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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Ratification du traité d'Amsterdam.

Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1945).

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Article unique (p. 1947)

M. Jacques Myard, Mme Nicole Catala, MM. Nicolas Dupont-Aignan, Lionel Luca.

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

MM. François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Thierry Mariani, Mme Sylvie Andrieux. - Adoption de l'article unique.

Après l'article unique (p. 1955)

Amendement no 1 rectifié du Gouvernement : MM. le m inistre, Georges Sarre, Mme Nicole Catala, MM. François Loncle, Jacques Myard, Valéry Giscard d'Estaing, René André, Pierre Lequiller, Michel Vauzelle, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; Robert Pandraud. - Adoption.

Renvoi des explications de vote et du vote sur l'ensemble du projet de loi à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 1959).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures quinze.)

1 RATIFICATION DU TRAITÉ D'AMSTERDAM Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes (nos 1365 rectifié, 1402).

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous avons vécu cette nuit un débat qui fut long, mais le sujet le méritait, un débat intéressant, de très bonne tenue, parfois même amusant. Quelqu'un qui voudrait s'amuser aux commentaires pourrait observer l'absence remarquée de certaines têtes de liste aux élections, la présence d'autres, le discours rassembleur d'un troisième qui aurait pu être aussi tête de liste, voire, puisqu'il faut être équilibré, certains débats au sein du parti socialiste, mais je ne suis pas là pour commenter mais pour répondre aux interventions et je le ferai bien sûr avec le sérieux qu'elles méritent.

Comme M. Lequiller, je pense qu'il faut maintenant, après Amsterdam, préparer l'élargissement et la réunification de l'Europe, même si j'insisterai plus qu'il ne l'a fait sur le préalable qui demeure et qui est reflété à l'article 2 proposé par le Gouvernement, la réforme institutionnelle.

Je suis d'accord aussi pour dire qu'Amsterdam va peutêtre permettre de mieux maîtriser ensemble l'immigration clandestine, mais je ne suis évidemment pas d'accord avec l'Europe libérale qu'il nous propose, ce modèle qui a déjà fait tant de mal au projet européen. C'est ce qui explique justement les choix politiques faits ces deux dernières années par les peuples européens.

M. Jacques Myard.

Il ne faut pas ratifier Amsterdam alors ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Non, les socialistes ne font pas main basse sur l'Europe comme je l'ai entendu dire hier soir, mais ils sont parfaitement d'accord pour parler emploi, coordination des politiques économiques, dialogue social. Surtout, il ne faut pas qu'on vienne nous chercher noise sur les relations franco-allemandes. N'oublions pas qu'en la matière, les décisions se prennent de façon parfaitement conjointe entre le Président de la République et le Gouvernement. J'ajoute qu'avec les Allemands, mieux vaut s'expliquer franchement que de laisser s'installer des malentendus et des incompréhensions. Sinon, on entre dans un autisme dans nos relations qui ne peut mener qu'à des échecs. Et c'est le succès que nous voulons.

François Loncle ne sera pas étonné que je sois d'accord avec lui pour insister sur la nécessité absolue d'une réforme des institutions. Je suis d'accord aussi pour reprendre la devise qu'il propose pour la construction européenne : « paix, liberté, justice ». Il rappelait, hier, l'existence des poètes diplomates. Sa formule évoque au moins autant Jean Giraudoux qu'Alexis Léger.

Edouard Balladur a conduit une analyse que je crois juste, puisque c'est au fond la mienne, sur les forces et les faiblesses d'Amsterdam. On a raison de dire que la déception que suscite ce traité tient surtout aux attentes fortes de l'opinion et aux lacunes du traité plus qu'à son contenu.

Je suis d'accord avec lui sur la réforme institutionnelle, sur son approche de la politique étrangère et de sécurité commune et de la défense, mais je ne peux tout à fait le suivre sur l'union économique et monétaire. Il a avancé, me semble-t-il, une approximation. Pour tous les Etats membres, il était exclu de toucher, à Amsterdam, aux dispositions sur l'union économique de Maastricht.

Mais il est un point sur lequel je ne le suivrai absolument pas, ce sont les polémiques de politique intérieure qu'il a souhaité introduire dans son approbation globale du traité d'Amsterdam. Nous connaissons ce type de raisonnement qui consiste à vanter la politique européenne - il est sous-entendu qu'elle est définie par le Président de la République -, pour l'opposer à la mauvaise traduction qu'en ferait le Gouvernement. M. Balladur a ainsi mentionné les critiques d'un commissaire français, qu'il connaît bien, je crois, sur notre politique de consolidation budgétaire. Puis-je rappeler que c'était le même commissaire qui nous prédisait à l'automne 1997 que la France serait la seule, avec peut-être la Grèce, à ne pas pouvoir remplir les critères de Maastricht ? Peut-être y avait-il là aussi un écho inconscient de l'évolution de nos déficits entre 1993 et 1995 ? Tout cela n'a pas grande importance. Je peux rejoindre M. Balladur sur sa conclusion : il nous faut une Europe forte et indépendante. C'est pour cela que nous menons u ne politique radicalement différente de celle qu'il conduisait hier. Le Gouvernement, en particulier, a refusé l'AMI et le nouveau marché transatlantique, posé clairement le préalable institutionnel, refusé un retour dans les structures militaires intégrées de l'OTAN.

Avec Jean-Claude Lefort, Guy Hermier et le parti communiste, j'ai bien sûr de nombreux points d'accord.

Oui, la monnaie n'est qu'un moyen. Oui, il nous faut un pacte européen pour l'emploi et la croissance. Oui, il faut faire avancer les grands travaux et les nouvelles technologies, y compris en recourant à l'emprunt. Il fallait venir à Milan, cher Jean-Claude Lefort, où une formation


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politique européenne tenait son congrès, pour voir qu'elle n'avait pas renoncé à ces objectifs. J'ai été un peu surpris de vous voir recourir aux études d'une organisation aussi libérale, me semblait-il, que l'OCDE pour regretter que l'Europe ait, dans le passé, connu moins de croissance que les Etats-Unis ou le Japon. Je ne veux pas croire que vous entendiez par-là nous vanter le modèle social des

Etats-Unis ou du Japon, même s'ils ont une croissance qui peut, à l'occasion, nous inspirer.

M. Robert Pandraud.

Quelle mauvaise foi ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

On peut tout à fait être à la fois pour Amsterdam et pour une Europe de gauche, monsieur Lefort.

J'en prends pour exemple le chapitre emploi, le chapitre social, les services publics.

M. Jacques Myard.

Vous n'avez pas le monopole de l'emploi, monsieur le ministre ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

En revanche, il n'est pas acceptable de dire qu'en voulant un peu plus de fédéralisme en Europe, nous nourrissons tous les nationalismes. Je suis pour ma part persuadé qu'il s'agit là de deux options dont nous ne voulons pas mais qui ne sont absolument pas symétriques : le nationalisme est inacceptable, le fédéralisme est inatteignable, en tout cas à court terme, s'il peut sans doute demeurer souhaitable. Nous n'avançons absolument pas cachés en ce domaine. Nous avons été très clairs dans la déclaration franco-italo-belge. Nous ne demandons pas à transférer à l'Europe toutes les compétences. Nous disons seulement que, là où des compétences sont transférées - c'est ce que fait le traité d'Amsterdam -, il faut décider à la majorité qualifiée pour êt re efficace.

Je peux tout à fait me reconnaître dans la plupart des conclusions de M. Bayrou - l'exigence d'une réforme institutionnelle, le refus de la dérive vers une approche comptable de la solidarité financière en Europe, l'affirmation du modèle social européen qui soit un mélange harmonieux d'efficacité économique et de justice sociale, la volonté d'un élargissement maîtrisé -, mais on ne s'étonnera pas que je m'écarte de lui, notamment sur deux points, sur cette question du fédéralisme qu'il a abordée, mais peut-être y avait-il là d'autres intentions, sans recul ni nuance, me semble-t-il.

Je suis tout prêt à concéder qu'il y a dans la construction européenne des éléments fédéraux, mais nous ne sommes pas en train de bâtir une Europe fédérale.

(« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jacques Myard.

Nous instituons le centralisme bureaucratique ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Nous n'avons pas aujourd'hui, et nous n'aurons probablement pas demain, ni dans le budget, ni en matière d'armée, de police ou de justice, tous les attributs de souveraineté.

M. François Guillaume.

Ça viendra ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Cela peut demeurer pour certains un idéal, mais je préfère à cela une démarche plus pragmatique.

M. Jacques Myard.

On avance masqué ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

C'est pour cela que, comme Jacques Delors, je parlais hier de fédération d'Etats-nations.

J'ai trouvé aussi M. Bayrou sévère, je l'avoue, sur ce qui s'est passé à propos du Kosovo, et notamment à Rambouillet. Je crois qu'il y a eu là une première vraie tentative des Européens de gérer une crise dans les Balkans, et je ne suis absolument pas convaincu qu'en l'occurrence, Mme Albright ait été plus efficace et plus convaincante que Hubert Védrine et Robin Cook. Il faut au contraire plus de politique étrangère et de sécurité commune. C'en fut là peut-être la naissance.

M. Robert Pandraud.

Quel est l'intérêt de la France en la matière ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Je remercie Gérard Charasse de son engagement européen fondé sur les valeurs, notamment sur l'égalité entre les hommes et les femmes, dans lesquelles je me retrouve, ainsi que Monique Collange. Elle a proposé une autre devise que celle de François Loncle : « Paix, liberté, prospérité ». Elle me convient aussi, on le comprendra.

Michel Suchod a insisté sur la réorientation de la politique européenne dans un sens qui aille davantage vers la construction institutionnelle et sociale. Ma foi, je ne sais pas si nous allons aujourd'hui tourner une page, nous le verrons bien, mais c'est vrai que nous entrons, après Maastricht, après Amsterdam, dans une autre étape de la construction européenne...

M. Jacques Myard.

Nous fonçons dans le mur ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... et je conçois tout à fait qu'il veuille maintenant y entrer avec davantage de force.

Les convictions d'Alain Barrau - il n'en sera pas surpris - sont tout à fait les miennes.

M. Jacques Myard.

Au moins deux qui se trompent ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Comme lui, je crois que la réorientation de la construction européenne est bien engagée, qu'il faut absolument traiter de la question institutionnelle avant l'élargissement, même si le problème ne se limite pas à préparer l'élargissement. C'est dès aujourd'hui que nous avons besoin d'institutions fortes. Et, comme lui, je crois qu'il faut mettre davantage en valeur les progrès en matière d'environnement et de santé.

Pour ce qui concerne le débat entre Julien Dray, Paul Dhaille et Béatrice Marre, on comprendra que je partage plutôt le point de vue de cette dernière. Julien Dray a pu, à l'occasion, sembler glisser d'Amsterdam au pacte de stabilité qui sont, je l'ai rappelé, deux choses de nature bien différente et Paul Dhaille pourrait se voir rappeler après tout que le chapitre social est la reprise du protocole social que nous avions tant vanté à l'époque de Maastricht. Je lui rappellerai aussi que le conseil de l'euro existe bel et bien, même s'il ne figure pas dans le traité.

M. Jacques Myard.

C'est une coquille vide ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Je suis persuadé qu'il sera demain une institution forte de l'Union européenne,...

M. Jacques Myard.

On peut toujours rêver ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... l'interlocuteur politique dont la banque centrale européenne, qui doit rester indépendante, a besoin, interlocuteur politique qui va mettre en oeuvre la coordination des politiques économiques et intervenir dans les domaines essentiels de l'harmonisation sociale et fiscale.

M. Jacques Myard.

C'est du wishfull thinking, comme disent les Anglo-Saxons !


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M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Pour terminer, je ferai écho aux propos de Gérard Fuchs qui a souligné que l'article 2 déposé par le Gouvernement était politiquement essentiel.

A cet égard, je rends bien volontiers à nouveau hommage aux travaux de la commisison des lois, aux interventions de tous les éminents parlementaires qui ont apporté leur contribution et permis d'améliorer, j'en suis tout à fait conscient, la rédaction de cet article 2, de lui donner plus de force, plus d'efficacité, plus d'efficience, et je cite à nouveau M. Giscard d'Estaing, M. Balladur, M. Vauzelle, M. Loncle et M. Lang. Cela dit, madame Ameline, cet article avait été également demandé par le président de l'Assemblée nationale et le Gouvernement en a pour le moins partagé la paternité. Puisque nous allons le voter ensemble, ne faisons pas cette querelle en paternité !

M. Jacques Myard.

Nous ne le revendiquons pas ! Cette complicité est coupable ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Groupons-nous parce qu'il y a là l'affirmation d'une volonté réelle de la France, qui ne sera pas que des mots. Nous souhaitons absolument que cette réforme institutionnelle intervienne avant l'élargissement. Le vote que s'apprête à émettre sur cet article 2 la représentation nationale aura une valeur extrêmement forte. Il sera entendu par ce gouvernement mais aussi par ceux qui vont lui succéder, car cela arrivera bien un jour, et il sera surtout entendu à l'extérieur de la France.

Je crois que nous avons prouvé, notamment avec cet article 2, que la représentation nationale pouvait faire un très bon travail constructif...

M. Jacques Myard.

Le dernier avant sa disparition ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... et améliorer les textes. C'est pourquoi j'attends maintenant avec beaucoup de confiance le vote de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - Est autorisée la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, signé le 2 octobre 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi. »

Sur cet article unique, j'ai un certain nombre d'inscrits.

Je me permets, mes chers collègues, de vous indiquer qu'il y a eu un débat général et qu'il ne s'agit pas de le recommencer. Je souhaite que vous soyez brefs dans vos interventions, ne serait-ce que pour respecter le calendrier qui a été fixé en accord avec tous les groupes, c'est-à-dire le vote solennel en début d'après-midi.

La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard.

Je voudrais d'abord rendre hommage au courage et à la témérité du ministre qui, avec beaucoup de talent - et peut-être même un peu trop défend un mauvais texte.

Une fois de plus, nous transférons à Bruxelles de nouvelles compétences : après la monnaie, c'est le contrôle des frontières, l'asile, la coopération judiciaire qui sont communautarisés. Il est aujourd'hui plus facile d'énumérer les compétences résiduelles des Etats, qui sont devenues l'exception, que celles, pléthoriques, de l'Union. A notre noble Assemblée, il ne doit plus rester, je crois, que le budget des anciens combattants. Et encore ! Ces transferts, ces abandons, se justifieraient, selon leurs auteurs, par la prétendue efficacité du droit communautaire, et donc l'inefficacité du droit international classique. Rien n'est plus faux. Car les grandes avancées de l'Europe se sont faites à travers des accords internationaux de coopération intergouvernementaux - je pense à Airbus, Ariane ou Schengen.

Par ailleurs, le droit communautaire lui-même est d'autant plus violé qu'il est aujourd'hui pléthorique, et j'en veux pour preuve le non-respect des règlements communautaires, à Rotterdam ou ailleurs.

Mais ces transferts ne sont pas simplement quantitatifs.

Ils sont aussi qualitatifs, mes chers collègues. En effet, Amsterdam multiplie les cas où les décisions seront prises à la majorité qualifiée, sous prétexte de faire avancer l'Europe. Pour prendre conscience des implications de cette règle, il suffit de savoir que la France et la République fédérale d'Allemagne, même unies, pourront être mises en minorité. Cela constitue une faute. Une faute, car vous pourrez contraindre la France une fois, voire deux, mais vous n'irez pas au-delà. Vous courrez le risque de refuser la construction européenne, parce que vous êtes des hommes pressés.

Mais au profit de qui ce processus est-il en marche ? Des Etats qui exerceraient ensemble une souveraineté partagée, comme on nous le dit à longueur de temps ? Ne serait-ce pas plutôt au profit de la technocratie communautaire, qui est animée aujourd'hui d'une véritable boulimie bureaucratique et qui, avec sa comparse, la Banque centrale européenne, sanctifiée par la sainte Cour de justice, centralise désormais en Europe tous les pouvoirs.

Je vous rappelle que seule la Commission aura l'initiative de proposer des textes, pas les Etats. De surcroît, une simple majorité suffira à adopter les textes de la Commission, alors qu'il faudra l'unanimité des Etats pour les repousser. Comment, dans ces conditions, prétendre que le conseil des ministres est une instance de décision ? Il s'agit là d'une véritable démission des Etats et des gouvernements nationaux.

Quant au principe de subsidiarité, qui fait l'objet d'un protocole annexe à ce traité, c'est un petit chef-d'oeuvre d'hypocrisie. Il répond à la meilleure définition du stalinisme qui soit : tout ce qui est à moi, dit la Commission - c'est l'acquis communautaire - tout ce qui est à toi est négociable.

M. Jean-Claude Lefort.

C'est un connaisseur ! (Sourires.)

M. Jacques Myard.

Je ne vous le fais pas dire ! Dans ces conditions, ce processus va bien au-delà de la captation des compétences des Etats au profit de ces technocraties irresponsables. En réalité, c'est la démocratie qui est en jeu. La démocratie est vidée de son sens, réduite à une coquille vide. Cette assemblée devient un simple donneur d'avis, et même un donneur d'avis sans suite.

Quelle dérision ! Ce processus, monsieur le ministre, est contre nature et va conduire inéluctablement, dans un futur proche, à une impasse, à une crise. Crise, car les Etats séculaires deviennent de simples échelons administratifs d'exécution des décisions de Bruxelles, des arrondissements de quartier. Ils sont même sous le contrôle judiciaire de Bruxelles


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d ès lors qu'ils enfreindraient « l'Etat de droit de l'Union ». Ils pourront même être suspendus de leurs droits : du jamais vu !

M. Georges Sarre.

Tout à fait.

M. Jacques Myard.

Jamais, monsieur le ministre, la France n'avait accepté en temps de paix une telle clause ! Elle n'est plus sujet de droit international, mais objet de réprimande. C'est un scandale ! Dès lors, parler de souveraineté partagée relève de la plus pure schizophrénie, du mythe le plus complet. C'est une illusion sans égale ! La crise est d'autant plus certaine qu'au-delà des antagonismes entre les Etats et le centralisme bureaucratique qui la dirige et l'enserre dans un carcan, cette Europe est coupée des réalités du monde et du mouvement perpétuel de la mondialisation.

L'Europe d'aujourd'hui est un monstre de règlements et de directives, une plaque tectonique aux multiples failles qui se brisera au premier choc.

Non, Amsterdam n'est pas une avancée pour l'Europe.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Myard.

M. Jacques Myard.

J'en termine, monsieur le président. Bien au contraire, en encerclant les contradictions, en niant les réalités nationales, Amsterdam fera reculer la construction européenne. Voter Amsterdam, c'est porter un coup à l'Europe. Mes chers collègues, vous qui vous apprêtez à le faire, vous pourrez tout à loisir méditer, lorsque le peuple vous aura signifié votre congé, les propos de Shakespeare dans Jules César où l'un des conjurés s'adressant à Brutus lui dit : « Brutus, ce n'est pas à cause des étoiles que nous sommes devenus esclaves, mais par notre propre lâcheté. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité d'Amsterdam, nous le savons tous, est né d'un échec : celui de la conférence intergouvernementale chargée de préparer la nécessairer éforme des institutions européennes. Réforme déjà repoussée dans les années quatre-vingt-dix, au moment où se précisait pourtant l'adhésion de trois nouveaux

Etats, réforme dont on peut craindre qu'elle demeure inaboutie, même dans quelques années lorsque nous serons passés à vingt et que se précisera une vingt et unième adhésion.

Mais si le traité est critiquable en raison de ce qu'il ne contient pas, il l'est plus encore en raison de ce qu'il contient. Ce qu'il tend à réaliser, en effet, c'est le dessaisissement de notre pays d'une compétence étatique essentielle : celle de déterminer qui peut accéder à son sol et s'y établir. Mais peut-on encore parler d'Etat à propos d'une collectivité humaine qui n'a plus de monnaie nationale, qui doit mener des politiques contraintes en matière budgétaire, fiscale et, demain, sociale, et qui n'a plus la maîtrise de ses frontières ? Pour ma part, je ne vis pas sans un déchirement profond cet effacement de l'indépendance française, pour laquelle mon père a combattu, cette amputation de l'Etat-nation qui, pour les Français, constitue toujours le cadre de la démocratie et de la solidarité, et qui pourtant risque de n'être bientôt plus qu'une façade. Sans doute des considérations politiques majeures ont-elles imposé un tel choix. Ne les saisissant pas, et tout en respectant ceux qui ont fait ce choix, je ne parviens pas à y adhérer.

Sur un plan proprement juridique, je voudrais rappeler que notre délégation pour l'Union européenne, alors présidée par Robert Pandraud, avait adopté, à la fin de l'année 1996, les conclusions d'un rapport de nos collègues André Fanton et Xavier de Roux, selon lesquelles il n'était « pas souhaitable de bouleverser la rédaction du traité, notamment par le transfert de domaines de l'article K 1 au pilier communautaire ». Je constate que le Gouvernement n'a pas suivi la délégation en ce sens et je le déplore. Le traité d'Amsterdam étend, en effet, les m éthodes communautaires aux politiques concernant l'immigration, les visas, l'asile et l'intégration de tout ou partie des acquis de Schengen.

Ce constat d'une communautarisation imminente, en tout cas prochaine, de ces domaines m'inspire une observation et deux questions, auxquelles je voudrais que le Gouvernement réponde.

Mon observation porte sur les conséquences de la méthode suivie pour déterminer les normes européennes en matière d'immigration. Selon le Conseil constitutionnel, l'essentiel ne se jouera que dans cinq ans, avec le passage éventuel de l'unanimité à la majorité qualifiée au sein du Conseil.

Mais en réalité, même si le principe de l'unanimité est maintenu, la communautarisation des procédures n'en aura pas moins eu lieu. On aura retiré aux Etats leur pouvoir d'initiative pour le transférer à la Commission, introduit une procédure de codécision avec le Parlement européen et conféré à la Cour de justice la compétence de se prononcer sur des sujets qui relèvent pourtant de la souveraineté nationale. D'ores et déjà, le mal sera fait.

Quant aux questions que je veux soulever, la première, monsieur le ministre délégué, concerne ce qu'on appelle

« l'acquis de Schengen ». On ne sait toujours pas aujourd'hui comment ses éléments se répartiront entre le premier et le troisième pilier et dans quelle partie du futur traité ils s'intégreront. Autrement dit, on nous demande d'approuver un traité dont nous ne connaissons pas la portée juridique précise. Monsieur le ministre, pouvezvous m'éclairer sur ce point ? Ma deuxième question porte sur les conditions d'accès et de séjour des ressortissants des Etats tiers au sein de l'Union lorsque tout contrôle aux frontières intérieures aura disparu.

Certes, on voit bien la nécessité qu'il y ait, dans cette perspective, harmonisation des règles applicables aux étrangers qui voudront accéder au territoire européen.

Mais qu'en sera-t-il des déplacements de ces étrangers une fois admis sur le sol de l'un des quinze Etats ? Ces étrangers pourront bien sûr se déplacer pour des séjours de moins de trois mois, mais au-delà, le titre de séjour obtenu dans un Etat, en Allemagne ou en Italie, par exemple, leur permettra-t-il de se déplacer et de séjourner durablement dans un autre Etat membre ? A priori, on pourrait croire que les règles de séjour doivent rester nationales. C'est d'ailleurs encore le cas, semble-t-il, aujourd'hui. Mais la Commission semble avoir une vue différente des choses, puisqu'elle prépare un instrument juridique qui, d'une part, conférerait aux étrangers résidents de longue durée les mêmes droits fondamentaux que ceux des citoyens de l'Union - ce qui est non négligeable quand on considère l'accès aux droits sociaux et aux prestations non contributives - et, qui, d'autre part, garantirait à un étranger ayant acquis un titre de résident dans un Etat membre l'assurance d'obtenir le même titre dans tous les autres Etats. Préparé sous la forme d'une convention, ce projet - vous le


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connaissez certainement, monsieur le ministre - serait présenté par la Commission sous forme de directive dès l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam.

Or, on peut craindre que de ces dispositions concernant le droit de séjour ne résultent des mouvements de population de pays tiers fort inopportuns, voire dangereux, pour un pays comme le nôtre qui n'a toujours pas réalisé l'intégration des populations d'origine étrangère établies sur son sol.

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Très juste !

Mme Nicole Catala.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous éclairiez sur le contenu précis des projets de la Commission et sur les conditions de séjour des ressortissants des Etats tiers qui voudront passer d'un Etat membre à un autre Etat membre et s'y établir durablement.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Nicolas DupontAignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais indiquer très simplement et très brièvement les raisons qui, en conscience, m'interdisent de voter ce texte.

En premier lieu, je suis convaincu que ce traité n'est pas si anodin qu'on veut bien le dire et qu'il participe d'un véritable engrenage fédéral.

La complexité du texte, le nombre élevé de renvois qui brouillent les pistes - ils ont, je crois, empêché certains de le lire complètement - peuvent faire croire que ce traité n'est qu'une étape transitoire et que, finalement, même s'il est insatisfaisant, il peut être voté. Pourtant il ne faudrait pas oublier certains articles qui sont d'une importance considérable. Nicole Catala et Jacques Myard l'ont dit ce matin : la communautarisation du contrôle des frontières est un phénomène excessivement important puisque c'est une atteinte fondamentale à la souveraineté de notre pays.

On a voulu faire passer le traité d'Amsterdam pour un simple prolongement de Maastricht. Il l'est, en effet, par son objectif fédéral mais il n'est pas anodin pour autant.

Sinon pourquoi apporter tant de soin à ce que la discussion parlementaire ne s'éternise pas. Le Président Giscard d'Estaing, qui a l'immense mérite de la cohérence et de la franchise, a d'ailleurs très clairement indiqué que le fédéralisme était en marche et qu'il fallait appeler un chat un chat. La vraie question aujourd'hui est donc de savoir s'il est bon pour notre pays, et même pour l'Europe, de s'engager dans la voie fédérale à marche forcée.

La souveraineté ne peut se partager en tranches comme nous le faisons aujourd'hui. Il arrive bien un moment de vérité où l'on bascule d'un système de coopération entre

Etats souverains à un système d'intégration européenne et à un Etat fédéral. Et je crois que nous ne sommes pas loin de ce point de bascule entre deux systèmes. Il faut avoir la franchise de le dire. Il me paraît totalement illusoire de croire possible une voie médiane entre les deux systèmes, sauf à se résoudre à déposséder les peuples de tout contrôle démocratique, soit dans le cadre national, soit dans le cadre fédéral. Il y aura bien un moment où il faudra trancher cette question.

Je ne voterai pas le traité parce que je considère qu'il participe de cet engrenage et qu'il renforce ce caractère fédéral.

J'ai le sentiment que la classe politique française rêve parfois l'Europe au point d'oublier que le régime politique qui a fondé notre nation, celui qui lui donne sa cohérence, celui qui rassemble un peuple très divers, je veux dire la République, ne survivra pas à la vision fédérale que projettent beaucoup d'autres Etats, notamment l'Allemagne et la Commission de Bruxelles.

Les Anglais ne se privent pas de défendre leurs intérêts.

M. Jacques Myard.

Eh oui, l'Angleterre est encore une nation !

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Ils respectent leur démocratie et leur parlement. Ils savent bien qu'elle ne s'exerce que dans le cadre national et ils demandent des clauses spécifiques dans les traités.

Les Allemands, quant à eux, ont bien compris tout le bénéfice qu'ils pouvaient tirer de l'unification. Je ne les en blâme pas et l'Allemagne d'aujourd'hui n'est pas celle d'hier, bien évidemment. Ils ont obtenu la réunification au prix d'un ralentissement de la croissance qui nous a coûté si cher en emplois, l'installation de la Banque centrale à Francfort, et aujourd'hui une politique agricole commune plus économe pour le budget de la République fédérale.

M. Jacques Myard.

L'eurochômage !

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Et la France ? Où est la réforme institutionnelle indispensable pour atténuer l'impact du passage à une majorité qualifiée, au demeurant choquante, dans les questions de l'immigration et des frontières ? Quel est l'intérêt de l'évolution vers l'Europe des régions qui met en danger le concept fondamental de nation ? Pourquoi le Gouvernement a-t-il refusé les amendements du groupe RPR qui pouvaient limiter les dégâts ? Notre Parlement ne serait-il pas capable de contrôler les directives communautaires ? Tous les jours, on évoque pourtant le nécessaire rééquilibrage des institutions de la Ve République au profit du Parlement. Au moment où une mesure simple permettrait aux élus de la nation de mieux contrôler l'effet dévastateur du cumul des technocraties parisienne et bruxelloise, on nous oppose les grands principes de la Ve République. Où est la cohérence ? Enfin, ce traité va accroître le décalage entre le monde politique et les Français.

Comment expliquerons-nous demain à nos concitoyens que, dans le domaine du contrôle des frontières et de l'immigration, le Parlement a partagé - ou plutôt abandonné - ses compétences ? Comment justifierons-nous devant nos électeurs qu'une nouvelle loi devra recevoir l'assentiment de M. Blair, de M. Schrder et de la Commission ? Je n'évoque même pas le cas où la France se verrait imposer une loi contraire à l'opinion de son peuple comme on l'a vu pour la chasse ? Comment s'étonner dès lors que nos concitoyens doutent de notre utilité ? Après l'économie, la monnaie, voici le temps des frontières et des visas. Prenons garde, quand les Français penseront à leur nation, à ce qu'ils ne nous reprochent pas d'avoir cédé à un jeu politique qui me rappelle l'étrange climat de la IVe République. Et je pense à la célèbre phrase du général de Gaulle sur la « soupe » au détriment du destin du pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Lionnel Luca.

M. Lionnel Luca.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup l'ont dit depuis hier : le traité d'Amsterdam est une étape de plus sur le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

chemin de l'Europe fédérale, ce labyrinthe dont les stations s'appellent « abandon de souveraineté » et « confusion des esprits ».

L'abandon de souveraineté, c'est, avec le renforcement des institutions supranationales et le transfert de nos compétences régaliennes, un pouvoir de commandement communautaire accru et l'unification du territoire européen.

L'abandon de souveraineté, c'est notamment la marginalisation des Parlements nationaux avec la perte du pouvoir de contrôle, de décision et de proposition, si mal compensée par quelques hochets symboliques tels que le droit à l'information et des contributions qui finiront de toute manière aux oubliettes. Il est étonnant que des parlementaires se réjouissent de voir réduire le peu d'attributions qui sont les leurs, mais il est vrai que ce ne sera pas la première fois dans l'histoire.

M. Jacques Myard et M. Nicolas Dupont-Aignan.

Très juste !

M. Lionnel Luca.

Lors de la révision constitutionnelle, la situation nouvelle a été définie par l'expression : « souveraineté partagée ». Comme si la souveraineté se divisait ! Il s'agit d'une notion globale, indivisible comme un nombre premier : on est souverain ou on ne l'est pas ! Par essence, la souveraineté est un absolu qui exclut toute idée de subordination et de compromission. Elle ne se divise pas, ne se partage pas et, bien sûr, ne se limite pas.

Les qualificatifs utilisés signifient donc bien qu'il n'y a plus de souveraineté, comme ce fut jadis le cas à Vichy, avec la notion de « souveraineté partagée » de BenoistMéchin ou, plus récemment, avec la doctrine Brejnev, dite de « souveraineté limitée ».

La confusion des esprits, c'est abuser le peuple en disant le contraire de ce qui est, tant on craint qu'il puisse jeter à bas une construction européenne faite en catimini, dans le secret des cabinets, dans la pénombre des commissions, dans le clair-obscur des cours de justice.

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Très juste !

M. Lionnel Luca.

Ainsi, une oligarchie d'experts, de juges, de technocrates, prend, au nom des peuples, sans en avoir reçu mandat, des décisions dont une formidable conspiration du silence dissimule les enjeux et minimise les conséquences.

La confusion, c'est dire que l'Europe qui se construit n'est pas fédérale, en gommant le terme qui dérange comme dans le traité de Maastricht, en pratiquant pour y parvenir la tactique du salami : une tranche d'Acte unique, une tranche de Maastricht, une tranche d'Amsterdam. La méthode est habile : en présentant chaque abandon parcellaire comme n'étant pas décisif en soi, on peut se permettre d'abandonner un à un les attributs de la souveraineté, sans jamais convenir qu'on vise à la détruire dans son ensemble.

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Très juste !

M. Lionnel Luca.

La confusion, c'est une jonglerie sémantique stupéfiante. On parle d'union des nations.

Mieux, vous avez parlé hier de « fédération des Etats nations ». C'est aussi réjouissant que les motions nègreblanc du parti radical d'avant-guerre.

Il n'y a jamais eu de place pour des nations vraiment libres dans un Etat fédéral. C'est finir par n'être plus que l'Azerbaïdjan ! La confusion, c'est faire croire que ceux qui refusent la voie choisie pour faire l'Europe ne sont que des antieuropéens qui commettraient le péché d'isoler la France.

C'est le reproche qui était déjà fait au général de Gaulle, antieuropéen lorsqu'il était au pouvoir, européen désormais pour ceux qui l'on combattu hier.

M. François Guillaume.

Très juste !

M. Lionnel Luca.

Le général de Gaulle condamnait

« une fédération européenne dans laquelle, suivant les rêves de ceux qui l'ont conçue, les pays perdraient leur personnalité nationale et où, faute d'un fédérateur, ils seraient régis par quelque aréopage technocratique, apatride et irresponsable ». A cela, il opposait l'Europe des réalités, c'est-à-dire « celle des Etats » qui « ne s'annihileraient pas eux-mêmes dans on ne sait quelle intégration qui livrerait à l'une ou l'autre des deux hégémonies étrangères une Europe sans âme, sans vertèbres et sans racines ».

La confusion, c'est affirmer que désormais le débat entre fédéralistes et souverainistes est dépassé ; mieux, qu'il est clos. Circulez, y a rien à voir ! C'est donc bien admettre, et certains ne s'en sont pas privés hier, que l'Europe qui se construit est bien fédérale.

La confusion, c'est, enfin, dire que ce traité est sans importance, qu'il est la simple suite du traité de Maastricht, qu'il est technique, donc incompréhensible, à tel point qu'on ne saurait l'expliquer au peuple, qu'il est médiocre et que c'est même un échec. Dans ces conditions, mieux vaut l'adopter immédiatement, sans que le peuple s'exprime. Les Irlandais et les Danois, auront eu la chance d'avoir des dirigeants plus pédagogues que vous, monsieur le ministre, puisqu'ils l'ont approuvé par référendum ! Il est bien dommage pour la France qu'un si grand nombre de responsables politiques ne croient plus en la maîtrise de son destin. Certains sont sincères et n'imaginent pas une autre voie pour la France que celle qui la lie dans un modèle de construction européen qui date déjà d'un demi-siècle et qui n'a toujours pas pris en compte la fin de l'empire soviétique. D'autres, moins sincères, jugent habile d'abriter leur incapacité à faire les réformes nécessaires mais impopulaires sous le parapluie européen, affaiblissant ainsi, paradoxalement, l'idée européenne qu'ils prétendent défendre. L'Europe est donc désormais le viagra idéologique d'une grande majorité de la classe politique française !

M. Jacques Myard.

Très bon !

M. Lionnel Luca.

Certes, le Président de la République reste le garant de l'identité française, comme il l'a rappelé hier, mais le traité, défini comme irréversible, dépasse largement un mandat présidentiel, même renouvelé.

A mi-parcours de cette mandature, le seul dirigeant qui aura dans cette enceinte parlé du rôle de la France dans le monde aura été le Président de la République du Sénégal ! (Exclamations sur divers bancs.)

Il est rare qu'un Etat renonce à assumer son rôle de grande puissance mondiale, alors même qu'il est la troisième puissance maritime en superficie, la troisième puissance nucléaire, la troisième puissance spatiale, la troi-s ième puissance exportatrice, qu'un demi-milliard d'hommes et de femmes parlent sa langue, se réfèrent à sa culture et que, par son histoire, il est la référence unique des droits de l'homme et du citoyen.

M. François Loncle.

C'est ahurissant !

M. Lionnel Luca.

L'Europe fédérale n'est donc qu'un rétrécissement de la France. C'est bien pour cela que ce traité n'est pas acceptable et, quoi que vous en pensiez, cela ne sera pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

M. François Loncle.

Faites-vous naturaliser Sénégalais ! (M. Yves Cochet remplace M. Raymond Forni au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Monsieur le président, monsieur le ministre, le traité d'Amsterdam soumis à ratification du Parlement est une nouvelle dérive supranationale de la construction européenne.

M. François Loncle.

C'est un festival !

M. François Guillaume.

C'est un pas de plus vers les

Etats-Unis d'Europe. Il s'agit d'une orientation que le peuple n'a pas légitimée puisqu'il n'a pas été consulté. Il ne l'a pas été sur la modification de la Constitution, il ne le sera donc pas non plus sur la ratification du traité luimême. Sous couvert d'une interprétation a minima de la Constitution, c'est le Parlement qui se fait aujourd'hui le complice d'un nouvel abandon de souveraineté.

Depuis le traité de Rome, qui laissait ouvert le choix entre l'intégration des Etats et leur coopération organisée, chaque traité a instillé sa dose de supranationalité.

La première tentative est intervenue en 1965 lorsque la Commission proposa de substituer la règle contraignante du vote majoritaire à la règle de l'unanimité. Le général de Gaulle y mit bon ordre, sous le feu des critiques de vos amis, monsieur le ministre. Grâce à son intervention fut signé un compromis dit de Luxembourg, qui mit fin à la crise de la chaise vide en rétablissant de fait la règle de l'unanimité pour toute décision touchant aux intérêts vitaux d'un Etat membre.

En 1986, l'adoption de l'Acte unique posait le problème des conditions de mise en oeuvre de la libre circ ulation des personnes dans l'Union européenne.

L'accord de Schengen le précisait en laissant aux Etats qui souhaitaient y adhérer le soin de supprimer les contrôles aux frontières et d'organiser la coopération de leurs services de sécurité. Les décisions devaient être prises à l'unanimité et chacun avait la possibilité de s'y soust raire temporairement, conformément à l'esprit du compromis de Luxembourg, chaque fois que la liberté de circulation pouvait porter atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des populations. C'est ainsi que le Président de la République a usé de cette clause de sauvegarde en rétablissant les contrôles à la frontière belge, lieu de transit de la drogue en provenance des Pays-Bas et point de passage privilégié des auteurs des attentats perpétrés sur notre territoire.

A la libre coopération des Etats de Schengen, le traité d'Amsterdam substitue la soumission des Etats à une règle commune contraignante. Pourtant, après l'adoption du traité de Maastricht, on pouvait espérer que la communautarisation se limiterait au premier pilier de la construction européenne, c'est-à-dire à l'union économique et monétaire.

Ce n'est pas le cas puisque, aujourd'hui, le troisième pilier, celui des affaires intérieures et de la justice, perd son caractère intergouvernemental pour tomber progressivement sous la coupe des mécanismes supranationaux.

Dans cinq ans, la politique d'immigration sera totalement confiée aux autorités de Bruxelles.

Sous couvert de votes dans lesquels elle ne pèsera plus que pour 12 %, la France ne pourra plus accepter les émigrés qu'elle veut, ni refuser ceux qu'elle ne veut pas ! D'autres dispositions du traité ne sont pas moins dangereuses, parmi lesquelles le mode de désignation du président de la Commission et des commissaires : il s'app arente à une véritable élection par le Parlement européen, ce qui donne aux membres de la Commission une légitimité démocratique dont ils étaient jusqu'à présent dépourvus. Cela renforce l'autorité de cette institution et, par voie de conséquence, porte atteinte à celle du Conseil des ministres représentant les Etats.

Les prochaines dérives supranationales vont s'attaquer au dernier carré des souverainetés des Etats : la diplomatie et la défense. Le traité d'Amsterdam en amorce le grignotage en confiant à un haut représentant de la PESC le soin de représenter l'Union dans les instances internationales. N'aura-t-il pas, un jour, la prétention de remplacer, à lui seul, les représentants britannique et français, actuels membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU ? On peut le craindre, comme on peut redouter que, sous couvert d'une logique que soutiendra une majorité d'Etats membres, notamment ceux qui n'ont ni l'autorité internationale ni une puissance militaire leur permettant d'influencer la géopolitique, ce haut représentant, s'appuyant sur un nouveau traité que prépare la Commission, p renne progressivement de l'importance en prenant modèle sur le président de la Commission, à moins qu'à terme il n'en devienne le rival en autorité.

Le traité d'Amsterdam n'est pas dangereux par les seules dispositions qu'il contient. Il l'est plus encore par celles qu'il introduit. Il faut le rejeter pour mettre un frein aux dérives supranationales. Un vote en ce sens n'aurait rien de dramatique, contrairement à ce qui est faussement déclaré ici et là. Il obligerait à renégocier les termes du traité, notamment à proposer une réforme des institutions pour accueillir de nouveaux membres, mission qui, bien que prioritaire, a été totalement négligée par la conférence intergouvernementale. Dans cet esprit, refuser le traité n'est en rien une attitude négative, mais la chance retrouvée de construire l'Europe sans détruire la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Guillet.

M. Guy-Michel Chauveau.

Ce sont les mêmes qui étaient contre l'adhésion de l'Espagne il y a treize ans.

C'est rétro !

M. Alain Barrau.

Allez-vous accepter de Villiers sur votre liste ? Voilà la vraie question, monsieur Guillet !

M. Jean-Jacques Guillet.

Vous aurez la réponse un jour, monsieur Barrau ! Tout semble fait, en définitive, quelles que soient les observations que vous avez faites tout à l'heure, monsieur le ministre délégué, pour que la page du traité d'Amsterdam soit rapidement tournée, comme celle de la révision constitutionnelle l'a été il y a quelques semaines, sans véritable examen, comme si la construction européenne n'était pas, ou plus, un enjeu fondamental et comme si l'on voulait au plus vite revenir aux petits jeux politiciens qui font les délices et les soirées des états-majors des partis, de gauche comme de droite.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

Nous savons déjà que le peuple français a été écarté d u débat, François Guillaume le rappelait à l'instant. Le Parlement n'est pas au fond tellement mieux traité, mais il faut reconnaître qu'ici une majorité existe pour accepter, solliciter, réclamer ce mauvais traitement.

Car enfin, notre rapporteur le dit excellemment et sans détour - et il n'est pas le seul -, le texte qu'on nous demande de ratifier est « technique, sans cohérence et sans vision ».

Il est cocasse de prendre prétexte de cette absence de vision et de cohérence pour nous suggérer d'adopter ce texte sans trop de discussions, puisque, au fond, il n'apporterait rien de nouveau ! En réalité, ce texte est plutôt à l'image de ce qu'est l'Union européenne aujourd'hui : technique, sans cohérence, sans vision.

Accepter Amsterdam, c'est accepter cette Europe-là, cette Europe en panne, sans direction et sans moteur, parce qu'elle s'est coupée des peuples, préférant depuis quelques années l'illusion d'une nation européenne virtuelle qui viendrait se substituer aux nations existantes.

C'est une idée fausse, aux conséquences tragiques.

Amsterdam ne remplit donc, de l'aveu général, aucun des objectifs qui étaient assignés à la conférence intergouvernementale : une union plus proche des citoyens, des institutions rénovées pour plus de démocratie, un renforcement de la capacité extérieure de l'Union.

Ces objectifs découlaient de l'insatisfaction générale devant le traité de Maastricht, qui, lui-même centré sur l'Union économique et monétaire, n'apportait rien dans ces domaines. Et il y avait de quoi s'interroger en effet devant le déficit démocratique patent de l'Union, la guerre dans l'ex-Yougoslavie et la guerre du Golfe. Sept ans après, on nous rechante la même chanson en nous repasant le même plat.

Au lieu de rompre avec l'engrenage d'une Europe technocratique, dominée par une oligarchie, Amsterdam le conforte, sanctionnant le divorce entre Europe et démocratie, si puissamment dénoncé en 1992 à cette tribune par Philippe Séguin.

M. François Loncle.

Ça, ce n'est pas une chanson, mais une rengaine !

M. Jean-Jacques Guillet.

La Commission de Bruxelles devait être remise au pas, sous la tutelle politique des

Etats. Or elle est renforcée ; son périmètre d'intervention s'accroît et est étendu aux politiques du troisième pilier, sans qu'on puisse démontrer que cette centralisation soit plus efficace que la coopération instaurée à Schengen,

Mme Catala l'a dit excellemment tout à l'heure.

L a Commission devient le véritable exécutif de l'Union. On en fait un gouvernement, disposant, privilège du roi en 1815, du monopole de l'initiative des lois.

Mme Béatrice Marre.

C'est depuis le traité de Rome ! Cela ne date pas d'Amsterdam !

M. Jean-Jacques Guillet.

Le Conseil, pouvoir législatif et uniquement législatif, vote, ou ne vote pas, les directives qu'on lui présente. Un point, c'est tout ! Trimbalant ses cantines de Strasbourg à Bruxelles, en passant par Luxembourg, un parlement baroque auquel on donne des pouvoirs de marchandage, par la multiplication de cas de codécision, est censé représenter un peuple européen fictif, par quotas de nationalités.

Un mécanisme centralisateur, « a-démocratique », ne fait qu'amplifier l'omnicompétence donnée à la Cour de j ustice de Luxembourg, qui voit la jurisprudence constante qui était la sienne depuis 1970 consacrée, le droit communautaire devenant, par traité, supérieur aux constitutions nationales.

C e mécanisme centralisateur, a-démocratique, est consacré enfin par la souveraineté reconnue de la Banque centrale et par le pacte de stabilité, qui mettent fin à toute politique économique nationale et portent en germe des conflits de pouvoir inévitables entre l'institution de Francfort et les gouvernements nationaux, ceux-ci n'ayant plus à leur disposition que la seule variable d'ajustement social.

Où est la démocratie dans tout cela ? Et où pourra-telle désormais se loger ? C'est un véritable super Etat qu'on met en place avec ses trois capitales : Francfort, où il bat monnaie ; Bruxelles, où il fait la loi ; Luxembourg, où il rend la justice.

Il ne suffit pas des garanties factices de l'article 6 TUE, ex-article F que M. Barrau évoquait hier,...

Mme Béatrice Marre.

A juste titre !

M. Jean-Jacques Guillet.

... pour que des mécanismes démocratiques existent comme par enchantement. L'enfer est pavé de bonnes intentions et la Constitution stalinienne de 1936 - la plus démocratique du monde - ne faisait pas de l'URSS un pays libre !

M. Alain Barrau.

Ce n'est pas elle que j'évoquais !

M. Jean-Jacques Guillet.

Pouvait-il en être autrement à partir du moment où on faisait de la monnaie la vertu suprême et l'axe autour duquel devait désormais s'établir l'Europe ? Jean Monnet l'avait prévu : faire l'Europe par la monnaie conduirait inévitablement à l'Europe fédérale. Je dois rendre hommage à notre collègue François Bayrou qui, hier, a eu l'honnêteté de le reconnaître : « L'Europe est déjà fédérale depuis l'euro et la Banque centrale européenne ».

Or le fédéralisme en Europe ne peut être démocratique, puisqu'il présuppose l'existence d'un peuple européen qui n'existe que dans les illusions de certains.

Bien sûr, il y a une civilisation européenne, une culture commune, mais aucun règlement, aucune directive, aucun traité ne pourrait effacer d'un trait de plume les nations. Tout le monde l'admet bien volontiers et en tire argument pour dire : « Vous voyez bien, les nations ne peuvent disparaître, quels que soient les traités. » Mais

il serait bien illusoire de se réfugier derrière l'idée que c'est bien l'Europe des nations qui est en train de se réaliser puisque celles-ci sont dépouillées peu à peu, subrepticement, de leur souveraineté au profit d'une superstructure purement technocratique au nom de la supériorité du droit sur le politique.

Or il faut le répéter inlassablement, car il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, il n'y a pas de démocratie en dehors du cadre national, ce qui explique que, pour le général de Gaulle, elle se confondait exactement avec la souveraineté nationale.

Une Europe fédérale ne peut être une Europe démocratique, à partir du moment où les peuples sont dessaisis de leur pouvoir de décision par des organes supérieurs qu'ils ne contrôlent pas et ne pourront jamais contrôler.

L'Europe fédérale ne peut - et c'est l'autre échec inévitable d'Amsterdam - être l'Europe européenne. Le général de Gaulle l'avait compris sachant que, seule, la France avait la volonté de s'affranchir de la tutelle américaine, tutelle qui paraît si absurde depuis la disparition de la menace totalitaire à l'Est. Déjà, nous avons réintégré l'OTAN,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

Mme Béatrice Marre.

Qui a réintégré l'OTAN ?

M. Jean-Jacques Guillet.

... qui accueille, avant l'Europe, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque.

M. le président.

Monsier Guillet, voulez-vous vous acheminer vers votre conclusion.

M. Jean-Jacques Guillet.

Je conclus, monsieur le président.

Il est symbolique que la cérémonie d'accueil se déroule au fin fond du middle west ! Peu à peu, sous prétexte de nécessaires positions communes, nous nous alignerons, comme les autres, tous les autres, sur la politique américaine, comme l'a démontré avec éloquence la récente crise irakienne.

Faire une Europe fédérale est un leurre. C'est pourtant dans cette direction que nous conduit Amsterdam, même si pour mieux habiller le nouveau-né, on le prénomme chez les uns Fédération d'Etats nations, chez les autres Europe unie des Etats.

Mais c'est un leurre dangereux, car on ne peut mentir tout le temps à tous les peuples dont on a tout de même remarqué la méfiance qu'ils manifestent de plus en plus.

Et la crise de la représentation que nous déplorons tous en France n'est guère que la conséquence de la prise de conscience de notre peuple qu'il est écarté du débat et des décisions, privé de sa souveraineté. Je doute fort qu'il ne dise pas rapidement non à l'Europe fédérale qu'on veut lui imposer et oui à une Europe clairement bâtie sur le socle des nations. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Guy-Michel Chauveau.

Zéro !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il va parler des immigrés !

M. Alain Barrau.

Haro sur les immigrés !

M. Thierry Mariani.

Vous pouvez railler, mais il demeure que, dans cet hémicycle, s'il y a un débat qui a été tronqué, c'est bien celui sur le traité d'Amsterdam.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy-Michel Chauveau.

C'est ce qu'il dit de tous les débats !

M. Thierry Mariani.

Certains de mes collègues m'ont fait remarquer que l'on aura passé dans cet hémicycle trois fois plus de temps à discuter des pittbulls que du traité d'Amsterdam. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance,...)

Mme Raymonde Le Texier.

Quel toupet !

M. Thierry Mariani.

... un traité que l'on nous présente comme étant d'une importance majeure pour la France, un traité à propos duquel on a privé les Français d'un référendum. On est en pleine aberration !

Mme Raymonde Le Texier.

Vous dites ça de tous les débats !

M. Thierry Mariani.

Je ne voterai pas en faveur de la ratification.

M. François Loncle.

Ouf ! On est soulagés !

M. Thierry Mariani.

Le traité d'Amsterdam contient deux dispositions que je juge inacceptable.

Il prévoit, d'une part, de communautariser les politiques relatives aux questions intérieures, telles que la justice et l'immigration,...

M. Guy-Michel Chauveau.

Europol, ça fonctionne !

M. Thierry Mariani.

... et il subordonne, d'autre part, l'intégralité de notre corps normatif, y compris constitutionnel, au droit communautaire, y compris dérivé.

S'agissant du premier point, je rappellerai que, lors de la négociation du traité de Maastricht, l'idée d'un transfert de souveraineté au profit des instances européennes dans des domaines tels que la justice, la sécurité et l'immigration était loin de faire l'unanimité. La France et la Grande-Bretagne s'y opposaient alors fermement, tandis que l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique considéraient cette évolution avec bienveillance.

Il a donc été décidé d'introduire un article K.9 qui permettait d'envisager la communautarisation des actions relevant du troisième pilier.

Ces nouveaux transferts de souveraineté devaient être acceptés à l'unanimité par le Conseil, puis ratifiés par les parlements nationaux.

Ce n'est qu'en matière de visas de courts séjours, c'està-dire n'excédant pas trois mois, qu'un premier pas vers la communautarisation a été franchi, même s'il demeurait limité puisque les Etats conservaient l'essentiel de leurs prérogatives par le biais d'un droit de veto. D'ailleurs, comment en aurait-il pu être autrement dans la mesure où chaque Etat membre de l'Union conserve l'exercice de sa propre diplomatie et entretient des relations bilatérales plus ou moins approfondies avec les pays tiers ? Une communautarisation complète de la politique des visas ne serait concevable que dans une optique fédéraliste aboutie, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui si l'on en croit les propos des principaux dirigeants de l'Union.

C'est dire qu'en 1992 il n'était pas question un seul instant de confier aux instances européennes nos compétences en matière d'entrée et de séjour des étrangers.

Chaque Etat membre doit en effet pouvoir accueillir sur son sol qui il veut et selon les règles et les conditions qu'il aura lui-même édictées.

Tel est le cas aujourd'hui : l'Allemagne, la France, l'Italie ont récemment modifié les règles applicables en matière de contrôle des flux migratoires. Nous pouvons d'ailleurs le regretter par certains aspects, notamment en France, où la loi Chevènement marque le renoncement de l'Etat à lutter contre l'immigration irrégulière. Cependant, je rappellerai que nous sommes encore en démocratie et que l'actuelle majorité dispose de certaines prérogatives qu'elle met en oeuvre, certes parfois dans un sens qui ne convient pas. Mais après tout, elle a été mandatée par le peuple. Or, à partir du moment où le traité d'Amsterdam sera ratifié, il en sera tout autrement.

Que prévoit en effet le traité d'Amsterdam ? Il fixe l'objectif général de la mise en oeuvre de la libre circulation des personnes dans un délai de cinq ans à compter de son entrée en vigueur. Pour ce faire, il prévoit notamment une procédure d'intégration des politiques d'immigration, d'asile et de visas dans la sphère communautaire.

Cette procédure peut être résumée de la manière suivante : durant cinq années à compter de l'entrée en vigueur du traité, nous serons dans une période transitoire pendant laquelle chaque Etat disposera d'un droit de veto en matière d'immigration, d'asile et de visa. En effet, ces politiques seront décidées au sein du Conseil des ministres de l'Union.

Après cette période de cinq ans, le Conseil pourra prendre à l'unanimité la décision d'appliquer dans ces matières la règle de la majorité qualifiée et de la procédure de codécision avec le Parlement européen.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

Enfin, en matière de visas, cette règle de la majorité qualifiée sera automatiquement mise en oeuvre après la période transitoire.

Il s'agit bien là, mes chers collègues, d'un véritable transfert de souveraineté que l'on a le droit de juger inacceptable.

Au terme du processus contenu dans le traité d'Amsterdam, la France pourra ainsi se voir imposer des décisions en matière d'immigration, d'asile et de visas dont elle n'aura pas été à l'initiative et qu'elle pourrait trouver contraire à ses intérêts.

Il ne s'agit pas pour moi de nier l'intérêt en mettre en commun certains outils propres à mieux lutter contre l'immigration irrégulière, qui est un véritable fléau pour notre pays comme pour l'Union éuropéenne dans son ensemble : il s'agit simplement de refuser de nous lier définitivement et d'abandonner notre souveraineté sur ces questions qui revêtent à mon sens une importance toute particulière.

Mais le traité d'Amsterdam, va encore plus loin dans la soumission de notre droit aux règles communautaires, et j'en terminerai par là.

Le « protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité » qui est annexé au traité et qui a en conséquence la même valeur juridique que ce dernier, dispose en son paragraphe 2 que : « l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité [...] ne porte pas atteinte aux principes mis au point par la Cour de justice en ce qui concerne la relation entre le droit national et le droit communautaire. »

En clair, cette simple phrase confirme la jurisprudence, aujourd'hui clairement établie, de la Cour de justice...

M. Jean-Jacques Guillet.

Très juste !

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Effrayant !

M. Thierry Mariani.

... selon laquelle toute forme de droit communautaire, même dérivé, est supérieure à toute forme de droit national, même constitutionnel.

En effet, si notre droit constitutionnel est jugé inférieur au droit communautaire, que reste-t-il de la France en tant que nation souveraine, en tant qu'Etat indépendant et maître de son destin ? Que reste-t-il des pouvoirs d e notre Parlement ? Je souhaiterais, messieurs les ministres, mes chers collègues, que vous puissiez répondre avec précision à cette question, qui me semble fondamentale.

Quant à moi, je considère que les concitoyens qui m'ont élu dans cette assemblée ne m'ont pas donné mandat pour procéder à de tels bouleversements institutionnels, pour accepter de tels abandons de souveraineté de notre pays. Et c'est pourquoi je m'opposerai à la ratification du traité d'Amsterdam. (Applaudissements sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme Sylvie Andrieux, dernier orateur inscrit.

Mme Sylvie Andrieux.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis hier, nous avons discuté longuement le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam, traité qui modifie le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.

Les socialistes souhaitent que soit ratifié le traité d'Amsterdam et donc que soit adopté l'article unique qui nous est soumis.

M. Jacques Floch.

Très bien !

Mme Sylvie Andrieux.

Ce vote est, je tiens à le dire, un vote de raison.

M. Jacques Myard.

Quelle raison ?

M. Jean-Jacques Guillet.

Le coeur n'y est pas !

Mme Sylvie Andrieux.

Depuis la révision constitutionnelle autorisée par le Congrès de Versailles du 18 janvier dernier, préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, que n'a-t-on pas entendu sur le contenu du texte et, comme il y a encore quelques instants, sur ses avancées, voire ses lacunes ?

M. Thierry Mariani et M. Jacques Myard.

C'est un recul !

Mme Sylvie Andrieux.

Il est vrai que ce traité n'a rien d'enthousiasmant. Mais, en dépit de cela, nous avons décidé d'émettre un vote favorable.

Certes, il ne permet pas à l'Union européenne d'affronter dans de très bonnes conditions les défis immédiats, en particulier ceux qui sont induits par l'élargissement. Mais, répondant aux attentes et aux demandes du groupe socialiste comme à celles d'autres groupes, le Gouvernement a enrichi le texte du projet de loi d'un amendement rédigé en étroite collaboration avec les parlementaires de cette assemblée. En effet, l'amendement qui nous sera soumis permet des réformes institutionnelles qui nous paraissent incontournables si l'on veut vraiment une Europe élargie et solidaire des acquis communautaires.

Cet aspect mis à part, le traité d'Amsterdam ne contient aucun élément de nature à susciter une quelconque opposition. Il ne mérite ni l'opprobre des uns ni les louanges des autres.

M. François Guillaume.

Ça, c'est vrai !

Mme Sylvie Andrieux.

Il constitue une étape, un chaînon supplémentaire dans la longue et difficile histoire de la construction européenne.

M. Claude Lanfranca.

Ce que Thierry Mariani n'a pas compris !

Mme Sylvie Andrieux.

Sans doute n'est-il pas, et je le regrette, assez social ni assez audacieux sur le plan institutionnel. Sans doute est-il trop timide en ce qui concerne les convergences diplomatiques. Mais il a le mérite d'indiquer une direction confirmée et encadrée par l'amendement du Gouvernement, et enrichie par la représentation nationale.

Amsterdam est, comme nous l'a dit M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, une nouvelle étape, une autre étape de la longue marche européenne.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste, sans état d'âme ni passion particulière, votera le projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam ainsi que l'amendement exprimant la détermination de la République d'aller dans la voie des réformes substantielles avant les négociations d'adhésion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

Après l'article unique

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 1 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article unique, insérer l'article suivant :

« La République française exprime sa détermination de voir réaliser, au-delà des stipulations du traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union européenne, afin de rendre le fonctionnement de l'Union plus efficace et plus démocratique, avant la conclusion des premières négociations d'adhésion. »

La parole est à M. le ministre délégué.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Je serai très bref.

Le vote de l'article unique m'a fait penser à un diplomate et homme de lettres, Paul Claudel, qui assurait que

« le pire n'est pas toujours sûr. »

M. Jacques Myard.

Avec le traité d'Amsterdam, il est certain ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Je crois qu'il faut savoir se souvenir de cette maxime de bon sens.

J'en viens à l'amendement portant article additionnel,...

M. François Guillaume.

De la roupie de sansonnet ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... que j'ai présenté hier dans mon intervention générale. Il tend à introduire un article ainsi rédigé : « La République française exprime sa détermination de voir réaliser, au-delà des stipulations du traité d'Amsterdam, des progrès substantiels dans la voie de la réforme des institutions de l'Union européenne, afin de rendre le fonctionnement de l'Union plus efficace et plus démocratique, avant la conclusion des premières négociations d'adhésion. »

Cet article additionnel présente un caractère tout à fait exceptionnel tant par son existence même, qui n'est pas courante, c'est le moins que l'on puisse dire, dans le cas d'une loi de ratification, que par sa rédaction. Il est la réponse à une forte demande de la représentation nationale : rappeler solennellement, à l'occasion de la ratification du traité d'Amsterdam, ce qui figure dans la déclaration franco-italo-belge annexée au traité et que l'on appelle couramment le « préalable institutionnel à l'élargissement », c'est-à-dire la constatation que le traité ne répond pas à son objectif initial, à savoir réformer les institutions, les faire fonctionner plus efficacement et plus d émocratiquement pour pouvoir accueillir nos amis d'Europe centrale et orientale.

Le texte de l'amendement tient compte de l'ensemble des observations formulées par la commission des affaires étrangères. Il réaffirme la détermination de la France. Il indique, sur le conseil du Président Giscard d'Estaing, le sens de la réforme que nous souhaitons. Dans le même temps, il s'efforce de formuler ce préalable institutionnel en des termes qui soient amicaux et non pas blessants à l'égard des pays candidats.

Cette réforme institutionnelle ne doit pas, et j'insiste sur ce point, retarder les adhésions. Le meilleur moyen de l'éviter est de procéder très vite à sa concrétisation. Le Gouvernement et le Président de la République n'ont pas, depuis un an et demi, ménagé leurs efforts. Ils continueront, avec le soutien d'une très grande majorité de votre assemblée, à agir dans ce sens. Et pourquoi ne pas aller vers une réforme des institutions européennes en l'an 2000, sous la présidence française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'amendement no 1. Je leur demanderai d'être très brefs car nous devons absolument en avoir terminé avant treize heures.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Comme pour faire mieux oublier que le vrai débat sur le traité d'Amsterdam n'a pas eu lieu devant le peuple souverain... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ...

M. François Guillaume, M. Thierry Mariani et

M. Jacques Myard.

Il a raison !

M. Georges Sarre.

... une majorité de rencontre a pu convaincre le Gouvernement d'introduire un amendement mettant l'accent sur l'une des lacunes les plus évidentes du traité : l'absence de toute disposition tendant à réformer les institutions européennes en vue de l'élargissement futur.

Cette discussion au sujet de la nécessité de progrès substantiels dans la réforme des institutions demeure, pour l'essentiel, franco-française, même si les Italiens et les Belges se sont associés à une démarche similaire par une déclaration lors de la signature du traité.

Dans la pratique, recourir à cette procédure exceptionnelle n'a pas beaucoup d'intérêt puisque, même en inspirant le Gouvernement, le Parlement ne peut introduire de mesures contraignantes dans le cadre de la ratification d'un traité. Tout le paradoxe de l'exercice auquel vous vous livrez consiste à faire montre d'un ton ferme - ce que fait la rédaction proposée -, tout en gardant à l'esprit le caractère parfaitement vain de la démarche.

(« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Je dois dire à M. le Président Valéry Giscard d'Estaing, qui est l'initiateur de l'article additionnel, que, dans le genre faux, semblant, il est vraiment difficile de faire beaucoup mieux. (Sourires.)

Quand il y va de l'avenir de notre pays, je crois que les députés ont mieux à faire. Cette discussion est l'occasion d'une nouvelle échappée vers toujours plus d'européisme verbal,...

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Tout à fait !

M. Georges Sarre.

... et vers toujours moins de bons sens.

Les arguments s'échangent en dehors de toute réalité.

S'est-on un seul moment demandé comment les pays candidats recevront les atermoiements français ?

M. Jacques Myard.

Très bonne question !

M. Georges Sarre.

Poser comme condition d'une éventuelle campagne d'adhésion une réforme substantielle des institutions, n'est-ce pas traîner les pieds face aux espoirs des pays candidats ou, du moins, en donner l'impression ?

M. Nicolas Dupont-Aignan.

Exactement !

M. Georges Sarre.

C'est pourquoi je me prononce en conscience contre l'amendement (« Très bien ! » sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), qui ne sert qu'à occulter les vrais enjeux de l'Europe de demain et qui vaut, pour certains, brevet d'européisme.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

La voie raisonnable consiste au contraire à s'orienter vers une confédération d'Etats nations démocratiques aux droits égaux, que François Mitterrand évoquait dès 1989.

M. Jacques Myard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Je voudrais tout d'abord regretter que le ministre chargé des affaires européennes n'ait pas répondu aux deux questions importantes que j'avais posées tout à l'heure à propos de la portée du traité d'Amsterdam.

M. Jacques Myard.

Il ne peut pas répondre !

Mme Nicole Catala.

Ces questions ne me paraissaient pourtant pas minces.

M. Robert Pandraud.

Il ne veut pas répondre !

M. Jacques Myard.

Il ne peut pas répondre ! Il n'a rien à dire !

Mme Nicole Catala.

Je voudrais ajouter quelques réflexions supplémentaires.

Sur le plan juridique et sur le plan institutionnel, les dispositions contenues dans le traité d'Amsterdam me semblent aller, sur plusieurs points, à l'encontre de ce que l'on pourrait souhaiter pour la France et pour l'Europe.

Je retiendrai trois de ces points. Pour ce faire, je me référerai au rapport de notre collègue Maurice Ligot, au nom de la délégation pour l'Union européenne. Dans son rapport de 1997, notre collègue avait affirmé que les dispositions d'Amsterdam allaient entraîner un « triple décalage ». Il a eu parfaitement raison de nous mettre en garde.

Le premier décalage est celui entre l'ambition du Parlem ent européen d'embrasser progressivement tout le champ de la politique étrangère à travers la PESC et la volonté des Etats membres, qui reste de resserrer la PESC sur quelques sujets clés. Il s'agit là d'une première source de distorsions tout à fait frappante.

Le deuxième décalage est celui entre le pouvoir budgétaire renforcé que le traité attribue au Parlement européen, puisqu'il faudra désormais son accord pour financer une action de l'Union européenne à l'extérieur, notamment pour le maintien de la paix, et le fait que le Parlement européen reste nanti d'un simple pouvoir d'information et de consultation en matière de politique extérieure.

Enfin, M. Ligot a relevé un décalage entre le renforcem ent des pouvoirs du Parlement européen sur le deuxième pilier et la stagnation des pouvoirs des parlements nationaux en ce domaine. Cette observation me conduit à souligner ici, solennellement, que notre Parlement détiendra, après l'entrée en vigueur du traité, moins de pouvoirs en matière de politique étrangère que le Parlement européen.

Cela est inacceptable, et je tenais à le dire solennellement.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Ma deuxième série d'observations concerne le mécanisme des coopérations renforcées. Celles-ci me semblent utiles, voire nécessaires pour introduire un peu de flexibilité dans une construction européenne de plus en plus lourde et rigide. Seulement, les dispositions retenues à Amsterdam, loin de faciliter leur mise en oeuvre, vont freiner, voire empêcher ces coopérations.

Pour le deuxième pilier, les coopérations renforcées ne sont pas envisagées. Seul est prévu le mécanisme de l'abstention constructive.

Pour le premier pilier, elles sont autorisées. Mais elles ne pourront être engagées qu'avec l'accord préalable de la Commission, ce qui est tout de même un comble ! Cette dernière se voit ainsi conférer un pouvoir politique qui lui permettra d'apprécier s'il y a lieu de mettre en oeuvre un tel système. Ce pouvoir politique l'autorisera même à décider s'il convient d'accepter qu'un nouvel Etat s'agrège au système de coopération renforcée qui aura été lancée.

Ces dispositions ne sont pas toutes étendues au troisième pilier, mais ont pourrait également déplorer celles qui, dans le traité, le concernent.

De telles critiques ne sont pas négligeables. C'est un é lément essentiel de la rénovation des institutions communautaires qui est en jeu.

Ma troisième série d'observations concerne la subsidiarité, qui fait l'objet du protocole no 7. Ce protocole me semble aller à l'inverse de l'orientation adoptée à Maastricht, où il avait été prévu que la Commission réexaminerait un certain nombre de textes déjà adoptés et proposerait la suppression de celles de ses directives ou décisions qui n'apparaîtraient pas conformes au principe de subsidiarité.

Chacun le sait, cela n'a pas été fait. Aujourd'hui, avec ce protocole no 7, on nous propose de déclarer intangible l'ensemble de l'acquis communautaire, et donc de ne pas appliquer rétroactivement le principe de subsidiarité. On nous propose, de surcroît, de déclarer intangibles les principes mis au point par la Cour de justice en ce qui concerne les relations entre le droit communautaire et le droit national. Or la Cour de justice a déclaré, il y a quelques années, que le droit communautaire était supérieur aux constitutions nationales.

Pour ma part, je n'admets pas que la France accepte cette prééminence du droit communautaire sur notre Constitution.

M. Jacques Myard.

Très bien !

Mme Nicole Catala.

Nous n'en avons d'ailleurs jamais débattu ici. Approuver ces dispositions représenterait une véritable capitulation. C'est pourquoi je tenais à dire mon inquiétude devant ce que l'on nous demande d'accepter.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle.

Avant d'en venir à notre sujet l'article additionnel introduit par l'amendement gouvernemental -, je voudrais remarquer que tous ceux qui ont suivi nos débats depuis hier, quinze heures, et qui ont entendu le message du Président de la République ne peuvent pas ne pas être frappés par le contraste...

M. Alain Barrau.

Le mot est faible ! C'est plutôt une dichotomie.

M. François Loncle.

... existant entre les propos d'hier, notamment ceux qui émanaient du groupe RPR, et le défilé de ce matin, qui avait un côté totalement ahurissant !

M. Jacques Myard.

La vérité vous gêne, mon cher collègue !

M. Guy-Michel Chauveau.

Quelle tristesse, monsieur Myard !

Mme Nicole Catala.

Avez-vous écouté M. Vauzelle, hier soir ?

M. François Loncle.

Je me suis demandé, parfois, si nous étions encore à l'Assemblée nationale. Peut-être au musée de Saint-Germain ? (Rires.)

J'invite ceux qui ne connaissent pas ce musée à le visiter : il est très beau !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

Je voudrais cependant citer une déclaration datant de 1951 : « Nous sommes pour la fédération européenne, c'est-à-dire que nous sommes pour un accord qui lie entre eux de manière positive, sur des sujets positifs, notamment l'économie, la défense, la culture, les Etats de l'Europe qui le veulent. » Cette phrase est signée du géné-

ral de Gaulle.

M. Jacques Myard.

Il parlait des Etats de l'Europe !

M. François Loncle.

Mais surtout de fédération européenne !

M. Jacques Myard.

Aujourd'hui, c'est le centralisme bureaucratique « commissionnaire » !

M. François Loncle.

J'en viens à l'article additionnel.

L'idée en revient, après la signature du traité d'Amsterdam, en 1997, à quelques responsables politiques : le président Giscard d'Estaing, mais aussi le président Laurent Fabius et le président de notre commission des affaires étrangères, Jack Lang.

Et à partir de cette idée d'un article additionnel qui exigeait, conformément à la déclaration franco-italo-belge, une réforme institutionnelle, se sont instaurés à l'extérieur comme au sein de notre assemblée, et singulièrement à la commission des affaires étrangères, un excellent débat et un bon dialogue entre le Gouvernement et le Parlement.

Il faut le souligner, car le dénigrement est trop facile.

Cette idée du président Giscard d'Estaing - je parle bien sûr sous son contrôle - qui a été relayée et enrichie par beaucoup d'entre nous était que, même sans perspective d'élargissement, il fallait réformer les institutions, parce que celles-ci - qui fonctionnaient avec six pays, voire douze - ne sont plus ni efficaces, ni démocratiques.

D'où l'exigence forte de cet article additionnel, que le groupe socialiste votera, bien sûr. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Myard.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ah, non !

M. Jacques Myard.

Mais si, mes chers collègues, vous boirez la coupe jusqu'à la lie ! (Sourires.)

Monsieur le président, cet article additionnel est une faute : une faute politique, diplomatique et même institutionnelle au regard de la construction européenne.

A la suite des accords de Munich, Churchill avait dit à Chamberlain : « Vous vouliez la paix, vous vouliez sauver l'honneur, vous aurez la guerre et le déshonneur. » Il est

évident que l'histoire lui a donné raison.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt.

Vous aurez votre statue aux ChampsElysées, comme Churchill !

M. Jacques Myard.

Aujourd'hui, mes chers collègues, l'élargissement est inéluctable et il doit être réalisé dans les meilleurs délais - après, évidemment, qu'on aura mené une négociation pour sauvegarder nos intérêts.

Ce « pseudo-amendement » sur la portée juridique duquel on peut s'interroger, donnera une image négative de cet élargissement. Or c'est grâce à l'élargissement que les institutions de l'Europe pourront être refondées et réadaptées à la situation internationale.

C'est la raison pour laquelle il convient de repousser cet amendement, de favoriser l'élargissement et de refonder l'Europe sur les nations !

M. Jean-Louis Idiart.

On voit comme l'opposition est unie sur l'Europe !

M. Jacques Myard.

Vous pouvez parler ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Valéry Giscard d'Estaing.

M. Valéry Giscard d'Estaing.

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je me souviens de l'annotation d'un de mes professeurs de lettres classiques en marge de la dissertation d'un de mes camarades (Sourires.)

: « Touffu, diffus, confus... et pourtant incomplet. »

C'est, je crois, le jugement que le président de la commission des affaires étrangères portait hier sur le traité qui est soumis à notre ratification. Et, bien que les explications de M. le ministre des affaires étrangères, les vôtres, monsieur le ministre délégué, aient contribué à e n éclairer les aspects positifs, ce traité n'en reste pas moins incomplet.

Il l'est, dans la mesure où il n'a pas rempli le mandat pour lequel il a été négocié. En réalité, depuis Maastric ht, c'est-à-dire depuis 1992, la réforme des institutions - plus concrètement, pour l'opinion, celle des conditions de désignation et de fonctionnement de la Commission d'un côté et du mode de vote et de prise de décision du Conseil de l'autre - est à l'ordre du jour.

Ces questions devaient être résolues par le traité de Maastricht. C'est seulement à la fin de la négociation qu'on s'est aperçu de l'impossibilité de conclure. C'est pourquoi, par l'article N, paragraphe 2, on a pris acte de cet état de fait et précisé que ces questions feraient l'objet d'une négociation ultérieure, en 1996. C'est cette négociation qui est à l'origine du traité d'Amsterdam.

Or dans le traité d'Amsterdam, sur ce sujet, comme le souligne avec force M. le rapporteur dans son rapport, il n'y a rien. C'est donc un traité incomplet.

S'il était resté incomplet, s'il n'y avait eu que l'article 1er , monsieur le ministre délégué, je n'aurais pas, personnellement, et sans doute beaucoup d'autres avec moi, voté cette ratification.

Nous l'avons dit l'année dernière, avec M. le président de la commission des affaires étrangères, et le Gouvernement nous a écoutés. Nous avons donc cherché une procédure qui ne pouvait pas consister à compléter le traité puisqu'il était négocié, mais qui permettrait de prendre un engagement très précis sur la suite de la réforme des institutions. C'est cet engagement qui figure dans l'amendement introduisant un article 2.

Nous n'avons pas pu procéder par voie d'amendement, cela nous étant interdit par la Constitution et par notre règlement. C'est donc le Gouvernement qui a agi en réponse à nos propositions et à notre demande, par le biais d'un premier texte et, plus tard, d'un texte amendé.

Ceux de nos collègues qui participent aux travaux de la commission des affaires étrangères savent que le texte, d ans son état final, répond, pour l'essentiel, aux demandes qui ont été présentées au sein de notre commission.

Une fois voté, il constituera un engagement du Gouvernement, sanctionné par l'Assemblée nationale. Si donc, comme certains le redoutent, il n'y était pas donné suite, cela aurait des conséquences politiques. C'est ce qui se passe lorsqu'un engagement n'est pas tenu et lorsque le vote de la représentation nationale n'est pas respecté.

Autre point : c'est une affaire urgente, en attente depuis 1992, c'est-à-dire avant le dernier élargissement.

Elle doit évidemment être traitée avant le prochain. Un système conçu pour six, qui devait être réformé à douze


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

et qui marche mal à quinze, ne pourra pas fonctionner au-delà. D'ailleurs, l'absence de réforme des institutions pourrait mettre en péril l'avenir de l'Union européenne par impuissance et dilution. C'est pourquoi, monsieur le ministre, n'a pas été inscrit dans le texte l'adjectif

« rapide » que souhaitait M. le Premier ministre Balladur.

C e n'est pas le calendrier de l'élargissement qui commande. C'est en fait le calendrier de la nécessité de cette réforme.

Dernier point : je voudrais saluer le bon travail qui a été effectué entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale pour aboutir à un texte qui a recueilli en commission une large majorité. Ce travail était utile. Il a été bien conduit, puisqu'il s'agissait de l'intérêt de la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. René André.

M. René André.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que j'ai eu l'occasion de l'indiquer hier soir, le groupe du Rassemblement pour la République soutiendra ce projet de ratification. Il le fera d'autant plus volontiers que cet amendement va dans le sens que nous souhaitions. Nous aurions d'ailleurs rencontré certaines difficultés si celui-ci n'avait pas mentionné la nécessité d'une réforme rapide des institutions européennes.

Comme l'a souligné hier notre orateur Edouard Balladur, il faut savoir si les nations préfèrent se voir imposer leurs décisions par une tutelle extérieure ou si elles veulent, en s'unissant étroitement, décider pour ellesmêmes. Telle est, en réalité, à la fin du débat, notamment de ce matin, la seule question qu'il faille se poser.

Le Président de la République nous l'a rappelé hier. Il appelle de ses voeux une Europe indépendante qui préserve et renforce les nations et leur permette de s'affirmer davantage. Or l'émergence de cette Europe ne sera possible qu'au travers d'une réforme rapide des institutions, que nous appelons de nos voeux.

Il ne faudrait pas cependant que nos amis des pays européens qui frappent à la porte de l'Europe puissent penser un seul instant que la France ne serait pas favorable à leur rentrée rapide. Des engagements ont été pris.

Il est important, comme cela a été dit au sein de cet hémicycle et dans d'autres lieux, que ne se reconstruise pas, au sein de l'Europe, une nouvelle barrière entre les nantis et les non-nantis, une sorte de mur de l'argent qui écarterait nos frères de l'Est et de l'Europe centrale.

Il faut une réforme des institutions, ainsi que l'ont souligné le président Giscard d'Estaing et M. le Premier ministre Edouard Balladur. Mais il faut qu'en même temps nous agissions tous ensemble pour que nos amis européens puissent rapidement nous rejoindre. Cette réforme des institutions doit donc aller de pair avec l'élargissement.

Voilà pourquoi nous voterons tout à l'heure le texte sur la ratification du traité d'Amsterdam.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller.

Le groupe Démocratie libérale votera, bien entendu, l'amendement qui a été exposé avec brio par le président Giscard d'Estaing.

Voilà maintenant treize ans que, à douze pays, puis à quinze, l'Union fonctionne difficilement avec des institutions qui ont été prévues pour six pays. Il est absolument indispensable, pour l'efficacité du fonctionnement de l'Union, que l'on procède à cette réforme des institutions.

Je réfute totalement les arguments de ceux qui disent que cet amendement n'est pas important. Il est fondamental, il constitue une prise de position solennelle de l'Assemblée nationale et un mandat confié au Gouvernement pour conduire ses négociations.

J'ai insisté hier sur l'importance de l'adhésion des pays d'Europe centrale et de l'Est. Il est grand temps, même si ce n'est pas spécifié dans cet amendement, que les Européens fixent un calendrier rapide, à la fois pour la réforme des institutions et pour l'unification de l'Europe.

C'est dans cet esprit que le groupe Démocratie libérale votera cet amendement tout à fait positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no

1.

M. Michel Vauzelle, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Contrairement à ce qu'a indiqué tout à l'heure M. Mariani, il me semble que nous avons pu largement, dans cette assemblée, débattre du traité d'Amsterdam, qui est en effet important. Nous en avons eu l'occasion lors de la révision de la Constitution, nous en avons eu l'occasion en séance de commission - où il aurait très bien pu venir participer à nos travaux. Toute cette nuit encore, nous avons longuement entendu et échangé nos arguments.

Il m'a été indiqué dans les couloirs de l'Assemblée, ou même dans cet hémicycle, qu'il était paradoxal de voir un rapporteur critiquer un texte et inviter ensuite ses collègues à le voter. C'est que je pense que la vie internationale, c'est comme la vie tout court : il y a des devoirs - M. Giscard d'Estaing tout à l'heure l'a indiqué - et des devoirs qui sont difficiles. Il faut cependant les remplir si l'on veut assurer l'avenir. Et, en l'occurrence, il s'agit de l'avenir de la France.

Enfin, j'ai trouvé que les interventions - certaines cette nuit, de nombreuses ce matin - défendaient, souvent avec beaucoup d'émotion - ce fut le cas pour Mme Catala mais souvent aussi de manière très maladroite, la souveraineté de la France. Certes, il faut défendre la souveraineté de la France et la liberté de notre pays. C'est, je l'imagine, l'opinion de l'ensemble de la représentation nationale. Mais il faut le faire aujourd'hui, comme la très grande majorité d'entre vous, mes chers collègues, avec l'intelligence d'un monde qui a changé. La France doit se donner les moyens qu'exigent et la mondialisation et l'évolution de la vie économique.

Le traité d'Amsterdam fait partie de ce cheminement.

Il ne va pas à l'encontre de la souveraineté de la nation ; au contraire, il la confortera dans son expression ultime.

Enfin, je voudrais rendre, à mon tour, un hommage particulier au Gouvernement car ce qui se passe aujourd'hui avec cet amendement est exemplaire. L'idée avait é té initialement formulée par notre président, Laurent Fabius. Elle a ensuite été enrichie par d'éminents parlementaires, le président de notre commission des affaires étrangères, Jack Lang, le président Valéry Giscard d'Estaing. Puis, le Gouvernement a bien voulu, dans le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 MARS 1999

respect de la Constitution et de notre règlement, prendre en compte notre souci de voir marquée notre volonté forte d'aller plus avant dans la réforme des institutions européennes. Le Gouvernement, non seulement a accepté de déposer un amendement, mais il a bien voulu le rectifier selon les voeux qui avaient été émis, notamment par les personnalités - et je n'oublie pas M. Loncle - qui sont intervenues dans le débat en commission.

Il y a là quelque chose d'exemplaire et qui donne une excellente image de notre pays, qui reste à la pointe de la construction européenne. Cela montre que, Président de la République, Gouvernement, Parlement, tous, nous souhaitons, en effet, un renforcement de l'Union. Du reste, nous ne sommes pas isolés dans cette démarche puisque telle est également la position formelle de la Belgique et de l'Italie. C'est aussi celle de l'ensemble des Quinze, comme ils l'ont exprimé lors du conseil européen de Luxembourg en 1997.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Pandraud.

M. Robert Pandraud.

Pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, je précise que je voterai la ratification du traité d'Amsterdam, mais pas l'amendement présenté par le Gouvernement, et ce pour trois raisons.

Tout d'abord, parce que depuis que je suis dans cette assemblée - il y a maintenant assez longtemps -, j'ai toujours entendu dire, par les gouvernements successifs, qu'il ne pouvait y avoir d'injonction du pouvoir législatif au pouvoir exécutif, a fortiori en matière de politique étrangère. Quelle n'est donc pas ma stupéfaction aujourd'hui de voir le Gouvernement se faire délivrer par notre assemblée un mandat pour négocier au mieux ! Ensuite, parce que tout cela n'est que paroles verbales, comme disait l'autre. On a déjà dit la même chose lors de la dernière CIG. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on va sûrement réunir une nouvelle conférence internationale pour discuter de tel ou tel problème et on nous sortira, d'ici à quatre ou cinq ans, un nouveau traité qui n'approfondira rien et on n'élargira sans doute pas. Mais, après tout, c'est peut-être le plus souhaitable pour les intérêts nationaux. Alors, discutons toujours de l'approfondissement, cela permettra au gouvernement à venir de dire qu'il n'a pas été suffisant.

Enfin, parce que je considère que cet amendement est tout à fait inutile. Le traité d'Amsterdam est ce qu'il est, c'est peut-être la moins mauvaise des formules. Il clôturait une période de négociation, et c'est pour cela que je vais voter sa ratification. Mais je ne voterai sûrement pas l'article additionnel, qui me paraît incompatible avec l'esprit de nos institutions.

M. Jacques Myard et M. Jean-Jacques Guillet.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

L'argument de M. Pandraud mérite réponse. Il ne s'agit nullement d'une injonction du pouvoir législatif au pouvoir exécutif.

M. Robert Pandraud.

C'est quoi alors ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Nous avons précisément veillé dans la rédaction de cet amendement, parce que nous sommes tous sous le contrôle du juge constitutionnel, à éviter cela. Il s'agit de marquer, par une déclaration politique forte, l'harmonie totale qui existe entre le Parlement et le Gouvernement.

M. Robert Pandraud.

Alors ce n'est pas un amendement ! C'est une déclaration formelle ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Il s'agit de souligner la volonté de la France de voir intervenir une réforme institutionnelle avant l'élargissement. Et je ne crois pas, contrairement à ce qui a été dit, que cette déclaration soit inopérante. Le fait que l'Assemblée nationale, dans sa très grande majorité - j'espère dans sa quasi-unanimité - s'apprête à voter un tel article sera relevé, à l'étranger. N'en doutez pas ! Cette détermination sera entendue. J'ajoute, bien sûr, que ce gouvernement comme les gouvernements à venir tiendront le plus grand compte du vote exprimé par le Parlement en ce sens.

C'est donc une déclaration politique d'une très grande importance, d'une très grande force que vous allez maintenant voter, et en aucun cas une injonction du législatif à l'exécutif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Myard.

Qu'en pensent les Tchèques ?

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je rappelle que la conférence des présidents, en application de l'article 65-1 du règlement, a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi auront lieu cet après-midi, après les questions au Gouvernement.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explication de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage.

M. Alain Néri, rapporteur (rapport no 1364).

Discussion, en deuxième lecture : du projet de loi organique, no 1157, relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux ; du projet de loi, no 1158, relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives ; M. Bernard Roman, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1400).

(Discussion générale commune).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT