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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

1. Dépôt d'une motion de censure (p. 4533).

2. Liberté de communication. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 4533).

QUESTION PRÉALABLE (suite) Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication ; MM. le président, Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Michel Françaix, Renaud Muselier, Christian Kert, Michel Herbillon, Christian Cuvilliez, Noël Mamère. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 4536)

MM. Christian Kert, Roger-Gérard Schwartzenberg, Michel Herbillon, Michel Françaix, Olivier de Chazeaux, Christian Cuvilliez, Pierre-Christophe Baguet, Georges Sarre, Mme Frédérique Bredin,

M.

François Baroin,

MM. Daniel Paul, Henri Plagnol, Patrice Martin-Lalande, Patrick Bloche, Léonce Deprez, Ernest Moutoussamy, Mmes Françoise de Panafieu, Huguette Bello,

MM. Edouard Landrain, Jean-Marie Le Guen, Henri Nayrou, Daniel Marsin, Germinal Peiro.

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

3. Dépôt de rapports (p. 4566).

4. Dépôt d'un projet de loi modifié par le Sénat (p. 4566).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 4566).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

(1) Le texte de cette motion de censure et la liste des signataires sont publiés en annexe au compte rendu de la présente séance.

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 DÉPÔT D'UNE MOTION DE CENSURE

M. le président.

Conformément à l'article 153 du règlement, j'informe l'Assemblée que M. le président a reçu le 18 mai 1999, à vingt heures vingt, une motion de censure déposée par MM. Philippe Douste-Blazy, JeanLouis Debré, José Rossi et quatre-vingt-trois membres de l'Assemblée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.

La motion de censure a été notifiée au Gouvernement et affichée (1).

L a conférence des présidents a fixé au mardi 25 mai 1999, après les questions au Gouvernement, la date de la discussion de cette motion de censure.

2

LIBERTÉ DE COMMUNICATION Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (nos 1187, 1541, 1578, 1586).

Question préalable (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a interrompu ses travaux après la présentation de la question préalable de M. José Rossi.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Je souhaite aborder trois points à la suite du propos qu'a tenu M. Dominati.

Mme Frédérique Bredin.

Il n'est pas là !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Celui-ci fut tout à fait explicite : « Il n'y aura de légitimité du public que tant que le privé ne pourra tout couvrir. »

M me Frédérique Bredin.

Il ne respecte pas les citoyens !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

C'est ainsi que M. Dominati présentait le public : en voie systématique de restriction ou de réduction ! Pour lui, seul le privé peut exister sur les ondes, qu'elles soient hertziennes classiques, analogiques ou numériques.

M. Dominati a aussi longuement évoqué la liberté de communication. Pourtant, il préfère que le service public soit soumis à la pression commerciale. Et il lui refuse l'indépendance et l'équilibre qui pourrait s'instaurer entre une limitation des recettes commerciales procurées par la publicité et la responsabilité pleinement assumée par l'Etat actionnaire, qui fournit d'ailleurs plus de la moitié des recettes publiques.

Enfin, M. Dominati nous a dit qu'il présentait un contre-projet, passant par une sorte de « privatisation populaire ». Il utilise ainsi ceux qui financent la redevance pour cacher une véritable opération de privatisation.

Il réserverait 20 % à l'Etat dans l'actionnariat des chaînes publiques du groupe France Télévision, 10 % au personnel et 70 % aux Français qui bénéficieraient d'actions gratuites. Et au bout de cinq ans, on jugerait s'il est ou non nécessaire de privatiser ! Je tiens à faire remarquer qu'ouvrir le capital dans de pareilles proportions reviendrait d'ores et déjà à une véritable privatisation justifiant la saisine de la commission compétente.

Par ce contre-projet qui passe par la privatisation de France 2, M. Dominati refuse l'équilibre que nous préconisons : une économie mixte audiovisuelle, avec des chaînes publiques dynamiques faisant contrepoids à des chaînes commerciales privées. Pourtant, le protocole d'Amsterdam, voté à l'unanimité par les gouvernements, affirme la souveraineté des Etats pour organiser et financer le service audiovisuel public.

J'ai relevé enfin que M. Dominati n'avait pas évoqué du tout l'indépendance de l'information vis-à-vis des intérêts économiques des actionnaires, indépendance qu'assure précisément le projet de loi que je vous soumets. Il nous a même accusés de nous en prendre à la liberté et à l'indépendance de l'information ! Or plutôt que de recourir à des mesures de coercition, le Gouvernement a préféré renforcer le pouvoir du CSA qui recueillera et vérifiera les informations fournies par les groupes privés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Madame la ministre, votre réponse sera transmise à M. Dominati, dont il est encore plus regrettable qu'il ne soit pas là pour écouter ses collègues de l'opposition.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Didier Mathus, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La question préalable défendue par M. Dominati est bien sûr aux antipodes des orientations retenues par la commission.

Mme Frédérique Bredin.

On parle avec un fantôme !

M. Didier Mathus, rapporteur.

Malgré tout, c'était un grand plaisir d'écouter M. Dominati dont les propos reflétaient, avec cohérence, l'archaïsme de sa pensée dans le domaine de l'audiovisuel. Le dogmatisme libéral massif dont il a fait preuve sonnait comme lors d'un congrès du parti conservateur anglais dans les années quatre-vingt.

(Sourires.)

Quand M. Dominati entend le mot « service public », il sort son revolver ! (Sourires.)

Mme Frédérique Bredin.

Absolument !

M. Didier Mathus, rapporteur.

M. Dominati nous a appelés à communier avec lui dans la religion du marché.

Pour aller jusqu'au bout de sa pensée,...

M. René Dosière.

Mais il n'a pas de pensée !

M. Didier Mathus, rapporteur.

... qui possède encore une grande force et une grande cohérence, il devrait recommander la dissolution de l'Assemblée nationale ets on remplacement par un conseil d'administration ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux explications de vote sur la question préalable.

La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix.

Dès qu'il s'agit de communication et donc de liberté d'expression, dès qu'il s'agit de culture et donc de diversité et d'identité, on peut comprendre que l'opposition soit mal à l'aise. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement de la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela la dérange ! En effet, toutes les grandes avancées des vingt dernières années sur ce terrain ont été accomplies par la gauche ! L'ouverture à la concurrence et l'abolition du monopole, c'est la gauche ! La création d'une Haute Autorité, c'est-àdire d'une institution indépendante qui protège le secteur de la mainmise du pouvoir, comme le raconte si bien

M. Peyrefitte, du temps où, lui, surveillait l'information, c'est la gauche ! L'invention du principe de l'exception culturelle qui a été retenu par toute l'Europe devant la volonté hégémonique des Etats-Unis, c'est la gauche ! Le système de financement sans lequel aujourd'hui il n'y aurait plus de cinéma français, c'est la gauche !

M. Michel Herbillon.

Et Berlusconi ? Et Canal Plus ? Et La Cinq ?

M. Michel Françaix.

Voilà pourquoi il n'est pas facile, pour un porte-parole de la droite, de s'exprimer sur le terrain des faits. Il lui reste alors une autre possibilité : celle qui consiste à se placer sur le terrain idéologique.

Haro sur le service public ! Voilà la logique des ultralibéraux. Depuis qu'avec vos amis vous avez privatisé TF 1 et déséquilibré tout notre paysage audiovisuel, vous rêvez de finir le travail ! Vous dites que le numérique est votre priorité, vous qui n'avez rien fait dans ce domaine de 1993 à 1997, vous qui n'avez pas même été capables de donner un cadre législatif au satellite. Permettez-moi de sourire devant ce ralliement tardif. La seule chose que vous avez essayé de rendre virtuelle, c'est le service public ! Depuis que M. Léotard a tordu le cou à la Haute Autorité qui, pour la première fois en France, dressait un écran entre le pouvoir politique et les médias, vous rêvez de retrouver les mains libres. Et depuis que vous avez privatisé TF 1, vous rêvez de revenir au bon vieux temps du monopole, mais qui serait cette fois le monopole de la télévision commerciale.

Au moins, avec vous, les choses sont claires : vous ne reconnaissez à la télévision qu'un seul maître : l'argent ; qu'une seule fonction : le profit ! Mais je voudrais vous dire quelque chose qui vous indifférera peut-être : la télévision, et singulièrement la télévision publique, ce doit être autre chose. C'est plus de trois heures en moyenne par jour de la vie de nos concitoyens ; c'est la principale source d'informations en même temps que la fenêtre ouverte sur le vaste monde. C'est le creuset des sensibilités, de la dimension citoyenne de notre société, en même temps que l'un de ses plus sûrs fédérateurs.

J'ai la faiblesse de croire que le plus important, c'est de réussir, par un programme bien fait, à faire découvrir à un jeune la poésie de Racine, la magie de Mozart ou l'émotion d'un Comencini. C'est plus important socialement, plus utile à la communauté des citoyens libres de ce pays, de préserver cet instrument-là que de déverser du feuilleton américain au kilomètre, comme trop souvent les télévisions commerciales le font déjà - ce qui est du reste leur droit et leur affaire. La mienne, la nôtre en tant que représentants du peuple, c'est de défendre la liberté d'accès des Français à une télévision affranchie des considérations mercantiles.

Décidément, vous n'avez pas de chance avec la gauche.

Vos grands anciens voulaient faire de l'audiovisuel la voix de la France, c'est-à-dire « leur » voix. Nous l'avons l ibéré. Vous voulez aujourd'hui brider la télévision publique ou, devrais-je plutôt dire, vous voulez la brader ! Eh bien, nous allons la remettre en ordre de marche.

C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, nous rejetterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Renaud Muselier.

M. Renaud Muselier.

Moi, je trouve que Laurent Dominati a été très bon : il a exprimé avec talent un certain nombre de choses. Il a très rapidement rappelé l'histoire un peu délicate de ce projet qui a été présenté, retiré, représenté,...

Mme Nicole Bricq.

Vous rêvez !

M. Renaud Muselier.

... critiqué et ensuite condamné par un certain nombre de professionnels, par le CSA, par le Conseil d'Etat et par la Commission européenne. Il a démontré que ce dispositif n'était qu'une série de bricolages et que ce texte n'avait pas de fond, pas d'ambition ni de souffle.

Quand vous défendez le service public, monsieur Françaix, allez jusqu'au bout de votre logique. Si France 2 et France 3 ne doivent plus passer des feuilletons américains, qu'elles ne les achètent plus ! Qu'elles fassent leurs propres programmes. Qu'elles en trouvent les moyens financiers !

M. Michel Françaix.

On va les trouver maintenant !

M. Renaud Muselier.

Vous en êtes absolument incapables !

M. Rudy Salles.

On en reparlera, monsieur Françaix !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Renaud Muselier.

Et parce que vous en êtes incapables, vous bricolez le système. Mais vous risquez de tuer le service public, malgré vos pieuses intentions. Et d'aller à l'encontre de ce que vous jugez souhaitable.

C'est ce qui est absolument incroyable dans votre philosophie ! Vous refabriquez donc un ORTF, vous refabriquez un outil enfermé dans un carcan administratif, lourd, dur, rigide, archaïque, dans lequel le personnel n'a aucune possibilité de s'épanouir. Vous allez empiler les strates, avec toutes les difficultés que cela représente. Moyennant quoi, vous aboutirez à un système totalement incompatible avec l'explosion des multimédias, de la communication, avec les nouvelles technologies. Vous faites exactement l'inverse de ce qu'il faudrait.

C'est la raison pour laquelle M. Dominati, avec beaucoup de talent, beaucoup de brio et avec le panache qui est le sien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) a défendu la question préalable. Et nous la voterons.

(Applaudissements sur les bancs du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Frédérique Bredin.

Dommage qu'il ne soit pas là pour entendre le compliment !

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

En écoutant M. Françaix défendre le service public, je pensais à Martin Luther King disant :

« J'ai fait un rêve »...

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas une mauvaise référence !

M. Christian Kert.

C'était superbe ! Mais c'était oublier quelques erreurs dues à la gauche.

M. Michel Françaix.

Non, les vôtres !

M. Christian Kert.

C'était oublier l'appel à M. Berlusconi. C'était oublier La Cinq. C'était oublier Canal Plus, chaîne à laquelle vous avez accordé des prérogatives que vous auriez condamnées si nous les avions nous-mêmes données au titre d'un « libéralisme dévoyé ».

Comme Renaud Muselier j'approuve, à une réserve près, notre collègue Laurent Dominati lorsqu'il critique le secteur public d'aujourd'hui tout en exprimant la volonté - qui est aussi la vôtre, madame la ministre - d'en construire un autre.

Quant à la réserve, elle nous est commune puisque, nous ne voulons pas, nous non plus, privatiser France 2.

M. Michel Françaix.

C'est la division de la droite !

M. Christian Kert.

Nous proposons simplement d'ouvrir le capital de France Télévision pour donner un peu d'oxygène au secteur public.

Cette réserve faite, le groupe de l'Union pour la démoc ratie française-Alliance votera la question préalable défendue par M. Dominati. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Françaix.

Quel manque de logique !

M. le président.

La parole est à M. Michel Herbillon.

M. Michel Herbillon.

Permettez-moi d'abord, madame la ministre, de vous demander de bien vouloir excuser l'absence de Laurent Dominati.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, il peut arriver à chacun d'entre nous d'être lié par un impératif et de le regretter.

M. Raymond Douyère.

Un dîner prolongé !

M. Michel Herbillon.

Laurent Dominati, qui nous rejoindra tout à l'heure, m'a donc chargé de vous transmettre ses excuses et, connaissant votre courtoisie, je suis sûr, madame la ministre, que, contrairement à certains ici, vous les accepterez. Que ceux qui s'expriment dans les explications de vote sachent aussi que je lui ferai part des nombreux compliments ou des abondantes critiques qu'ils n'auront pas manqué de lui adresser en réponse à son intervention.

Laurent Dominati a eu au moins le mérite de poser le problème de l'audiovisuel en évitant la caricature, alors que vous ne l'abordez, mes chers collègues, qu'à travers le prisme de l'idéologie : M. Françaix vient encore d'en donner une démonstration éclatante. Vraiment, le débat sur l'audiovisuel vaut mieux que la dénonciation caricaturale de l'ultralibéralisme à laquelle vous vous livrez en permanence, sans jamais prendre en considération les propositions qui vous sont faites et qui ne se résument pas, d'ailleurs, à la privatisation d'Antenne 2 ou, comme le suggère Christian Kert, à l'ouverture de son capital.

Ainsi, Laurent Dominati a eu raison de souligner la nécessité de répondre à l'attente de nos compatriotes, qui souhaitent une véritable télévision du citoyen. Mais ce mot de « citoyen », il ne l'a pas employé comme vous à tort et à travers. Il s'agissait pour lui d'illustrer de façon concrète et pragmatique ce que devrait être une télévision de qualité.

Les frontières entre le public et le privé ne sont pas celles que vous dites et le problème, d'ailleurs, n'est pas principalement celui-là. L'essentiel est le recentrage des moyens de l'Etat, lui-même lié au recentrage du service public sur ses véritables missions. Voilà l'idée que nous défendons et vous êtes bien en peine d'y répondre, car vous êtes prisonniers de critères uniquement politiques ou idéologiques, alors même que l'enjeu est d'instaurer une véritable diversité et une véritable qualité de programmation, afin de promouvoir une véritable industrie française des programmes.

En somme, Laurent Dominati a défendu une vision moderne de l'audiovisuel, une vision tournée vers l'avenir et non pas vers le passé : lui ne regarde pas constamment dans le rétroviseur en refaisant l'histoire. Il a aussi défendu une démarche de confiance associant les professionnels de l'audiovisuel, les acteurs de la culture et les téléspectateurs, c'est-à-dire le public. C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera la question préalable.

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

M. Dominati est un fin connaisseur des choses de la télévision, mais son principal mérite est de la connaître de l'intérieur. Le sens de l'intrigue qu'il a montré dans son intervention prouve qu'il a abordé le sujet en s'appuyant sur la connaissance qu'il a des « viscères » de la télévision. C'est une démarche à laquelle nous ne pouvons souscrire.

Je lui reconnais également un talent de dialecticien émérite puisqu'il a fait la démonstration a contrario de ce que devrait être un vrai service public, tel que nous allons le proposer à l'ensemble de nos collègues. Mais son objectif était naturellement de plaider par antinomie pour un service privatisé mis à la disposition du marché, un mot qui est souvent revenu dans son discours. Ne serait-ce que pour cette raison, nous voterons contre la question préalable.


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M. le président.

La parole est M. Noël Mamère, à qui je suggère de s'inspirer de la brièveté de l'orateur précédent.

M. Noël Mamère.

Je vais m'y efforcer, monsieur le président.

Il est assez amusant d'entendre nos collègues des bancs de droite traiter ceux des bancs de gauche d'idéologues, sinon de théologiens, lorsqu'ils parlent du service public, de la démocratie et de la nécessité de promouvoir un audiovisuel répondant aux attentes des Français qui, payant la redevance, sont en droit d'avoir une télévision qui ne vise pas simplement en dessous de la ceinture.

Comme si revendiquer la dictature du privé dans tous les compartiments de la société, ce n'était pas une forme d'idéologie ou de théologie du libéralisme.

Nous ne pouvons pas accepter, mes chers collègues, que vous proposiez purement et simplement la privatisation de France 2. M. Dominati a en effet le mérite de dire clairement ce que beaucoup d'entre vous pensent tout bas, encore que vous n'ayez pas l'air d'être tous d'accord. Si M. Dominati, inspiré par le tout-libéralisme, est pour la privatisation, nombreux sont aussi parmi vous ceux qui ne semblent pas favorables à cette idée et qui, croyant encore un peu à quelques valeurs démocratiques, estiment qu'il faut un service public fort pour faire front à l'audiovisuel privé. M. Dominati s'inscrit en réalité dans la ligne de M. Léotard qui, en 1986, a privatisé TF 1 et a fait ce que même Mme Thatcher n'avait pas osé faire dans sa grande vague de privatisations.

M. Jean-Paul Bret.

Le mieux-disant culturel...

M. Noël Mamère.

Les chaînes privées, qui se livrent à la course à l'échalote et se soumettent à la dictature de l'audimat, fixent en général leur regard en dessous de la ceinture. Et que voulez-vous dire quand vous parlez de recentrer le service public sur ses missions ? Qu'il devrait être condamné à diffuser en boucle les émissions religieuses ou la libre expression des partis politiques ? Considérez-vous que la vocation du service public est de rester une télévision de ghetto qui ne serait regardée par personne ?

M. Michel Herbillon.

Qui a dit cela ?

M. Noël Mamère.

Si nous sommes tous d'accord pour constater que l'audiovisuel est une industrie, nous pensons pour notre part que ce n'est pas une industrie comme les autres. Parce qu'elle diffuse connaissance et savoir, elle joue un rôle de structuration de l'espace public et, à ce titre, on ne peut pas considérer les programmes comme de simples marchandises. C'est la raison pour laquelle naturellement, le groupe RCV ne suivra pas les propositions de M. Dominati. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président.

Mes chers collègues, nous abordons la discussion générale. Je souhaite que chacun respecte le temps qui lui est imparti.

La parole est à M. Christian Kert, pour quinze minutes.

M. Christian Kert.

Madame la ministre, je vous remercie d'être présente aujourd'hui au rendez-vous que vous nous aviez fixé au mois de juin 1997 pour les semaines qui devaient suivre. Cette petite erreur de calendrier tient sans doute au fait que vous avez traité ce dossier en mois et en années, dans un domaine où il faut calculer en secondes et parfois en fractions de seconde. Vous êtes en quelque sorte la première victime de l'absence du numérique dans votre texte. Vous n'avez pas eu la capacité de compresser le temps. Vous avez somme toute épousé la belle formule de Daniel Bougnoux : « Il nous faut accueillir les nouvelles technologies de l'information et de la communication sans décapiter le temps lent de l'oeuvre et de la culture. »

Mais sans vous offenser, en fait de décapitation, c'est probablement au couperet politique qui vous guettait que vous avez pensé le jour où vous êtes parvenue à décider le Premier ministre de soumettre au Parlement un texte dont, sans vouloir non plus vous offenser, je crois pouvoir dire qu'il ne restera pas dans les mémoires comme la révolution copernicienne de l'audiovisuel français.

M. Olivier de Chazeaux.

C'est bien vrai !

M. Christian Kert.

Ce texte, en réalité, est plus riche par ce qui lui manque que par ce qu'il comporte.

M. Olivier de Chazeaux.

Exactement !

M. Christian Kert.

Aussi, plutôt que de m'atteler à une critique au demeurant déjà réalisée, je me propose, dans l'esprit constructif nécessaire au débat démocratique, de vous livrer quelques-unes des idées de l'UDF, celles que nous aurions inscrites dans un texte qui aurait été nôtre, celles qui nous semblent ouvrir les frontières de la vidéoplanète du XXIe siècle.

Vous voulez un texte qui normalise. A l'UDF, et dans l'opposition de façon générale, nous voulons un texte qui modernise.

Votre vision nous paraît trop dogmatique. Depuis la loi de 1986, nous sommes passés en France, sur le plan technique, d'un monde clos au monde de l'infini. Pensezvous vraiment que votre formule de la holding ait pris en compte cette évolution ? J'ai noté la prudence de votre propos sur le non-retour à la vision archaïque de l'ORTF. Mais la holding, ce n'est ni meilleur ni pire que la pyramide des pouvoirs de l'ORTF. L'inconvénient, c'est que, selon la formule du sénateur Trégouët, nous sommes également passés du temps des pyramides du pouvoir à celui des réseaux de savoirs. En quoi la holding sert-elle cette modernité ? Mystère ! Comme tout texte dogmatique, celui-ci a besoin d'oxygène et nous proposons donc d'y percer quelques fenêtres pour lui donner un peu d'air.

D'abord, je l'ai dit, nous voulons ouvrir le capital de France Télévision au public et aux personnels des deux grandes chaînes publiques. Car, vous le sentez bien, si on laisse encore filer, les téléspectateurs demanderont bientôt pourquoi ils paient une redevance, tellement les différences entre secteur public et secteur privé se sont réduites. Il faut que le public renoue avec sa télévision. Et j'ai noté votre volonté de faire du citoyen un usager ou de l'usager un citoyen.

Nous ne voulons pas privatiser, mais cela ne signifie pas pour autant, Michel Françaix ou Noël Mamère, qu'il y ait des divisions profondes au sein de l'opposition.

Nous estimons simplement que la meilleure solution consiste à ouvrir le capital à hauteur de 10 % en faveur du public et de 5 % en faveur du personnel.

Pourquoi en faveur du personnel ? Parce que nous le savons blasé au bout de vingt-deux réformes de la loi de 1986. Parce qu'il faut à la fois le rassurer et le remobili-


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ser. Parce que le faire participer à la vie économique de la maison, c'est probablement l'un des meilleurs moyens de le responsabiliser. Et peut-être de lui faire admettre qu'une ligne éditoriale de journaux d'information, ce n'est pas la pensée unique, c'est le pluralisme, c'est la diversité, c'est l'imagination, c'est un peu la liberté partagée, contrairement à ce qui se passe actuellement.

Nous voulons ouvrir le capital, mais aussi ouvrir le secteur public vers d'autres horizons et notamment vers l'international.

Il faut repenser la façon dont l'image peut servir la langue et nous ne sommes pas favorables à la disposition qui exclut RFO de la holding. Il nous semble, et c'est aussi l'avis de certains collègues qui représentent les départements d'outre-mer, ...

M. Ernest Moutoussamy.

Mal !

M. Christian Kert.

... que, d'une part, RFO a besoin d'être adossée au pôle du secteur public afin d'éviter la marginalisation et que, d'autre part, à cette condition, RFO peut accomplir une mission de coopération régionale avec les pays de l'environnement : Caraïbes, océans Indien, Pacifique. Pour que cette intégration soit acceptable, il faudra bien entendu donner des moyens de production locale à cette chaîne et des garanties aux personnels quant à leur devenir.

Enfin, pour nous, moderniser le service public, c'est faire que l'Etat définisse bien les missions de chacun et lui donne les moyens de ses missions. Pour le reste, comme l'aurait dit l'excellent Turgot : « Laissez-les faire, c'est le grand, l'unique principe. »

Donnons à France 3, la chaîne proche des téléspectateurs, les moyens de défendre les cultures régionales. Au moment, madame la ministre, où votre gouvernement vient de signer la charte des langues régionales et minoritaires, n'est-il pas temps d'insister sur cette mission de proximité, à laquelle Rudy Salles consacrera son intervention ? Jadis, seule la presse écrite y répondait. Mais, depuis des années déjà, la télévision a pénétré la galaxie Gutenberg. Et il va falloir aller plus loin encore. Nous avons une idée du comment. Mais nous avons besoin de vous pour l'aider à le faire.

Nous avons besoin de vous, car la liberté de communication ne peut pas s'exprimer dans un contexte de contraintes. Vous étiez maire d'une très grande commune et vous connaissez l'attachement des vôtres à leur région.

Comment se fait-il alors que votre texte ne dise pas un mot, ou si discrètement que cela le rend inaudible, sur les télévisions locales ? Vous ne voulez pas ouvrir la boîte de Pandore, et l'on vous comprend. Mais voilà, Pandore est déjà dans la rue.

Elle n'a pas attendu les conclusions de MM. Eymery et Cottet, qui vous conseillent de geler les fréquences analogiques dans l'attente de vos décisions en matière de numérique terrestre. J'ai noté la prudence de vos propos à cet égard. Mais ce gel, si vous l'acceptiez, interdirait le lancement de véritables télévisions locales totalement consacrées à l'information et aux services locaux.

Cette décision serait d'autant plus surprenante qu'elle interviendrait, vous le savez bien, à un moment où dixsept titres de la presse quotidienne régionale se sont associés dans un groupement pour étudier et réaliser des télévisions locales. L'accès de la presse écrite à ce nouveau média constitue probablement l'une des ultimes chances de mutation de cette presse des régions confrontée à une dérégulation du marché publicitaire français. Les patrons de presse ne s'y sont pas trompés, eux qui jadis étaient si réticents aux expériences de télévisions locales.

Autoriser l'utilisation de fréquences analogiques durant la phase de mutation vers le numérique, ce n'est en rien condamner les progrès de celui-ci dans le domaine terrestre. Chacun a bien compris - et le rapporteur a souligné - le caractère irréversible de cette mutation. C'est pourquoi nous nous étonnons que vous n'ayez pu

« accrocher » à votre texte la partie qui concerne ce secteur en devenir qu'est le numérique. Je vous le disais, votre communication du 12 mai, malgré le soutien très appuyé que lui a accordé le rapporteur, n'avait rien pourr assurer ceux qui, prenant exemple en Angleterre, constatent l'avance prise par certains pays européens dans le calendrier qui conduira l'analogique à son extinction.

J'ai cru comprendre que vous redoutiez de ne pas avoir approché tous les aspects de ce monde de l'infini des images, et il est vrai que nous sommes là dans un domaine où s'enchevêtrent les influences. Mais quel regret que vous ne fassiez pas vôtre ce théorème de Bill Gates : « On ne sait pas toujours comment ça marche, mais ce que l'on sait, c'est qu'il faut y être. » Eh

bien, nous n'y sommes pas, et dans un domaine qui est celui de la liberté explorative et inventive. Au stade où nous en étions, peut-être aurait-il mieux valu attendre encore un peu pour que vous puissiez nous présenter un projet qui ait une cohérence.

Je crois que nous aurions eu moins d'états d'âme que vous, avec peut-être autant d'âme. La vraie question à résoudre était de savoir comment donner de la longévité à l'éphémère, car les nouvelles technologies de la communication nous ont habitués à l'éphémère. Nous y répondions par la liberté : oui aux expériences de télés locales sur des fréquences analogiques ; oui avec un conditionnel de temps. Oui également au numérique terrestre qui a besoin, c'est vrai, d'un délai clairement défini, d'un cadre, ...

M. Michel Françaix.

Quand même !

M. Christian Kert.

... d'un public et d'une technologie, j'allais dire d'une autre culture, monsieur Françaix.

Trop dogmatique et trop contraignant, votre texte manque de souffle. Et pourtant, madame la ministre, vous aviez du souffle, en février 1998, quand, devant la commission des affaires culturelles, sous la présidence de votre collègue d'aujourd'hui, Claude Bartolone, vous affirmiez vouloir assurer la pluriannualité des budgets du secteur public et, répondant à notre président, vous affirm iez qu'il fallait assurer l'avènement de décodeurs uniques.

Ces deux travaux d'Hercule sont passés à la trappe : le premier parce que, comme toujours, Bercy a dû parler et l'oracle l'emporter ; le second parce que vous n'étiez probablement pas prête à affronter, là encore, le fouillis des influences économiques. Quoique vous le condamniez collectivement, un peu de libéralisme appliqué aurait ouvert quelques fenêtres dans notre espace. Mais la directive européenne sur les signaux attendra et, avec elle, le décodeur unique.

Dogmatique et contraignant, ce texte n'a pas échappé à quelques archaïsmes : quelle application à définir jusqu'au moindre détail le fonctionnement de la société holding et quelle absence de vision pour des problèmes tels que les événements sportifs majeurs ou l'achat de clubs sportifs par des télévisions ! Phénomènes de société, ils vous ont échappé. Nous vous les présenterons en cours de débat notamment par la voix de notre collègue Edouard Landrain - car, jusqu'à présent, ceux qui, dans l'audiovisuel, ont gagné de l'argent sont ceux qui ont fabriqué les pompes et les tuyaux, ceux qui vont en gagner, mainte-


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nant, sont ceux qui vont les remplir. Il faut donc aussi se préoccuper des contenus ! Je sais que vous en avez conscience mais, comme vous, probablement, nous ne voulons pas que la France rate son plongeon dans l'économie informationnelle.

Est-il des aspects de votre texte que notre souci de modernité aurait acceptés ? Nous ne rechignons pas à voter la baisse des volumes publicitaires sur les chaînes publiques sans, toutefois, placer autant d'espérance que vous dans la portée de la m esure. Pensez-vous vraiment qu'abaisser de quatre minutes par heure la quantité de publicité autorisée désenvoûtera nos chaînes publiques de la puissance de l'audimat ? Il s'agit, en réalité, d'une sage demi-mesure qui assurera un meilleur confort au téléspectateur mais qui, si elle reste en l'état, ne bouleversera pas l'économie du secteur, si l'on met à part le petit cadeau ainsi fait aux chaînes privées auxquelles il faudrait donc réclamer en compensation une aide à la production beaucoup plus forte, beaucoup plus présente.

Votre texte est donc dogmatique madame la ministre, mais vous êtes également habile. Nous en voulons pour preuve votre façon de - passez-moi l'expression - « refiler la patate chaude » des dispositifs pour lutter contre la concentration des sociétés de multimédias bénéficiant de marchés publics et les contrôler. Vous aviez pourtant considéré comme indispensables ces dispositions, que vous aviez évoquées devant la commission, tendant à séparer les activités d'informations et les activités économiques de ces entreprises. Or vous en faites don au Conseil de la concurrence et au CSA, dont, soit dit en passant, nous n'avons toujours pas saisi, au cours des travaux de notre commission, si vous souhaitiez le renforcer ou, plus simplement, l'utiliser comme alibi. Nous aurions volontiers pacsé CSA et ART.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est une idée !

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

On peut y réfléchir !

M. Christian Kert.

Je vous remercie.

En effet, il faudra bien un jour rationaliser et moderniser la régulation et le contrôle. Ainsi que vous l'avez dit il est peut-être trop tôt. Mais pourquoi nous présenter un texte aujourd'hui si, chaque fois qu'il faut faire preuve d'audace, nous devons attendre, réfléchir, reporter ? Nous serions cependant injustes si nous ne reconnaissions pas qu'il y a un audacieux dans cette aventure : l'excellent Didier Mathus.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors que vous faites hoqueter son rapport depuis deux ans, il s'est fendu d'un amendement bien rédigé pour mettre un terme à l'exclusivité du secteur public sur TPS.

On sent bien, madame la ministre, que vous ne vouliez pas aller jusque-là, vous qui savez être dans l'attente de la décision de Bruxelles, à la suite de la saisine de TPS. Une première décision européenne a d'ailleurs indiqué que

« trois ans constituaient une durée minimale pendant laquelle l'exclusivité est jugée indispensable ». Difficile après cela de ne pas attendre au moins quelques semaines avant de trancher. Décidément, monsieur le rapporteur, malgré deux ans de retard, ce texte vient trop tôt ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Enfin, fidèle au texte de votre prédécesseur Philippe Douste-Blazy, madame la ministre, vous allez fusionner la Cinq et La Sept-Arte. Encore heureux, d'ailleurs, car, depuis deux ans, M. Jérome Clément s'est installé dans un fauteuil unique, gérant des équipes qui se rapprochent mais qui n'ont pas la même vocation, et qu'il faudra d'ailleurs rassurer sur leur destin.

Nous approuvons cette fusion, pour l'avoir défendue en d'autres temps, mais nous voudrions qu'on lui donne une vraie dimension : bien définir les missions, les rendre complémentaires, créer de nouveaux horizons à ces chaînes qui peinent peut-être à ne servir que l'Hexagone pour l'une, la France et l'Allemagne pour l'autre. Pourquoi ne pas mieux les utiliser à servir la francophonie et la présence de la culture française dans le monde ? Pourquoi la Banque de programmes et de services ne deviendrait-elle pas un outil au service de l'international ?

M. le président.

Monsieur Kert, il faut conclure.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Il est intéressant !

M. Christian Kert.

Avec votre aimable autorisation, monsieur le président, je termine.

Les métiers de la nouvelle société en train de naître consisteront essentiellement à ajouter du savoir à l'information. Rares, en effet, madame la ministre de la culture et de la communication, sont les pays qui, comme ceux de la vieille Europe, peuvent s'appuyer sur un socle multiséculaire de tant de connaissances. Il faut donc s'occuper aussi de la formation des hommes à des métiers dont beaucoup qui seront communs dans vingt ans ne sont pas nés aujourd'hui.

Il est bien d'apprendre que les dessinateurs, les techniciens, les monteurs, les réalisateurs français sont très demandés aux USA, où le tiers de la croissance du produit intérieur brut est lié à l'essor des nouvelles technologies. Mais peut-être pourraît-on considérer comme prioritaire le fait d'avoir sur notre territoire des écoles et des sociétés qui forment et qui emploient des créateurs destinés à porter la production européenne dans le monde. L'époque est d'ailleurs propice à se poser cette question : pourra-t-il y avoir demain une véritable Europe sans une Europe de l'image ? Le texte que nous vous aurions proposé, madame la ministre, aurait exprimé tout cela. Peut-être aurions-nous attendu six mois de plus pour le soumettre à votre jugement, mais nous l'aurions voulu complet et ambitieux.

Il faudrait vraiment que nos débats vous conduisent à de réels progrès pour que nous soyons tentés de l'adopter car, en l'état, nous ne voterons pas ce projet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

C'est dommage !

M. le président.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour dix minutes.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Madame la ministre, nous devons rendre hommage à votre ténacité.

Ce projet de loi marque un premier progrès qui, par exemple, permettra à France 2 de ne pas devenir une TF 1 bis . Il faut souhaiter qu'il sera suivi par d'autres avancées.

Il est d'abord indispensable de garantir l'indépendance de la presse audiovisuelle par rapport aux intérêts économiques, par rapport aux grands groupes qui contrôlent les télévisions privées. Ces groupes ont leur logique, leur


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stratégie, leurs intérêts qui peuvent les inciter à tenter d'influencer l'information diffusée sur les chaînes privées qu'ils contrôlent.

Ce que Balzac appelait déjà « le quatrième pouvoir », c'est-à-dire le pouvoir d'informer, doit être libre et en mesure d'agir librement au service d'une information objective, sans se trouver exposé à des influences politiques ou économiques qui risquent d'entraver ou d'altérer l'exercice de la liberté d'informer. Sans liberté de la presse, notamment audiovisuelle, il n'est pas de démocratie véritable. La presse est, par nature, un contre-pouvoir, mais, peut-elle l'être quand elle est placée dans la dépendance ou sous le contrôle de puissants intérêts économiques ? Une régulation économique de l'audiovisuel est devenue nécessaire pour garantir l'indépendance des grands médias, c'est-à-dire leur droit à l'objectivité et à l'expre ssion de la vérité. A bien des égards, c'est la réalité de notre démocratie qui est en jeu.

Votre texte comporte une première avancée, réelle mais sans doute insuffisante : par les articles 16 et 18 qu'elle propose, la lettre rectificative donne en effet au CSA les moyens de mieux garantir « l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires ».

On nous explique que les opérateurs des services hertziens par câble ou satellite, diffusant des émissions d'information, seront invités à proposer les dispositions qu'ils envisagent de prendre en vue de garantir l'indépendance de l'information par rapport aux intérêts de leurs actionnaires. Il pourra s'agir, par exemple, de l'adoption d'une charte de déontologie, de l'institution d'un médiateur ou encore de la création d'une société de rédacteurs.

Cependant s'il est réel, je le répète, ce progrès est somme toute mineur : d'une part, de telles dispositions ne seront guère contraignantes ; d'autre part, au lieu d'être établies directement par la loi, donc par le Parlement, elles résulteront d'un dialogue entre les grands opérateurs et le CSA qui seront ainsi chargés de concevoir ensemble, cas par cas, ces dispositions. Bref, le Parlement se dessaisit d'un pouvoir normatif qu'il pourrait et devrait exercer lui-même pour s'en remettre à une faculté de régulation qui sera exercée par le CSA, dont on connaît la mansuétude - en liaison avec les opérateurs, invités à concevoir eux-mêmes des règles visant à mieux assurer l'indépendance de l'information diffusée sur leurs chaînes.

Ni le contenu probable desdites règles, ni leur mode d'élaboration, ne donne de garantie substantielle. Il serait préférable d'intégrer à votre texte lui-même les dispositions envisageables pour mieux garantir l'indépendance de l'informatisation : code de déontologie, médiateur ou société de rédacteurs. De la sorte, ces dispositions seraient inscrites dans la loi elle-même, ce qui leur conférerait un caractère normatif et obligatoire au lieu d'un simple caractère optatif ou potestatif.

Par ailleurs, votre texte ne prévoit que peu de choses pour mettre fin à un second risque : la confusion entre médias privés et marchés publics. Aujourd'hui, les télévisions privées sont associées à de grandes sociétés qui vivent pour l'essentiel de marchés publics, de marchés passés avec l'Etat ou avec les collectivités locales, en matière de travaux publics ou de distribution de l'eau.

Il en résulte un curieux mélange des genres et des liaisons qui peuvent être dangereuses au lieu de l'autonomie m utuelle qui devrait caractériser les rapports entre groupes de communication et pouvoir politique. Ce concubinage notoire entre les uns et les autres, ce PACS entre télévisions privées et donneurs d'ordres publics, bref cette confusion entre médias privés et marchés publics constitue une spécificité française, dont il n'y a pas lieu de se féliciter et qui pose problème pour la démocratie.

Certes, dans les articles 15 à 18 qu'elle propose, la lettre rectificative renforce quelque peu la transparence en la matière. Désormais, les sociétés candidates à l'attribution ou au renouvellement d'autorisations d'exploiter des chaînes privées devront fournir au CSA des informations sur la composition de leur capital, de leurs actifs et de leurs organes dirigeants, ainsi que sur les marchés publics et délégations de service public dont elles sont titulaires ou pour lesquelles elles ont soumissionné. Le CSA pourra même procéder directement à des investigations dans ces domaines.

Cependant, une fois encore, on s'en remet au CSA.

Souhaitons qu'il se montre actif et vigilant dans cette recherche d'informations et qu'il en tire de réelles conséquences quant au choix des sociétés auxquelles il confiera telle ou telle chaîne privée.

Cette disposition marque donc un progrès. Mais serat-il réellement suffisant pour remédier efficacement aux liaisons dangereuses entre médias privés et pouvoirs politiques ? On peut en douter.

Là encore, il faudrait sans doute aller au-delà. La véritable solution serait probablement d'engager les opérateurs adjudicataires de marchés publics à limiter ou à réduire leur participation à 10 % maximum du capital d'une chaîne privée.

A l'évidence, il importe en effet de mieux séparer télévision privée et commande publique. On pourrait s'inspirer d'une proposition de loi déposée en mars 1997 et dont j'étais l'un des nombreux cosignataires, qui prévoyait d'exclure des procédures de soumission aux marchés publics « toute société détenant au moins 10 % des parts d'une entreprise audiovisuelle ».

Enfin, il est souhaitable d'étendre les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour motifs sociaux.

Pour être exonéré de la redevance il faut soit être invalide ou mutilé, soit être âgé d'au moins soixante-cinq ans et percevoir l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse.

Certes, il est légitime d'exonérer de la redevance les personnes démunies âgées de soixante-cinq ans, car notre société a un devoir de solidarité envers ses anciens, d'autant que la télévision est souvent leur seule fenêtre sur l'extérieur. Toutefois, dans le même souci de justice sociale, ne faudrait-il pas étendre cette exonération à toutes les personnes qui ne disposent que de faibles revenus même si elles sont âgées de moins de soixantecinq ans ? Tel est le cas par exemple des personnes attributaires du RMI ou des chômeurs de longue durée percevant l'allocation de solidarité spécifique.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions veille à préserver l'accès des personnes en difficulté à la fourniture d'électricité, de gaz, d'eau et de téléphone.

Or, pour beaucoup d'entre elles, isolées et coupées de la vie sociale, la télévision permet de conserver un lien avec l'environnement extérieur, un contact avec la société.

Il serait donc légitime de faire bénéficier aussi les personnes percevant le RMI ou des minima sociaux d'une exonération totale ou partielle de la redevance.

Il importe également de moderniser et de simplifier le mode de perception de la redevance. Actuellement, tout détenteur d'un récepteur de télévision doit en faire la


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déclaration dans un délai de trente jours à compter de l'entrée en possession. Il est très souhaitable d'en finir avec cette déclaration spéciale. Elle pourrait, en effet, être intégrée dans le formulaire de déclaration des revenus. Ce dernier comporterait alors une case à cocher par ceux qui posséderaient un récepteur de télévision.

Le contrôle de cette déclaration incomberait alors aux agents chargés de celui de l'impôt sur le revenu et non plus à ceux du service de la redevance. Ce service spécifique, qui procède actuellement à l'établissement, au contrôle et à la mise en recouvrement de la redevance, emploie environ mille six cents personnes et son coût de gestion s'élevait déjà à environ 420 millions de francs en 1992, ce qui est élevé, pour une efficacité réduite. La réforme proposée permettrait d'intégrer les agents du service de la redevance aux services fiscaux généraux, où ils renforceraient utilement la lutte contre la fraude fiscale.

Telles sont, madame la ministre, les quelques propositions que je souhaitais vous présenter en renfort de votre projet de loi qui constitue un premier progrès, qu'il convient d'approuver et de saluer.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Herbillon, pour vingt minutes.

M. Michel Herbillon.

Madame la ministre, l'élaboration de la réforme de l'audiovisuel qui nous est aujourd'hui présentée par le Gouvernement ne restera pas, c'est le moins que l'on puisse dire, comme un modèle du genre dans les annales de notre assemblée.

Depuis deux ans que ce projet de loi est en gestation, la grande réforme de l'audiovisuel annoncée ici même par le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, n'a cessé de voir, au fil des mois, son contenu remanié, son périmètre d'intervention modifié et son examen ajourné. Les rebondissements n'ont pas manqué depuis le jour où Lionel Jospin a évoqué ici l'idée « der ééquilibrer le partage actuel entre les ressources publiques et les recettes publicitaires », et de renforcer les mécanismes anticoncentration.

La première mouture du projet de loi présentée au conseil des ministres du 28 janvier 1998 a dû être rapidement abandonnée face à l'hostilité des professionnels de l'audiovisuel et à l'insatisfaction des parlementaires socialistes. Meccano industriel, impréparation, favoritisme de certains groupes privés sont les maîtres-mots des critiques formulées à l'époque.

Deuxième étape : en septembre 1998, le Premier ministre annonce les grandes lignes du projet de réforme qui a été remanié et qui ne traite plus désormais que du secteur public. La question du secteur privé de l'audiovisuel est totalement absente de cette deuxième mouture du projet. Toutefois l'engagement du Premier ministre pour éviter l'enlisement de ce projet de loi ne calme pas, loin s'en faut, les critiques qui reprennent de plus belle à l'automne dernier.

Le point d'orgue de cette course d'obstacles, de cette t ragi-comédie, fut naturellement le retrait de cette réforme de l'ordre du jour de notre assemblée, le 1er décembre dernier, alors que son examen en commission venait tout juste de commencer.

Ces cafouillages parlementaires et politiques successifs ne sont qu'en partie de votre responsabilité, madame la ministre, même si c'est vous qui êtes en charge de ce dossier. Je tiens à souligner que, dans cette affaire, votre majorité et les membres du parti socialiste ont eu à votre égard une attitude qui manquait pour le moins de panache, d'élégance et, surtout, d'honnêteté intellectuelle.

Je dois d'ailleurs rendre hommage à votre ténacité et à votre obstination qui vous permettent de présenter aujourd'hui votre projet devant notre assemblée malgré l'attitude d'une partie de la majorité l'an dernier.

Alors que l'activisme de certains députés socialistes vous avait poussée à engager cette réforme, ces mêmes députés n'ont pas hésité à vous abandonner et même, pour certains d'entre eux - passez-moi la familiarité de l'expression -, à vous savonner la planche lorsque les critiques et les difficultés ont commencé à s'accumuler. Il fallait une victime expiatoire pour justifier la Berezina parlementaire dans laquelle pataugeaient le Gouvernement et la majorité ; vous étiez toute désignée.

P ourtant ces difficultés auxquelles vous avez été confrontée étaient prévisibles. Elles constituent, en quelque sorte, le lot normal lorsque l'on engage une réforme d ans un secteur tel que l'audiovisuel, extrêmement complexe techniquement, actuellement soumis à de formidables mutations technologiques et dont l'équilibre économique est particulièrement fragile. Il aurait fallu, pour engager cette réforme, une bonne dose de pragmatisme et de réalisme. Or le Gouvernement a ouvert ce chantier selon des critères purement idéologiques et avec des objectifs politiques.

M. Yves Cochet, rapporteur pour avis.

Ça recommence !

M. Michel Herbillon.

Il fallait en effet au Gouvernement, en particulier à son chef, une grande réforme de l'audiovisuel, une de ces réformes de gauche qui puisse être affichée par le Premier ministre dans son bilan d'action s'il devait un jour - qui sait ? - briguer des responsabilités plus hautes que celles qu'il exerce actuellement.

Cela explique les incantations, dans les premiers temps de la réforme, sur la nécessité de recréer un service public fort et respecté, les déclarations tonitruantes contre la logique commerciale qui prédomine dans le paysage audiovisuel et contre les concentrations dans l'audiovisuel privé, tous thèmes savamment agités pour complaire aux oreilles de la gauche.

Mais, dans le même temps, le Gouvernement, se laissant tenter par l'un des vieux démons du pouvoir politique, a cherché à profiter de cette occasion pour renforcer son contrôle sur la télévision publique et pour se concilier les bonnes grâces des patrons des chaînes privées.

L'ensemble des incohérences et des paradoxes qui émaillaient à la fin de l'année dernière et qui émaillent encore, hélas, votre projet sont les seuls résultats tangibles de cette duperie. Deux exemples suffiront, je crois, à illustrer le décalage qu'il y a depuis le début de cette réforme entre le discours du Gouvernement et ses actes.

Alors que le Premier ministre déclarait dans cet hémicycle en juin 1997 à propos de la réforme de l'audiovisuel que « l'impératif d'indépendance est le corollaire de la liberté de communication », vous avez été contrainte, madame la ministre, de modifier dans l'urgence votre texte en novembre dernier après que le Conseil d'Etat eut souligné qu'il constituait, en matière de nomination des dirigeants de la future holding de télévision publique

« une régression » au regard de l'indépendance des sociétés de programme, de la liberté de communication et du pluralisme des courants d'expression. Excusez du peu ! De même, alors que votre projet nous est présenté en somme comme la défense et l'illustration du service public, la réduction que vous engagez de la durée de la publicité sur les chaînes publiques, même si elle a été


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revue à la baisse dans la dernière version du projet, est un cadeau inespéré pour les chaînes du secteur privé qui seront naturellement les principales bénéficiaires de cette manne publicitaire qui leur est offerte gracieusement par le Gouvernement.

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui porte naturellement les stigmates de cette élaboration quelque peu chaotique. Ces stigmates sont d'ailleurs visibles matériellement puisque votre texte aujourd'hui se compose non seulement du projet initial sur le secteur public, mais aussi de la lettre rectificative comportant la transposition de la directive Télévision sans frontières et les dispositions sur le secteur privé, auxquels viennent se surajouter des amendements gouvernementaux sur le financement du secteur public et ceux de votre majorité sur la fin de l'exclusivité des chaînes publiques sur TPS que vous n'osez pas inscrire vous-même dans le projet de loi.

Alors que nous aurions été en droit d'attendre, après tout de même vingt-deux mois de préparation, un texte ambitieux, une réforme d'envergure, qui réponde aux bouleversements que vit actuellement le secteur audiovisuel en France, comme en Europe et dans le monde, vous nous soumettez un échafaudage juridique brinquebalant qui n'est que le reflet non seulement de l'impréparation, des revirements, des atermoiements de votre majorité, mais encore et surtout - et c'est plus grave - de l'absence de vision du Gouvernement en ce qui concerne l'audiovisuel.

Il y a naturellement, madame la ministre, dans votre projet, un certain nombre de points ou d'avancées que je juge positifs.

Il me paraît, par exemple, judicieux, sur le plan de la méthode, que le Gouvernement ait finalement changé d'attitude et qu'au lieu d'aborder cette réforme, comme vous l'aviez envisagé préalablement, uniquement sous l'angle du secteur public, vous ayez changé d'avis et décidé de prendre en compte l'ensemble du secteur audiovisuel, qu'il soit public ou privé. Heureux changement d'avis tant la télévision forme à l'évidence un tout indissociable et tant il était nécessaire, pour légiférer, d'avoir une vision d'ensemble sur les intentions du Gouvernement ! Je constate d'ailleurs au sujet du secteur privé de l'audiovisuel que le Gouvernement, malgré des déclarations très fermes à l'origine, a finalement renoncé à toucher aux seuils anticoncentration et se contente d'aborder timidement les questions de régulation des marchés et de transparence. Le minimalisme du Gouvernement dans cette affaire est sans doute à mettre sur le compte des divergences de vue au sein de la majorité plurielle et peut-être de la pression de certains lobbies.

En revanche, je trouve bienvenu, madame la ministre, que votre projet allonge le mandat des présidents de chaîne publique de trois à cinq ans. C'était d'ailleurs prévu dans le texte qui avait été proposé par votre prédécesseur, Philippe Douste-Blazy. L'instabilité des responsables des chaînes publiques françaises, en comparaison de ce qui se passe chez nos principaux partenaires européens, notamment allemand ou anglais, ou même au regard de ce qui se passe au sein des chaînes privées, était en effet un réel handicap.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Tout à fait !

M. Michel Herbillon.

L'action de ces chaînes se trouvait ainsi suspendue à échéance régulière à la nomination d'un nouveau président. Accroître la durée des mandats des présidents devrait remédier à ce problème et donner aux dirigeants des chaînes publiques une plus grande capacité à mettre en oeuvre des stratégies de programme et de développement sur le long terme.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Voilà au moins un point d'accord !

M. Michel Herbillon.

Monsieur le président Le Garrec, si vous m'avez entendu, c'est le deuxième point de convergence et de satisfaction que je note.

Mais, au-delà de ces éléments, je considère, madame la ministre, que votre réforme n'est pas à la hauteur des défis auxquels se trouve confronté le secteur audiovisuel et auxquels il devra faire face encore davantage demain, lors de la généralisation des nouvelles technologies, et notamment du numérique.

Prenons simplement l'exemple du secteur public audiovisuel.

A en croire le Gouvernement, il suffirait de regrouper sous le même toit les chaînes publiques et de diminuer l'encombrement publicitaire de leurs antennes pour assurer la résurrection d'un service public fort et respecté. Je n'y crois, pour ma part, nullement, et ce pour deux raisons.

Premièrement, la réduction de la durée de la publicité de quatre minutes par heure sur ces chaînes ne les libérera que très partiellement de la contrainte de l'Audimat.

Elles auront en effet toujours besoin des recettes amenées par les publicitaires, même si elles sont moindres, ets eront donc toujours contraintes de comparer leur audience à celle des chaînes privées si elles veulent continuer à vendre des espaces publicitaires ou ne pas être contraintes de brader leurs tarifs.

Deuxièmement, comment croire sérieusement que la nouvelle holding garantira une plus grande efficacité du service public de l'audiovisuel ? Vous considérez pour votre part que cette holding permettra une plus grande cohérence de l'activité des chaînes publiques et de l'offre des programmes et permettra des réorganisations et des économies d'échelle. Je ne suis pas rassuré sur ce point, madame la ministre, je vous le dis comme je vous l'avais dit en commission. Vous me permettrez d'ailleurs de douter, au regard des expériences passées, de la capacité de l'Etat actionnaire à gérer ce type de rationalisation et à engager une véritable stratégie industrielle.

Cette nouvelle superstructure, dont on espère que ce ne sera pas un « super machin », risque de n'aboutir en réalité qu'à créer une nouvelle bureaucratie, à alourdir les processus de décision au sein d'entités au fonctionnement déjà complexe et à accroître les dépenses de fonctionnement. Chacun connaît le caractère budgétivore de ce type de structure. L'inquiétude qui est la mienne à ce sujet est d'ailleurs largement partagée, au-delà même des rangs de l'opposition, puisque des membres de la majorité, Jack Lang en tête, ont mis en garde le Gouvernement sur ce projet de holding avec un message clair : « Evitons de construire une usine à gaz qui dévorerait les crédits destinés aux programmes. » J'espère que, dans vos réponses,

madame la ministre, vous nous rassurerez sur ce point.

Ce que votre projet porte en germe, madame la ministre - et ce n'est pas le moindre des paradoxes -, c'est en fait l'affaiblissement du secteur public de l'audiovisuel, car l'annonce par le Gouvernement du reversement automatique et intégral des 2,4 milliards de francs d'exonération de redevance aux chaînes publiques, en compensation de la baisse des recettes publicitaires, ne garantit pas, comme vous voulez nous en persuader, le financement durable des chaînes publiques.


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Cette promesse de financement durable n'a de valeur que celle que voudra bien lui donner chaque année la loi de finances. Dire le contraire relève soit de l'angélisme, soit de l'hypocrisie. En réalité, la question du financement du secteur public, qui avait fait capoter votre projet en décembre dernier, n'est donc à ce jour nullement réglée de façon pérenne.

L'autre défaut essentiel de ce texte, c'est qu'il ne donne pas les moyens au secteur audiovisuel français d'aborder avec succès les mutations technologiques en cours.

Votre projet, vous le savez bien, madame la ministre et chers collègues de la majorité, présente une lacune tout à fait inadmissible : celle du numérique hertzien.

Les enjeux dans cette affaire sont importants puisque le développement de la numérisation de la diffusion hertzienne permettrait non seulement à 90 % des foyers français de bénéficier à domicile de tous les services qu'offre le numérique sans s'équiper d'antennes satellites, mais rendrait en outre possible une gestion plus rationnelle des fréquences permettant ainsi de récupérer des fréquences nécessaires au développement des télévisions locales et de la téléphonie mobile.

Le paysage audiovisuel a totalement changé. Du fait des évolutions technologiques, nous sommes passés d'une situation de pénurie à une situation d'abondance en matière de fréquences. C'est cette nouveauté qu'il aurait fallu en l'occurrence saisir. Votre texte, sur ce point comme sur les télévisions régionales et le développement de l'audiovisuel extérieur, est un rendez-vous manqué et il reste tout à fait flou pour ce qui concerne RFO. Vous avez annoncé, madame la ministre, la semaine dernière - et je pense que ce n'est pas tout à fait un hasard - la sortie d'un Livre blanc et l'organisation d'un grand débat en juin prochain sur le passage de la France au numérique hertzien avec tous les acteurs concernés. Acceptons-en l'augure. Mais je crains que cette manoeuvre dilatoire et cet effet d'annonce n'aient d'autre but que d'essayer de combler le vide de votre projet de loi sur le numérique hertzien.

Ce n'est pas ainsi que vous parviendrez à dissimuler que, faute de courage politique et faute d'audace, le Gouvernement a fait prendre dans le domaine du numérique hertzien un retard important à la France au regard de ce qui s'est fait dans de nombreux pays. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, notamment, se sont lancés dans cette démarche depuis plusieurs années et la Grande-Bretagne couvrira par le numérique hertzien 90 % de son territoire d'ici à la fin de 1999.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Le rapporteur de votre projet nous annonce d'ailleurs que la longueur du débat parlementaire permettra sans doute au Gouvernement de raccrocher en deuxième lecture des décisions sur le numérique et les télévisions locales. Je crains, madame la ministre, que cette déclaration ne fasse que souligner, si besoin en était, la nécessité de prendre sans délai des mesures pour favoriser le développement du numérique hertzien et malheureusement le vide de votre projet sur une question pourtant aussi cruciale.

Il est quand même singulier, mes chers collègues, qu'on engage en 1999 un débat sur l'audiovisuel et que, sur cette question, il n'y ait aucune réponse mais un grand vide. C'était sans doute l'objet de vos réactions tout à l'heure.

Enfin, pour terminer, madame la ministre, j'émettrai un dernier regret à propos de votre projet de loi.

Je trouve dommage qu'à l'occasion de ce texte, n'aient pas été prises une série de mesures visant au développement de l'action audiovisuelle extérieure de la France, notamment en direction des pays de la zone francophone.

Vous n'êtes pas simplement ministre de la communication. Vous êtes également celui de la culture.

S'il y a pourtant un domaine où l'intervention de l'Etat me paraît justifiée, c'est bien celui du développement de l'offre télévisuelle française à l'étranger. Vous ne cessez, à juste titre, madame la ministre, de souligner que la télévision a une fonction culturelle de plus en plus importante. Or la francophonie n'est-elle pas le prolongement naturel de notre langue et de notre culture dans le monde et ne véhicule-t-elle pas aussi une vision du monde qui est la nôtre ? Pourquoi, dans ces circonstances, ne pas avoir profité de cette occasion pour donner aux acteurs privés et publics du secteur, qui affrontent une concurrence accrue du monde anglo-saxon, un coup de pouce supplémentaire pour favoriser le développement de leur action et permettre ainsi une plus grande présence de l'audiovisuel français dans le monde ? Je regrette à cet égard le manque de volontarisme du Gouvernement. Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui en est l'illustration. De la grande réforme annoncée il y deux ans, il ne reste qu'un projet sans grande ambition ni vision pour l'avenir de l'audiovisuel français.

Aujourd'hui, l'abondance et la convergence croissante des modes de communication bouleversent le cadre juridique lui-même. Face à l'explosion des technologies, le droit de l'audiovisuel doit devenir un droit de plus en plus contractuel. Au lieu de courir après les technologies, le législateur doit désormais offrir aux opérateurs un cadre souple et faire passer le droit audiovisuel d'une logique de réglementation à une logique de régulation. Malheureusement, votre projet, madame la ministre, passe totalement à côté de ce défi.

Vous voudriez que votre projet appelle notre approbation. J'ai le regret de vous dire qu'il constitue plutôt pour nous une source de motivation pour réfléchir et préparer ce qui serait une vraie réforme de l'audiovisuel : une réforme qui non seulement répondrait aux enjeux de l'audiovisuel de demain et aux attentes des différents professionnels de l'audiovisuel, des différents acteurs de la culture, mais surtout qui serait en mesure d'offrir à nos compatriotes une télévision dont ils puissent être fiers, c'est-à-dire une télévision qui concilierait à la fois la multiplicité et la diversité et la qualité des programmes.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Françaix, pour dix minutes.

M. Michel Françaix.

Monsieur le président, madame la ministre, ce débat sur l'audiovisuel, c'était l'une des promesses de la majorité.

M. Renaud Muselier.

C'est reparti !

M. François Baroin.

Vous avez raison d'utiliser l'imparfait !

M. Michel Françaix.

Pourquoi était-ce important ? Pas seulement pour le plaisir d'ajouter des paragraphes supplémentaires à un cadre réglementaire et législatif qui n'en manque pas. En ce domaine aussi, la qualité prime sur la quantité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Renaud Muselier.

Mettez plus de conviction dans vos propos !

M. Michel Françaix.

S'il est important de légiférer sur ces questions, c'est tout simplement parce que le secteur de la communication, au sens large, est l'un des principaux pôles de développement et de croissance de l'économie française pour les années à venir et qu'il représente un enjeu majeur d'affirmation de notre identité culturelle et de notre capacité à exporter nos talents créatifs.

Par conséquent, l'enjeu de notre débat est d'abord culturel au sens le plus noble que peut avoir ce terme.

Nous savons à quel point la télévision joue le rôle d'une seconde école pour beaucoup de nos concitoyens. Nous savons aussi la part croissante des technologies de l'image dans la diffusion du savoir, l'ouverture sur le monde et l'accès à la culture.

Mais l'enjeu de notre débat est ensuite économique au sens le plus concret que peut avoir ce terme. Si nous réussissons à accompagner le secteur de la communication dans sa mutation technologique à l'heure de la révolution numérique, si nous réussissons à soutenir efficacement l'effort de modernisation du secteur public,...

M. Renaud Muselier.

Avec autant de si, nous ne sommes pas près d'aboutir !

M. Michel Françaix.

... alors le résultat s'évaluera en satisfaction pour nos concitoyens, mais aussi, et ce n'est pas le moindre, en excédent commercial et en création d'emplois. Ce débat est culturel. Il est économique.

Autant dire qu'il est stratégique pour l'avenir de notre pays.

Mme Frédérique Bredin.

Absolument !

M. Michel Françaix.

Et quel a été le premier gouvernement à dire non seulement : « Nous ne pouvons pas ignorer l'émergence du phénomène Internet », mais aussi :

« Il ne faut pas avoir peur de cette évolution technologique, car la France a les moyens d'en tirer profit » ? Quel a été le premier gouvernement à agir en conséquence en mobilisant la France, l'Etat, les institutions, le monde de l'enseignement, sur la voie des nouvelles technologies ? Vous le savez très bien, c'est celui de Lionel Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Olivier de Chazeaux.

Et M. Martin-Lalande, il n'a rien fait ?

M. Michel Françaix.

L'opposition s'oppose. Et c'est son droit.

M. Michel Herbillon.

Et la majorité passe la brosse à reluire !

M. Michel Françaix.

Mais sur quoi s'oppose-t-elle ?

M. François Baroin.

Sur rien ?

M. Michel Françaix.

Nous introduisons avec retard la diffusion par satellite dans le droit par rapport aux faits ? C'est vrai. Mais à qui la faute ? Les deux bouquets satellitaires privés français ont été lancés sous des gouvernements de droite qui n'ont pas su, pas pu, pas vu, pas cru - je ne sais pas - bref qui n'ont pas été capables d'adapter en temps utile notre législation. Le Gouvernement rattrape ce retard, madame la ministre et le groupe socialiste vous en félicite. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais le Gouvernement a surtout mis l'accent sur la nécessité de refonder le secteur public. Et c'est sans doute en cela qu'il a désespéré les ultralibéraux qui se sont exprimés à cette tribune.

M. Michel Herbillon.

Caricature !

M. Michel Françaix.

A gauche, au sein de la majorité plurielle, nous continuons de vivre avec l'idée qu'un grand service public de télévision est une chance pour la France. Il y a une différence fondamentale entre ceux qui veulent paupériser le secteur public et ceux, au contraire, qui restent lucides sur ses imperfections mais qui veulent avant tout le préserver et le dynamiser.

M. Michel Herbillon.

Vous n'avez pas toujours dit ça sur le projet de loi !

M. Michel Françaix.

Pourquoi ? Parce qu'il peut offrir un espace de liberté pour la création sans être obnubilé par le critère de l'audience.

Parce qu'il peut offrir un espace de respiration et d'accès au débat public pour toutes les sensibilités que compte ce pays, en dehors de considérations purement marchandes.

Parce qu'il peut refléter la richesse et la diversité de nos cultures régionales, sans privilégier une gestion mercantile de son antenne.

Cela vous intéresse les cultures régionales ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Olivier de Chazeaux.

Quel rapport avec le projet de loi ?

M. Michel Herbillon.

Sur ce sujet aussi, il faudrait un projet de loi !

M. Michel Françaix.

Enfin, nous croyons qu'un grand service public de télévision est une chance pour la France parce qu'il peut aussi respecter les minorités et les sensibilités de toutes les catégories de population, à commencer par les enfants, en s'interdisant tout racolage à base de violence ou de voyeurisme.

Le service public doit ainsi être au service de la majorité immense de Français que constituent les télespectateurs. Oui, le service public doit être au service du public.

M. Michel Herbillon.

Vous ne vous êtes pas trompé de projet ?

M. Michel Françaix.

Pour qu'il en soit ainsi, il fallait lui en donner les moyens. Sans largesse, ce que notre rigueur budgétaire nous interdit de toute façon. Mais sans mollesse non plus, pour permettre à la télévision publique d'être de nouveau porteuse d'une ambition.

Regardons à l'étranger et constatons que, chez nos principaux voisins de l'Union européenne, les financements alloués au service public sont supérieurs aux nôtres.

Pour cela, avec le soutien du Premier ministre et du ministère des finances, le Gouvernement a adopté deux dispositions essentielles. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Herbillon.

Toujours payer ! M. Michel Françaix D'une part, il s'est engagé à compenser les exonérations diverses qui pénalisaient les budgets des chaînes. Cela fait vingt ans que l'on attendait


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de récupérer ces 2 milliards et demi ! Cela fait vingt ans que je vous entends les uns et les autres dire à chaque débat que ce sera pour la prochaine fois. Vous n'avez jamais été capables de le faire. Nous, nous l'avons fait.

D'autre part il a accepté le principe d'une réduction des espaces publicitaires qui imposaient leur rythme et leurs contraintes à l'ensemble des grilles de programme.

Les mesures techniques et juridiques permettant la constitution d'une holding publique et donnant à son président la longévité minimale sans laquelle aucune action sérieuse ne peut être entreprise traduisent par ailleurs la volonté du Gouvernement de redonner au service public toutes ses chances.

Mais la priorité des priorités doit aller au contenu.

Nous pourrons bien avoir les textes les mieux préparés et les constructions juridiques les plus élaborées, intérêt cela aurait-il si toute cette intelligence ne sert qu'à diffuser des séries d'animation produites au kilomètre en Asie et des feuilletons américains déjà amortis depuis longtemps ? La télévision publique reste pourtant une idée forte, une idée noble en France, mais aussi au Royaume-Uni, comme dans de nombreux pays européens, et notre rôle doit consister à permettre à la France de jouer un rôle d'impulsion dans la définition d'une politique volontariste sur le continent. A quelques jours des élections du Parlement européen, je suis persuadé que telle sera la volonté commune des élus sociaux-démocrates de toute l'Europe.

D'ailleurs l'absence d'Europe audiovisuelle, c'est, à terme, l'absence d'Europe tout court.

Oui, le plus important, c'est de réussir par des programmes bien conçus, bien placés dans la grille, bien valorisés à l'intention du public, à faire rencontrer un jour à un jeune Français l'émotion artistique face à une oeuvre d'art qu'il n'aurait jamais connue sans cela. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je sais bien que vous ne pouvez pas comprendre ! C'est de lui donner l'envie de lire des livres et des journaux, de lui offrir les éléments qui lui permettent de faire jouer son esprit critique sur tel problème d'actualité et sur de telle décision - pourquoi pas ? - du Gouvernement.

M. Michel Herbillon.

Dites-nous l'heure d'un tel programme !

M. Michel Françaix.

A l'heure de la révolution numérique, il importe de surcroît, pour que soit respectée l'égalité des chances et offertes à chacun toutes les cartes de la citoyenneté, de permettre au plus grand nombre de Français de profiter des nouvelles possibilités offertes par les technologies de l'information et d'en maîtriser le mieux possible l'utilisation.

Voilà pourquoi votre loi, madame la ministre, n'est pas une fin en soi. Elle marque plutôt un nouveau départ.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Herbillon.

Il serait temps, depuis deux ans !

M. Michel Françaix.

Quelques regrets cependant.

(« Ah ! » sur les mêmes bancs.) D'un seul coup, cela vous intéresse ! Rien, ou pas assez, sur la transparence des groupes dépendants des marchés publics - eau, électricité, déchet s. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Démocratie libérale.) Trop peu sur la clarification des faits susceptibles d'être retenus par le CSA contre des opérateurs privés indélicats.

Pas assez sur les télévisions locales et sur un risque d'ébullition de télévisions pirates si nous n'arrivons pas à mettre en place les télévisions locales dans un temps restreint.

M. Michel Herbillon.

Je viens de dire exactement la même chose !

M. Michel Françaix.

Très peu sur la transparence des décisions du CSA.

A ce stade, le groupe socialiste, qui accorde toute sa confiance au Gouvernement, apportera sa contribution au débat en déposant, pour sa part, un certain nombre d'amendements destinés à compléter la loi, à la préciser et à en accroître l'efficacité.

M. François Baroin.

Belle préparation !

M. Michel Françaix.

Enfin, une inconnue demeure toutefois, nous le savons, puisqu'il appartiendra au prochain P-DG de France Télévision de définir sa politique, de faire ses choix : dégager une politique industrielle, dével opper une stratégie internationale, diversifier l'offre publique - chaînes thématiques, télévisions locales, service interactif, hertzien numérique.

En guise de conclusion, je dirai que ce qui me frappe dans ce débat, c'est qu'au fond, toute la différence entre l'opposition libérale et le Gouvernement repose bien sur le sens que l'on donne au mot régulation. Pour l'opposition, c'est le moyen de cantonner la télévision publique dans un ghetto, privée peu à peu de moyens, de programmes, tandis que la télévision commerciale serait quant à elle affranchie de toutes contraintes.

M. Michel Herbillon.

Caricature !

M. Michel Françaix.

Pour nous, la régulation, c'est l'ensemble des règles du jeu qui permettent de concilier la richesse de création, la liberté d'entreprendre et l'intérêt général.

C'est pourquoi la meilleure régulation possible ne repose pas que sur des textes. Elle résultera d'un vrai équilibre entre d'une part un secteur public conforté dans son fonctionnement, son rôle et sa légitimité, qui élève l'offre télévisuelle et oblige par son existence le secteur privé à un effort de qualité ; et, d'autre part, un secteur privé dynamique, entreprenant, qui réussisse sa percée internationale dans la télévision commerciale, la télévision payante, mais aussi dans les nouveaux développements numériques, sur les bouquets comme sur Internet, sur le marché des logiciels comme dans le cinéma, l'animation, les industries du son et d'une façon générale le multimédia.

Ce n'est pas « public ou privé », comme M. Dominati le prétend, laissant penser que, désormais, nous n'avons plus besoin que du privé.

M. Michel Herbillon.

Il vous manque, décidément !

M. Michel Françaix.

C'est public et privé.

Si nous parvenons à favoriser un tel équilibre, une telle complémentarité entre public et privé, nous aurons bien travaillé aujourd'hui pour donner à la France l'un des atouts majeurs dans le monde de demain. Et je suis sûr


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

que, un jour ou l'autre, vous nous rejoindrez sur ce sujet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Riress ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux.

M. Olivier de Chazeaux.

Enfin ! Tel doit être le cri du coeur de certains, tant ils ressentent un soulagement après avoir redouté le naufrage annoncé de votre projet de loi.

Ils ont craint le pire pensant qu'il ne viendrait pas. Ils étaient, tels ces soldats du désert des Tartares, à attendre l'ennemi qui n'arrivait pas jusqu'au jour où Rupert Murdoch, à la faveur d'une tentative de rapprochement avec Canal Plus, légitima la renaissance du projet audiovisuel défunt que vous nous aviez si rapidement présenté.

De nouveau à la tâche, vous faisiez savoir à qui voulait l'entendre que le monde de l'audiovisuel serait surpris tant votre projet était ambitieux et moderne...

Au risque de vous fâcher, mais non de vous surprendre, madame la ministre, d'autres - au premier rang desquels figure le groupe du Rassemblement pour la République - sont partagés entre un fort sentiment de désappointement et celui, plus étonnant, d'incrédulité face à tant de vide.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Cela devrait vous rassurer !

M. Olivier de Chazeaux.

Il faut avouer que si les mots ont un sens, il conviendrait qu'il y ait adéquation entre ceux-ci et ce qui est censé les représenter.

Or, tel n'est pas le cas du projet de loi sur l'audiovisuel dont nous devons débattre ce soir.

Là où vous nous annonciez ambition et modernité, nous étions en droit d'attendre de votre gouvernement, de l'audace, un sens de l'anticipation et de l'innovation, surtout à l'heure de la mondialisation. L'industrie de l'audiovisuel français, face à une concurrence internationale rude, fort légitimement, attendait de votre part un signal fort.

Las ! ils devront encore attendre. Le pire, pour eux, est à venir. L'avenir de tous ces professionnels de l'audiovisuel français ne peut se satisfaire, madame la ministre, des quelques mesurettes que vous nous proposez. Elles ne sont là que pour faire illusion sur la capacité de votre gouvernement à entrer dans la société de l'information du

XXIe siècle.

Votre carence dans ce domaine sera également fort préjudiciable à nos jeunes concitoyens qui auraient pu espérer, dans les toutes prochaines années, de nouveaux emplois durables et innovants, autres que des emploisjeunes - encore une facette du miroir aux alouettes socialiste ! Mes chers collègues, un peu de réalisme et beaucoup d'objectivité devraient finir par vous convaincre de la justesse de mes propos.

Ainsi, je ne doute pas un instant que vous ayez tous ici p orté attention aux réactions des professionnels de l'audiovisuel, aux commentaires éclairés de la presse spécialisée, aux avis pertinents du Conseil supérieur de l'audiovisuel, voire aux observations de quelques-uns de nos collègues.

Et bien, figurez-vous que les commentaires les plus fréquents portent davantage sur votre personne, madame la ministre, plutôt que sur votre projet de loi. En clair, il est plus facile de retenir votre « ténacité », votre « courage » à revenir devant l'Assemblée que la nature ambitieuse et moderne de votre projet.

Nulle personne n'a retenu la modernité du texte que vous nous soumettez. C'est bien légitime puisqu'il en est totalement dépourvu. Les deux segments de votre projet de loi sont en fait déjà dépassés, donc inutiles. Certains

« experts » de l'audiovisuel ont même été jusqu'à qualifier votre Meccano législatif de loi « ringarde ».

Tel est le sentiment unanimement partagé dans cet hémicycle par ceux qui se taisent, mais qui n'en pensent pas moins, et ceux qui ont choisi de s'exprimer afin que vous ne persistiez pas dans l'erreur. Car s'il est vrai qu'il fallait engager une réforme de l'audivisuel, ce n'est pas celle que vous nous présentez.

Votre réforme, madame la ministre, est inopportune et inappropriée.

En effet, force est d'abord de constater que vous n'avez présenté rien de novateur depuis les derniers textes venus en discussion tant à l'Assemblée qu'au Sénat. Je pense tout particulièrement au projet de loi de votre prédécesseur, M. Douste-Blazy.

Pourtant, dès le 19 juin 1997 le Premier ministre annonçait une grande réforme de l'audiovisuel, bien différente de celle votée ici-même en première lecture par la m ajorité précédente. Puis vous-même, madame la ministre, de déclarations en déclarations, laissiez entendre que vous aviez tout compris des enjeux fondamentaux de l'audiovisuel à l'aube du troisième millénaire.

Il ne s'agissait en fait que de déclarations de principe qui ne devaient pas être suivies d'effet. Votre audition en 1997 devant la commission des affaires culturelles de notre assemblée révélait votre motivation en ces termes :

« il convient, en matière d'audiovisuel, d'éviter des propos trop ambitieux... » Alors, faut-il vraiment croire Catherine

Trautmann version 1999, si prémonitoirement démentie en 1997 ? Vos deux textes révèlent une carence essentielle : aucune disposition sur le numérique hertzien, sur les télévisions locales et régionales et sur la convergence des médias qui leur auraient conféré la modernité tant attendue.

Cela est particulièrement grave de la part d'un Gouvernement qui prétend être en pointe sur le développement des nouvelles technologies ou qui se montre si enthousiaste à promouvoir une société de l'information porteuse d'avenir. Il est pourtant évident que votre gouvernement avait toutes les informations nécessaires, depuis déjà quelques années, pour s'engager sur la voie de l'avenir sans ignorer ces aspects fondamentaux.

Je ne comprends donc pas votre précipitation à revenir devant notre assemblée avec ce texte déjà dépassé. Vous n'étiez plus à quelques mois près, nous avions déjà tant attendu.

D'ailleurs, votre récente communication en conseil des ministres, le 12 mai dernier, ne fait qu'ajouter à la confusion et nous renforce dans notre idée que vos textes étaient insuffisamment préparés. Comment pouvez-vous, dans ces conditions, mépriser tant notre assemblée mais aussi le Conseil d'Etat et le Conseil supérieur de l'audiovisuel alors que vous vous apprêtez à déposer des amendements en deuxième lecture pour réparer vos oublis, fâcheux pour l'avenir de notre industrie audiovisuelle ? En agissant de la sorte, vous ajoutez à la pantalonnade de la préparation de vos projets de loi, le tâtonnement d'une stratégie politique en la matière hasardeuse.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

Notre réserve est d'autant plus grande que s'agissant de l'audiovisuel public vous ne créez rien. Le concept d'une holding France Télévision émane, en fait, d'un amendement présenté devant le Sénat par Jean-Paul Hugot lors de la discussion sur le projet Douste-Blazy.

La fusion Cinquième Sept-Arte n'est pas davantage une innovation de votre part. Cela figurait dans le projet du précédent ministre de la culture et de la communication. Il est d'ailleurs pour le moins piquant de voir votre majorité approuver cette disposition avec enthousiasme...

M. Christian Cuvilliez.

N'exagérons rien !

M. Olivier de Chazeaux.

... alors qu'il y a peu, d'éminents collègues socialistes, du Mouvement des citoyens et communistes, très au fait de la réalité du paysage de l'audiovisuel français, la critiquaient avec insistance.

Il en est de même pour la transposition de la directive européenne Télévision sans frontières qui figurait également dans le précédent projet de loi. Je relève, à ce sujet, que la France sera le dernier pays à transposer cette directive, alors que nous étions les initiateurs d'une telle mesure. Le paradoxe - que vous semblez aimer cultiver est que la Commission européenne a envisagé de prendre des sanctions à l'encontre de la France après votre prétendu « repli stratégique » du 1er décembre dernier.

Alors, madame la ministre, autant vous le dire nettement et immédiatement - mais je ne vous surprendrai pas -, le groupe RPR ne votera pas votre projet de loi en l'état, parce qu'il n'est pas approprié à l'industrie de l'audiovisuel que nous voulons pour notre pays.

Vos propositions sur l'audiovisuel public et, plus particulièrement, sur l'engagement du gouvernement en faveur du service public ne nous ont pas convaincus, pour une triple raison.

Sur la forme d'abord. M. Jospin et vous-même, depuis le 19 juin 1997, n'avez cessé de vous proclamer les chantres de la défense du service public audiovisuel. Puis, peu à peu, pris dans vos propres contradictions - et en accord avec les habitudes sémantiques socialistes - est apparue la notion de secteur public de l'audiovisuel. C'est ainsi même le titre de votre projet de loi qui porte sur le secteur public de l'audiovisuel. Vous auriez pu en rester là, mais vous avez aussi jugé utile de supprimer toutes références au service public figurant dans la loi de 1986, et plus particulièrement sur les dispositions qui portent sur la Cinquième et la Sept-Arte.

Votre décision apparemment anodine est lourde de sens et de conséquences. Vous reconnaissez de facto que le service public audiovisuel n'a plus votre confiance, voire qu'il est en voie de disparition. Vous préférez lui substituer un groupe industriel de chaînes publiques qui aura la charge de concurrencer les chaînes privées. Cela est particulièrement dommageable.

Ainsi, madame la ministre, votre projet favorise la présence des marchands dans le temple du service public de l'audiovisuel, comme le fait observer, fort justement, Henri Cluzel.

Nous ne partageons pas cette manière de faire et cette politique audiovisuelle que vous avez choisie.

Nous pensons qu'il convient de réaffirmer avec force notre attachement à l'existence d'un service public audiovisuel clairement défini. L'identité des chaînes publiques, détachée de toutes contingences commerciales, ne doit laisser subsister aucun doute quant à sa nature. Cela nous paraît indispensable pour faire prévaloir une vraie mission de service public, et cela passe nécessairement par une redéfinition précise des missions du service public de l'audiovisuel en France.

Sur le fond, aussi, nous sommes en plein désaccord.

D'abord, nous ne sommes pas d'accord sur les objectifs que vous assignez aux chaînes du secteur public. Votre rédaction nous laisse perplexes : tant de généralités, voire de banalités ! Ainsi, il résulte de ces dispositions que le service public de l'audiovisuel peut être assumé par une chaîne généraliste privée, ce qui est pour le moins paradoxal sous la plume d'un gouvernement qui prétend vouloir proposer

« un service public plus fort ». Bien évidemment, le résultat est inverse et on aboutit purement et simplement à la disparition du service public au profit d'un service du public de l'audiovisuel.

Nous aurions, de loin, préféré que l'on cesse de caractériser systématiquement le service public par rapport au privé. Vous aviez là l'occasion unique de faire en sorte que la télévision publique retrouve sa mission première.

Le service public de l'audiovisuel doit avant tout être citoyen. Il doit permettre la réalisation de ce lien social tellement indispensable à l'harmonie parfaite entre les générations au sein de notre société mais aussi de nos familles.

La télévision publique a un rôle culturel et éducatif fondamental à jouer dans l'avenir. Il doit être le lieu privilégié de la transmission de savoir et des connaissances pour toute une génération qui peut avoir le sentiment d'avoir perdu tout repère familial et qui cherche sa place dans notre société toujours plus dure et toujours plus mouvante. Il ne faut pas craindre de dire que la télévision publique peut avoir aussi pour objectif de pallier la défaillance de certaines familles dans l'éducation de leurs enfants. Telle serait alors la vraie mission du service public que chaque citoyen est en droit d'attendre.

Non, madame la ministre, la télévision publique ne peut se reconnaître dans ce que vous lui proposez, à savoir concurencer les chaînes privées. Vous allez même jusqu'à suggérer à France Télévision de s'engager dans la réalisation de jeux et divertissements, identiques, dans leur esprit en tout cas, à ceux que nous pouvons regarder sur la télévision privée. Ce n'est pas en les obligeant à toujours courir après l'audimat et après TF 1 que vous résoudrez la « crise d'identité » des chaînes publiques.

En clair, madame la ministre, vous avez le service public honteux ! Alors vous le travestissez d'un faux air de p ôle industriel public pour vous donner bonne conscience. Il ne s'agit plus de cela aujourd'hui. Vous devez choisir - et clairement - entre le secteur concurrentiel et celui de service public. Vous ne pouvez plus rester entre deux chaises ; cela ne ferait qu'accroître les difficultés actuelles de France 2 et de France 3. Les contribuables devraient en payer la note, et cela, nous ne le voulons pas.

Madame la ministre, si vous étiez cohérente, vous nous indiqueriez que l'Etat n'a que faire d'être actionnaire d'organismes audiovisuels marchands et nous pourrions presque vous suivre.

En revanche, si vous confirmiez votre choix, nous ne pourrions que regretter votre obstination à conserver dans le patrimoine de l'Etat des entreprises dont il n'a que faire puisque leurs objectifs ne seraient pas conformes aux missions de service public.

Dans ces conditions, nous contestons la structuration de l'audiovisuel public telle que vous la prévoyez.

La holding France Télévision tentaculaire, que vous avez imaginée, n'est qu'une structure supplémentaire qui se superpose à celles déjà existantes. Il ne transparaît pas


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dans vos explications une raison stratégique et économique claire, propre à justifier une telle construction juridique.

Ce que vous préconisez ne peut fonctionner de manière optimale puisque le pouvoir hiérarchique de la holding sur la gestion de ses filiales fait défaut. La multiplication des conseils d'administration et des représentants de l'Etat ne permettra pas de définir une vraie stratégie. Il y a donc fort à parier que votre projet ne permettra pas de rendre son âme au service public.

Ce n'est certainement pas la réduction timide du temps de publicité qui mettra un terme à la crise d'identité que vit l'audiovisuel public depuis quelques années.

Ne vous en déplaise, les téléspectateurs des chaînes publiques ne percevront pas de différence avec les précédents écrans publicitaires. Quant aux futurs programmes, ils comporteront, selon vos dires - je le répète -, des jeux et des divertissements. C'est palpitant ! Par ailleurs, nous regrettons votre effet d'annonce sur le financement complémentaire que vous croyez avoir obtenu de Bercy. Chaque année, il peut être remis en cause, et vous le savez bien : Bercy peut reprendre demain par la loi de finances ce qu'il donne aujourd'hui.

Madame la ministre, le vrai courage aurait été d'aborder la question du financement de la télévision publique d'une autre manière. Puisque vous aimez les comparaisons, il aurait été utile que vous reteniez les principes appliqués tant en Grande-Bretagne qu'en Allemagne.

Dans ces deux pays, l'effort a essentiellement porté sur la rationalisation des dépenses de fonctionnement des chaînes publiques. Nous pensons que cette réflexion aurait dû prévaloir à toute autre - avant la constitution de la holding France Télévision, préalablement à la demande de remboursement des exonérations des redevances. Ainsi, nous aurions aimé qu'il y ait concertation sur la question de savoir notamment si autant de chaînes généralistes hertziennes publiques sont encore nécessaires, alors que le développement des nouvelles technologies et des nouveaux services bouleversent formidablement le paysage audiovisuel français.

Votre refus de procéder de la sorte ne pourra que conduire inexorablement à l'affaiblissement du service public de l'audiovisuel et à l'abondement budgétaire sans fin de ce secteur sans aucune remise en cause. Et ce au détriment des contribuables qui restent toujours les payeurs.

S'agissant du second volet de votre projet, nous ne pouvons que regretter la défiance de votre gouvernement à l'égard du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Vous avez souhaité renforcer les pouvoirs de cette autorité de régulation. Or vous ne faites que la museler.

Ainsi, vous aviez l'occasion unique d'en faire l'égal de la FCC américaine.

Oui, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a les compétences et les moyens d'assurer tous les pouvoirs en matière de droit de la concurrence audiovisuelle. Au lieu de cela, en contrepartie du financement obtenu de Bercy, vous avez abandonné cette compétence au conseil de la concurrence sous tutelle du ministère des finances.

En fait, par cette disposition, vous placez le Conseil supérieur de l'audiovisuel et les entreprises audiovisuelles sous la férule de Bercy. En agissant de la sorte, vous affaiblissez le CSA. Nous ne pouvons vous suivre sur cette voie.

Je souhaiterais aborder un dernier axe que vous développez dans votre texte.

Afin de garantir la liberté de l'information, vous introduisez, pernicieusement, un nouvel élément pour l'attribution des fréquences. Je pense aux dispositions qui introduisent la possibilité d'effectuer des enquêtes sur les groupes industriels bénéficiant de marchés publics.

Vous motivez votre décision par le risque que font peser sur la pensée des citoyens, ou plus exactement sur leur information, les positions prédominantes de certains groupes dans l'audiovisuel privé.

Dans vos propos, on comprend que cette menace est actuelle, que l'information ne serait pas libre, sur TF 1 par exemple. Alors, madame la ministre, je ne comprends toujours pas pourquoi M. Jospin s'obstine à choisir quasi systématiquement cette chaîne pour délivrer à l'opinion p ublique ses principales décisions politiques. Quelle défiance à l'endroit de France Télévision !

M. Renaud Muselier.

Tout à fait !

M. Olivier de Chazeaux.

Nous sommes en plein paradoxe socialiste.

M. Renaud Muselier.

Très bien !

M. Olivier de Chazeaux.

Nous ne pensons pas que votre proposition soit favorable au bon développement de l'audiovisuel français. Je crains, bien au contraire, qu'elle ne favorise l'entrée sur le marché français des acteurs étrangers que vous redoutiez tant au mois de février dernier.

Il sera ainsi possible, à l'avenir, d'écarter de l'audiovisuel en France tout groupe bénéficiant d'un marché public. Cela revient à éliminer la quasi-totalité de nos fleurons industriels. Grâce à vous, nous verrons entrer sur le marché français Time Warner, Viacom, News Group, mais aussi Microsoft. Belle défense en perspective de l'industrie française et de notre culture ! Nous ne pouvons, là encore, vous suivre sur cette voie.

Pour conclure, votre chemin était pavé de bonnes intentions, en théorie, mais vos multiples tâtonnements, cafouillages, revirements font que votre projet de loi n'est plus qu'une réformette d'aménagement qui nous fera manquer le train de l'avenir.

Mes chers collègues, après bientôt vingt-deux mois, une seule leçon doit, à mon avis, être retenue : souvent socialiste varie, bien fol qui s'y fie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Brottes.

Facile !

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Madame la ministre, depuis plus d'un an et demi, vous avez ouvert un large débat dans notre assemblée comme dans tout le pays autour de votre projet de loi relatif à l'audiovisuel. Dès l'ouverture de ce débat, nous avons été de ceux qui pensaient que légiférer dans ce secteur était nécessaire, et ce pour plusieurs raisons.

La première, c'est la place croissante occupée par la télévision dans les pratiques culturelles des Français.

Aujourd'hui, ce sont 180 minutes par jour que chacun d'entre eux consacre à la télévision. Avec la vidéo, c'est au total vingt-quatre heures que passent en moyenne, chaque semaine, nos compatriotes devant le petit écran, soit deux heures de plus qu'en 1989.

Cette place croissante dans notre quotidien s'accompagne, il faut le souligner, d'une diversification des moyens de réception avec le développement du câble et


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du satellite. Si l'on inclut Internet, la radio et l'écoute musicale, c'est bien à une véritable accumulation de consommation audiovisuelle que nous sommes confrontés.

La deuxième raison est la coexistence de deux secteurs, le secteur public et un secteur privé en développement.

Cette coexistence rend nécessaire une redéfinition des missions, des statuts et des financements au sein d'une activité qui participe à la constitution de notre imaginaire collectif. Longtemps considérée dans l'immédiat aprèsguerre comme un bien public, la télévision est devenue un produit avant de se transformer en un service.

Au monopole public reposant sur un financement public, s'est substitué dans un premier temps un système mixte privé-public avec un financement reposant sur la redevance mais aussi sur la publicité. Nous assistons aujourd'hui à l'émergence d'une télévision payée directement par le téléspectateur, devenu client, par abonnement ou à la consommation. Dans un système marqué par la superposition des trois formes de financement, une forte dynamique existe en faveur du péage.

Si l'on considère l'évolution du financement des programmes audiovisuels dans notre pays, on observe qu'en 1985, 25 % du financement des programmes audiovisuels provenaient du péage et que ce pourcentage atteint 44 % en 1995. Le péage qui concernait en 1997 six millions d'abonnés à des programmes, mode de financement des industries audiovisuelles, constitue aussi un mode nouveau de régulation au sein de ce secteur d'activité.

La croissance des dépenses des ménages en matière de télévision nourrit ainsi ce que l'on doit bien appeler sa mercantilisation. L'intérêt grandissant des groupes pour la communication audiovisuelle constitue l'enjeu des déréglementations et des stratégies d'alliance ou d'intégration des grands groupes dans l'audiovisuel, mais aussi dans les télécommunications et dans l'informatique, déréglementations et stratégies illustrées ces derniers mois par plusieurs exemples significatifs. Lorsque Vivendi, ex-Générale des eaux, prend le contrôle de CEGETEL pour les télécommunications, d'Havas pour l'édition électronique et de Canal Plus, et constitue un pôle en matière de communications qui gère des portefeuilles de droits mais aussi les systèmes d'accès aux abonnés, c'est pour mieux combattre les autres systèmes d'alliance qui se constituent autour de Murdoch ou de Berlusconi.

Dans ce contexte, le projet de fusion entre Canal Plus et Bsky B, bouquet britannique de chaînes thématiques détenu à 40 % par Murdoch, a suscité des réserves du commissaire Van Miert et des professionnels et l'opposition du Gouvernement. Il n'en traduit pas moins l'ampleur des enjeux, tout comme le projet du même Murdoch de s'associer à TF 1 pour créer en 2000 une chaîne généraliste destinée au jeune public.

Longtemps, l'Etat en France contrôlait l'industrie et l'ensemble du secteur de la diffusion et de la production audiovisuelle. Après la loi de 1974, la loi Fillioud, de 1982 qui met fin au monopole de programmation et permet le lancement de Canal Plus, de La Cinq et de M 6, la loi Léotard de 1986, qui privatise TF 1, la loi Tasca, la loi Carignon, de 1994, le problème n'est plus le contrôle excessif de l'Etat et du Gouvernement sur la communication et l'information mais le contrôle devenu excessif des groupes de communication sur ce même secteur. L'Etat s'est progressivement mis en retrait, laissant le leadership à des champions nationaux que seraient les grandes firmes.

L'entrée dans l'ère du numérique et la convergence entre télévision, informatique et télématique vont constituer une véritable révolution technologique dont il s'agit de prendre toute la mesure. C'est non seulement le paysage audiovisuel qui va se trouver modifié mais aussi le comportement du téléspectateur à qui l'on offrira la possibilité de composer son propre programme. Cette évolution nécessite, pour le secteur public comme pour le secteur privé, des moyens nouveaux pour faire face à la demande de services et de programmes, sans négliger pour autant le développement des chaînes généralistes.

Priver le secteur public des financements nécessaires, c'est l'empêcher d'être au rendez-vous du numérique, ou le contraindre à faire le choix du numérique au détriment des chaînes généralistes ou encore à faire le choix inverse le conduisant à se séparer des chaînes thématiques attendues par le téléspectateur. C'est prendre la responsabilité d'une crise du secteur public, de la marginalisation de la production nationale, de la naissance d'une télévision à deux vitesses, les programmes les plus attractifs étant l'apanage de la télévision payante.

La troisième raison, enfin, tient au contexte international, la mondialisation des économies, dont participent les faits que je viens de rappeler. Ils nous contraignent à réaffirmer quelques grands principes et à définir une politique nationale qui donne du corps et du sens à la notion d'exception culturelle. Dans un secteur marqué par le recours à une régulation discriminatoire par l'argent, la formation de conglomérats privés multinationaux et la mise en place d'une économie du péage et des compteurs pour l'accès à l'information, les offensives ultralibérales du GATT, puis de l'OMC, l'AMI, le projet NTM prennent toute leur signification. Il s'agit d'éliminer toutes les règles de sauvegarde des intérêts nationaux en vue d'édifier un marché mondial sans frontières largement ouvert aux ambitions des groupes transnationaux.

Dans ce contexte, comme le souligne le texte de la proposition de loi élaborée par les états généraux de la culture animés par Jack Ralite, « il est donc temps de mettre à jour et en oeuvre... une responsabilité publique et sociale à tous les niveaux, local, régional, national, européen, international, avec en son coeur les enjeux de civilisation que sont le pluralisme des idées, des expressions, des esthétiques, l'exception culturelle, la liberté de création et de recherche, l'indépendance de l'information et l'égalité de tous les citoyens ».

Cette démarche nécessite une extension du service public reposant sur des missions et des responsabilités d'intérêt général réaffirmées, un renforcement du pôle public, mais aussi de la production et de la création audiovisuelle. A l'inverse de la situation présente, les missions et les critères de services publics devraient être étendus à l'ensemble des acteurs, qu'ils soient privés ou publics.

C'est dans cet esprit que le groupe communiste a abordé le débat sur l'audiovisuel que vous avez ouvert, madame la ministre. Nous en attendions, comme vous l'aviez initialement annoncé, une limitation des effets des concentrations, mais aussi une définition des missions de service public de France Télévision, la constitution d'un vrai pôle public, un renforcement sensible de la production et de la création audiovisuelle reposant sur une définition claire du rôle de la Société française de production, la SFP, qui a été affaiblie et transformée pour l'instant en société de prestations avec des suppressions massives d'emplois. Quant à l'Institut national de l'audiovisuel, menacé de perdre ses missions, nous demandons qu'elles soient redéfinies, notamment celles touchant la formation


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et à l'aide à la production. Sur la question des moyens financiers, si nous prenions acte dès l'ouverture du débat de la réduction des temps de publicité et des « tunnels » publicitaires, nous demandons le remboursement de l'intégralité des exonérations de redevance.

Il faut souligner le caractère original de la démarche de concertation que vous avez engagée avec les groupes de la gauche plurielle afin d'aboutir à un document d'objectifs politiques.

Cet accord est construit autour de trois grandes priorités : le développement et le renforcement du service public en tenant compte du contexte de concurrence dans lequel il évolue ; le développement d'une industrie des programmes diversifiée et créative ; la mise en place pour le secteur privé d'un cadre de régulation simple, efficace et transparent.

Nous prenons acte de votre volonté de garantir au service public les moyens financiers nécessaires à sa modernisation et au développement de nouveaux programmes, soit un milliard de francs, après remboursement des exonérations de redevance, compensation du manque à gagner publicitaire et financement des programmes de substitution.

Je souhaiterais cependant souligner la nécessité de l'ouverture d'un véritable débat sur la définition même de ce service public. Dans un pôle public regroupant des sociétés de droit privé, sans doute conduites demain à créer des filiales, avec peut-être une mixité entre capitaux publics et privés, comment préserver les trois missions fondamentales du service public : informer, éduquer, distraire ? Telle est la question de fond, surtout lorsque l'autorité de régulation du secteur définit les règles générales de programmation des chaînes privées en termes identiques.

Je vous renvoie sur ce point au rapport Missika.

On peut, certains l'ont déjà fait, se demander en quoi consiste la différence avec les programmes standardisés et c'est pourquoi nous avons souhaité, par plusieurs amendements, enrichir le texte par une référence à la mission de production, c'est-à-dire de création, sans dissociation des missions de production et de diffusion afin d'encourager le pluralisme de la création.

Dans le même esprit, nous souhaitons que le développement des chaînes thématiques ne nuise pas à une démarche généraliste destinée à fédérer les publics, à créer du lien social et à nourrir une démarche citoyenne d'appartenance à une communauté nationale, une et indivisible.

La question du financement du service public me paraît quasiment réglée. Nénamoins, nous y reviendrons dans le débat, la pérennisation des sommes nécessaires à la liberté de la création devra être réaffirmée.

Si nous notons votre volonté d'inscrire, ou plutôt de réinscrire dans la loi le concept de service public, nous continuerons cependant à militer dans le débat pour que ce concept soit précisé par la reconnaissance, dans l'intérêt général, de véritables missions de service public et pour que figure en premier lieu, parmi ces missions, celle de favoriser le débat démocratique.

Nous continuerons à préconiser le renforcement et la pérennisation de la mission de prodution par l'inclusion dans le texte de références précises à la Société franç aise de production, par le renforcement des missions de production et de formation de l'Institut national de l'audiovisuel.

Au sein de France Télévision, nous défendrons le nécessaire caractère généraliste et diversifié de la programmation de France 3, qui doit conserver sa dimension régionale, voire de proximité, sans renoncer à son ouverture sur l'information nationale et internationale.

Comme le développera notre collègue Ernest Moutoussamy dans quelques instants, nous défendrons dans le même esprit tout à la fois la mission de continuité territoriale audiovisuelle qui est celle de RFO et son identité propre reposant sur son réseau de stations régionales et sur la culture des peuples des départements et territoires d'outre-mer. Le respect de cette identité n'est au demeurant pas incompatible avec le développement d'une convention de partenariat avec France Télévision, voire avec la participation de son président au conseil d'administration de la holding.

Madame la ministre, vous l'aurez compris, nous abordons ce débat dans un esprit constructif, avec la volonté de donner à l'audiovisuel public les moyens de la qualité et du succès. Cette volonté n'exclut pas, vous pourrez le vérifier dans le débat, notre détermination à faire aboutir nos propositions qui, selon nous, peuvent contribuer à cette qualité, à ce succès, et participer, dans un contexte international difficile, à cette exception culturelle française que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Madame la ministre, entre louanges excessives et procès injustifiés, je voudrais garder le ton de la tribune du président du Sénat, Christian Poncelet, parue ce jour dans Libération : respectueux de votre travail, mais déçu du temps perdu inutilement, inquiet sur l'avenir que Bercy réservera à vos promesses généreuses, mais constructif dans l'intérêt de nos concitoyens et de notre pays.

Aussi, je ne veux en aucun cas préjuger ce que sera le texte définitif qui sortira de nos débats. J'attends beaucoup de nos échanges et de votre souci d'amender ou non ce projet de loi.

En attendant, je souhaite me concentrer sur une lecture européenne du texte. Nous connaissons tous les enjeux mondiaux dans le secteur qui nous concerne aujourd'hui et, si nous voulons demain une Europe forte, capable de résister d'abord, de s'imposer ensuite à l'Asie et à l'Amérique, nous savons bien qu'au-delà de la constitution d'une défense commune, nous devons préparer la sauvegarde d'une culture extraordinairement riche de ses diversités et surtout de ses racines historiques.

C'est par la communication que nous pourrons gagner ce challenge. Aussi, compte tenu de la place de la France dans l'Europe, il nous revient la très grande responsabilité d'être les meilleurs, pour servir d'exemple et de locomotive à nos partenaires européens.

C ertes, cela commence assez mal, puisque nous sommes déjà en infraction pour le non-respect des délais de la transposition de la directive européenne Télévision sans frontière, mais mieux vaut tard que jamais et votre texte reprend dans sa globalité la directive.

De plus, je regrette l'absence de référence à la directive Normes et signaux. Certes, notre rapporteur nous propose un amendement qui vise à interdire la future commercialisation sur notre territoire de décodeurs non ouverts et non compatibles pour capter tous les bouquets.

C'est déjà un début de rattrapage qui recueillera notre soutien.


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Je passerai également rapidement sur la regrettable absence de toute référence au numérique hertzien terrestre qui éviterait encore une fois que le législateur ait à courir demain après la modernité. Vous venez de lancer une concertation élargie. Espérons que nous aurons le temps d'en débattre lors de la deuxième lecture. Nous comptons sur vous pour cela.

Ce qui me préoccupe précisément aujourd'hui, c'est de savoir comment nous pouvons le mieux atteindre un double objectif, d'une part, favoriser l'épanouissement de chaînes commerciales privées capables d'affronter une concurrence mondiale de plus en plus dure et, d'autre part, organiser un secteur public capable de gagner lui aussi en puissance sans perdre son âme, le tout dans la plus grande transparence et dans le respect de la concurrence pour la satisfaction de nos concitoyens.

Sur le premier objectif, force est de reconnaître que vous avez su vous freiner par rapport à vos premières moutures. Le secteur commercial n'est plus le monstre à abattre. Il convient maintenant de lui laisser du temps pour assumer son développement. Il a besoin de stabilité.

Et je m'inquiète par exemple de propositions tendant à accorder au CSA le pouvoir de remettre brutalement en cause des autorisations de diffusion, surtout après une période probatoire de cinq ans. Même si on peut regretter parfois leur poids excessif, on ne peut nier l'existence des marchés boursiers qui font, quoi qu'on en pense, l'avenir de ces sociétés. Aussi, il conviendrait de se limiter à une remise en cause des autorisations de diffusion seulement en le cas de faute grave, par exemple.

De même, c'est au législateur de veiller à un développement équitable des groupes existants dans la transparence et dans le respect des volontés européennes. Ne revenons pas sur le passé et sur les avantages accordés à tel ou tel, surtout, n'anticipons pas à notre niveau sur des décisions européennes à venir.

Notre rapporteur nous propose de revenir sur un engagement de l'Etat concernant la montée de France Télévision sur le bouquet TPS. Cela est-il si urgent à moins d'un mois des élections européennes et à moins de trois mois de la future décision de la Commission européenne, alors que votre texte ne sera même pas encore passé au Sénat ? Y a-t-il vraiment péril ? Et pour qui ? Peut-on prendre sérieusement le risque de remettre en cause notre position de leader européen sur ce marché ? Sur le deuxième objectif, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité d'offrir au service public la capacité de se développer. Avec votre proposition de holding, vous faites un pas significatif vers la logique économique, mais ce n'est pas suffisant pour lui permettre de se rapprocher demain des autres secteurs publics européens.

Vous n'allez pas assez au bout de votre logique et vous l'enfermez trop dans des contraintes administratives nationales. Il convient de lui donner plus d'indépendance de gestion et de souplesse. Le service public aura besoin de diversifier ses activités et aussi ses ressources pour pouvoir répondre aux augmentations des droits de diffusion, par exemple sportifs.

N'ayez plus le complexe de l'argent. Pierre Desgraupes, président de 1981 à 1984 d'Antenne 2, chaîne dont chacun louait la qualité, disposait de ressources provenant pour 60 % de la publicité contre 40 % du financement public. Le rapport fonds privés/fonds publics n'est donc pas la seule et unique cause de la médiocrité contrairement à ce que l'on entend trop souvent. Le secteur public devra, comme les chaînes commerciales, être le plus performant possible.

Pour cela, il faudrait instaurer une hiérarchie managériale plus cohérente et introduire la notion de responsabilité personnelle des dirigeants. Il faudrait définir des objectifs plus précis à chaque entité pour éviter le retour p itoyable et dévastateur de la guerre des chaînes publiques. Il faudrait aussi obliger chaque entité à rechercher des économies d'échelle et à dynamiser les filiales au service de la maison mère. Il faudrait enfin, comme nous le faisons chacun dans nos communes respectives, imposer une gestion de l'argent public semblable à celle de nos budgets personnels.

Nous avons déposé de nombreux amendements en ce sens. Nous mesurerons à vos réponses, votre volonté de soutenir ou non le service public.

Par ailleurs, si on peut vous féliciter de votre succès sur Bercy qui a consisté à obtenir enfin le remboursement intégral des exonérations de redevance, il ne faut pas que cette manne financière disparaisse aussi vite qu'elle va arriver dans je ne sais quel puits sans fond dont nos lourdes administrations ont parfois le secret.

Vous devez sur ce point nous apporter les garanties nécessaires. Nous voulons avoir la certitude que ces richesses nouvelles iront bien à la création audiovisuelle et cinématographique qui font notre spécificité et que nous espérons voir étendues demain à nos partenaires européens.

M. le président.

Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Le rapporteur a essayé de definir le secteur public par la qualité, la diversité, le pluralisme, l'innovation et la cohérence. S'il le veut bien, j'ajouterai la complémentarité avec le secteur commercial, la rigueur dans la gestion et la proximité dont ont tant besoin nos compatriotes aujourd'hui.

C'est le souffle nouveau que nous attendons dans nos débats.

M. le président.

Je vous demande, mes chers collègues, de respecter votre temps de parole.

La parole est à M. Georges Sarre, pour cinq minutes.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte du Gouvernement portant réforme de la loi actuelle est aujourd'hui débattu à l'Assemblée nationale et je m'en réjouis.

Mme la ministre s'est en effet attachée à défendre le devenir du secteur public de l'audiovisuel que certains parlementaires comme M. Dominati ou M. de Chazeaux réduiraient bien à la portion congrue. J'ai toujours soutenu, avec mes amis, l'idée d'un audiovisuel public fort, mieux organisé, dégagé des contraintes publicitaires, riche, inventif et offrant une information pluraliste de qualité.

Madame la ministre, vous le savez bien, le service public doit être la référence et marquer la différence.

L'ambition majeure de ce texte est la constitution d'un groupe de la télévision publique. Fallait-il y procéder ? Oui, car le secteur public de l'audiovisuel identifié en tant que tel avec un seul actionnaire, l'Etat, mettait peu en commun ses ressources, ses talents, ses hommes. Les collaborateurs pouvaient s'ignorer et se faisaient concurrence. Si la stimulation doit exister entre les branches d'un même groupe, elle ne doit pas aboutir à la juxtaposition et l'ignorance. C'est contre cela que sera constituée la holding.

L'un des objectifs du futur président de ce groupe sera de gérer la nouvelle entité comme un ensemble et de porter une vraie ambition qui entraîne ses différentes compo-


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santes. Le pourra-t-il vraiment alors qu'un amendement voté en commission ampute les pouvoirs financiers du c onseil d'administration de la holding ? Qui paie commande. Le pourra-t-il alors qu'aucun représentant du conseil d'administration de la holding ne siège au conseil d'administration des filiales ? Madame la ministre, il faut donner au président de la holding les moyens de gérer le groupe France Télévision sans arrière-pensées guidées par une frilosité d'une autre époque. La première version m'allait bien. Visons un vrai projet et donnons lui les moyens d'exister.

La diminution de la diffusion horaire des écrans publicitaires, avec en corollaire le remboursement des exonérations de redevance, est un vrai challenge pour le service public. Bien sûr, j'ai regretté que cette diminution soit moins forte que celle qui était prévue initialement. On aurait certainement pu trouver une parade juridique effective à la baisse de ressources induite par le passage de douze à cinq minutes. Il était légitime de taxer globalement les recettes publicitaires pour soutenir la production. La formule a évolué, dont acte.

La résolution du problème du remboursement des exonérations de redevance, véritable serpent de mer, est un vrai sujet de satisfaction. C'est le signe que la télévision publique est une priorité pour le Gouvernement alors que par ailleurs se développe un secteur payant de la télévision, dont certains de nos concitoyens pourraient être matériellement écartés.

J'en viens à présent aux contrats d'objectifs et de moyens. Ces contrats s'opposent à la logique d'une privatisation de France 2, voulue par certains à droite, qui marginaliserait définitivement le service public. Cette option serait irresponsable et dangereuse pour l'ensemble du secteur audiovisuel.

Par ailleurs, le projet industriel du service public est indissociable de sa participation à TPS. Sans TPS, le service public aurait été écarté du développement de la télé vision par satellite. Comme un amendement voté en commission est venu remettre en cause l'exclusivité sans conditions des chaînes publiques, j'ai déposé deux sousamendements de modération afin de laisser aux entreprises le temps de s'adapter à ce changement : c'est, madame la ministre, la voie de la sagesse.

Je conclus sur la question de la prise en compte des langues régionales dans les quotas radiophoniques. Vous connaissez ma détermination et celle de mes amis à ce sujet. J'espère que les élus du Mouvement des citoyens et moi-même seront entendus. Cela dit, et sans hésitation, je vous l'assure, madame la ministre, nous considérons votre projet comme une véritable avancée.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Frédérique Bredin.

M me Frédérique Bredin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques mots sur la télévision, même si c'est un sujet toujours difficile.

Pour commencer, on pourrait rappeler la phrase de Louis-Ferdinand Céline qui en disait le pire dans ses Cahiers :

« La télévision est dangereuse pour les hommes.

L'alcoolisme, le bavardage et la politique en font déjà des a brutis : était-il nécessaire d'ajouter encore quelque chose ? » (Sourires sur plusieurs bancs.)

Je limiterai mon propos au service public audiovisuel, d'une part, pour ne pas répéter ce qu'ont dit mes prédécesseurs, d'autre part, parce que je crois que le renforcement du service public est au coeur de votre projet, madame la ministre, et que vous voulez marquer qu'il s'agit là d'un enjeu de société. C'est vrai que nous sommes, sur ces bancs, diablement divisés sur cette question. Nous n'avons pas la même vision de la société ni la même conception du respect dû au téléspectateur ou de l'investissement à consentir pour l'éducation de nos enfants, des générations à venir.

C'est une loi importante, madame la ministre, parce que l'enjeu de société est considérable, vous l'avez dit tout à l'heure.

Il est, en effet, comparable à celui de l'école. Les Français regardent la télévision trois à quatre heures par jour.

Elle sert de baby-sitter à de nombreux enfants qui passent autant de temps devant elle que sur les bancs de l'école.

Elle contribue à former le langage, la manière de réfléchir, de ressentir, comme de vivre. Elle transmet ses valeurs - positives, comme négatives - et modèle la vision du monde pour les générations futures.

Par ailleurs, il s'agit de répondre à une question simple, mais essentielle : l'Etat doit-il ou non s'investir dans cette tâche ? Doit-il assurer une télévision diversifiée et une télévision de qualité pour répondre aux missions de distraction, d'éducation et d'information. La réponse de nos collègues de l'opposition est claire : c'est non ! Ce serait trop lourd, trop cher, dénué d'intérêt.

En écoutant M. Dominati, tout à l'heure, nous avons tout compris : il faut laisser cela aux seules lois du marché, à quelques grands groupes qui fixeront la ligne éditoriale et l'orientation des programmes. Au moins a-t-il eu ce soir le mérite d'être clair. On en a fini avec les fausses réponses et les paroles ambiguës. La volonté de la droite est de privatiser France 2, comme elle a déjà privatisé TF

1. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Vous vous abritez bien sûr derrière les mêmes arguments qu'en 1986 : le fameux « mieux-disant culturel » de M. Léotard et la défense des petits actionnaires qu'il ne faut jamais oublier. Quand vous aurez privatisé France 2 il ne restera finalement plus qu'un tout petit service public audiovisuel - je pense à France 3 qui sera bientôt dévorée par la concurrence des chaînes locales et au sort de La Cinquième-Arte que vous ne supportez pas. Et ce tout petit service public, vous le détruirez plus tard, à l'étape suivante pour « bien finir le travail » comme le disait M. Françaix.

Pour nous aussi la réponse est claire, mais elle est inverse.

Oui, c'est une chance pour la France d'avoir un service public fort, de qualité.

Oui, c'est une chance pour la France d'avoir un Gouvernement qui a fait de l'exception culturelle un vrai étendard de sa politique culturelle et que derrière Jack Lang, il y a quelques années, le gouvernement de la gauche ait décidé de prendre toutes les mesures possibles pour soutenir le cinéma et les industries de programme françaises. Et ce, malgré vos protestations, au nom du libéralisme, contre le délai de diffusion des films, les quotas français et européens ou la création du compte de soutien aux industries de programme.

Oui, les Français ont droit à une télévision de qualité, à ce mélange d'audace et d'exigence, à ces espaces de liberté.

Nous ne voulons pas laisser l'imaginaire de nos enfants aux seules mains des marchands, qui obéissent aux lois de l'argent parce qu'ils poursuivent - et c'est bien légitime la logique économique qui est la leur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

M. Renaud Muselier.

Nous sommes d'accord !

M me Frédérique Bredin.

Vous devriez méditer l'exemple américain : de très belles chaînes, puisqu'elles sont très privées, et en même temps de terribles histoires de violence chez les enfants avec des fusillades dans les collèges et les lycées.

Alors vous allez me dire : mais quel est le lien ?

M. Renaud Muselier.

Tout à fait !

Mme Frédérique Bredin.

Eh bien, ce n'est pas moi qui le fais mais le président des Etats-Unis.

M. Lionnel Luca.

Ce n'est pas une référence !

Mme Frédérique Bredin.

Après la fusillade dans le collège de Littleton, un débat public général s'est engagé aux

Etats-Unis à propos de l'influence de la télévision sur les enfants et leur violence. Et la première décision qu'a suggérée le président Clinton a été la mise en place d'une puce antiviolence à l'intérieur des télévisions américaines.

Comme quoi le lien est fait, peut-être pas par vous, mais par d'autres et cela mérite attention.

L'enjeu est d'ailleurs bien compris par les Français puisque, d'après un sondage publié dans Le Parisien, 68 % d'entre eux se sont déclarés très attachés à leurs chaînes de service public - mais nous le savons déjà - et ont estimé que le projet proposé par le Gouvernement est une très bonne chose pour les renforcer.

Il nous faut saluer la volonté gouvernementale et l'engagement du Premier ministre lui-même qui, au-delà des bonnes paroles, a décidé de passer à des actes concrets pour améliorer la qualité des programmes et renforcer notre service public. Il est d'autant plus important de noter l'engagement gouvernemental que le service public se trouve à un moment crucial de son histoire avec l'explosion du numérique, l'internationalisation des réseaux, la concurrence effrénée d'acteurs privés de plus en plus puissants et la percée des chaînes thématiques qui, sur le câble ou le satellite, créent une incertitude quant à l'avenir des chaînes généralistes. Qui pourrait dire aujourd'hui ce que seront les chaînes généralistes dans vingt ans ?

M. Renaud Muselier.

Ah ! ça !

Mme Frédérique Bredin.

Face à ces évolutions, le secteur privé français progresse fortement en chiffre d'affaires - 5 à 10 % par an - et multiplie les investissements stratégiques tandis que les chaînes publiques, gênées par leurs règles de gestion et leur manque de moyens, restent trop frileuses dans leur diversification. Et il faut rappeler que le service public souffre d'un sous-financement chronique en France, contrairement aux idées reçues. Lorsque l'on compare la France aux autres pays d'Europe, on constate que celle-ci est particulièrement mal lotie.

Il faut rappeler également que le service public souffre de lourdeurs dans son fonctionnement et de précarité dans son management.

Il faut rappeler enfin que le service public souffre de l'ambiguïté de son statut, puisqu'on lui demande en même temps d'être un modèle de connaissance, de culture et de diversité, et de vivre de ressources tirées pour plus de 50 % de la publicité.

A toutes ces difficultés, le projet apporte des réponses concrètes.

D'abord, la diminution de la publicité qui rendra aux télévisions les espaces de liberté nécessaires pour créer, innover, accroître la qualité et l'originalité des programmes, et sortir de l'injonction paradoxale, comme le disait Dominique Wolton, qui conduit à toutes les dérives de course à l'Audimat que l'on a vues.

Ensuite la création d'une société holding, non pas pour elle-même, mais pour les synergies qu'elle va permettre dans l'acquisition des droits sportifs et dans l'achat de programmes ainsi que l'allongement du mandat du président à cinq ans, gage indispensable de la stabilité dans le management de l'entreprise audiovisuelle.

Enfin, le remboursement des exonérations de redevance. Cela fait plus de quinze ans qu'on le réclame.

Nous l'obtenons enfin aujourd'hui : bravo, madame la ministre ! C'est une avancée considérable qui apportera au service public audiovisuel un crédit net de plus de 1 milliard de francs. Nous y sommes d'autant plus attentifs que les parlementaires de la majorité plurielle n'ont pas été étrangers à cette mesure et vous ont soutenue pour obtenir cet engagement très fort de la part du Gouvernement.

Alors à quoi cela va-t-il aboutir ? D'une part, les téléspectateurs pourront être débarrassés des tunnels publicitaires qu'ils ont du mal à supporter tant ils sont excessifs.

D'autre part, les programmes, notamment ceux destinés aux enfants, vont s'améliorer et les chaînes se recentrer sur leurs missions et sur les valeurs du service public.

M. le président.

Madame Bredin, veuillez conclure, s'il vous plaît.

Mme Frédérique Bredin.

La plupart des programmes pour enfants sont aujourd'hui importés et donc, hélas ! de mauvaise qualité.

Au-delà de l'effort notable du Gouvernement, il faudra trouver de nouvelle ressources. Le secteur privé progressant de 5 à 10 % par an, le service public devra avoir les moyens d'assurer la concurrence.

C'est pourquoi, madame la ministre, j'aimerais que vous vous engagiez à nouveau sur le projet de modernisation de la perception de la redevance dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises et sur l'affectation de nouvelles recettes à terme pour le service public audiovisuel - taxe sur les jeux, taxe sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécoms. Il convient de permettre au service public de trouver tout l'oxygène nécessaire pour les années à venir, y compris dans le long terme.

Je ne parlerai pas des regrets, puisque je n'en ai pas le temps.

M. Michel Herbillon.

C'est dommage !

Mme Frédérique Bredin.

J'en viens donc directement à ma conclusion. Cette loi est un pari...

M. Renaud Muselier.

Il est loin d'être gagné !

Mme Frédérique Bredin.

... que le service public doit réussir. Est-ce sa dernière chance ? Peut-être.

Il est sûr que ce soir en écoutant M. Dominati nous avons tous compris que la droite voulait privatiser France 2 (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Michel Herbillon.

C'est une caricature !

Mme Frédérique Bredin.

... et, pire, qu'elle misait sur la lente dégradation du service public pour justifier, le moment venu, la privatisation de France 2 ou de France 3.

La gauche n'a pas fait le pari du déclin, mais au contraire celui de la confiance et d'un nouvel élan pour le service public. Et si elle l'a fait, c'est au nom du respect


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

qu'elle a pour nos concitoyens qui ne peuvent pas être réduits au seul état de consommateur et au nom de l'avenir de toutes ces générations d'enfants élevés par la télé vision, élevés devant la télévision. Cet avenir que nous leur préparons, nous en sommes responsables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je précise que la répartition entre les orateurs du temps de parole dont dispose chaque groupe est faite par celui-ci.

La parole est à M. François Baroin, pour dix minutes.

M. François Baroin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte étant politique, mon intervention sera donc politique.

Madame la ministre, avec votre projet de loi sur l'audiovisuel, vous me faites penser à Sisyphe. Inexorablement obligée de pousser votre rocher, vous aboutissez en réalité à un résultat où le discours l'emporte sur le contenu, où la notion même de service public devient une coquille vide et est gravement mise en danger par une absence de vision globale. Renaud Muselier, Olivier de Chazeaux, Laurent Dominati et nombre de représentants de l'actuelle opposition l'ont montré avec beaucoup de talent.

En vérité, la seule réalité de votre réforme débouche sur la création d'une holding, sorte de superstructure dont on peut craindre qu'elle ne devienne pléthorique et coûteuse et pèse finalement sur la production. Tout se passe comme si vous étiez mue par la seule volonté, dans u n environnement audiovisuel pourtant hautement concurrentiel, de procéder à une organisation administrative où nominations et contrôle, dans la perspective des prochaines élections présidentielles, l'emportent sur le fond. Voilà votre préoccupation.

M. Renaud Muselier.

C'est affreux !

M. Jean-Marie Le Guen.

Il y a les élections législatives avant, vous pourriez vous y intéresser !

M. François Baroin.

Ainsi, avec une pseudo-habileté, un peu comme Lionel Jospin qui veut se faire passer pour le David Copperfield de la politique (Sourires), vous nous montrez un texte puis vous le faites disparaître. Vous manifestez là une agilité de visionnaire... qui ne se déplace jamais sans son rétroviseur, car vous préparez l'avenir du secteur de l'audiovisuel avec une logique archaïque et passéiste.

Je ne résiste pas, madame la ministre, si cela vous intéresse encore un peu à cette heure tardive, à la tentation de rappeler, même si c'est un peu cruel, les différents épisodes du feuilleton.

En juin 1997, vous proclamez haut et fort : « La future loi de l'audiovisuel doit tenir la route. » Mais quelle

route ? Annonçant la baisse drastique de la publicité sur le service public, dont j'ai dit, en soutenant la motion défendue par Renaud Muselier, que c'était un appareil cosmétique pour rendre un peu plus sexy ce texte qui n'avait plus rien d'affriolant, vous remettez en cause la clause d'exclusivité de TPS pour la diffusion des chaînes publiques, tout en reconnaissant déjà que la réforme de la SFP demeure un « casse-tête chinois ».

Après ces premiers états d'âme, vous annoncez en septembre 1997 que « la loi sur l'audiovisuel sera discutée au printemps », tout en déclarant par anticipation : « J'avancerai avec prudence. » Mon Dieu

! comme vous aviez raison.

Puis les députés qui siègent sur les rangs de l'actuelle majorité dite plurielle - et je sais bien que cela peut en gêner ici ou là - comptent bien jouer un rôle important dans l'élaboration de la future loi et, de fait, ils la détruisent. L'un de vos éminents amis rappelle - c'est auprès des bons auteurs que l'on trouve les bonnes citations - que ce texte « ne doit pas être le simple enregistrement d'un état de fait ni un bricolage technique ».

« Gardez-moi de mes amis, je m'occupe de mes ennemis », auriez-vous pu murmurer à l'époque.

M. François Brottes.

C'est une citation de M. Séguin ?

M. François Baroin.

D'ailleurs, permettez-moi de vous rappeler que, une semaine avant le retrait de votre texte, je m'étais permis de formuler une telle demande dans la presse nationale. Je ne pensais pas être exaucé au point que vous retiriez votre projet de loi devant la commission.

A l'heure où la concurrence est féroce entre les sociétés audiovisuelles avec l'ouverture des marchés, certains de vos amis expriment le souhait de contrôler ceux qu'ils a ppellent élégamment les « marchands d'eau et de béton », trop puissants à leur goût. Si l'on en juge par les effets de votre projet de loi sur le secteur privé, il semble, en effet, que le ministre des finances ou vous-même ayez changé d'avis à leur sujet.

C'était la première étape et, malheureusement, il y en a eu un certain nombre d'autres. La suivante a été celle de janvier dernier. On a parlé alors de cérémonie discrète pour la mise en bière de la grande réforme de l'audiovisuel. Il est vrai qu'il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées. Jospin a dit durant la campagne des élections législatives qu'il fallait une grande loi de l'audiovisuel. Vous vous êtes accrochée à cette idée, mais, malheureusement, vous avez échoué.

Suit lors une incompréhensible période de latence, voire d'errance. De l'interrogation, on passe au ridicule, voire au burlesque, avec la succession de micro-projets aussitôt retirés, malgré l'urgence de donner un cadre juridique à certains supports. Prêchant la réconciliation, munie de votre bâton de pluie, vous reprenez le chemin de Sisyphe et restez arc-boutée sur la réforme de l'audiovisuel public.

Là encore, je reprendrai quelques citations de vos amis, lesquelles sont autant de baisers de Judas ou plutôt une forme d'alternative du diable - on a le choix entre dîner à la table de celui-ci ou mourir de faim. Selon Jack Lang - une fois de plus, c'est auprès des meilleurs auteurs qu'on trouve ses meilleures sources -, « on ne peut pas légiférer à l'aveugle ». Faute de douceurs - reconnaissons que le propos était assez désobligeant à votre égard, madame la ministre -, on a sorti les dagues ! Et c'est pourquoi certains ont parlé de réforme « salami », d'autres de « complexe de gauche », ou d'autres encore d'impréparation, voire d'incompétence. Evoquer cela peut être douloureux pour certains, mais c'est pourtant nécessaire à la bonne compréhension de ce qui a présidé à l'élaboration de ce texte.

Aujourd'hui, vous avez parlé, madame la ministre, de la théorie du toboggan. Je ne sais pas si cela fait longtemps que vous avez fait du toboggan - vous pourriez me répliquer astucieusement que les vertus implacables de l'état civil font que je dois peut-être en avoir un souvenir plus récent que le vôtre -,...

M. Patrick Bloche.

Le propos est vraiment disgrâcieux !

M. François Baroin.

... mais, pour ma part, je n'ai jamais vu personne rebondir après avoir pris de la vitesse sur un toboggan.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Alors parlons du grand 8.


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M. François Baroin.

La réalité physique veut plutôt que l'on s'écrase.

M. Jean-Marie Le Guen.

Vous manquez de souplesse, monsieur Baroin, cela ne m'étonne pas de vous !

M. François Baroin.

Je comprends que mes propos vous gênent mais je n'ai fait que citer les socialistes, les communistes et Mme Trautmann.

Nous voilà avec un texte de loi à propos duquel ont été très largement évoquées l'instance de régulation que vous avez voulu bafouer, les libertés individuelles que vous avez voulu battre en brèche. Vous nous proposez une holding, mais il y a un flou complet, notamment en ce qui concerne la place de RFO. Nous allons malheureusement gagner en lourdeur administrative, ce qui est une logique socialiste, et conserver une pesanteur formidable.

S'agissant de la publicité, qui peut être contre sa réduction ? Si vous demandez à un automobiliste circulant sur le périphérique s'il est contre les bouchons, il vous répondra forcément « oui ».

M. Lionnel Luca.

Eh oui !

M. François Baroin.

Et si vous aviez interrogé un conseiller d'Etat - ce que vous auriez dû faire -, il vous aurait répondu qu'il vous suffisait de procéder par voie réglementaire s'agissant de ce que vous présentez comme la pierre philosophale de cette prétendue grande réforme de l'audiovisuel public.

Bref, c'est un grand cafouillage. C'est à l'évidence un rendez-vous manqué, et pourtant c'est vous qui l'aviez fixé. Vos amis non plus n'étaient pas présents ou plutôt ils vous ont fait savoir qu'ils n'acceptaient pas cette invitation.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées. C'est vrai pour la publicité, c'est vrai aussi pour le vaisseau amiral, qui n'est pas une idée mais une lourdeur administrative.

Permettez-moi de vous faire remarquer que celui qui aura la charge de cette responsabilité - même si vous n'avez pas, comme vous semblez le regretter, publiquement ou insidieusement, la capacité de le nommer, puisque c'est le CSA qui le fera - aura une responsabilité horriblement compliquée, d'autant qu'il sera l'interlocuteur de l'Etat.

En ce qui concerne la pluralité, quelle garantie pouvezvous apporter ? Aucune, puisque c'est Bercy qui gérera l'opération. Le reste dépendra de la direction de la concurrence au niveau européen.

Ce qui frappe dans toute cette affaire, c'est le profond décalage entre les lenteurs des politiques et les réalités économiques. Ce qui frappe aussi, c'est l'absence de vision et l'absence de définition d'un service public. Nous sommes attachés au service public autant que vous.

M. Didier Mathus, rapporteur.

C'est sans doute pour cela que vous voulez privatiser !

M. François Baroin.

Dans cette affaire - et vous n'êtes pas la seule responsable, madame Trautmann, vos amis vous ont beaucoup aidé dans cette tâche -, nous avons perdu deux ans. Je dis bien « nous » car je me sens profondément responsable du devenir du service public, d'un service public qui soit de qualité. A cet égard, à France 2, comme à France 3, il y a des gens de qualité, des journalistes qui font l'honneur de leur profession, des producteurs remarquables.

Ce que vous faites aujourd'hui, c'est porter le ver dans le fruit, ce qui aboutira, répondant ainsi curieusement au souhait de nos amis libéraux, à une privatisation. Vous assumerez au regard de l'histoire la privatisation rampante qui est en train de s'effectuer.

Au final, vous avez fait la démonstration qu'un texte de loi comme celui-ci pouvait être un courant d'air. Mais vous avez fait plus, madame Trautmann : vous avez démontré qu'un courant d'air pouvait manquer de souffle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe démocratie libérale et indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul, pour cinq minutes.

M. Daniel Paul.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l'avènement du numérique hertzien relance l'enjeu des télévisions locales. Cet enjeu est technique et économique, mais aussi culturel et social.

Comme Christian Cuvilliez l'a dit dans son intervention au nom du groupe communiste, la communication audiovisuelle doit être un droit pour tous. Pour cela, il faut mailler le territoire de façon équilibrée afin que les citoyens bénéficient pleinement des nouvelles technologies.

Par ailleurs, l'enjeu est culturel et social. La population est avide de témoigner, de communiquer sur tout ce qui construit son univers quotidien, sur toutes les initiatives qui tissent la vie locale et dont personne ne parle vraiment.

Ce qui caractérise aujourd'hui le paysage télévisuel l ocal, ce sont des initiatives d'ampleur inégale en l'absence de cadre cohérent tant sur le plan économique que juridique. Cohabitent en effet des télés locales commerciales et non commerciales, soutenues par des groupes qui exercent des missions de service public ou par des collectivités locales, chaînes dont les émissions sont diffusées sur le câble ou sur le réseau hertzien. Ce sont de véritables entreprises ou de simples expériences sociales, accrochées à des chaînes nationales ou totalement autonomes techniquement.

Cette situation, qui témoigne tout à la fois de l'intérêt des gens et de celui de groupes financiers, ne peut rester sans cadre, sans statut. Le vide juridique sert surtout les intérêts mercantiles en fragilisant le secteur public. A ce sujet, les exemples allemands sont à méditer.

Il est nécessaire et urgent de réguler cette nouvelle croissance pour organiser une couverture nationale la plus équilibrée possible, la plus riche possible et la plus proche du citoyen.

Il s'agit d'être vigilants pour que les initiatives ne se concentrent pas sur les zones urbaines, laissant à l'abandon les zones rurales, y compris les plus difficiles.

Il est temps de définir les buts à poursuivre en développant les télévisions locales, que l'on pourrait souhaiter voir qualifier de citoyennes et de proximité.

Veut-on créer un espace d'expression, d'échanges et de confrontation entre des hommes et des femmes qui partagent un vécu, une histoire passée et des traditions communes ? A quel espace géographique doit-on faire correspondre une télévision locale ? Cette question est évidemment importante car nous sentons bien qu'elle rencontre la problématique de l'intercommunalité.


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Si nous voulons privilégier l'initiative locale, il faudra être attentifs à l'acceptation de nouveaux décrochages locaux, au poids des chaînes nationales. Cela demande une organisation fine et régulée du paysage audiovisuel sur l'ensemble du territoire national.

La télévision locale n'est plus aujourd'hui un phénomène marginal, d'autant que l'on doit favoriser de tels projets, synonymes de lien social.

On a coutume de citer le succès d'audience des programmes locaux et celui des pages locales de la presse régionale. Mais les téléspectateurs sont demandeurs. Les initiatives locales de France 3 ou de M 6 leur procurent un gain d'audience non négligeable et, du même coup, contribuent à fidéliser les téléspectateurs. La demande de ces derniers rejoint celle des acteurs locaux : élus, entreprises, monde associatif dans le secteur culturel, social, sportif.

Mais en même temps, ces télévisions locales ne doivent évidemment pas faire l'objet de l'appropriation par quelques-uns ou devenir la voix du maire. De même, la communication ne doit pas être l'affaire des seuls professionnels : les acteurs de la réalité quotidienne doivent devenir ceux de la télévision locale.

Dans un premier temps, il nous semble qu'il serait intéressant de définir ce concept de télévision locale, dite de proximité, et sa sphère géographique ; de rechercher un espace où il y aurait, de par l'histoire passée et présente, une certaine communauté partagée en termes de traditions régionales et d'activités économiques ; de proposer le qualificatif de télévision dite de « pays ». Cette télévision de proximité serait un complément aux chaînes nationales, qu'elle ne concurrencerait pas pour n'avoir ni les mêmes moyens ni évidemment les mêmes fins.

Cette télévision de proximité, nouvelle génération, devrait être un lieu d'intervention pour les institutions irriguant la vie locale comme les écoles, les lycées, les universités, les associations, les centres culturels et les maisons de la culture - là où il en reste.

Elle devrait avoir des objectifs de formation, d'intégration, de communication et d'animation pour les citoyens, au moyen d'une activité de réalisation et de diffusion de programmes locaux.

Un tel outil mettrait en mouvement des coopérations, notamment entre supports de communication comme la presse écrite régionale, et pourrait être un lieu de rencontres et d'échanges de différents médias.

La forme juridique devra en adéquation avec les objectifs et les missions de cette télévision, véritable service public permettant l'engagement des citoyens.

M. le président.

Monsieur Paul, je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Daniel Paul.

J'en termine, monsieur le président.

Aujourd'hui, si la France accuse un certain retard, c'est en partie pour des raisons d'ordre financier. D'après le rapport de Michel Françaix, l'examen des budgets des opérateurs actuels montre que le coût moyen d'une télévision se contentant de diffuser des programmes locaux et des informations est de 20 à 25 millions de francs par an.

Cette question du financement est délicate.

On peut s'interroger également sur la participation des grands groupes audiovisuels nationaux, sur la multiplication de décrochages supplémentaires de chaînes nationales et sur l'équilibre à construire entre les télévisions régionales de service public et ces télévisions locales.

Je terminerai, monsieur le maire (Sourires.), ... monsieur le président, voulais-je dire, en rappelant que nous avons déposé un amendement pour demander au Gouvernement de remettre un rapport et d'organiser un débat au Parlement sur le nouveau développement des télévisions locales avec l'avénement du numérique, sur le mode de financement de celles-ci et sur leur statut.

Il pourrait aussi être décidé de créer une mission d'information sur les télévisions locales non commerciales en Europe, par exemple.

Nous estimons que, sur cette question cruciale en termes d'aménagement du territoire, de promotion de la culture et d'ancrage de liens sociaux, le Gouvernement devrait avoir recours à la collaboration des parlementaires, qui sont souvent des maires et qui sont directement concernés par ce problème. Une telle démarche pourrait très bien suivre, madame la ministre, le colloque prévu fin septembre sur la télévision numérique, colloque auquel vous associerez, je n'en doute pas, les parlementaires concernés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Paul, soyez rassuré, je ne suis absolument pas vexé que vous m'ayez qualifié de maire, le mandat de maire étant, vous le savez bien, l'un des plus beaux qui soient ! (Sourires.)

M. Michel Herbillon.

Après celui de vice-président de l'Assemblée !

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Madame la ministre, je voudrais à mon tour insister sur une lacune essentielle de votre projet et qui est à mes yeux la plus grave : l'absence totale de priorité pour la télévision de proximité. Pourtant, vous avez beaucoup insisté, dans la présentation que vous avez faites de votre projet, sur la nécessité de remédier à la fracture citoyenne, de revitaliser la démocratie et de promouvoir la culture.

Ma question est simple : est-ce en se contentant de discours généraux, toujours conçus dans un cadre jacobin, à un moment où s'offrent aux téléspectateurs français toutes sortes de possibilités de choix, que l'on pourra réellement réconcilier les citoyens avec l'exercice quotidien de la démocratie et revitaliser la culture ? Je ne le crois pas. Pour ma part, je pense que c'est en partant de la commune, de la région et en favorisant l'émergence de médias de proximité que l'on pourra contribuer à promouvoir une démocratie vivante et participative.

Je suis l'élu d'un département, le Val-de-Marne, situé à l'est de l'Ile-de-France, qui n'a aucun média de proximité, en dehors du supplément du Parisien consacré au Val-deMarne.

M. Didier Mathus, rapporteur.

Il y a L'Humanité !

M. Henri Plagnol.

Dès lors, tout débat démocratique est impossible, car ce sont les maires qui ont le monopole de la communication au quotidien avec leurs électeurs. Je suis étonné, madame la ministre, qu'une majorité qui se réclame si souvent de la fracture républicaine ne fasse pas du règlement de ce dossier sa priorité absolue, car rien n'est plus urgent que de permettre l'émergence de télévisions locales.

M. Christian Cuvilliez.

Nous venons de le dire !

M. Henri Plagnol.

D'ailleurs, tout montre que nous concitoyens y aspirent : dès qu'un quotidien crée un supplément régional, ses ventes augmentent ; dès qu'une chaîne de télévision ouvre un espace - je pense aux décrochages de M 6 ou aux suppléments régionaux de France 3 -, la demande suit.


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Cette lacune est d'autant plus criante qu'il y avait une occasion exceptionnelle, sur laquelle a d'ailleurs insisté l'orateur précédent, pour organiser cette participation locale en favorisant la multiplication des médias, avec le passage aux nouvelles technologies, et singulièrement au numérique.

La France a déjà raté le rendez-vous du câble. Ce support pouvait permettre l'émergence des médias locaux. Il y a cependant quelques expériences très réussies, comme celle d'André Santini à Issy-les-Moulineaux, qui a permis de redonner une véritable audience aux débats du conseil municipal, en les faisant retransmettre grâce au support du câble. Mais ces expériences sont très marginales, car trop peu d'élus locaux ont eu le courage de prendre ce risque et d'accepter qu'une opposition locale puisse exister grâce à un support télévisuel.

Avec le passage au numérique, madame la ministre, vous avez une chance unique de permettre à la France de rattraper son retard dans ce domaine, puisque cela permettra de favoriser au moins six fois six chaînes.

C'est se moquer réellement de l'Assemblée de différer à six mois, à l'occasion d'une deuxième lecture, comme s'il s'agissait de quelque chose de secondaire, voire de clandestin, le passage aux médias locaux. Il fallait au contraire partir de ce rendez-vous du numérique, en faisant du renouveau de la démocratie locale la priorité absolue, et cela seul pouvait justifier un projet de loi comme celui-ci.

Un dernier mot sur le service public. Cela fait des années que France 3 a dans ses tiroirs un projet intéressant tout spécialement ma région, l'Ile-de-France : le projet Proxima.

Comment voulez-vous, à partir du moment où vous multipliez les missions de service public, avec un jargon idéologique extrêmement flou, et où vous sollicitez la bourse du téléspectateur pour tout et n'importe quoi, qu'il reste assez d'argent pour financer la seule vraie mission de service public qui comblerait une carence réelle de notre démocratie, je veux parler de la possibilité d'organiser des débats locaux de proximité relayés par le seul média donnant une visibilité au débat local, la télévision ? La radio a su le faire. Nous attendons de vous - je le dis au nom de tous les élus de banlieue qui n'ont pas la possibilité d'organiser ce débat citoyen - que l'on ne passe pas encore une fois, dans ce pays marqué par le poids invraisemblable d'une idéologie jacobine dépassée, à côté du rendez-vous de la télévision de proximité.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrice MartinLalande.

M. Patrice Martin-Lalande.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les services d'information et de communication représentent déjà, on le sait, une part importante de l'activité économique dans les pays comme les Etats-Unis, mais il s'agit surtout d'un secteur où se dessine une bonne partie de la croissance future. Le gigantesque apport de diversité, de qualité, d'ouverture sur le monde et sur les autres des nouvelles technologies de l'information et de la communication bouleverse la carte de l'audiovisuel. C'est pourquoi il est regrettable qu'une loi sur l'audiovisuel, à l'aube du

XXIe siècle, n'aborde pas la question des bouleversements qu'impliquent ces nouvelles technologies de l'information et de la communication dans le paysage audiovisuel, ni ne le prépare à tirer parti des nouvelles chances qui leur sont liées.

Plusieurs thèmes auraient pu être abordés dans le cadre de ce débat, mais ils ont malheureusement été oubliés par le Gouvernement.

D'abord, la convergence. Quelles nouvelles chances représente-t-elle pour l'audiovisuel ? Comment se préparer à la multiplication des contenus, des canaux de distribution et des supports, comment les saisir sans un cadre juridique clair et adapté ? En matière de contenus, comment faire face à ces nouvelles possibilités ? Il faut avoir une stratégie reposant sur la numérisation de notre patrimoine culturel, qui est important. Favoriser le développement de la production multimédia, aider la presse à entrer dans les réseaux, permettre le développement de la musique française en ligne sont quelques-unes des pistes que nous aurions pu explorer.

La convergence des réseaux est décrite dans le Livre vert publié en décembre 1997 par la Commission européenne comme « la capacité des différentes plates-formes à transporter des services essentiellement similaires ».

Texte, son, parole et image convergent de plus en plus, sous forme de codage numérique, dans le vaste ensemble du multimédia. La fusion du téléphone, de l'informatique et de l'audiovisuel, autrefois industries distinctes, est en marche.

On distinguait traditionnellement le contenu, c'est-àdire la production d'informations, le contenant qui les transportait et les fabricants d'équipement ; désormais, les frontières se dissolvent.

Bien que la convergence entre radio et Internet existe déjà aujourd'hui, et que la convergence entre services de télévision et Internet soit techniquement envisageable, on constate un grand conservatisme des Français dans l'utilisation qu'ils font de leur télévision. La perspective « d'un grand tuyau » par lequel passeraient tous les canaux de transmission de l'information soulève également un certain nombre de craintes.

On observe par ailleurs, autour de la convergence des moyens de transport par le numérique, une incroyable multiplication des terminaux d'accès : micros, portables, mobiles, agendas électroniques, web-phones, web-TV, etc.

Plusieurs infrastructures, concurrentes ou complémentaires - filaires, hertziennes ou satellitaires - sont capables de transporter instantanément l'information d'un point à l'autre du globe. Tous les jours sont inventés de nouveaux services qui amènent des sons, des données ou des images mis en forme selon des techniques sans cesse renouvelées.

La convergence pose plusieurs questions. Comment seront organisés les réseaux de l'économie de l'information ? Qui les exploitera ? Qui les contrôlera ? Qui les financera ? Comment se feront les arbitrages et les contrôles entre les différentes techniques ? Autant de questions qui, comme le soulignait le Conseil d'Etat dans son récent rapport, ne trouvent malheureusement pas de réponse dans ce texte : « Jusqu'à une période récente, chaque type de réseau était exclusivement ou principalement dédié à un service : par exemple, le câble aux services audiovisuels, le réseau téléphonique à la téléphonie vocale. Désormais, sous l'effet des phénomènes de convergence technologique, les réseaux ne sont plus dédiés à des services particuliers et permettent de véhiculer tous types de contenus et de services [...] Dès lors, la distinction traditionnelle entre, d'un côté, la régulation des services et


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des réseaux audiovisuels, et, de l'autre, la régulation des services et des réseaux de télécommunications perd sa pertinence. Une distinction nouvelle doit désormais être opérée entre deux types de réglementations : celle des réseaux de télécommunication et celle des contenus et des services.

« Enfin, il faudra prévoir un socle minimal de principes communs à tous les services de communication au public, en particulier la protection des mineurs, le respect de la dignité humaine, de la vie privée et des données personnelles, le respect de la propriété intellectuelle, et l'identification de la publicité comme telle ».

Il aurait été préférable que le Parlement fût saisi au plus vite d'un projet de loi d'ensemble pour la régulation globale de la communication par réseau. Ce projet de loi aurait également pu intégrer, outre le problème de la responsabilité des acteurs, sur lequel je reviendrai dans un instant, ceux des contrats de travail, qui doivent s'adapter aux télétravail, du financement des PME de ce secteur, du commerce électronique, etc.

Il est paradoxal que le Gouvernement ait fait un travail intéressant, que je salue bien volontiers, avec le programme d'action gouvernemental pour l'entrée de la France dans la société de l'information, et qu'il se refuse à traduire sous forme législative un certain nombre de mesures indispensables, de même qu'il se refuse à ce qu'un débat ait lieu à l'Assemblée nationale sur le thème de la société de l'information, qui est pourtant important.

F aute d'un programme législatif gouvernemental d'ensemble, le Parlement en est donc réduit à proposer au coup par coup des dispositions qui ne peuvent plus attendre, pour clarifier par exemple le problème de la responsabilité des acteurs, qui a été mis en lumière par des décisions récentes des tribunaux.

Je déposerai, comme d'autres l'ont fait ou le feront peut-être, des amendements visant à régler ce problème.

Ils reprennent certaines dispositions de la proposition de loi que j'ai déposée en juin 1996 ou du rapport que j'avais remis au Premier ministre en avril 1997. L'un d'eux tente de clarifier la responsabilité des fournisseurs d'accès à l'Internet et des hébergeurs de sites. Il sanctionne la dénonciation calomnieuse et permet la levée de l'anonymat ; sous certaines conditions, les auteurs de sites pourront faire l'objet de poursuites judiciaires ; enfin, il demande au Gouvernement d'engager une négociation au n iveau international, seule à même d'apporter une réponse au problème de la sécurité juridique concernant l'Internet, lequel, par définition, transcende les frontières.

Comme nous le savons tous, la nouvelle économie de l'information est à la recherche de son cadre juridique, c'est-à-dire de règles autour desquelles se développeront les nouvelles techniques et les nouveaux services, et s'épanouiront les stratégies des acteurs. Ces questions me semblent devoir être traitées dans les meilleurs délais pour favoriser notre pays face à une concurrence mondiale très vive.

J'en viens aux contenus. Je rappellerai d'abord ce qu'auraient pu être un débat et des propositions législatives sur ce thème.

En ce qui concerne la production multimédia, on ne peut que souhaiter l'intervention rapide de l'Etat pour identifier, inventorier et protéger les oeuvres du patrimoine, amplifier le plan de numérisation des données patrimoniales de l'Etat, soutenir le développement du secteur de l'édition et de la production multimédia, favoriser la consommation de produits multimédia grâce, par exemple, à l'abaissement à 5,5 % de la TVA sur les produits et les services multimédia, qui sont pour l'instant lourdement pénalisés.

En vue de soutenir l'entrée de la presse sur les réseaux en ligne, il est urgent d'aider à la numérisation des fonds éditoriaux, d'accorder à la presse électronique les mêmes avantages fiscaux qu'à la presse papier, notamment grâce à l'harmonisation au niveau européen de la TVA en ligne. Il est également urgent d'aménager un système de p rovision sur ressources comparable à celui de l'article 39 bis du code général des impôts. Des efforts ont été faits en ce sens mais il faut les poursuivre.

Autre exemple des enjeux en ce qui concerne les contenus : la musique sur l'Internet. On sait en effet que l'explosion de la diffusion par des moyens numériques, qu'il s'agisse de réseaux câblés, hertziens, téléphoniques ou satellitaires, modifie en profondeur l'économie de la production musicale et menace de porter un coup décisif à la création si les mesures nécessaires ne sont pas prises d'urgence, comme la préservation du droit exclusif d'autoriser les producteurs ou la mise en place d'outils de propriété intellectuelle capables de stimuler et de protéger la création et les productions musicales. Aujourd'hui, la numérisation permet de cloner la musique enregistrée originale et ce saut technologique considérable crée un véritable marché parallèle. La copie numérique ne peut plus, dès lors, être considérée comme une copie privée puisqu'elle peut devenir le vecteur d'une micro-économie de piraterie numérique.

Si rien n'est fait, l'industrie du disque français et de la musique risque de connaître prochainement une évolution semblable à celle constatée aux Pays-Bas, où le marché s'est effondré de 15 % à 20 % en un temps record.

Le numérique offre de nouvelles possibilités pour le public, l'accès au disque est démultiplié et démocratisé, et le prix moyen du produit diminue à terme, la diffusion sur Internet limitant évidemment le coût de fabrication et de distribution. Toutefois, cette nouvelle chance ne bénéficie pas aujourd'hui à la France, et les producteurs, conscient des possibilités que leur offre le numérique, ne s'opposeront ni à l'achat en ligne des disques ni à leur téléchargement. Il faut cependant trouver des garanties techniques et juridiques si l'on ne veut pas que le marché du disque sur l'Internet soit uniquement américain, ce qui est le cas aujourd'hui.

En conclusion, la France a un rôle majeur à jouer face à la volonté américaine, par exemple en ce qui concerne la musique, en développant une stratégie visant à proposer des sources informationnelles et culturelles alternatives dans le cadre de la convergence due au tout-numérique.

Je regrette pour ma part profondément que le Gouvernement n'ait pas souhaité dégager les moyens nécessaires, ni même préparer le grand rendez-vous de la société de l'information. Il nous faudra rapidement corriger cette erreur du rendez-vous manqué de l'audiovisuel et des nouvelles technologies de l'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche.

Un projet pour l'audiovisuel public, tel est sans nul doute l'objectif principal visé par cette réforme de la loi de 1986, et vous avez su, madame la ministre, le porter avec une volonté et une détermination que je ne serai pas le premier à saluer.

Comment, en effet, ne pas ressentir l'impérieuse nécessité d'arrimer l'audiovisuel public au pacte républicain, afin de mettre un terme à des dérives parfaitement identi-


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fiées ? Qu'il me soit permis, à cet égard, de rendre hommage au travail essentiel réalisé, durant de nombreuses années, par le sénateur Cluzel.

Des heures d'antenne progressivement colonisées par une publicité dont les ressources devenaient de plus en plus vitales pour compenser le désengagement financier de l'Etat actionnaire et des contenus élaborés prioritairement dans un rapport vainement concurrentiel avec le secteur privé ont conduit l'audiovisuel public à l'enlisement. L'Audimat, cache-sexe de l'absence d'interactivité des chaînes hertziennes, a empêché une construction identitaire du secteur de l'audiovisuel public, alors que celle-ci était pourtant indispensable dès la fin même du monopole.

Quant aux missions de service public que les chaînes publiques sont censées assumer, notamment sur la base de la perception de la redevance, elles ont été à ce point diluées que leur redéfinition dans l'actuel projet de loi s'apparente moins à une actualisation qu'à une refondation.

Et le téléspectateur dans tout cela ? Il ne descend pas dans la rue pour marquer son insatisfaction, il sait prendre sur ses heures de sommeil pour satisfaire son désir d'éducation et de culture, il n'a pas cherché ou réussi à trouver la voie d'une représentation associative, il subit les tunnels publicitaires, heureusement éclairés par le talent de nos créateurs, il est spontanément attiré par les nouveaux supports sans que son attrait pour les chaînes thématiques n'ait pour autant remis en cause la suprématie des chaînes généralistes.

Finalement, le téléspectateur est sage, et l'écran noir étant à l'audiovisuel ce que la dissuasion nucléaire est aux relations internationales, tant qu'il y a des images animées, et indépendamment des contenus véhiculés, tout drame est évité.

C'est ainsi qu'année après année des glissements successifs se sont produits, et que, soudainement, l'avenir même de l'audiovisuel public se trouve menacé.

C'est parce que vous avez fait ce constat, en exerçant tout simplement la responsabilité de l'Etat actionnaire, que vous avez choisi de façon si déterminée, non d'opérer quelques corrections à la marge mais de porter une vraie réforme visant à donner au secteur public cette identité qui lui manque tant aujourd'hui.

Les interrogations de l'automne et de l'hiver ayant trouvé leur réponse au printemps, votre réussite, madame la ministre, est d'autant plus politique qu'elle intègre l'indispensable dimension budgétaire.

Je voudrais m'arrêter un instant sur les conséquences que ce surcroît de ressources pour les chaînes publiques - un milliard de francs pour développer de nouveaux programmes -, mais aussi pour les chaînes privées, par le transfert des investisements publicitaires, va avoir sur le financement du cinéma, en augmentant logiquement la contribution de l'audiovisuel qui, développement du numérique aidant, aura besoin de plus en plus de films.

Plus encore que la chronologie des médias, la fluidité des droits est au coeur de la controverse alimentée par les accords BLOC-Canal Plus, d'une part, et BLIC-TPS, d'autre part.

L'enjeu de la seconde fenêtre cristallise les oppositions actuelles. Encore faut-il que la revendication de ce droit de diffusion supplémentaire ne porte pas atteinte à la diversité du cinéma français et ne réduise pas de façon substantielle le nombre de longs métrages créés chaque année.

J'ai, madame la ministre, particulièrement apprécié l'appel que vous avez lancé au moment de l'ouverture du festival de Cannes, visant à ce que toutes les télévisions payantes souscrivent à un même corps de droits et de devoirs.

La concurrence entre opérateurs et la diversité du cinéma français doivent se combiner avec un investissement important des chaînes dans le préfinancement des films.

Vous avez souhaité insister, à juste titre, sur la nécessité de proportionner la durée d'exclusivité pour la première diffusion payante à la nature et à l'ampleur des risques financiers pris par l'opérateur à l'égard du film concerné.

Par ailleurs, la diversification des investissements des opérateurs doit être garantie afin de préserver le financement des films à petit budget, l'ARP suggérant la fixation d'un seuil de devis à 25 millions de francs.

Parler de la diffusion des films à la télévision m'amène à évoquer d'un mot leur exploitation en salles.

Vous connaissez, madame la ministre, mon extrême réserve, et c'est peu dire, quant au développement des multiplexes dans notre pays alors que leur nombre vient de dépasser la cinquantaine. Je réfute les arguments complaisamment relayés des trois grands distributeurs et suis au regret de constater la diffusion exponentielle, dans notre pays, des superproductions hollywoodiennes.

M. Jean-Marie Le Guen.

Très bien !

M. Patrick Bloche.

Les récentes déclarations du PDG de la Gaumont sur le fait que les subventions devraient provenir de la collectivité et non pas du cinéma sapent les bases mêmes de l'exception culturelle. Je compte donc sur vous, madame la ministre, pour que votre vigilance s'exerce dans ce domaine de manière accrue.

Je voudrais maintenant m'inscrire en perspective et évoquer les enjeux de ce que l'on appelle désormais de façon usuelle la société de l'information.

En ce qui concerne le numérique hertzien terrestre, nous saisissons toutes les conséquences de la multiplication des chaînes sur le développement de notre industrie de programmes et la diversification des contenus qui en découlera. On évoque la possibilité de dégager six réseaux pouvant transporter de 24 à 36 programmes.

On voit ainsi quelles sont les potentialités de développement d'une télévision de proximité nécessairement interactive et, pluraliste, qui prendrait en compte la diversité de nos modes de vie. Le service public audiovisuel devra être, à cet égard, une référence.

Il reste qu'on ne peut apporter des réponses aux problématiques actuelles dans la précipitation. Avant de fixer le calendrier et les modalités de la numérisation et d'inscrire dans la loi les dispositions juridiques appropriées, il est indispensable qu'un débat associant tous les acteurs concernés ait lieu. C'est le choix que le Gouvernement a fait, et c'est un bon choix.

La deuxième lecture du présent projet de loi nous offrira, je l'espère, l'opportunité de transférer ce débat au Parlement et, ainsi, d'éviter que notre pays prenne le moindre retard.

Il nous reviendra également, à terme, de porter un autre débat, celui d'une redéfinition du champ de la communication audiovisuelle. Il était sans doute trop tôt pour toucher aux deux piliers du Temple que constituent les deux premiers articles de la loi du 30 septembre 1986.

La communication par réseau, qu'il s'agisse du réseau ouvert des sites web accessibles sur l'Internet ou des réseaux fermés intranets, se développe - comme vous le


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savez - de manière forte, et le programme d'action gouvernemental pour la société de l'information y contribue puissamment.

Tôt ou tard, nous serons amenés à poser l'existence spécifique de cette nouvelle forme de communication, à laquelle la régulation de la communication audiovisuelle s'avère de plus en plus inadaptée, et qui permet l'exercice de nouvelles libertés qu'il nous faudra garantir, mais aussi accompagner.

En effet, la communication par réseau, quel que soit le procédé de téléccommunication qu'elle emprunte - le fil, le câble, le satellite -, ne constitue pas une ressource rare, susceptible d'une régulation économique assurant l'égalité de traitement et la libre concurrence. Par ailleurs, l'atteinte à la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels n'est pas susceptible d'être portée par un mode de communication dont l'influence est considérable, celui-ci ne résultant pas d'une diffusion par l'intermédiaire d'une ressource rare, mais d'un accès ouvert aux utilisateurs à des signes, des signaux, des écrits, des images ou des messages de toute nature, mis à disposition.

Le débat sur les articles permettra, je l'espère, d'avancer dans cette direction, d'une part, en abandonnant le régime de déclaration préalable des services en ligne et des services télématiques et, d'autre part, en clarifiant la responsabilité des intermédiaires techniques de la communication par réseau.

Le développement des nouveaux services est une vraie chance pour l'audiovisuel public, non seulement parce qu'il pourra ainsi mieux remplir les missions qui sont les siennes, mais aussi parce qu'il trouvera sans doute là une troisième ressource permettant de dépasser l'habituelle dualité financière entre redevance et ressources publicitaires.

Ainsi, ne laissons pas d'autres débats, somme toute mineurs, occulter les enjeux véritables pour l'audiovisuel public : être une référence en matière de qualité, un espace de citoyenneté mais aussi l'élément central ete ssentiel du vaste espace numérique public alliant l'ensemble des technologies disponibles au service, naturellement, de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez, pour cinq minutes.

M. Léonce Deprez.

Madame la ministre, je suis de ceux qui estiment qu'il est nécessaire d'organiser l'évolution souhaitable vers le numérique avec sagesse. En matière de liberté et de communication - c'est le titre de votre projet de loi -, il faut commencer par ne pas détruire ce qui est, au prétexte de s'offrir la satisfaction de créer ce qui n'est pas. Gouverner, c'est prévoir. Il s'agit de prévoir les moyens d'assurer la pérennité de la presse écrite tout en la reliant au développement possible de la presse audiovisuelle.

Le numérique, c'est la multiplication des petits pains.

Les experts nous ont précisé qu'on aboutirait vite à sept ou huit possibilités de réseaux numériques par ville ! Je tiens à souligner à cette assemblée que cela toucherait terriblement la publicité et l'information, qui sont à la base de la vie de la presse écrite régionale.

Nous sommes nombreux à vouloir éviter que les grands groupes financiers ne prennent le contrôle du pouvoir de la communication, car la démocratie a besoin d'une presse écrite et audiovisuelle pluraliste. Le risque d'asphyxier la presse écrite quotidienne et hebdomadaire régionale serait grand si l'évolution projetée entraînait une multiplication des antennes locales de France 3, sans un plan suffisamment réfléchi, favorisant le développement des capacités de diffusion et d'investissement de la presse écrite. Certains voient déjà la télévision devenir de plus en plus locale, ce qui aboutirait à assurer son financement par de la publicité locale.

Si l'on envisage de permettre de mutiplier les décrochages locaux, il faudrait prévoir et encourager, en ce cas, l'association de la presse écrite régionale quotidienne et hebdomadaire au fonctionnement des chaînes de télévision régionale.

En effet, la multiplication des antennes locales conduirait à la multiplication des ressources. Or, ces ressources ne peuvent venir que de la publicité. Et cette publicité serait prise à la presse écrite locale déjà fragile - vous le savez, madame la ministre -, ce qui risquerait de porter atteinte au pluralisme et à la démocratie dans les régions.

Des centaines de quotidiens et d'hebdomadaires régionaux et départementaux qui assurent l'expression de la vie de nos provinces et de la démocratie ne pourraient survivre à une ponction de leurs ressources publicitaires. Il convenait de souligner le progrès que constitue, dans ce projet de loi, la réduction des temps de publicité sur France 2 et sur France 3...

Il fallait mettre un frein au détournement en cours de la vocation de la télévision de service public. D'abord parce que, en publicité comme en tout, le trop tue le tout. Les trop nombreux quarts d'heure de télévision consacrés aux messages publicitaires ne peuvent que détourner les regards et l'attention des téléspectateurs et les inciter au zapping. Ensuite, parce que les budgets publicitaires annuels des firmes ont leur limite et que l'argent versé au profit de la télévision se détourne nécessairement des recettes de la presse écrite.

Entre 1992 et 1998, le rapporteur l'a souligné, les ressources de France 2 et France 3 ont progressé douze fois moins vite que leurs recettes publicitaires. Ces dernières ont augmenté de 2,2 milliards de francs, en six ans, soit 500 millions de plus que les financements publics consacrés à la Cinquième et à la Sept-Arte. Le cinquième canal a été financé, en réalité, par la publicité. Les recettes publicitaires de France 2 ont augmenté de 60,5 % et celles de France 3 de 185 % ! En Grande-Bretagne, la BBC, que l'on cite si souvent, n'a pas accès au financement publicitaire. En Allemagne, la publicité est interdite après vingt heures et le week-end sur les chaînes publiques.

L'explosion des recettes publicitaires, concentrées sur France 2 et sur France 3, a d'ailleurs permis à l'Etat de réduire les dotations budgétaires prévues dans les lois de finances initiales. En conséquence, France Télévision n'a pu se constituer des fonds propres et maîtriser sa politique d'investissement.

Il est résulté de cette dérive dans les modalités de financement des dérives dans la programmation soumise aux exigences des annonceurs.

De telles dérives ne sont pas conformes à ce que les c itoyens sont en droit d'attendre d'une télévision publique, qui doit être complémentaire de la télévision privée. Mieux vaut prévoir et permettre de ne pas mélanger les régimes de recettes et ne pas s'acharner à vouloir financer les télévisions publiques par les recettes publicitaires ; celles-ci doivent assurer le financement des chaînes privées et de la presse écrite, qui en a tant besoin.


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En conclusion, il faut veiller à ce qu'un développement de l'audiovisuel public et du numérique, souhaitable en lui-même, ne conduise pas - ce qui serait paradoxal de la part d'un Gouvernement tel que celui-ci - à une concentration accélérée des moyens d'information et de communication dans les régions.

Pour que la démocratie reste vivante et pluraliste, il faut avoir le courage de faire des choix clairs et veiller à ce que la presse écrite quotidienne et hebdomadaire, faite d'entreprises fragilisées en France par l'insuffisance du nombre de lecteurs par rapport à ceux des pays voisins, puisse retrouver les ressources publicitaires leur assurant les investissements matériels et humains qui favoriseront son développement.

Tel est, madame la ministre, le message que je tenais à formuler à la tribune de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Ernest Moutoussamy.

M. Ernest Moutoussamy.

La réforme audiovisuelle que vous nous proposez, madame la ministre, fondée sur les trois priorités de ce projet de loi que sont la réorganisation et le renforcement du service public, le développement d'une industrie diversifiée et créative de programmes et la mise en place d'un cadre de régulation pour le secteur privé, constitue une réelle avancée en termes de garantie d'une offre télévisuelle variée, pluraliste et de qualité. C'est pourquoi nous adhérons à son contenu, tout en espérant l'améliorer.

En outre-mer, où la magie de l'image est forte et la consommation audiovisuelle élevée, où les programmes transmis depuis la métropole par RFO vers les DOMTOM sont perçus par 25 millions de francophones et alimentent largement les écrans comme à Madagascar, ce projet de loi, compte tenu de l'évolution du paysage, des technologies et du marché, suscite un grand intérêt, au regard des enjeux et des perspectives de la société nationale RFO.

Deux questions essentielles - quelle doit être la mission de RFO et la société doit-elle ou non intégrer la holding ? - provoquent de vifs et laborieux débats.

Il est évident que, après avoir connu le confort du monopole la chaîne publique en outre-mer doit s'adapter aux évolutions actuelles - particulièrement à l'apparition et au développement des bouquets numériques - et se positionner pour l'avenir, avec de nouvelles ambitions et de nouvelles perspectives.

Selon nous, sa mission consiste désormais à transformer les stations régionales en véritables télévisions de bassin, et cela pour poursuivre la stratégie de décentralisation et de centres de production.

Sur la base de cette orientation et dans le cadre d'un contrat d'objectifs avec l'Etat et la holding FranceTélévision, la société RFO, dont le niveau technique régional est à améliorer et dont la gestion prévisionnelle de l'emploi implique la prise en compte des progrès de la technologie et des nouvelles fonctionnalités, deviendrait une chaîne majeure, favorisant l'éclosion des talents et d'un marché audiovisuel diversifié dans les DOM-TOM.

Outre assurer la continuité territoriale audiovisuelle s'appuyant sur le principe d'égalité, entraînant la diffusion d'un éventail de programmes proches de ceux reçus en métropole, RFO doit développer dans les trois bassins - Caraïbes, Pacifique et océan Indien - des radios et des télévisions de proximité et s'imposer comme garant de l'expression et de la valorisation du patrimoine, des langues, de l'identité et des cultures ultramarines. En se voulant le reflet de la vie territoriale tout en évitant le risque de ghetto, RFO doit se transformer en un média de pays grâce à des productions locales de qualité susceptibles d'être mises à la disposition des autres sociétés nationales.

Enfin, face à l'offensive libérale internationale, aux enjeux de pouvoir et d'affaires, RFO doit résister à la tentation de servir n'importe quelle soupe, même si cette dernière peut lui permettre de gagner en audience et en publicité.

Télévision du pays réel, notre télévision transversale parce que dans la République, éducative, citoyenne, é mancipatrice, peut assurer un service international d'images, s'inscrire dans une mission de coopération régionale et, en même temps, prétendre être l'instrument audiovisuel d'une politique européenne des régions ultrapériphériques.

Madame le ministre, cette nouvelle politique, moderne, audacieuse, bénéficiant de l'effort financier sans précédent consenti par la nation à la télévision publique, ne passe pas, selon nous, par l'intégration de RFO à la holding France Télévision, bien au contraire ! Dans la mesure où la fonction première de la holding est la diffusion, secondairement la production, et que RFO pourra obtenir sa part du milliard prévu pour développer de nouveaux programmes, nous pensons qu'une formule de partenariat avec la holding et l'Etat, prenant en compte notamment les possibilités de production, d'échange de programmes, de mobilité interentreprises, de développement de nouveaux services et d'ouverture sur l'international, peut donner satisfaction à tous et faire de RFO un outil de référence. C'est le sens des propositions que nous vous faisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Françoise de Panafieu.

Mme Françoise de Panafieu.

La question que tout législateur se pose lorsqu'il examine un projet de loi est de savoir si celui-ci est en adéquation avec le problème posé. Fallait-il aujourd'hui un projet de loi sur l'audiovisuel ? La réponse est oui. Le projet soumis correspond-il aux problèmes posés, y apporte-t-il les réponses nécessaires ? A l'évidence, la réponse est non.

Oui, il fallait un projet de loi si celui-ci se donnait comme mission première de définir ce que doit être aujourd'hui le service public de l'audiovisuel dans un secteur par ailleurs en pleine mutation technologique. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce but est manqué.

D'autres orateurs de l'opposition à laquelle j'appartiens sont revenus sur cette question essentielle, la télévision étant devenue le nouveau ciment social de nos sociétés.

Le but, comme je l'ai dit, est manqué. Il est même triplement manqué puisque nous examinons aujourd'hui un projet de loi morcelé, un projet de loi archaïque et passéiste et enfin un projet de loi qui ne répond à aucune des grandes questions de demain.

C'est donc un projet de loi morcelé. Pour le secteur public, pourtant à l'étude depuis trois ans, il faut encore croiser le texte déposé en décembre à l'Assemblée nationale avec l'amendement gouvernemental pour tenter de comprendre ce que sera la loi. Pourquoi une telle complication ? Pour créer le flou ? Pour éviter l'avis des instances consultatives comme le CSA et le Conseil d'Etat ?


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Pourquoi utiliser cette procédure de l'amendement gouvernemental qui, en l'occurrence, ressemble fort à un détournement de procédure ? Si j'ai bien compris, pour le secteur public, il s'agit de procéder à la création d'une holding - mais avec ou sans

RFO ? -, à la diminution de la publicité de douze à huit minutes maximum par heure en deux ans, et, enfin, aur emboursement des exonérations de redevance, soit 2,5 milliards de francs de plus pour le secteur public.

Tout cela peut apparaître constructif. En effet, au moment des grandes concentrations, nous sommes les seuls en Europe à avoir un audiovisuel public complètement éclaté en quatre sociétés de programmes distinctes, plus une kyrielle de sociétés satellites type INA, SFP, etc.

En parallèle, notre secteur public est notoirement sousfinancé par rapport à ses équivalents anglais ou allemands - deux fois moins que l'Allemagne, pour ne citer que cet exemple.

L'assainissement de son financement est donc nécessaire. Mais encore faut-il être sûr que la réforme de ses structures sera bien fonctionnelle et ne deviendra pas un gouffre sans fond. A cet égard, les pouvoirs du président de la holding sont encore bien flous. Est-ce bien le président qui aura la réalité du pouvoir de nomination des directeurs des chaînes de télévision ou bien sera-ce le conseil d'administration de la filiale dans lequel le président de la holding ne semble avoir qu'un pouvoir bien limité ? Le pouvoir financier sera-t-il bien localisé au niveau de la holding malgré les plans stratégiques que l'Etat passera avec chacune des filiales ? Si ces deux points ne sont pas pleinement clarifiés, on peut redouter le pire, à savoir que cette holding plus virtuelle que réelle ne soit qu'une source supplémentaire de dépenses improductives et une nouvelle cause de querelles intestines qui ne manqueraient pas de paralyser rapidement le « monstre » comme l'a appelé récemment Hervé Bourges lui-même.

C'est aussi un projet archaïque et passéiste.

Dans sa forme, il est archaïque. Au lieu de définir clairement des objectifs et des priorités politiques, il ne cesse de nous renvoyer à des décrets dont on ne nous cite que les têtes de chapitre sans jamais nous en donner le contenu.

Cela signifie qu'une fois de plus l'administration, seule dans son coin, va tout définir dans le moindre détail, en dehors de tout contrôle parlementaire et sans obligation de négocier avec les professionnels. Cette procédure est parfaitement inopérante parce que, dans ce secteur en pleine mutation technique, l'élaboration de la loi plus celle des décrets prendront au minimum deux ans, peutêtre même quatre, et aboutiront à un texte par définition caduque au moment de sa parution. C'est à pleurer de rire ou à pleurer tout court.

Dans son contenu, cette loi est passéiste. En dehors de la réforme du secteur public, elle ne fait en effet que remettre à niveau notre arsenal juridique sur deux points sur lesquels nous avions un retard certain.

D'abord, le régime du satellite, qui n'existait pas jusqu'alors dans la loi française. Il est, dans le texte qui nous est proposé, aligné sur le régime du câble. On peut se demander si l'on n'aurait pas dû, à cette occasion, simplifier et alléger celui-ci, au lieu de réglementer peut-être à l'excès le secteur du satellite, dans lequel, pour une fois et sans doute grâce à cette absence de réglementation excessive, la France se trouve être le numéro un mondial.

Ensuite, la transposition de la directive européenne Télévision sans frontières. C'est à la demande on ne peut plus pressante et instante de la France que cette directive, indispensable puisque fondement de l'exception culturelle, a été adoptée par Bruxelles. Malgré cela, vous n'avez pas été capables de la transposer dans notre législation avant la date limite du 31 décembre 1998. Pour se discréditer auprès de nos partenaires européens, on peut difficilement faire mieux. Et ça promet pour la prochaine négociation bruxelloise sur le sujet ! Enfin, dont acte, c'est fait ! Troisième point, cette loi ne répond à aucune des grandes questions de demain.

Elle est muette sur le numérique hertzien. La numérisation du réseau hertzien permet de multiplier par six le nombre des canaux accessibles au public sans aucune modification des antennes actuelles. Alors que le satellite numérique ne concerne actuellement que 10 % des foyers français et abîme notre paysage à coups de casseroles, le numérique hertzien sera presque immédiatement accessible à près de 80 % de la population française. C'est donc grâce à cette technique que l'on pourra rentabiliser nos chaînes thématiques qui, sur le satellite ou le câble, n'arrivent pas à trouver un équilibre économique, développer des services interactifs et créer sans doute de véritables chaînes de proximité.

En Angleterre et en Suède, le numérique hertzien fonctionne déjà depuis l'année dernière. En Irlande, en Norvège, aux Pays-Bas et en Espagne, il est en cours d'installation. L'Allemagne commence à s'y mettre. Et nous, pendant ce temps, nous élaborons, avec les difficultés que l'on sait, une loi dite globale et générale sur l'audiovisuel français dans laquelle on ne dit mot sur le sujet. Pire, la loi Fillon, qui permettait de procéder à des expérimentations en la matière, étant arrivée à son terme le 1er avril dernier, on ne prévoit même pas son renouvellement dans le cadre de ce texte.

Ce retard est extrêmement grave, car il nous fait perdre des fréquences à nos frontières. Nos voisins, moins timorés, n'hésitent pas à utiliser notre absence à leur bénéf ice.

Quand, au bord de la Manche, les Français ne pourront plus recevoir en numérique hertzien qu'une majorité de pregrammes anglo-saxons, l'exception culturelle française aura l'air malin ! La gestion optimale de notre parc de fréquences, denrée on ne peut plus rare, est au moins aussi importante que celle de nos ressources en matière première.

Nos industriels qui, grâce au satellite, ont acquis une avance technologique importante dans le numérique, aussi bien en contrôle d'accès qu'en logiciels d'interactivité, sont en train de se faire rattraper à grande vitesse par leurs concurrents européens. Il en est de même pour les éditeurs français de chaînes thématiques, qui ne peuvent bénéficier dans leur pays d'un marché suffisant.

Hélas ! l'absence de règles du jeu dans ce secteur n'aura pas les mêmes effets bénéfiques que pour le satellite, car personne en France ne peut utiliser une fréquence sans y avoir été nommément autorisé.

Alors qu'attend-on pour définir les règles du jeu et permettre à des instances sérieuses comme le CSA, qui ne cesse de le réclamer, de se lancer dans le numérique comme les autres, comme nos concurrents européens ? Enfin, cette loi coûte cher au budget de l'Etat 2,5 milliards de francs d'exonérations de redevance - et nous n'avons aucune garantie sur l'utilisation de cette manne financière.


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Quelles sont les sociétés de l'audiovisuel public qui en bénéficieront ? Est-ce que ce seront les sociétés de programme, France 2, France 3, la Cinquième, Arte, et donc, avec un peu de chance, les Français ? Ou bien cette manne ira-t-elle, une fois de plus, à des institutions budgétivores ? A l'intérieur des sociétés de programme, cet argent irat-il bien aux programmes eux-mêmes ou restera-t-il, comme souvent par le passé, dans les frais généraux et la masse salariale de ces superstructures que l'on embellit d'un étage suplémentaire ? Enfin, à l'intérieur des programmes, cette somme ira-telle bien de préférence à la production française et non au renchérissement des revenus des « animateurs-producteurs », du coût des retransmissions sportives, du prix d'achat des films américains ou des surcachets de quelques acteurs isolés ? L'avenir de notre identité culturelle passe par le renforcement de l'outil de production audiovisuelle et cinématographique. Le point faible de l'audiovisuel français est certainement le secteur public. Compte tenu du rôle social et culturel qu'il peut et doit jouer pour l'avenir de notre société, lui consacrer 2,5 milliards de francs peut parfaitement se justifier. Encore faut-il définir sa mission avec suffisamment de clarté et s'assurer que cet effort financier exceptionnel ira bien dans ce sens. Or rien, aujourd'hui, ne nous le garantit.

Et que l'on arrête de dire aux Français que, la redevance n'étant pas augmentée, ce ne sont pas eux qui paient. Ces 2,5 milliards de francs viennent du budget de l'Etat et donc de leurs impôts ! Ils sont en droit d'attendre un meilleur rendement de leurs efforts.

Madame la ministre, vous avez passé plus de deux ans sur le texte aujourd'hui discuté. Non seulement il ne relève pas les défis, mais les méthodes utilisées sont archaïques face à ce secteur en pleine mutation.

Force est de reconnaître, pardonnez-moi de vous le dire, que vous avez totalement manqué le but. C'est la raison pour laquelle le groupe RPR ne saurait voter votre projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les évolutions techniques dans le domaine de l'information et de la communication, ainsi que l'arrivée des bouquets de chaînes satellitaires qui les accompagnent, obligent à repenser la problématique de l'audiovisuel public, ce qui, outre-mer, se traduit par la nécessité de redéfinir le concept de RFO.

Ce projet de loi nous donne l'occasion d'esquisser ce que pourrait être un service public audiovisuel outre-mer.

L'audiovisuel public doit d'abord tirer toutes les conséquences des progrès technologiques et mettre en oeuvre le principe républicain d'égalité d'accès à l'image. Les citoyens d'outre-mer n'ont en effet toujours pas accès à l'intégralité des programmes diffusés par les chaînes nationales et ils doivent se contenter d'une sélection. Longtemps à l'origine de cette inégalité, les contraintes techniques sont à présent levées ; bien des professionnels s'accordent pour penser que la diffusion intégrale des programmes des chaînes nationales par les bouquets satellitaires est à terme inéluctable. Sans doute conviendrait-il de ne pas subir cette évolution et, pour une fois, d'anticiper.

Après l'égalité politique, après l'égalité sociale, quasi ment réalisée, cette fin de siècle pourrait être celle de l'égalité d'accès à l'image, qui conditionne de plus en plus les perspectives de développement.

Il va sans dire qu'une telle évolution remet fondamentalement en cause la mission qui a présidé à la naissance de RFO et qui consistait surtout à assurer la continuité territoriale. Cessant d'être un récepteur-diffuseur de programmes conçus ailleurs, RFO peut devenir une véritable chaîne régionale et retrouver ainsi une vocation internationale. A la Réunion, par exemple, RFO pourrait se consacrer, notamment en coopération avec les pays voisins, à la production d'émissions locales et régionales qui seraient diffusées dans l'île même et, plus largement, dans les pays de l'océan Indien. Qu'on ne s'y méprenne pas : la diffusion des programmes français dans les pays environnants sera également un moyen d'y conforter la francophonie.

R FO deviendrait alors un concepteur-producteur d'images dont les choix s'établiraient selon deux axes forts : l'ouverture au monde et une plus grande attention à l'environnement immédiat. C'est à cette double condition que la consommation passive d'images pourra être évitée, que l'audiovisuel pourra devenir un outil de coopération régionale, que le transfert des images ne se fera plus exclusivement selon l'axe Nord-Sud.

C'est également si l'on donne à RFO des moyens pour mener à bien ces nouvelles missions de production locale et de coopération régionale que son rattachement à la future holding France Télévision est envisageable. Vous le savez, madame la ministre, cette question a suscité bien des débats. Ils ont eu le mérite de faire ressortir les craintes mais aussi les espoirs que font naître les bouleversements en cours. Si, à la Réunion, l'idée de l'intégration est approuvée par la plus grande partie des personnels, personne ne souhaite y voir une tentative de recentralisation larvée et le retour à la période FR 3 délégation outre-mer, qui a laissé de bien mauvais souvenirs à RFO et au sein de la population elle-même.

Face à l'irruption d'un secteur privé dynamique et en forte croissance, l'intégration dans le futur pôle audiovisuel public français nous semble la solution la plus porteuse d'avenir. Encore faut-il l'assortir d'un certain nombre de garanties, tant sur les missions, qui devront être définies avec précision, que sur les moyens. RFO ne doit pas, par facilité ou pour un autre motif, devenir la variable d'ajustement de la future holding. S'il est nécessaire de définir un cahier des charges et des objectifs précis, il est indispensable de doter RFO des moyens correspondants, et notamment d'un budget adéquat.

Lorsque l'on considère l'impact de l'audiovisuel à la Réunion - le taux d'équipement et, plus récemment, les paraboles qui fleurissent sur les maisons en sont de bons indicateurs - on devine avec quelle attention sont suivies, dans ce domaine, les évolutions et les réformes. Celle-ci ne fera pas exception. Les attentes sont fortes pour un service public moins lointain et plus innovant. Tâchons ensemble de ne pas les décevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Edouard Landrain.

M. Edouard Landrain.

Madame le ministre, je m'en tiendrai à deux points, deux seulement. L'un est culturel, l'autre sportif.

Le point culturel est lié à la récente signature de la charte pour la défense des langues et cultures régionales.

Je trouve votre texte bien timide à cet égard et je pense


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que France 3, notamment, pourrait se voir confier un rôle particulier en la matière. Nous essaierons de faire passer ce message dans nos amendements. Cette mission de proximité me paraît en effet indispensable.

Quant au sport, votre texte est bien imprécis et l'on voit naître, pour ces émissions sans doute les plus populaires et dont les taux d'audience sont les plus forts, de réelles inquiétudes. J'aimerais, nous aimerions tous que vous nous précisiez quelles seront les orientations de la télévision en matière de sport dans les années à venir.

Qu'en sera-t-il des principaux événements qui se déroulent en France ? Pourront-ils faire l'objet d'achats, en exclusivité par certaines chaînes au mépris des autres, sans même qu'elles soient tenues - elles s'en dispensent déjà quelquefois - de les diffuser intégralement et en direct ? Il faudrait au moins les y obliger.

Il faudra aussi exiger des chaînes publiques que les sports les moins « télé-productifs » puissent malgré tout disposer d'un temps d'antenne sans que les fédérations soient obligées de payer, comme cela s'est déjà produit sur France 3.

De même, les chaînes publiques devraient être obligées de participer aux campagnes pour la santé des sportifs et la lutte contre le dopage. Ce serait de leur part une bonne action. La loi relative à la lutte contre le dopage le prévoit déjà. Il serait bon, madame le ministre, que cette obligation soit reprise dans votre texte.

M. Henri Nayrou.

Ce sera fait.

M. Edouard Landrain.

Si tel n'était pas le cas, ce serait une grave lacune.

J'en viens au problème des clubs de football achetés par des chaînes de télévision. Je sais qu'il est fait appel à la concurrence, mais l'avis du CSA devrait être exigé. On ne peut pas envisager que certains clubs deviennent demain la propriété exclusive de chaînes de télévision.

Car on pourrait alors assister à des matchs de football entre chaînes publiques ou privées, ce qui serait absolument incompréhensible.

Par ailleurs, il serait judicieux de limiter la part dont un seul opérateur peut devenir propriétaire sur l'ensemble des droits d'une même discipline. En Italie, le plafond est fixé à 60 %. Ne pourrait-on pas envisager un dispositif comparable ? Vous y songez sûrement, monsieur le rapporteur ?

M. Didier Mathus, rapporteur.

Oui !

M. Edouard Landrain.

C'est une nécessité pour que puisse jouer la libre concurrence. De plus, assortir l'achat de droits de l'obligation de diffuser intégralement et en direct permettrait, là encore, de limiter les appétits.

Enfin, madame la ministre, soyez bien consciente qu'en matière sportive les meilleures lois françaises ne seront applicables qu'en France et qu'il faudra nécessairement mettre en place une coordination avec l'ensemble des pays européens. J'aimerais que vous nous rassuriez à ce sujet, car j'ai l'impression que les réglementations européennes partent dans tous les sens. La discordance est telle que la valeur de nos équipes et de nos clubs risque de ne plus être qu'épisodique, compte tenu des moyens que les autres savent se donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous allons examiner en détail, dans les jours qui viennent, les dispositions concernant le service public. Beaucoup d'intervenants ont déjà évoqué le contenu que nous aimerions lui donner, en renforçant son identité et en posant les principes qui doivent sous-tendre les lignes éditoriales.

L'essentiel de votre dispositif, madame le ministre, concerne la convention d'objectifs et de moyens qui liera l'Etat à la société France Télévision et précisera les li gnes éditoriales des chaînes qu'elle regroupe. Indiscutablement, il faudra que le Parlement puisse donner son avis sur ces conventions, car elles détermineront les orientations principales du service public.

Le Parlement, bien sûr, souhaite aussi pouvoir dire son mot sur la répartition des moyens financiers affectés à l'audiovisuel public. Plusieurs amendements, adoptés par la commission des finances, mais aussi par la commission des affaires culturelles, prévoient, à cet égard, l'obligation de toujours saisir le Parlement.

Je veux évoquer plus particulièrement un autre aspect du problème qu'il me semble nécessaire de traiter dans le cadre de notre réflexion sur le service public.

Dans le texte que vous nous proposez, vous mettez en place, au travers de la société holding, une coordination des moyens du service public de l'audiovisuel en regroupant ses capacités d'action.

Vous prévoyez le remboursement des exonérations de la redevance. J'ai bien entendu certains orateurs dire que rien ne le garantissait. Cela est exact : rien ne le garantit - rien ne garantit d'ailleurs jamais rien - sinon la volonté politique de défendre le service public. Je comprends évidemment que cela puisse décevoir nombre de nos collègues de droite qui n'ont d'autre volonté que celle d'affaiblir le service public tant est grand leur désir de le privatiser. Certains l'ont ailleurs déclaré très clairement.

Par ailleurs ce texte tend à redonner une véritable identité au service public en imposant une certaine diminution de la publicité ce qui rendra sans doute la pression de l'Audimat moins forte.

Si le service public s'affirme par ses missions, par son financement, il doit aussi s'affirmer par son fonctionnement. Nous devons donc réfléchir sérieusement, et non pas en la considérant comme un gadget, à la démocratisation du fonctionnement du service public. C'est pourquoi j'ai déposé, avec plusieurs de mes collègues, des amendements qui tendent à mettre en place un collectif national des programmes et à faire en sorte que les téléspectateurs soient plus directement associés au fonctionnement de France Télévision.

L'expérience sans doute la plus forte en la matière, celle de la BBC, montre combien les téléspectateurs britanniques sont mobilisés autour de leur chaîne. Des conférences régionales rassemblent les téléspectateurs britanniques qui ont le sentiment que celle-ci leur appartient réellement, non seulement parce que cela est en quelque sorte marqué sur son fronton, mais surtout parce qu'ils sont des éléments participant au jugement et au fonctionnement de cette chaîne de service public.

Aujourd'hui la participation du public n'est jugée qu'au travers de l'audimat ; c'est-à-dire d'un élément lié au marché. Si cette réalité ne peut pas être niée cela est notoirement insuffisant. Demain la technique de l'interactivité rendra possible l'intervention du téléspectateur, mais elle non plus ne sera pas suffisante.


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En la matière nous devrons peser sur le fonctionnement de France Télévision pour qu'elle mette en oeuvre u ne véritable démocratisation, prenne réellement en compte les aspirations du public en manifestant la volonté de l'associer à la confection des grilles et des programmes, non pas d'une façon ponctuelle mais en faisant vivre cette participation. En effet, il n'y aura pas d'avenir pour le service public si l'on n'est pas capable de démocratiser largement son fonctionnement. Nous avons donc présenté des amendements en ce sens.

D'ailleurs, la proposition de M. Dominati - que je n'approuve évidemment pas - de privatiser France 2 en vendant un certain nombre d'actions aux téléspectateurs participe aussi de la volonté d'assurer une assise plus populaire à nos chaînes. Nous devons donc l'inscrire dans la loi et faire en sorte que cela soit compris par les dirigeants de France Télévision. Rien ne serait pire, en effet, qu'une direction, certes bien inspirée au plan technique, mais qui suivrait, une fois encore, des orientations purement techniques.

Ayant défendu avec beaucoup de coeur la démocratie dans mon intervention, je n'abuserai pas du temps de parole. Je termine donc en soulignant qu'il conviendra d'éviter, dans la discussion des articles et des amendements, y compris sans doute en seconde lecture, de construire de grandes machines qui seraient censées vivre sans la présence et sans la participation des téléspectateurs.

M. Patrick Bloche.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou.

Madame la ministre, c'est en termes sportifs et dans un stade comble que je vais vous complimenter ce soir. (Sourires.)

Vous avez effectivement dû vous cantonner en défense en première mi-temps, probablement parce que vous jouiez contre le vent ou, plutôt, contre les vents ; mais v ous avez su réagir pour reprendre l'avantage en deuxième période après une bonne explication de gravure à la mi-temps et vous allez gagner le match. Cependant, vous serez sans doute d'accord avec moi pour reconnaître que l'essentiel est bien que ce soient les téléspectateurs qui en sortent vainqueurs.

Le paysage audiovisuel français a besoin d'un service public fort, à la britannique ou à l'allemande, au choix, ainsi que d'un référent commun qui n'ait pas pour unique obsession la ménagère de moins de cinquante ans et ses navets. Je sais que nous n'aurons pas un service public au rabais, car le groupe audiovisuel que créera cette loi disposera d'un viatique supplémentaire d'un milliard de francs. Ce sera mieux pour la culture et pour l'éthique, donc pour le sport, pardon, pour tous les sports. En effet, nombre d'entre eux n'ont pas les grâces de l'audimat et il reviendra à France Télévision de les traiter avec les honneurs dus à leur rang, hélas ! pas médiatique, mais tout aussi méritoire.

Pour le sport, la télévision est devenue le premier sponsor et le premier public. La difficulté est d'éviter qu'elle en prenne le contrôle absolu, ce qui est malheureusement loin d'être une vue de l'esprit. C'est la raison pour laquelle il appartient au législateur de mettre le sport à l'abri de semblables dérives. J'en ai dénombré cinq : la propriété des droits qui relève du sport ; l'achat des clubs par les chaînes de télévision qui ressortit autant au domaine de l'audiovisuel qu'à celui du sport ; la multipropriété sur les clubs pour laquelle il s'agit carrément du sport ; les achats globalisés et sur le long terme qui relèvent à la fois de l'audiovisuel et du sport ; enfin les événements sportifs majeurs pour lesquels il doit être garanti un accès libre. Je vais revenir rapidement sur quatre de ces sujets.

Pour ce qui est d'abord de la propriété des droits sur les matchs, il y a manifestement débat entre les clubs ou, plutôt, entre les propriétaires des clubs, et les diverses organisations. Il est vrai que l'enjeu est de taille car cela conditionne tant l'équilibre à rechercher pour la survie d'un sport intègre, que la réussite économique des chaînes.

Pour moi, la réponse est sans ambiguïté : il n'est pas concevable que chaque club puisse aller faire son marché en égoïste. Il faut, au contraire, qu'un groupement de clubs organise ce marché afin d'assurer la mutualisation des recettes. Il est en effet évident que, pour qu'il y ait un premier, il faut aussi un dix-huitième. Dans ces conditions, la propriété des droits doit être reconnue par la loi aux organisateurs de compétitions sportives en vertu du bien collectif. Je veux parler aussi bien des ligues de football et de rugby, de l'UEFA, que de M. Ecclestone en formule 1.

Quant à l'achat des clubs par des opérateurs privés, dont a déjà parlé M. Landrain, les grandes manoeuvres vont commencer. C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je tiens à exprimer le regret que ce texte ne prévoie pas une réglementation adaptée aux principes de l'égalité de concurrence tant glorifiée par Bruxelles, ainsi qu'aux dangers que font courir au futur universel du sport ces prises de contrôles savamment calculées. Oui, le coeur du débat est la maîtrise de la ressource sportive pour alimenter bouquets, chaînes et programmes.

Il est d'ailleurs tout à fait plaisant de constater que l'Angleterre, pourtant championne toutes catégories du libéralisme sportif, vient d'envoyer un signal exemplaire en interdisant à M. Murdoch d'acquérir le club de Manchester United pour entrave à la concurrence. Voilà qui donne la mesure du rôle tenu par le CSA ! Voilà qui dépasse le simple amendement que j'ai eu envie de déposer avant d'estimer que le sujet était trop vaste et trop important pour être traité subrepticement.

Le sujet des achats globalisés et sur le long terme est d'actualité, car les effets pervers sont pour demain sur un rythme à quatre temps : un, j'achète tout ce qui se présente et pour longtemps ; deux, je contrôle ; trois, j'empêche mes concurrents de contrôler ; quatre, je spécule et je revends.

Soyons bien clairs : il ne s'agit pas de tout régenter en économie du sport. Toutefois, il n'est pas question non plus que le législateur ne fasse rien pour empêcher les marchés de s'emparer du sport. Ils ont suffisamment à faire avec l'économie.

Enfin, il faut garantir aux téléspectateurs que la diffusion des événements d'importance majeure, dont un décret fixera la liste ainsi que la nature de la retransmission, soit libre d'accès. Cette disposition figure fort opportunément à l'article 10 du projet de loi et il convient de vous en féliciter, madame la ministre. Une telle obligation était nécessaire à propos de ce que les Britanniques appellent les joyaux de la couronne (Sourires) et que l'on pourrait appeler chez nous les grandes fêtes de la République.

Je veux parler de ces manifestations d'envergure qui dépassent largement le simple cadre sportif parce qu'elles appartiennent à notre histoire, à notre culture, à notre peuple, bien avant que les stades ne soient remplis de sponsors et de marchands : Jeux olympiques, coupes du


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monde, Tournoi des cinq et bientôt des six nations, Tour de France, Roland-Garros, équipes de France de football ou de rugby, grandes finales nationales pour lesquels on ne saurait exiger un paiement supplémentaire de tous ceux qui se font une certaine idée des valeurs morales du sport et qui, de surcroît, ont déjà payé leur redevance.

Je terminerai mon propos en souhaitant que, dans sa nouvelle configuration, le groupe France Télévision soit financièrement en mesure de ramasser autre chose que des miettes sur le grand marché des exclusivités sportives, toujours au nom de l'universalité du sport et de la grandeur des missions du service public. J'aimerais tant que les présidents à venir de France Télévision et du CSA partagent cet avis et cette envie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Christian Kert et M. Edouard Landrain.

Très bien !

M. le président.

Merci, monsieur Nayrou. Comme d'habitude, vous avez gagné parce que vous avez été le plus rapide.

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le temps qui m'est imparti, je souhaite exposer mon sentiment général sur le texte qui nous est proposé puis vous faire part de mes convictions sur le rôle que devra assumer le futur réseau France outre-mer.

Le texte correspond globalement à ma vision du rôle que doit assumer un vrai service public de l'audiovisuel.

En effet, dans le monde qui se construit devant nous, où l'information et la communication sont simultanément des enjeux industriels et économiques, mais aussi des enjeux de pouvoir, il est indispensable que le service public constitue un point de référence fort.

Vous comprenez donc d'emblée, madame la ministre, que j'adhère pleinement aux motivations profondes qui ont conduit le Gouvernement à présenter ce texte.

Elu guadeloupéen, je suis très attentif au rôle, à la vocation et au développement de RFO dans ce dispositif.

Je ne crois pas trahir les convictions de mes compatriotes guadeloupéens en vous disant, madame la ministre, mes chers collègues, que nous ne souhaitons pas que RFO soit purement et simplement fondu dans un ensemble global.

Nous voulons au contraire qu'il soit considéré comme un acteur majeur, avec une mission particulière au sein de l'audiovisuel public.

J'ai la conviction forte que RFO est, comme la Guadeloupe et les autres départements et territoires d'outre-mer, à la croisée des chemins : soit il reste dans un statu quo, c'est-à-dire une chaîne à faible capacité de production et de diffusion, malgré le potentiel humain et professionnel qui s'y trouve, tant au niveau central qu'au sein des stations régionales, et il se banalisera jusqu'à dépérir ; soit nous donnons à RFO une véritable mission de service public portée par une ambition qui repose sur quelques conditions fondamentales.

Il faut d'abord lui donner une réelle capacité à produire et/ou à coproduire du vrai local, condition pour que soient pleinement valorisés les arts, les langues et les cultures locales et pour que les populations locales s'y retrouvent et adhèrent à leur télévision.

Il convient ensuite de mettre en oeuvre un vaste plan de valorisation des ressources humaines et des équipes dont dispose RFO et qui constituent un capital précieux.

Bref, le nouveau RFO, porté par un objet lisible et par l'adhésion de ses hommes et de ses équipes, devra disposer de moyens suffisants pour permettre la mise en place d'une véritable dynamique de production et de coproduction à partir des compétences et des réalités locales et régionales.

Cette activité créatrice doit naturellement trouver ses débouchés d'audience par une meilleure diffusion à trois niveaux.

Le premier est bien évidemment le niveau local, car il est indispensable que les populations concernées soient les premiers amateurs-consommateurs des oeuvres produites.

Le deuxième est le niveau national, d'où l'importance de la démarche partenariale à développer entre RFO et les autres compartiments de l'audiovisuel public. Cette idée de coopération et de partenariat au sein de la grande famille publique prend tout son sens dans l'amendement à l'article 4 que j'ai déposé avec mes collègues MM. Tamaya, Darsières et Andy.

A ces deux niveaux j'ajouterai une troisième dimension : la coopération régionale, la région signifiant, par exemple, la sphère Caraïbes, pour ce qui concerne les Antilles et les pays de l'océan Indien pour la Réunion.

Enfin, RFO, en tant que partenaire des autres compartiments de l'audiovisuel public rassemblés dans France Télévision, devrait pouvoir constituer un tremplin pour la rediffusion sélective, au niveau local comme à l'écheller égionale, des productions les plus marquantes des grandes chaînes nationales.

Sur tous ces points j'ai le sentiment que les forces vives de RFO, qu'il s'agisse de son nouveau président ou d'une large fraction des personnels, partagent largement ces ambitions. Il s'agit de leur permettre d'aller franchement dans cette direction qui correspond aussi aux souhaits des populations, en définissant clairement les missions de RFO et en mobilisant les moyens financiers en conséquence.

Cette articulation entre production, diffusion et qualité des équipes au sein d'un ensemble public porté par un esprit de coopération et de partenariat, est la posture la plus sérieuse pour permettre à RFO de devenir pleinem ent ce vecteur d'information, de communication, d'éducation et de promotion culturelle, innovant, compétitif et ouvert sur le monde que souhaitent les acteurs et les publics des départements et territoires d'outre-mer, où qu'ils oeuvrent, en métropole comme dans les territoires.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je suis tenté de rêver que nous puissions faire de RFO un exemple d'équilibre entre les exigences de la concurrence et l'impératif citoyen. Tel est le sens de l'amendement que j'ai déposé à l'article 2 avec plusieurs de mes collègues.

L es régions ultra-marines françaises veulent être ouvertes sur le monde et en prise directe avec le « village planète ». Encore faut-il leur donner les moyens de prendre toute leur place et de jouer tout leur rôle dans la construction de la nouvelle humanité qui se dessine.

Un engagement fort envers RFO sera l'illustration concrète de l'idée que le Gouvernement et la représentation nationale se font de la contribution de nos territoires ultra-marins à cette humanité en mouvement et en devenir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Germinal Peiro, dernier orateur inscrit.

M. Germinal Peiro.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux, à la fin de la discussion générale, vous faire part d'une expérience de télévision locale. Elle concerne une chaîne nommée Aqui TV qui est présente sur le réseau hertzien dans le département de la Dordogne depuis une dizaine d'années.


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Créée en 1991, grâce à une initiative privée, elle c ouvre aujourd'hui une population d'environ 300 000 habitants d'un département rural étant devenue très rapidement une télévision présentant un intérêt public indéniable. Avec deux heures de programmes propres chaque jour, comprenant un journal, ainsi que des émissions culturelles, sportives, et politiques, elle occupe une position irremplaçable dans le paysage audiovisuel périgourdin à tel point que le conseil général de la Dordogne s'est fortement impliqué dans un soutien financier qui s'élève à 3,6 millions pour un budget total de 6 millions de francs.

J'ai choisi cet exemple, que je connais personnellement, pour montrer l'intérêt que suscite la création de télévisions locales pour les populations concernées, mais dans un contexte difficile qui mériterait d'être clarifié, car plusieurs questions se posent.

D'abord qu'en est-il du pluralisme d'opinion dans une télévision locale qui pourrait devenir celle de M. le maire ou de M. le président du conseil général ? Dans le cas que je connais, le problème ne se pose pas et ne s'est pas posé en raison du respect de la déontologie par les journalistes et du contrôle du CSA. D'ailleurs, cette télévision, fortement aidée par le département, n'a jamais été remise en question depuis dix ans alors que l'alternance politique s'est produite à deux reprises au sein du conseil général de la Dordogne.

Ensuite, quel financement peut-on envisager pour ces télévisions locales ? Je suis convaincu que, à côté des fonds publics qui peuvent être le garant d'une certaine impartialité, les recettes provenant de la publicité sont indispensables. Pour être tout à fait clair, je considère que l'interdiction de faire de la publicité pour la grande distribution doit être levée.

Enfin, question récurrente, les télévisions locales ne vont-elles pas nuire à la presse quotidienne régionale ? Je ne le crois pas. Je suis au contraire persuadé que l'information crée elle-même un besoin d'information et que plus les habitants d'une région reçoivent d'informations par les différents médias, plus ils sont amenés à s'intéresser à la vie de cette région donc à chercher d'autres sources.

Telles sont les quelques observations que je voulais formuler brièvement.

Je souhaite vivement que nous puissions trouver, tant sur le plan législatif qu'au niveau réglementaire, les dispositions qui permettront l'éclosion de nombreuses télévisions locales dans notre pays. Je suis intimement persuadé que, dans un monde où nos concitoyens ont de plus en plus de mal à trouver leurs repères, elles ont à jouer un rôle essentiel en termes identitaires et en termes de lien social. Les télévisions locales présentent également à mon sens un formidable potentiel en matière de création et de diffusion culturelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

3 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 18 mai 1999, de M. JeanPierre Michel un rapport, no 1601, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité.

J'ai reçu, le 18 mai 1999, de M. Jean-Pierre Delalande, un rapport, no 1602, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la proposition de loi de MM. Jean-Pierre Delalande et plusieurs de ses collègues tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour l'exercice 1999 (no 1557).

J'ai reçu, le 18 mai 1999, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport, no 1603, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 1997 (no 1277).

4 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 14 mai 1999, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à l'épargne et à la sécurité financière

Ce projet de loi, no 1600, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

5

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mercredi 19 mai 1999, à neuf heures, première séance publique : Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 195, autorisant la ratification du traité sur la charte de l'énergie (ensemble un protocole) : M. André Borel, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1544).

(Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion : du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1564, autorisant la ratification de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions c ommerciales internationales, faite à Paris le 17 décembre 1997 ; du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1565, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, faite à Bruxelles le 26 juillet 1995 ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1566 rectifié, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Dublin le 27 septembre 1996 ; du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1567, autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 29 novembre 1996 ; du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1569, autorisant la ratification du deuxième protocole établi sur la base de l'article K.

3 du traité sur l'Union européenne à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, fait à Bruxelles le 19 juin 1997 ; du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1568, autorisant la ratification de la convention établie sur la base de l'article K.

3, paragraphe 2, point C, du traité sur l'Union européenne relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, faite à Bruxelles le 26 mai 1997 : M. Pierre Brana, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1574).

(Discussion générale commune.)

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion du projet de loi, no 1187, et lettre rectificative no 1541, modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : M. Didier Mathus, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1578), M. Yves Cochet, rapporteur pour avis, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1586).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Discussion de la proposition de résolution, no 1577, de MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi tendant à la création d'une commission d'enquête sur le GPS (groupe de pelotons de sécurité) et de la proposition de résolution, no 1581, de M. François d'Aubert visant à créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements des services du Premier ministre en ce qui concerne le traitement du dossier corse ; Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 19 mai 1999, à une heure.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

A N N E X E S

MOTION DE CENSURE (déposée en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution)

« L'Assemblée nationale,

« Considérant que le 19 juin 1997, lors de sa déclaration de politique générale et de l'engagement de sa responsabilité, le Pre mier ministre affirmait : « L'Etat de droit ne doit pas souffrir d'exception. En Corse - comme partout ailleurs sur le territoire national - le Gouvernement veillera au respect de la loi républicaine auquel la population aspire et sans lequel il n'y a pas d'essor possible. »

;

« Considérant qu'il convient de rappeler qu'un préfet de la République, premier représentant de l'Etat dans nos régions et départements, a été assassiné en Corse le 6 février 1998 et que ses assassins n'ont, à ce jour, pas encore été interpellés ;

« Considérant que le Gouvernement a décidé, lors d'une réunion interministérielle le 14 mai 1998, la création d'une structure d'exception, le Groupement de peloton de sécurité (GPS) chargé d'assurer le maintien de l'ordre, notamment la protection des personnalités, sur réquisition écrite du préfet, de servir de force d'appoint aux gendarmes locaux pour les interpellations sensibles, sous contrôle de la justice et, enfin, d'effectuer des opérations de « surveillance et de renseignement » ;

« Considérant que les applications pratiques de la politique dite de "retour à l'Etat de droit" annoncée lors de la décla ration de politique générale du 19 juin 1997 ont, comme l'a reconnu le Premier ministre lui-même lors de sa réponse aux questions d'actualité de l'opposition le 4 mai 1999, porté atteinte à l'auto rité de l'Etat en Corse ;

« Considérant que la Ve République a établi un régime fondé sur la responsabilité politique du Premier ministre devant l'Assemblée nationale et qu'il n'est donc pas acceptable que celui-ci déclare devant la représentation nationale : "C'est l'opinion publique que je veux pour juger en matière de responsabilité politique et je n'ai pas peur de son jugement » ;

« Aussi, considérant que les actes criminels commis en Corse dans la nuit du 19 au 20 avril 1999 à Cala d'Orzu, commune de Coti-Chiavari, par des services placés sous la responsabilité de l'Etat sont contraires à toutes les lois de la République et à l'o rganisation d'un Etat de droit ;

« Considérant que de hauts fonctionnaires représentant l'Etat ont reconnu avoir été à l'origine de ces actes et de leur exécution ;

« Considérant que ces hauts fonctionnaires sont directement placés sous la responsabilité du Gouvernement qui dirige l'administration en vertu des articles 20 et 21 de la Constitution ;

« Considérant, en conséquence, que le Gouvernement devait être informé de l'action menée par ses représentants en Corse e t, notamment, des actions illégales menées par ces services ;

« Considérant qu'il était dès lors soit dans l'ignorance de ce qui allait être exécuté, ce qui représenterait un dysfonctionne ment majeur des pouvoirs publics, soit qu'il avait été informé des actes perpétrés par ses représentants, ce qui constituerait alors une atteinte d'une extrême gravité portée aux principes fondamentaux d'un Etat de droit ;

« Considérant que les instructions en cours menées à l'encontre des représentants de l'Etat poursuivis dans ce dossier ne se substituent en aucun cas à la responsabilité politique du Gouvernement ;

« Considérant que le Gouvernement a depuis des semaines refusé de fournir à l'opinion publique et à la représentation nationale la moindre explication sur les dysfonctionnements constatés et refusé d'indiquer qui était en charge du dossier corse au sein du Gouvernement, quel était le processus de décision et qui était le décideur final ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 18 MAI 1999

« Considérant que ce refus d'explication témoigne du mépris du Gouvernement pour le fonctionnement de nos institutions ;

« Pour ces motifs, l'Assemblée nationale, en application des dispositions de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution, censure le Gouvernement. »

La présente motion de censure est appuyée par les quatrevingt-six signatures suivantes : MM. Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Debré, José Rossi, J ean-Pierre Abelin, Jean-Claude Abrioux, Pierre Albertini, Mme Nicole Ameline, M. François d'Aubert, Mme Martine Aurillac, MM. Pierre-Christophe Baguet, Edouard Balladur, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Dominique Baudis, François Bayrou, Christian Bergelin, Jean-Louis Bernard, JeanYves Besselat, Claude Birraux, Emile Blessig, Bruno Bourg-Broc,

Mme Christine Boutin, MM. Yves Bur, Dominique Bussereau, Dominique Caillaud, Pierre Cardo, Antoine Carre, Mme Nicole Catala, MM. Hervé de Charette, Jean-Marc Chavanne, Pascal Clément, René Couanau, Yves Coussain, Charles de Courson, Henri Cuq, Bernard Deflesselles, Francis Delattre, Léonce Deprez, Patrick Devedjian, Franck Dhersin, Laurent Dominati, Renaud Donnedieu de Vabres, Dominique Dord, Charles Ehrmann, François Fillon, Nicolas Forissier, Yves Fromion, Gilbert Gantier, Hervé Gaymard, Claude Goasguen, François Goulard, Hubert Grimault, Michel Herbillon, Pierre Heriaud, Patrick Herr, Philippe Houillon, Michel Hunault, Mme Anne-Marie Idrac, Bernadette Isaac-Sibille, MM. Denis Jacquat, Henry MM. Jean-Baptiste, Jean-Jacques Jégou, Alain Juppé, Christian Kert, Jacques Kossowski, Marc Laffineur, Robert Lamy, Pierre L asbordes, Pierre Lellouche, François Léotard, Jean-Claude Lemoine, Alain Madelin, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Gilbert Meyer, Pierre Morange, Jacques Myard, Paul Patriarche, Jean Proriol, Nicolas Sarkozy, Bernard Schreiner, Guy Teissier, Jean-Claude Thomas, Jean Tiberi, Jean Valleix, Philippe Vasseur, Gérard Voisin.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE L. 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 14 mai 1999 No E 1252. Proposition de règlement (CE) du Conseil établissant certaines mesures concernant l'importation de produits agricoles transformés de Suisse pour tenir compte des résultats des négociations du cycle d'Uruguay dans le secteur agricole (COM [99] 186 Final).

Par lettre du 12 mai 1999, M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : No E 1251. Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 97/132/CE concernant la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Nouvelle-Zélande relatif aux mesures sanitaires applicables au commerce d'animaux vivants et de produits animaux (COM [1999] 129 Final).

ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

CONSEIL NATIONAL DE L'INFORMATION STATISTIQUE (1 poste à pourvoir) La commission des finances, de l'économie générale et du P lan a désigné M. Christian Cuvilliez comme candidat suppléant.

La candidature est affichée et la nomination prend effet dès la publication au Journal officiel du mardi 18 mai 1999.

COMMISSION NATIONALE

POUR L'ÉLIMINATION DES MINES ANTIPERSONNEL (2 postes à pourvoir) M. le président de l'Assemblée nationale a nommé, le 18 mai 1999, M. François Rochebloine et M. Robert Gaïa.