page 01476page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Service public de l'électricité. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 1477).

M. Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis de la commission des finances.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 1488)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : MM. François Goulard, Alain Cacheux, Gérard Voisin, Claude Billard, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 1498)

MM. Claude Birraux, Robert Honde, François d'Aubert, Alain Cacheux.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Dépôt de propositions de loi (p. 1505).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1505).


page précédente page 01477page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (nos 1253, 1371).

La parole est à M. Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Christian Bataille, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, mon-s ieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 30 mars 1946,...

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Date historique !

M. Christian Bataille, rapporteur.

... il y aura bientôt cinquante-trois ans, le journal France-Soir titrait à la une :

« La nationalisation de l'électricité est votée. » Effective-

ment, dans la nuit du 28 au 29 mars, par 490 voix contre 61, le texte fondateur d'Electricité et Gaz de France devenait une loi, la loi du 8 avril 1946, qui devait rester célèbre. C'est cet événement que nous commémorons, plus de cinquante ans après : la naissance du service public de l'électricité.

L'usage à grande échelle de l'électricité n'est pas apparu, en France, en 1946, il s'en faut de beaucoup. La loi du 15 juin 1906, la première, reconnaît un service public de l'électricité.

Mais, du début du siècle à la fin des années 30, alors que la France compte environ 200 entreprises de production, une centaine pour le transport et plus d'un millier pour la distribution, l'électricité aura accompli cette révolution étonnante et silencieuse qui, d'élément de confort confidentiel, l'a transformée en ressource indispensable à la vie de la nation.

Peu nombreux sont ceux qui, à cette époque, ont c onscience de cette révolution. Pourtant, avec une constance inspirée, le syndicat majoritaire dans les industries électriques, la CGT, réclame, dès la Première Guerre mondiale, c'est-à-dire avant 1914, la nationalisation de l'électricité.

C'est à la Libération que tout bascule. En affirmant que « les grandes sources de la richesse commune [...] seront exploitées à l'avantage de tous », le Gouvernement provisoire fixe l'objectif. Un homme est choisi par le général de Gaulle pour appliquer ce programme à l'électricité : Marcel Paul. Ancien employé de la société concessionnaire du réseau de Paris, il rentre à peine de la captivité qui sanctionnait ses actes de résistance. Il connaît la situation de l'électricité en France : le retard en équipement, l'émiettement de la production, les carences de la distribution. Mais il veut aller vite et, dès la fin mars, la nationalisation de l'électricité et du gaz est acquise. Pour lui, la nationalisation va de pair avec la mise sur pied d'un statut spécifique pour le personnel des industries électriques et gazières.

Le ministre de la production industrielle rassemble les plus novateurs des textes relatifs aux conditions de travail des électriciens et des gaziers. Le statut qui en découle est à la pointe des avancées sociales de l'après-guerre ; son extension à l'ensemble du personnel est un instrument déterminant pour la mobilité qu'exige le déploiement du service public sur le territoire. Les oeuvres sociales se voient consacrer 1 % du chiffre d'affaires, le même pourcentage est alloué au remboursement des anciens actionnaires. Enfin, les organisations syndicales se voient confier un rôle important dans de nombreux comités paritaires : formation professionnelle, sécurité. Au plus haut niveau, la commission supérieure nationale du personnel « veille à l'application du statut ».

C'est ainsi que commence l'« ère moderne » pour les industries électriques. C'est dans ce contexte qu'apparaît l'établissement qui personnalise l'électricité dans la vie des Français : Electricité de France. Non que la loi de 1946 définisse de façon exhaustive les structures et les modes de gestion de l'entreprise publique, qui ont dû être précisés au fil des années, mais elle donne une réponse à l'exigence du respect de l'intérêt général.

Cette réponse, c'est le service public et ses grands principes : obligation de desserte des consommateurs, égalité de traitement à travers la péréquation tarifaire, satisfaction au moindre coût des besoins en électricité et sécurité d'approvisionnement du pays. En cela, la loi de 1946 pose des fondations qui sont aujourd'hui encore d'actualité.

A présent, une nouvelle époque se dessine, et je voudrais, à parir de cinquante ans d'histoire, caractériser l'entreprise publique de l'électricité dans sa personnalité et dans sa capacité de réussite. A cet effet, trois éléments me semblent s'imposer.

EDF, c'est d'abord une date : 1946. Point n'est besoin d'y insister. J'ajoute seulement que ce qui fait de 1946 un moment fort est qu'il appartient à notre histoire collective.

L'entreprise publique, c'est en second lieu une étonn ante capacité de mobilisation. Je donnerai deux exemples : le programme hydraulique et le programme nucléaire.

A peine créée, EDF est en effet engagée dans les grands programmes d'équipement de la France, qui permettront de maintenir notre indépendance énergétique au-dessus de 50 % dans la décennie 1950, puis de la porter de 22 % au milieu des années 70 à 48 % au début


page précédente page 01478page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

des années 90. L'effort consacré à l'hydraulique est un bon exemple de « l'originalité française » - certains disent

« l'exception française » - en matière de choix énergétiques. Il s'agit en effet, à l'époque, de rattraper un important retard dû à la crise économique et aux années de guerre, et tout autant de redresser le pays avec ses propres forces. Dans cet esprit, l'hydraulique apparaît comme une énergie à la fois nationale et renouvelable.

E lectricité de France crée donc rapidement neuf régions d'équipement hydraulique. L'un des premiers grands chantiers de la jeune entreprise est le barrage de Tignes, qui sera exploité à partir de 1952, la même année que Bort-les-Orgues. Durant la même période, d'autres grands barrages seront inaugurés : l'Aigle sur la Dordogne, la Girotte ou Roselend dans les Alpes, Ottmarsheim, usine « au fil de l'eau » sur le Rhin. Ces ouvrages, souvent impressionnants, parfois titanesques, sont un symbole du renouveau de notre pays.

L'aventure de l'hydraulique, c'est aussi un aménagement global, celui de la Durance. Le barrage de SerrePonçon, élément clé de cette réalisation, fait appel à de nouvelles techniques : la digue de retenue est constituée par les alluvions du fleuve - une innovation en Europe et mesure 650 mètres à la base ; six départements sont concernés par les travaux. En 1960, Serre-Ponçon est finalement mis en exploitation. Six ans plus tard se réalise un vieux rêve : utiliser l'énergie des marées, vision futuriste à l'époque. Le site choisi est celui de la Rance et n écessite l'installation de turbines spécifiques, dites

« groupes-bulbes ». Là encore, il s'agit d'une première mondiale, même si l'entreprise nationale doit ensuite renoncer à un projet plus vaste en baie du Mont-SaintMichel.

La seconde grande étape industrielle qui marque l'électricité dans la période d'après-guerre est celle de l'équipement nucléaire. Bien que très en pointe dans ce domaine de la recherche avant-guerre, la France doit rattraper, à partir de 1945, le retard dû à la guerre.

Le commissariat à l'énergie atomique s'attelle à cette tâche et, dans les années 50, s'oriente vers les utilisations militaires. Mais on espère aussi produire de l'énergie domestique à partir de l'atome : d'ailleurs, une petite équipe des études et recherches « récupère » un peu d'électricité sur l'une des piles balbutiantes de Marcoule, mais la compétitivité de cette méthode paraît encore lointaine, du domaine du rêve. En 1957 pourtant est décidée la construction, à Chinon, d'une centrale nucléaire de type « uranium naturel 60 graphite gaz ».

A la fin des années se pose la question du choix entre la filière initiale et une filière à uranium enrichi, plus répandue et plus prometteuse ; en 1969, la décision est prise d'adopter le procédé à uranium enrichi.

Au tournant des années 70, la fragilité de l'approvisionnement du pays, fondé sur un recours croissant au pétrole importé, apparaît évidente. Le VIe Plan - 19711975 - décide « l'engagement d'un programme de centrales nucléaires à eau pressurisée qui soit au minimum de 8 000 MW sur la durée du Plan et puisse être accru si les capacités de construction de l'industrie française le permettent ». Le choc pétrolier de 1973 vient confirmer cette stratégie, et le plan Messmer de mars 1974 pourra accélérer l'effort nucléaire et lancer un vaste programme électronucléaire de 13 tranches de 900 MW. Parce que le passage au nucléaire avait été prévu, on a pu mettre en oeuvre de nouvelles structures d'organisation et des principes de standardisation des unités de production favorisant à la fois la recherche de la compétitivité et de la fiabilité, ainsi que la sûreté des ouvrages. La modernisation du secteur nucléaire conduit à n'utiliser qu'une seule filière, la filière à eau pressurisée ou REP, et un seul constructeur, le français Framatome.

L'effort nucléaire n'est pas sans retombées. Dès le début des années 80, la France se trouve en tête des nations industrialisées pour la part d'origine nucléaire dans sa production d'électricité. Preuve d'une réelle maîtrise technique, la filière Westinghouse est « francisée » en 1981 : le parc nucléaire d'Electricité de France est, en 1992, le deuxième au monde avec 34 réacteurs REP de 900 MW, 20 réacteurs REP de 1 300 MW et un réacteur de l'ancienne filière graphite-gaz à Bugey, sans mentionner les réacteurs à neutrons rapides.

Ce « portrait » de l'entreprise publique d'électricité ne serait pas complet sans l'évocation, comme troisième trait, de la conception scientifique de la gestion économique qui s'y est développée.

Dès ses origines, Electricité de France compte dans ses rangs des ingénieurs économistes qui souhaitent mener une réflexion originale dans les domaines de la tarification et du choix des investissements. Une avancée est réalisée dès les années 50 avec la « Note Bleue », qui permet de comparer des équipements de nature différente. C'est un premier pas vers une réflexion plus large sur le choix des investissements, question essentielle pour une entreprise qui réalise des ouvrages très coûteux. Ces réflexions se diffusent auprès d'autres organismes publics confrontés au même type de problèmes, à commencer par les planificateurs. Pierre Massé joue un rôle clé dans la vulgarisation de ces méthodes de calcul. Des efforts comparables ont lieu dans le domaine de la tarification. Certains ont compris qu'en adoptant une démarche marginaliste pour établir les prix de l'électricité, la « rente monopolistique » pouvait être entièrement attribuée à la collectivité : c'est pour travailler sur cette idée que Marcel Boiteux est recruté en 1949. Son postulat sur la vente de l'électricité au coût marginal est connu et la première application concrète en sera le tarif vert de 1957.

Dès les années 60, la réflexion menée devient donc la philosophie du service public électrique. Ainsi l'entreprise, tout en tenant compte des contraintes quotidiennes, a-telle tendu vers la définition et le respect d'une véritable doctrine économique du service public. Aujourd'hui encore, les économistes tiennent une place bien spécifique dans le domaine de l'électricité.

Telles sont les grandes caractéristiques que l'on peut retenir d'EDF après un demi-siècle. Et aujourd'hui ? Les enjeux se sont déplacés. La protection de l'environnement est tout d'abord apparue comme un objectif majeur. L'entreprise publique s'y engage largement dès 1982 en signant une convention de sept ans avec le ministère de l'environnement. En 1992 est signé un protocole d'accord avec les pouvoirs publics sur les lignes de transport : 55 000 kilomètres de lignes basse et moyenne tension seront enfouies en cinq ans et, là où ce n'est pas possible, les indemnisations sont renforcées. Dans un autre domaine sensible, celui des rejets polluants dans l'atmosphère, la désulfuration et la dénitrification des centrales thermiques les plus utilisées sont accélérées.

Enfin, dans le domaine de la gestion de l'eau, EDF crée en 1990 un précédent en mettant ses ressources à la disposition des victimes de la sécheresse. L'entreprise est aussi le pionnier que l'on sait dans la promotion du véhicule électrique.

Mais, à mesure que les usages de l'électricité se multiplient, les « années fastes » semblent se raréfier. Le doublement de la consommation d'électricité tous les dix ans,


page précédente page 01479page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

qui paraissait une tendance lourde, s'enraye : dans les années 80, la croissance annuelle de la demande d'électricité ne sera que de 3 % à 4 %, du fait à la fois du ralentissement économique et du progrès de l'efficacité énergétique. Le message semble donc être : « davantage d'usage de l'électricité, mais moins d'électricité par usage ». L'optimisation des procédés industriels, avec l'emploi de l'électronique et la substitution de matériaux moins gourmands en énergie, influe dans le même sens : c'est l'ère de la concurrence. Concurrence entre les différentes formes d'énergie, avec un retour spectaculaire du gaz dans les applications de chauffage, mais concurrence aussi dans le mode de fourniture de l'électricité. Nous voici au coeur du sujet.

Les agents qui assurent la fonction commerciale le perçoivent bien. Les exigences de la clientèle se sont accrues, en particulier en ce qui concerne la qualité de la fourniture. Le contrat Emeraude tente par exemple de répondre au problème des micro-coupures dans l'informatique. En direction du client domestique, de nouveaux services sont proposés.

Dans d'autres domaines concurrentiels, consciente de ses possibilités, l'entreprise publique se diversifie sur des segments nouveaux : valorisation des déchets, câble, télésurveillance ou éclairage public.

Il lui faut parfois pour cela transformer ses structures, comme en 1988-1989, lorsque sont supprimées les directions régionales. Mais plus spectaculaire est, à partir des années 80, l'essor à l'étranger, avec, à partir de 1983, EDF international. En 1988 est créée une mission Europe tournée vers Bruxelles, marquée par le développement de nouvelles techniques en Espagne et des prises de participations croisées avec l'Allemagne. Des bureaux i nternationaux de représentation sont inaugurés à Bruxelles et à Washington, à Moscou et à Berlin, ou encore à Djakarta et à Hongkong.

Enfin, l'entreprise nationale s'investit puissamment par ses hommes, son expérience et ses projets, dans l'assistance aux centrales d'Europe de l'Est. Ses capacités à l'exportation la placent au premier rang en Europe pour les ventes d'électricité, et, au-delà de l'Europe, cette image lui ouvre des marchés avec la Chine, en particulier pour le nucléaire, avec la construction de la centrale de Daya Bay.

Ainsi Electricité de France est-elle non pas une entreprise de temps révolus, mais bien une entité « dans le siècle », dans la dimension économique, traversée par des interrogations, mais aussi riche des solutions qu'elle tire de son passé et de l'imagination des femmes et des hommes qui la composent. Autant dire que la réforme qui survient aujourd'hui dans la mouvance de la directive 96/92/CEE est non pas « un coup de tonnerre dans un ciel serein », mais simplement un moment de la vie de cette grande entreprise publique, comme elle en a déjà traversé et comme elle en vivra sans doute encore dans le long trajet que nous lui souhaitons.

Comment, en peu de mots, résumer la gestation de c ette directive, adoptée définitivement le 19 décembre 1996 ? On peut distinguer quatre phases.

De 1987 à 1990, une période de consensus permet la préparation d'un premier train de trois directives : la directive du 29 juin 1990 assurant la transparence des prix au consommateur final industriel de gaz et d'électricité et les deux directives « transit-électricité » et « transitgaz », respectivement en octobre 1990 et en mai 1991.

En 1989, la Commission européenne tente un galop d'essai contre les monopoles nationaux à travers « l'action en manquement » de l'article 169 du traité.

Mais c'est en 1991-1992 que la Commission abat ce qu'elle considère comme sa carte maîtresse en tentant de légiférer de façon autonome sur les questions électriques et gazières à travers la procédure du traité. Ce faisant, elle cristallise contre elle le mécontentement de tous les Etats qui, comme la France, sont attachés au recours à une procédure démocratique d'adoption de la directive. Par conséquent, en 1992, ces propositions sont définitivement rejetées.

Ce répit est mis à profit par la France pour organiser la contre-attaque face aux thèses « déréglementatrices » de la Commission, et la première d'entre elles, l'ATR l'accès des tiers au réseau. Durant l'année 1993, ce que l'on va appeler le modèle de « l'acheteur unique » est mis au point. De la sorte, le conseil de l'énergie de mai 1994 valide à la fois l'ATR anglo-saxon et « l'acheteur unique », thèse française. Entre-temps, le 27 avril 1994, l'arrêt

« Almelo » de la Cour de Luxembourg a reconnu qu'en raison de ses spécificités, le secteur électrique pouvait partiellement déroger, j'y insiste, au droit commun de la concurrence. Ces avancées ne seront pas immédiatement couronnées puisque, à la mi-1995, au moment même où le conseil des ministres européens reconnaît que « des obligations de service public peuvent être imposées aux entreprises du secteur électrique dans l'intérêt économique général », la Commission assortit le marché intégré de conditions telles que « l'acheteur unique » se trouve vidé de sa substance.

Ce n'est qu'en 1996 que les esprits ont suffisamment mûri pour qu'aboutisse la négociation. La notion, nouvelle en Europe, de service public de l'électricité ainsi que celles de planification à long terme et de sécurité d'approvisionnement sont progressivement acceptées. Les divergences franco-allemandes sur l'éligibilité sont levées - il y faudra quand même un sommet bilatéral - et le ralliement des Etats les plus réticents à cette vision mieux partagée est progressivement acquis. C'est le 20 juin 1996 que le conseil des ministres de l'énergie adopte une position commune qui sera ratifiée par le Parlement européen en décembre de la même année. Ainsi s'achève une négociation de près de dix ans, l'une des plus longues depuis les débuts de la construction européenne.

Avant de quitter la sphère européenne et d'aborder dans son contenu le texte qui nous est soumis, je voudrais, en abandonnant un instant le rôle de rapporteur, développer un dernier point au détour duquel je sais que les socialistes sont « attendus » : leur position sur la directive « électricité » entre 1996 et aujourd'hui. La directive du 19 décembre 1996 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité » a été en effet adoptée en dernière lecture au Parlement européen le 11 décembre 1996. Au cours de cette séance, une grande partie des parlementaires socialistes européens français a voté contre l'adoption du texte. Dès lors, nombreux sont ceux qui se sont étonnés : « Pourquoi avoir voté le 11 décembre 1996 au Parlement européen contre la directive "électricité" et proposer aujourd'hui sa transposition en droit national ? » Je répondrai en me référant à la directive elle-même. Cette directive est constituée de deux corps de mesures.

Le premier, celui des « compromis fondateurs », réunit les références aux missions de service public et à l'intérêt général : application du principe de subsidiarité, possibilité d'instaurer des obligations de service public, possibilité d'une programmation à long terme, liberté de choix entre les systèmes de « l'accès des tiers au réseau » - ATR - et de « l'acheteur unique ». A l'opposé des textes sur les


page précédente page 01480page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

télécommunications, retranchés derrière l'idée médiocre de « service universel », la directive électricité a su faire, il faut le reconnaître, une place meilleure à ces notions d'intérêt général.

Le second corps de mesures est celui des « nouveaux principes d'organisation » : existence de « consommateurs éligibles », ouverture progressive des marchés, séparation comptable des fonctions de production, de distribution et de transport, clause de sauvegarde vis-à-vis des échanges internationaux.

Le 11 décembre 1996, il a semblé aux socialistes français que ces deux moitiés ne s'équilibraient pas et que les hypothèques liées aux nouveaux principes d'organisation n'étaient pas toutes levées par les compromis fondateurs incorporés à la directive.

C'est ce qu'indiquait Elisabeth Guigou, alors présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen, dans son explication de vote en déclarant : « Je m'oppose aujourd'hui à ce texte : j'ai donc voté l'intention de rejet, parce que, de toute évidence, il faut opposer une expression forte au glissement libéral opéré par le Conseil. Marquer un coup d'arrêt est indispensable. Cela ne signifie pas pour autant que nous nous enfermons dans une opposition de pur rejet. Au contraire, nous avons un ensemble de propositions à faire parce que nous souhaitions, depuis le départ, jeter les fondements d'un véritable marché intérieur de l'énergie, qui assurerait les investissements à long terme et l'indépendance énergétique, qui harmoniserait les règles sociales, écologiques et de sécurité et qui instaurerait un comité d'évaluation composé de toutes les parties prenantes et notamment des représentants des usagers ordinaires. »

Je retiens notamment de cette citation qu'il ne s'agissait pas de s'enfermer dans un rejet systématique de la directive et que, à partir du moment où l'on prenait en c ompte le long terme, l'indépendance énergétique, l'harmonisation des règles sociales, écologiques et de sécurité, on pouvait voir dans la directive non plus un récipient « à moitié vide », mais un contenant « à moitié plein ». (Rires sur les bancs du groupe communiste.) La suite est plus récente. Après le changement de majorité de juin 1997,...

M. Alain Cacheux.

Heureux changement !

M. Christian Bataille, rapporteur.

... il appartient toujours au gouvernement de la France et à sa nouvelle majorité de transposer la directive en utilisant les marges de modification significatives du processus de transposition. Il s'agit d'inverser la donne de 1996 et de promouvoir une législation qui concilie la construction européenne et le respect d'un demi-siècle de service public électrique.

En d'autre termes, là où en décembre 1996, le poids d es « nouveaux principes d'organisation » semblait l'emporter sur celui des « compromis fondateurs », intervient aujourd'hui la transposition. Or, la manière n'est pas un acte neutre et c'est cet équilibre que nous allons tenter de renverser à travers notre législation, démontrant ainsi qu'une directive non satisfaisante peut engendrer un droit transposé plus favorable au service public.

Le texte que nous examinons aujourd'hui est la transcription législative de cette directive en droit français. A ce titre, comme je crois l'avoir montré et comme le confirmeront nos débats, il s'efforce surtout de canaliser et d'acclimater, selon « l'originalité française », une situation qui est déjà effective dans le droit à travers la directive et aussi dans la réalité à travers le caractère concurrentiel de l'activité internationale de l'industrie électrique française.

Quels sont les principaux traits de ce projet de loi ? C'est d'abord, à mon sens et avant tout un projet de service public et pour le service public. Cela me donne l'occasion d'insister sur cette dimension. Pourquoi la gestation de cette directive fut-elle si difficile ? Pourquoi sa traduction en France a-t-elle, plus qu'ailleurs en Europe, une dimension quasi culturelle ? Parce que le service public est, chez nous, central. Dans le domaine des télécommunications, on a cru pouvoir transiger en recourant à une notion adventice, le service universel. Ce subterfuge n'a pas été utilisé dans le domaine de l'électricité. Ce qu'appellent de leurs voeux électriciens et organisateurs du service électrique est non pas un concept a minima tel que le service universel, mais bien la notion pleine et entière de service public dans toute son acception et l'étendue de ses principes. Ceux-ci sont au nombre de dix. On me pardonnera de les énumérer : égalité, continuité, adaptation, neutralité, laïcité, participation, transparence, responsabilité, accessibilité et simplicité.

M. Franck Borotra.

Et concurrence !

M. Christian Bataille, rapporteur.

Curieusement, la loi de 1946 postulait le service public sans vraiment le définir. Nous allons y remédier en posant une définition et en donnant valeur législative à des notions aussi essentielles que la péréquation.

Le présent projet de loi propose, dans le cadre fixé par la directive, de définir un service public de l'électricité moderne qui réponde aux besoins des citoyens. Tel qu'il est défini dans le projet de loi, le service public de l'électricité doit accomplir trois grandes missions.

Première mission : garantir l'approvisionnement en électricité, en développant les capacités de production pour atteindre les objectifs de la politique énergétique.

Cette mission sera mise en oeuvre par la programmation pluriannuelle des investissements.

Deuxième mission du service public : le développement et l'exploitation des réseaux qui ont des caractéristiques particulières. Ces réseaux sont des « monopoles naturels » puisqu'une économie raisonnée s'oppose à leur duplication.

Troisième mission : la fourniture en électricité, énergie indispensable qui doit être acheminée vers tous les consommateurs sur l'ensemble du territoire national. Visà-vis des clients « éligibles », les garanties importantes apportées par le service public sont la continuité et la qualité de la fourniture, éléments essentiels pour les entreprises. Le service public devra donc à ce titre pallier les risques d'interruption et assurer la fourniture d'électricité à un client éligible qui ne trouverait pas de fournisseur.

Le revers de ces missions de service public, ce sont des charges spécifiques, non couvertes commercialement. Le projet de loi propose de financer ces charges de manière transparente et équitable par le biais de différents fonds.

Quelles sont ces charges ? Dans le domaine de la production, ce sont tout d'abord les surcoûts qui pourraient résulter des contrats passés à la suite d'appels d'offres ou des contrats conclus dans le cadre de l'obligation d'achat. Le fonds des charges d'intérêt général de l'électricité, alimenté par un pr élève-


page précédente page 01481page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

ment au prorata de leur activité, permettra de rétablir l'égalité de traitement entre les producteurs, dans la transparence.

Dans le domaine de la distribution, interviennent d'autres mécanismes de compensation. L'approvisionnement des clients non éligibles situés dans les zones desservies par les distributeurs non nationalisés, ainsi que l'utilisation des réseaux de distribution par les clients éligibles et les producteurs situés dans ces mêmes zones, seront assurés à des tarifs péréqués fixés au niveau national. I l se pourra donc que les recettes ne couvrent pas les coûts effectifs de distribution. Cela justifie le maintien d'une péréquation.

D'autres charges sont, par ailleurs, à répartir dans le domaine de la distribution. C'est le cas des contributions liées à la fourniture d'électricité pour les personnes en situation de précarité. Les organismes de distribution jouent, en effet, un rôle important pour la lutte contre l'exclusion dans le cadre institué par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 et par le dispositif d'aide et de prévention dénommé « convention pauvreté-précarité ». La solution proposée par le projet de loi consiste à organiser, par le biais du fonds de péréquation de l'électricité, l'aide aux clients en situation de précarité. Nous reparlerons de ce dispositif.

J'aborderai à présent successivement la production, puis le transport et la distribution d'électricité.

La production, tout d'abord. L'énergie n'est pas un bien de consommation comme un autre, vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat. Sécurité d'approvisionnement, protection de l'environnement, compétitivité de la fourniture, tous ces enjeux obligent à une forte implication publique dans ce domaine. S'agissant de la production, le maître mot sera donc la programmation des investissements. Cette programmation sera mise en oeuvre par la délivrance d'autorisations, l'organisation d'appels d'offres et par le mécanisme de l'obligation d'achat.

La programmation pluriannuelle des investissement appartient d'évidence aux pouvoirs publics. Elle sera élaborée par le ministre chargé de l'énergie, notamment sur la base d'un bilan des besoins de production établi par le gestionnaire du réseau de transport. Elle fera l'objet d'un rapport au Parlement tous les cinq ans. C'est le ministre chargé de l'énergie qui délivrera les autorisations de production. Il pourrait être décidé de ne plus en délivrer temporairement pour certains types d'installations, par exemple selon la source d'énergie primaire.

La procédure d'appel d'offres interviendra, en cas de carence de l'investissement spontané, pour introduire des choix d'énergies primaires ou encore combler un déficit ponctuel de capacités de production. La commission de régulation de l'électricité sera chargée de mettre en oeuvre la procédure et de donner un avis au ministre avant que celui-ci ne désigne les bénéficiaires de l'appel d'offres.

T roisième moyen de programmation : l'obligation d'achat. Elle peut servir à favoriser le recours à des énergies respectueuses de l'environnement, à des techniques de production performantes ou à but social, pour les déchets ménagers par exemple. Le bénéfice en sera limité a ux installations qui ne pourraient raisonnablement rechercher des clients sur le marché, compte tenu notamment de leur petite taille. Les tarifs d'achat continueront à être réglementés dans le prolongement des dispositions existantes.

S'agissant de la production, la loi est aussi l'occasion d'actualiser le régime de l'intervention des communes et de leurs groupements dans le domaine de la production.

Ce rôle est largement réaffirmé, de façon à rendre effectif le développement des énergies décentralisées réparties sur le territoire. A cet effet, deux nouveaux articles sont insérés dans le code général des collectivités territoriales.

Le premier d'entre eux actualise les possibilités d'intervention des communes dans le domaine de la production, déjà prévues par la loi de 1946. Ces possibilités sont réaffirmées et complétées par la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables - éolien, biogaz, géothermie. L'objet des communes n'étant pas d'intervenir dans le domaine concurrentiel, l'électricité ainsi produite sera destinée à l'alimentation de leurs propres services publics.

Il est toutefois prévu que cette électricité puisse être rachetée par Electricité de France. Il est par ailleurs prévu de permettre la poursuite de l'exploitation, y compris dans le cadre du renouvellement des concessions, des installations de production réalisées par les départements en application de l'article 23 de la loi du 16 octobre 1919.

De manière complémentaire, le deuxième de ces articles nouveaux du code des collectivités territoriales donne un fondement légal à l'intervention des communes et de leurs établissements publics en matière de production décentralisée d'électricité de faible puissance, dans le cas où cet investissement peut permettre d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux existants.

Enfin, la possibilité de produire de l'électricité est confortée pour les distributeurs non nationalisés autres que les régies et les sociétés d'économie mixte, essentiellement les sociétés d'intérêt collectif agricole d'électricité SICAE. Compte tenu de leur statut, il est précisé que ces opérateurs peuvent livrer leur électricité à l'ensemble des clients installés dans leur zone de desserte exclusive.

J'en viens au transport de l'électricité, fonction qui est au coeur du système électrique. L'efficacité comme la sécurité de l'ensemble en dépendent.

L'organe clé du transport est le gestionnaire du réseau de transport, ou GRT. Celui-ci gère les infrastructures du réseau de transport, appelle les installations de production et les sources d'importation, fait face aux situations de congestion, appelle les réserves d'approvisionnement et réalise le décompte des écarts entre fourniture et consommation.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, je vous invite à conclure.

M. Christian Bataille, rapporteur.

Je termine, monsieur le président. J'irai au bout de ma démonstration.

M. Alain Cacheux.

Oui, son intérêt le mérite !

M. Christian Bataille, rapporteur.

La directive de 1996 n'impose aucunement - j'y insiste - l'indépendance du GRT par rapport aux activités de production et de distribution. Dans ce contexte, le projet de loi fait un choix clair : Electricité de France est désignée comme le gestionnaire du réseau public de transport et conserve donc son caractère d'entreprise intégrée. D'autres pays européens ont fait un choix comparable. Néanmoins, des exig ences particulières sont imposées afin de garantir l'absence de discrimination entre le producteur intégré et les producteurs indépendants : l'activité de transport de l'électricité est soumise à la séparation comptable et le tarif d'utilisation du réseau de transport est réglementé.

Dans quelles conditions le GRT exerce-t-il ses missions ? La gestion des infrastructures du réseau de transport comprend les fonctions d'exploitation, d'entretien et de développement de ce réseau. Nous y reviendrons.


page précédente page 01482page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

L'appel des installations de production et des sources d'importation assure le maintien de l'efficacité et de la sécurité du réseau de transport. Il s'agit d'une fonction centrale du GRT : appeler, en temps réel, les installations de producteurs et les sources d'importation sur la base d'un programme établi la veille, donc donner l'autorisation de connexion au réseau à hauteur d'une certaine puissance, selon la demande des consommateurs et après vérification de leur équilibre à tout moment. Le GRT identifie également les congestions locales. Enfin, la recherche du moindre coût ainsi que la neutralité lors de la modification des programmes conduisent à imposer au GRT le respect de critères techniques et économiques transparents et non discriminatoires.

La distribution d'électricité est aussi abordée dans le projet de loi. Nous y reviendrons ; je ne fais que balayer très rapidement la question.

Les droits exclusifs de distribution institués par la loi de 1946 sont conservés à leurs bénéficiaires : il s'agit d'Electricité de France et des quelque 150 distributeurs non nationalisés, qui comprennent des régies, des sociétés d'économie mixte, des sociétés d'intérêt collectif agricole et des coopératives.

Au-delà de ces confirmations, le projet apporte certaines retouches au cadre applicable à la distribution. Le principe d'autonomie des collectivités concédantes doit notamment être concilié avec ceux d'universalité et d'égalité.

EDF et les distributeurs non nationalisés sont, je le souligne, désignés comme gestionnaires des réseaux de distribution publique d'électricité dont ils sont concessionnaires. L'indépendance de gestion n'est pas imposée aux gestionnaires des réseaux de distribution.

Les conditions d'accès des tiers aux réseaux publics de distribution ont été rapprochées de celles qui concernent le réseau public de transport.

L'accomplissement des missions de service public prévues au titre Ier et l'ouverture progressive du marché de l'électricité nécessitent de définir des critères objectifs d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution, de façon à éviter toute discrimination. C'est l'objet de la définition des clients éligibles, c'est-à-dire des 441 gros clients qui auront le choix de leur fournisseur.

Pour ce qui concerne la définition des éligibles, l'option du projet de loi est claire : il s'agit de limiter l'ouverture du marché de l'électricité au seuil fixé par la directive. Pour l'année 1999, le taux d'ouverture sera de l'ordre de 26 %. Dans ce cadre, il est proposé que soient éligibles les sites grands consommateurs finaux d'électricité, et notamment les principaux établissements industriels.

Ce seuil ne sera cependant pas uniforme et rigide, mais modulé de façon à tenir compte de l'impact différencié qu'aura l'ouverture progressive du marché de l'électricité selon les secteurs économiques.

La qualité d'éligible sera également reconnue à d'autres entreprises ou organismes qui ne sont pas eux-mêmes consommateurs finaux d'énergie.

C'est le cas de certains producteurs, auxquels il convient de permettre de compléter leur offre sous certaines conditions ; les principes généraux encadrant l'int ervention des collectivités locales dans les secteurs commerciaux ne permettent cependant pas de prévoir la même liberté pour ce qui les concerne ou pour leurs groupements.

C'est le cas aussi des organismes de distribution : le respect des principes d'universalité et d'égalité ainsi que la péréquation tarifaire ne permettent pas de leur étendre l'éligibilité. Mais, afin de ne pas pénaliser les distributeurs non nationalisés du fait de l'ouverture progressive du marché, ceux-ci pourront participer à l'approvisionnement des clients éligibles situés dans leur zone : l'« éligibilité partielle » des distributeurs non nationalisés est donc reconnue.

Enfin, les entreprises propriétaires ou gestionnaires des réseaux ferroviaires seront éligibles et pourront ainsi fournir de l'énergie aux entreprises de transport, sans préjudice de l'éventuelle éligibilité de ces dernières ; l'éligibilité des entreprises exploitant des services ferroviaires sera déterminée non pas par site, cela tombe sous le sens, mais en fonction de leur consommation totale d'électricité de traction.

Cette définition des éligibles étant acquise, le projet de loi arrête un choix précis en ce qui concerne l'accès aux réseaux. Parmi les différentes formules proposées par la directive, c'est le système dit de « l'accès réglementé » qui est retenu, avec l'instauration d'un tarif d'utilisation des réseaux. Ce système est en effet le plus transparent et le plus efficace pour garantir le bon fonctionnement du marché : l'accès à un réseau de transport ou de distribution donne lieu à l'établissement d'un contrat entre le gestionnaire du réseau et l'utilisateur, précisant les conditions de l'accès et les modalités financières de l'utilisation d e ce réseau. Ces conditions sont en particulier conformes aux tarifs d'utilisation des réseaux publics, aux c onditions de raccordement ainsi qu'aux règles d'exploitation des réseaux. La commission de régulation de l'électricité a connaissance de ces contrats et exerce sur eux son pouvoir de contrôle.

Je mentionne, pour mémoire, les obligations de séparation comptable et de transparence de la comptabilité.

Et j'en viens tout de suite à la régulation. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Qui fera partie de votre conclusion, monsieur le rapporteur, car le temps s'écoule ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs.)

M. Christian Bataille, rapporteur.

Comme chacun le comprend, le mode de régulation du système électrique est une donnée cardinale dans le succès de la réforme. La démarche de la France sera jugée sur la crédibilité, c'est-à dire sur l'authenticité de la concurrence qui va s'établir.

Le régulateur de l'électricité prend la forme d'une

« commission de régulation de l'électricité », sur la composition de laquelle nous reviendrons (Sourires) , ... Plusieurs députés du groupe socialiste.

On l'espère bien ! (Sourires.)

M. Christian Bataille, rapporteur.

... avec des pouvoirs de proposition, d'arbitrage et de sanction.

Au plan institutionnel, la CRE est une autorité administrative indépendante dont les décisions sont motivées, exécutoires et susceptibles de recours juridictionnel. Ces décisions régleront les différends. Dans un souci de bonne administration de la justice, les recours contre les décisions de la commission seront portés devant la cour d'appel de Paris.

Enfin, les domaines de la commission et du Conseil de la concurrence se recoupant, il est prévu entre ces deux instances des mécanismes permettant de traiter les différends de façon cohérente.


page précédente page 01483page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

EDF pourra exercer, en tant qu'opérateur industriel, des activités qui concourent directement ou indirectement à son objet. Pour réaliser ces objectifs, l'établissement devra adopter des structures et un comportement garantissant une concurrence loyale : une obligation de séparation juridique lui est donc imposée.

S'agissant des clients éligibles, il est important qu'EDF puisse affronter la concurrence à armes égales. Or la demande industrielle appelle aujourd'hui une offre globale incluant des prestations de complément technique ou commercial à la fourniture d'électricité. La commission a précisé ces dispositions. S'agissant des non-éligibles, vis-à-vis desquels EDF conservera un monopole, il est prévu que l'établissement puisse promouvoir l'utilisation rationnelle de l'énergie. Cette disposition permet de répondre aux objectifs de la politique énergétique et environnementale, tout en recherchant le moindre coût pour les clients. En revanche, et j'y insiste particulièrement, l'interdiction prévue dans la loi de 1946, prohibant toute réalisation ou entretien d'installations intérieures, vente ou location d'appareils utilisateurs d'énergie, est maintenue. Cette interdiction permet de sauvegarder l'activité des entreprises, artisans ou PME du secteur électrique.

Votre commission a adopté une réécriture de cet article du projet de loi, qui clarifie cette « déspécialisation ».

J'aborde rapidement les dispositions sociales du projet de loi, en insistant sur le fait que le statut du personnel d es industries électriques et gazières s'appliquera à l'ensemble de cette branche. C'est un point que vous avez très précisément évoqué, monsieur le secrétaire d'Etat.

Il y a donc lieu, tout d'abord, d'organiser la possibilité d'une négociation collective de branche au sein des industries électriques et gazières. C'est l'objet d'un nouvel article du code du travail.

Ensuite, il est souhaitable d'ouvrir au champ de la négociation collective les mesures prises en exécution du statut du personnel : c'est l'objet d'un autre article du code du travail. Le droit doit en effet être modernisé sur c e point si l'on veut qu'il s'applique aisément à l'ensemble des entreprises de la branche. Il y a ainsi lieu de prévoir l'évolution progressive des règlements d'exécution qui accompagnent le statut national du personnel, sous réserve du respect du statut proprement dit. Pour les nouvelles mesures concernant l'ensemble du personnel des industries électriques et gazières, le mécanisme de droit commun prévu par le futur article est proposé même si un pouvoir réglementaire spécial est exceptionnellement réservé au ministre chargé de l'énergie.

Tels sont, au terme d'une présentation que j'ai voulue la moins aride possible (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis de la commission, des finances, de l'économie générale et du Plan.

Et succincte !

M. Christian Bataille, rapporteur.

... les principaux traits du projet de loi qui nous est soumis. J'en viens ainsi aux améliorations et amendements que votre commission de la production et des échanges a jugés utiles, non sans avoir, au préalable, après avoir ajouté un point important...

M. Franck Borotra.

Ah non !

M. Germain Gengenwin.

Il parle depuis une heure, monsieur le président !

M. Christian Bataille.

... relatif aux dispositions diverses et transitoires que l'on trouve, comme il est d'usage, en fin de texte. Je n'ai toutefois pas l'intention de m'arrêter sur chacune d'elles.

L'article 1er de la loi de 1946 est complété afin de prévoir que les activités de production, d'importation et d'exportation d'électricité, ainsi que l'activité de fourniture d'électricité aux clients éligibles, seront désormais exercées dans les conditions déterminées par la nouvelle loi sur l'électricité.

Un article nouveau dispose qu'Electricité de France ne peut acheter, notamment dans le cadre de l'obligation d'achat, que l'électricité produite par des installations de production régulièrement établies.

Des modifications sont apportées concernant la fonction de directeur général d'Electricité de France ou de Gaz de France. Je passe rapidement...

M. Alain Cacheux.

Dommage !

M. Franck Borotra.

Vous en êtes bien incapable !

M. Christian Bataille, rapporteur ... mais des événements que nous avons tous en mémoire expliquent cette disposition.

Enfin est prévue la représentation des nouveaux opérateurs de la production au sein du Conseil supérieur de l'électricité et du gaz. Nous y reviendrons.

J'en viens maintenant aux améliorations et amendements.

M. le président.

Monsieur Bataille, si le premier orateur commence à donner le mauvais exemple, en doublant son temps de parole, qu'en sera-t-il des autres ?

M. Marc Dolez.

Les autres, ce n'est pas le rapporteur !

M. le président.

Certes, mais il était inscrit pour une demi-heure et il parle depuis cinquante minutes !

M. Marc Dolez.

On ne s'en lasse pas !

M. le président.

Je vous invite donc à conclure, monsieur le rapporteur.

M. Christian Bataille, rapporteur.

J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président. De votre fauteuil, vous le voyez parfaitement. (Sourires.)

M. Germain Gengenwin.

Plus que dix feuillets !

M. Christian Bataille, rapporteur.

J'en viens, disais-je, aux amendements.

Premier point : la lutte contre l'exclusion et la prise en compte des situations de détresse. En améliorant la proposition initiale du groupe communiste, nous vous inviterons à instituer le droit à l'électricité. C'est une disposition essentielle.

Deuxième point : l'obligation d'achat de l'article 10.

Un amendement précise qu'elle devrait se situer à 15 mégawatts au plus.

Troisième point :...

M. François Goulard.

Plus que quinze !

M. Christian Bataille, rapporteur.

... le négoce ou trading, qu'il faut concevoir comme un complément, une marge de souplesse, et qu'il faut donc limiter en l'autorisant pour les seuls producteurs souhaitant compléter leur offre.

M. Jean-Louis Idiart.

C'est vrai !

M. Christian Bataille, rapporteur.

Enfin, nous avons souhaité préciser le périmètre du GRT en retenant une acception large l'intégrant mieux à l'intérieur d'EDF.


page précédente page 01484page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

Un autre problème a retenu notre attention : celui des

« coûts échoués ». Un amendement global vous sera proposé, qui ne retient que les « contrats d'appel modulables ». Nous avons écarté la prise en considération de Superphénix. Un accord s'est établi pour considérer que l'arrêt de cette insallation, qui était devenue un outil de recherche, ne pouvait pas être considéré comme une conséquence de la nouvelle organisation du secteur électrique.

Enfin, nous avons précisé l'article qui remodèle les spécialités d'Electricité de France.

Telles sont les plus saillantes des modifications qui seront examinées dans la discussion des articles.

Mes chers collègues, j'espère, au moment de conclure (« Déjà ? » sur les bancs du groupe socialiste), vous avoir démontré combien est complexe le sujet dont nous allons débattre, mais aussi combien est importante l'étape qu'il représente pour une industrie nationale qui a conquis la première place au monde.

Ce dont il s'agit, c'est d'adapter notre législation au cadre européen défini par un accord qui a engagé réciproquement tous les pays qui en ont débattu. C'est une étape d'un mouvement qui prendra du temps et qui permettra sans aucun doute de communiquer en retour la culture française du service public à l'Europe tout entière.

Nous avons besoin, tout à la fois et sans les opposer, de la dynamique européenne et d'un service public renforcé.

L'une et l'autre notions se complètent. L'électricité française de demain se caractérisera, dans une Europe forte, par un service public réaffirmé.

C'est pourquoi la commission de la production et des échanges vous demande d'adopter ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Magistral ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour quinze minutes.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le secrétaire d'Etat, en mars 1998, vous avez proposé à M. le Premier ministre de me confier une mission parlementaire sur la transposition, dans le droit français, de la directive européenne du 19 décembre 1996.

Cette mission m'a permis de rencontrer pratiquement tous les acteurs actuels et à venir de ce nouveau marché, de les écouter, de dialoguer, puis, après la remise de mon rapport, en juillet dernier, de participer à de nombreux colloques et rencontres sur ce sujet : l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence et, donc, la nouvelle organisation à mettre en oeuvre en France.

C'est pourquoi je dois avant tout vous exprimer ma satisfaction de voir ce projet de loi enfin discuté dans cette enceinte. Il s'agit bien, pour nous, de poursuivre la modernisation de ce secteur et, en particulier, de l'entreprise publique EDF, de la sortir de sa monoculture, de lui proposer un nouveau et grand projet.

E n ratifiant la directive européenne du 19 décembre 1996, la France a engagé sa parole. Quelle que soit l'appréciation que l'on porte sur son contenu, il ne peut être question de la renier. L'adoption du projet que nous soumet le Gouvernement est donc une question de respect de la parole donnée, mais aussi un encouragement tangible au développement des activités de l'entreprise publique EDF dans l'espace européen. N'oublions pas qu'elle réalise un chiffre d'affaires de 190 milliards de francs et participe, par ses exportations, à l'excédent commercial de la France pour un gain net en devises de 13 milliards de francs.

Surtout, dans quelques jours, que nous adoptions ou non ce projet de loi, la concurrence dans le secteur de l'électricité sera une réalité pour une partie des acteurs économiques, puisque la directive européenne fixe la date du 19 février 1999 comme limite à sa transposition en droit interne. Tous les pays européens, à l'exception de la France, se sont conformés à la directive et l'ont traduite.

La France le fera avec quelques semaines de retard, mais ce sera, j'en forme le voeu - et je souhaite que les débats de cette semaine me donnent raison - pour en améliorer les dispositions, dans un souci de juste équilibre entre le maintien, sinon le renforcement, des missions de service public et l'ouverture du marché à de nouveaux acteurs.

Encore faudra-t-il que la période transitoire qui s'ouvrira le 20 février prochain soit la plus courte possible et que le Gouvernement prenne les dispositions indispensables pour éviter tout contentieux qui pourrait être préj udiciable à EDF. Il faudra tout particulièrement répondre aux questions suivantes : quelle sera la responsabilité managériale civile et pénale du gestionnaire du système de transport sur les lignes à très haute tension ? Et, bien évidemment, quel sera le tarif pour ledit transport si l'on adopte, par exemple, le timbre-poste ? Voilà maintenant plus d'un an que le Gouvernement a lancé une véritable concertation à travers le pays sur la façon de transposer la directive. Les conseils économiques et sociaux régionaux, le CES national, le conseil supérieur de l'électricité et du gaz ont eu à s'exprimer, de même que l'ensemble des acteurs concernés : producteurs, distributeurs, concessionnaires, collectivités locales, salariés, syndicats, fédérations de l'énergie. Faut-il souligner que ce sont ces dernières qui ont lancé, à La Villette, le premier grand colloque sur le sujet - rappelez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, le Livre blanc et les textes divers issus de l'ensemble des réflexions des acteurs.

Tous ont pu et ont su faire valoir leur point de vue à l'occasion des nombreux colloques et manifestations qui ont émaillé ces derniers mois. Tous ont contribué à enrichir et à améliorer le projet de loi aujourd'hui présenté à notre assemblée.

Le rapport que j'ai remis à M. le Premier ministre au début de l'été va fortement inspirer mon propos - vous le comprendrez bien.

Le projet de loi de 1999 vient moderniser la loi de nationalisation du 8 avril 1946, qui, elle-même, complétait des textes de 1906, de 1919 et de 1922. Ce projet traduit en droit français les dispositions de la directive européenne sur l'ouverture du marché de l'électricité à la concurrence. Après les télécommunications et avant le gaz, voici dont un nouveau secteur ouvert partiellement au libre-jeu de la concurrence.

Mais est-il vraiment pour autant abandonné au libéralisme ? Il suffit, pour se convaincre du contraire, d'écouter ceux qui, hier encore, étaient au pouvoir et négociaient la directive mais qui aujourd'hui critiquent le texte gouvernemental : « Il faut moins d'entraves ! Privatisons l'entreprise publique EDF ! Faisons fi des missions de service public qu'assurent, avec efficacité, EDF ! » : nous disent-ils.

M. Franck Borotra.

Ne parlez donc pas pour eux ! Vous pourriez avoir des surprises !


page précédente page 01485page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis.

Ces appels à une libéralisation complète, à un abandon de tout pouvoir d'influence de la puissance publique sur un secteur intimement lié à l'indépendance nationale et à la sécurité ne sont pas raisonnables et nous convainquent que le projet de loi rédigé par le Gouvernement assure, bien au contraire, une ouverture maîtrisée du marché dans le respect de ce qui constitue les particularités du service public à la française.

Mais mon rôle de rapporteur pour avis n'est pas de vous détailler l'équilibre de ce texte. Mon collègue Christian Bataille vient de le faire excellement, encore qu'un peu trop brièvement. (Sourires.) Je m'attacherai plutôt à porter l'accent sur quatre points du texte, sur lesquels la commission des finances vous propose quelques améliorations et éclaircissements.

Le premier de ces points est le statut du gestionnaire du réseau public de transport. Celui-ci doit apporter toutes les garanties de sécurité et de fiabilité et maintenir l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité en poursuivant une optimisation du réseau. L'un des moyens d'y parvenir est de découpler les flux physiques des flux financiers.

Dans le rapport que j'ai remis au Premier ministre il y a quelques mois, j'avais évoqué la création d'un deuxième établissement public, distinct dans le groupe EDF, et en charge de cette fonction de gestionnaire. Mon souci, en faisant cette proposition, était de garantir au maximum l'indépendance de cette fonction, notamment pour éviter tout soupçon à l'égard de l'ensemble du groupe EDF.

Cette indépendance se justifiait par un impératif du tout marché : l'égal traitement des opérateurs dans leur accès au réseau de transport.

Le projet de loi n'a pas retenu cette proposition, mais formule une solution qui répond pour partie aux craintes que je viens d'exprimer, puisque l'activité de gestion du réseau et de transport serait confiée à un service autonome de l'entreprise publique bénéficiant d'une séparation comptable stricte. Je rappelle qu'une autre grande entreprise publique forme un groupe de plusieurs EPIC et donne satisfaction, à un certain nombre des opérateurs.

M. Alain Cacheux.

Pas franchement !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis.

Si l'autonomie du SGRT n'est pas garantie en tant qu'entité, du moins son directeur doit-il être, lui, assuré de son indépendance hiérarchique, économique et juridique. Aussi ne m'apparaît-il pas opportun, M. le président d'EDF ne m'en voudra pas, que ledit président intervienne dans la nomination du directeur du SGRT. Et questions subsidiaires, quid d'une éventuelle révocation ? Quelle capacité à ester ? Quel pouvoir d'évocation vis-à-vis de la tutelle ? De même, et toujours avec le souci d'assurer la plus grande transparence de ce service, je considère que la future commision de régulation devra se voir confier le rôle de contrôle du SGRT. Quel doit être le périmètre d'intervention du gestionnaire ? Voilà une question qui n'a cessé de susciter le débat à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise publique EDF.

A mon sens, et je rejoins ce que Christian Bataille disait il y a quelques minutes, ce périmètre doit être le plus large possible et doit inclure la gestion des flux d'énergie - programmation et ajustements -, l'établissement du schéma directeur de développement du réseau, les activités de construction, d'entretien et de maintenance ainsi que les activités de recherche et de développement associées.

La notion d'autonomie de gestion dépasse, en effet, la simple séparation comptable et suppose que le SGRT soit responsable de l'ensemble des paramètres du réseau tels que je viens de les énumérer.

De toute évidence, et pour limiter tout contentieux ultérieur, la loi et les décrets qui en découleront devront également préciser clairement la délimitation de ce périmètre à tous les stades des interventions, y compris à celui des ajustements qu'il sera inévitable de réaliser.

Le deuxième point que je souhaite aborder est celui de la régulation.

L a récente décision de la Cour de cassation à l'encontre de la Commission des opérations de Bourse nous rappelle à l'ordre, nous parlementaires qui sommes prompts à échafauder des « autorités » dites indépendantes sans vouloir aller jusqu'au bout de la logique de séparation des fonctions.

M. François Goulard.

Très juste !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis.

La régulation à la française est perfectible. Certes, à chaque création d'une autorité, nous en améliorons le fonctionnem ent. La dernière-née, l'autorité de régulation des télécommunications, fonctionne plutôt bien, vous en conviendrez.

Je le dis avec la plus extrême prudence, monsieur le secrétaire d'Etat. Mais il est vrai aussi que le pouvoir politique est toujours réticent à se séparer d'une parcelle de son pouvoir au profit d'une autorité à l'autonomie insolente.

Je voudrais faire à ce moment de mon propos une proposition. Je vous suggère de saisir M. le Premier ministre afin que celui-ci demande un avis au Conseil économique et social, par exemple, à la commission du Plan. C'est ce qui avait été fait pour la SNCF, et qui a conduit à la création de RFF : Réseau ferré de France. C'est ce que M. le Premier ministre a fait pour le 1 % logement : l'ensemble des acteurs sont intervenus, ont exprimé leur opinion. Ces avis du Conseil économique et social ont permis d'éclairer nos débats et d'assurer une démarche plus vigoureuse pour le Gouvernement. Une régulation à la française mérite une telle réflexion.

Or une même personne, morale ou physique, ne peut cumuler le pouvoir de réglementer, de contrôler et de sanctionner. Tous les exemples montrent qu'elles assument mal cette concentration excessive, qui ouvre la voie à tous les arbitraires.

La commission de régulation de l'électricité, la CRE, doit non seulement garantir le respect des règles de la concurrence mais aussi veiller à l'équilibre du marché, ainsi qu'à l'accomplissement des obligations liées au service public de l'électricité. En définitive, elle doit assumer une fonction de juge de paix.

Le projet de loi apporte de nombreuses garanties. Je me propose d'aller un peu plus loin encore et de mieux préciser ses missions et son champ de compétences. Ce sera l'objet d'un amendement adopté par la commission des finances, que je vous demanderai d'accepter.

P renons par exemple la procédure d'autorisation décrite précédemment par Christian Bataille qui figure à l'article 7 du projet de loi et qui stipule que « l'autorisation d'exploiter est délivrée par le ministre chargé de l'énergie ». Je vous proposerai d'adopter un amendement qui ajoute une procédure de déclaration d'intention auprès de la commission de régulation afin qu'elle puisse s'assurer du bon déroulement de la mise en oeuvre de la programmation pluriannuelle des investissements, ainsi


page précédente page 01486page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

que de la transparence. Il s'agit d'un élément qui permettra de concilier tout à la fois procédure d'autorisation, programmation à long terme par l'Etat après avis du Parlement, et exercice de la concurrence.

L'indépendance du régulateur incombe aussi largement à sa composition, à son fonctionnement, à ses pouvoirs d'investigation, à sa capacité d'expertise propre, bref à tous ces attributs qui, lorsqu'ils sortent du champ de l'administration stricto sensu , poussent certains à agiter le spectre d'une « République des juges » largement fantasmée.

La commission de régulation doit se voir reconnaître tous ces pouvoirs par la loi. C'est le seul moyen pour elle et pour l'Etat de se prémunir de tout procès en partialité.

La concurrence, certes, mais la concurrence encadrée, surveillée, régulée.

La naissance du marché de l'électricité, au baptême duquel vous nous avez conviés aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, ne va pas, je l'ai dit au début de mon propos, remettre en cause le service public de l'électricité, bien au contraire.

Les premiers articles du projet de loi rappellent avec justesse les missions de ce service public ainsi que les obligations incombant aux acteurs du marché, qu'ils soient publics ou privés, et concernant l'ensemble des usagers, éligibles ou non.

Le principe de la péréquation tarifaire, élément essentiel de cohésion de notre territoire, est réaffirmé et acquiert, avec l'article 2 du projet, valeur législative.

L'article 5 conforte les avancées de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions votée en juillet dernier en instituant un mécanisme de financement de l'électricité pour les plus démunis. Un pas supplémentaire pourrait être franchi avec l'affirmation d'un véritable

« droit à l'électricité » pour tous.

L'existence d'un régulateur indépendant et fort est également un moyen d'ouvrir le réseau en respectant les principes d'égalité de traitement, selon les tarifs réglementés, justes et contrôlés. Encore faut-il que les charges financières qui peuvent parfois en découler soient correctement appréhendées et assumées.

Le projet de loi institue un fonds de compensation des charges d'intérêt général dans le domaine de la production qui associe l'ensemble des producteurs. L'évaluation de ces charges incombe à la commission de régulation.

Nous pourrions d'ailleurs envisager que ladite CRE soit également en charge du contrôle de la comptabilité des opérateurs, ce qui ne serait que la conséquence logique de son rôle d'évaluateur des charges de service public.

Par ailleurs, le fonds de péréquation de l'électricité voit sa vocation élargie à la participation au dispositif d'aide aux personnes en situation de précarité. Si l'augmentation de la dotation à ce dispositif est vivement souhaitable, je m'interroge tout de même sur la pertinence de l'inscrire dans un fonds de péréquation, abondé par les seuls distributeurs, plutôt que dans le fonds de compensation des charges salariales auquel participent l'ensemble des opérateurs.

Au contraire, le fonds de péréquation aurait naturellement dû contribuer au financement des actions en faveur de l'intégration visuelle des réseaux. Mais cela, d'après ce qui nous a été dit, est renvoyé à une prochaine loi de finances.

Enfin, et pour conclure sur ce chapitre, je voudrais insister auprès de vous pour rappeler que, bien souvent, les taxes communales et départementales liées à la consommation d'électricité sont affectées au budget général de ces collectivités et ne contribuent en rien à l'amélioration du réseau et à son enfouissement, comme cela devrait être le cas. Cela n'est pas acceptable et mériterait d'être réformé.

L'ouverture à la concurrence conduira-t-elle à une baisse des prix pour les ménages ? EDF s'y est engagé dans son dernier contrat avec l'Etat.

Me permettra-t-on de saisir cette occasion pour lutter contre quelques idées reçues ? Le chauffage électrique dans les logements sociaux, largement décrié, est pourtant l'un des éléments pris en compte par les bailleurs sociaux pour parvenir à équilibrer leurs opérations et à proposer des logements aux loyers compatibles avec les ressources des ménages. Par sa souplesse et s'il est bien utilisé, le chauffage électrique n'est pas une énergie coûteuse.

J'en viens à la participation des collectivités locales à la nouvelle organisation.

La loi du 8 avril 1946 accordait une large place aux collectivités locales, autorités concédantes des installations de distribution et parfois actionnaires de sociétés locales de distribution, même s'il n'existe qu'un seul concessionnaire, Electricité de France. Nous avons tous, dans nos régions, l'exemple de sociétés d'économie mixte ou de régies de distribution. Je citerai volontiers celle de Metz, mais je pourrais parler aussi de Grenoble, chère à notre collègue Destot.

Le projet de loi ne remet pas en cause cet équilibre. Il réaffirme la qualité d'autorité concédante de la distribution d'électricité aux collectivités locales ou à leurs établissements publics de coopération. Il les associe au contrôle du bon accomplissement des missions de service public définies à l'article 2. Il introduit le principe d'une éligibilité partielle des distributeurs.

D'autres aménagements sont inscrits. J'en relèverai un dernier : l'article 11, qui étend les possibilités d'intervention des communes en matière de production décentralisée d'électricité à destination des clients non éligibles.

Cela concerne la production d'électricité et/ou de vapeur par récupération des déchets urbains, la production hydraulique, la création de nouvelles installations de production pour leurs propres besoins.

Des ouvertures supplémentaires peuvent être envisagées. En matière de production d'électricité, pourquoi ne pas assimiler les collectivités locales à des autoproducteurs ? Elles pourraient ainsi, sur la base de critères objectifs transparents et non discriminatoires, améliorer le coût d'approvisionnement de leur réseau de distribution et compenser le fait que les distributeurs ne soient pas éligibles.

Autre point qui pourrait être amélioré par notre assemblée : les critères d'éligibilité. Notre collègue Christian Bataille en ayant déjà parlé, je soulignerai simplement que les réseaux de tramways, c'est-à-dire les transports en commun en site propre, pourraient en bénéficier.

De même, les distributeurs non nationalisés et dotés de la personnalité morale doivent avoir la faculté de produire pour les besoins de leurs clients, qu'ils soient éligibles ou non. Le projet de loi est, sur ce point, un peu trop timide.

Sans attendre de miracles de la future loi sur l'électricité, il faut rappeler que l'introduction de la concurrence dans le téléphone a eu pour principal effet la diminution du prix des communications, mais aussi la hausse du coût du raccordement.

M. Alain Cacheux.

Ce n'est pas le même dossier.


page précédente page 01487page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis.

Peut-être, mais on peut en tirer quelques enseignements. Même si tous les économistes ne sont pas d'accord, une déréglementation trop poussée fait augmenter les prix.

Les salariés d'EDF, quant à eux, ne doivent pas y perdre, bien au contraire, car la négociations d'une convention collective de branche, que j'appelle de mes voeux, ouvre de nouvelles perspectives sociales. EDF verra ses compétences élargies et l'on assiste déjà à des prises de contrôle d'entreprises privées à l'étranger.

Le statut du personnel des industries électriques et gazières et le régime des pensions des inactifs ne sont pas modifiés par la loi.

Il serait en revanche paradoxal que l'une des entreprises les plus importantes du secteur électrique mondial soit inquiète d'être mise en concurrence alors qu'elle a fait la preuve, depuis cinquante ans, de sa compétence et de son professionnalisme. Service public ne peut pas et ne doit pas être contradictoire avec performance.

Tels sont donc les enjeux.

Le vote de cette loi n'est pas seulement opportun ; il est indispensable. Pour nos consommateurs, pour nos entreprises et nos emplois, pour le développement présent et futur de notre pays, il faut moderniser notre organisation électrique. Nous avons, je le crois, les moyens et toutes les chances de réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission de la production et des échanges.

M. André Lajoinie, président de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat d'orientation énergétique que nous avons eu ici le 21 janvier dernier a confirmé que l'électricité ne pouvait être assimilée à un bien ordinaire. Son caractère vital dans nos sociétés contemporaines est unanimement reconnu. Il convient maintenant de traduire cette notion dans le quotidien de nos concitoyens en assurant un droit à l'électricité pour tous.

La commission de la production et des échanges proposera, dans le débat, des amendements garantissant ce droit fondamental. Ils n'ont pas vocation à inscrire dans la loi un simple voeu ou une déclaration de principe qui ne serait pas suivie d'effet. L'objectif est que personne ne puisse plus être privé d'électricité en raison de la trop grande faiblesse de ses ressources. Ces améliorations devraient interdire, de fait, les coupures aux plus démunis.

L'instauration de ce principe appelle, par ailleurs, un renforcement et un développement d'un service public de qualité, assurant l'égal accès de tous et la péréquation nationale des tarifs, facteur important de l'aménagement du territoire. Elle donne une légitimité supplémentaire à l'existence et au caractère public de l'entreprise qui en a la charge. EDF trouve dans cette mission une justification de plus à sa spécificité, en même temps que cela lui confère une grande responsabilité. Cet établissement public est, certes, le premier électricien mondial, mais il est surtout le garant du droit à l'électricité pour tous et l'opérateur du service public en France.

Les propositions de notre commission, qui ont souvent rencontré celles du Gouvernement, visent notamment à créer de nouveaux organismes de démocratisation, à garantir le statut du personnel, à tendre vers une planification des investissements énergétiques, à instaurer des garde-fous quant à l'obligation coûteuse d'achat d'EDF.

Ces dispositions ne peuvent que renforcer la légitimité de cette grande entreprise publique et lui permettre de mieux jouer son rôle.

Les nouvelles dimensions données au service public expriment bien que le fait que l'électricité n'est pas un bien commun et que sa fourniture ne peut être laissée au marché.

C'est autour de ces principes, toujours d'actualité, que s'est constitué le système français de production, de transports et de distribution de l'électricité dont ont parlé longuement notre rapporteur, Christian Bataille, ainsi que

M. le secrétaire d'Etat, Christian Pierret.

L'architecture, progressivement mise en place est, aujourd'hui, en contradiction avec la directive européenne sur le marché intérieur de l'électricité. Celle-ci, largement d'essence libérale,...

M. Pierre Ducout.

C'est vrai !

M. André Lajoinie, président de la commission.

... impose l'éligibilité, c'est-à-dire la possibilité pour les gros consommateurs de choisir leur fournisseur, l'abolition du monopole de production et le libre-accès au réseau. Elle permet ainsi des phénomènes d'écrémage, que tout le monde est obligé de constater, où les gros consommateurs mettent en concurrence les producteurs, lesquels doivent réduire leurs prix en faveur de ces seuls clients, au détriment de la masse des usagers.

La logique de marchandisation de l'électricité qui guide l a directive est incontestablement antagonique à la conception du service public à la française. La perspective d'une augmentation du seuil d'éligibilité jusqu'en 2003 et la possibilité pour l'Union européenne, au-delà de cette date, d'imposer de nouvelles ouvertures du marché, ne peuvent qu'accentuer ces menaces contre le service public.

Permettez-moi, chers collègues, à ce moment de mon propos, de formuler une remarque personnelle.

Cette question de la transposition de la directive sur le marché intérieur de l'électricité témoigne de la grave carence démocratique de la construction européenne actuelle. Alors que la représentation nationale ne s'est jamais prononcée sur cette directive, elle est, aujourd'hui, sommée de ne délibérer qu'à la marge. Elle n'a, en effet, pas de pouvoir pour apprécier ce que les gouvernements précédents ont négocié, car, même en cas de nontransposition, la directive est directement applicable en droit français. Nous ne pourrions donc choisir qu'entre une adaptation ou une application brutale de son contenu.

Ainsi, à défaut de procédure de renégociation, la construction européenne actuelle impose à la nouvelle majorité d'appliquer des décisions prises par un gouvernement entre-temps désavoué par les électeurs. Ce déni de démocratie - il faut bien le reconnaître, quelle que soit notre position sur la construction européenne - est le talon d'Achille de l'Union européenne. Il la discrédite en même temps qu'il nourrit la crise du politique. Il accrédite l'idée qu'il n'est pas possible de changer le cours des choses. Cela constitue, à mes yeux, une justification importante d'une réorientation de la construction européenne, qui est, je le rappelle, un objectif que s'étaient fixé le parti communiste et le parti socialiste avant les élections. Il en va, je pense, de son avenir.

Alors que la contestation des choix libéraux est de plus en plus forte, l'Union européenne reste enfermée dans ses certitudes sans prendre en compte les évolutions des opinions publiques. Une institution dont les populations ont le sentiment qu'elle agit contre eux et sans eux ne peut


page précédente page 01488page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

pas emporter une adhésion durable. L'existence, aujourd'hui, de conditions plus favorables à une réorientation de la construction européenne doit être utilisée pour modifier cet état de fait.

La commission de la production et des échanges a refusé de s'enfermer dans le dilemme d'une adaptation à la marge ou de l'application sans entrave de la directive.

Elle a travaillé à améliorer le projet de loi pour minimiser le plus possible les effets négatifs de la directive.

Ainsi que je l'ai indiqué au début de mon intervention, des propositions ont été présentées pour renforcer le service public, en particulier en direction des plus démunis et des plus modestes, en définissant, par exemple, une tarification spéciale « produit de première nécessité ».

D'autres propositions tendent à faire en sorte que la mise en concurrence ne se fasse pas au détriment des clients non éligibles. Ainsi, il vous sera proposé que les tarifs d'EDF, pour les particuliers, soient calculés afin d'équilibrer les comptes de l'entreprise. Sans brider le développement de l'opérateur de service public, cet amendement veut empêcher la course aux bénéfices dans la fourniture aux usagers domestiques d'un bien jugé indispensable.

Par ailleurs, la commission est revenue sur quelquesunes des dispositions du projet de loi qui nous semblent outrepasser les exigences de la directive.

Rien n'oblige, par exemple, à autoriser le métier de grossiste en électricité. Ces fournisseurs, comme les nomme le projet de loi, n'auraient pas d'autres activités que d'acheter de l'électricité pour la revendre aux clients éligibles. En segmentant à l'extrême le marché, ces intermédiaires capteraient les bénéfices au détriment des producteurs et favoriseraient la création d'un marché à court terme, contraire aux exigences de toute politique énergétique.

D'autres amendements des membres de notre commission visent à limiter l'entrée des intérêts privés dans l'in dustrie électrique. J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement les acceptera et que la majorité de l'Assemblée les fera siens, afin de se donner tous les moyens pour défendre et améliorer le service public de l'électricité.

A cette condition, notre assemblée se donnerait les moyens de refuser le dilemme dont je viens de parler, en permettant à notre peuple de disposer d'un peu plus d'atouts, malgré le poids négatif de la directive, pour sauvegarder les bases essentielles du service public que la France a conquis à la Libération et qui a donné les preuves de son efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je vous remercie, monsieur le président, de la concision de votre propos.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'usage qui était établi dans notre assemblée d'afficher le temps de parole, y compris pour les motions de procédure, a disparu, vous avez pu le constater, à la suite de certains événements de l'automne.

M. Alain Cacheux.

Des excès !

M. François Goulard.

Je n'ai pas pour autant l'intention d'abuser de votre attention, comme l'a fait le rapporteur, et j'essaierai d'être bref.

M. Alain Cacheux.

Qu'est-ce que cela veut dire ?

M. François Goulard.

Nous est soumis, ce soir, un texte de transposition de la directive 96/92 du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. Personne ne doute, en effet, qu'aucune autre considération n'a conduit « à l'origine » le Gouvernement à soumettre à notre examen un projet de loi, que l'obligation de transposer en droit interne la directive de 1996, plus particulièrement l'alinéa 1 de son article 27, qui dispose : « Les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 19 février 1999. Ils en informent immédiatement la Commission. »

L'alinéa 3 de cet article précise : « Lorsque les Etats membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les Etats membres. »

Or, monsieur le secrétaire d'Etat, au lieu de le présenter comme tel, vous avez choisi de l'intituler « Projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité », pour des raisons politiques assez évidentes sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.

Sans doute répondez-vous à l'obligation posée par l'article 27, alinéa 3, en affichant ainsi l'objectif de transposition dans l'exposé des motifs : « Le projet de loi présenté par le Gouvernement a pour objet la modernisation et le développement du service public de l'électricité, tout en transposant en droit français la directive qui porte sur "les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité" et qui a été adoptée par le conseil des ministres de l'Union européenne et par le Parlement européen le 19 décembre 1996. »

« Tout en transposant ! » L'expression est à retenir. On transpose au passage, profitant de l'occasion. Il s'agit d'une transposition par raccroc. L'important est le développement du service public et la transposition est secondaire. Tel est le message, et du titre, muet sur la transposition, et des premières lignes de l'exposé des motifs. De crainte qu'il ne soit pas compris, ce message est martelé tout au long du dispositif de ce projet, qui commence en fanfare avec un titre Ier intitulé : « Le service public de l'électricité » auquel sont consacrés les cinq premiers articles.

S'il s'était agi d'un artifice de présentation destiné à sauvegarder la majorité gouvernementale, habillant un projet valable, mettant honnêtement en oeuvre les principes du traité instituant la Communauté européenne et fidèle à la lettre comme à l'esprit de la directive Electricité, nous aurions pu feindre d'être les dupes de votre procédé. Paris vaut bien une messe et la modernisation d'un grand secteur économique une courbette au dernier parti communiste d'Europe. (Sourires.)

Tel n'est malheureusement pas le cas. L'emballage n'est pas trompeur ; c'est le produit qui est mauvais.

Le projet de loi du Gouvernement français ne transpose pas, à notre sens, honnêtement la directive européenne du 19 décembre 1996. Il n'est pas fidèle aux


page précédente page 01489page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

grands objectifs du traité instituant la Communauté européenne que la directive de 1996 a pour objet de transcrire. C'est la raison principale du dépôt de la présente motion de procédure.

Nous pensons ce projet irrecevable, car il est contraire au traité instituant la Communauté européenne, contraire à la directive qu'il prétend transposer dans notre droit.

Lorsque vous assurez, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce projet s'inscrit « dans la continuité des grandes lois sur l'électricité, et notamment la loi de nationalisation du 8 avril 1946 », vous ne déformez pas la réalité. Toutefois il est difficile de prétendre être fidèle à une loi de nationalisation de 1946 lorsqu'on ouvre ce secteur à la concurrence.

La non-conformité au traité et au droit dérivé est un motif d'irrecevabilité. A cet égard, notre assemblée n'est pas soumise aux limites que le Conseil constitutionnel a lui-même posées à sa compétence, en interprétant strictement l'article 61 de notre Constitution.

L'article 55 de la Constitution dispose en effet : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. » La condition de récipro-

cité posée par cet article n'a d'ailleurs pas, dans le cas présent, la portée qu'elle aurait s'agissant d'un traité autre qu'un traité communautaire, eu égard à la jurisprudence de la Cour de justice des Commuautés européennes, qui veut qu'un Etat membre ne peut arguer des manquements d'un autre Etat membre pour éviter de respecter ses obligations communautaires.

La conformité des lois aux normes communautaires revêt à l'évidence un caractère particulièrement impérati f, ne serait-ce que parce que notre Constitution, dans son titre XV, se réfère explicitement aux traités européens.

Dans le cas présent, la nécessaire conformité de la loi française est d'autant plus importante qu'il s'agit de la mise en oeuvre d'un des principes fondateurs de l'Union européenne : la liberté de la concurrence.

Les principes fondateurs figurent aux articles 52 et suivants, quant au droit d'établissement, 59 et suivants relatifs à la libre prestation de services, 85 et 86 pour les règles de la concurrence et l'abus de position dominante.

Ils sont largement repris par les considérants de la directive 96/92.

Ainsi le deuxième d'entre eux indique : « considérant que l'achèvement d'un marché de l'électricité concurrentiel est un pas important vers l'achèvement du marché intérieur de l'énergie ; ».

Quant au 8 qui vient après le 7 rappelant les directives de 1990, il est ainsi rédigé : « considérant qu'il est désormais nécessaire de prendre des mesures supplémentaires dans la perspective de l'achèvement du marché intérieur de l'électricité ; ».

Sans doute la présentation de la directive comporte-telle des restrictions. Aussi le considérant 5 précise-t-il :

« considérant que le marché intérieur de l'électricité doit être mis en place progressivement pour que l'industrie électrique puisse d'adapter à son nouvel environnement de manière souple et rationnelle et pour tenir compte de la diversité actuelle de l'organisation des réseaux électriques ; ».

Sans doute est-il fait référence - et nous ne pouvons que nous en réjouir - au principe de subsidiarité, affirmé par le traité de Maastricht dans le considérant 11.

Sans doute la notion de service public est-elle expressément mentionnée dans le 13 : « considérant que, pour certains Etats membres, l'imposition d'obligation de service public peut être nécessaire pour assurer la sécurité d'approvisionnement, la protection du consommateur, et la protection de l'environnement que, selon eux, la libre concurrence, à elle seule, ne peut pas nécessairement garantir ; ». Je souligne, en passant, combien cette rédaction est distante et restrictive.

Sans doute admet-on que « la planification à long terme peut être un des moyens de remplir lesdites obligations de service public », dans le considérant 14.

Sans doute la directive se réfère-t-elle à l'article 90 du traité, relatif aux entreprises publiques et aux entreprises auxquelles les Etats membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs, mais on rappellera que, dans la jurisprudence de la Cour de justice, la dérogation aux règles du traité instaurée par le paragraphe 2 de l'article 90 est d'interprétation stricte.

Mais l'existence de toutes ces restrictions autorisées à l'application des règles de libre concurrence intégrale, la p ossibilité de bénéficier de régimes transitoires, la reconnaissance au nom du principe de subsidiarité du libre choix par chaque Etat des solutions qui lui paraissent les plus adaptées à sa situation propre, que l'on trouve dans le dispositif de la directive, ne doivent pas faire oublier que l'objet premier est d'instaurer dans le domaine de l'électricité, comme dans toutes les autres activités économiques, un régime de libre concurrence.

Les limites accordées, les exceptions possibles, les restrictions admises ne sont que des modérations de caractère fondamentalement temporaire à la stricte application d'un principe qui garde cependant toute sa valeur.

Voilà comment il faut lire cette directive. Voilà comment l'interprètent, l'appliquent, quand ils ne l'ont pas anticipé, tous nos partenaires de l'Union européenne.

A l'issue de la mise en oeuvre de la directive 96/92, et en attendant un nouveau texte annoncé assez limpidement par son considérant 39, il conviendra que la libéralisation du marché de l'électricité ait sensiblement progressé dans l'ensemble de l'espace économique européen.

C'est cela le sens de la directive, qui, je le répète, vise à mettre en oeuvre le principe de libre concurrence inscrit dans le traité intaurant la Communauté européenne.

Or le projet que vous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, vise un objectif exactement inverse : préserver au maximum le monopole d'Electricité de France.

Au-delà du fatras des mots qui encombrent le texte, surtout dans sa première partie, le gouvernement français a déployé un art certain à exploiter toutes les possibilités offertes par la directive de maintenir la position sinon monopolistique du moins outrageusement dominante d'EDF sur le marché de l'électricité, quand il ne cherche pas à l'accroître.

M. Pierre Ducout.

C'est bien !

M. François Goulard.

La concurrence dans la production, obligatoire, est ainsi strictement encadrée : une planification intégrale des investissements est confiée au ministre, et non à une autorité indépendante. Le ministre s'appuie sur un bilan établi par le gestionnaire du réseau public de transport, c'est-à-dire EDF.

L'autorisation d'exploiter est délivrée par le ministre.

L'appel d'offres de l'article 8 est optionnel et intervient après avis du gestionnaire du réseau public de transport, c'est-à-dire, je le répète, EDF. La délivrance de l'autorisation ministérielle obéit, en vertu de l'article 9, à un


page précédente page 01490page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

nombre tellement élevé de critères tellement vagues que l'arbitraire est légalement permis. Le transport est confié à EDF.

M. Alain Néri.

C'est bien !

M. François Goulard.

Utilisant les dispositions du chapitre VI de la directive, la dissociation des fonctions de production, de transport et de distribution est purement comptable, ce qui revient à dire qu'elle sera parfaitement illusoire.

J'ai entendu avec intérêt que le rapporteur pour avis partageait certaines de nos craintes à ce sujet.

Vous pouvez écrire, à l'article 13 du projet de loi, que

« le service gestionnaire du réseau public de transport est indépendant sur le plan de la gestion des autres activités d'Electricité de France », personne ne peut imaginer, dans une entreprise aussi intégrée qu'EDF, une véritable indépendance des grandes fonctions et une absence de circulation de l'information.

Je vous ferai observer un point qui a sans doute échappé à votre sagacité. On peut établir que le flux d'informations que la directive interdit, entre les différentes fonctions, est, au contraire, rendu obligatoire par la loi française. Comment, en effet, mes chers collègues, s'opposer à la communication d'informations économiques et financières les plus ouvertes et les plus transparentes au comité d'entreprise d'EDF ? La loi française oblige la direction d'une entreprise à communiquer au comité d'entreprise toutes les informations économiques et financières dont celui-ci entend disposer. Or naturellement, siègent au comité d'entreprise d'EDF des salariés appartenant aux trois fonctions du transport, de la production et de la distribution. Cela signifie que le flux d'informations interdit par la directive est assuré ne serait-ce qu'au niveau du comité d'entreprise. Sans doute est-il dans vos projets, monsieur le secrétaire d'Etat, de scinder en trois le comité d'entreprise d'EDF. Je vous souhaite bien du plaisir avec certains de vos partenaires.

Le monopole de la distribution est quant à lui soigneusement préservé.

La possibilité d'établir des lignes directes est soumise à autorisation administrative : celle-ci peut être refusée dès lors que « l'octroi de cette autorisation est incompatible avec les impératifs d'intérêt général ou le bon accomplissement des missions de service public ». Autant dire que leur construction sera entièrement soumise au bon vouloir de la puissance publique.

La régulation est confiée en apparence à une commission mais dépend en réalité du ministre puisque les décisions les plus importantes lui sont toutes réservées. M. le rapporteur pour avis - il me pardonnera de le citer à nouveau - présente des propositions qui me paraissent, de ce point de vue, plus novatrices et plus rassurantes.

M. Alain Néri.

Bravo !

M. François Goulard.

Pour faire bonne mesure, et arguant de l'ouverture à la concurrence, l'article 42 ouvre des champs nouveaux et considérables à l'activité d'EDF, posant d'ailleurs d'autres problèmes juridiques sur lesquels je reviendrai.

Sur tous les points, à la revue desquels je me suis livré, sur toutes les dispositions de la directive, vous êtes allés systématiquement au bout des restrictions possibles à l'ouverture à la concurrence. Tout ce qui pouvait servir à maintenir la position monopolistique d'EDF a été retenu par vous et exploité à la limite des possibilités offertes par la rédaction du texte européen.

M. Alain Néri.

Bravo !

M. Pierre Ducout.

Heureusement !

M. François Goulard.

Toutes les occasions de renforcer le pouvoir de l'établissement public ont été saisies.

M. Alain Néri et M. Pierre Forgues.

Bien sûr !

M. François Goulard.

Tous les verrous ont été posés.

M. Pierre Forgues.

C'est bien !

M. François Goulard.

Mes chers collègues, me permettez-vous de m'exprimer dans le calme ?

M. Pierre Forgues.

Le texte est parfait !

M. François Goulard.

Je vous remercie de vos appréciations mais j'aimerais pouvoir parler dans le calme.

Toutes les occasions de renforcer le pouvoir de l'établissement public ont donc été saisies. Tous les verrous ont été posés, en particulier en recourant systématiquement à un régime d'autorisation ministérielle - service minimum pour la concurrence, service maximum pour protéger EDF.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

M. Alain Néri.

C'est bien ce que nous souhaitons !

M. Patrick Lemasle.

C'est ce qui nous distingue de vous !

M. François Goulard.

Les fonctionnaires de votre administration, monsieur le secrétaire d'Etat, sont scrupuleux.

A aucun moment, dans la rédaction qu'ils vous ont préparée, ils n'ont ouvertement violé la lettre de la directive.

(« Ah ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri.

Vous le reconnaissez !

M. François Goulard.

Mais ce projet de loi, qui use de tous les artifices apparemment permis pour détourner au bout du compte la transposition de la directive de son objet premier, ne peut pas être considéré comme respectant l'intention des auteurs de la norme de droit européenne, et ce, d'autant moins, mes chers collègues, que la situation française se distingue aujourd'hui incontestablement et se distinguera demain plus encore de celle des autres Etats membres.

M. Pierre Forgues.

Eh alors ?

M. François Goulard.

En effet, on ne peut apprécier le degré d'ouverture à la concurrence dans l'abstrait, de façon indépendante du contexte international et plus spécialement européen dans lequel il s'inscrit. Sans comparaison avec la situation des autres Etats membres, vous pourriez prétendre qu'il y a une réelle ouverture à la concurrence et, de fait, il est probable que formellement l'article 19 de la directive sera respecté.

Cependant, cette ouverture s'opérera, s'agissant de la France, sur un marché presque totalement monopolistique de la production, du transport et de la distribution d'électricité. Or dans aucun autre pays européen - je dis bien dans aucun autre pays européen - la structure de départ est aussi peu ouverte que la nôtre.

M. Pierre Forgues.

Et alors ?

M. François Goulard.

Dans aucun autre pays européen - je dis bien dans aucun autre - les textes de transposition de la directive ne sont aussi caricaturalement restrictifs que le vôtre.

M. Daniel Marcovitch.

Qu'y a-t-il là d'exceptionnel ?

M. François Goulard.

Au contraire, tous les Etats membres vont beaucoup plus loin que la directive, sur la plupart des chapitres que celle-ci comporte.


page précédente page 01491page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

M. Jérôme Lambert.

Nous avons le droit d'être différents !

M. François Goulard.

Cette particularité française n'est pas défendable et elle pèsera lourd dans les contentieux d ont vos décisions feront immanquablement l'objet devant les instances européennes.

Vous ne pourrez pas prétendre avoir respecté le traité et la directive alors que nous serons le seul pays dans lequel la concurrence n'a pas de véritable réalité.

L'Allemagne, traditionnellement, présente un paysage très diversifié en matière de production, de transport et de distribution. Les neuf grandes entreprises de production gèrent le réseau interconnecté. Elles distribuent l'électricité aux entreprises régionales et locales, mais aussi à certains clients directs. Il existe environ 80 entreprises régionales de distribution, qui ont également une activité de production. Enfin, 900 entreprises locales, majoritairement des régies municipales, les Stadtwerke, sont distributrices. Rien donc de commun avec notre organisation totalement centralisée. La loi adoptée en Allemagne l'année dernière maintient la position des Stadtwerke, qui ont un statut d'acheteur unique, mais la liberté de production est établie.

Aux Pays-Bas, depuis 1987, une séparation claire des fonctions de production, de transport et de distribution a été mise en oeuvre. La quarantaine de sociétés locales de distribution, qui vendent d'ailleurs aussi du gaz et de la chaleur, sont actionnaires de quatre sociétés de production, à leur tour propriétaires de la société gestionnaire du réseau de transport. La concurrence existe pour les clients dont la consommation annuelle est supérieure à 20 gigawattheures par an, et aussi pour les sociétés de distribution qui peuvent choisir leur fournisseur. En 1998, le parlement hollandais a adopté une loi sensiblement plus libérale que la directive : la production est désormais ouverte sans aucune autorisation, sans licence, tout comme la distribution, à l'exception ce que la loi hollandaise appelle la clientèle captive. Enfin, et ce point est très important, les Hollandais envisagent d'instaurer des contingentements sur les importations d'électricité en provenance de pays dans lesquels le marché de l'électricité n'aura pas été libéralisé.

L'Italie, où l'ENEL occupait traditionnellement une place comparable à celle d'EDF dans la production et dans le transport, a adopté en 1991 une loi proche de la loi américaine sur la production, et cette loi a eu pour conséquence une forte croissance de la production indépendante, qui dépasse d'ores et déjà 20 % de la production nationale. Malgré les vicissitudes gouvernementales de notre grand voisin, un démantèlement de l'ENEL est sérieusement envisagé.

M. Daniel Marcovitch.

C'est toujours mieux chez les autres ?

M. François Goulard.

L'Espagne a adopté en décembre 1996 un nouveau régime résultant d'un protocole conclu entre le gouvernement espagnol et les principales compagnies électriques issues de la réforme de 1994. La liberté d'établissement pour les producteurs est instaurée. Un marché de gros, totalement concurrentiel, est mis en place, avec un opérateur de marché, équivalent du pool anglais, qui assure la bonne fin des transactions marchandes et établit le prix spot de l'électricité et un opérateur de système qui gère le réseau de transport.

L'abaissement du seuil d'éligibilité, au sens de la directive, suit un calendrier sensiblement plus rapide que celui du texte européen puisque, l'année prochaine, le seuil d'éligibilité, actuellement de 20 gigawattheures, sera abaissé à 9 gigawattheures.

On ne détaillera pas ici l'organisation de la concurrence très large au Danemark, en Finlande ou en Suède.

On ne mentionnera que pour mémoire la GrandeBretagne, pays pionnier de la dérégulation de l'électricité.

M. Pierre Forgues.

Inutile, nous voyons le résultat.

M. François Goulard.

Indiquons seulement que le président de l'OFFER, l'office de régulation de l'électricité, a proposé une suppression du pool électrique mis en place en 1991. S'y substitueraient des mécanismes de marché plus élaborés comme ceux créés en Australie, en Argentine ou en Californie. Coexisteraient des marchés à terme, comportant des produits dérivés, généralement à cinq ans, un marché de court terme opérant à vingt-quatre heures sur la base d'enchères itératives closes à H-4 et, enfin, p our l'ajustement, un marché de dernière minute.

L'ensemble serait géré par un opérateur de marché séparé de l'opérateur de réseau. C'est le système adopté par les Espagnols. Les acheteurs ainsi que les gros clients seraient partie prenante aux enchères.

Voilà brossé en quelques mots (Sourires), le paysage dans lequel s'inscrit la libéralisation du marché de l'électricité en Europe, et dont la directive 96/92 est destinée à assurer une étape. La voie choisie par la France n'apparaît pas seulement extraordinairement timide, elle est en réalité opposée à celle retenue par les autres Etats-membres.

C'est ce qui nous conduit à penser que notre pays ne peut prétendre respecter l'esprit sinon la lettre de la directive.

On indiquera que tous ces Etats ayant choisi la voie de la concurrence sont aussi conscients que le nôtre, et à mon sens, pour beaucoup d'entre eux, souvent davantage, des nécessités de la solidarité nationale. Dans tous ces pays, l'électricité est disponible en tout point du territoire, dans des conditions qui ne paraissent pas avoir créé de drames sociaux.

Ils ont seulement fait le choix, dans un secteur économique important, de la mobilité, de l'innovation, de la performance résultant de la concurrence et non celui du conservatisme.

Mes chers collègues, plusieurs autres aspects du projet de loi appellent des observations du point de vue de la c onstitutionnalité. Un article très controversé est l'article 42 relatif à l'objet social d'Electricité de France, que l'on prenne la rédaction du projet, ou celle, pire encore, adoptée par la commission à la suite d'un amendement du rapporteur - qu'il me pardonne de le dire.

On connaît le prétexte qui a présidé à l'extension de compétence opérée par cette disposition : EDF soumis à une concurrence nouvelle, doit pouvoir étendre son activité à des secteurs qui lui étaient jusqu'à présent interdits,...

M. Jérôme Lambert.

Très bien !

M. François Goulard.

... et plus précisément à toutes les prestations liées directement ou indirectement à la fourniture d'électricité.

Sur un plan économique, qui n'est pas fondamentalement celui d'une exception d'irrecevabilité, mais qui est à prendre en compte au regard du droit de la concurrence, l'abus de position dominante me paraît établi d'emblée : d'un mot, je dirai seulement qu'EDF, qui conservera visà-vis des consommateurs éligibles une position domi-


page précédente page 01492page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

nante, aura tous les moyens de fausser les termes de la concurrence avec les prestataires non fournisseurs d'électricité.

M. Jérôme Lambert.

Et pour l'eau, il n'y a pas de position dominante ?

M. François Goulard.

Je voudrais simplement évoquer le rapport de forces entre EDF et les entreprises du secteur privé présents sur ces marchés qui seraient ouverts à l'entreprise nationale en application de l'article 42 : l'autofinancement d'EDF est deux fois supérieur au chiffre d'affaires total de ces entreprises privées. J'informe d'ailleurs mes collègues qu'EDF est candidate au rachat de plusieurs entreprises privées de ce secteur - c'est du moins le bruit qui court dans le milieu des fusionsacquisitions - faisant des offres très supérieures au prix de marché de ces sociétés.

Mais, du point de vue plus particulier qui nous intéresse maintenant, il faut évoquer la question du principe de spécialité.

Le respect du principe de spécialité par un établissement public est une règle essentielle garantissant que ces établissements se conforment à leur objet. Surtout, ce principe est inséparable de la notion de catégorie d'établissements publics introduite, comme vous le savez, par l'article 34 de notre Constitution.

Sans respect du principe de spécialité, quel sens conserverait, en effet, la notion de catégorie d'établissements publics, dont la définition, nous dit l'article 34, relève de la loi et non du règlement.

Défini par la loi du 8 avril 1946, l'objet social d'EDF encadre son activité, définit par conséquent sa spécialité.

Dans un avis rendu le 7 juillet 1994 par le Conseil d'Etat, le principe de spécialité appliqué à EDF-GDF est ainsi défini : « Le principe de spécialité qui s'applique à un établissement public tel qu'EDF et GDF signifie que la personne morale, dont la création a été justifiée par la mission qui lui a été confiée, n'a pas de compétence générale au-delà de cette mission. Il n'appartient pas à l'établissement d'entreprendre des activités extérieures à cette mission ou de s'immiscer dans de telles activités.

« Si ce principe de spécialité invite, pour déterminer la nature des activités confiées à l'établissement, à se reporter à ses règles constitutives, telles qu'elles ont été défi nies en l'espèce par la loi, il ne s'oppose pas par lui-même à ce qu'un établissement public, surtout s'il a un caractère industriel et commercial, se livre à d'autres activités économiques à la double condition : d'une part, que ces activités annexes soient techniquement et commercialement le complément normal de sa mission statutaire principale, en l'occurrence de la production, du transport, de la distribution et de l'importation et exportation d'électricité et de gaz ou au moins connexe à ces activités ; d'autre part, que ces activités soient à la fois d'intérêt général et directement utiles à l'établissement public notamment par son adaptation à l'évolution technique, aux impératifs d'une bonne gestion des intérêts confiés à l'établissement, le savoir-faire de ses personnels, la vigueur de sa recherche et la valorisation de ses compétences, tous moyens mis au service de son objet principal.

« Ces critères valent, pour la spécialité, quelle que soit la méthode de diversification retenue : par l'établissement lui-même, par une filiale à contrôle majoritaire de l'établissement ou par une participation minoritaire. »

Le Conseil d'Etat note d'ailleurs que « des activités, qui en principe seraient conformes à la spécialité de l'étab lissement, pourraient cependant être tenues pour incompatibles avec les règles de concurrence si leur mise en oeuvre impliquait un abus de position dominante ».

Cette remarque est à conserver en mémoire.

Dans la définition que le Conseil constitutionnel donne de la catégorie d'établissement public - décision du 18 juillet 1961 - apparaît la notion de « spécialité étroitement comparable », puis - décision de 1979 - celle de « spécialité analogue ».

Dans la mesure où la spécialité de l'établissement public EDF, du fait d'un élargissement excessif, devient difficilement cernable, on peut légitimement considérer que le critère retenu par le juge constitutionnel de « spécialité analogue » n'est plus pertinent. Par conséquent, la notion de catégorie d'établissement public figurant à l'article 34 est vidée de son sens, ce qui n'est pas constitutionnellement acceptable.

En outre, le renvoi par le dernier alinéa de l'article 42 du projet de loi à un décret en Conseil d'Etat pour les modalités d'application pourrait être censuré par le juge constitutionnel pour incompétence négative du législateur.

Sur un autre plan, la contradiction déjà relevée entre l'objet du traité, qui est, volens nolens, de transposer une directive ouvrant le secteur de l'électricité à la concurrence, et le maintien d'une organisation monopolistique et dirigiste, pourrait avoir des conséquences au regard d'un principe reconnu par le juge constitutionnel, c'est la fameuse décision du 14 janvier 1982 à propos de la loi de nationalisation, je veux dire la liberté d'entreprendre, avatar moderne du droit de propriété. On ne peut, en effet, prétendre ouvrir à la concurrence une activité et empêcher en pratique à peu près toute initiative économique dans ce secteur.

Monsieur le ministre, comme dit l'adage bien connu : donner et retenir ne vaut.

Votre projet de loi comporte aussi de multiples entorses au principe d'égalité : le statut exorbitant du droit commun fait à EDF y conduit à peu près nécessairement. Mais là où des obligations de service public peuvent justifier une rupture de l'égalité devant la loi, ce n'est à coup sûr pas le cas dans le secteur de la production qui est ouvert à la concurrence. Or le rôle dévolu à EDF, dans la planification des investissements, dans la gestion du réseau, dans l'appel aux producteurs, introduit une inégalité, par rapport aux autres producteurs, qui nous paraît profondément anticonstitutionnelle.

La définition de l'éligibilité, autre problème d'égalité devant la loi reposant sur la consommation annuelle du client est aussi sujette à caution. Sans doute cette notion d'éligibilité provient-elle du texte même de la directive.

Ce n'est pas pour autant un brevet de constitutionnalité française.

La distinction que fait le projet de loi entre client éligible et client non éligible, dans son article 22, et qui introduit une rupture de l'égalité devant la loi, est motivée non par une différence intrinsèque de situation des clients, mais par la poursuite d'un objectif général d'ouverture du marché : « ces seuils sont définis de manière à permettre une ouverture du marché national de l'électricité limitée à la part communautaire moyenne qui définit le degré d'ouverture du marché communautaire, déterminé chaque année par la Commission des Communautés européennes et publiée au Journal officiel des Communautés européennes ».

La rupture d'égalité n'est donc pas, de l'aveu même de votre texte, justifiée par la prise en considération de données propres à telle ou telle catégorie de consommateurs,


page précédente page 01493page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

mais par un objectif global d'ouverture du marché à la concurrence. Les seuils introduits par l'article 22 sont le moyen le plus souple et le plus commode d'atteindre ceto bjectif économique global. Dans la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel, on peut estimer que ce motif n'est pas recevable et les dispositions de l'article 22 peuvent être considérées comme contraire au principe d'égalité devant la loi.

L'article 43, autre article important de votre texte, qui permet l'extension de la convention collective des personnels des industries électriques et gazières à l'ensemble du secteur de l'électricité, est aussi contestable au regard du respect du principe d'égalité.

L'extension du statut des agents d'EDF - puisque c'est de cela qu'il s'agit - aux entreprises devant intervenir sur le marché de l'électricité est présentée comme devant contribuer à rendre égales la concurrence entre elles et l'entreprise publique. Mais à n'en pas douter, cette extension constitue une barrière redoutable pour les nouveaux entrants sur le marché. Dans la mesure où le statut actuel des agents d'EDF engendre un surcoût, estimé par la direction d'EDF à 40 %, y compris le coût des retraites, par rapport aux salaires privés, l'application de ce statut à des entreprises qui ne le connaissent pas aujourd'hui est un obstacle probablement rédhibitoire pour la plupart d'entre elles, à leur arrivée sur ce nouveau marché. Là encore, le principe d'égalité n'est pas respecté.

Il ne l'est pas non plus vis-à-vis des salariés. Traditionnellement dans notre droit, le statut des agents des établissements publics est dérogatoire au droit commun, en raison des sujétions particulières qui s'imposeraient à eux. Mais, en l'occurrence, il s'agit d'étendre un statut dérogatoire à des salariés d'entreprises privées, intervenant sur un marché ouvert à la concurrence. Il y a introduction dans notre droit du travail d'une situation particulière, inédite, qui enfreint la règle de l'égalité devant la loi, alors qu'aucune situation spécifique ne justifie une différence de traitement. C'est une seconde infraction de l'article 43 au principe d'égalité, sanctionnable par le juge constitutionnel.

Dans un autre domaine, les pouvoirs dévolus par l'article 33 aux fonctionnaires habilités - le rapporteur pour avis y a fait également allusion - suivant une disposition d'ailleurs assez curieuse, soit par le ministre, soit par le président de la commission de régulation de l'électricité, soulèvent un problème sérieux en raison de leur étendue et de l'absence d'intervention du juge. Les fonctionnaires pourront accéder, sans véritable limitation ni contrôle, aux locaux tant du gestionnaire du réseau public q ue des autres entreprises. Cette disposition paraît contraire au principe d'inviolabilité du domicile ainsi qu'au respect de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de notre Constitution.

Le Conseil constitutionnel l'a précisé, dans une décision de 1983, à propos des perquisitions destinées à la recherche d'infractions fiscales : « Si les nécessités de l'action fiscale peuvent exiger que des agents du fisc soient autorisés à opérer des investigations dans les lieux privés - il s'agit bien de lieux privés ! - de telles investigations ne peuvent être conduites que dans le respect de l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité judiciaire la sauvegarde de la liberté individuelle sous tous ses aspects et notamment celui de l'inviolabilité du domicile ; que l'intervention de l'autorité judiciaire doit être prévue pour conserver à celles-ci toute la responsabilité et tout le pouvoir de contrôle qui lui reviennent. »

M. Christian Bataille, rapporteur.

La loi dit le contraire !

M. François Goulard.

Plus récemment encore, le conseil a pu préciser que « la recherche des auteurs d'infractions - autre sujet que le nôtre, certes - est nécessaire à la sauvegarde de principes et droits de nature constitutionnelle ; qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, cet objectif de valeur constitutionnelle et, d'autre part, la nécessaire protection de la propriété privée et l'exercice de la liberté individuelle notamment l'inviolabilité du domicile ».

Enfin le Conseil constitutionnel a encore précisé ces exigences, dans le cadre des visites de locaux professionnels en fixant un véritable régime juridique des visites d'entreprises, qui doit comporter des « garanties appropriées », que ces visites soient consenties ou non et qui doivent être clairement placées sous la responsabilité directe d'un magistrat judiciaire, du siège ou du parquet, et qui, en tout état de cause, doivent être inscrites dans la loi, laquelle doit explicitement poser des garanties « suffisantes pour assurer le respect des droits et libertés de valeur constitionnelles ».

Ces garanties minimales doivent être les suivantes : le droit de visite doit être limité dans le temps et l'espace ; l'inviolabilité du domicile doit être préservée par un dispositif spécifique ; le respect des droits de la défense doit être assuré, en particulier par la remise d'un procès-verbal à la personne visitée de façon à « garantir la sincérité des constatations faites et l'identification certaine de pièces saisies lors des visites ». Enfin, l'autorité judiciaire doit exercer un contrôle effectif sur l'entier déroulement de la visite et ne pas simplement se limiter à être informée ou à donner son autorisation. C'est le droit positif défini par le Conseil constitutionnel.

Or, au regard de l'ensemble de ces exigences, le texte de la loi est particulièrement indigent. L'accord de la personne visitée n'apparaît pas demandé ou exigé à aucun moment, et l'intervention de l'autorité judiciaire est totalement absente. Le fait que ces agents soient soumis au secret professionnel ne paraît pas un élément suffisant au regard des atteintes portées au droit de propriété.

Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà beaucoup de motifs pour justifier cette motion de procédure qui répond évidemment au souci de voir le droit respecté. Nous pensons ce texte malheureusement exemplaire de ce qu'il ne faut pas faire dans le domaine du droit de la concurrence, notamment au regard du droit européen. Il pose des questions de principe, en droit, qui méritent absolument d'être évoquées.

Mais aussi, dépassant le plan strictement juridique, nous estimons que la politique traduite par ce projet de loi dans le domaine de l'électricité est contraire aux intérêts de notre pays. Elle est contraire aux intérêts du consommateur, qui a tout à gagner au développement de la concurrence.

En Grande-Bretagne - exemple qui vous fait habituellement hurler, mes chers collègues - selon une étude présentée récemment devant le commissariat du Plan, depuis le début du mouvement de dérégulation, l'équivalent de 75 milliards de francs a été restitué au consommateur par le truchement de baisses de prix ! Le consommateur est le grand gagnant de la concurrence, chacun le sait.


page précédente page 01494page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

Vous appelez à la rescousse, monsieur le secrétaire d'Etat, la belle notion de service public, mais laissez-moi vous dire que vous la dévoyez. La fourniture d'électricité est avant tout une affaire économique, qui doit s'organiser de la manière la plus efficace possible.

Or le monopole n'est nulle part le gage de l'efficacité.

Vous inscrivez dans la loi le droit à l'électricité. Chacun s'accorde à juger, en effet, que notre société ne doit pas laisser une famille sans électricité faute d'argent. Mais quel est le lien avec le monopole ? Est-ce que le monop ole aujourd'hui empêche les coupures d'électricité, comme celle qui s'est produite, il y a quelques jours, chez un grand malade qui avait impérativement besoin de l'assistance d'appareils électriques pour sa survie ? L'exclusion est un problème social dramatique, il appelle des réponses sociales, que nos centres communaux d'action sociale fournissent d'ailleurs très largement, mais il n'implique pas le monopole. C'est un mensonge que le prétendre.

Sans doute avons-nous besoin d'électricité pour à peu près toutes nos activités, qu'elles soient personnelles ou économiques. Mais, mes chers collègues, nous avons aussi besoin de pain, que l'initiative privée nous procure dans des conditions de continuité et d'égalité tarifaire susceptibles de faire pâlir d'envie n'importe lequel de nos grands services publics. La main invisible est souvent plus efficace que le service public !

M. Christian Bataille, rapporteur.

La charité sur le parvis des églises !

M. François Goulard.

Le monopole justifie en réalité l'appellation de service public, non l'inverse. Ce qui nous inquiète profondément dans votre politique, c'est le décalage ahurissant entre la France et tous les pays développés, en particulier européens.

Tous les pays ont intégré aujourd'hui les profonds changements qui affectent le monde de l'électricité, comme celui des télécommunications. Les révolutions techniques, la diversification des services ont fait éclater les anciens monopoles instaurés à une autre époque économique. L'innovation appelle la concurrence, et celle-ci la stimule et la nourrit ; l'une ne va pas aujourd'hui sans l'autre.

Dans le domaine électrique, les révolutions techniques s'appellent combustion interne à haute température, qui fait qu'une turbine à gaz de 40 MWe produit un kWh au même coût, ou à peu près, qu'une centrale électronucléaire de 1 600 MWe. Elles s'appellent cogénération, méthode économe en énergie souple et décentralisée dans sa mise en oeuvre. Le cycle combiné gaz/chaleur atteint aujourd'hui un rendement thermique supérieur à 60 %, ce qui était impensable il y a seulement dix ans.

Il y a aussi la révolution de la commutation avec l'apparition d'une nouvelle génération de commutateurs électroniques à haute tension, les Thyristors. Un régime de libre accès généralisé au réseau, totalement irréaliste hier, paraît aujourd'hui envisageable. Cette révolution de la communication autorise une optimisation des capacités de production et de transport, avec un courant de meilleure qualité, sans mini-coupures et une meilleure régularité du voltage.

Car il y a aussi des évolutions considérables du côté de la demande. Certaines industries requièrent un courant d'une qualité exceptionnelle quant à la constance de ses caractéristiques, tandis que d'autres utilisateurs y sont totalement indifférents. Il n'y a aucune raison que ces deux catégories de consommateurs paient l'électricité au même prix car il ne s'agit pas du même service.

M. José Rossi.

Très bien !

M. François Goulard.

Cette prise en compte des réalités s'est traduite, dans tous les pays, réputés très libérau x comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, ou beaucoup moins libéraux comme la Hollande ou les payss candinaves, par une dérégulation généralisée. Dans aucun de ces pays, aucun consommateur, si modeste soit-il, n'est privé d'accès à l'électricité.

M. Pierre Forgues.

Ne parlons pas de ce que nous ne connaissons pas !

M. François Goulard.

Mais dans tous ces pays, la performance économique d'ensemble s'est accrue.

Votre politique monopolistique et dirigiste va pénaliser les consommateurs, elle va aussi pénaliser au bout du compte EDF. Cette grande entreprise aspire évidemment à se développer ; elle connaît le monde de l'électricité dans lequel elle est appelée à le faire. Elle sait, et c'est le message que ses dirigeants diffusent à ses cadres et à ses agents, qu'EDF doit impérativement devenir une entreprise multinationale, multi-énergie et multiservices. Elle sait aussi qu'elle dispose d'une fenêtre financière assez étroite : les énormes investissements du programme électro-nucléaire sont derrière nous, tandis que les charges du démantèlement, sans parler du problème des retraites, se profilent.

Mais pour s'adapter à ce nouvel environnement, pour transformer l'entreprise, pour l'adapter à ces nouvelles conditions d'exercice de son activité, EDF a besoin de connaître les conditions d'une réelle concurrence en France. Au demeurant, comment penser que les autres pays admettront longtemps qu'EDF devienne un acteur économique sur leur territoire alors que la France refuse à leurs propres entreprises d'intervenir chez nous ? C'est une illusion complète de le penser. Oui, la concurrence est nécessaire à EDF car une entreprise non stimulée, non confrontée aux réalités du monde d'aujourd'hui sur son propre marché est une entreprise vouée à la sclérose et au bout du compte à l'échec.

M. Pierre Forgues.

EDF serait donc sclérosée ?

M. François Goulard.

Non-conformité aux principes de concurrence du traité instituant la communauté européenne, non-conformité à la directive 96/92, infraction au principe de spécialité, au principe d'égalité, à la liber té d'entreprendre, toutes ces failles juridiques de votre projet, monsieur le secrétaire d'Etat, ne sont en définitive que le constat d'une profonde inadaptation de votre texte aux réalités économiques d'aujourd'hui, où règnent ces principes de liberté.

Vous avez choisi de satisfaire une fraction de votre majorité politique plutôt que de vous attaquer à une évolution nécessaire d'un secteur important de notre économie : c'est la marque de fabrique, pour ne pas dire le vice originel de votre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Nous en arrivons aux explications de vote.

La parole est à M. Alain Cacheux, pour le groupe socialiste.

M. Alain Cacheux.

Si j'ai bien compris l'argumentation de M. Goulard, le projet de loi ne respecterait pas la directive 96/92/CE qui vaut engagement pour notre pays : ayant valeur de traité, elle a valeur constitutionnelle.


page précédente page 01495page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

Dans le même temps, M. Goulard, a reconnu, au détour d'une phrase, que nous en respections la lettre. Or la lettre laisse aux Etats, par le biais du principe de subsidiarité, la possibilité d'adapter très largement dans leur législation le texte européen afin de tenir compte des réalités nationales.

En outre, je suggérerai à M. Goulard d'être plus prudent dans le choix de ses exemples étrangers. Il est, en effet, fort possible que des marchés qui, aujourd'hui, par un effet d'optique, paraissent plus ouverts, se révèlent au bout du compte plus impénétrables encore que le marché français.

En réalité, j'ai le sentiment que le fond de la pensée de M. Goulard n'est pas tant le non-respect de la directive dans ce projet que la directive elle-même, en ce sens qu'elle ne respecte pas les canons du libéralisme, en particulier, le dogme de la concurrence. De ce point de vue, je remercie M. Goulard de son intervention qui va nous permettre de bien poser les termes du débat et de préciser les positions des uns et des autres.

En tout cas, ce n'est pas par ce que les députés socialistes transposent une directive d'inspiration libérale, qu'ils sont devenus pour autant des libéraux - a fortiori des ultralibéraux. D'ailleurs, n'est-il pas quelque peu paradoxal d'entendre ici un plaidoyer en faveur de l'ultralibéralisme alors qu'à Davos, il y a quelques semaines, les tenants de cette théorie eux-mêmes se sont interrogés sur les vertus de l'ultraconcurrence, en particulier, sur les vertus innées du marché et ont appelé à la mise en place d'autorités de régulation.

Vous, monsieur Goulard, vous évoquez les vertus de la c oncurrence, vertus dogmatiques. Vous évoquez les baisses des prix qu'elle entraînerait, et l'intérêt supérieur des consommateurs. Mauvais exemple : dans les pays qui ont pratiqué l'ouverture que nous allons engager, on constate que les baisses de prix n'ont pas été immédiates - c'est le moins qu'on en puisse dire - puisqu'il a fallu les attendre quelques années et que ces baisses ont résulté, pour l'essentiel, de la baisse du prix des énergies fossiles, ou de la modification de la fiscalité énergétique, voire de décisions autoritaires de la puissance publique, ce qui est un comble pour un libéral.

M. François d'Aubert.

Vous rabachez !

M. Alain Cacheux.

Pour vous, semble-t-il, la loi du marché règle tout. La concurrence serait porteuse de vertus innées. En réalité, nous le savons bien, le marché a besoin d'être encadré, d'être organisé par une autorité qui lui est supérieure. Ce qui se passe dans le monde nous le démontre avec grande force.

C'est vrai qu'il existe une contradiction entre la concurrence sauvage et certains principes du service public. Vous avez l'air de la nier en invoquant un service public mythique. La Cour de Luxembourg elle-même ar econnu la contradiction par l'arrêt Almelo du 27 avril 1994, dans lequel elle reconnaît que des restrictions à la concurrence doivent être admises dans la mesure où elles se révèlent nécessaires pour permettre à l'entreprise de remplir des missions d'intérêt général.

Même cela, vous, vous ne l'admettez pas, vous continuez de défendre vos dogmes.

Je n'entrerai pas dans le détail puisque nous reviendrons sur ces points lors de la discussion des articles. Je veux simplement dire que, tout au long de ce débat, les députés socialistes défendront le service public, l'entreprise publique et la formidable réussite que représente EDF. Ils continueront à défendre les salariés parce qu'ils n'admettent pas que le principal moteur de la concurrence soit la dégradation des conditions de travail et de rémunération. Parce qu'ils ont une conception fondamentalement différente de l'évolution du marché de l'électricité, les députés socialistes rejetteront la motion d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Gérard Voisin.

M. Gérard Voisin.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, François Goulard, brillant orateur des libéraux a particulièrement bien démontré la non-conformité de ce texte à la constitutionnalité. Dès lors qu'il a prouvé à chacune et à chacun d'entre nous, tant sur le plan juridique, économique et social que politique, la gravité pour la France d'un projet qui relève pour nous de l'irrecevabilité, je vous invite à voter la motion de José Rossi.

Les députés de Démocratie libérale, MM. d'Aubert, Gatignol et Meylan auront l'occasion, s'il en était besoin et peut-être en sera-t-il besoin - de dire encore pourquoi ce projet n'a pas nos faveurs. Mais le talent de notre orateur devrait suffire, si, du moins, vous êtes conscients des carences des propositions faites à la représentation nationale par le Gouvernement.

Pour notre part, nous n'hésiterons donc pas un seul instant. Nous voterons pour l'exception d'irrecevabilité, car les Françaises et les Français ne méritent pas le « sousvoltage » que vous leur préparez, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs de la majorité ! (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants). Le texte que vous nous proposez est une toute petite lumière, une trop petite lumière pour éclairer la France et l'Europe : dès lors, nous n'en voulons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance).

M. José Rossi.

Ce texte n'est-il qu'une bougie ? (Sourires).

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Mes chers collègues, par la voix de M. Goulard, nous avons entendu, il faut bien le reconnaître, un véritable hymne à la dérégulation, à la libéralisation la plus échevelée. Si nous avions, pour notre part, demandé le report de la discussion du projet et la renégociation de la directive, ce n'est certainement pas pour les motivations qui fondent l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Goulard au nom de son groupe.

En fait, que nous propose-t-il sinon, je le répète, une dérégulation à tout va, la loi de la jungle où les missions de service public et d'égalité de traitement des usagers seront sacrifiées sur l'autel de la concurrence, une concurrence dont M. Goulard nous a vanté les mérites en parlant à maintes reprises de l'exemple de la GrandeBretagne. J'observe d'ailleurs que Le Monde du 17 février, annonce que la Grande-Bretagne loin de s'orienter vers une dérégulation approfondie ou élargie, irait plutôt vers une « re-réglementation ».

Alors que la célébration du cinquantième anniversaire de la loi de nationalisation de l'électricité et du gaz remonte à trois ans à peine, M. Goulard, lui, rêve toujours de revanche.

Notre volonté est tout autre. Puisque un projet est en discussion, discutons-en. Nous, nous entendons jouer tout notre rôle dans les débats pour conforter EDF dans


page précédente page 01496page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

ses missions de service public, pour sauvegarder ses prérogatives dans la mise en oeuvre des choix énergétiques du pays, pour que vivent les principes qui structurent la nationalisation de l'électricité, à savoir le progrès, la démocratie et la solidarité.

En conséquence, et vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous ne voterons pas cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole pour explication de vote ?

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le président, je voudrais intervenir maintenant.

M. le président.

Ce n'est pas l'usage, monsieur le secrétaire d'Etat.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Laissez le ministre parler !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le Gouvernement intervient quand il le souhaite, monsieur le président, et vous ne m'avez sans doute pas vu demander la parole avant.

M. le président.

Certes, mais il n'est pas d'usage qu'il intervienne dans le cadre des explications de vote.

Néanmoins, puisque le Gouvernement peut prendre la parole à tout moment, nous vous écoutons, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. José Rossi.

C'est grâce à nous ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je souhaite faire part à l'Assemblée de l'analyse du Gouvernement à propos de l'argumentation développée par M. Goulard.

M. José Rossi.

Savamment développée.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Savamment, certes, mais pas de manière suffisamment convaincante pour que l'Assemblée nationale accepte de soulever l'exception d'irrecevabilité.

D'abord, je le rappelle, le texte présenté a fait l'objet d'un examen très attentif par le Conseil d'Etat, dont les observations ont été intégralement suivies. D'ailleurs, outre le Conseil d'Etat, la Commission européenne a été consultée sur les questions juridiques posées par M. Goulard et, à notre connaissance, elle n'a pas vu d'objection à ce que ce projet puisse être présenté librement par le Gouvernement à vos suffrages.

Deux principes irriguent le texte. Le premier, conforme en tout point à la directive, est le respect de la subsidiarité. Le second, conforme en tout point aux considérants de la directive, est le maintien du service public.

M. Goulard nous a fait la grâce de citer quelques-uns des considérants. Permettez-moi d'en rappeler deux. Le considérant 11, tout d'abord, qui renvoie au principe de subsidiarité : « Considérant que, conformément au principe de subsidiarité, un cadre de principes généraux doit être établi au niveau communautaire, mais que la fixation des modalités d'application doit incomber aux Etats membres, qui pourront choisir le régime le mieux adapté à leur situation propre ; ». On le voit, ce considérant légitime la philosophie du texte proposé et son contenu.

Le considérant no 13 concerne le service public :

« Considérant que, pour certains Etats membres, l'imposition d'obligations de service public peut être nécessaire pour assurer la sécurité d'approvisionnement, » - les rapporteurs s'y sont référés tout à l'heure comme moi-même quelques instants plus tôt - « la protection du consommateur et la protection de l'environnement que, selon eux, la libre concurrence, à elle seule, ne peut pas nécessairement garantir. »

M. Alain Cacheux.

Tout à fait.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous sommes donc, avec ce texte, dans le droit fil des considérants initiaux de la directive et par conséquent parfaitement cohérents avec ce que nous avons - nous et quelques autres

Etats membres - obtenu, lors de la négociation de la directive.

Je veux ensuite indiquer, avec la plus grande fermeté, à M. Goulard que selon moi ni la directive ni le droit national n'obligent à séparer juridiquement le gestionnaire du réseau de transport. C'est un sujet tout à fait central.

Les obligations de transparence et de non-discrimination résultant du droit de la concurrence se traduisent très rarement par des obligations de séparation juridique.

La directive s'inscrit d'ailleurs pleinement dans cette tradition. Or l'un des facteurs de réussite d'EDF est qu'il s'agit, je l'ai déjà rappelé à l'envi, d'une entreprise inté grée qui assure à la fois la production, le transport et la distribution de l'énergie électrique. Le Gouvernement a estimé que ce facteur de réussite ne devait pas être remis en cause et propose donc de désigner EDF comme le gestionnaire unique du réseau public de transport.

Conformément à la directive, ces missions consisteront à exploiter et à développer l'infrastructure afin d'assurer l'accès des utilisateurs au réseau.

A cet égard, il faut indiquer que, dans le même esprit, d'autres états membres ont choisi de maintenir le gestionnaire du réseau de transport au sein d'une entreprise électrique intégrée.

M. François Goulard.

Aucun pays ne l'a fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je me dois de citer, ici, devant l'Assemblée nationale, les cas de l'Allemagne et du Danemark (Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour certains de leurs opérateurs. Le gestionnaire du réseau de transport fera donc partie de l'entreprise publique. C'est pourquoi le projet comporte une série de dispositions suffisamment nombreuses et fortes pour garantir la neutralité par rapport aux différents acteurs.

E n premier lieu, nous prévoyons une séparation comptable des activités de production, de transport et de distribution des entreprises intégrées, et ce en application de l'article 14 de la directive.

Cette séparation comptable, qui sera soumise au contrôle de la commission de régulation de l'électricité ce qui est d'ailleurs indispensable à sa crédibilité - permettra de vérifier qu'il n'y a pas subvention croisée entre les secteurs du monopole et les activités en concurrence.

En deuxième lieu, le projet de loi donne corps à l'obligation d'individualisation ou de séparation, si l'on veut, du gestionnaire du réseau de transport au sein de l'entreprise intégrée. Cette séparaton est juridiquement cohérente avec la directive, puisque celle-ci la demande dans son article 7.

Je signale que le directeur du service gestionnaire du réseau de transport est nommé par le ministre chargé de l'énergie - M. Dumont le rappelait tout à l'heure - et qu'il y a obligation de prévoir un budget spécifique pour


page précédente page 01497page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

le gestionnaire du réseau de transport, communiqué pour information à la commission de régulation de l'électricité, afin d'assurer la transparence maximale.

En troisième lieu, le projet de loi institue pour les agents du gestionnaire du réseau de transport une obligation de confidentialité des informations commercialement sensibles dont il pourrait avoir connaissance, conformément, là encore, à un article de la directive - l'article 9.

Des sanctions pénales sont même prévues en cas de divulgation de telles informations. En outre, une commission de régulation indépendante et spécialisée assurera le contrôle et sanctionnera les manquements en la matière nous sommes d'ailleurs allés plus loin, sur ce point, que ce que prévoyait notre texte dans sa première mouture.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de mettre en place un groupe d'experts économiques de haut niveau, présidé par M. Champsaur, afin de préparer certaines mesures d'application de la loi, qui seront cruciales pour le bon fonctionnement du secteur électrique. Ce groupe d'experts fera au Gouvernement des propositions concrètes et opérationnelles dans trois domaines : la tarification de l'utilisation des réseaux, l'évaluation des charges d'intérêt général et le contrôle de l'absence de subventions croisées entre clients éligibles et clients nonéligibles.

De même, le monopole de la distribution - qui par ailleurs avait été très ardemment défendu par M. Borotra au nom de la France lors de la négociation de la directive -...

M. Alain Cacheux.

Absolument !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... ou encore les dispositions concernant les lignes directes sont parfaitement conformes - on l'a dit tout à l'heure - à la directive, et sont rendus possibles précisément par l'application du principe de subsidiarité que j'ai exposé, comme un facteur commun, au début de mon analyse juridique.

On ne peut pas soutenir raisonnablement, monsieur Goulard, que le degré d'ouverture du marché national qui découle des dispositions du projet de loi est à l'origine d'une rupture d'égalité ou bien serait contraire à la directive. En effet, la directive elle-même impose un niveau minimum d'ouverture du marché national, tout en laissant d'ailleurs la place à la subsidiarité pour la définition des clients éligibles.

La directive reconnaît donc pleinement les spécificités des différents secteurs électriques des Etats membres. Le projet transcrit très exactement, fidèlement, les dispositions de la directive en précisant que les seuils d'éligibilité sont fixés de manière à permettre « une ouverture du marché national de l'électricité limitée à la part communautaire moyenne qui définit le degré d'ouverture du marché communautaire déterminé chaque année par la commission des communautés européennes et publié au Journal officiel des Communautés ». Vous avez d'ailleurs cité ce passage tout à l'heure.

A cet égard, il doit être noté que les degrés d'ouverture des marchés nationaux sont en fait très variables dans l'Union européenne. Si certains Etats, que vous avez mentionnés, sont en effet ouverts à 100 %, comme les E tats scandinaves, par exemple, d'autres, comme l'Autriche, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas, présentent des degrés d'ouverture proches de ceux de la France.

M. François Goulard.

Pas l'Espagne ! Et en Italie, 20 % de la production est indépendante !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

D'autres pays sont encore plus fermés que le nôtre, selon vos critères.

M. François Goulard.

La Grèce !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il s'agit de l'Irlande...

M. François d'Aubert.

Normal, il n'y a pas d'électricité !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et de la Grèce, pays qui sont fermés à 100 %, qu'il s'agisse de la production, du transport ou de la distribution.

J'en viens au dernier point qui m'incite à demander à l'Assemblée nationale de repousser plutôt deux fois qu'une l'exception d'irrecevabilité de M. Goulard : il n'y a pas contradiction entre le maintien du statut du personnel des industries électriques et gazières à toute l'industrie électrique, d'une part, et le droit communautaire, d'autre part. Ce point est évidemment, lui aussi, décisif.

La directive n'a pas prévu - on peut le regretter - de dispositions sociales particulières qui seraient de nature à imposer une quelconque harmonisation dans ce domaine.

Il y a fort à parier que, dans le nouveau contexte politique européen, les questions sociales seront désormais en haut de la liste des préoccupations des gouvernements.

En conséquence, dès lors que sont imposées à tous les opérateurs les mêmes conditions d'établissement et de fonctionnement, il y a lieu, monsieur Goulard, de considérer avec une grande certitude juridique que la définition des modalités d'exercice de l'activité relève, elle aussi, de la subsidiarité.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous sommes donc parfaitement fondés à rester dans le système de la loi de 1946, c'est-à-dire à connaître une situation d'extension du statut aux industries électriques et gazières, avec les exceptions prévues par la loi de 1946. Cela est parfaitement conforme à l'application du principe de subsidiarité, donc parfaitement conforme à la philosophie intrinsèque qui sous-tend l'ensemble de l'édifice de la directive. Nous sommes libres de fixer la règle en la matière.

Pour ces raisons, il importe que les dispositions sociales soient telles que, sur notre territoire, les opérateurs du secteur électrique soient mis dans les mêmes conditions équitables de concurrence et que toutes les industries électriques et gazières soient placées sur le même plan. Je ne peux donc adhérer à la logique qui voudrait que les agents des entreprises issues du monopole bénéficient de statuts, alors que les salariés des nouveaux entrants seraient soumis à des conditions moins favorables. Il y aurait là une conception étriquée de la justice sociale et une rupture d'égalité entre EDF et les autres opérateurs historiques, d'une part, et les nouveaux entrants sur le marché, d'autre part.

Le projet qui vous est soumis maintient le champ d'application du statut du personnel des industries électriques et gazières, tel que la loi de 1946 l'a défini avec exactement le même régime d'exception qui fonctionne depuis plus de cinquante ans.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis.

Absolument !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous noterez que, par ailleurs, le projet de loi prévoit l'introduction de mécanismes de négociations collectives. La négociation collective est très utile en soi. Elle sera particulièrement adaptée au système électrique comprenant des acteurs plus nombreux et plus diversifiés.


page précédente page 01498page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

Pour toutes ces raisons fondamentales, je demande à l'Assemblée nationale de rejeter l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Goulard.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Birraux, premier orateur inscrit, pour quinze minutes.

M. Claude Birraux.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la production électrique revêt un caractère particulier dans notre pays, et il n'est pas exagéré de penser que la publicité en faveur de l'entreprise EDF - « nous vous devons plus que la lumière » - exprime mieux le poids de l'histoire que la formule elle-même.

Si la fée électricité n'est plus aussi féérique qu'antan, le poids de l'histoire a été de rendre banal pour chacun des Français ce simple geste consistant à appuyer sur un interrupteur. Et derrière cette banalité, qui n'est plus féérique, se cachent le travail et la technique de cette entreprise qui a su relever les défis technologiques, les dominer, les maîtriser et devenir l'une des toutes premières entreprises du monde des électriciens, si ce n'est la première. Nous lui devons reconnaissance pour le travail accompli au service de la nation.

L es évolutions socio-économiques font que, dans l'Europe en construction, le marché de l'électricité doit aussi pouvoir bénéficier de la libre circulation, et les consommateurs européens du libre choix de leur fournisseur. D'où la directive libéralisant le marché intérieur de l'électricité. L'UDF, parti de l'Europe, est favorable à cette évolution.

Si cette page de l'histoire cinquantenaire du système électrique a été tournée avec l'adoption de cette directive, cela ne condamne nullement ce qui a été fait jusqu'à ce jour, mais cela permet d'ouvrir une nouvelle page, de lancer un nouveau défi.

Je tiens d'emblée à affirmer ma confiance pour l'avenir de notre société EDF et pour le système public de l'électricité, si on veut bien leur donner les moyens de s'adapter aux nouvelles conditions. L'Europe doit devenir leur horizon, leur marché, si on leur fait confiance.

J'aimerais d'abord revenir sur les conditions de la transposition dans notre droit de la directive.

J'observe que cette directive laisse une large part à la subsidiarité, puisqu'elle se borne à fixer des seuils minimum, étalés dans le temps. Elle laisse aussi le soin à chaque pays de choisir son organisation en fixant des principes communs mais en n'imposant pas de modèle unique.

J'observe également que nous sommes quasiment le dernier Etat à transposer dans notre droit la directive, alors qu'elle doit s'appliquer de plein droit le 20 février !

Mme Michèle Rivasi.

Non, le 19 !

M. Claude Birraux.

Le peu d'empressement mis par le Gouvernement présente des risques : celui de nous faire passer pour le mauvais élève de la classe ; celui de nous placer en position de faiblesse en cas de contentieux engagé par un acteur qui nous voudrait du bien ; celui de nous voir imposer des règles jurisprudentielles.

Ma dernière observation liminaire concerne le degré d'ouverture du marché choisi par le Gouvernement : je le qualifierai de minimum syndical.

Si j'en crois le rapporteur du Conseil économique et social, « la totalité des consommateurs sont d'ores et déjà ou seront appelés à devenir dès 1999 clients éligibles en Allemagne - tout au moins dans le principe -, au Royaume-Uni, en Finlande, en Norvège et en Suède. Au Danemark, l'ouverture concernera 90 % du marché. Elle représentera entre 30 et 40 % des marchés luxembourgeois, espagnol, autrichien et hollandais ».

Le commissaire européen, quant à lui, a estimé que 64 % de la demande globale d'électricité serait ouverte à la concurrence en 1999.

Vous avez donc choisi d'entrer tardivement dans le mécanisme malgré les risques que vous encourez. Vous avez choisi de le faire a minima , sans possibilité de modulation, ni d'évolution.

Vous vous présentez crispé, craintif, comme si vous n'aviez confiance ni en EDF et en son personnel, ni dans le service public, ni dans votre majorité plurielle - sur ce point, vous n'avez pas complètement tort -, ni dans votre propre capacité à accompagner les évolutions pour permettre de relever les défis.

Ce projet de loi ne serait-il pas une illustration supplémentaire de la méthode Jospin : donner dans les mots l'illusion de choix, alors que ces choix sont démentis par les décisions où les actes à cause des pesanteurs et des sarcasmes sociologiques qui collent aux socialistes français et les contradictions de la majorité. Il est vrai que la majorité des députés du groupe socialiste PS - à cinq exceptions près - avait soutenu une motion de rejet présenté par le groupe communiste au parlement européen le 11 décembre 1996.

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

M. Claude Birraux.

L'intitulé même de votre texte

« projet de loi de modernisation et de développement du service public de l'électricité » est impropre.

En effet, il n'est pas réellement moderne, puisqu'il occulte bon nombre de questions stratégiques concernant la façon d'affronter la concurrence de conquérir des parts de marché, qui dépassent l'incantation selon laquelle

« l'Europe doit devenir le marché d'EDF ».

Il n'est ni de modernisation ni de développement, dans la mesure où il renforce la réglementation pour conforter dans les faits le statu quo et la résistance au changement.

D'emblée, vous choisissez la stratégie perdante. En effet, à vouloir retarder ou empêcher l'introduction de la concurrence, vous prenez le risque de retarder l'adaptation nécessaire des opérateurs français, principalement EDF, et de réduire leur compétitivité future par rapport à leurs concurrents. N'oubliez pas que cette adaptation aux critères les plus exigeants de la sûreté nucléaire, EDF y est parvenue par la recherche, le retour d'expérience, la confrontation - au bon sens du terme - aux autres opérateurs, et non en s'isolant au sein de l'Hexagone.

Cette ouverture a minima présente un double risque pour notre pays : celui de dégrader l'image de marque auprès des clients d'EDF ; celui de limiter les possibilités de développement en dehors des frontières de l'Hexagone. Vous devriez méditer ce que les anglo-saxons appellent la règle d'or et qui pourrait se traduire ainsi :

« ne faîtes pas subir aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'ils vous fassent eux-mêmes subir ».

M. Edouard Landrain.

Très bien !


page précédente page 01499page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

M. Claude Birraux.

Par ailleurs, la directive elle-même prévoit une clause de sauvegarde qui permet aux Etats dont le marché est le plus ouvert de se préserver de la concurrence d'Etats dont le marché est le moins ouvert.

Opter pour une ouverture a minima , c'est choisir dès le départ une position de faiblesse. De surcroît, quelle sera l'attitude d'un groupe multinational qui, pour des conditions identiques, sera éligible dans un pays tiers et non éligible en France ? Que deviendra, dans ces conditions, l'emploi dans notre pays ? Les maîtres mots qui doivent guider le législateur dans la transposition de cette directive dans notre droit sont les suivants : transparence et équité, et pour chapeauter ces deux notions, indépendance. Or, de ce point de vue, votre texte comporte de nombreuses lacunes.

Le gestionnaire du réseau, GRT, sera le véritable régulateur du marché. Il lui reviendra la charge d'appeler les productions d'électricité pour fournir les consommateurs.

Mais pour qu'une concurrence loyale s'instaure, il faut assurer l'indépendance et la transparence complète du GRT.

Or si je conçois que l'on hésite à créer de toute pièce une entité entièrement nouvelle, je ne comprends pas l'obstination du Gouvernement à s'engager dans le système le plus compliqué, le moins transparent, celui qui alimente la suspicion dès avant sa mise en oeuvre.

Pis, pour se prémunir contre une telle suspicion, le GRT risque de devoir pénaliser l'opérateur français ! La solution GRT, « service placé au sein d'EDF », n'est pas satisfaisante car elle ne peut que susciter des doutes sur les décisions qu'il rendra. En effet, on ne voit pas comment le GRT pourrait garantir que les informations confidentielles qui lui seront remises ne circuleront pas, même si des sanctions sont prévues en cas de divulgation faite sciemment.

Ce statut hybride est contraire à l'esprit de la directive et à la jurisprudence communautaire qui ne cesse d'imposer une indépendance des autorités de régulation.

Sur le plan juridique, on peut se demander comment se régleront les rapports entre le GRT et les autres services d'EDF ? Qui signera les protocoles entre EDF et le

GRT ? Ne s'agira-t-il pas de conventions qu'EDF signera elle-même, d'autant que le directeur sera nommé sur proposition du président d'EDF, donc placé sous sa coupe ? Reconnaissez que votre choix est celui des ennuis maximum, d'autant que vous ne définissez pas avec précision le périmètre du GRT.

Dans son rapport, notre collègue J.-L. Dumont - qui était sûrement meilleur lorsqu'il était chargé de mission, puisque, depuis, il a mis quelques bémols dans ses positions - précise que « la meilleure solution serait que ces activités soient confiées à un gestionnaire du réseau indépendant... Ce gestionnaire pourrait prendre la forme d'un nouvel établissement public dans lequel seraient détachés les agents EDF accomplissant aujourd'hui ces tâches et détenant par leur expérience les compétences techniques pointues nécessaires à la gestion du réseau... ».

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis.

Excellente citation !

M. Claude Birraux.

L'adoption d'un code de déontologie, relatif à la confidentialité des informations et à l'indépendance vis-à-vis de la maison mère, devrait accompagner cette mise en place, poursuivait-il.

Je propose que le GRT soit confié à une filiale d'EDF, ce qui permettrait de garantir le périmètre de la filiale, d'avoir des comptes séparés et transparents et d'évacuer les doutes et les suspicions qui pèsent sur le risque d'un démantèlement patrimonial d'EDF et sur le statut des agents. Par ailleurs, le président de GRT devrait être nommé par le ministre, sur proposition de la commission de régulation de l'électricité, après consultation du président d'EDF. Ce dispositif est parfaitement clair. Il n'introduit pas la révolution, mais ne bloque pas la situation par une attitude conservatrice et frileuse de résistance au changement.

La commission de régulation de l'électricité, quant à elle, doit être pourvue de moyens réels d'expertise et de contrôle, d'un pouvoir d'arbitrage et de sanction, pour qu'elle puisse réellement asseoir son autorité, instaurer et faire vivre une véritable concurrence dans la transparence.

Comme le dit encore M. Dumont, elle doit devenir « un véritable juge de paix ».

Il serait bon d'élargir ses responsabilités au contrôle des conditions dans lesquelles fonctionnera le marché - décisions relatives à l'octroi des autorisations ou appels d'offres, fixation des tarifs de transport ou de secours, traitement des litiges ; au contrôle des conditions dans lesquelles sont mises en oeuvre les obligation de service public - fixation des charges, obligation d'achat de certaines productions, approbation des tarifs pour les clients non éligibles ; participation au processus de nomination du responsable du GRT.

J'en viens au statut des industries électriques et gazières. Il y a là un vrai problème. Il est certes plus facile à évoquer qu'à résoudre mais, en cette affaire, le Gouvernement fait preuve d'un immobilisme provocant. Vos prédécesseurs avaient eu le courage, eux, d'affronter et de résoudre le problème du statut social à France Télécom.

Première observation : le statut des industries électriques et gazières est inscrit dans la loi de 1946, qui n'est pas abrogée ; donc il s'applique à ces industries. Etait-il utile de rappeler aux nouveaux entrants qu'ils n'y échapperaient pas ? Deuxième observation : le statut comporte des éléments fondés sur la loi de 1946 et les dispositions réglementaires qui ont suivi. Mais il comporte aussi des dispositions internes propres à EDF et n'ayant pas fait l'objet de dispositions réglementaires, ce qui est inadmissible pour les nouveaux opérateurs.

Par ailleurs, selon M. Dumont, le statut actuel aurait certaines bases juridiques incertaines, voire irrégulières au regard du droit du travail. Le décret d'adaptation des lois Auroux n'est pas intervenu.

Troisième observation : les retraites. Le système en vigueur conduirait à un coût salarial supplémentaire de 25 %, ce qu'il ne semble pas raisonnable d'imposer aux nouveaux opérateurs, selon le rapport Dumont. Comment les financer à échéance de quinze ans ? Quelle charge financière sera supportée, et par qui ? Alors que le rapport Dumont ouvre des perspectives, dans la concertation et la négociation, de remise à plat transparente et d'évolutions respectant les engagements antérieurs, le Gouvernement reste muet et veut imposer l'élargissement du statut, alors qu'il sait parfaitement qu'il va renforcer la concurrence en matière sociale entre les opérateurs existants enfermés par le statut, et ceux qui pourront y échapper.

Par exemple, un opérateur s'installant hors frontières et alimentant des clients éligibles français ; des opérateurs français, sur territoire français, se débrouillant via la soustraitance ou des filiales ; les opérateurs qui échappent d'ores et déjà au statut et les futurs opérateurs entrant dans le champ de ces exemptions.


page précédente page 01500page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

J'attends avec impatience vos réponses à ces questions, monsieur le secrétaire d'Etat, et je dois dire que, dans vos propros liminaires, vos n'avez pas répondu à mon impatience.

J'examinerai maintenant l'éligibilité partielle des régies.

Le texte reconnaît l'éligibilité partielle des distributeurs non nationalisés lorsqu'ils ont un client éligible. Comment décliner cette affirmation ? Le client va lancer un appel d'offres sans se soucier de l'entreprise locale de distribution.

Si vous ne maintenez pas un lien contractuel entre l'entreprise locale et le client, l'entreprise locale ne sera que prestataire d'infrastructure de distribution. Il y a là une menace sérieuse sur l'existence même de ces entreprises locales, qu'il s'agisse de régies ou de SEM. Je rappelle que 2 800 communes dans 40 départements ont choisi ce modèle de distribution, à travers 180 entreprises, qui représentent 7 000 emplois et desservent 3,5 millions d'habitants.

J'attends vos explications sur la pratique de l'éligibilité partielle.

De même, en ce qui concerne le principe dit de spécialité, l'équité commande de permettre à EDF de lutter à armes égales avec ses concurrents pour une offre globale de services.

Pourquoi ne pas permettre aussi aux régies de faire des offres globales à leurs clients éligibles ? Par contre, il est équitable que, pour les clients non éligibles, les conseils d'EDF s'arrêtent au compteur, pour ne pas entrer en concurrence avec les entreprises privées du secteur.

Par ailleurs, quelle idée saugrenue de vouloir faire figurer les coûts de l'arrêt de Superphénix dans les coûts échoués, alors qu'il n'y a aucun lien entre cet arrêt et la mise en oeuvre de la directive. Cela s'apparente à de la malhonnêteté intellectuelle. Je vous avais demandé, lors du débat sur l'énergie, il y a quelques semaines, quel était le bilan, en termes d'emplois, du commissaire à la reconversion du site de Creys-Malville. Vous ne m'avez pas répondu. Aurai-je plus de chance aujourd'hui ? Je rappelle que je l'avais qualifié, au mieux, d'ordonnateur de pompes funèbres.

J'aborderai encore deux points.

D'abord, la bourse de l'électricité. Le Gouvernement semble résolument opposé à la création d'une telle bourse. Une ligne Maginot gouvernementale de plus.

Vous savez qu'outre la Grande-Bretagne et les pays nordiques, des bourses de l'électricité sont en projet à Amsterdam, Hanovre ou Zurich, bien que la Suisse ne soit pas membre de l'Union européenne.

Ne fermons pas la porte au principe même, ce serait handicaper lourdement le principal opérateur européen, EDF. L'entreprise devra-t-elle s'expatrier pour ne pas être hors circuit en Europe ? Second point : la loi d'orientation et de planification de l'énergie.

La demande prévisible de consommation d'énergie ne doit pas être le seul paramètre à prendre en compte. Les impératifs de sécurité d'approvisionnement entrent aussi en considération, dans un domaine ou le long terme pèse très lourd. De même, la perspective de renouvellement du parc existant, en particulier nucléaire, n'entre pas dans les besoins immédiats à satisfaire, puisqu'il y aura un phénomène de glissement dans le temps entre l'arrêt des centrales et la mise en service de nouvelles centrales. L'implantation de la tête de série EPR n'entre pas non plus dans le critère des besoins immédiats ou prévisibles. Il en est de même des têtes de série de technologies innovantes, comme les piles à combustibles ou la géothermie sur roches chaudes.

« La prévision est difficile, surtout quand elle concerne l'avenir », disait Niels Bohr (Sourires), et nul ne peut assurer précisément comment s'organisera le paysage énergétique européen. Si je conçois que vous rejetiez une dérégulation totale du marché électrique, je constate que vos propositions sont en très net retrait par rapport aux propositions du rapport Dumont. Vous voyez l'ouverture du marché électrique comme une contrainte imposée et vous vous obstinez à édifier des lignes Maginot, illusoires, pour tenter de ne rien changer. Vous avez une vue statique des choses.

Quant à nous, groupe UDF, dont l'Europe est l'un des fondements de l'engagement politique, nous avons une vue dynamique : l'ouverture du marché électrique peut être une chance pour notre pays et une chance pour EDF. Contrairement à vous, nous avons confiance dans la capacité d'EDF de gagner ce défi et d'avoir de nouvelles ambitions, si on lui donne un cadre approprié et des moyens.

Parce que ce cadre ne prépare pas notre pays à cette compétition, parce que vous rigidifiez là où il faudrait de la souplesse pour accompagner les évolutions, parce que vous n'avez pas confiance en notre capacité de gagner, votre texte, en l'état, n'est pas acceptable.

Je vous remercie de votre attention et je remercie M. le président - autorité de régulation de la parole - d'avoir été parfaitement équitable en me permettant de déposer, certes moins que le rapporteur, mon temps de parole.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Honde, qui n'a pas pour habitude de dépasser son temps de parole.

(Sourires.)

M. Robert Honde.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis pour étudier un projet de loi attendu, sur lequel on a beaucoup lu et beaucoup entendu, un projet de loi qui engage notre pays sur la voie de la modernisation de ce service public et qui constitue en fait la traduction juridique de nos engagements européens.

En effet, c'est bien à ce niveau qu'il faut replacer le débat, celui des engagements européens de la France, engagements auxquels les députés radicaux de gauche ont toujours souscrit et qui pourrait se résumer ainsi : moderniser les services publics dans un cadre de concurrence maîtrisée.

Le domaine qui nous intéresse est celui de l'énergie, et plus précisément de l'électricité. La directive 96-92, qu'il s'agit de transposer en droit interne, a été adoptée après un peu moins de dix années de négociations, comme le rappelle notre collègue Christian Bataille dans son rapport.

Dix années de travaux, de négociations et d'ouverture d'un marché sensible, puisque s'y attachent nombre de symboles forts : approvisionnement énergétique des Etats membres, qui ne peuvent se passer de ce bien de première nécessité, indépendance et développement économique des Etats membres de l'Union européenne, dont aucun ne peut prétendre se passer d'une maîtrise minimale de son approvisionnement.


page précédente page 01501page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

Enfin, tous nos concitoyens considèrent l'électricité comme un bien naturel, au même titre que l'eau. D'ailleurs, toujours sur le plan des symboles, la construction d'une habitation entraîne pour les particuliers des démarches parallèles en vue de disposer de ces deux biens.

Il n'existe pas de service public national de l'eau, me répondront tous les grands fervents de la libéralisation des marchés. Certes, mais on ne peut que le regretter, parce que s'il est un domaine dans lequel la corruption a fait ses preuves, c'est bien celui de l'eau, dont même Philippe Séguin réclamait la nationalisation.

M. Alain Cacheux.

C'est vrai !

M. Robert Honde.

En effet, lorsque des marchés entraînent la prédominance de quelques opérateurs privés, qui peuvent en assumer seuls la régulation, on en arrive toujours très rapidement au règne de l'argent-roi, qui corrompt trop souvent.

C'est pourquoi il est heureux que l'électricité soit restée du domaine du service public, conformément au programme du Conseil national de la Résistance.

Il existe donc en France un marché de l'électricité, qui regroupe l'ensemble des caractéristiques du service public tel qu'il est reconnu juridiquement. Les principes de continuité, d'universalité, de mutabilité et d'égalité ne peuvent être mis en cause, si l'on veut effectivement moderniser et développer le service public. Ils sont préservés par le projet de loi qui nous est présenté, alors qu'ils ne pourraient être maintenus si celui-ci n'était pas adopté, car la directive 96-92 serait d'application immédiate puisque non transposée en droit interne.

Les députés radicaux de gauche voteront donc ce projet de loi qui renforce le service public au détriment du marché, permet d'accompagner EDF dans ses perspectives de développement et de conforter ainsi sa place de leader.

En effet, si ce texte n'était pas adopté, nous serions réduits à attendre qu'une procédure en manquement soit engagée contre la France et à préparer des arguments de défense qui ne pourraient empêcher notre condamnation.

Condamnation inéluctable, essentiellement fondée sur le non-respect par la France de ses engagements. En effet, c'est bien de la parole de la France qu'il s'agit. Même si nous n'étions pas aux responsabilités lors de l'adoption de cette directive, il nous faut aujourd'hui l'assumer, en limiter les implications libérales et en corriger autant qu'il est possible les imperfections. C'est le sens du projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat.

Alors que certains réclament encore une renégociation de la directive, les députés radicaux de gauche préfèrent que l'on privilégie le respect de la parole de la France, même si leur démarche eût été différente de celle des res ponsables de l'époque. Quelle image aurait notre pays sur la scène européenne ? Une telle opération ne manquerait pas de donner un caractère instable aux pouvoirs publics, qui, s'ils devaient remettre en cause tout ce que leurs prédécesseurs ont accepté, fragiliseraient l'Etat lui-même.

Enfin, l'opérateur public qu'est EDF aurait-il intérêt à ce que le projet de loi ne soit pas adopté, et que la directive 96-92 ne soit pas totalement applicable ? Asurément pas. Les effets d'une telle stagnation de notre droit seraient importants. Outre les conflits dans lesquels la France serait engagée au niveau européen, quel recul pour un opérateur public leader mondial sur son marché ! Comment pourrait-il exercer sur des marchés étrangers alors que nous-mêmes proclamerions un protectionnisme total sur notre territoire ? C'est là une raison essentielle de la nécessaire transposition en droit interne de la directive européenne : permettre à l'opérateur public national EDF de maintenir son activité sur le marché mondial sans subir les contreparties de mesures protectionnistes qui nuiraient à son développement. Serait-il envisageable qu'EDF soit choisi par l'Egypte pour construire deux centrales pour un montant de 840 millions de dollars, comme cela s'est produit dernièrement, si la France fermait ses frontières, s'interdisant ainsi tout échange avec ses partenaires européens, d'une part, et tous les Etats susceptibles d'offrir des débouchés sur des marchés concurrentiels, d'autre part ? EDF, opérateur public, va-t-il pour autant être bradé, comme certains le prédisent ? Assurément pas puisque son capital reste à 100 % public.

Concernant le statut du personnel, qui craint de subir les consignes d'un marché libéralisé, nous avons l'assurance qu'il sera maintenu. Le texte le démontre et M. le secrétaire d'Etat a pris un engagement. D'ailleurs, la récente conclusion d'un accord dans le cadre de l'application de la loi Aubry sur les 35 heures montre combien la paix sociale est recherchée par tous les partenaires.

Nous devons tous nous féliciter des conditions d'élaboration du projet de loi. Nous aurons rarement été autant associés à la démarche du Gouvernement. Le Livre blanc distribué à 50 000 exemplaires, les saisines du Conseil économique et social, des conseils régionaux et du Conseil supérieur de l'électricité, ainsi que l'avis du Conseil de la concurrence sont autant d'actes qui ont permis une large concertation avec les partenaires sociaux.

M. Christian Bataille, rapporteur.

Très bien !

M. Robert Honde.

De cette concertation découle la justesse du dispositif proposé : une ouverture du marché a minima dans des conditions telles qu'EDF pourrait participer à la concurrence et, on peut le penser, l'animer pour une large part.

Bien qu'étant toujours un opérateur public, et assujettie à ce titre à des obligations de service public, EDF devra néanmoins affronter des acteurs privés sur le marché européen puisqu'une majorité d'Etats de l'Union ne seront pas dotés d'un tel service public. Aussi, les craintes soulevées par certains de voir EDF engagée dans la voie d'une privatisation ne sont-elles pas fondées : le capital est maintenu à 100 % entre les mains de l'Etat et aucune ouverture n'est envisagée puisque la structure même de l'entreprise publique n'est pas modifiée.

Le texte qui nous est proposé définit précisément les contours d'une service public auquel nous sommes tous attachés. Nos collègues de l'opposition qui ne le soutiendraient pas au motif que la libération n'est pas assez importante, et donc qu'EDF serait pénalisée, pourront-ils être convaincus du bien-fondé de la démarche du Gouvernement ? Je l'espère. En effet, les députés radicaux de gauche estiment en conscience qu'un vote négatif serait un signe contraire aux intérêts de la France puisque nous placerions notre pays au ban de l'Europe. Nous ne pouvons accepter que des arguments strictement catégoriels motivent notre démarche. Nous savons pertinemment qu'EDF doit pouvoir s'affirmer demain sur un marché international difficile, et nous ne voyons pas en quoi il serait positif de lui interdire de formuler des offres globales alors qu'elle est la seule au niveau européen à ne pouvoir le faire aujourd'hui.

Comme Christian Bataille, nous considérons qu'il ne faut pas lui imposer des handicaps rédhibitoires dans la compétition qui s'ouvrira demain, et qui s'ouvrira sans nous si nous ne nous en donnons pas les moyens. Nous


page précédente page 01502page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

pouvons concilier le service public et les impératifs du marché si nous accordons à l'opérateur public les moyens nécessaires à son développement. Tel est l'enjeu du débat qui nous rassemble aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert.

M. François d'Aubert.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour débattre du projet de loi relatif à la modernisation et au d éveloppement du service public de l'électricité. A entendre certains, on a l'impression qu'il y a une petite erreur dans le texte, car son but est de transposer une directive européenne sur la libéralisation du secteur de l'électricité et non pas, comme le titre que vous allez donner à la loi le laisse supposer, d'ouvrir un débat sur le service public de l'électricité. Je ne suis pas sûr que nous ne soyons pas un peu hors sujet...

Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous dire que le titre choisi ne correspond pas à l'esprit de la directive, et je ne suis pas sûr - François Goulard a déjà insisté sur ce point - qu'il corresponde à sa lettre.

Ce projet présente trois caractéristiques.

D'abord, ce n'est pas un texte très européen. Il nous place très à part dans l'Europe de l'électricité, dans l'Europe du marché.

En second lieu, il introduit une protection très forte pour EDF. Cette entreprise joue un rôle essentiel en assurant avec efficacité le service public de l'électricité. Il est probable que la CGT et quelques autres intérêts demandaient une telle protection, mais je ne suis pas sûr que l'ensemble du personnel, ceux qui ont vraiment en tête l'intérêt de l'entreprise, demandaient la protection contenue dans le projet de loi.

Troisièmement, ce texte est discriminatoire car il distingue entre ceux qui pourront profiter d'une certaine dérégulation, donc d'une concurrence et d'une éventuelle baisse des prix, et ceux qui ne le pourront pas, la masse des consommateurs, qu'il s'agisse des petites et moyennes entreprises ou des particuliers.

On a l'impression que le Gouvernement accepte à contrecoeur une évolution qui est pourtant nécessaire et dont les quelques exemples étrangers dont nous disposons montrent qu'elle a plutôt été une réussite.

Evidemment, le Gouvernement est contraint de donner des garanties à ses alliés de la gauche plurielle, et l'on assiste à une transcription de la directive a minima, avec une utilisation peut-être un peu exagérée du principe, ou de l'alibi, de la subsidiarité. Il est vrai que la directive permet cette formule mais vous l'utilisez à plein et cela risque, je le répète, d'isoler notre pays.

En effet, neuf des douze pays de l'Union européenne ont ouvert leur marché au-delà du seuil communautaire de 25,37 %. En février 1999, le taux moyen d'ouverture du marché sera de 60 % alors qu'après la discussion de ce projet de loi la France ne sera qu'à 25 %.

On l'a déjà rappelé, l'Allemagne, la Finlande et la Suède ont ouvert leur marché à 100 %. Vous avez affirmé que l'Espagne n'allait pas vite. Elle va beaucoup plus vite que nous puisqu'elle a déjà passé un cran que nous ne passerons que dans trois ans.

La transcription est minimale et l'on reste dans l'exception française.

A l'heure où la libéralisation de l'électricité, comme hier celle des télécommunications, s'impose chez tous nos partenaires, sans préoccupation idéologique - ils ne le font pas par systématisme mais par besoin d'efficacité économique, parce que c'est la solution la plus efficiente permettant de garantir l'accès à l'électricité au moindre coût -, le Gouvernement traîne les pieds.

Le mouvement de libéralisation et de concurrence du secteur de l'électricité ne fait en réalité qu'accompagner les révolutions technologiques en cours dans les domaines de la production et de la distribution de l'électricité, en particulier avec tous les progrès technologiques en matière de commutation.

L'époque n'est plus au gigantisme et au monopole naturel qui justifiait l'organisation actuelle du système électrique français, sauf peut-être pour le transport même de l'énergie, mais certainement plus en matière de production. La production électrique à partir de gaz, en auto-production ou en cogénération, devient de plus en plus compétitive, et ce n'est pas seulement lié au prix actuel du gaz et de son acheminement en France. C'est dû à des évolutions technologiques, à l'utilisation des microturbines. Nous allons vers des outils de production de plus faible taille, mais plus adaptés aux besoins des consommateurs.

La concurrence est nécessaire, car elle est la conséquence des évolutions tehnologiques. Cela ne sert à rien de vouloir la freiner pour conserver le plus longtemps possible les prérogatives d'EDF. Conserver à tout prix le monopole d'EDF serait tout simplement une sorte d'abus de droit et pénaliserait fortement les consommateurs.

Mais un tel constat ne suffit pas à convaincre ceux qui sont hermétiques à la concurrence et l'on voit ressortir des arguments utilisés au début des années 80 en matière de télécommunications. On nous expliquait alors que si France Télécom n'existait plus ou si elle n'avait plus le monopole, on ne pourrait plus téléphoner de certains cantons l'Ardèche, de la Mayenne ou des Vosges. On voit aujourd'hui ce qu'il en est. On peut téléphoner de partout parce que se sont produites des évolutions technologiques qui n'étaient pas prévisibles en 1980. C'est un peu la même chose pour l'électricité. J'ajoute qu'en la matière il faut évidemment assurer un minimum, et que cela peut être inscrit dans la loi, mais il ne faut pas confondre service public et monopole. Il y a plusieurs façon d'assurer un service public minimum qui permette de couvrir l'ensemble du territoire.

Alors, on voit à l'étranger les résultats de cette ouverture du marché. Je ne reviendrai pas sur les gains de productivité qui ont été constatés au Royaume-Uni ou dans des pays nettement moins libéraux comme les pays scandinaves, voire dans certains Etats américains..., qui ne sont pas tous aussi libéraux qu'on veut bien l'imaginer.

L'Allemagne, quant à elle, a adopté à la fin du mois de novembre 1997 une loi qui, à terme, permettra à tous les consommateurs de choisir leur fournisseur d'électricité.

L'Espagne a adopté le même projet ambitieux. Alors, j'ose à peine poser la question, mais le maintien de cette singularité française ne sera-t-il pas préjudiciable à la compétitivité de notre économie ? Va-t-il favoriser la compétitivité de nos entreprises ?

M. Alain Cacheux.

Rassurez-vous !

M. François d'Aubert.

Je n'en suis pas persuadé parce que le prix de l'énergie est un élément déterminant pour la vie de certains secteurs, de certaines entreprises. Il y a donc des risques par rapport à la concurrence étrangère et


page précédente page 01503page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

surtout un risque non négligeable de délocalisation des entreprises ou des usines situées à proximité de nos frontières.

M. Alain Cacheux.

L'électricité est plus chère ailleurs !

M. François d'Aubert.

Aujourd'hui peut-être, mais qu'en sera-t-il demain lorsqu'il y aura une dérégulation en Allemagne ou si la Belgique va plus loin dans ce sens ? Et puis le transport international de l'électricité cela existe. EDF a 15 % de sa production à vendre parce qu'elle est un peu en surproduction et parce que cela procure des devises. Mais posons-nous simplement cette question simple : peut-on faire l'Europe sans la moindre idée de réciprocité ? Chacun se réjouit qu'EDF ait acheté le distributeur du Grand Londres, mais pourrons-nous tenir longtemps sans réciprocité, sans permettre à d'autres d'intervenir en France sur le marché de l'électricité ? Pourrons-nous continuer à fonctionner toutes barrières fermées en expliquant qu'EDF doit aller chercher des bénéfices à l'extérieur ? L'exercice risque d'être fort délicat ! Avec ce projet de loi on a vraiment l'impression que le Gouvernement cherche à tuer la concurrence dans l'oeuf.

J'en veux pour preuve plusieurs dispositions de ce texte.

D'abord, les procédures d'autorisation sont loin d'être à l'abri de l'arbitraire et la planification pluriannuelle des investissements est tout simplement anti-économique, à moins qu'elle n'ait pour objet de faciliter le renouvellement de notre parc nucléaire. Ce serait une explication tout à fait acceptable. Mais s'il s'agit purement et simplement d'empêcher l'arrivée de nouveaux producteurs sur le marché, sa justification est beaucoup moins évidente, car cela constitue manifestement une sorte de verrouillage de la production.

L'organisation existante du secteur de l'électricité est ainsi maintenue. Il est à craindre que rares seront les nouveaux entrants sur le marché de l'électricité. La concurrence est par ailleurs limitée par une disposition, adoptée en commission, qui autorise le trading, le commerce de l'électricité, le marché « spot », aux seuls producteurs d'électricité en France. C'est aussi une manière de « brimer » la concurrence.

J'en arrive à deux points essentiels. Le premier concerne la gestion du réseau public de transport à l'intérieur d'une holding EDF, ou plutôt d'une entreprise intégrée. C'est une solution que vous aviez le droit de choisir, mais il faut savoir que sept pays sur douze, dans l'Union européenne, ont choisi de créer un gestionnaire du réseau public de transport ad hoc alors que nous gardons un système de principauté à l'intérieur d'EDF dont rien ne garantit l'indépendance.

Certains nous expliquent que son futur directeur, nommé en conseil des ministres, voudra prendre ses distances par rapport à EDF pour se légitimer. Il n'en reste pas moins que ce sera probablement un cadre d'EDF faisant sa carrière dans le système EDF et je ne suis pas absolument sûr que cela soit un véritable gage d'indépendance. Le GRT doit donc être caractérisé par une véritable neutralité et il faudrait que ce soit un établissement public. Le projet de loi ne le prévoit pas et c'est là l'un de ses grands défauts.

Le second point est relatif à la commission de régulation de l'électricité. Elle semble devoir être sollicitée principalement pour donner des avis ou pour agir de concert avec le ministre en charge de l'énergie. En réalité, à l'instar de l'ART pour les télécommunications, il faudrait une véritable agence indépendante qui puisse contrôler les règles de fonctionnement, en particulier du réseau de transport, et surtout surveiller la tarification, les prix.

Et pour achever le tout, le statut particulier des agents d'EDF est étendu à tous les concurrents d'EDF, ce qui est aussi un moyen indirect de tuer la concurrence dans l'oeuf, puisque cela engendrera des surcoûts très importants. Là encore, vous y mettez beaucoup de mauvaise volonté, ou plutôt de la bonne volonté par rapport à vos alliés.

Enfin, ce texte est volontairement discriminatoire. En effet, la notion d'éligibilité est singulièrement restreinte à la fois dans son étendue actuelle et dans son rythme prévisible de progression. Une sorte d'abus de langage consiste à expliquer que 400 entreprises seront éligibles.

C'est faux ! Il s'agit de quarante groupes et de 400 établissements industriels. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Par ailleurs, les PME-PMI seront exclues. Si les grandes entreprises, les grands groupes peuvent bénéficier d'une baisse de prix, pourquoi les petits et les moyens ne le pourraient-ils pas ? C'est une véritable discrimination.

Il en est de même d'ailleurs pour les consommateurs, les particuliers. Et il y a un risque de péréquation. Il est en effet à craindre que les petits, les consommateurs en particulier, ne paient pour permettre aux gros de profiter de prix moins élevés.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

J'affirme que non !

M. François d'Aubert.

C'est un risque qui n'est pas négligeable, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est une électricité à deux ou trois vitesses que vous nous proposez avec ce système d'éligibilité.

Quant aux collectivités locales, elles vont elles aussi passer à côté de cette ouverture du marché qui existe un peu partout ailleurs. Elles ne pourront pas véritablement choisir leurs fournisseurs. Sauf dans des cas très limités, en matière de cogénération par exemple, elles ne pourront pas être elles-mêmes directement productrices et surtout elles seront obligées de vendre à EDF ce qu'elles auront produit. Elles ne pourront pas l'utiliser pour faire fonctionner leur propre réseau d'éclairage public, par exemple. Votre projet de loi l'interdit.

En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, votre texte est une transposition minimale, une sorte de parodie de libéralisation. Vous tenez tellement à satisfaire vos amis de la gauche plurielle pour qui EDF constitue historiquement un bastion inexpugnable - chacun aura compris que je parle non pas des écologistes, mais plutôt du parti communiste et de la CGT - que vous en oubliez les principes mêmes fixés par la directive européenne, à savoir le libre établissement des producteurs, la libre circulation des marchandises et des services, la liberté des producteurs et des consommateurs de bénéficier des avantages d'une concurrence libre, saine et équilibrée.

J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous auriez intérêt aussi à faire attention à ce qu'a dit notre ami François Goulard sur l'inconstitutionnalité de certaines dispositions de votre projet de loi, sans parler des futurs recours devant la Cour européenne de justice de ceux qui, voulant entrer sur le marché français, s'apercevront très vite qu'il est en fait totalement verrouillé par ce projet de loi. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux.


page précédente page 01504page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

M. Alain Cacheux.

D'autres l'ont dit avant moi, le projet de loi que nous examinons ce soir est l'aboutissement d'un très long processus d'élaboration.

D'abord, l'élaboration de la directive européenne, ellemême, issue d'une négociation longue et ardue a duré près de dix ans, pour aboutir le 19 décembre 1996, après des phases très contrastées - ce fut une des négociations les plus longues de la construction européenne. Ensuite, le projet de loi lui-même a été précédé d'une longue phase de concertation dont chacun s'est plu à souligner la qualité, à commencer par ceux qui n'approuvent pas la ligne générale du texte. Il faut en créditer le Gouvernement et d'abord vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qui vous êtes complètement impliqué dans ce dossier très important.

J'ordonnerai mon propos autour des trois idées forces.

La première, c'est qu'il n'était pas facile, pour les socialistes et pour une majorité plurielle de gauche, de transposer une directive que nous avions combattue. Nous l'avions combattue, et nous ne renions rien de ce combat, parce qu'elle sacrifiait trop au libéralisme ambiant, trait caractéristique de la construction européenne de cette époque. Placés aux responsabilités, nous ne l'aurions pas signée. Si nous n'avons pas demandé sa renégociation, c'est d'abord parce qu'il convenait de respecter la signature de la France, et qu'ouvrir une crise à ce sujet n'aurait pas forcément fait avancer nos idées - nos amis allemands sont en train de le découvrir à propos du nucléaire. C'est ensuite parce qu'il nous paraissait plus urgent de combattre l'ultra-libéralisme et le monétarisme sur d'autres terrains : celui de la lutte pour l'emploi et l'affirmation de cet objectif central dans les politiques européennes pour équilibrer le pacte de stabilité,...

M. Christian Bataille, rapporteur.

Très bien !

M. Alain Cacheux.

... celui de la construction de l'euro et de la nécessité de contrebalancer le pouvoir de la Banque centrale européenne par un pouvoir politique d'orientation et de coordination des politiques économiques des Etats membres de l'Euroland.

C'est qu'enfin la directive elle-même prenait en compte une notion du service public qui allait très au-delà de ce que contient le concept de service universel communément retenu à Bruxelles et qu'elle faisait largement application du principe de subsidiarité, laissant à chaque Etat de larges possibilités d'adaptation qui tiennent compte du contexte national. Il faut en donner acte à ses derniers négociateurs, et en particulier à M. Borotra.

Nous avons donc fait nôtre cette ligne, largement partagée dans la gauche plurielle : « la directive n'est pas bonne, essayons d'en tirer le maximum », le maximum pour le service public, le maximum pour l'entreprise publique. Nous n'en sommes pas pour autant devenus des libéraux, je le disais tout à l'heure en répondant à M. Goulard. Nous ne croyons pas au dogme libéral selon lequel toute ouverture des marchés se traduit automatiquement et mécaniquement par la baisse des prix pour le consommateur. Nous constatons d'ailleurs que dans les pays où cette ouverture s'est pratiquée avant nous, les baisses de prix n'ont pas été évidentes les premières années et qu'elles sont souvent dues à d'autres facteurs comme la baisse du prix des matières fossiles, de la fiscalité énergétique, quand ce n'est pas à une décision autoritaire des pouvoirs publics, ce qui est un comble pour un libéral. Nous constatons également qu'EDF n'a pas attendu l'ouverture pour baisser ses prix depuis de nombreuses années, en francs constants d'abord, puis en francs courants. Nous appliquons donc la directive a minima.

Nous étions d'autant moins demandeurs d'une modification de l'organisation du secteur de l'électricité qu'EDF apparaît comme une remarquable réussite, une entreprise publique rentable, remplissant largement ses missions de service public, fournissant une électricité de qualité à un prix se situant parmi les plus bas d'Europe. Cela est sans doute dû à la constance des pouvoirs publics, depuis vingt-cinq ans, dans le soutien au programme électronucléaire, élément fort de la politique énergétique du pays et de l'indépendance nationale après le déclin du charbon et du gaz. Mais cela est dû aussi à tous les salariés d'EDF, à son encadrement, à son équipe de direction. Cette réussite d'EDF et de ses salariés me paraît triple.

D'abord, elle s'est illustrée par une capacité à mettre en oeuvre, sans incident majeur, le programme électronucléaire français dans des conditions représentant un atout pour la compétitivité de l'économie française et respectueuses de l'environnement plaçant notre pays en pointe, notamment dans la lutte contre l'effet de serre, comme on l'a vu lors de la dernière conférence de Kyoto. Biene ntendu, Framatome, la Cogema, Alsthom et bien d'autres y ont pris une place importante. Mais les ingénieurs et les salariés d'EDF y ont pris une place déterminante.

D euxième réussite : une conception moderne de l'entreprise publique, alliant rentabilité économique et progrès social pour ses salariés. Gardons, en effet, en tête les milliards apportés par EDF à son actionnaire depuis des années, sa contribution importante aux exportations françaises, tout comme l'accord intervenu récemment sur les 35 heures, dans un contexte de baisse des prix pour le consommateur de base.

Enfin, troisième réussite : une conception renouvelée du service public et de l'intérêt général, qui va de la péré quation tarifaire à la fourniture pour tous, quelle que soit la localisation, en passant par l'implication d'EDF dans les dispositifs pauvreté-précarité, ou même par la contribution importante de ses ingénieurs à la sécurisation des centrales nucléaires dans les pays de l'Est. Il y a d'ailleurs longtemps que les salariés d'EDF ne prennent plus les usagers en otage par des coupures de courant intempestives lors des mouvements sociaux.

EDF est une entreprise publique remarquable qui a tous les atouts pour relever les défis de la concurrence et être le premier énergéticien d'Europe : pour faire de celle-ci, selon les termes de son président, son marché domestique.

C'est dire que, dans le débat qui s'ouvre, les socialistes seront vigilants sur quelques points essentiels.

D'abord, sur la défense et même le renforcement du service public, notamment dans une période où tant de nos concitoyens sont exclus. L'électricité est devenue un bien de première nécessité et il faut renforcer les dispositifs en la matière, dans la perspective d'un droit à l'énergie.

Ensuite, sur la défense de l'entreprise publique EDF, opérateur historique. L'unité de l'entreprise est maintenue, ses lignes de forces sont consolidées.

Mais puisqu'on ouvre le marché à la concurrence, il faut donner à EDF les moyens de se battre à armes égales, et notamment de proposer aux clients éligibles une offre globale, comme ses concurrents.


page précédente page 01505page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

Si les petites cogénérations doivent être soutenues, notamment celles qui représentent des avancées pour la société française, il n'y a aucune raison qu'un prix de complaisance vienne subventionner les grosses cogénérations, hautement rentables, et donc les concurrents d'EDF.

Enfin, nous serons vigilants sur les droits des salariés, qui ont été partie prenante de la réussite d'EDF. Nous ne pourrions pas accepter que le moteur principal de la concurrence ainsi ouverte soit la dégradation des conditions de travail et de rémunération des salariés. C'est la raison pour laquelle nous saluons le fait que tout nouvel entrant sur le marché doive adopter le statut des industries électriques et gazières. Vous avez eu raison de rappeler, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette obligation découle directement de l'application de la loi de 1946.

Pourquoi ne pas garder à l'esprit la perspective, que vous évoquiez, d'une convention européenne de branche dans ce secteur ? Ce serait une application concrète très positive de l'Europe sociale que nous appelons de nos voeux.

En conclusion, la large consultation à laquelle vous avez procédé, votre capacité d'écoute et votre volonté de prendre en compte au mieux les souhaits de chacun, dès lors qu'ils ne contredisaient pas la logique de votre texte, ont abouti à un projet équilibré. Un équilibre qui n'est pas celui des libéraux, voire des ultralibéraux, mais qui correspond à notre souhait : maintenir la cohésion sociale de l'entreprise, condition de sa réussite économique ; fournir aussi à EDF, qui donne une image valorisante de l'entreprise publique, tous les moyens d'affronter victorieusement la concurrence et de préserver un haut niveau de service public.

Le débat qui commence va permettre d'enrichir encore ce projet de loi. Je suis persuadé que les députés socialistes contribueront à cet enrichissement, tout en veillant au maintien de cet équilibre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2 DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de Mme Marie-Jo Zimmerman, une proposition de loi tendant à limiter l'abus de position dominante des câbloopérateurs dans le choix de la diffusion des programmes de télévision.

Cette proposition de loi, no 1388, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de M. Didier Julia, une proposition de loi relative aux conditions de versement de l'allocation de vétérance aux sapeurs-pompiers volontaires.

Cette proposition de loi, no 1389, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de M. Guy Hermier et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi visant à modifier le titre Ier du livre V du code général des collectivités territoriales sur l'organisation administrative de Paris, Marseille et Lyon.

Cette proposition de loi, no 1390, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de M. Bernard Accoyer, une proposition de loi tendant à limiter les recours abusifs contre les projets d'aménagement et de construction.

Cette proposition de loi, no 1391, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de M. Maxime Gremetz et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative à la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc.

Cette proposition de loi, no 1392, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de MM. André Gerin et Daniel Paul, une proposition de loi relative aux peines encourues pour l'incendie de voitures.

Cette proposition de loi, no 1393, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de M. Patrick Leroy et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi relative à la délivrance des grades dans les disciplines relevant des arts martiaux.

Cette proposition de loi, no 1394, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de M. Yves Nicolin, une proposition de loi visant à allonger la durée du congé d'adoption.

Cette proposition de loi, no 1395, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 16 février 1999, de M. Yves Nicolin, une proposition de loi tendant à autoriser l'imputation des moins-values immobilières.

Cette proposition de loi, no 1396, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Déclaration du Gouvernement sur l'avenir du secteur bancaire et financier et débat sur cette déclaration.

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1253, relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité : M. Christian Bataille, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1371) ;


page précédente page 01506

ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 16 FÉVRIER 1999

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1383).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 17 février 1999, à zéro heure quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communications du 11 février 1999 No E 1212. - Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord de coopération douanière et d'assistance mutuelle en matière douanière entre la Communauté européenne et Hong Kong (Chine) (COM [99] 25 final).

No E 1213. - Livre vert de la Commission intitulé : « L'information émanant du secteur public : une ressource clef pour l'Europe. Livre vert sur l'information émanant du secteur public dans la société de l'information » (COM [98] 585 final).

Communication du 12 février 1999 No E 1214. - Livre blanc sur le commerce. - Communication de la Commission (COM [99] 6 final).

NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES Il résulte de lettres de M. le Premier ministre qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants : Communication du 15 février 1999 No E 912 COM (97) 246 final : « rapport sur l'application du règlement du Conseil (CEE) no 2299/89 instaurant un code de conduite pour l'utilisation de systèmes informatisés de réservation (SIR). Proposition de règlement CE du C onseil modifiant le règlement (CEE) du Conseil no 2299/89 instaurant un code de conduite pour l'utilisation de systèmes informatisés de réservation (SIR) » (décision du Conseil du 8 février 1999) ; No E 992 COM (97) 582 final : « proposition de décision du Conseil adoptant un plan d'action communautaire pluriannuel visant à promouvoir une utilisation sûre d'Internet ; communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au comité des régions sur ce plan d'action » (décision du Conseil du 21 décembre 1998) ; No E 1161 COM (98) 547 final : « proposition de règlement CE du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et le règlement (CEE) no 574/72 fixant les modalités d'application du règlement (CEE) no 1408/71 (modifications diverses 1998) (décision du Conseil du 8 février 1999) ; No E 1165 COM (98) 539 final : « proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision 2085/97/CE établissant un programme de soutien comprenant la traduction, dans le domaine du livre et de la lecture (programme ARIANE). Proposition de décision du Parlem ent européen et du Conseil modifiant la décision 719/96/CE du 29 mars 1996 établissant un programme de soutien aux activités artistiques et culturelles de dimensione uropéenne (programme Kaléidoscope) » (décision du Conseil du 8 février 1999) ; No E 1190 COM (98) 650 final : « proposition de décision du Conseil modifiant l'article 3 de la décision 98/198/CE du Conseil du 9 mars 1998 (sixième directive TVA : demande de dérogation présentée par le Gouvernement britannique [procédure de l'article 27]) : location ou leasing d'une voiture de tourisme) » (décision du Conseil du 18 janvier 1999).