunalité urbaine.

Je le considère comme une nouvelle étape, importante, après celles de 1982 et de 1992. Peut-être celle-ci se ferat-elle plus en douceur. En tout cas, elle me semble préfig urer le paysage administratif des quinze ans qui viennent.

A un moment donné, il faudra bien, et cela a été souligné par certains de mes collègues ce matin, remettre à plat les compétences. Cette remise à plat, inéluctable, viendra à son heure.

Vous voulez par votre projet favoriser les mécanismes de péréquation à une échelle pertinente pour assurer plus d'équité fiscale et d'efficacité économique. Sans doute est-ce là la fin de la stupide et improductive concurrence que se font les communes entre elles pour attirer les entreprises.

Le moyen que vous avez choisi est l'outil fiscal de la taxe professionnelle unique dans le but de maîtriser l'aménagement du territoire et assurer une meilleure solidarité dans la répartition du développement local. Toutefois, élue de la grande couronne d'Ile-de-France, je crains que, dans notre région, ce mécanisme ne soit insuffisant.

En effet, très peu d'intercommunalité existe à ce jour, alors même que les politiques d'urbanisme, de développement économique, de déplacements urbains et de logement même dépassent le cadre communal et intercommunal.

Le rapporteur de la commission des lois, M. Gouzes, faisant le même constat, écrit que cette situation tient sans doute à la spécificité de l'agglomération parisienne.

Mais quelle est précisément cette spécificité ? En un mot, je la qualifierai de déséquilibrée : elle est déséquilibrée spatialement, économiquement et, pour finir, socialement. Le projet de loi en tient compte puisqu'il prévoit, en son article 57, dont nous reparlerons au cours de la discussion, un renforcement de la péréquation entre les communes riches et les communes pauvres par le biais du fonds de solidarité instauré par la loi de 1991. Mais cela suffira-t-il ? Je crains que non.

Une étude récente de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France montre que les disparités s'accentuent avec le temps et que le marquage social des territoires s'aggrave. En dix ans, les communes les plus riches se sont enrichies et les communes les plus pauvres se sont appauvries.

Il y a plus grave : la dégradation des territoires s'opère au niveau des ensembles de communes, précisément à celui de ces aires urbaines que vous voulez créer. Dans la g rande couronne, presque toutes les agglomérations urbaines sont engagées dans un processus d'appauvrissement relatif. Le risque est grand que les riches s'allient avec les riches, et les pauvres avec les pauvres.

On a donc une région globalement riche, mais où la pauvreté s'accroît.

Que dire de la politique de la ville dans notre région ? Elle est condamnée à n'être que curative si l'on ne trouve pas, à terme, les bons niveaux de péréquation.

On ne peut qu'encourager le mouvement que la loi veut initier. Mais il faut en même temps se poser la question du champ de la taxe professionnelle unique. La voie que vous avez choisie est celle de la communauté d'agglomération. Les orateurs franciliens qui ont parlé avant moi - M. Carrez, M. Delattre et Mme Jacquaint - ont, quelle que soit leur appartenance politique, mis en évidence les difficultés d'application du dispositif. Il est indispensable de réfléchir, avec l'audace nécessaire, pour trouver le niveau pertinent.

Si l'on considère qu'en Ile-de-France le vrai niveau de péréquation, d'aménagement et de développement économique est la région, alors l'outil fiscal adapté est la taxe professionnelle unique au niveau de cette même région.

Et il ne suffit pas de dire que c'est l'avis du ministère des finances pour prouver que ce n'est pas une bonne méthode. Le rapporteur pour avis, M. Chouat, s'est demandé si une mesure autoritaire imposant la taxe professionnelle unique ne serait pas de mise. Il a écarté cette solution au regard du principe de la libre administration des communes inscrit à l'article 72 de notre constitution.

Il ne faut pas faire un tabou de ce sujet. Il faut y réfléchir rationnellement.

Le texte du Gouvernement ouvre une nouvelle voie.

Compte tenu du retard pris en Ile-de-France, nous ne ménagerons pas nos efforts pour l'emprunter, mais il nous faudra un autre rendez-vous pour assurer les bons niveaux de solidarité dans cette région. En effet, malgré les efforts que la gauche a pu faire chaque fois qu'elle s'est trouvée aux responsabilités, les écarts s'aggravent. Il faut donc trouver une autre méthode. Nous soutiendrons ce projet de loi, mais nous demandons l'ouverture de cette réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi fait accomplir une avancée importante à la politique d'intercommunalité et permet de souligner que déjà un peu plus de la moitié de la population française est organisée sur la base de structures intercommunales. Un faux procès lui a été fait ici ou là. Certains ont dit, en effet, qu'il serait plus urbain que rural. Or les chiffres sont là. La loi de février 1992 a bien marché puisque 1 241 communautés de communes sont aujourd'hui en place, plutôt en zone rurale, alors que l'on ne dénombre que cinq communautés de villes. Le constat est facile à faire. La communauté d'agglomération, qui est l'un des éléments forts de votre projet de loi, s'impose.

Deuxièmement, ce projet tient compte de la place essentielle des communes dans notre démocratie, il faut le souligner. Aucune démarche d'intercommunalité ne se fera contre les communes. Elles sont au centre de notre démocratie et tout ce qui permettra une démarche volontaire dans laquelle les compétences acceptées par les communes sont aussi souhaitées par chacun des conseils municipaux va dans la bonne direction. Bien sûr, il faut un socle, mais la dimension volontaire est essentielle dans cette démarche d'intercommunalité.

Troisièmement, c'est sans doute la première fois depuis bien longtemps qu'un projet de loi prévoit un financement de l'Etat en direction des collectivités locales : 500 millions de francs par an, jusqu'à 2005, pour financer la DGF des communautés d'agglomération. Ce n'est pas rien ! C'est déjà une somme significative et certaines dispositions du projet permettent son augmentation.

C'est donc un signe important. Nous reprochons trop souvent à l'Etat de se décharger sans contrepartie de certaines de ses responsabilités au détriment des collectivités locales pour ne pas nous réjouir de ce dispositif précis.

Quatrième point : la transparence et la démocratie. Le débat intercommunal a tout à gagner à ce que l'on puisse savoir qui représente la commune au niveau interc ommunal. Il faut donc trouver un dispositif le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

permetttant. L'amendement déposé par Jacky Darne, que le groupe socialiste soutiendra, va dans ce sens. Il vise en effet à instaurer une sorte d'identification qui permette un débat public autour de la question de l'intercommunalité et qui n'en fera pas simplement un fonctionnement au deuxième degré. La transparence est en effet nécessaire sur ces questions qui doivent faire l'objet d'un débat démocratique réel, car les enjeux sont importants, notamment les enjeux de pouvoir sous-jacents.

Je tiens à insister sur ce point. Les villes-centres ont des responsabilités importantes dans le montage des contrats d'agglomération. Mais elles ont aussi des obligations et ce n'est pas en déterminant des modes de fonct ionnement qui leur donneraient le pouvoir sur l'ensemble de l'agglomération que l'on réglera la question.

Il faut, au contraire, trouver un dispositif équilibré dans lequel la ville-centre, qui met certains services à la disposition de l'agglomération, puisse aussi tirer avantage de sa position. Les communes et la ville-centre devront en effet agir ensemble si l'on veut faire accomplir une avancée à l'intercommunalité.

Enfin, monsieur le ministre, vous développez par ailleurs des contrats locaux de sécurité, et c'est une bonne chose. Je sais bien que la question de la responsabilité du maire en termes de pouvoir de police est tout à fait déterminante dans notre droit et notre pratique, mais il faudrait inclure la dimension d'agglomération dans ces contrats locaux de sécurité. C'est en effet une dimension importante, car les problèmes de délinquance ne s'arrêtent pas à la frontière communale ; ils concernent l'ensemble d'une agglomération. C'est une question qui nous préoccupe tous en tant qu'élus locaux, ainsi que le Gouvernement.

Tels sont les quelques points précis que je voulais développer, monsieur le ministre. Les députés du groupe socialiste et de la gauche plurielle soutiendront ce texte très important tout en défendant leurs amendements.

M. le président.

La parole est à M. Jean Espilondo.

M. Jean Espilondo.

Mon exposé pourra vous paraître un peu compliqué au départ et quelque peu déconcertant, monsieur le ministre, mais il devrait vous intéresser.

Certains parmi nous connaissent ce que les économistes dénomment la « théorie des jeux » et que je vais tenter ici d'illustrer. Deux meurtriers sont arrêtés et interrogés séparément. Chacun est alors confronté à une alternative : avouer ou nier. Les règles sont données : si les deux nient, ils seront condamnés à une peine légère ; si les deux avouent, ils seront condamnés à une lourde peine ; mais si l'un nie quand l'autre avoue, il sera exécuté quand son partenaire sera gracié. Leur intérêt collectif voudrait qu'ils nient tous les deux, mais en l'absence de communication possible, chacun a individuellement intérêt à avouer. Cela garantit la grâce dans l'hypothèse où le partenaire a nié et permet d'éviter l'exécution dans l'hypothèse où le partenaire a avoué. Mais au final, les deux prisonniers se retrouvent condamnés à une lourde peine. Cela est peut-être, en l'espèce, moralement juste, mais c'est assurément contraire à leur intérêt collectif.

M. Francis Delattre.

Sûrement !

M. Jean Espilondo.

Il en va de même des communes.

En l'absence de dialogue, elles sont condamnées à renoncer au niveau de développement, donc d'emploi, que pourrait permettre l'intercommunalité.

C'est donc tout l'enjeu de ce projet de loi que de permettre un réel dialogue, une réelle coopération et une réelle solidarité entre les communes d'un même territoire.

Cela est particulièrement nécessaire en milieu urbain, car si le monde rural s'est intelligemment approprié l'outil des communautés de communes, les agglomérations ont souvent manqué le rendez-vous de l'intercommunalité, si bien qu'elles se retrouvent aujourd'hui incapables de gérer rationnellement le foncier ou d'établir un partage équitable des charges et des ressources entre communes. C'est donc à ce retard que s'attaque à juste titre le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui.

Encore faut-il s'y prendre intelligemment. Combien de fois le législateur français s'est-il vu reprocher de brouiller le droit plus qu'il ne le clarifiait ? Combien de fois s'est-il vu reprocher de polluer les codes législatifs par des déclarations d'intention sans effet ? Ces critiques portées contre le Parlement sont, vous le savez, récurrentes. Aussi, je souhaiterais souligner la principale vertu de ce projet de loi : la simplicité.

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. Jean Espilondo.

Simplicité d'ailleurs toute relative, car le sujet est technique. Mais le projet de loi dont nous engageons la discussion a le mérite de définir un cadre clair pour l'intercommunalité, un cadre à partir duquel les responsables locaux pourront se positionner et assumer toutes leurs responsabilités.

Je voudrais personnellement insister sur deux questions qui nous sont posées : la question du territoire de l'intercommunalité et celle de sa légitimité démocratique. Sur ces deux problématiques, il nous faut tenir compte des enseignements - ô combien précieux ! - de l'expérience.

Que nous a-t-elle appris ? Laissez discuter quelques maires et demandez-leur de parler intercommunalité. Vous verrez que rien ne les oblige à définir un « territoire pertinent ».

Doit-on pour autant confier à la DATAR le soin de définir les limites des intercommunalités ? Doit-on pour autant s'en remettre aux seules aires urbaines définies par les ordinateurs de l'INSEE ? Sûrement pas, mais il demeure que le bon sens et l'intérêt général doivent peser sur les négociations entre communes. C'est pourquoi j'estime que l'article 21 du projet de loi va dans le bon sens.

Il confie d'importantes responsabilités au préfet dans la procédure de définition du périmètre des intercommunalités tout en préservant la responsabilité des communes.

Mais une chose est d'avoir des prérogatives, autre chose est de les utiliser pleinement. C'est pourquoi j'attends des préfets qu'ils se saisissent de leurs pouvoirs et qu'ils mettent les élus communaux face à leurs responsabilités quand l'intérêt général l'exige.

M. Francis Delattre.

Ecoutez cela, monsieur Gouzes !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

J'écoute !

M. Jean Espilondo.

Un autre sujet sur lequel nous devrons, en tant que législateur, prendre toutes nos responsabilités, c'est celui de la démocratie dans les établissements publics de coopération intercommunale. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n'apporte aucune garantie quant à la représentation des oppositions municipales dans les organes délibérants des EPCI, à l'exception des communautés urbaines. Or l'expérience, encore elle, nous a montré que l'on ne pouvait s'en remettre au bon vouloir des maires et de leur majorité pour accorder certains sièges à leur opposition.

Quand l'intercommunalité se réduit à une réunion de majorités municipales, qui en plus peut s'avérer monocolore, j'estime que les conditions du débat et du contrôle démocratiques ne sont pas assurées. Et quand on voit les responsabilités qu'assument et qu'assumeront les intercommunalités, j'estime que leur développement se traduit dans ce contexte par un recul de la démocratie.


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C'est pourquoi il faut aujourd'hui établir les conditions qui permettront d'assurer une responsabilité effective des délégués intercommunaux vis-à-vis de leur commune.

Faut-il pour autant prévoir une élection directe de ces délégués ? Nous y viendrons sans doute un jour, mais une telle révolution, puisque de révolution il s'agit, me paraît a ujourd'hui prématurée, hormis peut-être pour les communautés urbaines. Il me paraît en revanche urgent d'assurer la pluralité politique des délégués désignés par une commune. La commission des lois en a convenu et a retenu le principe d'un scrutin de liste proportionnel pour la désignation des délégués intercommunaux des communes de plus de 3 500 habitants. Cette position me paraît raisonnable et je la défendrai. C'est la gauche qui avait introduit, en 1982, le débat démocratique dans les conseils municipaux.

M. Bernard Roman.

Tout à fait ! Il faut s'en souvenir !

M. Jean Espilondo.

Le temps est venu pour elle de le rendre systématique dans les conseils intercommunaux.

M. Bernard Roman.

Très bien !

M. Jean Espilondo.

Il ne faut pas en effet avoir peur du débat et de la contradiction. C'est même lui seul qui peut seul faire progresser l'intercommunalité.

M. Francis Delattre.

Vaste programme !

M. Jean Espilondo.

L'absence de communication menait nos deux prisonniers à leur perte. L'absence de dialogue entre communes peut avoir le même effet. Et quand sont en jeu l'urbanisme, les services, l'équipement, le développement économique et l'emploi, la peine risque d'être bien lourde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman.

Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre, je ne crois pas que ce projet soit un texte important, mais il pourrait se révéler un texte fondateur. Pourquoi ? Parce qu'il ouvre des perspectives sur la rénovation d'une république que nous souhaitons moderne pour la France du

XXIe siècle, parce qu'il provoque des interrogations, ouvre des questions auxquelles il nous faudra répondre dans les années qui viennent. Il pourrait être un texte réellement fondateur, s'il ne suscitait chez moi une insatisfaction sur la place des citoyens dans l'évolution de l'organisation du territoire.

Oui, ce texte ouvre de grandes perspectives, et d'abord celle qui consiste à sortir de l'émiettement communal pour structurer la gestion des fonctions urbaines d'avenir au niveau de 2 000 à 3 000 intercommunalités, au lieu des 36 000 lieux de décision qui existent aujourd'hui.

Deuxième perspective : redonner une chance de développement cohérent à une France urbaine - 361 aires urbaines sont définies par l'INSEE - qui rassemble tous les critères objectifs d'un potentiel de développement en termes de population, d'emplois, d'unité géographique, mais à laquelle il manque l'outil de décision que peuvent constituer les conseils d'intercommunalité.

Troisième perspective : offrir les moyens financiers de leur développement à toutes les communes qui décideront de se rassembler, avec 500 millions de francs supplémentaires. Bien des ministres de l'intérieur et de la décentralisation auraient souhaité obtenir cette manne budgétaire à l'appui d'une volonté politique de structuration du territoire.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Y compris son prédécesseur !

M. Bernard Roman.

Donc bravo, monsieur le ministre ! A ceux - je pense à M. Perben - qui ont parlé d'un impôt malhonnête parce qu'il est prélevé sur un niveau de collectivité territoriale pour être redistribué sur un autre, je répondrai qu'il s'agit d'une pratique courante en matière de fiscalité locale. L'ensemble des communes de France reversent le contingent d'aide sociale au département pour financer l'action sociale des conseils généraux, et je n'ai jamais entendu personne dénoncer la malhonnêteté de ce prélèvement dont l'affectation ne figure pourtant pas sur la feuille d'impôt.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Cela s'appelle la redistribution.

M. Bernard Roman.

Alors, il faut rester serein, s'en tenir à la réalité de ce texte, à la volonté qu'il traduit, aux perspectives qu'il ouvre. Je veux en citer une dernière, qui ne me semble pas inintéressante.

Structurer autour d'une douzaine de communautés urbaines de plus de 500 000 habitants, qu'on aurait appelées il y a dix ans de grandes métropoles régionales d'équilibre - mais les modes passent et les termes changent - le schéma directeur du développement économique de la France de demain, voilà, monsieur le ministre, un cadre nouveau que votre texte propose à l'organisation territoriale et dont toutes les communes concernées vont pouvoir se saisir.

Mais au-delà des perspectives qu'il ouvre, ce projet de loi suscite des interrogations, voire des inquiétudes, car il pose des questions sur lesquelles nous sentons bien qu'il nous faudra un jour nous prononcer.

Puis-je me risquer, dans une formule peut-être taillée à la serpe, à dire que 36 000 communes, c'est trop ; cinq niveaux d'administration, c'est trop ; vingt-deux régions, c'est trop ? Lorsque l'on fait ce constat devant des responsables politiques, de droite comme de gauche, on ne reçoit le plus souvent pour toute réponse que des acquiescements polis. Et il est vrai que, derrière ce constat de bon sens, il est difficile d'avancer des solutions.

Il suffit d'évoquer le nombre trop élevé de communes pour s'entendre traiter de « communicide », pour être soupçonné de vouloir abolir l'identité communale héritée de notre histoire, de ces paroisses de l'Ancien Régime que même la Révolution française n'avait pas voulu remettre en cause. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Si le creuset républicain que constitue la commune doit être préservé, cela ne doit pas nous empêcher de repenser les niveaux d'administration territoriale en fonction des compétences et de nous interroger sur leur nombre. La commune, l'intercommunalité, le département, la région, l'Etat : est-ce bien raisonnable de penser qu'à terme ces cinq niveaux d'administration devront subsister en l'état ? Je ne le crois pas, même si je sais que ce n'est pas le débat du jour.

Aucun gouvernement ne s'est seulement risqué à décider d'office de supprimer de la carte de France ces communes qui, ne disposant même pas de neuf habitants, doivent néanmoins, tous les six ans, désigner un conseil municipal de neuf personnes. Non, elles continuent à subsister, même si elles sont gérées dans des conditions d'exception. C'est dire combien la culture française est attachée à l'identité communale. C'est dire combien cette question est difficile à aborder. En ne la posant pas d'emblée, mais en laissant percevoir qu'un jour nous serons amenés à y répondre, ce projet de loi est réellement fondateur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

Il me laisse cependant, monsieur le ministre, une insatisfaction, qui ne vous étonnera pas, sur la place des citoyens. Cette question, évoquée par M. Jacky Darne ce matin, a été reprise par plusieurs d'entre nous dans la discussion générale.

Avec ce texte, nous allons organiser de nouveaux lieux de pouvoir fort, des assemblées qui agiront sur des aires géographiques étendues et concentrant des populations nombreuses, qui lèveront l'impôt, mais qui ne détiendront leur légitimité que du deuxième degré. C'est aujourd'hui qu'il nous faut en parler si nous voulons éviter de construire une organisation parée de toutes les vertus pour répondre aux défis du développement territorial, mais qui serait « décrochée » de toute légitimité démocratique. Dans notre démocratie de représentation, le peuple mandate, le peuple contrôle, le peuple sanctionne. Et comment pourrions-nous expliquer que telle ou telle assemblée puisse échapper à ces principes ? Référons-nouss implement au dictionnaire, qui définit l'assemblée comme un organe délibérant élu par le peuple pour le représenter.

J'entends bien que les choses ne sont pas si simples.

D'un côté, on sollicite le volontarisme des élus locaux ; de l'autre, on leur demanderait de remettre en cause leur légitimité.

D'un côté, on incite à une démarche fédérale ou fédé rative ; de l'autre, on diluerait aussitôt l'identité des communes dans une nouvelle entité supracommunale.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Tout à fait !

M. Bernard Roman.

D'un côté, on se plaint du nombre trop élevé des niveaux territoriaux ; de l'autre, on ajouterait un niveau supplémentaire.

J'entends bien aussi, monsieur le ministre, les arguments que, ce matin encore, vous avez développés devant la commission des lois. Il faut, dites-vous, que les intercommunalités aient une réalité, une durée, qu'elles aient assumé réellement leurs compétences, que leur budget atteigne un certain volume, bref qu'elles soient clairement identifiées par les citoyens, avant de pouvoir proposer l'élection de leur organe délibérant au premier degré.

Je comprends ces arguments, mais ils plaident justement pour que nous avancions résolument vers la légitim ité démocratique pour les intercommunalités qui répondent aujourd'hui à ces exigences : je veux parler des communautés urbaines. Elles ont trente ans. Elles ont, durant ces trois dernières décennies, concentré et assumé de réelles compétences. Elles ont presque toutes un budget supérieur à la somme des budgets consolidés des communes qu'elles fédèrent. Parfois même, leur budget dépasse celui de la région ou du département dans lesquels elles se situent. Il faut, monsieur le ministre, que notre débat permette d'avancer en ce domaine.

Au-delà, il est nécessaire que, sur l'ensemble du champ d e l'intercommunalité, nous puissions engager cette démarche de légitimation qui doit impliquer les citoyens.

J'ai proposé des amendements à cette fin. D'autres ont émis des propositions rejoignant cette préoccupation. Je souhaite que le Gouvernement fasse dès aujourd'hui un pas dans ce sens.

Dans le dispositif qui doit conduire à l'élection directe, la place des citoyens recouvre deux dimensions. La première est celle du territoire ; il s'agit de créer une nouvelle entité : l'agglomération. La seconde est une dimension citoyenne. Entre la proposition qui vise à élire tous les conseils communautaires selon le mode de scrutin municipal - ce qui constituerait une forme de révolution dans nos institutions - et le maintien en l'état du texte du projet, je suis persuadé, monsieur le ministre, qu'il y a des avancées possibles, graduées, datées, pour répondre dès maintenant et progressivement à ces deux impératifs.

Je le disais en commençant, ce texte est très bon. Pour faire de ce très bon texte un grand texte, il ne manque qu'une petite dimension citoyenne supplémentaire.

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. Bernard Roman.

Nous connaissons tous votre attachement à la dimension citoyenne. Nous avons donc confiance : ce sera un grand texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste,)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur le ministre, avant d'en venir aux trois questions que je souhaite vous poser, j'essaierai de mettre en évidence ce qui me paraît fondamental dans la démarche dont procède un texte qui, je le crois, représentera dans l'histoire de la décentralisation une véritable avancée.

Je commencerai par un petit flash-back. Je veux bien que l'on parle ici, comme certains collègues, des SIVU, des SIVOM, de toute l'histoire qui, depuis la fin du

XIXe siècle, a vu le législateur s'attacher, tout en gardant les communes, à les doter de moyens d'aménagement.

C'est ainsi que, petit à petit, pour installer l'électricité, pour réaliser l'adduction d'eau, pour scolariser les enfants, ont été constitués les syndicats à vocation unique.

Mais je laisserai de côté cette première démarche, qui a été importante et continue quelquefois de l'être, pour m'intéresser à celle qui lui a succédé. C'est une démarche bien française. Nous n'avons pas choisi, dans notre pays, de faire basculer la carte communale. Malheureusement peut-être, même si M. Marcellin s'y est essayé, les Français et leurs élus n'ont pas voulu aller vers la fusion des communes. C'est ainsi que s'est construite une autre intercommunalité qui, cette fois, n'était plus purement fonctionnelle : une intercommunalité de projet, plus englobante, où se sont peu à peu développées les compétences d'aménagement, les compétences économiques.

La grande avancée fut celle de la loi du 6 février 1992, loi d'orientation relative à l'administration territoriale de la République. Néanmoins, et ce fut une surprise, ce texte, que nous avions élaboré dans une grande entente - M. Poujade, en particulier, faisait partie de la commission spéciale -, n'a pas donné lieu à un grand vote ; il fut acquis d'extrême justesse, avec deux voix seulement de majorité. Nous étions à la veille d'élections législatives, et ceci explique peut-être cela.

Pourtant, depuis le 6 février 1992, l'intercommunalité à fiscalité propre a connu une formidable réussite, limitée toutefois - et c'est ce qui fait, monsieur le ministre, tout l'intérêt de votre texte - à un seul secteur géographique de la France. Lequel ? Le milieu rural, à quelques exceptions près.

Par milieu rural, on entend bien sûr les petites villes de 5 000 à 6 000 habitants, les villes moyennes de 15 000 à 20 000 habitants et les zones rurales qui les entourent.

C'est ainsi que se sont formées, comme Gérard Gouzes et Didier Chouat le notent dans leurs rapports, près de 1 680 structures à fiscalité propre, dont plus de 1 300 sont des communautés de communes. Ce travail a été fait et bien fait.

Mais soyons honnêtes : pour faire passer la loi de 1992, les députés que nous sommes ont, quelle que soit leur t endance, un peu « étiolé » la volonté initiale du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

Gouvernement. Dans le projet de loi, le préfet n'était pas tout à fait le notaire qu'il est devenu. Et, il faut le reconnaître, les commissions départementales de coopération intercommunale, dans le choix qu'elles ont fait des périmètres d'intercommunalité, n'ont pas toujours été d'une parfaite pertinence. Les regroupements se sont parfois réalisés à la périphérie des villes contre les villescentres. Sur ce plan, nous n'avons pas toujours obtenu une cohésion territoriale suffisante.

Il reste qu'on peut parler d'un bon bilan pour cette loi dans sa première phase, car elle n'a que six ans d'existence réelle. Les premières communautés de communes ont été créées vers décembre 1992. C'est ce que j'ai fait modestement dans mon petit secteur.

Il s'est donc passé quelque chose d'assez surprenant : c'est la France des clochers qui a bougé. La France des villes et, en particulier, du grand urbain, s'est complètement bloquée dans cette affaire. Et quand elle ne s'est pas bloquée, cela frôle le scandale ! Je pense en particulier à deux communautés de communes constituées dans le département des Hauts-de-Seine...

Mme Nicole Bricq.

Ça !

M. Jean-Pierre Balligand.

... dont celle de notre collègue André Santini. En remarquable élu qu'il est, il a regardé les avantages. Et du côté de Boulogne-Billancourt se sont constituées deux communautés de communes réunissant quatre communes, qui s'accaparent une DGF supplémentaire et captent à elles seules 73 % du volume total de la taxe professionnelle du département ! C'est méritoire de se regrouper, c'est astucieux de profiter de la loi, mais il faut corriger tout cela.

Pourquoi ? Au stade de la discussion générale, j'irai à l'essentiel, comme vous-même l'avez fait, monsieur le ministre, en ouvrant le débat.

Le rural que je suis est très inquiet de l'évolution du monde urbain en général, pas seulement du grand urbain.

Il faut donc agir, et il ne suffit pas de dire : « Au secours l'Etat ! » Dans bien des agglomérations, l'excessive richesse côtoie l'excessive pauvreté. Les villes pauvres deviennent des ghettos sociaux. Ayant très peu de taxe professionnelle, elles prélèvent des impôts ménages élevés.

Quant aux villes riches voisines, elles refusent de mutualiser leurs ressources. Or les jeunes se déplacent ; les phénomènes de violence, par exemple, doivent être traités globalement. Il faut donc avancer vers une meilleure cohésion territoriale.

M. Francis Delattre.

Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand.

L'agglomération doit être un outil et pas seulement une donnée géographique. Votre projet de loi, monsieur le ministre, doit aboutir à une structuration juridique non pas de la ville stricto sensu, mais de l'ensemble que constituent le centre et la périphérie, dans une démarche commune qui s'appelle la taxe professionnelle unique. Cette démarche indispensable est celle que vous avez choisie. Elle est excellente et nous devons, je pense, la consacrer par nos votes quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, parce qu'elle représente une véritable avancée.

Et d'ailleurs soyons clairs : si les ruraux ont bougé, ce n'est pas parce qu'ils sont plus évolués, mais parce qu'ils sont dans un état d'appauvrissement beaucoup plus avancé. Ce sont les secteurs ruraux les plus pauvres qui ont compris qu'ils devaient d'urgence unir ce qu'il leur restait de forces autour de leurs petites villes et de leurs villes moyennes pour dynamiser leur territoire. Ainsi des hommes unissant leurs efforts - et c'est ce qu'il y a de mieux en politique - ont réussi, sur le terrain, dans des régions souvent défavorisées, à inverser la courbe naturelle de l'appauvrissement, de l'assèchement de leur territoire.

Faisons de même pour le monde urbain. C'est ce que vous proposez et je ne peux que m'en réjouir.

Ayant ainsi mis en évidence la pertinence, l'excellence des choix que vous nous invitez à faire, je voudrais maintenant, monsieur le ministre, vous poser mes trois questions.

Premièrement, votre dispositif fondé sur le volontariat, comme la loi du 6 février 1992, suffira-t-il à activer la constitution des communautés d'agglomération ? Vous l'avez assorti, il est vrai, d'une carotte : les 250 francs de DGF par habitant, assujettis bien sûr à l'obligation d'instituer une taxe professionnelle unique. Mais il faudra faire le bilan de cette opération au bout de quatre ou cinq ans.

J'espère que les communes urbaines seront capables de se regrouper pour faire face à la gravité de certaines situations, par exemple l'asphyxie financière des villes-centres.

Je souhaite que ce dispositif réussisse. Gardons cependant en mémoire cette première question que je pose car, au cas où le volontariat ne donnerait pas de résultats convaincants, le législateur devrait faire son travail.

Deuxième question, quelle décentralisation voulonsnous pour demain ? Pour les territoires ruraux, nous a llons parvenir à une cohésion territoriale. Jusqu'à 50 000 habitants, nous aurons des communautés de communes pouvant constituer un pays, pour mener à bien un projet et non pas pour créer un échelon supplémentaire. Entre 50 000 et 500 000 habitants, nous a urons des communautés d'agglomération, on en dénombre 141. Enfin au-delà de 500 000 habitants, nous aurons les treize communautés urbaines. Ainsi, et même si une partie du territoire rural reste à mailler en communautés de commune, nous aurons atteint un niveau relativement important de maillage.

Cela étant, il nous faut répondre à une vraie question en matière de décentralisation. Il n'est plus temps de s'interroger sur le nombre de niveaux nécessaires. Certes, c'est là un sujet que, tous, nous adorons, y compris JeanPierre Balligand qui s'est parfois commis dans des écrits un peu durs visant à simplifier la carte administrative française. (Sourires.) Mais se lancer dans des diatribes où l'on oppose régionalisme et départementalisme, intercommunalisme et communalisme et j'en passe, ne mène à rien. Nous ferions mieux de réfléchir au problème de la spécialisation des compétences.

Il importe, en effet, de ne plus continuer à traiter des mêmes problèmes à tous les niveaux. Nous, les élus, le savons bien : tout ce qui relève de l'action économique est aujourd'hui un véritable dédale. Tout le monde voulant faire de l'action économique, il est impossible de gérer quoi que ce soit. Il faut donc procéder aux indispensables simplifications. Nous nous devons d'identifier rapidement des compétences par niveau de collectivité ou, au moins, par couple de collectivités. Si nous n'agissons pas, plus personne ne s'y retrouvera, à commencer par les élus de base et par les citoyens.

Dernière question, comment créer de la citoyenneté pour les habitants de ces structures ? Le projet de loi a réussi à donner une cohésion territoriale forte au monde urbain et n'a pas oublié les communautés de communes, lesquelles feront d'ailleurs l'objet d'amendements que je déposerai avec mes collègues du groupe socialiste. C'est bien. Il faut maintenant définir les moyens de la citoyenneté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

Bernard Roman le romantique - d'un romantisme presque germanique (Sourires) a raison : nous nous dirigeons vers une élection au suffrage universel des structures à fiscalité propre. Mais nous ne pouvons pas aujourd'hui faire une telle proposition. N'oublions pas que le système est fondé sur le volontariat. Déjà, compte tenu d es disparités de taxe professionnelle énormes, les 250 francs de DGF par habitant ne suffiront peut-être pas à débloquer les volontés d'association, de mise en commun de la taxe professionnelle, et à désarmer certains égoïsmes communaux, en particulier des communes les plus riches. Dans ces conditions, l'élection au suffrage universel direct pourrait gripper le mécanisme de l'intercommunalité que l'on s'attache à promouvoir.

En attendant d'atteindre cet idéal, vers lequel nous pouvons graduellement avancer au cours des dix prochaines années, il serait bon que les citoyens puissent identifier les personnes qui siègent à la communauté de communes. Cette proposition très modeste de quelques collègues constitue un premier pas.

Bien entendu, cela ne sera possible qu'au-delà de 3 500 habitants, puisqu'il n'y a pas de scrutin de liste, en deça de ce seuil. Cela vaut peut-être la peine de se pencher sur la question, car il est essentiel que les habitants puissent s'identifier aux nouveaux territoires que l'on dessine.

Monsieur le ministre, si la République, à laquelle vous êtes attaché, a autant de force, c'est parce que la commune a été un lieu d'identification de la République.

Bien entendu, il n'est pas question de faire disparaître la commune, c'est le lieu de la vie démocratique aujourd'hui. Mais l'intercommunalité peut aussi devenir un lieu p ertinent, car, pour aménager, pour travailler en commun, pour faire de l'action économique, nous en avons besoin.

Le fait de lever l'impôt direct à des niveaux très élevés, et donc d'avoir des budgets très importants, oblige à créer, de la citoyenneté. Ces territoires acquéreront ainsi une pertinence qui ne sera pas seulement donnée par les élus : elle sera aussi celle d'un rendez-vous citoyen, avec la sanction du suffrage universel. On peut commencer modestement par faire figurer sur une même liste des conseillers municipaux siégeant au conseil municipal et des conseillers municipaux siégeant au conseil communautaire. Ainsi, nous commencerons à créer un lien citoyen.

Votre loi, monsieur le ministre, est peut-être un premier pas vers une nouvelle République, une République moderne, qui ne tuera point l'ancienne fondée sur la commune mais qui permettra une plus grande responsabilisation des élus devant les citoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Léonce Deprez.

Très bien !

M. le président.

La discussion générale est close.

Je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

2

NOUVELLE-CALÉDONIE Communications relatives à la désignation de commissions mixtes paritaires

M. le président.

Le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre les deux lettres suivantes :

« Paris, le 4 février 1999.

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

« Paris, le 4 février 1999.

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Ces communications ont été notifiées à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.

3 DÉCLARATION DE L'URGENCE D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (no 1253).

Acte est donné de cette communication.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

4

ORGANISATION URBAINE ET COOPÉRATION INTERCOMMUNALE Reprise de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale (nos 1155, 1356).

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Jacques Weber.

M. Jean-Jacques Weber.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de la discussion générale. Nous allons maintenant examiner dans le détail les articles de ce projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale. Un moment apparemment attendu par tous : cette loi, que le ministre, son remplaçant pendant sa maladie et leurs missi dominici ont abondamment exposée, serait donc exactement ce que la France entière attendait.

D'après ce que nous avons entendu depuis ce matin, ce projet constituerait pour notre pays une avancée significative vers une meilleure organisation territoriale, une plus grande justice fiscale, une cohérence plus forte du paysage institutionnel rural et urbain, une décentralisation plus aboutie, et, enfin, une meilleure intégration européenne tout en apportant aux élus et aux citoyens une meilleure lisibilité de nos institutions.

Il y a certainement un peu de tout cela dans votre projet, monsieur le ministre. Des sujets de satisfaction, Pierre Méhaignerie le reconnaissait lui-même à cette tribune, mais aussi des motifs de déception.

Il y avait dans le pays, parmi les communes, une grande attente de simplification, de souplesse, de meilleure répartition des compétences. La commission semble l'avoir compris, qui a déposé plus de cent amendements à votre texte. Malheureusement, malgré son application et son travail, elle n'a pu pour autant satisfaire ceux qui, comme moi-même, attendaient tout autre chose qu'une réforme dont le porte-parole de l'UDF disait ce matin qu'elle restait inachevée, au milieu du gué, et semblait vouloir, une fois encore, en dépit de vos protestations de bonne foi, opposer la France urbaine et la France rurale.

Et c'est bien ce qu'elle fait.

Ma motion de renvoi en commission se justifierait amplement par le souci qui, en fait, nous habite tous, de simplification, de clarification qui fait réellement défaut à votre texte. S'il fallait prendre un exemple, un seul suffirait : ce qui s'est passé cette nuit où votre majorité a accepté de donner un statut de syndicat mixte aux

« pays » chers à Mme Voynet. Ce n'était sans doute pas assez compliqué comme cela... Eh bien, c'est réussi ! Quelle contradiction ! Je voulais justement évoquer le projet de loi sur l'aménagement du territoire. Vous semble-t-il acceptable, mes chers collègues, que notre Assemblée ait eu à connaître pratiquement le même jour du texte de Mme Voynet qui nous a encore pris les deux dernières nuits et très tôt aujourd'hui encore -, très mal préparé et discutable à de nombreux égards, puis de ce projet-ci, sans disposer du moindre recul, du moindre temps de réflexion pour en apprécier les effets sur l'organisation de notre pays, dans des domaines aussi variés, complexes et porteurs de responsabilités aussi lourdes ? Pourquoi pas demain le projet Zuccarelli, dans la foulée, tant qu'on y est ? Voilà des méthodes, une précipitation, une façon de faire contre lesquelles nous devons protester. Tenterait-on, en procédant ainsi, d'émousser la vigilance des parlementaires face à des textes et des mesures aux conséquences prévisibles si importantes ? L'Association des maires de France souhaitait, tout en se déclarant favorable à une réforme de l'intercommunalité qui aille dans le sens de la simplification, que soit trouvée une articulation souple entre l'évolution de la coopération intercommunale, d'une part, et celle de la p olitique d'aménagement du territoire, d'autre part.

N'eût-il pas été sage de prendre le recul nécessaire entre l'examen du texte de Mme Voynet et celui du projet de M. Chevènement ? Revenons en commission, faisons l'inventaire, regardons les points d'harmonisation nécessaires, adaptons ce texte-ci en tant que de besoin, n'agissons pas en « double aveugle » entre deux lois qui risquent tout de même, conformément du reste à leur vocation initiale, d'entraîner une substantielle modification de notre paysage institutionnel. Cette façon de travailler n'est pas sérieuse et notre Assemblée ne devrait pas se laisser imposer des calendriers si contraignants. Nous devons refuser de tels chevauchements. Il y va tout de même de l'avenir des 36 000 communes de ce pays ! Ma remarque suivante, monsieur le ministre, porte sur un problème encore plus grave ; la volonté que je crois délibérée de sous-informer le Parlement sur les implications de votre réforme.

Où sont donc vos simulations ? Où sont les statistiques qui devaient éclairer le débat parlementaire ? Pouvonsnous nous contenter de cette trop fameuse liste des 141 regroupements éligibles à la communauté d'agglomération, qui, à mon sens, dessine un peu trop visiblement de nouveaux fiefs électoraux pour votre majorité ? Sur un ton un peu moins polémique - mais il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages (Sourires) - je soulignerai le manque de prospective sur les futures ressources fiscales des établissements intercommunaux, notamment sur l'évolution de la taxe professionnelle, au coeur de votre dispositif, mais que nous n'arrivons pas réellement à appréhender.

La loi de finances pour 1999 a amorcé un début de réforme avec la suppression de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle. Vous affichez clairement votre volonté de réduire l'effort contributif des entreprises - intention louable -, mais sans pour autant compenser intégralement les pertes de recettes induites p our les collectivités locales. Cette politique va à l'encontre de la pérennité de la base de taxe professionnelle qui fournit pourtant la ressource majeure des groupements intercommunaux. Certains experts ne vontils pas jusqu'à considérer que la suppression de la taxe professionnelle en 2010 ne serait plus une simple hypohèse d'école ? Quel est votre avis sur ce sujet ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

La réforme de la taxe professionnelle conduira à son remplacement, pour partie, par une subvention décidée chaque année par l'Etat, en fonction de ses propres critères et bien entendu de ses propres difficultés budgétaires. Ainsi, à terme, plus de la moitié des ressources locales sera fixée sans laisser aucune possibilité, fût-elle limitée, de choix au élus.

Il y a au minimum une contradiction entre les deux réformes, entre la politique de Bercy et celle du ministère de l'intérieur. Dès lors, comment la représentation nationale peut-elle appréhender sereinement les vrais enjeux de la politique intercommunale ? A tout le moins, un débat de fond sur le financement des EPCI aurait dû enrichir nos travaux préparatoires.

N'aurait-il pas fallu, devant un texte d'une telle importance, constituer une commission ad hoc pour examiner toutes ces questions en profondeur ?

« Gouverner, c'est prévoir », dit un vieux dicton. Alors, monsieur le ministre, faisons de la prospective ! Tâchons par exemple de prévoir si les 500 millions prévus au profit des communautés d'agglomération suffiront pour verser la prime de 250 francs par habitant - d'autant qu'on y ajouterait, à ce que l'on raconte dans les couloirs, un supplément de 150 francs pour les communautés de communes en zone rurale -, ou si l'Etat, faute d'enveloppe suffisante, devra une nouvelle fois amputer la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Le mouvement est d'ailleurs engagé... Faisons la lumière sur ces points. C'est le deuxième sens de ma motion de renvoi en commission.

Un autre problème grave ne peut être passé sous silence et mériterait un examen soigneux. Quel impact cette loi aura-t-elle sur les communes et les départements ? Ceux-ci risquent d'être très sérieusement remis en cause, plusieurs intervenants l'ont dit cet après-midi. La disparition programmée des conseils généraux est bien à l'ordre du jour, quoi qu'on dise, et la moindre des choses eût été que l'on soit un tant soit peu clair et que l'on aborde ce thème avec franchise.

M. Alain Barrau.

Dans quel article du projet de loi cela figure-t-il ?

M. Jean-Jacques Weber.

Bien entendu, un problème d'ordre constitutionnel se pose, et un problème de taille.

On peut donc aisément comprendre que vous n'ayez pas envie de l'aborder de front. Néanmoins, la question devrait être posée. Marc Daubresse l'a fait ce matin, au nom du groupe de l'Union pour la Démocratie françaiseAlliance, en évoquant aussi le problème toujours en suspens de la clarification des compétences et en se demandant si l'Etat entendait ou non décentraliser des pouvoirs qui n'étaient pas de son ressort.

Notre collègue Francis Delattre, lui aussi à la recherche d'un peu de clarté, remettait en cause une autre aspect de votre projet : le rôle excessif dévolu aux préfets dans la délimitation des nouveaux ensembles intercommunaux, ce qui contrevient clairement aux principes constitutionnels de la libre administration.

Pour en finir avec le thème de la liberté, je citerai les propos du président de l'assemblée des districts, qui n'est pourtant pas, me semble-t-il, un opposant à ce projet.

L'engagement de l'intercommunalité doit rester, dit-il,

« un libre choix, une démarche exemplaire de démocratie, de proximité et de solidarité. Toute la valeur de ce contrat, la meilleure garantie de son respect, tiennent dans la liberté qu'il y a à le prendre. »

Je suis déjà, malheureusement pour moi, un vieil élu.

Entré dès 1971 au conseil municipal de la commune dont je suis maire depuis seize ans, j'en ai connu de ces projets, à commencer par celui de notre ancien collègue Olivier Guichard, tous célébrés par les majorités de l'époque comme ce qu'il y avait au fond de mieux pour la France ! L'éparpillement communal, voilà le mal, disait-on déjà, notre loi, voilà le bon remède ! Malheureusement, monsieur le ministre, l'expérience montre à l'évidence qu'on ne fait rien de bon lorsqu'on prétend agir de façon autoritaire. Le semi-échec de tout ce qui a jusqu'à présent été entrepris dans ce domaine doit nous inviter, vous comme nous, à la plus grande prudence, et les exemples tirés d'autres pays n'ont d'autre valeur que celle du simple renseignement. Les Français sont attachés à leurs communes. Ce sont des communautés de vie irremplaçables,...

M. Alain Barrau.

C'est pour cela qu'il faut les défendre !

M. Jean-Jacques Weber.

... et bien souvent des communautés de destin précieuses. Ce sont aussi, et nous nous efforçons de les conserver ainsi, des espaces de liberté, de libre administration, d'expression démocratique. La plus petite commune est un bien rare. La loi doit donc la préserver.

Or je n'ai pas souvent trouvé, à la lecture de ce projet, cette exigence de liberté, de libre détermination, de possibilité claire de choix pour les communes, en tout cas suffisamment exprimée. Sur ce point fondamental, le retour en commission s'impose également, d'autant que, à rebours de toutes nos traditions et de toute logique, votre texte laisse entendre que le silence des conseils municipaux vaudrait décision implicite d'acceptation, et que rigoureusement rien n'est prévu pour permettre à ces mêmes communes - de mesurer concrètement et sur le vif les conséquences prévisibles à moyen et long terme de leur refus ou de leur acceptation. A elle seule, cette absence de moyens d'appréciation indépendants peut être considérée comme une forme d'atteinte à la liberté communale.

Mais votre texte contient encore d'autres dispositions attentatoires à la liberté ou à l'esprit de la décentralisation. Ainsi en est-il de l'exigence de la continuité territoriale, de l'absence d'enclaves, à la limite compréhensible, mais qui placera nombre de communes dans une position inconfortable et, à tout le moins, soumettra leurs élus à des pressions énormes auxquelles ils ne sont pas forcément préparés. Il en va de même, je le répète, du droit d'initiative des préfets. Tout cela montre bien le côté autoritaire de votre texte, républicain certainement, mais bien plus musclé qu'une première lecture permettrait de le penser.

Il ne fera pas bon, je le crains, être opposant minoritaire à un projet de communauté d'agglomération mettant aux prises une ville de 100 000 habitants telle que Mulhouse et quelques communes réticentes, comme la mienne avec ses 5 000 habitants. Surtout lorsque la commission adopte, comme elle l'a fait hier soir, sans avoir à l'évidence sérieusement réfléchira, me semble-t-il, un amendement qui rend les choses encore plus contraignantes. En effet, l'amendement no 307 introduit presque subrepticement par mon colègue Jean-Marie Bockel viole le principe même de la libre détermination et celui aussi, constitutionnel, de l'égalité devant la loi. Ce cas politique donnera, je l'espère, à réféchir, car il illustre parfaitement les enjeux de ce projet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1999

Enjeu de cohérence, disiez-vous, monsieur le ministre : on voit qu'il y a beaucoup à redire sur ce point. Enjeu de simplification ajoutiez-vous : il n'est pas sûr que, après les syndicats, totalement et volontairement oubliés ! - les districts, les communautés urbaine, les communautés de communes, les pays et que sais-je encore, les Français comprennent de quelle simplification il s'agit. Mais je vous accorde que le modèle unique d'administration que vous préconisez, même s'il restera incompréhensible pour la masse des gens, marquera un réel progrès.

Enjeu de justice sociale, disiez-vous encore. J'avais souligné l'absence de chiffres et de simulations ; il faut également relever le manque d'expérimentations. C'est pourtant bien de cela que nous aurions, il faut l'avouer, le plus besoin. Car rien ne vaut l'expérience du vécu, du terrain, pour vérifier la qualité de ce que l'on fait et la justesse de ses analyses.

Mais, ne nous y trompons pas, l'objectif de votre projet de loi, vous l'écrivez vous-même, monsieur le ministre, est essentiellement d'ordre financier. « Alors même que les charges financières des agglomérations s'accroîssent, écrivez-vous, celles-ci éprouvent les plus grandes difficultés à développer leurs ressources. La disparité des taux de taxe professionnelle au sein d'une même agglomération et les inégalités cumulatives que cette situation engendre accentuent les déséquilibres existants. Le projet de loi tire les conséquences de cette situation afin que l'agglomération bénéficie d'une véritable reconnaisssance sur le triple plan institutionnel, fiscal et financier. » Ce

sont vos propres termes ; ils ont au moins le mérite de la clarté et répondent au souci récurrent des maires des grandes villes de se procurer de nouveaux revenus, alors même que leur gestion les aura peut-être conduits dans des situations parfois périlleuses, un endettement massif qu'il s'agira de faire pour partie supporter aux communes périphériques, alors même que leurs conseils municipaux n'avaient jamais été consultés par le passé sur les grandes décisions de la ville centre.

L'affirmation de la taxe professionnelle unique en tant que pilier du développement et de la solidarité financière au sein des territoires mériterait d'être sérieusement revue.

La proclamation est belle, mais elle peut réserver d'énormes surprises dans son application pratique, en particulier en présence d'entreprises importantes dans des communes écrêtées pratiquant des taux de taxe professionnelle très modérés afin d'encourager l'investissement, de rassurer l'industriel, de contribuer à la création de nouvelles richesses, et donc d'emploi.

Comment évoluera demain le taux, quelle sera la c ompensation pour la commune intégrée, comment compensera-t-on sa perte fiscale, comment remboursera-telle demain les emprunts qu'elle pourra avoir contractés à hauteur de ses ressources ? A quelle solidarité fera-t-elle appel ? Devra-t-elle augmenter brutalement ses propres taux ménagers ? Ces mêmes questions se poseront vis-à-vis des entreprises qui auront pu être attirées sur le site par la perspective de taux fiscaux attractifs : les laissera-t-on se débrouiller, a-t-on prévu des paliers, des moratoires ou que sais-je encore ? Tout cela admettez-le, pose de graves interrogations.

Raison supplémentaire, à elle seule suffisante, me semblet-il pour justifier un renvoi en commission.

Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter en faveur de la motion que j'ai défendue devant vous afin que nous puissions aider le ministre à perfectionner son projet et peut-être à rassurer tous nos partenaires.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Mes chers collègues, cette demande de renvoi en commission m'affecte quelque peu. Après avoir écouté M. Weber, je regrette sincèrement qu'il n'ait pas eu l'occasion de venir expliquer tout ce qu'il vient de nous dire en commission ; il y aurait reçu les réponses qui manifestement lui manquent aujourd'hui.

Notre collègue a toutefois relevé que notre commission avait bien travaillé ; nous avons en effet adopté plus de deux cents amendements sur les quelque six cents qui ont été déposés. C'est dire si le débat a été riche - M me la présidente de la commission des lois ne me démentira pas. Nous avons tenu quatre séances, assez longues et fournies. Les échanges ont été fructueux et les remarques exprimées de part et d'autre m'ont permis d'annoncer que ce texte apparaissait étrangement consensuel, puisque l'on retrouvait des arguments tout à la fois contradictoires et convergents.

La raison en est simple : nous nous trouvons en présence d'un texte qui touche à la réalité profonde de notre société et qui permet à chacun de traiter de sa collectivité et de ses problèmes locaux. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que l'on ait des préoccupations de même ordre chez les uns et les autres.

En fait, monsieur Weber, si vous avez déposé cette motion de renvoi en commission, c'est parce que vous n'êtes pas satisfait. Vous l'avez dit vous-même.

M. Jean-Jacques Weber.

En effet !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Vous trouvez qu'on oppose dans ce texte la France rurale à la France urbaine.

Pas du tout ! Pour ma part, moi qui suis un rural profond, je ne vous cache pas que ce texte me donne satisf action sur bien des points. Les communautés de communes ont été enrichies de tout un arsenal démocratique ; elles bénéficieront à coup sûr, car je suis persuadé que M. le ministre a entendu notre appel, de la manne de l'Etat dès lors qu'elles accepteront de participer à cette intégration plus forte. Ceux qui cherchent à opposer, je l'ai dit tout à l'heure, les rats des champs aux rats des villes ont peut-être d'autres préoccupations.

Il est vrai que le sujet est complexe. Mais tout élu, après quelques mois de mandat municipal, finit par intégrer ces notions. Elles n'ont rien de totalement insoluble et chacun, s'il le veut, parvient à les comprendre.

Si nous, élus modestes, venant de cette France profonde, arrivons à comprendre, que dire de grands élus, comme vous, à Mulhouse.

M. Jean-Jacques Weber.

Merci !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

J'ai recherché dans les archives un texte qui avait été rattaché - c'est assez étrange ! - à la séance du 22 avril 1997, date historique, puisque c'est ce jour-là que le Président de la République a eu la bonne idée de dissoudre l'Assemblée nationale. Je m'aperçois en lisant ce projet de loi relatif au développement de la coopération intercommunale, présenté par M. Dominique Perben au nom du gouvernement de M. Alain Juppé, qu'au regard de la simplification, il n'a rien à envier à celui que nous présente M. Chevènement.

Le dernier est meilleur, bien entendu (Sourires) mais on retrouve dans le texte de M. Perben la même complexité, parce que la matière est difficile.


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Par ailleurs, je ne crois pas, mon cher collègue, que vous soyez habilité à parler au nom de l'AMF, pas plus que moi qui fais partie aussi de cette grande maison

« plurielle » ; aucun d'entre nous ne peut parler au nom de cet organisme, ô combien nécessaire à nos communes.

Vous avez parlé du texte Voynet. Prenons du recul, avez-vous dit. D'abord, le texte Voynet, puis, tout de suite après, le texte Chevènement, nous avons des difficultés à suivre ! Mais le projet Chevènement a été déposé au mois d'octobre 1998. C'est dire que nous avons, que vous avez eu largement le temps de l'examiner, d'en discuter au sein de l'AMF comme au sein de tous les organismes, dans les grandes villes comme dans les petites, les communes rurales ou non, à la DCF, ou à l'association des présidents de conseils généraux, et j'en passe. Ce texte, nous en parlons tous, et partout. Partout où je vais, on en parle. Par conséquent, vous aussi, non seulement vous avez pu prendre du recul, mais vous avez pu vous en faire une idée.

Le texte Voynet, tout le monde le sait, c'était la préface, le texte Zuccarelli sera la conclusion, le corps principal de notre préoccupation - ce n'est pas le rapporteur qui peut dire le contraire ! - faisant l'objet du présent texte.

Tous ces éléments me permettent de vous affirmer, mon cher collègue, qu'il n'y a pas volonté de sousinformer le Parlement. Votre proposition de commission ad hoc m'a donc fait penser à cette phrase de Clemenceau qui disait que la meilleure façon d'enterrer un problème, c'était de créer une commission. Je ne crois pas qu'il faille enterrer le problème de l'intercommunalité. Ce projet de loi est attendu dans nos villes et dans nos campagnes. Il faut aller de l'avant.

Tout le monde peut jouer à se faire peur ; mais qui parle de suppression des conseils généraux ? Personne.

Qui dit que ce texte est contraire aux libertés des communes ? C'est faux ! Nous sommes profondément attachés, je tiens à le répéter ici et nous le répéterons tout au long du débat, à la libre disposition des communes, à ce qu'elle soit maîtresse de leur administration, de leur destin, de leur avenir. Certes, l'Etat doit jouer son rôle, un rôle régulateur, tout à fait normal et tout à fait conforme, y compris à ce qui se trouvait, d'ailleurs, dans le texte de M. Perben. Je ne vois pas de différence.

Alors, mon cher collègue, pourquoi cette motion de renvoi en commission ? Certes, l'opposition est en situation difficile. Comment peut-on être opposant ? Lorsque l'on fait de l'opposition systématique, on est critiqué... et c'est un peu ce que vous faites : tout ce que fait le Gouvernement est mauvais et méchant, tout ce que fait le Gouvernement va à l'encontre des intérêts des citoyens et de la France.

M. Jean-Jacques Weber.

Vous ne m'avez pas écouté !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

C'est dur d'être dans l'opposition ! Je n'ai jamais eu cette chance. (Sourires.)

Cela viendra peut-être un jour.

Si c'était là le vrai motif de votre motion, il est à rejeter.

Cela dit, j'ai noté, cher collègue, que vous n'étiez pas en commission. Ce n'est pas un reproche puisque vous n'appartenez pas à la commission des lois mais à la commission des affaires culturelles et sociales. Cependant je vous rappelle que l'article 38 de notre règlement autorise tout député à assister aux réunions des commissions dont il n'est pas membre. Beaucoup de vos collègues de votre groupe ont, d'ailleurs, participé à nos débats et ont enrichi notre discussion de propos et même d'amendements - car nous avons aussi retenu des amendements provenant de votre groupe...

M. Jean-Jacques Weber.

Et de moi-même !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

... ce qui prouve bien que le débat a été riche en commission, et que votre motion n'est vraiment pas nécessaire.

Mais il est une troisième raison, que je crois la raison profonde de votre motion - vous m'excuserez de la dévoiler. Vous avez parlé de Mulhouse.

M. Jean-Jacques Weber.

Je suis député d'une circonscription de Mulhouse !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Je ne le savais pas ! Dans mon propos préliminaire, je vous avais mis en garde, mes chers collègues : tout le monde va être tenté de parler de son cas personnel et de réagir non plus en fonction de l'intérêt général mais de sa situation personnelle. M. le ministre parlait de « campanilisme ».

Attention : qui n'entend qu'un son n'entend qu'une cloche !

Mme Odette Grzegrzulka.

Non à Clochemerle !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Si nous ne faisions que parler de nos propres problèmes, nous n'avancerions pas.

Pour toutes ces raisons, mon cher collègue, votre motion doit être rejetée. Et d'autant plus que je m'aperçois que si vous n'arrivez pas à convaincre la majorité, nombreuse sur ces bancs, vous avez largement convaincu vos collègues de l'opposition de ne pas venir voter votre motion de renvoi en commission ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Je ne répondrais pas longuement à M. Weber, M. Gouzes ayant exprimé toutes les raisons que nous avions de poursuivre nos travaux et, par conséquent, de ne pas suivre votre collègue. L'exercice auquel il s'est livré l'a conduit presque naturellement à un propos quelque peu excessif. Ce texte est un texte très intéressant, en témoignent toutes les interventions, que j'ai écoutées avec beaucoup d'intérêt car elles étaient de grande qualité. Et elles nous ont permis de voir comment, sur tous ces bancs, on pouvait encore faire progresser ce projet.

Naturellement, tout le monde n'en a pas la même idée. J'ai observé néanmoins que, même sur les bancs de l'opposition, l'heure n'était pas à une attitude de fermeture et que, au contraire, le sentiment était assez largement partagé que notre démarche était positive. Sous réserve naturellement de modifications souhaitées par les uns, pas forcément par les autres.

Au terme de cette discussion, et sur la base des excellents travaux de votre commission, en particulier des rapports de M. Gouzes et de M. Chouat, on peut dire que ce que nous proposons constitue tout de même une grande simplification de l'intercommunalité. Car nous instituons un véritable tronc commun des règles juridiques applicables à l'ensemble des EPCI, faisant en quelque sorte table rase de la stratification qui découlait des lois successives qui, depuis la fin du

XIXe siècle, avait façonné le paysage intercommunal français.

M. Saumade, M. Pélissard, d'autres encore, et M. Balligand pour finir, ont évoqué le très grand nombre de niveaux d'organisation territoriale et posé la question de la clarification des compétences. Personnellement, j'y


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serais plutôt favorable, si une autre logique, la logique partenariale, n'avait pas conduit, dans le louable souci d'associer tous les niveaux de collectivités, à enchevêtrer quelque peu ces compétences.

Distinguons dès maintenant, les trois niveaux, les trois f ormes d'intercommunalité : une forme générale, la communauté de communes, une forme qui s'applique aux très grandes villes, la communauté urbaine, et une forme qui s'applique aux agglomérations en dessous de 500 000 habitants mais, qui aujourd'hui, peuvent néanmoins représenter, à bien des égards, un défi essentiel pour la cohésion sociale, les communauté d'agglomération.

Il n'y a pas lieu d'opposer l'urbain et le rural. Bien sûr, cette question a été évoquée mais de manière assez marginale, parce que le Gouvernement n'est pas du tout dans cet état d'esprit. Au contraire, nous sommes désireux de faire en sorte que les espaces ruraux puissent s'organiser mieux. Il est très important de favoriser la naissance de communauté de communes dynamiques, ayant une capacité suffisante par elles-mêmes pour s'organiser sur le territoire qui est lui-même varié. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure.

M. Balligand a posé une vraie question : le volontariat suffira-t-il ? J'y ai répondu par prétérition en disant que ce projet de loi était un grand acte de confiance dans la décentralisation et la capacité des élus à se hausser au niveau des défis de notre temps de façon que la décentralisation se mette au service du progrès social. Il faut en q uelque sorte lier la prise de responsabilité, qui accompagne, la décentralisation, à la compréhension des grands enjeux qui sont devant nous. Cette question ne peut pas être tranchée en quelques jours. Nous ferons le point dans quelques années : nous nous sommes donnés l'objectif de parvenir à peu près à mi-chemin, dans cinq ans.

D'une manière générale, ce projet de loi est pragmatique, un peu girondin peut-être, me reprocheront amicalement certains.

(Sourires.)

Il faut tenir compte du sentiment, d'ailleurs largement partagé sur tous ces bancs et exprimé, entre autres, par M. Vaxès. Tous ces députéso nt manifesté leur attachement à la liberté des communes, qui est un legs profondément enraciné, effectivement, dans notre histoire. C'est vrai, la vie communale est le premier niveau et le tremplin de la démocratie, l'école des responsabilités. J'y suis moi-même très attaché, moi qui ai exercé pendant de très nombreuses années les fonctions de maire et qui reste un élu local.

J'en arrive à la question du suffrage universel qui me paraît très importante et qui mérite que nous lui consacrions une réflexion approfondie. Le Gouvernement n'a pas souhaité introduire une telle innovation dans son projet, pour des raisons que M. Gouzes a excellement dites : l'élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires risquerait de susciter un conflit de légitimité entre la structure intercommunale et la structure communale. Nous allons poursuivre nos réflexions sur le sujet, mais il ne faut pas que cette exigence devienne un facteur de blocage.

Avec d'autres orateurs, M. Perben a évoqué la nécessité d'une certaine souplesse. Mais, en proposant une taxe professionnelle unique obligatoire, sauf si une majorité qualifiée se prononce contre, il va dans le sens d'une moins grande souplesse que moi, si bien qu'on ne sait plus très bien qui est souple et qui ne l'est pas ! Sur la question du suffrage universel, il faut donc faire très attention.

M. Roman a lancé un appel, qui m'a touché, à l'esprit de la citoyenneté. Le citoyen doit, en effet, pouvoir contrôler la manière dont se prennent les décisions. C'est la base de la démocratie. A cet égard, avec les communautés urbaines qui sont déjà très intégrées, qui ont trente ans d'âge, il est plus facile d'avancer qu'avec les autres formes d'intercommunalité qui sont à peine naissantes. On risque de casser leur élan en posant, d'emblée, d es conditions trop rudes qui dissuaderaient les communes d'y participer.

De même, il faut veiller à ce qu'une commune reste pleinement responsable de ses choix dans la représentation au niveau intercommunal, car si un maire et sa municipalité avaient le sentiment de devoir envoyer une délégation qui ne refléterait pas les options du conseil municipal, elle entrerait à reculons, ou plutôt elle n'entrerait pas du tout dans l'intercommunalité. Soyons donc très pragmatiques.

Vous le voyez, mon girondinisme a quelques justifications rationnelles. Au vrai, l'opposition entre jacobinisme et girondinisme n'a guère de sens. Ce qui compte, c'est d'agir à la lumière de la raison et c'est ce que je m'efforce de faire au nom du Gouvernement.

Voyons donc s'il est possible d'avancer sur ces sujets.

D'ores et déjà, le Conseil d'Etat a reconnu que le représentant de l'Etat dispose d'un pouvoir d'appréciation. Je réponds là à M. Gouzes et le renvoie à l'arrêt commune de Civaux du 2 octobre 1996. Il faut que le préfet ait au moins un pouvoir d'initiative sur l'arrêté de périmètre. Ensuite, la discussion peut s'engager.

Pour ce qui concernait le sujet précédent, le respect de l a démocratie dans l'intercommunalité, je me suis contenté de répondre à M. Roman et à M. Vaxès sans citer tous ceux qui s'en sont préoccupés : Mme Muguette Jacquaint, M. Vila, M. Marchand, M. Darne, M. Espilondo. Il s'agit d'un sujet sur lequel, à l'évidence, il ne faut pas - si j'ose dire - se tromper, car ce serait un facteur de blocage et nous risquerions de nous trouver dans la même situation que pour la communauté de villes.

Mais je suis tout disposé à en rediscuter avec vous.

Je voudrais répondre sur la question de la transf ormation des syndicats d'agglomération nouvelle à M. Vachez. Est-il là ?

M. Bernard Roman.

Tous les SAN sont là, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'intérieur. Je le constate avec plaisir ! La communauté d'agglomération offre un cadre juridique nouveau permettant l'évolution des villes nouvelles, à l'issue de leur mission d'urbanisation, vers des formes de droit commun de l'intercommunalité, sous la réserve cependant que cette évolution préserve l'acquis communautaire et la mise en commun, qui en découle, de la taxe professionnelle unique.

La commission des lois a fait des propositions pour tenir compte des situations qui sont très différentes selon les villes nouvelles. Je crois que nous pourrons aller dans ce sens.

J'en viens à une autre grande question, évoquée par MM. Carrez, Voisin, Crépeau, Daubresse, Delattre et Salles : le financement de la réforme. Les propos de M. Carrez me semblent contenir un malentendu. Il suggère de renvoyer au comité des finances locales la répartition des financements. Or le financement des commun autés d'agglomération est précisément soustrait au mécanisme classique. Il procède d'un abondement direct


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à partir des recettes fiscales nettes de l'Etat et ne vient pas, en quelque sorte, en déduction de la dotation globale de fonctionnement.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

C'est un progrès !

M. le ministre de l'intérieur.

C'est toute l'originalité du projet que de distinguer complètement le financement des communautés urbaines et celui du reste de l'interc ommunalité, notamment des communautés de communes.

Ce sont 500 millions de francs qui ont été constitués comme un financement spécifique, hors DGF, et qui vont par conséquent alléger la pression sur celle-ci et permettre de développer encore l'intercommunalité en milieu rural.

Il n'est pas juste de dire, comme M. Delattre, que la moitié de la France était restée en dehors de l'intercommunalité. Il faut naturellement mettre à part la région parisienne, qui est un cas tout à fait spécifique. Je voudrais, à ce propos, dire quelques mots sur le FSCRIF, fonds de solidarité des communes de la région Ile-deFrance. Certains m'ont reproché de vouloir introduire une disposition contraignante. Mais l'Ile-de-France a des caractéristiques telles qu'on ne peut pas la traiter comme le reste du territoire. Il faut admettre que le principe de péréquation est justifié et incontestable, ce n'est pas porter atteinte au consensus.

M. Gérard Gouzes, rapporteur. Juppé et Pasqua l'avaient imaginé !

M. le ministre de l'intérieur.

On peut discuter des modalités, mais pas du principe. Et c'est bien du principe que je dis qu'il devrait recueillir le consensus. Le Gouvernement a donné des signes nets puisqu'il a autorisé un lissage sur trois ans et un plafonnement de 10 % des recettes de fonctionnement.

Quant à la taxe professionnelle unique, monsieur Voisin, monsieur Carrez, c'est une nécessité. Il faut aller vers la TPU. Cette réforme n'est en rien incompatible avec la réforme de la taxe professionnelle décidée par le Gouvernement, sur la suggestion du ministre des finances, puisque les dispositions que vous avez adoptées consistent en un allégement des bases de la taxe professionnelle, d'ailleurs intégralement compensée aux collectivités locales.

Faut-il aller plus loin dans le sens que vous prônez, monsieur Perben ? Cette suggestion est intéressante, mais je me demande si elle n'aurait pas un effet dissuasif. Je vous renvoie à vos propres arguments ; vous devez avoir un conflit intérieur particulièrement difficile à résoudre ! Le problème de la « déliaison » des taux a été évoqué par MM. Chouat, Gouzes, Méhaignerie et Garrigues.

Lorsque l'ensemble des taux communaux baisse, cette situation ne doit pas obliger le groupement à baisser son propre taux de taxe professionnelle. Il apparaît souhaitable, par ailleurs, d'éviter qu'après avoir bénéficié de ce système une remontée ultérieure des taux communaux ne donne la possibilité au groupement de hausser son propre taux au-dessus du niveau initial, car cela aboutirait à contourner la règle du lien entre les taux.

S'agissant de la fiscalité mixte, il faut bien sûr donner l'assurance aux groupements qu'ils pourront en tout état de cause financer leurs charges présentant un caractère incontournable, mais il ne paraît pas nécessaire pour autant d'ouvrir un mécanisme sans aucune contrainte pour éviter les risques d'une augmentation globale de la fiscalité et de dénaturer le principe même de la spécialisation fiscale. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter. Je ne m'attarde donc pas sur ce sujet.

M. Méhaignerie, M. Chouat et M. Carrez ont posé le problème du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle. Le Gouvernement propose la suppression de l'écrêtement et son remplacement le cas échéant par un prélèvement au profit du fonds correspondant à la somme des écrêtements antérieurs. Il propose de figer la situation, en quelque sorte de ne pas revenir sur les redistributions opérées. Il propose donc une mesure conservatoire en écartant tout risque de perte de produit pour les fonds départementaux. Faut-il aller plus loin ? Le débat nous éclairera davantage.

Sur le coefficient d'intégration fiscale, certaines contributions à des syndicats chargés de services collectifs pourront légitimement donner lieu à discussion et venir en déduction des transferts dont nous avons parlé. Je suis disposé à rechercher une solution mieux ajustée dans le cadre du débat sur les articles. Pour atténuer l'impact sur les dotations de la correction du coefficient d'intégration fiscale, le projet de loi prévoit la prise en compte progressive de cette déduction sur dix ans.

J'ai répondu sur le fonds de solidarité pour la région Ile-de-France.

Il me semble que j'ai répondu sur la plupart des sujets que vous avez évoqués. Sinon, j'y reviendrai dans le cours du débat. Je vous remercie de ces interventions toutes pleines de suggestions, qui montrent que ce sujet intéresse beaucoup la représentation parlementaire parce qu'il comporte des enjeux très importants sur le long terme.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Francis Delattre pour le groupe Démocratie libérale.

M. Francis Delattre.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne nous associons pas à cette motion de renvoi en commission.

D'abord, ce n'est pas un texte très important. C'est essentiellement un texte d'ajustement, mais le diagnostic est bon.

M. Dominique Baert.

Bravo !

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

C'est de l'opposition constructive !

M. Francis Delattre.

Entre les communautés urbaines à connotation régionale et la coopération intercommunale rurale, il y a incontestablement un vide dans la loi de 1992 que ce texte s'efforce de combler. Nous préférons essayer d'améliorer le dispositif par nos amendements plutôt que de voter une motion vouée à l'échec.

Ensuite, il y a tout de même un point positif, c'est que d es moyens supplémentaires sont accordés aux communes. Cela fait longtemps que nous n'avions pas vu ça ! Mieux vaut encourager cette démarche que de l'ignorer ou de voter un renvoi en commission qui ne correspond pas tout à fait aux objectifs que nous poursuivons.

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. Léonce Deprez.

M. Gérard Gouzes, rapporteur.

Soyez constructif, monsieur Deprez !

M. Léonce Deprez.

Mes chers collègues, je crois qu'il faut préciser le sens de cette demande de renvoi en commission. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Elle est justifiée par une observation pleine d'humour qu'a faite tout à l'heure le rapporteur.


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M. Gérard Gouzes, rapporteur.

C'était après, pas avant ! M. Léonce Deprez. Oui, mais vous deviez le penser. Je précise d'ailleurs que la force de l'Union pour la démocratie française-Alliance, c'est la diversité de la pensée dans l'unité du groupe. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

De ce fait, il y a très certainement une pensée plurielle sur l'aménagement du territoire et l'organisation intercommunale.

M. Gouzes a expliqué, avec un humour tout de même sévère, que la loi Voynet, c'était la préface, la loi Chevènement le corps du sujet, et la loi Zuccarelli la conclusion. Comme nous avons le souci de la cohérence et comme nous voulons que le tout fasse une politique globale, susceptible de rassembler et de mobiliser les Français, nous nous sommes demandé pourquoi ne pas faire une grande loi, signée des trois ministres, ce qui justifierait un renvoi en commission. En réalité, aménagement du territoire, organisation territoriale et intervention économique des pouvoirs publics, cela pourrait justifier une grande loi sous la signature des trois ministres ! La signature de M. Chevènement serait certainement très intéressante ! Mme Voynet, M. Chevènement et M. Zuccarelli associés sur un même texte, il y a de quoi rassembler une majorité, au-delà même de la majorité plurielle.

Voilà pourquoi nous avons demandé un renvoi en commission, mais nous sommes prêts à débattre si vous ne l'acceptez pas.

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès.

Aucun des arguments soulevés par notre collègue de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance ne nous a convaincus, et encore moins les motivations qui les nourrissent. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Le seul moment agréable peut-être, c'était l'int ervention de M. Deprez qui donne une pointe d'humour à la discussion.

La droite sait ce qu'elle veut, et ce qu'elle veut, nous n'en voulons pas. Ce projet de loi a été remis à la représentation nationale en juin dernier. Nous en connaissons tous les enjeux. Notre seul regret, c'est qu'une loi dont l'importance pour l'organisation de la République n'a échappé à personne, une loi qui redéfinit le rôle et les compétences des communes, ces lieux qui permettent à la démocratie de s'exercer quotidiennement, qui permettent mieux qu'aucun autre de conjuguer démocratie directe et démocratie représentative, n'ait pas été soumise, comme le suggérait dans son intervention mon ami Jean Vila, à l'appréciation de l'ensemble de nos concitoyens - pourquoi pas par référendum ? La droite ne demande pas un renvoi en commission pour faire une telle proposition. C'est la raison pour laquelle le groupe communiste ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacky Darne, pour le groupe socialiste.

M. Jacky Darne. Le groupe socialiste ne votera pas davantage, vous vous en doutez, le renvoi en commission.

Les débats qui ont eu lieu depuis ce matin ont permis de cerner l'importance de ce texte. Les orateurs qui sont intervenus, dont certains avaient préparé des textes il y a quelques années, ont évoqué l'importance de la création des communautés d'agglomération, les seuils de 50 000 et de 500 000 habitants, le renforcement des compétences des communautés d'agglomération et des communautés urbaines, les conditions de désignation des délégués, l'enjeu décisif de la création d'une taxe professionnelle unique. Toutes ces interventions ont démontré qu'il ne s'agissait pas d'un texte mineur mais d'un texte essentiel sur lequel nous sommes déjà parfaitement informés. Il est donc temps de confronter nos points de vue, à partir des amendements, pour infléchir, modifier, compléter le projet. Nous voterons donc contre ce renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1155, relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale.

M. Gérard Gouzes, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1356).

M. Didier Chouat, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1355).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT