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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 2715).

SITUATION AU KOSOVO (p. 2715)

MM. François Léotard, Lionel Jospin, Premier ministre.

RÉMUNÉRATION DU LIVRET A (p. 2716)

MM. Michel Crépeau, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. le président.

La séance, suspendue, ne sera pas reprise.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 23 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

SITUATION AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. François Léotard.

M. François Léotard.

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, la dégradation de la situation au Kosovo s'est accélérée au cours des dernières heures et, comme souvent dans ce type de conflit, ce sont les populations civiles qui subissent les plus lourdes pertes. Villages incendiés, femmes et enfants en fuite, découverte de charniers : voilà les images qui sont transmises au monde, aujourd'hui, de ce territoire européen qui a été le lieu de tant d'affrontements, et où la mémoire de notre continent est encore blessée.

Il semble que l'on soit désormais au bord d'une intervention militaire dont la menace, à force d'être brandie, ne pourra plus être reportée longtemps.

Nous sommes nombreux, très nombreux, sur ces bancs, à considérer que c'est le président Milosevic et le gouvernement de Belgrade qui portent, pour l'essentiel, la responsabilité de cette dégradation, et nous approuverions donc une réponse militaire, dès lors que les voies diplomatiques auraient été épuisées.

Les informations qui nous parviennent, les appels de détresse que nous recevons renouvellent, avec une étrange insistance, les débuts du conflit qui a ensanglanté tour à tour la Slovénie, la Croatie puis la Bosnie, et qui ont traversé toute la décennie des années 90, conflits dans lesquels la France, je le rappelle devant notre assemblée, a perdu plusieurs de ses soldats, et connu dans ses rangs plusieurs centaines de blessés.

Ma question porte donc sur deux points, monsieur le Premier ministre, qui sans mettre en péril la nécessaire et légitime responsabilité de décision de l'exécutif dans cette crise, permettraient d'éclairer la représentation nationale.

A quelles conditions, selon quel calendrier, avec quels moyens et dans quelle mesure le gouvernement français envisage-t-il de participer à l'opération préparée par l'OTAN ? A la veille du cinquantième anniversaire de l'Alliance, il peut être utile à la représentation nationale de savoir si les conditions d'utilisation de nos forces sont en passe d'être modifiées ou si elles restent conformes au livre blanc sur la défense de 1994. A l'heure actuelle, elles semblent dépendre excessivement, pour l'essentiel, de décisions américaines.

Sans qu'il soit nécessaire, et c'est mon deuxième point, de faire précéder une intervention éventuelle d'un débat parlementaire, ne vous semble-t-il pas qu'au-delà de l'information des commissions concernées - et celle des affaires étrangères reçoit cet après-midi M. Védrine - il serait utile que nous ayons ici même un véritable échange, donc un débat parlementaire, sur la position de la France vis-à-vis de l'OTAN, sur les perspectives d'une meilleure coordination des Européens sur les questions de défense, et enfin sur les principes - vous comprendrez que l'UDF y soit très attaché - qui fondent la participation française aux opérations de maintien de la paix.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du g roupe du Rassemblement pour la République et du groupe DL.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, tirant les leçons du drame qui s'est produit en Bosnie, le Président de la République et le Gouvernement ont pris, depuis des mois, des initiatives, en relation avec nos amis européens et avec nos alliés, en contact avec les Russes, pour adresser aux protagonistes de la crise qui s'est nouée au Kosovo les messages nécessaires : encourager les forces qui veulent la paix et résoudre les conflits par la négociation, intimider, avertir les forces qui veulent, à nouveau, trouver des solutions par la violence.

Nous avons adressé ces messages extrêmement clairs, avec nos alliés, aux autorités serbes. Une fois de plus, celles-ci n'ont pas su chercher au Kosovo la solution maîtrisée qui, dans l'intégrité même des frontières de la Fé dération yougoslave, aurait permis d'apporter l'autonomie interne, sans doute, montrant que des leçons étaient tirées des drames précédents et que ces protagonistes entraient avec nous dans le siècle.

M. Robert Pandraud.

Désarmez l'UCK !

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Ces messages ont été adressés également aux Kosovars, et particulièrement à l'UCK, dont nous ne partageons ni les méthodes ni, sans doute, les visées stratégiques ou diplomatiques. Pas plus que nous ne sommes pour une grande Serbie, nous ne sommes pour une grande Albanie.

Les autorités françaises, le ministre des affaires étrangères au premier chef, ont déployé leur énergie pour engager un processus de paix, de négociation - celui de Rambouillet - afin de rechercher une issue politique qui puisse montrer que les protagonistes serbes ou kosovars renonçaient à la violence, à la passion, au nationalisme exacerbé, à une approche ethnicisée des problèmes, et


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considéraient avec nous que le respect des minorités, la recherche des compromis par la négociation collective, le fonctionnement de la démocratie étaient ce qui unissait désormais tous les peuples et les nations européens, y compris ceux des Balkans.

A l'heure où je vous parle, il est nécessaire de reconnaître que ce processus n'a pas pu déboucher, que la tension devient de plus en plus forte sur le terrain, que les violences ne cessent pas et que le nombre de réfugiés, comme vous l'avez dit, s'accroît.

Malgré les efforts de la coprésidence franco-britannique des négociateurs, des émissaires, des membres du groupe de contacts, M. Milosevic ne manifeste aucun signe d'ouverture et refuse toujours d'adhérer au cadre du règlement élaboré à Rambouillet, cadre politique qui est désormais accepté - et c'est une donnée de la situation - par les Albanais du Kosovo.

Le moment n'est donc pas loin où nous devrons tirer toutes les conséquences de cette situation comme la communauté internationale en a constamment et clairement averti les autorités de Belgrade.

Nous sommes dans la phase finale. A cet égard nous sommes en contact permanent avec nos partenaires et nos alliés. S'il apparaît que tous les moyens de convaincre les autorités de Belgrade de cesser leurs actions de répression et d'adhérer aux accords de Rambouillet, dans leur dimension politique et dans leur volet dit militaire, sont épuisés, la France est déterminée à prendre toute sa part à l'action militaire, devenue inévitable, et cela engagera des forces de la France, comme des forces européennes et non exclusivement, monsieur le député, des forces américaines.

Le Président de la République et le Gouvernement partagent cette détermination.

En cas d'action militaire, le ministre de la défense et le ministre des affaires étrangères se tiendront à la disposition des commissions compétentes des affaires étrangères et de la défense du Parlement pour les informer, aussi tôt que cela sera nécessaire.

Si l'évolution de la situation le justifie, le Gouvernement prendra alors toutes les initiatives utiles, en accord avec le Président de la République, pour assurer l'information rapide et complète du Parlement tout entier.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe UDF.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

RÉMUNÉRATION DU LIVRET A

M. le président.

La parole est à M. Michel Crépeau.

M. Michel Crépeau.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne pense pas être un démagogue (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe UDF et du groupe DL) et, toujours, les radicaux ont su faire preuve du sens de l'Etat. C'est le général de Gaulle qui l'avait dit à M. Chaban-Delmas et à M. Debré allant le consulter. Il faut connaître l'histoire, c'est important.

Nous comprenons parfaitement que le ministre des finances se pose la question de l'adaptation du niveau de la rémunération des livrets de caisse d'épargne à une inflation aujourd'hui voisine de zéro. Mais nous ne pouvons pas ne pas appeler l'attention du Gouvernement sur le fait que s'en prendre à l'épargne populaire, qui intéresse 46 millions de Français, est une question éminemment politique.

M. Laurent Dominati.

Et électorale !

M. Michel Crépeau.

Par conséquent, il n'est pas possible de laisser le soin de trancher la question à une commission de technocrates chargés de mettre au point des formules de révision automatique. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

C'est une question politique parce qu'elle est abordée au moment où nous venons de réformer le statut des caisses d'épargne, ce qui a créé une certaine inquiétude chez les personnels.

C'est une question sensible parce qu'il s'agit du financement du logement social.

M. Laurent Dominati.

Les élections arrivent.

M. Michel Crépeau.

Elle est sensible aussi parce que le contexte général fait que les petits épargnants des caisses d'épargne ont le vertige en considérant ce que François Mitterrand appelait la kermesse de l'argent fou. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Un député du groupe du RPR.

Et le Crédit lyonnais !

M. Michel Crépeau.

Le directeur du Trésor que vous avez nommé était tout de même chargé de surveiller le Crédit lyonnais ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Et les 120 milliards qui se sont envolés, chacun de nous lesr etrouve à hauteur de 2 000 francs sur sa feuille d'impôts ! C'est de cela que je voulais parler. Vous avez bien mal réagi tout à l'heure.

Cette question est sensible au moment où l'on voit M. Pébereau se lancer à coups de milliards à l'attaque de la Société générale et de Paribas, où l'on voit M. Pinault a cheter successivement le Printemps, la Redoute, Bouygues et, aujourd'hui, Gucci ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) M. Pinault a décidément des goûts très divers ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence ! Nous parlions des caisses d'épargne, nous allons y revenir, n'est-ce pas, monsieur Crépeau ?

M. Michel Crépeau.

Je ne pense pas que le fait qu'il ait des goûts si éclectiques puisse le dispenser de payer l'impôt sur le revenu.

Cela étant dit, je poserai deux questions très précises.

(« Ah ! » sur les mêmes bancs.)

Premièrement, monsieur le ministre, allez-vous laisser votre commission technocratique trancher un problème politique de ce genre ? (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)

Si vous ne le faites pas, je ne voudrais pas que vous souffriez du syndrome suicidaire de M. Juppé (Protestations sur les bancs du Rassemblement pour la République) qui consiste à tirer prioritairement sur ses électeurs.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL.)


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Deuxièmement, quand on s'attaque à l'épargne populaire, il faut trouver des compensations. Je vais vous proposer trois compensations grâce aux économies que vous allez réaliser.

D'abord, il serait sage de doubler le montant du capital que l'on peut verser sur les livrets jeunes, donc de le porter de 10 000 à 20 000 francs...

M. Laurent Dominati.

50 000 francs !

M. Michel Crépeau.

... afin d'aider les jeunes qui veulent s'établir dans la vie.

Ensuite, les intérêts des livrets de caisse d'épargne servant au financement du logement social, n'est-il pas possible de créer un fonds particulier pour le logement très social en faveur des déshérités ? Enfin, ne peut-on faire que les gens du troisième âge, propriétaires d'une maison, ne soient pas condamnés à verser deux fois l'impôt foncier cette année ? (Exclamations sur le bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Car, quoi que vous en disiez, vos explications à ce sujet ne sont pas claires ! V oilà mes questions. (Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous avez posé des questions infiniment intéressantes.

D'abord, s'agissant de l'épargne populaire, le Gouvernement a défini en juin dernier une méthode visant à concilier sa juste rémunération et le financement des missions de services publics liées en particulier au financement du logement social.

M. Yves Nicolin.

Langue de bois ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour cela, un comité indépendant a été mis en place (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) qui n'est pas un comité technocratique. Il comprend, du côté des finances, des banquiers et des représentants de la Caisse des dépôts, du c ôté des utilisateurs, des représentants des sociétés d'HLM et le président du comité des usagers.

Ce comité, créé en décembre, va se réunir pour la première fois puisque son président, André Babeau, en a décidé ainsi. Il a pour mission de mettre au point d'abord, lors de son installation, les modalités de son fonctionnement et de procéder à un premier tour d'horizon. (Mouvements et exclamations divers.)

Plusieurs députés.

Monsieur le président, il faut suspendre !

M. le président.

Oui, je vois. Un instant, monsieur le ministre.

Que l'on se porte au secours de M. Crépeau qui a un malaise !

....................................................................

M. le président.

Mes chers collègues, compte tenu de l'état de santé de M. Crépeau, vous serez tous d'accord pour en terminer là avec les questions d'actualité.

Je vais suspendre la séance, qui sera reprise éventuellement vers seize heures cinq... Sinon ce soir, à vingt et une heures, pour la suite de l'ordre du jour.

(La séance, suspendue à quinze heures quinze, ne sera pas reprise.)