page 02800page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

YVES

COCHET

1. Rappels au règlement (p. 2802).

MM. André Gerin, le président, Jean-Pierre Michel.

2. Présomption d'innocence et droits des victimes. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 2802).

DISCUSSION

DES ARTICLES (suite) (p. 2802)

Après l'article 1er (suite) (p. 2802)

Amendements nos 5 de M. Devedjian et 179 et 180 de M. Goasguen : M. Philippe Houillon, Mmes Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois ; Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejets.

Amendements identiques nos 73 de la commission des lois, 6 corrigé de M. Devedjian et 212 corrigé de M. Tourret : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, M. Alain Tourret. - Adoption.

Amendement no 74 de la commission : Mme le rapporteur, M. Philippe Houillon, Mme la garde des sceaux, M. Alain T ourret, Mme Frédérique Bredin, M. Arnaud Montebourg. - Adoption.

Amendement no 201 de M. Goasguen : M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. Rejet.

Avant l'article 2 (p. 2806)

Amendements identiques nos 75 corrigé de la commission et 213 corrigé de M. Tourret : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 76 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 77 de la commission, avec le sousamendement no 234 de M. Devedjian : Mme Frédérique Bredin, M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, M. Christophe Caresche. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.

Amendement no 78 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendements nos 79 rectifié de la commission et 13 de M. Devedjian et amendements identiques nos 167 de M. Gerin, 217 corrigé de M. Tourret et 291 de M. Lang :

Mme le rapporteur, MM. Philippe Houillon, Jean Vila, Alain Tourret, Guy Hascoët, Mme la garde des sceaux. Adoption de l'amendement no 79 rectifié ; les amendements nos 13, 167, 217 corrigé et 291 n'ont plus d'objet.

Amendements nos 80 de la commission, 7 de M. Devedjian et 306 du Gouvernement : Mme le rapporteur, M. Philippe Houillon, Mme la garde des sceaux, M. Jean-Pierre Michel, Mme Frédérique Bredin. - Retrait de l'amendement no

80. M. Philippe Houillon. - Retrait de l'amendement no 7 ; adoption de l'amendement no 306 rectifié.

Amendement no 292 de M. Lang : M. Guy Hascoët,

Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 256 de M. Floch, avec le sous-amendement no 318 de Mme Lazerges : M. Jacques Floch, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, Frédérique Bredin, MM. Alain Tourret, Jean-Pierre Michel, le président, Pierre Albertini. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Article 2 (p. 2812)

M M. Pierre Goldberg, Guy Hascoët, Alain Tourret, Philippe Houillon, Léonce Deprez, Jérôme Lambert.

Amendement no 293 rectifié de M. Lang : M. Jean-Pierre Michel, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 71 de M. Albertini : M. Pierre Albertini,

Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements nos 8 de M. Devedjian et 82 de la commission, avec le sous-amendement no 252 de M. Jean-Pierre Michel : M. Patrick Devedjian, Mme le rapporteur,

M. Jean-Pierre Michel, Mme la garde des sceaux, MM. Arnaud Montebourg, Léonce Deprez. - Rejet de l'amendement no 8 et du sous-amendement no 252 ; adoption de l'amendement no

82. Amendement no 9 rectifié de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 61 de M. Albertini : M. Pierre Albertini,

Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

A mendements nos 181 de M. Houillon et 10 de

M. Devedjian : MM. Philippe Houillon, Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, Frédérique Bredin, M. Arnaud Montebourg. - Rejets.

Amendement no 83 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

A mendements nos 11 de M. Devedjian et 195 de M. Houillon : M. Patrick Devedjian. - Les amendements n'ont plus d'objet, de même que l'amendement no 12 de M. Devedjian.

Amendements nos 62 de M. Albertini et 166 de la commission : M. Pierre Albertini, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 62 ; adoption de l'amendement no 166.

Amendement no 302 de M. Hascoët : M. Guy Hascoët. Retrait.

Amendement no 303 de M. Hascoët : M. Guy Hascoët. Retrait.

Amendement no 60 de M. Albertini : M. Pierre Albertini, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, MM. Jérôme Lambert, Patrick Devedjian. - Rejet.

Adoption de l'article 2 modifié.

Après l'article 2 (p. 2822)

Amendement no 200 de M. Goasguen : M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. Rejet.

A mendement no 235 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 84 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, Frédérique Bredin. - Adoption.

A mendement no 236 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, MM. Alain Tourret, Louis Mermaz. - Retrait.


page précédente page 02801page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

Amendements nos 254 de M. Jean-Pierre Michel et 168 de M. Gerin : MM. Jean-Pierre Michel, Pierre Goldberg, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, MM. Louis Mermaz, Pierre Albertini, Mme Frédérique Bredin. Adoption de l'amendement no 254 ; l'amendement no 168 n'a plus d'objet.

Article 3 (p. 2825)

A mendement no 14 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian. - Retrait.

Amendement no 85 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 86 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Après l'article 3 (p. 2825)

Amendement no 87 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Article 4 (p. 2826)

Amendement no 198 de M. Goasguen : M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. Rejet.

A mendements nos 88 de la commission et 196 de M. Houillon : Mme le rapporteur, M. Philippe Houillon, Mme la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 88 ; l'amendement no 196 n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 4 modifié.

Après l'article 4 (p. 2827)

Amendement no 311 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendements nos 169 de M. Gerin et 182 de M. Houillon : MM. Pierre Goldberg, Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, Frédérique Bredin. - Adoption de l'amendement no 169 ; l'amendement no 182 n'a plus d'objet.

Amendements nos 48 rectifié de M. Albertini, 183 de

M. Houillon, 312 de la commission et 219 de M. Tourret : MM. Pierre Albertini, Philippe Houillon, Mme le rapporteur, M. Alain Tourret, Mme la garde des sceaux, M. Arnaud Montebourg. - Rejet des amendements nos 48 rectifié et 183 ; adoption de l'amendement no 312 ; l'amendement no 219 n'a plus d'objet.

Article 5 (p. 2829)

Amendement no 197 de M. Goasguen : M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 89 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Après l'article 5 (p. 2830)

Amendement no 199 de M. Goasguen : M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 205 de M. Houillon : M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 185 de M. Houillon : M. Philippe Houillon, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Rejet.

Article 6 (p. 2831)

Amendement no 15 rectifié de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 16 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7 (p. 2832)

Amendement no 184 de M. Houillon : M. Philippe Houillon. - Retrait.

Amendement no 90 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 91 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 7 modifié.

Article 8. - Adoption (p. 2833)

Après l'article 8 (p. 2833)

A mendement no 17 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. Rejet.

A mendement no 18 de M. Devedjian : M. Patrick Devedjian, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux,

M. Arnaud Montebourg. - Rejet.

Amendement no 65 de M. Albertini : M. Pierre Albertini, Mmes le rapporteur, la garde des sceaux, Frédérique Bredin, MM. Alain Tourret, Patrick Devedjian, Arnaud Montebourg. - Rejet.

Avant l'article 9 (p. 2836)

Amendement no 92 de la commission : Mmes le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption.

Amendements nos 263 et 264 de Mme Gillot : Mmes Dominique Gillot, le rapporteur, la garde des sceaux. - Adoption des amendements.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

3. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 2837).

4. Dépôt de propositions de loi (p. 2837).

5. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 2838).

6. Dépôt de rapports (p. 2838).

7. Dépôt de rapports sur des propositions de résolution (p. 2838).

8. Dépôt d'un rapport d'information (p. 2838).

9. Dépôt d'un avis (p. 2838).

10. Ordre du jour des prochaines séances (p. 2838).


page précédente page 02802page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1 RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. André Gerin.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. André Gerin, pour un rappel au règlement.

M. André Gerin.

Concernant l'intervention militaire de l'OTAN à Pristina, dans le Kosovo et dans l'exYougoslavie, je voudrais dire notre immense mécontentement quant à la décision du Premier ministre et du Président de la République de donner leur accord. Nous considérons que cela aura des conséquences gravissimes sur la légitimité de la représentation nationale. Il est, selon nous, absolument inadmissible que l'Assemblée nationale ne soit réunie que vendredi, alors que les choses sont en train de se passer aujourd'hui.

D'autre part, nous considérons qu'il s'agit d'un engrenage qui peut avoir de lourdes conséquences pour l'Europe. Nous pensons que ce n'était pas à l'OTAN d'intervenir. Quelles que soient les résolutions, il fallait p rendre l'initiative d'une réunion exceptionnelle de l'ONU sur un tel problème.

Nous considérons toujours ce soir que les issues politiques n'étaient pas forcément épuisées. En tout état de cause, je tiens, au nom des députés communistes, à vous faire part de notre mécontentement, et nous n'en resterons pas là.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. le président.

Monsieur Gerin, je prends acte de votre déclaration qui n'était pas un rappel au règlement, mais je peux comprendre le sens de vos paroles.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Michel Monsieur le président, le texte dont nous discutons en ce moment est très important. Le débat se déroule dans de bonnes conditions, mais il sera long. C'est d'ailleurs toujours le cas, pour les textes qui traitent de procédure pénale.

Jeudi soir, la séance ne pourra pas se poursuivre très tard puisque la conférence des présidents a fixé, pour vendredi, une séance à onze heures au cours de laquelle le Premier ministre doit venir parler aux députés. On ne sait d'ailleurs plus de quoi, car les frappes aériennes ont déjà commencé.

Je vous demande donc, monsieur le président, de susciter, dans les plus brefs délais, la réunion d'une conférence des présidents pour savoir si la séance de vendredi est maintenue. Que viendra nous dire le Premier ministre ? Que justifiera-t-il ? L'intervention de l'OTAN est, à mon avis, une grave erreur,...

M. Alain Tourret.

Très bien ! M. Jean-Pierre Michel. ... car elle n'avait aucun mandat des Nations unies. Le mandat des Nations unies, derrière lequel la France et, hier, en commission des affaires étrangères, le ministre des affaires étrangères se sont retranchés, date de novembre 1998. Or, depuis cette date, bien des choses se sont passées.

On enclenche un conflit en Europe, dans un pays souverain, qui n'en a pas envahi un autre. Sur le fond, je considère que c'est très grave mais, sur la forme, je me demande quelle séance nous aurons vendredi. Si c'est une mascarade de plus, je pense que le Parlement peut s'en passer. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste.)

M. Philippe Houillon.

Très bien !

M. le président.

Je ne peux de ma propre initiative c onvoquer une conférence des présidents, mais je communiquerai vos propos au président de l'Assemblée nationale.

2

PRE

SOMPTION D'INNOCENCE ET DROITS DES VICTIMES Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi renforçant la protection de la p résomption d'innocence et les droits des victimes (nos 1079, 1468).

Discussion des articles (suite) Après l'article 1er

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 5 portant article additionnel après l'article 1er

Je suis saisi de trois amendements, nos 5, 179 et 180, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 5, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 80-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le juge d'instruction a le pouvoir de mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants laissant pré-s umer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi.


page précédente page 02803page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

« La mise en examen résulte de la notification d'une ordonnance motivée, portant indication des faits pour lesquels elle est mise en examen et de la qualification juridique de ces faits. Elle lui précise qu'elle a le droit d'être assistée d'un avocat de son choix ou commis d'office et que le nom de l'avocat choisi ou la demande d'un avocat commis d'office doit être communiquée au greffe du juge d'instruction.

« Cette ordonnance peut être signifiée par le juge d'instruction préalablement à l'interrogatoire de première comparution prévu à l'article 116 CPP, par tout officier de police judiciaire agissant sur instruction du juge d'instruction ou par lettre recommandée.

« Cette ordonnance est susceptible d'un appel non suspensif dans un délai de cinq jours à compter de sa signification à personne. »

L'amendement no 179, présenté par M. Goasguen, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. L'article 80-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 80-1. Le juge d'instruction a le pouvoir de mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi.

« Toute mise en examen doit faire l'objet d'une ordonnance notifiée à l'intéressé. Cette ordonnance mentionne expressément chacun des faits reprochés, leur qualification juridique, ainsi que le détail des indices retenus. Elle est portée à la connaissance du mis en examen avant son interrogatoire de première comparution prévu à l'article 116.

« La notification peut être effectuée par lettre recommandée ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire agissant sur instruction du juge d'instruction. Elle est alors constatée par procèsverbal. L'ordonnance ainsi notifiée doit préciser que la personne mise en examen a le droit d'être assistée d'un avocat de son choix ou commis d'office et que le nom de l'avocat choisi ou la demande d'un avocat commis d'office doit être communiquée au greffe du juge d'instruction. L'ordonnance indique à la personne mise en examen qu'elle peut en relever appel selon les modalités de l'article 186. »

« II. Le premier alinéa de l'article 186 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La personne mise en examen peut interjeter appel de l'ordonnance de mise en examen prévue à l'article 80-1. »

L'amendement no 180, présenté par M. Goasguen, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. L'article 80-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 80-1. Le juge d'instruction a le pouvoir de mettre en examen toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants laissant présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux faits dont il est saisi.

« Toute mise en examen doit faire l'objet d'une ordonnance notifiée à l'intéressé. Cette ordonnance mentionne expressément chacun des faits reprochés, leur qualification juridique, ainsi que le détail des indices retenus. Elle est portée à la connaissance du mis en examen avant son interrogatoire de première comparution prévu à l'article 116.

« La notification peut être effectuée par lettre recommandée ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire agissant sur instruction du juge d'instruction. Elle est alors constatée par procèsverbal. L'ordonnance ainsi notifiée doit préciser que la personne mise en examen a le droit d'être assistée d'un avocat de son choix ou commis d'office et que le nom de l'avocat choisi ou la demande d'un avocat commis d'office doit être communiquée au greffe du juge d'instruction. »

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l'amendement no

5.

M. Philippe Houillon.

Je soutiens l'amendement no 5 qui rejoint d'ailleurs l'amendement suivant no 179 de notre collègue Goasguen.

Cet amendement vise à faire en sorte que les ordonnances de mise en examen soient motivées et susceptibles d'appel.

Je comprends bien les préventions à l'encontre de ce système, qui peut être assimilé à un préjugement et donc porter préjudice à la personne mise en examen lorsqu'elle se retrouvera devant le tribunal. Cela étant, ce système rejoint la préoccupation de Mme le rapporteur. Lorsque nous avons discuté de l'amendement de M. Balladur, nous nous sommes aperçus que nous étions d'accord sur le principe mais que nous divergions sur la méthode.

Nous avons, les uns et les autres, estimé qu'il fallait retarder la mise en examen, mais avec des systèmes différents.

A cet égard, Mme le rapporteur a indiqué que le projet de loi qui fait une place plus grande au statut de témoin assisté remplit cet office. Le projet de loi distingue nettement le statut de témoin assisté de celui de mis en examen et a pour but d'inciter les magistrats instructeurs à utiliser plus qu'ils ne le font, actuellement - c'est-à-dire pratiquement pas - le statut de témoin assisté pour retarder la mise en examen. Il y a donc bel et bien une différence entre les deux statuts. Quelle est-elle ? Une personne passe du statut de témoin assisté à celui de mis en examen lorsque le juge d'instruction, en cours d'instruction, en décide ainsi après avoir réuni des charges suffisantes. A ce moment-là, il est normal que la personne mise en examen sache quelle sont, après une instruction qui se sera déroulée, les charges retenues contre elle, d'où cette demande de motivation, étant entendu que c'est un acte extrêmement important. En remplaçant l'inculpation par la mise en examen, on pensait simplifier ou du moins améliorer les choses.

On s'est aperçu du contraire. Car pour l'opinion publique, la mise en examen équivaut presque à une présomption de culpabilité, ce qui porte gravement atteinte à la présomption d'innocence. Par conséquent, à la lumière de ces explications, il paraît normal de motiver une ordonnance de mise en examen, car c'est un acte essentiel de la procédure.

C'est d'ailleurs en cohérence avec ce que nous avons voté à l'article 1er avec un amendement présenté par Mme le rappporteur selon lequel la personne qui est suspectée ou poursuivie a le droit d'être informée de la nature des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.

Voilà pourquoi nous souhaitons que l'ordonnance de mise en examen soit motivée et susceptible d'appel.


page précédente page 02804page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. le président.

Monsieur Houillon, dois-je considérer que vous avez présenté, non seulement l'amendement no 5, mais également les amendements nos 179 et 180 ?

M. Philippe Houillon.

J'ai en effet présenté l'amendement no 5 et l'amendement no 179. En revanche, je précise que l'amendement no 180 est en retrait par rapport aux deux autres, car il ne prévoit que la motivation de l'ordonnance de mise en examen, sans possibilité d'appel.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour donner l'avis de la commission sur les trois amendements.

Mme Christine Lazerges, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Houillon vient de justifier une éventuelle motivation de la mise en examen.

Nous nous sommes beaucoup interrogés sur la question de la motivation ou de la non-motivation de la mise en examen. Après y avoir longuement réfléchi, nous avons pensé que modifier un tout petit peu l'article 80-1 du code de procédure pénale améliorait suffisamment la situation en faisant reposer la mise en examen sur des indices précis et pas simplement sur indices.

Et puis, il ne faut pas l'oublier, la requête en nullité existe, si la mise en examen n'est pas suffisamment étayée : un ancien Premier ministre vient d'en bénéficier.

On peut donc parfaitement, dans l'état actuel du droit, arriver au même résultat par le biais d'une requête, et sans porter atteinte à la présomption d'innocence. Une fois qu'une mise en examen est motivée et qu'une décision en appel confirme cette motivation, il devient difficile de parler encore de présomption d'innocence. Ce n'est plus, alors, qu'une pure fiction.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 5, 179 et 180.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. Comme Mme le rapporteur, nous nous sommes interrogés. C'est une vraie question. La motivation est une bonne chose en soi, de même que l'appel.

Toutefois, ces deux dispositions, même si elles sont prises séparément, risqueraient de conduire à un préjugement.

Ce serait aller à l'encontre du but que poursuivent les auteurs des amendements et nuirait à la présomption d'innocence.

En vérité, ce n'est pas sur ces dispositions qu'il faut se focaliser. Le juge d'instruction doit déjà donner ses motifs. S'il ne le fait pas, il s'expose à voir la mise en examen annulée par la chambre d'accusation. Mme Lazerges l'a rappelé, cela a fait l'objet d'une décision récente. Une mise en examen par lettre insuffisamment motivée a été annulée. Elle a dû être complétée par une convocation assortie d'explications plus détaillées.

Si l'on allait plus loin, cela reviendrait à forcer le juge d'instruction à déterminer les charges qui pèsent sur la personne, c'est-à-dire qu'on entrerait dans un système où le juge d'instruction n'instruirait plus à charge et à décharge, mais où il ferait partie de l'accusation. On risquerait ainsi de tomber dans la procédure accusatoire. On ne voit pas très bien quel serait le rôle du juge d'instruction à cet égard. Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut accepter ces propositions.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Je comprends bien les arguments qui sont présentés par Mme le rapporteur et Mme la garde des sceaux. Je persiste à penser que cette argumentation n'est pas cohérente avec ce qui a été dit tout à l'heure. Vous souhaitez inciter les juges d'instruction, - car il n'y a aucun caractère obligatoire et la mise en examen peut être prononcée à tout moment - à utiliser d'abord le statut de témoin assisté, et, finalement, implicitement mais nécessairement, à n'utiliser le statut de mis en examen que lorsqu'il y aura des charges suffisantes.

Sinon, on ne voit pas très bien quelle serait la différence entre le statut de témoin assisté et celui de mis en examen, pas plus qu'on ne voit très bien à quoi servirait l'incitation à utiliser davantage le statut de témoin assisté.

S'il n'y a pas de différence, ce n'est pas la peine d'utiliser le statut de témoin assisté, on retombe dans les même errements que ceux que nous connaissons. S'il y a une différence, il faut bien qu'elle s'explique. Et par quoi s'explique-t-elle, si ce n'est par le fait que des charges sont réunies à un moment donné qui permettent au juge d'instruction de mettre en examen ? Quant à dire que le juge d'instruction, s'il devait motiver son ordonnance, se transformerait en accusateur, cela ne tient pas, en tout cas, et cela est très éloigné non seulement de la pratique, mais encore de la procédure pénale. Car que se passe-t-il dans le système actuel ? A un moment donné, le juge d'instruction rend une ordonnance : une ordonnance de non-lieu s'il estime qu'il n'y a pas suffisamment de charges, ou une ordonnance de renvoi - devant le tribunal correctionnel, par exemple, en matière délictuelle - lorsqu'il considère que les charges sont suffisantes. L'ordonnance de renvoi constitue donc bien une mise en accusation, puisque l'on ne voit pas pourquoi le juge d'instruction renverrait devant le tribunal sans charges suffisantes. Par conséquent, ne nous réfugions pas derrière des mots : dans le système existant, une ordonnance de renvoi constitue à l'évidence un énoncé de charges contre une personne dénommée, puisque celle-ci est renvoyée devant le tribunal.

Nous souhaitons que le texte à venir soit en conformité avec les principes que nous avons votés. M. Gouzes a eu raison de dire tout à l'heure qu'il fallait, bien sûr, affirmer des principes, mais surtout les concrétiser. Je constate malheureusement que nous avons affirmé des principes, mais que vous hésitez à leur donner un contenu concret.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 179.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 180.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques nos 73, 6 corrigé et 212 corrigé.

L'amendement no 73 est présenté par Mme Lazerges, rapporteur, et M. Tourret ; l'amendement no 6 corrigé est présenté par M. Devedjian et M. Cazenave ; l'amendement no 212 corrigé est présenté par M. Tourret.


page précédente page 02805page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il instruit à charge et à décharge. »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

73.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il s'agit de préciser, dans l'article 81 du code de procédure pénale, que le juge d'instruction instruit à charge et à décharge. On a quelquefois l'impression, en effet, que certains oublient l'aspect « à décharge ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Je rejoins totalement notre rapporteur : il est en effet important de rappeler les principes.

Un de nos collègues a dit qu'il ne servait à rien de le faire. Je ne partage pas du tout ce sentiment. Les principes doivent être fixées par écrit pour qu'ils guident l'action des magistrats. Rappelons donc la notion, trop souvent oubliée, de l'instruction à décharge, c'est-à-dire en faveur de la personne qui se trouve en face du juge.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 73, 6 corrigé et 212 corrigé.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteur, M. Houillon et M. Goasguen, ont présenté un amendement, no 74, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : "L'ordonnance de règlement comporte les mentions spécifiques relatives aux diligences qu'il a accomplies pour instruire à charge et à décharge." » La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Monsieur Houillon, désirez-vous présenter cet amendement adopté par la commission des lois, puisque c'est le vôtre ?

M. Philippe Houillon.

Je vous laisse ce soin, madame le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Soit ! Cet amendement prévoit que l'ordonnance de règlement devra comporter les mentions spécifiques relatives aux diligences que le juge d'instruction a accomplies pour instruire à charge et à décharge.

La difficulté réside peut-être dans le fait d'identifier, parmi les actes d'instruction, ceux qui sont plutôt à charge et ceux qui sont plutôt à décharge. Il demeure que la précision nous a paru intéressante.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'ai dit que j'étais favorable à ce qu'il soit précisé que le juge d'instruction instruit à charge et à décharge. Mais j'avoue, s'agissant de l'amendement no 74, avoir quelques réserves.

Tout ce qui renforce le rôle d'arbitre du juge d'instruction va dans le bon sens. Mais il ne faudrait pas donner le sentiment, par une sorte de surenchère, que l'on doute du juge.

On a rappelé, au début de l'article 81, que le juge recherche la manifestation de la vérité et qu'il instruit à charge et à décharge. Puis on lui demanderait aussitôt de justifier, non pas qu'il a bien recherché la vérité, mais qu'il a bien instruit à charge ou à décharge et, au surplus, de rédiger ses justifications dans l'ordonnance de règlement, ce qui constituerait un travail non négligeable pour un résultat peu signifiant.

On peut par ailleurs s'interroger sur l'intérêt de ces justifications en cas de non-lieu et sur les conséquences juridiques résultant de leur absence éventuelle. Si c'est la nullité de l'ordonnance ou de l'instruction, la sanction est évidemment disproportionnée. Mais si cette obligation n'est pas prescrite à peine de nullité, pourquoi la prévoir si ce n'est pour montrer qu'on se méfie du juge ? D'une manière générale, les motivations d'une ordonnance de règlement indiquent, de toute façon, les éléments à charge et à décharge recueillis par le juge, mais elles ne précisent pas les diligences accomplies à cette fin.

Ce qui compte, c'est le résultat des investigations.

Il est parfois impossible de déterminer si un acte effectué par le juge d'instruction a été accompli spécialement pour instruire à charge ou à décharge.

Je crois donc que cet amendement soulève des difficultés, même si, je le répète, je ne peux évidemment pas être contre la réaffirmation du caractère impartial du juge.

Dans ces conditions et malgré mes réserves, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Mme la garde des sceaux vient de nous dire que, si ce n'est pas à peine de nullité, la mesure prévue ne sert pas à grand-chose. Je serai tenté de lui dire, m'en tenant à ce seul exemple, qu'il n'est pas non plus nécessaire de prévoir un « délai raisonnable » si ce n'est pas à peine de nullité. Or ce délai est bien prévu dans le projet de loi sans qu'aucune sanction soit prévue.

L'argument ne me paraît donc pas recevable.

Pour le reste, les choses sont très simples.

Jusqu'à présent, l'instruction « à charge et à décharge » est consacrée par la jurisprudence. Nous avons adopté un amendement qui fait que ce principe entrera dans le droit positif de manière claire.

Par conséquent, faisons une fois encore très simplement les choses et adoptons concrètement ces principes, faisant en sorte que la justice se rende dans la transparence, ce qui est le souhait - je le suppose - de chacun de nous sur ces bancs. Puisque tout le monde est d'accord pour reconnaître que l'instruction doit se faire à

« charge et à décharge », qu'on le mette en évidence dans les ordonnances, de façon que cela puisse être contradictoirement contrôlé. Voilà tout !

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

J'irai dans le même sens que

M. Houillon.

On nous a dit que déterminer des principes, c'était bien beau, mais que cela ne servait pas à grand-chose. Eh bien, justement ! Concrétisons ! Je sais bien, que des papiers seront éventuellement préparés à l'avance, où l'on précisera que telle ou telle mesure à été prise. Mais au moins, on aura réfléchi et, pour chaque instruction, on pourra savoir exactement ce qui aura été fait.

Les praticiens vous le diront, la disposition proposée est absolument indispensable. Si elle n'est pas adoptée, il n'y aura pas de véritable instruction à décharge. Cette disposition est de simple bon sens.


page précédente page 02806page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Comme l'a dit Mme le rapporteur, il est important non seulement d'affirmer des principes, mais aussi d'apporter des garanties. Ce n'est sûrement pas une question de confiance ou de méfiance à l'égard du juge d'instruction : il s'agit d'un problème de procédure pénale. Il convient d'afficher des principes et de fournir les garanties que ces principes seront respectés.

Cela répond à la nature même de cette procédure. Nous sommes donc favorable à l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je suis quant à moi assez défavorable à l'amendement, qui ne peut pas être interprété, malgré les efforts d'explication de leurs auteurs, autrement que comme un acte de méfiance à l'égard du juge d'instruction. En effet, des principes sont exprimés, mais les parties disposent d'autres moyens pour exiger du juge d'instruction qu'il interroge tel ou tel témoin, procède à tel ou tel expertise, toujours sous leur contrôle contradictoire.

Comment voulez-vous que le juge d'instruction, qui est un directeur d'enquête, rédige, ce qui alourdira sa tâche, des ordonnances d'autojustification sous la pression des parties, alors que son instruction sera terminée et qu'il aura agi en permanence sous le contrôle de ces parties qui sauront déjà ce qui figure dans le dossier ? Je suis donc, je le répète, assez défavorable à l'amendement, qui ne manquera pas, s'il était malheureusement adopté, d'être interprété en défaveur du juge d'instruction que nous avons pour mission de protéger.

M. Alain Tourret.

La justice, ce n'est pas celle d'un comité de salut public !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

74. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Goasguen a présenté un amendement, no 201, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Les termes "juge d'instruction" sont remplacés dans tous les textes de loi y faisant référence par les termes "juge de l'instruction et des libertés".

« II. Les termes "chambre d'accusation" sont remplacés dans tous les textes de loi y faisant référence par les termes "chambre de l'instruction et des libertés". »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Philippe Houillon.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

M. Goasguen propose que le juge d'instruction s'appelle « juge de l'instruction et des libertés ». Or dans le système actuel, il n'est pas juge « de l'instruction », comme le demandait le rapport Delmas-Marty et, auparavant, le rapport Donnedieu de Vabres : il est juge « d'instruction ». L'expression proposée ne convient donc pas.

De plus, tous les magistrats, et pas seulement le juge d'instruction, sont garants des libertés.

Avis défavorable, donc.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis également défavorable à l'amendement, tous les magistrats étant garants des libertés.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 201.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 2

M. le président.

Je donne lecture des intitulés du titre Ier , du chapitre Ier et de la section :

TITRE Ier

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DE LA PRE

SOMPTION D'INNOCENCE C HAPITRE Ier Dispositions renforçant les droits de la défense et le respect du principe du contradictoire Section 1 Dispositions relatives à l'intervention de l'avocat lors de la garde à vue Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 75 corrigé et 213 corrigé.

L'amendement no 75 corrigé est présenté par Mme Lazerges, rapporteur et M. Houillon ; l'amendement no 213 corrigé est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Avant l'article 2, dans l'intitulé de la section 1, supprimer les mots : "l'intervention de l'avocat lors de". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 75 corrigé.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. Philippe Houillon.

Ce sont des amendements communs !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 75 corrigé et 213 corrigé.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 76, ainsi libellé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« Le troisième alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par trimestre". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'amendement no 76 est important.

Le code de procédure pénale précise déjà que le procureur de la République contrôle les gardes à vue, mais il n'indique pas en quoi consistent les contrôles. Nous demandons que les contrôles des locaux de garde de vue ou de la façon dont celles-ci se déroulent se traduisent au minimum par une visite par trimestre desdits locaux.

Lors de l'examen de cet amendement, en commission, on m'a opposé la complication que l'organisation de ce contrôle revêtirait dans certains parquets. Je pense que cet


page précédente page 02807page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

argument n'est pas fondé. Je connais des parquets qui, bien que comportant peu de substituts, sont territorialisés, et les substituts se rendent dans les locaux de garde à vue.

La situation en France est très inégale suivant les ressorts de tribunaux de grande instance. L'amendement prévoit une mesure de sagesse tout à fait applicable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

76. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Mme Lazerges, rapporteur, et Mme Bredin ont présenté un amendement, no 77, ainsi libellé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. L'article 62 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition. »

« II. Le premier alinéa de l'article 153 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Lorsqu'il n'existe aucun indice faisant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction, il ne peut être retenu que le temps strictement nécessaire à son audition." » Sur cet amendement, M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un sous-amendement, no 234, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'amendement no 77 par la phrase suivante : "Dès le début de leur audition, elles sont informées qu'elles ne sont entendues qu'en qualité de témoin." » La parole est à Mme Frédérique Bredin, pour soutenir l'amendement no

77.

Mme Frédérique Bredin.

Par cet amendement, nous proposons de réserver la garde à vue, procédure forcément humiliante, dégradante et largement accusatoire, aux seuls suspects.

Pour retenir une personne en garde à vue, il faut disposer d'indices faisant présumer que cette personne a commis ou tenté de commettre une infraction.

Il existe dans notre code de procédure pénale les moyens d'entendre les témoins, qu'il s'agisse d'une enquête de flagrance ou d'une commission rogatoire, dans d'autres conditions que la garde à vue, y compris, j'insiste sur ce point, avec l'aide des forces de l'ordre si la personne concernée oppose un refus.

Il n'est pas besoin de recourir à la garde à vue pour ce qui concerne les témoins.

M. le président.

Le sous-amendement no 234 est-il défendu ?

M. Philippe Houillon.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 234 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

La commission, qui a adopté l'amendement no 77, est défavorable au sous-amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?

Mme la garde des sceaux.

L'amendement no 77 tend à supprimer la possibilité de placer en garde à vue un simple témoin. En contrepartie, il autorise les enquêteurs à ne retenir un témoin que « le temps strictement nécessaire à son audition ».

A première vue, ces dispositions paraissent de bon sens.

Je ne suis cependant pas certaine de leur intérêt.

D'abord, la distinction entre témoin et suspect est souvent difficile à faire au tout début de la procédure : les personnes présentes sur les lieux d'un crime lorsque arrive la police sont-elles des témoins ou des suspects ? C'est souvent leur audition, actuellement réalisée dans le cadre d'une garde à vue, qui va permettre de le déterminer.

Ensuite, la garde à vue d'un témoin est déjà limitée par le code de procédure pénale : elle ne peut excéder le temps nécessaire à sa déposition. La différence entre cette formulation et celle retenue par l'amendement - « le temps strictement nécessaire à son audition » - est pour le moins ténue.

Le placement en garde à vue est d'autre part assorti d'importantes garanties, telles que l'avis immédiat du parquet. Il est source de droits - le droit de s'entretenir avec un avocat, le droit de faire prévenir sa famille, le droit d'être examiné par un médecin -, alors que la situation du témoin retenu hors garde à vue risque d'être paradoxalement moins favorable.

Il est vrai que l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme semble s'opposer à ce qu'une personne qui ne fait pas l'objet de soupçons soit privée de sa liberté. Mais il est tout aussi vrai que le mécanisme proposé par votre commission est celui qui est actuellement applicable aux cours de l'enquête préliminaire.

Bref, je crois que l'amendement n'apporte pas grandchose et je serais plutôt réservée à son égard, percevant les inconvénients d'un tri préalable. Cela dit, il part d'un bon sentiment.

(Sourires.)

Est-il une fausse bonne idée ? Je m'interroge, et c'est pourquoi je m'en remets à la sagesse de votre assemblée.

M. le président.

Je suppose que le Gouvernement est encore plus réservé sur le sous-amendement no 234.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche.

Je voterai l'amendement, alors même que je suis sensible aux réserves exprimées par

Mme la ministre.

Cet amendement pose un certain nombre de questions, notamment sur la façon d'appliquer la disposition prévue.

En effet, comment distinguer d'emblée entre les suspects et les témoins ? Par ailleurs, il se peut qu'une personne en garde à vue comme témoin devienne un suspect.

Pour ma part, je souhaiterais que l'on poursuivre la réflexion. Dans l'état actuel des choses, j'exprimerai moi aussi des réserves.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Sur les 350 000 gardes à vue qui ont lieu chaque année dans notre pays, le pourcentage exact concernant les témoins et les suspects n'est pas connu : s'agit-il de 50 % pour les témoins et de 50 % pour les suspects, ou de 40 % pour les premiers et de 60 % pour les seconds ? Nous ne disposons pas à cet égard d'informations précises de la part des ministères concernés.

Pourquoi, dans ces conditions, établir une distinction ?


page précédente page 02808page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

Faut-il traiter avec mépris la Convention européenne des droits de l'homme ? Elle prévoit que les mesures privatives de liberté doivent être strictement justifiées par une présomption de culpabilité, par des indices graves.

Convient-il de placer un témoin - les témoins sont plutôt bien traités dans d'autres pays - en garde à vue ? Est-ce une bonne solution, alors même que la garde à vue est une procédure dégradante : on est souvent déshabillé, placé en cellule, on vous enlève les lacets de vos chaussures pour être sûr que vous ne vous suiciderez pas.

Est-ce une procédure acceptable pour un simple témoignage ? Je ne le crois pas, et je pense qu'il s'agit là d'une violation des droits de l'homme.

Au surplus, la distinction est déjà faite puisque les textes prévoient qu'on ne peut placer en garde à vue un témoin que le temps nécessaire à son audition. Aujourd'hui, on est de fait obligé de distinguer le témoin du suspect. La moindre des choses, puisque le code de procédure pénale prévoit des procédures pour entendre le témoin, y compris pour le contraindre, s'il refuse, à témoigner, est de ne pas le placer en garde à vue car alors on sort du cadre du nécessaire pour s'en tenir à celui d'une simple enquête de police qui peut conduire à tous les dérapages.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur.

M me Christine Lazerges, rapporteur.

Chaque fois qu'on a l'occasion de réformer un peu le code de procédure pénale, on essaie d'y introduire plus de cohérence.

D'ores et déjà, lorsqu'il s'agit d'une enquête préliminaire, le témoin ne peut être placé en garde à vue.

Nous demandons simplement l'extension à l'enquête de flagrant délit et aux mesures prises sur commission rogatoire le fait que le témoin ne puisse pas être placé en garde à vue. L'ensemble du dispositif serait ainsi plus cohérent.

M. Arnaud Montebourg et M. Alain Tourret.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 234.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

77. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazergues, rapporteur, et Mme Bredin ont présenté un amendement, no 78, ainsi libellé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Les trois premiers alinéas de l'article 63 du code de procédure pénale sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République.

« La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures. Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue. »

« II. - Le premier alinéa de l'article 154 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Lorsque l'officier de police judiciaire est amené, pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire, à garder à sa disposition une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, il en informe dès le début de cette mesure le juge d'instruction saisi des faits. Ce dernier contrôle la mesure de garde à vue. L'officier de police judiciaire ne peut retenir la personne plus de vingt-quatre heures. »

« III. - La dernière phrase du dernier alinéa du même article est supprimée. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendement procède du même esprit que le précédent...

M. le président.

Le retirez-vous ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Je pense plutôt qu'il faut le voter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

78. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 79 rectifié, 13, 167, 217 corrigé et 291, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 79 rectifié, présenté par Mme Lazerges, rapporteur, est ainsi libellé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Dans le premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, après les mots : "agent de police judiciaire " sont inérés les mots : "de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête".

« II. Le premier alinéa de l'article 63-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les dispositions de l'article 77-2 sont également portées à sa connaissance." » L'amendement no 13, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi rédigé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« A la fin du premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, il est ajouté la phrase suivante : "Elle est informée de l'existence et de la nature des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction." » Les amendements nos 167, 217 corrigé et 291 sont identiques.

L'amendement no 167 est présenté par MM. Gerin, Braouezec, Brunhes, Carvalho et les membres du groupe communiste.

L'amendement no 217 corrigé est présenté par M. Tourret.

L'amendement no 291 est présenté par M. Lang.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, après les mots : "agent de police judiciaire", sont insérés les mots : "des raisons de son arrestation et des accusations portées contre elle,". »


page précédente page 02809page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 79 rectifié.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il s'agit d'informer la personne gardée à vue de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête. Cet amendement concourt tout simplement à une meilleure information.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l'amendement no

13.

M. Philippe Houillon.

L'amendement no 13 apporte une précision supplémentaire : la personne gardée à vue est aussi informée de la nature des indices qui font présumer qu'elle a tenté de commettre l'infraction qui lui est reprochée. Cela me paraît pertinent.

M. le président.

L'amendement no 167 est-il défendu ?

M. Jean Vila.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l'amendement no 217 corrigé.

M. Alain Tourret.

Même argumentation !

M. le président.

L'amendement no 291 est-il défendu ?

M. Guy Hascoët.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 13, 167, 217 corrigé et 291 ?

M me Christine Lazerges, rapporteur.

Je privilégie l'amendement no 79 rectifié, adopté par la commission.

M. le président.

Vous êtes juge et partie ! (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement sur les cinq amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable aux amendements car je pense qu'il est juste que la personne en garde à vue connaisse la nature de l'infraction qui lui est reprochée et qu'elle bénéficie des mêmes informations que son avocat.

M. le président.

Ne préférez-vous pas l'amendement no 79 rectifié aux quatre autres ?

Mme la garde des sceaux.

Comme Mme le rapporteur, je préfère l'amendement adopté par la commission.

Mais les cinq amendements disent tous la même chose !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 79 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 13, 167, 217 corrigé et 291 n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de trois amendements, nos 80, 7 et 306, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 80, présenté par Mme Lazerges, rapporteur, et Mme Bredin, est ainsi rédigé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« A la fin du premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, les mots : "ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue prévues par l'article 63" sont remplacés par les mots : ", des dispositions relatives à la durée de la garde à vue prévues par l'article 63 ainsi que de son droit de garder le silence". »

L'amendement no 7, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi rédigé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« A la fin du premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, il est ajouté la phrase suivante : "Il est porté à sa connaissance qu'elle a le droit de garder le silence". »

L'amendement no 306, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : "La personne gardée à vue est également i mmédiatement informée qu'elle peut ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs. »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

80.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendement vise à ajouter le droit de garder le silence à la liste des droits indiqués à la personne gardée à vue. En effet, il vaut mieux dire les choses que les croire admises.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l'amendement no

7.

M. Philippe Houillon.

Cet amendement a le même objet que le précédent.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no 306.

Mme la garde des sceaux.

C'est une question très importante. Juridiquement, il ne fait pas de doute qu'une personne placée en garde à vue lors d'une enquête bénéficie d'un droit au silence. Les dispositions obligeant un t émoin à déposer sous peine d'une amende de 10 000 francs ne sont applicables qu'au cours de l'intruction ou devant les juridictions de jugement. Prévoir la notification de ce droit à l'intéressé, comme le proposent l'amendement no 80 de la commission des lois et de Mme Bredin ainsi que l'amendement no 7, paraît dès lors justifié. Toutefois, je ne voudrais pas que ce droit au silence, parce qu'il serait expressément reconnu, ait pour conséquence d'interdire aux enquêteurs de poser des questions au gardé à vue. La situation est différente de celle de la première comparution devant le juge d'instruction qui, lorsque la personne n'a pas d'avocat, n'a pas le droit de lui poser des questions et peut simplement recevoir ses déclarations spontanées. L'enquête n'est en effet pas contradictoire comme l'instruction, sauf à supprimer la notion même d'enquête.

Il ne faut pas non plus que le droit au silence empêche la continuation de la garde à vue d'une personne qui ne répond pas aux questions des enquêteurs. La garde à vue peut en effet poursuivre d'autres objectifs que l'audition de la personne. Elle peut avoir pour objectif de préparer une perquisition, d'éviter la fuite pendant qu'il est procédé à d'autres actes de l'enquête. De nouvelles questions peuvent ensuite être posées, au vu notamment du résultat de ces investigations complémentaires.

L'amendement no 306 vise à éviter de tels inconvénients en précisant, au premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, que « La personne gardée à vue est également immédiatement informée qu'elle peut ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par l es enquêteurs. » L'expression «

droit de garder le silence », si elle est compréhensible pour un juriste, me semble un peu obscure pour la personne gardée à vue. Il serait plus clair de lui dire qu'elle peut ne pas répondre.

Je suis donc défavorable aux amendements no 80 et 7 et je souhaite que l'Assemblée adopte l'amendement du Gouvernement. Encore une fois, nous essayons de préciser les droits de la personne, mais sans qu'il soit fait obstacle aux nécessités de l'enquête.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.


page précédente page 02810page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. Jean-Pierre Michel.

Si vous aviez proposé, madame la garde de sceaux, que la personne gardée à vue soit informée qu'elle a le « droit » de ne pas répondre, et non qu'elle « peut » ne pas répondre, j'aurais pu concevoir de voter votre amendement. Mais la rédaction que vous proposez risque d'être à l'origine de contestations. Je préfère donc l'amendement de la commission qui évoque le

« droit de garder le silence », car c'est d'un droit qu'il s'agit.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Je ne vois aucun inconvénient à préciser que la personne a le « droit » de ne pas répondre. Je suis donc tout à fait prête à rectifier mon amendement dans ce sens.

M. le président.

Vous proposez ainsi, madame la garde des sceaux, de rectifier l'amendement no 306 en substituant aux mots « peut ne pas répondre » les mots « a le droit de ne pas répondre. »

Mme la garde des sceaux.

Tout à fait !

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Tel qu'il vient d'être rectifié après l'intervention de M. Jean-Pierre Michel, l'amendement du Gouvernement me paraît tout à fait satisfaisant.

Il s'agit non pas d'interdire aux enquêteurs de poser des questions, mais simplement d'informer la personne gardée à vue qu'elle a le droit de ne pas répondre, de ne pas s'auto-accuser.

M. Pierre Albertini et M. Jacques Floch.

Très bien !

M. le président.

Madame le rapporteur, retirez-vous l'amendement no 80 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Oui, monsieur le

président

!

M. le président.

L'amendement no 80 est donc retiré.

M. Philippe Houillon.

Je retire l'amendement no

7.

M. le président.

L'amendement no 7 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 306, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président.

M. Lang a présenté un amendement, no 292, ainsi rédigé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 63-2 du code de procédure pénale, après les mots : "faire prévenir", sont insérés les mots : "sans délai". »

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

L'objet de cet amendement est clair.

Il s'agit de permettre à la personne placée en garde à vue de prévenir sa famille ou son employeur immédiatement,

« sans délai ». C'est, me semble-t-il, un droit élémentaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis favorable.

Cette obligation participe du respect des personnes gardées à vue. De nombreuses familles sont en effet dans une inquiétude folle quand elles attendent un des leurs, souvent un enfant qui ne peut les prévenir.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Accord.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 292.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Floch et les membres du groupe socialiste appartenant à la commission des lois ont présenté un amendement, no 256, ainsi libellé :

« Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

« La dernière phrase du premier alinéa de l'article 716 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : "Il ne peut être dérogé à ce principe qu'à leur demande ou si les intéressés sont autorisés à travailler, en raison des nécessités d'organisation du travail". »

Sur cet amendement, Mme Lazerges a présenté un sous-amendement, no 318, ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 256 par le paragraphe suivant :

« II. - Les dispositions du paragraphe I entreront en vigueur trois ans après la publication de la loi no ... du ... renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. »

La parole est à M. Jacques Floch, pour soutenir l'amendement no 256.

M. Jacques Floch.

Aux termes de l'article 716 du code de procédure pénale « Les inculpés prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit. Il ne peut être dérogé à ce principe qu'en raison de la distribut ion intérieure des maisons d'arrêt ou de leure ncombrement temporaire ou, si les intéressés ont demandé à travailler, en raison des nécessités de l'organisation du travail. » En fait, l'encombrement est aujour-

d'hui permanent puisque 58 000 personnes sont logées dans nos prisons pour 50 000 places. De l'exception on a donc fait la règle, et cela depuis fort longtemps, c'est-àdire depuis que nous avons dépassé la capacité d'accueil de nos maisons d'arrêt. Je demande donc que l'on en revienne à la règle.

Votre projet de loi, madame la garde des sceaux, devrait permettre, en quelques années, de diminuer le nombre de personnes en détention provisoire. Vous nous avez annoncé dans votre discours préliminaire que si tout se passait correctement, c'est-à-dire si ce texte était adopté, il y en aurait 6 000, 7 000, voire 8 000, en moins. Sachant qu'il y a actuellement 58 000 personnes en détention provisoire pour 50 000 places, nous arriverions à une place pour un détenu.

Cela dit, je comprends parfaitement que la généralisation de l'emprisonnement individuel ne puisse se réaliser immédiatement et qu'il faille laisser du temps à l'administration pénitentiaire et à votre administration, madame la garde des sceaux, pour remettre les pendules à l'heure.

C'est pourquoi Mme Lazerges propose un sous-amendement visant à préciser que le problème devra être réglé dans les trois ans après la publication de la loi. Cela devrait permettre à l'Assemblée d'accepter l'amendement que j'ai l'honneur de lui proposer.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 256 et présenter le sous-amendement no 318.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'amendement de Jacques Floch a longuement retenu l'attention de la commission des lois. Nous savons tous à quel point un


page précédente page 02811page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

placement en détention provisoire peut mal se passer. Je pense à ce que la presse a dit, à juste titre, la semaine dernière, sur le centre de jeunes détenus de FleuryMérogis. Il faut donc faire en sorte que les textes soient appliqués et que les personnes placées en détention provisoire, qui sont présumées innocentes, ne soient pas à cette occasion violées, volées, brisées dans leur dignité. Si nous avons repoussé cet amendement en commission c'est parce que, sur le moment, nous n'avons pas eu l'idée de différer dans le temps l'application du principe de l'emprisonnement individuel. Telle est la raison pour laquelle je vous propose un sous-amendement visant à donner à l'administration pénitentiaire les moyens d'appliquer les dispositions du code de procédure pénale.

Cela dit, beaucoup de maisons d'arrêt sont aujourd'hui en mesure de proposer un emprisonnement individuel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 256 et le sous-amendement no 318 ?

Mme la garde des sceaux.

J'y suis défavorable, non que je sois contre le principe de l'emprisonnement individuel. Au contraire, toute mon action est orientée dans ce sens : faire en sorte que chaque détenu puisse avoir sa propre cellule. Les nouveaux programmes que nous mettons en place visent même à ce que chacun ait sa propre douche et ses propres toilettes. Je trouve en effet que les conditions faites aujourd'hui dans notre pays aux personnes incarcérées sont, dans beaucoup d'établissements pas dans tous, heureusement ! -, attentatoires à leur dignité. Simplement, je ne souhaite pas que l'on inscrive le principe de l'emprisonnement individuel dans la loi parce que je ne suis pas sûre, même avec la précaution prise par le sous-amendement de Mme le rapporteur, que nous puissions l'appliquer, et ce quels que soient nos efforts pour y parvenir. Et si nous n'y arrivons pas alors que la loi le prévoit, nous serons obligés d'instituer un numerus clausus , comme cela existe dans d'autres pays, or je n'y suis pas favorable. Beaucoup de décisions sont indépendantes de l'administration et du Gouvernement, ne serait-ce que les décisions judiciaires proprement dites, et il suffit que la durée de la détention soit un tant soit peu allongée pour que l'on se retrouve immédiatement devant le même problème même si le nombre de détentions provisoires diminue. De telles décisions ne sont maîtrisées ni par le Gouvernement ni par l'administration pénitentiaire.

Nous allons aller dans le sens souhaité. C'est mon objectif. Mais je ne souhaite pas que l'on inscrive ce principe dans la loi, car il serait dès lors intangible. Il vaut mieux que nous nous donnions les moyens, budget après budget, de parvenir à cet objectif. Je suis donc défavorable aussi bien à l'amendement qu'au sous-amendement.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Cet amendement est important, car il y est question des conditions mêmes de la détention et de l'application de l'article 716 du code de procédure pénale. La détention provisoire, qui est une mesure d'écartement provisoire liée à l'enquête, doit en effet s'exécuter selon certaines formes, sans quoi elle s'apparenterait à une punition ou à une précondamnation. Il est donc prévu par la loi que les personnes en détention provisoire sont placées au régime de l'emprisonnement individuel de jour comme de nuit, sauf si elles font une demande contraire. Mais une série de dérogations est prévue, comme dans notre droit pénal. Et quand la dérogation devient la règle principale, on se retrouve avec des taux de suroccupation tout à fait choquants, et même dangereux - on l'a dit hier - en raison des risques de récidives qu'ils entraînent puisque la prison est un milieu criminogène.

C'est un grand combat que M. Floch mène depuis longtemps et la disposition qu'il nous propose fait partie de ces petites mesures qui sont de sérieuses avancées pour tous ceux qui vivent la détention provisoire.

J'ajoute d'ailleurs que la suroccupation des cellules, si elle provoque évidemment une dégradation des conditions de vie des détenus, si elle brise largement leur existence, détériore aussi les conditions de travail des surveillants. Aujourd'hui, on dénombre près de 60 000 détenus pour une capacité d'un peu plus de 49 000 places, 49 632 exactement. On nous dit que, par des mesures concrètes, ce projet de loi permettra d'éviter quelque 6 000 à 8 000 détentions provisoires aujourd'hui injustifiées ou trop longues. Le nombre de détenus devrait dès lors correspondre à la capacité d'accueil. Les difficultés pourraient venir du fait que le taux d'occupation des maisons d'arrêt et des centres de semi-liberté est plus élevé qu'ailleurs, mais il est de la responsabilité de l'administration pénitentiaire de faire en sorte que cette situation soit réglée dans les quelques mois ou années qui viennent car il serait inadmissible que l'Etat puisse se prévaloir de ses propres turpitudes. La situation en France est en effet totalement paradoxale puique 80 % des maisons d'arrêt sont encombrées en permanence et c'est l'individu qui paie la défaillance de l'Etat, de la justice, dans l'indifférence générale. Je souhaite donc que nous adoptions la proposition de M. Floch compte tenu de son pragmatisme et de son importance en termes de droits de l'homme.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Je voudrais dire à quel point je suis d'accord avec la proposition de notre collègue Floch.

D'abord, en tant que rapporteur du budget de l'administration pénitentiaire pendant très lontemps, M. Floch a pu visiter l'ensemble des prisons. Il sait donc de quoi il parle.

Ensuite, un principe me semble évident : la prison ne doit être qu'un lieu où l'on perd sa liberté. Or, en raison du surencombrement des prisons, en particulier des maisons d'arrêts, s'y produisent actuellement des atteintes insupportables à la dignité de l'individu. Je souhaite d'ailleurs qu'une enquête sérieuse soit réalisée pour que nous en sachions plus sur ces atteintes dont ont été victimes des personnes présumées innocentes. Il aura fallu attendre le cri d'horreur de M. Loïk Le Floch-Prigent pour que l'on commence à s'inquiéter des viols, des autres atteintes à la dignité de la personne, à son intimité la plus profonde, dont la seule cause est le surencombrement.

Alors que, nous venons de réaffirmer en tête du code de procédure pénale le principe général du respect de la dignité de l'individu, comment pourrions-nous accepter des conditions matérielles aussi attentatoires à cette liberté, à cette dignité ? Je souhaite donc que l'Assemblée vote la disposition proposée par M. Floch qui, je le répète, avait déjà été adoptée le 4 avril 1998 sous la forme d'un amendement de M. Mermaz sur lequel

M. Michel était intervenu.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel.

Je vous remercie, monsieur le président, de me donner la parole sur une question importante en interprétant largement notre règlement.

Je suis favorable à l'amendement de M. Floch sousamendé par Mme Lazerges pour des raisons pratiques. Le numerus clausus existe dans d'autres pays d'Europe et per-


page précédente page 02812page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

sonnellement j'y suis favorable. J'y suis d'ailleurs favorable également pour la mise en oeuvre de toute peine d'emprisonnement, y compris définitif, car cela permettrait d'engager la responsabilité des magistrats.

La mise en détention, provisoire ou non, est une peine facile à prononcer. On s'en remet ensuite à l'administration pénitentiaire qui s'occupe - ou qui ne s'occupe pas du reste et qui empile les gens dans des cellules.

Il faut que les magistrats soient responsables des mesures qu'ils prennent. Cela existe déjà. Lorsque le juge des enfants veut placer un mineur dans des établissements d'éducation surveillée, il doit bien, auparavant, s'enquérir des places disponibles. Et si on lui répond qu'il n'y en a pas, il doit trouver une autre mesure que celle du placement dans un établissement.

Cette mesure est tout à fait bonne dans la mesure où elle permet d'engager la responsabilité des magistrats quand ils prennent une décision de mise en détention, soit provisoire, soit définitive. Mais, aujourd'hui, nous ne parlons « malheureusement » que de la détention provisoire.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Ce sujet est très important. Il touche à la dignité même des personnes. Le plaidoyer de M. Floch et l'expérience de M. Tourret sont tout à fait convaincants. Si l'on veut déverrouiller le problème et prendre en compte les conditions - bien souvent inhumaines - dans lesquelles les détenus se trouvent entassés, au mépris de toute intimité, il faut le faire de manière volontaire.

Il est trop facile de considérer l'administration pénitentiaire comme la dernière roue du carrosse, comme la poubelle de la justice. Cela mérite réflexion. La proposition qui nous est faite va dans le bon sens, il faut l'adopter.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 318.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 256, modifié par le sous-amendement no 318.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Article 2

M. le président.

Je donne lecture de l'article 2 :

TITRE Ier

DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE C HAPITRE Ier Dispositions renforçant les droits de la défense et le respect du principe du contradictoire Section 1 Dispositions relatives à l'intervention de l'avocat lors de la garde à vue

« Art. 2. - L'article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

« I. - Au premier alinéa, les mots : "Lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue" sont remplacés par les mots : "Dès le début de la garde à vue".

« II. Dans la seconde phrase du troisième alinéa, les mots "de la nature de l'infraction recherchée" sont remplacés par les mots : "de la nature et de la date présumée de l'infraction sur laquelle porte l'enquête ; il lui est également indiqué si la personne est gardée à vue en application des dispositions de l'article 61, de l'article 62, du deuxième alinéa de l'article 63".

« III. Il est inséré, après le cinquième alinéa, un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et selon les modalités prévues aux alinéas précédents. »

« IV. Au sixième alinéa, les mots : "Le délai mentionné au premier alinéa est porté à trente-six heures" sont remplacés par les mots : "L'entretien avec un avocat prévu au premier alinéa ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de trente-six heures".

« V. - Au dernier alinéa, les mots : "Le délai mentionné au premier alinéa est porté à soixante-douze heures" sont remplacés par les mots : "L'entretien avec un avocat prévu au premier alinéa ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures". »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Pierre Goldberg.

M. Pierre Goldberg.

Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe communiste se félicite que le projet de loi modifie l'article 63-4 du code de procédure pénale visant les conditions dans lesquelles la personne gardée à vue pourra s'entretenir avec son avocat. Cet entretien sera désormais possible dès le début de la garde à vue.

Notre assemblée aura à coeur de réitérer le vote qu'elle avait émis majoritairement, en avril dernier, pour adopter l'amendement du groupe communiste visant expressément l'inscription de cette disposition dans notre loi.

En effet, nous formulons cette proposition depuis des années, car elle concerne l'immense majorité des prévenus p our lesquels cette présence représentera une aide conforme au respect des droits de l'homme et des droits de la défense. Elle découle en fait de l'application de la Convention européenne des Droits de l'homme ratifiée par les Etats membres du Conseil de l'Europe. C'est d'ailleurs l'intérêt de la justice, comme celui de la police, qu'il soit établi que les gardes à vue se déroulent conformément aux souhaits du législateur dans le respect de la personne humaine.

La présence de l'avocat dans les commissariats aurait sans doute permis d'empêcher les abus qui ont, hélas ! été commis pendant certaines gardes à vue. Sa présence n'est pas faite pour défendre. Il n'a pas le dossier. Elle est faite pour rassurer, pour informer, pour prévenir et pour rendre transparente la garde à vue qui ne l'est pas.

Cette présence ne met rien en cause, elle ne bloque pas la procédure. Elle se limite à un entretien qui, à nos yeux, est indispensable en ce qu'il contribue à assurer le bon déroulement de la procédure.

C'est pour ces raisons que nous souhaitons que cette disposition soit adoptée.

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

L'article 2 aborde le problème de la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, celui des délais et des exceptions qui y sont liés.


page précédente page 02813page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

J'ai été surpris, en commission, de voir que nous assistions peut-être à l'heure de gloire de M. Pandraud - dont je regrette qu'il ne soit pas parmi nous ce soir. Car l'existence des catégories d'exception se trouve justifiée par un souci d'efficacité de l'enquête.

Je veux bien entendre cet argument ; on peut définir des catégories de grand banditisme, en exclure certaines, en retenir d'autres, on peut expliquer que l'instruction permet de retrouver la trace des réseaux terroristes, mais on ne me fera pas croire que c'est ainsi que l'on procède réellement. On travaille dans la durée, on infiltre, on surveille, on utilise tout un dispositif qui est situé bien en amont de la procédure judiciaire.

Par ailleurs, le nombre des personnes entrant dans ces catégories est très peu important. Ces quelques milliers de cas par an ne sauraient justifier la subsistance d'une poche d'arbitraire qui peut mener à certains dérapages.

Nous n'arriverons à travailler sur le fond qu'en diminuant de telles poches, en acceptant l'idée que la présence de l'avocat n'est pas une entrave à l'instruction. L'exception remonte pour moi - je vais être brutal dans mon propos - à une culture de l'immédiate fin des années 40, juste avant la Libération. Mais elle ne se justifie pas dans une grande démocratie. D'ailleurs, nombre de pays voisins ne la retiennent pas. Or ils sont tout aussi efficaces que nous sur ces questions.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Madame la ministre, mes chers collègues, sur la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue les esprits ont évolué. Le principe avait été adopté en avril dernier, à la suite d'un amendement présenté devant la commission des lois par Philippe Houillon et jes uis particulièrement satisfait que le Gouvernement reprenne aujourd'hui cette idée.

La mise en application d'un tel principe sera très compliquée. Il était déjà très difficile de prévoir la mo bilisation des barreaux, jour et nuit, à l'issue de la vingtième heure. Alors, à tout moment et dès le début de la garde à vue...

Le principe n'en devait pas moins être rappelé ; c'est indispensable en matière de libertés. Par ailleurs, ce principe doit-il admettre des limitations ? La chancellerie souhaite que pour certains crimes - crimes de droit commun, crimes politiques - l'avocat ne soit pas présent. C'est évidemment jeter la suspicion sur l'ensemble de la profession des avocats. Faut-il accuser d'indignité toute une profession parce que certains d'entre eux ont péché ?

M. Christophe Caresche.

C'est du corporatisme !

M. Alain Tourret.

Ce n'est pas un problème de corporatisme. C'est un problème de sanctions à l'encontre de certains avocats qui ne devraient pas exercer cette profession.

A mon sens, la sécurité de l'Etat doit être absolue.

C'est pourquoi je conçois qu'en matière de terrorisme les règles puissent être différentes. Restons-en donc à la situation actuelle.

Un problème se pose malgré tout. Que va faire l'avocat dès la première heure, et lorsqu'il va revenir ? Au premier rendez-vous, il ne pourra que rappeler les grands principes et conseiller la personne gardée à vue : « Vous avez le droit de vous taire ; si vous vous taisez, vous serez vraisemblablement mis en prison, à vous de choisir. » Il

pourra lui rappeler qu'elle a la possibilité d'appeler un médecin. Certes, c'est utile. Mais sur le fond de l'affaire elle-même, l'avocat, n'ayant pas communication du dossier, aura peu de choses à dire.

C'est lors du deuxième entretien que la discussion pourra vraiment s'établir. C'est pourquoi je pense que l'acquis de ce texte réside dans le fait que l'avocat pourra revenir à plusieurs reprises : dès la première heure, et ensuite.

M. Arnaud Montebourg.

C'est exact !

M. Alain Tourret.

Rappelons-nous que les moyens fournis au titre de l'aide juridictionnelle devront être importants. Cela représentera en effet une charge importante.

Mais ce principe de liberté l'emporte très largement sur les petits inconvénients qu'il entraînera pour la profession.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Je me réjouis de la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, pour les raisons que M. Tourret a exposées.

Je regrette un peu que l'avocat se contente de venir dire bonjour, de rappeler des principes de base, alors qu'il pourrait peut-être jouer dès ce moment-là son rôle de défenseur. Je crois d'ailleurs que quelques amendements ont été déposés sur le sujet.

Mais je regrette surtout que cet article 2 prévoie des exceptions à la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue dans le cadre des infractions les plus graves.

Je suis personnellement tout à fait favorable à une répression ferme, s'agissant de ces infractions les plus graves. Or nous n'examinons pas un texte de répression, mais un texte sur la présomption d'innocence.

Ce texte prévoit que, lorsqu'on est présumé innocent d'une infraction de droit commun, on a les droits d'un présumé innocent ; en revanche, quand on est présumé innocent d'une infraction plus grave, on n'a plus les droits du présumé innocent.

C'est la raison pour laquelle j'ai parlé tout à l'heure d'une présomption d'innocence « à deux vitesses ». Ou l'on est présumé innocent, ou on l'est moins. Et si on l'est moins, alors qu'on est quand même présumé innocent, c'est que ce n'est pas la présomption d'innocence qui dicte les droits dont bénéficie le présumé innocent, mais que c'est la nature de l'infraction dont on est présumé innocent qui va dicter les droits dont on va bénéficier. C'est intenable sur le plan des principes. C'est pourtant ce à quoi ce texte aboutit. Ce ne peut pas être la nature de l'infraction qui dicte les droits du présumé innocent, par définition. Je regrette donc ces exceptions.

L'exposé des motifs justifie ces exceptions par un souci d'efficacité de la procédure pénale. Ainsi, pour certaines infractions, l'avocat ne peut être présent dès le début de la garde à vue. Je remarque que la personne qui est gardée à vue, par définition, n'a pas de contact avec l'extérieur, sauf, éventuellement, avec son avocat. Si l'exposé des motifs précise que c'est dans un souci d'efficacité de la procédure pénale qu'on ne veut pas d'avocat, cela signifie clairement que c'est parce qu'on craint que l'avocat ait des contacts avec l'extérieur ! C'est donc, comme vient de la dire M. Tourret, jeter, de manière inadmissible, le discrédit sur une profession qui assure légitimement une mission de défense dans n'importe quel pays garantissant le respect des droits de l'homme.

N ous sommes une exception, y compris en ce domaine. Je m'en étonne et je souhaiterai que le pays des droits de l'homme s'aligne très simplement sur ce qui se pratique ailleurs.


page précédente page 02814page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

J'avais déjà évoqué cette question devant Mme la garde des sceaux en commission des lois ; elle m'avait répondu que cette disposition avait en fait pour but de protéger les avocats ! Le jour où les avocats auront besoin d'être protégés, ils devront probablement exercer une autre profession. De toutes façons, ils sauront s'en ouvrir au garde des sceaux...

Sur le plan des principes, cette exception n'est pas tenable, même si j'admets qu'il faille une répression accrue et des garanties dans ce type de procédure.

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Monsieur le président, madame la ministre, il est bon que des députés qui ne sont ni avocats ni juges participent à ce débat, et ce d'autant plus qu'ils possèdent une certaine formation juridique.

Ce texte revêt encore un caractère un peu choquant, même s'il représente, comme chacun l'a dit, une avancée appréciable.

J'ai toujours vécu, madame la ministre, aux côtés de responsables de la vie judiciaire, très près de tribunaux à l'activité intense. Que ce soit du côté de Béthune ou du côté de Boulogne-sur-Mer, le Pas-de-Calais et le Nord portent souvent leurs regards vers les tribunaux. Et c'est avec consternation que nous y déplorons les difficultés de la justice, qu'il s'agisse des retards ou du désordre régnant en matière de garde à vue ou de prolongation de garde à vue.

Le traitement réservé, par la tradition peut-être, à ceux qui sont mis en examen et gardés à vue ne peut également que choquer. J'interviens donc dans le même sens que mon collègue Albertini. Si je suis d'accord avec un bon nombre des députés qui se sont exprimés précédemment, quel que soit leur banc, je m'étonne qu'on se satisfasse de demi-mesures.

On a mauvaise conscience de laisser seules, les personnes en garde à vue. Alors on propose qu'un avocat soit présent dès le début de la garde à vue. Cela constitue un grand progrès, même si je remarque qu'il aura fallu attendre 1999 - et c'est regrettable - pour cela.

Mais ce premier entretien avec l'avocat est limité à trente minutes. Nous avons l'habitude, en tant que députés, de nous entretenir avec nos concitoyens. Et l'on sait très bien que trente minutes ne permettent guère d'approfondir un dossier.

Alors, l'avocat viendra précipitamment, quelquefois de l'autre bout du département, tout essoufflé, pour rencontrer la personne mise en garde à vue pendant seulement trente minutes ! Cela ne donne pas à sa fonction l'importance qu'elle doit avoir pour la personne mise en examen. Pourquoi limiter cet entretien à trente minutes ? Pourquoi pas une heure ? Pourquoi empêcherait-on l'avocat de revenir si la personne mise en examen le juge bon ? Pourquoi attendre la vingtième heure ? Parce que c'était déjà dans la tradition ? Mais ce n'est pas logique. Pourquoi pas la dixième heure ? La personne mise en examen en serait-elle différente ? Cela porterait-il préjudice à l'interrogatoire ? Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de la logique du respect de la personne mise en examen en permettant à l'avocat de participer à l'interrogatoire et d'accéder au dossier le plus tôt possible ? En fait, faire venir un avocat dès le début de la garde à vue pour trente minutes revient à instaurer un service de conseils élémentaires. Cela relève presque du service humanitaire pour la personne qui vient de recevoir un coup sur la tête en apprenant qu'elle est placée en garde à vue. Madame la garde des sceaux, je souhaiterais donc qu'on aille jusqu'au bout de la logique qui a été choisie.

Par ailleurs, pourquoi ne pas demander très officiellement aux avocats de revoir leur code de déontologie ? Il faudrait qu'ils soient toujours en mesure de le respecter sans nuire pour autant à la procédure pénale. Ce serait reconnaître la véritable mission de l'avocat et la dignité de sa fonction.

Enfin, nous savons bien comment se passe un interrogatoire. Nous avons présenté un amendement visant à prévoir que les propos tenus par le juge d'instruction et le mis en examen soient enregistrés. A cet égard, il est étonnant que la bande magnétique ne puisse être considérée, à côté du procès-verbal, comme un document faisant foi des propos tenus par l'un et par l'autre.

Madame la garde des sceaux, de tels amendements mériteraient d'être approuvés. Comprenez dans quel esprit nous intervenons. Prenez en considération ces demandes qui tiennent compte de la volonté de respecter à la fois la dignité humaine, pour ceux qui sont mis en examen, et la fonction d'avocat, qu'il faut élever à un niveau qui ferait davantage honneur à ces professionnels.

Vous avez là l'occasion d'aboutir à un consensus assez large.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Article après article, nous risquons de nous focaliser sur le rappel des grands principes qui nous animent. Mais, en l'occurrence, la présomption d'innocence ne se limite pas au seul moment de la garde à vue.

Cela étant, le projet améliore sans conteste la situation actuelle. Tout le monde l'a d'ailleurs reconnu. La présence de l'avocat dès le début de la garde à vue, à l'issue de la vingtième heure et au-delà, si la garde à vue est prolongée, la possibilité de prévenir les proches, la distinction entre un témoin et un suspect, tout cela manifeste déjà une volonté très forte d'améliorer la situation. Mais la préoccupation qui transparaît dans l'ensemble du texte est de parvenir à un équilibre entre les droits des personnes et les moyens donnés à la justice et à la police pour faire éclater la vérité.

N'oublions pas, en effet, que ce projet porte sur la présomption d'innocence, mais aussi sur les droits des victimes. Or le premier de ces droits, c'est qu'on recherche la vérité. Il faut donc préserver ce délicat équilibre tout au long du texte. Et les avancées, à mon sens très significatives, que nous faisons doivent toujours avoir pour corollaire l'assurance que la justice et la police doivent pouvoir faire leur travail. Le droit des victimes sera ainsi respecté.

M. le président.

M. Lang a présenté un amendement, no 293 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« L'article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

« I. - Au début de la première phrase du premier alinéa, les mots : "Lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue", sont remplacés par les mots : "Tout au long de la garde à vue". »

« II. - Les sixième et septième alinéas du même article sont supprimés. »


page précédente page 02815page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

« III. - Au dernier alinéa du même article, les mots : "Le délai mentionné au premier alinéa est porté à soixante-douze heures", sont remplacés par les mots : "L'entretien avec l'avocat ne peut interv enir qu'à l'issue d'un délai de soixantedouze heures". »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jean-Pierre Michel.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis défavorable.

Cet amendement vise à supprimer certaines exceptions à la présence de l'avocat au début de la garde à vue. La recherche d'un équilibre a conduit de nombreux pays à retarder la présence de l'avocat. En Grande-Bretagne, par exemple, le délai a été porté à trente-six heures pour les infractions graves. Ainsi, la police peut interroger l'accusé en l'absence du défenseur, même dans les situations dites d'urgence. C'est cette recherche d'équilibre qui nous conduit, nous aussi, à penser que, pour certains types d'infractions, nous ne pouvons pas nous permettre d'appliquer la règle commune.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'avais compris, monsieur le président, que nous discutions des amendements nos 293, 71, 8 et 82, relatifs non pas aux exceptions mais à l'extension de la présence de l'avocat pendant la garde à vue.

Sur les exceptions, je précise que ma position est identique à celle de Mme Lazerges. Je ne souhaite donc pas qu'on les supprime. Le terrorisme, la criminalité organisée ou la lutte contre les réseaux de stupéfiants ne relèvent pas de la plaisanterie, en effet.

Sur la présence constante de l'avocat pendant la garde à vue, je vais laisser Mme le rapporteur donner son avis.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

En effet, l'amendement no 293 rectifié vise également à donner à la personne placée en garde à vue le droit d'être, à tout moment, assistée par un défenseur. Or cela me paraît à la fois peu judicieux et impraticable.

M. le président.

Je rappelle que l'amendement no 293 rectifié propose une nouvelle rédaction de l'article 2, et que son adoption ferait tomber tous les autres amendements. C'est la raison qui explique que nous l'examinions isolément.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Après avoir expliqué pourquoi je ne souhaitais pas que l'on supprime les exceptions, je veux indiquer pourquoi je ne suis pas favorable à la présence de l'avocat pendant toute la durée de la garde à vue. Cela ne participe pas d'un quelconque soupçon vis-à-vis des avocats. Telle n'est pas du tout mon idée.

Je considère qu'il est bon que la défense soit représentée dès lors qu'il y a enquête. Mais, prosaïquement, donner au gardé à vue le droit de demander à tout moment à s'entretenir avec un avocat empêchera les enquêteurs de faire leur travail.

Je préfère donc de beaucoup le système proposé par le Gouvernement ou, à défaut, celui de la commission consistant à prévoir la présence de l'avocat au début, puis à la vingtième heure de la garde à vue. Ces échéances, fixées à l'avance, permettront au barreau de s'organiser et aux enquêteurs de gérer l'interrogatoire. L'avocat pourra intervenir à nouveau à la trente-sixième heure si la garde à vue est prolongée. C'est ce type d'amendement qui permet à la fois de sauvegarder les libertés individuelles et de respecter les nécessités de l'enquête.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 293 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Albertini a présenté un amendement, no 71, ainsi rédigé :

« A la fin du I de l'article 2 substituer aux mots : "Dès le début de la garde à vue," les mots : "Après avoir eu connaissance de ses droits et des faits qui motivent a garde à vue,". »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Monsieur le président, je vais défendre en même temps les amendements nos 71, 61 et 62, qui concernent tous le problème de l'intervention de l'avocat pendant la garde à vue.

La discussion que nous venons d'avoir et celle qui a déjà eu lieu en commission prouvent que nous vivons sur un vieux fond de méfiance injustifié, bien sûr, à l'égard de l'avocat. Imaginer que la présence de l'avocat pourrait constituer une entrave à la recherche de la vérité est une absurdité. Cela nous ramène, en tout cas, aux plus mauvais souvenirs de notre histoire politique.

Nous essayons donc de trouver le système le plus efficace possible. Or, madame la ministre, si l'on substituait simplement la présence de l'avocat dès la première heure, à son intervention à la vingtième heure, le progrès serait plutôt fictif. On s'attacherait à un symbole, mais, comme l'a dit Alain Tourret tout à l'heure, les conseils d'un avocat ne connaissant pas les éléments du dossier relèveraient du simple bon sens. Je prétends d'ailleurs que les officiers de police judiciaire, qui sont aussi des défenseurs de la liberté, pourraient également faire connaître un certain nombre de leurs droits aux personnes mises en garde à vue.

Encore une fois, il ne s'agit que de personnes mises en garde à vue et l'on sait que leur nombre est plutôt abusif.

La garde à vue est une solution de facilité. Si l'on veut rompre avec ces habitudes de facilité, il faut donc essayer d'imaginer un système un peu plus efficace. Celui que propose Mme le rapporteur est un peu plus satisfaisant.

Je pense personnement que toute automaticité a des effets pervers. Il serait plus intéressant de prévoir que l'avocat assiste aux interrogatoires, point clé de la garde à vue.

Nous verrons quel sera le vote sur les amendements allant en ce sens.

Je rappellerai une fois encore que la pratique française est très en recul par rapport aux démocraties européennes.

Or, que je sache, l'efficacité de leur police n'est pas moindre.

Je pense même qu'elle est comparable...

M. Patrick Devedjian.

Au moins !

M. Pierre Albertini.

... sinon supérieure à la nôtre.

A titre de repli, j'ai proposé qu'aucun interrogatoire ne puisse commencer moins de deux heures avant que l'avocat désigné n'ait eu le temps de se mettre au service de la personne placée en garde à vue. On sait très bien, en effet, que la mise en oeuvre pratique de la présence de l'avocat se heurtera à quelques problèmes. Dans de petits barreaux, dans des départements où les communications sont difficiles, il sera assez délicat d'assurer la présence effective de l'avocat dès le début de la garde à vue, nul ne peut le nier.


page précédente page 02816page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

Mais, je le répète, il s'agit d'un amendement de repli.

L'idéal serait que l'avocat assiste à l'interrogatoire. Si l'Assemblée ne le juge pas ainsi, qu'elle lui donne au moins le temps de se déplacer et qu'un délai garde-fou de deux heures soit prévu. Encore une fois, le symbole de la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue risque d'être une avancée purement fictive si l'on ne fournit pas des éléments substantiels d'explication et de conseil au client.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian.

Défavorable, évidemment !

Mme la garde des sceaux.

En effet, je suis défavorable à cet amendement. Cette précision me paraît inutile, dans la mesure où la notification des droits du gardé à vue est déjà prévue à l'article 63-1.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

71. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 8 et 82, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 8, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi rédigé :

« Dans le I de l'article 2, après les mots : "Dès le début de la garde à vue", insérer les mots : "et à tout moment". »

L'amendement no 82, présenté par Mme Lazerges, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 2 par les mots : "ainsi qu'à l'issue de la vingtième heure". »

Sur cet amendement, M. Jean-Pierre Michel a présenté un sous-amendement, no 252, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 82, après les mots : "à l'issue de la", insérer les mots : "dixième et de la". »

La parole est à M. Patrick Devedjian, pour soutenir l'amendement no

8.

M. Patrick Devedjian.

Ce point a déjà été débattu. Il s'agit d'affirmer le droit à la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue et à tout moment. On pourrait d'ailleurs obtenir davantage au travers de l'adoption d'autres amendements. La présence de l'avocat ne nuit en rien au déroulement de l'enquête. La preuve, c'est que ce droit existe dans pratiquement tous les pays européens. Et même s'il n'est pas toujours exercé, l'important est qu'il existe.

J'ajouterai que se contenter de permettre à l'avocat d'assister au début de la garde à vue revient à créer un droit purement formel : en étant présent au début de la garde à vue, il aura tout au plus connaissance de l'accusation dont son client fera l'objet, mais il n'aura aucune idée de l'étendue des charges. Il ne pourra donc pas donner de conseils utiles à l'intéressé. Il va se borner à lui demander de se taire, en attendant d'être déféré devant un magistrat, et d'avoir communication du dossier. C'est inévitablement ce qui arrivera ! On va se contenter d'ouvrir un droit formel. On ne va pas permettre le libre exercice de la défense par l'intéressé.

Je rappelle que la garde à vue est née en 1897 - c'est donc une institution très récente -, à la suite de l'obtention par les avocats, après une longue bataille politique, du droit d'entrer dans le cabinet du juge d'instruction. La garde à vue a été inventée à la seule fin de conserver le suspect entre les mains de la police ou d'une autorité judiciaire, hors la présence d'un avocat. Il s'agissait d'exclure l'avocat.

Cent ans après, nous essayons simplement de revenir à ce qui a été décidé en 1897 : tout homme arrêté doit pouvoir accéder aux conseils de son avocat durant la période où il est arrêté.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

82.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Compte tenu de ce précédent, monsieur Devedjian, ne craignez-vous pas qu'en introduisant l'avocat en garde à vue pendant toute la durée de la garde à vue, on n'invente, cent ans après, une « avant-garde à vue ».

M. Patrick Devedjian.

Nous continuerons le combat !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Prévoir l'intervention de l'avocat à trois moments de la garde à vue est peut-être la meilleure des solutions et évitera à d'autres de se retrouver dans cent ans pour encadrer l'« avant-garde à vue » !

M. Patrick Devedjian.

C'est ce que vous appelez une avancée !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Absolument !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour soutenir le sous-amendement no 252.

M. Jean-Pierre Michel.

M. Tourret a bien expliqué la situation dans laquelle nous nous trouvons. D'après ce que l'on croit savoir du vote qui va intervenir, l'avocat sera appelé dès le début de la garde à vue, il prendra contact avec son client et lui donnera quelques conseils.

Ensuite, il reviendra à la vingtième heure, soit à la fin de la garde à vue, car, dans 90 % des cas celle-ci ne dure que vingt-quatre heures. On peut même supposer que, de façon fort opportune, et on ne peut que s'en réjouir pour la personne concernée, les policiers auront mis fin à la garde à vue avant la vingtième heure pour ne pas voir l'avocat intervenir une deuxième fois. C'est déjà ce qui se passe aujourd'hui ! C'est la raison pour laquelle si, considérant que cela peut poser quelques problèmes, l'Assemblée ne vote pas en faveur de la présence de l'avocat pendant toute la durée de la garde à vue, je propose qu'au moins l'avocat puisse revenir à la dixième heure. A terme de cette période assez longue, il aura pu avoir connaissance de ce qui s'est passé et pourra conseiller utilement son client.

C'est une disposition transitoire. Quoi qu'en pensent certains, en effet, il faudra bien qu'un jour l'avocat puisse assister son client pendant toute la durée de la garde à vue. C'est le cours de l'histoire. C'est déjà ce qui se passe dans tous les autres pays européens.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 252 et sur l'amendement no 8 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

La commission a repoussé le sous-amendement et l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 8 et 82 et sur le sous-amendement no 252 ?

Mme la garde des sceaux.

Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas favorable à la présence de l'avocat à tout moment pendant la garde à vue car cela sera très difficile à gérer. De surcroît, ce seront toujours les mêmes qui auront leur avocat, et toujours les mêmes qui ne l'auront


page précédente page 02817page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

pas. M. Devedjian prétend qu'il faut, de temps en temps, voter des réformes idéales même si elles ne sont pas appliquées. Moi, je préfère qu'on écrive dans la loi des dispositions dont on est sûr qu'elles seront mises en oeuvre.

M. Arnaud Montebourg.

M. Devedjian est idéaliste !

Mme la garde des sceaux.

C'est la raison pour laquelle je préfère l'amendement no 82 de Mme Lazerges, parce qu'il permettra que le texte vise à la fois la première heure, la vingtième et la trente-sixième, réduisant ainsi un bon équilibre.

C'est également pourquoi je ne trouve pas utile d'ajouter l'amendement no

8.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Pendant que M. Devedjian développait des talents d'éloquence pour nous convaincre, je prenais un certain plaisir à relire la séance du 1er juillet 1993 lorsque la majorité de l'époque décidait de supprimer l'intervention de l'avocat à la première heure. En effet le président de la commission des lois de l'époque déclarait qu'il fallait laisser les policiers faire leur travail

« d'autant plus que nous avons les meilleurs policiers du monde ». M. Mazeaud poursuivait avec la même éloquence, peut-être même meilleure que la vôtre, monsieur Devedjian :

« Cela n'implique, de ma part, aucune présomption défavorable à l'égard des avocats. Nous sommes tous respecteux de la manière dont ils défendent leurs clients.

Mais, là, il s'agit de l'enquête, qui vise à déterminer le mieux possible la vérité. En toute bonne foi, je crois que la présence de l'avocat ne facilitera pas les choses. Elle ira au contraire dans un sens qui n'est pas celui que nous souhaitons. »

Le ministre délégué aux relations avec l'Assemblée nationale qui représentait le Gouvernement - M. Pascal Clément qui appartenait lui, à l'UDF, sortait de son chapeau un argument décisif en indiquant :

« Pour conclure, je rappellerai que la France n'a jamais été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme au seul motif que l'avocat n'était pas présent lors de la garde à vue. » Je n'ai plus qu'à vous renvoyer à

la lecture du Journal officiel.

M. Pierre Albertini.

C'est votre bible !

M. Arnaud Montebourg.

Vous n'y croyez pas ?

M. Patrick Devedjian.

J'y croyais déjà en 1993 !

M. Alain Tourret.

La droite a évolué dans le bon sens !

M. Patrick Devedjian.

Oui, c'est une avancée de la droite.

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Cette lecture est assez révélatrice et je vous remercie, monsieur le député, d'avoir lu ce texte.

En effet, il date de 1993 et nous sommes en 1999. Réfléchissez donc un peu aux formidables avancées technologiques, économiques, sociales...

M. Jérôme Lambert.

Politiques aussi ! (Sourires.)

M. Léonce Deprez.

... intervenues depuis dans l'évolution de la société.

Alors que nous vivions des années de crise économique terrible, nous connaissons aujourd'hui une période de croissance. Depuis, la société a fait d'énormes progrès à tous égards qui ont d'ailleurs été traduits dans des textes de loi, y compris pour la parité. On ne saurait donc se référer à des propos de 1993 pour juger de ce qu'il convient de faire sur le plan législatif en 1999.

Les divers amendements en discussion ont été suffisamment expliqués et certains constituent des propositions de repli. Je suis même étonné que le sous-amendement présenté par M. Michel n'ait pas été retenu. En effet, permettre la venue de l'avocat à la dixième heure me paraît un minimum.

Enfin, madame la ministre, je vous ai souvent entendue avancer l'idée que la présence de l'avocat était une question d'argent : ce seraient les personnes les plus argentées qui en bénéficieraient surtout et seraient ainsi mieux soutenues et mieux conseillées. Cela me choque car nombre d'avocats remplissent leur mission sans tenir compte des honoraires qu'ils perçoivent et dont ils peuvent adapter le montant en fonction de la personne qui a fait appel à eux. Le respect que l'on doit à la profession d'avocat doit inciter à accepter sa présence à tout moment auprès de la personne mise en examen.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 252.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

82. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 9 rectifié, ainsi rédigé :

« Après le I de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :

« I bis . - Au deuxième alinéa, après les mots : "sans délai", sont insérés les mots : "dès lors que la personne a été mise en mesure d'exercer son droit à l'entretien avec un avocat, l'absence de ce dernier ne saurait créer ni nullité, ni obstacle à l'enquête en cours". »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement devrait rassurer Mme la garde des sceaux, qui vient d'exprimer sa crainte que le droit de l'avocat à être présent en permanence soit un obstacle au développement de l'enquête.

Il est évident que, bien souvent, les avocats ne pourront être présents, car les interrogatoires, par exemple, peuvent avoir lieu à n'importe quelle heure. Pour autant, il ne faut pas que leur absence puisse faire obstacle à la poursuite de l'enquête par la police judiciaire, ou, a fortiori, constituer une cause de nullité. L'important est que la personne gardée à vue ait été « mise en mesure d'exercer son droit » à la défense.

Je veux profiter de cette intervention pour dire à Mme la garde des sceaux que l'argument de l'argent, toujours invoqué pour restreindre la présence de l'avocat, n'est pas fondé. Pour y justifier sa position elle a évoqué le cas des délinquants chevronnés, qui ont un cabinet à leur dévotion, avec lequel ils ont des habitudes. Or, tous les policiers vous le diront, les délinquants chevronnés ne parlent pas en garde à vue. Ils n'ont pas besoin d'avocat pour savoir qu'ils doivent alors se taire.

En réalité ceux qui ont le plus besoin d'un avocat sont les délinquants d'occasion, comme le criminel passionnel qui a tué sa femme dans des circonstances imprévues, perd la tête, ne sait pas quoi dire, et que l'on poussera, au cours de la garde à vue, à admettre la préméditation


page précédente page 02818page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

alors qu'il a commis un simple meurtre, cédant à une impulsion subite. Il ne saura pas organiser sa défense parce qu'il n'est pas un véritable délinquant. Celui-là a besoin d'un conseil dès la garde à vue parce que c'est à ce stade de la procédure que le dossier peut être mal orienté.

Monsieur Montebourg, je me moque des propos tenus en 1993. A l'époque vous et vos amis étiez favorables aux nationalisations ; aujourd'hui, vous opérez des privatisations montrant que vous avez compris. Nul n'est obligé de persister dans ses erreurs ! Puisque vous avez changé d'avis sur ce sujet, acceptez que nous ayons aussi changé d'opinion sur d'autres.

M. Arnaud Montebourg.

Qu'en pense votre président de groupe ?

M. Patrick Devedjian.

Personnellement, d'ailleurs, je n'ai pas changé de position puisque, en 1993, j'étais déjà favorable à la présence permanente de l'avocat. J'étais alors minoritaire dans mon parti, mais, aujourd'hui, cette opinion y est majoritaire.

M. Jacques Floch.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Même si tous ses membres ne sont pas sur la même ligne, je suis heureux que mon parti ait évolué. Dans vos rangs aussi, monsieur Montebourg, subsistent des divergences.

M. Arnaud Montebourg.

Aucune !

M. Patrick Devedjian.

Quand je compare vos propos et ceux de Mme Bredin, par exemple, je me dis que tout le monde n'est pas sur la même longueur d'ondes en matière de défense des libertés au sein du parti socialiste.

M. le président.

Monsieur Devedjian, revenez-en au texte, s'il vous plaît !

M. Patrick Devedjian.

Comme on dit : il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père.

M. Léonce Deprez.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement qui m'aurait semblé très utile si l'on avait admis la présence de l'avocat pendant la garde à vue.

M. Léonce Deprez.

Bien sûr !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il se serait alors agi d'un amendement de cohérence.

Dans la mesure où tel n'a pas été le cas et parce que la jurisprudence est extrêmement claire sur le fait que la garde à vue suit son cours, que l'avocat soit présent ou non, l'amendement me paraît inutile.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable parce qu'il est effectivement inutile.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 9 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Albertini a présenté un amendement, no 61, ainsi libellé :

« Au début du II de l'article 2 insérer l'alinéa suivant :

« Au début du troisième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigé :

« Il ne pourra être procédé à aucun interrogatoire avant l'arrivée de l'avocat, sous réserve d'un délai de deux heures à compter de sa désignation. »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je l'ai déjà défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Rejet !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

61. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 181 et 10, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 181, présenté par M. Houillon et M. Goasguen, est ainsi rédigé :

« Après le I de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :

« I bis Dans la première phrase du troisième alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale, après les mots : « l'avocat désigné » sont insérés les mots : « peut assister aux interrogatoires et ».

L'amendement no 10, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi rédigé :

« Après le II de l'article 2, insérer l'alinéa suivant :

« II bis. - Dans la première phrase du troisième alinéa, après les mots « l'avocat désigné », sont ajoutés les mots « peut assister aux interrogatoires et ».

La parole est à M. Houillon, pour soutenir l'amendement no 181.

M. Philippe Houillon.

J'ai bien entendu Mme la garde des sceaux déclarer qu'elle préférait que l'on écrive dans la loi des dispositions dont on sait qu'elles seront appliquées. Je ne puis que partager cet avis.

Or cet après-midi, en votant l'article 1er modifié, sur proposition de la commission, nous avons écrit dans la loi : « Toute personne suspectée... a le droit d'être informée de la nature des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur. » La garde à vue ne pouvant

concerner que des personnes suspectées, cela signifie qu'elles doivent être obligatoirement assistées d'un défenseur dans cette phase de la procédure.

Ainsi que l'a indiqué Mme la garde des sceaux, je le répète, les dispositions figurant dans la loi sont destinées à être appliquées, sinon ce n'est pas la peine de les y insérer. Par conséquent, rien ne peut justifier que l'avocat n'assiste pas aux interrogatoires pendant la garde à vue.

Je me demande bien pourquoi cette possibilité vous effraie tant, pourquoi vous voulez que les interrogatoires se passent dans le secret, sans contradictoire. Pourtant cela constituerait une amélioration très sensible sur le plan pratique et technique.

D'abord, au lieu de garder le silence, les personnes interrogées accepteront de répondre aux questions puisqu'elles seront assistées d'un défenseur.

Ensuite, tous les praticiens savent que, dans de nombreux cas, les personnes qui ont avoué pendant leur garde à vue reviennent sur leurs aveux quand elles comparaissent devant un juge d'instruction ou un tribunal.

Souvent, en effet, les aveux ont été recueillis dans des conditions discutables. Il serait beaucoup plus difficile et, en tout cas, beaucoup moins efficace d'agir ainsi pour une personne ayant avoué alors qu'elle était assistée d'un défenseur pendant les interrogatoires.

M. le président.

Monsieur Devedjian, vous avez la parole pour soutenir l'amendement no 10, à moins qu'une seule plaidoirie suffise.


page précédente page 02819page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. Patrick Devedjian.

Il ne s'agit pas de plaidoiries, monsieur le président ! Ce terme me paraît déplacé !

M. Alain Tourret.

Disons un plaidoyer.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

Nous avons déjà débattu de cette question de savoir si l'on devait judiciariser complètement la phase de la garde à vue. Nous avons choisi de ne la judiciariser que partiellement.

M. Pierre Albertini.

Faiblement !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Nous avons déjà tranché la question de fond posée par ces amendements, mais je vais revenir sur l'amendement no 61 à propos duquel j'avais demandé la parole.

Il posait en effet le problème des deux premières heures de la garde que je tiens à évoquer.

Nous avons donc accepté le fait que l'avocat pouvait arriver dès le début de la garde à vue. Si la personne concernée peut demander à le voir immédiatement, elle a aussi la possibilité d'attendre deux, trois ou quatre heures pour formuler cette requête. En ce cas, il n'y a aucune difficulté. En revanche, si elle souhaite rencontrer son avocat dès le début de la garde à vue, se pose un problème pratique : que fait-on en attendant la venue de l'avocat ? En commission des lois, plusieurs collègues ont évoqué la question des avocats de province qui peuvent se trouver à une bonne distance du lieu de la garde à vue. Il leur est donc impossible d'arriver dans le quart d'heure qui suit. Par conséquent, il serait utile que nous précisions, pendant ces débats, ce qui doit se passer durant cette période un peu délicate. Si l'avocat, dont le gardé à vue a demandé l'intervention immédiate, a besoin d'une heure ou deux pour arriver, cela signifie-t-il qu'il ne peut y avoir d'interrogatoire durant ce laps de temps ? Il serait important de le préciser.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je veux indiquer à nos contradicteurs de l'opposition parlementaire que la garde à vue n'est pas un acte de poursuite.

M. Philippe Houillon.

C'est un acte de suspicion !

M. Arnaud Montebourg.

Il n'y a pas encore de décision judiciaire et la justice n'a pas engagé de poursuites.

En permettant à l'avocat d'être présent en permanence, on transformerait le lieu de la garde à vue en cabinet de juge d'instruction. Cela reviendrait en fait à supprimer la garde à vue, comme vous avez proposé de supprimer la mise en examen.

Il s'agit d'un effet pervers fâcheux de votre raisonnement, assez obsessionnel et, il est vrai, récent.

M. Christophe Caresche.

Voire conjoncturel !

M. Pierre Albertini.

C'est une obsession de la liberté !

M. Arnaud Montebourg.

Pour le reste, l'avenir tranchera.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteur, et Mme Bredin ont présenté un amendement, no 83, ainsi rédigé :

« Après les mots : "porte l'enquête", supprimer la fin du II de l'article 2. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

C'est un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Sagesse.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

83. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 11 et 195, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 11, présenté par M. Devedjian et M. Cazenave, est ainsi rédigé :

« I. - Après le II de l'article 2, insérer l'alinéa suivant :

« II bis. - Les sixième, septième et huitième alinéas de l'article 63-4 du code de procédure pénale sont supprimés.

« II. - En conséquence, supprimer les paragraphes IV et V de cet article. »

L'amendement no 195, présenté par M. Houillon, est ainsi rédigé :

« Substituer aux IV et V de l'article 2 le paragraphe suivant :

« IV. - Les trois derniers alinéas de l'article 63-4 du code de procédure pénale sont supprimés », La parole est à M. Patrick Devedjian, pour soutenir l'amendement no

11.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agissait d'un amendement de conséquence qui doit donc tomber.

Cela étant, je veux revenir sur le débat précédent et répondre à M. Montebourg.

A l'instigation de Mme Lazerges, nous avons inscrit cet après-midi, dans le texte proposé pour l'article préliminaire, les dispositions suivantes :

« Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.

« Elle a le droit d'être informée de la nature des charges retenues contre elle, et d'être assistée d'un défenseur ».

Deux articles plus tard, monsieur Montebourg, il ne faudrait pas perdre la mémoire. Il conviendrait donc d'être en cohérence avec ce que vous avez vous-même voté. Or l'assistance d'un avocat, au niveau de la suspicion, est une simple mesure de cohérence.

Vous aussi, madame Lazerges, devriez être cohérente avec vous-même, car la notion d'assistance implique des mesures d'aide. Elle va donc au-delà du simple droit à un entretien, car s'entretenir avec son client, ce n'est pas de l'assistance. D'ailleurs, dans le texte initial du Gouvernement, on avait été beaucoup plus prudent, ou plus soupçonneux, puisque l'on parlait non pas d'assistance mais du droit à s'entretenir.


page précédente page 02820page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

Lorsque vous avez proposé que l'on cite le droit d'être assisté par un défenseur, je vous ai soutenue, mais cela implique que, quand on est accusé ou suspecté, on soit aidé, soutenu pendant les interrogatoires.

L'amendement no 61 dont vous avez demandé le rejet était donc en cohérence avec les dispositions que vous avez fait inscrire au plan des principes.

M. le président.

Les amendements nos 11 et 195 tombent, ainsi que l'amendement no

12. Je suis saisi de deux amendements nos 62 et 166, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 62, présenté par M. Albertini, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du III de l'article 2, supprimer les mots : "dès le début de la prolongation". »

L'amendement no 166 présenté par Mme Lazerges, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du III de l'article 2, substituer aux mots : "dès le début de la", les mots : "à l'issue de la douzième heure de cette". »

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l'amendement no

62.

M. Pierre Albertini.

Il a été défendu.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 166 et donner l'avis de la commission sur l'amendement no

62.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable sur l'amendement no 62 Dans l'amendement no 166, nous suggérons que, si la garde à vue est renouvelée - mais nous souhaitons qu'elle ne le soit que dans de rares hypothèses -, l'avocat puisse revenir à l'issue de la douzième heure du renouvellement, c'est-à-dire à la trente-sixième heure.

M. Alain Tourret.

Ça fera la troisième fois.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Ça fera la troisième fois, en effet.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 62 et 166 ?

Mme la garde des sceaux.

Comme je l'ai déjà dit, je suis défavorable à l'amendement no 62 et favorable à l'amendement no 166.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

62. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 166.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Hascoët, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 302, ainsi rédigé :

« Dans le IV de l'article 2, substituer aux mots : "ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de trentesix heures", les mots : "peut intervenir dès le début de la garde à vue". »

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

L'amendement est retiré.

M. le président.

L'amendement no 302 est retiré.

M. Hascoët, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 303, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 2, substituer aux mots : "ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures", les mots : "peut intervenir dès le début de la garde à vue". »

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Il est retiré.

M. le président.

L'amendement no 303 est retiré.

MM. Albertini, Blessig, Deprez et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française ont présenté un amendement, no 60, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 2 par le paragraphe suivant :

« Les interrogatoires et les confrontations effectués lors de la garde à vue sont enregistrés. Les bandes sont immédiatement placées sous scellés. »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

L'amendement no 60 propose l'enregistrement des interrogatoires et des confrontations, et mérite mieux qu'une réponse du genre : « C'est une bonne idée, mais... » Quand une intervention commence

ainsi, on peut s'attendre en général au pire. Ces cinq mots ponctuent souvent les réponses des ministres et des rapporteurs, quels qu'ils soient d'ailleurs. Nous sommes nombreux ici à pouvoir en témoigner, sur tous les bancs de cette assemblée.

Le problème des interrogatoires est crucial. Sans vouloir créer de suspicion envers qui que ce soit, il est bien évident que la manière de poser des questions, la formulation même de ces questions, l'insistance avec laquelle on les martèle quelquefois auprès de personnes relativement fragiles - les grands criminels résistant infiniment mieux que les délinquants d'occasion, - le contexte qui les entoure et la rédaction ultérieure du procès-verbal présentent souvent des difficultés.

Nous ne proposons pas de supprimer le procès-verbal.

Nous proposons simplement un enregistrement des interrogatoires et des confrontations qui pourrait être, dans un premier temps, magnétique. Les bandes seraient immédiatement placées sous scellés et seraient consultées en cas de contestation ou de doute. Elles aideraient à la fois la personne interrogée et suspectée, son défenseur, et les policiers et les juges, lesquels comprendraient mieux la démarche qui a conduit à la rédaction du procès-verbal.

C'est un procédé qui était d'ailleurs proposé par la commission de réflexion sur la justice présidée par M. Truche. Et je crois savoir que les commissaires de police avaient donné un accord de principe, pour bien montrer qu'ils étaient eux aussi les défenseurs des libertés.

Celles-ci ne sont le monopole de personne.

On oppose à l'enregistrement son coût. Là aussi, quand un argument de ce type est avancé, le pire est à craindre.

On me dit aussi qu'il faut protéger la personne suspectée contre un aveu et lui permettre une éventuelle rétractation. J'observe simplement que, même avec un procèsverbal écrit classique, on peut toujours se rétracter et contester, plusieurs semaines ou plusieurs mois après, les faits reconnus. La rétractation est toujours possible. En revanche, si on disposait d'un enregistrement, on pourrait étudier l'environnement et le contexte dans lequel la personne a été interrogée. Ce serait très important.

L'ultime argument opposé à ma proposition en commission est qu'il faut protéger la personne suspectée contre elle-même. Cette vision des choses est dans le droit-fil de l'Inquisition, au sens le plus affreux et le plus abject du terme. C'est comme si on devait purifier la per-


page précédente page 02821page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

sonne placée en garde à vue. On sait à quoi tout cela a donné lieu et à quel genre d'argumentation intellectuelle cela peut conduire. En général au pire et non pas au meilleur ! Mes chers collègues, un enregistrement magnétique - qui pourrait plus tard devenir audiovisuel, comme cela a été prévu pour les mineurs, notamment en matière de violences sexuelles - marquerait une amélioration substantielle des conditions de garde à vue, des interrogatoires et des confrontations.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'enregistrement des interrogatoires au cours de la garde à vue est une question dont nous avons beaucoup parlé en commission des lois et en groupe de travail. Nous nous sommes réellement interrogés sur sa pertinence et j'ai presque envie de vous dire que ce sera la prochaine réforme. Je n'en sais rien, mais c'est ainsi que je ressens les choses.

Il nous est apparu cependant que certains des inconvénients de l'enregistrement des interrogatoires l'emportaient sur les qualités que nous lui avions d'abord reconnues.

Premier inconvénient : comment être persuadé que les enregistrements n'ont pas été trafiqués ? Je suis personnellement incompétente dans ce domaine. Mais on a appelé mon attention sur les risques de coupure et de collage.

M. Pierre Albertini.

C'est une accusation très grave que vous portez là !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Ce sont des choses qui ont été dites.

M. Guy Hascoët.

Il peut aussi y avoir de faux procèsverbaux.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Autre difficulté : les personnes auditionnées et, en particulier, les syndicats de commissaires de police, ne s'y sont pas montrés hostiles et étaient prêtes à l'accepter à condition qu'il ne leur soit pas imposé en même temps la présence de l'avocat à la première heure.

M. Pierre Albertini.

Cela s'appelle du « donnantdonnant » !

M me Christine Lazerges, rapporteur.

Voilà ! L'ensemble des deux leur paraissait lourd.

M. Patrick Devedjian.

Qui fait la loi ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Nous ! C'est pour cela que je relate nos réflexions et nos hésitations.

M. Pierre Albertini.

C'est un peu affligeant !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cette question mérite examen. Il faut qu'un petit groupe de travail l'étudie très sérieurement, afin d'évaluer exactement son coût et voir si, au regard de la présomption d'innocence, la personne interrogée ne risque pas d'être ligotée par l'enregistrement d'un interrogatoire au cours duquel elle aura avoué. Il est plus facile de revenir sur un aveu résumé dans un procès-verbal que sur un aveu enregistré.

Toutes ces raisons, et d'autres encore, font qu'à la date d'aujourd'hui j'émets un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le président, cette question importante a donné lieu à des débats approfondis dans de multiples enceintes, et, en dernier lieu, à la commission des lois, où j'ai exprimé l'avis du Gouvernement, qui est défavorable.

Je n'ai jamais dit que c'était une bonne idée. J'ai dit qu'elle pouvait paraître séduisante à première vue, mais que l'on s'apercevrait vite que son application était extrêmement difficile. C'est différent. Monsieur Albertini, je suis sûr qu'avec votre intelligence, vous saisirez la nuance.

La première difficulté, ce sont les moyens. Il faudrait équiper tous les commissariats, toutes les gendarmeries, d'un matériel d'enregistrement. Compte tenu des efforts à faire pour les locaux de la garde à vue, je ne suis pas absolument sûre que nous ayons intérêt à affecter en priorité des moyens à l'achat de ce matériel.

Ensuite, ces enregistrements ne seront pas effectués pour rien ; ils feront inévitablement partie de la procédure. Il faudrait être en mesure de garantir leur intégralité, de prouver que l'enregistrement a été continu, sans aucune interruption, même involontaire, afin qu'il ne puisse donner lieu à aucune contestation. Et vous voyez bien qu'il est beaucoup plus facile de contester la validité d'un enregistrement que celle d'un écrit qu'on a signé. J'y vois donc une source de contentieux importante.

Enfin, cette mesure, conçue comme une protection de la personne gardée à vue - je l'ai considérée moi-même comme telle au départ, je ne vous le cache pas, d'autant que j'y ai accordé une attention toute particulière parce qu'elle était proposée par la commission Truche - pourrait très bien se retourner contre elle.

Je prends un exemple. Une personne fait des aveux sous la pression. Celle-ci peut être de multiples ordres.

Elle peut être également psychologique. Ils sont enregistrés. Même si ce ne sont pas des images, ces aveux auront beaucoup plus d'impact lorsqu'ils seront diffusés devant le tribunal qu'un procès-verbal synthétique signé par la personne et, si celle-ci a envie de se rétracter, cela lui sera plus difficile.

Je dis donc : attention ! Je me suis longtemps interrogée sur la pertinence de cette mesure et, tout bien pesé, je crois qu'elle aurait beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages et irait à l'encontre du but recherché. Je ne suis pas favorable à l'amendement et je vous demande donc de ne pas l'adopter.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Madame la ministre, si je n'avais déjà été convaincu, je l'aurais été après vous avoir e ntendue. J'ai tout de suite considéré que c'était une fausse bonne idée à cause des inconvénients qui viennent d'être soulignés.

M. Pierre Albertini.

Ce ne sera pas la prochaine réforme alors !

M. Jérôme Lambert.

Derrière les arguments avancés pour justifier cette proposition, je décèle une suspicion vis-à-vis des méthodes policières et des conditions de la garde à vue, comme si elles n'avaient d'autre but que de

« forcer » les aveux.

M. Pierre Albertini.

Cela n'arrive jamais ? C'est purement fictif ?

M. Jérôme Lambert.

Si c'est pour cette raison que l'enregistrement est proposé, on peut, dans la même logique, penser que celui-ci aura lieu lorsque la personne interrogée dira ce qu'il faut dire, qu'il sera stoppé quand on verra qu'elle ne dit plus rien, puis repris, après une petite explication, lorsque la personne se remettra à dire des choses.

M. Pierre Albertini.

Oh ! c'est lamentable !

M. Jérôme Lambert.

Moi, je ne suspecte pas la police.


page précédente page 02822page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. Léonce Deprez.

Qui la suspecte ? Personne.

M. Jérôme Lambert.

Je ne vois à cet amendement que cette raison-là. En tout cas, c'est pratiquement celle qui est avancée.

Par ailleurs, comme l'a fort bien dit Mme la ministre, l'enregistrement ne va pas forcément servir les intérêts de la personne lorsqu'elle se retrouvera devant le tribunal.

Son impact sur le jury sera bien plus grand que la lecture du papier qu'elle aura signé et cela la desservira, même si elle est revenue sur ses aveux. Donc, il s'agit d'une fausse bonne idée à tout point de vue.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Ah, les bons apôtres ! C'est pour protéger le suspect qu'ils ne veulent pas qu'on enregistre l'interrogatoire.

M. Jérôme Lambert.

Pas seulement !

M. Patrick Devedjian.

Vous nous prenez pour qui ? La procédure de garde à vue, l'élimination de l'avocat, le maintien sous pression du suspect n'ont d'autre but que d'obtenir des aveux de la part de la personne mise en garde à vue. Et vous venez nous dire que ce que vous craignez, c'est que, si les aveux sont enregistrés sur une bande, celle-ci se révèle incontournable pour la recherche de la preuve dans les phases ultérieures de la procédure.

Vous vous moquez de nous ! Le but est de chercher l'aveu. Vous avez la religion de l'aveu ! Devant le juge d'instruction, on établit aussi un procès-verbal. Il est tellement important qu'on s'entoure de trois garanties - la présence d'un juge assermenté, d'un greffier assermenté et d'un avocat - pour retranscrire les propos du prévenu dans les termes les plus proches possible de ceux qu'il a exprimés.

Dans le cadre de la garde à vue, le procès-verbal n'est entouré d'aucune de ces garanties. Il est rédigé par un officier de police judiciaire. D'ailleurs, on est parfois étonné de voir les propos de suspects parlant très mal le français retranscrits dans une langue française impeccable.

Vous pensez vraiment qu'on va croire que l'intéressé s'est exprimé de cette manière ? Vous pensez vraiment nous faire croire que le contenu du procès-verbal est fiable ? Vous savez bien qu'il existe plusieurs manières de transcrire la parole de quelqu'un.

M. Pierre Albertini.

Bien entendu !

M. Patrick Devedjian.

Si tant de précautions sont prises pour rédiger les procès-verbaux devant les juges d'instruction, c'est parce qu'on craint que l'expression de la parole de la personne poursuivie ne soit déformée. Cette garantie n'existe pas en garde à vue, et c'est pour cela qu'on a inventé la garde à vue.

L'une des premières choses que fait le juge d'instruction quand il reçoit un prévenu, un mis en examen, est de lui lire la déclaration qu'il a faite à la police judiciaire et de lui demander s'il est d'accord avec cette déclaration.

Généralement, il y a discordance. Il arrive fréquemment qu'un prévenu déclare : « Je n'ai pas voulu dire exactement cela, monsieur le juge. » Beaucoup de procès-

verbaux de première comparution commencent par la phrase suivante : « Ce que vous m'opposez dans le procèsverbal de la police judiciaire, je ne l'ai pas exprimé de cette manière. »

Quand M. Albertini dit que l'enregistrement sera une garantie, assurera la fiabilité de la parole de la personne interrogée, cela concerne évidemment les droits de la défense, et non pas le contraire, comme vous avez l'audace de vouloir nous le faire croire.

M. Léonce Deprez et M. Pierre Albertini.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

60. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

M. Goasguen a présenté un amendement, no 200, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Le troisième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« La garde à vue des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction peut être prolongée d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus par autorisation écrite du procureur de la République délivrée à l'issue de leur présentation. »

« II. - La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 77 du même code est supprimée.

« III. - La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 154 du même code est supprimée.

« IV. - La dernière phrase du troisième alinéa de l'article 706-29 du même code est supprimée. »

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir cet amendement.

M. Philippe Houillon.

Par cet amendement, M. Goasguen propose que la prolongation de la garde à vue d'un nouveau délai de vingt-quatre heures soit autorisée sous le contrôle effectif du parquet, c'est-à-dire après présentation de la personne gardée à vue, et non pas, comme cela se passe dans la pratique, par simple appel téléphonique.

Nous avons adopté tout à l'heure le principe selon lequel les mesures de contraintes prises à l'encontre d'une personne suspectée doivent l'être sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. L'amendement de M. Goasguen ne devrait donc pas poser de problèmes.

Mais nous constatons depuis un certain temps qu'après avoir affirmé des principes généraux à l'article 1er , la Commission et le Gouvernement s'opposent à leur mise en application. Je ne peux donc pas préjuger de l'avis de la commission sur cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable parce que la proposition de M. Goasguen ne peut réellement être appliquée qu'à Paris. Dans de très nombreuses juridictions, elle ne peut pas l'être. Il suffit de se promener un peu dans l'Hérault, le Gard, le Vaucluse, pour ne citer que ces départements, pour s'apercevoir que présenter au procureur de la République y est totalement impossible.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable. Je ne vois pas comment on pourrait faire appliquer cette disposition dans la pratique : les procureurs de la République ne peuvent pas se faire présenter toutes les personnes gardées à vue ni, à plus forte raison, se rendre dans tous les locaux de garde à vue de leur ressort. Nous avons adopté tout à l'heure un amendement du rapporteur à l'article 63


page précédente page 02823page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

du code de procédure pénale, qui tendait à exiger du procureur une plus grande vigilance ; je le trouve beaucoup plus réaliste que celui-ci, qui instaurerait des obligations que personne ne pourra s'engager à faire respecter. La réforme que je souhaite ne vise pas à dire ce qu'est l'idéal - j'aimerais évidemment que les procureurs puissent en permanence inspecter tous les locaux de garde à vue -, mais à être appliquée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 200.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 235, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale, les mots : "demander à" sont supprimés. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement est de cohérence. L'article 63-4 du code de procédure indique que lorsque vingt heures se sont écoulées depuis le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Or il ne s'agit pas de « pouvoir demander » : le droit du prévenu est bien de s'entretenir avec un avocat. Le texte original datant du 24 août 1993, madame la garde des sceaux, vous ne devriez pas avoir de scrupules à le corriger... Il laisse entendre, en toute logique, que la personne peut simplement demander à s'entretenir. Or son droit est de s'entretenir, non de le demander.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

La jurisprudence en la matière a toujours été très claire ; jamais le droit de s'entretenir avec un avocat n'a été refusé à une personne gardée à vue. En modifiant un texte jusqu'alors toujours interprété de la même façon...

M. Patrick Devedjian.

Jusqu'à quand ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

... sans jamais soulever le moindre problème, je crains que l'on ne fasse surgir quelque difficulté inattendue. Autant l'éviter. Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable. Il me semble d'ailleurs que la question a déjà été tranchée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 235.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteur, et Mme Bredin ont présenté un amendement, no 84, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 77 du code de procédure pénale, les mots :

« dans les meilleurs délais » sont remplacés par les mots : « dès le début de la garde à vue ».

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'amendement no 84 est de coordination et tend à reprendre l'expression

« dès le début de la garde à vue » que nous avons retenue tout à l'heure partout où il était jusqu'à présent indiqué

« dans les meilleurs délais ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

M me Frédérique Bredin.

Le procureur de la République doit effectivement bien être prévenu dès le début de la garde à vue et non pas dans les meilleurs délais.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

84. (L'amendement est adopté).

M. le président.

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 236, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article 114 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Dès la mise en examen, les avocats des parties peuvent se faire délivrer à tout moment, à leurs frais, copie intégrale ou partielle du dossier. Ces copies peuvent être transmises à leurs clients et à tout auxiliaire de l'avocat. La reproduction publique du contenu de ces pièces est interdite tant qu'elles n'ont pas donné lieu à une audience publique. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Cet amendement vise à permettre aux avocats des parties non seulement d'obtenir copie du dossier de la procédure - c'est bien le moins mais encore de la communiquer à leur client. Rappelons en particulier que la Convention européenne des droits de l'homme, dans le 3 de son article 6, indique que l'accusé « a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée ». Il ne saurait y avoir manière plus détaillée que celle qui consiste à lui remettre la copie des actes mêmes de l'accusation.

Plusieurs incidents ont déjà eu lieu à ce sujet. Un avocat notamment a été poursuivi pour avoir communiqué à son client le dossier de la procédure. Je demande que ce droit élémentaire, reconnu par la Convention européenne des droits de l'homme, entre enfin dans notre droit positif.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis défavorable.

La commission craint que cet amendement, s'il était adopté, ne porte atteinte au secret de l'instruction. Refuser au juge d'instruction tout contrôle sur la délivrance par l'avocat des pièces de la procédure aux parties paraît imprudent.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le problème soulevé par cet amendement est déjà réglé par les articles 114 et 114-1 du code de procédure pénal, tels qu'ils découlent de la loi du 31 décembre 1996. Ces articles, modifiés d'ailleurs à la suite d'un amendement présenté par le groupe socialiste, autorisent et réglementent la communication des pièces du dossier d'instruction par l'avocat à son client.

Celle-ci était effectivement auparavant interdite. Votre amendement, monsieur Devedjian, me semble faire l'impasse sur la modification intervenue grâce à l'amendement déposé par le groupe socialiste et adopté en 1996.

Il n'apporte donc rien par rapport au droit actuel.

M. Patrick Devedjian.

En êtes-vous certaine ? Je vérifie.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.


page précédente page 02824page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. Alain Tourret.

L'argumentation de Mme la garde des sceaux doit être effectivement vérifiée. Je croyais moi aussi qu'il n'était pas possibile de communiquer les pièces avant que l'ordonnance de renvoi ne soit rendue et je m'apprêtais à manifester mon accord avec l'amendement de M. Devedjian ; mais si Mme la garde des sceaux a raison, mon intervention n'a plus lieu d'être.

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

Je m'apprêtais moi aussi à défendre l'amendement de M. Devedjian, mais si Mme la garde des sceaux est formelle, nous avons satisfaction.

M. Patrick Devedjian.

Vérification faite, Mme la garde des sceaux a raison.

M. Louis Mermaz.

Dans ce cas, bravo ! Enfoncer des portes ouvertes fait moins mal qu'enfoncer des portes fermées.

(Sourires.)

M. le président.

Monsieur Devedjian, retirez-vous votre amendement ?

M. Patrick Devedjian.

Oui, monsieur le président.

M. Jacques Floch.

C'est très élégant !

M. le président.

L'amendement no 236 est retiré. Je suis saisi de deux amendements, nos 254 et 168, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 254, présenté par M. Jean-Pierre Michel, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant.

« L'article 4 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est complété par un paragraphe VI ainsi rédigé :

« VI. Les interrogatoires des mineurs placés en garde à vue font l'objet d'un enregistrement sonore.

L'enregistrement original est placé sous scellés fermés et sa copie est versée au dossier.

« Sur décision d'un magistrat, l'enregistrement original peut être écouté au cours de la procédure.

« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »

L'amendement no 168, présenté par M. Guérin, Braouezec, Brunhes, Carvalho et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« Le I de l'article 4 de l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cet avocat assiste aux différentes auditions du mineur sans pouvoir poser de questions. S'agissant d'un mineur de dix à treize ans, ces auditions font l'objet d'un enregistrement sonore qui est joint à la procédure. Cet enregistrement est soumis au régime prévu par les alinéas 5 à 10 de l'article 706-52 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour soutenir l'amendement no 254.

M. Jean-Pierre Michel.

Je regrette que l'Assemblée ait repoussée l'amendement no 60 de M. Albertini qui prévoyait l'enregistrement des interrogatoires pendant la garde à vue. Mme le rapporteur a cependant admis l'importance de cette question et souhaité qu'un groupe de travail étudie la faisabilité de la proposition. Quoi de mieux pour cela que de l'expérimenter, si j'ose dire ? C'est ce que je propose par mon amendement no 254 qui tend à instituer un enregistrement sonore - placé sous scellés, etc., je n'entre pas dans les détails - pour la garde à vue des mineurs, particulièrement fragiles, peut-être plus encore que d'autres.

Cet enregistrement sonore ne vise qu'à servir la manifestation de la vérité. En effet, on l'a fort justement remarqué, il ne sera plus possible de revenir sur des aveux, ceux-ci ayant été consignés. Peut-être cette disposition jouera-t-elle dans ce cas au détriment du gardé à vue, mais elle ira en tout cas dans l'intérêt de la manifestation de la vérité.

Je signale que j'ai moi-même été condamné par une juridiction disciplinaire, en l'occurrence la commission de la discipline du parquet, sur la base d'un enregistrement sonore de ma voix à la suite d'une émission de radio libre émise par le parti socialiste. Sur cette seule base, la commission de discipline a prononcé à mon encontre un déplacement d'office. Je ne m'en suis pas si mal trouvé puisque j'ai été ensuite élu député. (Sourires.)

M. Daniel Marcovitch.

Y aura-t-il assez de sièges à l'Assemblée nationale pour tout le monde ? (Rires.)

M. le président.

C'est donc que vous considérez comme une promotion de passer de magistrat à député.

(Sourires.)

La parole est à M. Goldberg, pour soutenir l'amendement no 168.

M. Pierre Goldberg.

L'amendement no 168 est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Si l'on instaure l'enregistrement pour les mineurs, ce sont quand même 5 000 locaux de la garde à vue qu'il faudra équiper. Sur le plan de la faisabilité, le problème est identique : on ne peut savoir où les mineurs seront entendus. Je propose vraiment que les députés de tous bords qui s'intéressent à cette question se retrouvent au sein d'un petit groupe de travail. Dans l'immédiat, avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne reviendrai pas sur mes arguments contre l'enregistrement ; ils restent valables quel que soit l'âge des intéressés.

Je rappelle par ailleurs que l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 prévoit d'ores et déjà que toute rétention d'un mineur de treize ans s'effectue avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat spécialisé dans la protection de l'enfance, qu'il s'agisse d'un magistrat du ministère public, d'un juge d'instruction ou d'un juge des enfants. Pour le mineur de treize ans en tout cas, le problème est réglé. Quant aux mineurs de seize ans en garde à vue, ils peuvent s'entretenir d'ores et déjà avec un avocat dès le première heure. Ces dispositions me paraissent suffisantes pour garantir les droits des mineurs placés ou retenus en garde à vue. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz.

L'amendement de M. Jean-Pierre Michel a été défendu en commission par plusieurs membres de notre groupe, dont Mme Frédérique Bredin.

Il pourrait effectivement ouvrir la voie à une évolution du droit vers les enregistrements. Les mineurs, particulièrement fragiles, seraient protégés et leurs enregistrements, y


page précédente page 02825page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

compris leurs angoisses et leurs balbutiements, authentiquement rapportés, pourraient constituer un élément utile dans la recherche de la vérité. Je suis donc, comme beaucoup de mes collègues, très favorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je resterai très prudent, tout ce que je pourrais dire pouvant être utilisé contre moi ! (Sourires.) On ne peut prouver un résultat sans en avoir fait préalablement l'expérience et la démonstration. On ne peut tout à la fois renvoyer à la prochaine réforme, proposer de créer un groupe de travail représentatif de toutes les sensibilités et opposer systématiquement à la demande d'enregistrer les interrogatoires et les confrontations de tous les gardés à vue ou seulement des mineurs, comme le propose M. Jean-Pierre Michel, un argument de coût ou le risque de dérives possibles : on a même été jusqu'à nous dire en commission qu'une personne en garde à vue pourrait faire semblant de se donner des gifles afin que l'enregistrement soit manipulé ! Soyons sérieux ! Pour commencer, les mineurs représentent un cas particulier en raison de leur fragilité. L'enregistrement serait au demeurant un bon moyen de vérifier la fiabilité, l'intérêt et le caractère vraiment probant d'un procédé ; si l'expérience se révélait positive, nous pourrions l'étendre.

Mais on ne peut pas à la fois prétendre que nous avons raison trop tôt et nous opposer des éléments de caractère matériel plus ou moins fallacieux.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Cet amendement pourrait permettre de dégager un consensus. En France, le droit des mineurs est souvent un droit expérimental. Nous avons déjà innové en prévoyant l'enregistrement des m ineurs victimes d'infractions sexuelles ; du reste, l'ensemble des lieux où l'on s'occupe des mineurs devraient déjà être de ce fait parfaitement équipés.

Dans le cas présent, la finalité est tout à fait différente puisqu'il s'agit d'interrogatoires de gardés à vue, non de victimes, mais l'idée reste du même ordre : trouver un témoin objectif pour éviter que l'on ne tire parti de la fragilité du justiciable. De ce point de vue, l'enregistrement pourrait constituer un procédé tout à fait intéressant et à mon avis un élément objectif sur la façon dont s'est déroulée la garde à vue.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 254.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 168 tombe.

Article 3

M. le président.

Je donne lecture de l'article 3 : Section 2 Dispositions relatives à la désignation de l'avocat au cours de l'instruction

« Art. 3. - I. - L'article 115 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne mise en examen est détenue, le choix de son avocat peut résulter d'un courrier adressé par cette personne à celui-ci et le désignant pour assurer sa défense : une copie de ce courrier doit être remise, en tout ou partie, au cabinet du juge d'instruction. La personne mise en examen doit confirmer ce choix au juge d'instruction dans les quinze jours. »

« II. Après la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article 116 du code de procédure pénale, il est ajouté la phrase suivante :

« Si l'avocat choisi ne peut être contacté ou ne peut se déplacer, la personne est avisée de son droit de demander qu'il lui en soit désigné un d'office pour l'assister au cours de la première comparution. »

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Supprimer le I de l'article 3. »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian. Je le retire, monsieur le président ; il devrait être satisfait par l'amendement no 86 de Mme Lazerges.

M. le président.

L'amendement no 14 est retiré.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 85, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 3, après les mots : "doit être remise", insérer les mots : "par l'avocat". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Amendement de précision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la garde des sceaux. Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

85. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteur, et M. Albertini ont présenté un amendement, no 86, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 3 par la phrase suivante : "Ce délai ne fait pas obstacle à la libre communication du dossier à l'avocat". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Amendement de précision également.

M. Patrick Devedjian.

C'est celui que j'évoquai à l'instant.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que précédemment : favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

86. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 3

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 87, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer les dispositions suivantes :

« Section 2 bis

« Dispositions relatives aux modalités de mise en examen

« Art. 3 bis. - Dans le premier alinéa de l'article 80-1 du code de procédure pénale, après le mot : "indices" est inséré le mot : "précis". »


page précédente page 02826page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'amendement no 87 propose une version allégée de la motivation des mises en examen en exigeant que les indices qui la fondent soient précis.

M. Patrick Devedjian. Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

C'est un bon amendement.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

87. (L'amendement est adopté.)

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Article 4

M. le président.

Je donne lecture de l'article 4 :

« Section 3

« Dispositions étendant les droits des parties au cours de l'instruction

« Art. 4. - I. - A l'article 82-1 du même code, les mots : "ou à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information" sont remplacés par les mots : ", à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information, ou à ce qu'il soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité"

« II. Il est ajouté après l'article 82-1 un article 82-2 ainsi rédigé :

« Art. 82-2 . - Lorsque la personne mise en examen saisit le juge d'instruction, en application des dispositions de l'article 82-1, d'une demande tendant à ce que ce magistrat procède à un transport sur les lieux, à l'audition d'un témoin, d'une partie civile ou d'une autre personne mise en examen, elle peut demander que cet acte soit effectué en présence de son avocat.

« La partie civile dispose de ce même droit s'agissant d'un transport sur les lieux, de l'audition d'un témoin ou d'une autre partie civile ou de l'interrogatoire de la personne mise en examen.

« Le juge d'instruction statue sur ces demandes conform ément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 82-1. S'il fait droit à la demande, le juge d'instruction convoque l'avocat au plus tard dans les deux jours ouvrables avant la date du transport, de l'audition ou de l'interrogatoire, au cours desquels celui-ci peut intervenir dans les conditions prévues à l'article 120.

« A peine d'irrecevabilité, les demandes mentionnées au présent article doivent concerner des actes déterminés, et préciser l'identité de la personne dont l'audition est réclamée. »

M. Goasguen a présenté un amendement, no 198, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« I. - L'article 82-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 82-1 Les parties peuvent, au cours de l'information, saisir le juge d'instruction d'une demande écrite tendant à ce qu'il soit procédé à tous actes utiles à la manifestation de vérité et notamment :

« à l'une des mesures d'enquête de personnalité ou d'expertise prévues aux articles 81, alinéas 6, 7 et 8 ;

« à leur audition ou interrogatoire ;

« à un interrogatoire, une audition, une confrontation, une audition de témoin ou de partie civile auxquels elles peuvent éventuellement assister selon les modalités de l'article 119 ;

« à un transport sur les lieux auxquels elles peuvent éventuellement assister ;

« à la production par l'une des parties d'une pièce utile à l'information ;

« à une mesure d'expertise, de contre-expertise ou de complément d'expertise.

« Le juge d'instruction, lors de l'interrogatoire de première comparution de la personne mise en examen ou de la première audition du témoin assisté ou de la partie civile, les informe de leurs droits. Il procède à cette occasion ou dans un délai d'un mois à un débat d'orientation de l'information permettant à la partie de proposer une demande globale d'investigation. La partie peut renoncer à ce débat en adressant au juge dans le même délai une demande motivée détaillant l'ensemble des actes qui lui paraissent utiles.

« Les dispositions des articles 81 alinéas 9, 10 et 11 sont applicables. »

« II. - L'article 116 est ainsi rédigé :

« Art. 116. A l'issue de l'interrogatoire de première comparution, le juge d'instruction informe la personne mise en examen de son droit de demander tous actes utiles à la manifestation de vérité. Il procède à ce sujet à un débat d'orientation de l'information. A la demande de la personne mise en examen ce débat peut être repoussé et organisé dans le délai d'un mois ou remplacé par une demande globale d'investigations détaillant l'ensemble des actes lui paraissant utiles. Le juge d'instruction informe également la personne mise en examen de son droit de présenter une requête en annulation sur le fondement de l'article 173, troisième alinéa. Il lui fait savoir que ces demandes et requêtes pourront être formulées durant tout le déroulement de l'information et au plus tard le vingtième jour suivant l'envoi d e l'avis prévu par le premier alinéa de l'article 175 ».

« III. - Le premier alinéa de l'article 89-1 est ainsi rédigé :

« Art. 89-1. Lors de la première audition de la partie civile, le juge d'instruction l'informe de son droit de demander tous actes utiles à la manifestation de la vérité. Il procède à ce sujet à un débat d'orientation de l'information. A la demande de la partie civile ce débat peut être repoussé et organisé dans le délai d'un mois ou remplacé par une d emande globale d'investigations détaillant l'ensemble des actes lui paraissant utiles. Le juge d'instruction informe également la partie civile de son droit de présenter une requête en annulation sur le fondement de l'article 173, troisième alinéa. Il lui fait savoir que ces demandes et requêtes pourront être formulées durant tout le déroulement de l'infor-


page précédente page 02827page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

mation et au plus tard le vingtième jour suivant l'envoi de l'avis prévu par le premier alinéa de l'article 175. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Philippe Houillon.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas favorable à cet amendement. La procédure dite du débat d'orientation, même proposée par le magistrat, sera certainement très complexe et très lourde. Je préfère celle du calendrier prévisionnel, plus souple et facultative, comme le prévoit le projet du Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 198.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 88 et 196, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 88, présenté par Mme Lazerges, rapporteur, est ainsi libellé :

« I. - Compléter le I de l'article 4 par les alinéas suivants :

« 2o La dernière phrase du premier alinéa du même article est ainsi rédigée : "A peine de nullité, cette demande doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article 81 ; elle doit porter sur des actes déterminés et, lorsqu'elle concerne une audition, préciser l'identité de la personne dont l'audition est souhaitée."

« II. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa du II de cet article. »

L'amendement no 196, présenté par M. Houillon, est ainsi libellé :

« Après le I de l'article 4, insérer le paragraphe suivant :

« II. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 82-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : "Cette demande doit être adressé au juge d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception". »

La parole est Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

88.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

C'est un amendement de précision.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l'amendement no 196.

M. Philippe Houillon.

Nous souhaitons que la demande d'acte de procédure soit adressée au juge d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception. Cela facilite le travail des intervenants. Ce n'est pas un amendement majeur !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Les formalités sont quelquefois des garanties. Je pense que là, il ne faut pas les supprimer. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 88 et 196 ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à l'amendement no 88 et défavorable à l'amendement no 196, parce que le formalisme actuellement prévu par l'article 81 garantit, je crois, la sécurité juridique des procédures.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

88. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 196 tombe.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no

88. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 4

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 311, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. - Après l'article 82-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 82-3 ainsi rédigé :

« Art. 82-3. - Lorsque le juge d'instruction conteste le bien-fondé d'une demande des parties t endant à constater la prescription de l'action publique, il doit rendre une ordonnance motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. »

« II. - Dans le premier alinéa de l'article 186-1 d u code de procédure pénale, les mots : "l'article 82-1", sont remplacés par les mots : "les articles 82-1 et 82-2". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

C'est une amélioration sensible de la procédure pénale sur ce point qui est le type même de ceux qui échappent aux théoriciens mais pas aux praticiens. Il nous a été soufflé par d'excellents praticiens.

Actuellement, en cas de rejet par le juge d'instruction d'une exception de prescription de l'action publique, les parties doivent attendre le jugement sur le fond pour pouvoir à nouveau invoquer l'extinction de l'action publique. Or il paraît aberrant qu'on ne puisse pas faire appel du rejet de la prescription par le juge d'instruction.

Il me paraît donc réellement utile d'introduire dans le code de procédure pénale cette possibilité d'un appel de la décision du juge d'instruction rejetant la prescription de l'action publique sans avoir à attendre la fin de la procédure. La chambre criminelle, dans un arrêt du 19 janvier 1999, a encore rappelé qu'il n'y avait pas, à la date où elle statuait, d'appel possible, immédiatement, de la décision du juge d'instruction.

M. Patrick Devedjian.

Excellent amendement !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 311.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote a été acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de deux amendements, nos 169 et 182, pouvant être soumis à une discussion commune.


page précédente page 02828page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

L'amendement no 169, présenté par MM. Gerin, Braouezec, Brunhes, Carvalho et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Les quatre dernières phrases du troisième alinéa de l'article 116 du code de procédure pénale sont remplacées par trois phrases ainsi rédigées : "Le juge d'instruction avertit ensuite la personne qu'elle a le choix soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être interrogée. Mention de cet avertissement est faite au procès-verbal. L'accord pour être interrogé ne peut être donné qu'en présence d'un avocat". »

L'amendement no 182, présenté par M. Houillon et M. Goasguen, est ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Les quatre dernières phrases du troisième alinéa de l'article 116 du code de procédure pénale sont remplacées par les trois phrases suivantes : Le juge d'instruction avertit ensuite la personne qu'elle a le droit soit de se taire, soit de faire des déclarations, soit d'être interrogée. Mention de cet avertissement est faite au procès-verbal. L'accord pour être interrogé ne peut être donné qu'en présence d'un avocat. »

L'amendement no 169 est-il défendu ?

M. Pierre Goldberg.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l'amendement no 182.

M. Philippe Houillon.

Cet amendement consacre le droit au silence de la personne mise en examen lors de la première comparution.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable, parce que l'article 116 actuel du code de procédure pénale paraît donner suffisamment de garanties au mis en examen quant à ses droits.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Cet amendement qui a pour but d'imposer au juge d'instruction de notifier de manière claire à une personne qui vient d'être mise en examen ses droits à un moment précis de la procédure se taire, faire spontanément des déclarations, accepter d'être interrogée - améliore peut-être la rédaction mais n'apporte rien de plus au troisième alinéa de l'article 116.

Je me rallie donc à la position de Mme le rapporteur, et je suis plutôt défavorable à cet amendement, tout en partageant l'objectif qui est d'éclaircir les choses.

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

Ces amendements apportent quelques précisions qui seront utiles. Ce sont des garanties supplémentaires qu'il faut sans doute mentionner clairement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 169.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence l'amendement no 182 tombe.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 48 rectifié, 183, 312 et 219, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 48 rectifié, présenté par MM. Albertini, Blessig, Deprez et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant : L'article 120 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le juge d'instruction dirige les interrogatoires, confrontations et auditions. Le procureur de la République et les avocats des parties peuvent présenter de brèves observations ou poser des questions. Le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, l'ordre et la durée des interventions. »

L'amendement no 183, présenté par M. Houillon et M. Goasguen, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant : L'article 120 du code de la procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art.

120. - Le procureur de la République et les conseils des parties peuvent prendre la parole pour présenter de brèves observations ou poser des questions. Le juge d'instruction détermine s'il y a lieu l'ordre de ces interventions. »

L'amendement no 312, présenté par Mme Lazerges, rapporteur, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« L'article 120 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le juge d'instruction dirige les interrogatoires, confrontations et auditions. Le procureur de la République et les avocats des parties peuvent poser des questions ou présenter de brèves observations.

« Le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, l'ordre des interventions et peut y mettre un terme lorsqu'il s'estime suffisamment informé. Il peut s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'information ou à la dignité de la personne.

« Mention de ce refus est portée au procèsverbal. »

L'amendement no 219, présenté par M. Tourret, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« L'article 120 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le juge d'instruction dirige les interrogatoires, confrontations et auditions. Le procureur de la République et les avocats des parties peuvent poser des questions. Le juge d'instruction, lorsqu'il s'estime suffisamment informé, peut y mettre un terme. »

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l'amendement no 48 rectifié.

M. Pierre Albertini.

C'est un sujet dont nous avons débattu en commission. J'avais proposé un amendement permettant au procureur de la République et aux avocats des parties de présenter de brèves observations ou de formuler des questions, ce qui est aujourd'hui laissé à la seule discrétion du juge d'instruction puisque, selon la règle posée par l'article 120 du code de procédure pénale, le juge d'instruction peut empêcher l'avocat de poser une question au cours d'un interrogatoire, sans même avoir à se justifier, ce qui est tout de même une règle drastique inadmissible au moment où l'on parle d'accroître le caractère contradictoire et l'équilibre des droits des parties.


page précédente page 02829page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

Cet amendement a donné lieu à un vote assez partagé de la commission. Je l'ai simplement réécrit en précisant que le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, non seulement l'ordre, comme je le proposais déjà, mais aussi la durée des interventions. Il ne faut pas ruiner le principe selon lequel l'interrogatoire est dirigé par le juge d'instruction, mais il faut l'améliorer.

Les autres amendements vont dans le même sens. Ils sont plus ou moins concis, mais ils ont tous le même objectif. J'espère donc que l'un d'eux au moins sera adopté.

M. le président.

Le vôtre a été appelé en premier, monsieur Albertini, car c'est le plus radical.

La parole est à M. Philippe Houillon pour soutenir l'amendement no 183.

M. Philippe Houillon.

Ce sont des amendements importants.

Le régime actuel est celui de l'article 120 du code de procédure pénale qui prévoit que le parquet comme les avocats des parties peuvent poser des questions seulement après y avoir été autorisés par le juge d'instruction, ce qui est normal puisqu'il maîtrise les débats. Si cette autorisation leur est refusée, le texte des questions est reproduit ou joint au procès-verbal.

Très souvent, dans la pratique, lorsque des interrogatoires, dans des affaires éventuellement complexes, durent longtemps, une heure, une heure et demie, deux heures ou plus, le juge d'instruction ne refuse pas catégoriquement que des questions soient posées mais les renvoie à la fin de l'interrogatoire. Or, notamment dans le cadre de confrontations, il est bien évident que cela ne sert strictement à rien des les annexer ensuite au procèsverbal, d'autant qu'elles viennent à l'esprit en écoutant les différentes déclarations et qu'on ne prépare pas à l'avance un texte susceptible d'être annexé.

C'est donc un élément très important pour le déroulement contradictoire de l'instruction. Cela n'empêche évidemment pas le juge d'instruction de continuer de maîtriser le débat au cours de l'instruction, et cela permet de rendre plus cohérents les interrogatoires.

Si cet amendement important était adopté, cela constituerait une réelle avancée.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 312.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Ces amendements, comme mes collègues viennent de le faire observer, vont tous dans le même sens. Vous ne serez pas étonné que je privilégie la rédaction retenue par la commission des lois. Il me semble que le juge d'instruction doit continuer à assurer la direction des débats, mais il faut que les parties, y compris le procureur de la République, puissent poser des questions, présenter de brèves observations.

Je précise que le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, l'ordre des interventions et, surtout, peut s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'information ou à la dignité de la personne. La mention de la dignité de la personne me paraît très importante. Il peut y avoir pour la victime présente, par exemple, des questions à éviter. Imaginons une instruction portant sur un viol. Faire allusion à la dignité de la personne pour empêcher telle ou telle question est une garantie.

M. Patrick Devedjian.

Ce n'est pas possible !

M. Philippe Houillon.

Non, ça ne se passe pas ainsi !

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret, pour défendre l'amendement no 219.

M. Alain Tourret.

Mon amendement précise en particulier que le juge d'instruction, lorsqu'il s'estime suffisamment informé par le débat qui a été organisé, peut y mettre un terme. Cette précision est reprise par l'amendement de la commission qui est plus complet.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 48 rectifié, 183 et 219 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 48 rectifié, 183, 312 et 219 ?

Mme la garde des sceaux.

Ces amendements vont tous dans le même sens. Je ne suis pas choquée, au contraire, par le principe qui les inspire, mais je préfère nettement la rédaction de Mme Lazerges et suis donc favorable à l'amendement no 312.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

L'amendement de Mme Lazerges a l'avantage de respecter le principe mis en oeuvre par les autres amendements, et de laisser au juge d'instruction les moyens de la maîtrise de l'interrogatoire ou des confrontations.

Dans les cabinets d'instruction, il y a parfois jusqu'à dix personnes confrontées pendant des heures, chacune avec un ou plusieurs avocats. Le magistrat instructeur peut établir un lien parfois psychologique entre ceux qui sont interrogés et la défense, l'accusation étant très rarement présente. Il faut donc un appui juridique pour permettre aux magistrats instructeurs de conserver la maîtrise et la police des débats. Je crois que l'amendement de Mme Lazerges y pourvoit mieux que les autres.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 48 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 312.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 219 tombe.

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - I. - Le premier alinéa de l'article 156 du même code est complété par la phrase suivante :

« Le ministère public ou la partie qui demande une expertise peut préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait voir poser à l'expert. »

« II. Le dernier alinéa de l'article 164 du même code est ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article sont également applicables au témoin assisté et à la partie civile. »

« III. L'article 167 du même code est ainsi modifié :

« 1o Le premier alinéa est complété par la phrase suivante : "Une copie de l'intégralité du rapport est alors remise, à leur demande, aux avocats des parties."


page précédente page 02830page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

« 2o Au deuxième alinéa, les mots : "Les conclusions peuvent également être notifiées" sont remplacés par les mots : "L'intégralité du rapport peut également être notifiée." L'amendement no 268, présenté par M. Balladur, n'est pas défendu.

M. Goasguen a présenté un amendement, no 197, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les I et II de l'article 5 :

« I. - L'alinéa premier de l'article 156 est complété par la phrase suivante :

« Le ministre public ou la partie demandant l'expertise peut préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait voir posées à l'expert ou proposer le nom d'un ou plusieurs experts inscrits sur l'une des listes prévues à l'article 157 ».

« II. - L'article 164 est ainsi rédigé :

« L'expert peut, pour le strict accomplissement de sa mission, entendre les parties en présence de leurs conseils.

« Si une des parties n'a pas fait choix d'un conseil, elle ne peut être entendue par l'expert qu'après avoir donné son accord exprès devant le juge d'instruction et des libertés. Toutefois, les médecins et psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen peuvent lui poser des questions nécessaires à l'accomplissement de leur mission, hors la présence du juge et des conseils.

« Les parties peuvent demander à l'expert d'être entendues par lui en présence de leurs conseils. L'expert doit prendre en considération les demandes et les observations des parties, en faire état dans son rapport et y répondre dans ses conclusions ».

La parole est à M. Philippe Houillon pour défendre cet amendement.

M. Philippe Houillon.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 197.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 304, présenté par

M. Hascoët, n'est pas défendu.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 89, ainsi libellé :

« Substituer au dernier alinéa (2o ) du III de l'article 5 les deux alinéas suivants :

« 2o Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'intégralité du rapport peut aussi être notifiée, à leur demande, aux avocats des parties par lettre recommandée. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

C'est un amendement de précision. La notification de l'intégralité du rapport n'est effectuée qu'à la demande des avocats. Ce n'est pas systématique.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

89. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

89. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5

M. le président.

M. Goasguen a présenté un amendement, no 199, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« Le deuxième alinéa de l'article 80 du code est ainsi rédigé :

« Le réquisitoire peut être pris contre personne dénommée ou personne non dénommée. En cas de réquisition contre personne dénommée le procureur de la République doit indiquer le détail des indices graves et concordants permettant de penser qu'elle a participé à ces faits. »

Est-il défendu ?

M. Philippe Houillon.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 199.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Houillon et M. Goasguen ont présenté un amendement, no 205, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« L'article 81 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dès le début de l'information le juge d'instruction doit avertir la victime d'une infraction portant atteinte à la personne de la procédure, de son droit à se constituer partie civile et des modalités d'exercice de ce droit. Si la victime est mineure, l'avis est donné à ses représentants légaux. »

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Cet amendement est satisfait par l'amendement no 146 que vous appellerez après l'article 28. L'information des victimes, à tous les stades de la procédure, et dès le début de l'information, est prévue par des amendements que nous avons inclus dans la partie du projet concernant le droit des victimes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, pour la même raison.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 205.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Houillon et M. Goasguen ont présenté un amendement, no 185, ainsi libellé :

« Après l'article 5, insérer l'article suivant :

« L'article 152 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il envisage de procéder à une perquisition, l'officier de police judiciaire en avertit immé-


page précédente page 02831page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

diatement le juge d'instruction. Mention de cet avis figure à peine de nullité sur le procès-verbal de perquisition. »

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6

M. le président.

Je donne lecture de l'article 6 : Section 4 Dispositions relatives au témoin et au témoin assisté

« Art. 6. - I. - Il est créé, à la section IV du chapitre Ier du titre III du livre Ier du même code, une sous-section 1, intitulée : "Dispositions générales", qui comprend les articles 101 à 113.

« II. L'article 101 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il est cité ou convoqué, le témoin est avisé que s'il ne comparaît pas ou s'il refuse de comparaître, il pourra y être contraint par la force publique en application des dispositions de l'article 109. »

« III. Au troisième alinéa de l'article 109 du même code, les mots : "si le témoin ne comparaît pas" sont remplacés par les mots : "si le témoin ne comparaît pas ou refuse de comparaître".

« IV. L'article 153 du même code est ainsi modifié :

« 1o Au deuxième alinéa, les mots : "à l'article 109, alinéas 2 et 3" sont remplacés par les mots : "aux troisième et quatrième alinéas de l'article 109".

« 2o Il est ajouté un dernier alinéa ainsi rédigé :

« Hors les cas où elle est placée en garde à vue conformément aux dispositions de l'article 154, la personne entendue comme témoin ne peut être retenue que le temps strictement nécessaire à son audition. »

L'amendement no 269 de M. Balladur n'est pas défendu.

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 15 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le III de l'article 6 :

« Le premier alinéa de l'article 109 du code de procédure pénale est complété par les mots : "et du principe suivant lequel nul ne saurait être tenu de témoigner contre lui-même". »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

L'article 105 du code de procédure établit que le juge d'instruction saisi ne peut entendre comme témoin une personne contre laquelle il existe des indices graves et concordants. Il s'agirait, en effet, d'un détournement des droits de la défense.

Mais cette obligation ne doit pas seulement concerner le juge d'instruction saisi, celui qui est en charge du dossier de l'accusation. Si quelqu'un est entendu comme témoin par un autre juge d'instruction, sur des faits éventuellement instruits ailleurs, il doit également bénéficier du principe de l'article 105. Toute personne appelée à témoigner peut donc invoquer le principe suivant lequel elle ne saurait être tenue de témoigner contre elle-même.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement, et je me demande si le premier alinéa de l'article 109 est le meilleur endroit pour mettre en oeuvre ce principe.

M. le président.

M. Devedjian ?

M. Patrick Devedjian.

Je le pense. Selon l'article 109, toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. C'est donc bien à ce moment où le témoignage est défini que doit être posé le principe selon lequel on ne peut être tenu de témoigner pour se porter préjudice.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 15 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« Après le IV de l'article 6, insérer l'alinéa suivant :

« V. - Dans le quatrième alinéa de l'article 154 du code de procédure pénale, après les mots : « Les dispositions des articles », il est ajouté le chiffre : "63". »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agit de tirer les conséquences, en ce qui concerne la garde à vue, de la distinction entre témoin et suspect.

Si le témoin est convoqué chez le juge d'instruction, il ne doit y rester que le temps strictement nécessaire à son audition.

Mais s'il est convoqué chez un officier de police judiciaire, qui agit sur commission rogatoire, l'obligation doit être la même. Et pour qu'elle soit la même, il faut pouvoir contrôler que le gardé à vue est un suspect et non un témoin. C'est la raison pour laquelle il est indispensable que l'article 63 soit visé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Sauf erreur de ma part, nous avons adopté tout à l'heure un amendement selon lequel un témoin, quel que soit le type de procédure, ne peut plus être gardé à vue, même lorsque la police enquête sur commission rogatoire.

Je ne comprends donc pas l'intérêt de votre amendement.

M. Patrick Devedjian.

Vous avez raison, mais encore faut-il savoir que l'on est témoin. Il faut donc bien qu'on vous dise en quelle qualité vous êtes convoqué !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Le texte dont vous parlez ne concerne que la garde à vue. Donc, nous ne pouvons pas évoquer la situation des témoins.


page précédente page 02832page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. Patrick Devedjian.

Vous êtes convoqué par l'officier de police judiciaire sur commission rogatoire. Il faut que vous sachiez en quelle qualité vous êtes convoqué : comme témoin ou comme suspect ? Si c'est comme témoin, on ne pourra vous garder que le temps strictement nécessaire, mais encore faut-il qu'on vous le dise.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Là, je suis d'accord avec vous ! Il faut préciser à quel titre la personne est convoquée. Mais dans quel texte ?

M. le président.

Finalement, madame le rapporteur, êtes-vous favorable à l'amendement no 16 ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'idée est bonne, mais le texte que vous visez, monsieur Devedjian, ne concerne que les gardés à vue.

M. Patrick Devedjian.

Non !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Cette précision est inutile dans la mesure où les dispositions de l'article 63 sont reprises dans l'article 154 du code de procédure pénale. Il n'est donc pas nécessaire d'y faire référence.

M. Patrick Devedjian L'article 63 n'est pas visé dans l'article 154.

Mme la garde des sceaux.

Mais les dispositions sont reprises dans l'article 154.

M. Patrick Devedjian.

Dans le dernier alinéa , il est écrit : « Les dispositions des articles 63-1, 63-2... » Pour

é viter toute ambiguïté, je propose de viser aussi l'article 63.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement no

16. (L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. - Il est inséré, après l'article 113 du même code, une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2.

« Du témoin assisté

« Art. 113-1 . - Toute personne nommément visée par un réquisitoire introductif et qui n'est pas mise en examen ne peut être entendue que comme témoin assisté.

« Art. 113-2 . - Toute personne nommément visée par une plainte avec constitution de partie civile et qui n'est pas mise en examen peut être entendue comme témoin assisté. Elle est obligatoirement entendue en cette qualité si elle en fait la demande.

« Toute personne nommément visée par une plainte ou une dénonciation et qui n'est pas mise en examen peut être entendue comme témoin assisté.

« Art. 113-3 . - Le témoin assisté bénéficie des droits reconnus aux personnes mises en examen.

« Art. 113-4 . - Lors de la première audition du témoin assisté, le juge d'instruction constate son identité, lui donne connaissance du réquisitoire introductif, de la plainte ou de la dénonciation et l'informe de ses droits.

Mention de cette information est faite au procès-verbal.

« Le juge d'instruction peut, par l'envoi d'une lettre recommandée, faire connaître à une personne qu'elle sera entendue en qualité de témoin assisté et l'informer des droits attachés à cette qualité. La lettre comporte les avertissements prévus à l'alinéa précédent. Elle précise que le nom de l'avocat choisi ou la demande de désignation d'un avocat commis d'office doit être communiqué au greffier du juge d'instruction.

« Art. 113-5 . - Le témoin assisté ne peut être placé sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire, ni faire l'objet d'une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation.

« Art. 113-6 . - Les dispositions du premier alinéa de l'article 105 ne sont pas applicables à la personne entendue comme témoin assisté.

« Art. 113-7 . - Le témoin assisté ne prête pas serment.

« Art. 113-8 . - Le juge d'instruction peut mettre en examen à tout moment de la procédure dans les conditions prévues à l'article 80-1, une personne entendue comme témoin assisté. Lorsque cette mise en examen est faite par lettre recommandée conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 80-1, cette lettre peut être adressée en même temps que l'avis prévu à l'article 175, qui précise alors que la personne dispose d'un délai de vingt jours pour formuler une demande ou présenter une requête sur le fondement du neuvième alinéa de l'article 81, de l'article 82-1, du premier alinéa de l'article 156 et du troisième alinéa de l'article 173. »

L'amendement no 270 n'est pas défendu.

M. Houillon et M. Goasguen ont présenté un amendement, no 184, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 113-2 du code de procédure pénale, substituer à la dernière phrase les deux phrases suivantes : "Elle est avertie dès le début de son audition q u'elle peut demander à bénéficier des droits reconnus aux personnes mises en examen. Mention de cet avis est faite au procès-verbal". »

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Je le retire, monsieur le président, car il est satisfait par les textes subséquents du projet.

M. le président.

L'amendement no 184 est retiré.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 90, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 113-4 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "et l'informe de ses droits", les mots : "l'informe de ses droits et procède aux formalités prévues aux deux derniers alinéas de l'article 116". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

L'amendement no 90 concerne le témoin assisté.

Pour que le témoin assisté puisse bénéficier de tous les droits du mis en examen, ce qui est l'essence même du projet concernant le témoin assisté, il doit être informé d'un certain nombre d'actes. Il faut donc que le juge d'instruction connaisse son adresse.

C'est en ce sens que nous demandons la modification de l'article 113-4 du code de procédure pénale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.


page précédente page 02833page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

90. (L'amendement est adopté).

M. le président.

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 91, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 113-4 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "et l'informer des droits attachés à cette qualité. La lettre comporte les avertissements prévus à l'alinéa précédent", la phrase suivante : "Cette lettre comporte les informations prévues à l'alinéa précédent". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de précision, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

91. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - Il est ajouté, après l'article 197 du même code, un article 197-1 ainsi rédigé :

« Art. 197-1 . - En cas d'appel d'une ordonnance de non-lieu, le témoin assisté peut, par l'intermédiaire de son avocat, faire valoir ses observations devant la chambre d'accusation. La date de l'audience est notifiée à l'intéressé et à son avocat conformément aux dispositions de l'article 197. »

L'amendement no 271 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Après l'article 8

M. le président.

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« Dans la deuxième phrase de l'article 92 du code de procédure pénale, les mots : "Il en donne" sont remplacés par les mots : "Il peut en donner". »

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agit de modifier l'article 92 du code de procédure pénale.

En effet, l'article 92 dispose : « Le juge d'instruction peut se transporter sur les lieux pour y effectuer toutes constatations utiles ou procéder à des perquisitions. Il en donne avis au procureur de la République, qui a la faculté de l'accompagner. »

Je propose qu'il soit écrit : « Il peut en donner avis ».

En effet, les officiers de police judiciaire, dans leur ressort, n'ont pas besoin d'avertir ni le juge mandant, ni le procureur de la République, quand ils se déplacent. Seul le juge d'instruction est soumis à l'obligation d'avertir le procureur de la République.

Et je tiens à vous dire que c'est l'un des moyens d'influence du Gouvernement sur la justice que le parquet soit informé des déplacements du juge d'instruction.

M. Daniel Marcovitch.

En hélicoptère !

M. Patrick Devedjian.

Oui, je sais : vous avez coupé les liens entre la chancellerie et le parquet. Mais vous n'avez pas coupé le téléphone.

M. Daniel Marcovitch et M. Arnaud Montebourg.

Nous parlons d'hélicoptère !

M. Patrick Devedjian.

Oui, nous l'avons payé ! Car nous avons perdu les élections à cause de l'hélicoptère. Le garde des sceaux sortant a été battu à cause de cela...

M. Arnaud Montebourg.

Mais pas Devedjian à Antony !

M. Patrick Devedjian.

... ce qui prouve, monsieur Montebourg, que, lorsque le parquet est hiérarchisé, le Gouvernement est responsable de ses agissements. Il en rend compte devant le peuple, devant la représentation nationale et il en subit les conséquences. La hiérarchisation du parquet à l'égard du Gouvernement est donc une bonne chose car elle rend possible une sanction. Nous sommes, mal, payés pour le savoir.

(Sourires.)

M. Jacques Floch.

Nous avons payé en 1993.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis défavorable.

Il faut rendre effectif le droit du procureur de la République à accompagner le juge d'instruction. Pour cela, il faut en aviser le procureur de la République.

M. Patrick Devedjian.

Là, je défends le juge d'instruction.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Et moi, le procureur de la République.

(Sourires.)

M. Patrick Devedjian.

C'est votre instrument.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis très défavorable à l'amendement no 17. Dans le monde auquel continue de se référer M. Devedjian, et où on donne des instructions aux procureurs, un tel amendement se justifie. Mais, ce n'est pas le système dans lequel je me situe.

J'ajoute que l'on peut être pour la hiérarchisation du p arquet et contre les instructions individuelles aux membres du parquet.

L'avis du juge d'instruction au procureur de la République avant un transport sur les lieux me paraît en effet justifié en raison des fonctions du ministère public qui doit être au courant de ce qui se passe dans son ressort.

C'est la même logique qui justifie que des officiers de police judiciaire se déplaçant sur le territoire national doivent en aviser le parquet territorialement compétent...

M. Patrick Devedjian.

Pas s'ils se déplacent sur commission rogatoire !

Mme la garde des sceaux.

... ou qui fait que le parquet est avisé si des audiences foraines ont lieu hors du tribunal.

Donc, cela n'a rien à voir...

M. Patrick Devedjian.

Si !

Mme la garde des sceaux.

... avec la question de l'égalité des armes. D'ailleurs, le projet du Gouvernement, en augmentant les droits des parties, permettra à un avocat


page précédente page 02834page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

qui demande une reconstitution d'être présent pendant cette opération. Il n'est pas acceptable de justifier cet amendement par le risque de voir le parquet être responsable de fuites avant un déplacement du juge.

M. Patrick Devedjian.

On a déjà vu de tels cas !

Mme la garde des sceaux.

En tout état de cause, le juge est libre de décider du moment où il avise le parquet de son déplacement.

Par conséquent, aucun des arguments ne tient pour justifier l'amendement no

17.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Devedjian et M. Cazenave ont présenté un amendement, no 18, ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« L'article 152 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'officier de police judiciaire ne peut procéder à aucune perquisition si elle n'est spécialement visée par la commission rogatoire ou dûment autorisée par le juge mandant ».

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Il s'agit de lutter contre les commissions rogatoires à caractère général.

Aucune perquisition ne doit pouvoir être faite sans que le juge ne l'ait spécialement autorisée. Or, dans la pratique, le juge d'instruction envoie une commission rogatoire générale et l'officier de police judiciaire perquisitionne n'importe où, chez n'importe qui.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Christine Lazerges, rapporteur.

J'ai toujours pensé et lu que les commissions rogatoires ne devaient pas être générales...

M. Patrick Devedjian.

Mais elles le sont !

Mme Christine Lazerges, rapporteur...

qu'elles étaient limitées dans le temps et dans l'espace et que la chambre criminelle y veillait fermement.

M. Arnaud Montebourg.

Exactement.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Donc, il m'apparaît que cet amendement n'est pas d'une grande utilité compte tenu du contrôle qu'exerce notre juridiction, qui n'est pas supérieure mais qui juge en droit.

M. Patrick Devedjian.

Vous nous avez parlé tout à l'heure de la pratique par rapport à la théorie.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Oui, mais là, le contrôle de la Cour de cassation est réel.

M. Patrick Devedjian.

Quand elle est saisie ! Trois ans après la perquisition !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

C'est un problème qui a déjà été tranché.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

L'amendement no 18 se situe dans la lignée de ceux que s'acharne à présenter l'opposition. Obliger des officiers de police judiciaire, qui sont généralement dans un mouvement d'investigation, à revenir chez le juge d'instruction reviendrait à ralentir considérablement les enquêtes.

M. Patrick Devedjian.

Et les fax ?

M. Arnaud Montebourg.

Ce serait obliger le juge d'instruction à consacrer l'essentiel ou une grande partie de son temps à du formalisme qui n'apporte aucune garantie, de surcroît, aux personnes qui font l'objet de perquisitions, car vous vous doutez bien que si les officiers de police judiciaire vont perquisitionner, c'est qu'ils ont obtenu l'autorisation du juge d'instruction. Ils ne perquisitionnent pas n'importe où au gré de leurs caprices.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Albertini, Blessig, Deprez et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 65, ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« Il est ajouté, après l'article 429 du même code, un article 429-1 ainsi rédigé :

« Art. 429-1. Toute dénonciation doit comporter l'identité de son auteur. A défaut, elle ne saurait être utilisée comme moyen de preuve d'une quelconque infraction. »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

La dénonciation est un acte grave par ses conséquences. On peut tous déplorer que les dénonciations anonymes se multiplient,...

M. Arnaud Montebourg.

On les fabrique !

M. Pierre Albertini.

... ou qu'on les fabrique, le cas échéant. Mais je n'ose plus parler de manipulations parce que, chaque fois qu'on emploie ce terme, on est immédiatement taxé de vouloir défendre excessivement les droits de la défense.

M. Arnaud Montebourg.

Il suffirait de ne pas être excessif.

M. Pierre Albertini.

C'est peut être un conseil que vous pourriez vous appliquer de temps à autre !

M. Arnaud Montebourg.

Quand vous voulez !

M. Patrick Devedjian.

Tout de suite ! (Sourires.)

M. Pierre Albertini.

Les dénonciations anonymes sont une pratique condamnable dans une démocratie respectueuse de la dignité de la personne. Dans cet amendement, je tiens à faire un rappel de principe : une dénonciation doit comporter l'identité de son auteur, faute de quoi, elle ne peut être utilisée comme moyen de preuve.

C'est déjà ce que la jurisprudence considère. Mais il y a des choses qui vont sans doute mieux en les exprimant.

M. Patrick Devedjian.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Avis défavorable.

Sur le principe, la délation fait hurler. Mais rendez-vous compte ce que veut dire, pour un jeune dans un quartier difficile, d'indiquer que tel ou tel fait délictueux est en train de se commettre. Si l'anonymat rend sa dénonciation inutile, il ne dénoncera plus rien. Signer certains actes de dénonciation est difficile.

M. Pierre Albertini.

Vous n'interprétez pas correctement mes propos.

M. Patrick Devedjian.

La dénonciation ne peut pas être une preuve.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Ce n'est pas en soi une preuve, nous somme bien d'accord.


page précédente page 02835page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. Pierre Albertini.

Si nous sommes d'accord, alors écrivons-le !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Comme tout un chacun ici, je n'aime pas les dénonciations anonymes mais celles-ci ne peuvent, aucun cas, constituer un moyen de preuve fondant une condamnation.

M. Arnaud Montebourg.

Jamais !

M. Patrick Devedjian.

Mais elle permet d'ouvrir une information judiciaire.

Mme la garde des sceaux.

La rédaction de l'amendement pourrait laisser croire que la dénonciation anonyme ne peut même pas constituer un élément d'enquête.

M. Philippe Houillon.

Non ! Si les mots ont un sens, on ne peut pas comprendre cela.

Mme la garde des sceaux.

C'est un risque.

Autant il ne faut pas que la dénonciation soit un moyen de preuve, autant il faut que les magistrats puissent, dans des conditions qui sauvegardent les principes juridiques, procéder à des vérifications, quelles que soit l'appréciation morale que l'on porte sur ce type de moyen. Mais risquer de priver les magistrats de la possibilité de procéder à ces vérifications me paraît, pour le coup, excessif.

M. Arnaud Montebourg.

Merci !

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

Mme Frédérique Bredin.

C'est un débat important et difficile parce qu'il touche à un sujet tabou dans notre pays. Nous avons en effet en ce domaine des souvenirs historiques un peu pénibles. Mais les pratiques de délation ont perduré et elles sont même beaucoup plus généralisées, qu'on ne le croit, et utilisées par un certain nombre d'administrations publiques.

L'amendement no 65 est important en termes symboliques, mais il n'apporte rien de concret dans la mesure où il est évident, aujourd'hui, qu'une dénonciation anonyme ne peut être utilisée comme moyen de preuve. Je comprends par ailleurs très bien l'argumentation du garde des sceaux qui nous explique que c'est un élément qui ne peut pas non plus être négligé comme moyen d'enquête dans un certain nombre d'affaires, et l'on pense évidemment aux enfants victimes d'infractions sexuelles ou au cas cité par le rapporteur.

Je proposerai qu'on y réfléchisse sérieusement d'ici à la deuxième lecture et qu'on trouve une rédaction accept able - parce que j'espère que nos objectifs sont communs ...

M. Pierre Albertini.

Tout à fait !

Mme Frédérique Bredin.

... qui tiendrait compte des propos du garde des sceaux et du rapporteur selon lesquels la délation anonyme n'est ni un moyen de preuve ni même un moyen à encourager dans l'enquête.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Je suis pour ma part favorable à l'amendement no 65. Les raisons historiques ont été rappelées. Il y a cinquante ans, on comptait des millions de dénonciations anonymes. D'autres temps, me direz-vous ! Mais cela pourrait se reproduire.

En outre, ce procédé permet de se fabriquer à soimême des preuves et cela me fait peur. Je ne veux ne va pas porter d'accusation, mais on sait bien que cela existe et que ce procédé est utilisé pour lancer un dossier, parce qu'on n'a pas d'autre moyen. Et c'est intolérable.

Je note par ailleurs le caractère symbolique de cet a mendement. Il n'est pas question d'empêcher des enquêtes. Mais globalement, après avoir pris en considération les inconvénients soulignés à juste titre par Mme la garde des sceaux et le caractère infect d'un certain nombre de dénonciations, je penche en faveur de l'amendement de M. Albertini.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Je soutiens l'amendement de M. Albertini qui ne signifie pas que le parquet est dans l'impossibilité de conduire une enquête à partir d'une dénonciation anonyme. Il veut simplement dire qu'une dénonciation anonyme ne peut pas servir de moyen procédural. Elle n'est pas une preuve loyale. On ne peut pas, à partir d'une dénonciation anonyme, faire un réquisitoire introductif ou supplétif, lancer une commission rogatoire et s'en servir comme base d'un acte de procédure. Telle est la signification de l'amendement de M. Albertini, et à cet égard il n'est pas inutile car on a vu des procédures fonctionner ainsi.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Voilà un dossier très difficile, que nous abordons de façon incidente.

Il faut rappeler que la France, contrairement à d'autres pays, ne garantit aucune protection juridique au dénonciateur. C'est un point faible qui encourage l'anonymat.

Et le débat doit être abordé dans le cadre beaucoup plus général, beaucoup plus réfléchi - c'est le point sur lequel je serai d'accord avec Frédérique Bredin - de la protection du dénonciateur, y compris du dénonciateur qui serait lui-même impliqué dans les faits qu'il dénonce à l'autorité judiciaire, administrative ou fiscale.

J'ajoute que, si l'amendement, tel que M. Devedjian l'interprète, était adopté, il serait une barrière juridique à la possibilité pour l'autorité judiciaire - je pense surtout au parquet, dans le cadre d'une enquête préliminaire relevant de ses pouvoirs propres - d'engager le moindre début de vérification des éléments qui auraient été portés à sa connaissance.

M. Daniel Marcovitch.

C'est en effet ce qu'a dit M. Devedjian !

M. Arnaud Montebourg.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

J'ai dit le contraire !

M. Pierre Albertini.

Oui ! Nous avons dit le contraire !

M. Arnaud Montebourg.

Il s'agit donc d'un amendement amnistiant,...

M. Pierre Albertini.

Non !

M. Arnaud Montebourg.

... au sens où un certain nombre d'affaires dénoncées par la voie anonyme ne pourront faire l'objet de vérifications, pour une raison simple, liée à l'absence de protection des dénonciateurs.

En conséquence, je prie l'Assemblée nationale de bien vouloir, avec la meilleure sagesse qui soit, rejeter l'amendement qui, dans le contexte politique que nous vivons, me paraîtrait déplacé, et qui, de surcroît, constituerait une entrave grave - je pèse mes mots - au fonctionnement normal de l'autorité judiciaire.

M. Louis Mermaz.

Tout à fait !

Mme Frédérique Bredin.

On m'a fait dire des choses que je n'ai pas dites ! Je ne peux l'accepter...

M. Pierre Albertini.

Je demande la parole...


page précédente page 02836page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

M. le président.

Déjà quatre personnes sont intervenues après la commission et le Gouvernement. Vous avez été cités par M. Montebourg, mais il ne s'agissait pas d'attaques personnelles.

M. Pierre Albertini.

On a donné une mauvaise interprétation de ce que nous avons dit...

M. le président.

C'est bien souvent comme cela que se développe la dialectique entre l'opposition et la majorité ! (Sourires.) L'argument ne vaut pas car il est trop général.

M. Alain Tourret.

Le groupe RCV est bien seul !

M. le président.

Je rappelle que quatre orateurs ont pu s'exprimer après la commission et le Gouvernement, ce qui a été dû à mon laxisme. (Sourires.)

La commission et le Gouvernement s'expriment quant à eux quand ils le souhaitent.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

La présente discussion est bien la preuve que l'amendement n'est pas au point. Le problème existe cependant. Je suggère donc que, d'ici à la deuxième lecture, nous revoyions la question de façon approfondie au lieu d'adopter aujourd'hui tel quel un amendement qui, d'ailleurs, mélange deux choses : faut-il que l'identité de tous les dénonciateurs soit précisée ? Quelle est la valeur probante d'une dénonciation ? Je suis toujours défavorable à l'amendement, mais je suis consciente du problème. Nous pourrions, d'ici à la deuxième lecture, essayer de trouver une solution acceptable.

M. Patrick Devedjian.

Des fois qu'ils rejoindraient la proposition de loi de M. Tourret !

M. Daniel Marcovitch.

Cela ne changerait pas grandchose !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Très franchement, si les mots ont un sens, le fait de préciser que toute dénonciation anonyme « ne saurait être utilisée comme moyen de preuve d'une quelconque infraction » ne doit évidemment pas faire obstacle à une enquête préliminaire.

Monsieur Montebourg, il est trop facile d'attribuer à quelqu'un ce qu'il n'a pas dit et, ensuite, de le critiquer.

M. Arnaud Montebourg.

J'ai répondu à M. Devedjian !

M. Pierre Albertini.

M. Devedjian et moi-même avons dit la même chose. Vous devriez écouter un peu plus attentivement ! Je conviendrais volontiers qu'on pourrait ajouter la précision souhaitée par Mme le rapporteur, à savoir que toute dénonciation anonyme ne pourrait être utilisée comme un moyen de preuve pouvant justifier une condamnation, par exemple.

Mais, sur le principe, on ne peut sans cesse refuser de considérer le caractère profondément malsain de la dénonciation anonyme, cautionner celle-ci par le silence et, parfois même, l'encourager.

L'amendement a une portée symboliqe forte. Il se justifie donc pleinement.

M. Arnaud Montebourg.

Je demande la parole...

M. le président.

Mon cher collègue...

M. Arnaud Montebourg.

La parole est à la défense ! (Sourires.)

M. le président.

Il ne s'agit pas d'appliquer le code de procédure pénale, mais le règlement de l'Assemblée !

M. Arnaud Montebourg.

C'était une boutade, monsieur le président.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je voulais citer à mon honorable collègue de l'opposition l'exemple d'un conseil général d'un département de France.

Une lettre anonyme est arrivée sur le bureau du préfet et du procureur de la République. Le préfet n'en a rien fait : il n'a aucun pouvoir d'investigation, si ce n'est un pouvoir interne à l'administration et à l'intérieur de ses services. Le procureur a, quant à lui, fait procéder à une première vérification dans les formes de l'enquête préliminaire, qui a permis de corroborer un certain nombre d'informations qui figuraient dans la lettre.

Avec l'amendement, il n'y aurait plus d'enquête préliminaire...

M. Patrick Devedjian.

Ce n'est pas vrai !

M. Pierre Albertini.

Non, bien sûr !

M. Arnaud Montebourg.

... car il introduirait une cause de nullité dans la procédure pénale.

M. Patrick Devedjian.

Nous avons dit le contraire !

M. Arnaud Montebourg.

L'affaire que j'évoque a abouti à la mise en examen et à la condamnation partielle de soixante-douze personnes - des élus aux fonctionnaires, en passant par les entrepreneurs faux facturiers.

Monsieur Albertini, vous qui êtes si modéré dans la présentation de votre amendement, je trouve que vous faites preuve d'excès dans son contenu.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

65. (L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 9

M. le président.

Je donne lecture de l'intitulé de la section 5 :

« Section 5. Dispositions renforçant les droits des parties au cours de l'audience de jugement. ».

Mme Lazerges, rapporteur, a présenté un amendement, no 92, ainsi libellé :

« Avant l'article 9, insérer l'article suivant :

« L'article 312 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 312. Sous réserve des dispositions de l'article 309, l'accusé et la partie civile peuvent poser des questions, par l'intermédiaire du président, aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre.

« Sous les mêmes réserves, le ministère public et les conseils de l'accusé et de la partie civile peuvent directement poser des questions aux accusés et aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au président. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Par parrallélisme avec l'article 9 du projet de loi, qui permet au ministère public et aux avocats des parties de poser des questions au prévenu sans passer par l'intermédiaire du président


page précédente page 02837page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

du tribunal correctionnel, cet amendement autorise les questions directes du ministère public et des conseils de l'accusé et de la partie civile dans un procès criminel.

M. Patrick Devedjian.

Très bien !

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Il reprend une disposition qui figurait dans la réforme qu'une partie l'Assemblée avait engagée concernant la cour d'assises.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

92. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 263 et 264, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 263, présenté par Mme Gillot, est ainsi libellé :

« Avant l'article 9, insérer l'article suivant :

« L'article 345 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art.

345. - Si l'accusé est sourd, le président nomme d'office une interface : interprète en langue des signes, codeur en langage parlé complété ou transcripteur.

« Il en est de même à l'égard du témoin sourd.

« Le président fait prêter serment à l'interface d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience.

« Si le sourd sait écrire, le greffier écrit les question ou observations que peut vouloir faire le président par écrit ; elles sont remises à l'accusé ou au témoin qui donne par écrit ses réponses.

« Il est fait lecture du tout par le greffier. »

L'amendement no 264, présenté par Mme Gillot, est ainsi libellé :

« Avant l'article 9, insérer l'article suivant :

« L'article 408 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art.

408. - Si le prévenu est sourd, le président nomme d'office une interface : interprète en langue des signes, codeur en langage parlé complété ou transcripteur.

« Il en est de même à l'égard du témoin sourd.

« Le président fait prêter serment à l'interface d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience.

« Si le prévenu sourd sait écrire, le greffier écrit les questions ou observations que peut vouloir faire le président par écrit ; elles sont remises à l'accusé ou au témoin qui donne par écrit ses réponses.

« Il est fait lecture du tout par le greffier. »

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot.

Par ces amendements, je souhaite attirer l'attention du législateur sur une partie de la population composée de personnes qui ont bien du mal à faire reconnaître leurs droits, à se faire comprendre et à comprendre la situation dans laquelle elles se trouvent : je veux parler des personnes sourdes.

A plusieurs reprises, je me suis faite ici l'avocate de ces personnes, qui se trouvent en grande difficulté, notamment quand elles sont devant une juridiction qui n'est pas avertie de leur déficit de communication.

Je pense que l'introduction dans le code de procédure pénale des dispositions que je propose permettra de garantir les droits des personnes concernées et intégrera dans ce code les progrès réalisés pour permettre à celles-ci de dépasser leur handicap.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Christine Lazerges, rapporteur.

Ces amendements sont excellents. Il n'y a aucune raison que chaque tribunal soit en mesure de faire traduire diverses langues et pas celle des sourds.

M. Patrick Devedjian.

Très juste !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis tout à fait favorable aux deux amendements. Je demanderai simplement à M. Gillot que, à l'occasion de la navette, nous cherchions les moyens de préciser leur rédaction car la notion d'« interface » n'est pas très juridique. Nous trouverons forcément la rédaction adéquate.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 263.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 264.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de Mme Nicole Feidt et des membres du groupe socialiste et apparentés, une proposition de loi organique relative au statut de la magistrature.

Cette proposition de loi organique, no 1494, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Guy Hermier et des membres du groupe communiste et apparentés, une proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l'existence des génocides, et notamment du génocide du peuple arménien.

Cette proposition de loi, no 1487, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Olivier de Chazeaux, une proposition de loi relative à la responsabilité des hébergeurs de sites Internet.


page précédente page 02838page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

Cette proposition de loi, no 1488, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Marc Dumoulin, une proposition de loi tendant à limiter les recours abusifs exercés contre des déclarations d'utilité publique.

Cette proposition de loi, no 1489, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Philippe Vasseur, une proposition de loi relative aux conditions de cumul des missions des architectes des bâtiments de France.

Cette proposition de loi, no 1490, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Yves Nicolin, une proposition de loi tendant à modifier l'article 104 du code des marchés publics.

Cette proposition de loi, no 1491, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Yves Nicolin, une proposition de loi relative au recrutement des salariés à domicile.

Cette proposition de loi, no 1492, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. François Goulard et M. Gilbert Gantier, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la Bibliothèque nationale de France.

Cette proposition de résolution, no 1493, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

6 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. François Patriat, un rapport, no 1481, fait au nom de la commission de la production et des échanges en nouvelle lecture, sur le projet de loi, modifié par le Sénat a près déclaration d'urgence, d'orientation agricole (no 1360).

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Jean-Pierre Michel, un rapport, no 1482, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité (no 1479).

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de Mme Marie-Françoise Clergeau, un rapport, no 1485, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur le projet de loi, modifié par le Sénat, créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » (no 1422).

7 DÉPÔT DE RAPPORTS

SUR DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Bernard Kern, un rapport, no 1484, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de résolution de M. Bernard Accoyer tendant à créer une commission d'enquête sur la gestion de la caisse autonome de retraite des médecins français (no 1338).

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Alain Calmat, un rapport, no 1486, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur la proposition de résolution de M. André Thien Ah Koon tendant à la création d'une commission d'enquête sur le fonctionnement du service hospitalier dans le département de la Réunion (no 1372).

8 DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Paul Quilès, un rapport d'information, no 1495, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission de la défense nationale et des forces armées, sur les négociations relatives au concept stratégique de l'OTAN et leurs conséquences sur la politique de défense et de sécurité.

9 DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président.

J'ai reçu, le 24 mars 1999, de M. Patrick Bloche un avis, no 1483, présenté au nom de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité (no 1479).

10

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures, première séance publique : Discussion de la proposition de loi, no 1403, de M. Pierre Cardo et plusieurs de ses collègues, relative à l'enfance en danger et aux mineurs délinquants : M. Pierre Cardo, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1472).


page précédente page 02839

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 24 MARS 1999

(Ordre du jour complémentaire.)

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1079, renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes : Mme Christine Lazerges, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1468).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 25 mars 1999, à une heure.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT