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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

ARTHUR PAECHT

1. Remplacement d'un député décédé (p. 3057).

M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 3057)

2. Pacte civil de solidarité. - Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi (p. 3057).

QUESTION PRÉALABLE (p. 3057)

Question préalable de M. José Rossi : M. Dominique Dord, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la j ustice ; MM. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Patrick Delnatte, Mmes Véronique N eiertz, Christine Boutin, Muguette Jacquaint, MM. Claude Goasguen, Guy Hascoët. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 3068)

Mme Yvette Benayoun-Nakache,

MM. Maurice Leroy, Guy Hascoët, Jean-François Mattei, Mme Muguette Jacquaint,

MM. Patrick Devedjian, Jean-Pierre Blazy, Mme Christine Boutin,

MM. Georges Sarre, Patrick Braouezec, Yann Galut, Philippe de Villiers.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE

RENVOI EN

COMMISSION (p. 3081)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteBlazy : M. Henri Plagnol, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Bernard A ccoyer, Claude Goasguen, Maurice Leroy,

Mme Muguette Jacquaint, M. Jacques Floch. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Fait personnel (p. 3088).

Mme Christine Boutin, M. le président.

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 3088).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 REMPLACEMENT D'UN DÉPUTÉ DÉCÉDÉ

M. le président.

J'ai reçu, en application des articles L.O.

176-1 et L.O.

179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l'intérieur, en date du 30 mars 1999, m'informant du remplacement de Michel Crépeau, député de la première circonscription de la Charente-Maritime, décédé, par M. Maxime Bono.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La commission n'ayant pas achevé ses travaux, je vais suspendre la séance.

La séance est suspendue.

(La séance est reprise à vingt et une heures dix.)

M. le président.

La séance est reprise.

2 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité (nos 1479, 1482).

Cet après-midi, l'Assemblée s'est arrêtée après le rejet de l'exception d'irrecevabilité.

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants u ne question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il m'appartient, au nom du groupe Démocratie libérale et Indépendants, de défendre la question préalable. Mais je souhaite auparavant faire le point sur le déroulement de la procédure.

Nous sommes à peu près à la moitié de la procédure parlementaire ordinaire : la présente lecture à l'Assemblée nationale sera suivie par un nouvel examen par le Sénat, puis par la réunion de la commission mixte paritaire. Le texte reviendra encore devant notre assemblée et fera vraisemblablement l'objet d'un nouvel examen par le Sénat avant que l'Assemblée nationale ne tranche en dernière lecture. Je vous convie donc à réfléchir avec moi sur la meilleure manière d'utiliser le temps qui nous est donné pour débattre sur ce sujet, même si nous constatons ce soir que la passion est un peu retombée, sur tous les bancs.

Soit nous utilisons jusqu'au bout la procédure pour la procédure en considérant que tout est joué et que, de toute façon, l'opposition a juridiquement tort, étant politiquement minoritaire, soit - et j'ai personnellement envie de relever le défi - nous essayons de mieux nous comprendre et de progresser sur le chemin qui me semble être souhaitable pour un texte qui vise à réformer l'organisation sociale dans notre pays, c'est-à-dire le chemin du consensus.

Je dis tout de suite que je n'ai pas d'état d'âme. Je reconnais très volontiers à Mme la garde des sceaux et à M. le rapporteur le mérite de l'initiative sur ce débat. Ils ont entraîné la représentation nationale à réfléchir sur ces questions et ils ont sans doute pris une longueur d'avance. Cela ne me gêne pas de le dire, comme il ne me gêne pas de dire non plus que les questions posées à l'occasion de ce débat sont légitimes et réelles.

Sommes-nous capables sur ces bases de nous entendre, de nous écouter et de progresser dans notre travail ? Vous me répondrez que quelques résultats ont déjà été obtenus après les discussions que nous avons eues ensemble. En effet, lors de l'examen en première lecture, à l'Assemblée comme au Sénat - vous l'avez d'ailleurs souligné l'un et l'autre, madame la garde des sceaux et monsieur le rapporteur -, le texte a été modifié, a progressé, a été amélioré. Cela prouve que ce que vous avez considéré, pour une part, comme de l'obstruction en première lecture s'est malgré tout avéré utile. Cela nous a donné, en tout cas, à nous comme à vous, le temps de modifier un certain nombre de nos arguments. Mais, si vous avez introduit de nouvelles données, si vous avez tenu compte d'un certain nombre de remarques techniques ou juridiques sur lesquelles nous avions attiré légitimement votre attention, vous restez, malgré tout, arc-boutées sur votre position et, compte tenu de ce que je vais dire maintenant, je ne peux m'empêcher de penser que les seules raisons à cela sont politiques. En effet, si nous écartons le problème politique, c'est-à-dire la promesse que vous avez faite à un petit lobby représentant bien mal d'ailleurs, à mon avis - on l'a connstaté ces derniers jours - la population homosexuelle dans notre pays, et si nous gardons seulement la volonté que vous manifestez de régler vraiment les problèmes les plus criants qui se posent à nos


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

compatriotes vivant ensemble en dehors du mariage, je crois que nous pouvons très largement nous mettre d'accord. Bref, si nous privilégions une approche pragmatique, je crois que nous pouvons assez facilement trouver un terrain d'entente. Si nous consentons cet effort, vous pourrez, au-delà de cette enceinte, rallier neuf Français sur dix à la nécessaire adaptation de notre droit à l'évolution des moeurs, alors que, pour l'instant, nous n'avons réussi, les uns et les autres, qu'à les opposer.

J'ai la conviction que c'est encore possible car, madame la garde des sceaux, l'amour dont vous parliez tout à l'heure, la dimension sentimentale, ne s'oppose pas à l'acquisition de droits nouveaux. Ce n'est pas l'un ou l'autre mais bien évidemment - et vous en êtes d'accord l'un et l'autre qu'il nous faut viser.

La première lecture m'a laissé - pourquoi ne pas le dire ? - un goût sinon amer, du moins mitigé dont les premiers discours que j'ai entendus aujourd'hui, et notamment le vôtre, madame la garde des sceaux, m'ont donné quelques réminiscences. Aux questions légitimes que nous avons posées, aux convictions que nous avons exprimées et qui étaient heurtées par certains aspects de votre proposition, il a souvent été répondu par la caricature ou l'anathème. Nous y avons d'ailleurs, les uns et les autres, notre part de responsabilité. De même, ceux qui nous écoutent et qui relatent nos débats se sont quelquefois laissé aller à la caricature. Mais, dans un débat qui touche, je le répète, à l'organisation sociale et aux convictions des uns et des autres - les vôtres valent les nôtres et je vous demande de les respecter comme j'essaie de respecter les vôtres - je pense que l'on ne peut pas répondre par l'anathème, la caricature, la petite phrase ou l'indifférence. C'est parfois pire et, pour celui qui défend ses convictions, c'est autant de blessures qui, je vous prie de le croire, peuvent être profondes.

Je veux à cet égard saluer une fois encore la cohérence, l'esprit d'écoute de notre rapporteur qui jamais n'a caché ses objectifs, ni fui sa responsabilité ; il s'est toujours efforcé de nous convaincre et de démontrer plutôt que d'asséner ou de se plonger, comme on en a vu certains, dans les délices de quelque lecture.

Cela dit, mes chers collègues, qui peut sérieusement prétendre que nous avons été écoutés en première lecture alors qu'on a essayé de faire croire qu'il suffisait d'être assis sur les bancs de l'opposition pour être hostile à toute évolution de notre droit parallèlement à l'évolution de nos moeurs ? Qui peut sérieusement prétendre que nous avons été entendus alors qu'on nous a accusés de vouloir donner des leçons de morale à la terre entière au seul motif que nous tentions de défendre - maladroitement sans doute un modèle de stabilité et de fécondité sociale, conformément à ce que nous estimions être notre mission ? Qui peut sérieusement prétendre que nous avons été respectés quand on a affirmé, et répété encore tout à l'heure, madame la garde des sceaux, que le PACS s'adressait à des millions de nos concitoyens, alors que plus de neuf sur dix des cinq millions d'unions libres que vous recensez - je ne sais d'ailleurs comment - n'existent en fait qu'à titre transitoire et n'appellent ni ne souhaitent aucune forme de reconnaissance juridique ? Qui peut sérieusement prétendre que nous avons été écoutés quand on nous a reproché de surfer sur les peurs de l'opinion ou d'user de démagogie tout en prétendant, dans la plus totale contradiction, que la majorité de nos concitoyens est favorable à votre projet ? Il faudrait savoir : ou bien nous surfons sur les peurs d'une opinion majoritaire, auquel cas vous pouvez nous taxer de démagogie, ou bien c'est vous qui avez la majorité de votre côté ! En tout cas, il paraît difficile de soutenir les deux choses à la fois...

Qui, enfin, peut sérieusement prétendre que nous avons été écoutés après avoir laissé penser que nous cher cherions à imposer une vision sûre d'elle-même, arrogante et dominatrice d'une organisation sociale dont les concubins seraient à jamais exclus, alors que, amendement après amendement, nous nous attachons à porter remède aux injustices dont pâtissent les couples hors mariage en allant au moins aussi loin que vous, sinon plus loin encore, pour les pensions de réversion par exemple ? Pouvons-nous accepter d'être traités, par des qualificatifs divers, de rétrogrades au seul motif que nous redoutons, en toute bonne foi,...

M. Alain Clary.

Sûrement !

M. Dominique Dord.

... qu'un même statut proposé simultanément aux couples homosexuels et aux couples hétérosexuels ne constitue qu'une étape vers un autre objectif que nous refusons, dont plusieurs d'entre vous ne veulent pas non plus, y compris vous-même, madame la ministre, pour l'avoir répété à plusieurs reprises, en l'occurrence l'accès indifférencié à l'adoption ou à la procré ation médicalement assistée ? A l'évidence, nos remarques n'ont pas été réellement entendues. Pouvons-nous au moins espérer vous montrer à ce stade, au moins une fois, qu'il est possible d'être opposé au pacte civil de solidarité tout en étant favorable à l'avancée de certains droits à nos yeux prioritaires ? C'est en tout cas notre état esprit depuis le début du débat : je vous l'avais indiqué dès mon intervention dans la discussion générale en première lecture, mais on aura probablement feint de ne pas l'entendre. En tout cas, c'est passé par pertes et profits...

Evidemment, il y a eu le texte du Sénat.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh, oui !

M. Dominique Dord.

Il n'est pas parfait...

M. Jean-Claude Perez.

Vous avez raison !

M. Dominique Dord.

... mais il a malgré tout l'immense mérite d'accréditer la position que je m'efforce de vous rappeler et que nous défendons depuis la première lecture : il est possible d'apporter certains droits, de régler certaines injustices sans pour autant passer par le PACS.

La preuve en est que le Sénat propose un autre véhicule juridique, une autre voie, une autre forme possible d'intervention, en l'occurrence la définition du concubinage dans notre code civil. Mais il en existe bien d'autres encore que le PACS pour résoudre exactement les mêmes problèmes et mettre fin aux mêmes situations d'injustice, par le constat et non par le contrat, par l'attestation et non par la consécration, sans risque de fichier, sans démarche publique, sans engagement de la société dans une formule que vous avez vous-même reconnue mal ficelée, tant vous l'avez modifiée et tenté de l'améliorer.

Du reste, et souffrez que l'on puisse le penser sincèrement, le pacte que vous instituez conduira à une impasse, faute d'avoir été capable d'imaginer un dispositif de sortie suffisamment protecteur de celui des deux qui se retrouvera laissé pour compte. C'est en général au moment de la sortie que l'on regarde son contrat ; or quand les concubins ayant signé un PACS se retourneront vers nous, ils s'apercevront bien vite que nous n'y avons prévu aucun dispositif de sortie ! Je ne crois pas, en toute bonne foi, qu'un contrat dont la fin est si mal ficelée constitue une immense avancée sociale.


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M. Alain Clary.

Sociétale !

M. Dominique Dord.

Sociétale, si vous voulez, cher collègue. Je vous remercie de m'écouter en même temps que vous faites votre courrier.

Le dispositif du Sénat, qui posait une définition du concubinage, en l'assortissant de drois liés et d'avantages fiscaux, répondait peut-être aussi bien, sinon mieux, aux aspirations des couples non mariés que celui que vous nous proposez. En reprenant l'un et l'autre en intégralité, sans chercher à réduire la proposition du Sénat, peut-être auriez-vous pris le risque de vider le PACS de sa substance, ou plutôt de son intérêt pour les concubins non mariés, quel que soit leur sexe. En effet, contrairement à ce que vous avez prétendu, madame la garde des sceaux, je suis persuadé que nos compatriotes vivant ensemble, mais hors mariage, n'attendent pas de prime abord une reconnaissance sociale. Ce qu'ils souhaitent en premier lieu, c'est que l'on mette fin aux injustices dont ils se sentent victimes et, accessoirement, qu'on leur ouvre certains droits reconnus aux couples mariés. La reconnaissance sociale vient bien après et se concrétisera de fait par l'obtention de droits nouveaux.

Auquel cas il ne resterait pas grand chose, dans la pratique, du PACS, puisque le dispositif du Sénat, tout en assurant presque intégralement les mêmes droits, ne comporte ni contrat ni fichier.

Mais vous avez largement modifié, dépecé la proposition du Sénat, essayant même de la caricaturer dans votre discours tout à l'heure. Ce n'était pas nécessaire. Contrairement à ce que vous prétendez, il existe une véritable concurrence entre les deux dispositifs, et c'est bien la raison pour laquelle vous avez tenu à vider celui du Sénat de sa substance.

Je vous ai entendue, madame le garde des sceaux, batailler au Sénat puis dans les journaux sur les avantages du PACS par rapport à la proposition sénatoriale. Vos accents n'étaient pas si éloignés des nôtres quand nous défendions en première lecture les avantages du mariage comparés à ceux du PACS.

Mme Christine Boutin.

Tout à fait !

M. Dominique Dord.

Le PACS permet une meilleure sécurisation des relations dans un couple et offrira plus de stabilité sociale, disiez-vous..., j'aurais cru nous entendre en première lecture !

Mme Christine Boutin.

Exactement !

M. Dominique Dord.

A ceci près qu'en première lecture, vous nous assuriez qu'il n'y avait pas de problème de concurrence entre le PACS et le mariage, que le PACS n'était pas le mariage.

A son tour, le Sénat a tenté de vous expliquer que le concubinage n'était pas le PACS. Pour ma part, je ne le crois pas. Il y a en réalité, c'est bien normal, une concurrence en fait entre tous ces mécanismes, a fortiori dans u ne époque où les hésitations de nos concitoyens l'emportent largement, vous le savez bien, sur la notion d'engagement.

Certes, madame le garde des sceaux, il y a l'amour, me disiez-vous,...

M. Yves Fromion.

Ah ! L'amour, enfin !

M. Gilbert Biessy.

Et la tendresse !

M. Dominique Dord.

Et la tendresse. Ce qui ne vous empêche pas de rappeler, quand cela vous arrange, par exemple dans le préambule du texte que vous nous avez soumis en première lecture, que le mariage régresse, même si l'amour demeure... Par conséquent, plutôt que d'inventer de nouveaux mécanismes, ne convient-il pas de renforcer, de valoriser les institutions ou les dispositifs existants pour assurer une meilleure sécurisation des relations dans un couple ?

M. Alain Clary.

Aimons-nous, aimons-nous !

M. Dominique Dord.

Il ne suffit pas de répéter, comme vous l'avez souvent fait, que le PACS n'a rien à voir avec le mariage ni avec le droit de la famille, pour que cela devienne une vérité. Encore faut-il le prouver, surtout quand vous-même décidez d'inscrire ce texte dans notre code civil, dans le droit de la famille ! Comment pourrons-nous croire, devant une intention aussi clairement affichée, que l'un et l'autre ne puissent avoir aucun rapport ? Cela paraît relativement difficile.

Au-delà de ces problèmes de concurrence, réels, et qui me paraissent être une des objections ou difficultés fondamentales à l'émergence de dispositifs nouveaux, le concubinage et le PACS ont une autre faiblesse, en ce que l'un comme l'autre écartent une forme de solidarité à laquelle je vous croyais attachée en première lecture, puisque le groupe socialiste en particulier et vous-mêmes vous vous êtes battus pour la maintenir alors que nous proposions de la supprimer : je veux parler des fratries. Dès lors que nous excluez les fratries du bénéfice du PACS et que le concubinage, qui signifie communauté de lit, les écarte de fait également, il ne vous est plus possible de les réintégrer dans votre dispositif. Nous y reviendrons dans la réforme du droit de la famille, avez-vous dit. J'attends de voir... Cette promesse sans délai ni contenu ne vous engage pas beaucoup.

Dernière faiblesse, dernier écueil, le plus important à mon sens : quel que soit le dispositif que vous imaginez, dès lors que vous prévoyez un même statut, un même contrat, une même définition solennelle dans le code civil pour des relations hétéro ou homosexuelles, comment ceux-ci pourront induire des droits différents par la suite ? Il serait trop facile d'écarter d'un revers de la main le problème en particulier de l'ouverture du droit à l'adoption ou à la procréation médicalement assistée...

M. Yann Galut.

C'est de l'obsession !

M. Dominique Dord.

Je vous remercie d'être arrivé, mais vous avez pris le débat en cours.

M. Yann Galut.

Je l'ai suivi.

M. Dominique Dord.

... alors que nous introduisons dans notre code civil un statut unique qui vise justement à mettre sur un pied d'égalité les couples homosexuels et hétérosexuels ? Expliquez-moi clairement une fois pour toutes, comment vous pourrez introduire une discrimination entre les droits reconnus aux uns et aux autres juste après leur avoir reconnu le même statut, le même contrat ou la même définition !

M. Jacques Floch.

Mais ils l'ont déjà, ce droit !

M. Dominique Dord.

Souffrez que ce point nous inquiète ; il ne sert à rien de maugréer sur vos bancs...

Encore une fois, apportez une seule vraie réponse à cette question et nous vous suivrons ! Vous vous contentez de crier au fantasme, de nous accuser de jouer avec les peurs, de répéter qu'il est inutile de l'écrire, que le problème ne se pose pas puisque le PACS n'est pas le droit de la famille et n'a rien à voir avec le mariage...

M. Patrick Leroy.

Vous êtes en train de tenter de vous convaincre vous-même !


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M. Dominique Dord.

Et pourtant, mes chers collègues, vos amis du lobby dont je parlais tout à l'heure...

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Le petit lobby !

M. Dominique Dord.

... prétendent quant à eux le PACS est une étape,...

M. Jacques Floch.

Mais ils l'ont déjà, le droit !

M. Dominique Dord.

... une étape pas terrible, mais une étape tout de même vers la reconnaissance du droit à l'adoption et à la procréation médicalement asssistée.

Jean-Pierre Michel lui-même, notre rapporteur, nous l'a dit en première lecture : « Je comprends qu'il faille que les enfants aient affaire à un couple de parents, mais je ne vois pas au nom de quoi les parents qui constituent ce couple ne pourraient pas être de même sexe. »

On ne peut évacuer cette question comme vous le souhaiteriez. Et il ne sert à rien de rigoler sous cape, mes chers collègues : essayez plutôt de vous expliquer, une bonne fois pour toutes, comment vous traitez ce problème. Plusieurs juristes nous signalent d'ores et déjà que la Cour européenne de justice n'hésitera pas une seconde à considérer que nous ne pouvons pas introduire ce type de discrimination juste après avoir fait l'effort, au nom du même principe de non-discrimination, d'instaurer un seul et même statut. Et d'autres exemples à l'étranger plaident dans le même sens.

Mme Christine Boutin.

Bien sûr !

M. Dominique Dord.

Voilà, mes chers collègues, l'état d'esprit dans lequel nous souhaitons avancer en deuxième lecture, avec l'espoir d'être écoutés et entendus, même si certains d'entre vous ne semblent pas en avoir l'intention, avec la sincère volonté, je vous prie de le croire, de résoudre vraiment les problèmes posés sans fragiliser davantage un édifice social dont nous voyons tous les jours, cumul des mandats oblige, à quel point il est déjà menacé. Oui, nous souhaitons faire avancer le droit tout autant que vous, mais sans ouvrir pour autant des pans entiers d'incertitude sociale. Nous ne souhaitons pas créer trois catégories d'unions...

M. Jacques Floch et M. Yann Galut.

Mariani a dit six !

M. Dominique Dord.

... où l'union libre jouerait le rôle de troisième classe. Nous croyons qu'il est possible de travailler avec seulement deux catégories, l'union libre et le mariage, tout en atténuant les injustices les plus flagrantes et en accordant des droits aux couples qui vivent hors mariage.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Dominique Dord.

Autour de quelle plate-forme pourrions-nous nous rassembler ? A mon avis, trois points devraient pouvoir susciter un consensus parmi toute l'Assemblée.

Premièrement, tout le monde paraît d'accord pour régler les problèmes qui se posent, non seulement pour obtenir des droits nouveaux, madame le garde des sceaux, mais pour mettre fin aux réelles injustices que vous avez pointées du doigt. Il ne s'agit pas de les mettre en balance avec les sentiments ou l'amour, comme vous avez essayé de le faire tout à l'heure, mais de les reconnaître pour ce qu'elles sont, sources de difficultés dans la vie q uotidienne de ceux qui vivent dans une relation d'amour, mais hors mariage. Aucune voix ne pourrait s'élever, me semble-t-il, contre une telle aspiration.

Deuxième point de consensus possible : prendre en compte le maximum de situations de solidarité nouvelles, que les partenaires aient entre eux des relations sexuelles ou non.

M. Alain Clary.

Et l'amour platonique ? (Sourires.)

M. Dominique Dord.

Vous avez été unanimes à voter cette disposition en première lecture. Elle ne devrait donc gêner personne : Troisième point de rencontre possible limiter au maximum les risques de confusion avec le statut de la famille.

Mme Véronique Neiertz.

Quel rapport ?

M. Dominique Dord.

Là aussi, vous devriez être d'accord, puisque Mme la garde des sceaux elle-même n'a cessé de répéter que les deux n'avaient rien à voir et qu'il fallait éviter toute confusion.

Pourquoi proposons-nous de le faire texte par texte - j'ai bien entendu votre litanie : « il suffit de, il suffit de » - et non en une seule fois dans le code civil ? Comme je viens de vous l'expliquer, à partir du moment où on réunira en une seule définition, un seul mécanisme, un seul statut, un seul contrat, des gens qui vivent d ans des situations totalement différentes, relations homosexuelles ou hétérosexuelles, on ne pourra pas ensuite distinguer entre les droits que vous accorderez aux uns ou aux autres. C'est pour cela que, même si c'est peut-être plus laborieux, si on peut s'en amuser et caricaturer, nous souhaitons le faire texte par texte, et en tout cas pas dans le code civil et pas dans le droit de la famille, pour éviter toute forme d'ambiguïté.

Notre approche, cela ne vous surprendra pas, me paraît, comme M. le rapporteur l'avait qualifiée en première lecture, plus libérale : pas de statut nouveau, pas de contrat nouveau, pas de définition juridique nouvelle.

Nous proposons de ne toucher au code civil ni avec un bulldozer, ni avec des mains tremblantes, nous proposons simplement de ne pas y toucher du tout. Nous proposons simplement d'élargir ou d'adapter, au cas par cas, texte par texte, un certain nombre de dispositions pratiques, pour tous ceux qui pourraient apporter la preuve, par tous moyens, de leur vie commune, durable et notoire, d'une communauté de toit plutôt que d'une communauté de lit, ce qui nous permettrait, je crois, d'intégrer les fratries.

Nous proposons donc simplement de reconnaître dans les textes concernés une situation de fait : la communauté de vie, ou la vie commune, ou la communauté de toit.

Ainsi, nous pourrions éviter les écueils, les faiblesses que j'ai signalés tout à l'heure, les craintes, ou peut-être les fantasmes, liées en particulier à l'adoption.

Nous éviterions aussi d'impliquer la société dans un dispositif incapable de prévoir sa fin ou les conditions de sa rupture. Nous éviterions tout risque de constitution de fichier. Nous prendrions en compte immédiatement les fratries, et nous marquerions une différence réelle de nature avec les institutions prévues dans le droit de la famille et en particulier avec le mariage. Je crois honnêtement que, même sur vos bancs, un certain nombre d'entre vous en seraient satisfaits.

Faut-il définir des critères de durée ? Sans doute. Probablement d'ailleurs des durées variables selon les droits auxquels on fait référence. Des critères de notoriété ? Peut-être. Faut-il prévoir d'instrumentaliser ces situations de vie commune par une attestation, un certificat, un constat ? Est-ce que ce doit être devant notaire, à la mairie ou au tribunal ? Comme l'a dit le rapporteur tout à l'heure, je crois que ce sont des questions subalternes, même si, naturellement, elles peuvent donner lieu à débat. En toute hypothèse, il faudrait prévoir tous les garde-fous, toutes les modalités juridiques permettant de limiter les contentieux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Si le véhicule juridique que je vous propose, qui est la notion de vie commune durable et notoire et qui, je pense, est susceptible de nous rassembler largement, vous convenait, quelle réglementation conviendrait-il d'adopter.

Vous proposez dans votre texte toute une série de droits permettant de mettre fin à des injustices. Il me semble qu'on peut les regrouper en trois catégories.

Ceux sur lesquels il faudrait statuer rapidement et en priorité sont ceux qui permettraient de mettre fin à l'injustice la plus forte, aux situations les plus choquantes.

J'en citerai trois.

D'abord, le logement. Nous avons tous été sensibles au problème du droit de suite dans le logement...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Pas le Sénat !

M. Dominique Dord.

... au départ de celui qui, par définition, aurait signé le bail. Je crois que, sur tous ces bancs, vous trouverez le consensus le plus large pour régler ce problème...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Chiche !

M. Dominique Dord.

... en veillant cependant à respecter les droits du propriétaire. Il faudrait par exemple l'informer du changement d'identité de son locataire. Faut-il prévoir un délai ? Je crois qu'on peut en imaginer un qui soit court, peut-être deux ans.

En ce qui concerne les droits de succession, j'avoue que je suis assez sensible à la situation évoquée ici ou là de deux personnes vivant ensemble, deux homosexuels par exemple, le survivant au décès de l'un étant considéré par l'administration comme un étranger. Cette situation est choquante et on ne peut évidemment pas considérer que deux personnes ayant vécu ensemble pendant une certaine durée sont étrangères l'une à l'autre. Il est normal de prévoir des taux réduits ou des abattements. Là encore, peu importe les modalités techniques ! Vous trouverez aussi sur cette question un large consensus.

Entre parenthèses, on pourrait en profiter - et nous avions été un certain nombre à cosigner une proposition de loi à l'occasion de la première lecture - pour remettre à plat une partie de notre dispositif sur les droits de succession, qui est extrêmement confiscatoire.

Troisième point prioritaire, la couverture sociale. Je crois que vous aurez également un consensus assez large dans cette assemblée et, au-delà, dans le pays pour que la qualité d'ayant droit soit acquise à celui qui vit avec un assuré social, probablement même sans délai. Cela dit, les questions de l'assurance, en particulier maladie, seront sans doute moins d'actualité dans quelque temps puisque la CMU devrait pour une part régler également ce type de problème.

Voilà les droits sur lesquels nous pourrions être très nombreux à nous retrouver.

Il y a une deuxième série de droits que vous introduisez dans votre texte. Il ne s'agit pas de pallier une injustice en elle-même mais une injustice par rapport aux couples mariés auxquels ils sont accordés. Je veux parler de la déclaration commune d'imposition. Un débat a été engagé sur le fait de savoir si ce droit était lié au fait de vivre ensemble ou au fait que l'on va fonder une famille.

Pour moi, c'est lié à l'idée que deux personnes qui choisissent de vivre ensemble exercent entre elles une solidarité réelle et qu'au fond, la société a un avantage à avoir plutôt deux personnes vivant ensemble que deux personnes vivant isolément.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Très juste ! C'est tout le sens du texte.

M. Dominique Dord.

Je vous remercie de considérer que je l'ai compris, pour une fois.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Alors approuvez !

M. Dominique Dord.

Mais j'approuve ! Qu'il s'agisse d'une déclaration commune d'imposition ou de l'hypothèse du Sénat, la prise en charge de la personne vivant sous votre toit ouvrant droit à des abattements, très honnêtement, je ne suis pas choqué, chère madame, et je vous prie de bien vouloir le noter.

Parmi les droits qui sont ouverts, vous évoquez le droit du travail, le rapprochement des conjoints, notamment dans la fonction publique. Là encore, franchement, il ne doit pas y avoir entre nous une bien grande différence.

Simplement, la petite expérience que nous avons les uns et les autres de ces questions montre...

M. Yves Nicolin.

Que cela ne marche pas !

M. Dominique Dord.

... que c'est extrêmement difficile, en pratique, d'appliquer sur le terrain ce genre de dispositions.

M. Yves Nicolin.

Bien sûr !

M. Dominique Dord.

Il y a une troisième catégorie de droits que vous ouvrez, sur laquelle nous ne vous suivons pas, mais vous voyez que l'étendue de nos divergences est tout de même assez limitée. Il s'agit bien entendu de tout ce qui concerne la régularisation et les conditions de séjour sur notre territoire ou d'acquisition de la nationalité.

Nous sommes autant que vous préoccupés par les problèmes d'immigration clandestine et nous ne souhaitons pas ajouter un nouvel outil de régularisation. Nous constatons déjà tous les jours les problèmes que posent les mariages blancs, pourtant plus compliqués à souscrire, et nous ne vous suivrons donc pas sur ce terrain.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, dès la première lecture, nous avions dessiné les contours de cette position qui pourrait probablement assez largement nous réunir. Je ne suis pas naïf, pas totalement, et je ne me fais guère d'illusions. Je sais que vous souhaitez aller au-delà, même si, je vous l'avoue, au fond, je ne comprends toujours pas pourquoi, et, dans ces conditions, notre groupe a souhaité vous poser cette question préalable, considérant que, sur le texte qui nous est proposé, il n'y a pas lieu de statuer.

Mes chers collègues, acceptez pour finir de considérer que nous n'avons pas moins que vous l'envie sincère de régler les problèmes qui se posent, surtout lorsqu'ils donnent lieu aux injustices que je viens d'évoquer. Acceptez de considérer aussi que l'on peut faire autrement que ce que vous avez décidé et que, manifestement, vous souhaitez imposer comme mécanisme. Acceptez qu'on essaie de trouver une formule susceptible de réunir un consensus, de regrouper largement les Français autour d'une réforme qui vise à la modification de l'organisation sociale plutôt que de les diviser. Acceptez enfin de considérer qu'on peut être moderne et soucieux tout comme vous de cohésion sociale sans pour autant siéger sur vos bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Pierre Lellouche.

Remarquable !

M. Yves Fromion.

La chute est belle !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

M. Yves Fromion.

Le Gouvernement est en difficulté à tous les niveaux !

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je tiens d'abord à vous rendre hommage parce que vous avez employé un ton de dialogue et que vous n'avez parlé que quarante minutes. A part ça, je vous avoue que je reste perplexe et que je ne sais pas très bien comment vous répondre.

Vous avez commencé en parlant de lobbies. Il ne faut pas être obsédé. Vous nous parlez d'un lobby homosexuel, je suppose. Tout à l'heure, M. Mariani parlait du lobby des juges d'instruction. Ici, vous êtes tous la représentation nationale. Il n'y a pas de lobby qui tienne ! Alors, franchement, libérez-vous, soyez vous-même ! Je vous assure que tout le monde vous en saura gré.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Accoyer.

Il faut l'expliquer à Allègre !

Mme la garde des sceaux.

Vous avez des convictions, nous aussi. Ne nous abritons pas derrière des lobbies qui driveraient - je ne peux pas le croire - des fractions de l'Assemblée nationale.

M. Patrick Devedjian.

C'est le rapport qui le dit, ce n'est pas nous !

Mme la garde des sceaux.

Vous vous êtes essayée à quelque chose, dites-vous. J'ai déjà entendu ça au Sénat !

« Madame le ministre » - j'aurais préféré madame la ministre mais ce n'est pas grave - « Vous n'êtes pas vraiment convaincue par ce que vous défendez », m'a dit M. Larché. Qu'est-ce qui vous permet de dire une chose pareille ? », lui ai-je répondu. « Qu'est-ce que c'est que ces procès d'intention ? Je suis une femme libre, je défends des textes auxquels je crois et je crois au PACS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Fromion.

Voilà une affirmation historique !

M. Pierre Lellouche.

Après le Québec libre, on a une ministre libre !

Mme la garde des sceaux.

Ça, c'est encore un pétard mouillé, monsieur le député.

Vous prétendez que vous n'aviez pas été écoutés.

M. Dominique Dord.

Entendus !

Mme la garde des sceaux.

Oui, il y a une différence,...

M. Patrick Devedjian.

Une nuance ! Mme la garde des sceaux ... une nuance. Par exemple, on peut tout entendre et donner l'impression de ne pas écouter. On peut écouter et, en vérité, être ailleurs et ne pas entendre. On peut ne pas regarder et quand même écouter.

M. Pierre Lellouche.

Elle est très en forme ce soir !

Mme la garde des sceaux.

On peut écouter et ne pas regarder.

M. Dominique Dord.

On peut entendre et lire en même temps !

Mme la garde des sceaux.

Je me sens assez libre de choisir dans cette variété de comportements en fonction de l'heure, de l'humeur, de la fantaisie, de l'idée qu'on se fait de l'intérêt du discours, bref, de beaucoup de choses !

M. Pierre Lellouche.

C'est l'effet Kosovo !

Mme la garde des sceaux.

Moyennant quoi, je vous ai écouté, regardé et, vous le voyez, entendu.

M. Pierre Lellouche.

Et vous êtes émue !

Mme la garde des sceaux.

Emue ? (Rires.)

M. Yves Fromion.

C'est un début !

Mme la garde des sceaux.

Je n'ose vous contredire.

(Rires.)

Revenons-en peut-être un peu au fond.

M. Pierre Lellouche.

Prenez votre temps !

Mme la garde des sceaux.

Les débats en première lecture ont duré près de soixante-dix heures.

M. Pierre Lellouche.

Ça le méritait.

M. Yves Fromion.

Deux semaines de trente-cinq heures.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

C'est malin !

Mme la garde des sceaux.

Les deux tiers ont été utilisés par l'opposition...

M. Pierre Lellouche.

C'est normal, madame.

Mme la garde des sceaux.

... et utilisés comment ?

M. Yves Fromion.

A vous écouter !

M. Pierre Lellouche.

D'abord à vous battre, la première fois !

Mme la garde des sceaux.

Je vous renvoie aux amendements qui ont été déposés à ce moment-là. Pour certains, quelle tristesse ! Pour d'autres, soixante-dix heures, franchement...

M. Patrick Devedjian.

Dites-nous donc ce que doit être l'opposition !

M. Pierre Lellouche.

Si on vous dérange, on peut sortir !

Mme la garde des sceaux.

Non, non ! C'est un constat.

M. Yann Galut.

Ce n'est pas une critique, c'est un constat !

Mme la garde des sceaux.

Monsieur Lellouche, vous vous réveillez tout d'un coup. Ecoutez un peu, entendez !

M. Pierre Lellouche.

Chaque fois que je vous vois, je suis réveillé !

Mme la garde des sceaux.

Voilà une bonne nouvelle !

Mme Christine Boutin.

Oui, mais, pour l'instant, vous ne nous dites rien. Vous prenez du temps.

M. le président.

Madame la ministre pourrait-on reprendre le cours du débat ?

M. Yves Fromion.

Ce n'est pas nous qui allongeons le débat cette fois-ci.

M. Richard Cazenave.

On est en train de perdre du temps et de tomber bien bas !

M. Jean Delobel.

On n'est pas aux guignols de l'info ! (Sourires.)

M. le président.

Voulez-vous bien laisser Mme la ministre poursuivre, s'il vous plaît ?

Mme la garde des sceaux.

Je dirai simplement une chose pour terminer (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), parce que, vraiment, j'ai beau chercher, je ne vois pas quoi répondre sur le fond (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Yves Fromion.

Voilà l'aveu !

Mme la garde des sceaux.

... en dépit de tout le talent de mes collaborateurs.

M. Pierre Lellouche.

Voilà donc le respect de l'opposition !

Mme la garde des sceaux.

Vous défendez, monsieur Dord, la question préalable dont l'objet est de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer, en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

M. Dominique Dord.

Il n'y a pas lieu à délibérer sur ce texte !

Mme la garde des sceaux.

Toutes vos propositions tendaient à montrer le contraire. Décidez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Christine Boutin.

C'est un peu juste !

M. Pierre Lellouche.

Je vous ai connue meilleure !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur Dord, le rapporteur de la commission des lois vous a écouté attentivement, comme d'habitude d'ailleurs. Bien sûr, je ne vous ai pas totalement entendu, ce qui ne vous étonnera pas, mais il y a tout de même dans vos propos des choses très intéressantes.

M. Yves Fromion.

Mme la ministre ne les a pas entendues.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

D'abord, nous sommes d'accord sur le fond. Ça va de soi, vous l'avez vous-même dit.

Nous sommes d'accord sur le fait qu'il faut régler les questions qui se posent aux couples non mariés. C'est ce que nous essayons de faire. Nous sommes d'accord pour prendre le plus possible en compte les solidarités qui sont dans la vie autour de nous, et ce texte s'applique à ceux qui ont un même toit et pas forcément un même lit, vous le savez très bien. Et nous sommes d'accord pour qu'il n'y ait aucune collusion entre ce que nous essayons de faire et le statut de la famille.

Je crois que, sur ces trois points, il n'y a aucun désaccord, en tout cas entre vous et nous. Peut-être que, sur vos bancs, tout le monde ne partage pas un point de vue aussi libéral.

M. Jean-Claude Perez.

Eh oui ! S'agissant des droits nouveaux que nous offrons à ces couples, vous êtes d'accord sur l'essentiel, sauf en ce qui concerne le problème des étrangers. Sur tout le reste, on peut se rejoindre.

Alors, qu'est-ce qui fait débat entre nous maintenant ?

Mme Christine Boutin.

C'est le PACS !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est la forme, la procédure, c'est le statut juridique, c'est la façon dont nous essayons d'appréhender ce problème.

M. Claude Goasguen.

Absolument !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je crois que ce n'est pas l'essentiel. Mais quel chemin - et pourtant l'Assemblée nationale n'est pas à Damas (Sourires) - depuis le 9 octobre ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

On l'a dit dès le début !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Pour ma part, je m'en félicite, moi qui ne manie ni l'obstruction ni l'anathème, Mme Boutin le sait bien d'ailleurs,...

Mme Christine Boutin.

Absolument

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... qui écoute ce que vous dites, même quand vous le dites de façon un peu répétitive ou plaisante - M. Mariani n'est pas là -...

M. Bernard Accoyer.

Il va arriver !

Mme Nicole Bricq.

Oh non ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... ou quelquefois exagérée.

Il est vrai, monsieur Dord, qu'on a essayé, entre les deux lectures et au vu de ce qui s'est passé au Sénat, d'apporter un certain nombre d'améliorations au texte, qui correspondent d'ailleurs, M. Goasguen l'a relevé en commission, à des interrogations que vous aviez formulées en première lecture, et j'en suis très heureux.

Simplement, je dirai qu'entre le contenu de votre discours, c'est-à-dire la question préalable que vous opposez, et la façon dont le débat commence à se dérouler, il y a comme un hiatus. J'espère bien qu'il sera rapidement comblé.

Le travail que vous nous proposez de faire, c'est en commission qu'il doit avoir lieu et non en séance publique, tout le monde le sait. Or, en commission, c'est vrai, vous ne nous facilitez pas les choses.

J'admets que pour la première séance en commission, c'était un peu compliqué. Toutefois, en première lecture, cela a été pareil. Vous avez déposé une multitude d'amendements.

M. Yves Fromion.

C'est pour vous honorer !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cette fois, il y en a moitié moins qu'en première lecture, mais il y en a tout de même encore plus de 500. Parmi ceux-ci, il y en a un certain nombre auxquels Mme la ministre et moi-même avons déjà répondu longuement, tant en première lecture qu'en deuxième lecture en commission. Certains sont intéressants et apportent une contribution au débat. Par contre, un tas d'autres sont, il faut bien le dire, de pure obstruction. Nous sommes tous ici des parlementaires expérimentés, et nous savons ce que cela veut dire. Vous même, monsieur Dord, avez signé toute une série d'amendements d'obstruction que j'ai fait repousser en commission des lois ce matin et tout à l'heure - vraisemblablement, trop rapidement. (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

C'est vous qui le dites !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Dans ce débat en deuxième lecture, nous sommes d'accord sur tout, sauf...

Mme Christine Boutin.

Sur l'essentiel, c'est-à-dire sur le PACS lui-même !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... sur les moyens d'y parvenir, ce qui est tout de même très peu de chose.

Nous sommes d'accord sur le diagnostic - M. Mattei


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

nous le dira tout à l'heure -, mais pas tout à fait sur les remèdes à délivrer. Mais nous savons aussi qu'entre les médecins il y a beaucoup de divergences sur la thérapeutique à appliquer. (Sourires.)

M. Yves Nicolin.

Il y a aussi parfois des morts !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

J'espère donc, monsieur Dord, que, dans ce débat, nous éviterons de perdre du temps sur des amendements qui n'apportent rien au débat, pour nous concentrer sur ceux qui sont intéressants, et qu'ainsi nous pourrons progresser. Pour ma part, je suis partisan du bicamérisme, je crois à la navette parlementaire et je veux que cela serve à quelque chose. Je pense que tous ensemble, nous pouvons améliorer le texte, même si, finalement, celui qui sera proposé au vote final après la CMP et toutes les lectures ne vous satisfera vraisemblablement encore pas, monsieur Dord, car nous conserverons le PACS. Mais peut-être que sur un problème de société important qui interpelle toutes les consciences - les vôtres comme les nôtres -, nous aurons fait ensemble des progrès.

Pour l'instant, au nom de la commission des lois, je demande à l'Assemblée de repousser cette question préalable. Et j'espère que, dans le cours du débat, nous pourrons avoir des échanges sereins et constructifs.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Patrick Delnatte.

Après un débat en première lecture mal préparé, escamoté (« Oh ! » Sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), encadré par une procédure parlementaire qui a montré ses limites lorsqu'il s'agit d'un grand débat de société, le Sénat a agi autrement. Il a procédé à une large consultation préalable des spécialistes et des représentants des différents courants de pensée. Il a relevé les imperfections et les erreurs contenues dans le texte, lesquelles ont été largement dénoncées par les juristes et les autorités morales et intellectuelles de ce pays.

Un député du groupe communiste.

C'est qui ?

M. Patrick Delnatte.

Les sénateurs ont mis au point une loi pragmatique rappelant la place et le fondement du mariage dans notre société. Ils ont constaté dans la proposition de la loi une situation de fait avec l'existence du concubinage, tant hétérosexuel qu'homosexuel, tout en assurant la protection juridique des personnes. Ils ont permis d'éliminer les discriminations dont peuvent souffrir les homosexuels et leur ont garanti des droits sociaux au quotidien. Ils ont pris en compte les légitimes solidarités qui existent entre frères et soeurs.

La solution, ils l'ont trouvée sans imposer un nouveau modèle social, tel que le PACS tente de le faire. C'est la même méthode qu'a proposée Dominique Dord en défendant avec bon sens la question préalable.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Patrick Delnatte.

Malgré ce résultat positif, la majorité composite de cette assemblée et le Gouvernement veulent en revenir au texte initial, sans prendre en considération les acquis du Sénat. En fait, mes chers collègues de la majorité, vous augmentez les situations de confusion en brouillant encore plus les repères. Malgré toutes vos déclarations, vous continuez à obéir à un réflexe purement idéologique qui privilégie l'absolu individuel. Nous pouvons mesurer tous les jours les dangers de l'idéologie libertaire et individualiste qui aggrave les fractures sociales et pousse à l'égocentrisme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Dominique Dord.

Très juste !

M. Patrick Delnatte.

En revenir au texte du PACS, c'est reprendre toutes les aberrations juridiques qui ont été largement dénoncées par les parlementaires de l'opposition et les praticiens du droit.

Dans toute cette affaire, on ne peut qu'être déçu que la chancellerie n'ait pas joué un rôle plus positif dans l'élaboration du texte, y compris avant la deuxième lecture. Nous avons le sentiment que la garde des sceaux a cédé le pas à la militante.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Et alors, ce n'est pas une tare d'être militant !

M. Patrick Delnatte.

Le PACS accumule les incertitudes. Rien ne sert de faire des lois si cela revient à laisser la jurisprudence décider.

Plus fondamenalement, le modèle social introduit par le PACS que vous voulez imposer reste bien un sousmariage.

Mme Nicole Bricq.

On ne veut pas l'imposer, on veut le voter !

M. Patrick Delnatte.

Il génère des droits en contrepartie d'obligation minimales. Il ne peut que porter atteinte au mariage.

L'institution du mariage civil assume trois fonctions sociales essentielles : la protection du plus faible, la création du lien social, la pérennité de la société.

Choisir d'autres types d'unions est une responsabilité de l'individu. Mais vouloir attribuer à ces unions les mêmes droits, même réduits, sans les mêmes devoirs, c'est vider le mariage de sa finalité et faire de la famille une réalité aléatoire.

M. Yves Fromion et M. Pierre Lellouche.

Très juste !

M. Patrick Delnatte.

Pour la très grande majorité des Français, le mariage demeure la structure la plus protectrice tant des membres du couple que des enfants qui en sont issus.

M. Yann Galut.

Alors, ils le choisiront !

M. Patrick Delnatte.

A l'heure où une plus grande responsabilisation des familles est recherchée dans l'éducation des enfants, il importe non de porter atteinte au mariage, mais au contraire de le renforcer.

Par leurs méthodes et leurs idées, le Gouvernement et sa majorité font exactement l'inverse. Pourtant, il y aurait mieux à faire pour mettre la législation en phase avec les urgences de la société.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Rassemblement pour la République voteront la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)

M. le président.

La parole est à Mme Véronique Neiertz, pour le groupe socialiste. (« Oh là là ! » sur les bancs du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Elle va sortir ses griffes !

Mme Véronique Neiertz.

Je pourrais vous qualifier de misogynes, mais je vous connais, mes chers collègues.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Yves Fromion.

Votre discours aussi, nous le connaissons !

M. Pierre Lellouche.

Ça démarre fort ! Tremblez, les ringards !

Mme Véronique Neiertz.

Monsieur Dord, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et d'intérêt. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Ça commence mal !

Mme Véronique Neiertz.

Si, mes chers collègues, parce que je considère que ce débat a lieu d'être. C'est d'ailleurs pour cette raison que je n'ai pas très bien compris ce détournement de procédure consistant à poser une question préalable, qui, comme l'a souligné Mme la ministre, tend à démontrer qu'il n'y a pas lieu de débattre, alors que toute l'intervention très intéressante de M. Dord prouve le contraire.

M. Daniel Marcovitch.

Ils ne sont pas à une contradiction près !

Mme Véronique Neiertz.

Notre collègue nous a en effet appelés à un débat pragmatique et au respect de celui-ci, y compris par les députés de l'opposition. Et je suis bien d'accord avec lui sur ce point. Donc, je ne comprends pas très bien cette contradiction.

M. Michel Vaxès.

Lui non plus, d'ailleurs !

Mme Véronique Neiertz.

Cette contradiction, on la trouve aussi dans le nombre des amendements que vous avez déposé, mes chers collègues de l'opposition : en première lecture, on en comptait plus de 1 000 ; en deuxième lecture, plus de 500 ! Cela prouve manifestement votre volonté de débattre et d'approfondir chacune des questions soulevées. Soit vous opposez la question préalable en disant qu'il n'y a pas lieu de débattre et vous ne déposez pas d'amendements. Soit vous ne posez pas de question préalable et vous déposez des amendements.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais si vous faites les deux en même temps, c'est contradictoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Nicolin. Comme si vous n'aviez jamais fait cela !

Mme Véronique Neiertz.

Par ailleurs, vous nous invitez au débat,...

M. Yves Fromion.

Bonjour le débat !

Mme Véronique Neiertz.

... mais c'est en fait une caricature de débat que vous nous proposez. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pour avoir suivi attentivement en commission des lois l'examen des amendements, j'ai pu constater, en première lecture, que, pour nombre d'amendements, l'intégrisme le disputait à l'homophobie, au juridisme et à la procédure.

M. Pierre Lellouche.

Bravo, madame Neiertz, comme c'est bien dit !

Mme Véronique Neiertz.

En deuxième lecture, je note que la dérision le dispute à l'absurde ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. Yves Fromion.

Je vous reconnais bien là !

Mme Véronique Neiertz.

Nous allons donc vers une caricature de débat, c'est-à-dire vers une obstruction pure et simple qui déconsidère non seulement les députés de l'opposition, mais l'Assemblée tout entière, et je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Pas vous, pas ça !

Mme Véronique Neiertz.

Par ailleurs, et je terminerai sur ce point, je tiens à remercier publiquement dans cette enceinte de l'Assemblée nationale, nos collèques du Sénat d'avoir démontré, en ne déposant pas de motion de procédure, qu'il y avait lieu de débattre,...

M. Yves Nicolin.

Et vous, vous n'avez jamais défendu de motion de procédure ?

Mme Véronique Neiertz.

... et en supprimant totalement le PACS - après avoir voté contre la parité -, que nous avons totalement raison de vouloir le rétablir.

M. Yves Nicolin.

Quelle donneuse de leçons !

Mme Véronique Neiertz.

Enfin, les sénateurs nous ont permis,...

M. Pierre Lellouche.

Vous voyez que vous aimez le Sénat !

Mme Véronique Neiertz.

... en adoptant un dispositif très intéressant sur le concubinage, de compléter le PACS en étendant aux concubins et aux couples de même sexe les droits liés au PACS que nous avons créés en première lecture.

Nous faisons ainsi une oeuvre législative cohérente qui est une première républicaine, en dissociant totalement le droit du couple du droit de la famille.

M. Michel Bouvard.

Bonjour la cohérence !

M. Maurice Leroy.

Mme Neiertz est trop modérée !

Mme Véronique Neiertz.

C'est cela que vous refusez...

M. Michel Bouvard.

Oui !

Mme Véronique Neiertz.

... et que vous refuserez toujours !

M. Yves Nicolin.

Oui !

Mme Véronique Neiertz.

En agissant ainsi, nous sommes cohérents avec nous-mêmes. (« Bravo ! » sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

C'est la méthode Coué !

M. Yves Fromion.

Il vous aura fallu vingt ans pour y arriver !

Mme Véronique Neiertz.

Cette cohérence est une première républicaine (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) dont nous sommes très fiers ! Et cela fait d'autant plus ressortir vos divisions et vos contradictions sur le sujet. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour le groupe UDF. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Pierre Lellouche.

C'est la parité !

Mme Christine Boutin.

Je voudrais, au nom du groupe UDF, souligner le ton modéré employé par Dominique Dord pour défendre la question préalable, ton modéré qui, je crois, a été salué par l'ensemble de la représentation nationale.

M. Daniel Marcovitch.

Où sont les autres femmes de la droite ?

Mme Christine Boutin.

Outre qu'il a usé d'un ton m odéré, Dominique Dord a fait des propositions constructives. Ainsi, il a proposé de procéder à des aménagements fiscaux, de tenir compte des difficultés en ce qui concerne les baux et de modifier le droit du travail.

Pour autant, il n'a pas hésité à dire clairement qu'il ne souhaitait pas que le PACS permette d'acquérir la nationalité française, et favorise donc l'immigration clandestine. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

La question préalable a pour objet de décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Cette motion de procédure, n'en déplaise à Véronique (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste) , est particulièrement bienvenue car, c'est vrai, il n'y a pas lieu de délibérer.

Vous vous appuyez beaucoup sur le travail du Sénat, mais on peut avoir une vision différente des choses.

D'ailleurs vous n'êtes pas abusés par la position du Sénat.

Nos collègues n'étaient pas sur le chemin de Damas, pour reprendre une référence de M. Michel. Ils ont simplement ouvert les yeux et n'ont pas souhaité du PACS.

En proposant autre chose, ils ont seulement voulu nous dire que le PACS est un monstre juridique inacceptable.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Nicolin.

Absolument !

Mme Christine Boutin.

Telle est la première raison qui justifie le dépôt de la question préalable de Dominique Dord.

Et si nous devions trouver une deuxième raison de ne pas délibérer, c'est Mme le garde des sceaux...

M. Daniel Marcovitch.

La garde des sceaux !

Mme Christine Boutin.

... qui nous l'a donnée en indiquant très clairement qu'elle ne savait pas quoi dire sur la démonstration excellente de Dominique Dord.

J'en profite pour dire à Jean-Pierre Michel, avec qui j'entretiens d'excellentes relations empreintes de respect mutuel (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Yann Galut.

Ils vont se pacser ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

... que si l'opposition a déposé 600 amendements, elle l'a fait non seulement pour user de son droit le plus strict, mais aussi parce qu'elle estime qu'un certain nombre de clarifications et de précisions doivent encore ête apportées au texte que vous voulez lui donner en pâture. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ainsi, lorsque M. le rapporteur pour avis, Patrick Bloche, répond, en commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à un de mes collègues qui l'interroge sur le statut des personnes pacsées qu'il est possible d'être à la fois pacsé et célibataire, cela mérite une explication très précise. En effet, comment arrivez-vous à concilier la notion de célibat et celle de pacsé ? Madame Véronique Neiertz, il n'y aucune contradiction à déposer une question préalable et un grand nombre d'amendements. Etant donné que nous ne voulons pas du PACS, il est nécessaire de déposer une telle motion de procédure. Toutefois, comme nous ne sommes pas complètement endormis (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), que nous savons qu'il existe une majorité et que, sauf accident du type de celui du 9 octobre dernier, la question préalable ne sera pas adoptée, il est normal de déposer des amendements, lesquels doivent être déposés avant la fin de la discussion générale, ce que sait fort bien une ancienne parlementaire comme vous.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera l'excellente question préalable défendue par Dominique Dord.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Mes chers collègues de l'opposition, j'ai du mal à prendre au sérieux l'argument selon lequel vous refusez le PACS pour des raisons de confusion juridique. Tout, mais pas ça ! Vous ne me ferez pas croire que votre position est dictée par des considérations juridiques.

M. Richard Cazenave.

Bien sûr que si !

Mme Muguette Jacquaint.

Vous êtes clairement contre le PACS parce que...

M. Yves Nicolin.

C'est un monstre juridique !

Mme Muguette Jacquaint.

... vous refusez que des droits soient accordés aux couples homosexuels comme aux couples hétérosexuels. (Protestations sur les bancs groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Qu'est-ce qui vous permet de dire cela ? Vous n'êtes pas les seuls à avoir raison !

M me Muguette Jacquaint.

L'homosexualité existe, admettez-le !

M. Yves Fromion.

Les communistes existent aussi, même s'il n'y en a plus beaucoup, nous le reconnaissons !

M. Pierre Lellouche.

Vous avez oublié comment étaient t raités les homosexuels dans les pays communistes, madame Jacquaint ! Vous avez oublié Staline !

Mme Muguette Jacquaint.

Reconnaissez que vous refusez d'accorder ces droits, mais ne vous cachez pas derrières ces faux prétextes juridiques, derrière une prétendue confusion, une absence de clarté, pour refuser le PACS. En fait, vous y voyez très clair. C'est le droit de l'opposition de s'opposer à un texte, mais n'agitez pas un vieil épouvantail pour refuser le débat !

M. Pierre Lellouche.

C'est vous qui osez donner donner des leçons de tolérance ! Vous avez oublié ce que vous avez fait !

M. Richard Cazenave.

Les communistes ont oublié Staline !

Mme Muguette Jacquaint.

Et vous allez tout à l'heure défendre pendant une heure une motion de renvoi en commission en nous disant que vous n'avez pas bien compris le texte, que nous n'avons pas suffisamment abordé le fond. Mais nous avons déjà eu soixantedix heures de débat, au cours desquelles ont été examinés des milliers d'amendements. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Pierre Lellouche.

Et c'est vous qui nous donnez des leçons !

M. Yves Fromion.

Nous sommes des stakhanovistes !

Mme Muguette Jacquaint.

... ou plutôt qui ne veut pas comprendre.

Comme l'ensemble de la majorité, j'ai très bien compris. Je suis tout à fait d'accord avec le contenu de ce texte et je ne suis pas la seule. Avec Mme la ministre, je suis pour le PACS, et je le crie haut et fort.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Richard Cazenave.

Et qu'en dit Milosevic ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M me Muguette Jacquaint.

Je suis d'autant plus contente de le dire qu'une grande majorité de personnes dans notre pays attend que ce texte de loi soit appliqué.

M. Yves Fromion.

Des trépignements d'impatience !

Mme Muguette Jacquaint.

Pour toutes ces raisons, je voterai contre la question préalable déposée par l'opposition.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyens et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Je ferai un certain nombre de remarques préalables, puisqu'il s'agit d'une question préalable.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Monsieur le rapporteur, cette motion s'impose pour deux motifs essentiels, le premier de forme, le second de fond.

D'abord pour des raisons de forme, car vous reconnaîtrez, que ce texte a une singulière histoire. Vous avez dit que vous aviez mené des consultations à propos de cettre proposition de loi. Sans doute n'ont-elles pas été suffisantes, et vous avez reconnu qu'elles ont fait apparaître, notamment en première lecture, des imperfections juridiques qui pouvaient être très graves pour le droit des personnes.

Hélas, toutes ces imperfections n'ont pas disparu. Et alors que vous nous aviez dit en commission que les amendements de l'opposition portant notamment sur l'indivision, la tutelle et la curatelle étaient secondaires, vous avez reconnu, et nous en sommes surpris, après avoir auditionné d'éminents professeurs de la faculté de droit, que certaines dispositions techniques supplémentaires devaient être introduites. C'est très bien de le reconnaître, mais vous auriez pu le faire avant.

Nous allons donc montrer que la proposition ne manque pas d'imperfections techniques, et je le regrette car ce texte n'est pas anodin,...

M. Alain Clary.

Amendez-le !

M. Claude Goasguen.

... puisqu'il porte sur le droit des personnes. Toutes ces dispositions sont importantes pour la société et, surtout, elles ont un caractère relativement irréversible car, lorsqu'un texte portant sur le droit des personnes est voté, quelle que soit la majorité qui succède à celle qui l'a voté, elle est obligée de tenir compte d'une situation de fait. Nous avons donc intérêt à rechercher le consensus et à nous mettre d'accord sur un acte important pour la société de demain.

J'en viens aux raisons de fond de cette motion. Nous sommes d'accord sur le constat et il faudrait être aveugle pour ne pas l'être : nous savons bien que l'institution matrimoniale souffre d'un relatif discrédit, que de moins en moins d'enfants sont issus de couples mariés, que de plus en plus d'enfants sont issus de couples hors mariage.

Mme Muguette Jacquaint.

Et alors ?

M. Claude Goasguen.

Nous savons aussi que le problème de l'homosexualité est très important dans notre société, et personne ici ne l'a nié.

Mme Yvette Benayoun-Nakache et M. Patrick Braouezec.

Où est le problème.

M. Claude Goasguen.

Le problème est juridique, sinon vous n'auriez pas fait le PACS et nous aurions pu le traiter de manière très différente.

Nous avons fait des propositions, le Sénat en a fait d'autres, et je crois que vous vous êtes engagés sur la voie d'une institutionnalisation progressive. Cette démarche était inquiétante en première lecture, mais elle l'est davantage encore en deuxième lecture. Vous voulez donner une longévité juridique à une situation de précarité, ce qui est une contradiction, et vous voulez faire du concubinage une quasi-institution.

Mme Véronique Neiertz.

Pas nous : le Sénat !

M. Claude Goasguen.

Ce n'est pas une bonne méthode pour traiter la situation sociale et le droit des personnes.

Notre société souffre d'un problème de « désécurisation » des personnes, et je suis intimement convaincu que la bonne démarche eût été d'examiner au préalable l'institution matrimoniale, qui ne doit pas être conservée comme un élément vétuste mais aurait pu représenter un élément important d'évolution pour un nouveau statut du droit des personnes.

Ce débat-là, vous ne l'avez pas tenu. Vous avez posé comme postulat qu'il fallait ajouter de nouvelles institutions, sans examiner d'abord quel pouvait être l'avenir de celle qui est en place, et nous estimons par conséquent que vous n'avez pas répondu à la question sociale du moment.

M. Jean-Claude Lenoir.

Très bien !

M. Claude Goasguen.

A cause de l'imperfection technique de ce texte et parce que vous ne répondez pas aux questions sociales du moment, nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

J'essaierai d'être bref...

M. Jean-Claude Lenoir.

On dit ça !

M. Guy Hascoët.

... et, si je ne suis pas interrompu, je serai encore plus bref ! Nous sommes en fait en présence de trois argumentations de l'opposition et votre erreur tactique, mes chers collègues, est de ne pas vous être mis d'accord pour en retenir une seule.

Selon certains, en particulier M. Delnatte, le mariage a été de toute éternité la manière la plus commune pour les gens de vivre ensemble. Je peux comprendre qu'ils souhaitent une telle situation, eu égard à leur philosophie, mais cela ne correspond pas à la réalité de l'évolution de la société. Nous avons par conséquent eu droit à des discours selon lesquels le PACS mettait la famille en danger, alors que cela n'a rien à voir avec le problème.


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En second lieu, certains, pas trop nombreux, mais encore trop nombreux à mon goût, ont combattu la valeur symbolique du PACS, du fait de la communauté qu'il concernait. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Un député du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Procès d'intention !

M. Guy Hascoët.

Ce n'est pas un procès d'intention car je pourrais rappeler les propos de M. Dord sur les services vétérinaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En troisième lieu, et M. Goasguen vient de développer à nouveau ce thème, notre assemblée serait médiocre, tandis que la seconde chambre serait peuplée de génies et aurait trouvé la solution.

Fondamentalement, vous refusez de reconnaître un statut, et M. Goasguen nous a même reproché, ce qui est vraiment drôle, de vouloir institutionnaliser une situation précaire. Effectivement, certaines situations réelles sont dramatiquement précaires et ne peuvent s'inscrire dans la norme.

M. Richard Cazenave.

Il n'y a pas que vous qui le savez !

M. Pierre Lellouche.

Vous n'avez pas répondu à la question qui se pose !

M. Guy Hascoët.

Ce qui vous réunit, c'est que vous avez une vision normative de ce que devrait être la société. Nous, nous prenons en compte la diversité et la différence, et nous voulons traduire cette conception dans le droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, nous voici à nouveau réunis pour la deuxième lecture d'une proposition qui a suscité bien des polémiques, et avec laquelle nous n'en avons pas fini vu les profondes modifications apportées par le Sénat, lequel propose tout simplement de supprimer le PACS et de lui substituer une définition frileuse du concubinage qui aurait sa place dans le code civil.

M. Eric Doligé.

Mais non !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Contrairement au PACS, qui tend à affirmer, par la création de droits, la volonté de reconnaître une autre forme d'association entre deux personnes, qu'elles soient ou non de sexe différent, le texte du Sénat nie cette volonté. Sous couvert d'avancer une proposition alternative en étendant la définition du concubinage, les sénateurs font preuve d'une retenue qui ne montre que leur capacité à vider de son sens et de son contenu un texte généreux et fondé sur la solidarité.

M. Maurice Leroy.

Vous dites le contraire de Mme Neiertz !

M me Yvette Benayoun-Nakache.

Quelle attitude constructive, n'est-ce pas ? On aurait pu imaginer que les sénateurs soient à l'origine d'un texte de société qui aurait manifesté leur caractère visionnaire, leur volonté d'accompagner de façon positive et intelligente l'évolution de notre société.

M. Yves Fromion.

Heureusement que vous êtes là !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mais, visiblement, il ne faut pas attendre beaucoup de la majorité de droite de la Haute assemblée, si ce n'est des propositions visant à freiner les avancées pour notre société contenues dans les textes qui lui sont soumis.

M. Germain Gengenwin.

Ce sont vraiment des arguties !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Cela a été le cas pour la parité, c'est aujourd'hui encore le cas pour le PACS. Quelle est la solution alternative, pour les sénateurs ? Une définition du concubinage dans le code civil, sans mention de la sexualité, sans obligation d'instituer un acte prouvant le concubinage, sans étendre le bénéfice de l'imposition commune. Le Sénat ne prévoit que la possibilité d'un abattement fiscal pour tout contribuable hébergeant sous son toit une personne touchant un revenu inférieur au RMI ! Généreux, en plus, ces messieurs ! L'imposition commune pour les partenaires liés par un PACS est l'un des fondements de ce projet, qui montre sa nature et son intérêt, en se basant sur la notion de couple. Le texte du Sénat étend la définition du concubinage en faisant l'impasse sur son caractère sexuel et sur la notion de couple. Mesdames, messieurs, les sénateurs de droite, à l'aube de l'an 2000, il y a des choses dont on peut parler librement et que l'on peut assumer publiquement ! Cette mesure ne saurait en aucun cas remplacer le projet novateur du PACS.

Il nous est proposé aujourd'hui d'introduire la notion de « contrat », conclu entre deux personnes dans le PACS, posant ainsi un acte positif, officialisant l'union, la distinguant du concubinage, union de fait, que nous nous proposons de redéfinir dans le code civil, en en mentionnant le caractère hétérosexuel ou homosexuel.

Nous en profitons également pour améliorer certaines dispositions, telles celles relatives aux successions, et nous proposons de supprimer le délai de deux ans, nécessaire pour obtenir le bénéfice des abattements fiscaux.

Le PACS propose d'accorder des droits légitimes, à des p ersonnes dont l'union n'est pas consacrée par le mariage ; cela concerne environ 5 millions de nos concitoyennes et concitoyens, qui méritent d'ête pris en considération.

Le mariage n'étant plus une norme, mais un choix, le PACS consacre une solution alternative à ce choix, ouvrant des droits qui découlent de la reconnaissance sociale de l'union.

En ce sens, il est un engagement contractuel global, formalisé par une signature, que le concubinage, même avec des droits étendus, ne saurait remplacer. C'est un texte essentiel de cette législature. Aussi, je suis fière, au sein de la gauche plurielle, de participer à son adoption et de me battre pour sa mise en oeuvre, car il représente une étape importante, du progrès de notre société. Les associations et les individus qui attendent le PACS nous le


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disent et nous le répètent ; tâchons de ne pas les décevoir une deuxième fois.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Le Premier ministre, Lionel Jospin, l'avait promis, vous même, madame la ministre, l'aviez annoncé : une réforme de la politique familiale devait être menée. Des rapports avaient même été commandés, dont l'un à Mme Irène Théry, qui se réclame d'ailleurs de la gauche. Ce rapport intitulé Couple, filiation et parenté aujourd'hui - Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, avait été pratiquement entériné par la Conférence de la famille.

Le droit face aux mutations de la vie privée, le mariage, le concubinage : autant de questions qui méritaient et qui méritent toujours un véritable débat de fond. Le droit de la famille, en effet, a parfois un siècle de retard, en matière successorale notamment. Les dispositions du code civil ne datent-elles pas de 1804 ? Notre collègue Patrick Devedjian a soutenu devant notre assemblée, le 7 novembre 1998, une motion de renvoi en commission vraiement remarquable et très impressionnante - je le dis sans me livrer à un effet de tribune, et je ne comprends pas les arguments ou les invectives de la gauche car, quand on relit comme moi le Journal officiel, et notamment les interventions, de nos collègues Jean-François Mattei, Patrick Devedjian, JeanClaude Lenoir et Christine Boutin, on y trouve des arguments de poids et de fond.

Je cite Patrick Devedjian : « Le droit fiscal et le droit social sont souvent dissuasifs du mariage. Combien de retraités sont contraints de vivre en concubinage pour ne pas perdre leur pension de réversion ? Combien de conjoints survivants se trouvent dépouillés parce que, en l'absence de dispositions testamentaires, ils ne bénéficient que d'un usufruit sur le quart de la succession ? » J'ai envie de vous dire, madame Benayoun-Nakache, qui m'avez précédé à cette tribune, que, sur ces sujets aussi, il y a des Françaises et des Français qui attendent une vraie réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Autant de questions que vous vous refusez à entendre.

Plus grave encore : vous vous refusez à les résoudre.

La vraie modernisation, la vraie laïcité - vous m'entendez bien, à gauche, j'ai dit laïcité - consisterait à ce que la fiscalité soit neutre à l'égard des couples.

M. Patrick Devedjian.

Très juste !

M. Maurice Leroy.

Car enfin, on ne peut et on ne doit pas réglementer tous les rapports sociaux. Une bonne réforme eût consisté, pour le Gouvernement, à proposer une modernisation tant de l'institution du mariage que du divorce.

Bien entendu, il faut aussi tenir compte des problèmes que vivent les couples homosexuels, et nous l'avons suffisamment dit tout au long du débat. Doit-on, pour cela, établir un modèle communautaire, comme si l'on pouvait fonder une communauté sur une simple pratique sexuelle, laquelle relève essentiellement de la vie privée ? Les homosexuels, en France, n'ont jamais, jusqu'à ce jour, constitué une communauté, et beaucoup, d'ailleurs, ne le souhaitent pas.

Ce serait d'ailleurs contraire à tout ce qui fonde les valeurs de la République. A cet égard, j'ai été catastrophé en vous entendant tout à l'heure, madame Neiertz, car les valeurs de la République, ce n'est pas le modèle communautariste anglo-saxon, vous devriez le savoir et vous en souvenir !

Mme Véronique Neiertz.

Je n'ai pas de leçon à recevoir de vous !

M. Maurice Leroy.

Moi non plus !

M. Eric Doligé.

Elle est toujours aussi désagréable !

M. Maurice Leroy.

Vous nous parlez de l'évolution des moeurs ou de la situation des concubins hétérosexuels pour justifier le PACS, ou ses versions successives aux contenus d'ailleurs tour à tour des plus contradictoires.

Or, cela n'a plus rien à voir avec les revendications de départ des homosexuels. Soyons sérieux ! Le modèle républicain français, les valeurs de notre république, ce n'est pas le communautarisme ! Oui, madame la ministre, à la différence du président Giscard d'Estaing, ou des ministres Simone Veil et Jean Lecanuet, qui ont su, en leur temps, donner de meilleurs exemples de réformes sur des thèmes non moins difficiles et non moins périlleux comme le divorce ou l'interruption volontaire de grossesse - Patrick Devedjian y avait fait référence, à juste titre, dans son intervention -, vous n'avez voulu, à aucun moment, engager un dialogue, un travail sérieux avec l'opposition de cette assemblée. Vous avez commis l'erreur, et vous continuez à la commettre, de considérer que l'on peut mener une réforme sociétale à la sauvette - je ne reviens pas sur la séance du 9 octobre 1998 dans cet hémicycle - et ce de manière frontale.

Au lieu d'un travail préparatoire sérieux, approfondi, et abordant les questions de fond qui touchent à la sexualité, au couple, à l'amour, à la procréation et à la famille , vous nous avez imposé successivement le CUC, le CUS, le CUCS, sans parler du PIC, puis les versions successives du PACS : PACS 1, PACS 2 - le retour, et pour finir, ce soir, le PACS 3 ! J'ai beaucoup entendu critiquer le Sénat à gauche, à l'instant même par l'oratrice qui m'a précédé à cette tribune. Mais, enfin, messieurs les rapporteurs, madame la ministre, sérieusement, où en seriez-vous aujourd'hui si le Sénat avait adopé conforme le texte que l'Assemblée nationale lui a transmis ?

M. Patrick Devedjian.

Le risque était modéré !

M. Maurice Leroy.

Où en seriez-vous aujourd'hui si la majorité sénatoriale, qui a été tant critiquée tout à l'h eure à cette tribune, n'avait pas fait son vrai travail, n'avait pas cru au bicamérisme, si elle n'avait pas accompli un vrai travail de fond...

M. Dominique Dord.

Très bien !

M. Maurice Leroy.

... en produisant 310 pages de rapports, en procédant à plus de 80 auditions en commission et non en circuit fermé à deux ou trois dans un bureau ? Vous seriez très ennuyés ! Imaginons que le Sénat ait adopté en termes identiques la version que vous lui avez transmise ! Imaginons qu'il se soit amusé à ce petit jeu consistant à dire : « Chiche ! On l'adopte en t ermes identiques ! » Où en seriez-vous aujourd'hui devant le Conseil constitutionnel ? Vous avez déjà été contraints de retirer les dispositions sur les fratries et si vous l'avez fait, ce n'est pas pour nous faire plaisir - ça nous l'avons parfaitement compris -, c'est parce que vous savez bien qu'elles ne sont pas constitutionnelles. Nous vous l'avions dit à plusieurs reprises à cette tribune.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Maurice Leroy.

Au total, votre texte « à force de vouloir satisfaire tout le monde sans mécontenter personne, risque fort de mécontenter tout le monde sans satisfaire personne ». Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Irène Théry, qui déclare encore : « Le PACS ne tranche aucune question, mais à force de compromis, il est devenu une sorte d'objet juridique non identifiable. »

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Mais Mme Théry est ravie du texte actuel !

M. Yves Nicolin.

C'est pourtant une usine à gaz !

M. Maurice Leroy.

Eh bien, le groupe UDF s'oppose résolument - nous n'avons pas peur de le dire - au PACS, objet juridique non identifiable.

Le PACS prévoit des droits, sans les devoirs - je n'y reviens pas -, nous l'avons démontré. J'ai relu tous les débats, ceux du Sénat comme ceux de l'Assemblée nationale, ainsi que l'ensemble de vos réponses à nos amendements, madame la ministre.

Mme Christine Boutin.

C'est intéressant !

M. Maurice Leroy.

Vous étiez très ennuyée...

Mme Christine Boutin.

On va faire une étude comparée !

M. Maurice Leroy.

... chaque fois que nous avons tenté d'améliorer le texte par voie d'amendements. Et que l'on ne feigne pas de découvrir à ce propos le rôle de l'opposition ! Ce rôle consiste d'abord à défendre des positions de principe, puis à présenter des amendements de repli pour tenter d'améliorer le texte, c'est le b-a ba du travail parlementaire. Or les réponses que vous avez formulées, madame la ministre, sont très intéressantes. Il suffit de relire attentivement le Journal officiel pour le constater.

Ce texte s'est révélé inamendable. Nous étions chaque fois coincés, car pour l'améliorer il aurait fallu aller dans le sens d'un rapprochement avec le mariage. Le mot est dit ! Pour améliorer le PACS, il aurait fallu en faire un sous-mariage. Vous l'avez d'ailleurs reconnu, madame la ministre, puisque c'est l'argument que vous avez toujours avancé pour justifier l'opposition du Gouvernement à nos amendements. Lorsque nous avons parlé des enfants, on nous a répondu que cela n'avait rien à voir, que c'était un autre débat. Et chaque fois que nous avancions des arguments, on nous renvoyait à un autre débat. De grâce, qu'il vienne vite ce débat, qu'on puisse enfin discuter des questions de fond ! Avec tous leurs collègues de l'opposition, les députés UDF voterons résolument et très tranquillement contre ce texte. Certes, il sera adopté, car nous sommes en démocratie et il y a une majorité. Vous le voterez. Mais, je suis prêt à prendre date, et je le dis notamment à Mme Jacquaint qui répondait tout à l'heure à l'un des orateurs de l'opposition. En effet, lorsque les difficultés et les contentieux apparaîtront, n'ayez crainte, nous consulterons le Journal officiel et nous vous rappellerons vos déclarations !

Mme Muguette Jacquaint.

On sait le faire aussi ! On pourrait remplir des livres avec vos déclarations !

M. Maurice Leroy.

A l'UDF, nous considérons que le PACS sera absolument inapplicable et source de contentieux insurmontables.

Il reste un vrai débat de fond à avoir, madame la ministre, celui qui permettra à la représentation nationale de discuter de la politique familiale. Les députés UDF ne confondent pas le respect de la vie privée, donc de la liberté sexuelle de chacun, au nom de l'égalité des droits, avec celui de l'égalité des couples, alors même que ceux-ci ne remplissent pas la même fonction sociale. Nous avons, nous, à coeur de relever les défis du siècle nouveau : celui de l'enfance et de l'éducation,...

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. Maurice Leroy.

... celui du troisième âge et de la dépendance, celui de l'exclusion et de la pauvreté, dans un esprit humaniste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Guy Hascoët.

M. Guy Hascoët.

Je serai très bref, car beaucoup de choses ont déjà été dites. Nous défendrons très peu d'amendements en deuxième lecture. Sur ceux que nous avons soutenus en première lecture, il y a eu ce que j'appellerai un renoncement. Il est lié à une pratique nouvelle : quand un texte progressiste dérange, ceux qui ne souhaitent pas le voir adopter s'exclament tout de suite qu'ils ne l'appliqueront pas. Je ne reviendrai pas sur la loi de 1974 et sur les difficultés de la mettre en oeuvre, ici ou là, certains ex-ministres soutenant même des actions illégales pour en empêcher l'application. Dès le début de ce débat nous avons donc assisté à une levée de boucliers de ceux qui ont dit : « Moi, maire de la République, je n'appliquerai pas la loi ! » (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

Et vous, sur les sans-papiers ?

M. Guy Hascoët.

Mais, j'applique la loi, moi, monsieur Leroy !

M. Yves Fromion.

Là vous êtes bien tombé ! Vous êtes pris la main dans le sac !

M. Guy Hascoët.

Pas du tout ! Je suis désolé de vous décevoir, mais j'applique les textes. Renseignez-vous avant de parler !

M. André Berthol.

Vous avez perdu une occasion de vous taire !

M. Guy Hascoët.

On évoque souvent ici l'importance d'un renouveau citoyen, de la responsabilité des parents, du respect des lois, des droits et devoirs des uns ou des autres, de la République. Eh bien, je pense que la logique voudrait que ceux qui seront concernés demain par le PACS puissent trouver ce service là où la République est présente partout sur le territoire, c'est-à-dire dans les mairies. Et il aurait pu en être ainsi sans la pression d'un certain lobby qui prend parfois ses ordres dans une autre république et qui a un siège à l'ONU.

M. Yves Fromion.

Je croyais qu'il n'y avait pas de lobbies !

M. Guy Hascoët.

On a donc inventé un dispositif compliqué, loin des gens, applicable dans des lieux très mal répartis sur le territoire, au prétexte que des gens, pourtant premiers magistrats de leur ville, ont prétendu qu'ils ne l'appliqueraient pas.

Un autre point me paraît essentiel, c'est celui relatif aux délais. Le PACS ouvrira certains droits et l'on peut comprendre la volonté de faire en sorte qu'il ne soit pas utilisé de façon légère, voire frauduleuse, disons-le ! C'est justement sur ce mot que je veux revenir. Alors que nous


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venons de conclure le débat sur la présomption d'innocence, comment peut-on voter un texte en considérant que les personnes concernées vont l'utiliser de manière malhonnête ? Cela s'appelle une suspicion a priori.

M. Patrick Devedjian.

Quel est ce procès ?

M. Guy Hascoët.

Vous êtes justement bien placé, monsieur Devedjian, pour m'expliquer pourquoi on ferait peser une telle suspicion a priori sur les futurs bénéficiaires de ce texte et pas sur d'autres catégories de personnes concernées par d'autres textes ? Je ne comprends pas, ou plutôt je comprends trop bien ! Nous aurons l'occasion de nous en expliquer à nouveau à travers les amendements.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est très confus !

M. Guy Hascoët.

Non, vous verrez très bien ce que veut dire la suspicion sur le plan fiscal et social. Vous n'étiez peut-être pas là en première lecture, mais vous aurez le temps de suivre un petit rattrapage.

M. Eric Doligé.

Ne vous inquiétez pas ! On vous a entendu !

M. Guy Hascoët.

Enfin, j'ai déjà dit en première lecture, et je continue de penser, qu'une future catégorie d'usagers du PACS sera ce que j'appelle les couples recomposés à un âge avancé de la vie. Certaines personnes qui refont leur vie, qui recomposent une famille n'ont en effet pas forcément envie d'entrer dans l'institution du mariage une seconde, voire une unième fois, mais leur volonté de protéger l'autre face aux aléas de l'existence pourra les inciter à utiliser le PACS et vous serez peut-être surpris, monsieur Leroy, de constater que ceux qui feront appel, demain, à cette procédure ne seront pas forcément ceux que vous croyez.

M. Maurice Leroy.

On en reparlera !

M. le président.

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Le texte sur le pacte civil de solidarité est donc présenté en deuxième lecture devant notre assemblée. Il reprend, à quelques détails près, la philosophie du texte initial. Il n'a pas fondamentalement changé, notre opinion à son sujet non plus.

M. Georges Sarre.

Normal !

M. Jean-François Mattei.

Aussi, je ne crois pas utile de décliner à nouveau l'ensemble de l'argumentation que j'avais développée devant vous le 9 octobre dernier.

M. Richard Cazenave.

Avec succès !

M. Jean-François Mattei.

Je me contenterai d'exprimer un regret, de confirmer un désaccord et de proposer une réflexion.

Le regret, tout d'abord. Je demeure persuadé que, face à un réel problème, le Gouvernement a sous-estimé initialement la portée des enjeux, la profondeur des clivages et ne s'est pas engagé comme il aurait dû.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Toujours en retrait jusqu'à la première lecture, il a laissé un texte incertain errer d'une solution à l'autre. C'est, à n'en pas douter, la raison de l'insuffisante mobilisation initiale de la majorité. Le débat a d'abord tourné court contre toute logique politique.

Après ce faux pas, au lieu de reprendre la concertation et la réflexion sur de nouvelles bases - deuxième erreur -, le texte est revenu trop identique et trop vite. Sur un tel sujet, le passage en force n'est certainement pas la bonne méthode. Le débat a perdu en sérénité, ce que je déplore.

Il est devenu un enjeu politique quand il est d'abord un enjeu de société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Or, vous n'avez jamais cherché le compromis pour tenter de trouver une réponse à un problème que personne ne saurait nier dès lors qu'est prise en compte la situation de couples de fait. Bien sûr que notre société a évolué et que de nouveaux modes de vie en commun sont apparus, en dehors du mariage. Nous savons très bien que 5 millions de Français vivent en union libre et que 40 % des enfants naissent hors mariage. Nous savons également que les personnes homosexuelles vivent de plus en plus leur différence de façon publique, et c'est très bien. Mais nous continuons de considérer que ces deux phénomènes n'ont pas de lien, qu'ils relèvent de mécaniques totalement différentes et qu'il est fallacieux de prétendre légiférer pour toute ces situations par un dispositif unique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Dès la première lecture, nous avons reconnu l'existence d e problèmes concrets, parfois dramatiques, qui se posaient aux personnes homosexuelles vivant en couple.

Nous étions prêts à débattre ensemble de ces questions de façon pragmatique et réaliste. C'était le sens de ma première intervention. Je regrette donc que vous n'ayez pas apprécié, bâti, engagé et porté ce texte de la meilleure façon.

Voilà dix ans que j'ai l'honneur de siéger dans cette assemblée et j'ai déjà participé à un certain nombre de débats de société. Tous - aucune exception ne me revient en mémoire à part celle-ci - ont été étudiés d'abord p ar une mission commune d'information qui a permis à l'ensemble des parlementaires, sous la présidence de l'un d'entre nous, avec un rapporteur, d'auditionner, de prendre la température de l'opinion, de voir quels avis pourraient éventuellement se rapprocher. J'ai d'ailleurs vu, notamment dans le débat sur la bioéthique, des points de vue totalement opposés se rapprocher au fur et à mesure des auditions et des conversations communes.

Ensuite, après la mission d'information, une commission spéciale permettait aux membres de la commission des lois, à ceux de la commission des affaires sociales et même aux autres, de travailler ensemble. Car, après tout, on peut siéger à la commission de la défense, à la commission des affaires étrangères ou à celle de la production et des échanges et être impliqué dans ces questions. Or en l'occurrence ces parlementaires ont été écartés du débat en commission. Sur un tel sujet ce n'est pas convenable ! Bien sûr, vous avez raison, madame la présidente de la commission - je vois votre geste de dénégation -, tout parlementaire est autorisé à siéger dans une commission qui n'est pas la sienne à titre facultatif. On peut discuter, mais je ne veux pas le faire maintenant ! Franchement, si la portée de ce débat avait été évaluée à sa juste mesure, on aurait probablement abordé celui-ci différemment. C'est un regret car si, selon les règles de la démocratie - je vais dire les choses un peu différemment -, l'opposition a politiquement tort au moment du vote, elle a juridiquement raison devant un texte qui manque de logique et de cohérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Je voudrais maintenant rappeler et confirmer nos désaccords de fond car finalement, le PACS ressemble à l'histoire d'un rendez-vous manqué. A chaque étape de l'élaboration du projet, lorsque deux solutions se présentaient, vous avez choisi la plus problématique. Nous avons donc aujourd'hui un dispositif à trois étages : le mariage, qui demeure la seule institution réservée à deux personnes de sexe différent ; le concubinage, qui reste un fait juridique dont l'existence sera désormais authentifiée dans le code civil et le PACS, qui apparaît en définitive comme une union libre désormais contractualisée.

Inscrit à la fin du livre Ier du code civil traitant des personnes, ce pacte n'est pas permis à ceux qui ne peuvent se marier ensemble pour cause d'inceste, ni à celui qui serait déjà marié, car ce serait une sorte d'offense à la monogamie. C'est un contrat qui entraîne une solidarité des dettes ménagères et une présomption d'indivision pour les biens acquis à titre onéreux après sa conclusion.

Comme il est révocable ad nutum, la rupture est libre.

Si l'on ajoute que l'imposition est commune, que l'abattement pour la perception des droits de mutation à titre gratuit est de 300 000 francs, il apparaît à l'évidence que le PACS est un succédané du mariage... pour les hétérosexuels qui trouveraient le mariage trop contraignant.

Se marier, oui, mais selon la formule d'Evelyne Sullerot,

« pour le meilleur et sans le pire ».

M. Maurice Leroy.

Très juste !

M. Jean-François Mattei.

Je confirme donc que, pour les hétérosexuels, le PACS est un véritable sous-mariage.

Mais si j'essaie maintenant de rentrer dans la logique qui est la vôtre, il apparaît que le PACS constitue aussi, pour les homosexuels, une union de seconde zone.

Quand ils réclamaient l'égalité, ils se retrouvent avec un lien dont le contenu est strictement matériel et bien inférieur à celui des couples hétérosexuels lorsqu'ils se marient : peu de protection juridique en cas de rupture et pas de statut d'héritier ; quand on se marie, on a tout de suite des droits alors qu'avec la conclusion du PACS, il faudra attendre parfois longtemps pour les obtenir ; enfin, quelle est la valeur d'un contrat résiliable à tout moment et unilatéralement ? F inalement, vous n'aurez offert aux homosexuels qu'une union ne correspondant pas aux voeux de la majorité d'entre eux.

On en vient même à se demander si cela valait la peine de disqualifier l'union libre par un contrat d'union de seconde zone, qui sera la seule possibilité offerte aux couples homosexuels, alors que les hétérosexuels pourront toujours choisir entre concubinage, PACS et mariage.

Vous aviez d'autres solutions : soit redéfinir le PACS comme une déclaration solennelle d'union libre - c'est le fait d'avoir une vie commune qui seule serait la source de droit et le PACS serait le moyen de l'authentifier ; soit réserver le PACS aux seuls couples de même sexe puisque pour eux, il n'y a pas d'autre issue pour consacrer la solidarité dans la vie commune.

Marginalisés juridiquement par la Cour de cassation, et, trop souvent, socialement par leurs familles respectives, frappés directement par la pandémie du sida, les homosexuels auraient alors trouvé dans la loi une protection spécifique. D'accord ou pas d'accord, au moins, les choses auraient été claires.

Cela eût été la logique et la vérité d'une démarche.

Je vous avais proposé en terminant mon intervention, le 9 octobre : le mariage re-considéré avec une politique familiale à sa mesure ; l'union libre mieux définie au regard de l'évolution de notre société ; un contrat de vie commune pour les couples homosexuels organisant leur vie privée.

Au lieu de cela, nous aurons désormais, au travers du PACS, toutes les confusions possibles entre solidarité et sexualité, entre société et vie privée, entre constatation, contractualisation et consécration, entre justice et précarité.

En définitive, le PACS, cette construction juridique étrange, n'a vocation à satisfaire personne : ni les concubins, qui ont fait le choix délibéré de vivre en union libre et qui voient là une atteinte à leur liberté et à leurs inté rêts ; ni les couples mariés, qui voient là le moyen d'obtenir de nombreux droits sans avoir à assumer d'obligations ; ni les couples homosexuels, qui n'y voient pas la reconnaissance à laquelle ils aspiraient ; ni les personnes vivant seules, c'est-à-dire sept millions de Français, qui se trouvent ainsi pénalisés outrageusement par les impôts alors que leur capacité contributive est généralement moindre.

M. Yves Fromion.

En effet !

M. Jean-François Mattei.

Enfin, je ne reviens pas en détail sur les problèmes de filiation, bien qu'ils constituent pour beaucoup un sujet majeur de préoccupation.

Ils ne sont pas inscrits dans la loi en tant que tels, il est vrai. Ils ne sont pas souhaités par la majorité d'entre vous, j'en suis sûr. Mais ils sont inscrits en filigrane dans l'évolution du texte et dans la vie d'une loi qui vous échappera, car les pressions et la logique des textes européens au regard de la Cour européenne des droits de l'homme feront qu'au même statut juridique devront correspondre les mêmes droits.

Ce sont toutes ces raisons qui nous conduisent à nous opposer au projet de PACS.

Je conclurai par une réflexion qui m'a été inspirée par la récente disparition du philosophe Jean Guitton, dont la vie a été marquée par la confrontation de la foi avec la raison moderne.

Volontiers provocateur, il tentait de jeter des passerelles, selon sa formule, entre : « les modernes qui nont pas la foi, et les croyants qui n'ont pas l'esprit moderne ».

Il cultivait ainsi l'attrait des contraires entre sa philosophie, qui lui interdisait l'intolérance, et sa foi, qui lui interdisait la moindre concession.

C'est bien cela qui doit nous guider dans notre travail l égislatif : accepter l'autre dans sa différence, mais défendre sa propre conviction avec exigence. Ce n'est pas la qualité des personnes prises individuellement ou en couple que je conteste, mais une organisation sociale ambiguë qui s'écarte du modèle anthropologique naturel telle qu'on peut la voir au travers du PACS.

Jean Guitton écrivait encore : « La vérité est une chose, la mentalité d'une époque en est une autre, la spiritualité en est encore une troisième. »

M. Germain Gengenwin.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Je me demandais, madame la ministre, si j'allais terminer sur ce paragraphe, mais c'est vous qui, tout à l'heure, avez parlé de dimension spirituelle. Alors, je me permets de terminer ainsi, en me tournant vers mes collègues de la majorité comme de l'opposition : je souhaite que nous puissions aspirer à la vérité et préserver l'essentiel sans céder à la mentalité d'une époque qui fait les modes et en nous gardant d'oublier, sous quelque forme qu'elle soit et sans aucunement porter atteinte à la laïcité, l'indispensable spiritualité qui


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seule peut tout préserver. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Madame la ministre, mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui nous donne l'occasion d'être en phase avec le XXIe siècle. De notre société se dégage et grandit l'exigence d'en faire une époque nouvelle en matière de droits et de libertés et d'en finir avec les discriminations. En ouvrant des droits nouveaux aux personnes qui forment un projet commun de vie sans vouloir ou pouvoir se marier, le pacte civil de solidarité participe à cette ambition.

En permanence, notre société évolue. Les besoins se modifient. Des aspirations nouvelles s'expriment, se transforment, grandissent. La République n'a pas le droit de s'immiscer dans la vie privée de ses citoyens, encore moins de les juger. Elle a cependant la responsabilité d'accorder à tous sa protection, de permettre à chacun de bénéficier de nouveaux droits et libertés, à condition que ceux-ci n'entravent point ceux des autres. Et c'est bien ce qu'entend apporter le PACS, au regard de l'évolution récente de notre collectivité nationale et particulièrement de la famille.

Ces dernières décennies, les femmes ont pris une place nouvelle dans la société. Elles ont investi le monde du travail, et nous sommes de ceux qui s'en réjouissent pleinement. Il reste beaucoup à faire pour aller vers une réelle égalité des droits. Mais ce rééquilibrage hommefemme a d'ores et déjà des répercussions sur la famille.

Aujourd'hui, 87 % des unions se forment hors mariage. 4,8 millions de personnes vivent en couple sans être mariées. Deux enfants sur cinq naissent hors mariage.

Deux millions d'enfants vivent avec leurs deux parents non mariés. C'est à cette famille nouvelle que le pacte civil de solidarité entend donner une plus grande stabilité juridique. Pour s'épanouir pleinement, les citoyens, mais aussi et surtout les enfants, ont besoin d'un cadre familial solidaire et protecteur.

Lorsqu'on examine dans le détail les dispositions contenues dans le PACS, on s'aperçoit que ce texte répond à cette exigence. Sans rien renier à ceux qui font le choix de se marier, le pacte civil de solidarité est un élément d'une politique familiale qui intègre mieux les contours de la famille contemporaine.

A ce sujet, permettez-moi d'exprimer la satisfaction du groupe communiste à l'idée de compléter les dispositions du PACS par l'introduction, dans le code civil, de la notion de concubinage sans distinction de sexe. Union libre, concubinage, pacte civil de solidarité, mariage, les couples auront désormais le choix du statut qui correspond le mieux à leur conception de la vie familiale.

Au-delà des droits nouveaux, le PACS constitue une reconnaissance sociale et juridique des couples non mariés, et particulièrement des couples homosexuels. En outre, il a une portée historique et symbolique.

Avant nous, d'autres pays ont déjà reconnu juridiquement le couple homosexuel. D'ailleurs, dans ces pays-là, on continue de vivre, de se marier et d'avoir des enfants... Il était temps que la France mette enfin le cap vers le droit à l'égalité et l'égalité des droits, comme l'y invitait d'ailleurs un rapport du Parlement européen adopté l'an dernier.

Sans doute parce qu'ils étaient les premières victimes des discriminations, les homosexuels et leurs associations ont eu l'immense mérite de faire grandir l'exigence de ce pacte civil de solidarité : preuve qu'en relativement peut de temps, une exigence exprimée par une minorité peut devenir une avancée significative pour l'ensemble de la société.

Pour travailler efficacement à cet enjeu, les parlementaires communistes n'auront pas ménagé leurs efforts.

Nous sommes du combat contre toute forme de discrimination, pour l'égalité des droits, pour l'acceptation des différences.

C'est cette conception que nous défendons avec le pacte civil de solidarité, après avoir déjà déposé une pr oposition de loi dans ce sens lors de la précédente législature. C'est aussi cette conception qui nous a poussés à contribuer de façon constructive à l'amélioration de ce texte, pour ouvrir un maximum de droits nouveaux. C'est elle qui nous a conduits à nous faire, dans cet hémicycle, le relais de ceux qui agissent depuis des années pour les mêmes objectifs - je pense en particulier aux homosexuels et à leurs associations.

Associée à la détermination de la gauche plurielle et de son gouvernement, cette démarche s'avère payante. Je tiens à dire combien les députés communistes se félicitent des progrès enregistrés par le texte entre sa première version, en septembre dernier, et son adoption en première lecture, le 9 décembre dernier.

Je tiens notamment à citer : l'amendement que nous avions déposé et qui a été adopté, visant à préciser q ue le PACS est ouvert à deux personnes « de sexe différent ou de sexe identique » ; l'ouverture de la qualité d'ayant droit d'assuré social au partenaire lié par un PACS et qui ne pourrait y prétendre à un autre titre ; la disparition des délais nécessaires avant que le survivant ne puisse bénéficier de la reprise du bail de son partenaire décédé.

Pour les avoir défendues en première lecture, nous souscrivons pleinement aux modifications que la commission des lois a adoptées et qu'elle proposera à l'Assemblée de retenir : la suppression des délais imposés avant de pouvoir bénéficier des abattements sur la succession du partenaire décédé ; la suppression de l'article 10 ouvrant certaines dispositions du PACS aux fratries - ces dernières devront faire l'objet de mesures nouvelles lors d'une prochaine loi sur la famille ; enfin, les députés communistes voteront allègrement la reconnaissance, dans le code civil, du concubinage sans distinction de sexe, permettant ainsi au législateur de mettre fin à la jurisprudence rétrograde de la Cour de cassation.

Que de chemin parcouru depuis septembre dernier.

Que d'avancées obtenues vers l'égalité des droits ! Pour autant, et nous sommes ici pour cela, le texte proposé mérite encore d'être amélioré pour répondre pleinement aux exigences de notre époque et de nos moeurs.

Ainsi, les députés communistes - comme ils l'ont fait en première lecture - reproposeront que le pacte civil de solidarité soit signé en mairie. C'est l'institution la plus proche des citoyens, la plus connue, la plus accessible. En optant ainsi, nous ferions un grand pas supplémentaire vers la reconnaissance sociale des couples non mariés.

De même, nous demanderons la suppression de tous les délais qui subsistent encore dans le texte, particulièrement ceux qui courent avant d'accéder à l'imposition commune. Les autres délais ont été supprimés ou vont l'être. Pourquoi ne pas aller au bout de cette logique,


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pourquoi ne pas mettre résolument fin à toute forme de suspicion que de tels délais font planer sur ceux qui signent un PACS ? Nous demeurons persuadés qu'il faut ouvrir plus nettement le droit au séjour pour les étrangers liés par un PACS. Ces personnes, dont les attaches affectives et familiales se situent en France, doivent pouvoir bénéficier de garanties de stabilité. Or le texte adopté en première lecture précise seulement que « la conclusion d'un pacte civil de solidarité constitue un élément d'appréciation des liens personnels en France ». Nous ne pouvons nous satisfaire du fait que la situation de ces personnes demeure assujettie au pouvoir d'appréciation des préfets. C'est la porte ouverte à des inégalités de traitement. Il faut que la conclusion d'un PACS ouvre le droit au séjour comme l'ouvre le mariage.

Nous regrettons que l'article 40 de la Constitution ne permette pas à notre Assemblée de débattre et d'adopter les justes dispositions complémentaires que les députés communistes n'ont pas manqué de déposer. Je pense particulièrement à l'abattement sur les successions qu'il conviendrait d'indexer sur les dispositions en vigueur pour les personnes mariées, ou encore à diverses mesures sociales comme la pension de reversion.

Aujourd'hui, s'ouvre la seconde lecture de la proposition de loi visant à instaurer le PACS. Les manoeuvres de l'opposition n'ont pas manqué jusqu'à présent. Estimant que le débat a déjà largement eu lieu au Parlement et dans tout le pays - débat qui n'a pas démenti la grande attente que le PACS a suscité chez les citoyens et chez les jeunes, notamment -, nous avions demandé au Gouvernement de déclarer l'urgence, comme il l'avait déjà fait pour un autre texte de grande portée : le plan emploisjeunes. Nous regrettons de n'avoir pas été entendus sur cette question. Mais autant nous sommes d'accord pour consacrer le temps nécessaire pour élaborer le meilleur texte possible, autant nous serons vigilants pour faire en sorte que le PACS entre en vigueur dans les meilleurs délais possibles. Des millions de personnes attendent l'ouverture de droits nouveaux. Nous refusons qu'elles soient prises en otage par l'attitude d'obstruction de certains parlementaires de droite. La gauche plurielle doit aller au bout de sa volonté transformatrice en permettant une adoption rapide du pacte civil de solidarité.

Chers collègues, au-delà des droits nouveaux et de la reconnaissance sociale et juridique des couples non mariés, le PACS a une portée historique et symbolique. Il fait avancer notre pays sur le long chemin qui mène à la fin des discriminations liées à l'opinion, la couleur de peau, la sexualité. Vous pouvez compter sur les députés communistes pour contribuer à y avancer le plus vite possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Georges Sarre.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, pas plus que Jean-François Mattei, je n'entends réitérer en seconde lecture la longue analyse que j'ai faite en première lecture. D'une part, et fort heureusement, le débat s'est relativement apaisé dans notre pays. D'autre part, l'opposition et la majorité, visiblement, ne recherchent pas le même objectif. Il est apparu, à l'évidence, que nous ne serions pas entendus. La majo-r ité recherche une victoire politique. L'opposition demande que l'on légifère convenablement et avec cohérence. C'est le seul but que nous visons.

Or le PACS qui nous revient aujourd'hui s'est encore modifié, superposant au fil du temps des couches sédimentaires. Quel Ovide moderne nous décrira les métamorphoses de cette machine tous les jours un peu plus complexe ? Il faut bien le constater, il n'est pas de projet socialiste sans usine à gaz.

Tout avait pourtant commencé très simplement. Il s'agissait d'éviter qu'un concubin homosexuel ne soit plus mal traité qu'un hétérosexuel à l'égard de droits élémentaires. Il s'agissait d'infléchir une jurisprudence de la Cour de cassation dont les effets n'ont pas été pleinement mesurés par les juges.

Le Sénat comme l'opposition de l'Assemblée nationale vous ont proposé une solution toute simple : une nouvelle définition du concubinage. Cela prouve au moins que le Sénat est non seulement plus moderne que la Cour de cassation...

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

... mais plus moderne aussi qu'une vaine propagande tente de l'accréditer.

Curieusement, le débat ne vous a rien appris. Vous aviez, par exemple, contesté ici même que le pacsé soit un célibataire. C'était, disait M. Michel, une catégorie nouvelle, fruit de la créativité d'une gauche inspirée.

Hélas ! le réveil fut rapide. Mme Guigou a reconnu, le 17 mars, au Sénat, que le concubin est célibataire et que le signataire d'un PACS l'est aussi. Cela figure au Journal officiel, page 1515. Nous avions donc raison, monsieur Bloche et monsieur Michel, alors que vous proclamiez le contraire. Mme la garde des sceaux vous a désavoués.

Mais, Mme la garde des sceaux, qui proclamait son refus de l'adoption par des couples homosexuels, ne nous disait pas non plus la réalité. Nous avions raison quand nous affirmions que le pacsé homosexuel pouvait adopter en bénéficiant de l'article 343-1 du code civil. Si le pacsé est un célibataire, il peut naturellement bénéficier des dispositions de cet article.

M. Pierre Lellouche.

Hélas !

M. Patrick Devedjian.

Il était donc inutile de nous dire que ce n'était pas vrai, que c'était inadmissible, que vous étiez contre cette forme d'adoption, que vous pensiez à l'enfant, etc.

M. Yves Fromion.

Le Gouvernement s'y opposerait, nous disait-on !

M. Patrick Devedjian.

En réalité, c'est possible. Pourquoi avoir tant soutenu le contraire et avoir tenté de tromper l'opinion ? La vérité finit toujours par apparaître.

M. Daniel Marcovitch.

Vous ne dites que des contrevérités !

M. Patrick Devedjian.

Nous avions raison aussi sur les fratries et leurs tribulations.

M. Maurice Leroy.

Eh oui !

M. Patrick Devedjian.

Dans le PACS no 1, celui qui a échoué le 9 octobre, il n'y avait aucune disposition destinée à les inclure. Dans la version no 2, celle que l'Assemblée a envoyée au Sénat, on a amendé en faveur des fratries pour dissimuler un peu plus le vrai sens du texte. Aujourd'hui, les fratries...

M. Pierre Lellouche.

Y en a plus !

M. Patrick Devedjian.

... sont retournées à leur néant, sous le manteau d'une étude future.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Yves Fromion.

C'est un arrangement constitutionnel, sans plus !

M. Patrick Devedjian.

Elles viennent, elles partent, elles reviennent ! Nous avions donc raison.

Nous avions raison encore quand nous disions que, sous prétexte de générosité et d'égalité, il y avait un v rai projet d'hostilité à la famille. J'en ai cherché la preuve et je l'ai trouvée. Il suffit de lire la prose du Parti socialiste.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bonne lecture !

M. Patrick Devedjian.

Mais oui, c'est très intéressant.

Ainsi, dans la publication qui s'appelle L'Hebdo des socialistes, du 29 janvier 1999...

M. Alain Fabre-Pujol.

Mieux que très bonne, excellente lecture !

M. Patrick Devedjian.

Bien sûr, et je vais même vous en citer un extrait.

M. Yann Galut.

Nous sommes attentifs !

M. Patrick Devedjian.

Dans cette petite feuille hebdomadaire du Parti socialiste, juste après un éditorial de François Hollande,...

M. Serge Blisko.

Remarquable auteur !

M. Patrick Devedjian.

... on peut lire la chose suivante :

« La famille est un instrument de perpétuation des hiérarchies sociales et des inégalitéss. »

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Serge Blisko.

C'est juste !

M. Patrick Devedjian.

Ah oui ? En tout cas, c'est ce que dit le Parti socialiste !

« On comprend, ajoute l'auteur, que l'hostilité au PACS soit vive dans les milieux où la structure familiale est d'autant plus essentielle que les capitaux à transmettre sont plus importants. »

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Yves Fromion.

Grotesque ! Lamentable !

M. René Mangin.

Ce n'en est pas moins vrai !

M. Alain Fabre-Pujol.

C'est la réalité !

M. Yann Galut.

La réalité sociale !

M. Patrick Devedjian.

Cette thèse est celle du Parti socialiste et vous allez bien finir par nous dire ici la vérité : le PACS est destiné à lutter contre les inégalités qu'organise la famille.

M. Yann Galut.

Vous ne détenez pas la vérité sur la famille !

M. Patrick Devedjian.

Vos déclarations rassurantes et lénifiantes sur la famille sont démenties, madame la garde des sceaux, par le parti même auquel vous appartenez.

Qui de vous deux dit la vérité, vous quand vous défendez la famille ou celui dont j'ai lu la prose dans l'organe du Parti socialiste ? Qui est de bonne foi ?

M. Serge Blisko.

Que disait Mauriac ?

M. Patrick Devedjian.

Si l'on ajoute ce jugement du Parti socialiste au caractère fortement idéologique, l'incertitude des mesures proposées, leur coût soigneusement dissimulé et l'importance de la réduction des dispositions fiscales en faveur des familles, les craintes les plus vives sont effectivement permises et il n'y a nul besoin de mauvaise foi pour exprimer ses craintes.

M. Yann Galut.

Et nous, nous n'avons pas de familles !

M. Patrick Devedjian.

Mais vous en avez certainement !

M. Yann Galut.

Et nous ne les aimons pas et nous n'aimons pas les enfants !

M. Patrick Devedjian.

Je ne fais que mettre en évidence vos propres contradictions ! Il vous appartient de les résoudre. Ce n'est pas moi qui ai écrit cela, c'est la prose du Parti socialiste.

Vous voulez pousser aux extrêmes en lançant un défi politique et en vous livrant, de débat en débat, à une éternelle surenchère.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est un autoportrait !

M. Patrick Devedjian.

Vous voulez désormais cumuler le concubinage et le PACS, sans même vous soucier de la compatibilité de leur statut respectif. C'est un problème qui ne vous intéresse pas ! Est-ce que ces deux statuts sont compatibles ? Est-ce qu'ils peuvent se superposer sans dommage ? La question ne sera pas posée.

M. Yves Fromion.

Si, nous la poserons !

M. Patrick Devedjian.

Oublié ainsi le 29 octobre, quand Mme Véronique Neiertz reprochait à M. Tourret son amendement no 813 qui prévoyait l'indifférenciation des sexes dans le concubinage, en lui déclarant que

« l'adoption de cet amendement viderait le PACS de sa raison d'être ».

M. Pierre Lellouche.

Belle phrase !

M. Daniel Marcovitch.

C'est ce que le Sénat a essayé de faire !

M. Patrick Devedjian.

Mme Neiertz avait compris que le PACS et le concubinage élargi n'étaient pas compatibles. Désormais, vous n'en parlez plus et vous préférez dénoncer la mauvaise foi de la droite.

M. Daniel Marcovitch.

Et du Sénat !

M. Patrick Devedjian.

Le moins que l'on puisse dire est que vous ne vous êtes pas assurés de la cohérence et de la précision de votre texte. Plus le débat avance, plus l'enchevêtrement juridique devient complexe et incertain.

Il existe désormais cinq situations différentes...

M. Daniel Marcovitch.

Mariani en dénombre six !

M. Patrick Devedjian.

... soumises à trois régimes juridiques : homme et femme mariés, homme et femme en concubinage, homme et femme en PACS, personnes de même sexe en concubinage, personnes de même sexe en PACS.

M. Serge Blisko.

Vous faites de l'anthropologie !

M. Patrick Devedjian.

Cinq situations pour trois régimes juridiques différents ! Croyez-vous que cela peut fonctionner ? Toutes ces personnes auront des droits variables, pour le bonheur des avocats et des notaires.

M. Yann Galut.

C'est le lobby des avocats !

M. Patrick Devedjian.

Je vous reproche fondamentalement, au-delà de l'occasion, de traiter le code civil comme un tract du Parti socialiste (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), d'en faire un instrument de propagande politique, sans vous préoccuper de sa cohérence interne et de la logique de l'acquis de civilisation qu'il représente. Aucune étude de compatibilité des dispositions introduites ! L'important, c'est seulement d'affirmer votre volonté politique.

Mme Jacquaint croit que les arguments juridiques sont des prétextes destinés à cacher une hostilité de fond.

M. Alain Clary.

Elle a raison !

M. Patrick Devedjian.

Mais, madame, le droit, c'est la civilisation même.

M. Richard Cazenave.

Très bien !

M. Patrick Devedjian.

Et il est singulier d'entendre dans cet hémicycle, dans le lieu où se fait la loi, un tel mépris pour ce que nous faisons qu'on le qualifie de juridisme.

M. Alain Clary.

Arguties !

M. Patrick Devedjian.

Voilà l'idée que vous vous faites du législateur !

M. Alain Clary.

Mais non !

Mme Muguette Jacquaint.

Et vous le savez très bien !

M. Patrick Devedjian.

Vous ne pouvez pas déclarer que nous sommes d'accord sur le fond, sur certains points importants, comme M. Michel le reconnaît, et affirmer en même temps que notre opposition n'est pas sincère. Il faudrait quand même avoir un minimum de cohérence ! Je vous le répète donc : on doit prendre beaucoup plus de précautions pour faire la loi. Tel est le fond de notre opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants).

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il est plus facile de détruire et de dénaturer un texte que d'adopter une position constructive face à une proposition de loi importante pour près de cinq millions de nos concitoyens, et le Sénat nous l'a montré, il est aussi plus facile, pour nos collègues de l'opposition, d'utiliser la peur de l'autre, d'attiser la haine que d'affronter la réalité d'une société en mutation, c'est-à-dire une société qui vit.

J'ai été choqué de voir sur les murs des affiches homophobes, et je tenais à prendre à témoin notre assemblée du fait que ce que nous avons dit quant à l'existence de l'homophobie, comme partie intégrante du corps doctrinal des conservatismes de tous genres, et à l'utilisation qui en a été faite ces dernières semaines pour s'opposer à un progrès social essentiel, correspond, hélas, à la vérité.

M. Maurice Leroy.

Alors là, il nous faut un décodeur !

M. Jean-Pierre Blazy.

L'ordre du jour appelle aujourd'hui la discussion de la proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité, ce qui n'a aucun sens.

La reconstruction du lien social que nous souhaitons tous impose un texte clair qui, respectant la neutralité de l'Etat dans les rapports de la vie privée, se refuse à prendre en compte des considérations ayant trait à la configuration du couple visé par le pacte civil de solidarité.

Mesdames et messieurs de l'opposition, en voulant faire du PACS un cheval de bataille anti-homosexuel, ...

Mme Christine Boutin.

Mais non !

M. Jean-Pierre Blazy.

... vous mentez à nos concitoyens, mais surtout vous donnez une légitimité à des processus d'exploitation intolérables dans un Etat de droit moderne. Le fait que le principe de non-discrimination en fonction du comportement sexuel soit très clairement affiché sera notre réponse, même si elle n'avait pas de raison d'être.

Le caractère républicain et social du PACS est indéniable, car il tend à une plus grande égalité de droit entre tous les citoyens et leur ouvre la possibilité d'un choix réel quant à leur mode de vie à deux. Par ce dispositif, la puissance publique offre une reconnaissance sociale à deux personnes qui n'ont pas fait le choix du mariage, et dont le choix est éminemment respectable dans un Etat laïque.

La liberté s'arrête là où commence celle d'autrui. Sans entrer dans les détails, il me semble essentiel de rappeler que, dès l'instant ou l'homme sortait de l'état de nature pour entrer dans un état de culture, dès l'instant où l'acte sexuel est détaché de son objet naturel, c'est-à-dire la procréation, dès l'instant où la notion de plaisir entre en jeu, nous n'avons plus moralement le droit de dénoncer les pratiques de deux adultes consentants, d'autant moins qu'ils entendent avoir un projet de vie commune.

Je tiens ici à saluer Patrick Bloche et Jean-Pierre Michel pour la qualité de leur travail, mais surtout pour leur capacité à écouter et à prendre en compte toutes les remarques formulées dans un débat qui fut riche afin de parfaire le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Ainsi, le fait que le concubinage soit restreint aux seuls hétérosexuels peut apparaître étrange tandis que nous nous prononçons sur le PACS. Reconnaître le concubinage homosexuel en tant qu'union de fait est certes une avancée, car elle s'inscrit dans la démarche de liberté et de libre choix pour tous. Cependant, ne nous trompons pas, cette reconnaissance ne peut se substituer au dispositif que nous voulons mettre en place,...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Bien sûr !

M. Jean-Pierre Blazy.

... de la même manière que le PACS ne se substitue pas au mariage, et il peut apparaître étrange que le Sénat, de sa propre initiative, ait réintroduit le mariage dans un texte qui ne traite pas de cette question.

Le PACS apporte une réponse globale et cohérente à la situation des couples qui ne peuvent ou ne veulent pas se marier. C'est un contrat, qui implique des droits mais aussi des devoirs pour deux personnes ayant un projet de vie commune s'inscrivant dans la durée.

De la même manière, le fait d'exclure la question des fratries de ce texte particulier, sans éluder leur sort, mais en leur consacrant un dispositif propre, me semble essentiel à la crédibilité de cette proposition de loi et à la force de sa symbolique.

Ce texte est nécessaire, car il répond à l'exigence de solidarité qui marque, je le crois, toutes les actions du gouvernement de Lionel Jospin et de la majorité plurielle.

Le constat est clair. Aujourd'hui, si la famille reste la cellule de base de la cohésion sociale, ses frontières sont plus floues, sa structure évolue sans cesse en étroite connexion avec les mutations que connaît la société fran-


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çaise. Famille monoparentale, recomposée : les mots manquent parfois pour décrire un phénomène qui prend forme sous nos yeux. Or le ou les divorces successifs conduisent, on le sait, à un appauvrissement et à une fragilisation des individus.

Le PACS, aujourd'hui, répond à une exigence de solidarité avec ceux qui entendent définir librement le cadre de leur engagement mutuel. Il sera un outil au service de nos concitoyens qui ne peuvent se marier, ne le veulent pas, ne s'y sentent pas prêts ou ne le veulent plus.

Enfin, cette proposition de loi s'insère dans un ensemble de mesures qui montrent combien le Gouvernement a la volonté d'agir pour renouer le lien social en tenant compte des réalités et des exigences de notre temps. Le Gouvernement s'est engagé très fortement dans la définition d'une politique de la famille rénovée, alors que, dans le même temps, une réflexion de fond est menée pour réformer la délicate question du divorce.

Par ailleurs, nous voulons aider la famille à jouer son rôle dans l'éducation à la citoyenneté. Il n'y a pas de contradiction entre une politique familiale ambitieuse et rénovatrice et le projet du PACS.

Je l'ai dit en première lecture, je le redis avec plus de conviction encore aujourd'hui : le PACS comble un vide et répond à une aspiration profonde des Français, qui veulent que chacun ait la liberté d'assurer et d'assumer ses choix de vie, notamment de vie amoureuse. Notre société l'attend. Elle en a besoin. Un Etat démocratique, laïque et républicain doit pouvoir répondre à cette aspiration.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, au fur et à mesure de l'avancement de nos débats, les faux-semblants se dissipent. Pour bien le démontrer, je voudrais citer de bons auteurs.

J e commencerai par Mme la présidente Catherine Tasca, qui a déclaré au Point : « Ce texte n'est rien d'autre que le premier pas vers la reconnaissance du couple homosexuel. Dans un deuxième temps, ce sera le mariage. »

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Il fallait lire le rectificatif la semaine suivante, madame Boutin ! Ces paroles ne sont pas de moi, mais de votre ami M. Pinte !

M. Daniel Marcovitch.

Quelle mauvaise foi, madame Boutin !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est le mensonge à la tribune !

Mme Christine Boutin.

Je citerai ensuite M. Lang :

« Nous avons décidé, avec le Gouvernement, de ne pas poser la question de l'adoption, mais elle se posera fatalement. ».

M. Daniel Marcovitch.

C'est aussi Mme Tasca qui l'a dit ? ...

Mme Christine Boutin.

C'est M. Jack Lang. N'est-ce pas l'un des vôtres ?

M. Daniel Marcovitch.

Vous faites de la désinformation !

M. Alain Fabre-Pujol.

C'est du Goebbels !

Mme Christine Boutin.

Monsieur, je vous en prie ! Je ne peux pas accepter qu'on associe mon nom à celui de Goebbels ! C'est un fait personnel. Qu'est-ce que c'est que ces idées ? C'est inacceptable ! (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) N'avez-vous pas honte ? Je vous demande de retirer ce mot.

M. Alain Clary.

Elle va encore pleurer !

M. le président.

Mes chers collègues, pourriez-vous garder le ton qui était de mise jusqu'à présent ? Laissez poursuivre Mme Boutin...

M. Jean-Pierre Blazy.

On va lui envoyer des fleurs !

M. le président.

... et essayons de poursuivre la séance comme nous l'avons commencée.

M. Eric Doligé.

Celui qui a dit ça pourrait au moins s'excuser !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Il faudrait aussi que Mme Boutin s'excuse !

Mme Christine Boutin.

J'ai fait cette citation de bonne foi, madame Tasca. Si elle n'est pas de votre plume, je retire mes propos.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Je vous remercie.

Mme Christine Boutin.

J'ai vu ces propos sous votre plume. Je n'ai pas l'habitude de mentir. Et je n'ai pas non plus l'habitude de traiter les autres personnes de Goebbels.

M. Philippe de Villiers.

Très bien !

M. le président.

Madame Boutin, je vous en prie, reprenez votre propos.

Mme Christine Boutin.

Les faux-semblants tombent petit à petit, à l'occasion de ce débat et nous arrivons à une phase décicive de notre réflexion après une première lecture dans chaque assemblée. Certes, le fait majoritaire laisse à penser que ce texte sera voté, mais ce n'est pas parce qu'un combat semble perdu d'avance qu'il ne convient pas de le mener.

Mes nombreuses années de parlementaire m'ont permis de constater que rares étaient les occasions d'avoir des débats de société. Aujourd'hui, il s'agit non pas d'un débat de société mais d'un choix de société.

Madame Tasca, vous avez souhaité que certains de ceux qui hésitent à ne pas voter ce texte, le votent. Je fais donc une proposition inverse, en invitant ceux qui, dans votre camp, s'interrogent à propos de ce texte...

M. Claude Goasguen.

Et ils sont nombreux !

Mme Christine Boutin.

... à se poser cinq questions fondamentales.

D'abord quelle valeur réserve-t-il à l'engagement ? N'avez-vous pas le sentiment qu'en dévalorisant cet engagement, nous fragilisons la vie sociale ?

M. Daniel Marcovitch.

Première réponse : non !

Mme Christine Boutin.

Ensuite croyez-vous que le principe d'altérité est un principe fondamental de cohésion sociale ?

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, et M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Non !

Mme Christine Boutin.

Par ailleurs quels seront les droits des enfants à partir de ce texte ?


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Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Ils auront tous leurs droits !

Mme Christine Boutin.

Ainsi que l'a clairement montré Dominique Dord, comment se situeront-ils selon que les p ersonnes pacsées seront hétérosexuelles ou homosexuelles ? Par exemple les premières auront naturellement la possibilité d'adopter, alors que les secondes ne l'auront pas. Pourtant elles seront toutes dans la même situation juridique. Au nom du prinicipe d'égalité, vous serez donc contraints de permettre l'adoption par des personnes homosexuelles.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Goasguen.

Hélas !

Mme Christine Boutin.

Quatrième question : quelle république voulons-nous ? En effet n'avez-vous pas le sentiment que nous sommes en train de passer imperceptiblement d'une république universelle à une république communautariste ? Enfin, comment ne pas favoriser, avec les meilleures intentions du monde, le plus fort, le plus fraudeur, ou le plus riche ? Quelle société voulons-nous ? Puisque chacun a fait appel à ses auteurs, je terminerai en citant Claude Lévi-Strauss, interrogé par Didier Eribon. Il écrit dans son livre De près et de loin :

« Les sociétés se maitiennent parce qu'elles sont capables de transmettre, d'une génération à une autre, leurs principes et leurs valeurs. A partir du moment où elles se sentent incapables de ne rien transmettre ou ne savent plus quoi transmettre, et se reposent sur les générations qui suivent, elles sont malades.

« Si l'on veut rendre ses chances à un humanisme modéré, il faut que l'homme tempère sa gloriole et se convainc que son passage sur la terre qui, de toute façon, connaîtra un terme, ne lui confère pas tous les droits. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité franchit aujourd'hui une nouvelle étape. La majorité sénatoriale nous renvoie un texte lessivé, essoré, remanié : de profundis le PACS. On nous propose de reconnaître le concubinage dans le code civil et d'autoriser les concubins à régler leurs problèmes matériels. L'idée n'est pas mauvaise, mais elle est très largement en retrait par rapport aux souhaits de notre assemblée.

L'opposition n'a pas bougé d'un iota. Elle ne veut pas entendre parler du PACS, mais, comme elle craint les réactions de l'opinion publique, elle nous propose - faisant contre mauvaise fortune bon coeur - quelques petits aménagements juridiques avec l'adoption, aussi discrète qu'incertaine, du concubinage homosexuel.

Il est vrai que nous avions le choix entre « constater » u ne relation et la « reconnaître ». C'est dans cette deuxième voie - j'en suis convaincu - que nous devons nous engager, d'abord parce qu'un véritable engagement est mieux à même de définir des droits et obligations ; surtout, parce que, avec le PACS, nous allons affirmer explicitement que la République entend considérer tous les individus de manière égalitaire - elle est donc universelle, madame Boutin - quels que soient leurs choix affectifs, et que, fidèle à sa tradition, notre pays refuse toute vision communautariste.

Pour le reste, le PACS n'est ni une révolution ni un tremblement de terre. Il prend simplement acte de l'existence d'autres situations de fait que le mariage et de l'évidence qu'elles ne peuvent être ignorées par le droit. Le PACS apporte une réponse globale, équilibrée et adaptée à la diversité des cas en définissant des règles concrètes, simples, pratiques, pour en finir avec certaines tracasseries qui n'ont pas de sens.

Enfin, arrêtons de dire du PACS ce qu'il n'est pas. Il faut distinguer les liens de solidarité qui unissent un couple et la famille. Instaurer le PACS n'aboutit en aucun cas à amoindrir la famille, car nous devons compter avec les centaines de milliers de cohabitants non mariées, avec deux millions d'enfants nés hors mariage.

Tout ce qui peut stabiliser les couples sera bon pour les familles et les enfants.

Mes chers collègues, il n'y a aucune contradiction entre être favorable au PACS et militer pour une politique familiale ambitieuse. Bien au contraire ! Ainsi, à l'occasion de la conférence de la famille, qui se déroulera au mois de juin prochain, nous réaffirmerons notre souhait de voir notre pays s'engager dans une politique familiale ambitieuse et résolument nataliste.

Nous n'avons jamais été de ceux qui n'osaient pas employer les mots famille ou natalité de peur de se faire taxer de « familialistes » et de « réactionnaires » par certains milieux hérissés de bonne conscience malthusienne.

Cependant, une chose après l'autre : aujourd'hui, grâce au PACS, nous allons créer les conditions favorables à l'épanouissement de nombreux concitoyens. Au passage, en institutionnalisant la réalité sociale qu'est le couple homosexuel, nous allons offrir à nombre d'entre eux une reconnaissance sociale et une dignité qui leur a été très souvent déniée.

Nous ne doutons pas du soutien des Français. Nous savons qu'au bout du compte, ils n'ont que faire de la défense militante d'un modèle ou d'un contre-modèle. En revanche, qu'ils soient hétérosexuels, homosexuels, mariés ou non, ils sont tous animés d'un désir sans cesse plus large de sécurité, de stabilité affective, émotionnelle et matérielle dans une société de plus en plus mobile, compétitive et sans repères fixes. Le PACS y contribuera, tout en veillant à préserver toujours plus de cohésion et de solidarité dans notre société.

Telles sont les remarques que je voulais formuler dans ce débat de société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, le texte qui nous est revenu du Sénat est un exemple d'hypocrisie et de confusion. Plutôt que de prétendre qu'il n'y a pas de place dans notre droit entre le concubinage et le mariage, la majorité sénatoriale aurait pu affirmer sa conviction profonde qu'il n'y a pas de place pour les couples homosexuels.

Du moins la « réflexion » du Sénat, et la bataille de procédure menée par l'opposition auront-elles permis la maturation du texte dans les rangs de la majorité et une approbation du principe du PACS toujours plus grande par nos concitoyens.

M. Dominique Dord.

Cela reste à démontrer !

M. Patrick Braouezec.

Selon les propositions de la commission, le texte sera clairement réservé aux couples.

La suppression de l'élargissement du PACS aux fraties et


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l'annonce que leur situation parfois difficile sera prochainement examinée dans un autre cadre, comme nous l'avions réclamé, représentent une avancée importante.

La majorité assume aujourd'hui pleinement ce texte qui ne permettra plus certaines interprétations, parfois souriantes mais un brin dilatoires, par exemple celle - que nous avons entendue ici - selon laquelle le PACS permettrait à un prêtre et à sa bonne d'accéder à des droits qui leur sont aujourd'hui interdits.

Le coming out, sur le texte du moins, de l'ensemble de la gauche est désormais clair et sans ambiguïté : le PACS est principalement motivé par les discriminations dont sont victimes les homosexuels. Cette motivation originelle n'est pas honteuse. Il est même à l'honneur des associations homosexuelles d'avoir, depuis dix ans, oeuvré pour que ce texte de loi voit le jour. Son adoption permettra d'offrir une solution digne, concrète et responsable à la réalité actuelle de dizaines de milliers de couples qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas se marier, qu'ils soient de même sexe ou non.

Cette victoire, ce progrès dans l'égalité de tous devant la loi, nous les devons, pour une grande part, à la mobilisation et à la constance des homosexuels. Par son rejet d'une solution communautariste ou stigmatisante, cette mobilisation est un exemple d'efficacité et de pugnacité pour tous ceux qui, aujourd'hui, combattent, parfois minoritairement, contre toutes les formes de discrimination.

Il faut répéter que cette avancée dans l'égalité des droits ne lèse personne, ne se fait sur le dos d'aucune catégorie. Le PACS est tout sauf une attaque contre le mariage ou contre la famille, dont la droite n'a pas le m onopole. Les chevaliers blancs autoproclamés du mariage sont bien complexés et bien peu confiants dans l'institution et dans les valeurs qu'ils se flattent d'incarner. Prétendre défendre le mariage par le maintien des discriminations à l'encontre des couples non mariés est injuste et peu convaincant.

M. Dominique Dord.

Personne n'a dit cela !

M. Patrick Braouezec.

Si, nous l'avons entendu !

M. Dominique Dord.

Non !

M. Patrick Braouezec.

Le PACS permet simplement de reconnaître les droits des couples non mariés. Il faut rappeler que ce pacte est une option, un choix possible pour les couples, et non une norme ou une obligation. Je vous rassure : aucun des orateurs de l'opposition ne sera contraint demain de souscrire un PACS ! Ce sont là de plates évidences, mais, à entendre les cris d'orfraie de certains qui convoquent la nature, voire l'occident chrétien, au secours de leurs convictions morales individuelles, on pourrait finir par en douter.

M. Dominique Dord.

Nous avons pas vu le même film !

M. Patrick Braouezec.

Ce texte de liberté va consolider et officialiser des liens de solidarité existants. La proposition qui nous est faite d'étendre cette solidarité aux dépenses liées au logement en est la meilleure preuve. En renforçant ces liens de solidarité entre les personnes et l'Etat nous sommes au coeur de notre rôle de législateur.

Les propositions de la commission marquent des progrès réels par rapport au texte que nous avions adopté en première lecture. J'ai déjà évoqué la clarification sur les fratries. La commission a également supprimé le délai de deux ans pour les successions. Pour reprendre l'expression de M. le rapporteur, il était « inutile d'introduire ce genre d'inégalité devant la mort ».

Je tiens à réaffirmer que le groupe communiste juge inutile de maintenir les délais qui introduisent une inégalité devant la vie. Je pense aux donations entre les vivants et à l'imposition commune qui ne seront admises qu'à compter de la troisième année du pacte.

Enfin, le fait que la conclusion d'un PACS ne serait qu'un simple élément d'appréciation par les préfectures des liens personnels des étrangers en France est très insuffisant : la reconnaissance du droit à la vie familiale et privée ne doit pas être une question d'appréciation. Pour respecter la vie familiale et privée des personnes, l'admission au séjour d'un étranger ayant conclu un PACS devrait être de plein droit.

Ces réserves exceptées, le PACS du printemps émanant de la commission est meilleur que celui de l'automne, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec satisfaction que je prends la parole devant vous. Cette deuxième lecture est l'occasion de rétablir un texte de loi qui, après de nombreuses vicissitudes, a trouvé finalement une nouvelle vitalité. Quel retournement de situation pour ceux qui ont tenté de le diaboliser ! Au-delà de la mobilisation des associations, de la persévérance sereine de MM. les rapporteurs et de Mme la présidente de la commission, nous le devons, madame la ministre, en grande partie à votre ténacité, à votre esprit pédagogique, aux choix d'équilibre que vous avez effectués. Nous le devons aux représentants de la majorité plurielle, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, qui ont mené la bataille. Enfin, nous le devons à nos adversaires qui, par leur intransigeance, leur conservatisme, leur homophobie latente, ont montré leur décalage avec l'évolution de notre société.

Mme Christine Boutin.

La réaction !

M. Thierry Mariani.

Cela commence mal !

M. Yann Galut.

Résultat : ils ont obtenu le contraire de ce qu'ils recherchaient, à savoir une franche acceptation par la majorité de l'opinion du principe du PACS.

Mme Christine Boutin.

Tu parles !

M. Dominique Dord.

Cela reste à démontrer !

M. Yann Galut.

Nous rediscutons aujourd'hui du PACS qui a été supprimé par le Sénat, mais cette honorable institution, craignant un nouveau procès en conservatisme après le débat sur la parité, a voulu faire preuve de modernité : la Haute Assemblée a donc décidé de reconnaître le concubinage en tant qu'union de fait, ouvrant ainsi la voie à la reconnaissance du concubinage homosexuel. Cette légalisation du concubinage constitue certes une avancée, mais il faudrait y ajouter la mention

« de sexes différents ou de même sexe » pour pouvoir modifier la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation.

T outefois, même ouvert aux homosexuels, même assorti de droits plus étendus, le concubinage ne saurait remplacer l'engagement contractuel global que représente la signature d'un pacte civil de solidarité. Est-il encore utile de rappeler que, contrairement aux amalgames faits par le Sénat et par une partie de l'opposition à l'Assemblée, le pacte civil de solidarité n'a pas d'incidence sur le droit de la famille et n'interfère nullement dans les relations entre parents et enfants ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas vrai ! Je vous prouverai le contraire ! Avec la carte familiale, pour les immigrés, vous touchez aux liens personnels. Vous êtes un menteur ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Yann Galut.

Même s'il n'est plus là, je veux rassurer M. Devedjian en l'assurant que les socialistes aiment la famille. Non seulement, d'ailleurs, les socialistes aiment la famille, mais les familles aiment les socialistes, sinon nous ne serions pas là ! Le PACS concerne donc exclusivement les relations au sein du couple et n'a aucune incidence en matière de filiation.

De même, la suppression des dispositions concernant les fratries permet de clarifier le PACS.

M. Thierry Mariani.

Vous avez reculé sur les fratries ! Vous vous êtes déballonnés !

M. Yann Galut.

Il est un contrat ouvert aux couples, qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Cela ne nous empêchera nullement de nous pencher sur les fratries puisque cela semble nécessaire.

M. Thierry Mariani.

Vous vous êtes ridiculisés sur les fratries !

M. le président.

Bien, monsieur Mariani, nous avons entendu !

M. Thierry Mariani.

Je tiens à rappeler à M. Galut qu'il a dit le contraire il y a quelques semaines.

M. Yann Galut.

Bref, le PACS est un lien social moderne. En posant les bases d'une solidarité active entre deux personnes, il correspond à une vraie demande sociale dans une société où beaucoup connaissent une situation de précarité.

M. Thierry Mariani.

Vous, c'est la précarité dans le discours, la précarité dans les propos ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Yann Galut.

Une telle levée de boucliers contre ce texte a été provoquée par le fait que certains refusent de reconnaître des droits aux homosexuels. A cet égard, je considère que le débat qui a traversé la société nous a permis de gagner la bataille morale de la reconnaissance du couple homosexuel.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Absolument !

M. Yann Galut.

Il faut réaffirmer que les homosexuels sont des citoyens comme les autres, qui ont droit à la reconnaissance de leurs sentiments et de leur sexualité.

Les réactions homophobes en ont été d'autant plus violentes.

M. Thierry Mariani.

Vous fantasmez !

M. Yann Galut.

Madame la ministre, nous devons réfléchir à la possibilité de permettre des poursuites judiciaires contre les propos homophobes. Il est en effet inacceptable d'entendre, dans des manifestations publiques, des slogans appelant à brûler les homosexuels. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

Vous êtes comme Jeanne-d'Arc, vous entendez des voix ! Il vaudrait mieux brûler les socialistes !

M. Yann Galut.

Sur le fond du texte, qui est en progrès constant vers l'égalité des droits, je formulerai deux remarques.

M. Yann Galut.

D'abord, alors qu'un couple hétérosexuel binational a la possibilité de se marier et d'obtenir un titre de séjour, voire la nationalité pour le conjoint étranger, cette possibilité est limitée pour les pacsés homosexuels et hétérosexuels. Certes, la conclusion d'un pacte civil de solidarité est prise en considération pour apprécier les liens personnels noués par un étranger en France et savoir s'ils ouvrent droit à un titre de séjour selon l'article 6 du texte. Il serait cependant préférable que le dispositif du PACS permette sans ambiguïté d'obtenir un titre de séjour.

M. Thierry Mariani.

Même pour les clandestins !

M. Yann Galut.

Ensuite il conviendrait de réduire, voire de supprimer les délais de carence afin d'assurer la cohérence du texte avec les attentes des futurs usagers du PACS.

M. Thierry Mariani.

Il y avait les usagers de la RATP.

Maintenant il y aura les usagers du PACS !

M. Yann Galut.

Dans la mesure où leur situation correspond aux critères de stabilité fixés par le Gouvernement, deux personnes pouvant attester, par tout moyen, de deux ans de vie commune, devraient bénéficier sans délai et même rétroactivement des droits ouverts par le PACS.

Grâce aux dernières avancées que contient ce texte, il nous appartient maintenant, à nous parlementaires de la majorité, de réaffirmer les principes qui ont guidé un choix réfléchi, cohérent et global pour prendre en compte les aspirations des couples non mariés. C'est l'honneur de notre Parlement de rétablir, en l'améliorant et en l'élargissant, ce texte républicain qui ouvre des droits nouveaux à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe de Villiers.

M. Thierry Mariani.

Nous allons entendre un discours plus sensé !

M. Philippe de Villiers.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les débats de ces derniers mois ont notamment été marqués par la forte mobilisation des Français lors de la manifestation nationale du 31 janvier, au cours de laquelle je n'ai jamais entendu de slogan homophobe, contrairement à ce qui a été dit et qui constitue un authentique mensonge. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Dominique Dord.

Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint.

Vous êtes sourd !

M. Eric Doligé.

M. Galut aurait dû y venir !

M. Thierry Mariani.

Il n'y était pas !

M. Philippe de Villiers.

Les débats de ces derniers mois pouvaient laisser espérer que l'on en viendrait à un peu plus de clarté et à davantage de sagesse. Or c'est finalement la confusion la plus totale qui règne à propos de ce projet qui reste inutile, dangereux et absurde.

En effet, après le vote du Sénat et l'examen du texte par notre commission des lois, ce qui nous est proposé maintenant est une mécanique folle aux conséquences aberrantes : d'une part, il est envisagé l'inscription du concubinage dans le code civil assortie d'une définition extensive qui assimile à la fois l'union de personnes de sexe différent et celle de personnes de même sexe ; d'autre part, en maintenant le PACS première version, dépouillé


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

du gadget des fratries dont le seul but était de faire croire que le PACS s'adressait à tout le monde, les socialistes sapent les fondements de notre société en brouillant de manière manifeste, et peut-être parfois involontaire, les repères de la différence sexuelle qui fondent le couple et la parenté, en d'autres termes, la famille.

L'adoption de ce texte hybride entraînera inévitablement des revendications nouvelles qui concerneront cette fois ce que je crois être l'intention implicite du projet, à savoir l'adoption d'enfants par les couples homosexuels. Il ne faut pas s'y tromper, la logique sournoise du PACS est celle-là. Après la première étape de la proclamation des droits les plus divers d'un mariage au rabais - les droits sans les devoirs - l'étape suivante du PACS est prévisible et imminente, dictée par la pression conjuguée de nos voisins européens et de la mécanique écrasante des institutions européennes.

N'est-il pas frappant d'observer ce qui s'est passé tout récemment dans deux Etats membres de l'Union européenne ? Aux Pays-Bas tout d'abord, quelques mois seulement après l'entrée en vigueur de la version hollandaise du PACS, le 1er janvier 1998, les adoptions d'enfants ont été autorisées pour les couples homosexuels. Il faut remarquer la ruse, la perfidie du dispositif néerlandais, laquelle illustre la méthode poursuivie par les promoteurs du PACS : les postulants à l'adoption doivent prouver qu'ils mènent une vie commune depuis au moins trois ans et qu'ils s'occupent depuis au moins un an de l'enfant dont ils souhaitent avoir officiellement la charge.

Le seul critère pour autoriser ces adoptions sera la constatation, je cite, « que l'enfant n'a plus rien à attendre de ses parents biologiques ».

Même chose au Danemark où un projet de loi permettant aux homosexuels d'adopter les enfants de leur partenaire sera bientôt soumis au vote des députés.

Petit à petit, l'Europe du PACS s'harmonise et le traité d'Amsterdam, lorsqu'il entrera en vigueur, le 1er mai prochain, poussera dans cette voie dévastatrice. L'article 13 est en effet sans ambiguïté : l'Union européenne pourra p rendre toutes les mesures nécessaires en vue de combattre les discriminations fondées, entre autres, sur

« l'orientation sexuelle ». Il ne vous échappera pas, mes chers collègues, que, sur la base de l'article 13 du traité d'Amsterdam, un couple homosexuel « pacsé » qui se sera vu refuser la possibilité d'adopter des enfants aura tout le loisir de saisir la Cour de justice européenne pour faire valoir ses droits. Et la Cour de Luxembourg, fidèle à sa pratique qui consiste à gommer l'existence de règles juridiques nationales, imposera aux nations de lever ce qu'elle c onsidérera comme une « discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ». Elle obligera donc les Etats à autoriser l'adoption d'enfants par les couples homosexuels. L'engrenage est d'ailleurs bel et bien amorcé. Le Parlement européen se livre déjà à de multiples pressions.

Il y a là une intention implicite. C'est ce qu'il faut dire aujourd'hui. On nous présente le PACS comme un progrès des droits individuels. C'est en fait une régression, une modernité au sens des Talibans puisque le PACS prévoit le droit de répudiation unilatérale par lettre recommandée.

M. Thierry Mariani.

Absolument ! Ce sera le taliban socialiste.

M. Philippe de Villiers.

Montesquieu disait qu'il fallait toucher aux lois d'une main tremblante. Or le Parlement s'apprête à violenter la loi la mieux établie de notre vieille civilisation, celle qui nous a dotés d'une mémoire personnelle et culturelle. Souffrez qu'il y ait en France une majorité silencieuse, par-delà les sensibilités et les clivages, qui n'accepte pas ce texte parce qu'il touche au principe même de la survie de notre civilisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Jean-Pierre Balligand.

Un grand progressiste !

M. Thierry Mariani.

Le ministre ne répond pas après la discussion générale ?

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à cette heure de la nuit, après soixante-dix heures de débat et même davantage, on peut trouver dérisoire, voire provocant, de présenter une motion de renvoi en commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

C'est vrai !

M. Henri Plagnol.

Il ne s'agit pourtant pas, pour moi, de sacrifier à un rituel parlementaire.

M. Jean-Pierre Balligand.

Quoique !...

M. Thierry Mariani.

Nous en sommes convaincus !

M. Henri Plagnol.

Et si mon groupe a souhaité déposer une motion de renvoi,...

M. Jean-Pierre Balligand.

C'est pour montrer qu'il existe !

M. Henri Plagnol.

... c'est parce qu'il considère que le projet de la majorité, tel qu'il nous est soumis à nouveau en deuxième lecture, continue de se heurter à des objections juridiques et philosophiques qui n'ont pas été suffisamment étudiées.

Nous considérons même qu'en dépit d'améliorations techniques incontestables dues très largement aux suggestions de l'opposition, mais aussi - et je tiens à mon tour à saluer leur travail - au dévouement des rapporteurs et de la présidente de la commission,...

M. Jean-Pierre Balligand.

Enfin une bonne parole !

M. Henri Plagnol.

... sur le fond, sur l'essentiel - et je veux rassurer ceux d'entre vous qui ont craint que nous ne fuyions le désaccord ; le désaccord est bien là -...

Mme Muguette Jacquaint.

Voilà !

M. Henri Plagnol.

... votre projet est aggravé par rapport à celui qui nous était proposé en première lecture.

M. Thierry Mariani.

C'est le PACS en pire !

M. Henri Plagnol.

Tout au long de nos débats, nous n'avons finalement cessé de tourner autour d'une seule question : comment concilier la liberté des choix de vie privée avec le respect nécessaire des institutions pour l'épanouissement de la famille et de l'enfant ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Daniel Marcovitch.

C'est le projet du Sénat qui est en discussion !

M. Henri Plagnol.

J'y viens. La très grande majorité d'entre nous considère que cette question est légitime, et vous avez d'ailleurs à plusieurs reprises, ce soir, donné acte aux orateurs de l'opposition de ce qu'ils ne contestaient pas la nécessité de repenser le droit du couple et de la famille à la lumière des évolutions sociales des vingt dernières années.

Mais, si nous sommes à peu près d'accord sur la question, nous sommes toujours très loin d'être d'accord sur la réponse. Et il y a à cela une raison très simple. Quand on veut réformer la société - ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est le Premier ministre de l'actuel gouvernement -, on doit prendre le temps de la concertation et procéder de façon pragmatique. C'est ce que j'ai cru être la fameuse méthode Jospin.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Nous ne sommes pas tous des pragmatiques ! Heureusement, il y a parmi nous des idéologues !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Des idéalistes !

M. Henri Plagnol.

Or, curieusement, sur ce débat d'actualité, comme sur d'autres que je n'évoquerai pas, vous avez fait l'inverse : vous avez délibérément choisi de faire de cette réforme un drapeau idéologique au risque de diviser gravement les Français sur la conception du couple et de la famille, qui les rassemblait très au-delà des clivages partisans depuis la Libération, comme l'exprime très bien le préambule de la Constitution.

Le résultat en première lecture je n'y reviens pas a été une réforme bâclée, sans concertation préalable avec les différentes familles de pensée de notre pays ou le milieu associatif familial, et un débat largement tronqué, de nature très passionnelle, à la limite de la caricature, qui n'avait pas grandi notre assemblée.

J'en viens à la proposition du Sénat. Le Sénat a adopté une démarche rigoureusement inverse. Il a pris le temps de la concertation et a procédé à une étude approfondie du sujet, sans a priori idéologique.

M. Michel Vaxès.

Bien sûr !

M. Henri Plagnol.

C'est tellement vrai qu'il a abouti à une réforme très éloignée de ce qu'était, par exemple, l'analyse du rapporteur au Sénat. Il propose une réforme équilibrée, fondée, d'une part, sur la reconnaissance du concubinage dans la loi et, d'autre part, sur la réaffirmation du mariage républicain comme pilier de la société et de la famille.

Au lieu de vous inspirer de ce travail et de le mettre à profit pour aboutir à une réforme qui, comme l'a dit avant moi Dominique Dord, aurait pu réunir un très large consensus sur tous les bancs de cette assemblée et qui aurait permis une évolution dépassant les clivages électoraux, les passions, les idéologies, vous avez choisi de ne tenir aucun compte des critiques du Sénat à l'encontre d e votre projet et vous avez rétabli intégralement le PACS.

Je ne crois pas que cette comparaison soit à l'honneur de notre assemblée. Certes, nous sommes davantage t ributaires de l'actualité, des débats partisans, nous n'avons ni la sérénité ni le recul de la Haute Assemblée, mais, quand il s'agit de légiférer sur les personnes et les familles, chacun doit être capable de dépasser les querelles de chapelle. La droite a su le faire dans d'autres débats de société...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Pas dans celui-là, c'est sûr !

M. Henri Plagnol.

... tout aussi difficiles. Jean-François Mattei rappelait à l'instant les conditions dans lesquelles a été préparée la loi sur la bioéthique. A chaque fois que c'était nécessaire, nos prédécesseurs ont su dépasser leurs affrontements pour arriver à faire évoluer ensemble le droit, conformément aux attentes d'une majorité de nos concitoyens.

Vous avez choisi une fois encore de privilégier l'idéologie,...

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Henri Plagnol.

... aggravant le projet initial et la fracture artificielle entre deux camps, deux France qui se déchirent à propos de la conception de la famille.

On est passé de la confusion à l'incohérence totale, parce que, pour ne pas « fissurer » davantage une majorité sortie très ébranlée du débat en première lecture, vous avez choisi, madame la ministre, d'empiler les propositions du Sénat au-dessus - ou en dessous, je ne sais pas ce qu'il faut dire - de votre projet initial. Vous avez ainsi bâti un véritable millefeuille juridique. Malheureusement, l'art du législateur n'a pas grand-chose à voir avec celui du pâtissier.

« Le concubinage plus le PACS », tel est le slogan lapidaire qui résume les travaux de la commission des lois en deuxième lecture. Je ne crois pas les caricaturer. Or la proposition du Sénat n'a bien évidemment de sens qu'exclusive du PACS, qu'elle vide très largement de son intérêt. Or avec le projet dont nous débattons, désormais, quatre ordres juridiques se superposent et s'entrecroisent : les célibataires, les concubins, les pacsés et les gens mariés. L'alternative raisonnable proposée par le Sénat était, je le répète, exclusive du PACS.

J'ai relu l'exposé des motifs de la proposition de loi de la majorité en première lecture. Vous évoquiez essentiellement trois arguments : la nécessité d'adapter le droit à l'évolution des moeurs, la reconnaissance du fait homosexuel et le développement de nouvelles formes de solidarité.

Sur ces trois points, le Sénat propose une réponse équilibrée, pragmatique et raisonnable : inscription à l'article 9 du code civil du droit de chacun à choisir librement son mode de vie ; extension du concubinage mettant fin à la jurisprudence de la Cour de cassation avec la possibilité de contracter librement pour définir les modalités de la vie commune ; liberté du choix testamentaire avec le leg électif universel et d'ouverture d'un droit général à un abattement d'impôt sur le revenu pour l'accueil d'une personne majeure à faibles ressources.

Cette construction avait un premier mérite : celui de la simplicité. Quand on légifère sur le droit des personnes et des familles, on doit toujours s'astreindre à une exigence de clarté et de sobriété et ne pas fabriquer des constructions chimériques qui se retournent contre les intéressés parce qu'ils ne peuvent pas maîtriser leurs droits et encore moins leurs devoirs. Cette construction simple permettait de répondre aux problèmes soulevés par la vie en commun des couples homosexuels en leur fournissant une réponse pragmatique et concrète. Elle comblerait ainsi une des principales lacunes du texte de la majorité qui, je vous le rappelle, avait superbement ignoré les problèmes de tous les concubins qui ne voudront pas se

« pacser ». Je pense, en particulier, aux deux points cruciaux sur lesquels vous avez beaucoup insisté, à juste titre, en première lecture : à savoir la possibilité pour le concubin homosexuel d'être ayant droit à la sécurité


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sociale de son compagnon, s'il est à sa charge, et le bénéfice du transfert ou de la continuation du bail en cas de décès ou d'abandon du domicile.

Je rappelle que ces deux revendications que nous avons toujours tenues pour légitimes - et nous n'admettons pas les caricatures trop faciles qui ont été brossés encore ce soir, par certains orateurs - sont à la source du projet de la majorité.

Autre mérite de la construction sénatoriale : elle inscrit la réflexion sur la fiscalité du couple et la transmission du patrimoine dans le cadre d'une vraie mondernisation libérale et généreuse de notre fiscalité. Je suis, pour ma part, très favorable - et j'avais déposé un amendement en ce sens en première lecture - à l'encouragement par le législateur de formes de solidarité concrètes reposant sur une entraide entre les personnes qui ne passe pas par l'Etat providence.

En ce qui concerne la transmission du patrimoine, nous vous l'avons dit et nous le répétons ce soir il n'y a aucune raison objective de réserver le bénéfice de la transmission d'une partie de son héritage à la personne de son choix aux couples « pacsés ».

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Et la famille ?

M. Henri Plagnol.

Le choix par le Sénat de la liberté testamentaire et du legs électif universel offre à tous ceux qui le souhaitent la possibilité de léguer une partie de leur patrimoine à la personne de leur choix. Cela montre que le Sénat et, derrière lui, l'opposition, n'est pas forcément plus conservateur ou plus rétrograde que la majorité, à laquelle seraient réservées les lumières. Dans ce domaine, le Sénat se montre infiniment plus audacieux qu'une majorité, il est vrai, très prisonnière de son attachement immodéré à la fiscalité.

M. Daniel Marcovitch.

Pas vous, pas ça !

M. Henri Plagnol.

Vous avez bien du mal à concilier un ultra-libéralisme, sur lequel je reviendrai, en matière de moeurs avec une passion pour l'Etat et l'impôt.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien !

M. Henri Plagnol.

Mais l'essentiel n'est pas là. L'essentiel, c'est que la solution du Sénat échappait au piège constitutif et, de notre point de vue, rédhibitoire, du PACS.

Je voudrais essayer de convaincre ceux de mes collègues qui sont réticents à l'inscription du concubinage dans le code civil et qui partagent les craintes exprimées par un certain nombre d'associations familiales ou la Conférence des évêques. Ces craintes sont compréhensibles et légitimes et doivent être écoutées par le législateur qui s'honore de ne rien faire qui puisse blesser les convictions intimes ou les consciences.

Je ne fais pas partie de ceux qui balaient d'un revers de main les réticences exprimées par toutes les confessions spirituelles de notre pays. Je crois néanmoins que ces inquiétudes peuvent être dissipées si l'on veut bein approfondir le travail commencé par le Sénat.

La reconnaissance du concubinage se borne à constater une situation de fait. Certes, elle met fin à l'adage célèbre de Bonaparte, plusieurs fois cité dans notre débat, selon lequel les concubins ignorant la loi, la loi ignore les concubins. Mais cette évolution était très largement entamée par la jurisprudence. Le juge n'a pas attendu le législateur pour imaginer des solutions à même de résoudre de façon souple et pragmatique les problèmes qui se posent aux concubins. Je pense en particulier à la charge de la preuve et au contentieux en cas de séparation. Le juge a depuis longtemps trouvé les solutions les plus protectrices possibles pour les enfants issus de concubins hétérosexuels.

Il était donc naturel - et je parle ici en mon nom que le législateur prenne ses responsabilités et mette fin à la jurisprudence de la Cour de cassation qui limite la notion de couple à un homme et une femme. Tel était finalement le seul point justifiant un projet de loi à vocation universelle. Toutes les autres revendications légitimes pouvaient être satisfaites par des projets de loi particuliers et nous vous avons fait toutes sortes de proposition en ce sens aussi bien dans le cadre du débat budgétaire que du débat en première lecture.

Ce point légitimait à mon sens l'intervention du législateur. En matière de concubinage, le régime juridique est très simple, puisqu'il est essentiellement fondé sur la liberté des deux partenaires. Il s'agit donc d'un choix de vie privé dans lequel le législateur doit interférer le moins possible. Avec beaucoup de sagesse, le Sénat a du reste ouvert une faculté complémentaire aux concubins qui pourront organiser leur vie commune par contrat passé devant notaire.

Ainsi, contrairement à ce que certains ont pu craindre, le Sénat ne propose pas d'institutionnaliser le couple c'est bien là notre point de désaccord avec la majorité. Il laisse aux hommes et aux femmes qui souhaitent vivre ensemble sans se marier le soin d'organiser leur vie commune, le contrôle du juge étant bien entendu là pour éviter les abus. Il n'institue en aucun cas un régime nouveau, comme c'est le cas avec le PACS. Il n'est pas question de proposer au couple vivant en union libre un même statut juridique et fiscal, comme si tous les couples avaient la même vocation. A l'issue de la réflexion du Sénat, notre société reste organisée autour d'une alternative simple et compréhensible par tous : l'union libre ou le mariage. C'est là une évolution prudente, mesurée, qui accompagne celle de la société, sans introduire de boulev ersements juridiques toujours dangereux parce que source de dérives imprévisibles et bien entendu de contentieux. C'est le maintien idéologique du PACS qui est source de confusion et d'abus.

Le Sénat avait dessiné les lignes d'un compromis acceptable par au moins deux Français sur trois - certains avant moi ont dit : neuf Français sur dix. L'UDF à laquelle j'appartiens avait été créée avec l'ambition de rassembler deux Français sur trois... Ce n'est déjà pas si mal.

M. Daniel Marcovitch.

C'est très giscardien !

M. Maurice Leroy.

Ça vient !

M. Henri Plagnol.

Je savais que ça allait réveiller ! (Sourires.)

M. Maurice Leroy.

Il sont jaloux !

M. Henri Plagnol.

Ce compromis passe par la ligne de frontière suivante : oui à la reconnaissance du fait homosexuel ; oui au droit concret nécessaire à la vie commune des concubins ; non à un régime matrimonial qui ferait concurrence au mariage et mettrait en péril la stabilité de la cellule familiale. Or vous avez choisi de maintenir, contre vents et marées, le PACS devenu inutile, si j'en juge par l'exposé des motifs en première lecture, et qui reste dangereux.

Entre l'union libre et le mariage, il n'y a pas, de notre point de vue, de place pour un régime intermédiaire par nature hybride. C'est tellement vrai que, après des dizaines d'heures de débats, nous ne savons toujours pas


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quelle est la nature juridique du PACS. S'agit-il d'un contrat ou d'une institution ? S'il s'agit d'un contrat, quelles seront les règles appliquées par le juge en cas de rupture ? Devra-t-il se contenter de faire jouer la responsabilité contractuelle ? Auquel cas il sera lié par la loi des parties. Incertitude encore accrue, je n'y fais qu'une allusion, sur le plan du droit international privé : personne ne sait si le PACS aura des effets à l'étranger.

Tout cela a déjà été dénoncé par les orateurs précé dents et en première lecture. Mais il est un point sur lequel je voudrais insister : les incertitudes constitutives du PACS sont encore aggravées par les inévitables chevauchements entre les différents régimes juridiques désormais applicables aux couples. C'est ce que j'appelle les effets pervers du millefeuille qu'est devenu votre projet, madame la garde des sceaux.

Tous les couples auront en effet désormais le choix entre trois solutions : rester en union libre, se « pacser » ou se marier.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Cela ne fait qu'une solution de plus.

M. Henri Plagnol.

La complexité deviendra telle qu'il sera impossible de recenser tous les cas possibles. Or l'enchevêtrement des statuts est évidemment préjudiciable à la clarté des choix pour les couples.

Je ne prendrai qu'un exemple, celui de l'autorité parentale. Son exercice conjoint est probablement le point le plus délicat pour les concubins hétérosexuels qui ont des enfants. Mais dans leur cas, le juge en a défini depuis longtemps les modalités. Vous vous êtes refusé à le faire dans le cas du PACS puisque celui-ci, par construction, ne fait aucune différence entre les couples homosexuels et hétérosexuels, avec enfant ou sans enfant.

M. Jean-Claude Lenoir et M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. Henri Plagnol.

On se trouve donc dans une situation assez baroque où les « pacsés » verront le régime du PACS, déjà fort complexe, s'appliquer à l'essentiel de leur situation, mais seront renvoyés au droit commun du concubinage en cas de rupture et de problème touchant à l'exercice de l'autorité parentale. De surcroît, vous l'avez vous-même évoqué, les célibataires, que nous avons trop tendance à oublier dans notre débat, peuvent également être « pacsés ». Il y a donc un risque très sérieux de perte des repères fondamentaux et d'affaiblissement de la cellule familiale.

Vous avez traité par le mépris ou la dérision les inquiétudes que nous avions pourtant essayé de formuler le plus clairement possible. Mais comment n'y aurait-il pas d'affaiblissement des repères avec un tel enchevêtrement de statuts ? Surtout si l'on considère, et vous l'avez vousmême constamment mis en avant, qu'il s'agit pour vous d'un statut évolutif, un même couple pouvant entrer successivement dans ces trois régimes. En d'autres termes, le législateur choisit d'encourager une cellule familiale à géométrie variable.

En première lecture, je m'étais déjà étonné de voir la majorité, d'ordinaire si prompte à dénoncer la société de marché, adopter une législation qui institue un supermarché de la famille. Désormais, l'adulte est le consommateur roi, qui pourra choisir au rayon du bazar de la famille le produit qui lui conviendra le mieux au moment le plus opportun. Vous favoriserez, pour ne prendre que cet exemple, des stratégies individuelles d'optimisation fiscale. Patrick Devedjian avait déjà établi ce que l'on pour-r ait appeler le petit guide fiscalo-social de la vie commune : concubinage simple au début de la vie commune afin de bénéficier des impositions séparées, PACS avec l'arrivée des enfants si la femme arrête de travailler, retour au concubinage simple quand les enfants g randissent, permettant l'emploi des deux parents, deux ans de mariage pour obtenir la pension de réversion et favoriser la donation entre les époux...

M. Maurice Leroy.

Vivement la retraite !

M. Henri Plagnol.

... et retour au concubinage pendant la retraite, si les pensions sont équivalentes, mais PACS si elles sont disparates !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est quand même tordu !

M. Daniel Marcovitch.

Il a l'esprit tordu !

M. Henri Plagnol.

Il ne s'agit pas d'une hypothèse d'école ! Tout à l'heure, un de nos collègues a employé l'expression d'« usager du PACS ». Il est probable que l'on verra un guide de l'usager...

M. Claude Goasguen.

C'est sûr !

M. Henri Plagnol.

... afin que celui-ci puisse optimiser ses choix en fonction de considérations personnelles, légitimement concevables si dans une optique libérale pure et dure...

M. Daniel Marcovitch.

Dont vous êtes porteur !

M. Henri Plagnol.

... mais, de notre point de vue, dangereuses pour la cohérence de la société.

Comment peut-on prétendre lutter contre la fracture sociale et en même temps tout faire pour encourager un peu plus l'atomisation de la société et l'affaiblissement du seul cercle d'entraide à même de limiter certains effets de la crise, quand il existe encore, en l'occurrence la famille ? Vous faites le choix du contrat du bon plaisir entre adultes. Il est facile de flatter le libre arbitre des individus.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Et les mariages à répétition, c'est quoi ?

M. Henri Plagnol.

Vous m'avez dit, vous-même, madame la garde des sceaux, car nous avons eu ce débat à plusieurs reprises, qu'il s'agissait de légiférer sur les couples, non sur la famille. Mais nous sommes convaincus - et le malentendu ou le désaccord est là -, qu'on ne peut légiférer sur l'un sans le faire aussi sur l'autre.

M. Daniel Marcovitch.

C'est pourtant ce qu'a fait le Sénat !

M. Henri Plagnol.

Vous oubliez qu'il y a dans ce pays des millions de couples potentiellement concernés par votre texte, qui ont déjà des enfants ou qui, nous pouvons l'espérer, en auront.

M. Daniel Marcovitch.

Et qu'a fait le Sénat ?

M. Henri Plagnol.

Dans la solution du Sénat, l'enfant n'est pas oublié puisqu'il n'y a que l'union libre, d'un côté, et le mariage, de l'autre. Or, dans l'union libre, dess olutions jurisprudentielles pour les enfants existent depuis fort longtemps. Je l'ai dit, mais vous ne m'avez pas écouté.

M. Maurice Leroy.

Il faut reprendre !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Nous vous avons écouté, et en silence !

M. Henri Plagnol.

Je ne peux pas ne pas aborder à mon tour la question de « l'homoparentalité », le terme étant désormais, connu du grand public. Je ne crois pas


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

qu'il faille escamoter ce débat. Je comprends très bien le désir de couples homosexuels d'avoir des enfants. Au surplus, les évolutions de la technologie, avec la multiplication des procédés de procréation médicale assistée, le clonage et la tendance possible à l'effacement de la différence sexuelle permettent fort bien d'imaginer une société qui, rompant avec les matrices fondamentales de notre civilisation, déciderait que la reproduction des générations n'est plus liée à la différence sexuelle. Cette hypothèse n'a rien de théorique : elle a fait l'objet de dossiers très intéressants paru dans Le Monde et bien d'autres journaux. Nous aurions tort d'évacuer ce débat à cette heure de la nuit.

M. Alain Clary.

C'est vrai !

M. Henri Plagnol.

Je ne prétends pas en faire le tour, rassurez-vous, mais, force est de constater, à l'horizon du PACS, il y a la remise en cause de ce que Jean-François Mattei a très bien formulé : un modèle anthropologique naturel. Certains, parmi vous, peuvent considérer qu'il n'y a plus de place pour le droit naturel, que tout est affaire de culture, de construction sociale et que notre société doit réviser tous ses repères fondamentaux ; c'est leur droit. Nous, nous pensons au contraire que, au moment précisément où ces mutations deviennent possibles, il est plus que jamais nécessaire de défendre cet ordre naturel et les fondements anthropologiques de notre civilisation. Je suis persuadé, en toute bonne foi et sans vouloir vous caricaturer, que ce débat aura lieu, mais il eût été plus honnête de l'aborder dès maintenant. On ne peut pas justifier le PACS si l'on ne va pas jusqu'au bout du raisonnement qui introduit une équivalence rigoureuse entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. La reconnaissance de l'union de fait qu'est le concubinage résolvait, vous le savez fort bien, tous les problèmes concrets.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Aucun !

M. Henri Plagnol.

Avec le PACS, nous sommes dans le domaine du symbolique. S'il y a une frontière, elle passe là. Le débat est légitime. Pourquoi s'y dérober ?

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Ça, c'est vrai !

M. Henri Plagnol.

Nous, nous y sommes prêts.

J'en ai terminé...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ah ! tant mieux !

M. Bernard Outin.

Mais non !

M. Maurice Leroy.

Ils sont déçus !

M. Henri Plagnol.

Je savais que j'allais redevenir populaire.

M. Henri Nayrou.

C'est la seule façon de vous faire applaudir !

M. Bernard Outin.

Il en a terminé avec la première partie !

M. Claude Goasguen.

Il faut recommencer, ils n'ont pas tout compris !

M. Henri Plagnol.

Où finalement se situe le désaccord ?

M. Daniel Marcovitch.

Il n'y en a pas avec le Sénat !

M. Henri Plagnol.

Vous privilégiez un ordre social fondé exclusivement sur ce que vous avez appelé le droit à la différence...

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

A l'indifférence !

M. Henri Plagnol.

... c'est-à-dire celui d'un individu qui n'est plus responsable que de lui-même...

M. Thierry Mariani.

Exactement !

M. Marcel Rogemont.

C'est déjà pas si mal !

M. Maurice Leroy.

M. Mariani a suivi, lui ! (Sourires.)

M. Henri Plagnol.

... et dont l'horizon se limite à un couple évolutif, à géométrie variable, Ce choix de société n'est pas le nôtre. Nous, nous considérons que l'épanouissement de la personne humaine s'inscrit de préférence dans la communauté naturelle qu'est la famille.

C'est pourquoi nous accordons la priorité à l'accueil de l'enfant et à la défense de la famille.

Si nous demandons le renvoi en commission de votre projet, c'est pour revenir à l'équilibre voulu par le Sénat.

Mais, quoi qu'il arrive, son travail n'aura pas été inutile, car, nous en prenons l'engagement, il nous servira de cadre de référence quand viendra le moment de l'alternance. Nous reconstruirons un projet pour le couple et pour la famille en partant de l'enfant.

C'est en effet à partir de l'enfant qu'il fallait commencer votre oeuvre de modernisation du droit de la famille, à partir de la réaffirmation du mariage républicain, qui est l'institution qui protège le mieux les plus faibles, le conjoint et l'enfant, qui garantit par exemple la présomption de paternité, ce qui n'est pas le cas dans le PACS.

M. Thierry Mariani.

Ni dans le concubinage !

M. Henri Plagnol.

Le mariage républicain, le Sénat en a affirmé le caractère hétérosexuel, car, là comme ailleurs, ce qui paraissait une vérité d'évidence ne l'est plus, et j'observe que vous avez supprimé cette mention ce qui prouve bien que vous avez l'intention, peut-être, de revoir aussi ce fondement de la société.

M. Thierry Mariani.

C'est très logique !

M. Henri Plagnol.

Le mariage républicain, cela veut dire aller dans le sens d'une vraie neutralité fiscale pour les familles, et nous en sommes très loin avec le plafonnement du quotient familial ou la réduction de la déduction pour garde d'enfant.

Le deuxième pilier, c'est alléger autant que faire se peut l'Etat-providence, pour encourager la responsabilité et la générosité. Tel est le sens de l'élargissement, proposé par le Sénat, des abattements fiscaux à l'impôt sur le revenu, et de la liberté de choix testamentaire.

Enfin, en ce qui concerne le droit des personnes, le législateur doit respecter autant que possible les choix de vie privée et la liberté contractuelle.

Cela veut dire qu'il doit laisser au fil du temps se dessiner l'évolution jurisprudentielle, au plus près des situations concrètes. Il faut résister à la tentation, bien française, d'écrire une nouvelle exception, un nouveau monument législatif, prétendant enfermer artificiellement l'infinie diversité des situations dans le carcan d'une règle juridique écrite.

Vous avez choisi de passer en force. C'est un rendezvous manqué. Il nous appartiendra, le moment venu, de revenir à l'équilibre qui inspirait la proposition sénatoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux, à cette heure-ci et à ce point du débat, monsieur le député, je voudrais simplement vous poser deux questions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

Après soixante-dix heures de débat en première lecture, a près six rapports, dont celui du Sénat qui fait 300 pages,...

M. Henri Plagnol.

310 !

Mme la garde des sceaux...

écrits par quatre rapporteurs différents, après d'innombrables auditions de toutes les sensibilités...

M. Thierry Mariani.

Au Sénat, pas à l'Assemblée.

M. Henri Plagnol.

C'est un très mauvais texte !

Mme la garde des sceaux.

... après un débat passionné de la société civile, dans la presse, à la radio, à la télé vision, dans les films même,...

M. Thierry Mariani.

Dans les films, on n'y est pour rien !

Mme la garde des sceaux.

... Cette demande de renvoi en commission est-elle bien raisonnable ? (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles de Courson.

Incontestablement !

M. Maurice Leroy.

La réponse est oui !

M me la garde des sceaux.

Alors que plus de 600 amendements nous attendent,...

M. Maurice Leroy.

Seulement ?

M. Thierry Mariani.

On a condensé !

Mme la garde des sceaux.

... que nous allons pouvoir à l'occasion de leur examen perfectionner le texte à loisir, votre motion est-elle vraiment absolument indispensable ?

M. Henri Plagnol.

Oui !

Mme la garde des sceaux.

M. Plagnol, après nous avoir donné encore un exemple de votre éloquence, de votre esprit aigu, ne voudriez-vous par la retirer ?

M. Maurice Leroy.

C'est bien d'essayer !

Mme la garde des sceaux.

L'Assemblée s'honorerait peut-être et nous pourrions ainsi reconnaître que nous sommes tous impatients de passer à la deuxième phase de ce débat qui nous tiendra demain et après-demain et qui nous permettra, je pense, de faire avancer ce texte.

Voilà mes deux questions, monsieur Pagnol.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

C'est très difficile de répondre non à une question posée avec autant de gentillesse et de courtoisie (Exclamation) mais, si je vous répondais, madame la ministre, je serais obligé de relire ma motion, et je ne voudrais pas vous infliger cette lecture supplémentaire.

Je crois qu'il se déduisait du texte même qu'elle avait un sens, peut-être parce qu'il n'y a pas eu assez de concertation.

M. Maurice Leroy.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Monsieur Plagnol, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre intervention, brillante, comme d'habitude, qui a posé de vraies questions.

Bien entendu, je suis prêt à mener le débat avec vous : quelle société pour demain ? Quelle famille ? Comment les enfants seront-ils faits ? (Exclamations sur divers bancs.)

Est-ce que la société repose sur l'altérité des sexes ? Pour ma part, je ne le crois pas. Mais je ne pense pas qu'à ce point du débat, il soit nécessaire de renvoyer le texte en commission. Ce sera un autre débat.

Le renvoi en commission pourrait être opportun si vous nous faisiez l'honneur d'assister aux réunions, puisque, pour des raisons impératives, car ce n'est pas votre habitude, vous n'avez pas pu assister aux dernières qu'a tenues la commission des lois sur ce sujet, mais je doute que l'Assemblée veuille renvoyer en commission uniquement pour vous permettre d'y venir quelques instants. Je pense donc qu'elle repoussera votre motion.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Bernard Accoyer.

Même si vous ressentez un peu de lassitude, madame la garde des sceaux, permettez-moi de vous faire remarquer que, si le texte avait été préparé dans des conditions normales, soumis au Conseil d'Etat, étudié par une commission spéciale, un certain nombre d'échanges, d'amendements, d'interventions et de motions auraient probablement été inutiles et les débats en auraient été raccourcis.

Alors que le Sénat a fait un travail intéressant, constructif, qui aurait permis probablement de dégager une majorité consensuelle dans notre hémicycle, il faut aujourd'hui, après le travail réalisé par la commission des lois, qui a tout simplement réintroduit le PACS en ajoutant encore un étage avec le concubinage, retravailler l'ensemble du texte.

La confusion, en effet, est à son comble.

Confusion au regard des repères traditionnels de notre société, sur lesquels elle s'est bâtie et sur lesquels elle doit plus que jamais aujourd'hui s'appuyer quand on voit les dangers qui la menacent et dont chacun d'entre nous souffre.

Confusion envers l'institution du mariage qui, personne ne le conteste, est atteinte par votre projet de loi...

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

... alors que je croyais - c'est en tout cas ce que vous aviez annoncé à plusieurs reprises très solennement ici - que vous souhaitiez la protéger.

Confusion entre les multiples situations, qui ont d'ailleurs été très bien décrites tout à l'heure par Thierry Mariani, offertes maintenant à nos concitoyens : le célibat, le PACS, le concubinage, le mariage. Qu'allez-vous nous annoncer en troisième lecture ? Tout est possible.

Danger surtout - nous allons le revoir inlassablement pour les plus faibles de notre société : les enfants, les femmes, les moins riches. Tout cela, vous le balayez d'un revers de main. Ce serait pourtant, comme cela a été répété à plusieurs reprises par nos collègues de l'opposition ce soir, l'occasion d'un beau travail en commission.

Confusion et danger encore avec l'instauration d'une indivision dans le cadre de contrats qui vont faire la joie du lobby des juristes, des avocats, des notaires.

M. René Mangin.

Il n'y a que des lobbies !

M. Bernard Accoyer.

Danger, bien sûr, pour la famille.

Danger également pour ceux qui vont devoir financer les avantages substantiels fiscaux, financiers, administratifs, statutaires...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Patrick Braouezec.

L'égalité !

M. Bernard Accoyer.

... que ce texte introduit au m épris des motivations essentielles de l'organisation sociale de notre société, c'est-à-dire l'aide à ceux qui assurent sa pérennité, l'aide à la famille, l'aide aux enfants.

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

Il y a surtout, en dépit de vos dénégations méprisantes, un risque principal, que vous avez pourtant ici nié, madame la garde des sceaux, mais qui apparaît clairement aujourd'hui puisque vous avez reconnu devant le Sénat que les pacsés étaient célibataires et que notre code civil permet l'adoption par les célibataires.

M. Charles de Courson.

C'est incontestable !

M. Bernard Accoyer.

Dans le cadre tel qu'il est défini aujourd'hui par le texte proposé après le travail en commission, après l'institutionnalisation d'un pseudomariage des couples homosexuels, vous institutionnalisez demain pour l'adoption par les couples homosexuels.

M. Patrick Braouezec.

N'importe quoi !

M. Bernard Accoyer.

Pour toutes ces raisons, qui sont d'une particulière gravité, le groupe RPR votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen pour le groupe Démocratie libérale.

M. Claude Goasguen.

Evidemment, nous avons beauc oup travaillé en commission, parce qu'un certain nombre d'entre nous y étaient, mais je crois que nous n'avons pas travaillé suffisamment.

M. Daniel Marcovitch.

Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage ! (Sourires.)

M. Claude Goasguen.

Absolument. Vous avez de la culture et je m'en félicite, monsieur Marcovitch.

Il y a tout de même quelques points, qui ne sont pas des points de détail, qui montrent que ce texte a encore besoin d'être travaillé. Je n'en soulignerai que deux.

Dans vos définitions du PACS et du concubinage, mes chers collègues, il y a des éléments très significatifs qui montrent qu'entre les deux lectures, vous vous êtes servis d'une manière assez cynique des travaux du Sénat.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Robert Gaïa.

C'est la sagesse !

M. Claude Goasguen.

Je suis sûr d'ailleurs qu'en troisième lecture, vous nous proposerez un nouveau texte où le concubinage ne figurera pas.

M. Thierry Mariani.

On remettra les fratries !

M. Claude Goasguen.

Le PACS repose sur la notion de vie commune, et de vie commune seule. Cette vie commune, simplement définie par opposition au mariage qui entraîne des obligations, donne un certain nombre de droits, vous en conviendrez. Le concubinage, lui, est une union de fait mais présentant un caractère de stabilité et de continuité. Dans le premier cas, la précarité est beaucoup plus grande et vous donnez de nombreux droits.

Dans le second cas, alors qu'il n'y a pas de droits, vous imposez un caractère de stabilité et de continuité.

Vous avouerez, mes chers collègues, qu'on peut se poser quelques questions sur la cohérence qu'il y a entre ces deux notions, et ça montre bien que vous avez une arrière-pensée...

M. Jacques Floch.

Ça ne montre rien !

M. Claude Goasguen.

... en introduisant, provisoirement, à mon avis, le concubinage dans votre texte. La définition donnée par le Sénat est, elle, tout à fait conforme à la tradition du concubinage, c'est-à-dire que c'est une union de fait. C'est logique.

A l'occasion d'un texte important, vous en conviendrez, pour l'avenir du droit des personnes, vous avez en réalité cherché à placer l'opposition dans une situation difficile, essayant de mettre en contradiction l'opposition de l'Assemblée nationale et la majorité du Sénat, mais vous avez alors construit un texte qui n'est pas cohérent.

Ou bien vous créez le PACS et il y a une certaine cohérence, ou bien vous avez à la fois le PACS et le concubinage - qui ne servira d'ailleurs plus à rien et je parie que vous l'abandonnerez à la prochaine lecture - et vous montrez que ce texte n'est pas dénué d'arrièrepensées politiciennes. Il y aura un débat extrêmement sévère en assemblée plénière, ce qui justifierait, mes chers collègues un renvoi en commission.

Par ailleurs, deuxième défaut, vous vous arrangez un peu facilement des choses.

Au cours de l'« antépremière » lecture, celle où une motion a été votée par cette assemblée contre toute attente, vous nous avez déclaré, madame la ministre, que, sur l'adoption, il y aurait peut-être des choses à faire.

Cette déclaration avait ensuite été très atténuée lors de la lecture suivante. Vous aviez alors expliqué que la jurisprudence faisait son travail, qu'après tout, ce n'était pas la peine de toucher à l'adoption puisque le PACS ne la concernait pas. Vous avez donc refusé nos amendements portant sur l'adoption.

Comment justifiez-vous dans ces conditions, alors que la jurisprudence est abondante sur le concubinage, l'introduction d'un article à ce sujet ? Quand ça vous dérange vous ne mettez pas de disposition spécifique dans la loi - c'est le cas de l'adoption -, mais, quand ça vous arrange, vous évoquez le concubinage, ce qui n'a ni queue ni tête.

M. Yann Galut.

On a voulu traduire l'élan du Sénat, éclairer la pensée des sénateurs !

M. Claude Goasguen.

Mais il n'a ni queue ni tête, votre concubinage. Ce n'est pas cohérent avec l'ensemble de votre texte.

Ou bien vous l'enlevez, et on discute alors sur une certaine philosophie qui est la vôtre, ou bien vous essayez de faire de ce texte une espèce de patchwork permettant de mettre l'opposition en difficulté momentanément. A ce moment-là, dites-le et on va travailler en commission.

Voilà l'une des raisons pour lesquelles le groupe Démocratie libérale votera pour le renvoi en commission, bien que les travaux aient été longs et intéressants, monsieur le rapporteur, mais on ne se lasse pas de discuter de ce texte avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Leroy.

M. Maurice Leroy.

Finalement, Mme la ministre et M. le rapporteur n'étaient pas loin d'approuver le renvoi en commission demandé par notre ami et excellent collègue Henri Plagnol. Alors je ne doute pas que la majorité, dans un élan unanime, après avoir repris les travaux de la majorité sénatoriale,...

M. Yann Galut.

C'est ce qu'on a expliqué à M. Goasguen !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Maurice Leroy.

Rassurez-vous, je crois qu'il avait parfaitement compris. Il était en commission ! Sérieusement, c'est vrai, madame la ministre, qu'il y a eu de nombreuses heures de débats et de nombreux échanges dans les deux assemblées mais, manifestement, il reste encore beaucoup de points à éclairer, c'est le moins que l'on puisse dire.

J'observe d'ailleurs qu'à chaque lecture, on n'a pas le même texte. On est donc bien contraint de refaire un travail de fond puisque, à chaque lecture, des dispositions sont rajoutées et d'autres disparaissent. Voilà ce qui justifie pleinement un renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

M. Leroy et M. Goasguen viennent de le dire, nous avons beaucoup discuté : soixante-dix heures, ce n'est tout de même pas rien !

M. Dominique Dord.

C'est deux fois 35 heures !

M. Bernard Accoyer.

Par rapport aux conséquences de ce texte, ce n'est pas grand-chose !

Mme Muguette Jacquaint.

Plus d'un millier d'amendements ont été examinés en commission et en séance. Et puis, mesdames, messieurs de l'opposition, vous prétendez être toujours dans la plus totale confusion.

M. Charles de Courson.

Ça c'est vrai !

M. Maurice Leroy.

Eclairez-nous alors !

Mme Muguette Jacquaint.

Mais que faut-il faire de plus ? Nous avons encore 600 amendements à examiner, on y a passé des heures en commission et on va passer des heures à débattre dans cet hémicycle. Je souhaite qu'on engage très rapidement la discussion pour que vous sortiez enfin de la confusion...

M. Bernard Accoyer.

Merci, madame Jacquaint !

Mme Muguette Jacquaint.

... et que ce texte soit adopté le plus vite possible.

Je m'oppose donc au renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mais on n'engagera pas la discussion ce soir, madame Jacquaint.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Dès demain !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch, pour le groupe socialiste.

M. Jacques Floch.

Mes chers collègues, vous qui avez tout compris : s'il vous plaît, ne renvoyez pas en commission ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3 FAIT PERSONNEL

M. le président.

En application de l'article 58, alinéa 4, du règlement, la parole est à Mme Christine Boutin, pour un fait personnel.

Mme Christine Boutin.

Lors de ma brève intervention dans la discussion générale, un parlementaire de la majorité a cru bon de me traiter de « Goebbels ».

M. Daniel Marcovitch et Yann Galut.

Ces propos ont été retirés !

Mme Christine Boutin.

Si je comprends que la majorité éprouve de la gêne à propos de ce texte qui paraît peu à peu pour ce qu'il est et qu'elle ait de la peine à répondre aux questions que pose l'opposition, je n'admets pas que certains de ses membres n'aient plus d'autres recours que de traiter de nazis ceux qui ne sont pas d'accord avec elle. Quand on en est réduit à de telles attaques personnelles inqualifiables, c'est que l'intelligence a depuis longtemps abandonné le terrain ! J'ose espérer que, dans la suite des débats, la majorité nous donnera une meilleure image et qu'elle répondra d'une autre manière aux objections que nous ne manquerons pas de formuler.

Je veux bien croire que cette insulte est « sortie toute seule », mais cette spontanéité en dit long sur l'intolérance de certains de nos collègues. Le nom de « Goebbels » évoque toute l'horreur des pires comportements humains d'élimination raciste. En tant que députée de la République française attachée aux droits de l'homme et à la dignité de celui-ci, de la conception à la mort naturelle, quels que soient sa race, sa religion ou son état de santé, je ressens cette évocation d'un des pires dirigeants nazis comme une insulte grave.

Aussi, monsieur le président, je souhaite, non que soient retirées ces paroles indignes formulées à mon endroit, mais que leur auteur me présente des excuses.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Madame Boutin, acte vous est donné de votre fait personnel.

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mercredi 31 mars 1999, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, no 1479, relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité : M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1482),


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 MARS 1999

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales (avis no 1483).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 31 mars 1999 à une heure cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ Par une communication du 29 mars 1999, faite en application de l'article L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a informé M. le président de l'Assemblée nationale que M. Bernard Deflesselles a été élu, le 28 mars 1999, député de la 9e circonscription des Bouches-du-Rhône.

REMPLACEMENT D'UN DÉPUTÉ DÉCÉDÉ Par une communication du 30 mars 1999, faite en application des articles L.O. 176-1 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a informé M. le président de l'Assemblée nationale que Michel Crépeau, député de la 1re circonscription de la Charente-Maritime, décédé le 30 mars 1999, est remplacé jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale par M. Maxime Bono, élu en même temps que lui à cet effet.

MODIFICATIONS À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, Lois et décrets, du 30 mars 1999)

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (6 au lieu de 5) Ajouter le nom de M. Bernard Deflesselles.

(Journal officiel, Lois et décrets, du 31 mars 1999)

GROUPE RADICAL, CITOYEN ET VERT (34 membres au lieu de 35) Supprimer le nom de M. Michel Crépeau.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (7 au lieu de 6) Ajouter le nom de M. Maxime Bono.

TEXTE SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 29 mars 1999 No E 1237. - Proposition de règlement (CE) du Conseil c oncernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres modifiant l'accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la Bulgarie, relatif à l'établissement réciproque de contingents tarifaires pour certains vins, et modifiant le règlement (CE) no 933/95 portant ouverture et mode de gest ion de contingents tarifaires communautaires pour certains vins (COM [99] 77 final).