page 02526page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 2527).

ÉTUDIANTS ÉTRANGERS (p. 2527)

MM. Jean-Michel Ferrand, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

RÉFORME DES LYCÉES (p. 2528)

MM. Robert Lamy, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

FONDS D'ÉPARGNE RETRAITE ET REGROUPEMENT BANCAIRE (p. 2528)

MM. Yves Deniaud, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE (p. 2529)

MM. Gilbert Gantier, Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

APPLICATION DE LA LOI PLM À PARIS (p. 2530)

MM. Georges Sarre, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE (p. 2531)

MM. Daniel Boisserie, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

LIBERTÉ RELIGIEUSE ET SECTES (p. 2532)

Mme Martine David, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

VALORISATION DE L'ARTISANAT (p. 2533)

M. Michel Vergnier, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

ACCIDENTS DU TRAVAIL (p. 2533)

Mmes Monique Collange, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

SÛRETÉ NUCLÉAIRE (p. 2534)

MM. Emile Blessig, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

POLITIQUE DE L'EMPLOI DU GROUPE ALCATEL (p. 2535)

MM. Patrick Malavieille, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

OCM VIN (p. 2536)

MM. Gérard Saumade, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

2. Epargne et sécurité financière. Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 2537).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, pour la réforme des caisses d'épargne.

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, pour la sécurité financière.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 2540)

MM. Michel Suchod, Marc Laffineur, Jean-Pierre Balligand, Yves Deniaud, Jean Vila, Pierre Méhaignerie.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 2544)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 2544)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

3. Politique agricole commune. - Fonds structurels - Nouvelles perspectives financières.

Suite de la discussion de propositions de résolution (p. 2544).

DISCUSSION GÉNÉRALE COMMUNE (suite) (p. 2544)

MM. Philippe Duron, Henry Chabert, Yves Bur, Jean-Michel Marchand, Marc Laffineur, François Patriat, Thierry Lazaro, Elie Hoarau, Alain Cacheux, Mmes Nicole Catala, Monique Denise,

MM. Patrick Ollier, Patrick Rimbert, Jean Codognès, René Mangin.

Clôture de la discussion générale commune.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE Article unique (p. 2562)

MM. Christian Jacob, René André, François Guillaume, le ministre, le président.

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

MM. Alain Fabre-Pujol, Daniel Boisserie, Claude Hoarau, François Sauvadet.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 2570)

MM. Michel Vergnier, Christian Jacob, Mme Nicole Ameline,

M.

Félix Leyzour.

Adoption de l'article unique de la proposition de résolution.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 2571).


page précédente page 02527page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique, dès à présent, que la séance ne sera pas suspendue à la fin des questions au Gouvernement.

Nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financièr e. 1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe du Rassemblement pour la République.

ÉTUDIANTS ÉTRANGERS

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Ferrand.

M. Jean-Michel Ferrand.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, vous avez une certaine propension à la provocation inutile.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Vous aussi !

M. Jean-Michel Ferrand.

A notre collègue André Berthol qui s'inquiétait, mercredi dernier, de savoir si un certain nombre de postes au concours d'entrée à l'Ecole normale supérieure (« Encore ! » sur les bancs du groupe socialiste) pourraient être réservés à des étudiants ne maîtrisant pas le français, vous avez répondu : « Si la connaissance du français était une condition d'entrée, nous n'aurions que des élèves roumains. »

Outre le fait que ce type de réponse ne peut être considéré comme une incitation pour les étudiants étrangers à apprendre notre langue, son ton condescendant à l'égard des étudiants roumains a choqué beaucoup d'entre nous, notamment le vice-président du groupe d'amitié France-Roumanie que je suis.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je souhaiterais rappeler que nous pouvons nous louer que des Roumains de grande qualité aient été francophones et aient contribué à l'éclat de notre culture sur notre territoire. Je pense, notamment, à Eugène Ionesco (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), membre éminent de l'Académie française, à Emile Cioran, un des plus grands philosophes de langue française du XXe siècle.

(Exclamations sur les bancs du même groupe), à Virgile Gheorghiu, l'auteur en français de La Vingt-cinquième Heure, au poète Vasile d'Alecsandri, à Panait Istrati, à Marthe Bibesco, amie de Marcel Proust, à la comtesse de Noailles (Exclamations sur les mêmes bancs) ou à Hélène Vacaresco qui a créé le prix Femina.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Et Elvire Popesco !

M. Jean-Michel Ferrand.

Permettez-moi de considérer comme une chance que toutes ces personnes, artistes ou étudiants, aient choisi le français pour exprimer leur talent ou pour passer des concours universitaires.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pascal Terrasse.

Que faites-vous de l'avenir ?

M. Jean-Michel Ferrand.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, de préciser que, malgré son ton, votre propos était dénué de toute condescendance à l'égard des étudiants roumains, auxquels il serait malvenu de reprocher de mieux maîtriser le français que des étudiants d'autres origines, et de nous assurer que la volonté du ministre de l'éducation de notre pays est bien, en dépit de certaines déclarations malheureuses, de promouvoir la francophonie dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Zéro !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Pierre Lellouche.

Il va intervenir en roumain !

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je pense avoir été mal compris, mais peut-être me suis-je mal exprimé. (« Oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Ce ne sera pas la première fois !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Je n'ai absolument rien contre les étudiants roumains qui sont, au demeurant, excellents - et c'est le cas de ceux que nous avons recrutés à l'Ecole normale supérieure. J'aurais pu aussi parler d'étudiants québécois (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ou d'étudiants francophones.

M. Pierre Lellouche.

Vous aggravez votre cas !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Pas du tout !


page précédente page 02528page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Je tiens à m'exprimer clairement sur ce point.

Ou bien, monsieur le député - et la question de fond est essentielle -, nous voulons que les étudiants du monde entier aillent à Oxford, à Cambridge ou à Uppsala et ne viennent pas dans nos grandes écoles et que l'influence de la France dans le monde diminue, ou bien nous voulons donner à tous les étudiants les plus brillants du monde la possibilité de venir se former en France.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Nous avons choisi la deuxième branche de l'alternative. Telle est notre volonté.

Les étudiants de la francophonie viennent naturellement en France et continueront à y être encouragés. Un concours leur est destiné et il sera maintenu.

M. Jean-Michel Ferrand.

Il n'y a que trois places !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Mais nous voulons organiser un autre concours qui s'adresse, par-delà les étudiants francophones, à tous les étudiants du monde, car nous croyons que nous avons dans notre pays de quoi former les élites du monde : l'influence de la France ne pourra qu'en être renforcée. Si vous n'êtes pas d'accord, il faut le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RÉFORME DES LYCÉES

M. le président.

La parole est à M. Robert Lamy.

M. Robert Lamy.

Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'éducation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué à maintes reprises qu'avant de prendre une décision vous négociiez, vous organisiez des concertations avec les syndicats d'enseignants, les élèves et les associations de parents d'élèves. Très bien ! Nous avons aussi constaté que vous aviez multiplié les moyens médiatiques : conventions, rapports, journées citoyennes et colloques. Bon ! Tout cela vous a conduit à présenter une réforme que vous avez intitulée « Un lycée pour le XXIe siècle », mais qui n'a visiblement de réforme que le nom et qui provoque de nombreuses manifestations.

Croyez-vous, monsieur le ministre, que les chefs d'établissement et les enseignants qui s'occupent des élèves en difficulté vous ont attendu pour les aider et leur proposer des heures de soutien ? (« Oui ! » sur les bancs du groupes ocialiste.)

Sûrement pas ! En revanche, ce qu'ils attendent, ce sont des moyens.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer ce qui conduit à la situation actuelle dans l'éducation nationale ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ça ne marche pas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et sur divers bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, je ne crois pas qu'il soit possible de dire, comme vous venez de le faire, que dans l'éducation nationale, ça ne marche pas (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Michel Ferrand.

En ce moment, ça aurait plutôt tendance à courir ! (Sourires.)

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Comme je l'ai indiqué hier, notre système d'éducation nationale a accueilli au cours des ans un nombre croissant d'élèves et a réussi ce pari du quantitatif mieux que n'importe quel autre système d'éducation en Europe.

Ce que nous souhaitons faire, ce n'est pas du tout une réforme du statu quo - on a déjà vu dans un passé récent ce que cela donnait -, mais une réforme qui contribue à accroître l'égalité des chances et à mettre en place l'école de la réussite pour tous.

Après avoir gagné le pari de la quantité, nous voulons relever celui de la qualité. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Nous voulons remplacer un enseignement étalé par un enseignement plus profond et recentré sur les fondamentaux.

J'ai cru comprendre hier, lors d'une réunion de la commission des affaires culturelles à laquelle je participais, et où toutes les tendances étaient représentées, que la volonté du Gouvernement était partagée par la quasitotalité des membres de la représentation nationale, et je l'en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

FONDS D'E PARGNE RETRAITE ET REGROUPEMENT BANCAIRE

M. le président.

La parole est à M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans l'opération qui met aux prises - puisqu'elle est conflictuelle - trois grandes banques françaises pour un regroupement éventuel, vous avez déclaré vouloir privilégier les intérêts français. O r, vous le savez bien, vous n'êtes pas maître de la situation.

Ainsi, il est fort probable, au contraire, que celle-ci sera arbitrée par des capitaux étrangers, l'un ou l'autre des protagonistes sollicitant des banques étrangères.

Il existe une loi Thomas, dont vous ne voulez plus.

(« Ah, non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais quand allez-vous mettre en oeuvre des plans sécurité retraite qui permettent à la fois de concilier les intérêts des salariés et futurs retraités et de mobiliser des capitaux français pour investir dans les entreprises françaises, lesquelles en ont grand besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, s'il y un lien entre le début de votre question, qui concerne la situation financière et bancaire, et la fin de celle-ci, qui est relative aux plans d'épargne retraite, il est ténu.

Faut-il ou non, dans notre pays, mettre en oeuvre des instruments d'épargne qui soient adaptés à la retraite, et quand le faire ? Le Gouvernement a déjà énoncé la réponse à cette question à plusieurs reprises : les Français


page précédente page 02529page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

qui épargnent pour leur retraite doivent disposer pour cela d'un instrument d'épargne adapté. Et il vrai qu'il n'existe pas aujourd'hui. Ainsi, selon une enquête, nombre de ceux qui placent leur épargne dans les caisses d'épargne le font en vue de leur retraite. Or on voit bien que ce n'est pas le meilleur support possible pour une épargne à long terme.

Nous avons donc certainement besoin de mettre en place un instrument solidaire et participatif qui permette d'épargner à long terme - même lorsqu'on est un épargnant modeste - et d'obtenir les taux de rendement que l'on est en droit d'espérer pour ce type d'épargne. Un tel instrument n'a pas encore été mis en place au cours de cette législature, ni d'ailleurs au cours des précédentes, malheureusement. Mais je pense que cela pourra se faire dans des délais rapides.

J'en viens aux prémisses de votre question. Nous assistons à une bataille bancaire qu'oppose plusieurs banques privées. J'ai en effet déclaré que, dans le cadre des responsabilités qui étaient celles du Gouvernement et qui sont clairement définies par la loi en matière de réglementation bancaire, je tenais à veiller à ce que la solution qui sera trouvée respecte nos objectifs industriels, sociaux et nationaux.

Néanmoins, il s'agit d'entreprises privées, et le combat auquel nous assistons en ce moment montre, s'il en était besoin, que la préoccupation de la majorité de voir se constituer, en face de ces entreprises privées, un pôle public réunissant différents instruments d'intervention financière autour de la Caisse des dépôts, des caisses d'épargne, de la CNP, de la BDPME, entre autres, a encore plus de poids qu'elle ne pouvait en avoir avant que n'éclate cette bataille boursière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le Premier ministre, dès sa conception, j'avais dénoncé à la tribune, et d'ailleurs à plusieurs reprises, l'ineptie du projet pharaonique que constituait l'édification de la Très Grande Bibliothèque décidée par l'ancien Président de la République, M. François Mitterrand, laquelle porte aujourd'hui son nom.

Mes craintes d'alors sont, hélas ! confirmées. Elles étaient même sous-estimées.

La Bibliothèque nationale de France, dont la construction a coûté plus de 8 milliards de francs,...

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

C'est honteux !

M. Gilbert Gantier.

... se révèle un échec total (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) malgré un budget de fonctionnement annuel de 1,3 milliard de francs, c'est-à-dire un budget qui est dix fois plus élevé que ne l'était celui de la Bibliothèque nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

En effet, c'est scandaleux !

M. Gilbert Gantier.

Commandé par le ministère de la culture, le rapport de M. Albert Poirot, inspecteur général des bibliothèques, vient d'être rendu public, et il est tout à fait édifiant.

Il confirme la mauvaise conception du bâtiment qui avait été construit spécialement pour être une bibliothèque et qui n'est pas adapté aux nécessités d'une bibliothèque. Il faut non seulement courir d'une tour à une autre, mais il faut aussi quelquefois attendre vingtquatre heures pour obtenir le livre demandé.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le rapport de M. Poirot dénonce l'exiguïté des locaux et l'absence de vestiaires pour le personnel.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il dénonce aussi l'existence de courants d'air, le mauvais fonctionnement de la climatisation et l'état des faux plafonds. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) C'est peut-être ennuyeux, mes chers collègues, mais c'est ainsi : les faux plafonds tombent sur les usagers ! Ce rapport dénonce également les mauvaises conditions d'accueil des chercheurs et du public, le stockage défectueux des livres et les défaillances du système informatique.

Les locaux sont si peu adaptés à leur destination que la Bibliothèque nationale de France, la bibliothèque François-Mitterrand, en est aujourd'hui à envisager de louer de nouveaux locaux,...

M. Didier Boulaud.

Ceux du RPR vont devenir vacants !

M. Gilbert Gantier.

...voire de tenter de réoccuper les vieux bâtiments de la rue de Richelieu, tout cela, bien entendu, aux frais du contribuable ! Devant cette situation catastrophique, le ministère de la culture a décidé en toute hâte de lancer un nouveau programme de travaux - qui s'ajoutent à ceux qui ont déjà été réalisés à grands frais pour protéger les livres qui cuisaient doucement dans les tours en verre -, travaux rendues nécessaires pour éviter notamment que les usagers ne glissent sur le parvis.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous pouvez esclaffer, mes chers collègues, ça n'a jamais coûté que 8 milliards de francs aux contribuables, somme à laquelle s'ajoutera 1,3 milliard par an. En effet, c'est peu de chose ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean-Louis Dumont.

La culture, ça n'a pas de prix !

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Gilbert Gantier.

Compte tenu de l'ampleur de ces dysfonctionnements et de la dérive et de l'importance des coûts de la Bibliothèque François-Mitterrand, le groupe Démocratie libérale, auquel j'appartiens, a décidé de déposer une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Gilbert Gantier.

Il faut savoir les raisons de tout cela.

Mais nous souhaitons, monsieur le Premier ministre, connaître dès maintenant le coût des travaux auxquels le Gouvernement entend procéder,...

Un député du groupe socialiste.

Mais que fait Chalandon ?

M. Gilbert Gantier.

... et savoir dans combien de temps la Très Grande Bibliothèque sera réellement, comme elle doit l'être, au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


page précédente page 02530page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, le Gouvernement choisit qui il entend pour répondre.

M. Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a la parole.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

Il n'a jamais lu un bouquin de sa vie, il ne connaît rien aux bibliothèques !

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur le député, ne vous plaignez pas : si le rapport était strictement laudatif, vous le récuseriez ! Si un rapport est demandé, il peut comporter un certain nombre de critiques, c'est le propre des rapports.

Je réponds en lieu et place de Mme Trautmann, qui est en déplacement hors de Paris.

A la suite de la remise du rapport de M. Albert Poirot,...

M. Pierre Lellouche.

Ah bon ! Ce n'est pas Hercule ! (Sourires.)

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... inspecteur général des bibliothèques, rapport demandé par Mme Trautmann et établi sur la base des propositions de plusieurs groupes de travail constitués à l'issue des conflits d'octobre et n ovembre derniers à la Bibliothèque nationale de France, - Mme la ministre de la culture a fait part à M. Angremy, président de la BNF, de ses attentes et de ses priorités. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Elle souhaite notamment que lui soit proposée une p rogrammation des travaux sur le site FrançoisMitterrand-Tolbiac pour la période 1999-2000 en vue d'améliorer les conditions de travail.

Elle souhaite également que soit mise en oeuvre une nouvelle dynamique de la politique du personnel, notamment en termes de formation et d'information interne, et que soient recherchés les moyens permettant d'améliorer les conditions d'accueil du public et de la communication des documents aux chercheurs.

Mme Trautmann souhaite enfin disposer d'ici le début du mois de juin des résultats de la réflexion menée par l'établissement avec les services du ministère de la culture sur les horaires d'ouverture au public. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

APPLICATION DE LA LOI PLM À PARIS

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le ministre de l'intérieur, je m'adresse à vous avec beaucoup de gravité.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A plusieurs reprises, vous avez rappelé votre détermination à ce que les lois de la République soient appliquées sur l'ensemble du territoire, et je m'en félicite.

Toutefois, monsieur le ministre, existe-t-il à ce saint principe une exception parisienne ? L'Hôtel de ville serait-il une zone de non droit ? (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - « Oui, oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Serait-il un Etat dans l'Etat ? Je m'interroge.

Depuis 1983, en effet, la municipalité parisienne a fait le choix de ne pas appliquer autrement que partiellement la loi dite «

PLM »,...

M. Jean Tiberi.

C'est faux ! Vous mentez ! Vous dites n'importe quoi !

M. Georges Sarre.

... majorités concordantes entre l'Hôtel de ville de Paris et mairies d'arrondissement obligent.

Depuis 1995, la voix des arrondissements de gauche, mais pas seulement, s'est fait entendre notamment pour demander le transfert des équipements de quartiers, conformément aux textes en vigueur, ni plus ni moins.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

Parfait !

M. Jean Tiberi.

On vous l'a proposée, mais vous avez refusé !

M. Georges Sarre.

Selon les termes de la loi, après consultation du président du tribunal administratif, le préfet de Paris a tranché et a pris des arrêtés le 9 octobre 1998 pour transférer aux arrondissements la gestion de certains équipements, restée centralisée.

M. Jean Tiberi.

Vous mentez !

M. Georges Sarre.

Or, à ce jour, la municipalité parisienne fait la sourde oreille. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Bruit.)

Aussi, monsieur le ministre, et parce qu'il est temps de mettre fin à ce dysfonctionnement, à cette anomalie...

M. Jean-Louis Debré.

Parlez-nous plutôt de la MNEF !

M. Georges Sarre.

... qui permet à la plus importante commune de France de s'affranchir des lois en vigueur,...

M. Jean Tiberi.

N'importe quoi !

M. Georges Sarre.

... qu'entendez-vous faire ? Quelles instructions allez-vous donner au préfet de Paris pour que le maire de la capitale soit conduit à appliquer la loi sans délai ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste. - M. Jean-Claude Lefort applaudit également. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Tiberi.

Mensonge !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur Sarre, comme vous venez de le rappeler, le désaccord existant depuis 1995 entre six arrondissements


page précédente page 02531page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

de Paris et la municipalité, relativement à la gestion d'un certain nombre d'équipements de proximité, a été tranché en application de l'article 2511-18 du code des collectivités territoriales par arrêtés du préfet de Paris en date du 9 octobre 1998.

Ces arrêtés pris, comme la loi l'impose, après avis du président du tribunal administratif de Paris, confient au conseil d'arrondissement la gestion des centres d'animation et des équipements sportifs de proximité. Ils maintiennent aussi dans le domaine de compétence de la mairie centrale les grands équipements situés à la périphérie et utilisés par les sportifs originaires de tout Paris.

M. Jean Tiberi.

C'est ce que nous avions proposé !

M. le ministre de l'intérieur.

La ville de Paris avait semblé, dans un premier temps, et il paraît que M. Tiberi s'en tienne à cette position...

M. Jean Tiberi.

Laquelle ?

M. le ministre de l'intérieur.

... mais j'aimerais savoir en définitive ce qu'il en est... (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La ville de Paris, disais-je, avait semblé accepter cet arbitrage. Mais elle a finalement annoncé en janvier vouloir former un recours contre les arrêtés - c'est ce qu'on me dit -,...

M. Jean Tiberi.

Oui !

M. le ministre de l'intérieur.

... estimant que le transfert aux arrondissements de la gestion des centres d'animation entraînerait des difficultés en matière de délégation de service public, les mairies d'arrondissement étant dépourvues d'une telle capacité, ces centres étant en effet actuellement gérés par des associations au terme d'une délégation de service public.

Le maire de Paris estimerait que la méthode ne pourrait être retenue par une mairie d'arrondissement. Telle n'est pas, je dois le dire, l'analyse juridique des services de l'Etat.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) En tout état de cause, le recours de la ville de Paris, je voudrais le souligner, n'est pas suspensif.

Le représentant de l'Etat lui a donc rappelé qu'il lui appartenait, d'une part, d'appliquer les arrêtés, par une délibération du conseil de Paris, afin de compléter l'inventaire des équipements dont les conseils d'arrondissement ont la charge et, d'autre part, de prendre les mesures requises pour mettre à la disposition des conseils d'arrondissement concernés les moyens en personnel nécessaires à la gestion des équipements transférés. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) De plus, le budget supplémentaire de la ville de Paris devra prévoir l'abondement des états spéciaux, dans lesquels, aux termes de l'article 2511-37 du code des collectivités territoriales, sont détaillées les dépenses et les recettes de fonctionnement de chaque conseil d'arrondissement.

Mesdames et messieurs les députés, ce que je vous dis reflète l'état du droit. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Tiberi.

Cette réponse est indigne du Gouvernement !

M. le ministre de l'intérieur.

Les mesures déjà prises par le représentant de l'Etat sont celles que je viens de dire. Le représentant de l'Etat est prêt à utiliser toutes les voies de droit, tant auprès de la juridiction administrative que de la chambre régionale des comptes, si les mesures déjà prises s'avéraient insuffisantes... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous trouve bien bruyants, messieurs les députés.

(Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

Je me tourne vers M. le maire de Paris... (Protestations sur les mêmes bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Bruit.)

M. le président.

Concluez, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Je suis persuadé que l'attitude de la ville de Paris, si elle se maintenait, ne pourrait que relancer des débats qui paraissaient tranchés.

Je ne doute donc pas que la ville de Paris sera soucieuse d'une bonne application de la loi. Vous voudrez bien en conséquence vous rapprocher et faire en sorte que le conseil de Paris puisse prochainement délibérer des mesures nécessaires à l'application des arrêtés en cause.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Ridicule !

M. le président.

La question de M. Saumade sera posée ultérieurement, s'il nous reste du temps.

Nous en venons aux questions groupe socialiste.

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. le président.

La parole est à M. Daniel Boisserie.

M. Daniel Boisserie.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture.

Monsieur le ministre, vous avez refusé à juste titre de donner votre aval à l'accord sur la PAC. Vous l'avez qualifié de « bilan d'étape souvent ambigu », et souligné que les questions sans réponses sont renvoyées au sommet européen de Berlin. Ce prétendu « accord », entre guillemets, aboutit à un dépassement d'environ 6,5 milliards d'euros. Ce résultat est en complète contradiction avec les intentions affichées par le ministre de l'agriculture allemand quant à une réduction du budget agricole européen.

Ce texte souffre en fait de graves lacunes. Il n'a pas retenu les propositions françaises quant à la dégressivité des aides directes et à leur plafonnement par exploitation.

Vous avez en outre manifesté le souci, monsieur le ministre, d'affecter au développement rural une partie des fonds économisés. L'accord sur la PAC constitue une mise en cause des contrats territoriaux d'exploitation en ne permettant pas le rééquilibrage nécessaire au développement rural.

Pensez-vous défendre à nouveau ces objectifs de plafonnement et de dégressivité des aides, indispensables à la survie des exploitations en zones défavorisées ?


page précédente page 02532page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Les inquiétudes des éleveurs du bassin allaitant du grand Massif central portent également sur la prime à la vache allaitante. L'Europe est censée financer la prime additionnelle nationale de 50 euros par vache allaitante.

Deux questions se posent alors : cette prime sera-t-elle effectivement financée par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole ? Ne pourrait-ont pas rééquilibrer les aides en direction des zones défavorisées par l'attribution de 30 euros supplémentaires par vache allaitante au titre de l'enveloppe nationale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je voudrais faire le point sur le texte qui a été arrêté par la présidence allemande jeudi matin, à l'aube, à propos de la politique agricole commune. A ce texte, la France, par ma voix, n'a pas donné son accord, je le confirme devant vous, et elle a émis beaucoup de réserves.

Le ministre allemand lui-même, M. Funke, a reconnu, lors d'une conférence de presse, que la France s'était opposée à cet accord. Je pense donc que les choses sont suffisamment claires.

Par rapport au premier paquet qui avait été proposé il y a quinze jours ou trois semaines, ce texte comporte toutefois traduit un certain nombre d'avancées. J'en citerai trois.

Sur la viande bovine, la réduction des prix proposée est beaucoup moindre qu'au départ. En France, la profession agricole souhaitait 15 %, la Commission européenne proposait 30 %. Là, il s'agit de 20 %, ce qui est beaucoup mieux. Surtout, des avancées considérables ont été réalisées concernant la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes. Ainsi, le paquet relatif à la viande bovine est beaucoup plus acceptable, même si le prix d'intervention fixé - nous en sommes tous d'accord - est encore beaucoup trop bas et mériterait d'être relevé.

Quant à l'organisation commune du marché du vin, l'ensemble des revendications françaises a été prise en compte. La réforme de l'OCM est ainsi très acceptable. Il en est de même quant au règlement horizontal.

Il reste que nous avons contesté la réforme laitière. Elle est, à la demande de la France, remise à une date qui soit le plus éloigné possible. C'est une réforme inutile et coûteuse pour les finances européennes.

De la même façon, nous avons contesté la réforme des céréales, avec la baisse excessive des prix de 20 %.

Au total, ce paquet, malgré quelques avancées, pèche encore par des très grosses insuffisances et d'abord par l'absence de prise en compte de la spécificité des oléoprotéagineux, qui était demandée par la France et plusieurs autres pays d'Europe. Je pense notamment à des cultures que je qualifierai de « propres » sur le plan environnemental et qui sont une spécificité permettant de faire face au déficit européen en matière protéique.

Il reste que ce paquet est coûteux : selon le dernier chiffre fourni par la Commission, le dépassement atteint 6,9 milliards par rapport au niveau de maîtrise de la dépense qui avait été exigé non pas seulement par le ministre allemand, mais aussi par les chefs d'Etat et de gouvernement à Petersberg. Cette dépense agricole file d'une manière qui est, de notre point de vue, déraisonnable.

Le troisème défaut de la PAC qui est proposée par la présidence allemande est qu'elle n'est pas du tout ou insuffisamment réorientée vers le développement rural.

Or il me semble que l'opinion européenne dans son ensemble attendait un signe politique annonçant que les aides agricoles européennes seraient réorientées.

Voilà les raisons pour lesquelles j'ai émis des réserves et je me suis opposé jusqu'à la fin à ce texte. J'espère que le chef de l'Etat français et le Premier ministre pourront, à l'occasion du sommet de Berlin, comme ils l'ont dit publiquement, profiter de la discussion sur l'ensemble du financement de l'Agenda 2000, c'est-à-dire de l'Europe, pour faire progresser ce paquet agricole, qui n'est pas un accord et qui ne pourra le devenir que dans le cadre d'un accord global. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

LIBERTÉ RELIGIEUSE ET SECTES

M. le président.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, le 22 mars prochain, à Vienne, se tiendra, dans le cadre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, une session consacrée à la liberté religieuse.

Autant le thème choisi peut légitimement retenir l'attention en raison de son étroite relation avec les principes des droits de l'homme, autant le nom et la composition de certaines délégations sont très inquiétants : il s'agit de scientologues, de témoins de Jéhovah et de membres de la Légion du Christ. (Murmures sur plusieurs bancs.)

C ette situation particulièrement préoccupante me conduit, monsieur le ministre, à formuler deux questions : quelles sont les modalités de préparation d'une telle session au sein de l'OSCE, et qui en assure la responsabilité directe ? Comment la France, qui se donne les moyens de lutter, à l'intérieur de ses frontières, contre ces mouvements dangereux, entend-elle étendre son action au niveau international pour combattre ces sectes multinationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Madame la députée, je vous confirme que la France participera au séminaire organisé à Vienne par l'Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe sur la liberté de religion.

La délégation française comprendra des fonctionnaires de mon ministère ainsi que des représentants de la mission interministérielle de lutte contre les sectes.

Sur le sujet, il n'y a aucune divergence possible. La France est très vigilante sur le risque de voir accorder à des sectes un statut d'organisation non gouvernementale à la faveur de la confusion qui pourrait entourer l'organisation de telle ou telle rencontre et, a fortiori , un statut d'église. Nous avons eu à plusieurs reprises l'occasion d'exprimer cette préoccupation vis-à-vis de certains de nos partenaires, notamment dans le cadre de l'OSCE, mais aussi dans celui d'autres organisations. Certains partenaires sont tentés par une telle reconnaissance au nom d'une interprétation extensive, et confuse selon nous, de la liberté religieuse. Or il s'agit de choses bien différentes.


page précédente page 02533page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Notre délégation au séminaire de Vienne aura pour instruction de veiller particulièrement à prévenir de telles dérives. Elle appellera au renforcement de la lutte et de la coopération internationale contre les sectes.

Notre position sera sans aucune ambiguïté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

VALORISATION DE L'ARTISANAT

M. le président.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Madame la secrétaire d'Etat, hier, lors d'une conférence de presse, vous avez donné le départ d'une vaste campagne de valorisation de l'artisanat français, qui c onstitue en termes de métiers, d'établissements et d'emplois - il faut le rappeler - la première entreprise de France. L'importance et les performances du secteur artisanal sont malheureusement assez mal connues du grand public.

Dans mon département, plus de 800 emplois ont été créés les quatre dernières années, ce qui fait de l'artisanat la plus grosse entreprise du département.

L'importance économique de l'artisanat ne doit pas nous faire oublier le rôle social que jouent les artisans dans notre société en véhiculant des valeurs de qualité et de savoir-faire, en contribuant au renforcement du lien social dans nos communes ainsi qu'au maintien d'une forte identité des territoires.

Pour souligner cette place et ce rôle des artisans, le Gouvernement a créé, en novembre 1997, le Fonds national de promotion et de communication pour l'artisanat en lui donnant notamment la mission d'organiser et de financer des actions de promotion. La campagne qui commence cette semaine est une première en France, et elle sera suivie de beaucoup d'autres. Cette campagne de promotion, à laquelle l'Etat participe largement, s'inscrit dans une action beaucoup plus globale du Gouvernement en faveur de l'artisanat. Ainsi, le programme « initiatives pour l'entreprise artisanale », que vous avez présenté au mois de décembre dernier, est un exemple de la politique innovante qui est conduite pour soutenir et amplifier le développement de ce secteur.

Madame la secrétaire d'Etat, dans le cadre de quelles grandes orientations et par quelles mesures d'accompagnement de cette politique de promotion, le Gouvernement entend-il contribuer à cet essor ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Monsieur Vergnier, si je devais répondre très complètement à votre question, cela prendrait beaucoup de temps.

Je rappellerai cependant que le fonds de promotion créé par le décret de novembre 1997 est alimenté par une cotisation prélevée sur les artisans eux-mêmes. Si j'exerce la tutelle sur ce fonds, nous avons laissé une grande liberté de choix aux artisans concernant la campagne de communication. J'espère, mesdames, messieurs les députés, que vous aurez les uns et les autres le loisir de voir au moins l'un des spots télévisuels qui seront diffusés sur toutes les chaînes de télévision dans les deux semaines qui viennent.

Cette promotion est particulièrement importante au moment où la relance par la consommation, s'appuyant sur la grande force du marché intérieur, conduit aujourd'hui les artisans de France à affronter non seulement un problème de croissance, ce qui est une excellente chose, mais aussi à faire face à une pénurie de main-d'oeuvre, problème délicat à régler.

Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures, dont une aide spécifique, via l'Union professionnelle artisanale, l'organisation représentative des artisans, à la mise en place des 35 heures. Grâce à cette aide spécifique, de nombreux problèmes ont déjà été réglé s. C ette aide a permis l'installation de groupements d'employeurs dans cinq régions de France, et j'espère qu'elle aura d'autres effets.

Nous allons également faire en sorte que tous les CFA soient reliés à l'Internet avant le mois de juillet 1999. Les jeunes d'aujourd'hui ne veulent plus entrer dans des formations qui leur paraissent obsolètes. Nous avons donc introduit les nouvelles technologies, la communication et la gestion.

De la même manière, pour l'ensemble des entreprises artisanales françaises, nous avons ouvert, au sein du Centre français du commerce extérieur, un bureau spécifique pour les artisans. Avec l'aide de Mme Aubry, nous avons aussi pu relancer le CIFA, le contrat d'installation et de formation artisanale, qui permet à l'artisan qui va partir d'avoir à ses côtés le futur repreneur, qui peut bénéficier d'une formation grâce aux crédits qui ont été dégagés.

Nous avons également, et c'est peut-être le plus important aujourd'hui, permis aux entreprises artisanales, non seulement de continuer à bénéficier de leurs prêts bonifiés mais aussi d'avoir, à l'instar des grands entreprises françaises, un fonds de garantie qui leur permette soit de créer, soit de se développer ou de transmettre dans de bonnes conditions.

L'artisanat français a ainsi décidé de passer d'une image de beau savoir-faire légèrement teinté d'archaïsme à une image de très beau savoir-faire avec une forte touche de modernité. C'est cela que les artisans français veulent.

C'est cela qu'ils vont réussir, d'autant qu'ils ont l'intention d'augmenter leur part dans le commerce extérieur français, actuellement de 10 %. Le secteur de l'artisanat est caractérisé par des chiffres extrêmement importants : 865 milliards de chiffre d'affaires, ce qui est énorme, 830 000 entreprises, 1,5 million de salariés, etc. L'artisanat représente un quart du produit intérieur brut réalisé par l'ensemble des PME qui, je vous le rappelle, en font 40 %, ce que les citoyens français ignorent trop souvent.

Merci, monsieur le député, de cette question.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.) ACCIDENTS DU TRAVAIL

M. le président.

La parole est à Mme Monique Collange.

Mme Monique Collange.

Ma question s'adresse à

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les statistiques publiées dernièrement par la Caisse nationale d'assurance maladie font apparaître une recrudescence des accidents du travail : 672 000 accidents ayant entraîné un arrêt de travail ont été enregistrés en 1997, contre 658 000 l'année précédente, soit une hausse


page précédente page 02534page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

de 2,4 %. Cette progression est d'autant plus inquiétante qu'elle intervient après cinq années de baisse du nombre d'accidents. Les données actuellement disponibles confirment qu'elle s'est poursuivie en 1998. Le travail p récaire a véritablement explosé ces deux dernières années.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est normal !

Mme Monique Collange.

Or, nous le savons bien, les travailleurs précaires sont deux fois plus exposés à des risques d'accident que les autres salariés et une partie importante d'entre eux travaille dans des secteurs à haut risque tels que le bâtiment ou les travaux publics. Dans ce contexte, les pouvoirs publics doivent redoubler de vigilance et ne pas baisser la garde. Nous ne devons pas accepter que, comme par le passé, une reprise de la croissance se traduise de manière mécanique par un plus grand nombre de victimes d'accidents du travail. Dans ce domaine, il n'y a pas de fatalité.

Quelles dispositions comptez-vous prendre, madame la ministre, pour faire face à cette situation ? Quels sont les objectifs du Gouvernement en termes de prévention des risques professionnels et quels seront les moyens mis au service de ces objectifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, tout comme vous, je m'inquiète de cette augmentation des accidents du travail que l'on constate malheureusement chaque fois que la croissance revient. En 1997, pour ne prendre que cet exemple, il y a en effet eu cinquante morts de plus qu'en 1996 à cause de mauvaises conditions de travail.

Inutile de dire que la priorité du ministère de l'emploi est de faire en sorte que l'on puisse travailler en toute sécurité dans les entreprises. Nous ne ménageons pas nos efforts dans ce sens - je pense en particulier à l'amiante.

La France est aujourd'hui l'un des pays dont la réglementation en la matière est la plus avancée et elle tire derrière elle l'Europe. Mais nous devons aller plus loin, être en permanence vigilants et contrôler les conditions de travail dans l'entreprise. Pour ce faire, il y a encore quelques jours j'ai envoyé une circulaire aux inspecteurs du travail afin d'établir cette année des priorités dans les contrôles pour avancer dans la connaissance des risques et faire bouger la réglementation. Cette annéee, nous travaillerons sur les machines dangereuses, les agents cancérigènes et sur trois thèmes prioritaires : le désamiantage pour la deuxième année consécutive ; la radioprotection dans les installations nucléaires - la récente irradiation d'un agent EDF au Tricastin nous montre que nous ne sommes malheureusement pas encore au mieux en la matière - et le travail du bois.

Enfin, il faut, et j'espère que l'Assemblée sera d'accord pour le faire, reconnaître le rôle majeur joué sur le terrain par les inspecteurs et contrôleurs du travail. L'année dernière, 1 300 chantiers de désamiantage ont été contrôlés et 107 ont été arrêtés car ils comportaient des risques pour les salariés. Ainsi 7 000 salariés ont-ils été soustraits à une situation dangereuse sur les chantiers. Depuis mon arrivée en juin 1997, j'ai donc souhaité, confortée en cela par les priorités du Gouvernement, renforcer les moyens humains de l'inspection du travail qui oeuvre quotidiennement pour que l'on ne meure plus au travail ou que l'on ne soit pas brisé par le travail dans notre pays.

Trente-cinq inspecteurs du travail et plus de 300 contrôleurs du travail supplémentaires c'est sans doute insuffisant par rapport au nombre d'entreprises, mais nous devrons poursuivre en ce sens dans les prochains budgets.

J'en profite pour saluer le travail réalisé tous les jours par ce corps d'inspection, souvent dans des conditionsdifficiles, et qui permet non seulement d'éviter des accidents, mais aussi - on ne le sait pas suffisamment d'améliorer la réglementation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

SÛRETÉ NUCLÉAIRE

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

L'accident nucléaire de la centrale de Tchernobyl, en 1986, a révélé à l'Europe et au monde l'importance des questions de sûreté posées par le parc des réacteurs nucléaires de conception soviétique. Selon l'Agenda 2000, sur les vingt-huit réacteurs nucléaires d'Europe centrale et orientale, huit réacteurs de conception soviétique doivent être fermés rapidement : quatre en Bulgarie, deux en Slovaquie et deux en Lituanie. Vu la situation économique difficile des pays d'Europe centrale, une aide internationale a été mobilisée afin de leur permettre d'amener leur parc de réacteurs nucléaires à un niveau de sûreté c omparable à celui des centrales occidentales. La Commission européenne...

M. Robert Pandraud.

Il n'y en a plus !

M. Emile Blessig.

... a en charge la coordination de ce programme international. Malgré l'affectation de sommes importantes - 5,2 milliards de francs depuis 1990 pour la seule Union européenne -, le rapport du 12 novembre 1998 de la Cour des comptes européenne est extrêmement sévère quant à l'action de la Commission : manque de transparence, manque de cohérence et de réalisme de la stratégie européenne, non-consommation des crédits alloués - il reste 1,9 milliard de crédits disponibles, soit 36 %. D'où deux conséquences majeures et préoccupantes : le peu de mobilisation des crédits pour le démantèlement et le déclassement des réacteurs nucléaires non modernisables, l'insuffisance, voire l'absence, de prise en compte du traitement des déchets nucléaires.

Monsieur le ministre, plutôt que d'alarmer nos concitoyens avec de prétendus dangers des centrales nucléaires occidentales, n'est-il pas grand temps de se préoccuper du risque majeur que représentent les installations nucléaires d'Europe de l'Est à quelques centaines de kilomètres de notre pays ? Sachant que la solution ne peut relever de la seule volonté de la France, quelle action le Gouvernement entend-il engager au sein du Conseil des ministres européens en vue de mettre en oeuvre une réelle politique européenne de sûreté nucléaire dans les pays de l'Est ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, je vous réponds en liaison avec mes collègues Dominique Voynet et Pierre Moscovici sur cette question de sûreté nucléaire.


page précédente page 02535page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

En effet, un rapport spécial de la Cour des comptes européennes a récemment donné lieu à une série de réponses très précises de la part de la Commission. Plusieurs dysfonctionnements ont été relevés. Tout d'abord, je le précise, le comité des sages a indiqué qu'il n'y avait pas de responsabilité personnelle des commissaires dans ces dysfonctionnements. Des problèmes de gestion assez graves ont été mis en évidence : absence de personnel spécialement affecté à cette tâche, passation des marchés avec un appel insuffisant à la concurrence et tentation permanente de privilégier les sociétés occidentales au détriment d'entreprises locales.

Deux points doivent être fermement rappelés. D'abord, la sûreté nucléaire doit prévaloir sur toute autre considération, notamment économique ou sociale.

Ensuite, la France tient à rappeler que la sûreté nucléaire relève de la compétence des Etats membres et que la Commission n'est responsable qu'en matière de radio-protection.

M. Richard Cazenave.

Vous nous rassurez !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pour conclure, je vous indique que nous participons à un programme européen extrêmement important destiné à conforter la sécurité et la sûreté des installations militaires dans les pays de l'Est, notamment pour les réacteurs RMBK et VVER. Des améliorations de court terme ont été obtenues dès 1993. Un fonds mis en place par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement a d'ores et déjà permis à quinze contributeurs de participer à un important programme d'assistance qui concerne six tranches nucléaires dans les différents pays que vous avez cités, monsieur Blessig.

Enfin, la création récente, en février dernier d'une association des autorités de sûreté nucléaire européennes...

M. Robert Pandraud.

Oh là là !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... permet d'envisager sous les meilleurs auspices une coopération en matière de sûreté dans laquelle la France tient un rôle extrêmement important, voire prépondérant, ce dont nous nous félicitons.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave.

C'est édifiant !

M. Robert Pandraud.

Nous sommes sauvés !

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe communiste.

POLITIQUE DE L'EMPLOI DU GROUPE ALCATEL

M. le président.

La parole est à M. Patrick Malavieille.

M. Patrick Malavieille.

Le groupe Alcatel vient d'annoncer ses résultats pour 1998. Le bénéfice net a été multiplié par trois, passant de 4,7 milliards en 1997 à 15,3 milliards en 1998, et le résultat opérationnel a progressé de 10,8 %. Pourtant, son PDG prévoit la suppression de 12 000 emplois, soit 10 % de ses effectifs, dans les deux années qui viennent. Ces suppressions d'emplois permettraient, dit-il, de dégager rapidement 2 milliards de francs, de quoi doper d'autant les résultats et séduire encore davantage les actionnaires.

Dès l'annonce de ces chiffres, les actions en bourse ont augmenté de façon spectaculaire : plus 5,19 %. Le conseil d'administration d'Alcatel veut proposer, le 10 juin prochain, une augmentation de 14 % des dividendes pour les actionnaires. Une fois encore, les milliards de bénéfices devraient servir les actionnaires au détriment des salariés, de l'emploi et des territoires. C'est inacceptable ! Cette logique est désastreuse, tant sur le plan économique que sur le plan social. Le groupe Alcatel a supprimé 30 000 emplois depuis 1995, notamment aux Salles-du-Gardon, dans le Gard, où les licenciés peinent aujourd'hui à trouver un emploi. En 1998, le plan social a supprimé 1 511 emplois dans la branche française CIT.

Hier, la fermeture de l'usine de Nanterre a été annoncée et on a appris les menaces qui pèsent sur l'usine de Reims.

Selon nous, les bénéfices devraient servir l'emploi et non la spéculation. L'Etat français étant le principal client d'Alcatel, que pouvez-vous faire, monsieur le secrétaire d'Etat, pour infléchir ces choix suicidaires pour l'économie du pays ?

M. Maurice Leroy.

Rien !

M. Patrick Malavieille.

Que penser de l'attitude des groupes qui, avec de tels plans de licenciements, sapent, semaine après semaine, et les efforts du Gouvernement en matière d'emploi et le moral des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, les préoccupations en matière d'emploi que vous exprimez sont justes et elles doivent être prises en compte dans l'évolution de tous les grands groupes internationaux, en particulier le groupe Alcatel.

L'industrie des communications, comme vous le savez, connaît de véritables bouleversements au niveau mondial et un mouvement général de restructuration et de concentration. Alcatel n'est pas épargné par ce mouvement mondial qui résulte à la fois de l'évolution fulgurante des nouvelles technologies liées aux télécommunications et, ce qui est plus récent, d'une intensification de la concurrence qui rend les marchés beaucoup plus difficiles à conquérir et à conserver.

Le groupe a bien annoncé un bénéfice net de 15 milliards de francs et un résultat opérationnel, qui est plus significatif de la réalité de son exploitation industrielle, de 6,6 milliards de francs pour un chiffre d'affaires de près de 140 milliards de francs. L'essentiel de ces bénéfices doit en effet être consacré au financement de l'effort d'investissement, de recherche et de développement du groupe - c'est l'opinion du Gouvernement -, effort qui nécessite des budgets toujours plus importants. Parmi les 1 2 000 suppressions d'emplois que vous évoquez, 5 000 s'inscrivent dans des plans sociaux déjà annoncés et déjà engagés.

S'agissant des activités du groupe en France, les restructurations des filiales françaises ont déjà été largement réalisées ces dernières années - hélas ! peut-on dire - et la France sera, je l'espère avec vous, peu concernée par les nouvelles suppressions d'emplois qui ont été annoncées.

La direction d'Alcatel m'a indiqué que certaines étaient prévues en France mais qu'elles correspondaient en grande partie à des externalisations d'activité. Ainsi, l'établissement Alcatel de Nanterre n'est pas menacé de fermeture.

M. Maxime Gremetz.

Ah bon !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous sommes très attentifs aux perspectives qui sont celles du groupe. Monsieur Malavieille, vous avez mis le doigt sur un point


page précédente page 02536page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

extrêmement important. Nous allons mobiliser toute notre force de persuasion pour amener le groupe à une attitude positive en matière d'emplois, de recherche, de développement et d'investissement.

M. Richard Cazenave.

Cela va sans doute l'impressionner !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Nous y avons déjà veillé à Lannion. Cela doit être fait en liaison permanente avec les élus et je me propose d'examiner avec vous les conditions d'évolution du groupe, sur lesquelles, encore une fois, nous allons grouper nos énergies dans le sens de l'emploi, de l'investissement, de la recherche et du développement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert, avec une dernière question, posée par

M. Saumade.

OCM VIN

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade.

M. Gérard Saumade.

Ma question, à laquelle s'associent Bernard Nayral et les députés languedociens de la majorité plurielle, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

A la veille de la manifestation qui doit se dérouler à Montpellier le 19 mars et qui réunira, pour la première fois, l'ensemble des producteurs de la viticulture française, je souhaite vous interroger sur la réforme de l'OCM Vin et, en particulier, sur la proposition de la Commission européenne qui vise à permettre la vinification dans l'Union de raisins et de moûts importés de pays tiers ainsi que le coupage de vins de différentes origines sur la base de dérogations approuvées par le Conseil.

Au-delà des réactions que suscite une telle proposition, il convient de souligner son incompatibilité totale avec la politique fondée sur la reconnaissance des terroirs mise en oeuvre depuis des années pour encourager la production de vins de qualité. La mise en place d'un étiquetage spécifique pour ces produits de substitution ne changera rien si l'on permet la libre entrée de la matière première. La proposition de la Commission européenne conduirait à une véritable régression défavorable non seulement aux vignerons, mais aussi aux consommateurs et à l'économie nationale.

En Languedoc, et particulièrement dans le département de l'Hérault, les vignerons ont réalisé en quelque vingt ans une véritable révolution oenologique, économique et culturelle grâce à laquelle la viticulture du midi, naguère vouée aux excédents chroniques d'un produit médiocre, constitue maintenant un élément dynamique de l'économie nationale développant en particulier l'exportation croissante des produits de qualité. Cela représente, sur l'ensemble national, 35 milliards d'équilibre de la balance des comptes.

La proposition de la Commission européenne, accompagnée d'une amputation budgétaire sur la restructuration du vignoble, porterait un coup très dur à cette formidable transformation. C'est pourquoi nous souhaitons vous voir adopter une position de fermeté et de rejet de ces propositions. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si telle est bien votre intention et quelle sera la position de la France sur l'OCM Vin lors de la grande réunion au sommet de Berlin des 24 et 25 mars ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, j'ai expliqué tout à l'heure dans quelles conditions se présentait la négociation ultérieure sur le paquet agricole et j'ai cité les domaines dans lesquels des progrès sensibles devaient être accomplis. En voilà un auquel je souhaiterais que l'on ne touche plus trop, car je considère que les progrès que nous avons réalisés dans la négociation sont très satisfaisants. Je veux le dire devant cette assemblée parce que la représentation nationale, en particulier la délégation pour l'Union européenne, a très bien travaillé avec le rapport remarquable et remarqué de M. Alain Barrau (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui nous a beaucoup aidé dans ces négociations.

La réforme proposée aujourd'hui de l'organisation commune de marché du viti-vinicole se résume à quelques grands points qui sont autant d'avancées pour la France.

Premièrement, les outils actuels de régulation des marchés sont préservés alors qu'ils étaient mis en cause.

Deuxièmement, nous avons obtenu que la vinification des moûts issus de pays tiers reste interdite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Troisièmement, les possibilités d'extension du vignoble français porteront très précisément sur 13 565 hectares pour les trois campagnes à venir, à comparer aux 2 984 hectares, sur deux campagnes, obtenus lors de la dernière négociation. Avec la réserve communautaire qui, elle, porte sur 17 000 hectares, la France est donc assurée d'obtenir au moins 2 % de droits nouveaux de plantation, ce qui est l'objectif qu'elle s'est fixé.

Quatrièmement, un régime souple de reconversion du v ignoble sera mis en place permettant de primer 14 000 hectares par an dans une limite de 35 000 francs l'hectare, alors que nous ne pouvons actuellement reconvertir que 9 000 hectares par an dans une limite de 30 000 francs l'hectare. Vous voyez le progrès ! Cinquièmement, l'organisation interprofessionnelle de la filière viti-vinicole française est reconnue juridiquement par l'Union européenne.

Sixièmement, cette organisation commune de marché bénéficiera de 1,3 milliard d'euros dans la période alors que, sur la proposition de la Commission, on en était resté à 800 millions d'euros. Je considère donc que ces progrès sont très satisfaisants.

M. Pascal Terrasse.

Excellents !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Voilà un point, monsieur le député, auquel je souhaite qu'on ne touche lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.


page précédente page 02537page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

2 ÉPARGNE ET SÉCURITÉ FINANCIÈRE Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financiè re (nos 1244, 1420).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, nous en arrivons au vote, après examen en première lecture à l'Assemblée nationale, du texte portant réforme des caisses d'épargne et amélioration de la sécurité financière des épargnants. Je voudrais, à cette occasion, rappeler le contexte et la façon dont s'est déroulé ce débat.

Depuis vingt et un mois, le Gouvernement s'est efforcé de mettre le secteur financier au service de l'emploi et de la croissance. Il a agi dans deux directions.

Première direction : renforcer le secteur financier, notamment en définissant, sans tomber dans le dogmatisme, des stratégies plus claires pour les entreprises en les conservant dans le secteur public lorsque c'était possible - c'est le cas de la Caisse nationale de prévoyance et en remplissant nos obligations internationales, lorsqu'il fallait les mettre sur le marché - c'est le cas du CIC.

La plupart des dossiers, qui étaient pendants lorsque la majorité est arrivée au pouvoir, sont aujourd'hui réglés. Il en reste quelques-uns, parmi lesquels celui du Crédit lyonnais, qui est compliqué et qui remonte à loin ; des engagements internationaux ont été pris, que nous devons satisfaire. Reste également celui du Crédit foncier ; j'ai bon espoir que nous trouvions rapidement une solution dans le cadre du pôle public que nous voulons créer.

Seconde direction : la protection des épargnants, au profit desquels plusieurs actions ont été successivement menées : réforme des taux réglementés, réaménagement des PAP à annuités progressives, reconnaissance d'un droit au compte dans la loi contre l'exclusion, nouvelles modalités en matière de lutte contre le surendettement, etc.

Ce projet de loi s'inscrit dans ce double mouvement : la réforme des caisses d'épargne renforce les caisses d'épargne ; la partie sur la sécurité financière protège les épargnants.

Il s'agit de donner aux caisses d'épargne les moyens de leur développement, de leur ambition et, pour cela, de les doter d'un statut autorisant les coopérations avec d'autres partenaires, soit le secteur coopératif mutualiste français, soit les caisses d'épargne d'Allemagne, d'Espagne ou d'ailleurs. A un moment où, nous le constatons dans le secteur privé, la finance internationale a tendance à se regrouper, ce réseau à caractère spécifique ne devait pas rester isolé. Il lui fallait donc un statut adapté.

Il s'agit également de rapprocher davantage encore les caisses d'épargne de leur mission, reconnue par toute l'Assemblée, de support de l'économie sociale et de soutien de l'intérêt général. Chacun connaissait bien cette vocation du réseau des caisses d'épargne, mais, depuis p rès de 200 ans, elle n'avait jamais été définie.

L'article 1er , qui a été réécrit par votre assemblée et profondément amélioré, définit clairement cette mission de soutien de l'économie sociale au service de l'intérêt général.

En résumé, il est évident que le réseau des caisses d'épargne sortira renforcé de la réforme qui sera mise en oeuvre.

La seconde partie de la loi, qui touche à la sécurité financière, vise à protéger les épargnants. Certaines mesures, qui ont pu paraître techniques, sont extrêmement importantes dans la vie quotidienne des Français, puisqu'elles visent à protéger leur dépôt et leur épargne.

Sans mettre le déposant et l'épargnant à l'abri de tous les risques - qui existent dans une banque ou dans une compagnie d'assurance -, elles leur garantissent sans délai, sans complication et sans formalité des remboursements, au moins dans la limite de 400 000 francs, ce qui couvre très largement l'épargne populaire.

Je tiens très sincèrement à saluer l'ensemble de ceux qui ont participé à ce débat, qui fut d'une grande qualité.

Si j'en crois les échos que j'en ai eus, vous avez eu le même sentiment.

Cela tient très largement au très bon travail des deux rapporteurs - M. Raymond Douyère pour la première partie, M. Dominique Baert pour la seconde - que je tiens à saluer devant vous. Cela tient également au fait que le Gouvernement a accepté de nombreux amendements venant des trois groupes de sa majorité et certains venant de l'opposition. Ainsi le débat a-t-il pu se dérouler dans de bonnes conditions - chacun restant sur les positions qui sont les siennes, comme c'est bien normal. Au total, près de 70 % des amendements venant de la majorité ont été adoptés. Il n'est donc pas surprenant que ce texte ait connu de nombreuses améliorations. Je n'entends pas y revenir en détail. Je me contenterai de réprendre quelques points qui me paraissent particulièrement importants.

Premier point, que j'ai déjà évoqué : l'élargissement et la définition des missions d'intérêt général.

Deuxième point, qui ne fait que traduire cet intérêt général : les résultats des caisses d'épargne seront pour partie consacrés à ce que l'Assemblée a appelé un « dividende social », c'est-à-dire au financement d'activités locales ou sociales. Encore fallait-il que ce ne soit pas simplement une possibilité, comme le prévoyait initialement le projet de loi. C'est pourquoi l'Assemblée a voté un amendement, qu'elle avait elle-même proposé et qui fixe un seuil minimum d'affectation des résultats.

Troisième point : le fonctionnement démocratique du réseau a été renforcé. De nombreux amendements plus techniques ont été adoptés en ce sens. Je citerai celui déposé, à l'initiative du groupe communiste, tendant à créer un fonds de garantie sur les cautions obligatoires destiné à garantir les épargnants en cas de faillite d'une catégorie très particulière de constructeurs : les constructeurs de maisons individuelles. Des centaines de milliers de Français, qui n'étaient pas couverts en cas de défaillance de ces derniers le seront dorénavant.

La liste serait longue de ces amendements, même si des questions restent ouvertes, que nous pourrons sans doute aborder à l'occasion de la seconde lecture. Je citerai la possibilité de fournir des parts de coopérateur au plus grand nombre en fixant leur prix au plus bas possible, de sorte que tout déposant à la caisse d'épargne puisse devenir coopérateur quelles que soient ses ressources. Je citerai aussi la question relative au retrait de l'article 37 - ceux


page précédente page 02538page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

qui ont participé au débat s'en souviennent, qui avait suscité l'émoi dans la mutualité ; émoi fondé, car cet article était mal rédigé - émoi infondé car le Gouvernement n'avait pas l'intention de créer de difficulté. Nous avons pu tomber d'accord ensemble. De ce point de vue, là encore, le texte a été nettement amélioré.

En conclusion, monsieur le président, ce projet de loi sur les caisses d'épargne et sur la sécurité financière facilitera et contribuera à la création du pôle public sur lequel je me suis exprimé hier, que j'ai repris tout à l'heure d'un mot et que la majorité appelle de ses voeux. Il est prévu que celui-ci coopère avec la Caisse des dépôts et consignations. Mais il comprendra bien d'autres éléments : la Caisse nationale de prévoyance, dont j'ai dit tout à l'heure qu'elle était restée dans le secteur public; la BDPME, qui sert, comme son nom l'indique, à financer les PME ; et éventuellement, demain, le Crédit foncier - si cela peut aboutir, à la suite d'une procédure ouverte et non discriminatoire. Se constituerait ainsi un ensemble d'instruments au service des entreprises comme des particuliers et dont la vocation serait de « faire de la banque » autrement. Ce projet de loi constitue une étape décisive en ce sens.

Je remercie encore une fois tous les participants au débat. J'écouterai, bien entendu, les explications de vote avec le plus grand intérêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, de l'économie g énérale et du Plan, pour la réforme des caisses d'épargne.

M. Raymond Douyère, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la réforme des caisses d'épargne.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les caisses d'épargne, par leur importance sociale et financière, méritaient de faire l'objet d'une large concertation et d'un débat parlementaire nourri. De ce point de vue, la réforme que nous allons, je l'espère, adopter, aura été exemplaire.

D'abord, elle a été largement préparée en amont. Le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter à M. le Premier ministre et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été l'occasion de recenser les différentes solutions envisageables pour donner un statut aux caisses d'épargne.

Le choix du statut coopératif proposé dans le projet de loi sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer aujourd'hui répond parfaitement à la culture particulièrement riche des caisses d'épargne et à leur double nature, sociale et bancaire.

Ensuite, cette réforme est exemplaire parce que l'initiative du Parlement a été particulièrement respectée. A cet égard, d'une part, je rappellerai que la grande majorité des amendements proposés par notre commission des finances ont été retenus, et, d'autre part, je soulignerai que l'ensemble des modifications intervenues en cours de discussion ont résulté d'amendements déposés uniquement par des parlementaires.

Les débats ont permis à la fois d'enrichir et de simplifier le texte qui nous était présenté par le Gouvernement.

Dans le sens de l'enrichissement, il faut signaler les modifications positives introduites dans l'énumération des missions d'intérêt général confiées au réseau des caisses d'épargne. Ainsi, les notions de développement économique local et régional, de lutte contre l'exclusion bancaire et financière, ainsi que celles de protection de l'environnement et de développement durable du territoire ont été introduites dans le texte de l'article 1er

En ce qui concerne la répartition du résultat, autre élém ent de l'identité et de la spécificité des caisses d'épargne, tout en réaffirmant le principe coopératif de la rémunération des sociétaires, les travaux de notre assemblée ont permis de garantir l'affectation à des projets d'économie locale et sociale, de protection de l'environnement et de développement durable du territoire, d'au moins un tiers des sommes disponibles après mise en réserve.

Ces projets ne seront pas circonscrits au ressort territorial de chaque caisse, mais pourront s'inscrire dans le cadre de projets régionaux inter-caisses ou dans des actions nationales tenant compte des orientations définies par la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance.

L'Assemblée n'a pas retenu la création de structures régionales d'épargne porteuses des parts sociales des caisses d'épargne et a conservé la création de structures locales, au nom des valeurs de démocratie et de proximité qui doivent gouverner toute société coopérative. A créer des structures dissociant expression du sociétariat et détention de parts sociales, on risquait en effet de priver les caisses d'épargne de leur âme.

De ce point de vue, l'adoption de l'amendement présenté par nos collègues du groupe communiste tendant à confier explicitement aux groupements locaux une mission de définition des orientations générales de la caisse régionale a été particulièrement utile.

L'enrichissement du texte est venu également de l'élargissement des missions de la Fédération nationale, véritable parlement des caisses d'épargne. Elle sera en effet chargée de contribuer, en concertation avec la Caisse nationale, à la définition des orientations stratégiques du réseau.

Enfin, l'enrichissement du texte s'est fait par l'augmentation de la participation des collectivités territoriales dans le capital des groupements locaux d'épargne, porteurs des parts sociales des caisses régionales.

Enrichi, le texte a été également simplifié. En effet, les conditions de création des groupements locaux d'épargne ont été assouplies : le nombre minimal de sociétaires nécessaires pour créer un groupement local d'épargne a été abaissé, puisqu'il suffira de réunir 500 personnes physiques ou dix personnes morales. Cela permettra d'associer plus étroitement des collectivités locales, des investisseurs institutionnels ou des représentants du monde associatif à la vie des caisses d'épargne et de faciliter la création de groupements locaux d'épargne de personnes m orales. Les conditions de rémunération des parts sociales dans les différents groupements locaux d'épargne affiliés à une même caisse régionale ont, par ailleurs, été égalisées.

La limitation à dix-sept du nombre des membres des conseils d'orientation et de surveillance des caisses régionales va également dans le sens de la simplification, de la même façon que la réduction à deux du nombre des membres composant la délégation de chaque caisse à la fédération a été acquise.

Par ailleurs, l'équilibre défini par le projet du Gouvernement en matière de négociation des accords collectifs permettra, tout en préservant l'identité du réseau et sans remise en cause des accords en vigueur, d'éviter les situations de blocage du dialogue social qui ont trop souvent marqué les rapports entre salariés et employeurs.


page précédente page 02539page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Enfin, nos débats ont permis d'apporter un certain nombre de précisions sur des aspects plus techniques de la réforme.

Ainsi, bien que le placement de parts sociales de sociétés coopératives ne soit pas assimilé à un appel public à l'épargne, l'Assemblée a souhaité prévoir des garanties concernant l'information du public.

Elle a, également, monsieur le ministre, pris bonne note des assurances que vous lui avez données sur la neutralité de la réforme en matière de fiscalité et de charges sociales et, notamment, sur le règlement de la situation de la caisse générale de retraite du personnel des caisses d'épargne.

Il y a lieu de se féliciter du climat serein et constructif qui a présidé à l'examen attentif de plus de 150 amendements, au cours d'un débat qui a permis à chacun de s'exprimer. Le talent et la courtoisie dont M. le ministre a fait preuve vis-à-vis de tous les groupes parlementaires y sont certainement pour beaucoup.

Au terme de cette première lecture, la réforme des caisses d'épargne réaffirme la force du lien particulier qui les unit à la nation et leur spécificité d'établissements de crédit à but non lucratif au service de l'intérêt général

Elle leur permet d'être une banque différente, un réseau généraliste de proximité au service d'une clientèle familiale et populaire, recyclant les dépôts qu'elle reçoit au profit de l'économie régionale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Suchod.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité financière.

M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité financière.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà arrivés à la fin d'un débat dont je tiens, d'emblée, à souligner et la qualité et l'esprit de tolérance qui l'ont animé.

Chaque groupe politique a pu défendre ses convictions et nous sommes parvenus, dans la plupart des cas, à nous accorder sur l'essentiel : l'objet même du texte, à savoir la sécurité financière.

Le caractère technique de cette seconde partie du projet de loi nous y a aidés, mais chacun d'entre nous a su garder à l'esprit les enjeux fondamentaux de ce texte.

Il s'agit en effet, avant tout, de renforcer la compétitivité de la place bancaire française. Or, comme je l'ai dit lors de la présentation du texte, pour être compétitive, la place de Paris doit être attractive, d'où la stimulation d'un marché des obligations foncières et la sécurisation du système financier avec mise en place des fonds de garantie. Et, comme je l'ai dit aussi, pour que cette sécurité de place fonctionne vraiment, il faut qu'elle soit solidaire. Ces options sont ici, sur tous nos bancs, largement comprises et partagées.

Notre débat parlementaire comporte aussi des acquis, tout au long du texte.

Notre commission des finances et notre assemblée ont ainsi accepté d'accentuer le contrôle sur l'activité des compagnies d'assurance et de réassurance, d'exiger des banques et des entreprises d'investissement un renforcement des procédures de contrôle qualitatif de leur gestion qui devraient - sous réserve des malversations, hélas touj ours envisageables que vous évoquiez, monsieur le ministre - protéger nos épargnants.

Nous avons noté, par ailleurs, avec satisfaction, le renforcement des pouvoirs de la Commission bancaire et de la Commission de contrôle des assurances, ainsi que l'institution du collège des autorités de contrôle. Cela permettra d'améliorer l'échange d'informations et d'avoir une vision plus complète de l'activité des grands groupes internationaux.

La solidarité se renforce donc avec l'achèvement tant attendu du mécanisme de garantie des déposants, au travers de l'institution d'un fonds de garantie unique accueillant l'ensemble des établissements bancaires, quel que soit leur statut juridique. De même, le projet innove en créant un fonds de garantie en matière d'assurance des personnes et en mettant en place un mécanisme de garantie des investisseurs.

A ce propos, deux points ont fait débat : l'institution d'un « droit d'alerte » des autorités de contrôle par les organes dirigeants de ces fonds de garantie, et les modalités de calcul des cotisations individuelles de leurs adhérents. Or, sur l'un comme sur l'autre de ces points, nous sommes parvenus à des rapprochements significatifs et clairs, qui contribuent à résoudre avec souplesse les difficultés.

D'une part, les présidents des directoires des deux fonds de garantie pourront être entendus par les autorités de contrôle lorsqu'ils en feront le demande, sans que pour autant la responsabilité du contrôle, qui n'appartient qu'aux seules autorités de contrôle, ne se dilue.

D'autre part, les cotisations devront refléter les risques objectifs que les établissements concernés feront courir aux fonds de garantie.

Enfin, en adoptant plusieurs amendements, dont certains émanaient des groupes de l'opposition, la commission des finances a souhaité obtenir des précisions sur quelques questions de nature fiscale : nous serons, monsieur le ministre, particulièrement attentifs aux réponses que vous y apporterez dans la suite de la navette parlementaire.

Afin d'acclimater en France un marché des obligations foncières comparable à celui des Pfandbriefe en Allemagne et de développer celui des créances hypothécaires, le projet de loi procède à une ambitieuse réforme des sociétés de crédit foncier. Plusieurs suggestions émanant de tous les bancs ont été retenues, qu'il s'agisse de renforcer la sécurité des porteurs d'obligations foncières, de préciser l'objet de ces sociétés, notamment en limitant les prêts cautionnés aux seuls prêts immobiliers, de garantir le prof essionnalisme des équipes chargées de gérer leurs créances et leurs ressources et de faciliter la gestion de leur bilan en les autorisant à racheter les obligations émises par les autres sociétés de crédit foncier.

Chacun aura également noté l'unanimité qui a régné sur ces bancs lorsqu'il s'est agi de venir en aide aux victimes des faillites des sociétés de caution. En créant un nouveau mécanisme, notre assemblée a comblé un vide juridique, en apportant par là même une solution à des situations dramatiques. Elle peut s'honorer de l'avoir fait ! Autre exemple du consensus auquel nous sommes parvenus, la renégociation des prêts immobiliers, pour lesquels, je pense, nous avons trouvé un texte équilibré préservant les intérêts des emprunteurs et des établissements financiers.

Vous avez constaté, monsieur le ministre, que ce relatif consensus s'est étendu à la suppression de l'article 37 de votre projet. Comment aurait-il peu en être autrement ? Notre assemblée est attachée à l'économie sociale et à la place qu'elle occupe dans notre pays, à commencer par


page précédente page 02540page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

celle qu'elle tient, à haut niveau, dans notre système bancaire. Votre esprit d'ouverture sur ce point particulier, comme sur la conduite de nos débats, mérite d'être souligné, monsieur le ministre, je tiens à le rappeler ici.

En conclusion, mes chers collègues, j'appelle à un vote, sinon unanime, au moins très large de l'Assemblée.

Car franchement, qui, parmi nous, peut ne pas être favorable à un développement des mesures de prévention dans les entreprises de notre système financier ? Qui, parmi nous, désapprouve la mise en place de fonds de garantie capables de protéger déposants et assurés, notamment les plus modestes ? Qui, parmi nous, s'oppose au renforcement des pouvoirs de sanction de la Commission bancaire ou de la Commission de contrôle des assurances ? Enfin, qui, parmi nous, pourrait souhaiter ne pas donner à notre place financière la chance de se doter d'un marché hypothécaire moderne, tout en offrant au Crédit foncier et à ses salariés des perspectives plus favorables ? Voilà pourquoi, mes chers collègues, je forme le voeu qu'en exprimant votre vote vous penserez avant tout, et avant toute autre considération - je n'en doute pas - à exprimer votre volonté de voir notre pays disposer d'une législation moderne garantissant la protection des épargnants et de la compétitivité de notre secteur financier, et donc de préparer l'avenir de notre système financier, et de ses salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Mon groupe votera le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière. Cela n'a pas été sans une réflexion approfondie. Nous avons, en effet, mûrement pesé les arguments avancés de part et d'autre, et notamment par les personnels des caisses d'épargne, ceux concernant l'intérêt public, comme ceux portant sur leur propre statut et plus spécifiquement, par exemple, sur l'avenir de la caisse de retraites, la CRG.

Il nous est apparu que la sévérité de certaines appréciations vis-à-vis du projet peut s'analyser comme une légitime procédure de précaution engagée avant les négociations qui interviendront dans les mois à venir sur l'avenir de cette caisse de retraite. De toute façon, le succès de la réforme dépendra de l'implication des agents et de la motivation de leurs responsables.

Reste que ce projet, étudié longuement en amont et, nous nous associons à l'hommage rendu à M. Raymond Douyère, maître d'oeuvre de cette matière à l'Assemblée, prépare l'avenir. Il nous paraît donc difficile de ne pas souscrire aux solutions qu'il dessine.

D'abord, il pose clairement les missions d'intérêt général du réseau. Il refuse de banaliser le livret A et établit le statut coopératif. Cette appellation se justifie pleinement car la nouvelle organisation des caisses se fondera sur un large sociétariat. Celui-ci d'ailleurs leur donnera l'assise qui jusqu'à présent leur faisait défaut.

Nous assistons donc à la transformation du réseau en groupe, ce qui est une nécessité car les caisses ont besoin d'un organe central, la dyarchie actuelle n'ayant pas toujours donné satisfaction, c'est le moins qu'on puisse dire.

De même, le partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, qui relève de la nécessité absolue, est désormais explicitement affirmé par la loi. La Caisse des dépôts représente le meilleur de la tradition publique française et sa signature est très estimée partout dans le monde. Il est donc normal que les caisses d'épargne puissent s'adosser à elle. Voici le moment venu de constituer un groupe qui aura bien des arguments à faire valoir.

Souhaitons-lui bon vent ! En deuxième lieu, je voudrais indiquer que nous approuvons également les dispositions sur le renforcement de la sécurité financière. Il s'agit de protéger les épargnants. A cet égard, et comme l'a souligné Dominique Baert, il est singulier qu'on se soit tant occupé des vingt premiers articles et si peu des cinquante-huit restant. Je lui rends grâce de l'avoir fait en notre nom commun.

Ce projet poursuit, en cette matière, plusieurs objectifs décisifs pour les établissements du secteur financier, leurs salariés et leurs clients.

Il s'agit d'abord d'éviter l'insécurité financière, née de l'instabilité internationale ou de la mauvaise gestion, et, ensuite, de garantir à ceux qui placent leur argent qu'ils ne le perdront pas, sauf bien entendu s'ils ordonnent euxmêmes des placements risqués. Un déposant, un assuré, un épargnant doit pouvoir retrouver ses fonds. Il y aura un plafond d'indemnisation, mais la garantie sera réelles urtout, proportionnellement, pour les dépôts ou contrats, les plus modestes.

Pour toutes ces raisons, et dans le cadre du processus sur la modernisation et l'avenir du secteur bancaire et financier de notre pays auquel vous avez associé l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, avec notamment le débat du 17 février dernier, nous voterons le texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je vous remercie pour votre concision, monsieur Suchod.

La parole est à M. Marc Laffineur, qui, j'en suis sûr, fera de même.

M. Jean-Louis Dumont.

Par contre, sa conclusion ne sera peut-être pas la même ! (Sourires.)

M. Marc Laffineur.

Parvenu au terme de ce débat, je tiens, au nom du groupe Démocratie libérale, à faire part de mes regrets quant au texte qui nous est aujourd'hui proposé. Le sentiment qui prédomine, en effet, est celui d'une formidable occasion manquée, autant sur le volet de la réforme des caisses d'épargne que sur celui de la garantie financière.

Formidable occasion manquée d'abord sur le premier volet de cette loi : la partie relative aux caisses d'épargne manque d'envergure et d'ambition pour l'avenir de cette banque, ses épargnants et ses salariés.

Alors que l'actualité illustre de façon éclatante le processus de profonde recomposition du paysage bancaire, il aurait fallu donner aux caisses d'épargne davantage de m oyens pour pouvoir participer demain avec plus d'atouts à cette recomposition. La privatisation du Crédit lyonnais, et son probable rapprochement avec le Crédit agricole, l'offre publique d'échange initiée par la BNP sur la Société générale et Paribas sont de parfaits exemples de cette nécessité pour les banques de s'efforcer d'atteindre une taille critique suffisante. L'avènement de l'euro et la concurrence plus forte qui va se développer dans ce secteur renforcent cette perspective.

Dans ce contexte, alors que cette réforme aurait pu être une réelle chance pour l'entreprise, qu'elle aurait pu être l'occasion de préparer son avenir en lui donnant des marges de manoeuvre plus importantes, le Gouvernement


page précédente page 02541page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

a préféré une attitude plus frileuse, moins volontaire, moins opportune.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Démocratie libérale ne peut pas se satisfaire de ce texte, insuffisant et trop timide. C'est pourquoi notre groupe est en profond désaccord avec cette partie du texte.

Quant au volet relatif à la sécurité financière, force est de reconnaître qu'il s'agit de l'instauration d'un mécanisme nécessaire. Mais, là encore, votre projet a manqué d'ambition.

En effet, l'instauration d'un fonds de garantie unique apparaît dans son principe comme une mesure importante. Ce dispositif permettra notamment de lutter plus efficacement contre de possibles faillites d'établissements bancaires en ayant recours à la solidarité des établissements entre eux. Ainsi, nous éviterons peut-être le spectre d'un nouveau Crédit lyonnais.

Mais par ses lacunes, ses carences et ses non-dits, le projet apparaît aussi comme une formidable occasion gâchée, n'étant porteur d'aucune solution structurelle pour l'avenir du secteur bancaire. Il aurait fallu profiter de ce texte pour assainir la situation des établissements financiers en supprimant les charges fiscales anormales qui pèsent sur eux et les handicapent dans le contexte de concurrence accrue qui se dessine. Il aurait fallu avoir le courage de mettre fin aux prélèvements qui pénalisent la masse salariale de nos banques et de nos assurances en supprimant la taxe sur les salaires, impôt de 10 % assis sur les salaires des employés, et la contribution sur les institutions financières, qui représente 1 % des frais de fonctionnement.

M. Jean-Louis Dumont.

Pour les associations aussi !

M. Marc Laffineur.

Dans ces conditions, le groupe Démocratie libérale ne peut être qu'opposé à votre texte.

Il votera donc contre, convaincu que le Gouvernement a gâché ici une opportunité de soutenir et de renforcer le pôle financier de notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, soulignons d'abord que mercredi et jeudi derniers, nous avons eu un bon débat. De nombreux collègues de certains groupes de l'opposition vont probablement aujourd'hui prendre des positions qui n'ont pas grand-chose à voir avec la teneur des discussions et l'attitude qu'ils ont adoptée la semaine dernière tant sur les articles que sur les amendements.

M. Gérard Saumade.

Très juste !

M. le président.

Cela arrive ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Balligand.

Il est vrai que le ministre à fait preuve d'ouverture sur des propositions émanant des différents groupes.

J e préciserai ensuite que la réforme des caisses d'épargne est une mesure fondamentale pour le groupe socialiste. Garder le statut sui generis comportait un vrai danger, celui de ne pas disposer d'un groupe suffisamment dynamique. A cet égard, la question de l'organisation est essentielle. Le texte prévoit, d'une part, la fédération qui sera, comme Raymond Douyère l'a dit, une sorte de parlement des présidents des caisses régionales et, d'autre part, un véritable exécutif bancaire, avec une caisse centrale dotée d'un pouvoir d'audit des caisses régionales, comme c'est le cas aujourd'hui avec le Crédit agricole, et de la possibilité de nommer des dirigeants.

Je vais, en quatre points, rappeler les positions du groupe socialiste.

Premièrement, la réforme des caisses d'épargne est basée sur le statut coopératif.

M. Jean-Louis Dumont.

Très bien !

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est tout sauf une privatisation. Il ne faut pas s'y méprendre, la transformation des caisses d'épargne en banques coopératives est le moyen de leur accorder un statut juridique compatible avec la pérennisation du groupe et la prise en charge des missions d'intérêt général. Cela avait été proposé dans l es amendements déposés notamment par la majorité de cette assemblée.

Ces missions d'intérêt général ont été précisées et étendues à la prise en compte de l'exclusion bancaire et financière, l'environnement et l'aménagement durable du territoire. Pour autant, le texte n'a pas oublié les moyens : le dividende social ne pourra pas être inférieur au tiers des sommes disponibles après mise en réserve.

Deuxièmement, le statut coopératif est compatible avec la doctrine européenne, relative aux missions d'intérêt général dans le secteur bancaire, que, loin de condamner, la commission reconnaît pragmatiquement.

Le statut coopératif est, en effet, le moyen par lequel, demain en Europe, les services bancaires d'intérêt collectif trouveront un relais juridique homogène sur l'ensemble de la zone euro pour appuyer le financement de la croissance européenne, la lutte contre les exclusions bancaires, le financement de l'innovation et surtout du capital risque de proximité. En plaçant les caisses d'épargne au coeur du mouvement coopératif européen, nous leur assurons une stabilité juridique vis-à-vis des règles de la concurrence européenne.

Troisièmement, le groupe coopératif caisses d'épargne est bien au coeur du pôle financier mixte.

Les caisses d'épargne coopératives, avec pour actionnaire de référence la Caisse des dépôts et consignations, auront toute leur place dans le pôle financier mixte.

Cependant, la pire des solutions aurait été de s'orienter vers le modèle de la banque des pauvres, la banque du capital-risque PME que toutes les autres refusent de faire, la banque solidaire pour tout le monde. Il n'y aurait rien de moins efficace que d'enfermer le secteur financier public dans des missions que les autres acteurs bancaires refusent d'assumer.

Alors que nous créons un fonds de garantie, en vue de mutualiser les erreurs, ce projet permet d'engager des m utualisations communes du développement économique, de l'innovation et de la lutte contre l'exclusion.

Soumis aux mêmes règles, plus aucun établissement bancaire français ne peut aujourd'hui se dérober à ses responsabilités sociales et morales vis-à-vis des exclus ou des très petites entreprises aujourd'hui délaissées par le secteur bancaire. Le pôle financier mixte doit être un catalyseur pour des partenariats avec les grands acteurs du secteur privé et coopératif, respectueux de la mixité et soucieux d'une conception maîtrisée et déconcentrée de son action.

Au nom du groupe socialiste, je rejette la vision balkanisée consistant à laisser aux uns les objectifs ambitieux de rentabilité et d'enrichissement des actionnaires et aux autres le soin de prendre en charge tous les maux de la


page précédente page 02542page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

société au prix d'une rentabilité minime. Les autorités américaines ne nous ont-elles pas montré le chemin à suivre, en obligeant les banques commerciales privées à réinvestir, sous peine de sanctions, les quartiers pauvres qu'elles avaient fuis auparavant ? Quatrièmement, enfin, n'oublions pas que le projet de loi qui nous est soumis est aussi le moyen de renforcer la robustesse et la solidarité de la place financière de Paris.

Il était temps qu'un fonds de garantie soit créé en France. Ce fonds, dont il faut souhaiter qu'il soit le moins souvent sollicité, est un moyen de créer des obligations réciproques entre tous les acteurs bancaires, coopératifs et privés. Il est en effet reconnu que le fait que tout le monde cotise introduira un minimum d'autodiscipline, qui faisait défaut par le passé.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste votera ce texte. Surtout, nous espérons qu'il contribuera à la constitution d'un pôle public ou semi-public important autour de la Caisse des dépôts...

M.

Renaud Donnedieu de Vabres.

Public ou semipublic ?

M.

Jean-Pierre Balligand.

... et d'autres structures qu'il convient de renforcer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M.

le président.

La parole est M. Yves Deniaud.

M. Yves Deniaud.

Vous me permettrez, monsieur le président, d'associer à cette intervention mon collègue Christian Cabal qu'un problème technique - momentané de cordes vocales prive de ses possibilités d'expression.

Le projet de loi sur lequel nous allons voter comporte deux parties très distinctes qui auraient pu faire l'objet d'attitudes différentes. Tel n'est pas le cas et, n'y pouvant rien changer, nous jugerons donc sur l'ensemble.

S'agissant des caisses d'épargne, les réflexions de la précédente majorité et du précédent gouvernement s'orientait déjà vers le statut coopératif. Ce donc, non pas le principe de la mutualisation qui nous heurte, mais les modalités de sa mise en oeuvre.

J'évoquerai tout d'abord deux problèmes techniques.

Tout d'abord, cette réforme aurait pu coïncider avec celle de la Caisse des dépôts, qui est, paraît-il, sur les rails, cet organisme restant un actionnaire majeur dans le projet de loi relatif aux caisses d'épargne.

Ensuite, il nous aurait semblé hautement préférable que les futurs sociétaires soient directement sociétaires de leur caisse d'épargne plutôt des groupements locaux d'épargne, sorte de coquille vide sans existence réelle.

Par ailleurs, et surtout si l'on veut accroître la sécurité financière, la première manifestation de cette louable intention eût consisté à ne négliger aucune garantie pour l'avenir des caisses d'épargne, d'autant qu'elles sont l'institution financière la plus populaire, celle, par conséquent, dont le sort est le plus sensible à nos compatriotes. Tel n'est pas le cas.

Les caisses d'épargne détiennent des fonds propres importants : 65 milliards. Toutefois, l'aventure de la mutualisation coïncide avec de redoutables défis. Or leur rentabilité est faible : 3 %, nous a dit M. le ministre de l'économie et des finances mardi dernier, alors que le même jour la Llyods TSB publiait des résultats annuels dégageant 42 % de ROE, le taux de rentabilité des fonds propres.

Les caisses d'épargne devront donc consentir un effort considérable de restructuration et de redynamisation de leur réseau. Cela coûtera beaucoup d'argent. Ainsi, le traitement du dossier global de la caisse de retraite du p ersonnel, qui n'est pas encore engagé, nécessitera entre 15 et 40 milliards. Or la défunte Commission de Bruxelles avait décidé d'attaquer le livret bleu ; la prochaine ne manquera sans doute pas de s'en prendre aussi au livret A pour en obtenir la banalisation dès la mutualisation opérée. Si une telle évolution aboutissait, il faudrait beaucoup d'argent pour financer le redéploiement commercial nécessaire afin d'en compenser les effets.

Les caisses d'épargne devront aussi contracter des alliances et une croissance externe sera indispensable. Des sommes considérables seront nécessaires pour la mener à bien dans de bonnes conditions.

Par conséquent, nous estimons que l'Etat n'aurait pas dû fixer un montant aussi élevé de capital social à placer - 18,8 milliards de francs - pour en récupérer entièrement le montant au profit d'un fonds de réserve des retraites par répartition. Une telle somme est à la fois dérisoire au regard des 600 milliards qui seront nécessaires chaque année à partir de 2015 et trop élevée pour être trouvée en quatre ans par les caisses d'épargne. En effet, les autres réseaux mutualistes ont mis vingt ou vingt-cinq ans à parvenir à un chiffre comparable. Par ailleurs, la rémunération de ce capital plombera une rentabilité déjà trop faible alors qu'il faudrait l'améliorer.

Nous pensons surtout qu'il aurait fallu laisser six ans au réseau non seulement pour placer les parts sociales, mais aussi pour régler tous les problèmes de restructuration, de caisses de retraite, de croissance externe, de nouvelle donne commerciale. Au terme de cette période, on aurait pris acte de la situation avant d'envisager le versement éventuel d'une contribution à l'Etat, au moment approprié aux capacités contributives réelles du réseau pour ne pas obérer sa réussite future.

En effet, le fond de la question est de savoir s'il est bon de prélever aujourd'hui une somme de 18,8 milliards, au risque de devoir en verser beaucoup plus dans quelques années pour renflouer un réseau qui aura échoué parce qu'on l'aura surchargé au départ.

Pour ces raisons, nous ne pouvons accepter ce texte.

A priori, nous n'avions pas les mêmes réticences à l'encontre de la seconde partie du projet relative à la sécurité financière. Elle puise en effet largement ses sources dans le travail effectué sous la précédente législature, notamment par la mission de Philippe Auberger. La création du fonds de garantie, l'accroissement des pouvoirs de la Commission bancaire vont dans le bon sens.

Toutefois, seule l'indépendance de la Commission bancaire donnerait des garanties réelles.

L'exemple du Crédit lyonnais a démontré clairement que les mécanismes les plus élaborés ne fonctionnent pas tant que subsistent des liens hiérarchiques ou personnels, des interférences politiques ou des solidarités de grands corps. Il est donc fort dommage que le texte n'aille pas jusqu'à assurer l'indépendance de la Commission bancaire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pour autant, nous n'aurions pas voté contre cette partie prise isolément. Mais vous avez voulu lier son sort au texte sur les caisses d'épargne que nous ne pouvons accepter en l'état. Par conséquent, le groupe RPR votera contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.


page précédente page 02543page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. Jean Vila.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote solennel sur le projet de loi sur l'épargne et la sécurité financière intervient alors que les restructurations de notre secteur bancaire et financier entrent dans une nouvelle phase avec le regroupement qui semble se dessiner entre la BNP, la Société générale et Paribas, et l'engagement de la privatisation du Crédit lyonnais.

Cette course à la rentabilité financière, lourde de menaces pour l'emploi, confirme malheureusement les craintes que nous exprimons depuis plusieurs mois déjà s'agissant des conséquences de la crise financière mondiale, mais aussi de la mise en place de l'euro.

Les marchés financiers, plus que jamais, affirment ainsi leur prétention à dicter aux gouvernements et aux peuples leur credo en matière de politique monétaire et budgétaire ; la crise que vient de connaître le gouvernement allemand nous apparaît, à cet égard, particulièrement significative.

C'est bien la réorientation nécessaire de la construction européenne qui est en jeu, à laquelle s'opposent, aujourd'hui, des forces économiques et politiques, certes considérables, mais qui peuvent être mises en échec. Encore faut-il que des actes à la hauteur du défi soient effectivement accomplis, en particulier par un gouvernement qui, comme en France, s'inscrit dans une perspective de changement.

Refuser la société de marché, défendre et renouveler le modèle social européen implique, à notre sens, de résister et, plus encore, d'inventer des modes nouveaux de financement de l'économie permettant de favoriser efficacement la création d'emplois, en faisant reculer du même pas la domination des marchés financiers sur les banques et le crédit.

Il faut infléchir la politique monétaire européenne, baisser les taux d'intérêt de manière sélective afin de favoriser l'investissement productif pour l'emploi. Il est donc indispensable de construire, tant en France qu'au niveau européen, un nouveau crédit à long terme dont les taux seraient d'autant plus bas, voire négatifs, qu'ils correspondraient à des engagements précis des entreprises en termes de créations d'emplois et de dépenses pour la formation.

Des institutions comme la Banque européenne d'investissement devraient être mobilisées dans cette perspective, de même que la BCE et le réseau des banques centrales au travers du refinancement des banques et institutions financières s'engageant dans cette démarche.

Dans un tel contexte économique et politique, la réforme des caisses d'épargne représente un enjeu tout à fait considérable.

J'ai déjà évoqué, dans la discussion générale, les réserves de notre groupe quant au contenu du projet de loi.

Nous avons d'abord exprimé notre préoccupation d evant l'abandon du but non lucratif des caisses d'épargne avec leur transformation en société anonyme coopérative. En effet, cela risque d'ouvrir les portes de leur gestion à la rentabilité financière, avec, à la clef, le risque de fermetures de caisses, de suppressions d'emplois et de mise en cause, de l'intérieur, des missions d'intérêt général qui leur sont par ailleurs confiées.

Nous vous avons aussi interrogé sur le contenu et les modalités du partenariat avec la Caisse des dépôts et consignations, déjà en préfiguration avec l'engagement de la filialisation des activités concurrentielles de la CDC et la création d'une banque d'investissement.

Nous avons insisté sur notre souhait de voir engager, à l'occasion de la réforme des caisses d'épargne, la constitution d'un pôle public et social d'impulsion des coopérations bancaires pour développer une nouvelle mission d'intérêt public du crédit, le financement de l'emploiformation et soutenir des coopérations en France et en Europe, afin de maîtriser et de réduire le rôle des marchés financiers.

Si nous apprécions, monsieur le ministre, les précisions que vous venez d'apporter sur le pôle financier public en construction, l'ambition qui lui sera donnée, sa constitution et son mode d'intervention afin qu'il contribue à ce que l'ensemble du secteur bancaire et financier soit mieux orienté vers le financement de l'emploi, demeurent largement à préciser.

Il est, pour nous, significatif que vous ayez confirmé votre attachement, à ce que les propositions émanant, à ce sujet en particulier, des composantes de la majorité puissent être prises en compte.

Ces questions que nous estimons décisives doivent être traitées, y compris dans le projet, pour que notre groupe puisse soutenir un texte qu'il a déjà contribué à améliorer sur des points importants.

C'est justement pour que ces améliorations trouvent leur sens et leur efficacité qu'il est impératif que la deuxième lecture permette des avancées significatives.

Cela est essentiel, y compris pour la sécurité financière, que la deuxième partie du texte vise à renforcer. Il y va du développement effectif des missions d'intérêt général que nous avons contribué, par nos amendements, à mieux préciser en renforçant la part des ressources qui leur seront affectées.

Il est, à cet égard, tout à fait décisif que le partenariat entre les caisses d'épargne et la CDC soit construit pour servir l'intérêt général et l'emploi, et non la logique financière. Dans le même esprit, il est essentiel que soit réaffirmée la spécificité du livret A et garantie, par le maintien du taux, la rémunération de l'épargne populaire.

Il faut encore, pour un fonctionnement véritablement coopératif, favoriser l'élargissement du sociétorat et limiter les possibilités de cession des parts. De même, il convient d'élargir la démocratie dans le réseau et de mieux garantir l'emploi et les droits acquis des salariés.

Si la discussion était arrivée aujourd'hui à son terme, notre groupe aurait été amené, au vu du projet même amendé, à émettre un vote négatif,...

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. Jean Vila.

... mais nous apprécions, monsieur le ministre, votre ouverture sur des points importants. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous avons notamment apprécié votre engagement affirmé dans votre lettre en réponse à Robert Hue demandant qu'il soit fait en sorte que la deuxième lecture p uisse concrétiser de vraies avancées. Dans le cas contraire, nous voterions contre le texte définitif.

Nous émettons donc aujourd'hui un vote d'abstention constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


page précédente page 02544page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. le président.

Mes chers collègues, avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Monsieur le ministre, ce texte contient des éléments qui auraient parfaitement pu conduire une majorité de notre groupe à ne pas voter contre. Malheureusement, comme toujours, il y a eu un débat postérieur au vote.

Je rappelle que M. Jégou s'est engagé totalement dans ce débat au nom de notre groupe. Il espérait même qu'entre la première et la deuxième lecture des améliorations pourraient intervenir, mais les membres du Gouvernement semblent avoir pris l'habitude de transmettre des lettres ou de donner des informations inconnues des autres à tel ou tel groupe de la majorité.

Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous attendrons de connaître les choix que vous ferez avant le vote final. Nous définirons notre position en fonction de ce que vous nous direz vraiment et non de ce que vous aurez écrit à tel ou tel parti de votre majorité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je rappelle pourtant que, dans cette assemblée, des hommes et des femmes sont prêts à éviter de voter blanc ou noir selon que le texte en discussion vient de la majorité ou de l'opposition. Toutefois, vous comprendrez, monsieur le ministre, que la caricature systématique de débat qui a encore prévalu lors des questions d'actualité empêche tout dialogue au sein de cette assemblée.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, compte tenu de l'extrême brièveté - dont je le félicite - de M. Méhai gnerie, je vais attendre quelques instants avant de mettre aux voix le projet, jusqu'à l'expiration du délai de cinq minutes prévu par le règlement de l'Assemblée.

....................................................................

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

532 Nombre de suffrages exprimés .................

488 Majorité absolue .......................................

245 Pour l'adoption .........................

254 Contre .......................................

234 L'Assemblée nationale a adopté.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. François d'Aubert.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

3

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

FONDS STRUCTURELS

NOUVELLES PERSPECTIVES FINANCIÈRES Suite de la discussion de propositions de résolution

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion : de la proposition de résolution de Mme Béatrice Marre sur le projet de réforme de la politique agricole commune (COM[98]0158 final / no E 1052) (nos 1248, 1381) ; de la proposition de résolution de M. Alain Barrau sur la réforme des fonds structurels (COM[98]131 final / no E 1061) (nos 1281, 1450) ; et de la proposition de résolution de M. Gérard Fuchs, sur l'établissement de nouvelles perspectives financ ières pour la période 2000-2006 (COM[98]164 final / no E 1049) et sur le projet d'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire (SEC[98]698 final / no E 1128) (nos 1409, 1453).

Discussion générale commune (suite)

M. le président.

Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.

La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mon-s ieur le rapporteur, mes chers collègues, l'Union


page précédente page 02545page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

européenne, ses actions et ses décisions ont des répercussions grandissantes sur notre vie quotidienne et sur nos territoires. A l'heure où nous venons de franchir une étape supplémentaire avec la mise en place de la monnaie unique, les fonds structurels européens, bien qu'existant sous leur forme actuelle depuis seulement une dizaine d'années, sont devenus l'expression même de la solidarité entre les pays de l'Union européenne.

Pour bien mesurer toute leur importance, il suffit de rappeler que les dépenses structurelles représentent actuellement le deuxième poste de dépense de l'Union. Les fonds structurels européens constituent ainsi un appui financier majeur à notre politique nationale d'aménagement et de développement du territoire. Cette dimension européenne est devenue, pour reprendre l'expression à la mode, incontournable.

Le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, adopté en première lecture par notre assemblée le 9 février dernier, intègre cette évolution en s'inscrivant résolument dans une perspective européenne. Dès l'article 1er , il affirme que l'Etat doit favoriser la prise en compte, dans la politique européenne de cohésion économique et sociale, des choix stratégiques et des objectifs nationaux d'aménagement du territoire, traduits dans les schémas de services collectifs.

Toutefois, pour les raisons évoquées par les rapporteurs de la commission de la production et des échanges et la délégation pour l'Union européenne, la Commission a présenté en juillet 1997, dans le cadre de l'Agenda 2000, des propositions de réforme des fonds structurels. Sans revenir sur le détail de leur contenu, je voudrais souligner leur convergence avec l'esprit de la LOADDT.

Les propositions de la Commission européenne visent entre autres à mettre en place une concentration thématique des objectifs, qui les ferait passer de sept à trois. Le nouvel objectif 2 regroupe les objectifs 2 et 5 b actuels. Il concerne à la fois les zones industrielles en difficulté, les zones rurales en déclin, les zones en mutation socioéconomique dans les secteurs de l'industrie et des services, les zones urbaines en difficulté et les zones de crise dépendantes de la pêche.

Ce regroupement des problèmes de développement urbain et de développement rural trouve un écho dans le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Celui-ci tend en effet à surmonter le clivage traditionnel entre le rural et l'urbain, notamment par le rôle qu'il confère aux pays, espaces de solidarité entre ces deux territoires.

Par ailleurs, les réflexions sur les problèmes urbains se traduisaient jusqu'à présent essentiellement dans les programmes d'initiative communautaire, tel le programme URBAN. La prise en compte de la dimension urbaine dans les fonds structurels dans le nouvel objectif 2 est donc bien venue, au regard du rôle capital des villes dans le développement régional, au regard également des difficultés que rencontrent de nombre eux quartiers dans les zones non éligibles à l'objectif 2.

Là encore, on retrouve un des soucis majeurs de la LOADDT. Celle-ci, sans remettre en cause l'intérêt porté par la loi du 4 février 1995 au monde rural, a souhaité, par le rôle qu'elle confère aux agglomérations, adapter l'aménagement du territoire aux réalités quotidiennes de nos concitoyens, d'ordre essentiellement urbain pour 80 % d'entre eux.

Toutefois, pour positive qu'elle soit, l'intégration de la dimension urbaine dans l'objectif 2 n'a pas semblé suffisante à la commission de la production et des échanges, qui a souhaité la création d'une quatrième initiative communautaire, consacrée à la politique de la ville, devenue un des enjeux majeurs de l'aménagement du territoire. On ne peut que la suivre sur ce point.

Le deuxième point important de convergence entre les propositions de la Commission et la LOADDT sur lequel je voudrais insister concerne l'amélioration du fonctionnement de ces fonds.

Comme plusieurs orateurs l'ont déjà souligné, les crédits des fonds structurels sont sous-consommés. C'est particulièrement vrai en France puisque notre pays, dans ce domaine, se retrouve en dessous de la moyenne européenne.

Pour remédier à cet état de fait, la Commission a présenté plusieurs propositions visant à renforcer l'efficacité du fonctionnement des fonds structurels. Parmi celles-ci figurent le renforcement des mécanismes de contrôle et d'évaluation, l'amélioration et la simplification des procédures et, enfin, une meilleure définition des responsabilités dans le cadre d'un partenariat élargi.

C'est surtout sur ce dernier point que j'aimerais m'attarder. Regrettant que les autorités nationales ou régionales n'associent pas suffisamment les autres partenaires du développement économique et social, la Commission souhaite désormais une participation effective, aussi large que possible et à tous les stades de la programmation, des autorités régionales ou locales, des partenaires économiques et sociaux et des autres organismes compétents.

En ouvrant plus largement les instances consultatives et d'élaboration des politiques d'aménagement du territoire, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire répond à cette critique ; elle permettra aux acteurs territoriaux de mieux participer à l'élaboration des projets.

En définissant, sur le territoire régional, un maillage de territoires pertinents, pays et agglomérations, chargés d'élaborer, dans un espace cohérent aux plans économique, social et humain, un projet favorisant le développement durable du territoire, en mobilisant l'ensemble des acteurs locaux, la LOADDT répond tout à fait à cette approche. La notion de territoire de projet est ici capitale, puisqu'elle vise, au niveau national comme à celui des fonds structurels européens, de sortir d'une logique de guichet encore trop répandue et qui conduit à la juxtaposition d'opérations sans vision stratégique à long terme.

Puisque l'on s'achemine vers une restriction de la population éligible aux fonds structurels européens dans un contexte d'élargissement à l'Est de l'Union européenne et de stabilisation budgétaire, il est essentiel d'améliorer le fonctionnement de ces fonds afin d'optimiser leur utilisation. La LOADDT, avec la nouvelle approche de l'aménagement du territoire qu'elle met en place, peut, j'en suis persuadé, y contribuer grandement.

Parce que la politique des fonds structurels conforte celle de l'aménagement du territoire que notre assemblée a contribué à définir par un travail en profondeur sur la LOADDT, les députés socialistes apporteront leur soutien à la proposition de résolution proposée par la délégation pour l'Union européenne et soutenue par la commission de la production et des échanges.

M. le président.

La parole est à M. Henry Chabert.

M. Henry Chabert.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est paradoxal d'examiner aujourd'hui les perspectives financières qui engagent pour sept ans la vie de l'Europe : la Commission est en pleine


page précédente page 02546page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

crise, le nouveau Parlement européen issu des urnes en juin prochain ne pourra théoriquement pas y imprimer sa marque. Or elles se situent dans un contexte historique tout à fait particulier, pour quatre raisons principales. La mise en place de l'euro deviendra effective pendant cette période et ne sera pas sans incidence dans le domaine économique et fiscal ; l'élargissement à cinq nouveaux pays devrait se concrétiser ; les révolutions technologiques que nous connaissons, en particulier dans le secteur des télécommunications, imposent à l'Europe non seulement de s'y adapter, mais aussi d'anticiper et d'accélérer le développement ; enfin, les ravages du chômage, véritable gangrène sociale et source de terribles drames humains, doivent être traités dans un esprit de solidarité et dans une perspective de cohésion sociale et politique.

Tout cela impose de nous montrer tout à la fois ambitieux et rigoureux pour relever les défis auxquels l'Europe doit faire face et utiliser aux mieux les moyens nécessaires. Or force est de constater que les perspectives proposées n'atteignent aucun de ces deux objectifs, tant en ce qui concerne la discipline budgétaire et les dépenses que la collecte des ressources.

La rigueur budgétaire n'est en effet qu'un trompe-l'oeil.

En dépit des demandes de la France et de certains de ses partenaires, en dépit des voeux du Parlement européen sortant et de notre Assemblée nationale, les dépenses pour les quinze ne sont pas stabilisées. Elles progressent au contraire, passant de 96,4 milliards d'euros en 1999 à 104,6 milliards en 2006 à prix constants, même si la marge sous le plafond de ressource est maintenue, voire portée à 0,14 % environ du PNB en 2006.

Plus grave encore, aucune dynamique particulière n'apparaît dans la mise en oeuvre de ces perspectives financières. La simple reconduction des politiques n'est pas une réponse adaptée aux défis de notre temps.

Elle ne répond pas en effet aux besoins de l'élargissement. Pire, alors que la contribution aux quinze s'accroît, celle qui est destinée aux nouveaux Etats membres reste strictement encadrée. Une économie de 24 milliards d'euros sur le seuil de 4 % de leur PNB prévu au titre des actions structurelles en leur faveur est même envisagée.

C ette démarche budgétaire est contraire à notre démarche politique. Comment pourrait-elle être tenable ? N'est-ce pas d'ailleurs sur ces financements que l'on peut espérer le meilleur effet de levier, mais également de retour sur investissement ? Il en va de même avec les nouveaux Etats membres de la deuxième génération, Roumanie, Bulgarie et Etats baltes, où le rythme actuel ne laisse espérer un objectif de convergence qu'au-delà des années 2030 et à la condition que leur rythme de croissance soit de 10 % annuel, ce qui implique un soutien évident, très largement sousestimé dans les perspectives proposées.

La reconduction proposée n'ouvre aucun chantier d'envergure dans des domaines de pointe où l'Europe dispose pourtant d'atouts à explorer et qui sont source de développement, de richesses et d'emplois : l'industrie spatiale, les secteurs des télécommunications, ceux de la recherche et de la santé sont des pistes à peine évoquées.

Que serait aujourd'hui l'industrie aéronautique et spatiale européenne sans les programmes Airbus et Ariane ? Que serait l'aménagement du territoire français sans les TGV ? Les nouvelles frontières européennes ne sont-elles pas aussi à rechercher dans ces domaines ? Enfin, ces perspectives financières ne s'intéressent pas de manière significative au devoir de solidarité que doit exercer l'Europe à l'égard des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Moins de 25 millions d'euros des fonds européens suffiraient à doter en eau courante plus de 400 000 habitants d'Addis-Abeba ; quelques autres millions d'euros pourraient faire passer de 4 à 6 % la partie irriguée de ce même pays, changeant totalement la donne économique pour ses habitants.

Vivons-nous dans deux époques, dans deux mondes différents ? Devons-nous aller jusqu'à mégoter sur les miettes que nous accordons à ces pays ? J e voudrais maintenant aborder le problème des ressources et en particulier celui de la part PNB du financement.

Certes, la règle retenue est claire dans son principe : le taux appliqué - 1,27 % du PNB du pays concerné - a par définition le mérite de tenir compte de la richesse propre de chaque Etat.

Mais la rigueur de l'application de cette règle impose deux conditions majeures.

En premier lieu, il faut que le PNB affiché soit sincère et traduise bien l'ensemble de la richesse produite sans zones d'ombre dues à du laxisme ou à des pratiques économiques bien connues. Pour reprendre les termes mêmes de la Cour des comptes européenne, il faut en particulier que la référence retenue pour le calcul de ces PNB soit plutôt 1995 que 1979, de telle sorte que l'on revienne à l'origine, à savoir la création d'une ressource fondée sur des données comparables, fiables et exhaustives.

En second lieu, il faut qu'une juste contribution de chaque pays, y compris la Grande-Bretagne et, dans une moins mesure, l'Italie, soit progressivement rétablie. Le régime d'exception dont a pu bénéficier jusqu'à ce jour le Royaume-Uni, qui lui permet de contribuer au budget communautaire dans une proportion inférieure à ce que représente son PNB, devrait progressivement disparaître.

On ne peut bénéficier de l'Europe sur le plan économique et financier sans contribuer à ses charges à une juste hauteur.

En conclusion, les perspectives financières qui nous sont soumises par la commission sortante manquent d'ambition et d'imagination. Elles ne font preuve ni de rigueur ni de réalisme. Elles devraient traduire, au contraire, une véritable politique européenne répondant aux exigences de notre temps. Cela passe sans doute par une réforme du fonctionnement même des institutions européennes que l'ouverture de la crise actuelle peut laisser espérer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de cette proposition de résolution s'inscrit dans un contexte de crise européenne, lié à la démission collective de la Commission de Bruxelles, mais aussi aux incertitudes de la politique européenne allemande qui ont compliqué la discussion des différents volets de l'Agenda 2000.

Ce débat précède de quelques jours le sommet de Berlin qui devrait être celui de l'accord, mais on peut en douter dans les circonstances actuelles. C'est donc l'occasion, pour nous, de réaffirmer notre inquiétude devant les risques de blocage, voire de régression de la dynamique européenne.

C'est aussi l'occasion de réaffirmer les principes qui ont permis les succès de la construction européenne.


page précédente page 02547page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

S'agissant plus particulièrement des nouvelles perspectives financières de l'Union européenne, leur discussion met en lumière les difficultés qui s'accumulent : défaut de maîtrise des dépenses communautaires, déséquilibre des contributions des Etats, complexité de mise en oeuvre des moyens mis à la disposition de l'Union européenne.

Nous n'avons pas le sentiment que les propositions de la Commission permettent réellement une amélioration de la gestion des politiques communes et un renforcement de leur efficacité.

L'UDF est particulièrement attachée à un certain nombre de principes qui ont été et restent encore les fondements des succès de la construction européenne.

Le premier est celui de la maîtrise des dépenses communautaires. Il s'appuie sur la necessité d'appliquer à l'Union les règles du pacte de stabilité auxquelles se sont astreints les Etats membres. Comme l'a souligné le rapporteur, « l'Union européenne ne saurait s'exonérer de l'effort d'encadrement de la dépense publique que consentent, de leurs côtés, les Etats membres ». Cette rigueur dans la gestion budgétaire est nécessaire pour assurer la stabilité de l'euro que la crise actuelle a affaibli.

Or, la rigueur affichée par la Commission n'est qu'apparente. Ainsi, pour la France, il s'agit bien d'une augmentation cumulée de 150 milliards de francs qu'il faud ra assurer pour cette période. Il s'agit donc de perspectives mal maîtrisées et nous ne pouvons que le déplorer.

Le second principe est le principe de solidarité qui a toujours existé entre les Etats. Pour l'UDF, remettre en cause ce principe et le remplacer par l'exigence égoïste du

« juste retour » risque d'être mortel pour la construction européenne. Même s'il paraît justifié de limiter les désé quilibres, aucun Etat ne peut nier les bénéfices tirés des politiques communes mises en oeuvre par l'Union.

Remettre en cause ce principe de solidarité conduirait aussi, inévitablement, à mettre à mal les politiques communes. L'exemple de la PAC est là pour nous le rappeler. Cela conduirait, en outre, à refuser l'adhésion des pays de l'est de l'Europe. Pourtant, si l'élargissement de l'Europe exige de la part des Quinze des efforts de solidarité, il nous offrira les avantages économiques d'un marché unique plus étendu.

S'agissant précisément - ce sera le troisième point - du processus d'élargissement aux pays de l'est de l'Europe, c'est pour nous une obligation morale et historique. Nous ne pouvons oublier que, longtemps, l'Europe a été, pour les peuples de ces pays, synonyme de liberté et de progrès. Nous ne pouvons pas porter la responsabilité de casser ce rêve, ce qui serait lourd de conséquences pour la stabilité du continent, et donc pour la paix.

Nous ne pouvons que regretter, à cet égard, que les dotations que la Commission propose de consacrer au processus d'élargissement soient loin de correspondre à l'ampleur des besoins des Etats candidats. Cette insuffisance risque de retarder l'adhésion des cinq premiers candidats et de creuser l'écart avec les pays candidats à la deuxième vague d'adhésion. Il nous paraît regrettable que les propositions de la Commission n'aient pas évolué dans la phase de discussion qui s'achève.

Enfin, dernier point, j'aborderai le système des ressources propres de l'Union. L'Agenda 2000 ne contient aucune proposition de modification de la structure du financement de l'Union. Cette prudence est assez singulière quand on constate l'importance de la question des contributions nationales au budget européen dans le débat actuel. Il est devenu évident, en effet, qu'une évolution de la structure des ressources propres de la Communauté européenne soit hautement souhaitable.

C'est, à n'en pas douter, un sujet délicat et sensible. Délicat parce qu'il touche à des équilibres entre les différents contributeurs. Sensible parce qu'il concerne le domaine de la fiscalité.

Fixer la contribution des Etats sur la base de leur PNB paraît la voie la plus consensuelle et aurait l'avantage de régler le problème des soldes budgétaires excessifs. Ce choix lie le niveau des ressources à l'évolution de la croissance économique de l'ensemble de l'Union, ce qui n'est pas sans risque, mais paraît plus conforme aux réalités.

Faut-il pour autant envisager de nouvelles ressources fiscales propres à l'Union ? Si tel devait être le cas, il importerait d'affirmer dès à présent que cela ne pourrait se concevoir qu'à prélèvement constant pour nos concitoyens. Pour notre pays, cela devrait même se traduire par un ajustement à la baisse de la fiscalité pour nous rapprocher des moyennes des pays européens.

Nous ne pouvons que regretter que la Commission n'ait pas anticipé ce débat et qu'aucune piste ne soit proposée pour la période à venir.

L'Europe est, aujourd'hui, en proie au doute. Nos concitoyens, même s'ils restent globalement très attachés à l'idéal et à la construction européenne, attendent un sursaut. Cette crise et les élections européennes du mois de juin doivent être l'occasion de lancer une nouvelle dynamique qui prenne en compte les attentes de nos concitoyens, pour plus de transparence, plus d'efficacité, et moins de bureaucratie.

Le cadre financier proposé par la Commission pour la période 2000-2006 ne prend pas la mesure de cette ambition. Pour l'UDF, seule une réforme approfondie du fonctionnement institutionnel permettra de redonner du sens à l'idée européenne.

Au-delà du cadre financier, l'enjeu de cette période sera d'adapter les institutions européennes aux exigences d'un fonctionnement plus démocratique et de l'élargissement que nous ne voulons pas sacrifier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les 24 et 25 mars prochain, lors du Conseil européen de Berlin, les chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union européenne doivent trouver un accord définitif sur l'Agenda 2000.

Ces négociations, essentielles pour l'avenir de l'Union, s'avèrent délicates en raison de l'importance de l'enjeu que représentent la politique agricole commune et la politique structurelle, pour la cohésion économique et sociale au sein du budget européen et dans la perspective d'un élargissement de l'Union. Elles s'avèrent aussi difficiles dans le contexte de crise liée à la démission de la Commission européenne.

J'articulerai mon propos sur les deux points suivants : la politique agricole commune et les fonds structurels.

La politique agricole commune est un enjeu majeur de la politique européenne et représente un poids considérable - plus de 42 % des recettes affectées - dans le budget de l'Union. Première puissance agricole européenne, la France en est la première bénéficiaire.

N ous comprenons bien les principes recherchés - rigueur budgétaire, respect des politiques communes, équité entre les Etats membres - mais l'accord conclu, ou


page précédente page 02548page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

plutôt le prétendu accord puisque, précisément, monsieur le ministre de l'agriculture, vous n'avez pas donné votre accord, l'« accord » conclu, disais-je, dans la nuit du 10 ou 11 mars ne s'inscrit pas dans cette volonté. Cet accord non chiffré est déjà accusé de dérive budgétaire : un dépassement de plus de six milliards d'euros est annoncé.

La France, au travers de la loi d'orientation agricole, a mis en avant la multifonctionnalité de notre agriculture, une agriculture dont la fonction de production est réaffirmée mais aussi une agriculture au service du développement durable, au service de l'emploi, respectueuse de l'environnement et des paysages, soucieuse des écosystèmes et de la qualité des eaux et des sols, garantissant des produits de qualité.

Par ailleurs, le refus de cofinancement et de renationalisation de la politique agricole a toujours été affirmé.

Les clauses proposées dans cet accord ne sont pas acceptables : le maintien d'un système encourageant l'agriculture industrielle, le soutien à l'élevage intensif et la menace, à terme, sur le principe des quotas laitiers ne feront qu'amplifier la disparition des petits producteurs et la désertification de nos campagnes.

Or, la négociation de la politique agricole commune doit être l'occasion de confirmer nos ambitions au profit d'une agriculture multifonctionnelle, en encourageant les cultures extensives et la limitation des entrants, en soutenant l'élevage extensif et le troupeau allaitant pour une viande bovine de qualité, en refusant la désorganisation de la production laitière et en favorisant l'agriculture biologique.

Il faut aussi affirmer notre volonté de repenser la politique des aides à l'agriculture afin de les répartir de façon plus juste. Cela passe par le plafonnement de ces aides, par leur dégressivité, leur réorientation vers ceux qui en ont le plus besoin - les petits et moyens producteurs -, le rééquilibrage entre les différentes régions, pour une véritable politique de l'aménagement des territoires ruraux prenant en compte certaines spécificités comme celles de la montagne.

M. Marc Laffineur.

Et le Maine-et-Loire ?

M. Jean-Michel Marchand.

Les fonds structurels, ce sont 220 milliards d'euros au service du développement économique et social, avec l'objectif de réduire les inégalités entre les régions et entre les groupes sociaux. Ils constituent la première source de financement européen des collectivités locales et sont en volume le deuxième budget de l'Union européenne.

La volonté affirmée de consacrer chaque année 0,46 % du PNB de l'Union aux actions structurelles doit certes être soutenue, mais cela n'empêche pas de s'interroger : est-ce bien suffisant pour une politique ambitieuse au service de l'emploi et du développement durable ? Réduire la population couverte par les programmes d'aide sera douloureux pour beaucoup. L'aspiration légitime des pays du Sud comme de ceux du Nord à en bénéficier ne doit pas se traduire par une remise en cause radicale des aides accordées à nos territoires éligibles ni à ceux qui prétendent fort justement l'être.

La prise en compte de la dimension urbaine dans l'objectif 2 est une bonne chose, alors que 80 % de nos concitoyens habitent en ville et qu'un peu partout émergent des questions spécifiques liées à l'urbanisation.

La revitalisation de certaines zones urbaines par la création d'activités et d'emplois constitue un enjeu majeur.

C'est donc une bonne chose. Mais quels moyens y seront consacrés ? Souligner la nécessité de préserver des actions significatives du développement en zones rurales dans le cadre de l'objectif 5 b, n'est-ce pas un voeu pieux, alors que le budget reste constant ? Il faut s'interroger aussi sur la destination des 14 milliards d'euros destinés au développement rural. Tous les acteurs socio-économiques qui oeuvrent en milieu rural seront-ils éligibles à cette aide ou considérera-t-on que seuls les agriculteurs sont concernés ? Enfin, il faut s'engager dans une simplification et rendre plus lisibles les circuits nationaux d'accès à ces aides, ce qui permettrait d'utiliser plus efficacement l'enveloppe communautaire disponible.

Nous avons plusieurs enjeux à gérer de front, et notre volonté légitime d'aboutir sur la question de la PAC ne doit pas conduire à perdre sur les fonds structurels ou à les considérer comme une variable d'ajustement du budget communautaire. La réforme des fonds structurels doit s'accompagner d'un renforcement du partenariat impliquant les différents niveaux de décision - européens, nationaux, régionaux, locaux -, lors de la mise en oeuvre des dossiers, et au cours des procédures de suivi des aides accordées, pour renforcer la démocratie participative en se rapprochant des citoyens.

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, cette proposition de résolution arrive à un moment crucial pour la construction européenne et pour l'avenir de l'Union européenne. La démission collective de la Commission fait, en effet, entrer l'Europe dans une période de crise et souligne surtout de graves dysfonctionnements au sein de son institution essentielle, dysfonctionnements mis tout particulièrement en lumière au cours de ces derniers mois.

Le rapport des experts indépendants, accablant pour l'actuelle Commission dans son entier, est également très critique et très sévère sur les comportements et sur les fautes individuelles de certains commissaires. Et ce rapport ne s'est pas cantonné à relever les erreurs perpétrées par l'actuelle Commission, elle a aussi relevé celles amorcées sous le magistère du précédent président !

M. Alain Barrau, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur la réforme des fonds structurels.

Délicat !

M. Marc Laffineur.

C'est bien sous le mandat du prédécesseur de Jacques Santer que la Commission s'est auto-investie de missions nouvelles, pour lesquelles elle n'avait pas compétence. C'est bien à ce moment qu'une dérive s'est instaurée, la conduisant à prendre seule la responsabilité de politiques pour lesquelles elle n'avait ni moyen financier, ni moyen humain.

Souvenons-nous que c'est à partir des années 90 que se sont multipliés les directives, que s'est instituée une certaine arrogance, que s'est amplifié un sentiment d'éloignement des citoyens. Le vote des Danois en 1992 et le résultat du référendum français auraient déjà dû faire réagir la Commission.

La réponse à cette crise ne consiste pas pour la Commission à embaucher plus de fonctionnaires, comme on a pu l'entendre, mais à se ressaisir, à se concentrer sur ses missions premières, à se rapprocher des citoyens.

Puisque l'heure est au bilan, permettez-moi un bref retour en arrière.

Que ne nous a-t-on pas promis quand l'alternance des g ouvernements s'est traduite par l'avènement d'une Europe rose, d'une Europe socialiste ?


page précédente page 02549page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Que n'avons-nous pas entendu sur les vertus alors d'une telle recomposition politique ? Aujourd'hui, clairement, la réalité est toute autre.

L'Europe rose a fait montre d'un tout autre visage. Elle s'est notamment illustrée, il y a peu, par la démission d'un poids lourd du gouvernement allemand, pour les raisons que l'on sait désormais, et par les dissensions qui existent en son sein entre écologistes et sociaux-démocrates.

M. Jean-Michel Marchand.

Il n'y a pas de problèmes !

M. Alain Rodet.

C'est de la politique politicienne !

M. Marc Laffineur.

Quant à la crise qui nous occupe, si la Commission se trouve discréditée de façon collective, elle est également gravement mise en cause du fait des agissements du commissaire socialiste espagnol, et surtout des négligences coupables d'un ancien Premier ministre socialiste de la France, manifestement impliqué dans un cas de favoritisme avéré et apparemment plus soucieux de sa mairie de Châtellerault que du bon usage des deniers publics communautaires. Ce qui est grave, c'est qu'à travers les fautes de ce commissaire, c'est bien l'image de la France qui se trouve passablement ternie.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine Lignières-Cassou.

On ne peut pas laisser dire cela !

M. François Patriat.

C'est minable !

M. Pierre Lequiller.

Ça vous dérange !

M. Marc Laffineur.

Malheureusement, c'est vrai ! Sa défense montre aussi la dérive des moeurs politiques, puisque, hier, ce commissaire affirmait que jamais la Commission n'aurait dû faire appel à des sages extérieurs pour la contrôler, comme si on pouvait être contrôlé par ses pairs, et que, aujourd'hui, elle prétend que le rapport a été trafiqué. Sans doute est-ce là la nostalgie des septennats précédents...

M. Alain Rodet.

Quel coupe-jarret !

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur de la commission de la production et des échanges, pour la proposition de résolution sur la réforme des fonds structurels.

Quelle arrogance !

M. Marc Laffineur.

Tout cela illustre bien le décalage entre ce que vous proclamez et ce qui se passe réellement et montre combien notre gouvernement est déphasé par rapport aux autres pays membres quant à ses orientations intérieures, notamment en matière économique et fiscale.

Le parallèle avec la proposition de résolution qui nous occupe est évident. Là encore, on tient un double langage et on observe un manque de cohérence entre les discours affichés et les faits tels qu'ils sont couchés par écrit sur les documents officiels.

A la lumière des événements de ces derniers jours et, surtout, du rapport des experts indépendants, on mesure combien il est nécessaire aujourd'hui de profiter des résolutions dont il nous faut débattre pour ramener l'Union européenne à ses missions essentielles, notamment la politique agricole commune et l'action des fonds structurels.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

On arrive au fond !

M. Marc Laffineur.

Ce recentrage indispensable doit s'accompagner de davantage de transparence, surtout lorsque l'on est profondément attaché à la construction européenne, à l'idée européenne, à l'idéal européen.

Or, en dépit de cette nécessité et de la multiplication des déclarations en ce sens, il est consternant de constater que nous n'en prenons pas le chemin, puisqu'il est question, dans de nombreux paragraphes des diverses résolutions, de développer de multiples compétences tout en disant, avec raison, qu'il faut dépenser moins ! Où est la cohérence ? La réforme des fonds structurels représente réellement un enjeu majeur pour notre pays.

Cette réforme s'articule autour de deux grands axes : un regroupement des objectifs, qui passent de sept à trois, et une renationalisation de la gestion des aides. Ces deux axes méritent des correctifs certains.

Abordons donc dans un premier temps le regroupement et la concentration des objectifs.

La fusion qui découle de la concentration des objectifs 5 b dans l'actuel objectif 2 présente un risque pour les espaces ruraux, qui se sentent un peu oubliés par cette nouvelle organisation des aides.

En aucun cas, il ne faut sous-estimer les difficultés que rencontrent aujourd'hui les agglomérations urbaines, frappées durement par le chômage, confrontées à des problèmes sociaux indéniables, mais il convient de la même façon de ne pas négliger les problèmes que connaissent les milieux ruraux et les campagnes de notre pays.

M. François Sauvadet.

C'est vrai !

M. Marc Laffineur.

Il faut y être d'autant plus vigilant que nous savons très bien que l'Union européenne doit se faire avec les peuples, en s'appuyant sur une adhésion populaire toujours à enraciner et à conforter.

Par conséquent, si la concentration des objectifs va dans le sens d'une relative simplification, cette perspective ne doit pas se faire au détriment de nos espaces ruraux.

Quant à la décentralisation de la gestion des aides, il s'agit surtout et avant tout d'une renationalisation. Il faudra donc qu'on nous explique pourquoi ce que nous avons combattu pour la réforme de la politique agricole commune serait bon pour la réforme des fonds structurels ! En effet, il est inimaginable que l'Europe se disperse dans de nouveaux projets quand, dans le même temps, elle se dégage des fonds structurels en les renationalisant.

C'est vraiment déshabiller Pierre pour habiller Paul, et ce au mépris des textes et traités communautaires en vigueur.

C'est la complexité des attributions et des dossiers à réaliser qui posent un réel problème. C'est là qu'il faut assouplir les règles et décentraliser davantage. C'est là qu'il faut pouvoir ajuster les crédits aux besoins en permettant des ajustements entre mesures et des passerelles financières entre les enveloppes affectées aux différents objectifs.

De même qu'il n'est pas acceptable de diminuer le pourcentage des Français pouvant prétendre aux fonds structuels, il n'est pas acceptable non plus que la DATAR se substitue à l'Europe pour établir des cartes sous le manteau, comme cela s'est fait hier au comité national d'aménagement du territoire, en les retirant aussitôt comme si on n'en était pas très fier.

Dans votre résolution, on ne voit pas ce souci, qui concerne pourtant tous les élus français qui y sont confrontés dans les comités de pilotage auxquels ils participent. A des demandes de simplification administrative et de clarté accrue, vous répondez par de nouvelles m esures, de nouvelles règles opaques, de nouvelles


page précédente page 02550page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

formalités, qui vont contribuer à éloigner encore davantage l'Union européenne des citoyens. Nous ne pouvons pas souscrire à votre démarche, parce que nous ne souscrivons pas à votre vision de l'Europe, parce que nous avons trop envie que l'Europe soit le grand dessein du troisième millénaire. Nous voterons donc contre cette propositon de résolution.

M. Alain Rodet.

Quelle surprise !

M. Marc Laffineur.

Nous voulons l'Europe, nous avons besoin de l'Europe, mais nous ne voulons pas d'une Europe bureaucratique, technocratique, nous voulons une E urope ambitieuse et démocratique, au service des peuples.

Les jeunes Français, Allemands, Anglais, Espagnols, Italiens, tous les jeunes Européens nous jugeront à notre capacité à inventer l'Europe de demain, une Europe du plein emploi, une Europe de la paix, une Europe de liberté, une Europe dans laquelle ils pourront s'épanouir, en ayant retrouvé la grandeur de leur dignité humaine, en un mot une Europe dont ils pourront être fiers.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat.

C'est justement de cohérence dont je veux parler, monsieur le ministre, sans répondre aux attaques qui viennent d'être proférées par ailleurs. La cohérence entre la réforme de la politique européenne et votre volonté de défendre l'ensemble des territoires à travers le vote de la LOA et la construction de cette PAC, de défendre les secteurs aménageurs de territoire et le financement du développement rural, apparaît dans les discussions que vous avez menées.

La loi d'orientation agricole, dont je suis le rapporteur, a obéi à des impératifs économiques, mais aussi à des critères d'équité et de légitimité.

Elle vise à réorienter l'agriculture française vers un modèle adapté à notre territoire, tenant compte de sa diversité. Cette agriculture doit être capable de produire des biens alimentaires et non alimentaires de qualité, assurant le maintien du plus grand nombre possible d'agriculteurs, créant des emplois, tournant le dos au schéma productiviste générateur d'excédents, en n'oubliant pas sa multifonctionnalité.

Enrayer la course à l'agrandissement, valoriser les produits à travers les signes de qualité et d'origine, déplacer le curseur de la plus-value de la distribution vers la production, telles sont les voies qui devraient permettre de redonner demain le pouvoir économique aux producteurs.

M. Alain Rodet.

Très bien.

M. François Patriat.

Pour cela, il faut instaurer un vrai contrôle des structures pour permettre le développement des exploitations qui en ont besoin et réduire la fracture dans la profession.

M. Christian Jacob.

Quel est le rapport avec la résolution ?

M. François Patriat.

J'y viens.

Il nous faut répondre à l'attente des citoyens et des consommateurs en prenant en compte la notion de territoire, synonyme de diversité, d'authenticité et de sécurité sanitaire.

Pour maintenir des paysans et surtout de jeunes paysans dans nos régions moins productives, il faut négocier avec chacun d'eux de nouvelles relations aux termes desquelles ils percevront une véritable rétribution pour le travail et le service accomplis.

Notre volonté nationale vise donc à tempérer le productivisme et à créer une nouvelle relation à l'espace rural permettant aux ruraux de s'épanouir dans un autre modèle français qui ne refuse ni le progrès technique, ni la sauvegarde de l'environnement.

La priorité n'est plus dans le développement de la production et dans l'intensification, mais dans un territoire et une société qui doivent impérieusement vivre autant que produire.

Or le contexte actuel est une réforme de la PAC influencée par les règlements de l'OMC et la mise en cause de la légitimité des formes actuelles des soutiens publics aux agriculteurs.

La philosophie qui vise à une baisse massive des prix et au démantèlement des outils communs de marché ne peut avoir notre approbation, et elle n'a pas celle du ministre. L'argument de la compétitivité sur le marché mondial ne tient pas car, au-delà du seul marché solvable qu'est l'Europe, les marchés mondiaux sont des marchés d'écoulement de surplus, toujours perturbés, et nous savons que les baisses de prix ne sont jamais réellement répercutées. Nous pourrions d'ailleurs débattre longtemps sur la définition que nous avons chacun de la capacité exportatrice de la France.

Une politique de soutien des prix assortie d'une bonne gestion des marchés serait moins coûteuse que le projet actuel de la réforme de la PAC.

Je ne conteste pas le découplage qui vise à donner plus d'aides directes aux familles qu'aux produits, mais il manque cruellement la maîtrise de la production et le volet plafonnement et modulation.

Il y a même une part de cynisme de la part des commissaires qui voudraient nous faire croire que la baisse des prix découragerait les producteurs et que la maîtrise serait ainsi assurée, ce qui va à l'inverse de ce que nous souhaitons.

De plus, la baisse générale des prix tourne le dos à la logique que je viens d'évoquer en incitant à des gains de productivité, donc à des agrandissements de structures, et à un accroissement des intrants.

Monsieur le ministre, vous avez obtenu de réels succès, fruits de votre détermination, en refusant le cofinancement, en modifiant notablement le volet de l'élevage allaitant et l'extensification, et dans le domaine viticole.

Si je souligne ces acquis, c'est qu'ils ne sont pas moindres, mais la négociation ne peut en rester là car il serait réducteur de fonder notre stratégie commerciale uniquement sur la compétitivité des prix alors que nous savons que c'est sur les biens transformés, à forte valeur ajoutée, que repose la force économique de l'Europe.

Permettez-moi de citer quelques points sur lesquels j'aimerais revenir.

La suppression du prix de référence pour les oléagineux et le démantèlement de l'aide spécifique entraîneraient une disparition de ce secteur. Le député du plus grand département producteur de colza de France ne peut que vous demander d'obtenir pour le colza ce que vous avez obtenu pour le maïs.

M. Christian Jacob.

M. le ministre n'a formulé aucune réserve sur ce point !


page précédente page 02551page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. François Patriat.

Pour la viande, le filet de sécurité devient inopérant si le niveau de prix de l'intervention ne déclenche pas l'achat public. Le risque de crise est réel car, avec l'effondrement du cours du porc, on a vu la limite du stockage privé.

Je note que la filière ovine est souvent oubliée. Jacques Rebillard en a parlé ce matin, je m'associe à ses remarques.

Peut-on pour autant s'opposer par une position démagogique aux intérêts à long terme de notre pays et nier la réalité de l'Europe d'aujourd'hui qui est qu'une majorité d'Etats membres se prononcent pour la baisse des prix ? Telle est la réalité aujourd'hui et il faut en tenir compte ! Le niveau de baisse des prix pour les filiales concernées doit prendre en compte à la fois la position concurrentielle et la situation des producteurs, d'où la nécessité de dégager des crédits pour le développement rural, pour les CTE, et de faire en sorte que toute baisse des prix institutionnelle soit justement compensée pour les agriculteurs.

M. François Sauvadet.

Cela ne sert à rien !

M. le président.

Monsieur Patrick, veuillez conclure.

M. François Patriat.

Je vais conclure, monsieur le président.

Mes chers collègues de droite, votre opposition systém atique, la réflexion faisant place au slogan, est empreinte de démagogie et vous installe dans un confort intellectuel certain. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Jacob.

Quel discours politique !

M. le président.

Monsieur Patriat, je vous prie de conclure.

M. François Patriat.

J'ose croire, mes chers collègues, que cela tient au fait que vous n'êtes pas aux responsabilités, responsabilités que vous n'avez pas exercées au moment de l'accord de Marrakech.

A ceux qui, aujourd'hui, disent tout et son contraire, je v oudrais rappeler ce que déclarait M. Méhaignerie en 1980 : « J'aime mieux être le ministre des excédents que le ministre de la pénurie. » On voit où le laisser-faire,

la volonté du laisser-produire toujours a conduit l'agriculture.

M. Christian Jacob.

Et quatorze ans de socialisme ?

M. François Patriat.

Ce n'est pas ce choix que nous avons fait. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous vous soutiendrons aujourd'hui. Nous ne votons pas sur la PAC aujourd'hui, nous votons sur une résolution sur laquelle le ministre est d'accord...

M. Christian Jacob.

C'est très ambigu !

M. François Patriat.

... et nous sommes d'accord pour aboutir à un bon accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Jacob.

C'est confus !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Lazaro.

M. Thierry Lazaro.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de résolution sur la réforme des fonds structurels inscrits dans le cadre de l'Agenda 2000 qui nous réunit aujourd'hui avec deux autres projets a de quoi laisser perplexe.

Nous nous avançons résolument vers une baisse substantielle des fonds structurels alors même que les régions b énéficiaires - je pense notamment à la région Nord Pas-de-Calais et particulièrement au département du Nord dont je suis l'un des élus - n'ont pas rattrapé leur retard.

L'objectif 1, dont c'était la vocation essentielle, sera bientôt supprimé. Pour la France, seul l'outre-mer en sera bénéficiaire. Nous ne pouvons que nous en féliciter, mais c'est bien peu. Je ne comprends pas cette manipulation qui consiste à nous faire croire que l'objectif 2 aura pour vocation de compenser la disparition de l'objectif 1. C'est un objectif fourre-tout qui risque de générer bon nombre de difficultés pour nos régions dont les besoins en matière d'infrastructures économiques, sanitaires, sociales, culturelles, sportives sont encore forts.

On m'objectera qu'il y aura une phase de transition.

Pourtant, beaucoup s'accordent à souligner le manque de lisibilité des crédits d'accompagnement pour ménager cette transition. Cela n'est pas de nature à nous rassurer, d'autant plus, et cela a déjà été dénoncé sur d'autres bancs, que tous les crédits ne sont pas consommés. C'est le cas, dans un département comme le Nord, d'un quart des crédits, près de 300 millions de francs, qui risquent de ne pas être consommés.

Une telle situation est due pour une part à des procéd ures tatillonnes, une concurrence incompréhensible, voire idiote, entre certaines administrations, une bureaucratie pesante, anesthésiante. Notre collègue Alain Bocquet rappelait, il y a quelques jours, le véritable parcours du combattant pour nos collectivités. Et que dire des plus petites d'entre elles, démunies, reléguées au second plan, recalées parce que peu armées pour défendre des projets qui contribueraient pourtant à améliorer la vie de nos concitoyens dans nos villages et nos petites villes ? C'est d'autant plus difficile à admettre que la gabegie est rarement du côté des petites communes, des petites collectivités, que la démocratie existe au quotidien dans nos petits villages, avec un contact permanent et direct entre les élus et leurs administrés.

Doit-on trouver normal que, pour avancer sur un dossier, la participation d'un bon cabinet de lobbying sur la place de Bruxelles soit plus efficace que l'intervention directe et normale des élus ? Où se trouve la légitimité ? La refonte des objectifs ne nous rassure en rien. Les conditions d'éligibilité, pour les fonds auxquels nous pourrons encore prétendre, risquent d'être encore plus compliquées. La phase de transition ne risque-t-elle pas de prendre cette en compte sous-consommation dramatique des crédits ? C'est à travers cette résolution que nous devrions insister, alors que l'institution européenne traverse une grave crise, pour qu'aucun de nos secteurs en grande difficulté ne soit lésé.

Autre élément de réflexion : les économistes continuent de réviser à la baisse les prévisions de croissance pour 1999. La prévision moyenne tourne autour de 2,2 p. 100.

Agenda 2000 est fondé sur des perspectives économiques optimistes, très optimistes, trop assurément. Le moindre écart, et vous le savez, risque d'être préjudiciable à l'ensemble de l'édifice communautaire, alors qu'une nouvelle phase d'élargissement est en route.

Adopter cette résolution sans prendre en compte ce risque serait, une fois de plus, mentir à nos concitoyens.

Vous n'êtes pas à votre coup d'essai. Le budget de la nation fondé sur une perspective de croissance de


page précédente page 02552page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

2,7 % ne pourra être tenu ; j'ai cru comprendre que le ministre de l'économie et des finances nous préparait à cela.

Pour conclure, j'ai transformé une phrase trouvée dans l'ouvrage du GERI : à l'image de la France, l'Europe rose-rouge-verte n'a pris en compte à aucun moment les aléas de la vie économique, sociale et politique internationale ni les risques liés à la volatilité des marchés financiers. Une fois de plus, le réveil sera douloureux.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Elie Hoarau.

M. Elie Hoarau.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs, les agriculteurs des départements d'outre-mer, comme d'ailleurs tous les agriculteurs de l'Union européenne, suivent avec attention, et quelquefois avec crainte, les négociations pour la réforme de la politique agricole commune.

Le principe qui prévaut à la mise en place de cette réforme est celui d'une baisse des prix et du système de compensation de manière, d'une part, à faire face aux risques d'accumulation, à la surproduction, et, d'autre part, à se conformer aux accords de Marrakech conclus en 1994, en vue de la reprise prochaine des négociations commerciales de l'OMC.

Le risque prévisible de l'application de ce principe est une baisse des revenus des producteurs, à tel point que le souhait de la délégation pour l'Union européenne est que cette baisse soit modérée. Il s'ensuit une série de recommandations visant à sauvegarder au mieux les intérêts des agriculteurs français.

A partir de ce contexte général, je voudrais faire plusieurs remarques.

D'abord, je déplore, comme le fait d'ailleurs le rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, le manque d'ambition de la réforme de la PAC vis-à-vis des cultures des régions ultrapériphériques de l'outre-mer français : la banane pour les Antilles et le sucre, surtout pour la Réunion.

S'agissant des Antilles, la défense de l'OCM banane face aux menaces inadmissibles des grosses sociétés américaines qui exploitent les peuples d'Amérique centrale doit être exprimée avec force par l'Union européenne. Il y va de sa crédibilité politique.

Ma deuxième remarque concerne le sucre de la Réunion. Le triomphe actuel des principes de la réforme de la PAC est totalement contraire à ceux du règlement sucrier européen qui arrive à échéance en 2001. Même si le sucre est considéré comme une production industrielle, quel est l'avenir de la filière canne-sucre à la Réunion dans le cadre de la réforme de la PAC ? Une baisse des prix et des subventions aurait des effets dévastateurs sur l'économie sucrière et, par voie de conséquence, sur toute l'agriculture réunionnaise, car, à la Réunion, la canne constitue plus que jamais le socle d'une diversification des cultures encore fragile inachevée, fragile parce qu'elle est menacée par la concurrence des pays ACP voisins, inachevée puisque la canne représente encore presque la moitié de la valeur agricole finale de la Réunion. Les filières issues de la diversification, qui appuient leur développement sur les revenus tirés de la canne, assurés par les quotas d'une part et le prix garanti d'autre part, risquent d'être plongées dans une crise sans précédent.

Enfin, je souligne que le recul de la canne à sucre amplifiera le phénomène d'érosion, déjà intense à la Ré union, et réduira d'autant l'espace agricole cultivable.

J'ai volontairement limité mon propos aux problèmes de la réforme de la politique agricole, car mes collègues Huguette Bello et Claude Hoarau interviendront ultérieurement sur les autres aspects du débat.

Pour conclure, je dirai que, étant donné qu'à la Réunion une grande majorité des planteurs et des éleveurs sont maintenus en état de survie grâce au soutien public et aux aides, nous ne pouvons pas nous résoudre à une diminution, fût-elle modérée, des aides communautaires et nationales, car elle compromettrait durablement les chances de développement agricole de la Réunion et la sauvegarde de son environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Pierre Petit.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Alain Cacheux.

M. Alain Cacheux.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en présentant ce matin le rapport de la commission de la production et des échanges sur la réforme des fonds structurels, Mme PérolDumont a bien souligné que si la politique structurelle de la Communauté a permis à certains pays de l'Union de rattraper assez largement leur retard de développement, elle avait largement échoué quant à la diminution des disparités régionales, portant ainsi atteinte à l'objectif de cohésion économique et sociale qui doit être recherché entre les territoires de la Communauté. C'est particulièrement vrai dans ma région, le Nord Pas-de-Calais, région de tradition industrielle, mais c'est aussi le cas dans toutes les régions partageant la même tradition.

Sa reconversion économique, ma région la poursuit maintenant depuis trente-cinq ans : c'est le discours du général de Gaulle sur le charbon en 1963 qui avait amorcé le processus.

Rappeler les piliers sur lesquels était bâtie la puissance industrielle du Nord Pas-de-Calais donne la mesure de la reconversion qu'il nous a fallu et qu'il nous faut encore accomplir. Ces piliers étaient : le charbon et l'industrie minière ; la sidérurgie, notamment dans le Valenciennois et la Sambre, et toutes les industries qui lui étaient liées ; le textile, présent un peu partout dans la région mais en particulier à Roubaix et à Tourcoing ; la construction navale à Dunkerque. Cette liste n'est pas exhaustive.

D'ailleurs, nous sommes un peu devenus des professionnels de la reconversion. Mais celle-ci prend du temps, beaucoup de temps, et exige d'accomplir un réel effort en matière de rédéploiement économique, de formation, de reconquête des sites et des paysages, de résorption des friches industrielles, de réduction des pollutions de l'air ou des sols, et surtout d'évolution des mentalités.

M algré de nombreuses réussites et des avancées i ncontestables - réalisation d'infrastructures décisives comme le tunnel sous la manche ou le TGV Nord, création de 300 000 emplois tertiaires destinés à compenser la perte de 300 000 emplois industriels en trente ans -, la réalité demeure très difficile : un taux de chômage supérieur de quatre points à la moyenne nationale, un revenu moyen inférieur de 15 % à la moyenne nationale hors région parisienne, un nombre élevé de RMIstes par rapport au poids de notre population.

Le soutien des fonds structurels, comme l'appui des pouvoirs publics nationaux, est donc, demain comme aujourd'hui, complètement indispensable.


page précédente page 02553page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Au moment où la réforme des fonds structurels européens s'achève, je me permets donc d'insister sur quelques revendications, quelques souhaits essentiels d'ordre général dont la prise en compte ne manquerait pas d'avoir des c onséquences pratiques très importantes pour notre région, ainsi que pour l'ensemble des régions de tradition industrielle.

Il faut d'abord que les crédits consacrés aux fonds structurels respectent les montants qui ont été évoqués ce matin - 200 milliards d'euros, chiffre annoncé par M. Pierre Moscovici, et 0,46 % du PNB, pourcentage cité par Mme Pérol-Dumont et M. Barrau - et ne constituent pas une variable d'ajustement dans la négociation globale que représente l'Agenda 2000.

Par ailleurs, puisqu'il est désormais acquis que le Hainaut, tout comme la Corse, ne pourra plus prétendre à l'objectif 1, il faut que les dispositifs transitoires de sortie soient suffisamment longs et durent au moins six ans, car la reconversion est une oeuvre de longue haleine.

S'il est d'ores et déjà acquis que les territoires qui appartiennent à l'objectif 1 seront automatiquement versés dans les zones concernées par l'objectif 2 - ce qui est très positif -, vous avez néanmoins raison, monsieur le ministre, de préciser que la concentration géographique souhaitable des aides doit s'apprécier globalement, objectif 1 et objectif 2 confondus.

Enfin, pour ce qui est des critères pris en compte pour déterminer les régions éligibles à l'objectif 2, il m'apparaî t souhaitable que, à côté du taux de chômage et du taux d'emploi industriel, figure celui du déclin de l'emploi dans l'industrie, et ce sur une longue période, comme le souhaite d'ailleurs la Commission européenne. En effet, la reconversion est d'autant plus difficile que la perte d'emplois industriels a été importante.

J'ajouterai, en complément des observations que j'ai présentées à partir de ma situation régionale, trois brèves remarques.

D'abord, il m'apparaît indispensable que le programme d'intérêt communautaire URBAN soit rétabli dans l'objectif 2, de la même façon que le dispositif de revitalisation du monde rural y est intégré à travers la reprise de l'objectif 5 b dans l'objectif 2. Il s'agit là de permettre à l'Europe d'abonder les crédits d'une politique de la ville que nous souhaitons ambitieuse et à la hauteur des difficultés rencontrées dans les quartiers difficiles.

Ensuite, il faut permettre aux régions éligibles à l'objectif 2 de pouvoir présenter des dossiers dans le cadre de l'objectif 3 non zoné. Les cibles se recoupent en partie, qu'il s'agisse de l'emploi ou de la formation professionnelle. C'est sans doute aussi le moyen de mieux équil ibrer les crédits européens, notamment ceux de l'objectif 2, et cela, bien sûr, en fonction des problèmes rencontrés.

Enfin, il convient de simplifier la gestion de ces crédits européens afin d'obtenir une bien meilleure consommation, au moment même où une prime de performance sera établie.

Il est désolant de constater qu'à l'heure où certainesr égions connaissent tant de difficultés en matière d'emploi, des crédits qui pourraient les aider à en sortir ne sont pas utilisés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord exprimer l'importance que présente à mes yeux l'objectif de stabilisation des dépenses communautaires, et je me félicite que celui-ci ait été affiché par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Cette stabilisation est en effet la condition nécessaire - je ne dis pas suffisante - pour maintenir à 1,27 point du PIB le plafond des ressources propres de l'Union.

Cet objectif est aussi le moyen d'imposer aux autorités communautaires un encadrement rigoureux de la dépense publique, encadrement rigoureux que ces mêmes institutions n'ont cessé de conseiller aux Etats membres sans toutefois se l'imposer à elles-mêmes, comme, malheureusement, la preuve en a été récemment apportée.

Toutefois, cette nécessaire stabilisation des dépenses communautaires sera-t-elle suffisante, d'une part, pour apaiser les protestations des Etats qui estiment être trop sollicités et, d'autre part, pour éviter une grave détérioration du budget de l'Union dans les années à venir ? Nous ne pouvons pas en être certains aujourd'hui.

J'observerai d'abord que cette stabilisation n'empêchera pas, comme l'a souligné notre rapporteur M. Fuchs, une aggravation des soldes déficitaires nets des Etats qui sont les plus gros contributeurs. Elle ne parviendra vraisemblablement pas à apaiser les récriminations ou les protestations de ces Etats. On peut le regretter. C'est une donnée politique importante que nous ne pouvons ignorer.

Fallait-il, pour autant, accepter, comme cela a été le cas, que la question des soldes nets soit placée au coeur des négociations en cours alors que l'on ne remettait pas vraiment en cause la ristourne britannique ? De surcroît, nous ne sommes pas parvenus non plus à faire en sorte que la référence au seul PNB soit substituée à celle de la TVA et du PNB pour fixer les montants des contributions nationales. De ce point de vue, je trouve que la négociation ne s'est pas très bien nouée.

Je soulignerai ensuite l'inquiétude que m'inspire l'évaluation par la défunte Commission du coût de l'élargissement. Certes, le commissariat général du Plan paraît avoir validé cette évaluation. Toutefois, je trouve dans le rapport de M. Fuchs toutes les raisons d'être extrêmement inquiète à cet égard. En effet, - et je mesure le côté imparfait de cette comparaison -, si l'on considère les transferts financiers publics nets, on constate qu'ils sont passés, du fait de l'unification allemande, de 106 milliards de deutsche marks en 1991 à 133 milliards en 1997, montant qui représentait, à cette date, 3,6 % du PIB allemand.

Or, je pense que ce sont des sommes que les quinze

Etats membres n'envisagent à aucun moment de consacrer à l'élargissement de l'Union aux Etats candidats, qu'ils soient cinq, dix ou douze. Dès lors, si nous n'envisagons pas un tel effort, que se passera-t-il ? Le rapport de M. Fuchs précise que, au-delà des contributions de l'Union, le secteur privé assurera le rattrapage qui s'imposera à ces Etats. J'apprécie énormément que cet hommage au secteur privé émane d'un partenaire socialiste. Toutefois, vous ne pourrez pas m'empêcher de penser que, quel que soit le dynamisme du secteur privé, il risque de ne pas parvenir à assurer dans de bonnes conditions le rattrapage nécessaire dont ces Etats ont besoin et qu'ils sont en droit d'attendre, puisque nous voulons leur ouvrir la porte de l'Union. Je suis assez inquiète.

M. Nallet, qui était jusqu'à hier président de la délégation, avait, dès 1997, exprimé des réserves et des craintes à ce sujet. Tous les membres appartenant à la délégation ici présents s'en souviennent sûrement. Il regrettait que la Commission n'ait pas proposé une conception d'ensemble


page précédente page 02554page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

de l'élargissement ni présenté de manière précise ses conséquences macro-économiques, et qu'elle s'en soit tenue à une vision minimaliste d'alignements réglementaires dans une optique essentiellement financière. Il ajoutait que la Commission risquait d'avoir sous-évalué l'aide à l'intégration dont auraient besoin les nouveaux m embres et qu'une telle sous-évaluation pourrait c onduire, à terme, à l'implosion des politiques communes.

Cette implosion, nous la redoutons aujourd'hui, étant donné les propositions de la défunte Commission et la tournure des négociations.

Enfin, je ferai écho à la suggestion énoncée par la proposition de résolution à propos de la constitution de réserves, réserves qui permettraient à un ou plusieurs

Etats de faire face à des difficultés imprévues et graves. Lors des discussions qui ont précédé la présentation du rapport de M. Fuchs au sein de notre délégation, nous avons auditionné le président ainsi que le rapporteur de la commission du budget du Parlement européen. Le rapporteur de cette commission avait alors exprimé le regret que des excédents de crédits non utilisés n'aient pas été mis en réserve pour pouvoir faire face à des événements ou à des difficultés imprévus au sein de l'Union. Le rapp orteur général de la commission des finances, M. Migaud, a repris cette idée dans la proposition de résolution.

Il s'agit d'une idée que j'estime très importante, car il importe vraiment d'obtenir que des crédits excédentaires puissent être mis en réserve, soit pour impulser une régulation conjoncturelle - mais je suis un peu réservée sur ce point -, soit pour soutenir temporairement un ou plusieurs Etats qui auraient à faire face à ce que l'on appelle pudiquement un « choc asymétrique ». Et comme je suis convaincue que la mise en oeuvre de la monnaie unique dans les différents Etats membres ne s'effectuera pas sans secousses, je crois qu'il est grand temps de s'engager dans la voie de la constitution de réserves destinées à faire face à de tels chocs. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Monique Denise.

Mme Monique Denise.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme de la politique agricole commune représente un enjeu d'importance pour la France, premier pays agricole d'Europe. La négociation entamée à Bruxelles a commencé dans un contexte extrêmement difficile pour notre pays, confronté aux propositions draconiennes de la Commission européenne.

En effet, pour accroître la compétitivité des produits européens sur les marchés mondiaux, de très fortes baisses étaients envisagées : moins 20 % sur les céréales, moins 30 % sur la viande bovine, moins 15 % sur le lait et abandon des quotas laitiers, qui ont pourtant fait la preuve de leur efficacité. Si l'on y ajoute le cofinancement, c'est la fin de la PAC, c'est la renationalisation de l'Europe ! C'est inacceptable. Ni le Gouvernement français ni l'ensemble des agriculteurs, qui verraient baisser très sensiblement leurs revenus, même en cas de compensation, ne peuvent s'y résoudre.

La baisse des prix garantis provoque un tollé général dans le milieu agricole. La réaction peut se comprendre et se traduit par des manifestations sur l'ensemble du territoire. On comprend moins par contre les dégradations qui se multiplient au fil des jours sur la voie publique. Et personne ne peut excuser la mise à sac d'un bureau ministériel par une poignée de casseurs. La grande majorité des agriculteurs les a d'ailleurs désapprouvées.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Le compromis sur la réforme de la PAC, qui a été négocié dans la nuit du 10 au 11 mars, est actuellement considéré comme une étape par le Gouvernement et par l'Elysée.

Je prendrai un exemple, celui de l'élevage : la réforme laitière est reportée ; le dossier de la vache allaitante nourrie à l'herbe comporte des avancées significatives puisque la prime passe de 145 à 160 euros par tête ; la baisse du prix de la viande est ramenée de 30 à 20 % ; les Allemands ont cédé sur le cofinancement.

Notre ministre de l'agriculture, Jean Glavany, s'est battu pour arracher à ses collègues un compromis équilibré et acceptable dans la perspective des négociations commerciales au sein de l'OMC en l'an 2000, et il continue à se battre. On peut lui faire confiance ! L'objectif est de rester compétitif, tout en préservant au maximum les intérêts des agriculteurs français, et de rapprocher les prix européens des cours mondiaux pour rendre le blé, la viande, le colza ou le beurre plus compétitifs.

Reste à maîtriser les productions pour éviter que ne se produisent des crises graves comme c'est actuellement le cas pour le porc. En effet, la surcapacité des années fastes engendre les crises et celle du porc est cyclique : elle a lieu en moyenne tous les trois ans.

En 1998, l'Europe, comptait 125 millions de porcs, dont 12,7 % du total en France. Mais, alors que les producteurs français fournissent 98 % de notre consommation nationale, les Danois ont une production équivalente à 500 % de leur consommation. Il est donc plus qu'urgent d'organiser le marché à l'intérieur de l'Europe.

Hors de l'Europe, les Etats-Unis, eux, ont produit 100 millions de tonnes de porc en 1997 et se sont fixé un objectif de 130 millions de tonnes pour les prochaines années ainsi qu'un prix de revient d'un franc par kilo.

Quand on voit les dégâts que provoque chez nous une baisse du prix du kilo à 5 francs, on comprend bien l'ampleur du problème.

Par ailleurs, quand on sait que le prix d'un kilo de viande bovine va de 17 francs en Europe à 7 francs en Argentine, on voit bien le décalage. Cela peut expliquer la tentative de la Commission européenne d'opérer un alignement à la baisse.

Tout le monde est d'accord pour dire que la réforme de la PAC ne doit pas se résumer à une simple adaptation aux marchés mondiaux. Le monde rural est actuellement confronté à ce problème de survie. Il doit s'adapter certes, mais pas à n'importe quel prix.

Les agriculteurs font de gros efforts pour améliorer la qualité de leurs produits et en augmenter la valeur ajoutée. La PAC doit les y encourager.

Souhaitons que le sommet de Berlin des 24 et 25 mars modifie encore, et dans le bon sens, la PAC du

XXIe siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, n'est-il pas trop tard de parler aujourd'hui des fonds structurels ? Avons-nous véritablement encore une chance de voir les choses évoluer ?


page précédente page 02555page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Globalement, je ne suis pas d'accord avec la réforme des fonds structurels, pour deux raisons essentielles.

Christian Jacob et Alain Marleix s'étant longuement exprimés au nom du groupe du Rassemblement pour la République, je ne reviendrai pas sur les détails, me contentant d'insister sur deux points qui me paraissent très importants.

D'abord, en remettant en cause l'ensemble des fonds structurels, on va tirer le tapis sous les pieds des zones les plus défavorisées. Avec la régression des territoires zonés et la diminution de l'enveloppe, une perte irrattrapable en découlera.

Je ne comprends pas, ainsi que je l'ai dit à M. Barrau en commission, comment le Gouvernement et le Conseil des ministres européen peuvent accepter que l'on classe l'ensemble des zones difficiles dans l'objectif 2, que je qualifierai d'objectif fourre-tout. Au sein de cet objectif seront ainsi en compétition pour l'attribution des crédits aussi bien la ville, sur laquelle M. Barrau a eu raison d'insister en commission, que les zones rurales, particulièrement celles qui sont en difficulté. Je suis très inquiet car je ne vois pas comment on pourra continuer d'apporter le même soutien financier à ces zones, alors qu'elles en ont un grand besoin.

M. Alain Barrau, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Il suffit de faire grossir l'objectif 2 !

M. Patrick Ollier.

Certes, monsieur Barrau ! Mais comme on diminue les crédits, je ne vois pas comment on pourrait faire grossir les enveloppes ! J'accepte que l'on élargisse l'Europe et je suis un fervent militant de la politique d'élargissement. Mais je n'accepte pas que l'on considère que, dans certaines zones rurales françaises, notamment dans les plus défavorisées, l'aménagement du territoire, nécessaire pour préserver la richesse et la vie dans ces zones, soit interrompu. Or c'est bien cela qui va se passer, monsieur le ministre de l'agriculture, dans des zones que vous connaissez particulièrement car vous êtes, vous aussi, un élu de la montagne.

Vous savez très bien que nous ne pouvons pas nous passer des crédits ! La totalité de mon département, les Hautes-Alpes, est classée en zone 5 b. Or nous savons qu'une partie importante de ce département ne va plus se trouver classée dans l'objectif 2. Dans ces conditions, il est évident que ceux qui ont des projets ne pourront pas les réaliser.

Selon le principe de la subsidiarité, la politique d'aménagement du territoire, qui est une politique nationale, doit permettre à l'Etat lui-même de prévoir, de la manière qu'il trouve la plus juste et la mieux adaptée, les moyens pour soutenir l'activité économique et le développement de ces zones, qui sont en retard et qui ont besoin d'aides spécifiques.

Nous avons créé les zones de revitalisation rurale et je me souviens d'avoir moi-même rédigé l'article du texte de loi. Le rapporteur général du budget, ancien président des élus de la montagne, le sait mieux que personne - n'est-ce pas, monsieur Migaud ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

Mes chers collègues, nous sommes d'accord sur le fond : il ne s'agit pas d'un problème gauche-droite, mais d'un problème de bon sens car ce qui importe, c'est d'apporter aux zones qui en ont besoin les soutiens nécessaires.

Quand vous aurez, monsieur le ministre, accepté la refonte des fonds structurels, vous vous rendrez compte, mais vous le savez déjà, que, dans les zones de montagne, nous ne disposerons plus des moyens nécessaires.

Comment se fait-il que, dans la proposition de résolution qui nous est présentée, le mot « montagne » ne figure pas une seule fois ? La « spécificité montagnarde », c'est tout de même quelque chose ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes devrait, lui aussi, la défendre...

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur.

A ce sujet, la commission a accepté un amendement, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier.

Nous avons effectivement déposé un amendement avec M. Dumoulin, qui tend à insérer la notion de « spécificité montagnarde ». Je suis heureux, madame le rapporteur, que la commission ait accepté de le retenir, mais j'aurais préféré qu'elle n'ait pas à le faire et que les deux mots « spécificité montagnarde » figurent dans le texte. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Monique Denise.

Vous n'êtes jamais content ! Il faut savoir ce que vous voulez !

M. Arthur Dehaine.

M. Ollier a raison !

M. Patrick Ollier.

Que vous arrive-t-il, madame Denise ? Vous vous êtes tout à l'heure exprimée. Laissezmoi parler à mon tour et terminer sereinement mon intervention car je ne veux pas engager de polémique. Je vous appelle donc au calme, chère collègue !

M. Yves Bur.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

Monsieur le ministre, l'oubli de la spécificité montagnarde est inadmissible. Je souhaiterais que, d'ici à la fin des discussions, vous repreniez à votre compte le mémorandum que les élus français de la montagne ont, au niveau français, déposé, avec l'UNCEM italienne, ce dont M. Migaud doit parfaitement se souvenir puisqu'il était avec moi l'un des responsables de l'élaboration de ce document,...

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour la proposition de résolution sur les nouvelles perspectives financières.

C'est un bon texte !

M. Patrick Ollier.

... et avec l'Association européenne des élus de la montagne. Mais depuis que nous avons déposé notre mémorandum, nous n'avons reçu aucune réponse de la Commission. On nous avait pourtant assuré que nous ne devions pas nous inquiéter car il y aurait des programmes d'intérêt communautaire pour les zones défavorisées. Sans doute le courrier s'est-il perdu.

Remarquez que, lorsque l'on sait comment fonctionne la Commission, on comprend que notre courrier se soit perdu et que ce qui nous préoccupe ne fasse pas parti des priorités des commissaires.

Je voudrais, monsieur le ministre de l'agriculture, sans esprit de polémique - je le répète pour répondre à nos collègues qui m'ont interrompu tout à l'heure -, que vous soyez, avec M. le ministre chargé des affaires européennes, attaché comme vous à la montagne, nos défenseurs et que vous fassiez en sorte que, dans le texte qui sera définitivement retenu, la spécificité des zones de montagne soit reconnue. Ainsi, nous pourrons espérer pour elles des crédits européens, sans qu'elles restent noyées dans l'objectif 2. Ces crédits pourraient alors nous permettre de réaliser des projets de développement et de maintenir la vie dans ces hautes vallées montagnardes qui en ont tant besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Rimbert.


page précédente page 02556page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. Patrick Rimbert.

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, l'Acte unique a intégré au traité de Rome l'objectif de cohésion économique et sociale pour promouvoir un développement harmonieux de la Communauté et réduire les écarts entre les régions.

Aujourd'hui, le constat montre qu'il y a bien eu une réduction des inégalités entre les pays, mais que les écarts régionaux sont restés les mêmes, ou qu'ils se sont accentués.

L'arrivée de l'euro et le mouvement de concentration des entreprises vont renforcer les pôles les mieux armés pour la croissance.

Ce qui est à craindre aujourd'hui, c'est un renforcement des inégalités entre les régions d'Europe plus qu'une évasion de la production vers les pays à main-d'oeuvre moins chère et moins qualifiée hors de l'Europe.

Les années 90 ont clairement mis en évidence les risques sociaux des territoires urbains. Les inégalités infraterritoriales sont autant de mines à retardement pour la cohésion sociale. Elles représentent également des risques économiques si les pôles urbains puisent dans leurs ressources propres pour mettre en oeuvre des programmes lourds et longs au détriment de leurs investissements économiques.

La solidarité nationale développée en France à partir de la politique de la ville se doit d'être confortée par la solidarité communautaire.

Clarifier, simplifier, mieux évaluer, mieux hiérarchiser, nous ne pouvons que partager ces objectifs de la réforme des fonds structurels. Encore faut-il ne pas oublier les problèmes qu'ils doivent régler.

Je voudrais évoquer, dans un premier temps, les critères utilisés pour déterminer les territoires éligibles à l'objectif 2.

Le taux de chômage est, certes, un indicatif fort pour repérer les territoires en crise, mais il n'est pas suffisant.

J'illustrerai mon propos en prenant deux exemples.

Aujourd'hui, beaucoup de territoires qui ont subi la crise industrielle ont un taux de chômage moyen, voire inférieur à la moyenne nationale ou européenne. La raison en est simple : la majorité de la population active a quitté la région, à la recherche d'un bassin d'emploi souvent plus porteur.

M. René Mangin.

C'est vrai !

M. Patrick Rimbert.

Quel peut être le projet de développement de ces régions ? Par ailleurs, d'autres régions ont un taux de chômage moyen qui reflète de fortes inégalités à l'intérieur de leur territoire. L'Ile-de-France et les grandes agglomérations françaises en donnent une parfaite illustration.

Enfin, la volonté de regrouper les zonages nationaux et européens me semble comporter certains risques si la logique est poussée jusqu'au bout. En effet, les zonages d'aménagement du territoire français doivent être axés sur une volonté de mettre chaque partie du territoire français dans la capacité de construire un projet pour leur avenir.

Tel est, en effet, le sens profond de la loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire que nous venons d'examiner. La loi d'orientation agricole vient d'ailleurs la compléter de ce point de vue.

Si les fonds structurels jouent souvent un effet de levier positif, notre politique nationale d'aménagement et de développement doit pouvoir se développer sur ses propres critères.

Je voudrais maintenant aborder le contenu des nouveaux objectifs, et plus particulièrement celui de l'objectif 2. Résultat de la fusion des objectifs 2 et 5 b, incluant la dimension urbaine, il mélange des sujets très différents et risque d'accentuer inutilement un clivage entre les projets urbains et les projets ruraux. Cela est d'autant plus vrai que la réduction des initiatives communautaires de treize à trois exclut le programme d'initiative communautaire URBAN qui avait fait ses preuves.

N'oublions pas que 80 % des femmes et des hommes de notre pays résident en milieu urbain. En France, les quartiers les plus en difficulté regroupent plus de 6 millions de nos concitoyens, qui sont souvent très éloignés de l'Europe, quand ils n'y voient pas la source de leurs difficultés.

Les problématiques urbaines ne sont pas uniquement françaises : elles font l'objet d'une prise de conscience de tous les pays européens. C'est pourquoi la réforme des fonds structurels ne doit pas se résumer à une simple rationalisation en vue de préparer l'adhésion de nouveaux pays : elle doit également prendre en compte ce qui est aujourd'hui et ce qui sera encore plus demain le défi majeur de la cohésion nationale et européenne, celui des villes.

A minima, le programme d'initiative communautaire URBAN doit être conservé et la dimension urbaine clairement identifiée dans ses moyens au sein de l'objectif 2.

Mais il serait à mon avis préférable d'en faire un objectif propre. Il pourrait croiser des politiques transversales et territoriales qui caractérisent les projets de ville, et ainsi ne plus être en concurrence avec les autres territoires concernés par le nouvel objectif 2.

Je terminerai par quelques réflexions sur les perspectives financières.

Dans un contexte financier trop figé, le risque est grand de mettre en concurrence la PAC avec les fonds structurels, la production agricole avec les CTE, l'objectif 1 avec les objectifs 2 et 3, et les programmes à l'intérieur de chaque objectif. L'accord n'est pas facile, mais l'Europe a-t-elle pris conscience de ses capacités d'action et de ses marges de manoeuvre reconquises au cours des vingt dernières années ? La contrainte extérieure n'existe pratiquement plus, et le risque de change est devenu, depuis l'euro, non plus un handicap mais un outil potentiel de politique économique, et nous avons vu comment les Américains savent l'utiliser. L'inflation est durablement vaincue et encadrée par la mondialisation. La profitabilité des entreprises est assurée et n'a jamais été aussi importante depuis les années 60. L'Europe a une balance commerciale positive, ce qui signifie qu'elle prête ses revenus au reste du monde pour son développement. J'arrête là mon énumération.

Jamais un professeur d'économie n'oserait énoncer dans un exercice de macro-économie des hypothèses aussi favorables pour illustrer la difficulté de la politique économique.

L'Europe est aujourd'hui souveraine, mais il me semble qu'elle n'en a pas pris conscience. Elle doit, notamment dans ses perspectives financières, utiliser cette force pour lutter contre le chômage, les inégalités régionales, et investir dans l'avenir, c'est-à-dire dans la formation, les nouvelles technologies, les infrastructures et la ville.

Monsieur le ministre de l'agriculture, nous vous faisons confiance pour trouver un bon compromis.


page précédente page 02557page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Pouvez-vous dire également à vos collègues, messieurs les minitres, qu'ils ne doivent pas être frileux, qu'ils ne doivent pas se soumettre à de fausses contraintes, et que la pire des choses serait que l'Europe ait un déficit d'avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Codognès.

M. Jean Codognès.

Monsieur le président, messieurs lesministres, mes chers collègues, nous ne pouvons qu'émettre des réserves devant le dernier texte de la présidence allemande sur la réforme de la politique agricole commune.

M. Pierre Forgues.

Plus que des réserves !

M. Jean Codognès.

Certes, grâce à l'action du gouvernement français, nous pourrons échapper, je l'espère, au cofinancement de la PAC, qui aurait été un mauvais présage pour l'avenir de l'agriculture française.

Sur un plan global, on peut vivement regretter, avec vous, monsieur le ministre de l'agriculture, l'absence de réorientation claire des aides vers le développement rural, qui permettrait pourtant de rendre la politique agricole p lus compréhensible pour l'ensemble des opinions publiques. En outre, une telle politique serait en phase avec la loi d'orientation agricole que nous avons votée récemment.

En tant qu'élu d'une région méditerranéenne, j'aurais souhaité que la spécificité de l'agriculture méditerranéenne soit mieux prise en compte.

Henri Sicre, Jacques Bascou, Alain Barrau et de nombreux autres députés du sud de la France ont en effet, comme moi-même, quelques appréhensions au sujet d'une production qui leur tient particulièrement à coeur : les vins doux naturels d'appellation d'origine contrôlée.

La définition juridique et fiscale des vins doux naturels se justifie à plus d'un titre. De très faibles rendements, des conditions de travail extrêmement difficiles montrent, s'il en était besoin, que cette définition n'est pas un privilège, tant s'en faut.

De plus, à l'heure où le concept d'aménagement durable du territoire fait quasiment l'unanimité, supprimer une telle particularité reviendrait à rayer d'un trait des régions du sud de la France économiquement fragiles.

C'est pourquoi nous vous prions, monsieur le ministre de l'agriculture, de préserver la définition des vins doux naturels et, par là même, de défendre l'une des spécificités les plus caractéristiques de l'agriculture méditerranéenne française.

Dans l'ensemble, nous adhérons à la proposition de résolution sur le projet de réforme de la politique agricole commune. Ce faisant, nous indiquons clairement que la représentation nationale est unie derrière le Gouvernement français pour défendre des orientations intelligentes de la PAC.

Monsieur le ministre de l'agriculture, votre détermination a le soutien des citoyens de nos départements, qui expriment par ma bouche leur confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. René Mangin.

M. René Mangin.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, une fois passé les négociations financières, la discussion sur les fonds structurels entrera dans une phase éminemment délicate, à savoir la détermination des zones éligibles.

Tous s'accordent sur la perspective qui nous est proposée : le recentrage des aides sur les régions les plus défavorisées est indispensable si l'on veut accroître leur efficacité et enregistrer les rattrapages économiques opérés depuis quinze ans.

L a Lorraine, comme le Nord Pas-de-Calais, est concernée au premier chef par les décisions qui vont être prises. Elle bénéficie en effet, au titre des objectifs 2 et 5 b, d'une aide importante de la part de l'Europe, à la fois pour soutenir la reconversion industrielle et pour dynamiser ses zones rurales. Je ne vous cacherai donc pas à quel point certaines rumeurs jettent le trouble parmi les acteurs économiques, les élus locaux et les habitants des zones en crise.

Après des années de lourde mutation, l'économie lorraine commence à peine à sortir la tête hors de l'eau.

Nous sommes sur le fil du rasoir. Un ralentissement de l'aide à notre région interviendrait en plein effort, comme si une haie infranchissable était brusquement dressée au beau milieu de notre course.

En Europe, la population concernée par l'aide à la reconversion industrielle passe de 25 % à 10 %. Il faut considérer en effet qu'en plus du volet industriel, l'objectif 2 intégrera désormais le développement urbain, la pêche et les zones rurales de l'ancien objectif 5. Comment ne pas être anxieux devant le risque de voir des régions toujours en difficulté en perdre le bénéfice ? Si l'on ajoute à cela la suppression des fonds spécif iques tels que le RECHAR, le RESIDER et le KONVER, dont la Lorraine bénéficiait directement, on mesure le risque encouru par une région dont les zones éligibles se réduiraient comme une peau de chagrin.

Il est indispensable de ne pas se laisser enfermer dans une vision purement comptable des critères d'éligibilité.

Oui, le chômage a baissé en Lorraine ! Oui, le développement économique est au rendez-vous après des années de lutte et d'efforts ! Mais cela ne doit pas masquer le caractère déséquilibré de son développement.

Quatre dimensions devraient être prises en compte dans l'adaptation des critères.

Premièrement, une partie de nos économies repose sur l a coopération transfrontalière. Cela fait baisser les chiffres du chômage, alors que le tissu économique n'est pas encore reconstitué. N'oublions pas que près de 60 000 travailleurs lorrains font l'aller et retour avec les pays voisins. Nous bénéficions ainsi à nous seuls du quart de l'aide fournie au titre du programme d'initiative communautaire pour la coopération transfrontalière. Pour autant, l'économie lorraine doit pouvoir réussir un développement endogène permettant aux Lorrains d'échapper à l'émigration.

Deuxièmement, le traitement social du chômage ne doit pas faire illusion. Si les préretraites ont permis de réduire l'effet des licenciements massifs, notamment dans la sidérurgie, elles ne constituent qu'un palliatif. Bien que nécessaire, la perfusion sociale ne remplacera jamais l'aide au développement économique.

Troisièmement, beaucoup d'entreprises qui s'étaient récemment implantées sont reparties. Je pense notamment à la fermeture de JVC ou de Panasonic dans le pays haut-lorrain. Il me semble impératif de laisser aux entreprises qui font le pari de s'installer le temps de prouver le caractère durable de leur implantation.

Quatrièmement, le chômage a baissé du fait du départ de nombreux jeunes, provoquant le vieillissement prématuré de zones pourtant potentiellement très dynamiques.


page précédente page 02558page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

On ne me fera pas croire que la perte des forces vives de la Lorraine pourrait passer pour du développement économique dans les critères d'éligibilité.

Que des critères plus réalistes, plus justes, doivent être établis, personne ne le conteste. C'est au nom même de ce réalisme que l'économie lorraine doit d'ailleurs avoir toute sa place comme bénéficiaire des aides. L'objectif 2 a été revu pour prendre en compte, au-delà de la seule reconversion industrielle, toute la reconversion économique et sociale des zones en difficulté structurelle. La Lorraine a déjà intégré cette mutation en faisant le pari non seulement de la « réindustrialisation », mais surtout de la diversification économique.

Cette donnée sera importante dans l'établissement des zones. Le Gouvernement souhaite à juste titre mettre l'accent sur les bassins d'emploi plutôt que sur les départements dans la définition des critères. Or de nombreux bassins d'emploi sont en difficulté sans être pour autant des bassins industriels. Du fait de sa tradition de monoindustrie, le pays haut-lorrain a emporté dans la crise des zones très larges de la Lorraine. Celles-ci ont été le plus souvent prises en compte dans les précédentes zones éligibles. A ce titre, la proposition de la DATAR d'établir des zones de compensation des pertes de fonds européens doit être sérieusement explorée.

Je voudrais, pour conclure, rappeler les engagements formulés lors du CIADT du 15 décembre 1998. Le Gouvernement avait alors promis publiquement que les zones de la Lorraine et du Pas-de-Calais resteraient éligibles aux fonds structurels. Après tout ce qu'a enduré ma région, de grâce, laissons-lui une chance de franchir l'an 2000 non comme un obstacle, mais comme une étape décisive dans la construction d'un avenir meilleur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale commune est close.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je voudrais d'abord féliciter tous les rapporteurs, en particulier Mme Marre et M. Parrenin qui sont intervenus sur la PAC. Même si certains considèrent que ce débat a lieu un peu tard, j'estime quant à moi qu'il vient à point pour éclairer la négociation en cours et permettre un échange utile entre le Gouvernement et le Parlement.

Pour commencer, je voudrais répondre à certains intervenants sur le caractère, formel ou informel, de ce que le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Barnier, appelle « l'esquisse d'un compromis », expression qui me convient bien. Cette esquisse de compromis n'est en rien un accord, et je vais vous expliquer pour quelles raisons.

Première raison : au sommet de Vienne, en décembre dernier, les chefs d'Etat et de gouvernement ne nous avaient pas donné, à nous ministres de l'agriculture, le mandat de parvenir à un accord. Ils nous avaient demandé d'avancer dans cette négociation, de rapprocher nos points de vue, de discuter, mais ils avaient bien spécifié qu'il était hors de question de parvenir à un accord autre que global. Il n'était donc pas question d'un accord partiel. Le respect du mandat qui nous avait été donné par les chefs d'Etat et de gouvernement était donc la première raison majeure qui nous empêchait de signer un accord.

La deuxième raison, plus formelle, est juridique. Vous le savez sans doute, un conseil des ministres européens ne peut prendre une décision sans un avis préalable du Parlement européen. Or nous ne disposions pas de cet avis, ce qui nous empêchait formellement et juridiquement d'aboutir à un accord.

La troisième raison est pratique : n'ayant pas eu l'occasion de voter, nous n'avons pu manifester une position.

Si bien qu'en sortant de cette réunion - je vais rassurer M. Jacob et M. Sauvadet -, lorsque j'ai entendu le ministre allemand de l'agriculture prendre ses responsabilités et considérer que nous avions abouti à quelque chose qui pourrait être transmis aux chefs d'Etat et de gouvernement en vue de la négociation et des discussions de Berlin, j'ai émis toutes les réserves juridiques traditionnelles possibles et imaginables : la réserve ad referendum, la réserve en fonction de l'accord global, la réserve budgétaire, la réserve sur l'orientation et le déséquilibre de ce projet. Et ces réserves, je les ai émises conformément à un mandat qui m'avait été donné par le conseil des ministres présidé par le Président de la République, qui m'avait dit explicitement : « Si l'accord n'est pas le bon, mettez toutes les réserves possibles ! » C'est ce que j'ai fait. Et pour balayer définitivement l'idée selon laquelle j'aurais pu donner un accord à cette esquisse de compromis, il suffit de se référer aux propos de M. le ministre allemand de l'agriculture, M. Funke, qui a dit que deux pays avaient clairement manifesté leur opposition à cet accord, la France et le Portugal, et que d'autres avaient émis des réserves : la France encore, la Hollande, le Royaume-Uni et d'autres. Et si vous ne croyez pas M. Funke, messieurs de l'opposition, croyez au moins le Président de la République,...

M. Pierre Forgues.

Ils hésitent !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... qui a dit explicitement et publiquement, vendredi dernier, que la France n'avait pas donné son accord la veille à cette esquisse de compromis ! Si j'avais donné mon approbation, je suppose que le Président de la République m'aurait désavoué. Or il a dit que cela n'avait pas été le cas.

Cela devrait balayer tous les soupçons, tous les malentendus ou tous les procès d'intention. Voilà pour le caractère formel de ce document, de cette esquisse de compromis qui a clos les discussions agricoles jeudi dernier, à l'aube.

J'en viens au contenu de ce texte. Mon souci de rigueur me conduit à dire qu'il comporte des avancées par rapport au document antérieur, à savoir le premier projet de compromis proposé par la présidence allemande. Pour montrer le chemin accompli, j'évoquerai certaines étapes que je considère comme autant de succès remportés par la France dans cette négociation, même si je ne crie pas victoire pour autant.

D'abord, nous avons réussi, il y a trois semaines, à faire passer par la fenêtre un projet de compromis agricole qui était clairement destiné à isoler la France et reflétait des positions presque anti-françaises. En effet, il ne prenait en compte aucune des revendications de la France, pas même celles qui ne coûtaient rien. Cela traduisait une stratégie de négociation consistant à isoler la France. Cette stratégie a échoué. Ce fut un premier échec pour ceux qui menaient cette négociation et un premier succès pour la France. Il ne faut pas oublier en effet que si ce texte avait recueilli une large majorité et s'il avait été transmis en l'état à Berlin, il aurait été presque impossible d'aller à l'encontre d'un tel compromis. C'est donc le premier succès.

Ensuite, dans la foulée, nous avons repris les discussions avec les Allemands pour essayer de resserrer le couple franco-allemand en instaurant un dialogue marqué par plus de confiance. Nous avons abouti à un résultat


page précédente page 02559page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

qui n'est pas encore traduit formellement dans des textes, en tout cas pas dans l'accord de Berlin qui reste à faire : l'abandon du cofinancement, préalable absolu pour la France, qui faisait l'objet d'un large consensus sur ces bancs. Nous refusions absolument l'idée que l'on puisse renationaliser la PAC et entrer dans un processus de démantèlement du caractère communautaire de cette politique agricole commune. C'est donc un deuxième succès, même s'il reste à confirmer. Je considère en effet qu'il faut rester vigilant tant qu'une signature définitive n'est pas apposée sur un document, d'autant que cette idée de cofinancement reste dans la tête de certains négociateurs, je le sais. Toujours est-il que nous avons obtenu d e nos partenaires allemands l'assurance que cette deuxième demande de la France serait prise en compte et que l'on ne parlerait plus de cofinancement à l'occasion de la réforme de la PAC.

Troisième succès : le rééquilibrage. J'ai dit tout à l'heure, lors de la séance des questions au Gouvernement, qu'il y avait au moins une OCM sur laquelle nous avions obtenu quasiment tout ce que nous souhaitions : l'OCM viti-vinicole. Les avancées obtenues par la France dans cette négociation sont très positives.

Quatrième succès : s'agissant du règlement horizontal, nous avons obtenu satisfaction sur certains points de nature juridique. Ils ne coûtent rien, j'en conviens, mais ils étaient pour nous importants dans la gestion sur le terrain de la politique agricole commune. Ils représentent donc un acquis non négligeable.

Enfin, dernier succès : le rééquilibrage du paquet viande bovine. Certes, il souffre toujours d'un gros handicap : le prix d'intervention est très bas, trop bas.

M. Patrick Ollier.

Beaucoup trop bas !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je n'ai cessé de le répéter. C'est en effet choquant et si l'on peut obtenir une amélioration en la matière, j'en serais ravi.

Mais je tiens à dire devant la représentation nationale que nous avons obtenu des avancées satisfaisantes, notamment sur la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes qui était notre priorité no 1. Les intérêts français sont ainsi défendus de façon intelligente et équilibrée.

Voilà pour ce qui est des rééquilibrages positifs et des succès que nous avons remportés. Il reste des zones d'ombre à ce tableau et des lacunes qui m'ont conduit à ne pas signifier l'accord de la France et à émettre de nombreuses réserves. Ces lacunes, vous les connaissez. La première - plusieurs d'entre vous l'ont citée -, c'est l'abandon du régime spécifique pour les oléo-protéagineux. Certes, cet abandon est étalé sur trois ans, il est progressif, mais j'aurais préféré le maintien du régime.

Son abandon est une erreur stratégique de fond, à la fois en termes de capacités européennes de production de matières protéiques dans un marché dominé par les Américains et en termes de pratiques agronomiques d'assolement avec des cultures qui sont « propres » dans la mesure où elles permettent le renouvellement des sols et l'élimination de l'azote.

Deuxième ombre au tableau : la réforme du lait, que nous avons toujours qualifiée d'inutile et de coûteuse, qui remet en cause un système de protection de notre production européenne, à savoir les quotas. Aujourd'hui, tout le monde les défend. Ils font l'objet d'un merveilleux consensus et pourtant - certains intervenants le rappelaient tout à l'heure - que n'avons-nous essuyé comme critiques, quolibets, voire comme jets de tomates ou d'oeufs, lorsque nous défendions les quotas ! On nous q ualifiait alors de bureaucrates, de technocrates, d'administratifs, de collectivistes, j'en passe et des meilleurs ! Maintenant, c'est : « Touche pas à mes quotas ! ».

Tant mieux !

M. François Sauvadet.

N'en rajoutez pas, monsieur le ministre !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Sauvadet, pardonnez-moi d'avoir la mémoire encore fraîche !

M. François Sauvadet.

Le chemin est devant nous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je le dis plus par amusement que par souci de polémique. Je pourrais d'ailleurs en dire autant pour la PAC de 1992, puisque nous avions alors essuyé les mêmes quolibets, les mêmes critiques, les mêmes qualificatifs. Maintenant, c'est « Touche pas à ma PAC ! » que disent les mêmes qui étaient si opposés à la PAC de 1992.

M. René André.

Nous l'avons quand même bien améliorée !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Cela dit, je vous reconnais le droit de changer d'avis. Quand c'est dans le bon sens, il faut même s'en féliciter.

M. Patrick Ollier.

Souvenez-vous de Blair House !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

La deuxième ombre au tableau est donc la réforme laitière dont je n'ai pu qu'obtenir le report à 2003.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Cela dit, je suis d'accord avec vous, le fait même d'entrer dans cette logique de baisse de prix mènera tôt ou tard au démantèlement des quotas. C'est pourquoi j'ai critiqué cette réforme. Elle est dangereuse et elle le restera. Cette ombre au tableau justifie en partie mon opposition.

M. Patrick Ollier.

Nous sommes d'accord !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Troisième ombre au tableau : s'agissant des céréales, je considère que la baisse de prix est excessive et que les compen-s ations sont insuffisantes. Avec la suppression des majorations mensuelles, nous avons là un paquet qui n'est pas satisfaisant, même si, ayant reçu mandat de ne pas pratiquer la politique de la chaise vide et de rester jusqu'au bout de la discussion, nous avons pu obtenir, sur le lait et les céréales, des résultats malgré tout positifs

Je pense à la référence maïs, à la suppression du plafond des 120 000 kilos pour le lait, à la gestion départementale des quotas, que nous demandions comme un élément de souplesse et que nous avons obtenue dans les toutes dernières minutes avant la fin des discussions. Ces trois ombres au tableau justifient que la France ne puisse accepter l'accord en l'état.

Restent les deux caractéristiques majeures de ce paquet, ou de cette esquisse de compromis. La première, c'est que ce compromis est coûteux. D'après les dernières estimations de la Commission qui nous ont été transmises hier, le surcoût serait de 6,9 milliards d'euros sur la période par rapport à l'objectif qui nous avait été fixé par les chefs d'Etat et de gouvernement à Petersberg de maîtriser la dépense agricole et de la maintenir à 40,5 milliards d'euros en moyenne par an sur la période. Nous sommes en dépassement. Or la rigueur s'impose pour de nombreuses raisons qui ont très bien été développées par Pierre Moscovici ou par Mme Catala.

D'abord, on ne peut pas à la fois, demander à juste titre, à tous les Etats de l'Union de continuer à lutter contre leurs déficits publics et laisser filer une dépense au niveau européen.


page précédente page 02560page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Deuxième raison : nous ne pouvons pas légitimer des aides agricoles en perpétuelle augmentation pour un nombre d'agriculteurs en perpétuelle diminution, je le dis solennellement. Même si c'est parfois difficile à entendre, nous devons avoir le souci permanent de la légitimation de ces aides. Or maîtriser la dépense, c'est une bonne manière de légitimer les aides.

Troisième raison : se battre sur le terrain de la maîtrise budgétaire, c'est aussi se battre pour le revenu des agriculteurs. En effet, si l'on dépense moins pour le lait ou les céréales demain, les prix baisseront peut-être moins.

Dès lors, il y aura moins de compensations et, puisque les compensations ne sont pas satisfaisantes, moins de pertes de revenus pour les agriculteurs. Les agriculteurs français ont donc intérêt à ce que l'on dépense moins sur le lait ou les céréales.

Voilà pourquoi cet objectif de maîtrise budgétaire s'impose à nous. De toute façon, je suis persuadé qu'il reviendra sur la table à Berlin. La France n'est pas isolée sur ce terrain. En effet, certains pays, qui sont plutôt favorables à l'esquisse de compromis agricole, lui trouvent malgré tout un défaut : la dérive budgétaire. Ils seront donc des alliés naturels ou objectifs pour nous aider au rééquilibrage du paquet à Berlin.

Le deuxième défaut majeur de ce paquet, c'est qu'il est déséquilibré et qu'il ne délivre pas ce message politique attendu par les opinions et que tous les ministres de l'agriculture européens s'accordaient pourtant à vouloir donner sur la nécessité de maîtriser, voire de réduire, les aides directes, celles qui courent toujours après la production, celles qui font que plus on a d'hectares ou de bêtes plus on touche, et de les rééquilibrer en les réorientant vers le développement rural. Celui-ci fait partie du paquet proposé par la Commission et c'est un grand progrès, mais nous voulons le doter davantage. Au moment où nous remettrons ce paquet sur la table, il faudra donc trouver un moyen ou un autre de réorienter ces aides afin de donner un signal politique aux opinions. C'est un enjeu majeur cohérent - certains l'ont dit ici - avec l'objectif poursuivi par la loi d'orientation agricole, c'està-dire avec notre volonté de reconquérir le territoire rural, de reconnaître la multifonctionnalité de l'agriculture, de d onner de la crédibilité aux contrats territoriaux d'exploitation.

M. René André.

Comment allez-vous les financer ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'est pas la volonté de la France seule, c'est la volonté unanime des ministre de l'agriculture qui ne s'est pas traduite à ce stade, mais qui exige que l'on renforce le deuxième pilier de la PAC, comme on l'appelle maintenant, celui du développement rural.

Les deux grandes lacunes de ce paquet, nous les connaissons. Dès jeudi matin, j'ai déclaré que cet accord n'en était pas un, qu'il était inachevé et que j'espérais bien que les chefs d'Etat et de gouvernement nous demanderaient de revoir notre copie. Je suis un peu plus conforté depuis que, rentré à Paris, j'ai vu le Président de la République et le Premier ministre qui ont publiquement dit, l'un et l'autre, leur souhait d'aller dans ce sens.

J e pense objectivement qu'il existe des marges de manoeuvre pour cela d'ici à Berlin. Ce n'est plus aux ministres de l'agriculture d'intervenir puisque le chancelier allemand considère que les discussions sont closes, mais je souhaite de toutes mes forces, et je pense que c'est possible, qu'à l'issue du Conseil de Berlin, dans le cadre d'un accord global, les chefs d'Etat et de gouvernement demandent aux ministres de l'agriculture de revoir leur copie dans tel ou tel sens. Après, on pourrait aboutir à un accord en quelques heures sur un arbitrage de ce type.

Ce débat était utile. Il a permis d'éclairer les uns et les autres. La négociation est achevée pour les ministres de l'agriculture, mais je souhaite qu'elle reprenne très vite après Berlin. A cette occasion, les chefs d'Etat et du gouvernement, en tout cas le chef de l'Etat et le chef de gouvernement français, ont l'intention d'améliorer le paquet, ce dont je me réjouis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Forgues.

Cela dépend de Chirac !

M. Patrick Ollier.

Heureusement qu'il y a un Président de la République ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Evidemment !

M. Patrick Ollier.

Je suis heureux que vous l'ayez applaudi à l'instant...

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais rebondir sur les propos par lesquels Jean Glavany vient de conclure sur ce débat qui fut effectivement utile, en dehors de quelques fantaisies un peu déplacées à propos de la Commission.

J'ai été un peu attristé de constater que c'était à des parlementaires français qu'on devait certaines attaques, qui n'ont d'ailleurs pas trouvé d'échos, que ce soit dans le rapport du comité des experts indépendants ou dans la démission de la Commission elle-même.

Celle-ci a estimé que face à une responsabilité collective, la démission collective s'imposait. Sans stigmatiser qui que ce soit, je dirai que certains propos tenus dans cette assemblée étaient d'assez mauvais goût (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépend ants), qu'ils concernent une commissaire française démissionnaire...

M. François Guillaume.

Ni responsable, ni coupable, ni condamnable (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

... ou qu'ils concernent un groupe politique de l'Assemblée européenne.

Pour le reste, le débat a été utile. Il a été sérieux, sur des sujets qui, pour n'être pas sous le feu de l'actualité - les fonds structurels ou les ressources propres -, n'en sont pas moins importants dans le cadre de la discussion sur l'Agenda 2000.

On comprendra que je commence par dire que je me reconnais pleinement dans la présentation qui a été faite par François Hollande des contraintes qui enserrent l'Agenda 2000 - l'Organisation mondiale du commerce et l'équilibre budgétaire.

Nous devons avoir, comme il le dit, une approche de la fin de cette négociation à la fois simple et rigoureuse.

Une telle règle de conduite doit nous permettre de dégager à Berlin le compromis que nous souhaitons tous voir se réaliser dans le sens des intérêts français.

Ce qui peut et doit permettre de dégager cet indispensable compromis, c'est la règle de la stabilisation des dépenses sous toutes les rubriques. Certes, comme l'a dit


page précédente page 02561page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

François Hollande à propos du plafond de 1,27 %, nous avons tous conscience qu'il s'agit là d'un régime intérimaire qui ne préjuge pas les décisions que nous serons amenés à prendre ultérieurement quand l'Europe aura, demain, une autre physionomie. Mais demain, c'est après 2006, qui verra la première programmation financière d'après l'élargissement.

Je veux confirmer à Alain Cacheux que nous sommes d'accord pour nous battre sur les 0,46 % à propos des fonds structurels. Mais sur les fonds structurels comme sur la PAC, il faut être rigoureux.

C'est bien sur la base de 200 milliards d'euros - plus ou moins quelques gestes qu'il faudra bien faire pour répondre à des problèmes qui existent dans différents pays comme l'Espagne ou le Portugal, où je me rends demain, la Suède, la Grèce ou l'Irlande - qu'il faut chercher un accord. Ce pourcentage de 0,46 % est donc pour nous un plafond de dépenses, et non un objectif en soi.

Concernant la transition de six ans pour l'objectif 1, soyons réalistes : il s'agira en fait d'une période de quatre ans -, comme d'ailleurs pour l'objectif 2. Mais il y aura un reversement automatique dans l'objectif 2, si les critères sont remplis. Ce sera bien sûr le cas du Hainaut. Je connais les difficultés que cela suscite, mais nous devons avoir de la question une vision européenne.

Concernant la sous-consommation des fonds structurels, monsieur Leyzour, je dirai que la réforme va dans le sens de la simplification administrative. Elle devra y aller davantage encore à travers le DOCUP unique. L'idée d'un fonds désigné par programme y contribuera. Et la règle nouvelle du dégagement d'office des crédits au bout de deux ans incitera les gestionnaires à engager ces crédits plus rapidement. Elle permettra l'accumulation de reliquats massifs en fin de période de programmation.

Monsieur le député, tout comme M. Sauvadet, vous avez soulevé la question de la proposition de la Commission sur l'objectif 2.

La Commission propose de ramener la couverture démographique, qui est actuellement de 25 %, pour l'Union, à 18 % pour la prochaine période. Nous nous battons pour faire remonter ce niveau à 20 %, ce qui limiterait effectivement - le calcul que vous avez présenté était juste - la baisse de la couverture démographique de la France de 41 à 37 %. Ce sera une tâche difficile, il faut en être conscient.

Nous avons des priorités globales, et éventuellement contradictoires, à défendre dans ce paquet. Et si la stabilisation est la clé pour la PAC, elle peut aussi avoir des conséquences sur les fonds structurels. Nous avons établi, collectivement encore une fois - car la France parle d'une seule voix sur ce dossier -, nos priorités.

Concernant l'équilibre rural urbain, nous ne négligeons pas le fait que l'accord devrait prévoir 14 milliards d'euros de crédits de développement rural sur la période, qui doivent s'imputer désormais sous la ligne directrice agricole, mais qui viennent s'ajouter à l'enveloppe de 200 milliards d'euros que nous proposons pour les fonds structurels.

M. Marleix, de son côté, a interrogé le Gouvernement sur les programmes d'initiative communautaire. A ce propos, nous sommes proches d'un accord. Un débat est en cours. Faut-il réintégrer certaines initiatives communautaires qui ont montré leur efficacité - en particulier les programmes RESTRUC - de reconversion industrielle - et URBAN - de politique de la ville ? Il est encore trop tôt pour savoir dans quel sens ce sera tranché. On sait que certains pays du Sud, comme le Portugal, y sont très attachés. Il me semble qu'il faut soit les intégrer dans l'objectif 2, soit les maintenir, proposition que peut faire le Gouvernement français.

M. Coussain s'est interrogé sur la cohérence accrue entre zonages européens et zonages nationaux. Soyons prudents. L'approche développée par la Commission tendrait plutôt à limiter les possibilités de zonages nationaux en dehors des zonages communautaires.

Il y a, contrairement à ce que j'ai entendu à cette tribune, cohérence entre notre attitude sur l'aménagement du territoire et sur les fonds structurels. Nous considérons que la politique nationale d'aménagement du territoire a vocation à conserver une autonomie, dans la lignée des conclusions du rapport extrêmement riche que Jean Auroux a remis à Dominique Voynet.

Quant à la définition même des zonages, elle n'est pas le sujet du jour. Mais les critères communautaires prévoient de définir l'éligibilité au niveau des départements, avec une souplesse de 50 % des populations couvertes. Ce sera justement utile pour faire vivre le principe que j'évoquais précédemment.

Plusieurs d'entre vous se sont interrogés à propos des DOM, sur lesquels je me propose de revenir au moment de la discussion des amendements. Mais je dirai d'ores et déjà à M. Hoarau que le Gouvernement - comme la Commission, pour une fois - est extrêmement sensible à ce qui se produit sur le front de la banane. Des signese xtrêmement préoccupants d'unilatéralisme américain, une attitude extrêmement agressive sur le plan commercial nous font présager de difficiles négociations dans le cadre de l'OMC, ce qui constitue d'ailleurs une raison de p lus pour conclure dans de bonnes conditions l'Agenda 2000, notamment sur son volet agricole. Les propositions françaises en la matière sont précieuses, mais sachez que nous restons mobilisés sur un tel dossier.

M. Ollier s'est préoccupé de la montagne. Bien que je ne sois pas un élu de la montagne, je lui répondrai, dans la mesure où celle-ci peut être concernée par le nouvel objectif 2.

M. Christian Jacob.

Vous n'êtes pas un élu de la montagne, mais vous êtes un ministre de la France ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Absolument. Mais M. Ollier semblait s'adresser à un autre ministre que moi...

Le champ du nouvel objectif 2, qui comprend un volet important d'actions en faveur des zones rurales, pourra n aturellement intégrer les zones de montagne qui répondent aux conditions d'éligibilité de cet objectif. Ces conditions sont fondées sur des critères socio-économiques.

Il ne nous a pas paru opportun de modifier ces critères, notamment pour y introduire une spécificité géographique. En effet, ce serait la porte ouverte à des demandes reconventionnelles plus coûteuses de la part d'autres Etats membres et donc contradictoires avec nos objectifs globaux et avec notre stratégie globale dans cette négociation.

Dans un souci d'efficacité, il est préférable de rester dans l'épure des propositions de la Commission. Et, à cet égard, parallèlement aux bénéfices de l'objectif 2, deux autres types d'intervention sont susceptibles d'intéresser, à des degrés divers, les zones de montagne. Je pense au PIC LEADER qui sera consacré au développement rural et à l'autre programme d'intérêt communautaire INTERREG.

Le caractère souvent transfrontalier des zones montagneuses justifie en effet pleinement qu'elles entrent dans


page précédente page 02562page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

le schéma des interventions communautaires prévu au titre du nouvel objectif de coopération interrégionale.

C'est par ce biais que les zones de montagne pourront être prises en compte.

Q uelques intervenants, comme M. Lefort et Mme Catala, ont parlé des ressources propres. Je suis tout à fait d'accord avec le premier pour dire que le basculement progressif de la ressource TVA au profit de la ressource PNB - qui est plus juste, car plus représentative de la richesse - va dans le bon sens. Et je ne suis pas aussi pessimiste que Mme Catala : j'ai le sentiment que les choses bougent. L'Italie a pris conscience qu'on ne peut pas éternellement valider une économie souterraine à travers un système archaïque de ressources propres. La Grande-Bretagne est désormais sous la pression et elle devra prendre en compte les demandes qui se font jour pour revoir la question de son rabais.

Nous voulons un accord à Berlin et nous sommes tous conscients, ici, qu'il est nécessaire. Pour l'atteindre, il faut une stratégie cohérente. Celle-ci doit consister à marteler jusqu'au dernier jour que la stabilisation de la dépense est la seule réponse possible. C'est aussi la bonne réponse si l'on veut réformer la politique agricole commune dans de bonnes conditions et faire vivre l'euro.

Il y aurait quelque contradiction à souhaiter des dépenses communautaires supplémentaires, alors même que nous plaidons pour des finances publiques rigoureuses, afin de préparer l'élargissement.

Je dirai à ceux qui s'en inquiètent - mais il n'en est pas dans cette assemblée - et à M. Marchand, qui nous a lancé des appels positifs, que nous ne considérons pas les fonds structurels comme une variable d'ajustement pour la France, qu'il s'agisse des DOM ou de l'objectif 2, dont nous souhaitons que le champ soit le plus vaste possible.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

C'est ce que plaide la France dans cette négociation.

Nous souhaitons que nos retours sur les fonds structurels soient stabilisés. Je pense qu'ils le seront. Il n'y aura probablement ni amélioration sensible - on peut le regretter ni dégradation. Mais c'est le prix à payer pour que cette difficile négociation de l'Agenda 2000 se conclue la semaine prochaine et qu'elle permette à l'Europe de redémarrer, car c'est de cela qu'elle a besoin.

L'Europe a besoin, c'est évident, d'un nouveau démarrage institutionnel. Je pense que la crise actuelle de la Commission peut être l'occasion d'un rebond, si nous savons engager vite la nécessaire réforme des institutions.

Elle a aussi besoin de se saisir des autres grands chantiers qui l'attendent : pacte européen pour l'emploi ; défense européenne ; réunification de l'Europe, que nous devons mener à bien à travers l'élargissement.

Mon souhait, vous l'avez compris, c'est un succès à Berlin, la semaine prochaine. Le travail est important sans être fondateur. Mais nous pourrons ensuite nous tourner vers des tâches plus exaltantes engageant l'avenir de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous abordons en premier lieu l'examen de la proposition de résolution sur le projet de réforme de la politique agricole commune.

POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE

M. le président.

J'appelle, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de l a proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

M. le président.

« Article unique. - L'Assemblée nationale,

« Vu l'article 88-4 de la Constitution,

« Vu les propositions de règlements du Conseil relatifs à la réforme de la politique agricole commune (COM [98] 0158 final/no E 1052),

« Considérant les missions importantes assumées par l'agriculture et les activités agroalimentaires dans l'économie de notre pays et dans l'ensemble des Etats de l'Union européenne ;

« Considérant le rôle essentiel joué par la politique agricole commune dans le développement de la construction européenne ;

« Considérant la capacité d'évolution de la politique agricole commune, qui a permis le développement d'agric ultures modernes, celui des exportations agricoles, l'approvisionnement des marchés en produits de qualité à des prix accessibles aux consommateurs, tout en assurant le revenu des agriculteurs ;

« Considérant que la réorientation progressive de la PAC s'avère cependant indispensable pour construire une politique agricole européenne s'articulant autour d'une nouvelle préférence communautaire, liant les producteurs agricoles et les consommateurs dans un projet de société et reposant sur le principe de prix agricoles rémunérateurs, du développement de l'emploi, d'une occupation équilibrée des territoires, de la préservation de l'environnement, et du renouvellement des ressources naturelles ;

« Considérant qu'une nouvelle réforme de la politique agricole commune s'avère toutefois nécessaire pour remédier à des dysfonctionnements, en particulier la répartition inégale des aides qui favorise la disparition des exploitations, la concentration excessive des terres et la difficulté des jeunes à s'installer et prévenir les déséquilibres déjà visibles des marchés ;

« Considérant qu'il convient de préparer l'élargissement de l'Union européenne ;

« Considérant la reprise prochaine des négociations commerciales de l'OMC qui ne doivent pas conduire l'Union européenne à anticiper dans son projet de réforme de la PAC, d'éventuelles concessions pouvant y être faites ;

« Considérant que cette nouvelle réforme doit prendre en compte l'emploi en agriculture, l'avenir des territoires ruraux, la qualité des produits et donner une image de la politique agricole commune plus lisible et plus légitime pour les opinions publiques ;

« Considérant que les propositions de la Commission reposent essentiellement sur une baisse généralisée des prix, qui aurait pour conséquence d'accélérer la concentration des exploitations et de pénaliser les régions les plus fragiles et pourrait favoriser les modes de production intensifs ;

« Considérant que le principe d'une modulation des aides directes devrait permettre de rendre plus équitable la répartition des soutiens et de mieux prendre en compte les multiples missions de l'agriculture, à condition que la modulation ne comporte pas des risques de distorsion de concurrence ;

« Considérant que, si les contraintes budgétaires imposent un effort de stabilisation des dépenses communautaires, la PAC ne doit pas devenir la variable d'ajustement financier des négociations de l'Agenda 2000 ;


page précédente page 02563page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

« I. - Sur la proposition de réforme de l'OCM grandes cultures :

«

1. Conteste le principe d'une baisse des prix et rappelle la nécessité de maintenir la préférence communautaire ;

«

2. Demande à la délégation française, afin de soutenir les cultures déficitaires, d'obtenir : le maintien d'un système particulier de soutien aux cultures d'oléagineux et une revalorisation de l'aide aux protéagineux qui sont nécessaires à l'indépendance protéique de l'Europe ; le maintien d'une base spécifique pour le maïs ; la mise en place d'un dispositif de soutien spécifique au développement de l'agriculture biologique et des cultures non alimentaires.

« II. - Sur la proposition de réforme de l'OCM viande bovine :

«

1. S'inquiète des conséquences de cette proposition sur le revenu des producteurs en système extensif, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien des exploitations, l'occupation des territoires et la préservation de l'environnement ;

«

2. Demande à la délégation française d'obtenir, pour faire face aux déséquilibres structurels du marché de la viande bovine, une stabilisation des prix, assortie d'un renforcement des dispositifs de maîtrise de la production, outils indispensables de régulation du marché ;

«

3. Demande également à la délégation française d'obtenir un supplément de soutien pour l'élevage allaitant, en particulier par la revalorisation de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, le maintien du régime d'intervention publique pour remédier aux crises graves du marché ; une modification du dispositif des enveloppes nationales dans le sens d'une diminution de l'enveloppe globale, d'une modification de sa clé de répartition et du renforcement des critères communautaires pour la distribution nationale des aides.

« III. - Sur les propositions relatives à l'OCM lait et au régime des quotas :

« Demande à la délégation française de s'opposer à une réforme de l'OCM qui n'apparaît pas nécessaire compte tenu de l'équilibre actuel et prévisible du marché, du coût budgétaire élevé de la proposition faite par la Commission et de son inutile complexité ; d'obtenir en revanche la prorogation du régime des quotas laitiers qui sont, pour l'instant, un élément essentiel de contrôle de l'offre et de maîtrise des dépenses, ainsi que l'introduction d'une souplesse dans leur gestion.

« IV. - Sur la proposition relative au développement rural :

«

1. Approuve le principe du transfert d'une partie des d épenses structurelles vers le FEOGA garantie, ces moyens étant destinés à mieux articuler les politiques de développement rural et les politiques de marché ;

«

2. Demande un renforcement du dispositif d'indemnités pour compensation de handicaps naturels (ICHN), qui joue un rôle essentiel dans le maintien des exploitations dans les régions défavorisées et dans les zones de montagne ; s'oppose aux nouvelles conditions relatives aux pratiques culturales exigées pour leur attribution.

« V. - Sur la proposition établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct :

«

1. Approuve, dans son principe, le triple dispositif de plafonnement d'éco-conditionnalité et de modulation, qui tend à favoriser une meilleure répartition des aides et une p lus grande intégration dans la PAC des préoccupations liées à l'emploi et à l'environnement, afin de préserver l'avenir des territoires ruraux et la protection de l'espace et des ressources naturelles ;

«

2. Demande à la délégation française d'obtenir que le mécanisme de plafonnement communautaire ouvre aux

Etats la possibilité d'écrêter les aides en fonction du critère d'emploi, que le dispositif communautaire d'écoconditionnalité définisse le niveau des exigences environnementales requises pour l'octroi des aides directes et que les critères de modulation soient élargis et diversifiés pour permettre aux Etats de disposer de ressources stables et prévisibles pour rémunérer la multifonctionnalité de l'agriculture.

« VI. - Demande à la délégation française de souligner les carences du projet de réforme qui : ne prend pas en compte l'ensemble des productions européennes et, en particulier, les productions ovines et caprine, les cultures méditerranéennes, les cultures des régions ultra-périphériques et les autres productions de l'Union européenne, soumises ou non à des organisations de marché ; ne contribue pas à la simplification des mécanismes de soutien ; n'aborde aucune des réformes de structure pourtant nécessaires à la pérennité de la PAC dans une Union européenne plus intégrée.

« VII. - Demande le rejet du cofinancement des aides de marché examiné par la Commission qui entraînerait l'abandon à terme de la politique agricole commune, à l'heure où d'autres politiques sociales et économiques doivent impérativement se dessiner et se mettre en oeuvre dans l'Union européenne.

« VIII. - Demande à la délégation française de s'appuyer sur la résolution adoptée par l'Assemblée nationale pour défendre les intérêts des agriculteurs français et européens dans les négociations en cours. »

Sur l'article unique, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob.

Quel numéro d'équilibriste, m onsieur Glavany ! Fabuleux ! Du raccrochage aux branches en plein vol ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Vergnier.

Vous avez fait mieux, monsieur Jacob !

M. Christian Jacob.

Monsieur Glavany, vous nous expliquez, en effet, aujourd'hui, que jamais vous n'avez donné aucun accord. D'ailleurs, vous-même démontez point par point ce compromis ! Il était fantastique de vous écouter ! Expliquer que sur le lait, il était mauvais ; que sur la viande bovine, il était insuffisant ; que sur les céréales, il était dramatique ; et sur les oléagineux également ! Or, quand je reprends votre déclaration, je n'y trouve aucune réserve sur aucun de ces points ! Si vous n'avez fait aucune réserve sur aucun de ces points, monsieur le ministre, c'est bien que vous étiez d'accord ! Ne me répondez pas que l'on ne peut pas faire de réserves. Vous savez très bien qu'à la sortie d'un Conseil des ministres, on peut très bien dire que l'on réserve sa position sur le secteur laitier, sur le secteur de la viande bovine, sur celui des oléoprotéagineux ou des grandes cultures ! Vous étiez donc bien dans une logique d'accord, conforté en cela d'ailleurs - je l'ai lu tout à l'heure - par u ne déclaration de Dominique Strauss-Kahn. Selon celui-ci, s'ouvrait largement la voie d'un accord au Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement.


page précédente page 02564page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Vous nous dites de reprendre les déclarations du ministre allemand, qui aurait fait état de l'opposition de la France. Non ! Le ministre allemand a dit que la France avait émis des réserves. Et ces réserves n'ont rien à voir !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et qu'a dit le Président de la République ?

M. Christian Jacob.

Le Président de la République ? Mais ni vous, ni moi ne sommes habilités à parler en son nom. Il s'est exprimé, chacun l'a entendu. Sauf erreur, monsieur Glavany, vous n'avez pas été nommé porteparole de l'Elysée ! Cela se saurait !

Vous nous avez également dit que vous aviez fait échouer l'accord. Non, vous vous êtes laissé isoler dans la négociation ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Aujourd'hui, vous nous expliquez - je caricature un petit peu (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) - que vous avez échoué, mais que ce n'est pas grave, que le Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement rattrapera tout cela et corrigera le tir. Seulement, par les positions que vous avez prises dans ces négociations et en raison du peu de réserves que vous avez émises, vous avez singulièrement

« savonné la planche » des chefs d'Etat et de gouvernement ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René André.

C'est la réalité !

M. Christian Jacob.

C'est là qu'il y a un problème, monsieur le ministre. Vous portez une très lourde responsabilité dans ces négociations. Il vous faut l'assumer.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. René André.

M. René André.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, quelque chose me surprend dans ce débat, qui s'est au demeurant déroulé d'une façon tout à fait courtoise : c'est le soudain attachement que vous avez manifesté à l'égard du Président de la République, que vous évoquez à chaque instant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialites.)

Monsieur le ministre de l'agriculture, je ne sais pas si vous avez été l'équilibriste qui décrivait notre ami Christian Jacob. Mais vous avez sûrement été très très habile.

Toutefois, vous ne m'avez pas convaincu. On ne peut pas à la fois revendiquer, comme vous l'avez fait avec force et talent, des succès - quatre, en l'occurrence - et dire que, pour le reste, il ne s'agissait pas d'échecs, mais de zones d'ombre ! Quand on revendique des succès dans une négociation internationale, il me semble que la moindre des choses, l'honnêteté intellectuelle - ne le prenez pas mal - serait que l'on assume aussi ses échecs.

Vous me répondrez que ce n'est pas un compromis, mais l'ébauche de l'esquisse d'un compromis...

M. Alain Barrau.

C'est M. Barnier qui dit cela, ce n'est pas nous !

M. René André.

Je ne sais pas, mais le ministre l'a repris.

M. Christian Jacob.

Il se l'est approprié !

M. René André.

Peu importe. Des réserves n'ont pas été apportées. Et les déclarations que vous avez faites, immédiatement après cette négociation, ne laissaient pas penser que vous tiendriez aujourd'hui un tel discours.

Vous comprendrez que j'insiste sur le problème du lait, étant un des représentants du premier département laitier.

Au début de ce débat, on déclarait que la politique de maîtrise laitière était conservée. Or, à la fin, vous avez admis qu'elle était remise en question ! Je recherche en vain, dans le travail que vous avez effectué à Bruxelles, de quelle façon vous avez tenu compte des propositions de résolution qui ont été rédigées par la délégation pour l'Union européenne. C'est comme si vous n'en aviez pas eu connaissance ! Nous sommes exclus, en quelque sorte, et vous n'y avez fait aucune référence.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, sur le projet de réforme de la politique agricole commune.

Vous êtes vraiment de mauvaise foi !

M. René André.

Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que dès l'an 2000, l'Irlande va pouvoir augmenter sa production laitière, que dès 2001, ce sera le tour de la Grèce, de l'Italie et de l'Espagne ? Que, dès 2003, les autres pays pourront augmenter leur production de 1,5 % ? Cela signifie qu'il n'y aura plus de quotas. Si vous y ajoutez le fait que les prix baissent à 15 %, force est de constater que l'on est très loin de la compensation.

Je vous rappellerai un chiffre, que vous connaissez mieux que moi : une augmentation de 1 % du volume de la production laitière représente 8 % de moins en matière de prix. C'est cela qu'il faut mesurer. C'est la conséquence qui en résulte, non seulement sur le Grand Ouest mais sur l'ensemble des régions laitières de notre pays.

Monsieur le ministre, je ne prolongerai pas la discussion, puisque le débat a eu lieu. Mais j'ai remarqué que vous avez évoqué tout à l'heure le soudain attachement de l'ensemble de la représentation nationale aux quotas, après que M. Rocard les ait négociés.

Vous ne pouvez pas contester que ceux-ci - et Dieu sait s'il y a eu des textes et des règlements - ont été considérablement améliorés, non seulement par Jacques C hirac, mais également par François Guillaume, à l'époque où il était ministre de l'agriculture.

M. Christian Jacob.

Eh oui !

M. René André.

Après que M. Mermaz ait, je le crois, mal négocié les accords de Blair House,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ce n'est pas vrai !

M. René André.

... la France a été bien contente de trouver M. Balladur et M. Juppé pour redresser, en quelque sorte, la situation. Monsieur le ministre, nous aurions donc apprécié, qu'instruit par ces deux expériences malheureuses pour le lait, vous défendiez la France un peu mieux que vous ne l'avez fait à Bruxelles, la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Pierre Forgues.

Chirac va s'en charger !

M. le président.

La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume.

Monsieur le ministre, sur le paquet prix, le commissaire descendant a eu le mérite d'avoir trouvé un compromis indépendamment du problème posé par le montant de la contribution allemande.

Mais il a fait le pari hasardeux de rapprocher les prix


page précédente page 02565page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

européens des prix mondiaux. Cela repose sur un postulat : est-on capable de relever les aides aux revenus de manière suffisante pour compenser ? Cela repose aussi sur une grave incertitude : le prix mondial. En effet, au fur et à mesure que nous rapprochons le prix européen du prix mondial, les Etats-Unis, en jouant sur le dollar, peuvent agir exactement dans l'autre sens.

Pour le lait, je vais vous surprendre, monsieur le ministre, je suis pour la suppression des quotas. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) A condition, toutefois, que l'on agisse de manière progressive : tout d'abord, en ouvrant des quotas supplémentaires aux entreprises qui exportent sans restitution ; ensuite, en substituant à la contrainte européenne des quotas des disciplines librement acceptées dans le cadre de l'organisation interprofessionnelle à partir de contrats types avec un prix minimum pour le lait.

M. Michel Vergnier.

On sait ce que cela veut dire ! Merci pour les petits !

M. François Guillaume.

On a déjà procédé ainsi ailleurs.

De ce fait, je suis hostile à la baisse des prix, qui n'entraînera aucune exportation supplémentaire, puisque nos exportations se font en fromages et ne nécessitent pas de restitution.

M. Christian Bataille.

C'est l'Europe des gros !

M. François Guillaume.

Bien entendu, je ne suis pas favorable non plus à un système de prime pour le lait.

En matière de viande bovine, vous vous contentez de peu, monsieur le ministre. Vous êtes satisfait parce que vous avez limité la baisse à 20 % alors qu'on vous la proposait à 30 %. Mais, même à 20 %, le prix mondial sera encore beaucoup plus bas que le prix plancher fixé dans le compromis.

En ce qui concerne le troupeau allaitant, les aides ne sont pas suffisamment importantes par rapport à la viande produite par le troupeau laitier qui n'est qu'un sous-produit du lait. A cet égard, il faut mettre fin au scandaleux programme Hérode qui conduit à éliminer, dès la naissance, de milliers de veaux.

M. Michel Vergnier.

Vous en parlerez aux agriculteurs !

M. François Guillaume.

Pour le vin, vous considérez aussi que le compromis est bon. Or il comporte un certain nombre de failles.

M. Michel Vergnier.

Pourvu que M. Guillaume ne soit pas à nouveau ministre !

M. François Guillaume.

Tout d'abord, vous n'auriez pas dû tolérer que nous ne puissions pas bénéficier d'un contingent supplémentaire de droits de plantation. Il aurait fallu l'obtenir aux dépens de l'Espagne qui n'a pas réduit son potentiel viticole comme elle aurait dû le faire en entrant dans l'Union européenne.

E n matière de systèmes d'intervention, je ne comprends pas non plus que vous vous efforciez de maintenir la distillation obligatoire, qui n'avantage que les Italiens et les Espagnols dans la mesure où les prix pratiqués dans ce cadre sont beaucoup trop faibles pour nos producteurs.

S'agissant de l'enrichissement en alcool, pas de changement non plus et c'est dommage. Les Allemands vont pouvoir continuer dans la zone A à augmenter le taux d'alcool de leur vin de quatre degrés - des degrés

« sucre » et non pas « soleil ». Pourtant, la production autorisée est de 200 hectolitres à l'hectare en Allemagne, contre 120 en Alsace, région comparable de par le climat.

M. Christian Bataille.

Oui mais personne ne veut boire les vins allemands ! (Sourires.)

M. François Guillaume.

Sur les céréales, je vous ai entendu critiquer le système des primes. Mais c'est vous qui l'avez instauré en 1992 ! Effectivement, ce système n'est satisfaisant ni pour l'agriculteur, ni pour le consommateur qui n'a pas vu les prix des produits diminuer. En outre, il mécontente le contribuable, car c'est lui qui paie, et nécessite une administration de plus en plus pléthorique pour assurer la gestion des fameuses primes.

Alors, allons au fond du débat. Quand je vous entends dire que 80 % des primes sont perçues par 20 % d'agriculteurs,...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. François Guillaume.

... il y a là un abus. Je vais vous expliquer pourquoi.

M. Jean-Louis Idiart.

Vos explications ne valent pas justifications !

M. François Guillaume.

Monsieur le ministre, soyons clairs. Vous jugerez sans doute normal, comme moi, qu'un industriel qui engage des capitaux assez importants et emploie du personnel puisse avoir un revenu supérieur à celui d'un artisan, qu'un professeur bénéficie d'un traitement plus élevé qu'un instituteur, que le ministre de l'agriculture soit mieux rémunéré que son concierge.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Si vous répondez oui, je vous demanderai alors de reconnaître que les primes couvrent non seulement le revenu mais également une partie des coûts de production.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

De plus en plus !

M. François Guillaume.

Cela signifie qu'elles ne peuvent être que proportionnelles.

M. Jean Michel.

L'argent part en Suisse !

M. François Guillaume.

Taisez-vous, vous ne connaissez pas le sujet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

Il est scandaleux de ridiculiser ainsi les agriculteurs !

M. François Guillaume.

Monsieur le ministre de l'agriculture, si vous estimez qu'il y a surcompensation, reportez-vous aux chiffres du réseau comptable agricole europ éen, qui vous permettront éventuellement de le démontrer.

Nous ne demandons qu'à nous incliner devant les chiffres qui nous seront proposés. S'il en est ainsi, il faudra alors diminuer les primes. Mais dans le cas contraire, il faut les maintenir à leur niveau.

Au lieu de jouer sur la démagogie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , il conviendrait de trouver d'autres solutions. Pourquoi, par exemple, ne pas fonder la prime non plus sur une moyenne de production régionale mais sur la moyenne nationale ? Les régions moins favorisées s'en trouveront ainsi avantagées et celles où la productivité est la meilleure seront un peu pénalisées.

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne.

Cela ne suffirait pas, vous le savez bien !

M. François Guillaume.

Pourquoi ne pas plafonner les aides par exploitation ? Cela éviterait l'agrandissement anormal des exploitations et permettrait l'installation des jeunes. Mais cela, vous ne nous le proposez pas.


page précédente page 02566page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Mme Béatrice Marre, au nom de la délégation pour l'Union européenne, et M. Pierre Forgues.

Si !

M. François Guillaume.

En fait, monsieur le ministre, vous êtes totalement isolé dans ce débat. Mais la démission de la Commission constitue une chance nouvelle.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous êtes comme un boxeur qui vient d'être sauvé par le gong, ou plutôt par le KO de la Commission. Dites-nous un peu comment vous comptez reprendre le combat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur Jacob, je ne reviendrai pas sur vos propos inutilement polémiques. Je comprends que vous enragiez de voir l'exécutif français soudé dans cette démarche. Bien sûr, vous auriez préféré qu'il en découse. Vous voulez combattre à tout prix. Mais il faudra attendre une autre fois. Il y aura sans doute d'autres occasions...

Vous prétendez que j'ai savonné la planche. Est-ce donc savonner la planche que d'avoir fait échouer le premier compromis ?

M. Christian Jacob.

Non, le suivant !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vous assure que si ce compromis-là était sur la table à Berlin, il y aurait à ramer !

M. Christian Jacob.

Le suivant sera sur la table à Berlin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je vous parle du compromis qui prévoyait moins 30 % de prix sur la viande bovine et la réforme des quotas pour l'an 2000.

M. Christian Jacob.

Ne cherchez pas à noyer le poisson ! Le deuxième compromis sera bien sur la table à Berlin !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je n'ai pas dit le contraire. Cette esquisse de compromis sera effectivement sur la table. Mais le premier projet de compromis n'aurait-il pas rendu plus difficile encore la tâche du chef de l'Etat ? Est-ce donc savonner la planche que d'avoir fait renoncer au cofinancement ? Ou encore d'avoir ramené la baisse des prix sur la viande bovine de 30 % à 20 %, et obtenu une augmentation de la PMTVA ? Bien sûr que non ! Je considère que nous avons remporté un certain nombre de succès mais qu'ils restent insuffisants. Je suis lucide et je ne crie pas victoire.

A cet égard, monsieur Guillaume, le problème est, non pas de savoir si je suis ou non content de moi, mais si nous sommes satisfaits du sort qui est fait à l'agriculture européenne et notamment française.

En fait, monsieur Jacob, cette discussion agricole était viciée à la base. En effet, et comme je l'ai expliqué tout à l'heure à la tribune, le premier projet de compromis a été organisé pour isoler notre pays. Il était défavorable à la France d'une manière spectaculaire et excessive. Du reste, il allait tellement loin que c'est ce qui l'a fait capoter.

Depuis, on a rééquilibré mais le compromis reste marqué par ce défaut originel, qu'on n'a pas encore réussi à effacer. Au fond, nous payons encore cette négociation qui a été mal engagée par la présidence allemande. Telle est la réalité. Nous avons obtenu un certain nombre de succès, mais c'est insuffisant. Je ne cache rien et je ne joue pas sur les mots. J'espère qu'à l'occasion du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, les ministres de l'agriculture pourront revoir leur copie afin de rééquilibrer encore ce paquet. C'est ce que j'ai souhaité dès jeudi matin.

Monsieur André, je ne réponds pas sur mon soudain attachement au Président de la République.

M. Léonce Deprez.

Nous apprécions, en tout cas ! (Sourires.)

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Je m'en tiens à la réalité. Nous sommes, les uns et les autres, engagés dans des discussions ministérielles au niveau européen. Mais nous savons tous, tant Pierre Moscovici qu'Hubert Védrine, Dominique Strauss-Kahn ou moimême, qu'à la fin des fins, au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, c'est le Président de la République qui apposera son paraphe. Tel est le principe des négociations internationales.

Depuis le début, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé de travailler de concert sur ce dossier de façon que la France parle d'une seule voix.

C'était la moindre des choses ! En outre, cela nous évite de nous perdre dans les inutiles polémiques que vous essayez à tout prix de lancer pour exister. (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Absolument !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Enfin, monsieur Guillaume, je voudrais vous livrer quelques réflexions. D'abord, vous avez raison de souligner que le paquet prix, auquel il manque l'affichage politique dont je parlais tout à l'heure, a été préparé indépendamment du problème de la contribution allemande. C'est d'ailleurs le paradoxe de ce paquet. Nos partenaires et amis allemands nous ont indiqué que, compte tenu de leur problème budgétaire, ils souhaitaient qu'on les aide à rééquilibrer leur solde net dans le cadre de la négociation de l'Agenda 2000. Or, sous la présidence du ministre allemand, ils font dériver la dépense de près de sept milliards d'euros sur la période, ce qui va aggraver leur solde net de près d'un milliard d'euros.

Pourtant, j'ai essayé d'expliquer à mon homologue allemand qu'il fallait qu'il nous aide à l'aider ! Je lui ai montré que, s'il laissait dériver la dépense, il allait compliquer la tâche de son chancelier à Berlin lorsqu'il demandera un rééquilibrage du solde net allemand.

Je suis donc d'accord avec vous, monsieur Guillaume, il y a là un problème. D'ailleurs, c'est peut-être ce qui nous amènera à faire des économies et à obtenir, en exemple, le report ou le rejet de la réforme du lait, ou encore une moindre baisse des prix sur les céréales.

Sur les prix, je n'ai pas la religion de la baisse des prix et encore moins du prix mondial. D'ailleurs, qu'est-ce qu'un prix mondial surtout quand 80, 85 ou 90 % des échanges selon les OCM sont intracommunautaires ? Pour autant, ne réduisez pas le problème à la baisse des prix ! Que je sache, les organisations professionnelles sur la viande n'ont pas refusé les baisses de prix. Ainsi, la fédération bovine a proposé une baisse de 15 % contre les 30 % initialement réclamés par la Commission. Il en a été de même pour les céréales. Les organisations professionnelles ont demandé à ramener les 20 % prévus par la Commission à 10 %.


page précédente page 02567page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Cette logique de baisse des prix s'explique par les excédents présents ou à venir. Mais, en la matière, il est préférable de n'avoir aucune religion. Je ne suis pas, quant à moi, un farouche partisan de la baisse des prix généralisés. C'est le moins que l'on puisse dire.

Enfin, sur les quotas, j'aurais voulu que, dans le cadre de cette discussion, on puisse aborder les vrais problèmes au lieu de raisonner à court terme. Cela étant, vous êtes cohérent avec vous même, monsieur Guillaume. N'avezvous pas présidé la FNSEA, qui, si je m'en souviens bien, avait accueilli un ministre de l'agriculture socialiste, à son congrès, à Versailles,...

M. Jean Michel.

Sous les quolibets !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... avec des bidons vides, pour marquer le désaccord formel du syndicat sur la réforme des quotas ? Il n'en reste pas moins que, tôt ou tard, les quotas disparaîtront. Comment imaginer que l'on vivra éternellement avec eux ? La vraie question aurait été de s'interrog er sur la seule échéance qui compte, celle de l'élargissement.

M. René André.

Allez-y !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Il n'est d'ailleurs pas forcément trop tard pour le faire et se demander quelle attitude il conviendra d'adopter lorsqu'on acceptera l'adhésion à l'Union d'un pays comme la Pologne. Devra-t-on lui inventer un quota ? C'est impossible. Il serait bien plus nécessaire de mettre en place un système de maîtrise de la production laitière. Je ne vois pas, en effet, la Pologne entrer dans l'Union européenne sans cela.

Il aurait été plus intelligent de se poser ces problèmes à terme, plutôt que d'entreprendre cette réforme inutile et coûteuse.

M. René André.

C'est vous qui êtes en charge des affaires !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

J'ai fait une telle proposition ! Mais, monsieur André, vous savez ce qui se passe lorsqu'on est minoritaire. Cela se produit parfois en démocratie : c'est votre cas en ce moment, dans cet hémicycle, mais cela peut changer un jour, on l'a déjà vu. (Sourires.) En règle générale, quand on est minoritaire, on essaie de limiter les dégâts. Eh bien, ne pouvant éviter la réforme du lait, j'ai bataillé pendant des heures pour qu'elle intervienne le plus tard possible. Je ne suis pas particulièrement fier d'avoir obtenu qu'elle ait été repoussée à 2003, car je continue de penser que c'est une erreur et une bêtise et qu'il aurait mieux valu réfléchir au fond. J'ai simplement répondu à l'attente d'un certain nombre de pays.

Ce faisant, j'ai obtenu la suppression du plafond des 120 000 kilogrammes pour les vaches allaitantes et la réforme de la gestion des quotas au niveau départemental.

Ce n'était pas, comme vous le dites, monsieur Jacob, savonner la planche. En tout cas, ce n'est pas du tout dans cet esprit que je l'ai vécu ou que l'on vécu nos partenaires.

Ce n'était pas, comme vous le dites, monsieur Jacob, savonner la planche. En tout cas, ce n'est pas du tout dans cet esprit que je l'ai vécu ou que l'ont vécu nos partenaires.

Pour en revenir à mon propos initial, cette esquisse de compromis présente un certain nombre d'avancées, dont nous devons nous féliciter, et montre quelques dangers qu'il faudra essayer d'écarter lors du sommet de Berlin. Je compte bien qu'à cette occasion, je l'ai dit et je le répète, les chefs d'Etat et de gouvernement, à l'initiative de la France, nous demandent de revoir notre copie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, la séance se terminera à vingt heures. Je vais donc demander aux orateurs qui sont encore inscrits - M. Fabre-Pujol, M. Boisserie, M. Hoarau et M. Sauvadet - de faire en sorte que ce délai soit respecté et que M. le ministre ait éventuellement le temps de leur répondre.

La parole est à M. Alain Fabre-Pujol, pour cinq minutes.

(M. Patrick Ollier remplace M. François d'Aubert au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. Alain Fabre-Pujol.

Monsieur le ministre, je souhaiterais, dans mon propos, donner un éclairage territorial aux options présentées dans le projet d'article unique soumis à notre débat.

La loi d'orientation agricole a fait naître de grands espoirs dans le monde agricole français. En effet, par le biais de la création des CTE, les objectifs visent à promouvoir une agriculture tournée vers l'emploi, l'environnement et l'aménagement du territoire. Cette agriculture est au centre des préoccupations des agriculteurs méditerranéens, qui, depuis longtemps, pratiquent une agriculture raisonnée, soucieuse de l'environnement.

La réforme de la politique agricole commune, sans accord définitif pour l'instant, introduit des avancées significatives même si le noeud du problème n'est pas encore tranché.

Les avancées concernent essentiellement l'OCM vin, avancées vitales pour notre viticulture : extension des vignobles avec des droits à plantation supplémentaires favorisant l'installation de jeunes viticulteurs, interdiction de vinification des moûts de raisin importés de pays tiers, et soutien sur fonds communautaires à la restructuration du vignoble. Ces primes permettront de continuer nos efforts de re-encépagement nécessaires pour faire progresser la qualité de nos productions.

Lors des dernières négociations, le ministre de l'agriculture, que je veux ici féliciter pour son action, devra être vigilant pour ne rien lâcher de ces avancées en proposant notamment des solution sur les non-vins, dont la vente peut être à la fois une solution transitoire pour les viticulteurs en phase de restructuration de leur vignoble et une consolidation pour les entreprises de jus de fruits.

Au-delà de cette négociation, nous resterons très vigilants sur la régionalisation des droits de plantation afin de protéger nos viticulteurs du Sud.

Cependant, l'essentiel pour l'avenir de l'agriculture méditerranéenne n'est pas encore là. Il s'agit de la réorientation des aides pour soutenir l'emploi, l'environnement et l'aménagement du territoire. Comme je le disais en introduction, la France est prête, par le biais des CTE, à accueillir cette réforme fondamentale défendant notre modèle européen agricole lors des futures négociations de l'OMC, notamment vis-à-vis des Etats-Unis et des pays de l'hémisphère Sud. Les agriculteurs méditerranéens sont prêts à s'investir à fond dans cette agriculture moderne dont les préoccupations sont éloignées des problèmes de


page précédente page 02568page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

l'agriculture extensive d'autres régions. Je voudrais ici dire quelques mots de deux secteurs représentatifs du rôle joué par les agriculteurs méditerranéens au-delà de leur fonction productive.

Les riziculteurs installés en Camargue produisent bien sûr du riz - d'excellente qualité et que je vous invite à consommer - mais ils entretiennent également des zones h umides qui, sans eux, seraient irrémédiablement condamnées par l'action conjuguée de la salinité et de l'érosion du littoral. Une réorientation des aides doit pouvoir soutenir cette fonction.

Les éleveurs ovins sont le type même des agriculteurs multifonctionnels que nous appelons de nos voeux. Audelà de la production de viande, ils entretiennent l'espace de nos garrigues et sont ainsi le premier rempart contre le feu destructeur. Le non-versement d'aides complémentaires telles que l'aide à la transhumance, la faiblesse de la prime compensatrice ovine détériorent le revenu des éleveurs et favorisent les faillites et abandons des exploitations ovines.

Au-delà de ces exemples, la châtaigneraie, l'oliveraie comme l'apiculture ou l'horticulture m'auraient permis les mêmes développements.

En marge de la négociation sur la PAC, la France doit être vigilante sur toute une série d'accords bilatéraux que l'Europe s'apprête à conclure avec des pays tiers. Je me félicite de l'action gouvernementale qui a permis que soient retirées du futur accord avec l'Afrique du Sud les pommes et les poires.

Les producteurs de fruits et légumes, peu insérés dans u ne organisation économique commune de marché, doivent aussi être défendus. Ils ne peuvent faire face à des pays pratiquant le dumping social et environnemental alors qu'eux-mêmes sont très conscients de la nécessité de produire mieux.

Pour finir, je veux dire un mot sur la réforme des fonds structurels comprise dans l'Agenda 2000.

Certaines cartes qui, nous dit-on, n'ont rien d'officiel - mais qui existent - feraient disparaître une partie importante de la région Languedoc-Roussillon - le Gard, l'Hérault et l'Aude - et une partie de la PACA, notamment les Bouches-du-Rhône, des zones éligibles aux nouveaux fonds structurels. Notre région, déjà particulièrem ent touchée par le chômage avec 16,5 % de demandeurs d'emploi, nécessite un traitement particulier.

Dans le Gard, l'ensemble des parlementaires et le conseil général de Nîmes, ma ville, sont mobilisés pour que l'ensemble de notre territoire soit éligible aux fonds de l'objectif 2.

Comme vous le voyez, toute la région Méditerrannée attend que soit reconnue sa spécificité, laquelle sera, j'en suis sûr, bien défendue aujourd'hui et demain lorsque viendront d'autres échéances comme la réforme de la politique commune de la pêche pour laquelle les professionnels attendent un plan quinquennal.

C'est pour cela que les élus du Sud qui veulent défendre l'agriculture méditerranéenne voteront avec moi et le groupe socialiste l'article unique qui nous est proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Boisserie.

M. Daniel Boisserie.

Vous avez, monsieur le ministre, légitimement souligné que le compromis élaboré sur la PAC ne méritait pas la qualification d'accord. Je profite d'ailleurs de cette intervention pour saluer la ténacité et la fermeté dont vous avez su faire preuve pendant la durée de ces négociations.

La France n'est pas la seule, vous l'avez dit, à contester ce prétendu accord. D'autres Etats comme les Pays-Bas, le Portugal et la Suède ont fait part de leur mécontentement. Nous avons en effet de bonnes raisons de ne pas être satisfaits.

Il y a d'abord la question budgétaire. Le ministre allemand de l'agriculture avait notamment réclamé, dès le début de la négociation, une diminution drastique du financement européen de la politique agricole. Le résultat est loin d'être à la hauteur puisqu'une hausse de 6,9 milliards d'euros est envisagée.

Un autre point négatif est constitué par l'absence de dégressivité des aides directes agricoles et leur plafonnement par exploitation. La France tenait particulièrement à ces dispositions afin d'affecter les sommes ainsi économisées au développement rural. Votre position était dans la droite ligne du texte adopté par la majorité gouvernementale à l'Assemblée nationale, sur le contrat territorial d'exploitation. Il ne faut pas que cette décision puisse remettre en cause le financement de ce CTE, qui avait reçu un accueil particulièrement favorable des organisations agricoles.

Je ne doute pas un instant, monsieur le ministre, que le Gouvernement défende avec détermination la réorientation des aides européennes à l'agriculture vers le développement rural, c'est-à-dire l'emploi, l'aménagement de notre territoire et la préservation de notre environnement.

Le monde rural compte sur votre action ferme et résolue en direction, notamment, de votre collègue allemand, afin qu'il mette un terme à son opposition systématique et, semble-t-il, personnelle, à ces deux mesures indispensables au maintien d'une présence forte d'agriculteurs dans nos campagnes.

En Haute-Vienne, je suis l'élu d'une circonscription qui s'enorgueillit d'être le berceau de l'une des races bovines les plus nobles, la Limousine. Cela me conduit à vous faire part des inquiétudes des éleveurs du bassin allaitant. Certes, des avancées significatives ont été constatées, notamment en ce qui concerne la baisse limitée des prix. Toutefois, des points négatifs subsistent.

D'abord, rien n'est prévu quant à la maîtrise de la production bovine.

Ensuite, le système d'intervention est maintenu à un niveau particulièrement bas. En effet, il faudra attendre une baisse de 50 % du prix du kilo de viande avant que le système ne se déclenche. Il risque donc de n'être applicable que durant des crises fortes mais brèves. Si la crise perdure, sans pour autant que les prix diminuent de 50 % - par exemple, une baisse durable de 40 % - le système n'aura aucune utilité. Un déclenchement de l'intervention à un niveau plus élevé pourrait sans doute être envisagé.

En ce qui concerne la prime à la vache allaitante, le soutien aux éleveurs des zones défavorisées ne semble pass uffisamment pris en compte. Un complément de 30 euros par vache allaitante serait souhaitable en favorisant l'attribution des crédits de l'enveloppe nationale bovine dans les zones défavorisées.

A l'instar des éleveurs de bovins à viande, les producteurs de lait des zones défavorisées ne font l'objet d'aucune mesure particulière. Une nouvelle fois, dans ce cas comme dans d'autres, il semble que les encouragements aillent à la production intensive de certaines zones et à une nourriture essentiellement à base de céréales. Les


page précédente page 02569page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

quotas laitiers supplémentaires constituent également un risque non négligeable de baisse du prix aux dépens des producteurs qui, comme en Limousin, nourrissent leur bétail surtout avec de l'herbe.

Ce paquet agricole est donc porteur de menaces importantes pour les agriculteurs de ma région qui, dans leur grande majorité, vivent de l'élevage de bovins à viande. Je suis donc, monsieur le ministre, inquiet quant au maintien de bon nombre d'exploitations de cette zone rurale.

Ce qui me rassure - nous en avons eu la preuve récemment - c'est que nous pouvons compter sur vous, monsieur le ministre, pour défendre aussi cette agriculture menacée. Vous êtes, et je m'en réjouis, un ministre qui ne défend pas uniquement les céréaliers. Je crois d'ailleurs pouvoir affirmer que vous avez acquis la confiance des éleveurs et de toutes les organisations agricoles, dans les zones concernées. Je sais déjà que vous ferez tout pour ne pas les décevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous parler des fonds structurels, anticipant sur la discussion que vous aurez ce soir, au moment où mon avion décollera pour la Réunion. Je vous prie de bien vouloir m'excuser de cette intrusion un peu intempestive dans ce débat.

La présence nombreuse des députés réunionnais sur les bancs de la majorité plurielle a été provoquée par la naissance d'un grand espoir dans la population de notre île.

Celle-ci a en effet mesuré combien les forces de progrès en métropole avaient été attentives aux revendications d'égalité et de dignité qui ont été au coeur des luttes da ns ce département pendant plusieurs décennies.

Elle nous a donc donné massivement sa confiance pour atteindre deux objectifs : parachever l'égalité sociale, dont on dit trop vite qu'elle est réalisée, et engager la Réunion sur la voie du développement, car les Réunionnais ne peuvent se satisfaire d'une société dans laquelle on répond, au coup par coup, et par de petits contrats de six mois, aux impatiences des hommes et des femmes qui veulent travailler.

Cette année, pour 86 000 emplois relevant du régime des ASSEDIC, on recense 41 000 contrats CES, CIA, CAE et emplois-jeunes, qui relèvent du traitement social du chômage. Malgré cela, il y aura encore plus de 110 000 chômeurs On mesure combien cette politique ne peut que trouver très vite ses limites. L'heure est venue de cesser de parler du développement et de le réaliser réellement.

Engager la Réunion sur la voie du développement ne peut se faire sans lui garantir que les crédits d'investissements, de formation, d'aide aux entreprises seront non seulement maintenus, mais aussi augmentés.

Or, lors du vote de la loi de finances pour 1998, notre assemblée, sur proposition de la commission des finances qui jurait ses grands dieux qu'il ne s'agissait que d'une modification mineure, et malgré nos mises en garde, a changé le dispositif de défiscalisation. Cette mesure dite de la « tunnelisation » a entraîné une réduction de plus de 500 millions de francs des sommes investies à la Réunion par les entreprises et les particuliers.

On ne peut pas faire le développement d'une région en réduisant les crédits d'investissements dont elle bénéficie.

J'ai voulu souligner cet aspect des choses, pour adresser une mise en garde : il ne faudrait pas que, dans les départements d'outre-mer, l'espoir se transforme en déception et en désespérance.

La négociation relative à la réforme des fonds structurels, dont les enjeux dépassent, chacun en convient, le cas d'un département ou d'une région, a entraîné, chez les élus, chez les socioprofessionnels et dans la population en général, une grande inquiétude.

A la Réunion, en effet, les crédits européens ont été à la base de grandes réalisations d'infrastructures et d'un vaste effort de formation. Ils ont atteint 2,5 milliards de francs entre 1989 et 1993 ; 4,35 milliards de francs entre 1994 et 1999. Vous comprendrez que ces crédits, essentiels dans l'action de rattrapage du retard d'équipement et de développement ne sauraient connaître la moindre amputation, sinon les conséquences seraient graves.

En particulier, la non-éligibilité des régions de l'objectif 1 au fonds social européen serait un coup bas porté au dispositif de formation qui est essentiel dans la lutte contre les retards de développement. En outre, cela serait en totale contradiction avec la reconnaissance du caractère p rioritaire des régions ultra-périphériques, par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, qui rend les DOM éligibles aux crédits de l'objectif 1 à double titre : d'abord p arce qu'ils sont des régions ultra-périphériques reconnues par le traité ; ensuite parce qu'ils ont un tel retard de développement que leur PIB respectif n'est pas près, malheureusement, de franchir la barre des 75 % du PIB moyen communautaire.

Que le projet de résolution ne fasse pas mention expresse de la nécessité du maintien de ces crédits, au moins à leur niveau de l'année 1999, ne peut donc nous satisfaire. Sans une modification dans ce sens du projet de résolution, il me semble que les élus des DOM seront nombreux à le désapprouver. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre, je tiens d'abord à saluer votre habileté.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Cependant, saluant votre habileté, je dois aussi relever votre duplicité.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Vergnier.

En matière de duplicité, vous êtes un connaisseur !

M. François Sauvadet.

Vous avez souligné que les négociations étaient difficiles. Elles doivent effectivement l'être politiquement, pour vous, mais elles sont également difficiles en raison des enjeux que vous avez rappelés : ouverture aux pays d'Europe centrale et orientale et futures négociations de l'OMC.

Ce débat aura au moins eu le mérite d'éviter les malentendus - et vous vous êtes efforcé de les dissiper de clarifier les positions de chacun - cela a été un peu moins évident -, et de lever des ambiguïtés. Ce sont d'ailleurs ces ambiguïtés qui m'ont amené à évoquer votre duplicité.

Vous avez en effet souligné que les négociations avaient été mal engagées par la Commission, notamment sur la conception du paquet. A cet égard, je vous renvoie à la définition donnée par votre prédécesseur lors de l'examen de la loi d'orientation agricole.


page précédente page 02570page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Nous nous étions alors efforcés de faire lever les ambiguïtés relatives au financement du contrat territorial d'exploitation qui était au coeur de la loi d'orientation agricole. Nous avons mis des heures et des heures pour vous amener à parler de ce financement qui était pourtant au coeur du débat. En l'occurrence a été ouverte une perspective de renationalisation à laquelle certains prêtaient alors une oreille un peu plus attentive qu'aujourd'hui. Bref, seul le résultat compte, et il y a incontestablement eu une avancée sur ce point.

A ce propos, vous avez souvent cité le Président de la République. Je ne suis pas son porte-parole (Sourires) , mais j'ai évidemment relu le discours qu'il a prononcé à Aurillac, avant même que vous n'engagiez la négociation et avant même que ne s'ouvre la discussion sur la loi d'orientation agricole. Il me semble donc évident qu'il existe une divergence profonde sur la conception même de l'avenir de notre agriculture.

Cet après-midi, vous avez souligné qu'il n'existait pas d'accord, mais, tout à l'heure, vous avez dit qu'il y avait une esquisse d'un compromis sur lequel vous n'étiez pas d'accord. J'ai donc regardé Le Petit Larousse pour savoir ce qu'était un compromis. J'en ai conclu qu'il s'agissait d'un accommodement.

Le fait que, au sortir d'une négociation internationale au sein du conseil des ministres de l'agriculture, présidé par l'Allemagne, et dans lequel sont représentées plusieurs grandes puissances, les représentants de cette dernière puissent prétendre qu'un préaccord a été obtenu, alors que ceux de l'une des plus grandes puissances agricoles semblent dénoncer cet accord, me laisse perplexe.

Vous avez indiqué que la France était en mauvaise posture. Je ne crois pas qu'il faille aborder des négociations dans cet état d'esprit. En effet, la France a un message singulier à délivrer en Europe parce qu'elle est une grande puissance agricole.

A cet égard, je veux souligner que nous ne partageons - l'un des mérites de ce débat est de l'avoir montré - ni la vision que vous avez affichée d'emblée pour l'agriculture en France et en Europe ni votre conception de la place de l'agriculture européenne dans le monde. Je tenais à le rappeler parce que je ne voudrais pas que ce débat donne le sentiment que nous aurions progressé et que nous partagerions l'essentiel, c'est-à-dire des convictions communes sur l'avenir de notre agriculture.

Des divergences de fond nous opposent, même si nous saluons certaines avancées parce que nous sommes des élus responsables. Au terme de ce débat, nous souhaitons surtout qu'elles soient beaucoup plus significatives. Je fonde d'ailleurs beaucoup d'espoir sur l'ambition de chacun, parce que, au-delà des contingences partisanes, l'essentiel est l'Europe que nous allons construire demain.

Pour cela, il faudra aussi beaucoup d'engagement.

N'oublions pas que le Gouvernement a une responsabilité active dans ce qui se passe aujourd'hui. C'est lui qui gouverne, même si nous avons un Président de la République qui préside aux destinées de ce pays. Malgré nos divergences de fond, nous souhaitons que la négociation avance.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'article unique, la parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste.

M. Michel Vergnier.

Dans ce débat, j'ai été frappé, en écoutant bien les uns et les autres, par le fait qu'étaient défendues deux agricultures différentes.

M. Léonce Deprez.

Non ! Non !

M. Michel Vergnier.

Nous ne défendons ni le même type d'agriculture ni le même type d'agriculteur. Nous avons, d'un côté, ceux qui, bien qu'ils ne veuillent pas le reconnaître, défendent une agriculture plutôt intensive et libérale, et, de l'autre, ceux qui ont surtout envie que nos efforts portent sur les agriculteurs qui souffrent davantage et qui ont les plus petites exploitations.

Je ne suis pas partisan des excès dans cette assemblée, mais je peux vous affirmer que les agriculteurs de la Creuse ne souhaitent pas que des propos comme ceux de M. Guillaume soient un jour suivis d'effets. Si tel était le cas, toutes les explications agricoles de mon département disparaîtraient.

Nous avons beaucoup travaillé sur cette proposition der ésolution. Le désaccord apparu en commission se retrouve aujourd'hui dans l'hémicycle. Ce texte a été soutenu par la gauche et combattu par la droite. Pourtant, certains des points de vue qu'expriment les membres de l'opposition sont pris en compte dans la proposition de résolution. Je relève donc une différence entre le contenu du discours et les positions prises, que je n'arrive pas à comprendre.

Le groupe socialiste évidemment votera cette proposition de résolution, parce que nous estimons qu'elle va constituer un outil qui doit vous aider à poursuivre les négociations et à en améliorer les résultats. Nous considérons que, si un essai a été marqué dans un premier temps, il faut aller plus loin, car certaines des dispositions envisagées ne sont pas acceptables.

Personne ne se revendique de qui que ce soit, ni du Président de la République ni de quelqu'un d'autre.

D'ailleurs, si la France se mettait à parler d'une dizaine de voix, où irions-nous ? L'intérêt de notre agriculture exige que nous soyons unis. C'est pourquoi nous voterons cette proposition de résolution sans états d'âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe RPR.

M. Christian Jacob.

Bien entendu, je le répète, personne n'a vocation à s'exprimer au nom du Président de la République, qui a marqué son intérêt pour l'agriculture depuis très longtemps.

Alors que l'avantage essentiel de cette résolution aurait été qu'elle soit un guide, une orientation pour vous, monsieur le ministre, tout a été fait pour décaler le débat et faire en sorte qu'elle intervienne après le conseil des ministres. Elle présente donc beaucoup moins d'intérêt que si vous l'aviez eue dans votre poche à l'époque et si vous aviez pu vous appuyer sur elle pour traiter de certains points lors de la négociation.

M. Michel Vergnier.

Vous ne l'avez pas votée en commission, monsieur Jacob !

M. Christian Jacob.

En ce qui concerne les résultats auxquels a abouti la négociation au sein du conseil des ministres, j'ai déjà évoqué plusieurs exemples montrant que les conséquences seraient dramatiques dans tous les secteurs de production. J'ai ainsi cité le cas d'une exploitation céréalière dans le Lauragais et celui d'un troupeau de vaches allaitantes avec cinquante mères et une vingtaine de génisses à l'engraissement.

Notre position est claire, comme elle le fut lors des réunions de la délégation pour l'Union européenne ou de la commission de la production et des échanges : nous voterons contre cette proposition de résolution sur la réforme de la politique agricole commune.


page précédente page 02571page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

M. le président.

Je vous remercie de votre concision, monsieur Jacob.

La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe

DL.

Mme Nicole Ameline.

Le groupe Démocratie libérale réaffirme naturellement son désaccord...

M. Joseph Parrenin, rapporteur de la commission de la production et des échanges, pour la proposition de résolution sur le projet de la réforme de la politique agricole commune.

Quelle déception !

Mme Nicole Ameline.

... sur ce vrai-faux accord.

Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt votre intervention ; j'ai pu comme mes collègues constater que vous-même et beaucoup de députés socialistes partagiez nos inquiétudes et notre déception sur les résultats de cette négociation.

Je ne sous-estime naturellement pas la difficulté de l'exercice auquel vous êtes soumis. Mais toute négociation comporte une obligation de résultat, fût-il partiel. Or, c'est le moins que l'on puisse dire en toute objectivité, l'essentiel à cet égard n'a pas été atteint. Vous-même l'avez reconnu, ce texte souffre d'erreurs stratégiques dont pâtiront des secteurs essentiels de la vie agricole française, comme la viande bovine et le lait. Cela ne peut que conforter notre très grande réserve pour l'avenir. Plus généralement, la logique retenue n'est pas la bonne et l'examen de cette résolution, certes, montre a posteriori s'il en est besoin, le formidable décalage entres les intentions - pas nécessairement toutes satisfaisantes - et la réalité.

En tout état de cause, nous souhaitons tous que la voix de la France soit entendue lors du prochain sommet.

Mais, pour l'heure, je regrette que l'image de l'Europe que l'on nous donne aujourd'hui soit davantage celle de marchands, voire de boutiquiers, que celle de la véritable Europe que nous souhaiterions, une Europe soucieuse de voir se développer des secteurs économiques sur la base d'un modèle...

M. Michel Vergnier.

Libéral !

Mme Nicole Ameline.

... libéral, oui, au sens propre du terme, c'est-à-dire respectueux des individus et de nos agriculteurs. Il nous faut gagner cette partie ; or force est de considérer que, malheureusement, elle n'est pas bien partie.

M. Pierre Lequiller.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour, pour le groupe communiste.

M. Félix Leyzour.

Comme je l'ai indiqué ce matin, la résolution qui nous est présentée n'aura pas de caractère contraignant pour nos représentants dans les négociations sur l'Agenda 2000 et, dans le cas présent, sur la réforme de la PAC. Elle ne constitue pas un mandat pour la délégation, mais je la comprends comme une invitation à défendre les intérêts de nos agriculteurs et de l'agriculture. Nous émettrons donc un vote positif (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) après avoir contribué à l'améliorer et à la renforcer.

Cela dit, je résiste pas à l'envie d'une observation sur la position de nos collègues de l'opposition. Leur objectif, en commission comme en séance, - c'est mon sentiment, mais notre collègue M. André a paru le confirmer d'une façon indirecte - paraît moins de fixer un cap à la délég ation française que de chercher à dégager par avance le Président de la République de la négociation. Cette démarche est trop politicienne pour un enjeu d'une telle importance. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Christian Jacob.

Pas vous, pas ça !

M. René André.

Vous êtes un connaisseur en la matière !

M. Félix Leyzour.

Les institutions sont ce qu'elles sont.

Et, au sommet européen, notre pays sera représenté par le Premier ministre et le Président de la République.

Au jour d'aujourd'hui, il nous appartient de dire comment nous souhaitons que la délégation française se comporte dans la négociation. Et ensuite, nous jugerons du résultat. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

(L'article unique de la proposition de résolution est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique : Suite de la discussion : - de la proposition de résolution, no 1281, de M. Alain Barrau sur la réforme des fonds structurels (COM [98] 131 final/no E 1061) : Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1450) ; de la proposition de résolution, no 1409, de M. Gérard Fuchs sur l'établissement de nouvelles perspectives financières pour la période 2000-2006 (COM [98] 164 final/no E 1049) et sur le projet d'accord interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et l'amélioration d e la procédure budgétaire (SEC [98] 698 final/no E 1128) : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1453).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


page précédente page 02572page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mercredi 17 mars 1999 SCRUTIN (no 161) sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'épargne et à la séc urité financière.

Nombre de votants .....................................

532 Nombre de suffrages exprimés ....................

488 Majorité absolue ..........................................

245 Pour l'adoption ...................

254 Contre ..................................

234 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (249) : Pour : 224. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux ,

M M. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , JeanPierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Ball igand , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude Beauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , André Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , JeanClaude Bois , Daniel Boisserie , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre Bourguignon , Christian Bourquin , Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. Jean-Paul Bret , Mme Nicole Bricq ,

M M. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , Guy-Michel C hauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin ,

M arcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , Mme Monique Denise , MM. Bernard Derosier , Claude Desbons , Michel Destot , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Mme Laurence Dumont , MM. JeanLouis Dumont , Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , Claude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Pierre Forgues , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean Gaubert , Mmes Catherine Génisson , Dominique Gillot , MM. André Godin , Alain Gouriou , Gérard Gouzes , Joël Goyheneix , Mme Paulette Guinchard-Kunstler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Maurice Janetti , Serge Janquin , A rmand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Jean-Pierre Kucheida , André Labarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François Lamy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , JeanYves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern , Michel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou ,

M M. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Gilbert Maurer , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon ,

M M. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , Joseph Parrenin , François Patriat , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont , Geneviève Per-r in-Gaillard , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reyn aud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Y ves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , René Rouquet , Michel SainteMarie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Henri Sicre , Mme Catherine Tasca , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Daniel Vachez , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (138) : C ontre : 132. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , JeanMichel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Arthur Dehaine , Jean-Pierre Delalande , Patrick


page précédente page 02573

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 17 MARS 1999

Delnatte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Jean-Pierre Dupont , Nicolas D upont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , Jean-Claude Guibal , Lucien Guichon , Jean-Jacques Guillet , Gérard Hamel , Michel Hunault , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kossowski , Jacques Lafleur , Robert L amy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre L ellouche , Jean-Claude Lemoine , Arnaud Lepercq , Jacques Limouzy , Lionnel Luca , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert P andraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , JeanLuc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Abstention : 1. - M. Michel Inchauspé

Groupe U.D.F. (70) : Contre : 59. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme Marie-Thérèse Boisseau , MM. Jean-Louis B orloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Yves Bur , Dominique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe D aubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Renaud Dutreil , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mme Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry JeanBaptiste , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Hervé Morin , Jean-Marie Morisset , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Gilles de Robien , François Rochebloine , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin , Jean-Jacques Weber et Pierre-André Wiltzer

Abstentions : 7. - MM. Raymond Barre , Jean Briane , Mme Anne-Marie Idrac , MM. Jean-Jacques Jégou , Christian Kert , Maurice Ligot et Arthur Paecht

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (43) : Contre : 41. - Mme Nicole Ameline , MM. François d' Aubert , Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hell ier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis J acquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin

Groupe communiste (35) : Abstentions : 31. - MM. François Asensi , Gilbert Biessy , C laude Billard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. Pierre Goldberg , Maxime Gremetz , Guy Hermier , Robert Hue , Mme Muguette Jacquaint , MM. André Lajoinie , JeanClaude Lefort , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Ernest Moutoussamy , Bernard Outin , Daniel Paul , Jean-Claude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Groupe Radical, Citoyen et Vert (35) : Pour : 29. - M. André Aschieri , Mme Marie-Hélène Aubert , MM. Roland Carraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves Cochet , Michel Crépeau , Jean-Pierre Defontaine , Jacques Desallangre , Roger Franzoni , Guy H ascoët , Robert Honde , François Huwart , Guy L engagne , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pontier , Jacques Rebillard , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret et Aloyse Warhouver

Abstentions : 5. - Mme Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Claude Hoarau , Elie Hoarau et Jean Rigal

Non-inscrits (6).

Pour : 1. - M. Jean-Yves Caullet

Contre : 2. - MM. Marc Dumoulin et Jean-Pierre Soisson

Mise au point au sujet du présent scrutin (Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4, du règlement de l'Assemblée nationale) M. Guy Teissier, qui était présent au moment du scrutin ou qui avait délégué son droit de vote, a fait savoir qu'il avait vou lu

« s'abstenir volontairement ».