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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 3096).

INTERVENTION MILITAIRE AU KOSOVO (p. 3096)

Mme Marie-Hélène Aubert, M. Lionel Jospin, Premier ministre.

DÉVELOPPEMENT DU FRET FERROVIAIRE (p. 3098)

MM. Gilbert Biessy, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

CONTENTIEUX FRANCO-ALLEMAND

SUR LA GARDE DES ENFANTS DE COUPLES BINATIONAUX SÉPARÉS (p. 3099)

M. Pierre Cardo, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

ACTION DE LA FRANCE AU KOSOVO (p. 3099)

MM. Philippe Douste-Blazy, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

REVALORISATION DES PENSIONS

POUR LES PERSONNES ÂGÉES ET HANDICAPÉES À WALLIS-ET-FUTUNA (p. 3100)

MM. Victor Brial, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

RE

FORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC (p. 3101)

M. Olivier de Chazeaux, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

AVENIR DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE (p. 3102)

M. Jean Ueberschlag, Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

2. Souhaits de bienvenue à des délégations parlementaires étrangères (p. 3103).

3. Questions au Gouvernement (suite) (p. 3103).

ACCÈS À L'IVG DANS LE SERVICE PUBLIC HOSPITALIER (p. 3103)

M mes Odette Casanova, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

RE

FORME DE LA PAC (p. 3104)

MM. Christian Paul, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

INFORMATION SUR LA LISTÉRIOSE (p. 3105)

MM. André Vallini, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

CRISE DE LA FILIÈRE PORCINE (p. 3105)

MM. Kofi Yamgnane, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Suspension et reprise de la séance (p. 3106)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT

4. Pacte civil de solidarité. Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi (p. 3106).

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 3106)

Article 1er A (p. 3106)

MM. Pascal Clément, Thierry Mariani, Bernard Accoyer, Christian Estrosi.

Amendements de suppression nos 1 de la commission des lois et 24 de la commission des affaires culturelles : MM. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Mmes Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; Christine Boutin, M. Richard Cazenave. - Adoption.

L'article 1er A est supprimé.

Article 1er B (p. 3108)

MM. Dominique Dord, Pascal Clément, Thierry Mariani, B ernard Accoyer, Christian Estrosi, Mme Christine Boutin.

Amendements de suppression nos 2 de la commission des lois et 25 de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme la garde des sceaux, M. Richard Cazenave. - Adoption.

L'article 1er B est supprimé.

Article 1er C (p. 3111)

MM. Dominique Dord, Thierry Mariani.

Amendements de suppression nos 3 de la commission des lois, 26 de la commission des affaires culturelles et 505 de Mme Boutin : MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mmes Christine Boutin, la garde des sceaux, MM. Richard Cazenave, Thierry Mariani. - Adoption.

L'article 1er C est supprimé.

Après l'article 1er C (p. 3114)

Amendement no 183 de M. Mariani : M. Thierry Mariani.

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Claude Goasguen, Thierry Mariani, Charles de Courson. - Rejet de l'amendement no 183.

A mendement no 156 de M. Mariani : MM. Thierry

M ariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux,

M

M. Charles de Courson, Richard Cazenave, Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois. - Rejet.

A mendement no 181 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 182 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Avant l'article 1er (p. 3120)

Amendement no 475 de M. de Courson : M. Charles de Courson.


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Amendements nos 474 et 476 de M. Courson : MM. Charles de Courson, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Dominique Dord. - Rejet des amendements nos 475, 474 et 476.

Article 1er (p. 3123)

Le Sénat a supprimé cet article.

M. Gilbert Gantier.

PRE

SIDENCE DE M. PATRICK OLLIER MM. Dominique Dord, Thierry Mariani, Bernard Accoyer, Bernard Perrut, Charles de Courson.

Amendements identiques nos 4 corrigé de la commission des lois et 27 de la commission des affaires culturelles. MM.

le rapporteur, le rapporteur pour avis, Mme la garde des sceaux, M. Charles de Courson.

Rappel au règlement (p. 3130)

Mme Yvette Roudy, M. le président.

Reprise de la discussion (p. 3130)

MM. Thierry Mariani, Dominique Dord.

Sous-amendements à l'amendement no 4 corrigé : AVANT L'ARTICLE 515-1 DU CODE CIVIL (p. 3131)

Sous-amendement no 506 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 500 de M. de Courson : M. Charles de Courson.

Sous-amendement no 504 de M. de Courson : MM. Charles de Couson, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet des sous-amendements nos 500 et 504.

Sous-amendement no 507 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 263 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Rappel au règlement (p. 3133)

MM. Thierry Mariani, le président.

Reprise de la discussion (p. 3133)

Sous-amendements nos 298, 299 et 301 de M. Dord : M. Dominique Dord. - Retrait du sous-amendement no 298.

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet des sous-amendements nos 299 et 301.

Sous-amendement no 499 de M. de Courson et sousamendements identiques nos 300 de M. Dord et 508 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Thierry Mariani, Bernard Accoyer. - Rejet du sousamendement no 499 et des sous-amendements identiques.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 3135).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par les questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

INTERVENTION MILITAIRE AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

M me Marie-Hélène Aubert.

Monsieur le Premier ministre, pendant dix ans, la communauté internationale n'a pas envoyé de signaux suffisants, ni pour arrêter les agissements criminels du dictateur serbe Milosevic, qui porte néanmoins l'entière responsabilité de cette guerre, ni pour soutenir l'action des démocrates serbes et kosovars, tel Ibrahim Rugova, dont le sort politique, voire physique, est tragique, ainsi que celui de ses compagnons.

Les initiatives prises depuis plusieurs mois par la communauté internationale, notamment par la France, ont rompu fort heureusement, mais tardivement, cette passivité. Les négociations de Rambouillet ont constitué une étape importante de la recherche d'une solution politique et pacifique. Là encore, Milosevic porte la responsabilité de l'échec. Une intervention militaire paraissait dès lors inévitable.

P ourtant, nous devons nous poser la question : aurait-on pu, en privilégiant des solutions politiques européennes, éviter l'engrenage militaire, en permettant à la Russie de prendre toute sa place, évitant ainsi de donner un prétexte à Milosevic pour rompre les discussions ? Dans le contexte actuel, la tentative de médiation russe pouvait difficilement aboutir.

Aujourd'hui, des frappes aériennes sont en cours, à propos desquelles nous avions exprimé des réticences, notamment à cause des risques encourus par les populations civiles kosovares, dans la mesure où tous les pays engagés avaient affirmé d'emblée - n'était-ce pas une erreur ? - qu'un dispositif terrestre était exclu.

Ainsi, chacun voit bien que les frappes ne suffisent pas à résoudre la crise, quand elles ne sont pas accusées de l'aggraver. L'épuration ethnique a lieu dans le même temps, et le risque de partition du Kosovo, que nous redoutons, est de plus en plus évoqué ; c'est inacceptable.

L'urgence et la priorité, maintenant, sont de stopper ce processus, afin d'éviter qu'il ne devienne irréversible.

L'hypothèse d'une décision du Conseil de sécurité de l'ONU en faveur d'une zone globale et générale de protection humanitaire du Kosovo - avec le retrait des forces spéciales serbes, l'arrêt des combats par l'UCK, la mise en place de forces d'interposition du type « casques bleus » est-elle envisageable, que Milosevic l'accepte ou non ? En cas d'échec de ce type de proposition, peut-on à l'avance exclure toute intervention militaire sur le terrain, au risque de laisser expulser ou massacrer les populations civiles ? Les Français, que nous représentons ici, sont inquiets et effarés devant la catastrophe humanitaire en cours, qu'aucune mesure prise jusqu'à ce jour n'a pu empêcher. Ils attendent, comme nous, des réponses claires et précises du Gouvernement.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Madame la députée, j'ai reçu ce matin, après le conseil des ministres, les présidents des groupes parlementaires ainsi que les présidents des commissions des affaires étrangères et de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat. L'échange d'informations et le dialogue qui s'est noué à cette occasion ont été utiles. J'ai dit à vos représentants que le Gouvernement, au travers des ministres compétents et de moi-même, était à la disposition du Parlement, en tant que de besoin, pour nourrir ce courant d'informations et poursuivre ce dialogue.

Nous avons pris note de suggestions utiles formulées par différents représentants de groupes.

Dans la période où nous sommes, chacun exprime, et c'est normal, ses convictions.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Santini.

Pas lorsqu'on est au Gouvernement !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Lorsqu'on est au Gouvernement, on ferme sa gueule !

M. le Premier ministre.

Lorsqu'une grande démocratie comme la nôtre est face à la question de la paix ou de la guerre, à la question de l'oppression ou de la liberté, de la civilisation ou de la barbarie, le pays et le Parlement débattent, ou discutent dans les médias et au sein de l'instance politique collégiale que constitue le Gouvernement, au conseil des ministres devant le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. André Santini.

Le Gouvernement est vraiment très pluriel, comme la majorité !

M. le Premier ministre.

Monsieur Santini, le moins que l'on puisse dire,...

M. François Rochebloine.

C'est que vous êtes embêté !


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M. le Premier ministre.

... c'est que, dans cette circonstance difficile, le ministre des affaires étrangères, par son action diplomatique, le ministre de la défense, par son travail de mobilisation et d'organisation des armées, le Premier ministre et le Gouvernement dans sa collégialité assument pleinement les missions qu'ils doivent remplir au sein de l'exécutif. Vous devriez en prendre la mesure. (Mêmes mouvements.)

M. Charles Cova.

C'est la pagaille !

M. le Premier ministre.

Le débat ayant eu lieu, nous pouvons dire que nous partageons deux convictions fondamentales.

La première, qui a été exprimée par tous les groupes politiques, est la condamnation absolue de M. Milosevic, de son régime et de la politique de purification ethnique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...

M. François Rochebloine.

C'est trop facile !

M. le Premier ministre.

... le refus de la violence et des exactions.

La deuxième conviction que nous partageons, c'est que notre objectif est celui d'une issue politique à la crise, mais qui interdise l'actuelle répression et permette aux Kosovars de vivre en paix et libres sur leur terre, même si celle-ci, selon nous, aujourd'hui, doit être une partie autonome dans la République fédérale de Yougoslavie.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

A partir du moment où nous sommes d'accord et où l'essentiel des forces politiques françaises partagent ces deux objectifs,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Et les communistes ?

M. François Goulard.

Dites-le-leur !

M. le Premier ministre.

... la discussion a lieu ensuite sur les moyens. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. le Premier ministre.

Il ne faut à cet égard pas se tromper quant à la responsabilité, et encore moins quant à la culpabilité. La question centrale, aujourd'hui, n'est pas celle de l'OTAN, c'est celle de la politique de purification ethnique de M. Milosevic. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

Vous avez raison, mais dites-le à vos alliés communistes !

M. le Premier ministre.

La question centrale n'est pas celle des frappes, c'est celle de la politique d'exactions conduite par M. Milosevic au Kosovo.

Il est vrai - et c'est la position des autorités politiques françaises, du Président de la République comme du Gouvernement - que nous préférons, lors des crises, agir sous l'égide et avec un mandat de l'Organisation des Nations unies. Mais cela n'était pas possible en l'occurrence, à moins d'accepter l'impuissance et le fait accompli. Nous avons donc agi dans le cadre de l'OTAN.

C'est celui dans lequel nous pouvions agir, et faire de la question de l'OTAN la question centrale ne serait pas pertinent.

M. Pierre Lellouche.

Dites-le aux communistes !

M. le Premier ministre.

C'est la troisième fois que M. Milosevic, après la Croatie, après la Bosnie, s'efforce d'imposer une politique de violence et de ruse ; il est temps maintenant qu'il y soit mis un terme.

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. le Premier ministre.

C'est pourquoi, face à des autorités serbes qui ont programmé méthodiquement leur politique, notamment leur politique de répression au Kosovo, nous devons faire preuve de détermination et de constance. Nous devons savoir que ce n'est pas en quelques jours, et par les frappes, que nous porterons des coups suffisants à l'appareil militaire et répressif de la Serbie ; mais nous avons les moyens de porter des coups suffisants à cet appareil dans les jours qui viennent.

Il faut apporter des réponses sur le plan humanitaire, et vous avez insisté sur ce point, madame la députée.

C'est ce que nous faisons.

Charles Josselin, au nom du Gouvernement, suivra une mission d'experts français partie dès ce matin sur le terrain pour évaluer les besoins de manière précise. Il se rendra demain en Albanie et en Macédoine, en liaison avec cette mission, avec l'Union européenne et Mme Emma Bonino, accompagné du secrétaire d'Etat allemand.

Le Gouvernement a arrêté les premières modalités d'un plan d'urgence qui comprend quatre composantes : un soutien à l'action du Haut Commissariat aux réfugiés dans des zones sécurisées, une action coordonnée avec nos partenaires européens, notamment allemands et italiens, des actions nationales montées par l'action humanitaire, la sécurité civile et le ministère de la santé, et la mise à la disposition, notamment du HCR, des moyens de transport de la défense.

N ous sommes tous, bien entendus profondément impressionnés et bouleversés par ces dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui quittent le Kosovo. Mais je préfère qu'ils quittent aujourd'hui le Kosovo pour pouvoir y revenir demain, plutôt que de mourir sur place, comme ce fut le cas pour des dizaines de milliers de personnes en Bosnie, il y a quelques années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Nous prenons la mesure de cette catastrophe humanitaire. Il convient de bien expliquer à l'opinion européenne et aux Français que celle-ci est réversible si, et seulement si, le conflit en cours ne se termine pas aux conditions de M. Milosevic, mais aux conditions fixées par les nations civilisées dans l'Europe de la fin du XXe siècle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) C'est ainsi que ces centaines de milliers d'hommes et de femmes pourront revenir dans leur pays.

Le Gouvernement et le Président de la République sont ouverts à toute issue politique qui pourrait se présenter, puisque notre objectif est une solution politique.

Nous avons pris connaissance du compte rendu de la mission effectuée hier, à Belgrade, par M. Primakov, et j'en ai informé vos représentants ce matin. Elle ne laisse pas ouverte une solution, puisque M. Milosevic fixe les conditions et demande l'arrêt des bombardements sans prendre l'engagement de renoncer aux exactions et de retirer ses troupes avant d'accepter d'envisager un débat politique.

Si, dans le cadre de l'ONU, d'une conférence des Balkans ou dans tout autre cadre politique disponible, une issue peut se présenter, nous saisirons l'occasion, mais


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nous pensons qu'il faut créer en même temps les conditions militaires, politiques et psychologiques pour que M. Milosevic renonce à sa politique de puissance, à sa politique de purification ethnique, pour que, cette fois, il soit obligé de céder, qu'il sorte perdant de ce conflit et que nous puissions, alors, bâtir les conditions d'une Europe prospère, d'une Europe démocratique, et non d'une Europe tentée par le retour de la barbarie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe communiste.

DÉVELOPPEMENT DU FRET FERROVIAIRE

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Biessy.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilbert Biessy.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Démission !

M. Jean-Louis Debré.

Interrogez-le sur le Kosovo !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

M. Gilbert Biessy.

Je veux d'abord présenter toutes nos condoléances aux familles des victimes du tunnel du Mont-Blanc ; toutes nos pensées les accompagnent dans la terrible épreuve qu'elles traversent.

Je souhaite également rendre hommage au courage des sauveteurs qui, une fois de plus, ont prouvé qu'ils accomplissaient leur devoir au péril de leur vie.

Ce terrible accident nous oblige à tirer les enseignements de la dangerosité des transports terrestres,...

M. Jean-Louis Debré.

Cette question a déjà été posée hier !

M. Gilbert Biessy.

... en particulier dans les tunnels de grande longueur. Le Gouvernement s'attelle à la tâche et je m'en félicite.

Il est en effet indispensable de rappeler la nécessité des transports combinés. La dernière loi de finances a donné la priorité au rail et à l'intermodalité pour les déplacements. La part du secteur ferroviaire a augmenté, celle des routes a reculé. Il est désormais nécessaire de mettre en oeuvre les choix affirmés afin de relancer le fret ferroviaire et de donner un coup d'arrêt aux hécatombes de la route qui, je le rappelle, coûtent la vie à plus de 8 000 personnes chaque année.

Le problème de la liaison Lyon-Turin doit être réglé, et cela implique une grande détermination politique sur les dossiers, pour substituer au tout-routier, générateur de risques d'accidents, d'insécurité, de bruit et de pollution, sans parler de l'effet de serre, une solution par le rail, avec le ferroutage.

Monsieur le ministre, quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour donner la priorité qui s'impose au fret ferroviaire, afin que des catastrophes comme celle du Mont-Blanc puissent être évitées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Louis Debré.

Qu'il réponde sur le Kosovo !

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, je me suis rendu, le jour même, sur les lieux de la catastrophe. J'ai pu, comme vous, constater le courage, le dévouement et la détermination des secouristes, qui ont affronté des conditions particulièrement difficiles.

Vous le savez, M. le Premier ministre s'est rendu sur place lundi pour exprimer la solidarité, l'émotion et la compassion du Gouvernement. A cette occasion, il a avancé deux séries de propositions.

La première consiste à réaliser sans attendre, dès aujourd'hui, un diagnostic sur tous les tunnels routiers d'une longueur supérieure à 1 000 mètres, afin que les conditions de sécurité soient expertisées sans délai.

La seconde consiste, comme vous le suggérez, à jouer la carte du transport ferroviaire et du transport combiné.

Nous prenons des mesures pour que le trafic ne se reporte pas de manière excessive sur le tunnel du Fréjus, ce qui mettrait en cause les conditions de sécurité. La SNCF a décidé pour sa part d'augmenter l'offre de transport ferroviaire pour permettre le passage vers l'Italie.

M. Jacques Desallangre.

Très bien ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Kosovo !

M. Jean-Louis Debré.

Assez d'hypocrisie ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Des dispositions sont prises. Elles s'inspirent des études qui ont été réalisées en collaboration avec nos amis italiens, et qui prévoient, à terme, une augmentation de plus de 60 % du trafic par le chemin de fer, notamment par le tunnel ferroviaire du Mont-Cenis.

Le Gouvernement s'est engagé...

M. Jean-Louis Debré.

Il n'y a plus de Gouvernement ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... sur le plan national, mais aussi sur le plan européen, à faire un effort en faveur du développement du transport de marchandises par le rail, et notamment du transport combiné. Cela concerne en premier lieu les trajets de longue distance, mais aussi la traversée des zones sensibles que sont les massifs montagneux, les Alpes et les Pyrénées notamment.

M. Patrick Ollier.

Parlons-en des Alpes ! Tout ce que nous avons fait, vous l'avez défait ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Concernant la liaison ferroviaire Lyon-Turin, que vous avez évoquée, il a été décidé, lors d'un réce nt sommet franco-italien, de doubler les crédits nécessaires aux études indispensables pour commencer la réalisation de ce projet : 350 millions de francs leur ont déjà été affectés.

Il s'agit là d'un véritable choix de société. Le Gouvernement a récemment annoncé que plus de 120 milliards seraient affectés, pendant les dix prochaines années, aux infrastructures ferroviaires, pas seulement aux trains à grande vitesse, mais aussi au réseau classique, notamment pour le développement du transport du fret ; notre objectif est de multiplier par deux le trafic marchandises en dix ans.

Voilà le sens de l'effort qui est fait actuellement.

J'ajoute qu'il faut, à l'échelle européenne, créer un véritable réseau de transport ferroviaire de marchandises, si


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l'on veut, comme vous le proposez, favoriser et réussir la complémentarité des transports, ce qui est important pour la sécurité, pour la fluidité et pour le respect de l'environnement. Il faut qu'une proportion plus import ante de marchandises soit transportée par le rail.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

CONTENTIEUX FRANCO-ALLEMAND

SUR LA GARDE DES ENFANTS DE COUPLES BINATIONAUX SÉPARÉS

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la garde des sceaux, la semaine dernière, vous avez rencontré une nouvelle fois votre homologue allemand sur l'épineux problème des enlèvements d'enfants vers l'Allemagne. Etant, comme vous-même, souvent intervenu sur ces problèmes, je suis de plus en plus sollicité par des parents français dont les enfants sont retenus dans un pays étranger en dépit de conventions internationales qui fixent comme principe absolu le droit de l'enfant.

Il semble que, dans de trop nombreux pays, les tribunaux nationaux ignorent volontiers les textes et les accords, leur préférant des considérations nationalistes et politiques.

Si de nombreux pays sont concernés, comme les EtatsUnis, le Liban et le Portugal, le record dans ce domaine semble être détenu par nos voisins allemands : noms d'enfants changés à l'insu du parent français, tracasseries administratives systématiques, chantages aux pensions alimentaires pour de simples droits de visite - le plus souvent théoriques d'ailleurs -, visites en Allemagne sous surveillance, entre autres. Pourtant, certains juges allemands ont récemment manifesté leur volonté de respecter les accords de La Haye puisqu'ils ont ordonné par deux fois le retour des enfants enlevés en France par un commando sur ordre de leur père. Mais le premier jugement fut immédiatement cassé par la Cour constitutionnelle à la demande du père, celle-ci se déclarant, pour la première fois, compétente en matière familiale. Pour le second jugement, cette cour a fait mieux : elle a rendu une décision d'opposition au jugement avant même qu'il ait été prononcé.

Aussi, madame la garde des sceaux, s'il nous intéresse de connaître les résultats concrets de votre entretien avec votre homologue allemand, il me paraîtrait important que le Gouvernement français exprime clairement l'action politique qu'il envisage de conduire pour mettre un terme à ces conflits douloureux qui frappent nombre de couples binationaux.

Nous ne voulons pas que nos enfants soient les victimes innocentes d'un conflit latent entre deux pays et nous ne pouvons rester dans ce que le Président de la République a qualifié lui-même de « loi de la jungle ».

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, j'ai rencontré à Bonn ma collègue allemande, Mme Herta Dubler-Gmelin, il y a une quinzaine de jours, le 22 mars. L'essentiel de nos conversations a porté sur le drame des enfants de couples binationaux séparés, en l'occurrence franco-allemands, dont les parents se déchirent la garde. A cet égard, le cas de Mme Cosette Lancelin est malheureusement exemplaire.

Je suis déterminée à tout faire dans mon domaine de compétence afin que nous puissions trouver des solutions à ces drames. Mais, pour avancer, il nous faut bien situer les responsabilités. Il y a, d'une part, les décisions des tribunaux. Ni en France ni en Allemagne, le pouvoir politique ne peut contester ces décisions. Il y a aussi la responsabilité des parents. Nous devons insister sur le fait que les parents n'ont pas à faire des enfants un enjeu de leurs désaccords et de leurs différends - il ne faut jamais oublier de le rappeler. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Il y a aussi ce que nous pouvons faire, nous, responsables politiques, pour trouver des solutions concrètes.

Qu'avons-nous décidé avec Mme Dubler-Gmelin ? D'abord de faire en sorte d'obtenir, dans nos parlements respectifs, la ratification aussi rapide que possible de la convention de Bruxelles 2, qui prévoit qu'un seul tribunal, celui du lieu où habitaient les parents avant de se séparer, sera compétent. Nous appliquerons cette convention dès qu'elle aura été ratifiée en France et en Allemagne.

Nous avons également décidé de créer une commission parlementaire franco-allemande. Elle comprend trois parlementaires français : vous-même, monsieur le député,

Mme Pervenche Bérès, députée du Parlement européen, et Mme Dinah Derycke, sénateur. Dans les prochains jours seront désignés trois parlementaires allemands.

J'ajoute que, le lundi 22 mars, je me suis entretenue à Bonn avec le président et la vice-présidente de la commission des enfants au Bundestag.

La commission parlementaire franco-allemande sera chargée de faire en sorte que soient véritablement appliquées les décisions judiciaires et que, lorsqu'un droit de visite est accordé, celui-ci puisse s'exercer dans les meilleures conditions possibles.

Voilà comment nous pouvons utilement conjuguer nos efforts. Rien ne serait plus désastreux que de tomber dans des travers xénophobes, ici germanophobes, là-bas francophobes. Nous devons nous défier, surtout ici, à l'Assemblée nationale, de ce type de réflexe et nous attacher à étudier concrètement comment nous pouvons faire avancer les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

ACTION DE LA FRANCE AU KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le président, ma question, qui s'adresse à M. le Premier ministre, concerne le conflit du Kosovo.

Dans ce conflit, trois devoirs s'imposent : le devoir humanitaire vis-à-vis des centaines de milliers de personnes déplacées, en particulier vers l'Albanie et la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Macédoine ; le devoir de sécurisation des populations kosovares pour arrêter la terreur, les massacres et l'épuration ethnique ; mais aussi un devoir de solidarité, tant vis-à-vis des responsables politiques au plus haut niveau, au premier rang desquels se trouvent le Président de la République et vous-même, monsieur le Premier ministre, que des militaires français qui sont engagés dans le conflit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, il y a des expressions publiques qui sont choquantes au moment où l'ensemble de la nation doit se rassembler pour soutenir son armée en intervention. Demain, en effet, le parti communiste appelle à manifester contre la décision d'intervention prise par le Président de la République et par vous-même. (« Oui, et c'est honteux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Nous soutenons quant à nous cette décision.

Que comptez-vous faire pour que l'ensemble du Gouv ernement, y compris vos ministres communistes, défende l'action de la France au Kosovo ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. (Exclamations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Claquements de pupitres. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, la crise au Kosovo et le soutien que vous demandez à l'égard de nos militaires qui sont investis dans cette opération méritent mieux et que ce chahut et que votre question. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Sur le fond, le Premier ministre vous a tout à l'heure répondu longuement. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Yves Nicolin.

Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est quand même un président de groupe qui a posé la question ! M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Le débat a lieu dans l'institution républicaine qu'est le conseil des ministres. Sur le fond, un double accord se manifeste : d'une part, un accord pour identifier les responsabilités dans cette affaire - celles du Président Milosevic - et, d'autre part, un accord pour rechercher une solution politique.

C'est sur cette base-là que le Gouvernement fonctionne et qu'il fonctionnera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Cette réponse est scandaleuse !

M. Jean Ueberschlag.

Le ministre n'a rien à dire !

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

REVALORISATION DES ALLOCATIONS

POUR LES PERSONNES ÂGÉES ET HANDICAPÉES À WALLIS-ET-FUTUNA

M. le président.

La parole est à M. Victor Brial.

M. Victor Brial.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la ministre, permettez-moi de revenir, une fois encore, sur la promesse faite par M. le secrétaire d'Etat à la santé en 1997, dans ce même hémicycle, en faveur des personnes âgées et handicapées de mon territoire, Wallis-et-Futuna. Depuis lors, près de deux années se sont écoulées.

Contrairement aux propos du secrétaire d'Etat et à la réponse donnée à une question écrite en 1998, l'allocation d'aide aux personnes handicapées est restée inchangée, et cela depuis dix ans. Le minimum vieillesse n'a pas non plus été revalorisé alors qu'il s'agit du seul dispositif d'aide aux personnes âgées existant sur ce territoire de la République.

Mon collègue sénateur est intervenu sur ce dossier auprès de M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer au mois de février dernier. Il a également obtenu une réponse positive, selon laquelle la revalorisation pourrait avoir lieu avant la fin de cette année.

Par respect pour nos compatriotes français de Walliset-Futuna qui vous regardent, madame la ministre, et qui attendent depuis 1997 une concrétisation des promesses qui ont été faites, pouvez-vous me confirmer les assurances qui m'ont été données à ce sujet ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je vous confirme, il est vrai avec un peu de retard par rapport à votre première question, que des choses ont été faites en faveur des personnes âgées et handicapées à Wallis-et-Futuna, comme sur l'ensemble des territoires qui sont sous notre responsabilité. J'ai sous les yeux quelques chiffres qui peuvent en témoigner.

L'Etat participe sur le territoire au financement d'actions en faveur des personnes handicapées à hauteur de 450 000 francs par an et, pour ce qui concerne l'allocation d'aide aux personnes âgées, à la suite de la convention de février 1992, à hauteur de 4,3 millions de francs.

Comme vous le savez, le nouveau statut de l'agence de santé élargit les responsabilités de l'établissement de santé classique et donne compétence pour les personnes handicapées. Cette année, le ministère du travail et de la solidarité a augmenté ses crédits de 16 millions de francs.

Nous avons également proposé un plan d'apurement de la dette sur trois ans. Nous avons donc réalisé un effort conséquent.

Il n'en demeure pas moins que le revenu des personnes âgées reste trop modeste : 426 francs par mois. Si je ne m'abuse, vous serez reçu demain avec le président de l'assemblée territoriale et le sénateur Robert Laufoaulu, en vue de la nécessaire revalorisation de l'allocation.

J'espère que, demain, nous pourrons augmenter les indispensables crédits pour les personnes âgées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaiterais avant toute chose revenir sur la question qu'a posée le président Douste-Blazy.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Lorsqu'un président de groupe pose une question aussi grave que celle qui a été posée,...

M. Daniel Marcovitch.

Et pas politicarde, sans doute !

M. Olivier de Chazeaux.

... celle-ci mérite nettement mieux qu'une réponse du ministre des affaires européennes (« Oh », sur les bancs du groupe socialiste) , à l'heure où l'armée française est engagée dans un conflit important et alors qu'une vaste part de votre majorité plurielle manque gravement à ce devoir de solidarité qu'a rappelé le président Douste-Blazy. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Bergelin.

Bravo !

M. Daniel Marcovitch.

Lamentable ! Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est cela la majorité plurielle !

M. Olivier de Chazeaux.

Ma question s'adresse à

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Madame la ministre, la semaine passée, vous avez évoqué ici même le retour du plus beau serpent de mer de notre législature en parlant - je vous cite - de l'« ambitieuse réforme pour le service public audiovisuel » que vous préparez. Pourtant, force est de constater que, depuis de nombreux mois, cette ambition n'a guère débouché que sur une retraite de Russie.

Mme Odette Grzegrzulka.

Nous n'êtes donc au courant de rien ?

M. Olivier de Chazeaux.

A la lecture de la presse - nous en sommes réduits à y glaner des informations, madame la ministre, puisque nous n'en recevons pas de votre part -, ce qui semble être votre projet paraît plutôt brouillon et manquer cruellement de cohérence. Pour ma part, je crois qu'il s'agit davantage de la loi Murdoch que de la vôtre, ce qui est plutôt consternant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Qu'en pense M. Dumas ?

M. Olivier de Chazeaux.

Je souhaiterais, madame la ministre, vous interroger sur trois points.

Du point de vue de la méthode, tout d'abord, puisque j'ai cru comprendre que vous prépariez encore une nouvelle réforme du service public audiovisuel. Est-ce à dire que le projet de loi que vous avez déposé à l'Assemblée nationale le 10 novembre 1998 n'est plus d'actualité ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Si tel est le cas, quand vous déciderez-vous à en informer l'Assemblée nationale plutôt que les médias ? Par ailleurs, notre collègue Anicet Turinay vous a posé la semaine dernière une excellente question sur le sort de RFO. Vous lui avez répondu que la représentation nationale devra se prononcer. Je n'oserai vous rappeler que c'est là une évidence. La question doit plutôt être formulée ainsi : sur quelle politique devrons-nous nous prononcer ? Si je reprends le texte du 10 novembre 1998, j'avoue que je ne vous comprends pas très bien puisque votre projet de loi...

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. Olivier de Chazeaux.

Mes chers collègues, la moindre des courtoisies serait de laisser s'exprimer un des membres de cette assemblée.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Madame la ministre, votre projet de loi, disais-je, prévoyait la possibilité de créer une filiale RFO. De deux choses l'une : soit vous avez l'intention de vous en tenir à ce texte, et je vous remercie d'avance de nous le préciser ; soit vous présenterez un amendement à la sauvette pour éviter le contrôle du CSA et du Conseil d'Etat, ce qui serait particulièrement grave.

L'outre-mer est en droit de connaître votre position prétendue ambitieuse sur ce sujet.

M. Didier Boulaud.

Mais c'est Pic de la Mirandole !

M. Olivier de Chazeaux.

Je souhaiterais évoquer un troisième point : le Premier ministre, à grand renfort de publicité et de communiqués, avait annoncé, au mois de septembre dernier,...

Mme Odette Grzegrzulka.

La question !

M. Olivier de Chazeaux.

... une réduction importante du temps publicitaire sur les chaînes publiques, puisqu'il s'agissait de le ramener à cinq minutes par heure.

Mme Véronique Neiertz.

La question !

M. Olivier de Chazeaux.

Aujourd'hui, vous y renoncez et vous proposez huit minutes. Mais demain, qu'en serat-il ?

M. Arnaud Montebourg.

La question !

M. Olivier de Chazeaux.

Force est de constater que, là aussi, vous ne cessez de reculer.

J'en arrive à ma conclusion. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Soyez patients, chers collègues, et notamment vous, monsieur Montebourg.

Décidément, un constat s'impose, madame la ministre : c omme certains membres de la majorité l'avaient constaté, vous n'êtes pas prête.

Dans ces conditions, ne serait-il pas plus sage, faute d'ambition, de faire l'économie d'un projet de réforme médiocre et coûteux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je ferai moi aussi d'abord une remarque sur la méthode puisque vous avez commencé par faire allusion à la réponse de mon collègue Pierre Moscovici. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je rappelle que le Premier ministre a rencontré les présidents des groupes. Il s'est expliqué ce matin en leur présence... (Vives exclamations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

M. Maurice Leroy.

Justement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... et s'est à nouveau exprimé il y a quelques instants.

J'en viens à votre question, concernant la méthode qui est la mienne. Je vous répondrai d'un mot : mieux vaut se préparer longuement pour un bon résultat plutôt que d'engager une réforme aussi insatisfaisante que celle que j'ai pu trouver à ma prise de fonctions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La réforme que je soumettrai au Parlement vous rassurera pleinement : elle est ambitieuse et repose sur le principe du gagnant-gagnant.

Gagnant pour le service public, qui gagnera en cohérence et en dynamisme par la création du groupe et par des moyens considérablement renforcés. L'audiovisuel public pourra enfin envisager le passage au numérique de terre avec un financement assuré.

Gagnant pour le téléspectateur, avec moins de publicité mais plus de programmes.

Gagnant pour les producteurs audiovisuels, qui verront, du fait de la simple application de la réforme, plusieurs centaines de millions de francs abonder le financement des programmes.

Gagnant aussi pour le secteur privé, qui disposera enfin de règles concurrentielles claires et justes, acceptables par tous, permettant de mieux maîtriser les phénomènes de concentration auxquels nous avons assisté.

La réforme du financement public qui a été déposée au Parlement reste valable. Elle sera complétée par une deuxième partie qui portera sur la régulation et sur quelques aspects relatifs à la transposition de la directive

« Télévision sans frontières ».

S'agissant de RFO, j'ai répondu la dernière fois, chiffres à l'appui, que nous souhaitions abonder et développer ses programmes de proximité dans les départements et territoires d'outre-mer et faire de RFO une tête de pont pour les programmes réalisés par le service public audiovisuel français. Il est clair que les parlementaires des DOM-TOM et l'ensemble de la représentation nationale devront se prononcer sur l'intégration de RFO dans le groupe. Nous aurons ce débat au moment de l'examen de la loi. Pour ma part, j'y suis favorable, car je crois que le bénéfice du financement, celui de l'organisation et la circulation des programmes seront meilleurs si RFO participe au groupe.

La dernière question que vous avez posée portait sur la réduction du temps de publicité. Oui, je propose aujourd'hui une réduction plus faible, parce que cela permettra d'accorder un milliard de francs supplémentaire au secteur public, ce qui ne serait pas possible avec une réduction du temps de publicité à cinq minutes.

On peut toujours ironiser, monsieur le député. J'aurai quant à moi la fierté de déposer un texte qui renforcera l'audiovisuel public et permettra de moderniser l'ensemble du secteur. Les gouvernements successifs que vous avez soutenus ont réduit les financements publics et restreint la capacité de ce secteur à financer des programmes. Je propose le contraire, et je peux m'appuyer sur l'ensemble de la majorité plurielle. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela me donnera la force, de présenter mon projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

AVENIR DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

M. le président.

La parole est à M. Jean Ueberschlag.

M. Jean Ueberschlag.

Madame la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, j'ai écouté hier, avec la plus grande attention, votre réponse sur l'avenir de la formation professionnelle et j'avoue avoir été surpris par autant d'autosatisfaction. Votre gouvernement se veut le champion de la lutte contre le chômage des jeunes.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Il l'est !

M. Jean Ueberschlag.

Mais, à part les dispositifs qui ne donnent lieu qu'à effets d'aubaine ou d'annonce, tout ce qu'il propose est bien superficiel. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous sommes convaincus que rien ne saurait remplacer une formation pertinente pour permettre à nos jeunes de s'adapter au marché de l'emploi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au lieu d'y consacrer vos premiers efforts, vous avez préféré faire adopter un dispositif emplois-jeunes dont vous ne pouvez nier qu'il crée une fonction publique au rabais et ne permet pas, de l'aveu même des jeunes recrutés, l'accès à une véritable formation professionnelle.

Votre gouvernement a mis un an pour instituer un secrétariat d'Etat à la formation professionnelle. Vousmême, madame la secrétaire d'Etat, avez mis un an pour faire votre première communication sur ce sujet. Avouez que deux ans pour ébaucher les axes d'une politique, c'est ce qui s'appelle se hâter lentement ! Il est vrai que vous venez de nommer l'un de nos collègues parlementaires en mission pour « analyser et faire des propositions de réforme du système de la formation professionnelle ».

M. Alain Néri.

C'est bien nécessaire !

M. Jean Ueberschlag.

Tous les espoirs sont donc permis pour l'an prochain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Et hier - surprise ! - sans répondre en rien aux questions de ma collègue socialiste, vous nous avez avoué que, dès votre nomination, vous aviez vite compris qu'il fallait réformer la loi de 1971, à laquelle d'ailleurs vous attachez le nom de M. Delors alors qu'il ne faudrait pas oublier celui de M. Jacques ChabanDelmas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Didier Boulaud.

Demandez à Chirac !

M. Jean Ueberschlag.

Madame la secrétaire d'Etat, ne dites pas que votre gouvernement est celui du dialogue, que vous préférez la concertation à la méthode qui consiste à imposer son point de vue.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

La question !

M. Jean Ueberschlag.

Et si vous en avez vraiment un à ce sujet, pourquoi ne nous le dites-vous pas ? Notre pays, nos jeunes ont besoin d'une action rapide et efficace, et non de grands discours. En conséquence, permettez-moi de vous poser la seule question qui vaille (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et qui intéresse nos


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jeunes et l'ensemble des acteurs de notre vie économique : quand exactement déposerez-vous votre projet de réforme sur le bureau de l'Assemblée ? Dans un an, deux ans, plus peut-être (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), ou jamais ? Mais, dans ce cas, il faut le dire ! Vous ne semblez pas vous en rendre compte : non seulement les Français attendent, mais le temps vous est compté à vous aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Monsieur Ueberschlag, nous allons nous limiter à la législature, parce que Mme Péry n'a qu'une minute pour répondre ! (Sourires.)

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Avouez, monsieur le député, que je n'ai pas abusé de mon temps de parole hier ! Au cours de la minute trente qui m'était octroyée pour répondre, je n'ai donc pas eu le temps de faire de l'autosatisfaction, tout juste ai-je pu me livrer à un rapide diagnostic de la situation actuelle.

S'agissant des emplois-jeunes et de la situation des jeunes, je ne rappellerai qu'un chiffre : le chômage des jeunes a diminué de 15 % !

M. Laurent Cathala.

Bravo ! Mme la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.

Pour ce qui est de la méthode, je suis à la disposition de la représentation nationale, sous la forme que vous souhaiterez (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , pour venir débattre au fond du sujet. Vous me reprochez trop de concertation. Puis-je vous rappeler que la façon dont la loi quinquennale a été élaborée a traumatisé l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) , notamment les représentants des organisations tant patronales que syndicales ! J'ai donc préféré prendre mon temps pour engager une concertation multilatérale que je vais poursuivre. Je me suis ainsi exprimée ce matin devant le comité de coordination, devant les patrons, les syndicats, les représentants des régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

2

SOUHAITS DE BIENVENUE À DES DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES ÉTRANGÈRES

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire néerlandaise conduite par M. Bert Koenders, président du groupe d'amitié Pays-Bas France.

Je signale également la présence dans les tribunes d'une d élégation parlementaire conduite par M. Khosrov H aroutunian, président de l'Assemblée nationale d'Arménie. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Plusieurs députés du groupe socialiste.

On va gagner ! (Sourires.)

3 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président.

Reprenant les questions au Gouvernement, nous en venons aux questions du groupe socialiste.

ACCÈS À L'IVG DANS LE SERVICE PUBLIC HOSPITALIER

M. le président.

La parole est à Mme Odette Casanova.

M me Odette Casanova.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, je souhaite appeler votre attention sur les conclusions du rapport qui vous a été remis le 19 mars dernier par le professeur Israël Nisand, au sujet de l'accès à l'interruption volontaire de grossesse dans le service public hospitalier.

Entre 1976 et aujourd'hui, le nombre des IVG a connu une légère baisse dans notre pays et, selon M. Nisand, la légalisation de l'avortement n'a pas entraîné sa banalisation. En effet, le recours à l'IVG demeure, pour une grande majorité des femmes, un acte accidentel et unique. L'IVG ne se substitue donc pas à une contraception ; elle en pallie les échecs. Cependant, dans ce cadre général, l'auteur de cette étude dresse un tableau relativement préoccupant de la situation. Ainsi, de nombreux services publics de gynécologie ne pratiqueraient aucune IVG, certains d'entre eux ne respectant pas l'obligation légale de pratiquer des avortements. Une place marginale serait accordée aux structures d'accueil des femmes souhaitant avorter au sein des hôpitaux publics. Les IVG seraient pratiquées par des personnels vacataires mal rémunérés et souvent non remplacés lorsqu'ils prennent leurs congés.

L'auteur évoque également un contingentement systématique des IVG acceptées dans la limite d'un nombre de lits dédiés arbitrairement à cette intervention, un allongement des délais de rendez-vous et un faible emploi de la procédure d'urgence pour les femmes proches du délai légal. La réponse insuffisante du service public expliquerait pour partie l'augmentation très importante des prises en charges d'IVG effectuées par des établissements privés. Ces structures, selon l'auteur du rapport, respectent très inégalement les procédures administratives et médicales réglementaires et réclament, en contrepartie des actes d'intervention, des honoraires prohibitifs.

Pour remédier à cette situation, le professeur Israël Nisand avance vingt-quatre propositions, notamment l'intégration de l'IVG à l'activité quotidienne de tous les services de gynécologie du secteur public hospitalier, la généralisation de l'aide médicale gratuite pour l'IVG des femmes ne disposant pas de couverture sociale ou encore la désignation, dans chaque région, d'une structure hospitalière habilitée à recevoir des patientes qui ont dépassé le stade légal.

E n conséquence, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir me faire connaître l'appréciation générale que vous portez sur le contenu de cette étude.

En outre, envisagez-vous de prendre prochainement des


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décisions susceptibles de favoriser une prise en charge plus sûre et plus égalitaire des femmes entrant dans les dispositifs médicaux d'IVG ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bernard Kouchner et moi-même avons effectivement demandé au professeur Nisand de faire un bilan de l'application de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse vingt-cinq ans après son vote. Force est de constater que beaucoup de femmes, de jeunes filles, notamment dans des catégories sociales défavorisées, n'accèdent pas aujourd'hui à l'IVG dans des conditions satisfaisantes.

Je voudrais d'abord souligner que, contrairement à ce que prétendaient ses adversaires, l'interruption volontaire de grossesse ne s'est pas banalisée et n'a, à aucun moment, été considérée comme un moyen de contraception classique. Et nous nous en réjouissons.

Le professeur Nisand fait de nombreuses propositions, dont certaines nous apparaissent très intéressantes. Bernard Kouchner, Nicole Péry et moi-même travaillons actuellement à plusieurs questions.

Comment faire en sorte que les structures publiques soient plus ouvertes à l'IVG partout sur notre territoire alors qu'actuellement la moitié de ces interventions sont pratiquées dans le secteur privé, souvent dans des conditions coûteuses ? C omment faire en sorte que les femmes qui découvrent tardivement leur grossesse ou qui ont des difficultés à la faire connaître et les jeunes filles qui n'arrivent pas à obtenir l'autorisation parentale n'aillent pas se faire avorter à l'étranger en recherchant, parfois dans des conditions très difficiles, l'argent nécessaire ? Comment faire en sorte qu'il y ait, dans chaque région, un lieu d'accueil permettant d'informer et d'accompagner celles qui ont besoin de conseils aussi bien sur la contraception que sur l'avortement.

Nous souhaitons pouvoir annoncer, dans les semaines qui viennent, des mesures portant sur la contraception et l'avortement. Il nous faut développer le recours à la contraception, notamment chez les jeunes qui aujourd'hui confondent préservatif et contraception. Il nous faut étendre les modes de contraception orale, et notamment la pilule du lendemain. Nous venons de prendre certaines dispositions en ce sens. Nous allons lancer une grande campagne sur la contraception et annoncer des mesures dans le cadre des propositions du rapport Nisand pour que l'avortement soit un droit pour tous, en continuant à souhaiter qu'il soit marginal parce que la contraception doit continuer à progresser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

RÉFORME DE LA PAC

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, l'accord de Berlin sur la nouvelle politique agricole commune a été très largement salué par tous ceux que les propositions inacceptables présentées en juillet 1997 par la Commission de Bruxelles inquiétaient.

Certes, l'inspiration de cette politique reste très libérale, mais les progrès qui ont été obtenus grâce à l'intervention du ministre de l'agriculture et aux propositions très fermes défendues par la France dans cette négociation, ont permis d'écarter deux dangers : d'une part, le cofinancement - cela aurait été la fin de la politique agricole commune -, d'autre part, des baisses de revenu qui auraient entraîné la disposition de plusieurs dizaines de milliers de petites et moyennes exploitations dans nos régions.

La PAC est aujourd'hui réformée et la loi d'orientation agricole doit permettre à la France de réaffirmer ses priorités dans le domaine agricole. Aussi ma question est-elle double, monsieur le ministre. Quel bilan dressez-vous des progrès enregistrés à Bruxelles ? Quelles perspectives tracez-vous pour que la France puisse rester une grande nation agricole grâce à la loi d'orientation agricole, notamment grâce au contrat territorial d'exploitation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

On ne peut pas être plus royaliste que le roi, en l'occ urrence plus républicain que le Président de la République et le Premier ministre, qui ont dit l'un et l'autre que cet accord était un bon accord pour la France.

Le ministre de l'agriculture ne va donc pas dire le contraire ! Je crois effectivement que l'accord de Berlin est un bon accord pour l'agriculture française et européenne. Comme vous l'avez dit très justement, il a permis d'améliorer les propositions de la Commission, puis de la présidence allemande, pour les trois grands secteurs que sont le lait, les céréales et la viande bovine.

Pour le lait, nous avons obtenu que la réforme, inutile et coûteuse à notre avis, soit repoussée de deux ans.

L'éloignement de ce danger permettra de préserver l'équilibre des marchés avec les quotas pendant encore quelques années et d'attendre l'élargissement, qui nous obligera de toute façon à modifier cet équilibre.

S'agissant des céréales, la baisse des prix est limitée à 15 % et les majorations mensuelles, qui sont des instruments de régulation du marché, sont rétablies.

Enfin, pour la viande bovine - je sais que je m'adresse à un spécialiste, président du groupe d'études sur le troupeau allaitant -, la limitation de la baisse des prix et le maintien à un bon niveau des primes, notamment de celle à la vache allaitante, permettra de préserver l'équilibre des marchés et les revenus des agriculteurs français.

En tant que ministre de l'agriculture et de la pêche, j'ai toutefois deux regrets.

Mon premier regret, c'est de n'avoir pu obtenir le maintien d'un système spécifique pour les oléoprotéagineux. Je m'engage à trouver avec vous, dans le cadre de la discussion sur la loi d'orientation agricole, un système qui puisse compenser cette disparition. Je pense notamment à un volet que l'on pourrait imaginer dans le cadre du CTE, ce qui prouve que cette loi d'orientation agricole vient à point dans ce grand débat.

Mon second regret, c'est que nous n'ayons pas profité de cette négociation pour réorienter les aides directes vers le développement rural, dans un souci de plus grande justice.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Là encore, je m'engage devant vous à me saisir de tous les instruments mis à disposition par ce paquet agricole,


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notamment de la modulation des aides, pour que nous puissions ensemble parvenir à une solution qui pourrait - qui sait ? - avoir un effet de contagion au reste de l'Europe.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

INFORMATION SUR LA LISTÉRIOSE

M. le président.

La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini.

Ma question s'adresse aussi à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le ministre, depuis quelques mois, les médias alertent périodiquement l'opinion publique sur les dangers d'une contamination possible à la listéria de certains fromages au lait cru. Dans ma propre circonscription, en Isère, le fromage Saint-Félicien a été victime, il y a quelques semaines, d'une campagne de désinformation, et c'est toute une filière économique qui a été mise en péril, depuis les éleveurs producteurs de lait jusqu'aux distributeurs, sans oublier toutes les activités induites. Des milliers de familles sont donc économiquement menacées alors même que, depuis cette alerte, plusieurs dizaines d'analyses sérieuses ont montré que le Saint-Félicien était p arfaitement sain. Et chaque semaine, ou presque, d'autres fromages au lait cru - le camembert, l'époisse et d'autres - qui sont pourtant la richesse gastronomique, donc culturelle, de nos terroirs, connaissent les mêmes problèmes.

Alors, s'il est vrai que les consommateurs ont le droit d'être parfaitement informés sur ce qu'ils mangent et si les pouvoirs publics ont le devoir de bien les informer, il ne faudrait pas que des excès commis dans l'application nécessaire du principe de précaution, au regard notamment de normes européennes trop rigoureuses, aboutissent à des conséquences catastrophiques pour des f ilières économiques. Monsieur le ministre, quelles m esures entendez-vous prendre dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Richard Cazenave.

Le Saint-Félicien c'est sain !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je vais essayer de vous répondre de façon aussi simple et pédagogique que possible sur ce difficile sujet.

D'abord, le principe de précaution est progressivement mis en place en France à la fois par les industries agroalimentaires sous forme d'autocontrôles et par les services de l'Etat. Les risques alimentaires se sont ainsi réduits en France depuis quinze ans de manière spectaculaire, ce qui est très satisfaisant.

Un député du groupe socialiste.

Très bien !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Dans le même temps, nous devons développer l'information des consommateurs. Je pense en particulier au travail à accomplir avec le secrétaire d'Etat à la santé pour informer les groupes les plus exposés - les femmes enceintes ou les immunodéprimés pour la listéria - des risques que peuvent présenter certains aliments. Les médecins euxmêmes ne sont pas suffisamment informés de ces risques.

Mais s'il faut appliquer le principe de précaution, développer l'information, je dis non à la psychose ! Nous ne pouvons pas laisser dire que l'on prendrait systématiquement un risque en mangeant des fromages au lait cru, ou les autres aliments porteurs de listéria que sont le poisson fumé, les viandes crues, les charcuteries, par exemple. Il n'y a pas de risque zéro et nous devons informer consciencieusement les consommateurs sur le fait que nous absorbons tous les jours des bactéries, mais que cela ne présente aucun risque lorsque c'est en quantité limitée.

Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Dites-le aux Américains !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Aider les services de l'Etat à mieux travailler ensemble dans ce sens sera d'ailleurs l'une des grandes missions de l'Agence de sécurité sanitaire des aliments dont vous avez voté la création il y a quelques mois, dont le décret d'application vient de sortir et qui sera mise en place dans les prochaines semaines.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

CRISE DE LA FILIÈRE PORCINE

M. le président.

La parole est à Kofi Yamgnane.

M. Kofi Yamgnane.

Monsieur le président, ma question, commune à Jean Gaubert ainsi qu'à l'ensemble de tous les députés bretons socialistes, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche et concerne la situation de la filière porcine.

Le cours du porc vient d'atteindre le point le plus bas jamais constaté depuis la création du marché au cadran.

M. Jacques Myard.

Mais que fait le Gouvernement ? (Sourires.)

M. Kofi Yamgnane.

Cette crise, que tout le monde redoutait, est là. Elle est bien présente depuis un an mais, surtout, elle résiste pour l'instant à toutes les mesures, malgré les efforts du Gouvernement.

Il m'apparaît aujourd'hui, comme il y a un an, qu'il existe une crise générale de notre agriculture, même si je reste persuadé que la loi d'orientation agricole permettra de corriger la dérive productiviste.

Les éleveurs de porcs bretons sont de plus en plus nombreux à réclamer, au-delà des aides conjoncturelles nécessaires, une mesure structurelle permettant d'aller vers une maîtrise de la production, seul moyen de conserver à cette dernière son aspect familial.

Monsieur le ministre, quelles réponses pouvez-vous apporter à une telle demande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, un tel sujet est malheureusement l'objet d'une longue chronique, puisque la crise dure depuis des mois. Nous sommes obligés de constater que le cours du porc au marché de Plérin ne se redresse pas.

Les raisons en sont d'ailleurs plutôt structurelles ; chaque année, en effet, et j'ai regardé l'évolution des cours, on assiste au premier trimestre à un tassement de la demande ; rien de très étonnant, donc. Vous avez malgré tout raison de dire que la solution passe obligatoirement par la maîtrise de cette production. Or celle-ci ne peut se faire qu'au niveau européen, comme je ne cesse de le répéter dans les Conseils consacrés à l'agriculture, notamment au commissaire européen M. Fischer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Un groupe de travail se réunit depuis plusieurs semaines maintenant, de manière pas très fructueuse, il faut le reconnaître, car autant les pays membres de l'Union sont convaincus qu'il faut faire un effort dans la maîtrise de la production au niveau européen, autant les divergences se font jour dès que l'on aborde l'étude de mesures concrètes. Nous devons donc - et je harcèle d'ailleurs le commissaire européen - continuer à travailler à une maîtrise de la production.

Cela ne nous empêche pas de mettre de l'ordre chez nous. J'ai engagé, avec l'aide du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, Mme Voynet, une action contre ce que l'on appelle couramment les

« truies illégales », c'est-à-dire ces très nombreux élevages qui produisent plus que leurs quotas. A ce propos, nous a vons mis en place un plan de résorption sur l'année 1999. C'est une question de moralisation de la profession. (Applaudissements sur le bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Enfin, nous devons aider les plus petits producteurs à passer le cap de cette crise. Nous avions déjà mis en place, mon prédécesseur Louis le Pensec et moi-même, un certain nombre de mesure au mois de décembre. Je viens d'en décider de nouvelles pour soulager la trésorerie des plus petits éleveurs, qui sont les plus atteints par cette crise : réactivation du FAC et intervention du Crédit agricole, notamment. Nous les mettons en place ces jours-ci.

Mais j'aurai l'occasion de m'en entretenir avec vous dans les moments qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt sous la présidence de M. François d'Aubert.)

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS D'AUBERT,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

4 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Suite de la discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité (nos 1479, 1482).

Hier soir, l'Assemblée s'est arrêtée après le rejet de la motion de renvoi en commission.

Discussion des articles

M. le président.

En application de l'article 91, alinéa 9 du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er A

M. le président.

« Art.

1er A. - Le premier alinéa de l'article 9 du code civil est ainsi rédigé : "Chacun est libre de sa vie personnelle et a droit au respect de sa vie privée et familiale". »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il me paraît important, au moment où nous reprenons en deuxième lecture l'examen de cette proposition de loi à partir du texte du Sénat, de préciser que l'article 1er A, rappelant que chacun est libre de sa vie personnelle et a droit au respect de sa vie privée et familiale, est le point de départ du raisonnement du Sénat.

Quel était l'objectif initial du Gouvernement ? Il s'agissait de résoudre les problèmes fiscaux, de logement et autres problèmes techniques, sûrement justifiés, que rencontraient les couples homosexuels. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, il ne pouvait y avoir concubinage qu'entre des couples hétérosexuels : c'est ce rappel qui a offert l'opportunité de légiférer. Deux députés se sont donc mis au travail et nous ont soumis une proposition de loi dont les imperfections juridiques ont crevé les yeux lors de la discussion en première lecture.

Comme il arrive souvent - cela illustre d'ailleurs le bien-fondé du bicaméralisme -, la Haute Assemblée, après un travail approfondi, nous renvoie aujourd'hui un texte fort intéressant. Certes, elle rappelle à l'article 1er A un principe déjà énoncé dans la Convention européenne des droits de l'homme, le respect de la vie privée, mais ce faisant, elle montre que, s'il s'agit par ce texte de reconnaître un fait, le fait est effectivement reconnaissable. On peut déjà remercier le Sénat d'avoir prouvé ainsi l'intérêt de son existence.

Par ailleurs, cette démarche constitue le moyen de rassembler la plupart des Français autour du constat qu'au XXe siècle les couples homosexuels sont libres de vivre ensemble, mais que cela ne va pas au-delà de la reconnaissance des faits. Effectivement, s'il y a bataille d'amendements, s'il y a débat dit de société, c'est que notre position et celle de la gauche sont, philosophiquement parlant, essentiellement différentes.

En effet, vous considérez, pour votre part, que le couple homosexuel, non seulement est un fait, mais peut donner lieu à une adhésion mutuelle qui devrait être consacrée dans le code civil, par un pacte, sorte de contrat solennisé que les sénateurs ont qualifié de sousmariage. Bien sûr, vous avez contesté cette interprétation.

Mais, pour l'opinion publique, il s'agit bel et bien d'une forme de mariage, si ce n'est un sous-mariage.

Nous estimons donc que le PACS va provoquer une grave fracture dans l'opinion publique, tant en France que dans tous les pays occidentaux. S'il est vrai qu'aujourd'hui la reconnaissance du couple homosexuel peut se faire par la loi - et, à cet égard, le concubinage est la bonne approche - aller jusqu'à l'adhésion dans un PACS solennisé relève, madame la garde des sceaux, d'une volonté totalement différente.

Ce texte était déjà juridiquement mal calibré au départ.

Je n'en fais toutefois pas reproche à mes collègues, car nous n'avons pas, ici, tous les moyens de régler ce type de difficultés, s'agissant surtout du code civil. Il eût mieux valu que le Gouvernement présente lui-même un texte qu'il aurait travaillé et qui aurait été soumis au


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Conseil d'Etat. Peut-être aurions-nous débouché plus vite sur la version proposée par le Sénat. Ce faisant, nous aurions fait avancer « l'état de nos moeurs » et exaucé ainsi votre voeu le plus cher.

Notons au passage qu'il s'agit, pour le droit positif, non pas de faire avancer les moeurs, mais de les constater.

Or, partant de ce constat, on aurait pu ensuite trouver des solutions en matière de droit au logement, de fiscalité, en écartant toutefois tout ce qui relevait de l'acquisition de la nationalité française ou du droit de séjour. Des dispositions de ce type sont choquantes, en effet, et provoquent des clivages totalement inutiles dans l'opinion publique. C'est donner le sentiment que l'on cherche à faire plaisir à telle ou telle clientèle. Or le législateur lég ifère pour tout le monde.

Bref, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, quel dommage que vous n'ayez pas saisi l'occasion qui vous était donnée par le Sénat ! Quel dommage que, sur un sujet aussi sensible et alors qu'on pouvait trouver une solution à partir du texte du Sénat, vous ayez eu - pardonnez-moi ce terme un peu violent, mais il reflète ce que je ressens - le cynisme d'ajouter le PACS au concubinage homosexuel ! C'est une quasi-provocation pour tous ceux qui considéraient qu'un moyen terme pouvait être trouvé. Vous créez un clivage supplémentaire, dont la société française aurait pu se passer. Tous les problèmes de justice sociale qui se réfèrent à telle ou telle décision de la Cour de cassation relative au droit au logement ou à la fiscalité commune des couples homosexuels auraient pu être réglés par un concubinage non qualifié sur le plan sexuel.

Au début de notre discussion, je tenais à préciser que l'article 1er A est indispensable pour éclairer la proposition sénatoriale. Vouloir aller plus loin signifie non plus constater, mais légaliser et, ce faisant, moraliser. C'est là où la droite et la gauche se distinguent : nous ne voulons, pour notre part, ni légaliser ni moraliser. En revanche, beaucoup d'entre nous étaient d'accord pour constater.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Le fait que la commission veuille supprimer l'article 1er A montre que nous allons manquer l'occasion d'arriver à un consensus. Pourtant la quasitotalité de la commission, y compris les rapporteurs, a reconnu que le Sénat avait accompli un travail remarquable et a souligné son approche originale et concrète.

Son attitude contrastait d'ailleurs avec les propos ironiques que nous avons entendus hier. La position du Sénat était devenue subitement ringarde et arrièrée ! Bien sûr, il n'en est rien. Dès ce premier article le débat est bien recadré. Il est clairement affirmé que chacun est libre de sa vie personnelle et a droit au respect de sa vie privée et familiale, ce qui est essentiel, n'en déplaise à certaines que je vois sourire. Du reste, nous n'avons cessé, en première lecture, de dire que nous n'entendions pas intervenir dans la vie privée des gens et que chacun était libre de mener sa vie comme il l'entendait. Cette affirmation qui pourrait faire l'unanimité sur nos bancs, marque notre attachement à ce principe, introduite par le Sénat.

Or avec le PACS et l'incontournable publicité qui devra être donnée à ces contrats, on risque fort d'aboutir à un véritable fichage des couples homosexuels. Cela va à l'encontre de l'objectif que nous poursuivons. Mes chers collègues, pourquoi vouloir supprimer un article qui devrait recueillir l'adhésion de tous ? Vous allez manquer une occasion de réunir un consensus sur ce sujet.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je trouve tout à fait désolant de ne pas prendre en compte la position constructive du Sénat sur cette proposition que nous avions examinée ici dans les conditions que l'on sait, à savoir, dans la plus totale improvisation, sans audition organisée et sans travail préparatoire structuré.

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature !

M. Bernard Accoyer.

Le Sénat a accompli, en effet, un travail considérable. Il a défini très clairement le mariage et introduit une nouvelle définition du concubinage. Ce faisant, il a témoigné d'une ouverture d'esprit qu'il faut saluer, et qui aurait pu déboucher sur des solutions consensuelles à propos des quelques points que, tous, nous jugeons préoccupants. Malheureusement, il apparaît, à l'issue des travaux en commission, que le Gouvernement souhaite rétablir sa première version, en ajoutant, si j'ose dire, une couche supplémentaire de confusion en ce qui concerne le concubinage.

Or tout cela menace le maillage de notre société et b rouille les repères. Nous considérons donc que l'article 1er A du Sénat devrait être maintenu et que les manoeuvres de substitution auxquelles le Gouvernement s'apprête à procéder sont à rejeter.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Dès la discussion de ce premier article, je veux redire notre surprise d'avoir à débattre encore d'un tel texte. En effet, dès le 9 octobre dernier, après l'adoption de l'exception d'irrecevabilité, qui avait mis en évidence la démotivation de la majorité, chacun de ceux qui avaient à décider aurait dû procéder à une profonde remise en question. Hélas, tel n'a pas été le cas, et, malgré les dangers de ce texte, malgré l'opposition des Français à sa philosophie même, vous avez préféré continuer à céder à la pression de quelques lobbies.

Pas moins de cinq propositions de loi successives auront donc abouti à cette dernière version, qui reprend quasiment les toutes premières en y ajoutant quelques ingrédients, ce qui ne fait que renforcer l'incohérence de votre démarche. Pourtant, le Sénat a su donner un peu de crédibilité à ce débat, en introduisant des analyses et des réflexions dont vous avez vous-mêmes reconnus l'intérêt. Il a su réagir face aux multiples dangers que comportent le texte voté ici en première lecture et a, très modestement, proposé d'ajouter la notion de liberté de la vie personnelle de chacun à la seule notion de respect de la vie privée.

Cette précision, qui renforçait l'affirmation de notre attachement aux libertés individuelles méritait d'être retenue. Malheureusement, vous ne semblez pas partager ce jugement. J'ai même le sentiment que, d'entrée de jeu, vous avez la volonté de casser notre édifice civil. Celle-ci se manifeste d'ailleurs au travers de vos nombreux amendements visant à introduire un certain nombre de notions nouvelles dans le code civil. Je ne peux que le regretter, et vous appeler une dernière fois à respecter, dès ce premier article, le souci exprimé par les sénateurs.

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 1 est présenté par M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République ; l'amendement no 24 par M. Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 1er A. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

C'est M. Bloche qui défendra ces deux amendements.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Cette suppression, comme celle de l'article suivant, répond au souci de lever le soupçon. En effet, et contrairement à ce qui vient d'être dit, la disposition votée par le Sénat visant à garantir la liberté de la vie personnelle et le respect de la vie privée et familiale est inutile et n'a pas sa place dans le code civil. J'y vois plutôt un signe politique faisant peser un soupçon autour du pacte civil de solidarité. Or cet article du soupçon ne nous semble pas acceptable.

Chacun ici le sait sans doute plus qu'ailleurs, la liberté de la vie personnelle est une composante de la vie personnelle et individuelle fort heureusement garantie par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Quant au respect de la vie privée, qui comprend naturellement le respect de la vie familiale, il est déjà garanti par l'article 9 du code civil. La jurisprudence a toujours été claire sur ce point. Et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme l'est tout autant.

En outre, juxtaposer à la notion de vie privée le concept de liberté de la vie personnelle, loin d'apporter une garantie supplémentaire, jetterait la confusion.

Pour conclure sur ce problème précis de la vie privée, gardons à l'esprit ce que nous faisons avec le pacte civil de solidarité. Nous l'avons dit à plusieurs reprises, nous avons eu le souci de préserver une nette séparation entre la vie privée et la vie publique, car cela correspond à notre tradition républicaine de neutralité de l'Etat. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas et il n'y aura pas de

« sexualisation » dans la rédaction juridique du PACS, même si la lecture politique que nous en donnons, depuis le début, montre qu'il concerne avant tout les couples.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l'article 1er A.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Je partage totalement le point de vue des rapporteurs. Je me suis d'ailleurs exprimée longuement au Sénat sur ce sujet.

Cet article n'apporte rien à notre droit, puisque le respect dû à la vie familiale a été consacré par le Conseil constitutionnel dès sa décision du 13 avril 1993 et qu'il est aussi garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Quant à la notion de liberté personnelle, elle recouvre une idée un peu différente de celle de liberté individuelle.

Elle a été aussi consacrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cet article est donc, je le répète, totalement inutile.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Avec ces amendements de suppression de l'article 1er A proposés par les commissions, nous sommes, en fait, au coeur du débat. Contrairement à ce qu'ont affirmé M. le rapporteur pour avis et Mme la ministre, nous pensons qu'il est absolument indispensable de préciser que chacun est libre de sa vie personnelle et a droit au respect de sa vie privée et familiale. Et ce n'est pas par esprit de contradiction mais parce que nous voulons bien marquer ce qu'est la réalité de ce texte. Le PACS nous entraîne vers l'avènement d'une nouvelle société fondée sur de nouveaux principes et de nouvelles valeurs et où les règles du jeu seront différentes. Vous ne pouvez donc en appeler à la Constitution et à tous les textes organiques auxquels vous avez fait allusion.

Comme nous sommes nous-mêmes très attachés au respect de la vie privée et familiale, nous pensons par conséquent que, dans cette nouvelle société où vous nous entraînez, cette précision sera nécessaire.

En outre, un nouveau concept est apparu depuis peu de temps - je ne l'ai pas trop entendu au Sénat mais il est présent en permanence ici depuis hier : le texte ne serait pas sexualisé, mais il y aurait une « sexualisation politique » ! Mme la garde des sceaux et M. Bloche viennent encore de l'affirmer.

Nous pensons, nous, qu'il faut être tout à fait clair, lever les soupçons et éviter toute confusion. Le travail du Sénat nous paraît totalement d'actualité. Il convient donc de maintenir l'article 1er A.

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Par l'article 1er A, il ne s'agit pas seulement de réaffirmer des principes que nous connaissons tous puisqu'ils sont inscrits à la fois dans la Constitution et dans l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Du reste, le Sénat s'est montré assez économe de mots puisqu'il nous présente en peu de lignes un dispositif à la fois cohérent et précis, ce qui pourrait servir d'exemple pour la rédaction de lois, parfois trop bavardes et génératrices, de ce fait, de beaucoup d'incertitudes.

Si le Sénat introduit cet article 1er A, c'est parce que vous prévoyez l'enregistrement du PACS dans les greffes des tribunaux ou ailleurs, ce qui soulève le problème - susceptible d'un recours pour inconstitutionnalité - de sa publicité par la conservation dans un registre de la liste de ceux qui auront pacsé.

Aujourd'hui, dans notre société, les libertés sont bien préservées. Mais qui sait ? l'histoire peut hélas se répéter, et une telle disposition pourrait devenir source d'un danger. Le Sénat se montre parfaitement cohérent en voulant nous prémunir contre le risque que fait courir cette inscription dont vous savez très bien qu'elle pose de multiples problèmes. Nous n'agitons pas des fantasmes et les couples homosexuels pourraient bien demain affronter cette réalité. Je ne vois donc pas pour quel motif cet article devrait être supprimé, sinon pour éradiquer tout ce qui n'est pas issu de vos propres travaux, lesquels pèchent, cela a été démontré à de multiples reprises, par leur incohérence et leur impréparation.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1 et 24.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er A est supprimé.

Article 1er B

M. le président.

« Art 1er B. - Au début de l'article 144 du code civil, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le mariage est l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officier de l'état civil. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l'article 1er B que nous propose le Sénat tend à préciser que : « Le mariage est l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officier d'état civil. »

Si le Sénat a cru bon d'ajouter au texte, tant ici qu'à l'article 1er A, ce qu'on pourrait considérer comme allant de soi, c'est, comme j'ai essayé de le démontrer hier, pour en révéler les non-dits que nous percevons en filigrane.

Nous connaissons les intentions ou les revendications de ceux qui sont à l'origine de cette proposition et nous imaginons les conséquences qui pourraient en découler.

C'est cette inquiétude du Sénat qui sous-tend l'article 1er B puisqu'il vous propose de préciser clairement, une fois pour toutes, que le mariage ne peut être qu'une institution hétérosexuelle. Cette affirmation ne devrait pas vous déranger a priori puisque vous nous l'avez confirmée au cours des très nombreuses heures de débat que nous avons menées ensemble. Vous pourriez, par conséquent, accepter de maintenir cet article, d'autant qu'il précise également que le mariage ne peut être célébré que par un officier d'état civil, ce qui pourrait permettre d'éviter toute confusion sur le lieu d'enregistrement du PACS, lequel avait donné lieu à moult débats et avait beaucoup varié au fil du temps.

P ar conséquent, nous sommes très favorables à l'article 1er B du Sénat.

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

De la même manière que vous avez supprimé l'article 1er A pour des raisons esthétiques, monsieur le rapporteur, - pour ne pas alourdir ce texte de loi ! - vous voulez à présent supprimer l'article 1er B, qui rappelle ce qui, jusqu'à une période fort récente, était une évidence et dont on ne sait plus trop aujourd'hui si c'est encore aussi évident, à savoir que le mariage unit un homme et une femme.

Cela nous laisse entrevoir, chez vous, les plus noires arrière-pensées. Car, si vraiment c'est une évidence, c'est le moment ou jamais d'alourdir le texte et de le rappeler.

Dès lors que le PACS est essentiellement fait pour des couples non pas hétérosexuels, mais homosexuels, il faut insister, fût-ce lourdement, comme vous le pensez, et préciser que le mariage, lui, ne peut reconnaître que l'hétérosexualité. Vous allez nous expliquer qu'il en a toujours été ainsi, mais vous changez si fondamentalement le code civil aujourd'hui qu'on peut se demander s'il en sera de même demain.

S'agissant du concubinage, je le disais lors de mon intervention sur l'article 1er A, c'est déjà une nouveauté juridique considérable que de l'« asexuer », si je puis parler ainsi, puisque, selon la proposition du Sénat, le concubinage pourrait être hétéro ou homosexuel. C'est bien dire que le concubinage, jusqu'à une période récente, n'était qu'hétérosexuel. Et c'est d'ailleurs à cause de cette jurisprudence constante de la Cour de cassation qu'est né le PACS. C'est donc bien dans le présent texte qu'il faut rappeler que le mariage est profondément différent.

Si vous voulez qu'on vous croie quand vous dites que vous ne voulez pas un mariage bis , il faut bien expliquer que le mariage n'est fait que pour des hétérosexuels. Vous ne voulez pas. On peut donc penser que vous montrez là le bout de l'oreille et que, comme nombre d'entre nous l'ont fait observer lors de la première lecture, derrière ce PACS - ce mariage bis -, se cache la possibilité pour demain de l'adoption. Si tel n'est pas le cas, alors, ayez le courage de rappeler que le mariage ne peut pas être homosexuel.

Il est gravissime, madame la garde des sceaux, messieurs les rapporteurs, de nous opposer que ce serait alourdir le texte, alors que nous sommes au moment le plus important de ce nouveau débat. C'est à un bouleversement de nos valeurs que vous vous livrez. C'est dans une autre société que vous voulez nous faire vivre. Mais vous n'y arriverez pas, grâce au ciel ! Décidément, cette question n'est pas superfétatoire.

E lle est même essentielle. Et nous exigeons que l'article 1er B, qui rappelle que le mariage ne peut être qu'hétérosexuel, soit inséré dans un texte créant un pacte nouveau pour des couples qui n'existaient pas jusqu'à présent dans le code civil.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Avec cet article, le Sénat a fait preuve de bon sens. Mais vous avez, comme d'habitude, un a priori négatif : tout ce qu'il propose est à rejeter. En voici, une fois de plus, la preuve.

Il n'y a pas de définition du mariage dans le code civil, le Sénat le rappelle dans son rapport : on peut simplement en déduire une de trois articles, l'article 75, l'article 144, qui fixe l'âge minimal du mari et de la femme, et l'article 162, qui prohibe certaines catégories de mariages.

L'article 1er B, comme l'a dit notre collègue Clément, offre l'occasion d'affirmer solennellement que le mariage unit un homme et une femme. En dépit de vos bonnes intentions déclarées, comment ne pas voir dans votre refus de cette affirmation la volonté délibérée de remettre en cause, à terme, cette institution ? Dans la mesure où le concubinage pourra désormais concerner les couples homosexuels, il faut se préserver de toute évolution future tendant à accepter le mariage homosexuel.

Aujourd'hui, cet article est plutôt de principe, j'en conviens. Mais, alors que nous allons affirmer la possibilité du concubinage homosexuel, il est important, à mon avis, de bien marquer le caractère hétérosexuel du mariage. C'est ce que faisait le Sénat, et que vous refusez de faire.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Hélas, le Gouvernement et les rapporteurs viennent de révéler le fond de leur démarche, particulièrement préoccupante puisqu'il s'agit de remettre en cause ou d'affaiblir l'institution du mariage.

Nous avons ici l'occasion de définir cette institution et ainsi de montrer quel repère elle constitue pour notre société. Chaque jour nous mesurons, d'ailleurs, les effets de son délitement. Nous déplorons l'éclatement des familles dont nous constatons qu'il est à l'origine de bien des maux dont souffre notre société.

En voulant détruire le travail du Sénat, en refusant d'inscrire dans notre code civil cette définition du mariage, vous mettez en évidence tout ce qui a présidé à l'élaboration de ce texte et à la démarche du Gouvernement, et qui remet en cause toute la société.

Il s'agit évidemment d'un travail de fond d'une gravité exceptionnelle qui, nous en prenons date aujourd'hui, sera certainement jugé très sévèrement par les sociologues et par ceux qui étudieront les tristes événements qui marqueront notre société dans ses repères et ses cheminements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Le Sénat a procédé à trente-trois auditions de personnalités et associations incontestées. Il eût été heureux que nous tenions compte de ces travaux et que, alors que nous allons, dans les articles suivants, envisager d'autres modes d'organisation de la vie en couple, nous confortions au moins le mariage en tant que repère essentiel de notre société.

Voilà pourquoi l'article 1er B ne devrait en aucun cas être supprimé.

M. le président.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi.

Après l'article 1er A, il est paradoxal mais révélateur que vous souhaitiez encore mettre à bas le travail du Sénat qui, à l'article 1er B, avait pris le soin de préciser la définition du mariage.

Vous qui êtes en train de le dévaloriser, vous pensez, au contraire, qu'il n'est pas utile de le définir dans la loi sous prétexte qu'il ne peut y avoir d'ambiguïté. Ce sont les termes mêmes que vous avez employés en commission. Pourtant les Français sont loin de penser comme vous. Nous devinons bien votre jeu qui vise à affaiblir le mariage pour étendre, peu à peu, dans la société, la notion de pacte civil de solidarité, lequel remplaçant le mariage, ouvrirait la voie à tous les excès et, surtout, à ceux que vous ne voulez pas voir !

Mme Raymonde Le Texier.

Quelle mauvaise foi ! Quelle malhonnêteté intellectuelle ! Sommes-nous vraiment condamnés à entendre ça jusqu'au bout ?

M. Christian Estrosi.

Je pense, bien sûr, aux problèmes des enfants et de l'adoption.

Après vous être attaqués aux familles dans les budgets de 1998 et de 1999 en supprimant les allocations familiales et en amputant l'AGED, vous déstabilisez les fondements qui sont ceux de notre société depuis la Révolution française.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Peut-être les familles ne votent-elles pas pour vous.

Mme Raymonde Le Texier.

Le problème n'est pas là !

M. Christian Estrosi.

Faut-il pour autant qu'elles soient vos cibles privilégiées ? En fait, vous déstabilisez la société dans son entier, en mettant sur un pied d'égalité les couples quelle que soit leur sexualité. Loin d'être un homophobe patenté, il me paraît tout de même essentiel de rappeler que le meilleur moyen d'assurer la continuité de notre société et de notre civilisation est de faire des enfants qui demain travailleront, paieront les retraites des plus âgés et seront la richesse de notre pays. Et que je sache - mais certains d'entre vous ont peut-être des éléments nouveaux - le meilleur moyen de faire des enfants est encore de former un couple d'un homme et d'une femme et non de deux hommes ou de deux femmes.

Mme Muguette Jacquaint.

Vous êtes novice ! (Sourires.)

M. Christian Estrosi.

C'est ce qu'on appelle la loi de la nature. Je crains que, si nous la contournions, les conséquences ne soient imprévisibles et dommageables pour notre société tout entière et probablement pour notre civilisation.

L'Etat a donc un rôle à jouer en favorisant les familles au travers d'une politique familiale que vous bafouez alors qu'elle devrait traduire la reconnaissance de la nation envers les familles qui préparent l'avenir, celles qui, précisément, font des enfants.

Mme Raymonde Le Texier.

On a déjà entendu ça quelque part !

Mme Yvette Roudy.

Oui, travail, famille, patrie.

M. Christian Estrosi.

Vous voulez donner dans notre code civil la même force au concubinage et au PACS qu'au mariage. Je pense pour ma part que nous devons donner un peu plus de solennité à l'acte du mariage.

Vous vous y refusez, et c'est profondément regrettable.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je voudrais me placer sur un plan un peu différent. Ayant eu l'occasion de suivre les débats au Sénat, je crois savoir ce qu'on nous objectera tout à l'heure pour supprimer cette proposition. Sans doute invoquera-t-on l'excellence du style du rédacteur du code civil. Sans doute en appellera-t-on à M. Portalis.

Comme sa statue n'est pas là, on ne pourra pas en faire l'éloge pendant de longues minutes.

En fait, le constat que sous-tend cette excellente proposition du Sénat, c'est que le PACS se justifierait pour tenir compte de l'évolution des moeurs. Vous l'avez dit vous-même au cours de la discussion.

Nous ne pouvons pas dire autre chose. Effectivement le droit n'est pas indépendant de l'évolution des moeurs.

A l'époque de Portalis, il n'y avait pas d'institutionnalisation des comportements homosexuels dans le cadre du concubinage. On ne peut pas prétendre que le contexte socio-économique est le même qu'à l'époque de Portalis.

Aujourd'hui, pèsent sur le mariage des menaces morales, sociales et internationales, que les rédacteurs du code civil ne pouvaient même pas imaginer.

S'il est souhaitable de donner une définition du mariage, c'est justement parce que vous estimez qu'il faut consacrer l'évolution des moeurs dans la loi. Je le dis aujourd'hui très clairement, si vous ne précisez pas dans le code civil, 200 ans après Portalis, que le mariage est réservé aux hommes et aux femmes, vous institutionnaliserez demain le mariage entre homosexuels puisque c'est la revendication majeure du lobby auquel vous succombez. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Et le lobby anti-PACS alors ?

Mme Christine Boutin.

Je vous demande donc fermement, mes chers collègues, de maintenir cette proposition du Sénat, qui n'a rien d'incantatoire, qui tient compte de l'évolution des moeurs et qui est en cohérence avec la philosophie du texte que vous nous proposez.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous, vous avez 200 ans de retard, et le Sénat 50 ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 2 est présenté par M. Jean-Pierre Michel, rapporteur ; l'amendement no 25 par M. Bloche, rapporteur pour avis.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 1er B. » La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement no

2.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je défendrai les deux amendements, monsieur le président.

Il ne faut pas faire de procès d'intention. Tout le monde est d'accord pour dire, et nous l'avons répété tout au long des débats en première lecture, Mme la garde des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

sceaux et nous-mêmes, que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme célébrée par un officier d'état civil. Ça va de soi.

M. Patrice Martin-Lalande.

Il faut l'écrire !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Depuis la loi du 30 ventôse de l'an XII, c'est une réalité. Le code civil le dit déjà lui-même puisqu'il stipule que l'officier d'état civil reçoit de chaque parti la déclaration qu'ils veulent se prendre pour mari et femme. De plus, un mariage célébré entre deux personnes de même sexe, même si on le découvre ensuite, serait entaché de nullité absolue.

Il est totalement inutile d'écrire dans la loi ce qui existe déjà. C'est la raison pour laquelle la commission des lois et la commission des affaires sociales demandent la suppression de cet article rajouté par le Sénat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Je partage tout à fait le point de vue des rapporteurs. Nous vivons depuis 200 ans avec un code qui ne comporte pas de définition du mariage, ni même d'ailleurs de la filiation. Il a été admirablement rédigé et, dans sa concision, l'article concernant le mariage ne souffre aucune espèce d'ambiguïté, au point que, jamais depuis 200 ans, le Sénat n'a éprouvé le besoin de définir le mariage ou la filiation.

Mme Christine Boutin.

Mais les choses changent !

Mme la garde des sceaux.

L'article 144 est ainsi rédigé : « L'homme avant dix-huit ans révolus, la femme a vant quinze ans révolus, ne peuvent contracter mariage. » On ne peut faire plus simple, plus clair et plus

évident.

Mme Christine Boutin.

C'est un peu juste !

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Je ne comprends pas qu'on refuse de nous donner satisfaction sur cet article.

Quand nous avons abordé ces débats, vous nous avez expliqué qu'il y avait des problèmes matériels auxquels étaient confrontés les couples de même sexe et que nous devions y apporter des solutions. Alors que nous pensions qu'il existait peut-être des solutions techniques en dehors de l'institutionnalisation d'une nouvelle catégorie juridique, vous nous avez répondu que toute une symbolique était attachée au fait que le législateur reconnaisse le droit de contracter aux couples de même sexe.

Alors que vous mettez en oeuvre une telle symbolique, vous en refusez une autre qui permettrait de rassurer un peu les familles qui se posent de multiples questions à ce sujet. Si la question ne s'était jamais posée depuis le 30 ventôse de l'an XII et si elle se pose aujourd'hui, c'est bien que, modifiant la donne, vous créez des interrogations dans la société française. C'est bien parce que les familles se sentent agressées par la promotion d'un modèle qui en est en fait la négation que ces questions se posent aujourd'hui.

On ne fait d'ailleurs pas seulement la promotion de ce modèle, il y aussi des écrits explicites - rappelés par Patrick Devedjian dans l'hebdomadaire du parti socialiste - dans l'organe officiel du parti socialiste, la famille est montrée comme la cible à démolir et le PACS en est l'outil de démolition.

Vous prétendez que vous ne voulez pas toucher à la famille, que le PACS n'y touche pas. Pourquoi alors ne pas donner une satisfaction symbolique aux familles en leur expliquant que vous faites une oeuvre qui est attendue d'un côté mais que vous réaffirmez de l'autre les principes fondamentaux sur lesquels la société a fonctionné depuis des millénaires...

Mme Monique Collange.

Justement ! Elle continue à fonctionner !

M. Richard Cazenave.

... et qui doivent être inscrits dans le marbre du code civil ? Le fait que vous refusiez révèle vos intentions.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Thierry Mariani.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 2 et 25.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er B est supprimé.

Article 1er C

M. le président.

« Art. 1er C. - Dans le livre Ier du code civil, il est inséré, après l'article 310, un titre VI bis ainsi rédigé :

« Titre VI bis

« Du concubinage

« Art. 310-1. - Le concubinage est le fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par le mariage.

« Art. 310-2. - Le concubinage se prouve par tous moyens.

« Un acte de notoriété peut être délivré aux concubins majeurs et célibataires par un officier de l'état civil, un juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire.

« Art. 310-3. - Les concubins peuvent conclure un contrat par acte authentique ou sous seing privé pour régler tout ou partie de leurs relations pécuniaires et patrimoniales et organiser leur vie commune. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Dominique Dord, premier orateur inscrit.

M. Dominique Dord.

L'article 1er C, introduit par le Sénat, vise à donner une définition du concubinage dans le code civil, j'en ai parlé assez longuement hier au cours de la question préalable que je vous ai présentée. Il prévoit notamment que le concubinage se prouve par tous moyens et qu'un contrat peut organiser les relations pécuniaires et patrimoniales des signataires. Les sénateurs définissent le concubinage comme le fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par le mariage.

Nous reviendrons d'ailleurs sur sa définition un peu plus tard, puisque vous en avez vous-mêmes introduit une autre dans le texte que vous nous proposez d'adopter.

Nous comprenons, bien sûr, que les sénateurs aient voulu reconnaître que la vie en commun de deux personnes de même sexe présente des similitudes avec celle de partenaires de sexe différent, ce qui justifie que de mêmes conséquences juridiques puissent en découler, mais je veux redire notre inquiétude devant l'introduction d'une telle définition, la création d'un contrat, d'une convention, d'un statut pour régler en même temps la situation des couples homosexuels et celle des couples hétérosexuels. A partir du moment où, au nom de la non-discrimination entre les personnes, vous donnez, qui


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plus est dans le code civil, une même définition ou prévoyez, avec le PACS, un même contrat pour les deux types de couples, notre inquiétude - notre fantasme, dites-vous -, c'est que vous ne pourrez plus le moment venu, même si on ne parle pas aujourd'hui d'adoption et de procréation médicalement assistée, introduire de nouvelles discriminations dans les droits que vont ouvrir cette définition ou ce statut.

Bien sûr, ni l'adoption ni la PMA ne sont aujourd'hui ouvertes aux concubins, et l'inscription du concubinage, sans précision de sexe d'ailleurs, dans le code civil, ne présente aucun risque, mais l'évolution que nous constatons dans un certain nombre d'autres pays et les revendic ations des associations homosexuelles, il faut leur reconnaître l'honnêteté, de n'avoir pas essayé de les taire, nous font penser qu'il faut éviter de donner une telle vision emblématique à travers le PACS ou à travers une définition du concubinage dans le code civil, afin de ne pas prendre le risque de nous exposer à une conséquence dont nous ne voulons pas - je sais que vous partagez ce point de vue puisque vous l'avez exprimé à de nombreuses reprises - à savoir permettre à des couples homosexuels, plus tard, lorsque les couples hétérosexuels le pourront, d'adopter des enfants.

Dans ces conditions, nous ne sommes pas favorables à l'inscription dans le code civil de cette définition du concubinage.

Mme Bernadette Isaac-Sibille et M. François Goulard.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Vous avez raison de supprimer l'article 1er C car, s'il était maintenu, le PACS serait à l'évidence totalement inutile, si ce n'est, comme l'ont déjà signalé d'autres orateurs, pour répondre à une revendication de groupes minoritaires.

Le Sénat a créé, dans le livre Ier du code civil relatif aux personnes, à la suite des titres relatifs au mariage et au divorce, un titre VI bis relatif au concubinage comprenant trois articles. Je le dis tout de suite, c'est vrai qu'il y a des divergences au sein de l'opposition à ce sujet. Personnellement, je suis tout à fait d'accord avec ces articles qui reconnaissent le concubinage.

A l'article 310-1, le concubinage est défini comme le fait pour deux personnes de vivre en couple sans être unies par les liens du mariage. Nous verrons dans la suite de la discussion que vous nous proposez une définition bien plus confuse. L'article 310-2 précise le régime de la preuve en énonçant que le « concubinage se prouve par tous moyens » et en conférant une valeur de présomption légale au certificat de concubinage actuellement délivré.

Un acte notarié délivré par un officier d'état civil, le juge ou le notaire, ferait ainsi foi jusqu'à preuve du contraire.

Enfin, l'article 310-3 précise que les concubins peuvent passer un contrat pour régler leurs relations patrimoniales.

Bref, l'article 1er C, qui reconnaît le concubinage, y compris homosexuel, répond parfaitement aux questions posées par les homosexuels et, s'il était adopté, le PACS serait inutile.

Le dispositif du Sénat, qui définit le concubinage par comparaison au mariage, est bien plus opportun que la définition de la commission des lois que notre assemblée examinera tout à l'heure, qui permet à une personne mariée de vivre en concubinage avec quelqu'un d'autre.

Le Sénat a retenu une solution de sagesse qui paraît davantage fondée, en droit comme dans les faits, que la nôtre. La définition qu'il propose arrive à ouvrir le concubinage aux homosexuels et en donne une définition respectant l'institution du mariage, ce qui mettrait ainsi fin aux polémiques inutiles.

Aller contre ce texte serait de l'obstination pure et simple. C'est ce que vous prouvez aujourd'hui. La bonne foi et l'efficacité juridique devraient au contraire vous conduire à renoncer à votre PACS pour lui préférer la solution de la Haute Assemblée. Alors, oui, dans ce cas-là, le mariage serait préservé, le problème des couples homosexuels et hétérosexuels pourrait être réglé, ainsi que les problèmes pratiques des couples homosexuels, qui, par définition, ne peuvent se marier.

En refusant cette définition du concubinage dès le début de la discussion, vous montrez une fois de plus vos véritables intentions. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement no 3 est présenté par M. Jean-Pierre Michel, rapporteur ; l'amendement no 26 par M. Bloche,r apporteur pour avis ; l'amendement no 462 par M. Myard ; l'amendement no 505 par Mme Boutin et

M. Dord.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 1er

C. » La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

3.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission des lois vous propose de supprimer l'article 1er C du Sénat. Je me suis longuement exprimé dans mon rapport sur ce sujet, tout en me félicitant que le Sénat ait introduit le c oncubinage dans la loi, mais j'en proposerai, à l'article 2 bis, une autre définition, plus simple et plus précise puisqu'elle l'étend spécifiquement aux homosexuels.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement no

26.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

La définition du Sénat nous arrive après le refus absolu de la majorité sénatoriale - contrairement à ce qu'avait envisagé à un moment donné le rapporteur de la commission des lois, M. Gélard - d'adopter l'amendement déposé par les sénateurs du groupe socialiste, soutenu d'ailleurs par certains c entristes, précisant que la définition intéressait les couples quel que soit leur sexe. Je tiens tout de même à signaler que le maintien de cette définition conforterait la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation. Je ne peux donc pas laisser dire que son vote ouvrirait le concubinage aux couples homosexuels. C'est une contrevérité.

M. le président.

L'amendement no 462 de M. Myard n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour défendre l'amendement no 505.

Mme Christine Boutin.

Je précise d'abord, monsieur le président, que tous les amendements que je défendrai ont été déposés au nom du groupe « Oser la famille ».

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Les lobbies entrent dans l'hémicycle !

Mme Christine Boutin.

Nous proposons la suppression de l'article 1er C, mais pas pour les mêmes raisons, naturellement, que celles évoquées par les rapporteurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Cet article vise à insérer une définition du concubinage dans le code civil. Or le concubinage étant une union de fait qui ignore le droit, il n'a pas de raison qu'il figure dans ce code.

En première lecture, on a appelé le concubinage en grand renfort pour masquer les véritables enjeux du PACS, en prenant pour alibi les 2,5 millions de malheureux Français qui seraient oubliés, ou les 5 millions, dit-on parfois - car on ne sait pas trop combien il y a de concubins en France. Je tiens à rappeler que, pour la très grande majorité d'entre eux, c'est une situation transitoire qui conduit généralement vers le mariage. De même, les 40 % d'enfants qui naissent hors mariage voient heureusement leurs parents s'engager dans la voie du mariage quand ils ont quelques années de plus.

Effectivement, le pourcentage est constant, mais on ne peut pas dire qu'il existe en France 40 % de jeunes dont les parents ne sont pas liés par le mariage.

Le concubinage est un choix personnel, et nous devons le respecter. Chacun est libre de s'unir soit par le mariage, soit sans engagement solennel. Mais reconnaître le concubinage dans le code civil, c'est naturellement, et nous le savons tous ici, nous qui sommes législateurs, lui accorder une certaine valeur de modèle, une certaine valeur normative. C'est également faire croire qu'il sera protégé par le droit. Or il n'en est rien.

Par ailleurs, la définition proposée dans cet article assimile les concubins hétérosexuels et les concubins homosexuels. S'ils bénéficient un jour d'un même cadre juridique, je voudrais bien savoir sur quels motifs nous pourrons nous fonder pour accorder certains droits aux uns et les refuser aux autres, au nom du principe constitutionnel, fondateur de la République, qui est celui de l'égalité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis d'accord avec ces amendements qui suppriment l'article relatif au concubinage introduit par le Sénat. Lors de l'examen des amendements nos 6 et 29 de vos commissions, j'aurai l'occasion de redire que je suis éminemment d'accord avec l'intention de supprimer, dans le code civil, toute discrimination entre les concubins selon qu'ils sont homosexuels ou hétérosexuels.

Pour plusieurs raisons, le texte du Sénat n'est pas acceptable. D'abord dans sa volonté de ne pas dire clairement que l'on supprime les discriminations entre les concubins, quel que soit leur sexe. Premier point fondamental.

Ensuite parce que la preuve d'un fait est libre et la situation de minorité ou de mariage d'un concubin ne doit pas être une cause de rupture d'égalité au regard de notre régime du droit commun de la preuve. C'est un autre inconvénient de la rédaction du Sénat.

Il y en a un troisième, à savoir qu'il est tout à fait inutile de donner aux concubins la permission de conclure un contrat pour régler leur relation. Toute personne capable peut, sans la permission de la loi, passer des contrats, pourvu que ce soit dans le respect de l'ordre public et des bonnes moeurs. En revanche, rappeler cette évidence sans en marquer les limites conduit indirectement, mais sûrement, à une dévalorisation du mariage.

Pourquoi ? Les concubins pourraient adopter les aspects d'un régime matrimonial légal qui leur conviendraient tout en se dispensant des obligations propres au mariage.

Rien, dans le texte du Sénat, ne l'interdit. Dans ces conditions, pourquoi se marieraient-ils ? Le Gouvernement a, en première lecture, fait l'objet de tellement de procès d'intention sur sa prétendue volonté de saper l'institution du mariage que je ne peux admettre que votre Assemblée puisse se satisfaire de la démarche sénatoriale, ambiguë et risquée sur le plan du droit.

Quant à Mme Boutin, je voudrais lui dire que je suis extrêmement choquée de l'entendre présenter officiellem ent des amendements au nom d'une association.

M. Devedjian hier, M. Dord et, tout à l'heure, M. Estrosi ont reproché au Gouvernement de céder à des lobbies...

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas du tout un lobby !

Mme la garde des sceaux.

... alors que nous nous sommes déterminés, en prenant bien entendu des avis, en toute indépendance. Et vous, madame Boutin, vous vous faites le porte-parole officiel d'une association « Oser la famille » !

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas une association, vous n'y connaissez rien !

M. Eric Doligé.

Il faut suivre l'actualité, madame la ministre.

M. Thierry Mariani.

C'est un groupe de députés.

Mme la garde des sceaux.

Quant à votre interrogation sur le nombre de concubins, madame Boutin, la réponse est simple. Prenez 2,5 millions de couples, multipliez par deux et vous obtiendrez 5 millions de concubins ! Ne soyez plus perplexe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin.

Merci.

(Sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Madame la garde des sceaux, je comprends votre colère...

Mme Nicole Feidt.

C'est de l'indignation !

Mme Christine Boutin.

... mais vous êtes mal informée ! Je ne parle évidemment pas au nom d'une association ou d'un lobby, mais au nom du groupe « Oser la famille », qui est un groupe de travail rassemblant des députés RPR, Démocratie libérale et UDF. Ce n'est en aucun cas, un lobby. C'est une représentation parlementaire, un groupe de travail, je le répète.

Mme Monique Collange.

Pas du tout, ce n'est pas un groupe de l'Assemblée !

M. Daniel Marcovitch.

C'est un lobby composé de parlementaires !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la garde des sceaux.

Ce n'est pas un groupe parlementaire, madame Boutin.

Mme Christine Boutin.

Evidemment.

M. Robert Poujade.

C'est un groupe de travail !

M. Eric Doligé.

On n'a pas le droit de travailler en groupe ?

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Madame la garde des sceaux, les députés ont le droit de se réunir comme ils le souhaitent pour constituer des groupes de réflexion et d'étude, même si ces groupes ne sont pas officiellement des groupes d'étude. « Oser la famille » est un groupe de travail régulièrement constitué de parlementaires qui


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

réfléchissent - et c'est tout à leur honneur - sur l'avenir de la famille, ce qui ne semble pas être votre préoccupation première. Nous n'acceptons pas, madame la garde des sceaux, que vous vous immisciez dans la manière dont les députés travaillent. Cela n'entre pas dans vos attributions ! Nous organisons notre travail comme nous l'entendons et n'avons pas de leçons à recevoir en la matière ! Thierry Mariani a bien expliqué à l'article 1er C pourquoi nous pensions que la rédaction du Sénat aurait pu vous conduire à vous abstenir d'aller plus loin. Elle résolvait, en effet, l'ensemble des problèmes. La raison pour laquelle nous nous lançons dans ce travail législatif qui dure depuis plusieurs mois, c'est que votre texte est mal ficelé, insuffisamment préparé et que vous le rafistolez à chaque navette.

Par ailleurs, je réfute l'argumentation de M. le rapporteur Bloche, selon laquelle votre texte conforterait la définition ancienne. Tous les débats ont montré la claire volonté du Sénat de reconnaître l'égalité entre les concubins en la matière. C'est tellement vrai que le rapport de M. Gélard l'explicite très précisément à la page 42 :

« Ainsi les couples homosexuels pourront-ils bénéficier des droits accordés par la loi aux couples hétérosexuels dans leur vie quotidienne. Ils pourront notamment devenir sans délai ayant droit pour la sécurité sociale et bénéficier au bout d'un an du transfert ou de la continuation du bail en cas d'abandon du domicile ou du décès du preneur. » Telles étaient les questions fondamentales posées

au départ, pour vous, prétexte à ouvrir ce débat, mais en aucun cas le but de ces travaux.

En réalité, vous voulez rejeter le travail du Sénat au nom d'une vision idéologique et au détriment de l'efficacité et du consensus sur des questions de société. Je rappelle qu'il est exceptionnel que des modifications fondamentales des règles de la vie sociale interviennent dans un contexte où le clivage gauche-droite est prédominant.

Nous pouvions trouver d'autres pistes, comme ce fut le cas lors de l'examen de la loi sur l'éthique biomédicale.

Nous sommes arrivés là à un large consensus parce que nous avons fait primer l'efficacité et la justice sur l'idéologie.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Vous venez de soutenir deux argumentations contradictoires à dix minutes d'intervalle.

D'abord, vous nous avez dit qu'il était inutile de préciser que le mariage ne pouvait se conclure qu'entre un homme et une femme, certains articles du code civil le sous-entendant. Ensuite, vous nous dites qu'il faudra, pour le concubinage, bien préciser qu'il peut être homosexuel ou hétérosexuel. Je ne suis pas d'accord.

En revanche, je partage tout à fait les observations de mon collègue Cazenave. Le rapport du Sénat est très clair à ce sujet. De plus, les débats du Sénat sont utilisés pour l'interprétation de la loi. Le rapporteur du Sénat,

M. Gélard, a précisé que le concubinage pouvait s'entendre pour les couples homosexuels et hétérosexuels.

Mon collègue a cité une partie du rapport. J'en citerai une autre. Page 64, il est écrit : « L'article 310-1 donnerait une définition du concubinage permettant d'inclure les couples homosexuels. Le concubinage serait défini..., etc. »

Autre exemple sur la question de la reprise d'un bail, le rapport du Sénat, page 98, affirme très clairement que les couples homosexuels seraient pris en considération.

Nous persistons à penser que la définition du Sénat est très claire parce qu'elle s'adresse à la fois aux couples hétérosexuels et aux couples homosexuels. Par contre, la définition que vous nous proposerez tout à l'heure - et M. Jean-Pierre Michel l'a reconnu tout à fait honnêtement en commission hier - permet à la fois d'être marié et d'avoir le statut de concubin avec une autre personne.

Ne croyez-vous pas que notre définition est plus claire ?

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Vous vous référez aux travaux du Sénat et notamment au rapport p résenté, au nom de la commission des lois par M. Gélard. Je ferai pour ma part référence aux propos qu'il a tenus postérieurement à la parution de son rapport. Il s'agit de propos de séance qui reflétaient l'espoir qu'a eu M. Gélard à un moment donné qu'une majorité au Sénat accepterait de dire clairement que le concubinage concernerait tous les couples, sans distinction de sexe.

Or lorsqu'il a senti que cette majorité n'existait pas, il a été amené le 17 mars dernier, lorsqu'il a présenté son rapport devant les sénateurs, à avouer avec beaucoup de franchise que la rédaction devait être un peu légère. Qu'a dit M. Gélard ? Ceci : « Et si jamais la rédaction que nous allons adopter s'avère trop légère, madame la ministre, nous pourrons toujours, nous fondant sur nos débats, intervenir, dans l'intérêt de la loi, auprès de la Cour de cassation pour exiger que le texte que nous avons rédigé soit appliqué dans l'esprit qui a été le nôtre. »

Pourquoi faire si compliqué dès lors que nous avons la volonté commune d'être le plus clair possible ? M. Gélard nous tend la perche. Entendons son appel quand il dit que la rédaction du Sénat est sans doute légère.

M. Richard Cazenave.

Vous avez l'oreille sélective !

M. Thierry Mariani.

Vous entendez ce qui vous arrange.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

C'est en supprimant l'article du Sénat que nous faisons tomber une rédaction légère et que nous introduisons, un peu plus loin dans la proposition de loi, une rédaction qui, elle, ne l'est pas, vous pourrez le constater plus tard.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3, 26 et 505.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er C est supprimé.

Après l'article 1er C

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 183, ainsi libellé :

« Après l'article 1er C, insérer l'article suivant :

« Dans le livre premier du code civil, il est inséré, après l'article 310-3, un titre VI ter ainsi rédigé :

« Titre VI ter

« Du concupacsage

« Art. 310-4. - Le concupacsage est le fait, pour une personne physique, d'être liée à un tiers par un pacte civil de solidarité tout en vivant en état de concubinage avec une autre personne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

« Art. 310-5. - Les personnes en situation de concupacsage ne peuvent à la fois bénéficier des dispositions relatives au pacte civil de solidarité et de celles relatives au concubinage. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je vais essayer, avec humour, de montrer les incohérences de votre texte, en vous proposant de créer un titre VI ter qui s'intitulerait « Du concupacsage ».

(Sourires.)

Le rapporteur de la commission des lois, M. Jean-Pierre Michel, a très clairement reconnu que les situations que je vais énoncer sont juridiquement envisageables avec le texte que vous nous proposez et que vous voulez adopter.

Quelle est la situation actuelle ? On est soit marié, soit célibataire. Le Sénat ayant proposé la création d'un statut du concubinage, on est passé de deux à trois statuts.

Avec votre texte, nous allons passer de deux à six statuts, le rapporteur l'a reconnu. Désormais, on pourra être : marié, marié-concubin - on verra que vous n'excluez pas de la définition du concubinage les personnes déjà mariées -, on pourra être, d'autre part, célibataire , célibataire-concubin, célibataire-pacsé et célibataire-concubin-pacsé. Après votre texte, le droit de la famille, c'est la Samaritaine, on y trouve tout, et on pourra prendre le statut qu'on souhaite.

M. Daniel Marcovitch.

On a déjà entendu ça hier !

M. Thierry Mariani.

Mon amendement no 183 vise à mettre le doigt sur votre incohérence, à moins que M. Michel, ou M. Bloche, nous explique que vous comptez énoncer clairement qu'il est impossible d'être à la fois concubin avec une personne et pacsé avec une autre. Car c'est ce que vous nous proposez aujourd'hui : il faut que vos collègues le sachent, parce que, dans leur circonscription, c'est ce qu'on leur dira.

Je vous propose donc de créer le « concupacsage », conclusion logique de vos propositions - cela vous fait sourire, mais c'est ce que vous nous proposez. « Le concupacsage est le fait, pour une personne physique, d'être liée à un tiers par un pacte civil de solidarité tout en vivant en état de concubinage avec une autre personne ». Il faut décider que « les personnes en situation de concupacsage ne peuvent à la fois bénéficier des dispositions relatives au pacte civil de solidarité et de celles relatives au concubinage ». Parce que, dans le grand bazar du droit de la famille que vous instaurez, il est logique qu'une personne en situation de concupacsage ne puisse pas bénéficier de ce qui l'intéresse dans le statut du concubinage et de ce qui l'intéresse dans le statut du PACS. Cela fait sourire, mais c'est ce que vous proposez, messieurs !

M. Eric Doligé.

A-t-on encore de droit de se marier ? (M. Arthur Paecht remplace M. François d'Aubert au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ARTHUR PAECHT,

vice-président

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

Monsieur Mariani, vous avez déposé beaucoup d'amendements, mais vous en avez oublié un, que je vous suggère pour une lecture ultérieure : celui qui crée le concumariage.

(Sourires.)

M. Thierry Mariani.

J'y ai pensé !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

D'ores et déjà, on peut être marié et être en état de concubinage, avec même un certificat de vie commune.

M. Thierry Mariani.

Bien sûr !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

On sait d'ailleurs les problèmes que cela pose en matière de filiation puisque notre loi sur la filiation reconnaît la possibilité pour une personne mariée d'avoir un enfant hors mariage. Cet enfant peut être reconnu et porter le nom du père, contrairement à pater is est...

Le concumariage existe donc bel et bien ! Eh bien, le concupacsage existera également.

En revanche, ce qui ne peut pas exister, c'est le pacsomariage, ou le mariopacsage (Sourires) , puisque la proposition de loi interdit aux couples mariés de se pacser.

Mais, le concubinage, c'est un état de fait.

M. Thierry Mariani.

C'est la première fois que vous le dites !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Absolument pas ! Des gens mariés aujourd'hui vivent en concubinage, on le sait très bien, il y en a sûrement d'ailleurs sur ces bancs, ayons le courage de le reconnaître.

M. Thierry Mariani.

Oui, on en a eu des exemples !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Oui, et au sommet de l'Etat, si c'est ce que vous voulez me faire dire...

M. Eric Doligé.

Ce n'est quand même pas une référence !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Les gens pacsés pourront également vivre en concubinage. Ce n'est peutêtre pas le fin du fin pour la stabilité sociale, mais c'est comme ça !

M. Thierry Mariani.

Bref, c'est la polygamie !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission des lois s'oppose à cet amendement.

M. Thierry Mariani.

Vous traitez par la dérision quelque chose de très sérieux !

M. le président.

M. Michel et M. Mariani ont inventé l'amendement de dérision. (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Non, un vrai problème est soulevé !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. Thierry Mariani.

C'est tout ?

Mme la garde des sceaux.

Cela ne mérite pas plus !

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

L'amendement de M. Mariani dont la rédaction peut prêter à sourire, pose néanmoins un véritable problème.

En réalité, notre système a toujours été fondé sur la dualité des relations de personnes : le mariage, l'union libre, sous ses diverses formes. En ajoutant une troisième catégorie, vous compliquez le système à l'excès.

Or votre définition du concubinage ne peut pas tenir avec le système que vous êtes en train d'adopter. Si je suis votre logique, je peux vous assurer que le concubinage disparaîtra, car personne n'y aura intérêt. Votre définition, en effet, est beaucoup plus coercitive que celle du PACS et n'ouvre aucun droit. Le PACS prévoit une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

définition souple de la vie commune, contrairement à la définition extrêmement coercitive du concubinage, qui, je le rappelle, n'est pas celle des sénateurs, qui ont proposé sur l'union libre une définition plus traditionnelle. Vous, vous voulez faire coexister trois catégories. Il y en a une de trop.

La logique de votre système, c'est le mariage et le PACS. Je préférerais que ce soit le mariage et le concubinage. Mais avec le mariage, plus le PACS, plus le concubinage, vous aboutirez à des situations inextricables que M. Mariani a dénoncées à juste titre. Je trouve que c'est déjà assez compliqué comme cela, étant donné la situation sociale extrêmement mouvante et polymorphe. Ne compliquons donc pas par la loi des situations qui le sont suffisamment.

La sagesse voudrait mais nous y reviendrons, que nous rendions les choses sinon cohérentes, du moins plus claires pour les citoyens, demain.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Pour soulever des problèmes, l'humour est plus agréable que le mépris. Et certaines réponses que nous avons reçues sont quelque peu méprisantes.

Je le répète, cette question soulève un vrai problème. Je prendrai un exemple purement hypothétique. Avec la loi que vous proposez, je pourrais décider demain d'avoir le statut de concubin et le statut de pacsé avec une autre personne. M. Michel a eu l'honnêteté de dire que c'était tout à fait possible et je l'en remercie. Nous sommes bien d'accord aussi que, désormais, le concubinage et le pacsage ouvrent droit à certains avantages sociaux. Nous avons passé beaucoup de temps à expliquer, et nous en étions d'accord, que la polygamie était totalement interdite.

Par vos dispositions, se recrée un système qui, certes, n'est pas la polygamie mais qui donne exactement les mêmes avantages, puisque, désormais, quelqu'un pourra tout à fait avoir deux ayants droit sociaux. C'est un vrai problème.

Si je suis concubin avec A et pacsé avec B, monsieur Bloche, les deux personnes A et B seront bien ayants droit social. On aboutit à un système qui, sur le plan des avantages, s'apparente à celui de la polygamie.

Vous traitez tout cela par le mépris. Comme Claude Goasguen, je considère qu'il y a un statut de trop. Alors, choisissez ! Pitié pour le droit de la famille ! On crée un statut supplémentaire qui ne s'imposait pas, qui créera la confusion et qui sera inapplicable, comme je viens de le démontrer. Si ce n'est pas le cas, prouvez-moi le contraire.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Vous ne contestez pas qu'on puisse être concubin et pacsé.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Comme marié et concubin !

M. Charles de Courson.

C'est différent, madame la présidente. Si vous êtes concubin et marié, ça signifie qu'il y a au moins une séparation de corps.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Pas du tout !

M. Charles de Courson.

Mais si, puisque le statut de concubin implique d'avoir une vie commune.

En droit français, il est impossible d'avoir une vie commune à trois. Si c'est sous le même toit, ça pose quelques problèmes.

M. Eric Doligé.

Las à la majorité ici !

M. Charles de Courson.

Mais revenons à nos moutons.

Peut-on, oui ou non, être pacsé et concubin ? Réponse : oui.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Comme marié et concubin !

M. Charles de Courson.

On peut vivre en concubinage, homo ou hétéro, et être simultanément pacsé, homo ou hétéro !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Mais non !

M. Charles de Courson.

Mais si, monsieur Michel ! Dans le texte tel que vous nous le proposez, on peut vivre en concubinage homosexuel et être pacsé hétérosexuel, ou être pacsé hétéro et être concubin hétéro . La polygamie, dans le sens traditionnel, c'est être hétéro deux fois. Mais, avec votre système, on peut aussi être homo deux fois ! On voit bien l'incroyable aberration juridique à laquelle on arrive.

M. Alain Clary.

C'est pourquoi certains restent célibataires !

M. Charles de Courson.

Soit vous admettez le concubinage et vous supprimez le PACS, mais, à ce moment-là, vous vous alignez sur la thèse de nos collègues du Sénat.

Soit vous ne voulez pas admettre le concubinage et vous instaurez le PACS. Mais vous ne pouvez pas, dans le même texte, additionner le PACS et le concubinage. En effet, vous avez bien été obligé de reconnaître que le PACS n'est pas compatible avec le mariage. Dès lors, comment pouvez-vous rester cohérents en interdisant le pacsage à une personne mariée mais en l'autorisant à une personne vivant en concubinage ? On en arrive à quelque chose de pire que la polygamie : de l'hétéro-homogamie ou de la double homogamie !

Mme Nicole Feidt.

C'est du délire !

M. Charles de Courson.

Là, mes chers collègues, on est vraiment dans un système totalement incohérent.

J'aimerais que Mme le ministre et MM. les rapporteurs nous expliquent comment ils articulent ce problème des pacsés vivant en concubinage. Pour ma part, je donne ma langue au chat ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy.

Ça tourne à la zoophilie ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

On est en train d'organiser un

« bazar juridique ».

M. le président.

La commission souhaite-t-elle répondre ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Non.

M. le président.

Et le Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Non plus ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 156, ainsi libellé :

« Après l'article 1er C, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le livre Ier du code civil, il est inséré, après l'article 310-3 un titre VI ter ainsi rédigé :

« Titre VI ter

« Du célibat

« Art. 310-4 . - Le célibat est le fait pour une personne physique, non mariée, de vivre seule sans être liée à un tiers par un pacte civil de solidarité.

« Art. 310-5. - Le célibat se prouve par tous moyens. Un acte de célibat peut être délivré par un officier de l'état civil, un juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire.

« Art. 310-6 . - Les célibataires, par simple déclaration auprès de l'officier d'état civil, peuvent se regrouper par deux et bénéficier de ce fait de toutes les dispositions applicables aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité, à l'exception de celles ayant trait aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et de l'obtention de la qualité d'ayant droit d'un assuré social.

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

La deuxième lecture commence vraiment à ressembler à la première : l'opposition soulève, par ses questions, de vrais problèmes, et il ne lui est pas répondu.

Monsieur Bloche - je vous reposerai la question durant tout le débat si vous ne me répondez pas - une personne vivant en concubinage et pacsée aura-t-elle deux ayantsdroit sociaux. Vous savez très bien que la réponse est oui, mais vous ne voulez pas le reconnaître. C'est la première incohérence de votre texte.

J'en viens à l'amendement no 156, qui tend à rajouter dans le texte un titre concernant le célibat.

Le fait de s'aimer mérite-t-il une reconnaissance financière ? Une affection privée mérite-t-elle une rémunération publique ? Jusqu'à présent, non. Or c'est précisément ce que vous nous invitez à faire. Je m'explique. Jusqu'à présent, la société était organisée autour de la famille et accordait des avantages aux couples mariés puisque ceux-ci avaient vocation à faire des enfants. Elle pouvait aussi, accessoirement, donner des avantages aux couples non mariés qui avaient des enfants. Toutefois, elle ne reconnaissait aucun avantage aux couples homosexuels, qui, par définition, n'avaient pas vocation à avoir des enfants.

Or, aujourd'hui, par le biais du PACS, nous allons accorder des avantages fiscaux, sociaux et relatifs au droit au logement, aux couples homosexuels. Quelle est la justification morale d'un tel geste ? Le fait de s'aimer méritet-il une rémunération publique ? Or, c'est exactement ce qui est fait avec le PACS : si deux hommes ou deux femmes s'aiment, cela va leur donner le droit de payer un peu moins d'impôts alors que l'on sait très bien que deux personnes qui vivent ensemble font des économies.

Le grand oublié et le grand sacrifié du texte, c'est le célibataire ! Comme je l'avais dit en première lecture, le sigle PACS peut signifier : pacte des célibataires sacrifiés ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Aujourd'hui, pour rester célibataire, il faut vraiment être stupide !

M. Daniel Marcovitch.

Ce n'est pas gentil pour M. de Courson !

M. Thierry Mariani.

Vous ironisez ici, mais allez expliquer aux célibataires de vos circonscriptions que deux homosexuels auront le droit de payer moins d'impôt qu'eux, alors que, pas plus qu'eux, ils n'ont vocation à faire des enfants ! Ce texte aurait pu être l'occasion de mettre vraiment fin à toutes les discriminations ; or vous allez en créer de nouvelles : la personne qui ne sera ni mariée ni homosexuelle pacsée sera systématiquement défavorisée. Vous allez créer une nouvelle injustice.

N e pas accepter mon amendement revient à reconnaître que le fait de s'aimer mérite une rémunération publique. Dès lors, on peut s'attendre - et je le dis t rès sérieusement - à ce que certaines personnes contractent des PACS blancs. En effet, il faudrait être stupide pour renoncer à des avantages dont pourront bénéficier deux personnes homosexuelles, qui n'ont pourtant, aucune utilité sociale pour la société. Certes, ces couples homosexuels ont le droit d'être heureux, mais je ne vois pas pourquoi ils bénéficieraient de certains avantages fiscaux que n'auraient pas les célibataires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement car le célibat, tout comme le concubinage, d'ailleurs, est une situation de pur fait et n'a pas à bénéficier d'un statut.

Je remarque tout de même quelque chose de très intéressant, dans votre amendement, monsieur Mariani. En effet, dans le texte que vous proposez pour l'article 310-6 du code civil, vous reconnaissez l'existence du PACS,...

M. Thierry Mariani.

Mais non !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... en prévoyant que deux célibataires peuvent se regrouper et bénéficier de toutes les dispositions applicables aux partenaires liés par un PACS. Je note donc avec intérêt que vous reconnaissez la nécessité du PACS.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Vous ne répondez pas à l'argumentation de M. Mariani.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Quoi qu'il en soit, la commission des lois a repoussé cet amendement.

Je crois, monsieur Mariani, qu'il faut rester sérieux dans ce débat.

M. Pierre Lellouche.

Répondez aux questions qu'on vous pose !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Le célibat, aujourd'hui, est une situation de fait. Une personne mariée peut vivre en concubinage avec une autre personne.

M. Charles de Courson.

Mais non !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Elle peut donc avoir deux ayants droit, c'est clair. Nous en connaissons tous, et pas loin de nous.

M. Eric Doligé.

Des noms ! Nous, nous n'en connaissons pas !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

M. Daniel Marcovitch.

Demandez à Act-up !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cessons de faire les hypocrites et de manier la langue de bois. Le PACS ne change rien. Le concubinage reste une situation de pur fait, nous le dirons tout à l'heure. Et, bien entendu, on peut être pacsé, donc avoir pris un engagement, et tout de même être en concubinage. Je ne prétends pas que, sur le plan social ou moral, c'est le fin du fin, mais c'est la réalité : ça existe déjà pour les gens mariés, et ça existera pour les gens pacsés.

M. Pierre Lellouche.

Vous ne répondez pas sur la dimension sociale du problème.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je vous indique, monsieur Lellouche, à vous, qui venez d'arriver, que je réponds absolument aux propos de M. Mariani.

M. Pierre Lellouche.

Je suis là depuis le 9 octobre, et j'ai été plus souvent là que certains de vos amis ! Je n'ai pas de leçons à recevoir !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je n'ai pas l'habitude de m'énerver, mais je n'aime pas qu'on arrive dans l'hémicycle, comme un oiseau sur la branche, pour intervenir dans un débat que l'on n'a pas suivi ! (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Mais qui donc êtes-vous pour donner ainsi des leçons ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Apprenez la filibustering parlementaire !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Madame la garde des sceaux, vous devez vous souvenir qu'en première lecture, vous nous aviez indiqué que vous aviez consulté un soir votre code civil pour savoir s'il donnait une définition du célibat et que vous n'en aviez pas trouvé. J'étais alors longuement intervenu pour vous expliquer qu'il ne fallait pas consacrer vos nuits à lire le seul code civil, mais qu'il fallait aussi lire le code de la sécurité sociale, celui des impôts et quelques autres codes, qui, eux, font référence à la notion de célibat. Vous auriez alors découvert que la notion de célibat varie selon les branches du droit. Ainsi en droit fiscal, il n'y a que deux situations : celle de célibataire ou celle de marié. Le célibat est donc défini négativement : c'est la situation de ceux qui ne sont pas dotés d'un contrat de mariage. Point.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est bien ce que j'ai dit !

M. Charles de Courson.

En droit social, c'est très différent. Selon le type de prestation, il y a en général au moins trois situations : le célibat, le concubinage et le mariage. Les situations juridiques ne sont donc absolument pas homogènes.

L'amendement de M. Mariani pose une vraie question.

Durant toute la première lecture du texte, je me suis tué, avec plusieurs collègues, à expliquer que, dans une société, quand on accorde des droits, ils sont payés par ceux qui n'en bénéficient pas. Et, effectivement, nous commençons à recevoir des lettres d'associations de célibataires disant : « Et nous ? » Nous l'avons dit et répété, vous voulez donner, dans certaines branches du droit, à des gens non mariés, qui n'assurent pas les mêmes fonctions sociales que les gens mariés, des droits proches et parfois identiques à ceux dont bénéficient ces derniers. Par conséquent, ne vous étonnez pas que les célibataires s'exclament : « Et nous ? Pourquoi ne nous donnez-vous pas ces droits ? » En première lecture, vous avez craqué sur les fratries.

En deuxième lecture, vous allez vous retrouver face à des demandes concernant telle ou telle catégorie qui ne pourra pas bénéficier des mêmes avantages que ceux que vous voulez accorder aux pacsés.

Vous allez vous retrouver coincés près du poteau de corner, parce que vous aurez oublié un fondement de la société : l'équilibre des droits et des devoirs. S'ils ne sont pas équilibrés, la société explose. Voilà ce à quoi vous n'êtes pas capables de répondre.

Je ne sais pas si Mme la garde des sceaux a lu le code général des impôts depuis notre dernier débat, mais je serais intéressé de savoir où en est sa réflexion sur le cél ibat. Elle semble ne pas avoir beaucoup avancé sur ce point.

Non, monsieur le rapporteur, le célibat n'est pas toujours une situation de fait, comme le concubinage. Cette notion peut être très simple, et c'est le cas en droit fiscal : sont célibataires tous ceux qui ne sont pas mariés, qu'ils soient concubins ou autres.

Dans le cas de l'allocation de parent isolé, c'est un autre concept.

En ce qui concerne les prestations familiales - Thierry Mariani aurait pu aller encore plus loin dans son analyse -, comment allez-vous faire pour les calculer, dans le cas d'un pacsé qui vit en concubinage, s'il y a des enfants des deux côtés ?

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Vous êtes-vous déjà interrogé sur cette délicate question ? Si ce n'est pas le cas, je vous renvoie à mon rapport sur les fraudes et les pratiques abusives. Vous y verrez comment l'affaire est réglée, d'une façon d'ailleurs totalement illégale, par une simple circulaire, sur la base de laquelle on calcule le « minimax » des droits. C'est-à-dire que l'on calcule, en comparaison avec une analyse séparée, le montant des prestations familiales auxquelles peut prétendre un couple unique, avec deux personnes adultes et la totalité des enfants. Et vous savez à quoi on aboutit ? Eh bien, demandez à JeanPierre Brard, député maire de Montreuil. Il vous expliquera ce qui se passe chez lui, en particulier chez les polygames maliens. Ils font venir leur deuxième, voire leur troisième femme, qui s'installe dans un gourbi afin de bénéficier de l'API en plus des prestations familiales, alors qu'en fait ils vivent ensemble. J'ai même un cas, dans ma modeste ville de Vitry-le-François, de « couple » polygame vivant dans deux logements HLM situés sur le même palier.

M. Jean-Pierre Blazy.

Il y a des Maliens à Vitry-leFrançois ?

M. Charles de Courson.

Oui, il y en a un ou deux. De cette façon, les personnes en question optimisent leurs gains du point de vue des prestations familiales.

Ces problèmes, mes chers collègues, il faudra bien les affronter. Or nous ne savons toujours pas quelle est votre position sur le célibat. Moi, ce que je reproche, parmi beaucoup d'autres choses, à votre texte, c'est qu'on n'en voit pas l'articulation juridique. En fait, il est complète-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

ment incohérent du point de vue juridique et du point de vue de la répartition de l'équilibre entre les droits et les devoirs.

M. le président.

La parole est à M. Richard Cazenave.

M. Richard Cazenave.

Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas vous contenter d'écarter d'un revers de main tout ce qui a été dit.

D'abord, les droits attachés au concubinage sont limités au droit social, ils ne s'étendent pas à tous les domaines dans lesquels vous allez créer des nouveaux droits à travers le PACS. Or celui-ci va multiplier les situations de double droit, comme celles qu'évoque M. de Courson.

Les questions posées par notre collègue devraient donc nous conduire à réfléchir - après tout, c'est notre rôle sur la manière de remédier à des dérives qui scandalisent nos concitoyens.

Par ailleurs, il est étonnant que, jusqu'à ce jour, nous n'ayons eu aucune évaluation des conséquences financières et sociales du texte qui nous est soumis. N'est-ce pas d'ailleurs un motif supplémentaire d'inconstitutionnalité ?

Mme Christine Boutin.

Bien sûr !

M. Richard Cazenave.

Il est en effet hallucinant de ne pas disposer d'une évaluation de l'impact du dispositif proposé.

Monsieur Michel, vous ne pouvez pas vous contenter de dire qu'il existe déjà le mariage et le concubinage : les effets de ce dernier sont limités au domaine social. Nous ne pouvons pas nous satisfaire des dérives auxquelles donnent lieu certaines situations ; nous devons plutôt chercher à y remédier.

De surcroît, la création d'un statut supplémentaire va provoquer une extension considérable des situations de double droit.

Tout cela mérite des réponses plus approfondies, plus fondées juridiquement et prenant plus en compte l'impact financier et fiscal du dispositif que celles que nous obtenons aujourd'hui.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Comme M. le rapporteur a ironisé sur le troisième alinéa de mon amendement qui prévoit que deux célibataires qui vivent ensemble ont le droit de faire une donation, je le renvoie à l'article 3 adopté par le Sénat, texte qui est très bien rédigé.

M. Richard Cazenave.

Absolument !

M. Thierry Mariani.

En effet, cet article, qui dispose que, pour la perception des droits de mutation par décès, il est effectué un abattement de 250 000 francs sur la part revenant à un légataire, personne physique, indépendamment des liens familiaux, permet de résoudre le problème des concubins homosexuels, tout en maintenant l'égalité avec les célibataires.

Le Sénat a vu le problème et a proposé une solution.

Or vous l'écartez d'un revers de main. Désormais, la notion d'égalité n'existe plus. Et vous reconnaissez qu'une affection privée mérite une rémunération publique.

M. Pierre Lellouche.

Très juste !

M. Thierry Mariani.

C'est ce à quoi aboutit le fait de ne pas reconnaître les mêmes avantages aux célibataires.

Si la revendication de la communauté homosexuelle est justifiée par certains problèmes, celle de la communauté des célibataires, qui est peut-être aussi nombreuse que la communauté homosexuelle, l'est tout autant.

M. Pierre Lellouche.

Beaucoup plus !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Monsieur Mariani, il n'est pas possible de défendre à la fois les droits de la famille - et nous les défendons tous ici - et ceux des célibataires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas vrai !

M. Thierry Mariani.

Je défends la liberté et l'égalité.

M. Pierre Lellouche.

Depuis quand la gauche défendelle la famille ?

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Je tiens à rappeler que l'objet du texte est la prise en compte des nouveaux couples. Et si, dans ce texte, nous traitons le problème des couples et pas celui des célibataires, c'est parce que, comme M. Dord l'a reconnu hier, notre société a intérêt à encourager la vie à deux.

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas le PACS qui y contribuera !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Voilà la réponse à votre question, monsieur Mariani. Le texte n'a rien à voir avec la situation des célibataires.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 156.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 181, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er C, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi, un rapport sur la situation des célibataires en France. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Le vote qui vient d'intervenir est important car il montre clairement que le groupe communiste et le groupe socialiste refusent aux célibataires les mêmes avantages qu'aux homosexuels, et il faudra que chacun de nous le dise dans sa circonscription.

Mme Catherine Tasca, président de la commission.

Aux homosexuels en couple !

M. Thierry Mariani.

Pourquoi deux hommes qui s'aiment auraient-ils plus d'avantages qu'un homme tout seul ? Le fait de s'aimer exige-t-il qu'on reçoive une rémunération de l'Etat ? Cela vous semble évident ? Pas à moi ! L'amour relève de la vie privée et n'a pas besoin d'une reconnaissance fiscale.

L'amendement no 181 demande que, dans les neuf mois suivant la publication de la présente loi, un rapport sur la situation des célibataires en France soit remis au Parlement. Je vous réponds là indirectement, madame la présidente de la commission. Vous nous avez dit que cette loi ne devait pas être l'occasion d'examiner la situation des célibataires. Donnons-nous rendez-vous dans neuf mois et nous verrons ce que nous pouvons faire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

M. Michel disait que nous devions défendre le droit de la famille. Certes, mais nous devons aussi défendre, je le répète, le droit à l'égalité des citoyens ; or, avec cette loi, l'égalité ne sera plus respectée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission des lois a repoussé cet amendement le jugeant étranger à son texte. De plus, monsieur Mariani, neuf mois ne me semblent pas un bon délai. (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Je peux rectifier l'amendement !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable. Ce texte concerne les couples.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 182, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er C, insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi, un rapport sur les évolutions législatives et réglementaires susceptibles d'être conduites en faveur des personnes célibataires. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

J'ai déjà défendu cet amendement mais je poserai à nouveau la question : quand examinerons-nous le statut des célibataires ? Après que le PACS sera adopté, il y aura une véritable injustice.

Par votre vote, vous avez montré que vous n'entendiez pas donner aux célibataires les mêmes avantages qu'aux couples homosexuels. Cet amendement a au moins l'avantage de fixer un délai. M. Michel m'a fait remarquer à juste titre que le délai de neuf mois était peut-être ambigu, mais je ne veux pas allonger le débat en rectifiant mes amendements.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 1er

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 475, ainsi libellé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Il est inséré, après le tableau III de l'article 777 du code général des impôts, un tableau IV ainsi rédigé :

« Tableau IV

« Tarif des droits applicables entre non-parents FRACTION DE PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE Entre les personnes hétérosexuelles non mariées vivant en couple ayant ou ayant eu au moins un enfant à charge pendant dix ans : % n'excédant pas 100 000 F

....................

40 supérieure à 100 000 F

.........................

50 Entre autres personnes non parentes

.........

60

« III. L'article 779 du code général des impôts est complété par un III ainsi rédigé :

« III. Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 250 000 francs sur la part de la personne survivante du couple hétérosexuel non marié ayant ou ayant eu au moins un enfant fiscalement à charge pendant au moins dix ans et ayant au moins un an de vie commune à la date du décès, visé au 1 de l'article 6 du code général des impôts. »

« IV. Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998.

« V. La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, acceptez-vous que je présente en même temps les amendements nos 474 et 476 ?

M. le président.

Je vous en prie. L'amendement no 474, présenté par M. de Courson, est ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. Après le quatrième alinéa de l'article 885 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes hétérosexuelles non mariées vivant en couple ayant ou ayant eu au moins un enfant à charge pendant dix ans font l'objet d'une imposition commune. »

« II. Au II de l'article 885 W du code général des impôts, après les mots "les époux" sont insérés les mots "et les personnes hétérosexuelles non mariées vivant en couple ayant ou ayant eu au moins un enfant à charge pendant dix ans".

« III. A l'article 1723 ter -00 B du code général des impôts, après les mots "les époux", sont insérés les mots "et les personnes hétérosexuelles non mariées vivant en couple ayant ou ayant eu au moins un enfant à charge pendant dix ans".

« IV. Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998.

« V. La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 476, présenté par M. de Courson, est ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. - Les règles d'imposition et d'assiette, autres que celles mentionnées au dernier alinéa du 1 et au 7 de l'article 6 du code général des impôts, les règles de liquidation et de paiement de l'impôt sur le revenu et des impôts directs locaux ainsi que celles concernant la souscription des déclarations et le contrôle des mêmes impôts prévues par le code


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

général des impôts et le Livre des procédures fiscales pour les contribuables mentionnés au deuxième alinéa du 1 de l'article 6 du code général des impôts s'appliquent aux couples visés au dernier alinéa du 1.

« II. Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 1998.

« III. La perte de recettes est compensée, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Vous avez la parole pour défendre ces trois amendements, mon cher collègue.

M. Charles de Courson.

Ils posent un problème très simple. Si nous votons le texte qu'on nous propose, que va-t-il se passer ? Les couples hétérosexuels ayant eu des enfants, qui ne bénéficient pas aujourd'hui des mêmes avantages fiscaux que les couples mariés, vont se répartir en deux catégories : les couples hétérosexuels avec enfants et pacsés, et ceux qui ne le sont pas, les deux régimes juridiques étant différents. Ceux qui ne seront pas pacsés conserveront le régime actuel alors que les autres bénéficieront des dispositions du texte.

Or le grand problème est celui du couple homosexuel avec enfants. Pourquoi ? Parce que les avantages accordés aux couples mariés au titre de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation ou des droits de succession le sont en contrepartie de la fonction sociale de transmission de la vie et d'éducation des enfants.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission. Et les couples stériles ?

M. Charles de Courson.

Or les couples hétérosexuels ayant des enfants remplissent la même fonction sociale que les couples mariés.

Ces trois amendements consistent à faire bénéficier les couples hétérosexuels, à condition qu'ils aient élevé un enfant pendant au moins dix ans et qu'ils aient au moins un an de vie commune, d'avantages en matière de droits de succession ou d'impôt sur le revenu, ces avantages n'étant pas les mêmes que ceux dont bénéficient les couples mariés mais étant intermédiaires entre ceux des célibataires et ceux des couples mariés. On crée ainsi une solution juridique au problème posé actuellement par le droit fiscal, pour qui n'existent que des célibataires ou des couples mariés.

Nous pouvons défendre la cohérence de notre dispositif juridique : il s'agit de personnes qui ne veulent pas s'engager davantage devant la société en se mariant. Elles sont libres mais il n'est pas normal qu'elles soient traitées comme des célibataires alors qu'elles assument la fonction sociale de transmission de la vie et d'éducation des enfants. Il me semble que nous pourrions parvenir ainsi à un assez large consensus, et nous mettrions un terme à la discussion qui mine notre débat depuis des mois car vous voulez accorder une partie des droits dont bénéficient les personnes mariées à des gens qui n'assument pas la même fonction sociale ; or, à partir du moment où il y a un enfant, personne ne peut contester que cette fonction sociale soit assumée.

Trois amendements semblables avaient, je le rappelle, été déposés lors de l'examen de la loi de finances, mais ils ont été repoussés d'un revers de main. Mes chers collègues, que direz-vous aux couples hétérosexuels ayant un enfant qui ne veulent pas se pacser, pour des raisons qui l es regardent ? Comment leur expliquerez-vous que vous avez accordé aux couples pacsés des droits et des avantages, notamment financiers, très proches de ceux des couples mariés alors qu'ils n'assument pas la même fonction ? Ils vous diront que vous leur refusez ces avantages alors qu'ils ont un enfant, et que vous les avez accordés à des personnes qui n'ont pas transmis la vie. On ne comprend plus la cohérence du dispositif fiscal français !

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Monsieur de Courson, je vous reconnais une très grande ingéniosité et une très grande connaissance du droit fiscal - plus grande que la mienne -, de même qu'une très grande courtoisie dans les débats, mais vous vous rappelez certainement que nous avons repoussé ces amendements en première lecture parce que nous réglions le problème autrement.

De plus, une telle disposition serait en complète contradiction avec la philosophie qui inspire aujourd'hui notre régime fiscal. Les couples mariés sans enfants ne transmettent pas la vie et ont pourtant des avantages.

Si l'on veut faire un autre raisonnement, on peut le faire mais, je le répète, vous êtes en contradiction avec l'esprit actuel du droit fiscal et avec les dispositions que je proposerai ultérieurement.

De même qu'en première lecture, la commission des lois a repoussé ces trois amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, parce que le PACS est un statut global ouvert à tous les couples désireux d'organiser leur vie commune, et qu'il ne me paraît pas légitime de soumettre le bénéfice des dispositions et des droits qu'il ouvre à d'autres conditions, notamment à celle que le couple ait un ou plusieurs enfants à charge.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Nous en arrivons à la situation où un couple homosexuel aura un régime fiscal plus favorable qu'un couple hétérosexuel ayant deux ou trois enfants.

M. Pierre Lellouche.

C'est scandaleux !

M. Charles de Courson.

Oui, et complètement aberrant ! Mme Catherine Tasca, présidente de la commission, et

Mme Véronique Neiertz.

C'est faux !

M. Charles de Courson.

Comment expliquez-vous cela du point de vue de la justice sociale ? Vous ne pouvez tout de même pas obliger les gens qui ne veulent pas se pacser à le faire. Respectez la liberté des personnes !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Qui les y oblige ?

M. Charles de Courson.

Dans le droit français, les avantages fiscaux sont liés à l'idée toute simple que ceux qui assument la transmission de la vie et l'éducation des enfants ont droit à un certain nombre d'avantages. C'est pour cette raison que le quotient familial a été créé en 1917 et que, en matière de droits de succession, le système est très avantageux pour les familles. Dans notre pays, 15 % des couples sont non mariés hétérosexuels.

Reconnaissons, au moins pour ceux d'entre eux qui ont des enfants, qu'ils remplissent la même fonction sociale que les couples mariés.

Monsieur Michel, comment expliquerez-vous à ceux de vos électeurs qui ne veulent ni se pacser ni se marier - ils sont libres, tout de même ! -, qui vivent ensemble depuis vingt ans et qui ont élevé trois enfants, qu'ils sont considérés comme des célibataires du point de vue fiscal et que, de ce fait, ils ne peuvent bénéficier d'aucun des avantages accordés à la personne qui, hétérosexuelle ou


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

homosexuelle, vit avec une autre personne, sans enfant, dans le cadre d'un PACS ? Je serais très intéressé de le savoir.

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Je peux comprendre votre opposition à l'amendement précédent, qui portait sur le statut du célibataire, lequel n'est cependant pas sans importance et ne doit pas être écarté définitivement de notre débat, mais j'ai été très sensible à l'argumentation que vient de développer avec talent M. de Courson.

Si nous ne posons pas et si nous ne résolvons pas la question qu'il pose, nous passons à côté d'une forme des olidarité incarnée dans le couple hétérosexuel qui, comme il l'a très bien expliqué, a une utilité sociale incontestable, ne serait-ce qu'en assurant le renouvellement des générations.

En n'accordant aux couples hétérosexuels aucun des avantages fiscaux dont bénéficieraient par hypothèse ceux qui concluraient un PACS, nous introduirions dans notre système social une injustice flagrante qui irait à contrecourant de tout ce que vous essayez de nous expliquer depuis bientôt quatre-vingts heures.

Cela renforce la crainte que nous avons exprimée hier à plusieurs reprises de voir créer un statut de troisième classe, une espèce de sous-sous-PACS, qui serait le statut de ceux qui refuseront toute forme de contrat - le mariage comme le PACS - au nom de la liberté de choix. Ce sous-statut serait celui des déshérités de notre système. Nous passerions ainsi à côté d'une réalité socia le importante ; ces cellules assurent non seulement la solidarité, mais également le renouvellement de la société, et nous leur fermerions la porte.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est un débat intéressant qui mérite qu'on lui consacre quelques minutes.

Monsieur de Courson, vous aviez fait adopter par l'Assemblée des dispositions qui supprimaient des avantages fiscaux dont bénéficiaient les concubins après leur deuxième enfant. Vous avez soumis les concubins au même régime que les gens mariés. Il paraît d'ailleurs que, les années suivantes, le nombre de mariages a augmenté...

Je ne suis pas fiscaliste et, pour moi, il y a des gens qui prennent un engagement et d'autres qui n'en prennent pas. Les concubins ne prennent pas d'engagement entre eux. Ils peuvent vivre ensemble pendant des années mais, vis-à-vis du droit et de la puissance publique, ils ne prennent pas l'engagement léger que représente le PACS, ils ne concluent pas de convention leur permettant d'organiser leur vie commune. Et vous voudriez, dès lors qu'ils ont des enfants, les faire bénéficier d'avantages fiscaux ? Je réponds non. S'ils veulent bénéficier de ces avantages fiscaux, qu'ils s'engagent, qu'ils se marient.

D'ailleurs, ce que vous proposez m'apparaît contradictoire avec les dispositions que vous avez fait adopter avant 1997. Car si l'on accordait aux concubins qui ont des enfants des avantages fiscaux, cela irait à l'encontre du mariage et de la famille telle que vous la concevez. Vraiment, je ne comprends pas.

Je le répète : la commission a repoussé ces trois amendements.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Ce qu'ils proposent est incohérent !

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé que j'ai été l'auteur d'un certain amendement. Mais il a été repoussé et c'est un contreamendement du Gouvernement qui a été adopté. Je voulais trouver une solution au fait que la situation des couples au regard du quotient familial était plus avantageuse quand ils vivaient en concubinage que lorsqu'ils étaient mariés, ce qui était aberrant et était dénoncé par toutes les associations familiales. Mon amendement visait simplement à rétablir l'égalité au regard du quotient familial, que les couples soient mariés ou non.

J'en reviens aux trois amendements en discussion, Vous vous trompez, monsieur le rapporteur, en les critiquant, car ils n'accordent pas aux couples hétérosexuels les avantages fiscaux dont bénéficient les couples mariés mais créent un système intermédiaire.

Le premier amendement, relatif aux droits de succession, ne propose pas le même taux que pour les conjoints mais fixe un taux intermédiaire entre les 60 % du célibataire et le taux dont bénéficient les conjoints mariés. En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, j'égalise. En effet, le quotient familial n'est pas fait pour les parents, mais pour aider les parents à éduquer les enfants. Et que le PACS soit voté ou non, il y a un problème des couples hétérosexuels avec enfants. Il faut, je le répète, améliorer leur situation, afin qu'elle soit intermédiaire entre elle des célibataires et celle des gens mariés. Et même si le PACS est voté, des dizaines de milliers de couples hétérosexuels avec enfants ne voudront ni se marier ni se pacser. Ce n'est pas pour autant qu'ils ne remplissent pas une fonction sociale digne d'intérêt aux yeux de la représentation nationale. Ma position est donc extrêmement cohérente.

La situation des couples hétérosexuels non pacsés serait identique, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, à celle des couples pacsés, ce qui est le minimum. Si vous ne votez pas mes amendements, ils auront une situation inférieure à celle des couples pacsés. Or, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, le PACS, engagement a minima, n'a presque aucun contenu en ce qui concerne les devoirs. Vous voyez bien l'incroyable inégalité qui résulterait du rejet de mes amendements.

Si vous les adoptez, vous pourrez dire aux couples non pacsés qu'ils ne sont pas plus mal traités que les couples pacsés.

En ce qui concerne les droits de succession, le régime serait à peu près le même.

Quant à l'impôt de solidarité sur la fortune, seuls 150 concubins ont la bêtise de le payer. Et il n'y a pas que 150 concubins qui sont au-dessus du seuil de 4,3 millions de francs ! On constate par conséquent une fraude massive des concubins à l'égard de l'impôt de solidarité sur la fortune, mais c'est un problème très secondaire.

Ce que nous proposons est tout à fait cohérent. Nous aurions ainsi quatre situations. En bas le célibataire. Je suis moi-même célibataire et je trouve normal que l'on nous fasse payer pour financer notamment les prestations familiales et les dépenses liées à l'éducation ; je ne m'en plains pas et cela ne me choque pas que les célibataires aient le statut fiscal le moins avantageux. En haut, il y aurait les gens mariés et, entre les deux, les pacsés et concubins hétérosexuels ayant des enfants, qui seraient placés au même niveau. Tout cela serait cohérent.

Mme Catherine Tasca, rapporteur.

Comme simplification, ça n'est pas mal !

M. Charles de Courson.

J'aimerais connaître votre sentiment sur ce point, monsieur le rapporteur, madame la garde des sceaux, car je me place dans l'hypothèse où


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

la majorité votera ce texte. Comment, alors, régler le problème de cette catégorie que vous laissez sur le bord de la route ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 475.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 474.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 476.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 1er

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Nous abordons un article qui a déjà donné lieu à beaucoup de controverses et qui ne va pas cesser de le faire. Il comprend le très beau mot de solidarité.

Le Sénat a supprimé les articles adoptés par l'Assemblée nationale, la commission va proposer de les rétablir, m ais la rédaction qu'elle propose en l'occurrence m'étonne. Le PACS pourra être conclu entre deux personnes physiques - deux, pas trois - majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. La commission précise : « A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité entre ascendants et descendants en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus. »

Mes chers collègues, je ne comprends pas très bien. En effet, si j'en crois le texte, la solidarité ne peut jouer qu'entre des étrangers. Permettez-moi de vous citer un cas que je connais : il s'agit de trois personnes de même sexe - trois soeurs -, qui ont perdu leurs parents, dont les études ont été assez poussées et la vie professionnellee xtrêmement intéressante. Elles ont toujours vécu ensemble. Ces trois soeurs, qui mènent une vie parfaitement honorable, ont travaillé toute leur vie. Elles disposent maintenant d'un certain avoir, qui n'est certes pas considérable. Elles ne peuvent pas, d'abord parce qu'elles sont trois...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est comme dans Tchekhov !

M. Gilbert Gantier.

... et non deux, conclure entre elles un pacte de solidarité. Quand l'une d'entre elles viendra à décéder, les survivantes ne pourront pas bénéficier des avantages fiscaux que vous prévoyez dans le cadre du PACS en cas de décès. Elles ne pourront pas plus bénéficier des avantages fiscaux d'une déclaration commune.

J'avoue que je n'y comprends rien ! Je ne vois pas du tout pourquoi deux messieurs ou deux dames qui vivent ensemble pourraient bénéficier d'avantages fiscaux, faire une déclaration de revenus commune et hériter dans des conditions privilégiées alors que trois soeurs ou trois frères qui ont décidé de vivre ensemble ne le pourraient pas.

On me répondra que c'est parce que le texte - on ne le dit pas vraiment ou on ne le dit qu'à moitié - est fait uniquement pour les couples homosexuels.

Mes chers collègues, je ne suis pas un grand spécialiste de la question...

M. Bernard Birsinger.

Ça se voit !

M. Gilbert Gantier.

... mais je crois savoir, ayant fait quelques études dans ma jeunesse, que l'homosexualité n'est pas un phénomène tout à fait nouveau. Je sais que, depuis quelques siècles et même quelques millénaires, il y a eu de grands homosexuels...

M. Bernard Birsinger.

A une époque, il était même conseillé de l'être !

M. Gilbert Gantier.

... à qui nous devons des oeuvres de tous ordres, notamment picturales et musicales, considérables.

M. Charles de Courson.

Et le code civil !

M. Gilbert Gantier.

Mais ils ont vécu ainsi et n'ont jamais demandé d'avantages fiscaux ! Pourquoi les homosexuels se réveillent-ils en 1999, avec l'aide de la majorité actuelle, pour dire : « Attention, on avait oublié que nous existons et, maintenant que nous existons, nous demandons des avantages fiscaux ! » Or on refusera ces avantages à trois frères ou à trois soeurs qui vivent ensemble après le décès de leurs parents.

Je n'y comprends rien ! Pourquoi prévoir à l'article 2, une imposition commune pour un couple homosexuel et, à l'article 3, un privilège successoral alors que trois soeurs qui vivent ensemble n'ont pas le droit de léguer à l'une d'entre elles une partie de leur avoir avec un privilège fiscal ? D'après le code des impôts, elle ne peuvent bénéficier d'un avantage fiscal. Quel est le fondement philosophique de ces cadeaux fiscaux ? Je suis, comme nous tous, un contribuable, et je suis très content quand j'apprends que des avantages fiscaux sont accordés aux familles. Récemment, un grand organisme national, l'INSEE, a publié un rapport très intéressant, auquel je vous suggère, madame la garde des sceaux, de vous reporter. Il concerne le coût que représente un enfant. L'INSEE estime que ce coût est très supérieur au quotient familial que vous n'avez cessé de diminuer au cours des années.

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

M. Gilbert Gantier.

Et les chiffres que cite l'INSEE ne sont pas des chiffres de complaisance !

M. le président.

Monsieur Gantier, veuillez conclure !

M. Gilbert Gantier.

Je termine, monsieur le président.

On va accorder des avantages fiscaux à des couples homosexuels qui ne font rien pour la perpétuation de notre société, de notre pays, de notre langue, de tout ce qui constitue, comme disait Renan, « les éléments d'une nation ».

Je n'y comprends rien, et c'est la raison pour laquelle je ne vois pas du tout pourquoi certains d'entre nous voteraient un texte aussi extravagant. Ne comptez pas sur ma voix...

Mme Véronique Neiertz.

On ne vous demande pas de le voter !

M. Gilbert Gantier.

... car j'y suis totalement hostile ! (M. Patrick Ollier remplace M. Arthur Paecht au fauteuil de la présidence.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

Je demande à chaque orateur de respecter le temps de cinq minutes qui lui est imparti, d'autant plus que de très nombreux orateurs sont inscrits sur l'article 1er

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Monsieur le président, j'essaie, quant à moi, de comprendre.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ah ! l'opposition est divisée ! (Sourires.)

M. Dominique Dord.

Je rejoins en partie mon collègue Gilbert Gantier.

Je me suis exprimé sur le sujet hier, regrettant que, dans la nouvelle version que vous nous proposez, non seulement le PACS ait été réintroduit, mais la possibilité de prendre en compte une autre forme de solidarité interpersonnelle supprimée.

C harles de Courson a parlé des couples vivant ensemble avec des enfants. Mais nous connaissons tous dans nos circonscriptions des personnes frères et soeurs ou même étrangères l'une à l'autre vivent ensemble. Mais à ceux-là il ne sera pas accordé le moindre droit.

Avec l'article 1er , ça passe ou ça casse. C'est avec cet article que l'espoir, que j'ai formulé hier, de nous mettre peut-être d'accord, ou au moins de cheminer les uns vers l es autres, pour essayer de trouver une position commune, risque d'être déçu.

Nos conceptions sont différentes et cette différence se concrétise dans l'article 1er . Sur les autres articles, qui prévoient simplement d'ouvrir un certain nombre de droits ou de mettre fin à des situations d'injustice, nous pourrions nous mettre d'accord : mais, comme ils sont subordonnés à la conclusion du PACS définie à l'article 1er , si vous persistez à maintenir ce dispositif, l'espoir de cheminer un peu les uns vers les autres ne pourra évidemment plus se concrétiser.

Quant à nous, nous sommes persuadés que nous pouvons résoudre tous les problèmes que vous souhaitez résoudre sans cette vision emblématique contractuelle que vous proposez d'introduire dans le code civil et, qui plus est, dans le livre concernant le droit des personnes.

Nous pensons que le pacte civil de solidarité ainsi rétabli crée une nouvelle institution qui viendra, ainsi que vous l'avez démontré au Sénat, madame la garde des sceaux, en concurrence avec les autres - je pense non seulement au mariage, mais aussi à l'union libre -, créant ainsi les « unions de troisième classe » dont nous parlions tout à l'heure.

Nous vous demandons en conséquence, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, de modifier l'article 1er ou de le retirer. Vous pouvez de bonne foi, si telle est vraiment votre préoccupation, régler toutes les situations d'injustice auxquelles sont exposés certains de nos concitoyens vivant en couple hors mariage sans le pacte civil de solidarité, c'est-à-dire sans l'article 1er

Si, en revanche, vous persistez - j'ai cru comprendre que telle était votre intention - à vouloir réintroduire, comme le propose la commission des lois, l'article 1er , vous ne vous mettrez pas dans la situation de rassembler le plus grand nombre de Françaises et de Français derrière votre volonté de prendre en compte ces nouvelles formes de solidarité : vous vous exposerez au contraire à une fracture profonde de l'opinion publique puisque, et vous le savez bien, beaucoup de Françaises et de Français sont hostiles à la nouvelle institution que vous souhaitez créer.

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche, rapporteur.

J'y renonce, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

L'article 1er représente 90 % du texte, ce qui explique que la majorité des sous-amendements le concernent. Si nous trouvions un accord sur cet article, les suivants ne poseraient aucun problème.

Les deux amendements de rétablissement du PACS que vous avez déposés, mes chers collègues, comptent, avec leurs exposés des motifs, quatre pages. A eux seuls ils pourraient presque constituer une loi.

Vous avez mis à profit la navette entre notre assemblée et le Sénat pour corriger quelques-unes des erreurs les plus grossières que comportait votre proposition initiale.

Ainsi, vous avez corrigé votre texte à propos des tutelles, vous avez reconnu au PACS la qualité de « contrat » et vous avez supprimé les dispositions relatives aux fratries : trois demandes formulées par l'opposition en première lecture et qui furent traitées tantôt avec ironie, tantôt a vec mépris. Finalement, vous avez fini par nous rejoindre.

Il n'en demeure pas moins que votre proposition continue de receler nombre d'incohérences, d'imprécisions et de contradictions qui seront à coup sûr source de grandes difficultés et de fraudes en tout genre. Elles seront source de difficultés d'abord pour les personnes qui, vous faisant confiance, entreront dans la mécanique infernale de votre dispositif. Contrairement à ce que vous essayez de nous faire croire, votre proposition risque bien de se retourner contre les bénéficiaires eux-mêmes.

En effet, ainsi que nous l'avons soutenu en première lecture, et cela se confirme avec la nouvelle version, le PACS est, pour les partenaires, tout sauf protecteur. De ce point de vue, plusieurs questions ne sont toujours pas réglées.

Vous instaurez une totale liberté contractuelle quant au contenu même des pactes qui seront rédigés. En clair, les personnes intéressées par votre dispositif pourront s'engager mutuellement sur des obligations dont la portée juridique pourrait être nulle. En effet, que se passera-t-il lors de la rupture d'un pacte s'il s'avère que ce dernier, censé déterminer les conséquences de la rupture pour les partenaires, contient des dispositions manifestement contraires à la loi ? Comment voulez-vous que le juge reconnaisse des effets juridiques à des textes forcément complexes, qui auront été rédigés sans le conseil d'un professionnel du droit ? De plus, votre proposition de loi instaure une présomption d'indivision pour le régime des biens qui auront été acquis postérieurement à la conclusion du pacte ou dont on ne pourra connaître la date d'acquisition. Là encore, l'avis est unanime : vous retenez la solution la plus complexe, celle de l'indivision, qui va instaurer de véritables imbroglios juridiques lors de la rupture.

Vous allez me rétorquer : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Pour ma part, j'aurais préféré que l'on applique le régime de la séparation des biens ou de la communauté réduite aux acquêts, qui aurait eu au moins le mérite de la simplicité.

Enfin, votre texte n'établit aucune présomption de paternité. Vous m'assurez qu'il n'intéresse pas les enfants et qu'il est censé ne concerner en aucun point la vie


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

familiale. Mais nous verrons que, dans les cas où des étrangers seront impliqués, la carte familiale aura son importance. C'est là une nouvelle incohérence. Vous nous affirmez que le texte n'intéresse pas les enfants alors qu'il est censé s'adresser, entre autres, à des couples hétérosexuels susceptibles, par nature, d'avoir des enfants.

L'alternative est simple. Soit vous considérez que le PACS ne concernera que des homosexuels et, dans ce cas-là, je serai d'accord avec vous : point n'est besoin de parler des enfants. Soit vous considérez, et c'est votre position officielle, que votre proposition de loi s'adresse aussi à des couples hétérosexuels et, dans ce cas-là, elle présente, sur le plan de la protection des enfants, une énorme lacune.

Enfin, comment accepter ce qui ressemble à s'y méprendre à l'introduction du droit à la répudiation ? Je sais que cette question vous hérisse mais, pour le plus faible, ce sera bien l'insécurité totale du jour au lendemain : il pourra être répudié par son partenaire alors qu'il aura bénéficié d'avantages liés au PACS. C'est bien une véritable répudiation - même si elle est différée de trois mois - que vous créez avec le PACS ! Le délai de prévenance de trois mois et la signification par voie d'huissier n'y changent rien ! La réalité, c'est que le pacte civil de solidarité peut être rompu à tout moment, brutalement, dérogeant ainsi au droit des contrats.

Si votre pacte civil de solidarité est un danger pour les partenaires eux-mêmes, il est aussi un danger pour la société dans son ensemble.

Telle est l'argumentation qu'au travers de nombreux sous-amendements je développerai, nullement pour le plaisir de faire durer le débat, mais simplement pour montrer, une fois de plus, les incohérences de votre texte.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

En réintroduisant l'article 1er , c'est-à-dire l'essentiel du dispositif du PACS, le rapporteur et le Gouvernement montrent qu'ils n'ont rien changé à leur volonté : ils essaient de se garantir, en retenant quelques-unes des objections formulées par l'opposition en première lecture, contre des risques d'inconstitutionnalité grossiers et flagrants.

Mme Christine Boutin.

C'est vrai ! Mais il en reste encore !

M. Bernard Accoyer.

Il ne faudrait pas que l'on croie que cette navette soit un moyen d'enrichir, comme s'est plu à le dire le rapporteur en commission, un texte auquel nous ne nous rallions en aucune façon.

Nous sommes toujours dans le même dogmatisme, nous sommes toujours dans la même logique, on vise toujours le même but : institutionnaliser le couple homosexuel et lui accorder des avantages.

Autant nous avons, à maintes reprises, manifesté notre souhait de régler les problèmes fiscaux qui peuvent se poser à certains couples homosexuels authentiquement identifiés ou, en tout cas, ayant une vie commune patente, autant nous avons dit que nous étions prêts à chercher avec vous des solutions aux problèmes sociaux et aux problèmes de succession qui peuvent se poser - ce que nous avons d'ailleurs proposé pour le biais d'une proposition de loi et par voie d'amendements au projet de loi de finances pour 1999 -, autant nous dénonçons, avec la même vigueur, les incohérences et, surtout, les dangers de ce texte, en particulier de son article 1er qui, même avec les modifications qui ont été apportées, présente toujours les mêmes risques, comme cela a été excellemment rappelé par les orateurs précédents, notamment par

M. Thierry Mariani.

Le PACS est maintenant devenu un contrat. Nous vous l'avions demandé à de multiples reprises, alors que Mme la garde des sceaux, qui s'est plu à rappeler que nous avons débattu ici pendant soixante-dix heures en première lecture, n'avait pas eu de mots assez durs pour nous renvoyer dans nos foyers en disant que nos arguments en faveur du contrat étaient sans aucune valeur - le compte rendu de nos débats l'atteste.

De la même façon, on ne peut que s'interroger sur un certain nombre de dispositions nouvelles relatives à la rupture. Celles-ci ne protègent en rien les plus faibles.

Répétons-le, ce texte est fait pour les forts, pour les riches, pour les instruits, pour les cultivés. Il aura des conséquences négatives pour les enfants, les femmes, les familles, les plus faibles. Cela est tout à fait indigne ! Pour toutes ces raisons, il convient que vous retiriez l'article 1er . (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Mon intervention portera sur un point particulier de l'article 1er

L'article 515-4 constitue, à mon sens, le point fort du texte, puisqu'il dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et matérielle. Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte ».

Ce point me fait m'interroger sur le mot « solidarité ».

Selon le Petit Robert, la solidarité implique l'idée de porter assistance et, selon l'encyclopédie Hachette, elle est obligatoirement liée à un sentiment de responsabilité.

En effet, si le PACS crée des droits, j'ai bien peur qu'il ne crée pas réellement de devoirs. Quels seront, messieurs les rapporteurs, les obligations et les devoirs d'assistance, de soutien moral et physique entre des partenaires pacsés dont l'un tomberait gravement malade ou resterait invalide ? Où est le devoir d'assistance et de secours ? Si une obligation d'ordre matériel est prévue, notamment en matière de dettes, rien n'est clairement précisé pour garantir une protection ou un soutien en cas de dépendance, notamment si l'une des personnes pacsées connaît des problèmes de santé. Y a-t-il une obligation de soin en cas de maladie ?

M. Thierry Mariani.

Bonne question !

M. Bernard Perrut.

Les modalités de cette aide pourront éventuellement être fixées par le pacte, me répondrez-vous, mais pensez-vous honnêtement que les partenaires, au moment de la rédaction de leur contrat, puissent envisager l'avenir et tous les problèmes qui pourraient surgir ? De plus, rien n'empêchera de proposer des conditions dérisoires et c'est encore le plus démuni, le plus vulnérable des deux partenaires qui en fera les frais. Ne doit-on pas d'ailleurs prévoir la non-résiliation du PACS si la rupture a pour conséquence d'entraîner un préjudice très grave pour une personne âgée ou qui connaît de graves problèmes de santé ? Le PACS, à mon sens, ne tient pas compte de ce que devrait être la vraie solidarité, c'est-à-dire la dépendance mutuelle, qui doit d'ailleurs aller beaucoup plus loin, jusqu'à une obligation intergénération. Je voudrais aussi m'arrêter sur ce point. En effet, comme chacun le sait, il existe une obligation alimentaire des enfants envers les


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parents, mais l'article 206 du code civil prévoit aussi une obligation alimentaire du gendre et de la belle-fille envers ses beaux-parents. Or, dans la mesure où le PACS, votre merveilleux produit, va séduire en raison des avantages qu'il procurera, il y aura de moins en moins de gendres et de belles-filles alors que, dans le même temps, la durée de la vie s'allongera.

Vous risquez donc, d'une certaine manière, de placer des parents, des beaux-parents en situation d'exclusion, et ce sont encore les plus démunis d'entre eux qui en souffriront le plus. Mais y avez-vous pensé ?

M. Thierry Mariani.

Bien sûr que non !

M. Bernard Perrut.

Enfin, je reviendrai rapidement sur le grave problème des enfants et de l'éducation perturbée qu'ils vont recevoir si l'un ou l'autre de leur parent est tenté d'utiliser cette formule de contrat d'ordre matériel de manière renouvelée et - pourquoi pas ? - avec des partenaires successifs. Quant aux enfants, rien n'indique dans votre texte que les partenaires auront l'obligation de les nourrir, de les entretenir, de les aider. Rien n'indique non plus que l'aide mutuelle et matérielle entre pacsés ne devra pas léser les enfants.

Chers collègues auteurs de ce texte, comment osez-vous encore affirmer qu'il n'aura aucune incidence sur le droit de la famille ? J'ai bien peur que le PACS ne soit en quelque sorte le pacte de deux égoïsmes et en aucune façon le pacte de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

L'opposition m'avait chargé, en première lecture, d'essayer de défricher un problème, soigneusement éludé par l'actuelle majorité ainsi que par le Gouvernement, qui a encore moins d'excuse que la majorité parlementaire, à savoir celui du coût du PACS.

Dans son rapport, notre collègue Michel nous dit qu'il est impossible à estimer. Cette réponse n'est pas acceptable, car vous avez eu des mois pour le faire. En outre, le Gouvernement ayant appuyé votre proposition - vous l'avez même préparée en étroite liaison avec lui dans une deuxième phase -, le ministre des finances était parfaitement capable d'estimer ce coût. Vu mon lourd passé dans ce domaine, j'ai donc essayé de procéder à cette évaluation.

M. Dominique Dord.

Aïe, aïe, aïe ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Cela n'a pas été simple car, pour ce faire, il fallait déjà connaître le pourcentage des personnes susceptibles de se pacser, que l'on appellera

« pacsables », et qui se pacseront. Je suis donc parti d'hypothèses allant d'un tiers qui se pasceraient au terme de quelques années, à deux tiers et à la totalité. Et qu'ai-je trouvé comme coût, mes chers collègues ? Pour ce qui est de l'impôt sur le revenu, le manque à gagner pour le Trésor se situerait dans une fourchette allant de un milliard, un milliard et demi à trois milliards, trois milliards et demi. Pour obtenir ce résultat, il m'a suffi d'exploiter des statistiques fiscales concernant les célibataires, au sens fiscal, qui sont la cible du PACS, et j'ai raisonné sur la moyenne de leur taux d'imposition.

Les économies d'impôt seraient extrêment variables, allant d'un très léger moins dans les cas limites de gens modestes se pacsant ou se mariant, puisque ce serait la même situation, à des économies considérables. J'avais d'ailleurs fait le calcul pour moi. Si je me pacsait, j'économiserais 38 000 francs d'impôt.

M. Jean-Pierre Blazy.

Eh bien faites-le !

Mme Nicole Feidt.

Qu'attendez-vous ?

M. Charles de Courson.

Mais, mes chers collègues, je vous en ai menacés !

M. Jean-Pierre Blazy.

Y a-t-il un volontaire dans la salle ? (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Le deuxième coût lié à l'abattement en matière de droits sur les successions. C'est aussi un problème compliqué. Je suis donc parti d'une hypothèse assez simple consistant à calculer sur la base d'une succession moyenne et à appliquer un taux de mortalité normal dans les hypothèses d'un tiers, deux tiers, trois tiers des pacsables qui se pacsent pour voir ce que cela donne en régime de croisière. Et là je suis arrivé à un résultat à peu près du même ordre de grandeur que pour l'impôt sur le revenu. C'est bizarre, me direz-vous ! Non, c'est très simple. L'économie réalisée sur les droits de succession sera en effet considérable puisque le passage de la situation de concubin à celle de pacsé se traduira par une exonération sur les 290 000 premiers francs. L'économie sera de 60 % du différentiel. Au-delà, elle ne sera plus que de 20 %, puis de 10 %. On a donc une assez bonne approche. En moyenne, les pacsés gagneraient ainsi entre 100 000 et 120 000 francs par succession par rapport à la situation actuelle.

Le coût serait au minimum de 4 ou 5 milliards, et pourrait s'élever à 9 ou 10 milliards. Je parle là du coût direct.

Mais il y aura aussi inéluctablement un coût indirect sur les retraites. Je n'ai cessé de le dire parce que je m'intéresse à ce problème depuis plus de vingt-cinq ans. Vous ne pourrez, en effet, soutenir longtemps que le pacsé survivant avec enfant ne pourra avoir droit à la pension de réversion alors que celui d'un couple marié avec enfant y a droit.

M. Thierry Mariani.

Absolument !

M. Charles de Courson.

Et alors là, mes chers collègues, savez-vous ce que cela coûtera en régime de croisière ? J'ai fait une analyse régime par régime, puisque les systèmes sont différents - mais avec cinq régimes on a 90 % de retraites françaises - et je suis arrivé à une majoration de 8 % environ des pensions de réversion et des ayants droit, parce qu'il y a aussi le problème des orphelins, même s'il est secondaire par rapport à celui des pensions de reversion. On tourne donc autour de quinze à vingt milliards supplémentaires par an en régime de croisière sur les retraites. Je traduis en termes de taux de cotisation sociale : il faudra environ 0,5 point de cotisation sociale retraite supplémentaire pour financer cette majoration alors même que, dans la situation où nous sommes, il faudra bientôt réformer les régimes de retraite en abaissant les prestations pour éviter l'explosion des taux de cotisation qui sinon, je vous le rappelle, doubleront d'ici à 2040, passant pour le régime général de 25 % à près de 50 %. Avez-vous mesuré tout cela, mes chers collègues ? Ce que j'ai été capable de faire en quelques heures de travail, a vec l'aide d'administrateurs de la commission des finances, n'étiez-vous pas en mesure, messieurs les rapporteurs, de le faire ou de le faire faire par les services du ministère des finances ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson.

Qui va payer la note, la note directe et la note indirecte ?

M. Bernard Birsinger.

Les célibataires !

M. Charles de Courson.

Toujours les mêmes : les vrais célibataires et les couples mariés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République française et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Véronique Neiertz.

C'est quoi les faux célibataires ?

M. Charles de Courson.

Car sur qui d'autre allez-vous faire peser le poids direct du PACS, et demain, voire après-demain, le coût des retraites ? Sur les familles et les célibataires ! Il n'y a pas 36 000 solutions, puisqu'il n'existe que trois catégories : les gens mariés, les « pacsés », les célibataires. Donc si vous abaissez les prélèvements obligatoires pour les couples « pacsés »...

M. le président.

Je crois que l'Assemblée a compris, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson.

... vous les augmenterez pour les célibataires et les gens mariés. Rappelez-vous, mes chers collègues, le pourcentage de célibataires et de couples mariés ! En étant optimistes, disons que la moitié des pacsables se pacseront. Eh bien, 90 à 92 % des Français verront leurs impôts augmenter pour payer le PACS.

Bravo ! Bonjour les dégâts et vive la solidarité sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 4 corrigé est présenté par M. JeanP ierre Michel, rapporteur ; l'amendement no 27 par

M. Bloche, rapporteur pour avis.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Rétablir l'article 1er dans le texte suivant :

« Le livre Ier du code civil est complété par un titre XII ainsi rédigé :

« Titre XII

« Du pacte civil de solidarité et du concubinage

« Chapitre Ier

« Du pacte civil de solidarité

« Art. 515-1 - Un pacte civil de solidarité est un c ontrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.

« Art. 515-2 - A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

« 1o Entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus ;

« 2o Entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du mariage ;

« 3o Entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité.

« Art. 515-3 - Deux personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence commune.

« Le greffier inscrit cette déclaration sur un registre.

« A peine d'irrecevabilité, les intéressés produisent au greffier la convention passée entre eux en double original. Ils joignent, aux fins de conservation par celui-ci, les pièces d'état civil permettant d'établir la validité de l'acte au regard de l'article 515-2 ainsi qu'un certificat du greffe du tribunal d'instance de leur lieu de naissance ou, en cas de naissance à l'étranger, du greffe du tribunal de grande instance de Paris, attestant qu'ils ne sont pas déjà liés par un pacte.

« Le greffier vise et date les deux exemplaires originaux de la convention et les restitue à chaque partenaire.

« Il fait porter mention de la déclaration sur un registre tenu au greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger, au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

« L'inscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au pacte civil de solidarité et le rend opposable aux tiers.

« Toute modification du pacte fait l'objet d'une déclaration conjointe inscrite au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial, à laquelle est joint, à peine d'irrecevabilité et en double original, l'acte portant modification de la convention. Les formalités prévues au quatrième alinéa sont applicables.

« A l'étranger, l'inscription de la déclaration conjointe d'un pacte liant deux partenaires dont l'un au moins est de nationalité française, et les formalités prévues aux troisième et quatrième alinéas sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français ainsi que celles requises en cas de modification du pacte.

« Art. 515-4 - Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et matérielle. Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte.

« Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun.

« Art. 515-5. A défaut de stipulations contraires de l'acte d'acquisition, les biens des partenaires acquis à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont soumis au régime de l'indivision. Les biens dont la date d'acquisition ne peut être établie sont également soumis au régime de l'indivision.

« Art. 515-6. Les dispositions de l'article 832 sont applicables entre partenaires d'un pacte civil de solidarité en cas de dissolution de celui-ci, à l'exception de celles relatives à tout ou partie d'une exploitation agricole, aux éléments mobiliers nécessaires à celle-ci, ainsi qu'à une quote-part indivise ou aux parts sociales de cette exploitation.

« Art. 515-7. Lorsque les partenaires décident d'un commun accord de mettre fin au pacte civil de solidarité, ils remettent une déclaration conjointe écrite au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel l'un d'entre eux au moins a sa résidence. Le greffier inscrit cette déclaration sur un registre et en assure la conservation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

« Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il signifie à l'autre sa décision et adresse copie de cette signification au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.

« Lorsque l'un des partenaires met fin au pacte civil de solidarité en se mariant, il en informe l'autre par voie de signification et adresse copies de celle-ci et de son acte de naissance, sur lequel est portée mention du mariage, au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.

« Lorsque le pacte civil de solidarité prend fin par le décès de l'un au moins des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de l'acte de décès au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.

« Le greffier, qui reçoit la déclaration ou les actes prévus aux alinéas précédents, porte ou fait porter mention de la fin du pacte en marge de l'acte initial.

Il fait également procéder à l'inscription de cette mention en marge du registre prévu au cinquième alinéa de l'article 515-3.

« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation de la déclaration ou des actes prévus aux quatre premiers alinéas sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français, qui procèdent ou font procéder également aux mentions prévues à l'alinéa précédent.

« Le pacte civil de solidarité prend fin, selon le cas :

« 1o Dès la mention en marge de l'acte initial de la déclaration conjointe prévue au premier alinéa ;

« 2o Trois mois après la signification délivrée en application du deuxième alinéa, sous réserve qu'une copie en ait été portée à la connaissance du greffier du tribunal désigné à cet alinéa ;

« 3o A la date du mariage ou du décès de l'un des partenaires.

« Les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité. A défaut d'accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 4 corrigé.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cet amendement constitue le corps même de notre texte. La commission des lois vous propose, en effet, de rétablir le pacte civil de solidarité que le Sénat avait supprimé au profit du concubinage, avec des droits afférents. Je comprends donc très bien la rapide discussion qui a eu lieu tout à l'heure et les objections dirimantes de l'opposition à cet égard.

Nous avons apporté des améliorations au texte issu de nos travaux de première lecture pour tenir compte de certaines observations, et non pas forcément pour faire plaisir à tel ou tel.

Nous avons d'abord affirmé le caractère conventionnel du pacte, en précisant que c'est véritablement un contrat.

Ensuite, dans le texte proposé pour l'article 515-3, nous avons décrit la procédure exacte devant le greffe du tribunal d'instance, avec la nécessité de déposer la convention en deux exemplaires qui seront restitués aux deux intéressés, le pacte étant opposable aux tiers à partir de l'inscription sur le registre du lieu de résidence.

A l'article 515-4, nous avons mieux précisé les devoirs, en disant que la solidarité s'étendrait aux dettes relatives au logement commun. Je voudrais d'ailleurs répondre à M. Perrut que les obligations à l'égard des enfants ne c oncernent absolument pas les gens mariés. Elles c oncernent les parents, quel que soit leur statut.

L'article 371-2 du code civil n'est pas dans le chapitre sur le mariage. Il figure dans le chapitre sur l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant. Donc, quel que soit leur statut, qu'ils soient mariés ou non, qu'ils soient concubins ou célibataires, les parents ont un devoir de garde, de surveillance et d'éducation vis-à-vis des enfants, et le PACS ne change rien à l'affaire ! A l'article 515-6, nous avons sorti de l'attribution préférentielle le régime de l'exploitation agricole, sinon cela aurait été beaucoup trop compliqué.

Enfin, si la séparation ne se fait pas d'un commun accord et s'il faut recourir au juge pour déterminer comment s'appliquera la convention initiale, j'ai tenu à ce que l'on précise, à l'article 515-7, que le juge statuera sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi, cela pour répondre à certaines objections et pour tenir un engagement que j'avais pris oralement en première lecture.

Voilà quel est cet amendement qui rétablit le pacte civil de solidarité dans notre proposition de loi. Nous allons maintenant examiner tous les sous-amendements, monsieur Mariani - je vois que vous vous énervez déjà.

M. Thierry Mariani.

Je ne m'énerve pas !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

J'ajoute, monsieur de Courson, que vous avez fait preuve d'une grande courtoisie, mais également d'une certaine mauvaise foi.

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est pas possible !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Car la commission des finances du Sénat a essayé d'évaluer le coût du PACS, mais elle n'a pas réussi.

M. Patrick Devedjian.

Ce n'est pas rassurant ! C'est même plutôt inquiétant !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter l'amendement no 4 corrigé de la commission des lois.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement no

27.

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Cet amendement est identique à celui que vient de vous présenter Jean-Pierre Michel au nom de la commission des lois. Je ne reviendrai donc pas sur les différents articles proposés et les ajustements techniques apportés entre la première et la seconde lecture. Je souhaite simplement donner l'éclairage de la commission des affaires sociales sur les deux modifications opérées l'une à l'article 515-4, l'autre à l'article 515-7.

Nous précisons que le pacte civil de solidarité est un contrat, qui prend sa place de façon très naturelle entre l'union instituée qu'est le mariage et l'union libre, qui est évidemment le choix que feront celles et ceux refusant tout formalisme. A partir de là - je le répète avec force, p uisque c'est un sujet de discussion qui revient continuellement - l'article 515-4 prévoit, avant que les droits soient ouverts, que ce contrat servira de base à des devoirs mutuel. S'agissant de la solidarité à l'égard des besoins de la vie courante, nous avons donc souhaité préciser que les partenaires seront tenus solidairement pour les dépenses relatives au logement commun, qui peuvent représenter un quart ou un tiers des dépenses des ménages. Nous avons voulu apporter cette précision pour bien montrer que nous nous trouvons dans un système équilibré où, certes, sont créés des droits, qui ne sont pas ceux des couples mariés, mais également des devoirs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Quant à la nouvelle rédaction de l'article 515-7 que nous vous proposons, elle a fait l'objet d'une assez longue discussion en première lecture. M. Mariani a utilisé un terme qui me hérisse particulièrement : le mot « répudiation ». Dois-je vous répéter à nouveau qu'il n'a pas de rapport direct avec notre présent débat ?

M. Thierry Mariani.

Quel mot proposez-vous ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Parce que le PACS est un contrat...

M. Thierry Mariani.

Ah ! C'est nouveau !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

... c'est le droit des contrats qui s'appliquera s'il n'y a pas accord entre les deux partenaires au moment de la rupture. Dans ce cas, nous avons souhaité que « le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi ». Cela traduit notre préoccupation de prévoir les cas de rupture abusive et le versement, par le plus fort, de dommages et intérêts au plus faible. Cela dit, vous critiquez la manière dont nous gérons la rupture sans avoir été à aucun moment capables de proposer une alternative.

M. Thierry Mariani.

Supprimez le PACS !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Certains se sont même demandé si l'on n'allait pas, à l'occasion du pacte civil de solidarité, introduire un droit à l'ouverture d'une prestation compensatoire, comme cela est prévu par la loi de 1975 en cas de divorce. Je crois même qu'un sous-amendement reprend cette préoccupation. J'ai le souvenir d'une séance des questions au Gouvernement où notre regretté collègue Michel Crépeau avait réussi à faire l'unanimité sur tous les bancs, de l'opposition comme de la majorité. Tout le monde l'avait applaudi quand il avait porté haut et fort dans cet hémicycle, comme il savait le faire avec talent, la nécessité de réviser la loi de 1975 et cette prestation compensatoire.

M. Charles de Courson.

En effet !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Nous sommes tous d'accord. Il faut réviser la loi de 1975. D'ailleurs, en 1975, le principal moyen de paiement de cette prestation compensatoire était le versement d'un capital. Or la règle est devenue le versement d'une rente qui se trouve être indexée, sans limitation de durée, transmissible et surtout presque impossible à réviser.

A partir du moment où nous souhaitons réviser la loi de 1975, à partir du moment où ce sera sans doute fait à l'occasion de la réforme du droit de la famille que Mme la garde des sceaux nous présentera dans quelques mois, il serait imprudent d'instituer le versement d'une prestation compensatoire en cas de rupture du pacte civil de solidarité. La solution que nous avons choisie, consistant à introduire de manière précise la notion de dommages et intérêts, non seulement correspond à la logique de la rupture de contrat, mais de plus permet de ne pas anticiper sur nos débats à venir.

Je terminerai sur un point. Vous avez souhaité, monsieur de Courson, évoquer les droits fiscaux à l'occasion de la discussion de l'article 1er , alors que ce sont les articles suivants, notamment l'article 2, qui en traitent.

M. Charles de Courson.

J'ai parlé du coût du PACS !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Vous prétendez avoir fait des calculs.

M. Charles de Courson.

Mais non !

M. Bernard Accoyer.

C'est vous qui le prétendez !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

M. de Courson nous a dit avoir fait des estimations en fonction de ce qu'il connaît, en prenant comme hypothèse que la moitié ou le tiers des célibataires choisiraient le PACS, etc., il a ajouté que s'il se pacsait, il paierait 38 000 francs d'impôts en moins.

M. Charles de Courson.

Le calcul esr facile à faire !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Or j'ai constaté au mois de février que si je me pacsais et si je remplissais une déclaration commune, je paierais 4 000 francs d'impôt en plus !

M. Bernard Accoyer.

Vous êtes marié ! vous ne pouvez pas vous pacser ! Nous l'avons appris dans l' Anthologie parlementaire de poésie(s) ! (Sourires.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

L'imposition commune, contrairement à ce que vous affirmez de manière continuelle, n'a pas systématiquement pour conséquence de permettre de payer moins d'impôt.

M. Charles de Courson.

Je l'ai dit !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Si un délai entre deux et trois ans est prévu pour que s'applique l'imposition commune, c'est bien pour que le Gouvernement et nous-mêmes, parce que c'est notre responsabilité d'élus, puissions mesurer dans le temps l'ampleur du succès du pacte civil de solidarité et en évaluer progressivement l'impact budgétaire, en fonction du nombre de signatures.

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas sérieux !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis évidemment favorable à ces deux amendements qui rétablissent le pacte civil de solidarité. Je trouve également très bien venues les améliorations introduites à cette occasion, notamment pour préciser la nature jurique et le régime d'enregistrement du PACS, l'extension de la solidarité aux dettes relatives au logement et l'exclusion du bénéfice de l'attribution préférentielle aux exploitations agricoles entre partenaires d'un PACS. Je proposerai moi-même une modification à l'article 1er . Encore une fois, je suis tout à fait favorable au rétablissement de l'article 1er ainsi modifié.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur Bloche, monsieur Michel, il faut écouter de temps en temps les orateurs de l'opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous ai dit tout à l'heure que certains célibataires, ceux qui ont des revenus modestes, paient plus d'impôt quand ils se marient. Et je dis que je n'ai jamais vu un texte voté après des mois de discussion sans aucune évaluation financière, alors qu'un modeste député,...

M. Bernard Accoyer.

Un député de base !

M. Charles de Courson.

... avec ses modestes moyens, a pu en faire. Et je vous ai fourni les hypothèses.

Vous savez qu'aucune disposition de la loi de finances, dans sa partie recettes, n'est proposée sans évaluation préalable. Alors, monsieur Bloche, comment le ministère des finances a-t-il pu vous laisser faire sans vous communiquer le moindre ordre de grandeur ? Eh bien, je vais vous répondre : dans la nouvelle version du PACS et suite aux critiques de l'opposition, vous avez fixé toute une série de délais. Ainsi, et ceux qui sont astucieux ou qui connaissent le droit budgétaire l'ont compris, les premiers coûts du PACS n'apparaîtront qu'après la fin de cette législature !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

M. Thierry Mariani.

Exactement !

M. Charles de Courson.

Vous amorcez donc une bombe. Vous allumez la mèche...

M. Bernard Accoyer.

C'est du terrorisme !

M. Charles de Courson.

... et vous vous sauvez avant qu'elle n'explose ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Nous serons à la réception !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Nous serons là. Ne vous inquiétez pas !

M. Charles de Courson.

Monsieur Bloche et monsieur Michel, pouvez-vous me dire à partir de quelle date, en l'état actuel de votre proposition et de vos amendements, y aura-t-il un coût pour l'Etat ? Je vous le donne en mille : 2002 ! Cette date vous rappelle-t-elle quelque chose, mes chers collègues ? Après certaines échéances...

Cela illustre très bien la politique que mène actuellement le Gouvernement. On vit à crédit, on fait mine de donner des droits pour récupérer quelques voix, mais on ne prévoit pas les financements.

M. Richard Cazenave.

Ce sont les socialistes. On dépense avant et on paie après !

M. Charles de Courson.

Et, comme d'habitude, il faudra que vos successeurs - probablement nous-mêmes assument les conséquences de vos décisions ! J'appelle donc l'attention, pas celle des membres de la majorité, qui ne l'avaient d'ailleurs peut-être pas vu, mais celle des membres de l'opposition sur la véritable bombe qui est amorcée sur le plan budgétaire. Y compris en matière de retraites car, mes chers collègues, rassurezvous, ils ne feront rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Vous dépassez une fois de plus votre temps de parole !

M. Charles de Courson.

Ils feront tout pour tenir encore dix-huit mois à deux ans. Et après, que l'opposition se débrouille et assume, comme en 1993 avec la réforme indispensable des régimes de retraite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Rappel au règlement

Mme Yvette Roudy.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Roudy, pour un rappel au règlement.

Mme Yvette Roudy.

Il est fondé, monsieur le président, sur l'article 23. Tout à l'heure, Mme Boutin a déposé des amendements au nom d'un groupe qui s'appelle « Osons la famille ! »

M. Bernard Accoyer.

« Oser » la famille !

Mme Yvette Roudy.

Je n'ai rien dit mais je suis allée me renseigner. Ce groupe n'existe pas. Il est inconnu dans l'Assemblée. Par conséquent, madame Boutin, vous ne pouvez pas déposer d'amendements en son nom.

M. Thierry Mariani.

Nous ne sommes pas obligés d'être déclarés !

Mme Yvette Roudy.

Je ne suis pas intervenue comme cela, sans avoir vérifié. Je tenais à vous en informer, monsieur le président.

M. le président.

Madame Roudy, je vous rappelle que le droit d'amendement est un droit individuel pour chaque parlementaire.

Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Mme Roudy vient de nous annoncer une innovation juridique : désormais, pour travailler ensemble, en groupe, il faut être déclarés. C'est bien là une conception socialiste, voire marxiste du travail.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Yvette Roudy.

J'ai indiqué que c'était pour déposer des amendements ! Ne déformez pas mes propos !

M. le président.

Monsieur Mariani, poursuivez. Votre temps de parole s'écoule...

M. Thierry Mariani.

Je rejoins les propos de notre collègue de Courson : en 2002, il nous faudra régler le problème des retraites, celui des emplois-jeunes qui, comme par hasard, arriveront à terme et payer le PACS, qui est effectivement une bombe à retardement.

Cela dit, madame la ministre, je souhaiterais que vous ayez les mêmes égards envers tous les amendements, qu'ils soient proposés par l'opposition ou par votre majorité. Vous venez de dire que pendant la navette, il y avait eu un grand progrès, que nous avions pu préciser la nature juridique du PACS qui est désormais défini comme un contrat. Mais permettez-moi de vous rappeler - et je me repère à la page 10221 du Journal officiel q ue deux amendements : l'amendement no 273 de MM. Mariani, Masdeu-Arus et Doligé et l'amendement no 70 de M. Dord et Mme Boutin, présentés le 8 décembre 1998, lors de la première lecture, proposaient déjà de remplacer le mot « pacte » par le mot « contrat ».

Je vous passe les observations qu'ils avaient suscitées, M. Galut lançant : « Lamentable ! », Mme Bricq : « Arrêtez-le ! »... Et M. Michel, quant a lui, avait fait les remarques suivantes : « Dans les premières propositions de loi qui avaient été déposées, on avait employé l'expression "contrat d'union". On l'a ensuite abandonnée au profit au mot "pacte". Pourquoi ? Parce que, de mon point de vue, le mot "contrat" renvoie beaucoup trop, d'une part, au contrat de mariage, d'autre part, au contrat en matière commerciale. Le Petit Robert définit le "pacte" comme une convention solennelle, c'est exactement de cela qu'il s'agit. »

Mme la ministre n'avait pas daigné répondre à nos amendements qui n'avaient, évidemment, aucun intérêt...

Or, quelques semaines après, ils sont devenus très intéressants.

Tout cela m'inspire deux remarques. La première, c'est que je ne sais pas de quel côté est le sectarisme et l'intolérance. Mais la majorité aurait bien fait de reprendre les amendements présentés par l'opposition afin d'accélérer la discussion et d'éviter une navette, au retour de laquelle elle s'émerveille d'avoir précisé le texte dans le sens où nous l'avions proposé en première lecture. Je pense, chers collègues de la majorité, que vous vous honoreriez à avoir une vue plus ouverte du débat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

La seconde observation me vient à propos de votre acceptation du mot « contrat », ce que nous souhaitions.

M. Michel nous explique que, finalement, le mot

« contrat » est plus proche du mariage. Alors, monsieur Michel, je vous pose la question : votre position a-t-elle évolué au point de considérer que, le PACS étant très proche du mariage, vous pourriez accepter désormais notre amendement ?

M. Bernard Accoyer et M. Patrick Devedjian.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Sans revenir sur l'intervention de Charles de Courson, dont je partage les inquiétudes, je m e contenterai de faire quelques remarques sur l'article 1er

Madame la ministre, vous affirmez enfin le caractère conventionnel du pacte pour lequel nous avions plaidé en première lecture. Vous nous aviez alors reproché de faire de l'obstruction. Cela dit, je m'interroge sur l'absence de logique du système. Si c'est un contrat, ou une convention, pourquoi continuer à l'appeler « pacte » ? Pacte et contrat ou pacte et convention, ce n'est pas la même chose. Mais vous nous avez entendus sur ce point, une fois n'est pas coutume, et nous nous en réjouissons.

A l'article 515-3 du code civil, vous confirmez, définitivement semble-t-il, que le lieu d'enregistrement du PACS sera bien le tribunal d'instance. Je ne rappellerai pas ce pour quoi nous avons longuement plaidé en première lecture. Il nous paraît cependant que faire conclure ce type de contrat dans un tribunal est d'un goût douteux. C'est peut-être mieux qu'à la préfecture, siège du commissariat de police, mais cela reste très insuffisant et très difficile sur le plan pratique, dans la mesure où les tribunaux d'instance ne couvrent pas le territoire aussi bien que les offices notariaux ou les mairies.

Un troisième élément sur lequel nous avions eu un très long débat en première lecture est, en revanche, pour moi source de satisfaction : la nécessité pour les pacsés d'avoir une résidence commune, une communauté de toit. Cela n'était pas apparu de façon évidente à l'issue de la première lecture. Vous l'avez maintenant spécifié. Je m'en réjouis, car, sans résidence commune, il n'y a pas beaucoup de solidarité entre les personnes.

Pour finir, je m'interroge sur les dispositions de l'article 515-7, les plus importantes à nos yeux, concernant la rupture. Vous maintenez « rupture unilatérale », alors que nous pensons que cela équivaut à une « répudiation ». Ce mot a beau vous hérisser, monsieur Bloche, il n'en reste pas moins que c'est exactement la même chose.

Vous confirmez que ce contrat peut être rompu unilatéralement et vous proposez deux systèmes pour ce faire : soit les parties sont d'accord, et vous considérez que l'intervention du juge n'est pas nécessaire ; soit elles ne sont pas d'accord, et l'intervention du juge sera nécessaire.

J'attire une nouvelle fois votre attention sur le fait que les parties peuvent ne se mettre qu'apparemment d'accord. Vous introduisez ainsi la loi du plus fort dans un couple où les rapports de force ne sont pas équilibrés.

C'est alors le conjoint ou le pacsé le plus fort qui emportera la décision. Pour ma part, je juge cela inacceptable.

Vous nous demandez de proposer une autre solution mais là réside toute l'ambiguïté de votre texte. Il existe bien un système pour mettre fin, de la manière la plus sophistiquée, à des unions de personnes : le divorce ! Malheureusement, le divorce fait référence au mariage...

L'institution du mariage civil, nous l'avons répété maintes fois, s'est construite au fil du temps. Elle a ses défauts, ses faiblesses, mais on n'a pas encore trouvé un meilleur dispositif. Et vous qui prétendez révolutionner le code civil en quelques lignes, à coups de bulldozer, vous allez tomber dans certains pièges et notamment celui d'instituer une rupture unilatérale qui provoquera un déséquilibre entre les partenaires qui composaient l'ancien couple.

AVANT L'ARTICLE 515-1 DU CODE CIVIL

M. le président.

Mme Boutin et M. Dord ont présenté un sous-amendement, no 506, ainsi rédigé :

« I. - Supprimer les cinq premiers alinéas de l'amendement no 4 corrigé.

« II. - En conséquence, supprimer les références : "art. 515-1", "art. 515-2", "art. 515-3", "art. 515-4" , "art. 515-5", "art. 515-6" et "art. 515-7". »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je voudrais tout d'abord préciser que le groupe auquel j'ai fait allusion tout à l'heure

« Oser la famille » a été créé sous le gouvernement d'Alain Juppé. Il rassemble une petite centaine de parlementaires dont il aurait été difficile d'indiquer tous les noms. Par facilité de style, j'avais adopté cette formule.

Maintenant que les choses sont clarifiées, j'en viens au sous-amendement no 506.

Lors de la présentation de cette deuxième lecture, Mme la garde des sceaux a insisté sur l'importance du symbolique dont tout ce qui touche au PACS, au mariage, etc. En déposant ce sous-amendement, nous entendons nous aussi témoigner de l'importance que nous attachons au symbole.

Vous nous avez dit, madame la garde des sceaux, chers collègues de la majorité, que vous ne vouliez pas d'un sous-mariage. C'est, du reste, ce qui vous a amenés à refuser la célébration devant le maire. Je vous propose de pousser cette logique jusqu'au bout et de retirer le PACS du code civil, dans la mesure où ce dernier regroupe toutes les institutions de base de la société, dont la famille et la propriété. Ce serait tout un symbole, exactement comme le choix du lieu d'enregistrement du PACS en est un.

En effet, et plusieurs de mes collègues l'ont dit, le PACS n'assure aucune protection aux faibles, puisqu'il y a libre rupture, absence de pension alimentaire, etc., alors que le code civil assure généralement cette protection.

Il faut éviter que nos concitoyens, qui auraient pu se marier, ne concluent un PACS en se croyant protégés par le code civil, alors qu'il n'y trouveront aucune protection ni aucune sécurité. C'est ainsi que, dans d'autres sousamendements, je proposerai de placer le PACS sous d'autres titres.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé ce sous-amendement. Il nous a semblé, comme n ous l'avons dit en première lecture, qu'il fallait maintenir le texte sur le PACS à la place où nous l'avons mis dans le code civil, et non ailleurs, au titre sur les contrats aléatoires ou sur les contrats eux-mêmes, ainsi que le proposeront tout à l'heure M. de Courson ou

Mme Boutin.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

Mme la garde des sceaux.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 506.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un sousamendement, no 500, ainsi rédigé :

« Supprimer le premier alinéa de l'amendement no 4 corrigé. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Je vous propose, monsieur le président, de présenter en même temps le sous-amendement no 504, car son objet n'est pas très différent.

M. le président.

Le sous-amendement no 504, présenté par M. de Courson, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les trois premiers alinéas de l'amendement no 4 corrigé :

« Le livre troisième du code civil est complété par un titre XXI comportant les articles 2281 à 2291 ainsi rédigés :

« Titre XXI

« Du contrat civil de solidarité.» Veuillez poursuivre, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson.

Mes sous-amendements posent une nouvelle fois le problème de la nature du PACS.

En première lecture, après quelques hésitations - c'est le moins qu'on puisse dire - tant du Gouvernement que des rapporteurs, vous avez fini, mes chers collègues, par reconnaître que c'était une convention, c'est-à-dire un constat solennel. Or le « solennel » est de trop. Qu'a-t-il de plus solennel, ce contrat, que le dépôt, au tribunal de commerce, des statuts d'une société que vous constituez ? Je n'y vois pas grande différence si ce n'est que, au moment de la conclusion du PACS, les parties récupèrent les exemplaires. C'est d'ailleurs assez curieux. Tient-on à augmenter les contentieux en matière de preuve ? Que se passera-t-il si l'une des parties conteste l'exemplaire de l'autre ? Comment ferez-vous, en cas de substitution de pages ? La solution serait qu'un exemplaire au moins reste au tribunal d'instance. Or rien n'est prévu de tel. Et je vois un ancien magistrat de la Cour de cassation qui rit, parce que jamais il n'aurait monté une telle usine à gaz, n'est-ce pas, mon cher collègue ? (Sourires.)

L'objet de mon sous-amendement no 504 est tout simplement de préciser que le PACS est un contrat. Du reste, mes chers collègues, quand vous lisez le texte proposé par l'amendement pour l'article 515-4 du code civil, y trouvez-vous beaucoup de différences par rapport à un contrat ? Non. On y lit que le PACS « a minima » est un pacte de solidarité qui apporte une aide mutuelle et matérielle, dont les modalités sont fixées par le pacte luimême.

Je ne vois d'ailleurs pas en quoi on pourrait refuser un PACS qui se base sur une aide matérielle et mutuelle limitée à une chambre et à un bol de soupe. Cela me semble tout à fait compatible avec l'article 515-4. Je serais d'ailleurs intéressé, monsieur le rapporteur, de connaître votre avis en la matière.

Il n'y a donc pratiquement rien d'obligatoire dans le PACS. Les seuls éléments qui le soient sont définis par le contrat pour l'aide mutuelle et matérielle. Certes, vous avez ajouté au deuxième alinéa de l'article 515-4, qui prévoit que « les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers », une référence aux dépenses relatives au logement commun. Mais c'était le minimum, d'autant que nous n'avons cessé de vous faire observer que le logement représente 20 à 25 % des dépenses des ménages. En tout état de cause, cet engagement ne va pas très loin lorsqu'il s'agit de locataires.

En fait, le PACS est un contrat qui ne prévoit pratiquement aucune obligation. Dès lors, certaines personnes pourront passer des PACS qui constitueront des quasi-mariages, du fait des engagements qu'ils auront acceptés - c'est juridiquement possible - tandis que d'autres seront unis par des liens quasi inexistants en termes de droits et de devoirs. Mais dans l'un et l'autre cas, la société devra accorder les mêmes droits.

Voilà pourquoi je considère que ce dispositif devrait figurer dans un autre chapitre du code civil.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les deux sous-amendements ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable. La commission souhaite que ces dispositions figurent dans le livre Ier du code civil qui concerne le droit des personnes et non dans le livre III qui porte sur les contrats, même si le PACS est une convention solennelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 500.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 504.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin et M. Dord ont présenté un sous-amendement, no 507, ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi les deux premiers alinéas de l'amendement no 4 corrigé :

« Le livre III du code civil est complété par un titre XII bis ainsi rédigé :

« Titre XII bis

« II. En conséquence, substituer respectivement a ux références : "art. 515-1", "art. 515-2", "art. 515-3", "art. 515-4", "art. 515-5", "art. 515-6"e t "art. 515-7", les références : "art. 1983-1", " art. 1983-2", "art. 1983-3", "art. 1983-4", "art. 1983-5", "art. 1983-6" et "art. 1983-7". »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je persiste et je signe : le dispositif ne doit pas figurer dans le livre Ier du code civil, qui est consacré aux personnes. Certes, le titre XII viendrait après celui qui concerne les incapables majeurs. Mais on trouve dans le livre Ier le mariage, la filiation et l'adoption. Si le Gouvernement veut écarter toute ambiguïté, il faut donc placer les dispositions relatives au PACS dans le titre concernant les contrats aléaloires, tant il est vrai que le PACS peut être rompu à tout moment, même unilatéralement. Ce choix me paraîtrait plus judicieux.

En effet, chacun des partenaires court la chance de la stabilité et le risque de l'instabilité. Un contrat qui a pour objet une chance et un risque est, par nature, un contrat aléatoire. C'est la définition du code civil, article 1104, alinéa 2.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable pour les mêmes raisons que pour les trois sous-amendements précédents.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 507.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un sousamendement, no 263, ainsi rédigé :

« Dans toutes les dispositions de l'amendement no 4 corrigé, substituer aux mots : "pacte civil de solidarité" les mots : "pacte d'accès à des avantages accordés en dehors du célibat et du mariage". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il ne faudrait pas que cette deuxième lecture - on pourrait d'ailleurs presque parler de troisième lecture, compte tenu de l'incongruité à laquelle s'est livré le Gouvernement en faisant redélibérer notre assemblée sur un texte repoussé par une motion de procédure - laisse penser que nous avons changé d'opinion sur le fondement même de la démarche des instigateurs auxquels je reconnais au moins une grande qualité, leur ténacité.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est réciproque ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

En effet, pour nous, le PACS reste un moyen de se faire octroyer, surtout si on a l'intelligence de le passer au bon moment, un certain nombre d'avantages sociaux et fiscaux qui donneront lieu - nul ne l'ignore - à une multitude de contentieux et de fraudes. Il convenait de le dénoncer une nouvelle fois au travers de ce sous-amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission et les rapporteurs tiennent à la dénomination « pacte civil de solidarité ». Nous nous opposerons donc à tous les sousamendements qui tendront à modifier ce titre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 263.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement M. Thierry Mariani. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Sur quel article le fondez-vous ? M. Thierry Mariani. Sur les articles 49 et 50 qui portent sur la tenue des séances plénières.

Monsieur le président, j'aimerais simplement savoir si l'ordre du jour des séances qui a été fixé mardi dernier sera respecté. En effet, on a entendu dans les couloirs que la séance de demain après-midi pourrait être supprimée pour permettre au Gouvernement d'assister aux obsèques de Michel Crépeau.

M. le président.

Monsieur Mariani, en ce qui me concerne, et à cette heure-ci, je ne suis informé d'aucune modification de l'ordre du jour de demain. Présidant la séance ce soir et demain matin, j'aurais été informé d'un éventuel changement.

M. Thierry Mariani. Je vous remercie.

Reprise de la discussion

M. le président.

Je suis saisi de trois sous-amendements présentés par M. Dord, pouvant être soumis à une discussion commune.

Ces amendements sont ainsi libellés : Sous-amendement no 298 :

« Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement no 4 corrigé :

« Du statut de concubinage. »

Sous-amendement no 299 :

« Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement no 4 corrigé :

« Du contrat de vie en commun. »

Sous-amendement no 301 :

« Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement no 4 corrigé :

« Du pacte de solidarité. »

La parole est à M. Dominique Dord.

M. Dominique Dord.

Le sous-amendement no 298 est retiré.

Le sous-amendement no 299 tend à rendre plus cohérent le texte et les dispositions qu'il prévoit. En effet, la dénomination « contrat de vie en commun » nous paraît mieux définir l'organisation des rapports contractuels entre les personnes que nous visons. Elle n'implique, par ailleurs, pas de règle aussi forte que le mariage qui, comme vous le savez, s'apparente à une institution.

Quant au sous-amendement no 301, il tient compte du fait que le pacte comprend des dispositions certes civiles, mais également fiscales. Il s'agit donc de supprimer le terme « civil » qui apparaît comme superflu.

Tel est l'objet de ces sous-amendements de forme.

M. le président.

Le sous-amendement no 298 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 299 et 301 ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable. Il s'agit d'un changement d'appellation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la garde des sceaux. Même avis que le rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 299.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 301.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois sous-amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 499, présenté par M. de Courson, est ainsi rédigé :

« I. - Dans l'intitulé du titre XII, avant le texte proposé pour l'article 515-1 du code civil, substituer au mot : "pacte" le mot : "contrat".

« II. - Procéder à la même substitution dans le reste de l'amendement no 4 corrigé. »

Les sous-amendements nos 300 et 508 sont identiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

L e sous-amendement no 300 est présenté par MM. Dord, Goasguen, Mattei et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants ; le sous-amendement no 508 par Mme Boutin. Ces sous-amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le troisième alinéa de l'amendement no 4 c orrigé, substituer au mot : "pacte" le mot : "contrat". »

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir le sous-amendement no 499.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, dans un souci d'efficacité, je défendrai en même temps mon sousamendement no 508.

M. le président.

Je vous en prie.

Mme Christine Boutin.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer plusieurs fois sur la nécessité de gommer la confusion qui existe autour de ce texte et que l'on retrouve dans les mots. Ces deux sous-amendements visent précisément à clarifier les choses. Puisque l'on reconnaît enfin que le pacte civil de solidarité est un contrat, appelons-le contrat civil de solidarité. Ce sera beaucoup plus clair pour tout le monde.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir le sous-amendement no 300.

M. Claude Goasguen.

C'est une question de bon sens.

Monsieur le rapporteur, vous avez reconnu à plusieurs reprises que votre proposition avait évolué. Que vous ayez souhaité conserver le nom de « pacte » par référence au premier texte se comprend, d'autant que c'est sous cette appellation qu'il est aujourd'hui connu dans l'opinion publique. Mais nous légiférons pour l'avenir et le texte que nous examinons n'est plus celui de la première lecture. Cette dénomination risque d'accroître encore la confusion. Sans renier la nature du pacte, la logique voudrait que vous l'appeliez contrat. En effet, la notion de pacte en droit français est très résiduelle : il en est parfois q uestion en droit international, rarement en droit commercial et pratiquement jamais en droit civil.

Monsieur le rapporteur, efforcez-vous de limiter les confusions, il y en aura déjà suffisamment. Acceptez la dénomination "contrat civil de solidarité", qui ne changera pas grand chose sur le fond et permettra à chacun de s'y retrouver.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Monsieur Goasguen, pour s'y retrouver il suffit de lire le texte ! Le titre est ce qu'il est et le mot PACS est déjà entré dans l'histoire (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), en dépit de votre opposition systématique, mes chers collègues. Nous considérons donc qu'il n'y a pas lieu d'en changer. Ce sera le PACS, quitte à ce que l'on améliore les dispositions du texte. Donc avis défavorable sur les trois sous-amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Nous avions un petit espoir de vous convaincre puisque vous aviez fini par vous rallier à notre définition du contrat, mais vous n'allez pas au bout de cette logique. Pourquoi n'acceptez-vous pas d'appeler désormais contrat ce que vous avez d'abord appelé pacte ? M. le rapporteur vient de nous répondre que c'est uniquement un effet d'affichage. Je croyais pourtant vous avoir entendu dire que la navette avait permis d'éclaircir la nature juridique de ce contrat. Allez donc, s'il vous plaît, au bout du raisonnement, et faites fi des abréviations qui, à défaut d'être, pour l'instant, entrées dans l'histoire, entretiennent surtout la polémique.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

L'histoire, c'est nous ! La polémique, c'est vous ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

L'histoire mettra surtout en lumière les problèmes que ce texte ne manquera pas de faire naître lorsqu'il sera appliqué.

Ces sous-amendements avaient l'avantage de la logique, qui veut qu'on emploie désormais le terme de contrat à tous les stades du texte. Et plutôt que le PACS, vous auriez très bien pu faire « entrer dans l'histoire » le CACS...

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le rapporteur, vous revendiquez la gloire du PACS, mais l'opposition l'a fait connaître, par son opposition justement, autant que vous par votre soutien. Cette gloire nous revient donc à parts égales. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Tout à fait ! C'est une histoire que nous écrivons ensemble. (Sourires.)

M. Claude Goasguen.

Sérieusement, je crois que le terme de pacte ne convient pas. D'abord, par ses connotations, qui sont très dures. Un pacte, c'est quelque chose de très primaire, de très négatif, de quasiment militaire.

Or je n'ai pas le sentiment que vous ayez voulu construire les relations entre personnes sur des bases quasiment militaires.

Ensuite, je vous assure que, dans quelques années, quand vous, notamment, serez oublié par l'histoire, comme les grands auteurs du code civil le sont aujourd'hui de la plupart de nos concitoyens - voyez que je vous juge à votre juste valeur ! (Sourires) - ce qui restera, c'est ce terme de pacte. Et personne n'y comprendra rien.

Si, donc, vraiment, vous voulez normaliser cette relation en la faisant entrer dans le droit des personnes, ayez recours à la terminologie des juristes et utilisez le terme tout bête de contrat. A moins que l'on doive comprendre que vous voulez faire du mot pacte la pierre angulaire d'un combat entre la droite et la gauche. Alors que le terme contractuel est presque banalisé, vous voulez en faire un terme de division. Mais c'est vous qui aurez choisi la division. Et dans quelques années, mon cher rapporteur, quand les choses auront évolué et que les majorités auront changé, vous verrez qu'il aurait mieux valu choisir ce terme de contrat plutôt que celui de pacte.

Car, n'en doutez pas, cela rappellera un bien mauvais souvenir à l'opposition devenue majoritaire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je ne sais si le PACS entrera dans l'histoire. Mais la date du 9 octobre 1998 est entrée, à coup sûr, dans l'histoire de notre Assemblée. On se souviendra aussi du caractère emblématique que vous avez voulu donner à ce texte et à son cursus, d'ailleurs fort long. Et puis, puisqu'il nous faut nous placer au regard de l'histoire dans notre travail de législateur, on se souviendra surtout du monstre juridique que vous êtes en train de créer, et dont tous les juristes s'accordent à dire qu'il ouvrira un nombre de contentieux incalculable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 499.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 31 MARS 1999

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 300 et 508.

(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique.

Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, no 1479, relative au mariage, au concubinage et aux liens de solidarité : M. Jean-Pierre Michel, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1482) ; M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1483).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT