page 04490page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. S ouhaits de bienvenue à une délégation étrangère (p. 4491).

2. Questions au Gouvernement (p. 4491).

CORSE (p. 4491)

MM. Marc-Philippe Daubresse, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

KOSOVO (p. 4492)

MM. Renaud Donnedieu de Vabres, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

PRESTATIONS SOCIALES OUTRE-MER (p. 4492)

Mme Huguette Bello, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

FUSION RHÔNE-POULENC HOECHST (p. 4493)

MM. Gérard Saumade, Christian Pierret, secrétaire d'État à l'industrie.

CORSE (p. 4493)

MM. Yves Fromion, Alain Richard, ministre de la défense.

FINANCEMENT DES 35 HEURES (p. 4494)

M. Hervé Gaymard, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

PROFESSIONS PARAMÉDICALES (p. 4495)

M. Jean-Marc Chavanne, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

KOSOVO (p. 4496)

Mme Janine Jambu, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

ÉLECTIONS EN ISRAËL (p. 4496)

Mme Martine David, M. Lionel Jospin, Premier ministre.

DETTE DES PAYS PAUVRES (p. 4498)

MM. Eric Besson, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

POLITIQUE SPATIALE EUROPÉENNE (p. 4498)

MM. Pierre Ducout, Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

CORSE (p. 4499)

M. Bernard Deflesselles, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

SITE D'ASSEMBLAGE DE L'A 3 XX (p. 4500)

Mme Françoise Imbert, M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Suspension et reprise de la séance (p. 4500)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

3. Liberté de communication. Discussion d'un projet de loi (p. 4501).

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis de la commission des finances.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 4512)

E xception d'irrecevabilité de M. Jean-Louis Debré : M. Renaud Muselier, Mme la ministre, MM. Jean-Marie Le Guen, Christian Kert, Michel Herbillon, François Baroin, Christian Cuvilliez, Noël Mamère. Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 4522)

Question préalable de M. José Rossi : M. Laurent Dominati.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 4528).


page précédente page 04491page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je suis heureux de souhaiter une très chaleureuse bienvenue à une délégation du groupe d'amitié Québec-France, conduite par M. Normand Jutras, président délégué de la section québécoise de la commission interparlementaire France-Québec. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.) 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse.

Ma question s'adresse à

M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, chaque semaine apporte son lot de révélations dans l'affaire corse. (« Ah » sur les bancs du groupe socialiste.)

J'ai découvert avec stupeur, ce matin, dans mon quotidien régional La Voix du Nord , une interview de Mme Bonnet, épouse du préfet que vous aviez nommé en Corse. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

J'ai quatre questions à vous poser à la suite de la publication de cette interview.

Première question : avez-vous eu connaissance, ou le Gouvernement a-t-il été informé, du contenu de documents relatifs à l'assassinat du préfet Erignac que M. Bonnet semble avoir déposés dans un lieu à l'étranger ? Deuxième question : qu'est-ce qui pourrait justifier que votre ministre de l'intérieur qui, selon Mme Bonnet, aurait reçu beaucoup de confidences du préfet de Corse, soit aujourd'hui « bien embêté », pour reprendre les termes figurant dans l'interview ? Troisième question : Mme Bonnet laisse entendre que le préfet aurait été victime d'un coup monté et qu'on aurait voulu arrêter son action dans certaines affaires.

Pouvez-vous, aujourd'hui, donner des garanties formelles à la représentation nationale que l'instruction judiciaire n'écarte aucune piste, y compris celles qui pourraient paraître aujourd'hui les plus invraisemblables ? Quant à la quatrième question, je vous la pose à nouveau : pouvez-vous, enfin, nous dire comment le Gouvernement compte assumer sa responsabilité politique dans cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

En démissionnant !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux et à M. le ministre de l'intérieur.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Vous m'avez interrogé, monsieur le député, je vous réponds ! J'ai été destinataire, le 19 décembre dernier, sous pli fermé, de deux notes que M. le préfet Bonnet avait remises à la justice. Cela est parfaitement exact.

Le préfet Bonnet a-t-il placé dans un coffre d'une banque à l'étranger, ou confié à des journalistes les mêmes documents ? Je l'ignore.

M. Pierre Lellouche.

Vous ne savez rien !

M. le ministre de l'intérieur.

J'ai pris connaissance, comme vous, de l'interview de Mme Bonnet.

Vous me demandez s'il y a eu coup monté. Je n'en sais rien, je n'exclus rien et je n'ai rien exclu dès le départ.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'ai dit que toutes les hypothèses devaient être explorées et que, en attendant que les confrontations aient lieu, la présomption d'innocence s'appliquait aussi naturellement, à Bernard Bonnet. Mais je n'ai rien dit de plus.

Vous m'interrogez, enfin, sur la façon dont le Gouvernement assume sa responsabilité politique. Dès lors qu'il y a un dysfonctionnement, il faut le corriger. Ce dysfonctionnement étant apparu, tous les voies et moyens permettant de le corriger sont aujourd'hui mis en oeuvre.

Nous en saurons plus quand les confrontations nécessaires auront eu lieu. Je ne peux rien vous dire de plus.

M. Yves Fromion.

Démission !

M. le ministre de l'intérieur.

Mme Bonnet affirme que le ministre de l'intérieur « est bien embêté ». Effectivement, je ne suis pas heureux de ce qui s'est produit, bien que je relativise les choses : il s'agit d'un dysfonctionnement grave mais qui ne change rien à l'orientation de la politique que le Gouvernement a choisie, à savoir le


page précédente page 04492page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

retour à l'Etat de droit, politique qui doit être poursuivie.

(Applaudissements plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur de nombreux bancs de groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Chaque jour, le nombre de Kosovars déportés de leur terre augmente et l'opinion publique française et européenne commence à douter de l'efficacité de notre action.

La communauté internationale rappelle souvent, mais de manière dispersée, le droit au retour dans son pays du peuple kosovar.

Quand cet objectif du droit au retour sera-t-il officiellement et publiquement proclamé par l'ONU ? Quel dispositif au sol prévoyez-vous pour garantir l'exercice de ce droit au retour ? Enfin, quand comptez-vous saisir l'Assemblée nationale d'une telle perspective pour que nous puissions en débattre et, ensuite, voter sur une telle intervention - ce qui permettra de faire apparaître clairement à nos concitoyens qui soutient la politique du Président de la République et du Gouvernement et qui la combat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, depuis le début de l'opération qu'il a fallu mener pour libérer le Kosovo et y reconstruire un espace de paix et de démocratie, le droit au retour des réfugiés ou, plus exactement, des personnes déportées, chassées de chez elles après avoir été terrorisées, a été proclamé dans toutes les déclarations françaises et dans toutes les déclarations des alliés. Il constitue le troisième des cinq points qui ont été énumérés pour répondre aux fausses propositions, en trompe l'oeil, des dirigeants de Belgrade.

Depuis lors, à chaque moment, notamment lorsque les ministres du G 8 se sont réunis pour préparer la résolution, ce point a été solennellement rappelé : droit au retour et mise en oeuvre du droit au retour. Cela suppose que la sécurité ait été rétablie, qu'une force vienne compléter et garantir l'administration internationale provisoire du Kosovo de demain, que nous souhaitons voir confiée à l'Union européenne. Cela forme un tout, et c'est sur ce tout que nous sommes en train d'achever les préparatifs de la résolution au sein du Conseil de sécurité, d'abord entre Occidentaux, mais aussi avec les Russes.

Toutes les discussions, négociations, rencontres qui se déroulent avec les Russes ont cela comme objectif principal.

Quand ? me demandez-vous. Le plus tôt sera le mieux.

Je ne peux pas vous donner de délai parce que ce n'est pas une question de temps de travail mais d'arbitrage politique sur les quelques points qui restent à traiter. Il faut savoir, en particulier, comment se combineront l'acceptation des conditions, le vote de la résolution et la suspension des actions aériennes.

Je le répète, pour nous, cela forme un tout et c'est ce que nous allons essayer de faire passer dans les toutes prochaines échéances : demain, au cours de l'importante réunion des directeurs politiques du G 8, qui sera suivie d'une réunion des ministres des affaires étrangères et, j'insiste, le plus vite possible du vote de la résolution.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

PRESTATIONS SOCIALES OUTRE-MER

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je souhaite interroger le Gouvernement sur un sujet que j'ai déjà eu l'occasion d'aborder à plusieurs reprises dans cette assemblée. RMI, API, complément familial, allocation logement, telles sont les principales prestations familiales et sociales pour lesquelles le principe d'égalité républicaine n'est toujours pas appliqué. Les populations ultramarines qui subissent cette inégalité depuis plus de cinquante ans s'impatientent. Des pétitions circulent, des associations manifestent, et l'on comprend de moins en moins qu'à la demande légitime de voir appliquer ce principe fondateur d'égalité il soit répondu par des considérations d'ordre moral. Au respect du principe d'égalité, on ne peut opposer le souci de lutter contre l'assistance.

Initié par un gouvernement de gauche, il y a un peu plus de dix ans, le processus d'égalité sociale dans les départements d'outre-mer est quasiment réalisé. Il reste peu de chemin à parcourir pour le mener à bien.

Ma question est simple : le Gouvernement a-t-il l'intention de relancer la marche vers l'égalité sociale dans les d épartements d'Outre-Mer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, vous avez raison, la décision a été prise en 1988 de verser dans les départements d'outre-mer le revenu minimum d'insertion et certaines autres prestations comme l'allocation de parent isolé, sans les aligner sur celles de la métropole. En raison d'un contexte social particulier, dans l'île de la Réunion, 80 % du RMI sont versés. La différence - 20 % - constitue ce qu'on appelle la « créance de proratisation », qui s'est élevée en 1998 à 800 millions de francs, dont une partie est allée au fonds pour l'emploi dans les DOM et à des agences d'insertion.

En revanche, depuis 1991, le SMIC et les allocations familiales sont, en effet, progressivement alignés.

Je n'exclus pas qu'un jour, en liaison avec les élus et avec les associations de l'île, toutes ces prestations soient alignées, mais je veux vous informer de ce que cela représenterait. Dans l'île de la Réunion, le RMI était, au 30 juin, versé à 114 000 foyers, ce qui représente 14,5 % de la population. Ces effectifs augmenteraient de 10 %.

La croissance des dépenses de l'Etat en allocation de RMI, qui s'élèvent actuellement à 2,2 milliards, serait de 770 millions de francs. Et les conseils généraux verraient également s'accroître leurs charges, ce qui n'est pas de leur goût, car les crédits d'insertion obligatoires, qui sont de 430 millions, augmenteraient de 35 %. Ainsi, l'augmentation que vous souhaitez se traduirait par des dépenses auxquelles on ne pourrait pas faire face, en particulier au niveau local.


page précédente page 04493page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Je ne dis pas, madame - au contraire !-, que ce n'est pas notre but. Mais il faut une concertation. La dernière fois que cela a été fait - en 1996 - les élus et les repré sentants de l'île n'étaient pas d'accord pour un alignement complet sur la métropole.

FUSION RHÔNE-POULENC HOECHST

M. le président.

La parole est à M. Gérard Saumade.

M. Gérard Saumade.

Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, la fusion Rhône-Poulenc Hoechst et les conséquences que l'on en attend sur le plan financier et sur le plan social me conduisent à vous interroger sur la politique menée par le Gouvernement dans les secteurs stratégiques de l'économie.

Les nationalisations qui portent témoignage d'une politique ambitieuse (Murmures sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) au service de l'économie française et de notre industrie ont abouti à des succès indéniables comme dans le secteur de la sidérurgie, où elles ont donné naissance au premier groupe européen.

En revanche, le bilan des privatisations se traduit bien souvent par une dilution de la capacité de commandement des entreprises françaises, une déperdition du patrimoine national et des pertes d'emplois.

C'est ainsi que la fusion Rhône-Poulenc Hoechst va donner le jour à Aventis, leader mondial, dit-on, des sciences de la vie - pharmacie, santé animale et agrochimie. On peut s'interroger sur la capacité de ces entreprises à réaliser une fusion entre égaux. Comment résister à la fois à l'épreuve des faits et à la pression des capitaux du Golfe ? La majorité d'Aventis ira à Hoechst. En stricte logique financière, Rhône-Poulenc aura des difficultés à éviter une prise de contrôle pure et simple par la firme allemande.

Et cela se passe au moment où l'efficacité de telles fusions est de plus en plus contestée.

C'est pourquoi je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, connaître votre sentiment sur les conditions dans lesquelles s'opère cette fusion et sur ses conséquences p our l'entreprise Rhône-Poulenc. Plus généralement, comment le Gouvernement entend-il favoriser le maintien et le renforcement de la position des grandes entreprises françaises en Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, en effet, il ne faut pas avoir de vision trop unilatérale des mégafusions qui ont lieu actuellement dans de nombreux secteurs industriels au plan européen, et donc en France, ni éprouver de fascination pour elles.

C ertaines sont des réussites, d'autres sont moins convaincantes ; cela dépend de deux facteurs essentiels. Y a-t-il derrière ces fusions une véritable stratégie industrielle ? Dans quelle mesure préservent-elles la richesse des cultures d'entreprise et les données humaines des entreprises qui fusionnent ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Dans le cas des groupes Hoechst et Rhône-Poulenc, il faut analyser la question en fonction des spécificités du secteur des sciences de la vie et de la pharmacie. Les dépenses de recherche-développement y sont très lourdes puisqu'elles peuvent atteindre 12 à 20 % du chiffre d'affaires et l'innovation y est la clé de la croissance, de la réussite et de l'emploi. Par ailleurs, il faut commercialiser vite les produits dans le monde entier, notamment aux USA, premier marché et marché le plus rentable.

La nouvelle société qui résultera de la fusion dont vous avez parlé, Aventis, sera leader mondial dans les sciences de la vie et elle sera deuxième dans le domaine de la pharmacie, avec 15 milliards de chiffre d'affaires au total et 2 milliards de dépenses de recherche-développement.

Deux questions se posent : quelle est la place de la France dans l'entreprise qui résultera de la fusion ? Quelles sont les modalités de cette fusion ? La France est au coeur du dispositif de la nouvelle société : 25 000 salariés sur 95 000 ; 20 000 personnes sur 75 000 dans la pharmacie. Ce rapprochement est, à mes yeux, plus favorable que celui qui aurait eu lieu avec des opérateurs extra-européens. Et la parité de fusion que vous avez évoquée est en fait proche de l'équilibre dans la mesure où un certain nombre d'actionnaires n'apporteront pas leurs actions à l'offre publique d'échange.

L'essentiel est que la partie française soit vraiment défendue et que le management et la décision restent bien, pour une large part, en France.

Pour ce qui est des modalités de la fusion, elles doivent obéir à un certain nombre de principes. D'abord, il faut éviter tout déséquilibre au détriment de la France.

Ensuite, la recherche et la fabrication des molécules les plus innovantes doivent demeurer sur le sol national.

Enfin, il ne faut aucun licenciement sec et aucune fermeture de sites, je pense à Romainville et à Vitry. J'ai déjà eu l'occasion de m'en entretenir avec les organisations syndicales représentatives de ces différents sites ainsi qu'avec de nombreux élus, notamment Mme Neiertz.

Je tiens à redire ici que nous suivons pratiquement au jour le jour l'évolution de ce groupe et l'évolution de l'emploi. Au bout du compte, il faut que l'issue de cette fusion, la création de cette entreprise, soit favorable à la croissance, à l'innovation et à l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre auquel nous avons demandé la semaine dernière que nous soit communiqué le compte rendu intégral de la réunion interministérielle tenue à Matignon le 14 mai 1998, au cours de laquelle la décision a été prise de créer en Corse un service spécial de gendarmerie dénommé GPS et ses missions ont été définies. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Monsieur le Premier ministre, vous ne nous avez répondu ni sur le caractère exceptionnel de ce groupement, ni sur la définition de ses missions, ni sur la communication du compte rendu. Pourquoi ?


page précédente page 04494page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Nous nous interrogeons sur votre volonté d'empêcher que toute la vérité soit faite sur ce dossier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) contrairement à vos déclarations publiques ici même.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Christian Bataille.

Ridicule !

M. Yves Fromion.

Pouvez-vous nous donner aujourd'hui l'assurance que cette unité spéciale n'a pas été conduite, sur ordre, à commettre d'autres infractions ? (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

En effet, on parle d'autres paillotes qui ont été brûlées ou qui devaient être incendiées. On évoque, de façon persistante, des projets de plastiquage de bateaux. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Il y aurait même eu des écoutes téléphoniques illégales.

Monsieur le Premier ministre, y a-t-il eu, oui ou non, d'autres agissements illégaux ordonnés aux gendarmes du

GPS ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la défense.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Fusible !

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Monsieur le député, vous avez dû avoir un petit moment d'inattention puisque cette question a été posée en termes quasiment identiques il y a quinze jours et que j'y ai répondu.

M. Yves Fromion.

Pas avec précision.

M. le ministre de la défense.

Je vais répondre de la même façon qu'alors, en dépit de quelques signes d'impatience, aisément compréhensibles.

La décision de création de cette unité complémentaire aux forces, déjà nombreuses, de gendarmerie déployées en Corse a été prise dans le contexte des mesures de réorganisation décidées à la suite de l'assassinat du préfet Erignac, et du déroulement de plusieurs enquêtes.

Comme je vous l'ai déjà dit, les trois missions assignées au GPS étaient la protection de personnalités, des surveillances au service des enquêtes judiciaires et l'interpellation de suspects dangereux.

M. Yves Fromion.

Le procureur était donc au courant, et la garde des sceaux aussi !

M. le ministre de la défense.

J'ai examiné les conclusions de la commission d'enquête sur la Corse présidée par M. Jean Glavany qui s'est réunie l'année dernière, commission à laquelle vous apparteniez, je crois.

M. Yves Fromion.

Parfaitement !

M. le ministre de la défense.

La création du GPS y était évoquée et ne donnait lieu à aucun commentaire négatif.

(Exclamations sur divers bancs.)

M. Yves Fromion.

C'est faux !

M. Jean-Luc Reitzer.

Bientôt, ça va être notre faute !

M. le ministre de la défense.

Nous avons tiré les conséquences des inconvénients d'une formation spécifique par rapport aux habitudes de travail de la gendarmerie. C'est la raison pour laquelle le GPS en tant que tel a été dissous et ses missions redistribuées.

Je n'ai entendu personne expliquer qu'une de ces missions était superflue. Les raisons pour lesquelles il y a 1 500 gendarmes en Corse et plus de 1 000 policiers chargés de missions de sécurité publique et d'enquête judiciaire sont donc toujours valables...

M. Patrick Devedjian.

Et le compte rendu, vous allez nous le donner ?

M. le ministre de la défense.

... et la détermination du Gouvernement à faire en sorte que l'ensemble de ces missions soient menées à bien est toujours entière.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Et le compte rendu ?

FINANCEMENT DES 35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi.

Madame la ministre, il y a un an, au moment du vote de la loi sur les 35 heures, vous nous expliquiez que 350 000 emplois seraient créés sans impôts nouveaux.

Quand on vous disait qu'il faudrait bien que quelqu'un paie les 35 heures payées 39, les salariés par la modération salariale, les ménages ou les entreprises par un accroissement des impôts, vous nous expliquiez qu'il n'y avait aucun problème et que nous ne comprenions rien.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. Hervé Gaymard.

Ce que les Français comprennent aujourd'hui, c'est que les 35 heures sont un échec - à côté des 350 000 emplois prévus, vous en alignez difficilement 15 000 - et ils constatent surtout que le prix de cet échec, ce sont 25 milliards de francs d'impôts supplémentaires. Vous allez sans doute nous répondre qu'il faut créer une écotaxe, sans regarder ce qui se passe ailleurs en Europe et sans même faire le bilan de la fiscalité écologique qui existe déjà dans notre pays, ou que les entreprises riches doivent payer pour les pauvres. On s'y attend. Mais j'ai deux questions à vous poser.

Pourquoi les allégements de charge, mesures absolument épouvantables qui devaient profiter au grand capital et qu'il fallait remettre en cause comme vous l'avez fait en 1997 et 1998, seraient-elles maintenant une politique ? Et, surtout, comment peut-on abaisser le coût du travail en augmentant les impôts ? On n'est peut-être pas très intelligent (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), mais il y a une limite à la mystification.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne ferai pas mienne votre conclusion, monsieur le député. (Sourires.) J'espère que vous allez comprendre et, personnellement, je n'en doute point.

Je ferai jeudi un premier bilan de l'application de la loi sur la durée du travail. M. Seillière a annoncé ce matin que 15 000 emplois avaient été créés. J'aurai le plaisir d'en annoncer quelque cinq fois plus. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ce n'est pas mal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 04495page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Hervé Gaymard.

Où sont-ils ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Lorsque nous avions annoncé 40 000 emplois dans le budget de 1999, vous aviez ri aux éclats en nous disant que ce n'était pas possible. Pourtant dès la fin du mois d'avril, nous étions de 50 % au-dessus. Nos prévisions n'étaient pas à la hauteur de la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La réalité aujourd'hui, c'est qu'une entreprise sur deux négocie, que 85 % des salariés passés aux 35 heures se déclarent satisfaits ou très satisfaits et que nous avons dans notre pays un mouvement de négociation sans précédent qui est utile aux entreprises, qui permet aux salariés de mieux vivre et qui crée de l'emploi.

Venons-en aux charges sociales.

Tout d'abord, si vous aviez assisté aux deux débats que nous avons eus concomitamment à la fin de l'année dernière sur la loi de financement de la sécurité sociale et sur la proposition de loi de M. Barrot, vous auriez su que je n'ai jamais considéré les baisses des charges comme de mauvaises mesures.

Mme Nicole Bricq.

Absolument !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... ou comme des cadeaux au grand capital. Peut-être avez-vous des lectures dépassées. En tout cas, ce ne sont pas nos propos. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

On l'a dit sur vos bancs !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous avons toujours pensé qu'il fallait explorer toutes les pistes pour lutter contre le chômage : les nouvelles technologies, les emplois-jeunes pour les métiers de demain, la réduction de la durée du travail, ainsi que l'abaissement du coût du travail pour les emplois non qualifiés, mais à deux conditions, affichées dans la loi de financement de la sécurité sociale qui a été votée.

Tout d'abord, nous ne souhaitons pas que ce soit les salariés qui paient, comme vous l'avez fait en finançant la ristourne dégressive par une augmentation de 2 % de la TVA.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Eh oui ! Cela vous a coûté beaucoup de consommation, beaucoup de croissance, beaucoup d'emplois et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles vous êtes aujourd'hui dans l'opposition.

C'est pourquoi nous avons décidé de faire financer l'alignement des charges par la globalité des entreprises, par transfert des entreprises capitalistiques vers les entreprises de main-d'oeuvre, sans augmentation du poids des impôts sur les entreprises. C'est bien ce que nous allons faire.

Par ailleurs, et c'est peut-être ce qui nous sépare, cette réduction des charges sociales ne doit pas se faire sans contrepartie. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'accrocher cette réforme à celle de la réduction de la durée du travail car il nous semble essentiel que les entreprises dont les charges sociales diminuent réduisent la durée du travail et créent des emplois.

Ce n'est donc pas pour financer un surcoût de la réduction du temps de travail, ...

M. Guy Teissier.

C'est pour quoi alors ?

M. Dominique Dord.

On n'a rien compris !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui se finance aujourd'hui par les aides incitatives, la modération salariale et les gains de productivité, mais bien pour asseoir une réduction des charges sur des créations d'emplois, et donc sur une réelle contrepartie de la part des entreprises, que nous lierons la réforme des charges sociales à la réduction de la durée du travail.

Nous sommes donc d'accord sur un point : le coût du travail est trop élevé en France. Mais nous sommes en désaccord sur deux : ce ne sont pas les Français qui doivent payer et il doit y avoir des contreparties en matière d'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

PROFESSIONS PARAMÉDICALES

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marc Chavanne, pour une question courte.

M. Jean-Marc Chavanne.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, depuis votre arrivée au gouvernement, vous avez volontairement gelé toutes les réformes en cours concernant les professions paramédicales. Vous avez ainsi refusé de mettre en place l'ordre professionnel des kinésithérapeutes et refusé la création d'un ordre professionnel pour les infirmières (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Toutes les questions des professions paramédicales sur leur avenir, leur formation, la revalorisation de leurs actes sont ainsi restées sans réponse.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Comme d'habitude !

M. Jean-Marc Chavanne.

A nos questions multiples sur ces sujets, vous avez répondu inlassablement que vous meniez une politique de concertation. Soit, mais le rapport que vous avez commandé à Mme Brocas est public depuis plusieurs mois. La concertation est donc achevée.

Pourtant, les professionnels paramédicaux, dont le rôle fondamental pour notre système de santé est reconnu par tous, attendent toujours une véritable politique de votre part et s'inquiètent de vos silences.

Ma question est donc simple : allez-vous tenir compte des propositions de ce rapport et mettre enfin en oeuvre des mesures concrètes ou, encore une fois, votre politique de prétendue concertation cache-t-elle votre immobilisme ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse courte.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, la mise en place d'ordres pour les professions paramédicales n'est peut-être pas une urgence absolue. Les organisations représentatives ne sont d'ailleurs pas toutes d'accord, parmi les infirmières ou les masseurs-kinésithérapeutes, par exemple.

La concertation porte ses fruits puisque vient d'être signé entre les infirmiers et les caisses d'assurance maladie u n protocole d'accord qui permet une importante


page précédente page 04496page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

réforme de la nomenclature des actes infirmiers et une revalorisation d'un certain nombre d'actes, cette profession s'engageant à respecter les objectifs nationaux de santé.

Pour ne prendre que ces dernières semaines, après avoir signé un accord avec les radiologues, nous nous apprêtons, je l'espère, à en signer un avec les cardiologues, nous sommes en train de négocier avec les laboratoires biologistes et nous avons engagé une large concertation avec l'industrie pharmaceutique, qui va entraîner un certain nombre d'accords dans les jours qui viennent, et avec les pharmaciens - nous avons signé un accord avec l'ensemble de leurs organisations représentatives.

Dans ces domaines, mieux vaut agir, et cela prend du temps, plutôt qu'annoncer. C'est ce que nous essayons de faire. Nous aurons l'occasion d'en rediscuter le 31 mai lorsque nous parlerons du bilan des comptes de la sécurité sociale, ce qui permettra de voir à la fois le chemin parcouru et ce qui reste à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous passons au groupe communiste.

KOSOVO

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu.

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Au cinquante-sixième jour des frappes aériennes, on ne saurait prendre son parti d'un enlisement de la guerre au Kosovo. Il faudrait, si l'on en croit certains dirigeants de l'Alliance atlantique, se résigner à voir pendant deux à trois mois encore se poursuivre les frappes avec leurs lots quotidiens de destructions massives et leur cortège de morts de civils innocents, et cela pour déboucher finalement sur une nouvelle fuite en avant dans la guerre, avec l'engagement au sol de combats meurtriers et les risques d'élargissement du conflit qu'ils impliquent.

Espérer dans ce cadre une victoire militaire éclair risque d'être aussi illusoire que dangereux.

Et pourtant, une issue diplomatique est aujourd'hui à portée de main. Les bases d'un plan de paix ont été énoncées. Il passe par le retrait des forces serbes, la fin de la répression, le retour des réfugiés sous protection internationale. Il suppose l'adoption d'une résolution par le conseil de sécurité des Nations unies, et donc un soutien de la Russie et de la Chine, qui se prononcent clairement pour une suspension des frappes.

Suspendre les frappes aériennes, n'est-ce pas également la meilleure manière de mettre au pied du mur Milosevic quant au retrait de ses troupes du Kosovo, qui doit être réellement significatif et bien sûr réel ? C'est justement parce que la parole du dictateur serbe est sujette à caution qu'il faut le prendre au mot en faisant tout pour l'isoler au plan international mais aussi dans son propre pays afin de permettre aux forces d'opposition en Serbie de mieux relever la tête.

Un débat est ouvert sur les suites à donner au conflit, y compris au sein de l'Alliance. En témoignent par exemple les déclarations récentes des autorités italiennes.

La France ne saurait à cet égard être en retrait. Elle doit peser efficacement pour débloquer la situation.

L'espoir qui a pu naître de l'accord intervenu au G 8 ne saurait être gâché. La diplomatie doit plus que jamais être mobilisée pour qu'une issue politique, portée par l'ensemble de la communauté internationale, l'emporte enfin sur la logique de guerre.

Quelles initiatives nouvelles et concrètes envisage donc de prendre le Gouvernement dans cette perspective ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Madame la députée, avant la cinquantaine de jours que vous évoquez, il y a eu des milliers de jours au cours desquels les populations du Kosovo, après celles de l'exYougoslavie, ont eu à endurer, sur le plan humain, politique, et dans leurs droits les plus élémentaires, des situations insupportables.

M. Jean-Luc Reitzer.

Absolument !

M. le ministre des affaires étrangères.

C'est à cela qu'il a fallu finalement mettre un terme par la stratégie que vous connaissez, qui a été adoptée par dix-neuf pays démocratiques de l'Alliance et qui n'est pas actuellement remise en cause, quelles que soient les déclarations de tel ou tel ministre de tel ou tel pays de l'Alliance suggérant des modifications qui n'ont pas été retenues, notamment lors du dernier sommet.

Je fais allusion, naturellement, à ce qui est dit sur les offensives terrestres, qu'il ne faut pas confondre avec la préparation d'une force qui viendra demain, dans le cadre d'un règlement imposé par le Conseil de sécurité, sécuriser le Kosovo. Faute de quoi, les personnes déportées ne rentreraient pas chez elles.

Simultanément, des efforts sont poursuivis sans relâche, vous en voyez de nombreuses expressions, pour arriver à une solution. La France est l'un des moteurs de la recherche de cette solution. Elle parle chaque jour à ses partenaires, elle parle aux Russes, aux membres permanents du Conseil de sécurité. Nous progressons à chaque instant, à la fois sur l'administration future du Kosovo, sur la composition de la force, sur son fonctionnement et son commandement.

Quant à la question de la suspension, elle forme un tout avec les autres, c'est-à-dire la solution pour le Kosovo et l'engagement des autorités de Belgrade, comme cela est attendu par la communauté internationale depuis des semaines, à appliquer des conditions qui sont évidentes quand on les prend les unes après les autres. Sans elles, en effet, il n'y aura pas de paix au Kosovo demain, il n'y aura pas de Kosovo pluraliste et démocratique.

Nous sommes mobilisés sans relâche dans cette tâche.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

ÉLECTIONS EN ISRAËL

M. le président.

La parole est à Mme Martine David.

Mme Martine David.

Monsieur le Premier ministre, la très large victoire d'Ehud Barak et du camp progressiste, ce lundi, en Israël (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur plusieurs bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), semble constituer une vraie chance pour la relance du processus de paix avec les Palestiniens mais aussi dans tout le Proche-Orient, notamment au Liban et en Syrie, nations auxquelles nous lie une longue histoire.


page précédente page 04497page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Le Gouvernement, sans s'immiscer dans les affaires internes israéliennes, a toujours clairement soutenu toutes les initiatives allant dans le sens de l'apaisement des conflits et de la réconciliation, conformément aux accords d'Oslo. Quelles sont, selon vous, les perspectives qui sont ainsi rouvertes pour un rétablissement durable de la paix dans cette région du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Madame la députée, le Gouvernement s'est naturellement gardé de s'exprimer pendant le processus électoral en Israël, même si vous n'avez pas de doute sur son inclination, mais, maintenant que le peuple israélien s'est exprimé, avec netteté et éclat, je peux vous donner mon sentiment personnel, moi qui ai déjà rencontré deux fois dans le passé M. Ehud Barak, et celui du Gouvernement, qui est la satisfaction et l'espérance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

Bien sûr, notre relation d'amitié avec Israël transcende les alternances politiques.

Sans doute n'est-ce pas tout à fait par hasard si le peuple israélien a confié à un homme de gauche, M. Ehud Barak, le soin de sortir le pays de l'impasse et de l'immobilisme en ce qui concerne le processus de paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) D'ailleurs, les questions économiques et sociales ont certainement joué un rôle dans le résultat des élections.

Pour autant, je suis convaincu que nous sommes très nombreux, et sur tous ces bancs, à nous réjouir de la victoire de M. Ehud Barak parce que nous espérons que ce sera la victoire du processus de paix entre Israël et les Palestiniens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur quelques bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous espérons que ces élections conduiront à la relance du processus de paix et à la reprise d'un dialogue confiant avec les autorités palestiniennes et qu'elles donneront à Isarël la capacité de régler les contentieux qui existent avec ses voisins et au nouveau gouvernement, qui n'est pas encore constitué, la possibilité de s'appuyer sur une majorité solide destinée à soutenir une politique raisonnable afin d'aborder les difficiles problèmes auxquels devra faire face M. Ehud Barak.

Dans ces conditions, la multiplicité des réactions positives qui se sont exprimées dans toute la communauté internationale constitue un appui à ce message.

Je ne parlerai pas, madame la députée, des conséquences du vote des Israéliens même si elles sont importantes pour cette société complexe et intéressante à examiner, mais du grand défi qui attend M. Ehud Barak : le défi de la paix dans les relations d'Israël avec les Palestiniens, avec le Liban et avec la Syrie.

Vous le savez, face au blocage du processus de paix, notre pays n'est pas resté inactif. Vous connaissez les initiatives prises par le Président de la République française et par le président égyptien pour proposer des solutions si le blocage se poursuivait. Comme je l'ai dit au président Moubarak et au président Arafat lors de mon voyage récent au Caire, la France reste disponible pour aider à la relance de ce processus.

M. Lucien Degauchy Qu'elle s'occupe déjà de la Corse ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Plusieurs députés du groupe socialiste. Lamentable !

M. le Premier ministre.

La médiocrité, c'est la médiocrité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Pierre Lellouche.

Quelle arrogance !

M. le Premier ministre.

La déclaration de Berlin, adoptée à l'initiative de la France par les pays de l'Union européenne, le 26 mars dernier, a affirmé le droit des Palestiniens à l'autodétermination qui comprend le droit à créer un Etat, pour autant que cette création soit conforme aux conditions du processus de paix.

Les dirigeants de l'Autorité palestinienne ont fait preuve à nos yeux de sagesse et de réalisme en différant la déclaration de l'Etat palestinien comme nous le leur avions d'ailleurs suggéré.

Pour autant, madame la députée, il y a aujourd'hui urgence à reprendre le processus de paix car les Palestiniens, qui y ont mis beaucoup d'espoir, ont quand même jusqu'ici éprouvé beaucoup de désillusions. Et personne ne doute qu'un Etat palestinien démocratique serait un partenaire pour la paix et la stabilité dans la région.

Nous pensons et nous espérons que M. Ehud Barak, héritier d'Itzhak Rabin, fera revivre ce processus de paix.

En ce qui concerne les relations avec le Liban, M. Barak, pendant sa campagne, a affirmé sa résolution d'ouvrir dans un esprit positif le dossier épineux du Liban en respectant les textes des Nations unies. Dès l'annonce de sa victoire, hier soir, il a réitéré son engagement en se fixant une échéance d'un an pour le retrait des forces israéliennes au Sud-Liban. Cela répond à un souhait largement partagé au sein de la société israélienne.

Cela réjouit tout particulièrement la France, dont l'amitié avec le Liban est aussi forte qu'ancienne.

M. Barak s'est également montré ouvert à la reprise du dialogue avec les Syriens sur la restitution du plateau du Golan afin de reprendre les processus engagés en 1996. Il y a là une preuve de sagesse parce qu'il est essentiel pour la paix dans la région qu'un dialogue nouveau soit noué entre Israël et la Syrie.

M. Pierre Lellouche.

Ce ne sera pas grâce à vous ! M. le Premier ministre Enfin, s'agissant des relations bilatérales avec la France, je ne doute pas qu'elles connaîtront dans les prochains mois un nouvel élan. Le Gouvernement ne ménagera en tout cas pas ses efforts pour que se renforce l'amitié historique entre le peuple israélien et le peuple français, unis par une vision commune de la démocratie - je le rappelle - et par des valeurs humanistes et que rapproche depuis toujours une coopération vivante, notamment autour de la présence de notre langue dans ce pays.

Alors je suis sûr qu'avec la relance du processus de paix, viendra une nouvelle étape dans le rapprochement entre Israël et l'Union européenne. A l'occasion de la ratification de l'accord d'association, le Gouvernement a d'ailleurs bien l'intention d'engager un dialogue avec le


page précédente page 04498page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Parlement pour une issue positive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

DETTE DES PAYS PAUVRES

M. le président.

La parole est à M. Eric Besson.

M. Eric Besson.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez pris, il y a quelques semaines, une initiative forte.

(Exclamations sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)...

M. Charles Cova.

Il a augmenté les impôts !

M. Eric Besson.

... en proposant, au nom de la France, l'annulation de la dette des pays les plus pauvres. Cette initiative a suscité un très grand espoir dans ces pays, notamment en Afrique, où, vous le savez, la voix de la France continue à être écoutée avec beaucoup d'attention.

Cette initiative a aussi suscité beaucoup d'espoir parmi les organisations non gouvernementales, les congrégations religieuses et chez toutes celles et tous ceux qui militent pour que le jubilé de l'an 2000, ce passage symbolique, soit l'occasion d'un geste de générosité des pays riches en direction des pays pauvres.

Bien évidemment, les députés de gauche sont fiers de l'initiative du Gouvernement.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Cela peut vous arriver, messieurs, dans un avenir lointain, même si cela ne s'est pas produit dans le passé ! Ils souhaitent toutefois que les libertés publiques soient respectées et que les sommes collectées soient clairement destinées au développement.

Ma question est simple, monsieur le ministre : quel accueil nos partenaires ont-ils réservé à votre proposition ? Pouvons-nous caresser l'espoir (Rires sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qu'avant la fin de cette année nous puissions voir aboutir cet accord ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, la France a en effet proposé, il y a quelques semaines, d'annuler la dette des pays en développement en matière d'aide publique, répondant en cela à une demande importante des organisations non gouvernementales et des Eglises à l'occasion de l'an 2000, mais aussi à une tradition française bien ancrée depuis de nombreux gouvernements, quelle qu'en soit la couleur...

M. André Berthol.

Ah ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qui a consisté à prêter plus que d'autres aux pays en développement et à annuler davantage leur dette.

Ainsi, au cours de ces dix dernières années, la France a annulé à elle seule 55 milliards de francs de dettes, soit la moitié des annulations qui ont été faites sur la planète.

Pour autant, cela ne suffit pas et le problème demeure.

Quelle liberté y a-t-il, en effet, pour un enfant qui ne peut pas aller à l'école ? Quelle liberté y a-t-il pour une famille qui ne peut pas nourrir ses enfants ? Il faut que nous allions plus loin. La proposition française à laquelle vous venez de faire allusion est, je crois, une des plus généreuses qui ait été formulée.

Elle consiste à annuler pour trente ans le service de la dette des PVD, ce qui signifie que, pour une génération, le développement, l'éducation et l'épanouissement des populations se fera sans que la dette ne pèse.

Cette proposition est généreuse, mais aussi efficace. En effet, les sommes ainsi dégagées pourront être utilisées à des projets culturels, à des projets sociaux, à des projets d'infrastructures, en liaison notamment avec les ONG que j'ai réunies à Bercy voici quelques jours en présence de Charles Josselin, chargé de la coopération.

Enfin, cette initiative est équitable, car elle fait peser sur tous les pays riches, à proportion de leurs capacités, la charge que représente l'annulation de la dette.

Si, comme je l'espère, nous sommes suivis par nos partenaires à l'occasion de la réunion du G8 à Cologne au mois de juin, une décision sera prise. Alors, à partir de la rentrée, ou au plus tard au début de l'an 2000, sera engagé le plus grand plan d'annulation que nous ayons connu. Cela sera la fierté de la France et la fierté de la majorité qui soutient le Gouvernement d'avoir été à l'origine de cette aide particulièrement importante et sans égale dans le passé en direction de ces pays auxquels nous sommes attachés et auxquels nous voulons manifester, par cette voie, notre solidarité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

POLITIQUE SPATIALE EUROPÉENNE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Ducout.

M. Pierre Ducout.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), le conseil interministériel de l'Agence spatiale européenne s'est tenu à Bruxelles les 11 et 12 mai derniers. En charge des questions spatiales, vous y avez représenté la France. Ce rendez-vous des ministres européens était d'une grande importance. Nous l'attendions, en effet, depuis bientôt quatre ans et certains programmes vitaux pour l'Europe restaient dans l'incertitude. Or nous savons combien l'engagement de programmes est essentiel pour assurer notre avenir dans ce secteur de haute technologie.

De plus, si chacun est persuadé, ici, que l'espace est en enjeu stratégique, industriel et commercial, on néglige parfois ses aspects sociaux et culturels. Le développement du multimédia par satellite nous le montre chaque jour davantage.

L'espace est un enjeu de souveraineté, mais aussi de citoyenneté. C'est pourquoi je souhaiterais que vous puissiez informer la représentation nationale des conclusions de ce conseil et lui dire si, au regard des enjeux nationaux, vous êtes satisfait des résultats obtenus par la France.

Enfin, comment ne pas souligner le caractère très européen d'un tel secteur ? L'espace fait partie, sans conteste, des grandes réussites de l'Europe. Le lanceur Ariane est


page précédente page 04499page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

un modèle que nous pouvons partager et admirer. La France a été, dès l'origine, moteur de la coopération européenne en ce domaine. Vous l'avez, depuis deux ans, renforcée face à une concurrence mondiale croissante en précisant nos priorités.

La représentation nationale, elle-même, s'est investie dans ce travail puisque, à l'initiative du groupe parlementaire sur l'espace, s'est tenue à Paris, les 29 et 30 avril derniers, la première conférence interparlementaire européenne sur l'espace, initiative que vous n'avez pas manqué de soutenir avec vos collègues des affaires étrangères et de la défense.

En conséquence, au regard des programmes décidés et étudiés à Bruxelles la semaine dernière programmes scientifiques, projet de navigation par satellite Galileo, mais aussi petit lanceur Vega et observation de la Terre dans le cadre de l'Europe de la défense (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) -, pouvez-vous nous dire en quoi l'Europe se trouve renforcée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, comme l'ont titré un certain nombre de journaux, ce conseil interministériel sur l'espace a été marqué par la volonté d'affirmer l'indépendance européenne et l'utilité de l'espace. Et je dois dire qu'il contraste avec celui qui s'est tenu il y a quatre ans.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Avant c'était mieux !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Les principales orientations qui y ont été définies ont été proposées par la France. La première est le renforcement du programme Ariane, qui, pour l'instant, est un peu insuffisant.

M. Yves Fromion.

Comment ça !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

La deuxième est la prolongation de six mois des études sur le petit lanceur, car nous avons estimé avec les Italiens que, dans l'état actuel, il n'était pas économiquement rentable.

La troisième est la priorité donnée au système global de positionnement autonome, auquel tient l'indépendance européenne, avec probablement une invention technique française.

M. Pierre Lellouche.

De gauche peut-être !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

La quatrième est la réduction des frais de fonctionnement de l'ASE sur laquelle tout le monde s'est accordé.

Reste aujourd'hui une grande interrogation sur la fiabilité de la station spatiale internationale qui coûte fort cher à l'Europe et dont on ne sait pas si elle sera un jour complétée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Bernard Deflesselles.

M. Bernard Deflesselles.

Depuis un mois, monsieur le Premier ministre, vous ne répondez pas aux questions des parlementaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et, surtout, aux attentes de l'opinion nationale, concernant l'enchaînement des graves dysfonctionnements des services de l'Etat en Corse (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Vous vous défaussez, depuis le début de cette affaire, sur vos services et vous vous abritez derrière une action judiciaire qui, selon vous, vous exonérerait de toute responsabilité politique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous avez tenté au départ de marginaliser l'affaire en la présentant comme une anodine affaire locale. Vous avez ensuite, en recourant à tous les moyens et, en particulier, à un Chronopost fort peu salutaire, essayé de protéger le préfet Bonnet, puis, face à la multiplication des révélations, vous l'avez lâché sans ménagement.

Aujourd'hui, vous orchestrez une opération de communication pour faire croire que le préfet aurait perdu quelques-unes de ses facultés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Celui-ci serait-il sur le point de lâcher des informations qui mettraient en difficulté le Gouvernement ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Décidément, cette prétendue « non-affaire d'Etat » vous occupe depuis près d'un mois jusqu'à devenir le thème quasi exclusif de votre séminaire gouvernemental de jeudi dernier, qui devait porter sur l'emploi. (Protestations sur les mêmes bancs.)

Y aurait-il, monsieur le Premier ministe, péril en la demeure...

M. Yves Fromion.

Il y a le feu à la paillote !

M. Bernard Delfesselles.

... pour que vous bouleversiez de manière si ostensible vos priorités ? Mais aujourd'hui, mes chers collègues, de nouvelles interrogations se font jour avec les écoutes téléphoniques.

Dans ce domaine, vous ne pourrez pas affirmer que vous ne savez pas, que vous n'êtes ni informés, ni responsables.

En effet, des écoutes administratives auraient été réalisées à large échelle, mais plus grave, des écoutes illégales auraient été apparemment effectuées.

Illégales, car ce serait la DSGE qui, comme chacun le sait, ne peut intervenir sur le territoire national, qui aurait été mise à contribution et aurait fourni des moyens logistiques et techniques.

Illégales, car le GPS aurait également procédé à des écoutes et aurait ainsi agi en dehors de toute procédure légale ou réglementaire.

Mes chers collègues, nous condamnons donc avec force l'utilisation de méthodes que vous aviez prétendu avoir bannies de votre inventaire. Nous ne nous contenterons pas d'une réponse similaire à celle qu'avait faite Mme la ministre de la justice le 3 février dernier en déclarant qu'aucune écoute illégale n'a été effectuée. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, nous souhaitons avoir des réponses aux questions suivantes. Premièrement, qui a donné des autorisations à la DGSE et au GPS ? Deuxièmement, à qui ces interceptions téléphoniques ont bénéficié et pour quels objectifs ? Troisièmement, qui était concerné par ces écoutes ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, a-t-il été mis fin à ces écoutes et à ces pratiques incompatibles avec l'idée que nous nous faisons de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du


page précédente page 04500page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République. Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je vous répondrai brièvement puisque l'heure tourne et que le Premier ministre a déjà répondu abondamment et très précisément aux questions que vous posez de façon répétée dans des termes absolument identiques, semaine après semaine.

(Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud.

Ils n'écoutent pas !

Mme la garde des sceaux.

Je peux dire aujourd'hui que, contrairement à ce que vous affirmez, le Gouvernement ne s'est pas contenté de l'enquête judiciaire, il a diligenté immédiatement des enquêtes administratives qui ont été effectuées au ministère de l'intérieur et au ministère de la défense, et qui ont donné lieu à des décisions très rapides tout à fait adaptées à la situation.

Il est vrai aussi que, pour la première fois, l'enquête judiciaire progresse sans entrave, ce qui est nouveau, très nouveau.

(Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.) Cela mérite d'être souligné.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Enfin, le Gouvernement a, jeudi dernier, fait un point sur la Corse. Cela ne me paraît pas anormal s'agissant d'un gouvernement dont les membres se parlent - ce qui, là encore, est nouveau.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je vous indique, pour votre information, que le Gouvernement a abordé deux autres sujets de façon exhaustive : le pacte national pour l'emploi et la préparation du prochain conseil européen de Cologne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous revenons à une question du groupe socialiste.

SITE D'ASSEMBLAGE DE L'A 3 XX

M. le président.

La parole est à Mme Françoise Imbert.

Mme Françoise Imbert.

Monsieur le ministre de l'équipement, des transports et du logement, depuis deux ans, Airbus Industrie a engagé des études sur une nouvelle famille d'avions de plus de 400 places : l'A 3 XX. Plusieurs sites en France et en Europe sont prêts à accueillir le site d'assemblage du nouvel Airbus, mais j'insiste sur notre détermination à défendre celui de Toulouse.

En effet, Toulouse réunit de nombreux atouts, compte tenu notamment de l'ensemble des compétences acquises, des moyens d'essai disponibles sur place, des synergies importantes avec le siège d'Airbus Industries, de la présence du bureau d'études d'Aerospatiale, de l'existence de la chaîne de montage des A 330 et A 340, des caractéristiques du site et de son environnement.

Monsieur le ministre, la décision du site d'implantation de la chaîne d'assemblage de l'A 3 XX sera-t-elle bientôt prise ? Le Gouvernement peut-il confirmer la candidature d'Aerospatiale de Toulouse et peut-il appuyer celle-ci de façon à assurer la pérennité de l'activité aé ronautique dans la région ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Madame la députée, comme vous, le Gouvernement considère que la réalisation de ce nouvel aéronef et sa commercialisation constituent un enjeu majeur. Il s'agit d'un avion d'un type nouveau puisqu'il doit permettre de transporter plus de 500 passagers.

Aujourd'hui, seul Boeing est présent sur le marché des gros porteurs, mais nous voulons faire, à l'échelle européenne, un avion plus performant qui prenne en compte le développement actuel des technologies. Le Gouvernement est totalement engagé dans la réalisation de ce gros porteur. D'ailleurs, lors de chaque réunion du conseil des ministres « transport » - il y en aura une prochainement au moment du salon du Bourget -, j'interviens en ce sens au nom du gouvernement français.

Il s'agit d'abord d'un choix technique et technologique.

Des études sont en cours mais elles ne sont pas totalement achevées.

Il s'agit ensuite d'un choix commercial : le lancement de ce programme devrait se faire d'ici à la fin de cette année.

Il s'agit enfin d'un choix de localisation, et vous avez insisté fortement en faveur de Toulouse.

Le Gouvernement, se fondant sur les arguments que vous avez avancés - l'expérience de Toulouse, son savoirfaire industriel puisqu'on y monte déjà les Airbus A 330 et A 340, les essais qui s'y font - pense que nous avons entre les mains tous les atouts nécessaires pour confirmer que le bon choix doit être celui de la France et en particulier celui de Toulouse.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance.)

Cela dit, tout n'est pas réglé. Ce sont les industriels qui choisiront. Il y a notamment débat sur le transport de l'aile, laquelle est construite non en France mais en Angleterre, et pour lequel l'Aerospatiale a également présenté un projet d'ensemble.

Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement plaide dans le même sens que vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Nicole Catala.)

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est reprise.


page précédente page 04501page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

3

LIBERTÉ DE COMMUNICATION Discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (nos 1187, 1578, 1586).

Je rappelle que ce texte a fait l'objet d'une lettre rectificative du Gouvernement (no 1541).

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que je vous présente aujourd'hui est d'abord un acte de foi dans le service public de l'audiovisuel. Il traduit la vision que partagent le Gouvernement et sa majorité, une vision très ambitieuse, qui s'enracine dans la conviction que le service public de l'audiovisuel doit être exclusivement voué au service du public. Il doit répondre à ses attentes, à ses besoins, à ses espérances. Son unique objectif s'appelle l'intérêt général.

La loi que le Gouvernement vous propose d'adopter est à la fois une loi de développement et une loi de liberté.

Une loi de développement qui permettra à nos entreprises publiques et privées de prendre toute leur place dans le renouveau mondial des techniques et des services.

Une loi de liberté qui garantira l'essor des forces de création.

Fort des valeurs fondatrices de la République, notre pays, plus que tout autre, est préparé à relever ce double défi. Cette réforme prend en effet appui sur toutes les avancées des vingt dernières années : elle est l'héritière de la loi Fillioud de 1982, qui a mis fin au monopole de la radio et de la télévision, rompu la dépendance à l'égard du pouvoir politique, instauré la première instance indépendante de régulation ; elle conforte l'acquis de la loi Tasca de 1989 qui, surmontant le choc né de la privatisation de la première des chaînes nationales, à rouvert une perspective d'avenir à la télévision publique ; elle se réclame enfin du combat initié par Jack Lang pour l'« exception culturelle », à laquelle nous devons la vitalité maintenue de notre cinéma et la constitution d'un tissu diversifié de producteurs audiovisuels indépendants.

La majorité peut être fière du rôle qu'ont joué les gouvernements de gauche à chacune de ces étapes.

Mme Odette Grzegrzulka.

Absolument !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Elle peut se féliciter davantage encore que l'attachement au service public audiovisuel, à l'indépendance des autorités de régulation ou au pluralisme de la création soit devenu un bien commun de la nation.

Cette réforme apporte les éléments de modernisation aujourd'hui indispensables tout en confortant l'édifice juridique et institutionnel en place.

Parce qu'elle représente un enjeu de société essentiel, un enjeu de démocratie, je suis heureuse que cette loi vienne devant vous au terme d'un long processus d'élaboration, qui a permis une vaste concertation avec les parlementaires et les professionnels. Et si je n'ai pas demandé l'urgence sur ce texte, c'est précisément parce que je souhaite que maintenant aussi, au Parlement, nous prenions tout le temps du débat.

Cette loi engagera le renouveau du service public par la redéfinition des missions et le renforcement des moyens de celui-ci. Mais le service public se situe à l'intérieur d'un très vaste ensemble en mutation constante. C'est pourquoi cette loi crée aussi les conditions d'un développement maîtrisé de tout le secteur audioviduel. Cela nous conduira non pas à lui imposer de nouvelles contraintes réglementaires, mais plutôt à en renforcer la régulation.

Renouveau du service public, développement et régulation de l'ensemble du secteur, telles sont les idées-forces de cette réforme qui conduira à une profonde modernisation du paysage audiovisuel.

Mesdames et messieurs les députés, cette loi engage le renouveau du service public audiovisuel.

Nous avons une vision très ambitieuse de l'audiovisuel public.

Nous savons tous que, depuis un demi-siècle déjà, la radio et la télévision ont pris une place considérable dans la vie quotidienne de chacun de nos concitoyens. Les plus récentes enquêtes menées par les services de mon ministère sur les pratiques culturelles des Français établissent que 77 % d'entre eux regardent la télévision tous les jours, pour une moyenne de 187 minutes par jour en 1998, soit une durée moyenne hebdomadaire de plus 21 heures.

Si l'on additionne le temps passé devant la télévision et à l'écoute de la radio, de disques ou de cassettes, on constate que nos concitoyens consacrent désormais à l'audiovisuel domestique 43 heures en moyenne par semaine.

Un intérêt aussi exceptionnel exige de notre part une réponse à la hauteur de l'enjeu. La télévision et la radio publiques n'ont de sens que si elles se distinguent nettement, dans leur nature même, des chaînes privées.

Le service public poursuit un but simple : présenter au corps social, dans sa diversité et sa globalité, une offre de programmes concourant à faire de chacun de nous un concitoyen libre et éclairé.

Permettez-moi d'insister sur un point. Le projet de loi enrichit la loi relative à la liberté de communication. Et c'est bien en effet de liberté qu'il s'agit. Mais pour nous, le but premier de la liberté de communication, c'est d'assurer la liberté de choix des téléspectateurs et des auditeurs. Cela impose que leur soient offerts des programmes réellement différents et déliés des contraintes commerciales.

Oui, mesdames et messieurs les députés, l'audiovisuel public a pour mission de proposer des programmes différents, des programmes où les attentes diverses des téléspectateurs, dans la pluralité de leurs identités sociales et culturelles, trouvent des réponses spécifiques, qu'il s'agisse de divertissement, de spectacle, de sport, de documentaire ou de fiction ou encore de diffusion des savoirs. Des réponses dans lesquelles le public puisse reconnaître la marque particulière du service public.

Pour la première fois, la loi va consacrer les missions que la collectivité nationale assigne au service public de l'audiovisuel et qui donnent son identité propre à chacune de ses composantes : les télévisions publiques, mais


page précédente page 04502page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

aussi - je ne voudrais pas qu'on les oublie - Radio France, RFI, ainsi que l'INA, dont je sais que plusieurs d'entre vous entendent préciser encore les tâches actuelles.

Ministre de la communication, je n'oublie jamais que je suis également, et inséparablement, en charge de la culture. La démocratisation de la culture implique un effort permanent sur tous les fronts de la création et de la diffusion culturelles. Aujourd'hui, elle implique d'investir à nouveau la télévision publique, qui est devenue, avec l'école, mais pour un public couvrant tout l'éventail des âges, le plus puissant vecteur de l'éducation, de la culture et de l'expression des idées. Avec l'école, la télévision est devenue le lieu essentiel de la reconnaissance de l'autre et de la connaissance de soi-même, un des ciments par excellence du lien social. Elle constitue enfin, en ellemême, un formidable outil de création et d'innovation.

Telle est notre ambition pour le servic public. Une ambition qui rejoint celle de nos principaux voisins européens, et en particulier l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie, pays avec lesquels nous nous retrouvons pour défendre sur le plan européen le service public audiovisuel.

Cette politique tourne le dos aux tentations libérales de réduction, de marginalisation de la télévision publique qui traversent certains esprits dans l'opposition.

M. Olivier de Chazeaux.

Pas du tout !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Non seulement nous refusons la privatisation de France 2, préconisée par plusieurs d'entre vous, mais nous voulons faire de cette chaîne la grande télévision généraliste de service public...

M. Olivier de Chazeaux.

Cela n'en prend pas le chemin !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... à laquelle ont droit toutes celles et tous ceux qui vivent dans notre pays.

A la principale chaîne publique incombe la mission fédératrice la plus large. Sa privatisation serait un coup mortel porté à l'équilibre et au développement de tout le paysage audiovisuel français. Elle aurait pour conséquence une insupportable régression du potentiel d'information nationale et internationale et de toute l'économie de la création audiovisuelle et cinématographique.

Privé de son navire amiral, c'est-à-dire de son principal outil industriel en matière d'information, d'achats de droits et de coproductions, le service public serait condamné à une mission subsidiaire et devrait renoncer à tout déploiement dans les nouveaux services.

La réaffirmation de la mission propre du service public audiovisuel implique au contraire que la nation consacre à l'audiovisuel public des moyens plus importants que ceux dont il dispose aujourd'hui. Car, pour répondre à l'exigence de la qualité des programmes, de leur diversité, de leur ambition, de leur audace aussi et de leur développement, il faut d'abord des moyens financiers. Mais les programmes publics ne peuvent se différencier des programmes des chaînes privées que si leurs sources de financement aussi sont différentes. C'est le choix que nous avons fait, en rupture avec la politique de désengagement financier de l'Etat menée entre 1993 et 1997.

Oui, le Gouvernement a décidé un effort financier sans précédent en faveur de l'audiovisuel public. Dans un contexte général de maîtrise de la dépense publique, il a fait le choix courageux de dégager, au cours des deux p rochaines années, une ressource supplémentaire de 2,5 milliards de francs pour restaurer l'identité des chaînes publiques et renforcer leur capacité de production et d'innovation.

Cet effort prendra la forme d'un remboursement intégral des exonérations de redevance. L'inscription dans la loi de ce principe et de l'affectation des sommes correspondantes au compte spécial de la redevance garantira la pérennité de cette ressource supplémentaire.

A quoi vont servir ces 2,5 milliards de francs de ressources supplémentaires ? Ils serviront d'abord à mettre fin à la dérive commerciale de la télévision publique.

C'est le 1er octobre 1968 que la publicité de marque à fait son entrée à la télévision française, pour une durée quotidienne fixée alors, je le rappelle, à 2 minutes par jour. Trente ans plus tard, nous en sommes à une durée maximale de 12 minutes par heure, soit 144 fois plus ! L'affirmation de l'identité de service public de France 2 et de France 3 exige de réduire la publicité sur ces chaînes. La valse des animateurs vedettes, du privé au public et réciproquement, symbolisait avec éclat la perte d'identité du service public, lancé dans la course à l'audience à tout prix pour assurer ses recettes publicitaires.

Pour changer la donne en matière de contenu des programmes, il faut d'abord changer l'équilibre des ressources.

Notre décision n'est inspirée ni par un réflexe « publiphobe » ni par la volonté de remettre en cause le principe d'un financement mixte de l'audiovisuel public.

Il est, en revanche, impératif de corriger sans tarder l'emballement du recours à la publicité observé depuis 1995, aussi bien dans la part prise par les ressources commerciales que dans la durée des écrans publicitaires, notamment aux heures de grande écoute. Cette évolution accélérée menaçait de plus en plus le service public dans l'indépendance de son financement et dans la nature de sa programmation.

Décidé à passer aux actes, le Gouvernement a souhaité que les mesures prises portent des effets clairement perceptibles pour le téléspectateur. Mais il doit aussi veiller à ce qu'elles n'entraînent pas un affaiblissement du potentiel d'activité des chaînes publiques ni un déséquilibre incontrôlable dans le partage des ressources publicitaires avec les chaînes commerciales.

M. Michel Herbillon.

Cela risque d'être le cas !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

C'est pourquoi il vous est, en définitive, proposé d'abaisser de douze à huit minutes la durée horaire maximale de la publicité pour France 2 comme pour France 3.

Combinée avec une limitation de la durée des émissions d'autopromotion et une limitation de la durée des écrans, cette mesure devrait mettre fin définitivement aux insupportables « tunnels » de publicité et restituer aux téléspectateurs près de 350 heures de programmes par an.

Le remboursement intégral des exonérations permettra de faire face au coût de cette action volontariste qui s'élèvera à près de 1,5 milliard par an, programmes de substitution compris.

Mesdames et messieurs les députés, le second objectif majeur de ce projet est de créer les conditions d'un développement maîtrisé de l'ensemble du secteur audiovisuel.

L'audiovisuel public bénéficiera, grâce à la compensation intégrale des exonérations de redevance et compte tenu du coût budgétaire de la diminution des ressources publi-


page précédente page 04503page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

citaires de France 2 et France 3, d'un surcroît net de ressources publiques de 1 milliard de francs. Ces moyens supplémentaires seront exclusivement consacrés aux programmes et aux développements technologiques.

La création d'un groupe des télévisions publiques constitue un instrument essentiel de cette politique de développement. Il s'agit de mettre en place un véritable groupe industriel de chaînes publiques dans le respect de leurs missions respectives.

Non ! Une telle réorganisation n'a rien d'un retour nostalgique à l'ORTF. Et il ne s'agit en rien d'une superstructure administrative dont nous ne voulons à aucun prix, mais d'un état-major industriel doté des pouvoirs et des moyens nécessaires à la conduite d'une véritable stratégie d'entreprise.

M. Rudy Salles.

Ce sont des mots !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Une action stratégique de long terme sera rendue possible grâce à l'allongement à cinq ans de la durée du mandat des dirigeants de l'audiovisuel public et à la conclusion avec l'Etat de contrats d'objectifs et de moyens. Ces deux mesures incitent à une profonde modernisation des modes de gestion et de tutelle des chaînes publiques.

L'Etat et les dirigeants des sociétés se trouveront désormais liés par un pacte de responsabilité mutuelle.

L'enjeu est de mieux affirmer la richesse éditoriale du service public tout en renforçant son efficacité économique. Il s'agit de dynamiser sa politique de diversification, d'accroître sa capacité de négociation sur le marché international des droits, d'améliorer sa coopération avec Canal France International et TV5, dont les chaînes publiques seront désormais actionnaires majoritaires.

J'attends aussi du regroupement des chaînes publiques qu'elles se préparent ensemble, donc plus efficacement, au profond redéploiement de leur offre de services qu'impliquera le passage au numérique hertzien. J'attends d'elles qu'elles assument pleinement le rôle moteur qui leur revient dans une telle transition afin que le faisceau des nouveaux services reste puissamment structuré autour des missions dont le service public est, par excellence, porteur.

L'accroissement substantiel des ressources du service public produira un effet de relance pour l'ensemble de l'industrie des programmes et pour toute l'économie des médias. D'abord, bien sûr, en raison de la capacité accrue des chaînes publiques à produire et à commander des programmes aux entreprises de production audiovisuelle ; ensuite parce que, dans le même temps, l'essentiel des ressources libérées par la baisse de la publicité sur les chaînes publiques sera transféré pour partie vers les autres médias comme la radio, la presse écrite ou encore les chaînes thématiques et pour partie vers les chaînes privées. Ce double effet devrait générer automatiquement un accroissement d'au moins 500 millions de francs des sommes affectées à la production, par le jeu des obligations de production et de la taxe sur le compte de soutien auxquelles les chaînes publiques et privées sont assujetties.

Ce mouvement en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle pourrait bien sûr être amplifié par un renforcement des obligations de production des chaînes, si l'évolution observée de leurs ressources respectives au cours des prochaines années le justifiait. Au terme de la première année de mise en oeuvre de la réforme, un bilan économique précis permettra de déterminer si une mesure de cette nature s'impose.

Le développement maîtrisé du secteur implique également des garanties nouvelles en faveur du pluralisme de la création.

Notre objectif est de contribuer à vivifier le riche tissu d'éditeurs, producteurs et distributeurs indépendants qui sont indispensables à la diversité de notre télévision et de notre cinéma. Le Gouvernement propose quatre mesures allant en ce sens : les obligations économiques des grandes chaînes hertziennes à l'égard de la production indépendantes seront renforcées ; une plus grande fluidité des droits de diffusion sera assurée ; les chaînes thématiques du câble et du satellite se verront, comme les chaînes hertziennes, soumises à des obligations de contribution à la production de programmes ; enfin, les câbloopérateurs et les bouquets satellitaires devront réserver une place suffisante, dans leur offre de service, à des éditeurs indépendants.

Venons-en à la question, absolument essentielle à mes yeux, des conditions de diffusion des films de cinéma à la télévision. La directive européenne de 1997 invite le législateur national à renvoyer à la conclusion d'accords professionnels la fixation de ce que l'on appelle la « chronologie des médias », c'est-à-dire des délais à partir desquels les films de cinéma peuvent être diffusés sur les divers supports télévisuels. Cette question a pris une acuité particulière depuis qu'une offre payante de films est proposée sur deux bouquets satellitaires et non plus seulement sur la chaîne hertzienne cryptée.

Je l'ai tout récemment rappelé : les négociations en cours doivent aboutir à un accord accepté par l'ensemble des parties prenantes. Il s'agit de garantir à notre cinéma à la fois la progression de ses moyens de préfinancement et le maintien de sa diversité créatrice. Cette question est vitale et je continuerai à m'impliquer personnellement pour qu'elle trouve enfin une issue positive.

Le développement du secteur audiovisuel passe enfin par l'élaboration d'un cadre juridique aujourd'hui ouvert aux systèmes de diffusion les plus récents ou à venir.

Il sera tout d'abord mis fin au vide juridique qui caractérise les services diffusés par satellite. Ainsi, en conformité avec le droit communautaire, le CSA sera désormais habilité à conventionner l'ensemble des chaînes par satellite établies en France, si bien que ces chaînes seront soumises à un régime d'obligations identiques à celles qui sont distribuées par câble. Quant aux bouquets de chaînes diffusées par satellite, ils feront désormais l'objet d'une déclaration auprès du CSA, les cablo-opérateurs, demeurant pour leur part assujettis à un régime d'autorisation que justifie le monopole d'exploitation dont ils disposent localement.

Restent deux sujets majeurs que la loi devra traiter, le moment venu. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Olivier de Chazeaux.

Quand ?

Mme la ministre de la culture et de la commission.

Je veux parler du numérique hertzien et du développement des télévisions locales.

J'ai présenté le 12 mai au conseil des ministres...

M. Olivier de Chazeaux.

C'était trop tard ! Il fallait le faire avant !


page précédente page 04504page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... une communication sur le numérique hertzien. Nous savons que cette technologie de diffusion va permettre d'importants développements de l'offre de programmes et de services.

M. Olivier de Chazeaux.

Retirez votre projet. On en parlera plus tard !

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous êtes vraiment mal placés, messieurs, pour donner des leçons !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, seule Mme la ministre a la parole.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement a décidé d'ouvrir un vaste débat public associant l'ensemble des acteurs concernés, y compris les parlementaires, messieurs, et plus généralement tous ceux qui s'intéressent à cette question. Cette conception permettra de déterminer l'équilibre optimal entre opérateurs

« historiques » et nouveaux entrants, entre offres gratuites et services payants, entre chaînes généralistes, autres services et programmes régionaux et locaux.

Vous le comprendrez, mesdames, messieurs les députés, les modalités d'attribution des multiplexes numériques par le CSA dépendent pour partie de ces choix. Je souhaite que ceux-ci puissent vous être soumis à l'issue de cette période de concertation. Mais, sans plus attendre, le Gouvernement a demandé au CSA d'engager les travaux de planification des ressources hertziennes. Cette entreprise, nécessaire, n'implique pas un « gel » généralisé des fréquences. Au contraire, au vu des premières étapes de la planification et dès lors qu'aurait été officiellement confirmée la décision d'engager le passage de l'analogique au numérique, le CSA sera en mesure de vérifier quelles fréquences actuellement inemployées pourraient ou non être attribuées à des projets locaux ou régionaux existants, sans compromettre la couverture territoriale des futurs multiplexes numériques.

Il convient donc de rechercher une gestion de la ressource hertzienne qui sache concilier le développement des multiplexes avec l'émergence d'un parc de télévisions locales appelées à passer de façon ordonnée de l'analogique au numérique.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est bien ça !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le troisième axe fondamental de la réforme est le renforcement de la régulation du secteur audiovisuel. Il s'agit là d'un choix politique mûrement réfléchi et longuement débattu. Dans un contexte mondial marqué par la présence de très puissants groupes de comunication multinationaux, il est de notre devoior de favoriser l'émergence et le développement de groupes français et européens capables de faire poids face aux géants mondiaux.

M. Laurent Dominati.

Rachetez Murdoch !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ce choix conduit à conforter le rôle des autorités de régulation indépendantes et à renoncer à tout dispositif d'interdiction ou de contrôle a priori.

M. François Goulard.

Vous faites pourtant le contraire !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Nous sommes dans une économie de liberté et de concurrence. Les groupes de communication doivent, comme les autres, être soumis au droit commun de la concurrence. Seul le Conseil de la concurrence est à même de sanctionner efficacement les pratiques anticoncurrentielles et de prévenir les concentrations qui nuiraient au bon fonctionnement du marché et au progrès économique et social. La consultation désormais obligatoire du CSA assurera cependant que les exigences du pluralisme seront également prises en compte.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est le minimum !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En effet, le secteur de la communication audiovisuelle touche aux fondements mêmes de notre démocratie. Au nom du principe de la liberté d'expression des courants de pensée et de l'exception culturelle, à laquelle, je pense, nous sommes tous ici attachés, il est nécessaire d'adapter les dispositifs de droit commun par une régulation spécifique. Telle est la vocation du Conseil supérieur de l'audiovisuel, que nous devons renforcer afin que prévalent ces exigences essentielles : honnêteté de l'information, diversité et qualité des programmes, respect du public.

Le CSA a un rôle central à jouer pour veiller à l'équilibre général et au pluralisme du paysage audiovisuel. Le projet de loi le confirme dans cette mission.

Tel est, par exemple, le sens des mesures proposées dans le domaine de la radio, qui visent à assurer une présence significative des radios associatives et des stations généralistes dont le rôle, en matière d'information politique et générale, est irremplaçable.

Tel est aussi le sens des mesures proposées en matière de renouvellement des autorisations de fréquences pour introduire plus de transparence des décisions et ne pas figer indéfiniment les positions acquises.

Tel est enfin le sens des mesures proposées pour mieux garantir l'indépendance de l'information à l'égard des intérêts économiques des actionnaires.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je veux le souligner pour finir, ce sont bien l'auditeur et le téléspectateur, l'usager et le citoyen, qui sont les vrais destinataires de l'ensemble de notre réforme.

Je sais que nombre d'entre vous souhaitent vivement que les usagers soient plus directement associés à l'évaluation de la qualité des programmes. Il nous faudra ensemble définir les modalités les mieux adaptées à cet effet.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Merci, madame la ministre !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement est également favorable à la proposition qui tend à rendre les chaînes publiques accessibles, sans exclusive, à l'ensemble des bouquets satellitaires.

De manière plus générale, j'attache le plus grand prix aux dispositions du projet de loi qui font prévaloir les droits essentiels du téléspectateur, en ce qui concerne notamment la protection des mineurs ou la diffusion en clair des grandes manifestations sportives.

Avec ce projet de loi sur la liberté de communication, le Gouvernement vous propose des choix décisifs, dont certains s'imposaient depuis des années.

Désormais, le système audiovisuel français sera en ordre de marche pour affronter les défis qui s'annoncent.

Désormais, la télévision publique va pouvoir retrouver toute l'ambition de la mission propre.

M. Rudy Salles.

Vous n'y croyez pas vous-même !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Que l'innovation et l'imagination l'emportent sur l'imitation et la routine. C'est l'attente légitime de nos concitoyens.


page précédente page 04505page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Demain, les écrans, le multimédia, les réseaux mondiaux d'information occuperont une place sans cesse croissante dans nos sociétés, ouvrant du même coup un espace immense pour la création et pour l'accès des citoyens à la culture.

J'appelle tous les professionnels de l'audiovisuel, tous les acteurs de la culture, artistes et intellectuels, à se joindre à nous dans la réalisation de cette ambition : faire du petit écran un nouveau territoire pour la liberté de l'esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Madame la présidente, madame la ministre de la culture et de la communication, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, comme tous les projets de loi concernant le secteur de l'audiovisuel, a eu une histoire mouvementée. Le Gouvernement a eu la sagesse, en décembre dernier, de retirer un projet qui ne semblait pas abouti et de remettre son ouvrage sur le métier. Au terme de plusieurs mois de concertation, nous voilà donc en présence d'un texte qui redonne une ambition, des moyens et une identité à la télévision publique, qui assure l'évolution de la législation face au développement du satellite, qui transpose en droit français la directive

« Télévision sans frontières » et qui dote les instances de régulation, CSA et Conseil de la concurrence, d'outils et de compétences nouvelles pour veiller au respect de l'intérêt public face au développement capitalistique du secteur de la communication.

Le monde de l'audiovisuel, avec l'apparition du numérique, avec le développement de nouveaux services, est soumis à des bouleversements considérables. Cette évolution est porteuse de conséquences économiques et culturelles majeures auxquelles notre pays doit se donner les moyens de faire face. C'est l'objet de ce texte qui vient modifier un cadre législatif qui, à partir de la loi Léotard et de la singulière privatisation de TF 1 (Exclamations sur divers bancs), a été remanié à vingt-deux reprises.

Après la loi Carignon qui a consacré une sorte d'abandon, d'affaissement de l'intérêt public pour le seul bénéfice d'un opérateur privé au terme d'un donnant-donnant politico-électoral peu honorable avec la majorité de l'époque, il était nécessaire de revenir à des règles du jeu plus saines et plus conformes à l'intérêt général.

Notre pays, dans le domaine de la télévision, présente un certain nombre de singularités qu'il convient de rappeler ici.

Tout d'abord, la présence dominante d'un opérateur privé, TF 1, qui représente à lui seul 35,3 % de l'audience et près de 50 % du marché publicitaire. La France est le seul pays dans ce cas. Tous les autres pays ont veillé à organiser une concurrence et un pluralisme de fait des opérateurs et ont ainsi évité les positions dominantes. La France est également le seul pays à avoir choisi de privatiser sa grande chaîne publique de référence.

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan et M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Eh oui !

M me Odette Grzegrzulka.

Scandaleux ! Anormal ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Olivier de Chazeaux.

C'était une très bonne idée !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Dans les autres pays, l'émergence du secteur privé et la libéralisation du secteur se sont faites par la création de chaînes nouvelles qui sont venues élargir les capacités d'expression et de création.

Autre singularité, la présence écrasante de groupes spécialisés dans les prestations aux collectivités et dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Mme Odette Grzegrzulka Honteux ! Immoral ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Didier Mathus, rapporteur.

... Vivendi, ex-Générale des eaux, à Canal Plus et Canal Satellite, Lyonnaise des eaux-Dumez à M 6 et TPS, Bouygues à TF 1 et TPS.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Eh oui !

Mme la présidente.

Mes chers collègues, un peu de calme, s'il vous plaît !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Ce n'est qu'une énumération, mes chers collègues ! Je ne fais que relever les noms !

M. Michel Herbillon.

Mais que proposez-vous ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Tous ces groupes tirent l'essentiel de leurs ressources de marchés publics. Ils dominent des pans entiers de l'économie et, de façon exclusive, des services aussi névralgiques pour la société que la distribution et le traitement de l'eau. Ils dominent donc également maintenant notre information, nos façons de nous distraire ou de nous cultiver, et donc directement ou indirectement nos façons de penser. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Peut-on jouer un rôle majeur dans ce domaine, et dans celui de l'information en particulier, lorsque dans le même temps on est lié à des intérêts financiers particuliers et identifiés ?

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Voilà !

M. Dominique Dord.

Vous n'avez qu'à tout changer !

M. Didier Mathus, rapporteur.

La question est posée.

Ce projet fixe un certain nombre de règles de transparence et de principes qui doivent permettre à la société d'avoir des assurances et des moyens de contrôle.

Notons que jusqu'au dépôt de ce texte, la France était quasiment le seul pays démocratique à ne pas s'être doté d'une législation face aux risques de concentrations et de pratiques anticoncurrentielles.

M. Laurent Dominati.

Vous voulez rire !

M. Olivier de Chazeaux.

Ce n'est pas ce qu'a dit Mme Trautmann !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Troisième singularité : le développement réussi de deux plates-formes satellitaires, accompagné de l'apparition de dizaines de chaînes thématiques et de services interactifs.

Avec les deux bouquets satellite et le câble, il y a aujourd'hui des millions de personnes qui regardent et consomment la télévision d'une façon différente. Le règne


page précédente page 04506page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

des grandes chaînes hertziennes est ainsi remis en cause, et leur audience globale a commencé à baisser de façon significative. La diversification des produits, le ciblage des segments d'audience, s'ils peuvent contribuer à la création de richesses nouvelles, doivent cependant nous faire réfléchir à l'affaiblissement du rôle fédérateur et identitaire des chaînes hertziennes. Le temps n'est plus où, dans tous les ateliers, les bureaux, les cours d'école, on pouvait échanger ses sentiments sur le film ou l'émission de la veille. Ce lien d'appartenance se détisse ainsi sous nos yeux.

C'est dans ce contexte général qu'il convient d'apprécier le présent projet de loi. En redonnant à la télévision publique les bases d'une identité par la baisse des volumes de publicité, en lui affectant des moyens supplémentaires, en confortant donc le pôle public dans sa vocation à fédérer 35 à 40 % de l'audience, on définit le socle d'une régulation positive du paysage audiovisuel.

Profondément déstabilisé par la privatisation de TF1, le service public est à la recherche, depuis une dizaine d'années, d'une identité qui le fait osciller, au gré des circonstances, entre l'alignement commercial sur le secteur privé et l'émergence d'une redéfinition de ses missions d'intérêt général. Cette crise d'identité a été accent uée, d'une part, par les modifications sans réflexion globale du périmètre du secteur avec l'adjonction improvisée sur le réseau hertzien de La Cinquième et, d'autre part, par les ruptures du financement public dont ont été victimes les chaînes généralistes, la 2 et la 3 essentiellement, depuis 1993.

Pour France 2, alors que la part de la redevance affectée à la chaîne n'a augmenté que de 8,5 % de 1992 à 1998, les dotations budgétaires ont baissé de 58,8 %...

Mme Odette Grzegrzulka.

Eh oui !

M. Didier Mathus, rapporteur ... et les ressources publicitaires ont augmenté de 60,5 % Pour France 3, le décrochage est encore plus brutal puisque les ressources publicitaires se sont envolées avec une croissance de 186 % ! Les ressources de la redevance ont progressé douze fois moins vite que les recettes publicitaires.

Ainsi, les ressources publicitaires, qui couvraient 33 % des recettes de France 2 et France 3 en 1992, en représentaient 44 % en 1997.

Pour parvenir à réaliser les objectifs inscrits en loi de finances, France 2 et France 3 ont dû satisfaire aux exigences des annonceurs et calibrer leur programmation.

Maintenir ou accroître le niveau d'audience pour boucler le budget : telle est, depuis plusieurs années, la contradiction majeure de chaînes censées s'illustrer par l'exigence et l'excellence de leur programmation,...

M. François Goulard.

Elles ont encore beaucoup à faire !

M. Didier Mathus, rapporteur.

... ce qui n'est pas nécessairement compatible avec des gains de parts de marché.

Cette confusion a été accentuée par l'incapacité de l'Etat à fixer des orientations durables pour l'audiovisuel public, à choisir et valider des stratégies, à confier des missions claires à ces chaînes à partir d'un périmètre défini et assumé durablement.

Le choix des représentants de l'Etat dans les conseils d'administration est exemplaire de cette incapacité. C'est encore une logique d'administration qui prévaut, sans prendre aucunement la mesure des enjeux de ce secteur en pleine révolution.

Votre projet, madame la ministre, exprime donc la volonté du Gouvernement de relever le défi de cette triple crise, identitaire, budgétaire et stratégique, de la télévision publique.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Très bien !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Si rien n'était fait, on voit bien - et certains s'en réjouissent ouvertement - que l'on irait inéluctablement vers la privatisation de France 2.

Or nous avons impérativement besoin d'une grande chaîne publique généraliste populaire, destinée à fédé rer une très large audience.

M. Dominique Dord.

Pour quoi faire ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Ce projet doit permettre aux sociétés de l'audiovisuel public d'avoir des missions clairement définies, de bénéficier d'une organisation et d'un financement cohérents. Pour cela, un positionnement clair des chaînes publiques dans l'offre globale de télévision, une responsabilisation des acteurs, tant du côté de la tutelle que des dirigeants, et une clarification des financements sont nécessaires.

Le protocole additionnel au traité d'Amsterdam considère « que la radiodiffusion de service public dans les

Etats membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias ».

C'est ce qui est fait avec ce projet de loi, qui apporte des réponses claires à la crise du secteur public : par la constitution d'un pôle public puissant, avec la holding France Télévision ; par une visibilité budgétaire nouvelle, assise sur un contrat d'objectifs entre l'actionnaire et les chaînes ; par la garantie de la durée, apportée aux dirigeants par le mandat de cinq ans.

Surtout, l'amendement déposé par le Gouvernement, qui engage l'Etat au remboursement intégral des exonérations de la redevance constitue une avancée exceptionnelle. Cet effort sans précédent de l'Etat pour soutenir la télévision publique - 2,4 milliards - permettra non seulement de compenser la baisse des recettes publicitaires envisagée, mais également de financer les 350 heures de programmes supplémentaires générées par cette baisse.

Ces deux objectifs peuvent être estimés à 1,4 milliard. Il y aura donc un effort net de 1 milliard de francs de l'Etat en faveur de la télévision publique.

Enfin, la baisse de la publicité de douze à huit minutes doit mettre fin aux interminables tunnels et conforter ainsi l'identité de la télévision publique.

Avec cet amendement, qui a totalement modifié l'économie du projet tel qu'il avait été présenté dans un premier temps,...

M. Laurent Dominati.

Cela change tout !

M. Didier Mathus, rapporteur.

... c'est un dispositif cohérent et ambitieux qui est ainsi proposé pour redonner un nouveau souffle à la télévision publique et lui permettre de s'adapter au monde audiovisuel d'aujourd'hui.

Sur ce volet du projet de loi, la commission a toutefois adopté de nombreux amendements, dont deux que je signalerai d'ores et déjà.

D'une part, la création d'un conseil national des programmes, qui permettrait la représentation des téléspectateurs auprès des organes de direction de France Télévision.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

M. Laurent Dominati.

Quel coup de génie !


page précédente page 04507page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Didier Mathus.

rapporteur.

Il est paradoxal, en effet, que les téléspectateurs soient les grands absents du service public. Ce nouvel organisme devrait contribuer à démocratiser la télévision publique et à la rapprocher de ses téléspectateurs, qui sont aussi ses principaux financeurs.

D'autre part, la suppression de l'exclusivité commerciale des chaînes publiques sur la plate-forme TPS. On sait à quels débats et à quels retournements avait donné lieu cette exclusivité par le passé. On sait également les observations qu'a formulées Bruxelles à ce sujet. Nous proposons, nous, de revenir à un principe simple qui n'aurait jamais dû être dévoyé : le service public, financé par l'impôt, doit être librement accessible au plus grand nombre. L'idée même d'une exclusivité commerciale est antinomique avec la notion de service public.

Enfin, et ce sera ma dernière observation sur ce volet du projet de loi, je voudrais souligner qu'au-delà du considérable progrès que représente ce texte, reste posée une question essentielle pour la télévision publique, celle de la croissance de ses revenus. Le milliard apporté par le remboursement des exonérations, s'il donne une bouffée d'oxygène, ne constitue toutefois qu'une correction du différentiel public-privé de l'ordre de 600 à 700 millions de francs, puisque l'effet d'aubaine créé par le déplacement de la publicité vers les chaînes privées sera de l'ordre de 300 à 400 millions de francs. Or, entre 1992 et 1997, les budgets de France 2 et France 3 ont augmenté en moyenne de 4 à 5 % par an, tandis que le rythme d'accroissement des chiffres d'affaires des chaînes privées s'établissait entre 6 et 10 %. L'explosion des coûts d'acquisition des droits de retransmission du sport et même des films de cinéma va peser de façon considérable sur les moyens des chaînes dans les années qui viennent. Si l'on veut que les deux grandes chaînes généralistes de France Télévision gardent leur rang de chaîne premium, il faudra résoudre cette difficulté que ni la croissance des dotations budgétaires de l'Etat ni une inenvisageable hausse de la redevance ne peuvent pallier. Il faudra imaginer, à côté de la redevance et des dotations budgétaires, une troisième recette accrochée à une assiette en croissance spontanée. Plusieurs pistes ont été évoquées. Si l'heure n'est pas à trancher, il faut néanmoins que le Gouvernement nous donne l'assurance de traiter ce problème dans les mois qui viennent.

Le titre II du projet de loi assure la transposition de la directive Télévision sans Frontières. Outre les dispositions concernant la protection des mineurs ou la mise en sécurité juridique des opérateurs, il comprend deux articles qui méritent d'être relevés.

L'article 10 constitue une avancée importante sur un sujet qui sera un enjeu majeur des évolutions de la télévision dans les années qui viennent. Cet article pose un principe simple : il existe des événements sportifs ou non sportifs qui ne peuvent être achetés en diffusion exclusive par une télévision payante parce qu'ils doivent être accessibles à tous. C'est au Gouvernement d'en fixer la liste.

Ce système donne une garantie à la collectivité face au développement des formes payantes de télévision et aux dérives dont il est porteur.

Les télévisions, lancées dans une impitoyable course à la concurrence, tendent naturellement à transformer les événements en spectacles et à tenter de s'en assurer l'exclusivité. C'est ce qu'on peut craindre de façon très aiguë dans le domaine des droits sportifs. A cet égard, l'acquisition de clubs de « foot » par des chaînes de télévision ne laisse pas d'être préoccupante. A terme, c'est la cannibalisation commerciale du droit à l'information qui est à l'oeuvre. A partir de quel moment une information se transforme-t-elle potentiellement en spectacle dont une chaîne de télévision pourrait acquérir les droits d'exclusivité pour en priver ses concurrents ? Le mouvement auquel on assiste depuis quelques mois autour des droits sportifs doit nous inquiéter et appelle une réponse des pouvoirs publics.

E n ce qui concerne la chronologie des médias - article 14 du projet de loi -, la directive prévoit l'abandon des procédures réglementaires pour y substituer une logique contractuelle. Je crains que cette disposition ne soit, à terme, négative. La conception française qui a présidé depuis quinze ans à la mise en place d'un système original de financement du cinéma est fondée sur une intervention forte de la puissance publique. Veillons à ce que le renvoi de la fixation de la chronologie des médias à des procédures purement contractuelles ne soit pas le premier acte d'un démantèlement par Bruxelles de l'intervention publique.

Au-delà de cet exemple, c'est d'ailleurs toute la question de la vision européenne qui est posée. La frénésie néo-libérale de Bruxelles a tenté d'ouvrir des brèches dans le secteur jusque-là différencié de la télévision. Elle s'es t incarnée dans le Livre vert de M. Bangemann sur la convergence ; elle s'exprime à la DG 4, qui tente de mettre en cause la légitimité de la télévision publique ;...

M. Arnaud Montebourg.

Eh oui !

M. Didier Mathus, rapporteur.

... elle s'est manifestée avec éclat lors du débat sur l'accord multilatéral sur l'investissement.

Les décisions européennes reflètent, bien sûr, des approches contradictoires. Mais la pression américaine tendant à banaliser et à déréguler tout le secteur de l'expression culturelle ne manque pas de relais à Bruxelles. Il faudra, madame la ministre, camper avec force sur le principe de subsidiarité reconnu par le protocole d'Amsterdam pour le secteur de l'audiovisuel public, dans les futurs débats avec la prochaine commission.

M. Laurent Dominati.

C'est du Pasqua !

Mme Frédérique Bredin.

Vous n'aimez pas Pasqua ? ...

M. Didier Mathus, rapporteur.

Ce n'est pas du Pasqua, c'est le traité d'Amsterdam.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Voilà qui est clair !

M. Didier Mathus, rapporteur.

La troisième partie de votre texte, madame la ministre, concerne la mise en place d'un dispositif de contrôle des concentrations et des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur privé. Cette adjonction au texte initial était indispensable eu égard aux spécificités de la situation française et au vide juridique qui régnait jusque-là.

Le choix opéré par le Gouvernement entre différentes hypothèses possibles a été de doter notre instance de régulation le Conseil supérieur de l'audiovisuel - de pouvoirs nouveaux et beaucoup plus étendus, et de donner compétence au Conseil de la concurrence dans ce secteur qui était jusqu'à présent en marge du droit de la concurrence.

Le CSA, disons-le franchement, ne pourra plus désormais s'abriter derrière l'imprécision de la loi pour se dérober à ses responsabilités.

M. Arnaud Montebourg.

Il était temps !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Il n'avait, jusqu'à présent, rien trouvé à redire à la fusion de l'UFA Bertelsmann et de la CLT,...


page précédente page 04508page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est bien dommage.

M. Didier Mathus, rapporteur.

... rien à l'arrivée de Bolloré et à son remplacement par Pinault dans le capital de Bouygues, rien à l'absorption d'Havas par Vivendi. Il ne lui sera plus possible désormais de jouer la stratégie de l'autruche. Nous allons aider, par ce texte, le CSA à devenir une véritable instance de régulation, ce qu'il n'a pas su être jusqu'à présent. Il aura les moyens effectifs de mener des contrôles en matière de concentration et d'en t irer toutes les conséquences pour les autorisations d'émettre, y compris pour les nouveaux services.

Ce renforcement du contrôle et de la transparence devra se doubler de la fixation de règles précises et i ncontournables afin de garantir l'indépendance des rédactions et l'honnêteté de l'information. Là aussi, le rôle de l'autorité de régulation a besoin d'être conforté par des objectifs et des outils clairement affirmés par la loi. La préservation du pluralisme est à ce prix.

Au-delà des pouvoirs nouveaux donnés au CSA, nous souhaitons et la commission a adopté un amendement en ce sens - l'aider à se doter d'une jurisprudence incontestable et à faire preuve de plus de transparence dans ses délibérations et dans la motivation de ses décisions. Cela est essentiel si l'on veut assurer une sécurité juridique aux décisions du CSA.

Pour que la France et l'ensemble des pays d'Europe puissent prendre toute leur place dans la bataille mondiale de l'audiovisuel et préserver coûte que coûte l'indépendance de leurs industries de programmes, pour combattre la montée d'une hégémonie culturelle, la lente érosion des diversités artistiques et l'émergence d'une civilisation mondialisée et uniformisée, plusieurs solutions existent.

Pour les industriels du secteur, la seule réponse à la mondialisation réside dans la concentration. Les principaux acteurs rassemblent leurs forces, se rapprochent, renversent les alliances, cherchent à contrôler des segments de plus en plus étendus du marché, afin de « faire le poids », comme ils disent.

Pour les pouvoirs publics, garants de l'intérêt général et du pluralisme, la solution doit être recherchée dans l'organisation des marchés et la définition de règles du jeu communes à tous, appliquées avec souplesse mais avec détermination par des instances de régulation dignes de ce nom.

L'urgence est donc bien de contenir les tendances naturelles des marchés à la concentration et d'empêcher la constitution d'opérateurs omnipotents qui pourraient menacer la liberté d'expression et réduire à néant tous les efforts faits depuis de nombreuses années pour éviter, en France et en Europe, la mise sous contrôle de l'information et la marginalisation culturelle.

L'apparition du numérique renforce cette urgence. La surenchère que se livrent des opérateurs pour doter leurs chaînes payantes de contenus exclusifs risque d'appauvrir les chaînes hertziennes et de pousser mécaniquement à des concentrations.

Autour de cette fameuse convergence au terme de laquelle ordinateur, téléphone et téléviseur ne feraient plus qu'un, se nouent, au nom de « synergies », des alliances, des fusions, des absorptions, et se constituent, sous nos yeux, des firmes géantes. L'aboutissement de ce processus ferait que les firmes de production de films et de programmes, les opérateurs du téléphone, du satellite ou de la télévision et les fabricants d'appareils de télévision et d'ordinateurs seraient tous les segments d'une seule et même entité commerciale. La synergie, ce serait donc l'uniformité et l'accession des oligopoles d'aujourd'hui à une situation de monopole.

Cette évolution n'est pas acceptable et, dans le débat européen qui se noue aujourd'hui, l'enjeu est bien la meilleure façon de la combattre. Ce texte doit nous y aider. Pour y parvenir, la commission souhaite qu'en deuxième lecture on puisse lui adjoindre les dispositions sur le numérique hertzien.

M. Olivier de Chazeaux.

Ben voyons !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Ce texte de loi sera ainsi le socle d'un nouveau paysage audiovisuel qui se dessinera.

Sur le numérique hertzien, j'ai entendu beaucoup de choses, mais très peu de propositions.

M. Michel Françaix.

Ils n'ont rien à dire !

M. Arnaud Montebourg.

Ils sont un peu dépassés et ont d'autres chats à fouetter !

M. Michel Herbillon.

Il n'y a rien sur le numérique dans le projet !

M me la présidente.

Mes chers collègues, laissez M. Mathus s'exprimer !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Aujourd'hui, les professionnels travaillent, le Gouvernement a annoncé une concertation et nous souhaitons qu'en deuxième lecture on puisse examiner, au terme de cette concertation, des dispositions concrètes sur le développement du numérique.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est la confusion des genres !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Mais il ne suffit pas de sauter sur sa chaise en criant : « Le numérique hertzien ! Le numérique hertzien ! Le numérique hertzien ! » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Il faut faire des propositions, dire combien de multiplexes, comment on les attribue, qui les finance et ce qu'ils vont faire.

M. Arnaud Montebourg.

Nous n'oublions pas la loi Carignon !

M. Didier Mathus, rapporteur.

C'est cette concertation qui est en cours aujourd'hui avec les opérateurs, les distributeurs et les producteurs. C'est cette perspective qui est ouverte. Ainsi, le socle établi par ce projet de loi permettra d'envisager la télévision du

XXIe siècle sous un tout autre angle qu'on ne le faisait depuis dix ou quinze ans...

M. Olivier de Chazeaux.

Quelle pirouette pour masquer votre carence !

M. Didier Mathus, rapporteur.

... en réfléchissant uniquement à l'échelle nationale et en adoptant des textes de la dimension de la loi Carignon de sinistre mémoire.

M. Arnaud Montebourg.

Oh oui !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Nous sommes entrés dans une autre époque et je vous félicite, madame la ministre, d'avoir fait preuve de ténacité, d'obstination et de courage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) pour permettre à l'Assemblée nationale de débattre aujourd'hui de ce projet de loi.

(Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.


page précédente page 04509page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, l'audiovisuel et, plus généralement, la communication, y compris numérique, sont des secteurs sur lesquels il est difficile de légiférer. Et ce pour trois raisons au moins.

D'abord, les évolutions technologiques et les mouvements économiques y sont de plus en plus rapides.

E nsuite, avouons-le, certains désaccords entre les groupes, même au sein de la majorité, ont reporté la possibilité de présentation de cette loi. Néanmoins, et pour la première fois à ma connaissance, un accord préalable de type politique est intervenu au sein de la majorité, ce dont je me réjouis et ce dont je vous félicite, madame la ministre.

Enfin, on connaît la forte méfiance des professionnels vis-à-vis du législateur, ce qui n'a pas accéléré le mouvement.

Pourtant, il fallait agir. L'Etat devait rassurer et assurer.

En effet, je crois que l'Etat doit renforcer, développer et préciser les missions de service public de son pôle audiovisuel. L'Etat doit garantir un traitement équitable aux différents modes de diffusion et aux différents acteurs de ce secteur. Enfin, l'audiovisuel public doit être assuré par l'Etat d'un financement pérenne et croissant face à une forte concurrence privée.

Plus profondément, pourquoi l'Etat doit-il intervenir dans l'audiovisuel ? Parce que même s'il s'agit d'un pôle industriel, il ne s'agit pas, tout comme pour le livre, d'une industrie comme les autres : nulle image n'est une pure marchandise, nulle image n'est neutre, nul média de masse ne doit être abandonné à la seule loi du marché.

L'Etat doit garantir à la fois la liberté d'expression, la pluralité de l'information et la qualité des programmes.

Ceux-ci ne sauraient être alignés sur le plus petit dénominateur commun.

L'industrialisation des images, nous le savons depuis Walter Benjamin et l'école de Francfort, a d'énormes effets sur les modes de représentation et de perception de l'imaginaire du collectif. D'où la légitimité du rôle de l'Etat dans ce domaine, qui s'affirme comme l'interface régulatrice entre la technologie et la société.

J'aborderai très rapidement les nouveautés non directement financières introduites dans ce projet de loi, car madame la ministre et vous, monsieur le rapporteur, en avez déjà excellement parlé. Le point le plus saillant est la réorganisation de très grande ampleur du secteur public par la création d'une société mère qui fédère France 2, France 3 et La Cinquième-ARTE fusionnées. A titre de comparaison et pour prévenir certaines critiques que j'ai encore lues ce matin dans la presse, je précise que ce sera plutôt la BBC que l'ORTF. En outre, les présidents des sociétés du secteur public seront désormais nommés pour cinq ans au lieu de trois. Restent deux questions sur lesquelles je m'interroge à titre personnel : les conditions de nomination du président de RFI et l'intégration ou non de RFO dans la société mère France Télévision.

Nous en reparlerons au cours du débat sur les articles.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

L'autre nouveauté introduite par l'article 19 est la suppression des distorsions de concurrence par l'intégration progressive du droit de l'audiovisuel et du droit commun de la concurrence. En effet, si je pense que le cinéma c'est plutôt de la culture, et que l'audiovisuel c'est aussi de l'industrie, alors le devoir d'information du Conseil de la concurrence auprès du CSA pour le contrôle des mouvements de concentration des opérateurs était devenu indispensable...

M. Michel Françaix.

Eh oui !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

... de même que le rapprochement réglementaire entre le câble et le satellite, ainsi que l'introduction de la notion de « distributeur de services audiovisuels ».

Par ailleurs, on ne peut que se féliciter du renforcement des pouvoirs du CSA pour la transparence, le pluralisme et l'indépendance de l'information et la déontologie des médias, avec la transposition de la directive TSF.

Cependant, à titre personnel, j'estime qu'au-delà de l'amendement qui a été proposé par la commission des affaires culturelles, que cette transparence pourrait s'appliquer au CSA lui-même par l'intermédiaire d'auditions publiques des candidats aux présidences des sociétés du secteur public audiovisuel. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Enfin, le texte proposé en première lecture n'indique rien sur la télévision numérique hertzienne ni sur la c onvergence télévision-télécommunication-informatique.

J'espère toutefois, comme vous l'avez dit, madame la ministre, que les navettes parlementaires nous permettront d'ajouter quelques dispositions juridiques dans ces domaines.

En effet, et toujours dans le souci de l'intérêt général et avec lucidité, il faudra bien anticiper l'évolution ultrarapide des technologies de l'information et de la communication. Là encore, l'Etat et l'Europe seront des parapets à partir desquels se déploiera une vision claire des enjeux de la mondialisation. Cela s'opposera à la « frénésie ultralibérale » dénoncée bien justement par M. le rapporteur.

A moyen terme, le cadre réglementaire devra donc permettre une distinction nette entre contenants et contenus ainsi qu'une qualification des contenus qui reflète leurs dimensions de communication au public, afin de préserver des objectifs d'intérêt général auxquels la France reste très attachée.

En tant que rapporteur de la commission des finances, je voudrais maintenant souligner deux dispositions financières importantes et ambitieuses de ce projet de loi.

La première concerne la diminution nette de la dépendance de France Télévision par rapport aux ressources publicitaires. En effet, au cours des années 90, la part de la publicité et du parrainage dans le total des ressources n'a cessé d'augmenter. Ainsi, elle est passée de 42 % en 1992 à 51 % en 1997 pour France 2, et de 22 % en 1992 à 32 % en 1997 pour France 3.

Or on ne connaît que trop les effefs nocifs de la publicité sur l'image des chaînes publiques, ainsi que la grande sensibilité de l'audience qui s'exprime par la lassitude des téléspectateurs devant les tunnels publicitaires. Je rappellerai simplement la tranche dix-neuf heures vingt-deux heures, où la durée de la publicité sur France 2 est passée de seize minutes en 1992 à vingt-six minutes en 1997, et sur France 3 de dix-sept minutes en 1992 à vingt-huit minutes en 1997. C'était trop. Il fallait mettre un terme à cette progression et donc baisser à la fois le nombre de minutes publicitaires par heure et évidemment la ressource.

C'est pourquoi certains, dont je suis - je l'avoue, madame la ministre -, auraient voulu supprimer totalement la publicité sur les chaînes publiques. Et on aurait pu le faire, mais à quel prix ?


page précédente page 04510page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Christian Cuvilliez.

Eh oui !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Cette mesure radicale se heurtait, en effet, à un problème de financement considérable.

M. Laurent Dominati.

C'est pour cela qu'il faut privatiser !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Mais non ! Nous n'allons pas privatiser France 2, monsieur Dominati.

D'ailleurs lorsque nous avons discuté de ce point en commission des finances, la semaine dernière, vous n'étiez pas présent.

M. Laurent Dominati.

Je faisais campagne pour l'Europe !

Mme la présidente.

N'interrompez pas M. Cochet, monsieur Dominati !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Le premier projet du Gouvernement, élaboré il y a un an et qui proposait cinq minutes de publicité par heure, se heurtait au même problème de financement.

Finalement, la proposition retenue de réduire de douze à huit minutes par heure la publicité est un compromis judicieux. En effet, madame la ministre, vous avez réussi, avec notre appui, à engager le Gouvernement sur la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de redevance, soit 2,4 milliards de francs pour le secteur public, ce qui se traduira par un gain net de l'ordre de un milliard destiné à la création et à la production audiovisuelle.

M. Laurent Dominati.

Gain net sur qui ?

Mme la présidente.

Monsieur Dominati, laissez parler M. Cochet !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Cet engagement est considérable, monsieur Dominati. Du temps où vos amis étaient au pouvoir, jamais le Gouvernement n'avait consenti un tel effort en faveur de la création et de la production.

La deuxième disposition remarquable de ce projet de loi concerne la pluri-annualité des ressources financières introduite dans l'article 6 par les contrats d'objectifs et de moyens, de trois à cinq ans. Les professionnels de l'audiovisuel, et ils ne pourront que s'en réjouir, auront ainsi un horizon de ressources sur au moins trois ans, ce qui leur permettra une meilleure anticipation et donc organisation de leurs projets.

Bref, par ces deux dispositions financières importantes, le Gouvernement s'engage dans la voie d'un renforcement de l'audiovisuel public. Cela montre son intérêt pour ce secteur. La persévérance dont vous avez su faire preuve, madame la ministre, en témoigne. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis favorable sur ce texte.

Je terminerai par quelques considérations moins financières. Je souhaite, en effet, soumettre à votre réflexion un paragraphe d'un entretien de Mme Marie-José Mondzain, philosophe spécialisée dnas la pensée des images, avec le journal Le Monde , le mardi 8 septembre 1998 :

« La télévision, c'est ce que j'appelle "l'effet-balcon", qui donne à croire qu'on voit le monde de sa fenêtre, tel qu'il est. Il s'agit d'une stratégie de pouvoir, suggérant au citoyen que ce qu'on lui transmet est démocratique, sur le mode : votre faiblesse physique ou sociale vous a empêché d'être là, au match, au crime, à la guerre, mais nous avons les moyens de vous rendre la place souveraine du témoin. Il ne s'agit pas de condamner les réelles possibilités de voir qu'offrent les techniques modernes, mais de toujours rappeler simultanément que l'abondance de l'information ne peut jamais se substituer à la liberté du jugement. L'exercice de la liberté ne naît pas d'une accumulation. Ce n'est pas : plus je vois de choses, plus je comprends, mais, toujours : plus je pense, mieux je comprends. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Madame la ministre, pour parler de télévision, il faut intelligence, courage et ténacité. Et vous ne manquez d'aucune de ces qualités. C'est pour cela que nous vous soutenons et que nous irons jusqu'au bout de votre projet.

Pour ma part, je centrerai l'essentiel de mes propos sur le problème de la nécessaire évolution du service public mais aussi de son indispensable consolidation. En la matière, votre texte comporte des dispositions très importantes. Elles concernent notamment la modernisation et l'harmonisation des règles applicables au secteur privé, tous supports confondus, avec la transposition de la nouvelle directive Télévision sans frontières. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

En tout cas, la notion de service public m'apparaît fondamentale. Pour en parler, il faut évoquer l'histoire et la nécessité. A cet égard, je remercie le rapporteur pour la grande qualité de son rapport et les administrateurs pour leur contribution. J'avoue l'avoir lu avec grand plaisir, ce qui n'est pas toujours le cas... (Sourires.) Je le remercie en particulier d'avoir eu le souci de faire un rappel historique. Ce projet de loi, en effet, ne prend toute sa dimension que si on le situe bien au terme de cette période, très courte d'ailleurs, de trente-cinq ans au cours de laquelle on est passé du monopole d'Etat, avec un ministre de l'information qui fait le journal télévisé, au service public de 1982 - grande innovation de la gauche déjà plurielle - qui est allé depuis en se rétrécissant.

Cette histoire semble déjà très ancienne. Je relisais ces jours-ci quelques pages pleines d'humour féroce et de talent du regretté André Ribaud. Je me souviens notamment que l'un des chapitres commençait ainsi : « Il se faisait grand remue-ménage d'étranges lucarnes en la cour de l'Elysée ». Si vous n'avez jamais lu cet ouvrage, je vous conseille de le faire car il est remarquable et très juste historiquement.

Ce n'est qu'en 1982 que le monopole d'Etat a donc été remis en cause avec l'affirmation de la liberté de communication audiovisuelle. Le service public s'est émancipé de la tutelle du pouvoir politique, y compris en matière d'information. Désormais le monopole de diffusion était conservé en droit mais le monopole de programmation était aboli. Enfin, une nouvelle instance, la Haute Autorité, garantissait l'indépendance par rapport au politique. Fort justement, les journalistes n'abandonneront plus jamais cette conquête qui a constitué, à l'époque, une sacrée révolution culturelle et c'est la gauche qui l'a faite.

En 1986, cet équilibre fragile fut brutalement remis en cause. François Léotard déclara : « Notre service public est un astre mort, c'est-à-dire un astre dont la lumière nous parvient encore, mais qui est mort. » Ce propos totale-

ment cynique est également totalement faux ne serait-ce


page précédente page 04511page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

que sur le plan de l'astrophysique, car les astres morts éclairent encore pendant des millions d'années et ce n'est pas à ce rythme-là que nous débattons...

(Sourires.)

M. Marcel Rogemont.

Heureusement !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Il dénote également un manque total de vision politique et d'appréciation du rôle de la République et du citoyen dans les années à venir. Il suffit, pour s'en convaincre, de reprendre l'excellente citation sur laquelle le rapporteur pour avis a terminé son intervention.

D'ailleurs, on voit bien ce qu'il est advenu du secteur public. Dépourvu d'orientation, sans définition claire des ambitions, dans un paysage de plus en plus industriel et mondialisé, sans la durée nécessaire au président pour définir une véritable stratégie, sans moyen de financement public à la hauteur des besoins, cahin-caha, plutôt caha que cahin (Sourires), balloté, agité au fil des années, malgré quelques tentatives de relance comme la présidence commune, il ne reste du secteur public qu'une partie des financements publics, du reste en diminution constante.

Les chiffres ont été rappelés, la part des recettes publicitaires, qui assurait 33 % des ressources de France 2 et France 3 en 1991 et 1992, est passée à 44 % en 1997.

Et, en dehors des grands mots et des grands sentiments, il ne restait pas grand-chose du concept même de service public. A cet égard, je dois reconnaître, à ma grande confusion, que la gauche, de retour au pouvoir, se montrera extrêmement timide en la matière.

M. Christian Cuvilliez.

C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Elle n'ose plus toucher à l'audiovisuel.

M. Dominique Dord.

Quels temps bénis !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Elle ne remet pas en cause la phrase de François Léotard. Il a même fallu un amendement du groupe communiste adopté par la commission pour réintroduire les mots « service public ».

M. Christian Cuvilliez.

Eh oui !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Mes chers collègues, il faut un peu plus de hardiesse et de volonté politique. Vous en faites p reuve, madame la ministre. Nous devons, tous ensemble, la réaffirmer très clairement. Cela s'impose d'autant plus que les chaînes publiques doivent affronter des changements à la fois technologiques - passage au numérique, développement de l'interactivité du multimédia - et économiques, avec notamment la diversification des supports de diffusion.

Voilà donc pour l'histoire. Passons maintenant à la nécessité. Celle-ci apparaît dans deux textes. Tout d'abord dans le protocole additionnel au traité d'Amsterdam qui prévoit que « la radiodiffusion de service public dans les

Etats membres est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias ».

Ensuite dans un texte de grande qualité de Jean-Louis Missika : « L'époque du monopole étant révolue, il est urgent d'assumer enfin dans les textes comme dans la pratique que l'identité, l'utilité et la légitimité des télé visions publiques passent par l'affirmation d'un principe de différenciation. C'est parce qu'elles ne font pas la même chose que les chaînes privées ou parce qu'elles le font différemment que les chaînes publiques apportent une valeur ajoutée à la collectivité. La différence doit se marquer tant par rapport aux antennes concurrentes que par rapport aux anciens comportements. »

Cette notion est fondamentale. Dans un monde où l'image l'emporte sur l'explication et banalise l'émotion, si ce n'est l'indignation, dans un monde de stratégie complexe, nous devons, en effet, affirmer tranquillement le rôle du service public, comme cela est fait d'ailleurs en Angleterre ou en Allemagne. En la matière, il faut s'en tenir à des idées simples et fortes : renforcer l'industrie des programmes, réaffirmer la mission citoyenne du service public. Il faut aussi insister sur quatre points fondamentaux que l'on retrouve dans votre texte.

Tout d'abord, la durée du mandat du président et des conseils d'administration doit être suffisamment longue pour permettre l'établissement du diagnostic, et une certaine continuité dans l'action et l'indépendance.

Il faut ensuite définir une cohérence stratégique, ce qui passe par un renforcement des structures, une unité de vision, une identification claire du rôle de chacun dans un cahier des charges. Ce n'est pas contradictoire avec l'identité éditoriale.

Par ailleurs, il importe de prévoir la programmation du financement à travers les contrats pluriannuels d'objectifs.

Ce point a fait l'objet de nombreuses discussions. Il fallait tenir compte de la diminution des recettes publicitaires, d'une éventuelle distorsion de concurrence avec le privé, de la pérennisation des moyens de l'Etat et de la coloration donnée par cette diminution de publicité. Je crois que nous avons trouvé un équilibre. Il faut maintenant prendre toutes les garanties pour le sauvegarder.

Enfin, et ce dernier point n'est pas mince, il faut faire en sorte que le téléspectateur soit non seulement un consommateur de télévision, mais aussi un « participantcitoyen » à la télévision. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements adoptés en ce sens par la commission.

Et qu'on ne reproche pas à ces idées d'être trop simples. Il importe précisément qu'elles le soient ! Je ne connais pas de grands systèmes dont la stratégie ne puisse se définir en quelques lignes. Le grand mérite d'une stratégie est d'être perceptible par tout le monde. C'est la force de votre texte, madame la ministre. Il faut le répéter sans cesse.

Reste le problème essentiel de la nomination par le CSA. Ne revenons pas, malgré quelques tentations que je peux partager, sur le rôle de cet organisme, mais affirmons au moins la nécessité de la transparence dans le choix et celle de la motivation de la désignation. En effet, la présidente ou le président qui sera placé à la tête du grand système que sera le service public de l'audiovisuel aura à assumer, pour cinq ans, une responsabilité fondamentale.

Madame la ministre, vous devez poursuivre l'action que vous avez engagée. J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié l'idée que vous avez lancée à Cannes d'une vaste concertation sur la deuxième vie des films après leur sortie en salle, d'autant que cette nouvelle vie sur le petit écran conditionne souvent leur existence même. J'aimerais bien que l'on sorte de ce débat un peu surréaliste entre le BLIC et le BLOC. Vous allez certainement nous y aider.

Pour conclure, je vais prendre un exemple qui me semble parlant.


page précédente page 04512page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Le mercredi 28 avril, France 3 a diffusé à une heure de grande audience - vingt heures cinquante-cinq - un documentaire historique exceptionnel coproduit avec la société Les Films d'Ici et intitulé La Chaconne d'Auschwitz, par référence à La Chaconne de Bach. Je l'avais fait enregistrer pour le voir et je sais qu'il a été regardé par un très nombreux public.

Avec des mots d'une force extraordinaire et des images d'une grande simplicité donnant tout son poids à la démonstration, douze femmes témoignaient de ce qu'avait été l'orchestre de femmes à Auschwitz-Birkenau. En regardant ce documentaire d'une heure et demie je me suis dit qu'il illustrait parfaitement la mission d'un grand service public qui doit non seulement distraire, mais aussi informer, éclairer, considérant que l'utilisateur de télévision est un citoyen avant tout.

Tel est le sens du projet que vous portez. Nous vous a iderons à aller jusqu'au bout de cette démarche.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Exception d'irrecevabilité

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Renaud Muselier.

M. Renaud Muselier.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, présenté dès 1997 par le Premier ministre, M. Lionel Jospin, avec force et conviction, comme l'une des grandes réformes du Gouvernement, le projet de loi sur l'audiovisuel qui est enfin examiné aujourd'hui par le Parlement manque, à l'aube du troisième millénaire, cruellement d'ambition. Il n'est qu'un texte en creux faisant volontairement l'impasse sur tout ce qui fâche. Il est facile de le démontrer en opérant un bref rappel de son historique qui a pris l'allure d'un mauvais feuilleton : riche en annonces, reculs et rebondissements, traîtrises et lâchetés de vos amis, madame la ministre.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Le premier épisode, celui de la limitation du seuil de concentration, a débuté dès 1997 lorsque vous vous être attelée à la tâche. Vous annoncez alors, vouloir modifier l e seuil des concentrations défini par la loi du 1er février 1994, qui autorise un même opérateur à détenir jusqu'à 49 % du capital d'une chaîne privée. Le dogmatisme bat alors son plein, mais se heurte très vite à la réalité. Six mois plus tard, vous revenez donc sur votre décision et déclarez : « Je ne pense pas qu'il suffise simplement d'abaisser le seuil maximal de détention pour régler les questions de transparence, de pluralisme et d'indépendance. »

Exit donc les seuils de concentration ! S'ouvre alors le deuxième épisode, celui de la limitation du temps de publicité et de la création d'un nouvel ORTF. Il commence le 23 janvier de l'année dernière avec la présentation en conseil des ministres d'une nouvelle mouture du projet de loi, aussi éphémère que contesté. Il se heurte en effet au mur d'impopularité de la plupart des professionnels : polémique chez les opérateurs, déception chez les producteurs. La grogne gagne même les rangs socialistes et provoque la montée en première ligne du Premier ministre qui s'empare alors du dossier lors des journées parlementaires du PS.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Vous êtes mauvaise langue !

M. Renaud Muselier.

Après avoir hissé la réforme au rang de projet politique important pour la gauche, Lionel Jospin tient à affirmer, en termes choisis, que des entreprises publiques fortes et assurées de leurs missions comme de leurs moyens, n'obéissant pas à une logique de p rofit, sont indispensables. Elles devront servir de modèles en matière de qualité des programmes, d'éthique de l'information et de démocratisation de la culture. Le catalogue de bonnes intentions semble prometteur.

Ainsi, le nouveau projet prévoit une réduction de la publicité de douze minutes à cinq minutes par heure sur les chaînes publiques. Cette mesure est présentée comme la clé de voûte de la réforme. Il faut reconnaître que l'idée est a priori séduisante, car elle correspond à une demande réelle des téléspectateurs, lassés par une publicité envahissante et des tunnels d'autopromotion sans fin.

Est associé à cette mesure phare un autre principe cher à la gauche : le regroupement de France 2, France 3, La Cinquième et La Sept-ARTE au sein d'une société holding baptisée France Télévision. On comprend d'ailleurs mal pourquoi RFO est exclue de ce grand Meccano administratif.

Ce holding devait disposer d'un directoire dont le président aurait été nommé par l'instance de régulation et d'un conseil de surveillance dont le président, lui, aurait été nommé par le Gouvernement. Il aurait eu le pouvoir de proposer ses candidats à la direction opérationnelle des d ifférentes chaînes publiques. Il s'agissait, vous en conviendrez, d'un beau modèle d'usine à gaz, voire d'une machine à remonter le temps ! En 1974, le Président de la République, Valéry Giscard d'Estaing avait décidé l'éclatement de l'ORTF afin de donner davantage de souplesse et de légèreté à une structure devenue obsolète.

M. Jean Le Garrec, président de la commission affaires culturelles.

C'était un monopole !

M. Renaud Muselier.

Vingt-cinq ans après, aux motifs de refondre l'audiovisuel, M. Jospin veut ressusciter une structure jugée alors archaïque. Est-ce la meilleure façon de préparer l'avenir à l'heure d'Internet et du satellite ? La réponse au défi de la modernité ne se trouvant évidemment pas dans les interdictions et les solutions du passé, un troisième épisode voit alors le jour : celui des coups de semonce croisés du CSA, du Conseil d'Etat et de la majorité plurielle.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a en effet délivré, le 20 octobre, une approbation critique, à fleurets dûment mouchetés, au projet gouvernemental. Pour la première fois depuis sa création, cet organe de régulation s'est opposé à une réforme du Gouvernement en déplorant la mainmise de l'Etat sur le futur conseil de surveillance dont il conteste la création.

Puis, le 5 novembre, le Conseil d'Etat par trente voix contre dix a émis plusieurs réserves. Ainsi, le Gouvernement a été heureusement contraint de faire passer à la trappe le conseil de surveillance et le directoire qui devait chapeauter les télévisions publiques. Le Conseil d'Etat a en effet jugé que cette structure duale favorisait un contrôle de l'Etat, contrevenant ainsi au respect de la liberté de communication telle qu'elle est définie par la Constitution. Je reviendrai sur ces points.

Le texte a donc été une nouvelle fois réécrit, dans la précipitation, déclenchant, après les foudres du CSA et du Conseil d'Etat, les coups de semonce de la majorité plurielle. Rares sont les projets de loi à avoir, avant même


page précédente page 04513page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

leur discussion, provoqué une telle unanimité à leur encontre. Vos amis de la majorité plurielle ont sans doute émis les critiques les plus acerbes.

Ainsi, M. Jack Lang déclare ne pas croire en une

« réforme salami » qui consisterait à couper le secteur en tranches, et ne veut pas que la télévision soit contrainte de mendier chaque année ses ressources auprès du ministère de l'économie et des finances. On ne peut être plus clairvoyant.

M. Didier Mathus, quant à lui, souligne qu'il aurait fallu aider l'Etat à jouer son rôle d'actionnaire, d'autant qu'il s'engage financièrement en annonçant une compensation financière par le recours aux crédits budgétaires ; et M. Christian Cuvilliez regrette l'abandon du projet qui visait les mouvements de concentration.

Je ne reprends pas les propos de M. Allègre vous concernant, car ils sont trop désobligeants, et je terminerai en citant M. Noël Mamère qui considère que le projet est inachevé et s'arrête au milieu du gué.

M. François Baroin.

Très bien !

M. Renaud Muselier.

Le 20 novembre, les parlementaires Verts et communistes confient à qui veut bien les entendre qu'ils ne voteront pas le texte en l'état sans avoir l'assurance que le manque à gagner provenant de la limitation des recettes publicitaires sera compensé dans la loi.

Face aux réticences suscitées par votre projet, Matignon, qui ne peut plus reculer, lance le quatrième épisode, celui d'un nouvel aggiornamento sous l'oeil vigilant d'un nouvel acteur, Mme Bredin, missionnée pour veiller à l'ensemble des mécanismes de financement.

Il est donc désormais admis que la loi doit comporter l'engagement de l'Etat à combler de façon pérenne les pertes de recettes publicitaires qu'il entend imposer aux chaînes publiques. Là réside en effet l'une des faiblesses intrinsèques de votre projet : en voulant redorer le blason du secteur public, la gauche fait un cadeau royal aux chaînes privées par le simple mécanisme des vases communicants.

Le malaise est tel - nous approchons de la fin de l'intrigue - que, le 3 décembre, est annoncé le report du projet, qui était pourtant inscrit le lendemain à l'ordre du jour de la commission des affaires culturelles, familiales ets ociales de notre assemblée, une première sous la Ve République. Nous n'en étions plus, de toute façon, à une désinvolture près.

Le coup de grâce a été asséné par la Commission européenne qui, quelques jours plus tard, a porté plainte contre la France auprès de la Cour de justice pour nontransposition de la directive Télévision sans frontières, alors que nous étions à l'origine de la révision de cette directive.

Tel est l'historique chaotique du texte qu'il nous incombe de discuter. Il aurait été dommage de le passer sous silence tant il est original. Le titre de ce feuilleton aurait pu être : Y a-t-il un ministre dans le projet ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Laurent Dominati.

Bonne question !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Quel mauvais esprit !

Mme Janine Jambu.

C'est vraiment bas !

M. Michel Herbillon.

Vous avez eu des propos plus sévères encore !

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est une référence de cinéphile !

M. Renaud Muselier.

Aujourd'hui, comment croire, madame la ministre, que, miraculeusement, après deux années d'errements, l'actuel projet comporte désormais toutes les garanties de sécurité, de sérénité et de série ux nécessaires à un secteur éminemment stratégique ? Comment ne pas voir la confusion coupable qu'il instaure entre secteur public et service public ?

M. Jean-Marie Le Guen.

Parlons-en un peu !

M. Renaud Muselier.

Comment accepter qu'il ignore les récentes mutations technologiques, qu'il convient pourtant d'encadrer afin de faciliter leur développement, indispensable aux économies de pointe et aux emplois de demain ? Comment ne pas voir que demeurent les atteintes portées aux libertés publiques ? Comment, enfin, n e pas dénoncer votre attitude qui, ces dernières semaines, revient à pratiquer de la chirurgie esthétique sur Elephant Man ? Vous avez déclaré à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales que vous vouliez rendre au service public son âme. L'une des notes reçues de votre ministère indique même : « Pour la première fois dans l'histoire de l'audiovisuel français, le projet de loi précise les objectifs et les principes généraux qui fondent l'existence d'un service public de l'audiovisuel. »

Pourtant, à aucun moment, n'apparaît la notion de service public. Cette absence remarquée en dit long sur la perte de sens, sur l'absence de substance pour caractériser ce secteur. Or, en droit public, une telle modification est susceptible d'emporter des conséquences importantes.

Mme Janine Jambu.

Cela a été corrigé !

M. Renaud Muselier.

Alors que les termes « secteur public » traduisent une approche organique, la notion de service public renvoie à la mission que doivent remplir les organismes ainsi désignés.

M. Michel Françaix.

Je ne suis pas sûr qu'il comprenne tout ce qu'il lit !

M. Renaud Muselier.

Je ne suis pas sûr que vous puissiez tout entendre et tout comprendre.

Il existe des domaines dans lesquels le secteur public n'est pas tenu de remplir une mission de service public.

M. Jean-Marie Le Guen.

Exact !

M. Renaud Muselier.

Les chaînes publiques répondentelles actuellement aux obligations spécifiques qui caractérisent leurs missions ? Les cahiers des charges de France 2 et France 3 font état de principes louables, rappelant le caractère exemplaire que doivent revêtir les sociétés nationales de programmes de télévision : éthique, qualité, imagination, absence de vulgarité.

Hormis ces qualités fondamentales, quatre caractéristiques majeures des programmes sont posées : information, enrichissement culturel et divertissement, pluralisme des programmes, émissions culturelles et programmes pour la jeunesse riches et diversifiées, efforts significatifs dans la production audiovisuelle. Voilà qui ne manque pas d'envergure.

A cet égard, l'article 1er du texte qui nous est soumis, et dont on peut douter de la valeur législative, est une fontaine de crème Chantilly.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Il indique notamment que les sociétés

« présentent une offre diversifiée de programmes dans les domaines de l'information, de la culture, de la connaissane, du divertissement et du sport. Elles favorisent les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l'insertion sociale. Elles défendent la langue


page précédente page 04514page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

française, mettent en valeur le patrimoine culturel et linguistique. » Je m'arrête là dans ce catalogue d'intentions

pieuses, pur modèle de langue de bois.

Cette énumération risque davantage de diluer la notion de service public que de contribuer à l'établir.

Mme Françoise de Panafieu.

C'est vrai !

M. Renaud Muselier.

Qu'en est-il dans la réalité ? Estimez-vous que le service public réponde aux besoins non solvables, qui ne peuvent être satisfaits par le marché, là où l'intérêt général peut être présumé ?

Mme Janine Jambu.

Avec Bouygues, c'est mieux ?

M. Renaud Muselier.

Pensez-vous que les quelques dizaines d'heures de diffusion de concerts par France 2 en troisième ou quatrième partie de soirée, les quinze à vingt pièces de théâtre programmées par France 3 aux aurores du dimanche ou la messe dominicale peuvent servir d'avenir et de dessein à ce secteur ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Si comme l'a fait mon collègue Laurent Dominati, lors de l'examen du projet de loi de finances, je montrais les programmes diffusés par les différentes chaînes de télévision ce soir, quelqu'un serait-il capable de dire, au premier coup d'oeil, quels sont ceux des chaînes de service public et ceux des chaînes privées ? A vrai dire, vous caractérisez le service public par ce qu'il n'est pas, à savoir le privé.

Aussi, pour lui rendre son âme, avez-vous décidé de constituer une holding et de diminuer la publicité.

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Ce n'est pas une holding mais une société mère !

M. Renaud Muselier.

A cet égard, il faut souligner que le secrétariat général du Gouvernement n'a pas voulu donner suite aux remarques du Conseil d'Etat. Les sages avaient en effet indiqué que la limitation des écrans publicitaires aurait plutôt relevé du domaine réglementaire. D'ailleurs l'article 48 de la loi du 30 septembre 1986 indiquait que les modalités de programmation des émissions publicitaires étaient fixées par les cahiers des charges. Autre temps, autres moeurs.

En regroupant toutes les chaînes publiques - France 2, France 3, La Cinquième et La SEPT-ARTE - sous couvert de centraliser les décisions stratégiques des chaînes, vous allez, en réalité, ajouter davantage de lourdeur bureaucratique à la gestion du service public de l'audiovisuel. En effet, cela va inévitablement entraîner un allongement des procédures de décision et un enchevêtrement des responsabilités, sans compter des conflits entre personnes qui peuvent gravement perturber le fonctionnement des entreprises.

Cela va nécessairement conduire à une dilution des responsabilités entre les dirigeants des entités regroupées et les responsables de la société holding. Cette dilution risque, en effet, d'affaiblir le lien et le dialogue existant entre les acteurs de l'audiovisuel et les responsables publics. Comment éviter que cet affaiblissement n'entraîne une déresponsabilisation encore plus grande et ne d evienne un obstacle au développement du service public ? Cela va obligatoirement étendre les défauts d'une partie à l'ensemble. Ainsi la convention collective, absolument archaïque, rigide et paralysante, s'appliquera désormais aux chaînes qui lui échappaient. Est-ce le meilleur instrument pour assurer la compétitivité dans un univers désormais de plus en plus concurrentiel ? Il faut tout de même avoir à l'esprit que le coût social, uniquement sur le plan des salaires, pour ajuster ceux des personnels de France 3 à ceux de France 2, sera de l'ordre de 70 à 80 millions de francs par an.

Mme Janine Jambu.

On y vient !

M. Renaud Muselier.

Cela va fatalement fragiliser la création et la production. Pour les producteurs, en effet, l'existence de plusieurs guichets ouvre plusieurs possibilités de mener à bien des projets, de développer notre industrie de programmes.

La priorité était non pas de faire revivre un dinosaure, mais de restructurer le secteur public. La France compte aujourd'hui beaucoup de chaînes publiques. Alors que leur gestion est coûteuse, leur audience n'est pas toujours élevée et leurs programmes ne se différencient pas fondamentalement de ceux de leurs homologues privées, bien qu'elles soient financées sur fonds publics. Mais vous refusez de faire face à la réalité.

Dans ce contexte, pensez-vous que diminuer le temps de publicité autorisé sur France 2 suffise à en faire une chaîne profondément différente de ses concurrentes ? Les bonnes intentions ne suffisent pas. La démagogie ne prépare pas l'avenir.

Vous affichez la volonté de libérer l'audiovisuel public de la contrainte publicitaire. Vous estimez que la publicité, facteur dévalorisant et polluant de son environnement, serait, en l'occurrence, antinomique avec la qualité des programmes.

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Avec l'indépendance de l'information !

M. Renaud Muselier.

Alors, poussons votre raisonnement plus loin : pourquoi ne pas la faire disparaître entièrement des chaînes publiques, comme à la BBC ? Je ne suis pas adepte d'un tel concept.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

C'est une vraie question !

M. Renaud Muselier.

Je pense au contraire que la publicité est un réel stimulant qui oblige à conquérir un public et empêche les chaînes de se « ghéttoïser ».

Mme Odette Grzegrzulka.

N'importe quoi !

M. Renaud Muselier.

Je me demande si le fait de réduire le temps accordé à la publicité soustraira les chaînes à la dépendance publicitaire ? Si l'objectif recherché est l'amélioration des programmes, il faudra voir en quoi France 2 ou France 3 se distingueront de Canal Plus ou de TF 1, toutes les deux leaders dans la télévision à péage et gratuite. Comme l'effort sera financé par les dotations budgétaires, donc par le contribuable, censé être mieux servi, la vigilance s'impose.

N'est-il pas temps aussi de remettre à plat le système de la redevance afin de s'assurer que les fonds collectés par ce biais soient efficacement utilisés ? Nul n'ignore que les deux tiers des produits de la redevance servent à financer le fonctionnement du réseau créé pour collecter cette taxe. Chacun sait qu'il existe des projets novateurs pour en améliorer le rendement. Pourquoi rien n'est-il prévu en la matière ? Jusqu'ici, le téléspectateur payait doublement le programme qu'il regardait sur la 2 ou sur la 3, par la redevance, en tant que possesseur d'un poste de télévision, et par la publicité. Désormais, le téléspectateur-consommateur paiera d'une troisième manière en tant que contribuable !


page précédente page 04515page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Vous allez réussir à réduire d'un tiers la publicité sur les chaînes publiques. En revanche, ce n'est pas ainsi que vous restaurerez le prestige du service public !

M. Marcel Rogemont.

C'est complètement faux !

M. Renaud Muselier.

Arrêtons-nous un moment sur TPS.

La rupture technologique du numérique a provoqué l'émergence d'une nouvelle économie de l'audiovisuel. La compression des données a permis en effet la multiplication des chaînes diffusées sur un même canal et cette offre correspond, à la surprise générale, à une forte demande du public.

Les bouquets numériques connaissent en France un grand succès : plus d'un million d'abonnés en septembre 1998, soit un peu plus que le câble depuis sa création. Pendant douze ans, Canal Plus et sa filiale, Canal Satellite, ont développé leur activité en monopole, acquérant une position dominante sur le marché de la télévision payante en France.

U n second bouquet numérique voit le jour en d écembre 1996 : TF 1, France Télévision et M 6 décident de s'allier afin de développer un réseau de distribution sur lequel commercialiser des chaînes thématiques liées à leurs spécialités.

Si Canal Plus jouit d'une avance incontestable due à sa maîtrise du métier d'opérateur et de télévision payante, l'arrivée de TPS a bousculé la donne en dynamisant le marché de la réception satellite en numérique. Cela s'est traduit par une baisse des prix d'abonnement pour le consommateur, la création de nombreuses chaînes nouvelles ainsi que l'augmentation significative des sommes investies dans la production cinématographique.

Un amendement voté en commission vient de mettre un terme à l'exclusivité des chaînes publiques sur le bouquet numérique TPS. Dès lors que le service public s'engage sur un bouquet plutôt que sur un autre, il est difficile d'échapper aux insinuations ou aux accusations.

Il convient cependant de rappeler qu'au moment où France Télévision a passé contrat avec TPS, le paysage audiovisuel était tel qu'elle y avait intérêt. N'oublions pas que le ticket d'entrée pour rejoindre la plate-forme Canal Satellite numérique avait été jugé à l'époque trop éle vé.

Plusieurs points de vue vont alors s'affronter.

La vision idéologique condamne cette union car le service public, financé par l'impôt, a vocation à être vu et écouté par le plus grand nombre.

M. Marcel Rogemont.

En effet !

M. Renaud Muselier.

La vision juridique s'attache à démontrer que cette exclusivité méconnaît les principes de neutralité, d'universalité et d'adaptabilité du service public de la communication et qu'elle est contraire au droit de la concurrence internationale.

La vision réaliste cherche à tenir compte du poids de l'histoire. Cette situation est, il est vrai, exceptionnelle, mais le non-respect de la neutralité des chaînes publiques est dû au refus essuyé par l'autre opérateur. Il est indéniable que cette union a permis d'adapter le service public aux nouvelles technologies et au satellite. Par ailleurs, il faut rappeler que la télévision publique a financé cet investissement sur ses ressources propres. Et c'est parce que ses comptes étaient en équilibre qu'elle a pu le faire. Et la conséquence de ce choix a été paradoxalement de créer une véritable concurrence sur ce marché.

Alors faut-il revenir sur cet accord ? La rentabilisation de la plate-forme numérique lancée par les actionnaires de TPS exige un délai minimum au terme duquel sera atteint l'équilibre d'exploitation. Ce délai permet donc au secteur public d'amortir son investissement et de le valoriser en cas de cession de sa participation dans TPS.

En outre, les contrats entre TPS et les chaînes thématiques, dont celles du secteur public, sont en général prévus pour cette durée, y mettre un terme risque de fragiliser la présence des chaînes thématiques publiques dans le bouquet.

Enfin, sur le plan juridique, les engagements d'exclusivité pris par les sociétés nationales de programmes et approuvés par les conseils d'administration dans le cadre des conventions et protocoles d'actionnaires constituant la société TPS portent sur la même période. Sont en cause là le respect de la parole de l'Etat et la crédibilité des engagements pris par le secteur public.

La perte de l'exclusivité avant la date prévue signifierait que France Télévision concurrencerait ses propres investissements et favoriserait ses concurrents directs, ce qui ne peut être envisagé. Personne n'imaginerait qu'en tant qu'actionnaires de TPS, TF1 et M6 acceptent d'être repris sur un bouquet numérique concurrent. Pourquoi les sociétés publiques devraient-elles moins bien défendre leurs intérêts que les sociétés privées ? Cette question a fait l'objet d'un avis de la Commission européenne. S'il est vrai que la Commission a jugé excessive la durée de l'exclusivité pour les chaînes généralistes, prévue initialement pour dix ans, elle a mesuré plusieurs éléments pour estimer la période pendant laquelle il était raisonnable pour TPS de bénéficier de l'exclusivité des chaînes généralistes.

Elle a tenu compte des investissements nécessaires au lancement de TPS, des prévisions relatives aux pertes cumulées, à la date du point d'équilibre financier et au nombre d'abonnés nécessaire pour l'atteindre ainsi qu'au taux de désabonnement de cette plate-forme. Au vu de cette analyse, la Commission a jugé que « trois ans constituent la durée minimale pendant laquelle l'exclusivité des quatre chaînes généralistes est jugée indispensable pour TPS ». Je m'inquiète donc de cette remise en cause d'un engagement contractuel de l'Etat et de toutes les conséquences qui vont en découler.

« Le Gouvernement est en retard par rapport aux enjeux de la communication de demain [...] Je regrette que le Parlement ne soit pas saisi d'un projet plus adapté à l'ampleur des évolutions technologiques. » Ces propos

tenus par M. Guyard - PS - défendant l'exception d'irrecevabilité du projet de loi relatif à la liberté de communication, le 18 mars 1997, s'appliquent cruellement à votre texte, madame la ministre.

Depuis près d'un demi-siècle, le secteur des technologies de l'information et de la communication connaît une métamorphose exceptionnelle. Depuis plus d'une décennie, les signaux liés aux télécommunications, à la télévision et aux services d'information peuvent tous être convertis sous une forme numérique et sont d'un point de vue technique identiques. Ces évolutions ont donc permis de développer des réseaux stockant, traitant et acheminant une quantité d'informations de plus en plus importante. Cette évolution technologique et son accélération permanente permettent la mise en place d'une nouvelle méga-industrie, celle de la communication.

Cette nouvelle industrie est capable de fournir de l'information et des loisirs variés au plus grand nombre possible et au moindre coût.


page précédente page 04516page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Les anciennes frontières qui existait naguère entre l'informatique, l'audiovisuel ou les télécommunications sont dès lors complètement remises en cause.

Madame la ministre, qui aurait pu penser, il y a quelques années, que sur un téléphone portable de moins de 600 grammes, on pourrait avoir le téléphone, le fax, Internet, l'annuaire, toutes les notes possibles, l'agenda...

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est Chirac qui vous parle ? (Sourires.)

M. Renaud Muselier.

J'ai débranché mon téléphone ici ! Et qui aurait pu penser qu'on pourrait avoir toutes sortes de systèmes qui nous permettent, soit par infrarouge, soit par appareil photo numérique, soit par synchronisation à distance de se brancher sur toute l'informatique. C'est assez impressionnant ! Qui aurait pu le penser ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Il y a vingt ans, on l'avait déjà en tête !

M. Renaud Muselier.

Alors pourquoi ne pas en tenir compte dans la loi ? Les opérateurs de télécommunications, les fabricants d'ordinateurs, les éditeurs, les studios de cinéma et les réseaux de télévision, comme un grand nombre d'industries, convergent vers une seule et même industrie.

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Cela reste à voir !

M. Renaud Muselier.

Cette méga-industrie de la communication repose sur les réseaux, centres nerveux des économies contemporaines. L'information apparaît comme le facteur de compétitivité décisif pour les entreprises et pour l'innovation.

Le développement de la société de l'information est devenu une préoccupation importante pour de nombreux

Etats. Ils cherchent à préparer l'entrée de leur pays dans la société de l'information, comme l'attestent de nombreux rapports publiés ces dernières années, voire ces derniers mois.

Un récent rapport sur la politique québécoise des autoroutes de l'information reprend ces thèmes et précise l'impact économique des technologies de l'information :

« Les nouvelles technologies de l'information ouvrent des possibilités insoupçonnées à l'innovation.

[...] Il est manifeste que la volonté politique, les stratégies industrielles, les premières pratiques sociales rendent inéluctable l'avènement de la société de l'information. Un mouvement irréversible est donc lancé ; seul le rythme de déploiement p lanétaire reste jusqu'à présent imprévisible.

[...] La société de l'information et l'économie du savoir ne sont pas des constructions de l'esprit et ne se réduisent pas à cet univers de l'éphémère et du virtuel dont les médias donnent parfois l'image. A court terme, c'est dans cette nouvelle économie que se concentreront la majorité des investissements productifs, la plupart des échanges de services et la majeure partie des emplois. » Je cite là «

la politique québécoise des autoroutes de l'information » qui date de 1998.

Alors, madame la ministre, force est de constater que votre projet de loi est en retard par rapport aux enjeux de la communication de demain. Il est en totale inadéquation face aux défis du temps présent parce qu'il n'a pas intégré les récentes mutations technologiques.

La numérisation est un sujet qui a, d'ores et déjà, été traité par tous les grands pays industrialisés. Tous ont défini le cadre normatif et réglementaire de l'arrivée de la télévision numérique terrestre. Les Etats-Unis se sont dotés d'un cadre juridique à travers une décision de la Federal Communication Commission, en avril 1997, et ont fixé l'arrêt de l'analogique à 2006.

Les deux pays qui sont aujourd'hui les plus avancés en matière de télévision numérique terrestre sont la GrandeBretagne et la Suède.

M. Marcel Rogemont.

Et la Bretagne !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Il y a le CCETT, mais il ne le connaît pas !

M. Renaud Muselier.

La Bretagne n'est pas un pays, même si vous en voyez partout ! Ces pays se sont engagés dans la numérisation du réseau terrestre sur la base de six multiplex couvrant la majeure partie de leur territoire, tout en retenant des options différentes pour l'attribution des capacités de diffusion et pour leur gestion.

Au Royaume-Uni, les autorisations d'installation de chaînes numériques ont été précisées en juin 1997. Les attributions des multiplex numériques se sont effectuées sous l'autorité de l'instance de régulation. La moitié des multiplex a été attribuée aux opérateurs analogiques existants et l'autre moitié à un ensemblier. La télévision numérique terrestre a été lancée le 15 novembre 1998.

Parmi les trente chaînes proposées aux téléspectateurs, quinze existaient déjà, soit en hertzien, soit sur le câble ou le satellite, et quinze autres sont nouvelles.

En Suède, l'offre numérique autorisée depuis le 25 juillet 1998 comporte huit canaux sur deux multiplex partagés entre les trois opérateurs hertziens existants. L'attribution des multiplex se fait par palier et par service.

En Allemagne, le coup d'envoi du processus a été donné avec l'approbation par le gouvernement fédéral, le 24 août 1998, d'un rapport fixant les grandes lignes de la numérisation de tous les supports et de tous les services de communication audiovisuelle : télévision, radio, voie hertzienne terrestre, satellite et câble. L'Allemagne présente ainsi une approche globale de la numérisation.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Renaud Muselier.

En Espagne, le décret du 9 octobre 1998 a fixé les conditions du passage numérique de la diffusion terrestre.

Dès lors, comment se fait-il que votre projet de loi ne contienne aucune disposition relative au développement de la télévision numérique hertzienne terrestre ?

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Ça va venir !

M. Renaud Muselier.

Vous disposiez pourtant du rapport Cottet-Eymery, que vous auriez pu utiliser afin de bâtir des propositions pour les intégrer à votre texte.

Nous aurions eu, en outre, les avis du Conseil d'Etat et du CSA qui se sont déjà révélés précieux en la matière

Mercredi dernier, en conseil des ministres, vous avez présenté une communication sur la télévision numérique hertzienne terrestre. Après avoir énuméré tous les atouts d'une telle avancée technique, vous vous êtes contentés d'annoncer « une vaste concertation avec les professionnels mais aussi le grand public sur la pertinence d'un tel choix, les principes d'utilisation de cette technologie et le calendrier de son développement ».

J'apprends que M. Mathus compte déposer un amendement pour pallier vos carences. C'est une nouvelle preuve de l'insuffisance du texte qui ne contente guère d'ailleurs vos alliés socialistes.

M. Marcel Rogemont.

Il faut que les députés servent à quelque chose : à enrichir les textes !


page précédente page 04517page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Jean-Marie Le Guen.

Certains députés !

M. Renaud Muselier.

Certes ! Cette expansion permettrait pourtant de multiplier l'offre de programmes diffusés sur les canaux traditionnels, c'est-à-dire au moindre coût pour les téléspectateurs.

Il y a là un défi considérable à relever, notamment pour le secteur public de l'audiovisuel.

M. Jean-Marie Le Guen.

Que ne le fîtes-vous !

M. Renaud Muselier.

Face au nouveau monde de la communication, vous avez choisi de ne pas choisir.

Un autre secteur se développe de façon exponentielle, celui d'Internet. On dénombre aujourd'hui plus de cinquante millions d'utilisateurs du Web dans le monde et environ 350 millions d'utilisateurs sont annoncés en 2001.

Or le mariage d'Internet et de la télévision commence à se préciser.

La télévision, telle qu'on la connaît aujourd'hui, privilégie un mode classique, unilatéral de diffusion massive des informations. Il s'agit d'une forme pyramidale de diffusion d'informations.

Internet offre une capacité de navigation dans le réseau en surfant de lien en lien et de site Web en site Web à l'échelle mondiale.

Grâce à la fusion avec Internet, la télévision aura les capacités de navigation offertes sur le Web. Il sera alors possible de cliquer sur une image animée et d'approfondir la recherche d'informations à partir de cette image.

Grâce à l'accroissement des débits permettant le multimédia en ligne, on obtiendra des réseaux de médias.

Dans un tel contexte, la télévision trouvera de nouvelles applications, non plus dans une logique de diffusion pyramidale de l'information mais de sensibilisation de l'usager qui utilisera un réseau audiovisuel.

L'usager pourra sélectionner des domaines qui l'intéressent et obtenir des informations culturelles et éducatives, ou de loisirs, sur les canaux de télévision de demain qui seront des réseaux multimédia interactifs.

Nous aurons à terme une fusion des écrans de télévision et des écrans d'ordinateurs. Ce phénomène sera rendu possible grâce au développement des satellites en orbite basse. En effet, ce type de satellites deviendra l'outil principal de la diffusion de la télévision et de l'Internet.

Mme Frédérique Bredin.

C'est mieux que l'université ici !

M. Renaud Muselier.

Si je puis vous apprendre quelque chose, tant mieux, madame Bredin, vous dont la science est déjà si grande ! Des nouveaux terminaux capteurs auront la télévision et l'Internet et assureront aussi les fonctions de téléphonie habituelles.

Comment se fait-il, madame la ministre, que votre projet de loi n'aborde pas la question de la législation d'Internet. Comment y faire respecter les principes fondamentaux du droit français tout en prenant en compte les particularités de son fonctionnement ? Qui sera, en France, le régulateur d'Internet ? Ce sont pourtant les enjeux majeurs de la communication de demain. Mais, là encore, vous avez choisi de ne pas choisir ! Le câble est à nouveau un sujet d'actualité de première importance. En effet, il symbolise cette possibilité de mariage de la télévision et d'Internet, du multimédia éducatif, des bases de données réparties sur l'ensemble de la planète.

Or, aujourd'hui, en France, le câble est toujours tétanisé par l'invraisemblable dispositif juridique et institutionnel datant de 1982.

De ce fait, France Télécom vend ses réseaux aux opérateurs américains et investit dans le câble à l'étranger.

Alors, comment se fait-il que vous délaissiez cette technologie que l'on maîtrise et qui est l'un des emblèmes de notre savoir-faire à l'étranger ? C omment se fait-il que votre projet de loi ne contienne pas de réflexions sur l'évolution nécessaire de la réglementation française - quotas de production, diffusion - à l'heure où se multiplient les offres de programmes audiovisuels sur des supports qui échappent à cette réglementation ? Comment se fait-il que votre projet de loi fasse l'impasse sur les télévisions locales alors que ce domaine pourrait constituer un élément important d'intégration sociale pour les catégories défavorisées ? La modernisation de la législation des réseaux câblés, rendue nécessaire notamment par l'arrivée du téléphone et d'Internet sur le câble, la fixation d'un cadre juridique pérenne pour le DAB (Digital Audio Broadcast), technique de numérisation qui permet d'accroître l'offre de programmes radiophoniques mais qui, pour l'instant, n'est autorisée que dans un cadre expérimental, le développement des télévisions locales sont autant de sujets passés sous silence par un projet qui manque singulièrement d'une vision d'avenir pour l'audiovisuel français à la veille du IIIe millénaire.

« Je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties. »

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout est dans tout et réciproquement !

M. Renaud Muselier.

Cette citation de Pascal s'applique singulièrement à votre projet de loi, madame la ministre. Est-il possible de façonner une loi que ne tienne compte ni des enjeux du numérique ni du multimédia, ni de la télévision éducative, ni d'Internet ? Oui, c'est possible, vous venez de le faire ! Votre projet de loi porte réellement atteinte à la liberté d'expression (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste),...

Mme Odette Grzegrzulka.

Peyrefitte vous manque !

M. Renaud Muselier.

... en dépit du premier toilettage imposé par le Conseil d'Etat.

La liberté de communication, inscrite à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est l'une des libertés publiques essentielles au bon fonctionnement de la démocratie.

Compte tenu de la place occupée aujourd'hui comme vecteur d'influence par la télévision, il est fondamental que les messages que celle-ci diffuse soient libres de toute pression éditoriale et qu'ils permettent l'expression pluraliste de tous les courants d'opinion, sans discrimination.

M. Christian Cuvilliez.

Vivendi, La Lyonnaise, etc.

!

M. Renaud Muselier.

Le législateur l'avait bien compris, puisque la loi sur l'audiovisuel du 30 septembre 1986, que votre projet de loi entend modifier, rappelle d'entrée l'exigence selon laquelle « la documentation audiovisuelle est libre ». Elle doit le rester ! Le Conseil constitutionnel, gardien vigilant des principes républicains et des fondements du régime démocratique, a précisé, par une jurisprudence abondante, ce qu'il


page précédente page 04518page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

fallait entendre par « liberté de communication ». Il s'agit, dit-il, de préserver les chaînes de télévision, la radio, la presse, de l'emprise du pouvoir politique, notamment de la majorité gouvernementale, mais aussi de l'emprise de personnes privées, qui pourraient se servir des médias pour manipuler un public influençable ou le désinformer.

M. Michel Françaix.

Ce n'est pas beau !

M. Renaud Muselier.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité administrative indépendante, est le garant de l'exercice de la liberté de communication au quotidien.

Dans ce domaine, comme, plus généralement, pour toute liberté publique, il n'est pas possible de revenir en arrière : dès lors que la loi offre davantage de garanties d'indépendance à des médias, elle ne peut plus être modifiée ou abrogée si des garanties au moins équivalentes ne sont pas données pour protéger la liberté de communication.

Ainsi la suppression de la Haute Autorité de l'audiovisuel en 1986 n'a-t-elle été rendue possible que par l'instauration de la Commission nationale de la communication et des libertés, la CNCL, dotée de compétences importantes.

M. Jean-Marie Le Guen.

Quelle histoire !

M. Renaud Muselier.

Cet « effet de cliquet » que l'on trouve dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel dissuade le législateur de la tentation de faire régresser les libertés.

Or le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui fait reculer la liberté de communication.

Le Gouvernement, sous couvert d'améliorer la qualité du service public de l'audiovisuel, est en train, en réalité, de réduire considérablement son indépendance et de le placer sous un contrôle étroit, vraisemblablement dans la perspective des quatre années qui le séparent de l'élection présidentielle.

Revenons un instant sur l'historique édifiant de ce projet de loi.

Le Gouvernement a décidé de regrouper toutes les chaînes de télévision publique, à l'exception de RFO, dans une holding unique, centraliste et bureaucratique.

Alors que, depuis dix-sept ans, les présidents de chaîne, qui se succèdent comme les pales d'un ventilateur, sont désignés par une autorité indépendante, aujourd'hui le CSA, la nouvelle holding devait être dirigée par un conseil de surveillance dans lequel les représentants de l'Etat étaient majoritaires. Ce conseil de surveillance a urait ensuite désigné les directeurs des différentes chaînes. Une manière habile pour le Gouvernement de prendre le contrôle de l'ensemble des programmes du secteur public ! Le Conseil supérieur de l'audiovisuel, auquel le projet de loi devait obligatoirement être soumis, ne s'y est d'ailleurs pas trompé. Il a vivement critiqué cette amputation de son pouvoir de nomination qui risquait de compromettre l'indépendance de la télé publique.

Les sages du Conseil d'Etat, dans l'examen de la constitutionnalité du projet, sont allés plus loin. Ils ont relevé qu'au moment où le Gouvernement s'arrogeait le pouvoir de nommer les dirigeants des chaînes publiques, il allongeait également leur mandat de trois à cinq ans.

Coïncidence ? Visée présidentielle ?

M. Marcel Rogemont.

Un mandat présidentiel, c'est sept ans !

M. Renaud Muselier.

S'interrogeant expressément sur les intentions du Gouvernement, le Conseil a jugé que le projet portait atteinte à la fois à l'indépendance des sociétés de programme, à la liberté de communication et au pluralisme des courants.

C'est, à ma connaissance, dans l'histoire de la télévision française, la première fois qu'un gouvernement se fait aussi sévèrement reprendre sur le sujet extrêmement sensible de la liberté d'expression pour avoir tenté de reprendre le contrôle d'un média, et il s'agit ici de quatre chaînes en même temps.

A Matignon, on évoque une maladresse juridique, mais personne n'est dupe : l'Etat de droit vu par M. Jospin est à multiples facettes.

La rapidité de la réaction du Premier ministre, après publication d'articles de presse bien informés sur la teneur de l'avis du Conseil d'Etat, est révélatrice. De peur de voir son projet censuré pour inconstitutionnalité, le Gouvernement préfère l'amender in extremis avant son dépôt à l'Assemblée nationale.

M. Pierre Forgues.

Et alors ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Il est efficace, c'est tout !

M. Renaud Muselier.

En dépit de ces retouches de dernière minute, votre projet de loi demeure inconstitutionnel.

En effet, en réduisant la durée du temps de publicité autorisé pour les chaînes publiques, le Gouvernement compromet gravement l'équilibre financier de ces sociétés.

Su le plan quantitatif, l'efficacité de votre loi dépend de la compensation financière qu'offrira l'Etat à la réduction de la publicité sur les chaînes publiques. Ces dernières années ont prouvé la fragilité des crédits budg étaires. Ceux-ci peuvent être supprimés en cours d'exercice, au gré de la conjoncture ou des humeurs du Gouvernement.

M. Laurent Dominati.

Absolument.

M. Renaud Muselier.

Est-ce de la sorte que vous voulez restaurer le prestige du service public en le rendant encore plus dépendant du pouvoir en place ?

M. Jean-Marie Le Guen.

C'est vrai qu'avec vous, il y aurait de quoi se méfier !

M. Renaud Muselier.

En clair, la survie financière des chaînes publiques dépendra-t-elle, chaque année, de la bienveillance de l'Etat à leur égard ? Est-ce qu'une superstructure administrative et technocratique est de nature à protéger les libertés individuelles, surtout lorsqu'elle est soumise aux décisions politiques ? Est-ce cela garantir la liberté de communication, l'indépendance de l'information et le pluralisme d'expression des courants socioculturels ? Ainsi, non seulement le Gouvernement voulait par ce projet obtenir la mainmise sur la nomination des dirigeants des chaînes publiques, mais il veut encore aujourd'hui s'assurer de leur docilité en leur retirant toute possibilité de s'autofinancer par des recettes publicitaires.

Pour toutes ces raisons, ce projet est contraire à la constitution de la République. Il porte atteinte à la liberté de communication audiovisuelle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Au contraire, il la renforce !

M. Olivier de Chazeaux.

Non, il a raison !

M. Renaud Muselier.

... à l'indépendance de l'information et au pluralisme d'expression des courants socioculturels.


page précédente page 04519page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Le devoir de l'opposition est de veiller au respect scrupuleux des libertés publiques et de ne laisser personne modeler à sa guise le paysage audiovisuel français. Aussi, je vous appelle à adopter cette motion d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)

Mme la présidente.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'ai écouté très attentivement M. Muselier et je n'ai relevé dans son propos aucune objection sérieuse de nature constitutionnelle qui serait de nature à justifier l'irrecevabilité du texte.

M. Marcel Rogemont.

Il le sait, il sourit.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il a illustré son propos par quelques éléments anecdotiques pour conclure comme il avait commencé en remettant en question la nature de l'engagement du Gouvernement pour le financement des entreprises publiques, la réduction de la publicité à la télévision s'accompagnant d'une compensation intégrale des exonérations de redevance.

Je reviens d'abord, monsieur Muselier, sur ce que vous disiez à propos de la relation entre secteur public et service public car il me paraît utile de bien préciser les choses.

La théorie du droit public est usuellement fondée sur la combinaison entre une approche fonctionnelle du service public, c'est-à-dire les missions, et une approche organique, c'est-à-dire la délimitation organisationnelle.

L'audiovisuel public n'a pas à échapper à cette double approche. La critique que vous avez formulée est cependant particulièrement mal fondée.

C'est la loi de 1986, votée par la droite, qui a fait prévaloir une définition limitée à la notion de secteur public, qui fait l'objet du titre III. Notre réforme, au contraire, réintroduit la conception fonctionnelle du service public en inscrivant dans la loi, et non pas dans les seuls cahiers des charges, la définition des missions constitutives de l'audiovisuel public.

Cette approche est entièrement conforme à celle du protocole d'Amsterdam que vous avez cité, ainsi que le président de la commission et le rapporteur.

C'est le premier pilier d'une politique qui veut remettre en harmonie à la fois les missions du service public et ses moyens, en restaurant de manière cohérente l'identité juridique et financière du service public.

J'en viens précisément à l'identité financière.

Pourquoi avoir inscrit dans la loi la limitation de la publicité ? Le Gouvernement a considéré que la diminution de la publicité était le seul moyen de rendre au service public l'âme - je revendique ce terme - que vous aviez cherché à lui faire perdre. Les Anciens nous ont montré que les astres pouvaient déchoir. Si M. Léotard, comme l'a rappelé M. Le Garrec, a parlé d'astre mort, je crains que, sur ces bancs, on n'ait parfois confié à la télévision publique une vocation d'étoile filante plutôt que d'astre pérenne et durable.

Mme Michèle Alliot-Marie.

C'est un peu confus !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Oui, c'est volontairement que nous avons décidé d'inscrire dans la loi une telle mesure. Pour le Gouvernement et la majorité, il est essentiel que le service public ne soit pas contraint à une course à l'audience, et il est tout aussi essentiel qu'une décision qui touche à son identité même soit soumise au vote de la représentation nationale.

En matière de financement, le vote dans une loi ordinaire est une première dans l'histoire de l'audiovisuel public. La croissance et la pérennité des moyens sont liées au versement du compte d'affectation de la redevance qui exclut ces sommes de la régularité budgétaire.

Si c'était si simple, messieurs, pourquoi ne pas y avoir pensé, au lieu d'avoir diminué de 750 millions les m oyens des chaînes publiques pendant quatre ans, France 2 en particulier ayant même dépassé les 50 % de ressources commerciales, ce qui a provoqué un contentieux. Ou les chaînes publiques sont trop financées par les recettes commerciales, ou elles sont insuffisamment financées par les moyens publics ! Nous sommes donc revenus à la cohérence qui était nécessaire.

Sur la fin de l'exclusivité des chaînes publiques dans TPS, vous avez parlé d'opportunité économique sans présenter d'objection juridique touchant à la constitutionnalité de cette mesure. Je vous rappelle que la Commission se place du point de vue du droit de la concurrence et que son avis ne concerne pas spécifiquement les chaînes publiques. Sa décision a la portée d'une exception temporaire qui autorise provisoirement les actionnaires de TPS à recourir à une telle clause d'exclusivité, elle n'est en rien une obligation faite à qui que ce soit de mettre en oeuvre une exclusivité. Elle n'a donc pas de conséquences juridiques limitant le droit de l'Etat, sur la base de la conception qu'il se fait des devoirs du service public à l'égard des téléspectateurs, de remettre en cause cette clause pour France 2 et France 3 s'il le juge nécessaire.

Enfin, je terminerai par vos propos sur l'atteinte à la liberté d'expression.

Je crois que ce texte élargit et renforce les garanties sur l'indépendance et le pluralisme de l'information.

Concernant le service public, le mode d'organisation retenu est précisément celui qui a été préconisé par le Conseil d'Etat, et je ne regrette pas ce qui a été modifié entre directoire et conseil de surveillance car, ce qui m'importait, c'était l'existence et la force d'un groupe.

Sur le fond, le Conseil d'Etat a expressément approuvé l'objectif général de la réforme, une meilleure cohérence de l'action des chaînes publiques, et c'est sa rédaction qui vous est soumise aujourd'hui, s'agissant de la composition des conseils d'administration.

Quant à la survie financière des chaînes publiques, elle échappera au contraire aux aléas budgétaires annuels.

C'est en effet une obligation pour le Gouvernement de souscrire à cet article de loi.

M. Laurent Dominati. Ce n'est pas vrai.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Parlement contrôlera l'application qui en sera faite dans le projet de loi de finances.

M. Olivier de Chazeaux.

Donc ce n'est pas pérenne !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Il faudra par conséquent qu'un autre gouvernement défasse ce que celui-ci aura proposé de voter dans la loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. Laurent Dominati. Vous savez bien que non ! M. Marcel Rogemont. Les astres meurent, mais l'âme est éternelle.


page précédente page 04520page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. A l'évidence, en vous écoutant, monsieur Muselier, on sentait bien que cette exception d'irrecevabilité était d'abord un prétexte, un peu long, pour essayer de justifier votre position et, dans ce travail laborieux, j'ai été assez choqué de vous entendre insister sur la liberté de communication. Votre parti, en effet, tous les Français le savent, s'est tout de même particulièrement illustré dans l'histoire de l'audiovisuel par sa volonté quasiment emblématique, à tous les stades du développement de la télévision, de faire de celle-ci un instrument du pouvoir.

Lorsqu'on en était aux balbutiements du service public, à l'ORTF, qui ne se souvient de M. Peyrefitte intervenant directement ?

M. Laurent Dominati.

Et Lorenzi ? Et Mamère ?

M. Jean-Marie Le Guen.

Qui ne se souvient de la manière dont a été privatisée la Une et dans quelles conditions politiques ? Vous parliez tout à l'heure de la Haute autorité et de la défunte CNCL. Chacun se souvient qu'elle n'a pu survivre au scandale de la privatisation de la Une.

Mme Michèle Alliot-Marie.

Et Berlusconi, ce n'était pas Mitterrand ?

M. Jean-Marie Le Guen.

Ces dernières années, enfin, alors que l'on pensait qu'il existait une certaine forme de régulation entre le public et le privé, et qu'il était difficile d'intervenir parce que nous avions fait des réformes, notamment en confiant au CSA la nomination des responsables des chaînes publiques, qui est intervenu dans le service public et a utilisé, pour des raisons non seulement économiques mais, à l'évidence, aussi politiques, l'arme de la régulation budgétaire, privant France 2 et France 3 de plusieurs centaines de millions parce que les journaux de la télévision - M. Juppé ne s'en était d'ailleurs pas caché - avaient montré, au mois d'août, certaines images choquantes dans une certaine église ? Vous étiez donc vraiment mal venu, en tout cas au plan politique - je ne parle même pas du plan juridique d'insister sur la liberté de communication, mais je comprends que vous ayez soulevé une exception d'irrecevabilité : vous ne souhaitez pas que l'on débatte de ce texte - mais malheureusement je ne pense pas que vous aurez satisfaction, parce qu'après quelques mois de travail il apporte des réponses politiques fortes...

M. Olivier de Chazeaux.

Lesquelles ?

M. Jean-Marie Le Guen.

... qui risquent de mettre en échec votre tentation de déréglementer l'audiovisuel en France. Vous ne souhaitez pas que le service public audiovisuel de ce pays soit renforcé.

Cela vous gêne de voter une loi qui donne au service public une structure plus forte, des moyens nouveaux et une dynamique différente.

Cela vous gêne que nous soyons capables de mettre en oeuvre une régulation du secteur privé qui rassemble les différents acteurs sans qu'ils aient la velléité de protester, et qui renforce l'identité propre de l'audiovisuel dans notre pays tout en défendant notre exception culturelle.

Cela vous gêne parce que vos conceptions ultralibérales...

M. Laurent Dominati.

Qui a créé TV6 et Canal Plus ? Qui a fait mourir une chaîne ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Monsieur Dominati, vous pourrez parler pendant une heure tout à l'heure, attendez votre tour !

M. Jean-Marie Le Guen.

... que vous ne savez pas toujours mettre en cohérence, vous amènent à vouloir systématiquement nier l'exception culturelle dans notre pays et détruire le service public de l'audiovisuel.

Enfin, vous voulez éviter que nous débattions de ce texte non seulement parce que son contenu est positif, mais aussi parce que vous allez être amenés, amendement après amendement, intervention après intervention, à montrer l'incohérence parfaite de votre politique. Car vous n'êtes d'accord sur rien les uns et les autres...

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. Jean-Marie Le Guen.

... ni sur qui doit intervenir ni sur quelle orientation.

M. Laurent Dominati.

En tout cas, vous, vous êtes d'accord sur la discipline : on vous a muselés !

Mme la présidente.

Votre temps de parole est écoulé.

M. Jean-Marie Le Guen.

Je conclus, madame la présidente.

M. Michel Herbillon.

Mais ce n'est pas une explication de vote, c'est un discours !

M. Jean-Marie Le Guen.

Mais mes chers collègues, il faudra bien que vous nous disiez si vous voulez la privatisation de France 2...

M. Laurent Dominati.

Oui !

M. Jean-Marie Le Guen.

... et la suppression de certaines chaînes qui sont aujourd'hui offertes gratuitement...

M. Laurent Dominati.

Gratuitement ?

M. Jean-Marie Le Guen.

... avec, je l'espère, encore plus de qualité demain à nos concitoyens. Vous nous direz si vous êtes favorable à plus de publicité comme l'a dit M. Muselier ou si vous voulez que l'identité du service public soit renforcée.

M me la présidente.

Monsieur Le Guen, veuillez conclure.

M. Jean-Marie Le Guen.

Vous nous direz quel équilibre (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) vous voulez établir, car votre dogmatisme ne vous fait penser qu'à une seule chose : déstabiliser profondément le service public de l'audiovisuel dans notre pays.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe UDF.

M. Christian Kert.

Je conseillerai au groupe socialiste de calmer un peu M. Le Guen dont le taux d'adrénaline risque de l'empêcher de tenir jusqu'à jeudi soir. Le débat ne fait que commencer, et nous sommes déjà en train de réveiller les vieux fantômes qui hantent ce groupe dès que nous parlons d'audiovisuel.

Je dirai à Renaud Muselier que la qualité de son nécessaire rappel historique,...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il a juste oublié tous les cadavres dans les placards.

M. Christian Kert.

... sa mise en exergue du retard pris par ce projet, sa vision technique et économique fruit d'une expérience bien exploitée - et son argumentation


page précédente page 04521page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

juridique et financière, qui a peiné M. Le Guen mais qui est parfaitement fondée, conduiront le groupe UDF à voter la motion qu'il a présentée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Marie Le Guen.

Surprise, surprise ! (Sourires.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Herbillon, pour le groupe Démocratie libérale.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Si vous aviez moins de groupes, on gagnerait du temps dans les explications de vote !

M. Michel Herbillon.

Je serai moins incantatoire que notre collègue Le Guen qui est parti dans un véritable discours au lieu de s'en tenir à une explication de vote, mais c'est sans doute parce qu'il était gêné par les arguments décisifs de Renaud Muselier. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Outin.

Les comiques ne sont pas tous à la télé !

M. Michel Herbillon.

Arguments auxquels, bien entendu, le groupe Démocratie libérale s'associe. Renaud Muselier a, en effet, exposé les bonnes raisons, notamment au regard des libertés liberté d'expression, liberté de communication - qui conduisaient à soulever l'exception d'irrecevabilité. C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale la votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Marcel Rogemont.

Un peu court !

Mme la présidente.

La parole est à M. François Baroin, pour le groupe RPR.

M. François Baroin.

Je viens d'écouter, ou plutôt comme beaucoup dans cet hémicycle, de subir les propos de M. Le Guen (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), qui nous a expliqué que du temps de l'ORTF un temps que, d'après lui, on regretterait, la liberté était muselée.

Mais, monsieur le député, vous semblez l'avoir oublié, car c'est justement parce que, ce texte recrée l'ORTF que cette exception d'irrecevabilité est légitime au regard des libertés publiques - je pense notamment à l'importance de l'instance de régulation apparue depuis.

M. Renaud Muselier a rappelé avec beaucoup de bonheur les errements du texte initial, ce qui est un peu cruel pour vous, madame Trautmann, et pour vos amis qui, il faut le dire, ne vous ont pas beaucoup aidée lors de cette première rédaction.

M. Michel Françaix.

Il vaut mieux être godillot ?

M. François Baroin.

Il a évoqué la différence entre les ecteur public et le service public. Permettez-moi, madame, de vous dire qu'à ce propos nous n'avons pas été convaincus par vos arguments.

Il a souligné également les incidences douloureuses de l'intégration dans la convention collective et de la question de la publicité que vous auriez pu traiter par voie réglementaire. La présentation que vous en faites n'est qu'un cosmétique qui vous permet de « vendre » ce texte alors que la réalité est tout autre. Et il a poursuivi votre logique jusqu'à son terme : sans publicité, nous aurions plus de recettes ! Il a parlé aussi des bouquets. Vous qui considérez que les pouvoirs publics ont désormais un rôle de tutelle plus important sur le service public et sur l'audiovisuel en général, vous qui considérez que la modernisation doit conduire à la mise en place d'une structure de développement des nouvelles technologies, vous n'avez pas été capable de rapprocher les deux bouquets par satellite, ce qui aurait sans doute été favorable à nos industriels.

Par ailleurs, il a rappelé l'absence cruelle de dispositions relatives à l'audiovisuel numérique hertzien terrestre.

Enfin, ne l'oubliez pas c'est là le coeur du débat -, vous avez voulu mettre en cause l'instance de régulation avec des arrière-pensées clientélistes et électoralistes.

Mme Frédérique Bredin.

Rien que ça !

M. François Baroin.

Et vous avez d'une certaine manière voulu échapper à la loi mais, comme le Conseil d'Etat vous a claqué la porte au nez un peu brutalement, vous avez été obligée de reculer.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR votera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Frédérique Bredin.

Tout en finesse !

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour le groupe communiste.

M. Christian Cuvilliez.

Je serai bref, madame la présidente, puisque, l'expérience le prouve, les exceptions d'irrecevabilité et les questions préalables marquent à l'ouverture d'un débat, quel qu'il soit, des positions politiques qui vont s'affirmer par la suite. Nous en avons la preuve aujourd'hui avec cette motion qui prend les arguments juridiques comme un faux nez dissimulant la volonté de poser comme préalable que la télévision doit être une marchandise alors que nous voulons qu'elle soit un service et un élément de cette liberté qu'invoquait

M. Muselier.

Mme Frédérique Bredin.

Très bien !

M. Christian Cuvilliez.

Pour toutes ces raisons, et nous aurons l'occasion d'y revenir, le groupe communiste votera contre cette motion d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Noël Mamère.

Madame la présidente, mes chers collègues, n'en déplaise à mes collègues des bancs de droite pour lesquels j'ai le plus profond respect, j'ai le sentiment après les avoir entendus qu'ils ont fait le bilan de tout ce qu'ils n'avaient pu faire lorsqu'ils étaient au gouvernement et dans la majorité.

L'audiovisuel a malheureusement échappé depuis des décennies à de grandes réformes qui lui auraient permis de trouver un véritable équilibre entre le service public et le privé. En effet, si M. Giscard d'Estaing a cassé l'ORTF en 1974, sous la pression de vos amis de l'UDR qui n'était pas encore le RPR, il n'a pas osé introduire un peu de « privé » dans ce paysage. Il a divisé l'office en sept chaînes, ce qui a contribué à un véritable éclatement.

E t alors que la Grande-Bretagne et d'autres pays d'Europe étaient déjà capables d'établir un meilleur équilibre entre le privé et le public, nous avons été obligés, sous la pression des gaullistes - il y en avait encore - et de cette UDR, de rester dans le carcan du pouvoir politique.


page précédente page 04522page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

C'est la gauche qui, en 1981, a créé la Haute Autorité et qui nous a permis de disposer d'un instrument de régulation de l'audiovisuel, qui est toujours à perfectionner et qui ne trouve pas sa véritable réforme dans le projet qui nous est proposé aujourd'hui.

M. Olivier de Chazeaux.

Ah !

M. François Baroin.

Vous êtes honnête !

M. Noël Mamère.

Ce texte ne donne pas de garanties ad vitam aeternam au service public, mais il fournit du moins l'oxygène qui lui était nécessaire pour ne pas écrire la chronique de la privatisation annoncée de France 2.

Ce dont nous souffrons aujourd'hui c'est d'un sousfinancement du service public. Le mérite du Gouvernement a été de prendre conscience de notre anachronisme par rapport à d'autres grands pays européens tels que la Grande-Bretagne ou l'Allemagne.

Je souhaiterais, nous souhaiterions tous ici, que le service public français soit capable de produire de grandes émissions comme celle que nous avons été obligés d'acheter pour faire réfléchir l'opinion française aux conséquences de la guerre du Kosovo. Je veux parler de la série Yougoslavie, suicide d'une nation européenne produite par la BBC, où il n'y a pas de publicité, et qui est réellement financée par la redevance - redevance conséquente parce que tous les citoyens la paient dans un esprit démocratique.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

M. Laurent Dominati.

Diffusée d'abord sur Canal Plus !

M. Noël Mamère.

Or, aujourd'hui, ce sont des chaînes privées qui ont les moyens de produire de grandes émissions d'information. Il y a encore un énorme décalage avec le service public.

Je crois pourtant que les Français ont les compétences et le talent nécessaires pour rééquilibrer les inégalités entre le public et le privé. Mais nous n'en sommes pas encore là.

Quoi qu'il en soit, ayant entendu les arguments superficiels exprimés par Renaud Muselier, il est évident que nous ne voterons pas l'exception d'irrecevabilité. Comme l'a précisé mon collègue Cuvilliez, au cours de la discussion des amendements, les députés de la majorité plurielle auront l'occasion d'ajouter quelques pierres à cet édifice en construction.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

Mme la présidente.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants u ne question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Avant de donner la parole à M. Laurent Dominati, je précise que nous lèverons la séance à dix-neuf heures quarante-cinq, heure à laquelle M. Dominati aura sans doute terminé son intervention.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Madame la présidente, j'ai bien entendu votre demande, ainsi que celle, silencieuse, de mes collègues, de raccourcir mon propos. Les prochains jours me permettront de préciser ma pensée, s'il reste des malentendus.

Madame la ministre, une loi sur l'audiovisuel est évidemment nécessaire. D'ailleurs, nous sommes un certain nombre à en avoir réclamé une aux différents gouvernements qui se sont succédé. Il est vrai que vous avez préféré, lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, mettre la loi qui était quasiment votée au placard. C'est une habitude à la télévision, notamment à la télévision publique, je pense au bon temps de l'ORTF et la liberté d'alors évoqués par M. Le Guen. Je me rappelle aussi de 1981 et 1982. Mais on ne va pas polémiquer sur le passé.

Nous avons donc besoin d'une loi sur l'audiovisuel mais d'une loi de modernisation, je dirai même plus, d'une loi de passage d'une ère à une autre. Bien sûr, ce ne pourrait être qu'une loi imparfaite car un changement d'univers est toujours un cap difficile, mais il faudrait comme M. Renaud Muselier l'a souligné, qu'elle prenne véritablement en compte ce changement auquel la télévision est confrontée.

Tout le monde le dit, tout le monde l'écrit, nous passons à une société de l'information - la télévision n'y e st pas étrangère, elle en est un des outils principaux. Même si cela fait peur, c'est une chance pour la liberté de la communication.

Celle-ci est née avec la presse et certains orateurs ont établi un parallèle entre cette dernière et la télévision. I l est vrai qu'au départ les gazettes étaient sous l'influence du pouvoir, puis est venu, monsieur Cochet, le règne des marchands.

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Ah !

M. Laurent Dominati.

Les journaux sont devenus des produits. Et que s'est-il passé ? Un formidable élan de liberté de communication et d'expression est né.

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Oh ! là ! là !

M. Bernard Outin.

Il refait l'histoire de France !

M. Laurent Dominati.

Je comprends que le Parti communiste ne partage pas mon point de vue mais je ne compte pas sur lui pour défendre la liberté d'expression ou la liberté de communication.

Mme Janine Jambu.

Comme nous, nous ne comptons pas sur vous !

M. Christian Cuvilliez.

Vous, un produit du système libéral !

M. Laurent Dominati.

En tout cas, ce sont les lois libérales sur la liberté de la presse qui ont fait passer les journaux de l'univers du contrôle de l'Etat au contrôle du public, du public véritable, celui qui consomme - quel mot horrible ! - l'information. La télévision connaît une évolution identique : de l'ère du monopole de la télévision d'Etat, qui s'est peu à peu ouverte au privé, c'est vrai, sous la pression des technologies et des demandes des citoyens, nous sommes en train de passer à une ère de diversité et d'une ère de pénurie de fréquences à une ère d'abondance.

M. Le Garrec, M. Mathus, M. Cochet, vous-même, madame Trautmann, vous faites une analogie avec la presse ou le livre. Mais quelle maison d'édition d'Etat, quel journal d'Etat garantit le pluralisme et fait en sorte que les citoyens soient mieux informés par le Gouvernement ? Alors, essayons de voir maintenant comment on peut passer d'une situation caractérisée par une relation de pouvoir entre la télévision et l'Etat à une situation où la télévision est en relation directe avec la société, avec les téléspectateurs, contribuables et citoyens. Voilà à mon


page précédente page 04523page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

sens ce qu'aurait dû faire, ce que devrait faire la loi que nous attendions : sortir de la préhistoire télévisuelle qui, en France, est marquée par la loi de 1964 sur l'ORTF.

On risque fort de ne pas le faire en 1999 avec votre loi de retour à l'ORTF mais l'évolution de la société est telle que vous ne résisterez pas à cette demande de liberté, cette demande de plaisir, cette demande de spectacle qu'est la télévision.

On a besoin de propositions audacieuses pour la télévision.

Et le principal reproche que je ferai à ce texte n'a pas trait aux petites astuces qui font semblant de renforcer les pouvoirs du CSA. Ils ne sont pas vraiment renforcés, car vous ne renforcez rien en réalité, et vous le savez très bien, madame la ministre. D'ailleurs, la compétence que vous donnez au conseil de la concurrence, vous la retirez au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Quant au renforcement de l'audiovisuel public, c'est un faux-semblant, vous le mettez un peu plus sous la dépendance du ministre des finances, et j'y reviendrai.

Non, mon principal reproche, c'est que vous auriez dû élaborer une loi qui puisse assurer le passage d'une ère réglementaire de la télévision - 700 textes réglementaires pour l'audiovisuel, madame la ministre ! - à une ère conventionnelle avec un nouveau cadre législatif qui renforcerait, considérablement, réellement, les pouvoirs de la haute autorité qu'est le CSA.

Un vrai projet, c'est bien évidemment garantir les libertés d'accès à l'information et à la communication, les libertés d'installation et de concurrence, pour qu'il y ait de véritables concurrents. Car vous savez que la meilleure garantie du pluralisme, ce ne sont pas les textes, ce n'est pas la télévision publique, c'est la concurrence qui fait que les citoyens peuvent être informés de différentes façons.

Personne ne se pose jamais la question de l'impartialité des radios privées ! Vous ne vous plaignez pas, que je sache - je n'ai entendu personne se plaindre -, de chaînes privées comme RTL ou Europe 1 !

Mme Janine Jambu.

Ce n'est pas le débat !

M. Laurent Dominati.

Vous n'avez pas besoin de contrôle ni de textes réglementaires ou de charte déontologique. Pourquoi ? Parce qu'elles se font concurrence et que la concurrence permet à l'auditeur, au citoyen, de sentir quand on lui ment.

Votre projet de loi est en réalité empreint de conservatisme. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Car qu'avez-vous fait ? Quand vous êtes arrivée au Gouvernement, le couteau entre les dents, vous avez rejeté un projet de loi qui amorçait la transition vers une nouvelle ère.

On allait voir ce qui allait arriver aux groupes privés, à Bouygues, à La Générale et aux autres ! Et puis, vous étant aperçu que, finalement, tout pouvoir se consolidait avec les autres pouvoirs vous avez rangé votre drapeau dans votre poche !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Pas du tout !

M. Laurent Dominati.

Mais si ! Nous en reparlerons.

Nous verrons le mal que vous faites à M. Bouygues qui, pourtant, déchaînait votre fureur quand vous étiez dans l'opposition ! Nous verrons si les uns et les autres se plaignent ! D'ailleurs, se plaignent-ils ? Non ! Et ce pour une simple raison : c'est que le présent projet de loi est le même que le premier, c'est-à-dire l'ancien, celui qui a été rejeté, celui qui, finalement, avait révélé le véritable fon d de la pensée de vos amis.

Ne vous y trompez pas, ceux-ci vous ont tressé des couronnes par vertu disciplinaire, car c'est une majorité disciplinée que nous avons là ! Le Premier ministre a dit :

« Maintenant, ça suffit, que tout rentre dans l'ordre. Taisez vos critiques, monsieur Cochet, monsieur Mamère.

Ne dites plus rien, monsieur Cuvilliez. Parce que trop, c'est trop. Un échec, ça suffit comme ça ! Alors mettez votre vérité dans votre poche et sortez les lauriers ! » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mais, madame Trautmann, un proverbe dit : « De ses cornes, on en fait des fleurs. » Et c'est ce

qu'a fait la majorité !

M. Christian Cuvilliez.

Vous l'enviez, cette majorité !

M. Laurent Dominati.

Votre projet de loi actuel, c'est le même qu'il y a six mois... à une petite différence près tout de même : vous avez sorti de votre poche « l'amendement Chamberlain » ou « l'amendement Daladier », c'est-à-dire le petit bout de papier qui permettrait de garantir le financement de l'audiovisuel public. Mais vous savez que ce n'est pas vrai, car, comme vous l'avez dit vous-même, ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Eh bien, je vous annonce cette prochaine loi, madame la ministre : elle s'appelle la loi de finances et elle est discutée chaque année. C'est elle qui, tous les ans, fixe les ressources de l'audiovisuel public.

Ainsi, c'est le Gouvernement - sous le contrôle du Parlement, dites-vous, mais vous savez bien que c'est le Gouvernement qui décide du budget de la nation, y compris celui de la communication - qui, chaque année, décidera du montant du remboursement des exonérations. Je vous rappelle d'ailleurs que, cette année, pour la première fois, il est égal à zéro.

Vous pourrez, madame la ministre, vous enorgueillir d'un passage merveilleux de zéro à 1,4 milliard. Mais convenez avec moi qu'en dehors de ce petit bout de papier triomphaliste, il n'y a rien de changé dans votre projet de loi par rapport à celui qui avait mis en fureur vos propres amis car ils y avaient vu un cadeau fait au secteur privé.

Pourquoi tout cela ? Tout simplement parce que vous êtes au pouvoir et que vous n'êtes pas sortis d'une relation de pouvoir avec la télévision. Ainsi, vous aurez dans une main la télévision publique et, dans l'autre, la télévision privée par le biais du contrôle réglementaire qui vous permet d'exercer une pression sur les chaînes - je veux parler des 700 décrets qui sont de votre ressort.

A notre sens, il aurait fallu sortir d'une relation de pouvoir avec la télévision et donner leur chance aux acteurs de la télévision en pariant sur le formidable bouleversement qui vous a été décrit.

Pour cela, il aurait fallu « créer pour le secteur privé un cadre de régulation simple et efficace ». Et en disant cela, madame la ministre, je reprends un de vos propos. Vous voyez que nous aurions pu trouver les moyens permettant d'élaborer une loi consensuelle et sincère. Mais encore aurait-il fallu pour cela rechercher un véritable consensus, et parler, écrire ou légiférer avec sincérité.

« Créer pour le secteur privé un cadre de régulation simple et efficace », cela signifierait transférer ce qui relève de l'autorité gouvernementale au CSA. Le moyen est très simple : il suffirait de renforcer les pouvoirs du


page précédente page 04524page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

CSA en matière notamment de conventionnement des chaînes. Il faudrait arriver à un véritable système de régulation qui permettrait au CSA de passer d'une ère réglementaire à une ère contractuelle. Car, bien évidemment, les chaînes ne sont pas égales entre elles et le paysage audiovisuel évolue considérablement, que ce soit sous l'effet du marché, de la demande, de l'offre de programmes ou encore de la technologie. A chacun sa règle, à chacun son contrat. Vous parlez de contrats d'objectifs passés avec les télévisions publiques, mais il faudrait passer un contrat avec toutes les chaînes de télévision.

Passer de l'ère réglementaire à l'ère conventionnelle, voilà quelle aurait dû être l'ambition d'une véritable réforme de l'audiovisuel et voilà qui aurait permis d'établir une véritable relation de confiance avec les acteurs de la télévision, avec les responsables des chaînes, avec les programmateurs, ces derniers devant, aujourd'hui jongler avec les réglementations administratives, savoir si le film diffusé est américain, anglo-américain, anglo-français, franco-australien - on en a eu un exemple récent au CSA -, calculer le nombre d'heures de grande écoute et celui de non-grande écoute...

Mettons fin à cette uniformisation réglementaire qui conduit à une uniformisation des chaînes ! Ce qui justifierait tout cela, ce serait, dit-on, la protection de la culture française, la défense de l'exception culturelle. Par exemple, pour protéger le cinéma, aucun film ne sera programmé sur les chaînes hertziennes le vendredi soir et le samedi soir. Mais trouve-t-on encore quelqu'un pour croire que les gens vont au cinéma le vendredi et le samedi parce qu'il n'y a pas de film sur les chaînes hertziennes ? Mais c'est oublier Canal Plus, et les différentes chaînes thématiques. On pouvait encore le croire il y a quelques années, mais on ne le croit plus aujourd'hui.

Par conséquent, pour défendre l'exception culturelle, il ne faut pas édifier des barrières réglementaires mais permettre le développement de ce secteur qui doit se construire à partir de relations de confiance établies entre une autorité de régulation, qui a un pouvoir d'appréciation et d'adaptation, et les différents acteurs, notamment les chaînes.

Il faut élargir le pouvoir conventionnel du CSA, mais aussi le pouvoir de sanction de cet organisme. J'ai donc proposé, comme d'ailleurs un certain nombre de parlementaires socialistes et la commission, de renforcer considérablement ce pouvoir de sanction. Je veux parler de l'amendement dit « de l'écran noir », qui tend à donner au CSA la capacité d'interrompre les émissions de télévision, comme il l'a déjà en matière d'émissions de radio.

Vous avez parlé du pouvoir des citoyens. Je crois même qu'un amendement vise à instituer un conseil des citoyens. Il y a des millions de téléspectateurs chaque soir, et vous allez en choisir quarante - c'est moins que Médiamat ! Si vous voulez que le contrôle des citoyens puisse s'exercer, faites confiance à Médiamétrie. Ainsi, vous aurez la démocratie cathodique !

M. Renaud Muselier.

Très bien !

M. Laurent Dominati.

Comme le disait le président Mitterrand : « Si vous n'êtes pas content, zappez, changez de chaîne ! » Si vous voulez vraiment que les citoyens aient un pouvoir, référez-vous à l'audience. Mais l'audience, quelle horreur ! C'est le public, les citoyens qui paient ! Mais ils n'ont pas le droit de dire leur mot sur ce qui doit se passer ! C'est le Parlement, ou le ministre, qui doit définir la grille-programmation des chaînes ! Qu'est-ce donc que cette histoire ? Si vous voulez vraiment que les citoyens aient un pouvoir, faites confiance à la diversité de la programmation et, pourquoi pas, au droit de pétition des citoyens téléspectateurs.

M. Renaud Muselier.

Très bien !

M. Laurent Dominati.

Pour ma part, je suis prêt à déposer un amendement tendant à instituer un droit de pétition des téléspectateurs, ce qui est beaucoup mieux que n'importe quel conseil « bidonné », composé de personnalités choisies évidemment par les hautes autorités de la République, bref formé par « ceux qui savent », par

« ceux qui ont le droit de savoir », par ceux qui disent aux téléspectateurs-payeurs ce qu'ils doivent regarder ! S ortons de ce schéma et faisons tout simplement confiance à la télévision.

M. Renaud Muselier et M. Michel Herbillon.

Bravo !

M. Laurent Dominati.

Vous vous accrochez à l'idée selon laquelle il faut conserver un équilibre entre le secteur public et le secteur privé. Vous devez avoir de belles lunettes ! Car quand vous êtes devant la télévision, savezvous vraiment différencier les émissions des chaînes publiques et celles des chaînes privées ? Moi, je vois des images, des films, des émissions, et peu m'importe finalement s'ils ont été payés par la redevance ou par la publicité. Je ne vois pas en quoi l'équilibre entre le secteur public et le secteur privé constitue une garantie de quoi que ce soit.

La véritable question, c'est celle de la légitimité du secteur public. Ça, c'est une question intéressante. Pourquoi payons-nous la redevance ? Pourquoi payer si les programmes que l'on voit sur les chaînes de télévision publiques sont les mêmes que ceux diffusés sur les chaînes de télévision privées ? Certains l'ont déjà dit ici.

Alors, comment faut-il changer les choses pour faire en sorte que la légitimité du service public s'appuie sur des missions de service public, lesquelles ne correspondent d'ailleurs pas à l'article 1er de votre texte, madame la ministre, qui lui s'applique parfaitement aux programmes de TF1. Vous pourrez m'expliquer tout à l'heure en quoi les programmes de TF1 ne correspondent pas aux définitions des missions de service public données dans votre texte.

M. Arnaud Montebourg.

Nous allons vous l'expliquer !

M. Laurent Dominati.

Vous aurez vraiment du mal à le faire, car je constate que les programmes de TF1 correspondent exactement à ce qui est écrit à l'article 1er

M. Renaud Muselier.

C'est clair !

M. Laurent Dominati.

En fait, ce qui peut fonder la légitimité du service public, c'est la carence de l'initiative privée quand elle n'a pas les moyens de développer la concurrence et donc de garantir le pluralisme. Il est légitime qu'il y ait une chaîne de télévision de service public pour éviter un monopole de fait d'une chaîne privée.

Donc, quand le privé n'est pas là, il est légitime que le public supplée à son absence.

Mais quand le développement des investissements, celui des images et celui du secteur permettent l'éclosion de chaînes privées, il faut chercher la légitimité du secteur public ailleurs.


page précédente page 04525page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Le président de la commission des affaires culturelles l'a bien expliqué : la légitimité du service public repose sur le fait de réaliser des émissions différentes du privé ou de faire le même type d'émissions, mais de façon différente.

Mme Catherine Génisson.

C'est vrai, sinon cela n'aurait aucun intérêt !

M. Laurent Dominati.

Si on ne voit pas la différence, le secteur public n'a pas de véritable légitimité et il n'y a pas de raison de payer ! Pour ma part, je crois que le secteur public sera légitime tant que le privé ne sera pas capable de tout couvrir.

Vous avez pris l'exemple de la BBC. Mais celle-ci s'est justement interrogée sur sa légitimité et sur la légitimité de ses missions de service public. Entre 1990 et 1992, elle a procédé à une immense enquête pour savoir en quoi elle était légitime, et elle a trouvé quatre raisons.

La première de ces raisons est une information pluraliste et impartiale. Dois-je vous dire que je ne trouve pas toujours que la télévision publique soit le meilleur exemple de télévision d'information pluraliste et impartiale ? Un orateur a dit qu'il y avait une télévision d'Etat.

En ce qui me concerne, je trouve que c'est une télévision dont la rédaction est soumise à l'autogestion des différents syndicats, qui sont plus proches de vous que de nous. Je le dis comme je le pense, parce que, parfois, j'en ai un peu assez de payer une redevance pour voir caricaturer les positions qui sont celles des groupes libéraux !

Mme Frédérique Bredin.

S'ils ne vous comprennent pas, nous n'y pouvons rien !

M. Laurent Dominati.

Vous voulez un exemple ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

C'est l'indépendance de l'information !

M. Laurent Dominati.

C'est l'indépendance de l'information, quand cela vous arrange, madame la ministre !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais non !

M. Laurent Dominati.

Moi, je suis favorable à une indépendance totale. Vous, vous êtes pour une indépendance quand cela vous arrange...

M. Arnaud Montebourg.

L'indépendance de Bouygues !

Mme la présidente.

Monsieur Montebourg !

M. Laurent Dominati.

Nous allons voir ce que vous allez faire, s'agissant de Bouygues !

M. Arnaud Montebourg.

L'indépendance de Bouygues ! Quelle honte d'entrendre cela !

M me la présidente.

Monsieur Montebourg, vous n'avez pas la parole...

M. Arnaud Montebourg.

Je la prends, madame la présidente !

Mme la présidente.

Monsieur Montebourg, silence, vous n'avez pas la parole !

M. Arnaud Montebourg.

C'est une honte, monsieur Dominati !

M. Laurent Dominati.

Quelle honte ? Mais si vous en voulez à Bouygues, faites quelque chose ! Vous n'êtes pas gêné par Anne Sinclair, que je sache !

Mme la présidente.

Monsieur Montebourg, respectez notre règlement.

M. Arnaud Montebourg.

Sanctionnez-moi, madame la

présidente

!

Mme la présidente.

Je vous rappelle à l'ordre, monsieur Montebourg !

M. Laurent Dominati.

Eh bien, moi, je le dis comme je le pense, à France 3 comme à France 2, les rédactions sont autogérées par les syndicats !

M. Arnaud Montebourg.

C'est une honte de dire cela ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

De même, les recrutements sont faits en concertation avec les syndicats.

M. Arnaud Montebourg.

C'est honteux de tenir de tels propos !

M. Laurent Dominati.

La honte, elle est là, monsieur Montebourg !

M. Arnaud Montebourg.

Vous voulez que je vous lise les mises en demeure du CSA ? Plusieurs députés du groupe communiste.

Oh oui !

M. Laurent Dominati.

Faites-le, et on verra ce que fait le Gouvernement.

Cessez ce cinéma, monsieur Montebourg. Vous vous entendez parfaitement avec TF 1 et avec Bouygues ! Arrêtez de faire votre cinéma contre les grands groupes, vous marchez main dans la main, et vous vous en satisfaites pleinement !

Mme Frédérique Bredin et M. Arnaud Montebourg.

C'est difficile d'entendre n'importe quoi !

M. Laurent Dominati.

En revanche, je dis que la télévision publique n'est pas la meilleure garantie du pluralisme et de l'impartialité. D'ailleurs, il serait intéressant de savoir comment se font les engagements de pigistes, par exemple dans les stations régionales de France 3.

M. Renaud Muselier.

Bien sûr !

M. Arnaud Montebourg.

C'est honteux ! Vous mettez en cause l'indépendance du service public !

M. Laurent Dominati.

Tout le monde sait ici comment a lieu ce recrutement. Et si je fais cette mise en cause, c'est parce que j'en ai le droit,...

Mme Frédérique Bredin.

Vous n'avez aucun droit ! C'est honteux d'entendre cela !

M. Laurent Dominati.

... c'est parce que j'use de mes prérogatives de représentant de la nation et c'est parce qu'un certain nombre de gens qui paient en ont assez d'entendre ce qu'ils entendent à longueur de temps et de voir comment les recrutements se font ! Je le dis comme je le pense ! Et je vous mets au défi de me prouver le contraire de ce que je dis !

M. Arnaud Montebourg.

Et la mosquée de Casablanca construite par Bouygues grâce aux reportages de TF 1 ?

M. Laurent Dominati.

Qu'il y ait des télévisions socialistes comme des journaux socialistes, ce n'est pas grave, car, moi, je suis un libéral et je suis pour que toutes les pensées puissent s'exprimer, y compris dans L'Humanité

M. Patrick Malavieille.

Encore heureux !

M. Arnaud Montebourg.

Vous êtes libéral à la sauce Bouygues, monsieur Dominati !


page précédente page 04526page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Laurent Dominati. Et pourquoi pas une télévision communiste ? M. Patrick Malavieille. Cela vous ferait du bien de lire L'Humanité ! M. Laurent Dominati. Il m'arrive de la lire et d'y trouver des choses intéressantes concernant la discipline majoritaire.

Mme Catherine Génisson. Ça vous va bien de dire ça ! M. Laurent Dominati. Ah ! comme ce serait bien si les communistes étaient libres de leur parole ! M. Edouard Landrain. Eh oui ! M. Renaud Muselier. Ils n'en ont jamais eu l'habitude ! C'est culturel chez eux ! M. Patrick Malavieille. Avec M. Juppé, vous étiez des toutous ! M. Laurent Dominati. Mais cela, c'est du domaine du rêve. Bref, fermons la parenthèse et revenons à la télévision et aux missions du service public.

Ces missions sont définies en ce qui concerne la BBC, mais elles ne le sont pas dans l'article 1er de votre projet de loi. C'est embêtant dans la mesure où la Commission de Bruxelles, honnie par quelques-uns des intervenants précédents pour son ultra libéralisme, vous demande, madame la ministre, de distinguer, au sein même des télévisions publiques, le financement des missions de service public et le reste. En effet, elle considère que, à partir du moment où les chaînes publiques sont dans un secteur concurrentiel et font la même chose que les chaînes privées, le fait qu'elles bénéficient d'une enveloppe budgétaire au 1er janvier de chaque exercice peut provoquer une distorsion de concurrence que seule peut justifier une définition précise des missions de service public.

Mme Frédérique Bredin. Mais elles sont définies ! M. Laurent Dominati. Voilà ce qu'il faudrait faire ! M. Gilbert Gantier. Absolument !

M. Laurent Dominati.

Vous avez tout loisir de le faire, et d'ailleurs vous y serez obligée.

Pour ma part, je crois que la véritable solution au problème de la légitimité du service public réside dans la restructuration de celui-ci. Ce n'est pas moi qui suis à l'origine de cette idée : elle a été développée dans plusieurs articles publiés par différents spécialistes de l'audiovisuel.

Mme Frédérique Bredin. C'est mieux que la vente par appartements ! M. Laurent Dominati. Oh, s'agissant de vente, moi, je ne le ferai pas de façon hypocrite en faisant bénéficier les groupes privés de 2,5 milliards de publicité supplémentaires et en prévoyant que, au cas où cela ne marcherait pas, France Télécom puisse entrer dans le capital de France 2.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Tout le monde ici sait que c'est ce que vous aviez prévu en catimini.

Mme Frédérique Bredin. N'importe quoi !

M. Laurent Dominati.

Démentez-le ! Revenons-en à la légitimité du service public. Comment peut-on dépenser dix-huit milliards - qui feront bientôt vingt milliards, soit autant que la somme dont dispose la BBC qui, elle, ne comprend pas que la télévision - pour faire passer à l'antenne de véritables émissions de service public ? A mon sens, cela n'est possible que s'il y a moins de chaînes et moins de structures.

Vous avez une bonne idée - qui n'est pas exclusivement la vôtre d'ailleurs - qui consiste à vouloir regrouper l'ensemble dans France Télévision. Mais vous le faites en recréant un système de conseils d'administration qui, d'après certaines de mes informations, obligera le futur président à assister à environ 200 réunions statutaires par an. Je voudrais savoir comment le prochain président pourra assister à tous ces conseils d'administration et respecter toutes les contraintes obligatoires auxquelles il sera soumis de par son statut. Tournez-vous vers vos conseillers, madame la ministre : s'ils ne vous l'ont pas dit, eux le savent.

La question du périmètre de l'audiovisuel public est posée. Nous ne pouvons pas continuer à financer autant de chaînes. De même, il n'est pas possible qu'il y ait toujours aussi peu de différences entre France 2 et TF

1. C'est pour cela que j'ai proposé - et ça vous fait plaisir, car cela vous donne l'occasion de pouvoir enfin taper sur la droite - la privatisation de France 2.

Mme Frédérique Bredin.

Enfin, on sait ce que pense la droite !

M. Laurent Dominati.

La privatisation de France 2 est une excellente idée, et je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Là encore, il faut passer de la télévision d'Etat à la télé vision du citoyen. Vous critiquez les privatisations, mais vous en faites plus que nous. Vous dénoncez la « grande erreur » qu'a constitué la privatisation de TF1 mais, que je sache, vous ne l'avez pas renationalisée. Alors, là aussi, arrêtez ce cinéma, car vous avez été au gouvernement longtemps après cette privatisation et vous n'avez rien changé ! Venons-en maintenant au vaisseau amiral de l'audiovisuel public qu'est France 2. Cette chaîne se caractérise par une perte d'identité et une confusion avec TF 1. Elle procède elle aussi à l'achat de films américains ; or, si vous voulez défendre l'exception culturelle, commencez par faire en sorte que l'argent des contribuables français serve à financer l'achat de films français et interdisez, comme je l'ai proposé, la diffusion de films américains sur les chaînes du secteur public, et on verra de la sorte qui défend vraiment alors le secteur public, son identité et sa différence ! Je propose de passer de la télévision d'Etat France 2 à la télévision du citoyen, non pas en la vendant à tel ou tel groupe - à Seydoux ou à quelque autre - mais en la rendant à ceux qui l'ont faite, à ceux qui la regardent, c'est-à-dire aux citoyens-téléspectateurs-contribuables. J'ai donc proposé une augmentation du capital de France 2 avec une distribution d'actions gratuites à tous les contribuables qui payent la redevance et un processus de privatisation sur cinq ans au terme duquel 40 % du capital seraient distribués gratuitement à tous les contribuables, 10 % attribués au personnel - participation intéressante que l'on pourrait même augmenter -, 30 % au secteur privé, les 20 % restants étant conservés par l'Etat. Et ce n'est qu'au terme de ces cinq ans - voyez ma prudence libérale - qu'on verrait si l'on peut ou non privatiser totalement, en fonction de l'évolution du paysage audiovisuel et du marché publicitaire, car, évidemment, il ne faut pas perturber ce monde en pleine évolution et en pleine mutation.

Cela ne vous ferait pas perdre de moyens pour l'audiovisuel public, mais vous permettrait, au contraire, de les concentrer sur le secteur public recentré sur ses missions : ARTE, La Cinquième, France 3, la télévision éducative, culturelle, régionale et de proximité. Voilà ce que pour-


page précédente page 04527page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

rait faire le secteur public avec les quelque 20 milliards de francs qu'il reçoit chaque année, et cela ne coûterait rien au budget de l'Etat. Au contraire, cela contribuerait à une libéralisation, à une ouverture du marché qui permettrait des programmes différents.

J'en viens maintenant aux programmes. Dimande dernier étaient diffusés sur France 2 un film américain et sur France 3 un téléfilm britannique et ensuite un film américain, d'ailleurs excellent - il s'agissait de Blade Runner , un film de haute culture futuriste. C'est sans doute la défense de l'exception culturelle qui conduit le service public à donner quasiment tous les dimanches soirs cette m anne aux producteurs américains, puisque, avant, France 2 diffusait la série Urgences tous les dimanches soirs.

Vous me direz que l'on se rattrape en semaine. C'est vrai : des films français passent aussi, et ils passent bien, qui sont produits par les télévisions publiques. Ce lundi, c'est-à-dire hier, si j'en crois le programme que vous pouvez tous consulter dans vos journaux, on a diffusé Cobra et Chicago Blues. Ces deux films méritent-ils le même lyrisme que le président de la commission a exprimé tout à l'heure à propos du remarquable reportage sur l'orchestre de Birkenau ? Si vous pouviez recentrer les moyens de l'Etat, ceux des redevanciers, sur un secteur déterminé, vous pourriez avoir une véritable production française, des investissements et des programmes français, au lieu de cette dispersion qui fait que France Télévision est en concurrence permanente avec TF 1 et M 6 pour acheter des films américains, ce qui me semble totalement absurde. (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je passerai sur les animations - avec Patrick Sébastien et les grandes émissions politiques, dont je voulais dire quelques mots, mais j'ai dit déjà ce que j'en pensais.

Vous verrez ce jeudi Strauss-Kahn sur une chaîne et François Hollande sur une autre.

M. Alain Fabre-Pujol.

C'est déjà mieux que Patrick Sébastien !

M. Laurent Dominati.

A vos téléviseurs ! Vous avez la garantie que le Gouvernement pourra être content de sa télévision. (Sourires.)

Mais venons-en à ce que l'on pourrait faire en termes de programme.

Je tiens à vous rappeler, mes chers collègues, que, sur les vingt milliards de francs que vous votez pour l'audiovisuel, trois milliards de francs seulement vont aux programmes. Voilà pourquoi, en dehors même du service public, des missions de service public peuvent être assurées par des chaînes privées. Rien n'interdit, dans les conventions passées avec le CSA, de prévoir pour les chaînes privées des missions de service public. D'ailleurs, de telles obligations existent déjà.

Le président de la commission a parlé des différentes émissions culturelles. Mais il y a des chaînes culturelles qui ne sont pas des chaînes publiques, et il y a même une chaîne de l'emploi. Nous aussi, nous avions une chaîne de l'emploi. Rappelez-vous ! Quand je dis « nous », je veux parler de la majorité qui se trouvait alors à la droite de l'hémicycle. Eh oui ! Nous avions créé une chaîne de l'emploi ! Elle avait coûté 60 millions de francs pour trois mois. Mais elle s'est interrompue. Il est vrai que c'était une chaîne expérimentale. Maintenant, il en existe une a utre, avec un budget beaucoup moins important - 10 millions de francs environ -, qui est faite par Canal Plus.

Voilà un exemple de ce qu'aurait pu faire le secteur public - mais votre responsabilité n'est pas engagée car vous n'étiez alors pas au pouvoir - et de ce qu'a fait le privé à moindre coût et sans rien coûter au budget de l'Etat. Or il s'agit d'un service qui, alors qu'il n'était même pas prévu par une convention ni demandé par qui que ce soit, a pourtant été réalisé ! Comme la présidente me presse...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Elle n'a rien dit !

M. Renaud Muselier.

Elle a pensé très fort !

Mme Catherine Génisson.

Elle a transmis un influx !

M. Laurent Dominati.

Nous pourrions passer au vote avant la levée de séance...

Mme la présidente.

Non, il aura lieu au début de la prochaine séance.

M. Laurent Dominati.

Soit ! Mais il sera sans surprise...

Mme Frédérique Bredin.

C'est parce que vous n'avez pas été convaincant !

M. Laurent Dominati.

Je reviens sur ce que l'on pourrait faire en matière d'industrie des programmes.

La première chose que l'on devrait faire dans la loi, c'est renforcer l'industrie des programmes. Mais vous ne le faites pas ! Il n'y a rien dans votre texte qui permette un véritable renforcement des programmes et vous ne changez aucune des règles qui conduisent à l'uniformisation des investissements des différentes chaînes.

Que se passe-t-il actuellement pour les sociétés de production télévisuelle ? Quel que soit le succès de leurs produits, elles ne gagnent rien. Que vaut la société de production Hamster, qui produit Navarro, série que vous connaissez tous ? Ce que vaut son principal animateur, qui est déjà d'un âge respectable et qui a déjà connu un grand succès. De quoi son fonds est-il constitué ? De quasiment rien. Elle a été rachetée récemment et elle pourrait être revendue prochainement, mais à quel prix ? Vous prétendez lutter contre l'hégémonisme américain en matière culturelle. Mais n'importe quelle société de production américaine rachète quand elle le veut les trois premières sociétés de production françaises ! A quoi serviront les différents quotas, les différentes protections, les différents étendards en faveur de l'exception culturelle ? Tout cela ne veut absolument rien dire ! Ce qu'il faut, en revanche, dans une société économique de l'audiovisuel, c'est renforcer les sociétés de production, notamment leurs fonds, c'est-à-dire leurs programmes et leurs capitaux propres.

J'ai fait à cet égard une proposition, mais on peut en faire d'autres. Quant à vous, et c'est ce que je vous reproche, vous ne proposez rien du tout. Comme l'a dit Renaud Muselier, vous évitez les sujets importants.

Je propose en ce qui me concerne une distinction radicale entre les droits de diffusion et les droits de production. Je souhaite que l'on ne puisse acheter que des droits de diffusion, quitte à ouvrir la possibilité pour les diffuseurs - car il est finalement de leur intérêt d'investir beaucoup plus dans toutes les sociétés de production -, en faisant sauter un certain nombre de seuils.


page précédente page 04528page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

En procédant de la sorte, vous feriez naître de véritables sociétés de production, qui auraient un fonds, un capital, et qui agiraient, certes, dans l'intérêt des diffuseurs, mais avec une réelle indépendance car elles seraient maîtresses chez elles.

En outre, il convient évidemment d'ouvrir les différents marchés, comme celui de la télévision numérique terrestre, sujet sur lequel je ne reviendrai pas car il a déjà été largement abordé et il le sera encore par les orateurs qui me suivront.

Il faut aussi assouplir le régime de la réglementation du câble. Vous le faites, et c'est très bien.

Il convient également de mettre fin au monopole historique de TDF. Pourquoi n'en parle-t-on pas ? TDF est maintenant une filiale de France Télécom et elle compte 30 % d'actionnaires privés. Vont-ils garder leur monopole sur les télévisions publiques ? Pourquoi conserveraient-ils ce monopole qui est un héritage ? Pourquoi ne pas en parler ? Pourquoi ne pas oser évoquer le sujet ? Pourquoi rester dans ce conservatisme frileux ? Parce qu'il s'agit de l'Etat, d'une tradition étatique, et que la mettre en cause dérangerait un certain nombre de personnes ? Eh bien, non ! Commençons au contraire par rouvrir les marchés ! Rouvrons le marché de la télévision locale ! Mais, pour ce faire, il importe de s'interroger sur la possibilité, pour la distribution, de faire de la publicité sur les télévisions locales.

Il faut aborder ces divers sujets. On peut être en désaccord, avoir des approches différentes, mais il faut en parler. Sinon, vous n'aurez jamais de relation de confiance avec les investisseurs. Et c'est bien ce que je vous reproche.

Votre texte ne traduit de démarche de confiance ni visà-vis des chaînes privées, ni vis-à-vis des investisseurs, ni vis-à-vis du marché, car il y en a un et il faut qu'il y en ait un...

M. Christian Cuvilliez.

Ça y est, le mot est lâché !

M. Laurent Dominati.

Le marché est une garantie, par la concurrence, de la liberté et de l'innovation. C'est le marché, c'est la concurrence, qui font que l'on a des programmes différents, des télévisions différentes, des informations équilibrées, de l'innovation dans les différents produits.

Regardez ce qu'a fait Canal Plus, chaîne privilégiée au départ, sans doute grâce à la mansuétude de la gauche. Et c'est tant mieux car, finalement, c'est une superbe société qui a réussi à mettre en oeuvre le multiplexage Canal Plus Bleu, Jaune et Vert. Comment a-t-elle fait ? Elle a réussi parce qu'il n'existe pas de texte réglementaire, madame la ministre. S'il y en avait eu un, s'il y avait eu une loi, si le Parlement, ou le Gouvernement, s'était soucié d'élaborer un cadre réglementaire adapté, jamais Canal Plus n'aurait réussi à mettre au point ce produit, qui rencontre un réel succès et qui est la preuve d'un réel développement.

La question n'est donc pas celle de l'équilibre entre le public et le privé, mais celle du véritable renforcement des moyens du secteur public, par un recentrage de ses missions. Son financement peut se faire soit par la redevance, soit par l'impôt, mais ses différents moyens doivent être concentrés si l'on veut avoir des programmes différents. En revanche, on doit laisser une plus grande liberté, une très grande liberté, au secteur privé. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.) Voilà ce qu'il serait convenu de faire dans une véritable loi : abandonner le pouvoir ministériel au profit du pouvoir du CSA, prévoir des conventions cadres avec les différents acteurs pour avoir une adaptation souple, faire confiance à l'industrie des programmes et donc faire sauter un certain nombre de verrous réglementaires.

Voilà, madame la ministre, ce que vous ne faites pas parce que vous êtes finalement du côté du conservatisme,...

M. Gilbert Gantier.

Eh oui !

M. Laurent Dominati.

... du côté de la crainte. Et l'on vous comprend : après ce qu'ont dit vos amis, après ce que vous aviez annoncé, après la querelle idéologique que vous aviez engagée avec les différents groupes de communication, vous avez eu finalement raison de renoncer à votre projet car la France a besoin de grands groupes de communication, elle a besoin d'un secteur public qui se concentre sur ses missions et qui fasse des émissions de qualité. Mais votre loi n'y prépare pas : elle ne prépare ni le secteur public, ni les groupes privés, ni l'avenir de la télévision. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, au nom de mon groupe, une question préalable que je vous demande, mes chers collègues, d'adopter.

Madame la ministre, vous avez déjà renoncé à un projet une fois, puis une deuxième. Je souhaite que la troisième fois soit la bonne ! Nous pourrions alors nous mettre autour d'une table, travailler sereinement de façon consensuelle, regarder les différents programmes, et je suis sûr qu'avec des hommes et des femmes de bonne volonté, nous arriverions à un texte loyal, sincère et intéressant pour la télévision du

XXIe siècle.

Merci de répondre à ma proposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, la brièveté de M. Dominati nous permet de respecter l'horaire.

M. Laurent Dominati.

J'ai respecté mon temps de parole !

Mme la présidente.

Tout à fait, monsieur Dominati, et je vous en fais le compliment.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi no 1187 et lettre rectificative no 1541, modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication :


page précédente page 04529

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Didier Mathus, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1578) ; M. Yves Cochet, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis no 1586).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT