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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE Mme

NICOLE CATALA

1. Couverture maladie universelle. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 3806).

DISCUSSION

DES ARTICLES (suite) (p. 3806)

Article 12 (p. 3806)

M. Bernard Accoyer.

Amendements de suppression nos 368 de M. Mattei, 390 de M. Accoyer et 398 de M. Bur : MM. Denis Jacquat, Bernard Accoyer, Jean-Pierre Foucher, Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les titres préliminaire, Ier , II, III et V ; Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. - Rejet.

Adoption de l'article 12.

Article 13 (p. 3807)

M. Denis Jacquat, Mme Muguette Jacquaint, M. Marcel Rogemont.

Amendements nos 90 de M. Accoyer, 299 corrigé de M. Méhaignerie et 234 de M. Jacquat : Mme Martine Aurillac, MM. Jean-Luc Préel, Denis Jacquat, le rapporteur, Mmes la ministre, Muguette Jacquaint, M. Bernard Accoyer. - Rejets.

Amendements nos 154 de Mme Jacquaint et 300 de M. Bur : Mme Muguette Jacquaint, MM. Jean-Pierre Foucher, le rapporteur, Mme la ministre, M. Bernard Accoyer. Rejets.

Amendement no 155 de Mme Jacquaint : Mme Muguette Jacquaint, M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Jean Vila, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. - Rejet.

L'amendement no 91 de M. Accoyer n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 13.

Article 14 (p. 3813)

MM. Bernard Accoyer, Denis Jacquat, Gérard Gouzes.

Amendements de suppression nos 33 de M. Gouzes, 92 de M. Accoyer et 235 de M. Jacquat : MM. Bernard Accoyer, Denis Jacquat, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Pierre Hellier, Gérard Gouzes, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles. - Rejet.

Amendement no 94 de M. Accoyer : M. Bernard Accoyer.

Amendement no 93 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 94 et 93.

Amendement no 96 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 32 de M. Gouzes et 128 de M. Accoyer : MM. Gérard Gouzes, Bernard Accoyer, le rapporteur,

Mme la ministre. - Rejets.

Amendement no 127 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 124 de M. Accoyer et 192 de M. Préel : MM. Bernard Accoyer, Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 35 de M. Gouzes : MM. Gérard Gouzes, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 125 de M. Accoyer, avec le sous-amendement no 442 de la commission des affaires culturelles : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. A doption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement no 29 de M. Gouzes : MM. Gérard Gouzes, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

M. Pierre Hellier.

Amendement no 31 de M. Gouzes : M. Gérard Gouzes. Retrait.

Amendement no 129 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 28 de M. Gouzes : M. Gérard Gouzes. Retrait.

Amendement no 54 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 30 de M. Gouzes : M. Gérard Gouzes. Retrait.

Amendement no 121 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 130 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 131 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 137 rectifié de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 139 de M. Accoyer et 287 de M. Gouzes : M. Gérard Gouzes. - Retrait de l'amendement no 287.

MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. Rejet de l'amendement no 139.

Amendement no 44 de M. Gouzes : M. Gérard Gouzes. Retrait.

Amendement no 443 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 352 de M. Boulard : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 334 de M. Barrot : M. Jacques Barrot. Retrait.

Adoption de l'article 14 modifié.

Après l'article 14 (p. 3825)

Amendement no 34 de M. Gouzes : Mme Dominique Gillot. - Retrait.

Article 15. - Adoption (p. 3825)

Article 16 (p. 3825)

M. Jean-Luc Préel.

Amendement no 228 de M. Morin : MM. Hervé Morin, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 16.

Article 17. - Adoption (p. 3826)

Article 18 (p. 3826)

M. Bernard Accoyer.

Adoption de l'article 18.


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Article 19 (p. 3826)

Amendement no 335 de M. Barrot : MM. Jacques Barrot, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Adoption de l'article 19.

Après l'article 19 (p. 3827)

Amendement no 301 de M. Gengenwin : MM. Jean-Pierre Foucher, le rapporteur, Mme la ministre, M. Denis Jacquat, Mme Muguette Jacquaint. - Rejet.

Avant l'article 20 (p. 3828)

Amendements nos 302 de M. Gengenwin et 350 de M. Accoyer : MM. Jacques Barrot, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Bernard Accoyer, le secrétaire d'Etat. Rejets.

Suspension et reprise de la séance (p. 3829)

Article 20 (p. 3829)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, Jacques Barrot, Denis Jacquat, Mmes Odette Grzegrzulka, Muguette Jacquaint, MM. Marcel Rogemont, François Goulard,

Mme la ministre.

Amendement de suppression no 263 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. Rejet.

ARTICLE

L. 861-1 DU

CODE DE LA SÉCURITÉ

SOCIALE (p. 3837)

Amendement no 303 de M. Bur : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 135 de M. Accoyer : M. Bernard Accoyer. Retrait.

Amendement no 304 de M. Gengenwin : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 382 de M. Veyret, 132 de M. Accoyer, 194 de M. Préel et 236 de M. Jacquat : M. Alain Veyret. - Retrait de l'amendement no 382.

MM. Bernard Accoyer, Jean-Luc Préel, Denis Jacquat, le rapporteur, le président de la commission, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 132, 194 et 236.

Amendement no 133 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

APRÈS L'ARTICLE

L. 861-1 DU

CODE DE LA SÉCURITÉ

SOCIALE (p. 3840)

Amendement no 156 de Mme Jacquaint : MM. Jean Vila, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

ARTICLE

L. 861-2 DU

CODE DE LA SÉCURITÉ

SOCIALE (p. 3840)

Amendement no 195 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 134 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

ARTICLE

L. 861-3 DU

CODE DE LA SÉCURITÉ

SOCIALE (p. 3841)

Amendement no 238 de M. Jacquat : MM. Denis Jacquat, le rapporteur, Mme la ministre.

L'amendement no 384 de M. Veyret n'est pas soutenu.

Amendement no 337 de M. Barrot : M. Jacques Barrot. Retrait.

Amendement no 231 de M. Morin : M. Hervé Morin.

Amendement no 305 de M. Bur : M. Jean-Luc Préel.

Amendement no 355 de M. de Courson : M. Jacques Barrot.

Amendement no 57 de la commission : M. le rapporteur.

Amendement no 196 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait de l'amendement no 57 ; rejet des amendements nos 238, 231, 305, 355 et 196.

Amendement no 306 de M. Bur : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 58 de la commission : M. le président de la commission, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 59 de la commission, avec le sousamendement no 359 de M. Accoyer : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Bernard Accoyer. - Rejet du sousamendement no 359 ; adoption de l'amendement no

59. Amendements nos 160 de Mme Jacquaint et 60 de la commission, avec le sous-amendement no 466 du Gouvernement : MM. Claude Billard, le rapporteur, Mme la ministre, M. Bernard Accoyer. - Rejet de l'amendement no 160 ; adoption du sous-amendement no 466 et de l'amendement no 60 modifié.

L'amendement no 264 de M. Accoyer n'a plus d'objet.

Amendement no 343 de M. Barrot : M. Jacques Barrot.

Amendement no 344 de M. Barrot : M. le rapporteur, Mme la ministre, M. Jacques Barrot. - Retrait des amendements nos 343 et 344, ainsi que de l'amendement no 338 de M. Barrot.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 3847).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (nos 1419, 1518).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente.

Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 12.

Article 12

Mme la présidente.

« Art. 12. L'article L. 213-1 du code des assurances est ainsi modifié :

« 1o La dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : "Cette cotisation est perçue au profit de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés" ;

« 2o Au dernier alinéa, les mots : "et les modalités de répartition du produit des cotisations entre les divers régimes obligatoires d'assurance maladie " sont supprimés. »

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l'article.

M. Bernard Accoyer.

L'article 12 prévoit de financer une partie de la CMU par une affectation du produit de la taxe sur les assurances des véhicules terrestres à moteur.

Le total du produit de cette taxe serait affecté au profit de la seule CNAM, pour un montant de 900 millions de francs, ce qui équivaut à une perte du même ordre pour les régimes spéciaux.

Au-delà de la mécanique que nous avons dénoncée, le rapporteur nous a expliqué que, pour l'Etat, le coût résiduel ne serait que de 1,7 milliard. Il a ainsi, par un abus de langage, dispensé l'illusion selon laquelle la CMU ne coûterait aux Français que 1,7 milliard.

J'ai à plusieurs reprises expliqué que ce montant, correspondant à un coût de 1 500 francs par bénéficiaire, était sous-évalué, et que tous les transferts seront loin d'être neutres puisqu'ils seront compensés dans d'autres budgets.

Le coût qui doit être retenu est le coût global de la CMU pour les Français. Or, de ce point de vue, on nous propose un mécanisme qui ne paraît pas satisfaisant.

Je rappelle que la taxe concernée a déjà donné lieu à un certain nombre de manipulations législatives. En effet, elle avait tout simplement été oubliée dans les précédents textes et, à la faveur du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons voté une disposition pour affecter son produit. Les assureurs prélevaient la taxe, mais ils ne pouvaient plus l'affecter aux régimes obligatoires d'assurance maladie puisque aucune disposition législative n'autorisait cette affectation.

La taxe est donc tout à fait justifiée : les régimes d'assurance maladie couvrent immanquablement une bonne partie des dépenses liées aux accidents où sont concernés des véhicules terrestres à moteur, alors même que ces régimes lancent a posteriori un certain nombre de procédures de recouvrement contre les responsables de tels accidents.

Ainsi, il est faux de dire que l'affectation du produit de la taxe à la CMU serait neutre car elle équivaudrait à une perte de quelque 900 millions pour l'assurance maladie.

L'article 12 nous paraît donc présenter beaucoup d'inconvénients et je considère à titre personnel qu'il ne doit pas être adopté.

Mme la présidente.

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 368, 390 et 398.

L'amendement no 368 est présenté par M. Mattei et M. Jacquat ; l'amendement no 390 est présenté par M. Accoyer et M. Préel ; l'amendement no 398 est présenté par M. Bur.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 12. »

La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l'amendement no 368.

M. Denis Jacquat.

Dans son principe, la contribution obligatoire des assurés automobiles a été instituée en vue de compenser la part des dépenses liées aux accidents de la route qui reste à la charge des différents régimes d'assurance maladie.

En prévoyant de supprimer la répartition de son produit entre les différents régimes concernés, l'article 12 revient en fait à détourner complètement la contribution de son objet initial, pour répondre à une préoccupation immédiate dépourvue de tout lien avec les accidents de la route.

Une telle mesure ne peut être acceptée. La compensation à effectuer au titre de la suppression de la répartition du déficit de l'assurance personnelle doit être réalisée par d'autres moyens juridiques et financiers.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour défendre l'amendement no 390.

M. Bernard Accoyer.

J'ai déjà défendu cet amendement, madame la présidente.

M me la présidente.

L'amendement no 398 est-il défendu ?


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M. Jean-Pierre Foucher.

Oui, et avec les mêmes motifs que les deux précédents.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les titres préliminaire, Ier , II, III et V.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les titres préliminaire, Ier , II, III et V.

L'avis de la commission est défavorable.

Il y a malheureusement toujours des accidents de la route et la couverture maladie universelle contribuera à couvrir une partie de leurs conséquences. Il est donc parfaitement légitime que le prélèvement prévu soit affecté au régime général.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements. Les accepter reviendrait à faire perdre une recette de 800 millions à la CNAM, qui vise à compenser la perte de recettes au titre de l'assurance personnelle.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 368, 390 et 398.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Article 13

Mme la présidente.

« Art. 13. I. Le montant de la dotation générale de décentralisation et, s'il y a lieu, celui du produit des impôts affectés aux départements pour compenser, dans les conditions prévues par les articles L. 1614-1 à L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales, l'accroissement net de charges résultant des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, sont réduits, pour chaque département, d'un montant égal aux dépenses consacrées à l'aide médicale en 1997, diminué de 5 % et revalorisé en fonction des taux de croissance annuels de la dotation globale de fonctionnement fixés pour 1998, 1999 et 2000.

« Cette réduction est fixée, pour chaque département, par arrêté conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et du budget, après avis de la commission mentionnée à l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales.

« II. Les dépenses visées au I du présent article sont constituées par les dépenses inscrites au titre de l'aide médicale dans les chapitres des comptes administratifs des départements de 1997 relatifs à l'aide sociale ou à l'insertion, à l'exclusion des charges des services communs réparties entre services utilisateurs.

« III. L'article 38 de la loi no 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion est ainsi modifié :

« 1o Dans la première phrase, les mots : "un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées" sont remplacés par les mots : "un crédit au moins égal, pour la métropole, à 17 % des sommes versées et, pour les départements d'outre-mer, à 16,25 % des sommes versées" ;

« 2o La seconde phrase est supprimée. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Si vous le permettez, madame la présidente, j'en profiterai pour défendre dès à présent l'amendement no 234.

Nous avons déjà évoqué ce problème en commission et lors de la discussion générale.

Des départements - les plus audacieux, disent certains, les plus vertueux, affirment d'autres - ont mis en place, dans le cadre de la lutte contre l'exclusion, un système d'aide médicale allant au-delà des obligations légales. Je sais que l'on peut toujours faire mieux, mais ne risquet-on pas de faire naître la tentation d'un nivellement par le bas ?

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

L'article 13 traite de l'un des aspects du financement de la couverture maladie universelle. Il concerne les collectivités territoriales, tant les départements que les communes, par l'intermédiaire de la part de l'aide médicale des contingents communaux.

En effet, la prise en charge financière de la protection de la santé par d'autres structures engendre un transfert financier pour les départements qui, jusqu'alors, en assumaient en partie le financement par le biais de l'aide médicale.

Les départements n'ayant plus l'obligation de financer l'aide médicale, l'Etat réduira notamment le montant de la dotation générale de décentralisation à hauteur de 95 % de la part des dépenses consacrées à cette aide en 1997.

La méthode paraît logique. Cependant, elle présente plusieurs faiblesses.

La protection complémentaire est de fait déterminée par décret pour éviter les défauts de la départementalisation et des inégalités départementales. D'après l'exposé des motifs du projet de loi, l'aide médicale organisée au niveau des départements n'a pas permis de résoudre les problèmes d'accès aux soins. Or la retenue imposée ne tient pas compte des caractéristiques des actions départementales,...

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

Mme Muguette Jacquaint.

... et les départements dont les bénéficiaires sont nombreux et qui conduisent une réelle politique sociale sont pénalisés. La retenue sera plus faible pour les départements n'ayant effectué que le minimum légal.

M. Bernard Accoyer.

Exactement !

M me Muguette Jacquaint.

Mon département, la Seine-Saint-Denis, répond à des caractéristiques que je voudrais décrire : plus de 98 000 bénéficiaires de l'aide médicale avec un plafond d'ouverture des droits à 3 128 francs ; plus de 169 millions de francs sont budgétés pour l'accès aux soins des plus démunis, soit une grande part du budget départemental. Le montant de la retenue y sera proportionnellement bien plus important que dans certains départements qui conduisent une politique sociale minimale.

D'autres questions se posent. Elles concernent notamment les contingents communaux. La part d'aide médicale de ces contingents sera, en l'état de la réglementation et du projet, maintenue alors que l'aide médicale départementale ne sera plus obligatoire. Il apparaît donc nécessaire de réformer le prélèvement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Très juste !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

Mme Muguette Jacquaint.

L'article 13 est, pour le groupe communiste, un article prépondérant du projet.

Deux amendements seront défendus, l'un tendant à corriger les inégalités départementales, l'autre visant às upprimer la part d'aide médicale des contingents communaux.

Nous en avons discuté en commission. Nous espérons avoir été entendus.

Mme la présidente.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Les derniers propos de Mme Jacquaint rejoignent une question que j'avais posée lors de la discussion générale : si les départements n'assument plus de dépenses médicales, ils ne devraient plus être concernés par l'assiette des contingents d'aide sociale, et les communes ne devraient plus payer.

Mme Muguette Jacquaint.

Excellente remarque !

M. Marcel Rogemont.

Pourriez-vous, madame la ministre, préciser la situation qui sera celle de ces contingents d'aide médicale ?

M. Denis Jacquat.

D'aide « sociale » plutôt !

M. Marcel Rogemont.

L'aide médicale est dans l'aide sociale, mon cher collègue !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Tout est dans tout et réciproquement, comme dirait M. Recours ! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont.

Certes, mais si l'aide médicale est dans l'aide sociale, la réciproque n'est pas vraie !

M. Denis Jacquat.

Très juste !

M. Marcel Rogemont.

C'est là la limite du raisonnement de M. Recours ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de trois amendements, nos 90, 299 corrigé et 234, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 90, présenté par M. Accoyer et Mme Aurillac, est ainsi libellé :

« Après les mots : "d'un montant égal aux dépenses", rédiger ainsi la fin du premier alinéa du I de l'article 13 : "nettes consacrées en 1997 aux bénéficiaires de l'aide médicale dont les ressources ne dépassent pas le plafond fixé par le décret prévu à l'article L. 380-2 modifié du code de la sécurité sociale". »

L'amendement no 299 corrigé, présenté par MM. Méhaignerie, Bur, Gengenwin, de Courson, Blessig, Morin et Préel, est ainsi rédigé :

« I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 13, substituer aux mots : "de 5 %", les mots : "d'un abattement".

« II. - En conséquence, après le premier alinéa du I de cet article, insérer l'alinéa suivant :

« L'abattement visé à l'alinéa précédent est égal :

« A 0 % pour les départements qui ont procédé à l'admission à l'aide médicale sur la base des minimums légaux.

« A 5 % pour les départements qui ont adopté un barème d'admission correspondant au plus à 130 % du minimum légal.

« A 8 % pour les départements qui ont adopté un barème d'admission supérieur à 130 % du minimum légal. »

« III. - La dotation globale de fonctionnement est majorée à due concurrence.

« IV. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 234, présenté par M. Jacquat, est ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa du I de l'article 13 par la phrase suivante : "Un décret en Conseil d'Etat détermine les modulations de ce montant en fonction des dépenses que les départements ont consacrées au titre de l'aide médicale facultative". »

La parole est à Mme Martine Aurillac, pour soutenir l'amendement no

90.

Mme Martine Aurillac.

Mme Jacquaint a développé une argumentation très proche de celle que je me proposais d'exposer.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quelle alliance !

Mme Martine Aurillac.

Nous abordons un aspect particulièrement pervers du mécanisme de financement prévu dans le projet de loi.

Le texte qui nous est présenté instaure en effet, en compensation du transfert à l'Etat du mécanisme de l'aide médicale, jusqu'à présent assurée par les départements au titre de la loi du 29 juillet 1992, un prélèvement assis sur les dépenses afférentes à cette aide constatées au compte administratif de 1997.

Cette réduction forfaitaire pénalise très gravement ceux des départements - ils ne sont pas nombreux puisque l'on en compte vingt-neuf, soit pratiquement le tiers du total - qui ont engagé une politique volontariste et particulièrement ambitieuse à l'égard des populations défavorisées en les aidant très au-delà de leur obligation légale, et souvent au prix d'efforts financiers considérables.

L es modalités de calcul préconisées par la loi reviennent à prélever un montant plus important aux départements qui ont mené cette action sociale ambitieuse et généreuse et à exonérer les départements moins volontaires. Autrement dit, plus les départements auront été généreux, plus ils seront pénalisés.

Ce résultat, madame la ministre, ne me paraît pas acceptable sur le plan de l'équité. Il ne me semble pas non plus aller dans le sens de l'intérêt des usagers et des malades. Il ne me paraît surtout pas conforme aux principes généreux de la décentralisation, qui veulent qu'une collectivité locale prélève des fonds et lève l'impôt pour financer son action, qui peut être facultative, et non pas pour compenser un transfert de compétences légales à l'Etat.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l'amendement no 299 corrigé.

M. Jean-Luc Préel.

Le projet de loi prévoit un transfert vers l'Etat des dépenses nettes d'aide médicale constatées aux comptes administratifs de 1997 après abattement pour chaque département d'un forfait de 5 %. Ce système, qui retient des règles identiques pour l'ensemble des départements, pénalise de fait les collectivités qui ont eu une politique volontariste en matière d'accès aux soins des plus démunis et un souci de bonne gestion. Il risque de créer un précédent et d'avoir un effet dissuasif pour d'autres prestations.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

Il semblerait donc beaucoup plus équitable de proposer une graduation en modulant l'abattement afin de tenir compte des efforts consentis par certaines collectivités.

C'est pourquoi cet amendement que je présente avec Pierre Méhaignerie prévoit un abattement de 0 % pour les départements qui ont procédé à l'admission à l'aide médicale sur la base du minimum légal, de 5 % pour ceux qui ont adopté un barème d'admission correspondant au plus à 130 % du minimum légal et de 8 % pour ceux dont le barème est supérieur à 130 %.

Cet amendement permet, nous semble-t-il, de corriger une injustice, tout en incitant les départements à développer les actions sociales de leur compétence.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Excellent amendement !

Mme la présidente.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l'amendement no 234.

M. Denis Jacquat.

Mon argumentation est identique à celle qu'ont développée Mme Aurillac et M. Préel. Plus les départements auront été généreux, plus ils seront pénalisés. Ceux qui ont conduit une politique volontariste ne disposeront plus des moyens financiers suffisants pour rester en pointe dans le domaine sanitaire et social.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

La commission y est défavorable.

On a beaucoup parlé de vertu. La vertu est un concept difficile à apprécier...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Pas du tout en l'occurrence !

M. Jean-Luc Préel.

Mon amendement est chiffré !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

... et qu'il faut manier avec prudence. On nous indique que les 5 % seraient défavorables aux départements qui ont fait plus d'efforts que d'autres. Or on s'aperçoit que, pour certains, cela s'explique parce qu'ils avaient aussi plus de moyens que d'autres.

M. Jean-Luc Préel.

Pas toujours !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Paris et les Hautsde-Seine, qui sont parmi les départements qui ont fait le plus d'efforts, sont également les plus riches.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il y a aussi l'Ille-etVilaine.

M. Marcel Rogemont.

Très beau département ! Je vous remercie d'en faire la promotion.

(Sourires.)

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Deuxième remarque : la remontée des dépenses réduite d'un abattement de 5 % est le résultat d'une discussion avec l'Assemblée des présidents de conseils généraux, qui a donné son accord oral puis écrit. Tous les autres systèmes envisagés déboucheraient également sur des injustices.

L'application des 5 % a un aspect un peu forfaitaire, mais quel que soit le critère retenu, toute modulation se traduirait également par des inégalités. Chaque fois que la discussion s'est engagée à ce sujet, tous ceux qui ont commencé par contester les conséquences de cet abattement uniforme ont fini par s'y rallier. Cette méthode a été considérée, au bout du compte, comme la plus simple...

M. Jean-Luc Préel.

Pour être simple, elle l'est, et même simpliste !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

... et celle qui posait le moins de problèmes d'inégalité entre les départements. C'est pourquoi la commission a rejeté l'ensemble des amendements modifiant le taux de 5 % accepté par l'Assemblée des présidents de conseils généraux.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cet article est effectivement important et il n'y a pas aujourd'hui de bonne solution au problème qu'il pose, dès lors que nous sommes confrontés aux effets généraux, évidemment bénéfiques, de la décentralisation. Les départements ont en effet des charges différentes en fonction de la nature de leur population, de la richesse des habitants, du nombre de chômeurs, de RMistes et, bien sûr, de personnes âgées. Nous avons assisté ce matin à une réunion du comité national de gérontologie, qui se heurte au même problème pour la PSD.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il s'agit donc d'un sujet très important dont nous aurons à reparler.

M. Denis Jacquat.

C'est certain.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous constatons que les départements qui ont le plus de personnes âgées, le plus de chômeurs et de RMistes, le plus de malades, sont aussi les départements les plus pauvres et dont le potentiel fiscal est le plus bas.

Mme Muguette Jacquaint.

Absolument !

M. Pascal Terrasse.

Voilà la vérité !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La question qui se pose pour la CMU et la PSD peut également se poser pour la petite enfance, bref pour tous les domaines de l'action sociale. C'est un problème très général sur lequel nous travaillons, celui de la solidarité fiscale entre les départements. Mais je ne crois pas que nous pourrons trouver aujourd'hui la solution géniale qui permettrait de le régler tout de suite.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Merci Defferre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Gaston Defferre a fait la décentralisation, qui permet l'action de proximité. Près de vingt ans plus tard, nous pouvons tout de même essayer d'en améliorer l'application. Je crois en la décentralisation et au rôle des départements, y compris, je l'ai dit hier, pour la mise en oeuvre de la CMU.

Alors qu'avons-nous essayé de faire ? De trouver la solution la plus juste possible. Si d'ailleurs vos amendements proposent tous des formules différentes, c'est qu'il ne peut pas y avoir de bonne formule tant que nous n'aurons pas traité le problème de fond. Nous avons beaucoup discuté, Jean-Claude Boulard notamment, avec l'Assemblée des présidents de conseils généraux. Si nous avions retenu le critère du nombre de RMIstes ou de personnes bénéficiaires de la CMU, nous aurions demandé aux départements les plus pauvres un effort considérable qu'ils n'étaient pas en mesure de faire.

M. Pascal Terrasse.

Absolument !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons donc pris le parti de considérer que tous les départements devaient y gagner par rapport à leurs dépenses actuelles. Et tous y gagnent, puisque nous leur laissons 5 % des sommes et que le personnel reste évidemment à leur disposition.


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De plus, il faut bien reconnaître que les trente-deux départements qui se situent au-dessus du barème légal sont pour la plupart ceux dont le potentiel fiscal est le plus élevé.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Exactement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si nous avons choisi cette formule, en concertation avec l'Assemblée des présidents de conseils généraux, c'est parce qu'elle permet d'intégrer une part de solidarité dans le financement de la CMU.

Il reste que les quelques départements qui avaient fait le choix volontaire d'aller au-delà du minimum légal alors q u'ils n'en avaient pas obligatoirement les moyens peuvent se sentir - comment dirais-je ?...

M. Jean-Luc Préel.

Lésés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Lésés, en effet, je pensais même à un mot plus fort ! (Sourires.)

Ces départements-là, je peux les comprendre. Mais, nous sommes en train de mettre en place, avec la CMU, un dispositif de solidarité ; tâchons de faire de même, au niveau des départements, pour le financement.

V oilà ce que je souhaitais vous répondre. Je comprends, je le répète, les critiques que vous formulez, car il n'y a pas, dans l'état actuel de la législation, de système parfait.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Bien sûr !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'en viens aux contingents communaux. L'objectif du Gouvernement est d'assurer la neutralité financière pour les communes et pour les départements, sous réserve de l'abattement de 5 %. Aussi souhaitons-nous, bien entendu, que les départements ne subissent pas de pertes sur les contingents communaux qui leur sont versés aujourd'hui au titre de l'aide médicale. Ce souci est partagé par le ministre de l'intérieur qui, par ailleurs, a entamé une réflexion beaucoup plus large sur le problème des financements croisés entre collectivités et négocie actuellement avec l'Association des maires de France et l'Assemblée des présidents de conseils généraux. En tout cas, monsieur Rogemont, la CMU n'entraînera pas de réduction des montants affectés aux départements au titre de l'aide médicale.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Mme Aurillac a dit que je partageais ses préoccupations concernant les inégalités entre départements. Je crois bon de rappeler que ces inégalités sont de toutes sortes.

La première concerne la richesse dont disposent les départements.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui.

Mme Muguette Jacquaint.

Le potentiel fiscal par habitant n'est pas tout à fait le même dans les Hauts-de-Seine et en Seine-Saint-Denis. Je ne prendrai qu'un chiffre : 40 % de la population de Seine-Saint-Denis n'est pas imposable sur le revenu.

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est 53 % en Maine-et-Loire et la moyenne nationale tourne autour de 50 %.

Mme Muguette Jacquaint.

Cela montre d'emblée l'ampleur des difficultés que rencontrent les familles en Seine-Saint-Denis et par conséquent l'importance de l'aide que ce département doit financer pour y répondre.

Je ne dis pas bien sûr que, dans les Hauts-de-Seine, il n'y ait pas de famille dans la même situation, mais leur nombre est bien moindre et le potentiel fiscal, c'est-à-dire la richesse, est beaucoup plus élevé.

Notre amendement a pour objet de tenir compte de ces disparités entre départements. Vous estimez, madame la ministre, que cette proposition en faveur d'une plus grande équité ne recueille pas l'assentiment de tous. C'est vrai. Il faut poursuivre la réflexion et je souhaite d'ailleurs qu'après six ou sept mois d'application de la CMU, on regarde comment tout cela fonctionne et à quels ajustements on peut procéder pour que ces inégalités puissent être mieux prises en compte.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, il s'agit d'une recentralisation. Et cette recentralisation va évidemment diminuer le lien social et le travail social de proximité puisque la décentralisation, vous l'avez dit également, avait précisément pour but de les renforcer.

Nous aurons l'occasion de revenir sur cet aspect de la création de la CMU, mais on ne peut en dissocier le mode de calcul retenu pour son financement. Nous estimons qu'il a été mal choisi, même si nous convenons qu'il eût été très difficile de trouver une solution qui convienne à tout le monde.

Vous nous avez assuré que le contingent communal d'aide sociale serait maintenu. Je rappelle qu'il représente globalement 11,8 milliards de francs, dont 10 % pour le contingent lié à l'aide médicale gratuite. Cela veut bien dire - je suis d'accord avec vous - qu'il restera des dépenses de santé à la charge des départements. Comm ent seront-elles financées ? J'avoue ne pas le comprendre, à moins que les CCAS ne doivent continuer à le faire.

Je prendrai l'exemple très simple d'une dépense de santé qui ne sera pas couverte par les fonds sociaux des caisses. Il s'agit d'une retraitée modeste, qui n'entre pas dans le cadre de la CMU, parce qu'elle dispose de ressources de 3 600 francs par mois, néanmoins inférieures au seuil de pauvreté. Cette personne est sourde et doit être dotée - mon exemple correspond à un cas réel d'une prothèse auditive complexe dont le coût est de 7 000 francs. Remboursement par le régime général : à peu près 850 francs ; remboursement après l'intervention de sa complémentaire : 1 600 francs. Reste à la charge de cette retraitée modeste la somme de 5 400 francs. Il est bien évident qu'il lui faut un secours qui, compte tenu des charges désormais imputées aux fonds de secours des caisses primaires, ne pourra pas nécessairement être financé par celle dont elle dépend.

On voit, à partir de cet exemple, qu'il restera, comme cela a toujours été le cas, des dépenses de santé à la charge des CCAS. Ceux-ci, jusqu'à présent, les partageaient avec les départements au titre de l'aide médicale gratuite. C'était cela, le travail social de proximité. On avait inventé dans les départements et les communes des multitudes de procédés qui permettaient de répondre ponctuellement à tel ou tel problème. Parce qu'on ne peut pas tout centraliser. Parce qu'au fin fond de la Creuse, ce n'est pas pareil qu'à Paris, dans le Nord ou dans les Pyrénées. Ce travail, auquel il faut rendre hommage, était efficace et il sera toujours nécessaire. Les guichets des caisses primaires d'assurance maladie ne pourront pas, c'est évident, assurer l'instruction des dossiers


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d'aide médicale gratuite. Les communes continueront à le faire et tout cela aura un coût qui, comme par le passé, sera supporté par l'impôt local.

Enfin, un certain nombre de départements seront victimes d'une injustice dramatique. A Paris, le seuil est fixé à 4 004 francs par mois pour 1999. Il passera en 2000, si la CMU s'applique dès l'an prochain, à 3 500 francs.

Entre 25 000 et 30 000 personnes seront donc exclues de l'aide médicale pour le seul département de Paris. Comment va-t-on éviter que ces familles ne sombrent dans l'exclusion, alors qu'elles se situent déjà dans la zone, et pour un bon nombre en dessous, du seuil de pauvreté ? Dans tous les départements dont la situation est comparable, il faudra verser des secours spécifiques. Or le mode de calcul retenu à l'article 13 va punir les communes en les privant des moyens qui leur étaient et leur seront toujours indispensables. Elles devront dès l'année prochaine payer deux fois et, de surcroît, plus que les autres.

Tout varie d'un département à l'autre. Certains ont des recettes plus importantes, d'autres des populations plus précaires. Cette disposition nous paraît donc particulièrement inadaptée et c'est pourquoi nous sommes favorables à sa modification.

M. Jacques Barrot.

Nos collectivités subventionneront l'Etat !

M. Gérard Gouzes.

Ce ne sera pas la première fois.

D'autres gouvernements l'ont fait, y compris celui dont vous étiez !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

90. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 299 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 234.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 154 et 300, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 154, présenté par Mmes Jacquaint, Fraysse, M. Gremetz et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« I. Compléter le premier alinéa du I de l'article 13 par la phrase suivante : "La participation des communes au titre des contingents communaux relative à l'aide médicale est supprimée". »

« II. La dotation globale de fonctionnement est relevée à due concurrence.

« III. Les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »

L'amendement no 300, présenté par MM. Bur, Gengenwin, Blessig et Foucher, est ainsi libellé :

« Après l'article 13, insérer l'article suivant :

« I. L'article 93 de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A compter de l'entrée en vigueur de la loi no du portant création d'une couverture maladie universelle, les communes ne participeront plus aux dépenses d'aide médicale des départements. »

« II. La dotation globale de fonctionnement est augmentée à due concurrence.

« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour soutenir l'amendement no 154.

M me Muguette Jacquaint.

Cet amendement, qui résume tout notre débat, tend à instaurer une égalité entre les départements dans le cadre du financement de la CMU. Attendu que le projet de loi enlève au département la gestion de l'aide médicale gratuite, les contingents communaux versés à ce titre n'ont plus lieu d'être.

Je me suis rendue la semaine dernière dans le Pas-deCalais, où j'ai rencontré les responsables des CCAS. Ils éprouvent la même inquiétude que moi. Nous connaissons tous le travail qu'effectuent les CCAS. Nous avons, dans la discussion générale, bien fait ressortir les deux élements qui expliquent que les personnes ne se soignent pas : il y a certes le manque de ressources, mais il y a aussi le manque d'information, ce que l'on peut considérer comme un déficit culturel. Ce n'est pas évident, quand on ne s'est jamais soigné, d'apprendre à prévenir sa maladie ou à la traiter.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai !

Mme Muguette Jacquaint.

Toutes les associations, caritatives et humanitaires, et le monde médical vont donc certainement mettre l'accent sur l'information. Mais les CCAS et les collectivités locales vont continuer à jouer un rôle très important pendant très longtemps.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M me Muguette Jacquaint.

Dans ma ville, par exemple, où vivent beaucoup de RMIstes, à Paris, où les SDF sont nombreux, le contact avec le CCAS est parfois la seule occasion pour ces personnes de discuter, d'exposer leur situation. Comme cette réalité ne va pas changer du jour au lendemain, les collectivités locales devront continuer à faire face à la même dépense, voire à une dépense supérieure. En effet, cela s'avérera peut-être nécessaire si l'on veut vraiment réussir à sensibiliser six millions de personnes et à les conduire à accepter de se soigner.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher, pour défendre l'amendement no 300.

M. Jean-Pierre Foucher.

La participation des communes aux dépenses d'aide sociale et de prévention relevant de la compétence des départements date de 1983. Cette contribution, réglementée par une circulaire de 1987, est constituée d'une part fixe et d'une part variable qui est fonction du potentiel fiscal de la commune, du nombre de bénéficiaires d'aide sociale présents sur son territoire et de la structure de sa population.

Cette contribution varie donc chaque année. En 1997, elle a représenté 11,9 milliards de francs dont 15 % concernent l'aide médicale. La Cour des comptes a constaté que, entre 1988 et 1993, la part de la contribution communale dans les dépenses d'aide sociale départementales a augmenté pour atteindre 17,2 %. Entre 1987 et 1997, cette participation a crû de 88,7 % alors que, pour les départements, l'augmentation n'est que de 74,5 %. Il faut rappeler que le rôle des maires dans le secteur médico-social n'est pas négligeable, et l'on peut s'interroger sur la manière dont vont s'articuler le nouveau dispo-


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sitif instauré par la CMU et les multiples actions menées par les communes dans ce domaine. Qu'en sera-t-il, notamment, des indemnités de frais de dossiers versées par les départements aux communes ? L'Association des maires de France demande que les communes puissent affecter aux actions sociales les sommes qu'elles versaient aux départements par le biais du contingent communal pour des dépenses d'aide médicale et d'assurance personnelle et qui vont s'avérer inutiles du fait de l'instauration de la CMU. Il paraît en effet difficile d'imaginer la participation financière des communes à des actions d'aide médicale qui ne relèvent plus de la compétence du département. Cet amendement a donc pour but de supprimer la contribution des communes aux charges du département.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

D'abord, Mme Jacquaint a eu raison de souligner l'importance du rôle des CCAS, aujourd'hui, et probablement demain.

A l'évidence, l'instauration de la CMU ne privera pas les CCAS de leurs compétences, loin s'en faut.

Cela étant, la commission considère que ce n'est pas à l'occasion de l'instauration de la CMU que l'on peut trancher sur ce dossier qui demande une remise à plat.

En effet, au-delà du caractère équitable ou non de la répartition, c'est l'ensemble du problème des contingents d'aide sociale des communes qui est posé et pas seulement ce qui relève de l'aide médicale.

Par ailleurs, rappelons que les enveloppes sont fixées à partir des chiffres de 1997, avec actualisation 1998-1999, époque où les départements avaient la compétence, et où la participation des communes était totalement justifiée.

Donc, le présent texte s'inscrit parfaitement dans le cadre des obligations des uns et des autres pour la période considérée.

En outre, dès lors que l'enveloppe sera fixée à 95 % du montant antérieur, les départements conserveront indirectement cette charge, du fait de la réduction de leur DGD.

Il n'y a donc aucune raison pour que les communes ne continuent pas à assumer leur part dans cette enveloppe.

C'est pourquoi je ne comprends pas qu'on veuille supprimer les contingents communaux au titre de l'aide médicale du fait de l'instauration de la CMU.

Cela étant, il est vrai que la répartition de ces contingents pose un problème d'équité. Chacun en convient.

Tous les élus qui ont des responsabilités locales ont été confrontés à cette question. Effectivement, la CMU peut nous donner l'occasion d'accélérer le débat en la matière.

Mais ce n'est pas son instauration qui impose de supprimer les contingents communaux relatifs à l'aide médicale.

Avis défavorable donc.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je dirai la même chose que M. le rapporteur de manière un peu différente.

Aujourd'hui, les centres d'action sociale des caisses, comme les CCAS, prennent en charge, au titre de l'aide sociale, les personnes dont les revenus dépassent les plafonds fixés pour l'aide sociale, c'est-à-dire quatre millions de nos concitoyens parmi les six millions visés par le nouveau dispositif. Ainsi, alors qu'ils disposent des mêmes sommes, les centres d'action sociale des caisses n'auront plus qu'à se préoccuper que des personnes qui ne sont pas comprises dans les six millions concernées par la CMU. Cela va réduire considérablement le public auquel il s'adresse.

De la même manière, les CCAS, qui suscitent de ma part les mêmes commentaires que ceux de Mme Jacquaint - des amendements ont d'ailleurs été déposés sur ce point - devront continuer à jouer un rôle majeur, y compris pour accueillir les bénéficiaires de la CMU et les aider à faire un choix. Les CCAS, au-delà du contingent communal versé aux départements qui permet de toucher 2,4 millions d'hommes et de femmes, aident un grand nombre de personnes parmi les six millions qui, désormais, vont être prises en charge par la CMU. Dès lors, ils pourront se consacrer à tous ceux qui ne pourront pas bénéficier de la CMU.

Il y aura donc une réduction certaine des dépenses.

A cet égard, monsieur Accoyer, votre exemple d'une personne assujettie au minimum vieillesse et se retrouvant en difficulté correspond exactement aux cas pris en charge actuellement par les centres d'action sociale. Ils pourront continuer à le faire et, à l'avenir, ils n'auront plus à s'occuper de six millions de personnes.

Autrement dit, il reste des marges de manoeuvre pour atténuer l'effet de seuil. Aussi, tout en comprenant votre préoccupation, je ne peux accepter ces amendements.

Mme la présidente.

La parole et à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

La situation sera différente dans les départements qui se sont montrés plus généreux que les autres. En effet, à Paris, par exemple, le seuil pour obtenir la carte Paris-Santé était de 4 040 francs. Les personnes dont les revenus étaient inférieurs à cette somme pouvaient bénéficier de soins totalement gratuits qui allaient bien au-delà, d'ailleurs, des tarifs de responsabilité, notamment pour certains soins prothétiques et des biens médicaux. Il va donc s'ensuivre une rupture brutale des droits acquis, en tout cas en ce qui concerne le niveau de protection et la gratuité des soins.

Les CCAS des communes et des villes des départements qui ont mis en oeuvre des systèmes similaires vont être extrêmement sollicités, tout comme les fonds d'action sociale des caisses primaires. Dans les trente-deux départements en question, qui représentent un tiers de la population concernée par la couverture maladie universelle, il y aura donc, madame la ministre, des difficultés pour atténuer l'effet de seuil, principal défaut de ce texte.

L'un des moyens d'effacer cet effet consisterait à payer une mutuelle aux personnes concernées. C'est ce qu'ont fait de nombreuses communes. C'est ce que seront amenés à faire les CCAS dans les départements qui avaient instauré un seuil plus généreux que celui des 3 500 francs.

Or cela conduira à une explosion du budget de ces centres, et par conséquent à une sollicitation plus forte des communes concernées.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 300.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mmes Jacquaint, Fraysse, M. Gremetz et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 155, ainsi rédigé :

« Après le I de l'article 13, insérer le paragraphe suivant :

« I bis . - Il est créé un fonds de solidarité pour l'action sociale dont les modalités de fonctionnement sont déterminées par arrêté interministériel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

« Les recettes de ce fonds sont constituées par un montant représentant un taux de 5 % du total des réductions de la dotation générale de décentralisation et, s'il y a lieu, celui du produit des impôts affectés par les articles L. 1614-1 à L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales prévues au I de l'article 13.

« Les recettes de ce fonds sont affectées aux départements proportionnellement à leur population arrêtée par l'INSEE en 1997 pondérée par leur potentiel fiscal de la même année, du rapport entre la proportion de logements sociaux, tels qu'ils sont définis à l'article L. 2334-17 du code des collectivités territoriales dans le total des logements dans le département, du nombre de bénéficiaires de l'APL et du nombre de chômeurs. Le montant de la dotation pour chaque département est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des collectivités territoriales et du budget après avis de la commission prévu à l'article L. 1614-3 du code général des collectivités.

« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. »

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Je ne vais pas reprendre les arguments que j'ai déjà développés pour défendre l'amendement no 154. Ces deux amendements sont inspirés par le même souci : prévoir une plus grande péréquation de manière à diminuer les disparités et les inégalités entre les départements dont certains ont des populations plus défavorisées que d'autres.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Nous n'allons pas reprendre la discussion, tout a été dit, en effet. La commission a un avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Les recettes des fonds sont affectées aux départements proportionnellement à la population INSEE arrêtée en 1997. Mais serait-il possible de pondérer ou de revoir l'année de référence ? En effet, certains départements, tel le mien, les Pyrénées-Orientales, ont changé de majorité en 1998. Depuis lors, les dépenses d'aide sociale ont été maîtrisées sans pour autant écarter des familles bénéficiaires. Il faut dire qu'il régnait un certain laxisme ; le département était devenu un tiroir-caisse sans aucun contrôle. A titre d'exemple, ces dépenses, qui s'élevaient à 50 millions pour l'année 1997, seront, pour l'année 1999, de 35 millions.

Or, si l'on garde la référence de 1997, des départements comme celui des Pyrénées-Orientales, et c'est le cas, me semble-t-il de l'ensemble des départements du bassin méditerranéen, vont être pénalisés. Je crois que ce problème a fait l'objet d'une démarche des présidents de conseils généraux. Je souhaiterais savoir ce que compte faire le Gouvernement à cet égard.

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je comprends bien votre souci, monsieur le député, et l'amélioration que vous avez introduite.

Mais hélas ! pour l'ensemble des départements français, la seule base dont nous disposions est celle de 1997. Il paraît donc impossible de revenir sur cette référence.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 155.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M me la présidente.

L'amendement no 91 de M. Accoyer n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 14

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'article 14 : Section 2 Recouvrement des cotisations

« Art. 14. I. L'article L. 243-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 243-4 . Le paiement des cotisations et des majorations et pénalités de retard est garanti pendant un an à compter de leur date d'exigibilité, par un privilège sur les biens meubles du débiteur, lequel privilège prend rang concurremment avec celui des gens de service et celui des salariés établis respectivement par l'article 2101 du code civil et les articles 128 et 129 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985. »

« II. L'article L. 652-3 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 652-3 . Lorsqu'ils sont munis d'un titre exécutoire au sens de l'article 3 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, les organismes d'assurance maladie et maternité et les caisses d'assurance vieillesse des professions non salariées non agricoles habilités à décerner la contrainte définie à l'article L. 244-9 peuvent, au moyen d'une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant revenir au débiteur, de verser aux lieu et place de celui-ci, auxdits organismes, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des cotisations et des majorations et pénalités de retard bénéficiant du privilège prévu à l'article L. 2434 ou ayant donné lieu à une inscription de privilège dans les conditions prévues à l'article L. 243-5.

« L'opposition est notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l'un des organismes mentionnés à l'alinéa précédent. Elle affecte, dès réception par le tiers , les sommes faisant l'objet du titre exécutoire au paiement desdites cotisations et majorations et pénalités de retard, quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le débiteur possède à l'encontre du tiers deviennent exigibles. L'opposition emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991 précitée à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée. Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions établies au nom du débiteur, elle doit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces demandes en proportion de leurs montants respectifs.

« L'opposition peut être contestée devant le juge de l'exécution dans le mois de sa notification au débiteur. Le paiement est différé pendant ce délai, et le cas échéant jusqu'à ce qu'il soit statué, sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu'il détermine.

« Sont en outre applicables les articles 24, 44 et 47 de la loi du 9 juillet 1991 précitée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

« Les présentes dispositions ne sont pas applicables aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles L. 145-1 et suivants du code du travail.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »

« III. Le premier alinéa de l'article L. 242-11 du même code est complété par la phrase suivante : "Les dispositions de l'article L. 652-3 sont applicables au recouvrement de ces cotisations par les organismes visés à l'article L. 213-1."

« IV. Au V de l'article L. 136-5 du même code, le 2o devient le 3o et il est inséré un 2o ainsi rédigé :

« 2o Des dispositions de l'article L. 652-3 pour ce qui concerne le recouvrement, par les organismes visés à l'article L. 213-1, de la contribution prévue à l'article L. 136-3, et par les caisses de mutualité sociale agricole, de la contribution prévue à l'article L. 136-4 ; ».

« V. Le premier alinéa de l'article 1143-2 du code rural est ainsi rédigé : "Les caisses de mutualité sociale agricole sont chargées du recouvrement des cotisations et des majorations et pénalités de retard dues au titre des régimes de protection sociale agricole dont elles assurent l'application."

« VI. Le 3o du deuxième alinéa de l'article 1143-2 du code rural est abrogé.

« VII. Au troisième alinéa de l'article 1143-2 du code rural, les mots : "ainsi que des pénalités de retard" sont remplacés par les mots : "ainsi que des majorations et pénalités de retard".

« VIII. A l'article 1143-5 du code rural, après les mots : "au paiement des cotisations" sont ajoutés les mots : "des majorations et pénalités de retard".

« IX. Dans le code rural, il est créé un article 1143-7 ainsi rédigé :

« Art. 1143-7 . Lorsqu'elles sont munies d'un titre exécutoire, au sens de l'article 3 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, à l'encontre des employeurs de main-d'oeuvre agricole ou des personnes physiques non salariées agricoles, les caisses de mutualité sociale agricole habilitées à décerner la contrainte définie à l'article 1143 2 peuvent, au moyen d'une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant revenir au débiteur, de verser aux lieu et place de celui-ci, auxdits organismes, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des cotisations et des majorations et pénalités de retard au titre des régimes de protection sociale agricole bénéficiant du privilège ou ayant donné lieu à une inscription de privilège, en application de l'article 1143-5.

« L'opposition est notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l'organisme. Elle affecte, dès réception par le tiers, les sommes faisant l'objet du titre exécutoire au paiement desdites cotisations, majorations et pénalités de retard, quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le débiteur possède à l'encontre du tiers deviennent exigibles.

L'opposition emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991 précitée à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée.

Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions établies au nom du débiteur, elle d oit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces demandes en proportion de leurs montants respectifs.

« L'opposition peut être contestée devant le juge de l'exécution dans le mois de sa notification au débiteur. Le paiement est différé pendant ce délai, et le cas échéant jusqu'à ce qu'il soit statué, sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu'il détermine.

« Sont en outre applicables les articles 24, 44 et 47 de la loi du 9 juillet 1991 précitée.

« Les présentes dispositions ne sont pas applicables aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles L. 145-1 et suivants du code du travail.

« Les organismes visés à l'article 1106-9 disposent de la même procédure d'opposition à tiers détenteur et sous les mêmes conditions que les caisses de mutualité sociale agricole pour le recouvrement des cotisations prévues aux articles 1106-6 et suivants ainsi que des majorations et pénalités de retard.

« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'article 14 est important et a d'ailleurs suscité de nombreuses remarques de la part des yndicats et d'organisations professionnelles qui ont appelé l'attention des députés par des courriers spécifiques que nous avons tous reçus. Cet article instaure, en effet, une procédure d'avis à tiers détenteur pour permettre aux organismes d'assurance maladie et aux caisses d'assurance vieillesse des travailleurs indépendants d'obtenir le recouvrement forcé des cotisations impayées. Il y a là de nombreux points irrecevables - je les ai développés avant-hier en soulevant l'exception d'irrecevabilité.

Je veux rappeler que l'article 14 porte atteinte aux droits de la défense puisque, par rapport à la procédure antérieure, les redevables n'auront pas la possibilité de se protéger contre les opérations de prélèvement forcé sur leur compte bancaire. C'est bien de cela qu'il s'agit.

En outre, sont visées les professions indépendantes, pour lesquelles il est extrêmement difficile d'évaluer la réalité des ressources et dont vous savez tous que c'est, hélas ! parmi elles, pour les plus modestes en tout cas - petits artisans et commerçants indépendants -, que l'on trouve désormais les cas de dégradation du niveau de vie les plus importants Parfois, on peut même parler de précarité, souvent inavouées d'ailleurs.

L'inconstitutionnalité de cet article est patente : dans sa décision du 20 janvier 1981, le Conseil constitutionnel a affirmé que le respect des droits de la défense est un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

De même, dans une décision du 28 juillet 1989, il précisait que ce droit implique l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties. Tel ne sera pas le cas de la procédure instituée par l'article 14 puisque le débiteur ne pourra exposer ses griefs avant la sanction et qu'il se trouvera dans l'obligation de déclencher à ses frais une procédure pour faire connaître ses droits. La lourdeur de la machine administrative va broyer les petits professionnels indépendants en difficulté.

Un tel article, dans un texte qui essaie de protéger précisément de l'exclusion les plus démunis, est parfaitement déplacé. Comme l'ont sollicité notamment les avocats, par l'intermédiaire de leur organisation professionnelle, et les huissiers de justice, le Gouvernement serait bien inspiré de le supprimer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

Mme la présidente.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Madame la ministre, comme vient de l'indiquer Bernard Accoyer, l'article 14 est en effet extrêmement important. Je me demande même si nous y avons prêté assez d'attention en commission. Nous avons en tout cas reçu un important courrier à son sujet par la suite.

Il vise à établir une procédure d'avis à tiers détenteur.

Un certain nombre de professions libérales, huissiers de justice, avocats, s'inquiètent, à juste titre, des pouvoirs qui vont être donnés aux caisses d'assurance maladie et aux caisses d'assurance vieillesse des professions indépendantes, de saisir sans formalité les sommes qu'elles estiment être dues sur les comptes bancaires des assurés sociaux. Cela revient à accorder à ces organismes des prérogatives exorbitantes de droit commun. C'est pourquoi, dans quelques instants, je vous proposerai un amendement de suppression.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes Je défendrai en même temps, si vous en êtes d'accord, madame la présidente, l'amendement no 33. Cela nous fera gagner du temps.

Mes chers collègues, je fais partie des parlementaires qui, depuis 1981, oeuvrent pour protéger les droits de la défense et les libertés. Nous avons à notre actif la suppression des tribunaux militaires, la réforme du code pénal et, il y a peu, le projet de loi sur la présomption d'innocence. Dans tous ces textes, les droits de la défense sont renforcés et les personnes suspectées sont présumées innocentes jusqu'à preuve du contraire.

Or, madame la ministre, l'article 14, qui est peut-être la partie la moins généreuse du projet de loi...

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Gérard Gouzes.

... ô combien efficace que vous nous proposez pour défendre les plus démunis, projet que nous approuvons totalement, n'est, de ce point de vue, pas satisfaisant.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour les huissiers !

M. Gérard Gouzes.

Madame la ministre, vous allez voir que l'affaire est beaucoup plus complexe.

D'abord, l'article 14 ne concerne qu'une catégorie de citoyens : les artisans, les commerçants, les professions libérales.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Gérard Gouzes.

Pourquoi ? Se pose alors le problème de sa constitutionnalité.

M. Bernard Accoyer.

C'est inconstitutionnel !

M. Gérard Gouzes.

Comme je ne souhaite pas que votre texte, madame la ministre, soit déclaré irrecevable par le Conseil constitutionnel eu égard aux avancées considérables qu'il propose, je me dois de vous présenter, de manière constructive, les quelques observations qui vont suivre.

De quoi s'agit-il ? Je vais, mes chers collègues, vous l'expliquer, parce que le sujet est un peu complexe.

Nous avons réformé, en 1991, les voies d'exécution et nous avons essayé, par le biais d'un texte qui émanait de la commission Perrot, du nom de son président, M. Roger Perrot, grand professeur émérite que nous connaissons tous, à la fois de protéger les libertés et de renforcer l'efficacité de l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt. Cette efficacité est nécessaire à tous les organismes que vous citez dans le projet que nous examinons, qui ont besoin, eux aussi, de faire rentrer les cotisations, les majorations de cotisations et les pénalités de retard.

Mais, il faut savoir, - et les huissiers ne sont en rien en cause, madame la ministre - que les organismes créanciers que sont les caisses CANCAVA, ORGANIC, MSA ont la possibilité, en vertu d'un décret de 1995, par simple lettre recommandée avec accusé de réception, de faire ce que l'on appelle une OTD, c'est-à-dire une opposition à tiers détenteur.

Vous qui pleurez aujourd'hui, messieurs de l'opposition,...

M. Denis Jacquat.

Nous ne pleurons pas !

M. Gérard Gouzes.

... ce décret de 1995, je vous le dis au passage, n'était pas meilleur que ce qui est en train de se faire aujourd'hui.

M. Bernard Accoyer.

On peut toujours s'améliorer !

M. Gérard Gouzes.

Je dis cela pour la petite histoire, pour que chacun balaye devant sa porte.

Mais avant de faire l'OTD, madame la ministre, les organismes créanciers doivent saisir le juge.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Non !

M. Bernard Accoyer.

Oui, c'est vrai, à titre onéreux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce sera toujours le cas !

M. Gérard Gouzes.

Puisque M. le rapporteur conteste ce que je dis, je vais donner le numéro de l'article du code de la sécurité sociale résultant du décret no 95-446 du 24 avril 1995 qui donne la possibilité de faire opposition sur des fonds détenus par un tiers à la condition de présenter une requête à un juge. C'est l'article R.

652-6.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Lisez le L.

244-9 !

M. Gérard Gouzes.

Et comme j'aime bien que l'on dise les choses clairement et surtout que l'on ne dise pas le contraire de la vérité, je vais lire -pardonnez-moi mes chers collègues -...

M. Jean-Luc Préel.

C'est très important !

M. Bernard Accoyer.

Vous êtes tout pardonné !

M. Gérard Gouzes.

... l'article R. 652-2. Il y est dit :

« Les caisses d'assurance vieillesse des professions non salariées non agricoles et les organismes conventionnés prévus à l'article L. 611-3 peuvent faire opposition, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à concurrence des sommes indiquées par la mise en demeure prévue à l'article R. 612-9, sur les fonds détenus pour le compte du débiteur par tout tiers détenteur. » Je

vous fais grâce de la suite.

Dans cette procédure, on doit donc saisir, par requête, le juge du tribunal de la sécurité sociale, lequel rend une ordonnance qui permet de bloquer les fonds détenus, par exemple, sur un compte bancaire. Dans ces conditions, mes chers collègues, il y a intervention d'un tiers judiciaire, qui garantit effectivement les libertés.

Or, l'article 14 tel qu'il nous est proposé aujourd'hui supprime tout simplement ce juge.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas vrai !

M. Gérard Gouzes.

Je maintiens, madame la ministre, qu'à ce stade le juge n'apparaît pas. S'il y a contestation, il intervient mais, avant, le juge est supprimé par l'article 14.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Gérard Gouzes.

Il ne faut pas dire le contraire de ce qui est écrit. Je sais que le sujet est complexe. Jer econnais qu'il est compliqué. Mais il faut bien comprendre qu'avec l'article 14, les dégâts sont immédiats : les sommes sont attribuées, le commerçant en question voit son compte saisi, ses chèques non honorés, sa réputation mise en danger. Il peut même être mis en redressement judiciaire ou en liquidation de biens.

M. Bernard Accoyer.

Ses fournisseurs ne le livreront plus. On le jette dans la précarité.

M. Gérard Gouzes.

C'est dire la gravité qu'il y a à supprimer tout intermédiaire.

Le principe général du droit français applicable à tout organisme privé est que « nul ne peut se faire justice à soi-même. »

M. Pierre Hellier et M. Bernard Accoyer.

Exactement !

M. Gérard Gouzes.

C'est un principe fondamental que nous défendons depuis toujours à gauche et j'aimerais bien qu'on continue à le défendre. Ce principe s'incarne dans le code civil par toute une série de dispositions : je pense en particulier à l'interdiction de la clause dite de

« voie parée » et à celle du « pacte commissoire ». Et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a bien précisé que le principe même de l'exécution d'un jugement ou d'un arrêt entrait dans le cadre d'un procès, lequel doit être impartial et indépendant.

Voilà la raison pour laquelle, madame la ministre, il faut examiner cette affaire avec attention.

M. Bernard Accoyer.

Retirez l'article 14, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous soutenez le corporatisme, monsieur Accoyer ?

M. Gérard Gouzes.

Je vous le demande sincèrement, madame la ministre, regardez cette affaire avec attention.

L'exécution forcée d'un titre exécutoire doit nécessiter, aux termes du droit européen, l'assistance d'un tiers impartial indépendant, qu'il s'agisse d'un juge, d'un greffier, d'un huissier,...

Mme Véronique Neiertz.

Non ! Pas un huissier.

M. Gérard Gouzes.

Peu importe. Il faut un tiers indépendant et impartial.

Le droit européen est donc clair : les autorités sociales ne peuvent se faire justice à elles-mêmes en mettant en oeuvre seules une mesure d'exécution unilatérale.

Il apparaît dès lors bien hasardeux et surtout fort peu satisfaisant au regard des batailles parlementaires que nous avons menées depuis 1981 de faire passer une telle mesure, à la sauvette, à l'intérieur d'un texte - ô combien généreux, - que j'approuve de tout mon coeur et que je souhaite voir adopté par notre assemblée.

Voilà la raison pour laquelle, madame la présidente, je soutiens un amendement tendant à supprimer purement et simplement l'article 14 afin de rester dans le droit actuel. C'est l'amendement no

33.

Mme la présidente.

Je suis saisie de trois amendements identiques nos 33, 92 et 235.

L'amendement no 33 est présenté par M. Gouzes ; l'amendement no 92 est présenté par MM. Accoyer, A uberger, Carrez, Delnatte, Demange, Dubernard, D upont-Aignan, Jacob, Godfrain, Guédon, Lepercq, Mariani, Mme Mathieu-Obadia, MM. Masdeu-Arus, Muselier et Poignant ; l'amendement no 235 est présenté par M. Jacquat et M. Gérard Voisin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 14. »

M. Gouzes vient de défendre l'amendement no

33. Les amendements nos 92 et 235 sont-ils défendus ?

M. Bernard Accoyer.

L'amendement no 92 est défendu !

M. Denis Jacquat.

L'amendement no 235 aussi. Les arguments sont les mêmes.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

M. Gouzes a raison de dire que le sujet est complexe et qu'il implique de regarder de près les textes. Il faut, me semble-t-il, comparer la procédure actuelle et la nouvelle à la lumière non seulement des décrets, mais de l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires.

La procédure actuelle, d'abord.

L'article L.

224-9 du code de la sécurité sociale autorise les organismes de sécurité sociale à se délivrer un titre exécutoire - lequel est appelé une contrainte - pour lancer la procédure d'opposition à tiers détenteur. Dans le cadre de la procédure actuelle, il n'y a donc pas besoin d'une décision de justice pour émettre un titre exécutoire.

M. Gérard Gouzes.

Tout à fait !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Non seulement ce n'est pas nécessaire, mais l'ancien article L.

652-3 permet même de notifier, sans titre exécutoire, une mise en demeure de payer à un tiers détenteur.

Certes, les dispositions de l'article R.

652-3 atténuent les effets de cette procédure puisque, en cas de refus d'obtempérer du tiers détenteur, il appartient à l'organisme de sécurité sociale de saisir le juge des affaires sociales qui délivre alors une ordonnance pour poursuivre l'exécution.

Voilà pour la procédure actuelle. Vous voyez du reste qu'aucun huissier n'intervient et surtout - et c'est le point clé - que l'organisme a compétence pour délivrer de façon unilatérale un titre exécutoire.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà !

M. Gérard Gouzes.

Tout à fait ! C'est ce que j'ai dit.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il n'y a pas, nous allons le voir, dans la nouvelle procédure, d'innovation sur ce point.

Quelle est la nouvelle procédure ? Tout d'abord, l'article L. 244-9 est maintenu. Ainsi, les organismes de sécurité sociale peuvent toujours délivrer un titre exécutoire.

Par contre, le nouvel article L. 652-3 exige l'existence de ce titre exécutoire pour poursuivre la procédure d'exécution et notifier l'opposition à tiers détenteur. En cas de refus d'exécution de la part du tiers détenteur, il appartient à ce dernier de saisir le tribunal, lorsqu'il conteste la validité de l'avis à tiers détenteur. On voit donc que, là aussi, le titre exécutoire est émis sans recourir à la compétence d'un juge. Celui-ci n'intervient qu'en cas de contestation du titre exécutoire.

Il y a donc - et c'est la différence entre les deux procédures - renversement de la saisine du juge. Dans la première procédure, en cas de passivité du tiers détenteur, il


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

incombe à l'organisme de sécurité sociale de saisir le juge alors que, dans la nouvelle procédure, en cas de contestation, ce sera au tiers détenteur ou au débiteur de saisir la juridiction pour paralyser les effets du titre exécutoire.

J'ajoute que la saisine du juge vaut sursis à paiement.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà !

M. Gérard Gouzes.

C'est vrai mais le juge n'intervient qu'à la fin de la procédure.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il y a donc bien, dans la procédure nouvelle, en cas de contestation, un procès contradictoire, comme l'exigent nos engagements internationaux, et notamment européens.

Il est vrai que la complexité du dossier nous a conduits à analyser les textes avec attention et en toute objectivité, mais il a semblé à la commission que les dispositions proposées ne méconnaissaient pas les principes fondamentaux du droit.

J'ajoute un dernier point. Il peut sembler étonnant que des organismes de droit privé puissent émettre de façon unilatérale des titres exécutoires. En vérité, ces organismes de droit privé sont investis d'une mission de service public, puisqu'ils gèrent des systèmes de sécurité sociale.

Il relève, là aussi, des principes généraux qu'un organisme, même de droit privé, dès lors qu'il est investi d'une mission de service public, peut prendre des mesures u nilatérales exprimant des prérogatives de puissance publique et, notamment, des titres exécutoires.

Nous ne contestons ni l'intérêt ni l'utilité du débat lancé par M. Gouzes. Il a eu le mérite de nous forcer, les uns et les autres, à regarder de près les textes.

J'indique que cette mesure est proposée dans un article du projet de loi sur la CMU en contrepartie de la déconnexion proposée entre couverture médicale et coti-s ation. Puisque le non-paiement des cotisations ne conduit plus à priver de couverture médicale, il paraissait tout à fait logique de renforcer un tout petit peu la procédure de contrainte.

Telle sont les raisons qui ont conduit la commission a donner, dans l'état actuel de l'examen du texte, un avis défavorable à la fois aux amendements de suppression et aux amendements de modification de l'article.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'apporterai quelques compléments de réponse, sans revenir sur la procédure dont vient de parler M. le rapporteur.

Si le sujet est un peu complexe sur le plan juridique, j'ai le sentiment, en proposant cet article, de répondre à une préoccupation largement partagée dans cet hémicycle.

Monsieur Accoyer, vous avez déposé hier un amendement pour montrer la nécessité de la lutte contre les fraudes. Je vous ai dit que je partageais ce point de vue.

V ous dites aujourd'hui que la mesure proposée à l'article 14 n'a rien à voir avec le projet de loi. Eh bien si, elle a à voir. Nous voulons grâce à elle lutter contre les fraudes qui seraient liées à la déconnexion entre les cotisations et les recouvrements.

Il s'agit là d'une demande extrêmement forte de la part de l'ensemble des caisses de non-salariés. D'ailleurs la CANAM nous a donné son accord. Elle considère que la procédure d'opposition à tiers détenteur rénovée, telle qu'elle a été mise au point dans le projet à partir de l'avis à tiers détenteur fiscal, va dans le bon sens puisque, tout en garantissant les droits des assurés, elle doit permettre aux organismes chargés du recouvrement d'encaisser plus rapidement les cotisations. Elle a également fait remarquer, à juste raison, que cette procédure sera peu onéreuse pour les intéressés puisqu'il n'y a pas recours à des huissiers de justice. La CANCAVA et l'ORGANIC, quant à elles, non seulement ont donné un avis favorable, mais auraient souhaité que nous allions encore plus loin.

Pourquoi cet article 14 ? Pour une raison simple. Avec la couverture maladie universelle, il y a déconnexion entre les cotisations et le versement des prestations. Bien évidemment, les commerçants, les artisans et les professions libérales dont les ressources sont inférieures au plafond de la CMU bénéficieront du dispositif. Mais, dans le cas de ces professions pour lesquelles le recouvrement des cotisations n'est pas le même que pour les salariés - où les recouvrements sont directs et s'effectuent de manière beaucoup plus facile - il faut que les régimes d'assurance puissent régler les problèmes de recouvrement qui risqueront d'être accrus par des fraudes à l'occasion de la CMU. Je n'insinue aucunement qu'il y a plus de fraudeurs là qu'ailleurs. Je dis tout simplement que les procédures ne sont pas aussi simples que pour les salariés.

Il faut d'ailleurs reconnaître également que certains mouvements contestataires, vous le savez bien,...

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Le petit Poucet !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... incitent à ne pas payer et les impôts et les cotisations.

L'ORGANIC nous a, il y a quelques jours, envoyé la lettre d'un huissier de justice dans laquelle celui-ci expliquait qu'il renonçait à aller recouvrer les cotisations, car il avait eu des menaces de mort de la part d'une association dont je ne donnerai pas le nom.

Telles sont les raisons pour lesquelles il faut, à la demande des caisses de non-salariés, améliorer les procédures de recouvrement, tout en garantissant le droit des personnes en cause.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Bien évidemment !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'à dit M. le rapporteur. Je partage totalement son analyse. Il n'y a aucun problème pour que les personnes débitrices fassent entendre leurs droits. Elles pourront à tout moment avant la décision de l'organisme tiers détenteur, aller devant le juge, et lorsqu'elles le feront, il y aura un sursis de paiement. Leurs droits à la défense sont donc totalement respectés.

Par ailleurs, le recours à un huissier de justice ne sera pas nécessaire.

Je sais que les huissiers de justice ne sont pas contents de cette mesure, qui représente pour eux une perte de chiffre d'affaires. Mais il faut savoir qu'en demandant la suppression de cet article, ce n'est pas les caisses de sécurité sociale ni les droits des personnes qu'on défend.

Nous devons faire en sorte que chaque citoyen français respecte les lois et verse ses cotisations, et nous devons aider les caisses à les encaisser dans le respect des droits des personnes. Je crois vraiment que ce texte le permet.

D'ailleurs, le Conseil d'Etat n'a rien trouvé à redire à cet article en ce qui concerne les droits de l'homme, et la chancellerie nous a donné son accord. Il s'agit d'améliorer une procédure qui existe déjà, de donner la possibilité à toutes les caisses de recouvrer les cotisations auxquelles elles ont droit tout en respectant les droits de chacun. Je vous demande donc d'adopter cet article.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

M. Bernard Accoyer.

Madame le ministre, il ne s'agit pas pour nous de protéger quelques individus civiquement indisciplinés. Dans nos circonscriptions, nous recevons tous des lettres décrivant la situation dramatique de petits professionnels indépendants, victimes souvent de leurs propres erreurs d'évaluation des dépenses qu'ils vont engager, victimes également de la mutation profonde du commerce et de l'artisanat, et plongés dans une précarité extrême dont personne ne se rend compte.

J'ajoute que les caisses d'assurance vieillesse ou maladie des travailleurs non salariés peuvent très bien commettre des erreurs comme les autres régimes. Il est enfin fréquent que ces travailleurs indépendants, pour avoir rempli leurs imprimés ou leurs déclarations de manière imprécise, se retrouvent brutalement face à un organisme de recouvrement qui les met en demeure de payer. Si par malheur l'article 14 était adopté, il leur faudrait dans ce cas saisir eux-mêmes le juge alors qu'ils sont souvent déjà dans la plus grande difficulté.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme aujourd'hui.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non !

M. Bernard Accoyer.

Tout cela entraîne des dépenses, des frais d'avocat,...

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il n'y a pas d'obligation d'avocat !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Comme aujourd'hui !

M. Bernard Accoyer.

Quand on est artisan ou petit commerçant, et même dans d'autres professions, on ne connaît pas les procédures et, pour saisir le juge, on va d'abord chez l'avocat. C'est du moins ainsi que les Français normalement informés croient que fonctionne la justice.

Vous me dites que la procédure que vous voulez imposer sera identique à ce qui est en usage pour les recouvrements fiscaux. Cet argument ne me paraît pas valable, car chacun sait que les organismes de recouvrement du Trésor public se montrent bien moins exigeants, bien moins brutaux que les organismes de recouvrement des cotisations sociales. Il n'est pas dans notre intention, je le répète, de soutenir je ne sais quelles incivilités ou plutôt insoumissions au devoir civique : nous ne pensons qu'à ceux qui sont dans la difficulté. A ce propos, je n'ai pas bien compris votre allusion au rôle des huissiers ; je croiss avoir qu'ils n'interviennent pas dans la procédure actuelle, du moins pas au début.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pas au début, en effet.

M. Bernard Accoyer.

Du reste, M. Gouzes vous le reprécisera. C'est donc que les huissiers se sont manifestés pour des raisons autres que celle qui nous a motivés : nous estimons qu'il y aurait moins de risque social, en tout cas moins de risque de précipiter dans la précarité d es travailleurs indépendants, agricoles, artisans ou commerçants, à renoncer d'entrer dans cette mécanique que nous jugeons très dangereuse.

Mme le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, loin de moi l'idée de vous accuser de défendre telle ou telle corporation et encore moins les mauvais payeurs ; je n'ai fait que mettre sur la table l'ensemble des éléments. Je vous rappelle un élément majeur : ces artisans, commerçants ou professions libérales en difficulté dont vous parlez ne verront plus les prestations s'interrompre en cas de non-paiement de cotisations, alors que, aujourd'hui, même s'il s'agit d'une erreur de la part de la caisse, CANAM ou ORGANIC, pour reprendre votre exemple, les prestations sont immédiatement suspendues. Grâce à la CMU, ils continueront à bénéficier des prestations de santé. Et, s'ils souhaitent contester, ils pourront le faire : cette procédure n'a rien de nouveau, je le répète.

Il n'est pas non plus question de se passer du juge.

Bien sûr, ils devront y avoir recours, sans frais d'avocat, puisque celui-ci n'est pas obligatoire, avec toutes les voies possibles de contestation de la créance. La procédure prendra effet seulement une fois épuisés tous les moyens de recours. Il ne s'agit pas davantage de créer une nouvelle possibilité de délivrer un titre exécutoire puisque celle-ci existe déjà.

Nous voulons simplement permettre aux caisses de recouvrer les sommes qui leurs sont dues alors qu'elles doivent faire face à des problèmes très difficiles. Toutes ces questions m'ont vraiment interpellée et, je vous le dis très sincèrement, j'ai soigneusement réexaminé, et le rapporteur a fait de même, l'ensemble de la procédure que nous vous proposions. Nous avons réellement la conviction que nous ne portons pas atteinte aux droits des personnes. Et si nous ne le faisons pas, ce sont tous les commerçants, les artisans et les professions libérales qui s'acquittent de leurs cotisations que nous pénaliserons, ceux-là même qui paient pour tous ceux qui sont incités par certains mouvements à ne pas le faire. Il existe un mode de recours possible, peu coûteux et suspensif.

Toutes les garanties sont apportées.

Mme la présidente.

La parole est à M. Pierre Hellier.

M. Pierre Hellier.

En fait, je ne vois que deux points positifs : les économies de frais de justice et peut-être la protection de l'intégrité des huissiers chargés de recouvrer les créances. Pour le reste, je ne suis pas convaincu par votre argumentation. Je crains fort que vous ne mettiez en place une machine extrêmement dangereuse pour les commerçants et les artisans.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, j'ai été surpris par vos réponses. Il n'y a aucun changement par rapport à aujourd'hui, dites-vous dans un premier temps. Dans ce cas, à quoi sert ce que vous nous proposez ? Mais dans un deuxième temps, vous ajoutez, non sans justesse, qu'il faut améliorer l'efficacité de recouvrement. Je vous entends : vous voulez améliorer l'efficacité de la rentrée, alors vous passez tout simplement outre à certains principes protecteurs des libertés.

Tout à l'heure, M. le président de la commission notamment, après le rapporteur, a avancé l'argument de la suspension.

Effectivement, en cas de contestation in fine, il y a suspension des paiements. Mais il n'en demeure pas moins, monsieur le rapporteur, et vous-même y faites référence, que l'article 44 de la loi de 1991 s'applique : il y a donc attribution immédiate, en d'autres termes, les fonds ne sont peut-être pas distribués, mais ils ne sont pas pour autant disponibles, ce qui met l'artisan ou le commerçant en difficulté.

Il ne s'agit évidemment pas de protéger les fraudeurs, mais de prévoir les cas de figure qui peuvent survenir, qu'il s'agisse d'une erreur, comme le disait M. Accoyer, ou tout simplement d'une personne qui, par exemple, n'a


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payé que la moitié de la cotisation, alors que l'administration, avec sa lourdeur habituelle, fera une opposition à tiers détenteur pour la totalité. Vous imaginez, mes chers collègues, les conséquences de cette attribution immédiate ! Le système que vous mettez en place donnera à ces organismes la possibilité d'effectuer eux-mêmes une mise en demeure, de se délivrer eux-mêmes un titre exécutoire, ce que je ne conteste pas ici puisqu'il s'agit d'organismes p articuliers exerçant une mission de service public.

Certes, l'affaire pourra être discutée, la contrainte pourra être contestée devant le juge, j'en suis d'accord. Mais tout cela relève de la partie contentieux : reste l'autre partie, l'exécution qui se fera dorénavant par simple lettre recommandée avec accusé de réception ! Cela signifie tout simplement que l'on se prive de tout intermédiaire.

Quand La Poste sera privatisée, on aura de fait créé une justice privée.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non !

M. Gérard Gouzes.

Pardonnez-moi, mais j'attendais de vous une meilleure expertise de cette affaire, afin que nous puissions aller au fond de ce dossier.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean-Luc Préel.

Belle démonstration !

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est socialo-socialiste !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Vous n'avez pas le droit de dire cela, monsieur Gouzes.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

On ne peut laisser dire que ces dispositions soient liberticides. Ce sont là des propos excessifs et sans beaucoup de portée.

Je rappelle les trois points essentiels.

Premièrement, il n'y avait pas besoin d'un juge hier, il n'y aura pas davantage besoin d'un juge demain pour initier la procédure.

Deuxièmement, les organismes gestionnaires de sécurité sociale sont d'ores et déjà en droit d'émettre des titres unilatéraux.

Troisièmement, le juge intervient hier comme aujourd'hui. La seule différence, c'est que dans l'ancienne procédure, il appartenait aux caisses de saisir le juge, ce qui rendait possible les manoeuvres dilatoires. Or, recouvrer des cotisations sociales, c'est aussi important que recouvrer l'impôt...

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas la même chose.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

... dès lors que toute cotisation non recouvrée est finalement supportée, par le jeu de la solidarité, par ceux qui payent les leurs.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas tout à fait pareil.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Par conséquent, ces procédures apparaissent parfaitement justifiées.

Désormais, c'est au tiers détenteur ou au débiteur de saisir le juge s'il considère qu'il doit contester l'avis à tiers détenteur : le changement n'est certes pas négligeable, il renforce incontestablement les pouvoirs de recouvrement en les rendant assez analogues aux avis à tiers détenteurs en matière fiscale. Mais on ne saurait y voir une atteinte à quelque liberté que ce soit.

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de l a commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je ne reviendrai pas sur l'argumentation juridique. Je connais suffisamment la rigueur en la matière de notre collègue Gouzes, qui fut vice-président de la commission des lois. Mais il n'a pas le droit de juger, comme il l'a plus ou moins fait, que ce texte est liberticide. Il nous a aidés en posant des questions qui méritaient d'être approfondies, ce qu'a fait le rapporteur, avec beaucoup de précision. J'ai du reste été très heureux que M. Gouzes participe aux travaux de notre commission.

Après donc avoir examiné cette affaire de très près, nous considérons que l'article 14 améliore la situation. Le débiteur pourra à tout moment, pendant la phase initiale, contester le montant de la créance. Il bénéficiera de toutes les possibilités de recours nécessaires, y compris d'un différé de paiement. Voilà qui me paraît de nature à renforcer les garanties et à améliorer grandement sa situation.

Mme la ministre a conforté cette analyse : elle a pris toutes les précautions nécessaires lorsqu'elle a soumis son texte au Conseil d'Etat et consulté, comme il se devait, les services du garde des sceaux. Sur le plan juridique, le travail a été bien fait et a même été approfondi grâce à

M. Gouzes.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

C'est vrai.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Le rapporteur a bien indiqué que si, dans les jours qui viennent, des éléments nouveaux apparaissaient, nous serions prêts à réexaminer la question.

M. Gérard Gouzes.

Qu'en pense la ministre ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Gouzes, c'est la commission qui vous répond, son rapporteur et son président. Je vous le répète, ainsi qu'à M. Accoyer : si vous nous apercevons qu'un point juridique demande encore à être explicité, nous le ferons.

En l'état actuel des choses, et vous y avez contribué, nous avons tout fait pour nous assurer cette affaire était bien balisée sur le plan juridique. Je vous demande de croire que ce travail a été fait. S'il apparaît nécessaire de l'approfondir encore, nous y sommes prêts. Aussi, au bénéfice des remarques apportées tant par M. le rapporteur que par Mme la ministre, la meilleure méthode serait de retirer ces amendements.

Mme la présidente.

J'interroge les auteurs des amendements, mais je doute qu'ils les retirent.

M. Bernard Accoyer.

Votre doute est fondé, madame la présidente !

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 33, 92 et 235.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M me la présidente.

MM. Accoyer, Delnatte, Demange, Guédon, Jacob, Lepercq, Masdeu-Arus et Muselier ont présenté un amendement, no 94, ainsi libellé :

« Avant le I de l'article 14, insérer les trois alinéas suivants :

« L'article L. 133-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes de sécurité sociale renoncent à la mise en recouvrement de leurs créances à l'égard des travailleurs non salariés non agricoles et des exploitants agricoles en dessous d'un montant égal à 2 000 francs. »

« Les pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Craignant qu'une majorité ne repousse notre amendement de suppression, nous avons prévu des amendements de repli. Notre crainte s'étant vérifiée, nous vous proposons, eu égard aux difficultés des travailleurs indépendants modestes et en situation de précarité, de prévoir un seuil en dessous duquel la procédure instaurée par l'article 14 ne pourra pas être mise en jeu et les caisses renonceront à la mise en recouvrement.

L'amendement no 94 fixe ce seuil à 2 000 francs.

Mme la présidente.

Monsieur Accoyer voulez-vous nous présenter en même temps votre deuxième amendement de repli, no 93 ?

M. Bernard Accoyer.

Volontiers, madame la présidente.

Mme la présidente.

Cet amendement, des mêmes auteurs, est ainsi libellé :

« Avant le I de l'article 14, insérer les trois alinéas suivants :

« L'article L. 133-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes de sécurité sociale renoncent à la mise en recouvrement de leurs créances à l'égard des travailleurs non salariés non agricoles et des exploitants agricoles en dessous d'un montant égal à 1 000 francs. »

« Les pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

Poursuivez monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'esprit de cet amendement, c'est exactement le même que le précédent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 94 et 93 ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Avis défavorable sur les deux amendements. Ils sont du reste quelque peu hors du champ d'application du CMU qui concerne l'ensemble des règles de recouvrement minimum.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 94 et 93 ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis négatif. Ces amendements, en conduisant de fait à instaurer une franchise de 1 000 ou 2 000 francs sur toutes les cotisations, feraient perdre beaucoup d'argent à la sécurité sociale.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

94. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

93. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Accoyer, Jacob et Lepercq ont présenté un amendement, no 96, ainsi libellé :

« Avant le I de l'article 14, insérer les trois alinéas suivants :

« L'article L. 133-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La mise en recouvrement des créances par les caisses des travailleurs non salariés non agricoles et la Mutualité sociale agricole est abandonnée lorsque le revenu des cotisants est inférieur au RMI. »

« Les pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement procède du même esprit. J'ai cette fois-ci fait référence au RMI pour bien illustrer les injustices qui peuvent s'exercer sur les professions indépendantes. Ces situations peuvent être très graves, madame la ministre. Nous sommes saisis sans cesse de cas de cette nature, où des petits travailleurs indépendants sont en train de sombrer dans le malheur.

Pourrait-on imaginer pour eux aussi l'instauration de minimums sociaux ? Je propose que la procédure ne soit pas déclenchée lorsque le revenu du cotisant est inférieur au RMI.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Négatif.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis négatif.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

96. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 32 et 128, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 32, présenté par M. Gouzes, est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 14, supprimer les mots : "et des majorations et pénalités de retard". »

L'amendement no 128, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« I. - Dans le dernier alinéa du I de l'article 14, supprimer les mots : "et pénalités de retard". »

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les éventuelles pertes de recettes sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

La parole est à M. Gérard Gouzes, pour soutenir l'amendement no

32.

M. Gérard Gouzes.

Le privilège de ces organismes est un privilège sur les meubles, qui ne garantit que les cotisations et non les majorations et pénalités de retard. En les incluant dans l'article 14, nous les placerions tout simplement au même niveau que les salaires dus aux ouvriers et nous donnerions de surcroît aux pénalités un caractère non discutable devant la juridiction compétente, même lorsque le débiteur est de bonne foi.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 128.

M. Bernard Accoyer.

Mon amendement répond aux mêmes motivations, très bien développées par mon collègue Gouzes.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 127, ainsi rédigé :

« I. - Compléter le dernier alinéa du I de l'article 14 par la phrase suivante : "Par dérogation à l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale, le montant des majorations de retard est fixé annuellement par décret, en fonction du taux d'inflation."

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes éventuelles sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 124 et 192.

L'amendement no 124 est présenté par M. Accoyer ; l'amendement no 192 est présenté par M. Préel et

M. Kert.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le II de l'article 14. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 124.

M. Bernard Accoyer.

Il est défendu.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement no 192.

M. Jean-Luc Préel.

Cet article permet, on l'a vu il y a quelques instants, aux organismes sociaux d'appréhender des fonds détenus par un tiers et de mettre en place cette procédure d'une redoutable efficacité - nous n'en doutons pas - en utilisant la procédure, très contestée, de la lettre recommandée qui ne garantit pas les droits les plus élémentaires du débiteur saisi.

Il n'est pas acceptable, comme l'a très bien montré M. Gouzes, que de façon unilatérale et directe, un créancier concentre entre ses mains la délivrance d'un titre exécutoire et l'exécution de celui-ci, au risque de multiplier de manière systématique des procédures sans garantie pour le débiteur.

On est quelque peu étonné de voir nos collègues socialistes soutenir les puissants et laisser les plus démunis dans la difficulté ! Cet amendement de suppression est d'autant plus important qu'il est désormais admis que l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme s'applique non seulement à l'exécution des décisions de justice mais aussi aux titres exécutoires non judiciaires.

Il faut en effet rappeler que la validité des saisies qui seraient opérées sur la base de contraintes et au moyen d'opposition à tiers détenteur est considérée comme illicite par la Commission « si les autorités sociales ou fiscales l'appliquent comme mesure unilatérale sans intervention d'un juge ou d'un organisme indépendant muni d'un pouvoir assimilé ».

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 124 et 192.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 35, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le II de l'article 14 :

« L'article L. 652-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : "Art. L. 652-3. - Lorsqu'ils sont munis d'un titre exécutoire au sens de l'article 3 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991, les organismes d'assurance maladie-maternité et les caisses d'assurance vieillesse des professions non salariées non agricoles, habilités à décerner la contrainte définie à l'article L. 244-9 peuvent, dès l'expiration du délai d'opposition à la contrainte, pratiquer une saisie attribution en application de l'article 42 de la même loi. Celle-ci ne peut porter sur les sommes visées à l'article L. 145-1 du code du travail". »

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Je me suis déjà largement expliqué à ce propos. Parce que je ne voudrais pas voir ce projet détruit un jour par d'autres, je souhaite revenir à la loi du 9 juillet 1991 dont, si mes souvenirs sont bons, madame la présidente, vous étiez le rapporteur.

Mme la présidente.

C'est exact, monsieur Gouzes.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

35. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 125, ainsi rédigé :

« Au début du troisième alinéa du II de l'article 14, après les mots : "L'opposition", insérer les mots : "dûment motivée". »

Sur cet amendement, M. Boulard, rapporteur, a présenté un sous-amendement, no 442, ainsi rédigé :

« Au début du dernier alinéa de l'amendement no 125, supprimer le mot : "dûment". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 125.

M. Bernard Accoyer.

Il est défendu.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 125 et présenter le sous-amendement no 442.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Exiger la motivation d'une procédure est toujours une bonne idée. Si n ous suggérons de sous-amender l'amendement de M. Accoyer, c'est parce que « dûment » est assez difficile à interpréter.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour être agréable, une fois de plus, à M. Accoyer (Sourires), le Gouvernement est favorable à son amendement, sous réserve de la précision apportée par M. le rapporteur et dès lors, donc, que nous en retirons « dûment ».

M. Bernard Accoyer.

Je vous remercie, madame la ministre.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 442.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 125.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 29, ainsi rédigé :

« I. - Dans la première phrase du troisième alinéa du II de l'article 14, substituer au mot : "notifiée" le mot : "signifiée". »

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans la première phrase du troisième alinéa du IX de cet article. »

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Le contentieux généré par la lettre recommandée se développe chaque jour davantage, et il est démontré aujourd'hui qu'une lettre recommandée peut être source de complications juridiques.

Je voudrais, à cet égard, faire état de l'article d'un éminent professeur, Roger Perrot, qui dit que la Cour de cassation a fait application de cette méfiance à l'égard des lettres recommandées à plusieurs reprises. Comment, ajoute-t-il, malgré tout de même des dispositions précises du code de procédure civile - articles 670 et suivants expliquer qu'une règle aussi évidente puisse encore susciter des réticences de la part des juges du fond ? Tout simplement, explique-t-il, parce que l'expiration d'un délai, s'il entraîne un effet de forclusion pour celui contre lequel il court, peut corrélativement et dans le même trait de temps ouvrir un droit au profit de l'adversaire.

Nul ne le contestera, et certainement pas Mme la ministre qui affirmait qu'il fallait justement combattre les fraudeurs, que des destinataires astucieux pourront exploit er impunément le régime juridique de la lettre recommandée avec avis de réception en créant de faux obstacles, ce qui appelle ici, de ma part, une remarque : le droit positif de la lettre recommandée ne préserve pas le justiciable des raffinements destructeurs de la ruse, du défaut coupable de vigilance, voire de la mauvaise foi.

Je sais qu'on a essayé tout à l'heure de laisser croire qu'il s'agissait là de la défense d'un lobby.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. Gérard Gouzes.

J'ai même entendu un mot grave, madame la ministre, l'adjectif « lamentable ».

Utiliser de tels arguments contre ceux qui sont là pour défendre les libertés mériterait - mais je n'ose l'employer, même si je le pense fortement - le même mot.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Le sujet est majeur en effet ! Notre collègue Gouzes a raison, la lettre recommandée a suscité bien des contentieux, dont le nombre a été réduit grâce à l'utilisation du pli recommandé.

Mais il est clair que si l'on passe de la notification à la signification, on fait entrer les huissiers dans le débat - ce qui n'était pas prévu. Je ne crois pas qu'il y ait de motif suffisant à cela. Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis et même argument que M. le rapporteur.

Monsieur Gouzes, je n'ai qualifié personne ici de quelque mot que ce soit. Simplement je ne peux accepter que l'on dise que la justice française serait moins protectrice pour les personnes que les huissiers de justice. C'est tout ce que je souhaitais dire, monsieur le député, n'en soyez pas marri. Je n'ai jamais voulu porter atteinte à la dignité et à la conscience d'un député. Ainsi j'ai dit à M. Accoyer que je croyais à sa bonne foi.

En tout état de cause, vous nous avez poussés à travailler davantage sur un dossier, à l'examiner dans tous les sens, avec la chancellerie. C'est maintenant chose faite. Si, entre les deux lectures, d'autres problèmes devaient être soulevés, M. le rapporteur l'a dit avec moi, nous les traiterions comme aujourd'hui, en essayant, en conscience, de bien faire notre travail.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Je prends acte de ce qui vient d'être dit. Il n'y a donc pas d'incident Nous essayons ici tous ensemble de construire un texte qui protège les libertés, tout en restant efficace pour des recouvrements qui sont nécessaires. Et puisque Mme la ministre m'assure que nous aurons l'occasion, au cours des semaines qui viennent, entre les deux lectures, de réexaminer cette affaire sérieusement, en pesant toutes les difficultés qu'elle suscite, je retire mon amendement.

Mme la présidente.

L'amendement no 29 est retiré.

La parole est à M. Pierre Hellier.

M. Pierre Hellier.

Les lettres recommandées me paraissaient être un moyen suffisamment efficace et simple, je n'aurais pas voulu qu'on complique les choses. Mais puisque l'amendement est retiré...

Mme la présidente.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 31, ainsi rédigé :

« I. - Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du II de l'article 14, substituer au mot : "réception", le mot : "signification".

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans la deuxième phrase du troisième alinéa du IX de cet article. »

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Je le retire, madame la présidente.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

Mme la présidente.

L'amendement no 31 est retiré.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 126, ainsi rédigé :

« I. - Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du II de l'article 14, supprimer les mots : "et pénalités de retard".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les éventuelles pertes de recettes sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 28, ainsi rédigé :

« I. - Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du II de l'article 14, supprimer les mots : "mêmes conditionnelles ou à terme,".

« II. - En conséquence, procéder à la même suppression dans la deuxième phrase du troisième alinéa du IX de cet article. »

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Je le retire.

Mme la présidente.

L'amendement no 28 est retiré.

M. Boulard, rapporteur, Mme Grzegrzulka et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 54, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la première phrase du quatrième alinéa du II de l'article 14 :

« L'opposition peut être contestée devant le juge de l'exécution, par le débiteur ou par le tiers détenteur, dans le mois suivant sa notification. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Cet amendement vise à renforcer les droits de la défense en élargissant au tiers détenteur le droit de contestation reconnu au débiteur.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

54. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 30, ainsi rédigé :

« I. - Dans la première phrase du quatrième alinéa du II de l'article 14, substituer au mot : "notification" le mot : "signification".

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans la première phrase du quatrième alinéa du IX de cet article. »

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Gouzes ?

M. Gérard Gouzes.

Je le retire.

Mme la présidente.

L'amendement no 30 est retiré.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 129, ainsi rédigé :

« Supprimer le III de l'article 14. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 130, ainsi rédigé :

« Supprimer le IV de l'article 14. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Défendu !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 130.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 131, ainsi rédigé :

« I. Dans le V de l'article 14, supprimer les mots : "et pénalités de retard".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les éventuelles pertes de recettes sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Défendu !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer et M. de Courson ont présenté un amendement, no 137 rectifié, ainsi rédigé :

« Supprimer le VI et le IX de l'article 14. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Si nous supprimons le mécanisme offert à un tiers détenteur, au moins faut-il maintenir l'autre dispositf. Tel est l'objet de l'amendement no 137 rectifié.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 137 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 139 et 287, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 139, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Supprimer les VII et VIII de l'article 14. »

L'amendement no 287, présenté par M. Gouzes, est ainsi rédigé :

« Supprimer le VIII de l'article 14. »

Monsieur Gouzes, retirez-vous votre amendement ?

M. Gérard Gouzes.

L'amendement no 287 concerne les agriculteurs et relève du processus que j'ai précédemment développé. Je compte sur Mme la ministre pour approfondir encore ce dossier. Par conséquent, je retire mon amendement.

Mme la présidente.

L'amendement no 287 est retiré.

La parole est à M. Bernard Accoyer pour soutenir l'amendement no 139.

M. Bernard Accoyer.

Les dispositions introduites à l'article 14 concernent les artisans et les commerçants ainsi que les agriculteurs, puisque c'est l'ensemble des professions indépendantes qui sont dans le collimateur de cette procédure, dont nous pensons qu'elle constitue une régression par rapport au droit actuel.

Le monde agricole est souvent confronté à de grandes difficultés. Ses ressources se situent plutôt au bas de l'échelle. Imposer cela, en plus, à la MSA, qui n'est pas véritablement demandeur, ne nous paraît pas opportun.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 139 ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 44, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le IX de l'article 14 :

« Dans le code rural, il est créé un article 1143-7 ainsi rédigé :

« Art. 1143-7. - Lorsqu'elles sont munies d'un titre exécutoire au sens de l'article 3 de la loi no 91650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procéd ures civiles d'exécution, à l'encontre des employeurs de main d'oeuvre agricole ou des personnes physiques non salariées agricoles, les caisses de mutualité sociales agricoles habilitées à décerner la contrainte définie à l'article 1143-2, peuvent dès l'expiration du délai d'opposition à la contrainte, pratiquer une saisie attribution en application de l'article 42 de la même loi. Celle-ci ne peut porter sur les sommes visées à l'article L.

145-1 du code du travail ».

La parole est à M. Gérard Gouzes.

M. Gérard Gouzes.

Je le retire.

Mme la présidente.

L'amendement no 44 est retiré.

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 443, ainsi rédigé :

« Au début de la première phrase du troisième alinéa du IX de l'article 14, après les mots : "L'opposition", insérer le mot : "motivée". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de conséquence.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 443.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Boulard a présenté un amendement, no 352, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la première phrase du quatrième alinéa du IX de l'article 14 :

« L'opposition peut être contestée devant le juge de l'exécution, par le débiteur ou par le tiers détenteur, dans le mois suivant sa notification. »

La parole est à M. Jean-Claude Boulard.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Amendement de conséquence également.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 352.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

M. Barrot a présenté un amendement, no 334, ainsi libellé :

« Compléter l'article 14 par le paragraghe suivant :

« X. - L'article L. 612-9 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elles peuvent être prélevées sur le montant des prestations dues aux assurés. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application de cette disposition. »

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Le déroulement de la discussion va me conduire à retirer mon amendement mais nous avons été confrontés à une époque à une campagne extrêmement néfaste qui décourageait les petits artisans, et même des commerçants qui avaient parfois plus de moyens, de payer leurs cotisations. Le régime des non-salariés est très préoccupant, car il ne faudrait pas qu'une mesure généreuse, porte en germe un risque de « désincitation » à la participation citoyenne de ceux qui doivent cotiser.

Mme la présidente.

L'amendement no 334 est retiré.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

Après l'article 14

Mme la présidente.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 34, ainsi rédigé :

« Après l'article 14, insérer l'article suivant :

« L'agent chargé de l'exécution de l'opposition au tiers détenteur est habilité à entreprendre directement les diligences nécessaires en vue d'obtenir l'adresse des organismes auprès desquels un compte est ouvert au nom du débiteur, ainsi que l'adresse du débiteur et éventuellement de son employeur, à l'exclusion de tout autre renseignement ».

Cet amendement est-il défendu ?

Mme Dominique Gillot.

Il est retiré, madame la présidente.

Mme la présidente.

L'amendement no 34 est retiré.

Article 15

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'article 15 : C HAPITRE

III Dispositions diverses

« Art. 15. I. Au premier alinéa de l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, les mots : "pendant une période déterminée" sont remplacés par les mots : "pendant des périodes qui peuvent être différentes selon qu'il s'agit de prestations en nature ou de prestations en espèces".

« II. Au deuxième alinéa du même article, les mots : "Le délai mentionné à l'alinéa précédent s'applique é galement" et les mots : "si pendant cette période" sont remplacés respectivement par les mots : "Les périodes mentionnées à l'alinéa précédent s'appliquent également" et les mots : "si pendant ces périodes". »

Je mets aux voix l'article 15.

(L'article 15 est adopté.)

Article 16

Mme la présidente.

« Art. 16. I. A l'article L. 381-4 du même code, les mots : "qui, n'étant ni assurés sociaux, ni ayants droit d'assuré social," sont remplacés par les mots : "qui, n'étant pas assurés sociaux ou ayants droit d'assuré social à un titre autre que celui prévu à l'article L. 380-1,".

« II. Le premier alinéa de l'article L. 381-12 du même code est complété par la phrase suivante : "Ils ne peuvent être affiliés au titre de l'article L. 380-1". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l'article.

M. Jean-Luc Préel.

Madame la ministre, je regrette que vous n'ayez pas profité de ce projet de loi pour progresser dans l'harmonisation des dix-neuf régimes existants. Nous avions envisagé et proposé d'instaurer une assurance maladie universelle qui aurait été ouverte à tous selon les mêmes conditions. Je vous rappelle d'ailleurs, à ce propos, qu'il me semble regrettable que lorsque l'on vote l'ONDAM, celui-ci ne soit pas confié à une Union nationale des caisses mais que les discussions se passent essentiellement avec la CNAM.

Au lieu de profiter de ce projet pour harmoniser les régimes spécifiques, vous maintenez un système présentant de grandes inégalités de prélèvements et de prestations.

J'ai déjà évoqué le problème des étudiants à l'occasio n de l'article 4, et, je vous l'ai dit, votre réponse ne m'a pas totalement convaincu. C'est une simple affaire de justice.

En effet, pourquoi un jeune de vingt ans ayant des ressources inférieures à 3 500 francs n'aurait-il pas le droit de bénéficier du dispositif de la CMU ? Pourquoi devrait-il payer une cotisation de 1 000 francs par an lorsqu'il s'inscrit à l'université ? Le plus simple aurait été, me semble-t-il, d'accorder le même droit à tous les Français. Or votre projet, qui n'institue pas une assurance maladie universelle, ne le permet pas. Et ce que je décris pour les étudiants vaut également pour les travailleurs indépendants, qui n'auront ni les mêmes prélèvements ni les mêmes prestations, et pour de nombreux ressortissants du régime agricole.

Madame la ministre, je vous serais reconnaissant de nous apporter des éclaircissements complémentaires.

Mme la présidente.

M. Morin et M. Bur ont présenté un amendement, no 228, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 16 par l'alinéa suivant :

« Le début de l'article L.

381-6 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L.

381-6. - Nonobstant les dispositions des articles L.

161-2-1, L.

380-1 et L.

380-2 du présent code, les bénéficiaires énumérés. (Le reste sans changement.) » La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Avec cet amendement, je voudrais, d'une part, lever toute ambiguïté et, d'autre part, veiller à ce que la CMU ne remette pas en cause les mécanismes d'affiliation et de financement propres au régime étudiant.

Qu'il me soit permis, cependant, de vous poser une question. Il ne faudrait pas que la CMU permette des dérives identiques à celles que l'on a constatées autour de l'ALS, et qu'un étudiant puisse bénéficier de la CMU quels que soient son niveau de ressources ou celui de ses parents. On sait en effet que les étudiants peuvent aujourd'hui bénéficier de l'allocation logement, quel que soit le niveau de ressources de leurs parents.

Votre projet de loi ne me rassure pas sur ce point, et je crains que tous les étudiants ou presque puissent bénéficier du dispositif de la CMU au titre de la complémentaire. Comment comptez-vous éviter ces dérives ?

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable. En effet, le problème ne se pose pas. Mais je crois que Mme la ministre va l'expliquer.

Mme la présidente.

C'est une curieuse manière d'exercer les compétences de la commission ! (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Préel me disait hier que je ne l'avais pas convaincu : la réponse à sa question figure pourtant dans l'article 16.

Je reconnais que son texte n'est pas parfaitement explicite, avec ses renvois au code de la sécurité sociale.

L'article 16 dit précisément que deux régimes d'assurance maladie ont un statut de régime subsidiaire par rapport au régime général : celui des étudiants et celui des ministres des cultes. Cette subsidiarité fait que les étudiants ou les membres du clergé qui exercent une autre activité relèvent du régime de cette dernière activité. Si


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

un jeune bénéficie d'une carte de sécurité sociale qu'il a demandée avant de s'inscrire à l'université, il devra néanmoins payer sa cotisation au régime étudiant. Il n'y aura donc pas de différence entre un jeune qui aura demandé une carte de sécurité sociale et un jeune qui ne l'aura pas demandée. Les deux devront payer leur cotisation de sécurité sociale étudiante.

J'ai, comme M. le député, le souci d'éviter, pour la couverture maladie universelle, les dérives qui ont accompagné l'ALS. C'est pourquoi nous avons prévu deux dispositifs visant à empêcher que la couverture maladie universelle puisse être donnée à des étudiants dont les parents auraient les moyens de les prendre à leur charge.

Le premier dispositif n'existe pas pour l'ALS. Il consiste à ne pas permettre qu'un jeune bénéficiant de la CMU soit rattaché au foyer fiscal de ses parents. Ceux-ci ne peuvent donc pas obtenir une baisse d'impôt correspondant à une demi-part supplémentaire.

M. Hervé Morin.

Où est-ce écrit ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est une disposition du texte.

Le second dispositif consiste à prendre en compte dans le calcul des ressources d'un étudiant les libéralités que lui accordent ses parents, par exemple pour payer son loyer.

Cela figure aussi dans le texte.

Avec ces deux mesures, nous devrions éviter que la solidarité nationale serve à aider des étudiants dont les parents ont effectivement les moyens de le faire.

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour le titre IV.

Très bien ! C'est clair !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 228.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17

Mme la présidente.

Je donne lecture de l'article 17 :

« Art. 17. L'article L. 380-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 380-4 . Les pupilles de l'État sont affiliés au régime général au titre du présent chapitre. »

Je le mets aux voix.

(L'article 17 est adopté.)

Article 18

Mme la présidente.

« Art. 18. Sont résiliés de plein droit, à compter de la date où le contractant est affilié au régime général en application de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, tous contrats d'assurance portant sur les risques couverts par cette affiliation. Les cotisations ou primes afférentes à ces contrats sont remboursées par les organismes qui les ont perçues au prorata de la durée du contrat restant à courir.

« Si la garantie résultant de ces contrats est supérieure à celle qu'assure le régime général, le contrat peut être maintenu en vigueur par un avenant et avec une réduction de prime. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l'article.

M. Bernard Accoyer.

Cet article prévoit la résiliation de plein droit des contrats d'assurance privés souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi.

Cela ne va pas sans poser toute une série de problèmes.

D'abord, cette mesure est surprenante, car contraire à l'arrêt La Fleurette du Conseil d'Etat, de 1938, qui veut que, lorsqu'il existe un préjudice grave et certain du fait de la loi, le préjudice soit indemnisé.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

C'est vrai !

M. Bernard Accoyer.

Il conviendrait donc que cet article prévoie une indemnisation.

J'insisterai sur deux autres problèmes. Une distorsion de concurrence risque de se manifester entre les assurances françaises et les assurances étrangères, notamment celles des autres pays de l'Union.

Enfin, un troisième point paraît préoccupant pour l'avenir des mutuelles, en particulier pour celles dont les sociétaires sont âgés. On sait bien que le coût moyen du ticket modérateur est beaucoup plus élevé que les 1 500 francs annuels annoncés par l'étude d'impact et par le rapporteur. Que va-t-il arriver à ces mutuelles ? Certaines, en cours d'année, devront rembourser la prime au prorata de la somme qui restera pour couvrir le reste de l'échéance annuelle. D'autre part, elles auront surtout à couvrir les dépenses excédant les 1 500 francs, somme que les mutualistes auront d'ailleurs payée à l'Etat, et que celui-ci leur restituera éventuellement par le biais d'un abattement, calculé en fonction du nombre de bénéficiaires de la CMU rattachés au dispositif par le biais de ces mutuelles. L'opération, on le voit, ne sera pas gratuite pour les mutualistes.

Cet article vient donc renforcer une procédure financièrement dangereuse pour l'avenir du système complémentaire français, dont je rappelle, encore une fois, qu'il assume une part des dépenses de santé qui augmente de 9 % chaque année. Cette protection est, évidemment, de plus en plus indispensable, même si, en théorie, elle n'est pas obligatoire. Il conviendrait donc d'être plus attentif pour l'avenir financier de ce système.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Article 19

Mme la présidente.

« Art. 19. I. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 380-3 du code de la sécurité sociale, les personnes visées aux 1o , 3o et 4o du même article, affiliées au régime de l'assurance personnelle à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, peuvent, à leur demande, être affiliées au régime général en application de l'article L. 380-1 du même code pendant une période transitoire se terminant au plus tard trois ans après la date de publication de la présente loi.

« II. Les personnes relevant des dispositions de l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, affiliées au régime de l'assurance personnelle à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, dont les prestations d'assurance maladie et maternité sont servies par un organisme de protection sociale agricole au titre de sa participation à la gestion de l'assurance personnelle, continuent de bénéficier du service de ces prestations. Ce service est assuré par cet organisme pour le compte du régime général dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

M. Barrot a présenté un amendement, no 335, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 19 par le paragraphe suivant :

« III. Les personnes qui, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, sont affiliées à titre volontaire au régime d'assurance maladie et maternité des professions non salariées non agricoles sont maintenues à ce régime. Elles pourront toutefois à tout moment demander à bénéficier des dispositions de l'article L.

380-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Le projet de loi ne comporte pas - en tout cas à ma connaissance - de disposition concernant les assurés, peu nombreux - environ sept cents personnes - qui ont adhéré au régime d'assurance maladie et maternité des professions indépendantes à titre volontaire, suite à l'ordonnance du 21 août 1967, et qui, lors de la création de l'assurance personnelle, ont souhaité y être maintenus comme ils en avaient la possibilité en application de la loi du 2 janvier 1978.

Cet amendement permet de garantir le statu quo aux assurés volontaires du régime des professions indépendantes en leur donnant toutefois la possibilité de demander le transfert au régime général pour bénéficier de l'article L.

380-1 du code de la sécurité sociale.

Il s'agit donc simplement d'un dispositif parallèle, à l'usage du régime des non-salariés.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

La commission a été sensible à l'argument de M. Barrot, qui consiste à appliquer, pour les non-salariés non agricoles, un système identique à celui de la MSA pour les agriculteurs. Nous sommes donc plutôt favorables à l'adoption de cet amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement partage totalement l'objectif de M. Barrot.

Toutefois, cette loi ne modifie pas l'article permettant à ceux qui ont opté pour l'assurance volontaire de continuer à en bénéficier au lieu d'adhérer à la CANAM, et il n'y a donc pas de changement. Si ces assurés perdaient les qualités leur permettant d'y cotiser, ils pourraient entrer dans le régime général sur critère de résidence. Cet amendement est donc sans objet, puisque la situation reste en l'état.

Mme la présidente.

La parole est M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

S'il en est ainsi, il n'y a en effet aucune raison de modifier cet article. Toutefois, mon amendement avait pour but de bien préciser la situation.

Mme la présidente.

Maintenez-vous néanmoins votre amendement, monsieur Barrot ?

M. Jacques Barrot.

Je le retire.

Mme la présidente.

L'amendement no 335 est retiré.

Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Après l'article 19

Mme la présidente.

MM. Gengenwin, Bur, Préel, Barrot, Méhaignerie, Morin, Foucher et Blessig ont présenté un amendement, no 301, ainsi rédigé :

« Après l'article 19, insérer l'article suivant :

« Les agents des caisses primaires d'assurance maladie bénéficieront d'une formation adaptée à l'accueil et l'orientation des bénéficiaires de la couverture maladie universelle. »

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Cet amendement vise à mettre en place une formation pour les agents des CPAM chargés d'accueillir les personnes en grande difficulté bénéficiaires de la CMU. Un amendement identique a été déposé pour les salariés des organismes complémentaires.

Jusqu'à présent, les personnes en situation d'exclusion s'adressaient directement aux centres médico-sociaux, aux CCAS ou aux associations agréées par le conseil général.

Les agents qui les accueillaient avaient reçu une formation et avaient été particulièrement sensibilisés aux questions sanitaires et sociales.

Dans le nouveau dispositif proposé par le Gouvernement, l'inscription à la CMU aura lieu dans les caisses primaires d'assurance maladie. La proximité sera nécessairement moindre que dans le cadre de l'aide médicale gratuite du département, et il faudra s'assurer que les demandes seront instruites avec toute l'attention que les personnes en difficulté sont en droit d'attendre. Si les CPAM se contentent d'une instruction administrative, ces personnes seront confrontées à un effet de seuil que, grâce à leur connaissance du terrain, les conseils généraux savaient compenser.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

La commission est défavorable à ce type d'amendements qui consistent à rappeler aux administrations qu'elles doivent accomplir leur travail avec compétence. C'est comme si une loi organique rappelait que les députés doivent voter la loi et que le président de l'Assemblée nationale est chargé de l'exécution de la loi organique. Nous n'apprécierions guère une telle loi. Des administrations dont la compétence n'est pas contestée n'ont pas besoin que le législateur leur rappelle que, pour exercer cette compétence, il faut une formation adaptée.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis défavorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Nous avons tous assisté à diverses auditions des mêmes interlocuteurs, et cet amendement traduit une demande exprimée unanimement par les associations s'occupant des personnes en difficulté, et que nous relayons auprès de vous. Elles ne contestent pas le travail effectué par ces agents, mais pensent qu'une formation adaptée doit leur être dispensée, compte tenu des particularités de certains cas.

M. Jean-Pierre Foucher.

Nous ne mettons pas en cause la compétence des personnels !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Loin de moi l'idée de remettre en cause la qualité des personnels des CPAM.

M. Denis Jacquat.

Très juste.

Mme Muguette Jacquaint.

Néanmoins, le dispositif mis en place nécessite une qualité d'écoute, un travail supplémentaire pour les personnels des CPAM. Le souci


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

de tous les membres de la commission était de définir les moyens nécessaires aux personnels des CPAM pour leur permettre de répondre mieux encore à la prestation qu'on va leur demander de fournir.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Pas une seconde nous n'avons pensé qu'il n'était pas important que les personnels reçoivent une formation adaptée aux missions qu'ils seront conduits à accomplir. Mais il nous paraît qu'il incombe au directeur des caisses, au président, au directeur de la caisse nationale de prendre toutes mesures, et non pas au législateur.

Si l'on étend la loi à tous les domaines, on lui fera perdre de sa consistance et de sa densité. L'article 34 de la Constitution me paraît l'un des plus oubliés. Ce n'est pas en traînant la loi partout qu'on lui donne de la grandeur : c'est plutôt en la resserrant sur les questions essentielles qui comportent des droits et des obligations. On affaiblit beaucoup la loi en l'utilisant comme une circulaire.

M. François Goulard.

C'est parfois ce que fait le Gouvernement !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 301.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 20

Mme la présidente.

Je donne lecture des intitulés du titre II et du chapitre Ier

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION COMPLÉMENTAIRE EN MATIÈRE DE SANTÉ C HAPITRE Ier Dispositions générales Je suis saisie de deux amendements, nos 302 et 350, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 302, présenté par MM. Gengenwin, Bur, Barrot, Méhaignerie, de Courson, Blessig, Foucher et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi rédigé :

« Avant l'article 20, insérer l'article suivant :

« I. Les ménages ne bénéficiant pas de la couverture maladie universelle et dont les ressources ne dépassent pas l'équivalent de deux SMIC mensuels bénéficient d'un crédit d'impôt lorsqu'ils contractent une protection sociale complémentaire.

« II. Le montant de ce crédit d'impôt fixé par d écret tient compte du nombre de personnes composant le ménage.

« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 350, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Avant l'article 20, insérer l'article suivant :

« I. Les personnes dont les ressources sont supérieures au plafond mentionné au premier alinéa de l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale bénéficient, au titre de leurs cotisations pour la couverture complémentaire en matière de santé, d'un crédit d'impôt dont le montant et les modulations selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge sont définis par décret.

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une aumgentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jacques Barrot, pour soutenir l'amendement no 302.

M. Jacques Barrot.

Cet amendement est tout simplement la transcription du souhait, que nous avons exprimé hier, que les ménages modestes ne relevant pas de la CMU puissent bénéficier, pour contracter une protection sociale complémentaire, d'une aide du type de l'aide personnalisée au logement. L'amendement de M. Gengenwin pose donc le principe que les ménages ne relevant pas de la CMU et dont les ressources ne dépassent pas l'équivalent de deux SMIC mensuels bénéficient d'un crédit d'impôt lorsqu'ils contractent une protection sociale complémentaire.

Je reste convaincu qu'il faudra peu à peu aider cette couche de la population à souscrire une assurance complémentaire, et si possible convenable car parfois cert ains contrats d'assurance complémentaire n'assurent qu'une protection relativement faible.

Si cela ne peut pas être réalisé à l'occasion de l'examen de ce texte, souhaitons qu'un jour ces dispositions puissent trouver leur concrétisation dans les faits. En effet, elles présentent l'avantage à la fois de ne pas déresponsabiliser les gens, puisqu'ils doivent faire l'effort de contracter une couverture complémentaire, et de permettre à ceux qui, pour des raisons financières, n'auraient pas pu le faire, de s'engager dans cette voie.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Monsieur Barrot, vous avez beaucoup parlé du caractère dangereux et pervers des effets de seuil. Or je constate que cet amendement prévoit un seuil. Cela prouve que le débat entre ceux qui veulent instaurer des seuils et ceux qui y sont hostiles n'est pas si simple.

Cela dit, l'APL comporte des seuils.

M. Jacques Barrot.

Certes, mais ils sont lissés !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Bref, la problématique des seuils est loin d'être réglée.

Si quelque chose doit être fait pour les ménages dont les ressources sont au-dessus du seuil, il nous paraît que ce ne peut être que par la discussion avec l'ensemble des régimes complémentaires, puisque ceux-ci prétendent au monopole de la couverture complémentaire au-dessus de ce seuil. Il nous semble que c'est la réponse appropriée.

Au reste, nous aurons tout à l'heure un débat sur un fonds d'accompagnement à la couverture complémentaire qui est distinct du fonds de financement de la CMU.

Il est incontestable qu'il y a des choses à faire pour les ménages dont les ressources sont au-dessus du seuil. Mais il est également légitime d'interroger le monde de la pro-


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tection sociale complémentaire pour savoir ce qu'il entend faire pour ces personnes, puisqu'il a la volonté d'être le seul acteur au-dessus de ce seuil.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Barrot, comme je vous l'ai dit hier, je partage votre souci de lisser le seuil. Bien évidemment, tout ce qui pourra être fait pour aider ceux qui sont juste au-dessus de ce seuil pour avoir une prestation gratuite - cela relève de l'action sociale - ou pour contracter une protection sociale complémentaire va dans le bon sens.

Vous avez cité hier l'exemple de Béziers, qui a décidé d'aider financièrement, en fonction d'un barème, ceux qui veulent contracter une assurance complémentaire.

C'est un bon exemple du type de réponse à apporter pour lisser l'effet de seuil ; elle s'ajoute à celles que propose M. le rapporteur.

Pour l'instant, nous devons laisser faire ces expériences, tout en sachant que la CMU permettra de prendre en compte 6 millions de personnes et non plus 2,4 millions comme avant, et donc que les personnes en difficulté dont les ressources sont au-dessus de ce seuil et qui vont devoir contracter une protection sociale complémentaire seront moins nombreuses qu'auparavant.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 350.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement permet de soulever une question très importante.

Le régime obligatoire couvre aujourd'hui, en moyenne, 74 % des dépenses de soins mais seulement 55 % des dépenses de soins ambulatoires.

L'assuré français qui paye les cotisations les plus lourdes d'Europe en matière de maladie est le moins bien couvert. Dès lors, peut-on prétendre que le régime complémentaire est facultatif ? Non, madame la ministre, et vous en apportez la preuve en proposant ce texte au Parlement car il démontre que, sans une couverture c omplémentaire, il est désormais impossible d'avoir recours aux soins dans notre pays, sauf à disposer de revenus que l'on peut considérer comme élevés.

Nous le déplorons tous, mais cette dégradation de la productivité de notre régime général s'est inscrite dans une longue histoire et les faits sont là.

Malheureusement, la tendance n'est pas à l'amélioration, puisque le montant laissé au régime complémentaire augmente de 9 % par an. C'est considérable et cela aura une incidence sur le coût actuariel de la CMU.

Par ailleurs, certains remboursements peuvent varier.

Ainsi, je crois avoir entendu Mme la ministre évoquer une révision prochaine des taux de remboursement de certaines catégories de médicaments et parler de taux symboliques ou, en tout cas, extrêmement faibles. Cela empêchera certaines familles d'accéder à ces médicaments, si elles ne bénéficient pas d'une couverture complémentaire ou de la CMU. Pour ceux qui sont juste au-dessus du seuil ou un peu au-dessus de celui-ci, la situation deviendra de plus en plus difficile.

Comme l'un des grands principes de la sécurité sociale est la solidarité nationale, l'amendement no 350 propose que l'Etat accorde à tous ceux qui doivent contracter une couverture complémentaire un crédit d'impôt à hauteur de leurs cotisations.

Ainsi, il y aura une sorte de cohérence dans l'effort de solidarité nationale : celui-ci sera consenti non seulement pour apporter aux plus démunis une couverture complémentaire gratuite mais aussi pour permettre, grâce à un crédit d'impôt, à ceux qui doivent contracter une protection sociale complémentaire - jusque-là facultative, mais dans les faits obligatoire - de le faire. Je ne parle pas d'une réduction des revenus, mais bien d'un crédit d'impôt, ce qui a un effet différent sur le pouvoir d'achat des ménages.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

La commission a émis un avis défavorable, bien que M. Accoyer pose une vraie question : celle de l'harmonisation des statuts fiscaux des différentes cotisations ou primes en matière de financement des régimes complémentaires. Nous savons que dans le cas des régimes de prévoyance, lorsqu'un accord collectif prévoit une participation de l'entreprise, les cotisations sont déductibles du revenu, alors que cela n'est pas le cas pour les régimes mutualistes. Il y a donc un problème, mais cette question touche à l'organisation d'ensemble et ne peut pas être réglée à l'occasion de la seule CMU.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Même avis que la commission.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 302.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 350.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

Article 20

Mme la présidente.

« Art. 20. - I. L'intitulé du livre VIII du code de la sécurité sociale est complété par les mots : "protection complémentaire en matière de santé".

« II. Il est créé, au livre VIII du même code, un titre VI intitulé : "Protection complémentaire en matière de santé", et comprenant trois chapitres.

« III. Le chapitre Ier du titre VI du livre VIII du même code, intitulé : "Dispositions générales", comprend les articles L. 861-1 à L. 861-9 ainsi rédigés :

« Art. L. 861-1. - Les personnes résidant en France dans les conditions prévues par l'article L. 380-1, dont les ressources sont inférieures à un plafond déterminé par décret, révisé chaque année pour tenir compte de l'évolution des prix, ont droit à une couverture complémentaire dans les conditions définies à l'article L. 861-3. Ce plafond varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'âge, de domicile et de ressources dans lesquelles une personne est considérée comme étant à charge.


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« Les personnes mineures ayant atteint l'âge de seize ans, dont les liens avec la vie familiale sont rompus, peuvent bénéficier à titre personnel, à leur demande, sur décision de l'autorité administrative, de la protection complémentaire dans les conditions définies à l'article L. 861-3. Une action en récupération peut être exercée par l'organisme prestataire à l'encontre des parents du mineur bénéficiaire lorsque ceux-ci disposent de ressources supérieures au plafond mentionné au premier alinéa.

« Art. L. 861-2 . - L'ensemble des ressources du foyer est pris en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire en matière de santé, à l'exception de certaines prestations à objet spécialisé et de tout ou partie des rémunérations de nature professionnelle lorsque celles-ci ont été interrompues. Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste de ces prestations et rémunérations, les périodes de référence pour l'appréciation des ressources prises en compte ainsi que les modalités particulières de détermination des ressources provenant d'une activité non salariée.

« Les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion ont droit à la protection complémentaire en matière de santé.

« Les bénéficiaires des dispositions du présent titre qui sont affiliés sur critère de résidence au régime général sont exonérés de la cotisation prévue à l'article L. 380-2.

« Art. L. 861-3 . - Les personnes mentionnées à l'article L. 861-1 ont droit, sans contrepartie contributive, à la prise en charge, sous réserve de la réduction, de la suppression ou de la dispense de participation prévues par le présent code ou stipulées par les garanties collectives obligatoires professionnelles :

« 1o De la participation de l'assuré aux tarifs de responsabilité des organismes de sécurité sociale pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires ;

« 2o Du forfait journalier prévu à l'article L. 174-4 ;

« 3o Des frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale et pour les dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement, dans des limites fixées par arrêté interministériel.

« L'arrêté mentionné au 3o ci-dessus précise notamment la liste des dispositifs et le montant des frais pris en charge.

« Les personnes mentionnées à l'article L. 861-1 sont dispensées de l'avance de frais pour les dépenses prises en charge par les régimes obligatoires des assurances maladie et maternité et celles prévues au présent article. Les modalités de la dispense d'avance de frais sont déterminées par décret.

« Art. L. 861-4 . - Les personnes mentionnées à l'article L. 861-1 obtiennent le bénéfice des prestations définies à l'article L. 861-3, à leur choix :

« a) Soit auprès des organismes d'assurance maladie, gestionnaires de ces prestations pour le compte de l'Etat ;

« b) Soit par adhésion à une mutuelle régie par le code de la mutualité, ou par souscription d'un contrat auprès d'une institution de prévoyance régie par le livre IX du présent code ou par le livre VII du code rural, ou d'une entreprise régie par le code des assurances, dans les conditions prévues au chapitre 2 du présent titre.

« Art. L. 861-5. - La demande d'attribution de la protection complémentaire, accompagnée de l'indication du choix opéré par le demandeur en application de l'article L. 861-4, est faite auprès de la caisse du régime d'affiliation du demandeur.

« La décision est prise par l'autorité administrative qui peut déléguer ce pouvoir au directeur de la caisse. Cette décision peut faire l'objet d'un recours contentieux devant la commission départementale d'aide sociale.

« En cas d'urgence sanitaire ou sociale, le bénéfice de la protection complémentaire en matière de santé est attribué, dès le dépôt de la demande, aux personnes présumées remplir les conditions prévues aux articles L. 380-1 et L. 861-1.

« Les droits reconnus conformément aux articles L. 861-1 à L. 861-4 sont attribués pour une période d'un an renouvelable.

« Art. L. 861-6 . - La prise en charge prévue au a) de l'article L. 861-4 est assurée par l'organisme qui sert au bénéficiaire les prestations en nature des assurances maladie et maternité, qui ne peut refuser cette prise en charge.

« Art. L. 861-7 . - Les organismes mentionnés au b) de l'article L. 861-4 qui souhaitent participer à la protection complémentaire en matière de santé établissent une déclaration dont le modèle est fixé par arrêté.

« L'autorité administrative établit et diffuse la liste des organismes participants.

« En cas de manquement aux obligations prévues à l'article L. 861-8, l'autorité administrative peut retirer de l a liste l'organisme en cause. Les conditions dans lesquelles le retrait est prononcé et le délai au terme duquel une nouvelle déclaration peut être établie sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

« Art. L. 861-8 . - Pour les personnes mentionnées à l'article L. 861-1 qui ont choisi d'adhérer à une mutuelle ou de souscrire un contrat auprès d'une institution de prévoyance ou d'une entreprise d'assurance, l'adhésion ou le contrat prend effet dès réception, par l'organisme, du document attestant l'ouverture de leur droit et le choix qu'elles ont fait. Les organismes en cause ne peuvent opposer de refus à la conclusion d'un contrat ou à une demande d'adhésion.

« Art. L. 861-9 . - Pour la détermination du droit aux dispositions de l'article L. 861-3 et le contrôle des déclarations de ressources effectué à cette fin, les organismes d'assurance maladie peuvent demander toutes les informations nécessaires aux organismes d'indemnisation du chômage qui sont tenus de les leur communiquer. Les informations demandées doivent être limitées aux données strictement nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les personnes intéressées sont informées de la possibilité de ces échanges d'informations. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Cet article est important car il créé le deuxième volet de la CMU, le volet complémentaire. Il faut bien reconnaître que c'est celui qui soulève le plus de questions.

Il s'agit en effet d'une couverture complémentaire gratuite, qui pose les problèmes du seuil, problème déjà longuement évoqué, du champ de compétence et de l'assistance.

La solution pour éviter ces problèmes est évidente, et le rapporteur devrait y être très sensible : il faut poser le p rincipe d'une aide inversement proportionnelle au revenu, afin de permettre à chacun de payer son assurance complémentaire. Cette solution serait responsabilisante, elle supprimerait les problèmes de seuil et de champ de compétences. Pourquoi ne l'avez-vous pas retenue ? J'avais d'ailleurs cru comprendre que c'était l'une des solutions proposées par M. Boulard pour résoudre le


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difficile problème de la multiplicité des seuils. Je suis heureux de reprendre cette proposition mais, je le répète, pourquoi n'a-t-elle pas été retenue, car elle présentait de multiples avantages ? Je reviendrai quelques instants sur la délimitation du champ de compétences entre les régimes de base et les assurances complémentaires, sur laquelle est fondé notre système de protection sociale.

Vous m'avez répondu hier, madame la ministre, que la délimitation du champ de compétences n'était pas un problème, puisque c'est au nom de l'Etat que les CPAM géreront la CMU. Curieusement, dans le même temps, vous ne comprenez pas que l'on vous reproche un projet recentralisateur qui va dans le sens de l'étatisation. Pourtant, si je vous ai bien comprise, c'est au nom de l'Etat que les CPAM géreront demain le régime de base et, pour commencer, les complémentaires de 10 % de la population, ce qui n'est pas rien.

En réalité, vous le savez bien, il y a un risque de remise en cause du système actuel, car les personnes concernées s'adresseront aux CPAM, qui seront chargées de les inscrire et de leur proposer une complémentaire, et qui leur expliqueront qu'elles pourront elles-mêmes les assurer. Quoi de plus simple, pour ces personnes, que d'accepter que ce soit la CPAM qui prenne en compte leur assurance complémentaire ? Il y aura donc une rupture de l'égalité de concurrence entre les CPAM et les systèmes complémentaires actuels : mutuelles, organismes de prévoyance et assurances. Il serait préférable, pour éviter tout risque, notamment celui d'une décision européenne remettant en cause la délimitation des compétences, de reprendre dans la loi l'accord technique signé par la CNAM et l'ensemble des organismes gérant les complémentaires.

Votre refus de le faire montre bien que, malgré vos dénégations, vous voulez remettre en cause l'équilibre actuel. Quoi de plus simple, sinon, que d'inscrire dans la loi cet accord technique ? Il est par ailleurs regrettable que nous ne connaissions pas, à ce stade du débat, le contenu du panier de soins, que celui-ci ne soit pas défini de manière claire, que nous n'ayons pas obtenu de réponse en ce qui concerne les prothèses dentaires et les lunettes. Une prothèse dentaire coûte aujourd'hui 6 000 francs environ, mais n'est remboursée que 800 francs. Comment pourrez-vous demain proposer au même prix la même prothèse au bénéficiaire de la CMU et à celui qui n'en bénéficiera pas, bien que ses ressources soient semblables, voire inférieures ? Telles sont les questions essentielles que je souhaitais aborder dès maintenant. Nous reviendrons sur d'autres points lors de l'examen des amendements.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'a remarquablement dit Jean-Luc Préel. J'insisterai néanmoins sur le fait que l'effet de seuil introduit pour le b énéfice de l'assurance complémentaire gratuite sera redoutable.

Quelques mots d'abord sur le seuil de 3 500 francs. Il est de 40 francs inférieur au minimum vieillesse et à l'allocation adulte handicapé. Ce seuil ne résoudra donc pas toutes les difficultés. Il en créera même de nouvelles dans trente-deux départements, pour les personnes qui se retrouveront brusquement au-dessous du seuil.

Mais ce n'est pas la seule difficulté que soulève cet article. Le choix qui a été fait, et dont on peut comprendre les motivations, est celui d'une affiliation totalement gratuite. On voit bien les problèmes qui vont se poser aux mutuelles. Car ces mutualistes d'un type nouveau, bien que n'acquittant pas de cotisation, auront cependant un droit de vote et pourront paradoxalement bénéficier parfois de prestations supérieures à celles d'autres mutualistes. C'est là un vrai problème, qui aura probablement des conséquences imprévues, et en tout cas sérieuses.

D'autres dispositions sont surprenantes. Le forfait journalier est pris en charge indéfiniment ; il y a donc une rupture de droit par rapport à la situation des autres mutualistes. Là encore, un autre mécanisme aurait été préférable.

J'aurai certainement l'occasion de revenir, à propos des articles suivants, sur les problèmes soulevés par la prise en charge à 100 % de certains soins de santé.

L'effet de seuil qu'aura cet article nous paraît présenter beaucoup d'inconvénients. Il eût été beaucoup plus simple de proposer un mécanisme partenarial et un dispositif progressif, gommant les effets de seuil. Nous ne voyons pas, en tout cas, comment nous pourrions voter l'article 20.

E nfin, aux termes de la nouvelle rédaction de l'article L. 861-4 du code de la sécurité sociale, la CMU pourra être contractée, pour ce qui est de sa partie complémentaire, auprès des opérateurs classiques du secteur complémentaire, mais également auprès des caisses primaires, c'est-à-dire du régime général. Cette confusion a été dénoncée par la plupart des acteurs médico-sociaux, en particulier par le conseil d'administration de la CNAM, la Fédération nationale de la mutualité française, les institutions de prévoyance et la Fédération française des sociétés d'assurance. Ces institutions étaient si préoccupées qu'elles ont signé ensemble un protocole afin de protester contre cette confusion. Et le président de la CNAM, lors de son audition par la commission des affaires sociales, a dit que cette confusion conduirait immanquablement les acteurs complémentaires à revendiquer un jour ou l'autre, à juste titre, le remboursement des dépenses maladie au premier franc, c'est-à-dire qu'on remet tout simplement en cause le monopole de la sécurité sociale.

Si c'est de cela qu'il s'agit, il faut engager un vaste débat et le dire clairement. C'est peut-être une solution mais on ne peut pas procéder à une telle remise en cause de façon sournoise, à l'occasion du débat sur la CMU.

Enfin, le choix du seuil qui a été fait aboutira dans trente-deux départements à une régression des droits des bénéficiaires en ce qui concerne la protection de la santé et la prise en charge des dépenses maladie. Il faudra que les CCAS multiplient les interventions au titre de l'aide sociale facultative. Mais peut-on encore parler d'aide sociale facultative alors que, dans le département de Paris, le seuil passera de 4 004 francs, seuil de déclenchement de la carte Paris-santé, à 3 500 francs ? Le coût de cette mesure sera considérable et le nombre des bénéficiaires sera de 25 000 environ.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Madame la ministre, je profite d'un climat moins orageux qu'hier soir pour poser très modestement deux questions.

Vous m'avez prêté des propos un peu étranges, selon lesquels je voudrais faire payer l'assurance maladie différemment selon les revenus. Sans doute n'ai-je pas été assez clair.


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Pourquoi ne pas avoir fait simple ? L'AMG était payée par les départements et je suis de ceux qui ont mis en place la carte santé en Haute-Loire, en 1990. Pourquoi ne pas avoir imaginé un système semblable, mais géré par les caisses primaires d'assurance maladie, qui auraient délivré une carte santé du même type ? Bien entendu, la différence entre le remboursement du régime obligatoire et le remboursement plus favorable de cette carte santé CPAM aurait été financé par l'Etat.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ce que prévoit notre projet.

M. Jacques Barrot.

C'est votre projet, mais en plus simple.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous êtes d'accord : c'est formidable !

M. Jacques Barrot.

La situation que vous allez devoir affronter sera complexe car il y aura une diversité d'assureurs complémentaires, alors que les caisses primaires étaient particulièrement bien préparées pour remplir cette mission. Je reste convaincu que ma formule était plus simple mais ce n'est peut-être pas la peine de déclencher un orage sur ce thème.

Pour accompagner les Français modestes, mais non défavorisés, vers une assurance complémentaire, Mme la ministre a évoqué la possibilité d'un système d'accompagnement personnalisé, mais vous avez souligné, monsieur Boulard, la nécessité d'une vraie négociation avec tous les assureurs complémentaires.

Je suis tout à fait de votre avis : les deux choses sont liées. Et quand j'ai dit que ce texte était insuffisamment préparé, c'était peut-être excessif, mais cela signifiait qu'il aurait sans doute fallu une telle négociation.

Je ne suis pas partisan d'une assurance maladie obligatoire différenciant les remboursements selon les revenus, mais j'étais favorable à un système plus simple qui aurait été géré uniquement par les caisses primaires.

Ma seconde question porte sur le panier de biens et de services de la CMU et sur son mode de fixation, qui est un point très important. On ne peut pas adopter ce texte sans que ce « panier » - le mot vaut ce qu'il vaut, mais je n'en ai pas trouvé d'autre - de biens et de services de soins ait été fixé. Mais par qui ? C'est une vraie question et il serait souhaitable que la représentation nationale soit informée régulièrement sur ce point dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale. Je suis en effet de ceux qui pensent que cette tâche est une prérogative de l'Etat et qu'elle ne peut être exercée par les assureurs, mutualistes ou nonmutualistes, même si l'avis de ceux-ci est sollicité.

Comment sera fixé le panier de soins et de services qui seront pris en charge par la complémentaire ?

Mme la présidente.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Nous avons abordé le problème de la protection complémentaire de santé hier après-midi et hier soir. M. Aschieri avait même déposé en commission un amendement à ce sujet ; M. Le Garrec sourit car il se souvient que cet amendement avait donné lieu à une nouvelle délibération, ce qui est rare en commission.

Concernant le chapitre particulier des personnes qui ont droit à la couverture complémentaire CMU, je répète qu'une catégorie de personnes ayant de faibles revenus va être écartée ; c'est tout le problème de l'effet de seuil.

Le seuil est donc fixé à 3 500 francs. Pourquoi ne pas aller jusqu'aux fameux 3 800 francs qui constituent le seuil de pauvreté reconnu par l'INSEE ? Je suis persuadé que l'écart est dû au coût de la mesure. En fixant le seuil à 3 800 francs, on aurait donné raison aux associations humanitaires, mais nous savions avant même de les avoir consultées que c'est à ce niveau qu'il fallait porter le seuil.

Je sais qu'on me répondra qu'il y a toujours eu des seuils, mais il faut éviter de regarder dans le rétroviseur et aller de l'avant.

L'effet de seuil aura également un aspect couperet, et il faudra, comme l'a dit Bernard Accoyer, revenir aux aides sociales facultatives. Il a d'ailleurs été indiqué que, dans certains cas, les collectivités territoriales et les organismes sociaux pourraient abonder les fonds en question.

Et recommenceront les dépôts de dossiers, l'attente des personnes concernées et les réponses positives ou négatives, selon que les fonds seront alimentés ou non.

Il faut à tout prix lisser l'effet de seuil. Pour cela, une aide dégressive me semble nécessaire, et l'APL offre à cet égard un bon exemple dans le domaine du logement.

Pourquoi ne pas la transposer dans le domaine qui nous occupe ? M. Jean-Luc Préel et M. Jacques Barrot ont parlé du panier de soins. Nous aimerions avoir plus de détails sur son contenu.

Nous voudrions aussi avoir plus de renseignements sur le montant des remboursements concernant les différents types de prothèses, dans les domaines dentaire, ophtalmique, ORL, orthopédique et autres. D'une façon générale, les prothèses coûtent très cher, et je souhaite ardemment qu'elles soient mieux remboursées.

M. le président.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka.

Mme Odette Grzegrzulka.

Je voudrais souligner trois points.

D'abord, la cotisation a fait l'objet d'un large débat tout à fait légitime. Mais je voudrais, au nom de mes collègues socialistes, dire que ce n'est quand même pas la cotisation qui palliera les conséquences de l'effet de seuil.

Ensuite, alors que nous souhaitons un système simplifié, celui qui nous est proposé est techniquement très complexe.

Certains ont soutenu que la cotisation pourrait rassurer ceux qui, étant juste au-dessus du seuil, paieront cette cotisation. Cet argument me paraît bien hypocrite.

Enfin, je voudrais balayer l'argument de l'appel à la dignité. Comme si la dignité pouvait s'acheter 15 francs par mois, ou 150 francs par an,...

M. Marcel Rogemont.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

... alors que l'on sait que les plus pauvres préfèrent rester dans la pauvreté plutôt que de se sentir humiliés en affichant leur situation ! Les pauvres n'ont pas à recevoir de leçon de dignité ! La dignité ne s'achète pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

C'est la CMU que nous allons bâtir ensemble qui leur redonnera toute leur dignité car elle supprimera la distinction humiliante entre, d'un côté, les assistés sociaux et, de l'autre, les assurés sociaux.

Dans le but de lisser l'effet de seuil, nous avons proposé de véritables avancées : un fonds d'accompagnement et l'extension du tiers payant à tous ceux qui accepteront de choisir un médecin référent. La cotisation est une fausse bonne solution et à cet égard je soutiens pleinement la position du Gouvernement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

Je voudrais maintenant revenir sur le protocole qui a été signé il y a trois jours entre les organismes complémentaires et la Caisse nationale de l'assurance maladie.

A ce sujet, j'exprimerai de nouveau, comme je l'ai fait hier soir, mon étonnement, ma préoccupation face au contenu de ce protocole.

Si la démarche est intéressante et rassurante - toute démarche collective et de partenariat doit être appréciée -, j'ai été très choquée de découvrir que ce protocole dit technique prévoyait qu'on n'accepterait comme adhérent à la cotisation CPAM que les assurés qui auraient refusé de s'adresser aux organismes complémentaires.

J'ai aussi découvert avec stupeur que le protocole prévoyait de moduler les prestations de soins et les dispenses, c'est-à-dire ce qu'on appelle, usant d'une horrible expression, le « panier de soins et de services ».

M. Bernard Accoyer.

C'est ce qui va se passer avec la

CMU !

Mme Odette Grzegrzulka.

Je nous mets en garde, je vous mets en garde alors même que, je le sais, le Gouvernement sera très vigilant, contre toute dérive assurancielle !

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement sera sûrement vigilant, mais il ne pourra pas l'empêcher !

Mme Odette Grzegrzulka.

Je dirai, enfin, quelques mots des centres communaux d'action sociale. Nous souhaitons qu'ils puissent accompagner toutes les personnes dans leurs démarches pour bénéficier de la CMU.

Il serait dommage de ne pas continuer à leur permettre d'exercer leur fonction d'orientation, de guide et de guichet de proximité.

M. François Goulard.

Point n'est besoin d'une loi pour cela !

Mme Odette Grzegrzulka.

Disant cela, je parle en leur nom ainsi qu'au nom de Françoise Imbert. Nous sommes en effet nombreux à avoir reçu des lettres dans lesquelles il nous est lancé un appel pour que nous utilisions mieux ces centres dans le cadre d'un vrai libre choix, comme l'a voulu le Gouvernement. La démarche serait pervertie, ruinée si le protocole d'accord auquel j'ai fait allusion était mis en oeuvre.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Très juste !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

M me Muguette Jacquaint.

Madame la ministre, l'article 20 constitue l'une des avancées remarquables du projet de loi en matière de protection sociale. Il rend effectif l'accès aux soins, puisqu'il permet l'accès à une protection complémentaire pour les personnes dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond.

Nous continuons de regretter que ce plafond soit fixé à 3 500 francs, même si nous comprenons les difficultés que présente le choix d'un seuil. Quand on fixe un seuil, il y a toujours une personne qui est au-dessus et une autre qui est en-dessous. Mais une personne qui gagne 300 francs n'est pas mieux lotie, n'est pas plus riche que la première et elle est aussi confrontée à de graves difficultés pour se soigner. Et c'est pourquoi nous maintenons l'amendement que nous avons déposé en commission et qui tend à relever le seuil prévu.

M. Denis Jacquat.

Très bien !

Mme Muguette Jacquaint.

La plupart des associations humanitaires et caritatives demandent que le seuil soit relevé à 3 800 francs, soit au niveau de ce qui est reconnu comme le seuil de pauvreté par les organismes internationaux.

Je sais bien, madame la ministre, qu'un relèvement de 300 francs représenterait une charge supplémentaire de 3 milliards. Mais cela permettrait à un plus grand nombre de personnes d'entrer dans le dispositif.

Cela dit, on n'entendrait sans doute pas le même discours de la part de nos collègues de l'opposition, 3 milliards, c'est quand même peu par rapport aux 126,9 milliards de bénéfices réalisés par les entreprises en 1998 !

M. Bernard Accoyer.

Ou par rapport aux pertes du Crédit lyonnais !

Mme Muguette Jacquaint.

On parle de solidarité. Or c'est bien une mesure de solidarité que nous prenons aujourd'hui. Comme d'autres, je cherche comment nous pouvons l'améliorer et mieux la financer. Tous les partenaires doivent pouvoir participer à son financement.

Mais comment donner plus de moyens pour les remboursements, afin de permettre à un plus grand nombre de personnes de se soigner dans de bonnes conditions ? C'est là que le bât blesse. Cette question renvoie à la réforme du financement de la protection sociale, comme vous l'avez reconnu vous-même, madame la ministre.

Nous souhaitons qu'une réflexion s'engage. En ce qui nous concerne, nous continuerons de défendre notre amendement, mais notre attitude sera d'autant moins fermée que cela fait deux ans que nous proposons qu'une réforme intervienne. Je souhaite qu'elle s'engage dès cette année.

Compte tenu du nombre des personnes qui sont en situation de grande difficulté - elles sont près de 8 millions -, nous pensons que le seuil doit être revu à la hausse, ou sinon que soient prévues des possibilités d'assurance ou de prestations complémentaires permettant de mieux répondre aux besoins.

Mme la présidente.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Je voudrais prolonger quelques instants un débat qui, me semble-t-il, n'est pas encore définitivement clos, en revenant sur la cotisation éventuellement payée par les personnes entrant dans le système de la couverture maladie universelle. A cet égard, je poserai deux questions.

D'abord, quelle est la signification d'une telle cotisation, qui donnerait accès à un droit dont on ne cesse de rappeler qu'il est essentiel ? Une de nos collègues n'affirmait-elle pas il y a quelques instants que la couverture maladie universelle était une dignité retrouvée et non une aide sociale ? Je crains qu'avec une cotisation éventuellement facultative de trois francs six sous, la lisibilité ne soit moindre.

Elle peut aussi conduire à un appauvrissement de la force d'un droit que l'on dit être celui d'une dignité conquise, d'une dignité tout simplement normale.

Je m'interroge tout en sachant bien qu'il ne s'agirait pas d'une cotisation mensuelle, mais plutôt d'un droit d'entrée.

J'ai bien compris que la mise en place d'une cotisation obligatoire était difficile. En effet, si la personne concernée ne la payait pas, qu'adviendrait-il du droit fondamental à la couverture maladie universelle ? La cotisation


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ne peut donc pas être obligatoire. Mais j'ai peur que, devenue facultative, elle ne nuise un peu à la compréhension du projet.

J'en viens à ma seconde question.

Les personnes qui entreront dans le système de la couverture maladie universelle s'adresseront à un guichet : celui de la caisse primaire d'assurance maladie ou celui d'un régime complémentaire. Mais la plupart d'entre elles ne s'adresseront-elles pas au premier ?

M. Bernard Accoyer et M. Jean-Luc Préel.

C'est sûr !

M. Marcel Rogemont.

On leur proposera un système

« gratuit-gratuit » ou un système « gratuit-éventuellement payant ». Il sera pour elles d'autant plus difficile de choisir qu'on leur expliquera, dans le même temps, comment on entre dans la CMU et comment on en sort.

A vrai dire, je vois mal comment, les choses pourront se passer. Nous savons, en effet que la sortie du système sera différente suivant que l'on aura choisi le guichet de la caisse primaire d'assurance maladie ou le guichet d'une caisse complémentaire. Dans le second cas, la loi accordera un an de couverture maladie universelle après la sortie, puis un tarif préférentiel pendant une année supplémentaire. Il y aura donc des situations différentes à la sortie du système.

Vous associez une cotisation à une sortie différente.

C'est un peu gênant car alors il s'agit non plus d'une cotisation facultative, mais d'une cotisation recommandée. Vous comprendrez que cela me gêne beaucoup, tout comme me gêne aussi qu'à l'article 21 on ne mette pas en correspondance l'universalité de l'entrée dans la couverture maladie universelle et l'universalité de la sortie. Et la cotisation vient alimenter les interrogations.

Je souhaite bien sûr que le débat se poursuive.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je voudrais revenir sur la question du seuil.

On peut débattre pendant des lustres du point de savoir s'il faut fixer ce seuil à 3 500 francs ou à 3 800 francs par mois, comme l'a proposé Denis Jacquat, ce qui se défend, ou 7 000 francs, ce qui correspond aux

Etats-Unis au revenu de ce qu'on appelle les « travailleurs pauvres ».

Le fait est que vous reconnaissez que le seuil présente une difficulté majeure.

Mme Odette Grzegrzulka.

La difficulté, c'est vous qui l'inventez !

M. François Goulard.

Vous articulez une réponse avec les fonds d'action sociale des caisses qui est une fause réponse car elle laisse la place à l'arbitraire et n'induit aucun droit réel pour les intéressés, alors même que l'on ne peut pas prétendre qu'au-delà de 3 500 francs par mois on a forcément les moyens de se payer une couverture complémentaire correcte.

La difficulté est reconnue, mais on ne trouve pas de réponse satisfaisante.

L'article 20 est au coeur du dispositif. La concurrence a pparente entre les caisses d'assurance maladie, les mutuelles et les assurances se traduira inéluctablement et malgré le fameux protocole technique, qui suscite tellement de craintes chez certains de nos collègues, de par une position dominante, voire pratiquement monopolist ique, des caisses d'assurance maladie pour ce qui concerne la couverture maladie universelle. Parce qu'il y a inégalité sur le plan financier, parce que le choix du guichet unique donnera une position évidemment plus favorable aux caisses d'assurance maladie, nous pourrons dans fort peu de temps, constater que, seules, ces caisses seront l'assureur, du premier au dernier franc, de nos compatriotes concernés par la CMU.

Ce constat dressé, je doute que vous n'utilisiez la CMU comme un laboratoire pour l'assurance maladie de demain. Les caisses d'assurance maladie imposeront des règles qui seront dérogatoires à celles qui prévalent actuellement. Elles tireront la légitimité de leur tutelle du fait qu'il s'agira d'une couverture maladie universelle. Cette tutelle pourra être plus rigoureuse et s'exercer d'une manière plus pesante que celle qui pèse aujourd'hui sur les professions de santé et, d'une façon plus générale, sur les offreurs de soins.

La CMU vous offrira une sorte de laboratoire...

Mme Odette Grzegrzulka.

On se méfie des laboratoires !

M. François Goulard.

... un laboratoire en vraie grandeur, qui touchera 6 millions de nos compatriotes et dont la vocation sera à terme de s'étendre à une plus large part de la population. Nous verrons alors l'assurance m aladie imposer une loi beaucoup plus sévère à l'ensemble des professions de santé et aux offreurs de soins.

Telle est la crainte principale que m'inspire ce projet de loi, dont on a par ailleurs souligné les inconvénients techniques.

Ce texte présente des imperfections que chacun d'entre nous a reconnues et dénoncées. Le choix dont il procède ne s'explique que si vous désirez - c'est ma conviction donner une orientation nouvelle à notre sécurité sociale et changer fondamentalement, à terme, son organisation.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si vous le voulez bien, madame la présidente, je répondrai aux quelques questions qui m'ont été posées, sans toutefois revenir sur l'ensemble du débat que nous avons déjà eu, notamment à propos de l'effet de seuil. Cela me permettra d'être plus brève sur les amendements.

Monsieur Barrot, de ce que j'ai cru comprendre de votre intervention d'hier, votre souhait est de transformer l'aide médicale gratuite, gérée jusqu'à présent par les départements, en une carte-santé délivrée par les caisses primaires d'assurance maladie et permettant aux populations les moins favorisées d'être prises en charge à 100 %. Mais alors de deux choses l'une : Ou bien, comme je l'avais compris et comme je crois le relire dans le compte rendu, il s'agit d'un financement par la sécurité sociale et cela pose les problèmes que j'ai soulevés hier, en particulier celui des différences de prestations par rapport aux cotisations.

Ou bien il s'agit d'un financement par l'Etat...

M. Jacques Barrot.

C'est cela.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et, dans ce cas-là, vous êtes au coeur de la CMU telle que nous l'avons organisée, c'est-à-dire que vous prévoyez que jusqu'à un certain seuil la prise en charge soit à 100 %. Il reste évidemment à discuter de la hauteur du seuil.

La différence entre nos propositions n'est plus alors une différence de philosophie ni même de technique : dans les deux cas, c'est la caisse primaire d'assurance maladie qui effectuera le remboursement à 100 %. Le


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principe de l'organisation matérielle est le même : c'est celui de la simplicité. Mais, pour notre part, nous laissons au bénéficiaire de la couverture maladie universelle la faculté de choisir, pour régler la part complémentaire, soit la caisse primaire d'assurance maladie, soit une mutuelle, une institution de prévoyance ou une assurance. C'est la seule différence entre nous.

Elle est justifiée par le fait que selon nous - et jer ejoins ainsi les questions très importantes de M. Rogemont - les bénéficiaires de la couverture maladie universelle doivent être traités comme les autres Français, c'est-à-dire pouvoir bénéficier comme 85 % d'entre eux des services d'une mutuelle, d'une assurance ou d'une institution de prévoyance, s'ils le souhaitent. Une des raisons de cette volonté de les traiter comme tout le monde, c'est, je l'ai dit hier, que la population concernée par la CMU n'est pas statique. Sur 6 millions de bénéficiaires potentiels, une moitié rentre chaque année, une autre sort.

M. François Goulard.

Cela me paraît beaucoup !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Car il y a, fort heureusement, beaucoup d'hommes et de femmes dont la situation s'améliore.

M. Jacques Barrot.

Combien ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La moitié, nous l'avons testé sur les trois dernières années.

C'est la même proportion que pour le RMI.

Si nous souhaitons que ces personnes puissent bénéficier du maintien de leur protection dans le temps, il est bon qu'elles puissent adhérer à une mutuelle, une société d'assurance ou une institution de prévoyance. Mais, encore une fois, c'est à elles qu'il reviendra de choisir. Si elles veulent opter pour la CPAM, elles le pourront.

L'avantage de cette liberté de choix est que l'adhésion à une mutuelle, une institution de prévoyance ou une assurance facilite la sortie de la CMU, ce qui répond au souci de M. Rogemont.

Nous avons discuté avec les organismes complémentaires. C'est bien d'ailleurs parce que la sécurité sociale de base ne finance pas la protection complémentaire que l'on ne peut pas la charger de procurer cet avantage aux bénéficiaires de la CMU. La caisse primaire n'intervient qu'en tant que liquidateur au nom de l'Etat et au nom de la solidarité nationale.

En revanche, nous avons demandé aux organismes complémentaires de faire un effort pour que, au-delà d'une année de droits ouverts, qu'ils le soient, monsieur Rogemont, auprès d'un organisme complémentaire ou de la CPAM, les bénéficiaires sortant de la CMU puissent bénéficier d'un tarif préférentiel dans les mutuelles, les institutions de prévoyance et les assurances, à la condition que ceux dont les droits sont gérés par la CPAM aient rejoint un organisme complémentaire avant de sortir de la CMU. Et dans mon esprit, mais nous en parlerons avec les différentes associations, avec les caisses et avec les complémentaires, il serait hautement souhaitable que, s'agissant des bénéficiaires ayant choisi la caisse primaire d'assurance maladie et dont l'évolution des ressources laisse présager qu'ils sortiront de la CMU, on puisse leur dire, quelque temps avant la fin de chaque période de douze mois, qu'ils ont tout intérêt à opter pour une couverture complémentaire de droit commun. C'est d'ailleurs ce qui se passe spontanément pour la plupart de ceux qui, redevenant salariés, entrent dans une entreprise disposant d'un régime de prévoyance.

Vous voyez bien, monsieur Barrot, que deux principes nous inspirent.

Premièrement, la simplicité, car la seule chose qui sera demandée au bénéficiaire, c'est de faire la preuve qu'il se situe, sur les trois derniers mois, en dessous du plafond de ressources. Pour cela, il pourra se faire aider par les associations, les CCAS, dont Mme Jacquaint a rappelé le rôle essentiel, ou encore par les bureaux d'aide sociale des conseils généraux.

Deuxièmement, et c'est important dans cette période de mise en place, la liberté de choisir un organisme complémentaire, comme 85 % des Français, ou la caisse primaire, soit que les difficultés du bénéficiaire ne lui laissent guère que cette possibilité, soit que le choix soit impossible, surtout dans la phase transitoire, en l'absence d'organismes complémentaires inscrits sur la liste.

Simplicité, transparence, lisibilité et liberté de choix, voilà ce qui nous a conduit à retenir ce dispositif qui, de surcroît, existe déjà pour les titulaires du RMI. Beaucoup de conseils régionaux ont passé à ce titre des accords avec des mutuelles. La caisse primaire, grâce au logiciel Noémie 3, connaît la mutuelle de chacun de ses assurés bénéficiant de l'aide médicale gratuite, elle paye directement à 100 % le professionnel de santé et se fait rembourser ensuite la partie complémentaire par la mutuelle. Par conséquent, les outils existent et la protection complémentaire de la CMUV sera très facile à mettre en place.

J'en viens à la seconde question évoquée par M. Rogemont : doit-il y avoir une contribution ? Je me la pose exactement dans les mêmes termes que lui. D'un côté, nous avons tous le souci de ne pas faire de l'assistance ; de l'autre, nous souhaitons vraiment protéger ceux qui en ont besoin. C'est pourquoi, après y avoir beaucoup réfléchi, et sachant que nous sommes au-dessous du plafond de 3 500 francs, je suis, comme M. Jacquat, plutôt favorable à une absence de contribution, tout en reconnaissant que ce point mérite débat si nous souhaitons responsabiliser les différents acteurs.

En revanche, au-dessus du plafond, l'amendement de M. Boulard tendant à créer un fonds de mutualisation, la proposition de M. Barrot, qui nous invite à suivre l'exemple de la ville de Béziers ou encore l'idée consistant à recourir aux fonds de secours des caisses, toutes ces suggestions retrouvent leur pertinence. Il s'agit d'utiliser l'ensemble de ces fonds pour aider les personnes se situant un peu au-dessus du seuil à financer une partie de leur protection complémentaire, par exemple en leur remettant des bons d'assurance complémentaire.

M. Denis Jacquat.

Plutôt des chèques.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ou des chèques si vous préférez.

Cela me paraît aller dans le bon sens. Si nous avions pu élaborer un grand système de financement aujourd'hui, nous l'aurions fait, mais je crois qu'il fallait consacrer les moyens dont nous disposons à la prise en charge à 100 % des soins de ceux qui en ont le plus besoin. Il reste que c'est autour de ces idées que nous devons travailler pour limiter l'effet de seuil, et je pense avoir ainsi répondu, pour une bonne part, aux questions que

Mme Jacquaint s'est posées.

J'en viens au problème du panier de soins, qui a été soulevé par M. Jacquat, Mme Grzegrzulka et M. Barrot.

Distinguons clairement les deux acceptions que cette expression peut revêtir.

Il y a le panier de soins qui a servi à calculer les 1 500 francs. Je ne reprends pas la démonstration que j'ai faite hier. Ce panier de soins a été défini, en concertation avec les mutuelles, comme une moyenne de rembourse-


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ment, définition qui n'a pas été contestée et a même reçu l'accord de la Fédération française des assurances, quand M. Boulard l'a consultée sur ce point. Ce panier de soins n'a aucun effet sur l'assuré, sur le bénéficiaire de la CMU. C'est le remboursement moyen de la part complémentaire que les bénéficiaires solliciteront auprès de la caisse primaire ou des mutuelles. Mais, encore une fois, l'assuré, à titre individuel, peut avoir à dépenser au-delà des 1 500 francs.

Par ailleurs circulent des idées - je les ai notamment retrouvées dans le protocole conclu entre la Caisse nationale d'assurance maladie, les mutuelles et les assurances tendant à mettre peu à peu en place un panier de soins - qui ne concernerait pas uniquement les bénéficiaires de la CMU mais pourrait être étendu à tous les assurés sociaux - dont l'objet serait de limiter les soins dispensés à tel ou tel individu. Je dois dire - je l'ai d'ailleurs écrit au président de la CNAM - que je suis totalement défavorable à cette façon d'aborder le sujet.

En revanche, nous devons bien sûr travailler ensemble pour éviter les doubles emplois, les examens répétés et redondants, pour empêcher que des hommes ou des femmes ne se perdent dans le réseau des professionnels de santé. C'est le travail que nous avons entrepris et avec la carte Sésam Vitale 2, qui permet de connaître le passé médical de l'assuré, et avec les réseaux que montent actuellement les caisses - MSA, CNAM, CPAM - de même que les médecins, avec l'hôpital ou entre eux, pour qu'un malade soit suivi dans sa prise en charge entre les généralistes, les spécialistes et l'hôpital. C'est ainsi que nous allons effectivement limiter non pas les soins, mais ceux qui sont superfétatoires ou redondants. C'est la bonne manière d'appréhender le problème, et je rejoins ainsi Mme Grzegrzulka, mais aussi la plupart d'entre vous.

De même, nous avons des efforts à déployer en France pour mieux prendre en charge l'optique, les prothèses auditives, les appareillages et la dentisterie. Ces efforts concernent les financeurs, mais aussi les fabricants. Si, dans certains pays, on arrive à réaliser des couronnes en résine sans effets secondaires, qui présentent les mêmes qualités et ont la même durée de vie que certaines couronnes en céramique, il n'y a aucune raison qu'on ne les propose pas en France. S'agissant de l'optique, l'Italie a fait des efforts considérables pour offrir aux assurés non pas les fameuses lunettes « sécurité sociale » dont tout le monde se rappelle l'aspect et combien elles marquaient celui qui devait les porter, mais tout un choix de montures.

Ce qui me frappe aujourd'hui, c'est que les mutuelles, notamment, commencent à travailler avec les fabricants en leur demandant de proposer à des tarifs moindres l'ensemble des appareillages. Et quand je disais que tous les assurés français pourraient gagner à la CMU, je pensais justement que nous pourrions les faire profiter du travail que nous avons entrepris avec les fabricants.

Comme l'indiquait hier M. Goulard ou M. Accoyer, il s'agit d'un panier de soins plus favorable, dans ces cas-là, pour les bénéficiaires de la CMU que pour les autres assurés.

Enfin, madame Grzegrzulka, j'ai écrit au président de la CNAM pour lui dire que je ne pouvais accepter la phrase qui, dans le protocole d'accord, laissait à penser qu'il n'y aurait pas une vraie liberté de choix pour l'assuré et que ce ne serait qu'après son refus exprès d'adhérer à la mutuelle que la caisse primaire pourrait remplir son rôle. Encore une fois, les bénéficiaires de la CMU sont des adultes. Il y aura auprès d'eux des associations, des CCAS, des bureaux d'aide sociale pour les informer et les aider à choisir. C'est l'un des premiers points que nous mettrons à l'ordre du jour du conseil national de lutte contre les exclusions que je compte réunir fin juin. Nous allons travailler très vite avec les représentants des associations et des collectivités locales pour mettre en place des dispositifs d'information et aller à la rencontre des bénéficiaires. Ces hommes et ces femmes ont droit à un vrai choix et la loi, d'ailleurs, l'impose. Je souhaitais, sur ce point aussi, vous apporter tout apaisement.

Mme la présidente.

Nous en venons aux amendements à l'article 20.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 263, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 20. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je propose effectivement la suppression de l'article 20 tout en sachant qu'il s'agit du dispositif essentiel pour la couverture complémentaire gratuite telle qu'elle est conçue dans le projet de loi. Je rappelle que le groupe du RPR a voté l'affiliation automatique quelles que soient les conditions de profession, pour permettre l'application des mesures prévues dans les trois premiers articles, mais, à ce stade du débat, nous marquons notre différence.

Nous demandons la suppression de cet article en raison des effets pervers qu'il ne manquerait pas d'entraîner, ceux liés à l'effet de seuil, à la confusion des rôles et à ce que nous croyons être une dérive vers une sécurité sociale à deux vitesses. Je n'y reviens pas, mais je voudrais répondre au Gouvernement sur quelques points et lui poser une question.

Vous avez dit, madame la ministre, qu'il n'y aurait pas deux paniers de soins. Mais vous avez ajouté que vous engageriez des négociations avec les fabricants de biens médicaux pour qu'ils les proposent à un prix différent aux bénéficiaires de la CMU...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non !

M. Bernard Accoyer.

... en tout cas à un prix moins élevé qu'aujourd'hui.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà !

M. Bernard Accoyer.

Alors soyons clairs : si les prix sont différents, tôt ou tard les prestations et les biens seront eux aussi différents. Car on ne peut imaginer que des biens semblables ne soient pas fournis au même prix.

Donc il y aura à terme deux catégories de biens de santé,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non !

M. Bernard Accoyer.

... et nous nous orientons ainsi vers un système de double panier de soins, qui s'étendra progressivement à tout le champ de la santé. On se dirige bel et bien, je le redoute en tout cas, vers un système MEDICAID à la française, réservé à ceux qui n'ont pas assez pour se soigner comme les autres et pour avoir accès au régime commun.

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est une obsession !

M. Bernard Accoyer.

Il aurait été plus simple, comme l'a rappelé Jacques Barrot, de suivre l'exemple de ce qu'ont déjà fait trente départements dans le cadre de la décentralisation, en délivrant aux populations les plus démunies une carte solidarité-santé, assortie de l'interven-


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tion des opérateurs complémentaires et financée au choix, soit par les conseils généraux comme aujourd'hui, soit par le biais d'une recentralisation. Pour les personnes disposant de revenus un peu supérieurs, on aurait, en effaçant ainsi tous les effets pervers liés au seuil, institué progressivement une aide personnalisée maladie, l'APM, accompagnée éventuellement d'un système de tiers payant par les collectivités ou l'Etat.

Ce dispositif extrêmement simple l'était peut-être trop.

En tout cas, il n'est peut-être pas trop tard pour renoncer au vôtre à son profit. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 20.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la dernière fois que je prends la parole sur ce point, car M. Accoyer a bien compris de quoi il retourne, mais c omme il fait parfois semblant de ne pas tout comprendre, je vais à nouveau m'expliquer.

Qu'est-ce qu'un panier de soins ? Si l'on en donne comme lui une définition négative - et je ne la méconnais pas -, cela revient en effet à dire à un bénéfi ciaire de la CMU qu'il a le droit de se faire faire deux dents dans l'année, mais pas plus, et d'aller chez le médecin de son choix, mais uniquement celui-là.

Cela, c'est effectivement le système américain, que vous avez l'air de bien connaître, monsieur Accoyer. J'espère que vous n'êtes pas allé l'étudier sur place dans la perspective de l'appliquer en France, car c'est exactement l'inverse de ce que nous avons l'intention de faire ! Nous ne voulons pas d'un panier de soins considéré comme une liste définitive pour chaque assuré, à qui l'on dirait : c'est ça, et rien d'autre !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Evidemment !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En revanche, nous voulons, et vous avez l'air de le regretter, améliorer non seulement la prise en charge des bénéficiaires de la CMU, mais encore celle de l'ensemble des Français.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Bien sûr !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons tous reconnu que le niveau de prise en charge de la lunetterie ou des prothèses dentaires était une des faiblesses de notre sécurité sociale. A cet égard, nous aurions peut-être dû discuter plus rapidement, comme certaines mutuelles et certains départements l'ont fait, avec les fabricants de matériels. L'année dernière, déjà, nous avons demandé que, pour les prothèses dentaires, on cesse de faire payer à la sécurité sociale des prix qui n'ont rien à voir avec le service rendu.

Nous voulons mieux protéger les bénéficiaires de la CMU parce qu'ils ont de lourds problèmes de santé. Je pense aux enfants dont on ne fait pas soigner la surdité ou à qui on ne fait pas porter de lunettes, et qui, à cause de cela, ont des problèmes scolaires. Mais oui, monsieur Accoyer, cela existe. Dans ma circonscription, il y en a beaucoup, et j'imagine que dans la vôtre aussi. Eh bien, nous allons engager ces discussions avec les fabricants, et je suis convaincue que, par la suite, c'est l'ensemble des Français qui en bénéficieront.

Nous ne cherchons pas à proposer un panier de soins réduits, loin de là, mais au contraire à améliorer les services rendus par l'ensemble de la sécurité sociale. C'est la dernière fois, je le répète, que je m'exprime à ce sujet, mais je souhaitais que les choses soient claires. On a le droit de ne pas être d'accord, monsieur Accoyer, pas celui de dire des choses qui sont contraires aux faits. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 263.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE L. 861-1 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mme la présidente.

MM. Bur, Barrot, Gengenwin, Méhaignerie, de Courson, Blessig, Préel, Foucher et les membres du groupe UDF ont présenté un amendement, no 303, ainsi rédigé :

« Supprimer le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Il s'agit à nouveau d'un amendement de suppression. Nous tenons à bien montrer que nous sommes opposés au principe du plafond. Nous proposons, quant à nous, non pas d'instaurer des cotisations mais de prévoir une aide dégressive, que M. Boulard avait également envisagée.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 303.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 135, ainsi rédigé :

« I. Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-1 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "un plafond déterminé par décret, révisé", les mots : "des plafonds régionaux, déterminés par décret, révisés".

« II. En conséquence, au début de la dernière phrase du même article, substituer aux mots : "Ce plafond varie", les mots : "Ces plafonds varient". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je retire cet amendement.

Mme la présidente.

L'amendement no 135 est retiré.

MM. Gengenwin, Préel, Méhaignerie, Barrot, Bur, de Courson, Blessig et Foucher ont présenté un amendement, no 304, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "par décret", les mots : "par une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Vous prévoyez que le plafond sera fixé par décret. Or, compte tenu des implications importantes qu'il aura, il nous semble souhaitable qu'il puisse


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être discuté et voté chaque année par le Parlement au cours de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. Jean-Luc Préel.

Dommage que cet avis ne soit pas argumenté !

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 304.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de quatre amendements, nos 382, 132, 194 et 236, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 382, présenté par M. Veyret et M. Yamgnane, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-1 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "ont droit à une couverture c omplémentaire dans les conditions définies à l'article L.

861-3. Ce plafond varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge", les dispositions suivantes : "bénéficient d'une aide à la protection complémentaire, dégressive, inversement proportionnelle au revenu et fonction dur isque couvert, dans les conditions définies à l'article L.

861-3. Ce plafond varie selon la composition du foyer et le nombre de personnes à charge.

« Les personnes visées à l'alinéa précédent dont les ressources sont inférieures à un second plafond, déterminé dans les mêmes conditions, ont droit à une couverture complémentaire dans les conditions définies à l'article L.

861-3". »

L'amendement no 132, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-1 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "ont droit à une couverture complémentaire dans les conditions définies à l'article L.

861-3", les mots : "ont accès à une couverture complémentaire grâce à une aide financière prévue à cet effet".

L'amendement no 194, présenté par M. Préel, est ainsi libellé :

« Après les mots : "l'évolution des prix," rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-1 du code de la sécurité sociale : "ont droit à une aide financière pour leur permettre de bénéficier d'une couverture complémentaire dans les conditions définies à l'article L.

861-3". »

L'amendement no 236, présenté par M. Jacquat, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : "ont droit à", insérer les mots : "une aide financière pour la prise en charge par". »

La parole est à M. Alain Veyret, pour soutenir l'amendement no 382.

M. Alain Veyret.

En fait, je vais retirer cet amendement, considérant qu'un certain nombre d'explications nous ont été apportées. Je souhaiterais toutefois insister sur quelques points de l'article 20 qui demandent encore des réponses.

Le premier concerne, bien sûr, l'effet de seuil. Mais un amendement de M. Boulard devrait régler ce problème.

Ma deuxième préoccupation porte sur les revenus pris en compte pour ouvrir droit à la couverture complémentaire. On ne parle que de revenus bruts et pas de revenus disponibles. Or, de ce fait, un grand nombre de personnes vont se trouver en difficulté soit parce qu'elles sont en situation de surendettement et que leur revenu disponible est de plus en plus faible, soit parce qu'elles doivent assumer d'autres charges incompressibles et qui leur laissent, là encore, un revenu disponible, extrêmement faible. Dans les deux cas, elles ne pourront payer une assurance complémentaire.

Troisièmement, je voudrais, que l'on prenne bien en compte tous les problèmes liés aux indemnités journalières. Il faut penser qu'une personne en arrêt de travail pour trois ou quatre mois et qui va se retrouver avec un demi-salaire passera sous le plafond de ressources qu'elle dépassait peut-être auparavant et pourrait bénéficier de la couverture complémentaire.

M. Jean-Luc Préel et M. Denis Jacquat.

C'est vrai ! Enfin, je m'interroge sur le mode de financement des éventuelles aides évoquées par M. Boulard et Mme la ministre. Ainsi, le fonds de solidarité de la sécurité sociale a d'autres finalités. Il est notamment destiné à couvrir le prix de certaines prothèses particulières, comme les stimulateurs anti-douleur qui coûtent très chers et que les gens ne peuvent pas payer. Il sert aussi à apporter des aides spécifiques et exceptionnelles dans le cadre, par exemple, d'un arrêt de travail ou d'une hospitalisation prolongés pour faire face à des dettes concernant le logement ou la consommation d'énergie, etc. Dans ces conditions, le fonds de solidarité de la sécurité sociale disposera-t-il de ressources suffisantes pour aider les gens à prendre une couverture complémentaire, qui me paraît être aujourd'hui un droit indispensable, dans la mesure où le ticket modérateur existera toujours ?

M. Bernard Accoyer.

C'est obligatoire !

Mme la présidente.

L'amendement no 382 est retiré.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 132.

M. Bernard Accoyer.

Je considère qu'il est défendu.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement no 194.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le rapporteur, je souhaiterais qu'une fois au moins vous argumentiez votre réponse.

Cet amendement vise à prévoir une aide financière p ersonnalisée, inversement proportionnelle au revenu pour permettre à chacun de financer son assurance complémentaire.

M. Alfred Recours.

On vous a déjà répondu !

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur Boulard, j'aimerais savoir ce que vous en pensez car vous aviez vous-même proposé une disposition de ce type, jadis. Depuis, je ne vous ai pas entendu vous exprimer officiellement sur ce sujet.

Cet amendement vise aussi à délimiter le champ de compétence entre l'assurance complémentaire et le régime de base pour éviter que la concurrence ne soit faussée en faveur des CPAM. C'est indispensable, sous peine de voir les organismes d'assurance se pourvoir à Bruxelles, qui pourrait remettre en cause le système actuel à la française auquel nous sommes, théoriquement, tous attachés. Vous


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semblez considérer qu'il n'y a aucun risque. Je considère, quant à moi, qu'il en existe un et qu'il est bien réel, puisqu'il n'y aura plus de concurrence...

M. Philippe Vuilque.

Les gens auront le choix !

M. Jean-Luc Préel.

Non, s'ils s'adressent tous à la CPAM ! Le principe de base de notre système, qui prévoit une frontière claire entre les régimes de base et les assurances complémentaires, pourrait être remis en cause.

Enfin, monsieur le rapporteur, j'aimerais avoir une réponse précise sur les contrats collectifs. Vous avez sûrement un avis sur la question. Dans le cadre d'un contrat collectif, l'entreprise et le salarié paient une cotisation.

Que se passera-t-il lorsque le salarié bénéficiera de la

CMU ? Devra-t-il le déclarer à son entreprise pour que celle-ci soit exonérée de la cotisation le concernant ou pour que lui-même n'ait plus à payer sa cotisation ?

M. Alfred Recours.

Il n'y a pas de raison que l'entreprise soit exonérée !

M. Jean-Luc Préel.

Cela signifie-t-il qu'il devra dire à son employeur : « Je suis démuni » ? Est-ce ce que vous souhaitez ?

Mme la présidente.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l'amendement no 236.

M. Denis Jacquat.

Il s'agit de rétablir le scénario partenarial prévu par le rapport de Jean-Claude Boulard qui confiait aux mutuelles, aux assurances et aux institutions de prévoyance la gestion de la CMU, en versant une aide financière pour aider les plus démunis à se payer une couverture complémentaire.

Cette solution avait le mérite de ne pas confondre le rôle du régime de base et celui de la couverture complémentaire, et d'intégrer les personnes les plus démunies dans un système de droit commun.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements en discussion commune ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable pour toutes les raisons déjà exposées.

On m'a interpellé sur des propositions tirées d'un rapport que j'ai rédigé dans le cadre d'une mission qui m'a été confiée. Mais ces propositions ne sont pas celles du rapporteur de la commission, à qui il revient de soutenir les arbitrages rendus par le Gouvernement à la suite précisément de la mission.

M. Jean-Luc Préel.

Et les institutions de prévoyance, monsieur le rapporteur ?

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

J'ai posé au rapporteur une question précise sur les contrats collectifs. Quand aurai-je une réponse ?

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Les contrats collectifs sont maintenus, conformément à ce qui est expressément prévu par la loi. Dans ce cas, la CMU intervient de manière subsidiaire.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le rapporteur, je conçois que ma question soit un peu délicate. En effet, la CMU est théoriquement gratuite. Or elle pourrait concerner le bénéficiaire d'un contrat collectif, qui est normalement couvert par le paiement de cotisations patronal et salarial.

M. Alfred Recours.

Il n'y a pas de ristourne pour les entreprises !

M. Jean-Luc Préel.

Ce salarié, pour ne plus avoir à payer sa cotisation personnelle, devra-t-il annoncer à son employeur qu'il est démuni ? Telle est ma question et je n'ai toujours pas de réponse. Le rapporteur sèche !

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Nous n'avons pas de réponse, et nous le déplorons pour les acteurs de la couverture complémentaire qui, depuis quelques semaines, ressentent une certaine angoisse. En effet, ils se rendent bien compte que la CMU aura de graves conséquences pour le secteur complémentaire qui occupe une place de plus en plus importante dans la couverture maladie de nos concitoyens. On va leur imposer une taxe supplémentaire car les 20 milliards que M. le rapporteur ne compte pas dans son bilan final, puisqu'il fait état d'un coût résiduel de 1,7 milliard pour l'Etat, seront à la charge des sociétés d'assurance et des institutions de prévoyance. Et celles-ci devront aussi supporter les dépenses excédant le coût moyen de 1 500 francs.

Maintenant, nous apprenons que l'ambiguïté la plus totale règne à propos des contrats collectifs. Des salariés pourraient être couverts deux fois. Mais, apparemment, cela ne gêne personne : l'entreprise et l'intéressé paieront deux fois ! La CMU, ce n'est plus la couverture maladie universelle, c'est la confusion maladie universelle !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Accoyer, ça suffit !

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Jusqu'à présent, nous avions réussi à donner à ce débat une bonne tonalité. Tâchons de continuer ! J'ai cru comprendre que des amendements visant à favoriser le développement d'accords collectifs ont été déposés. Je m'en réjouis. En effet, alors que 17 % des salariés ne bénéficient pas en France d'une couverture complémentaire, il faudrait que des accords collectifs de prévoyance existent partout pour permettre aux salariés d'en avoir une. Ce serait une avancée considérable.

Pour répondre maintenant à votre question, je préciserai que le salarié qui bénéficie d'un accord collectif reste soumis à ce régime et n'a pas à déclarer à son employeur qu'il a accès à la CMU. Ce n'est donc pas la confusion générale. C'est même extrêmement simple et la règle qui prévaut est celle qui est la plus favorable au salarié.

Comme vous le savez, les contrats de prévoyance passés par les entreprises avec des organismes imposent le paiement pour l'ensemble des salariés. Donc l'entreprise continuera à payer. Mais le salarié qui, de par sa situation personnelle, a droit à la couverture maladie universelle, pourra en bénéficier après avoir effectué sa déclaration.

M. Bernard Accoyer.

Lui et son entreprise paieront deux fois !


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Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais non, puisque lui ne paie rien ! Monsieur Accoyer, j'espérais au moins que, après deux jours de débat, vous aviez compris qu'on ne payait pas de cotisation quand on bénéficiait de la CMU... A l'évidence, tel n'est pas le cas !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 194.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 236.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 133, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-1 du code de la sécurité sociale par les mots : "et la région de résidence". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je considère que cet amendement est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

APRÈS L'ARTICLE L. 861-1 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mme la présidente.

Mmes Jacquaint, Fraysse, M. Gremetz et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 156, ainsi rédigé :

« Après l'article L.

861-1 du code de la sécurité sociale, insérer l'article suivant :

« Art. L.

861-1-1. - "Les personnes dont les ressources sont supérieures au plafond fixé au premier alinéa de cet article et dans une limite déterminée par décret bénéficient, pour un tarif n'excédant pas un montant fixé par arrêté, de la prise en charge par l es organismes complémentaires visés au b de l'article L.

861-4 du code de la sécurité sociale de l'ensemble des prestations définies à l'article L.

861-3 de ce même code." » La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Une étude du CREDES fait le consternant constat du renoncement à l'accès aux soins pour deux raisons particulières : les faibles taux de remboursement qui sont les plus bas d'Europe, 73,9 % en France contre 91 % en Allemagne et 93 % au Royaume-Uni, et l'obstacle financier. Dès lors, l'accès aux soins passe dans un premier temps par une politique de remboursement beaucoup plus offensive qu'elle ne l'est aujourd'hui, par l'occupation d'un emploi, bien sûr, mais également par l'accès à une protection complémentaire.

Le constat fait quotidiennement par les associations doit nous inviter à prendre des mesures en ce sens. La couverture maladie universelle est une première étape importante. L'accès aux soins était hier compromis pour les personnes seules, déstructurées et souvent en rupture sociale. Cet état s'étend aujourd'hui à des personnes ayant une résidence stable et bénéficiant de la sécurité sociale, mais exerçant des emplois précaires. Ces personnes peuvent consulter en ville sans pour autant être à même de payer les soins, les examens complémentaires ou même les médicaments.

L'aide à la mutualisation permettrait d'atténuer sensiblement ces problèmes. Le coût d'une cotisation annuelle, telle qu'elle est prévue par le projet de loi, est lourd de sacrifice pour les personnes aux revenus modestes.

Devant cet état de fait, notre amendement répond au souci de nombreuses associations qui oeuvrent dans le sens de l'insertion, de la solidarité et de la lutte contre l'exclusion en proposant une aide à la mutualisation.

Notre volonté n'est pas contraire aux principes qui animent l'action des organismes complémentaires, du moins pour ce qui concerne les mutuelles. Celles-ci ont toujours joué un rôle prépondérant en faveur de l'élargissement de l'accès aux soins et dans la lutte contre les exclusions en dehors de toute logique commerciale.

Avec le concours de tous les acteurs des dispositifs du projet de loi, cet amendement permettrait l'accès aux soins du plus grand nombre et constituerait également un moyen pour lisser l'effet de seuil brutal qu'induit le faible plafond de 3 500 francs.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable. Par cet amendement on crée à nouveau un plafond - on n'arrête pas d'en créer ! Certes, la préoccupation exprimée est légitime. Il faudra trouver ensemble les moyens d'y répondre. Nous y reviendrons à l'occasion d'autres amendements.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 156.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE L. 861-2 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mme la présidente.

M. Préel a présenté un amendement, no 195, ainsi libellé :

« Après les mots : "ont droit à la", rédiger ainsi la fin du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-2 du code de la sécurité sociale : "tranche la plus élevée de l'aide financière pour la couverture complémentaire". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

J'ai déposé un certain nombre d'amendements qui portent sur le principe d'une aide lissée destinée à payer la protection complémentaire. Soyez toutefois assurés, mes chers collègues, je n'interviendrai pas sur l'ensemble de ces amendements afin de gagner du temps.

Monsieur le rapporteur, il y a encore quelques instants, vous sembliez très triste de ne pas trouver de solution au problème de seuil. Mais la seule façon de s'en sortir, c'est


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de donner une aide individuelle pour le paiement de la protection. A ce moment-là, il n'y a plus ni problème de seuil ni problème de compétences. Voila la solution ! Pour montrer quel était le principe de base, je suis parti des RMIstes qui ont droit à l'aide maximale. Les autres amendements indiquent comment progresser.

Monsieur le rapporteur, le principe que vous nous proposerez tout à l'heure, d'un fonds complémentaire qui sera à la discrétion du fonds proprement dit, ne sera pas automatique. En outre, vous ne nous précisez pas non plus comment il sera financé. Les organisations d'assu-r ance complémentaires auxquels vous vous adressez seront-ils d'accord pour alimenter ce fonds que vous leur proposez ? Donc, la seule vraie façon de régler le problème est de prévoir une aide pour financer la complémentaire en fonction des revenus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable. M. Préel a sa logique, qui n'est pas celle du texte.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La remarque de M. le rapporteur est tout à fait vraie. Avis défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 195.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 134, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article L. 861-2 du code de la sécurité sociale par l'alinéa suivant :

« Les bénéficiaires des dispositions du présent titre qui sont affiliés sur critère de résidence au régime général acquittent une cotisation volontaire symbolique, dont le montant est fixé par décret. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE L. 861-3 DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mme la présidente.

Je suis saisie de huit amendements nos 238, 384, 337, 231, 305, 355, 57 et 196, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 238, présenté par M. Jacquat, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du texte proposé pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale :

« Art. L. 861-3. - Les personnes visées à l'article L. 861-1 ont droit, en contrepartie du versement à un organisme mentionné à l'article L. 861-4 d'une cotisation dont le montant est fixé par arrêté, à la prise en charge... (Le reste sans changement.) »

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

J'ai indiqué à plusieurs reprises hier ce que je pensais de la cotisation. Mais j'ai une question à vous poser à ce sujet, madame la ministre.

Selon le code de la mutualité, toute personne désirant adhérer à une mutuelle doit payer une cotisation. Dans le cas de la couverture complémentaire, y aura-t-il exception à cette règle ? Dans les propositions de M. Jean-Claude Boulard, l'adhésion aura-t-elle valeur de cotisation ? Si tel est le cas, cela ne posera-t-il pas de problème vis-à-vis du code de la mutualité ? On nous a indiqué aussi qu'il pourrait y avoir interaction avec la réglementation européenne.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

Mme la présidente.

L'amendement no 384 deM. Veyret n'est pas défendu.

MM. Barrot, Bur, Méhaignerie, Gengenwin, Préel et Blessig ont présenté un amendement, no 337, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, après l es mots : "personnes mentionnées à l'article L. 861-1", insérer les mots : "bénéficiaires du revenu minimum d'insertion". »

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

L'amendement no 337 s'inscrit à l'évidence dans une autre architecture que celle retenue par le Gouvernement. Je le retire.

Mme la présidente.

L'amendement no 337 est retiré.

M. Morin a présenté un amendement, no 231, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "sans contrepartie contributive", les mots : "en contrepartie d'un droit d'entrée de 50 F". »

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

A part l'amour, peut-être, les choses n'ont de valeur que si elles ont un prix.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est une conception libérale des choses !

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

M. Hervé Morin.

Même si, bien sûr, la santé n'a pas de prix !

M. Marcel Rogemont.

L'amitié non plus n'a pas de prix !

M. Hervé Morin.

Le fait de demander un droit d'entrée de 50 francs pour bénéficier de la couverture maladie universelle ferait prendre conscience que ce dispositif fait appel à la solidarité nationale et que la solidarité suppose une participation financière. Ce serait un geste contributif symbolique qui conduirait à s'interroger sur ses responsabilités d'autant que le public concerné n'aura à régler ni ticket modérateur ni forfait hospitalier et qu'aucune avance de frais ne lui sera demandée.


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M. Marcel Rogemont.

Et pour les amoureux de la santé, ce serait gratuit ?

Mme la présidente.

MM. Bur, Méhaignerie, Morin, Gengenwin, Barrot, de Courson, Blessig, Préel, Foucher et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 305, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "sans contrepartie contributive" », les mots : "en contrepartie d'une contribution minimale". »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jean-Luc Préel.

Il est défendu.

Mme la présidente.

M. de Courson a présenté un amendement, no 355, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, après le mot : "contributive,", insérer les mots : "ou avec une contrepartie réduite,". »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jacques Barrot.

Il est défendu.

M me la présidente.

M. Boulard, rapporteur, Mme Grzegrzulka et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 57, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale, supprimer les mots : ", sans contrepartie contributive". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

La commission considère que les mots : « sans contrepartie contributive », sont inutiles. Cela va de soi puisque le projet de loi affirme le droit à la CMU.

M. Denis Jacquat.

En effet.

Mme la présidente.

M. Préel a présenté un amendement, no 196, ainsi libellé :

« Après les mots : "ont droit", rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale : "à une aide financière pour la prise en charge, à une couverture complémentaire". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Il est défendu. Il relève de ma logique, comme dirait M. le rapporteur. (Sourires.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur tous ces amendements ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

L'avis de la commission est négatif sur tous les amendements, sauf sur l'amendement no 57 qu'elle a adopté.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'avis du Gouvernement est défavorable sur l'ensemble des amendements.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Compte tenu de l'avis du Gouvernement, je retire l'amendement no

57.

Mme la présidente.

L'amendement no 57 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 238.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 231.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 305.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 355.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Bur, Gengenwin, Préel, Barrot, Blessig, Méhaignerie, Morin et de Courson ont présenté un amendement, no 306, ainsi rédigé :

« Supprimer le quatrième aliéna (3o ) du texte proposé pour l'article L.

861-3 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Il est défendu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 306.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M me la présidente.

M. Boulard, rapporteur, Mme Grzegrzulka et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 58, ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-3 du code de la sécurité sociale,s ubstituer aux mots : "le montant", les mots : "la limite du montant". »

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

58. (L'amendement est adopté.)

M me la présidente.

M. Boulard, rapporteur, Mme Grzegrzulka et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 59, ainsi rédigé :

« Après la première phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-3 du code de la sécurité sociale, insérer la phrase suivante : « Les personnes ayant souscrit un acte d'adhésion, transmis à leur caisse d'assurance maladie, formalisant leur engagement auprès d'un médecin référent dans une démarche qualité fondée sur la continuité et la coordination des soins, bénéficient de la procédure de dispense d'avance de frais pour les frais des actes


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réalisés par ce médecin ou par les médecins spécialistes qui se déclarent correspondant de ce médecin, pour eux-mêmes ou leurs ayants droit. »

Sur cet amendement, M. Accoyer a présenté un sousamendement, no 359, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 59, après les mots : "Les personnes", insérer les mots : "dont le revenu est inférieur à un plafond fixé annuellement par la loi de financement de la sécurité sociale et". »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

59.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

L'amendement de la commission est au nombre de ceux qui proposent des mécanismes permettant d'effacer l'effet de seuil.

Le système du tiers payant est automatique pour les bénéficiaires de la CMU. Nous proposons son extension, dans le cadre de la nécessaire maîtrise des dépenses de santé.

M. Bernard Accoyer.

Laquelle ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

C'est pourquoi l'amendement propose d'étendre la dispense d'avance de frais pour les personnes ayant choisi un médecin référent, dans une démarche de qualité, de continuité et de coordination des soins, pour les actes de ce médecin ou des médecins spécialistes qui en sont les correspondants déclarés.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans ma réponse aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, j'ai indiqué que nous envisagions l'extension du tiers payant pour atténuer l'effet de seuil.

L'amendement de la commission et de son rapporteur nous permet une première application. Je ne peux qu'y être favorable.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer pour défendre le sous-amendement no 359.

M. Bernard Accoyer.

J'ai déposé ce sous-amendement pour deux raisons.

La première est qu'il y a un problème de forme. Le texte dont nous discutons contient en fait deux projets de loi : l'un portant création de la CMU dans les titres I, II et III, l'autre qui est un DMOS en bonne et due forme dans le titre IV. On peut d'ailleurs s'interroger sur la recevabilité de l'amendement de la commission dans la mesure où il devrait figurer au titre IV, c'est-à-dire dans la partie DMOS.

Se pose également le problème de la constitutionnalité de la procédure retenue par le Gouvernement, qui, pour la première fois, nous présente un projet de loi double.

Deux textes en un ! Pourquoi pas, une prochaine fois, trois en un ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout est dans tout et réciproquement !

M. Bernard Accoyer.

Cette procédure, qui affaiblit le droit d'amendement du Parlement, fait planer la plus grande des réserves sur la recevabilité constitutionnelle des amendements parlementaires. A ce titre, le choix du rapporteur d'insérer cet amendement dans le titre III risque de l'exposer aux foudres du Conseil constitutionnel.

Mais je veux intervenir sur un autre point.

Vous dites, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vouloir, par cet amendement, atténuer l'effet de seuil, mais pourquoi, à ce moment-là, ne pas, comme je le suggère dans mon sous-amendement, conditionner l'extension du tiers payant, pour les actes d'un spécialiste après consultation d'un médecin référent, à une condition de ressources ? C'est que la vérité est tout autre : vous voulez sournoisement instaurer un système de tiers payant généralisé pour les actes des spécialistes vers lesquels sont dirigés les patients par les médecins référents. Cela n'est pas correct. Le dispositif n'est pas transparent. Cela dénote une nouvelle fois votre mépris des partenaires conventionnels.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Mais non !

M. Bernard Accoyer.

Mais il est vrai qu'on en a pris l'habitude. Les échanges entre le Gouvernement et la CNAM ou entre la CNAM et les professions de santé n'ont absolument rien de classique. Cet état de chose est extrêmement préoccupant car il est favorable à l'éclosion d'un autre système, et c'est précisément ce que nous redoutons de la CMU.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à l'amendement du rapporteur, qui risque fort, à notre sens, d'être frappé d'inconstitutionnalité. Nous proposons un sous-amendement pour en atténuer les effets en fixant un plafond de ressources.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Jean-Claude Boulard.

Cher collègue Accoyer, vous n'avez eu de cesse de manifester votre hostilité à l'égard des seuils, au point d'user ce mot jusqu'à la corde, et voilà que vous vous prenez les pieds dans le seuil ! Ce faisant, vous revenez sur une réforme de M. Juppé que vous avez soutenue.

M. Marcel Rogemont.

Très bonne argumentation !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Mais nous avons toujours pensé que vous l'aviez soutenu plutôt mollement...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le rapporteur, ne les excitez pas !

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Je m'arrête donc.

(Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

Comme nous ne sommes pas favorables à la multiplication des seuils, nous ne retenons pas celui que vous nous proposez.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable !

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 359.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

59. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements, nos 160 et 60, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 160, présenté par Mme Jacquaint, M. Gremetz et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Substituer à la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-3 du code de la sécurité sociale l'alinéa suivant :

« Les personnes dont les ressources sont inférieures à un plafond fixé par décret sont dispensées d'avance de frais pour les dépenses prises en charge


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 29 AVRIL 1999

par les régimes obligatoires des assurances maladie et maternité. Les modalités de la dispense d'avance de frais, les modalités de paiement des professionnels et é tablissements de santé sont déterminées par décret. »

L'amendement no 60, présenté par M. Boulard, rapporteur, Mme Grzegrzulka et les commissaires membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 861-3 du code de la sécurité sociale :

« Pour l'application de cette dispense d'avance de frais, un décret détermine les modalités de paiement des professionnels et établissements de santé. »

Sur cet amendement, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 466, ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 60 par les mots : "permettant notamment qu'ils aient un interlocuteur unique pour l'ensemble de la procédure". »

La parole est à M. Claude Billard, pour soutenir l'amendement no 160.

M. Claude Billard.

Il a été maintes fois exprimé avec raison que l'objectif majeur de la couverture maladie universelle est de lutter contre l'exclusion en matière de santé. La mise en place de solutions efficaces réside donc, naturellement, dans la mise en évidence des causes de cette exclusion.

Je ne reviendrai pas sur la première, - celle de l'insuffisance des ressources -, et sur le débat relatif au plafond d'accès à la CMU. Mais je veux souligner les difficultés que rencontrent les personnes qui disposent de revenus modestes se situant au-dessus de ce plafond. L'avance de frais peut constituer dans leur cas un obstacle réel à l'accès aux soins de santé. C'est pourquoi il nous semble nécessaire d'élargir pour elles le dispositif prévu dans le cadre de la couverture maladie universelle. Un décret en fixerait les modalités tant en ce qui concerne le plafond que la situation des professionnels de santé, ce qui implique de limiter le délai de remboursement.

Nous avons maintenu notre amendement car celui du rapporteur nous préoccupe pour deux raisons. La première est qu'il ne s'étend pas à l'ensemble des dépenses prises en charge par les régimes obligatoires des assurances maladie et maternité. La seconde est qu'il soumet cette extension de dispense d'avance des frais à l'engagement de l'assuré social auprès d'un médecin référent.

Nous avons combattu cette disposition. Elle nous semble inacceptable dans un texte dont l'objectif est de lutter contre l'exclusion dans le respect des personnes concernées. En effet, on ne peut admettre que le degré de liberté des assurés sociaux dans le choix du médecin soit variable selon le revenu des intéressés. La médecine à deux vitesses, c'est aussi cela : le libre choix du médecin pour ceux qui disposent de revenus aisés, qui vivent bien, et l'obligation de choisir un médecin référent pour ceux qui connaissent des fins de mois difficiles. Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne pouvons approuver l'amendement du rapporteur. Nous vous invitons, bien évidemment, mes chers collègues, à adopter le nôtre.

M. Bernard Accoyer.

Ils ont compris que c'était la sécurité sociale à deux vitesses !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 160 et défendre l'amendement no

60.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

La commission n'est pas favorable à l'amendement no 160.

Par ailleurs, il paraît souhaitable que se développe la formule du médecin référent. Je n'ai jamais entendu

M. Accoyer dire, lorsque M. Juppé était premier ministre, que cette formule induisait une médecine à deux vitesses.

Nous assistons en permanence à un changement de discours selon les circonstances.

Nous pensons que l'on ne pourra pas durablement a ssurer une telle couverture sans une maîtrise des dépenses de santé. C'est pourquoi nous estimons qu'il est souhaitable d'encourager la formule du médecin référent.

L'amendement no 60 est un amendement de précision sur lequel le Gouvernement a déposé un sous-amendement auquel la commission est favorable.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 160 et 60 et présenter le sous-amendement no 466.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je l'ai dit hier, à la fin de la discussion générale : il faut effectivement réfléchir à une extension du tiers payant, notamment pour ceux qui ont du mal à faire l'avance des frais. Du reste, l'amendement no 59 que vous venez d'adopter l'étend en partie.

M. Claude Billard.

En partie seulement.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous devons continuer à y travailler. Les professionnels de santé, vous le savez, ne sont pas tous favorables à l'extension du tiers payant ; or nous devons le faire avec eux et non pas contre eux. Peut-être aurons-nous l'occasion d'en reparler dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Nous avons déjà bien avancé depuis l'année dernière, puisque 6 millions de personnes vont dorénavant bénéficier du tiers payant, plus tous ceux qui auront un médecin référent, grâce à l'amendement no 59. Je ne suis pas favorable à l'étendre davantage dès aujourd'hui, non pour des raisons de fond, mais parce qu'il nous faut continuer à discuter avec les professionnels de santé.

Le sous-amendement no 466 du Gouvernement tend à compléter l'amendement no 60 de la commission qui prévoit qu'un décret devra déterminer les modalités de paiem ent des professionnels et établissements de santé.

L'objectif est de faire payer la facture du professionnel de santé, médecin ou pharmacien, par une seule institution, en règle générale la caisse primaire d'assurance maladie ou parfois, dès lors qu'un accord aura été passé par la mutualité, comme c'est déjà le cas dans quelques départements, par exemple en Meurthe-et-Moselle. Quoi qu'il en soit, il n'y aura qu'un interlocuteur, qui paiera la totalité.

C'est ce que fait déjà la caisse primaire d'assurance maladie pour les 2,6 millions de personnes d'ores et déjà prises en charge au titre de l'aide médicale gratuite, par le biais du logiciel Noémie 3. Je souhaite que nous puissions étendre ce dispositif aux 6 millions de personnes qui bénéficieront des nouvelles dispositions. Je suis évidemment favorable à l'amendement no

60.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

M. Jean-Claude Boulard a tendance à systématiquement déformer la réalité. Il nous a accusés tout à l'heure de changer d'avis. Ce n'est pas du tout le cas et cela montre qu'il méconnaît les dispositions des ordonnances du 24 avril 1996. Celles-ci prévoyaient, en effet, que le système du médecin référent serait mis en place à titre expérimental et soumis à la commission Soubie.


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Or, de manière tout à fait sournoise, voilà qu'on généralise de force ce dispositif, par un amendement placé en catimini, et de surcroît dans une partie du texte relative non à l'organisation sanitaire et sociale du pays, mais à des dispositions purement sociales.

Je ne puis approuver un tel procédé qui consiste à déformer la réalité pour faire croire que nous aurions changé d'opinion. Je veux bien admettre que M. Boulard l'ait fait involontairement, mais cela me paraît tout à fait préoccupant. Cela ne m'empêchera pas de vous faire part de ce que je ressens, tout comme plusieurs collègues des bancs de la gauche : avec le système de MEDICAID français que vous nous proposez, c'est le premier niveau d'une sécurité sociale à deux vitesses que vous êtes en train d'installer.

Mme Odette Grzegrzulka.

Oiseau de mauvais augure !

M. Alfred Recours.

La gratuité devient une vitesse !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard.

Je veux d'abord m'excuser auprès de Mme Muguette Jacquaint : pris par le besoin de répondre à M. Accoyer, j'ai en fait négligé son amendement.

M. Bernard Accoyer.

Il est fatigué !

Mme la présidente.

Nous allons bientôt lever la séance. (Sourires.)

M. Jean-Claude Boulard.

Je vais finir par croire, monsieur Accoyer, que vous ne souhaitez pas la réussite de l'expérience prévue par les ordonnances de 1996, à vous entendre ainsi protester quand nous proposons de généraliser ce qui jusqu'alors n'était qu'expérimental.

M. Bernard Accoyer.

Mais il faut justement commencer par l'expérimenter !

M. Jean-Claude Boulard.

J'estime que c'est un bon mécanisme et qu'il est souhaitable de l'encourager. Voyez que nous ne sommes pas sectaires, puisque nous considérons que cette expérience prévue par les ordonnances de 1996 peut parfaitement être généralisée.

M. Bernard Accoyer.

Elle n'a jamais été mise en place.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 160.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 466 du Gouvernement.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 60, modifié par le sous-amendement no 466.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 264, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.

861-3 du code de l a sécurité sociale par les mots : "en Conseil d'Etat". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement de précision vise à ce que la fixation du seuil fasse l'objet d'un décret en Conseil d'Etat. Des modalités aussi importantes que celles de la dispense d'avance de frais, en particulier pour le remboursement des honoraires et frais de santé par les organismes d'assurance maladie aux professionnels et établissements de soins ne devraient pas être déterminées par décret simple.

Mme la présidente.

Monsieur Accoyer, je m'aperçois que cet amendement devrait tomber, du fait du vote précédent.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

En effet.

M. Bernard Accoyer.

Effectivement.

Mme la présidente.

Au moins avez-vous pu l'exposer.

MM. Jacques Barrot, Bur, Méhaignerie et Gengenwin ont présenté un amendement, no 343, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article

L. 861-3 du code de la sécurité sociale par l'alinéa suivant :

« Pour l'application du présent article, il peut être dérogé aux articles L.

321-1 et L.

615-14 en tant qu'ils concernent les frais couverts par l'assurance maladie pour garantir la meilleure qualité des soins au moindre prix, dans les conditions fixées par une convention conclue entre, d'une part, la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la caisse centrale de secours mutuels agricoles et, d'autre part, au moins une fédération représentative des mutuelles régies par le code de la mutualité et des entreprises régies par le code des assurances. »

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

Cet amendement tente de préciser les méthodes selon lequelles seront fixées les prestations servies au titre de la CMU.

Si les choses sont relativement claires pour ce qui concerne la médecine de ville - remboursement à 100 % et tiers payant - et l'hôpital - pas de forfait journalier -, il n'en est pas de même pour la partie prothèses. Dans le cadre de l'actuelle AMG, les modalités de prise en charge sont définies dans le règlement social départemental, qui varie d'un département à l'autre. Avec la CMU, peut-être n'ai-je pas suffisamment suivi tous les débats, mais il me semble qu'il subsiste une zone d'ombre.

Aussi l'amendement no 343 tend-il à autoriser les régimes obligatoires d'assurance maladie et les fédérations représentatives des organismes assureurs et mutualistes à établir ensemble une définition du panier de soins éligible à la couverture complémentaire santé, de telle sorte qu'il garantisse à ses bénéficiaires la meilleure qualité des soins au moindre coût. Ce système reposerait sur ce qui se fait actuellement dans chaque département où chaque conseil général dispose d'une certaine liberté pour fixer dans le règlement départemental d'aide sociale le panier de soins pris en charge par l'aide médicale.

Avec votre permission, madame la présidente, je présenterai en même temps mon amendement no 344, inspiré par la même idée. Celui-ci prévoit de déterminer le champ exact des prestations prises en charge par la CMU par le biais d'une convention liant deux des trois caisses nationales au moins, une fédération représentative des mutuelles et au moins une organisation représentative des assurances, qui pourra fixer la nature des frais pris en charge, les critères de qualité et de prix et même les modalités d'agrément.

En fait, ces deux amendements ont pour premier objet de vous demander comment sera défini demain le champ d'action de la CMU et si vous pensez y associer les caisses nationales ainsi que les assureurs complémentaires, mutualistes ou assureurs privés, devenus partenaires dans sa gestion.


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Mme la présidente.

Cet amendement, no 344, cosigné par M. Bur, est ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article

L. 861-3 du code de la sécurité sociale par le paragraphe suivant :

« II. Pour la détermination des frais pris en charge au titre du présent article, une convention conclue entre, d'une part, au moins deux des trois caisses nationales d'assurance maladie mentionnées à l'article L.

162-7 dont la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et d'autre part au moins une fédération représentative des mutuelles régies par le code de la mutualité et au moins une organisation représentative des entreprises régies par le code des assurances peut :

« 1o Fixer la nature des frais mentionnés aux articles L.

321-1 et L.

615-14 pris en charge au titre du présent article pour tenir compte de la qualité et du prix du service médical rendu ;

« 2o Fixer les critères de qualité et de prix auxquels doivent satisfaire les producteurs de biens et services médicaux pour bénéficier d'un agrément délivré par les signataires de la convention et ouvrant droit à la prise en charge des soins au titre du présent article ;

« 3o Déterminer les modalités suivant lesquelles l'agrément prévu au 2o est délivré et porté à la connaissance des assurés sociaux, ainsi que les modalités suivant lesquelles la nature des frais mentionnés au 1o est portée à la connaissance des professionnels de santé et des assurés sociaux.

« La convention, ses annexes et avenants n'entrent en vigueur qu'après approbation par arrêté interministériel pris après avis du Conseil national de l'ordre des médecins et du Conseil de la concurrence. »

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

En fait, la loi ellemême détermine le contenu de la couverture maladie universelle complémentaire. Il n'y a donc pas matière à y définir un panier. Le projet de loi est du reste assez précis : il y a déjà le ticket modérateur, le forfait hospitalier - ce n'est pas rien -, l'amélioration du niveau de remboursement des soins dits mal remboursés, en l'occurrence les prothèses dentaires et optiques, par une maîtrise accrue du coût des opérations. Il n'y a rien à renvoyer à une convention ; vous-même estimiez tout à l'heure, monsieur Barrot, que la puissance publique ne pouvait déléguer à d'autres le soin de définir le contenu de la CMU.

Je ne crois donc pas qu'il soit possible d'accepter l'amendement no 343 ni le suivant. Il faut se reporter à la loi, étant entendu que l'exercice d'évaluation dit « panier de soins » n'avait par définition d'autre objet que de répondre à un besoin d'évaluation, et non de définir un panier de soins individuels à proprement parler. Mme la ministre l'a dit clairement tout à l'heure et je m'en voudrais en le répétant, d'entretenir de la confusion. La loi définit le contenu ; il est vrai que, pour ce qui est des soins aujourd'hui mal remboursés, elle renvoie à une négociation qui, en cas d'échec, déboucherait sur des arrêtés, mais l'amélioration des remboursements est probablement peu dissociable de la maîtrise de la dépense.

Mieux maîtriser pour mieux rembourser est aussi au coeur de la CMU.

Mme la présidente.

Quels est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis défavorable à ces deux amendements, car la réponse aux questions posées par M. Barrot figure déjà dans la loi.

Nous ne souhaitons pas que la prestation offerte aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle soit définie par convention. Nous entendons que la loi dise clairement ce à quoi les bénéficiaires de la CMU ont droit, c'est-à-dire à l'ensemble des prestations ouvertes pour les assurés de la sécurité sociale. Il y est par exemple fait réfé rence à l'article 321-1 du régime général qui traite de la couverture des frais de santé en ville comme à l'hôpital, du remboursement des frais de transport sanitaire, de la prise en charge des frais d'hébergement des enfants handicapés, de l'octroi d'indemnités journalières, etc. Il répond également très précisément à la question du remboursement des frais exposés en sus des tarifs de responsabilité, dont nous débattons depuis tout à l'heure avec M. Accoyer, pour les soins dentaires, prothétiques ou d'orthopédie dento-faciale et pour les dispositifs médicaux à usage individuel, admis au remboursement dans les limites fixées par arrêté ministériel.

Un arrêté ministériel fixera et la liste des dispositifs et le montant des frais pris en charge pour mieux assurer la protection des bénéficiaires de la CMU.

Par ailleurs, l'article 23 auquel j'ai fait référence tout à l'heure permet aux organismes d'assurance maladie comme aux mutuelles, aux institutions de prévoyance et aux sociétés d'assurance de négocier des prix avec les distributeurs de dispositifs médicaux. J'espère bien que tout le monde y gagnera, les assurés sociaux en général comme les bénéficiaires de la couverture maladie universelle.

Votre question, monsieur Barrot, est parfaitement fondée mais la réponse est déjà inscrite dans la loi.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jacques Barrot.

M. Jacques Barrot.

J'entends, madame la ministre, et, d'une certaine manière, je vous rejoins : c'est un acte qui relève en définitive de la puissance publique. Mais il n'en demeure pas moins que ce sera un arrêté, et l'on ne peut affirmer que, à la lecture de la simple loi, on connaîtra exactement le champ d'application pour la partie prothétique. Il faudra bien attendre un arrêté, lequel devra bien être pris, comme c'est logique, après force négociations.

C'est cela que j'ai voulu souligner avec ces deux amendements. J'y ai beaucoup insisté, car nous en avons fait l'expérience à travers les règlements départementaux. C'était un vrai casse-tête ! En effet, il ne suffisait pas de fixer la barre en deçà de laquelle on pouvait bénéficier de l'AMG ; encore fallait-il savoir jusqu'où l'AMG irait pour les soins prothétiques. Et cette question, je me la suis posée au point que j'avais personnellement voulu que l'AMG en Haute-Loire puisse aller plus beaucoup plus loin, notamment pour les enfants. Priver des enfants de prothèses dentaires me paraissait vraiment une sottise sur tous les plans, doubler d'une injustice grave. Le même problème se posera aujourd'hui. Certes, madame la ministre, vous allez le régler par arrêté, mais auparavant, il va vous falloir affronter nombre de difficultés...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oh oui !

M. Jacques Barrot.

Nous voudrions surtout que le Parlement soit à l'avenir informé de l'évolution du panier de soins de la CMU. Nous savons trop que l'administration, lorsqu'elle est sous la pression financière, s'y entend fort bien pour imaginer des soins prothétiques au rabais ; nous ne pouvons donc nous désintéresser de ce problème.


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Cela étant, madame la présidente, pressentant bien que ces deux amendements ne seront pas adoptés, je veux bien les retirer. Ils tendaient avant tout à prendre date pour l'avenir. J'entends bien que ce sera un arrêté, mais il faudra que le Parlement soit très précisément informé de cette définition du champ d'application exact de la CMU. Pour la médecine en ville et pour l'hôpital, on y voit clair ; les règlements sociaux départementaux ne posaient guère de difficultés. Mais les soins prothétiques restent et resteront un problème très difficile. Tant mieux si nous avançons ; mais je voudrais que nous ayons des garanties à l'avenir et non des trompe-l'oeil.

J'irai même, pour faire progresser le débat, jusqu'à retirer l'amendement suivant, no 338. Je m'aperçois en fait que l'introduction d'une contribution dans le dispositif retenu apparaît discutable. Mais j'insiste encore sur l'importance des méthodes de définition et de la définition elle-même du champ d'application de la CMU.

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le champ d'application de la CMU, y compris sur les prothèses, est déjà défini. Aujourd'hui, ses bénéficiaires o nt déjà droit à tout ce à quoi ont droit les assurés sociaux.

Or vous reconnaîtrez avec moi, monsieur le ministre, que ce n'est pas le cas aujourd'hui, puisque ces personnes ne sont pas remboursées à 100 %.

La base, nous la connaissons ; on ne peut pas dire que nous ne savons pas ce qui se passe sur les prothèses dentaires, les lunettes, etc. Pour tous ces soins, ils auront au moins tout ce qu'ont les autres Français.

M. Jacques Barrot.

Mais les tarifs de responsabilité sont complètement désuets.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Peutêtre, monsieur Barrot, mais il fallait les changer ! Nous avons beaucoup de travail, je le sais. Je m'en rends compte depuis que je suis là. Nous avons six mois pour continuer à travailler, pour négocier avec les fabricants, pour essayer de mettre au point d'autres avancées réelles pour l'ensemble des Français. Dans l'immédiat, nous connaissons la base : c'est celle à laquelle ont droit tous les assurés.

M. Alfred Recours.

Il n'y a pas deux vitesses !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Evidemment non. S'il y avait une deuxième vitesse, elle serait plus positive et pour tout le monde. Et c'est bien là-dessus que nous allons travailler dans les mois qui viennent. Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas à nous interroger sur la base : nous la connaissons, ce sont les droits dont bénéficient aujourd'hui tous les assurés sociaux en France.

Mme la présidente.

Les amendements nos 343 et 344 sont retirés, de même que l'amendement no 338.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1419, portant création d'une couverture maladie universelle.

MM. Jean-Claude Boulard et Alfred Recours, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1518, tomes I et II).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT