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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 4809).

KOSOVO (p. 4809)

MM. Alain Bocquet, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (p. 4810)

MM. Pierre Méhaignerie, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

PROTECTION SOCIALE ET SANTÉ (p. 4811)

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT DU PRÉFET ERIGNAC (p. 4812)

MM. Christian Paul, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

COLLÈGE (p. 4813)

M. Jean-Pierre Baeumler, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

GYNÉCOLOGIE (p. 4814)

Mme Danielle Bousquet, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

VOIES NAVIGABLES (p. 4814)

MM. François Dosé, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

KOSOVO (p. 4815)

MM. Michel Suchod, Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

INCIDENT DU 8 MAI (p. 4815)

M. Charles Ehrmann, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

RAVE PARTIES (p. 4816)

MM. Michel Hunault, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

POLITIQUE EN FAVEUR DE L'EMPLOI (p. 4817)

MM. Patrick Delnatte, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

HANDICAPÉS (p. 4818)

MM. Jean-Pierre Dupont, Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Suspension et reprise de la séance (p. 4819)

2. Motion de censure. - Discussion et vote (p. 4819).

MM. François Bayrou, Michel Vaxès, Nicolas Sarkozy, Jean-Marc Ayrault, Laurent Dominati, Roland Carraz.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Clôture de la discussion.

VOTE PAR SCRUTIN PUBLIC À LA TRIBUNE (p. 4846)

Proclamation du résultat du scrutin.

La motion de censure n'est pas adoptée.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 4847).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet.

Monsieur le président, avant d'aborder ma question, je veux dire que le groupe communiste se félicite, comme chacun ici, je présume, de l'arrestation des personnes soupçonnées d'avoir assassiné le préfet Erignac.

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Il est en effet temps d'en finir avec les crimes non élucidés en Corse.

M. Renaud Muselier.

Ailleurs aussi !

M. Alain Bocquet.

J'en viens à ma question. Elle concerne la guerre au Kosovo.

Comme vous l'avez dit récemment, monsieur le président de l'Assemblée nationale, « une guerre qui dure est une guerre qui lasse ». Force est en effet de constater qu'une guerre qui se voulait éclair est devenue une guerre qui s'enlise.

Il ne faut en rien céder à l'accoutumance et à la banalisation. Ce qui passe dans les Balkans est d'une très grande gravité. Rien ne dit encore aujourd'hui que ce conflit, qui a déjà fait trop de victimes, ne peut pas dégénérer.

Les semaines se suivent et se ressemblent. La diplomatie est active mais ne débouche pas. Le dictateur Milosevic sévit toujours aussi cruellement, avec autant de morgue. L'OTAN pèse toujours sur la situation avec autant de cynisme.

Chaque jour qui passe voit son lot de destructions, d'exactions et de victimes civiles innocentes, alors que se poursuit inlassablement l'exode de la population kosovare et que grandit le risque de voir une catastrophe écologique décupler les effets de la catastrophe humanitaire.

Sans compter le coût financier de cette guerre ! Le risque d'une déstabilisation dramatique de la région des Balkans demeure lancinant. Il ne pourrait qu'être exacerbé si un engagement de combat au sol devait être décidé. On peut d'ailleurs se poser légitimement la question : qui a intérêt à installer un foyer durable de guerre en Europe ? Au troisième mois des frappes aériennes, dont les effets demeurent limités au regard des objectifs annoncés, la question est bien de savoir aujourd'hui comment sortir enfin de cet enlisement.

Les dirigeants britanniques évoquent ouvertement la perspective d'une guerre totale, y compris avec intervention terrestre, ce qui semble confirmer que les buts de guerre ont bel et bien changé.

L'objectif doit être réaffirmé : permettre le retour des réfugiés dans un Kosovo disposant d'une autonomie substantielle garantie par la communauté internationale.

L'accord intervenu au G 8 est à cet égard un point d'appui. Il fixe le cadre d'une solution juste à la crise en offrant une porte de sortie à la partie serbe.

Cet accord a reçu un accueil positif de la communauté internationale. Des voix officielles à Belgrade ont même déclaré qu'elles estimaient acceptable l'esprit de la position commune. Il convient de ne rien négliger pour avancer sur le chemin difficile de la paix.

Dans ce contexte qui bouge, la suspension des frappes demandée par la Russie et la Chine, mais aussi par l'Italie, la Grèce et la Tchéquie, qui réclament une pause, faciliterait l'adoption rapide d'une résolution par le Conseil de sécurité des Nations-unies.

Qui mieux que l'ONU, qui a seule légitimité pour parler et agir au nom de la communauté internationale, peut faire entendre raison au régime serbe ? Suspendre les frappes, c'est aussi lever tous les obstacles à un retrait significatif indispensable des forces serbes au Kosovo en mettant concrètement Milosevic au pied du mur. Ce geste significatif aiderait les forces démocrates serbes à reprendre l'initiative et à faire pression sur le dictateur. C'est d'ailleurs ce qu'elles nous demandent.

L'Europe joue aujourd'hui très gros. Elle n'aurait en effet rien à gagner à se laisser entraîner par Washington dans une dramatique impasse, dont elle paierait en définitive seule le prix fort. Elle ne saurait se dessaisir de ses responsabilités propres.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, le débat se poursuit, nous le savons, au sein de l'Alliance. Les dirigeants américains pèsent certes d'un poids considérable au sein de l'OTAN, mais une initiative forte de la France, qui est un des pays les plus impliqués au Kosovo, peut contribuer de manière décisive à débloquer la situation.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à demander, au nom de la France, une suspension des bombardements concomitante du retrait des forces serbes au Kosovo sous contrôle de l'ONU, pour que s'ouvent enfin les négociations et que se tienne une conférence internationale sur les Balkans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères, pour répondre à la question de M. Alain Bocquet, dans le cadre des dix minutes qui sont aujourd'hui imparties au groupe communiste.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, c'est grâce à l'action de sa diplomatie que, dès le début de la phase pendant laquelle dix-neuf pays démocratiques de l'Alliance atlantique ont décidé de recourir à l'action militaire, la France a réussi à faire acter par tous les pays concernés que la solution devrait être élaborée par et à l'intérieur du Conseil de sécurité.

Ce premier objectif a été atteint dès le début, il y a maintenant plusieurs semaines, et c'est dans ce cadre que nous travaillons. Cela signifie que nous avons à nous mettre d'accord - ce à quoi nous nous employons chaque jour dans un travail de longue patience mais qui progresse régulièrement - pour faire accepter par Belgrade les principes réexprimés par toutes les autorités internationales, principes qui vont de soi car on est forcément d'accord avec l'arrêt des exactions, le retrait des troupes et le retour des réfugiés.

Nous travaillons à l'administration future du Kosovo autonome - vous l'avez rappelé - et à l'organisation de la force, sans laquelle les réfugiés ne rentreront pas. Cela fait l'objet de discussions, d'une part, entre Occidentaux et, d'autre part, avec les Russes. Mais nous devrons combiner l'acceptation de la résolution par Belgrade, le vote de cette résolution et la suspension des frappes. Les pays auxquels vous avez fait allusion, qui sont comme nous à la recherche de cette solution, discutent de la séquence qui permettra d'ordonner ce résultat. Nous ne sommes pas encore en état de voter la résolution, mais je peux vous dire que toutes les discussions de cette semaine vont tourner autour de ce sujet.

Monsieur le député, nous avez cité également la conférence sur les Balkans. Vous avez tout à fait raison : notre solution pour le Kosovo, solution à laquelle nous voulons donner la force et la légitimité d'un engagement de toute la communauté internationale, s'inscrira dans le cadre d'une politique d'ensemble pour les Balkans, comprenant non seulement une Yougoslavie démocratique, mais aussi l'ensemble des pays qui la bordent.

Aujourd'hui, tous les pays voisins de la Yougoslavie nous demandent de ne surtout pas accepter de distinguer ces trois éléments : l'acceptation par Belgrade des cinq points, le vote de la résolution et la suspension. Ces trois éléments forment un tout, mais ce « tout » est aussi une solution.

Comptez sur nous pour intégrer cette solution dans une vision à long terme de l'ensemble des pays des Balkans, en traitant chaque cas particulier : le Kosovo, mais aussi les pays voisins.

La diplomatie est au travail. Je ne peux pas vous en dire plus, parce que le résultat n'est pas là. Mais vous pourrez suivre jour après jour - et vous le pourrez encore cette semaine - la façon dont nous travaillons avec les Russes, les Allemands, les Anglais, les Italiens et également les Américains, qui, en réalité, sont aussi à la recherche de ce type de solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz et M. François Liberti.

A quand l'arrêt des bombardements ?

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

M. le président.

La parole est à Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité ou, si elle n'est pas là, à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Dans un communiqué, l'INSEE se dit particulièrement p essimiste pour l'investissement dans les petites et moyennes entreprises. C'est un indicateur inquiétant si l'on fait la comparaison avec d'autres pays européens.

M. Lucien Degauchy.

C'est le résultat des 35 heures.

M. Pierre Méhaignerie.

Dans le même temps, des milliers d'artisans et de petites et moyennes entreprises, que ce soit dans le bâtiment, dans les transports, dans la restauration, dans les travaux publics ou même dans les industries agricoles et alimentaires, ne trouvent pas les salariés dont ils ont besoin,...

M. Arthur Dehaine et M. Maurice Leroy.

C'est vrai !

M. Pierre Méhaignerie.

... y compris dans les zones géographiques dont le taux de chômage est supérieur à 12 %.

Ce problème risque d'être aggravé par l'application des 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

Eh oui !

M. Pierre Méhaignerie.

Des gouvernements voisins, tels que ceux de la Grande-Bretagne, de la Hollande, du Danemark, ont pris des mesures pour faciliter les reprises d'emploi. Pourtant, ils n'appliquent pas les 35 heures.

Le Gouvernement ne semble pas, pour le moment, conscient de cette situation. Peut-il nous informer des moyens qu'il compte mettre en oeuvre pour remédier à un déséquilibre qui risque de représenter un handicap sérieux si les 35 heures sont appliquées de manière rigide, quelles que soient la situation des différents secteurs professionnels et quelles que soient les aspirations des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, Martine Aubry et Dominique StraussKahn sont ensemble actuellement à Bruxelles (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) pour présenter, à l'occasion d'un Conseil conjoint des ministres de l'économie et des ministres des affaires sociales, un très important dossier : le programme d'action européen pour l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

C'est pourquoi je réponds à leur place.

Par parenthèse, le travail qu'ils effectuent avec nos partenaires européens va permettre de renforcer la croissance, de créer des emplois,...

M. Lucien Degauchy.

Ailleurs que chez nous !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... y compris dans les petites et moyennes entreprises, qui sont votre souci.

Monsieur le député, votre question concernait l'emploi dans les petites et moyennes entreprises. Je voudrais vous apporter deux éléments de réponse.

Premier point : le Gouvernement veut alléger les cotisations patronales sur les bas salaires, qui sont particulièrement nombreux dans les petites et moyennes entreprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Bernard Accoyer.

Avec nos impôts !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est un engagement que nous prenons,...

M. Lucien Degauchy.

Ce ne serait pas le premier engagement qui ne serait pas tenu !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

...de façon à diminuer les cotisations sur le travail. Toutefois, cela ne se réalisera pas dans n'importe quelles conditions, comme autrefois, mais sous réserve d'une contrepartie en termes d'emploi, c'est-à-dire la signature d'un accord sur les 35 heures.

M. Maurice Leroy.

Ce n'est pas la question !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Deuxième point : pour financer cette mesure, il sera fait appel...

M. Maurice Leroy.

A un impôt supplémentaire !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... à une contribution sociale sur les bénéfices,...

M. Lucien Degauchy.

Ce n'est pas une augmentation des charges ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... qui épargnera les petites et moyennes entreprises, dont vous vous souciez davantage aujourd'hui qu'en 1995, où elles avaient dû payer une surtaxe uniforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous y ajoutons une extension de la taxe générale sur les activités polluantes,...

M. Lucien Degauchy.

Ce ne sont pas des charges, ça ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... qui pèsera principalement sur les entreprises à forte intensité de capital, c'est-à-dire assez peu sur les petites et moyennes entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au total, nous pensons que, en 1999 et en l'an 2000, les créations d'emploi seront nombreuses dans les petites et moyennes entreprises.

M. Lucien Degauchy.

Oh ! là ! là !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je vous rappelle les 400 000 emplois créés en 1998, qui fut la meilleure année de la décennie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur ls bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

PROTECTION SOCIALE ET SANTÉ

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Je voudrais faire remarquer à M. le secrétaire d'Etat au budget qu'il n'a pas répondu à la question...

M. Lucien Degauchy.

Non ! Comme d'habitude !

M. Jean-Luc Préel.

... et qu'il était hors sujet. La question portait sur les 35 heures dans les PME. Il a répondu à côté, ce qui est vraiment anormal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ma question s'adressait à Mme Martine Aubry (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui n'est pas là aujourd'hui (Rires sur les mêmes bancs) mais M. Kouchner se fera sûrement un plaisir de répondre.

La Commission des comptes de la sécurité sociale devrait se réunir le 31 mai. Vous semblez avoir hésité à le faire. Cette réunion aura-t-elle réellement lieu ? Les Français, très attachés à leur protection sociale, sont aujourd'hui, à juste titre, inquiets. En effet, vous nous aviez promis l'équilibre des comptes pour 1999.

Nous en serons loin, hélas ! Comme nous l'avions prévu, vous n'aurez pas les recettes attendues, les dépenses seront supérieures et le déficit sera de l'ordre de 15 milliards de francs.

Or, malgré ces dépenses, vous n'améliorez ni l'accès aux soins, ni leur qualité. Vous ne prenez pas en compte les besoins de la population. Vous n'avez pas de réelle politique de prévention et d'éducation à la santé.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans toutes nos villes, les hôpitaux manquent aujourd'hui de moyens humains et financiers pour répondre aux besoins.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Quant aux cliniques, elles sont en grande difficulté.

Pour la première fois depuis dix ans, vous n'avez pas abouti à un accord et vous avez diminué autoritairement les tarifs de 2 %. Comment vivront-elles demain ?

M. Bernard Accoyer.

C'est de l'assassinat !

M. Jean-Luc Préel.

Pour la médecine de ville, vous avez réussi l'exploit de dresser contre vous la quasi-totalité des professionnels ! Enfin, vous n'avez pas clarifié vos relations avec les caisses d'assurance maladie. Quel est le responsable de la gestion ? Allez-vous vers l'étatisation ? Si nous voulons sauvegarder notre protection sociale - et cela est possible - il faut responsabiliser chacun des acteurs, aboutir à une réelle confiance réciproque, bref le contraire, semble-t-il, de ce que vous faites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le président, je n'ai pas entendu la question, mais j'ai compris le ton général. (Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Le Gouvernement est sourd !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, je vous répondrai d'abord sur la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Celle-ci se réunit lundi. Il n'a jamais été question de repousser cette date. Jamais !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Maurice Leroy.

Ah non ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Lors de cette réunion, nous évaluerons le niveau du déficit de 1998 et celui du déficit prévisionnel de 1999. A cet égard, les chiffres que vous avez cités me semblent excessifs.

M. Renaud Muselier.

Ce sont pourtant ceux de Mme Aubry !

M. Lucien Degauchy.

Ils sont en dessous de la vérité !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Non ! Mme Aubry a estimé le déficit entre 5 et 10 milliards. Certainement pas à 15 ! Monsieur Préel, il est quand même assez difficile d'entendre ce que vous avez dit ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement, le déficit était - dois-je vous le rappeler ? - de 53 milliards.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais sans doute était-ce de notre faute !

M. Philippe Briand.

En 1993, il était de 73 milliards !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

En 1997, nous l'avions ramené à 35 milliards ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ainsi, nous diminuons votre déficit.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Et même si l'équilibre n'est pas atteint, nous nous rapprocherons de cet objectif bien plus que vous ne l'avez jamais fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Venons-en aux soins - de ville en particulier.

Les prescriptions - médicaments et biologie - coûtent trop cher. Nous nous concertons donc régulièrement avec les professionnels. Et certains accords ont été signés, en particulier avec les radiologues, avec les biologistes, peutêtre demain avec les cardiologues.

M. Renaud Muselier.

Ils ne sont pas d'accord, ce n'est pas vrai !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Nous avons tenté de réduire ces coûts, et nous poursuivons notre effort.

Je vous rappelle que c'est la première fois que l'on tente de savoir si tous les médicaments en France offrent, ou non, un « service » médical. Nous le ferons classe par classe.

Nous tendons vers le déficit zéro et l'équilibre parfait.

Même si cela n'a pas eu lieu en 1999, nous l'espérons pour 2000. Je sais que ce n'est pas simple. Mais je remarque qu'il est très facile de dire qu'il manque du personnel dans les hôpitaux, surtout quand chacun d'entre vous vient m'en réclamer tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT DU PRÉFET ERIGNAC

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Ma question s'adresse à M. JeanPierre Chevènement, ministre de l'intérieur. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le 6 février 1998, Claude Erignac, préfet de Corse, était assassiné à Ajaccio.

Au drame qui frappa à jamais sa famille s'ajoutait un coup grave porté à l'Etat républicain et au fonctionnement même de notre démocratie.

M. Pierre Lequiller.

C'est vrai !

M. Christian Paul.

Monsieur le ministre de l'intérieur, l'Assemblée nationale n'a pas oublié ce moment de tragédie.

Depuis lors, les efforts déployés dans cette enquête, sans relâche, démontrent l'intégrité de l'action de l'Etat en Corse.

Au vu des progrès récemment constatés dans la recherche de la vérité, quelles informations pouvez-vous dès aujourd'hui communiquer à la représentation nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, l'élucidation des conditions de l'assassinat du préfet Erignac est l'oeuvre conjuguée de la justice, des juges antiterroristes de la quatorzième section et de la police nationale,...

M. Pierre Lellouche.

Et pas du GPS !

M. le ministre de l'intérieur.

... particulièrement de la division nationale antiterroriste, placée sous la direction du commissaire Marion, et de la direction centrale des renseignements généraux, sans oublier, bien sûr, les services locaux des renseignements généraux et de la police judiciaire.

Il s'agit d'une éclatante victoire pour la Corse, d'une éclatante victoire pour la République et pour l'Etat républicain. Je pense que vous en mesurez tous, sur ces bancs, la portée, car, depuis plus de quinze mois, pesait lourdement sur l'avenir de la Corse et sur celui de la République ce meurtre odieux, sauvage et jusqu'à présent non élucidé.

A cet égard, je veux rappeler qu'il a fallu plus de six ans pour élucider les conditions de l'assassinat du juge Michel, qu'il a fallu cinq ans pour élucider les conditions dans lesquelles Max Frérot avait perpétré ses crimes, qu'il a fallu plus de deux ans pour démasquer Rouillan et Ménigon après l'assassinat du général Audran.

Cela démontre que le temps des enquêtes n'est pas celui des médias. Il n'est pas non plus celui de la politique politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Debré.

Et pour les attentats islamistes ? Cela a été moins long !

M. le ministre de l'intérieur.

Une enquête prend forcément du temps, car il faut réunir des éléments de preuve.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Le 19 août 1998, une réunion conspirative était surprise au domicile de la soeur d'Alain Ferrandi. Mais il ne suffisait pas de connaître le nom des participants. Même si d'autres renseignements, parvenus à la connaissance du préfet, ont permis de corroborer les premières indications obtenues, encore fallait-il connaître le nom des membres du commando qui avait perpétré l'assassinat. Ce ne fut chose faite qu'au début de cette année, après analyse des appels passés sur le portable d'Alain Ferrandi.

Sur ces bases, tout un travail demeurait nécessaire à partir des listings et des documents techniques communiqués par la direction de France Télécom, que je tiens à remercier, car, normalement, ces documents sont détruits dans le délai d'un an. Ils ont donc pu être exploités jusqu'à ces dernières semaines et ce n'est qu'à la fin de cette exploitation qu'a pu être dressée la cartographie du crime, laquelle a permis de confondre les assassins, de détruire leurs alibis et d'apporter à la justice des éléments assez confondants pour que plusieurs mises en examen soient prononcées hier. D'autres le seront sans doute aujourd'hui ou prochainement, sur la base d'éléments solides.

Il s'agit d'une belle victoire pour la République tout entière. C'est aussi justice rendue à la mémoire du préfet Claude Erignac, à la douleur de sa famille, à laquelle je vous demande de vous associer, car le résultat obtenu est le gage que la politique pour laquelle il s'est sacrifié, c'està-dire la défense de l'Etat de droit, de la loi républicaine, appliquée avec fermeté et sérénité, sera continuée.

C'est une belle victoire pour la France. Sachons la saluer, au-delà de toutes les arrière-pensées.

(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Bataille.

La droite n'applaudit pas le droit !

COLLÈGE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler.

M. Jean-Pierre Baeumler.

A l'automne dernier, madame la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, vous avez décidé de lancer un débat national sur le présent et sur le devenir du collège, alimenté par la consultation de ceux qui font vivre au quotidien ce maillon essentiel de notre système éducatif.

Le succès de cette démarche novatrice et audacieuse traduit bien la pertinence et l'opportunité de l'initiative engagée. La participation massive et constructive des acteurs du collège révèle certes l'importance des difficultés qu'ils rencontrent, mais aussi l'espoir qu'ils placent dans la volonté gouvernementale de rénovation et d'adaptation du collège à son environnement. Ils mesurent en effet mieux que quiconque l'enjeu que représente ce lieu d'éducation, d'instruction et de socialisation. La synthèse de cette vaste concertation met en relief le paradoxe du collège, qu'il convient aujourd'hui de surmonter.

Symbole d'intégration, le collège unique génère de nos jours d'inacceptables exclusions et renforce les inégalités sociales ou géographiques. En revanche, le constat dressé bat en brèche l'idée selon laquelle le découragement des équipes pédagogiques devant l'ampleur de leurs missions les conduirait à renier les principes fondateurs du collège unique. Bien au contraire, en effet, les enseignants sont fortement attachés à l'ambition égalitaire et démocratique de leur institution, mais ils souhaitent que leur soient donnés les moyens de répondre à la diversité des aptitudes et des motivations des élèves.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser les mesures que vous comptez prendre afin de donner corps à ce collège pour tous et pour chacun dont vous avez dessiné les contours et auquel la société française aspire l égitimement ? Comment envisagez-vous d'associer la représentation nationale à cette ambitieuse entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur le député, pour rester fidèle à ses ambitions, le collège pour tous, qui accueille tous les enfants de la nation, doit aussi devenir le collège de chacun, en prenant beaucoup mieux en considération la diversité des élèves. C'est ce qu'ont massivement demandé les enseignants qui ont participé au débat national sur les collèges. Cinq mille collèges ont participé à la consultation engagée, soit plus de 80 % d'entre eux. Pour réussir cette mutation, les enseignants ont demandé des outils, de la formation, du temps de concertation sans en rabattre sur les exigences ni renoncer à l'hétérogénéité des classes.

Après avoir écouté, après avoir vu, puisque, en deux ans, je me suis rendue dans cent cinquante-deux établissements scolaires, écoles et collèges, j'ai annoncé ce matin plusieurs décisions. Je ne peux bien évidemment les reprendre toutes maintenant, car le temps m'est compté, mais je tiens à évoquer les principales d'entre elles, celles qui, à mon avis, vont faire levier dans le collège.

D'abord, nous concentrerons les efforts sur les élèves de sixième, pour raccrocher tout de suite ceux qui décrochent et pour encourager ceux qui s'accrochent sans freiner les autres. De nouvelles heures de remise à niveau seront ainsi mises en place, jusqu'à six par semaine en classe de sixième et trois par semaine en classe de cinquième. Les études dirigées seront renforcées. La liaison entre l'école primaire et la classe de sixième sera également améliorée.

Dès la rentrée prochaine, un document, le Journal du collégien, sera distribué à tous les élèves de sixième pour leur faire comprendre le sens des programmes qui leur seront proposés tout au long des quatre années du collège.

Ensuite, il s'agit de prendre en compte la diversité des élèves. Tel est l'objet du tutorat. Chaque élève pourra choisir dans le collège un tuteur, un « élève référent », qui lui permettra de résoudre au bon moment les problèmes qui se posent à lui.

Nous voulons également aiguiser l'appétit d'apprendre et permettre aux élèves de conquérir leur autonomie. Ce sera notamment l'objectif de l'entrée au collège de la culture professionnelle, de la culture de la fabrication et de la mise en place, en quatrième, de travaux pluridisciplinaires qui conduiront les enseignants à travailler ensemble sur des objectifs opérationnels pour les élèves.

Enfin, il faut faire en sorte que l'on vive dans la « maison collège » parce que les années collège doivent être aussi des années heureuses. Ainsi, une heure de vie de classe sera intégrée dans l'emploi du temps des élèves pour l'éducation aux comportements et une charte de qualité des collèges est en cours de préparation avec les présidents de conseils généraux parce qu'il faut des collèges où l'on ait envie de travailler.

M. Maurice Leroy.

C'est vraiment n'importe quoi ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Bref, cette action poursuit un double objectif : rendre le collège à la fois plus efficace afin qu'il puisse


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

tirer tout le monde vers le haut en prenant en compte les élèves tels qu'ils sont dans le monde réel, tel qu'il a changé, et plus juste, plus juste pour les collégiens en donnant davantage à ceux qui ont plus de difficultés, plus juste pour les enseignants qui y mettent beaucoup d'euxmêmes, plus juste pour les familles qui fondent beaucoup d'espérances sur le collège pour leurs enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Accoyer.

C'est nul !

GYNÉCOLOGIE

M. le président.

La parole est à Mme Danielle Bousquet.

Mme Danielle Bousquet.

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, l'une des spécificités du système de santé français en matière de prévention réside dans l'existence d'une gynécologie médicale, à laquelle les Françaises sont très justement attachées, puisque 60 % d'entre elles sont suivies par un gynécologue.

Or notre attention a été à plusieurs reprises appelée sur le fait que, faute d'un enseignement spécifique, cette profession pourrait disparaître dans les quinze ou vingt années à venir si nous n'y prenions pas garde.

Attentive à cette question, la Société française de gynécologie, qui représente l'ensemble des professions de ce secteur, a fait des propositions pour l'enseignement de la gynécologie médicale, qu'il s'agisse du contenu de la formation ou des enseignants. Elle a également mis l'accent sur la nécessité d'assurer le libre accès des femmes à un gynécologue.

Pouvez-vous nous dire où en est la réflexion sur ce travail et quelles sont vos intentions dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la députée, le moins que je puisse dire est que nos intentions passent mal. En effet, bien que, depuis plusieurs mois, j'essaie d'expliquer que la gynécologie médicale n'est pas menacée, je continue à recevoir des milliers de lettres sur ce sujet. Je vais donc me répéter une nouvelle fois.

Ainsi que vous le savez, la gynécologie médicale est une spécialité très française. Elle n'est pas enseignée seule ailleurs. Cela explique que nous n'ayons plus le parcours p articulier des certificats d'études spéciales, puisque l'Europe impose une formation unique, ce qui est tout à fait légitime. Reste donc la formation par l'internat.

Vous avez eu raison de souligner que le nombre des gynécologues médicaux baissait dans notre pays et que seulement 60 % des femmes consultaient régulièrement un gynécologue. Il est donc indispensable, pour celles qui n'y recourent pas, de renforcer la formation des médecins généralistes afin de leur permettre de dépister les cancers féminins. Il s'agit d'une action essentielle, mais cela ne signifie pas que nous voulons détruire cette spécialité.

C'est d'ailleurs pourquoi nous avons inscrit, Martine Aubry et moi-même, la spécialité de gynécologie obstétrique - respectant ainsi le souhait des professionnels dans le parcours de l'internat. Il s'agit donc d'une filière spécifique avec 111 places cette année, ce nombre devant être porté à 200 l'année prochaine. La moitié des personnes qui suivent cette formation, des femmes la plupart du temps, prennent la voie de la gynécologie médicale. Il y aura donc environ 100 nouveaux gynécologues médicaux formés par an.

En tout état de cause, il n'est question ni de porter atteinte à cette spécialité ni d'obliger les femmes à passer par un médecin généraliste, qu'il soit référent ou non.

Toute femme, en France, peut librement aller consulter un gynécologue médical.

Afin de bien faire comprendre notre démarche, nous avons décidé de constituer un groupe, avec des représentants du collectif de défense de la gynécologie médicale. Il demeure, en effet, que cette spécialité, bien qu'acquise rapidement, intéresse moins que l'obstétrique dans les services hospitaliers et n'est pas assez enseignée. Nous nous attacherons donc, avec ce groupe, à lever cet obstacle.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

VOIES NAVIGABLES

M. le président.

La parole est à M. François Dosé.

M. François Dosé.

Ma question, qui s'adresse à M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, concerne la publication, sous la signature de M. de Bouard, d'un rapport tendant au classement des voies navigables de France en quatre catégories. Il propose, en effet, la prise en charge des voies de la dernière d'entre elles par les collectivités territoriales, l'Etat apportant son concours à hauteur de 30 %.

De surcroît, ce rapport énonce que, certaines voies n'étant pas considérées comme essentielles au transport fluvial, « il ne faut pas exclure que l'Etat en tire les conséquences et soit amené à cesser l'exploitation, voire à fermer les voies d'eau correspondantes ». Ces considérations suscitent l'inquiétude de l'ensemble des acteurs concernés par les voies navigables de France.

Force est d'admettre, monsieur le ministre, que, à moyen terme, le désengagement de l'Etat se traduirait par la réduction puis par la suppression d'investissements dont certains sont indispensables à la régulation des flux, voire à la lutte contre les inondations. Cette hypothèse programme un transfert de charges caractérisé. Elle est donc inacceptable. Elle devrait, pour le moins, faire préalablement l'objet d'un accord, le cas échéant, contractualisé.

Pouvez-vous affirmer clairement que le projet d'abandon par l'Etat des voies navigables de quatrième catégorie ne sera pas mis en oeuvre et informer la représentation nationale des perspectives ministérielles en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le député, vous savez que l'établissement public Voies navigables de France a sous sa responsabilité 7 000 kilomètres de voies d'eau.

Au fil des années, la situation des voies navigables dans notre pays n'a cessé de se détériorer. Depuis notre arrivée (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), nous avons augmenté de 30 % les crédits pour les voies navigables et la politique gouvernementale a mis l'accent sur la nécessaire complémentarité entre les différents modes de transport. L'an dernier, d'ailleurs, le trafic fluvial a connu une progression de 10 %, ce qui n'est pas négligeable.


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Cependant, les voies d'eau ne sont pas seulement utilisées pour le trafic des marchandises. Elles servent également au tourisme fluvial et sont concernées par les problèmes d'inondations et d'environnement que vous avez évoqués.

Monsieur le député, nous souhaitons associer à l'action dans ce domaine les collectivités territoriales, et d'abord les régions, dans le cadre des futurs contrats de plan, sur la base d'un vrai partenariat au service du développement de la voie d'eau.

Pour programmer les travaux à réaliser et déterminer les priorités, une analyse technique du réseau a été effectuée ainsi qu'une approche financière.

Monsieur le député, il n'est nullement dans l'intention du Gouvernement d'abandonner les voies de quatrième catégorie, qui représentent 2 500 des 7 000 kilomètres de voies d'eau. Nous voulons seulement déterminer, en fonction des moyens budgétaires, les meilleures interventions possibles pour valoriser l'ensemble de la voie d'eau.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

KOSOVO

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Monsieur le ministre des affaires étrangères, j'ai trouvé votre réponse à notre collègue Al ain Bocquet évasive sur plusieurs points. (Rires et exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je voudrais donc obtenir certaines précisions.

Je voudrais d'abord savoir quel rôle joue exactement la France dans la négociation qui semble menée en direct par M. Tchernomyrdine et par M. Talbott, le secrétaire d'Etat adjoint américain ? En effet on m'a dit que Mme Allbright était peu diserte au cours des vidéoconférences que vous avez avec elle, ainsi que trois de vos collègues occidentaux, chaque jour. Par ailleurs, il ne m'a pas échappé que, la semaine dernière, a été nommé, pour représenter l'Union, un diplomate finlandais, M. Ahtisaari. Or ce dernier ne s'est jamais rendu sur le terrain. Pourtant, il représente la future présidence de l'Union à partir du 1er juillet prochain. Cela me paraît donc léger pour associer la France ou l'Union à ces négociations.

Ma deuxième question porte sur le fond.

Le Conseil de sécurité va enfin être associé au problème. Mais vers quel type de résolution s'oriente-t-on ? S'agira-t-il d'une résolution du chapitre VI, qui permet, en clair, avec l'accord de toutes les parties, la présence sur le terrain d'une force de maintien de la paix, ou bien d'une décision plus conflictuelle avec déploiement militaire, répondant à une logique d'affrontement, comme on le demande encore trop souvent aux Etats-Unis, en Angleterre et, malheureusement, dans quelques secteurs de l'opinion française ? Cette guerre que nous menons, je le rappelle à l'Assemblée, entre dans son troisième mois. Au drame inacceptable des Kosovars vient s'ajouter celui de la Serbie, pour laquelle le coût de reconstruction des dégâts actuellement commis se chiffre à plus de 100 milliards de dollars, ce qui rend d'autant plus criante l'urgence d'une solution. Je pose à nouveau la question : quel rôle joue exactement la France dans cette affaire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères.

Monsieur le député, le rôle de la France, depuis non pas quelques semaines, mais bien depuis plus d'un an et demi maintenant, a consisté à faire tout ce qu'il était possible de faire pour justement éviter la situation à laquelle le président Milosevic a acculé l'ensemble des pays occidentaux, l'ensemble des pays qui ne veulent plus que ce genre de choses se produise en Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

La chronologie est connue : il y a eu une année de négociations, des semaines de discussions « non stop », jour et nuit, à Rambouillet, puis à Kléber. La France est alors apparue comme le moteur de toutes les initiatives entreprises pour aboutir à une solution pacifique, stable et durable, mais dans le respect des principes qui nous unissent.

Pour la suite et je vous remercie de me donner l'occasion d'apporter quelques précisions complémentaires la France a obtenu qu'il soit collectivement décidé que la solution serait apportée par le Conseil de sécurité, dans le cadre d'une résolution au titre du chapitre VII. C'est sur cette base que les Russes acceptent de travailler avec nous.

En effet, compte tenu de ce qui s'est passé, de ce qui se passe aujourd'hui et de ce qui se passera demain au Kosovo, avec les Kosovars qui commenceront à rentrer, avec les minorités serbes, qui seront encore là, sans oublier les autres minorités, il faut voir les choses en face : une résolution au titre du chapitre VII est indispensable. C'est bien à cela que nous travaillons, y compris la diplomatie française. Cela ne se passe pas qu'au niveau de M. Talbott - celui-ci est d'ailleurs venu à Paris exprès il y a trois jours et demi pour me rendre compte de ses conversations. En ce moment même, une délégation française comprenant des représentants des ministères des affaires étrangères et de la défense est précisément à Mo scou en train de discuter du point le plus compliqué de la résolution, à savoir celui de l'organisation de la force qui assurera la sécurité nécessaire sur le terrain afin que les réfugiés acceptent de rentrer.

Quant au diplomate finlandais dont vous parlez, je vous rappelle que c'est le Président de la République de Finlande et qu'il a été choisi et mandaté par l'Union européenne comme son représentant, ce qui est d'autant plus facile qu'il sera de surcroît président en exercice de l'Union dans quelques semaines. Mais M. Ahtisaari n'entend remplir sa mission - il a tout à fait raison et c'est ce que nous lui demandons - que sur la base d'une position parfaitement claire entre les Occidentaux et les Russes, ce qui nous renvoie au travail que nous faisons en ce moment même afin de préciser tous les éléments de la résolution, qui est l'objectif commun.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

INCIDENT DU 8 MAI

M. le président.

La parole est à M. Charles Ehrmann.

M. Charles Ehrmann.

Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Je suis orphelin de la guerre 1914-1918. Mon père est mort à la bataille de la Marne en septembre 1914 ; il avait vingt-trois ans, ma mère dix-neuf ans et deux enfants. Vingt-cinq ans après, je suis parti à la guerre de 1939-1945 dans les chars d'assaut, prêt au même sacrifice.

M. Gérard Gouzes.

Ce n'est pas une question, c'est une biographie !

M. Charles Ehrmann.

J'ai enseigné durant trente-huit ans comme professeur d'histoire pour faire de mes élèves des hommes et des femmes de qualité, mais aussi des jeunes aimant la France et la République et prêts, au besoin, à se sacrifier pour elle : cinq élèves du lycée Masséna, dont quatre étaient les miens depuis plusieurs années, ont ainsi été fusillés par les Allemands le 11 juin 1944 à Saint-Julien-du-Verdon en criant : « Vive de Gaulle, vive la France ! » Tous les ans, pour le 8 mai et le 11 novembre, dans de nombreuses communes de France, les élèves vont avec leurs enseignants, les anciens combattants et les autorités devant le monument aux morts pour rendre hommage à ceux qui ont donné leur vie pour la France et la République, souvent en chantant La Marseillaise

Aussi ai-je souffert en entendant le Premier ministre parler comme il l'a fait des soldats mutinés en 1917...

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Laissez le professeur d'histoire vous apprendre un peu l'histoire, si vous ne la connaissez pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

... alors que le front français était enfoncé sur trente à quarante kilomètres de profondeur et risquait de s'effondrer ! Et je souffre, au nom des fils de tués, au nom des anciens combattants et de bien de membres de l'enseignement, d'entendre Mme la ministre excuser une directrice d'école primaire d'avoir fait chanter à ses élèves devant le monument aux morts, à l'occasion du 8 mai, Le Déserteur de Boris Vian. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que c'est là une insulte vis-à-vis des anciens combattants et de tous ceux qui sont morts pour défendre le pays ? Plusieurs députés du groupe communiste.

Mais non !

M. Charles Ehrmann.

Je suis trop libéral pour ne pas vouloir que cette directrice reste dans l'enseignement.

Mais en l'excusant comme vous l'avez fait, vous banalisez les valeurs de la République et de la France que les enseignants et leurs ministres se doivent de défendre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Monsieur Ehrmann, je suis sensible à votre émotion. Un 8 mai, devant un monument aux morts érigé en mémoire des victimes des guerres, de toutes les guerres, c'est-à-dire de ceux qui ont donné leur vie pour la défense de la patrie, entonner Le Déserteur est en effet une erreur... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Renaud Muselier.

Une indécence ! Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Du reste, l'institutrice elle-même l'a reconnu.

Mais ce qui me préoccupe et vous en serez certainement d'accord, monsieur Ehrmann, pour avoir été professeur d'histoire pendant de longues années -, c'est ce que les enfants peuvent en comprendre.

Les enfants ont un sens aigu de la justice. Il faut donc que les sanctions soient proportionnées à la gravité des erreurs. Or, les associations d'anciens combattants de Montluçon elles-mêmes, avec lesquelles j'ai pris contact, ont été, je vous l'assure, les premières étonnées par la gra vité de cette sanction.

Et comme je crois que l'éducation civique doit se faire de façon vivante, par le contact entre les générations, j'ai écrit en début d'année à toutes les associations d'anciens combattants pour leur demander de venir dans les écoles.

Je les connais donc bien. Aussi ai-je proposé aux associations d'anciens combattants de Montluçon de venir dans cette école pour expliquer aux élèves en quoi cette chanson pouvait les heurter, pourquoi il y avait des guerres à conduire et d'autres à ne pas conduire et quel était le sens des monuments aux morts.

Si les adultes se parlent, les enfants, tous les enfants en sortiront grandis. C'est là, me semble-t-il, qu'est le sens de l'école. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

RAVE PARTIES

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Monsieur le ministre de l'intérieur, au cours du dernier week-end de l'Ascension, le département de Loire-Atlantique a connu un rassemblement de rave party. Près de 30 000 jeunes ont été ainsi réunis, en toute illégalité.

Cet événement a connu une suite tragique avec la mort par overdose d'une jeune parisienne de trente ans. Il a surtout donné lieu à des trafics illicites en tout genre, notamment des trafics de drogue.

Ma question, monsieur le ministre, sera simple. Elle vous avait déjà été posée l'an dernier par notre collègue Thierry Lazaro. Qu'entend faire le Gouvernement pour prévenir ces rassemblements, qui mettent les jeunes en danger, et surtout pour rechercher les organisateurs, qui en tirent un réel profit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, le problème des rave partie préoccupe le ministère de l'intérieur depuis des années.

Il paraît extrêmement difficile de prévenir ces manifestations organisées de bouche à oreille, à l'aide de portables (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ou des réseaux du type Internet. De ce fait, la police ou la gendarmerie - celle-ci est souvent l'autorité compétente dans la mesure où ces rave parties ont lieu en zone rurale - ne peuvent que canaliser ces mouvements.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

J'ai moi-même reçu un certain nombre d'organisations pour faire en sorte que ces manifestations se déroulent dans le cadre de la loi, pour prévenir tous les débordements, notamment en matière d'usage de drogue. Une circulaire a été adressée aux préfets à la fin de l'an dernier.

Dès lors que les règles concernant la lutte contre les stupéfiants sont ouvertement violées, des mesures répressives doivent évidemment être mises en oeuvre, et elles le seront.

Les organisateurs, qui se déplacent souvent d'un pays à l'autre, doivent être recherchés et confondus. Par tous les moyens, enquêtes de police et enquêtes fiscales, nous devons les amener à rendre des comptes.

Nous sommes confrontés à un problème de mode, qui touche du reste une jeunesse qui, il faut le dire, n'est pas la plus défavorisée. En effet, les jeunes qui se rendent dans ces manifestations, au demeurant gratuites, ne manquent pas d'argent.

M. Richard Cazenave.

Il faudrait savoir !

M. le ministre de l'intérieur.

On peut donc penser que si les organisateurs les financent, c'est bien qu'ils peuvent récupérer leur mise par d'autres biais. C'est là qu'il faut frapper, c'est là que nous serons efficaces.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

POLITIQUE EN FAVEUR DE L'EMPLOI

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le président, ma question s'adresse au remplaçant de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Strauss-Kahn nous a brossé ici même, la semaine dernière, un tableau idyllique de l'économie française. On avait rarement fait mieux dans l'autosatisfaction ! Pourtant, dans un pays confronté à une rude concurrence en Europe et dans le monde, on peut s'inquiéter que nos coûts salariaux restent parmi les plus élevés d'Europe. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nos investissements productifs stagnent. La France est également le pays où les prélèvements fiscaux et sociaux des entreprises sont supérieurs de moitié à la moyenne européenne. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

A cela, vous ajoutez votre priorité sur la politique des 35 heures. En créations nettes d'emplois, le bilan s'annonce, de l'avis même des plus optimistes, « mitigé » ; pour les plus lucides, c'est un véritable ratage. L'avenir tranchera. Quoi qu'il en soit, c'est un nouveau carcan social très coûteux que vous voulez imposer.

Sur le plan des licenciements enfin, les syndicalistes nous confient sur le terrain combien la loi sur la réduction du temps de travail a des effets pervers en servant les plans de restructuration. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand.

Vous écoutez les syndicalistes maintenant ?

M. Patrick Delnatte.

Après avoir durement critiqué vos prédécesseurs, vous vous décidez à reprendre une politique d'allégement des charges sociales. Mais, en fait, l'appellation est trompeuse, puisqu'il s'agit de compenser le surcoût des 35 heures, que vous financez non par des économies, mais par de nouveaux impôts sur les entreprises.

Pour nous, élus de bassins d'emploi à dominante textile,...

M. Maxime Gremetz.

Et des quartiers défavorisés !

M. Patrick Delnatte.

... nous sommes confrontés à l'une des plus graves crises de l'histoire du textile, qui touche m aintenant l'ensemble de la filière. On compte 230 000 emplois menacés en France. Dans le Nord Pasde-Calais, 1 830 salariés sont concernés par un plan de restructuration depuis le début de l'année.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est la faute à Borotra !

M. Patrick Delnatte.

En l'espace d'un mois et demi, 510 emplois ont été perdus à Roubaix et Tourcoing. Et c'est, à Roubaix, la fin du peignage Amédée, qui fut le plus grand peignage du monde.

Pour survivre, les entreprises se voient obligées de déloc aliser leurs fabrications. Les autorités de Bruxelles tardent à mettre en oeuvre les clauses de sauvegarde.

Devant l'urgence, j'ai une double question à poser.

(Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du g roupe socialiste.)

Avant même l'application de la deuxième loi sur les 35 heures,...

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Patrick Delnatte.

... le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre un plan d'allégement des charges sociales sur les emplois peu qualifiés, sans surcoût pour les entreprises concernées, avec pour objectif le maintien de l'emploi ?

M. Christian Bourquin.

La question !

M. Patrick Delnatte.

Ce plan doit concerner l'industrie textile, habillement et cuir, mais aussi d'autres industries de main-d'oeuvre pour être conforme à la réglementation européenne. Le succès peut être assuré. Vous avez eu un exemple grandeur nature avec le plan Borotra. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Deuxième question : à terme, lorsque Mme Aubry présentera sa deuxième loi sur les 35 heures, acceptera-t-elle de reprendre l'ensemble des dispositions contenues dans les accords de branche, en particulier celui du textile, signé par tous les syndicats ? Faute de quoi le dialogue social et la politique contractuelle n'auraient plus de sens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, vous avez commencé votre intervention en énonçant plusieurs contrevérités. Je rappellerai que la croissance française, l'an dernier, a été la plus forte. Pour cette année, les organismes internationaux prévoient une croissance de 2,3 % en France, soit près d'un point de plus que pour l'Allemagne et l'Italie,...

M. Yves Nicolin.

Arrêtez votre cirque !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et nous comptons bien poursuivre dans cette voie.

La dernière enquête parue aujourd'hui fait état de 4 % d e hausse des investissements productifs. Nous ne sommes donc pas dans la stagnation que nous avons éprouvée entre 1991 et 1997.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

J'en viens à votre question précise sur l'industrie textile. Je ne reviendrai pas sur le fait que les dispositifs du plan Borotra, que vous avez évoqué, étaient consciemment incompatibles avec les règles européennes. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Bernard Accoyer.

Et vos 35 heures, elles sont compatibles ?

M. Philippe Vasseur.

Les salariés du textile apprécieront !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Martine Aubry et Christian Pierret se battent depuis deux ans pied à pied pour éviter que les entreprises ne soient obligées de rembourser à la Commission de Bruxelles alors qu'elles ont été entraînées dans l'erreur.

Nous allons proposer, pour les entreprises qui le souhaitent, un plan de passage aux 35 heures qui sera particulièrement avantageux pour celles du secteur textile, lesquelles emploient beaucoup de main-d'oeuvre.

Nous allons, je vous le confirme, alléger les charges sur le travail non qualifié, fréquent dans l'industrie textile et les services, sans accroissement global du prélèvement sur les entreprises.

Les entreprises de main-d'oeuvre, particulièrement les petites et moyennes, paieront moins. Celles qui paieront un peu plus seront celles qui seront assujetties à la contribution sociale sur les bénéfices - contribution modérée , ainsi que celles qui se verront soumises à un prélèvement fiscal au titre de la pollution.

Au total, nous allons, vous le voyez, dans le sens de la sauvegarde de l'emploi dans le textile, par des moyens qui soient corrects et dont les entreprises, et surtout les salariés, verront les bénéfices à terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Nicolin.

Personne ne vous croit ! HANDICAPÉS

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Dupont.

M. Jean-Pierre Dupont.

Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, mais sans doute M. le secrétaire d'Etat à la santé y répondra-t-il.

Le 29 mai prochain, c'est-à-dire samedi, l'Association des paralysés de France et l'Association française contre la myopathie organisent une grande manifestation. Elles souhaitent attirer l'attention des pouvoirs publics sur les innombrables difficultés rencontrées par les personnes handicapées pour ce qui touche tant à leur niveau de ressources qu'à la prise en charge des aides techniques et humaines.

Mais surtout, ces associations ne comprennent pas le retard de la nécessaire révision de la loi de 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, dont la paternité revient à Jacques Chirac, alors Premier ministre, mais aussi président fondateur de l'Association des centres éducatifs du Limousin, dont j'assure aujourd'hui la présidence et dont je connais les difficultés quotidiennes.

Vous aviez promis cette révision pour la fin de l'année 1997, puis pour 1998, puis pour 1999. Voilà que nous apprenons qu'elle n'aurait peut-être lieu qu'en l'an 2000 ! Pourtant, toutes les consultations préalables ont été initiées et le projet présenté devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées, présidé par notre collègue Roselyne Bachelot-Narquin, a reçu un accueil favorable de la part des associations représentatives.

Pendant ce temps, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale ne vont pas dans le sens de l'amélioration de la situation des handicapés, comme ceux-ci en témoignent, d'ailleurs, dans les courriers qu'ils adressent à la représentation nationale.

L es personnes handicapées, monsieur le secrétaire d'Etat, méritent l'attention et le respect de tous nos concitoyens, comme l'explique la campagne de sensibilisation lancée il y a quelques semaines dans les médias.

Je pense qu'elles méritent tout autant l'attention et le respect des pouvoirs publics, et autre chose que de belles promesses sans lendemain.

Alors, je crois pouvoir légitimement poser cette question : quand le Gouvernement aura-t-il un peu de temps à consacrer aux six millions de personnes handicapées de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, vous n'avez pas tort d'attirer l'attention sur la manifestation de samedi, qui est le signe d'un désarroi persistant. Mais vous avez tort de prétendre que nous n'avons rien fait.

Sans doute n'avons-nous pas fait assez. Nous avons beaucoup travaillé pour accroître le nombre de places dans les établissements. Il en a été dégagé, d'ailleurs, un nombre considérable, bien supérieur à ce qui était promis.

Il reste - et c'est le sens de la manifestation de samedi à se préoccuper de la prise en charge à domicile. Et ce n'est pas simple.

Nous ne sommes pourtant pas restés inactifs. Les associations ont tenté des expérimentations, que nous soutenons et que nous allons développer. Nous avons fourni pour cela un financement et une évaluation. Le rapport d'un groupe de travail, présidé par Mme Lyazid, qui a travaillé en relation étroite avec les associations, sera remis avant la fin du mois de juin.

Il faut aussi, vous le savez, procéder à la révision du TIPS, tarif interministériel des prestations sociales, c'est-àdire la prise en charge des dispositifs médicaux, pour faciliter la prise en charge à domicile des personnes handicapées.

Sans doute connaissez-vous le chiffre suivant : il y a 25 000 dispositifs médicaux, mais seulement 750 qui pouvaient être pris en charge. C'est un travail considérable que nous sommes en train de mener.

Nous sommes très attentifs à ces problèmes. Nous avons reçu et recevrons encore les organisateurs ; Martine Aubry l'a fait ce matin, je le ferai jeudi, car nous sommes très sensibles à la manifestation de samedi.

Après avoir porté notre effort sur les établissements pour la prise en charge des handicapés les plus lourds, il nous faut maintenant, en effet, nous préoccuper de la prise en charge à domicile.

La révision de la loi de 1975 sur les institutions sociales est maintenant presque achevée. Mais, vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le député, il n'y a


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

(1) La présente motion de censure est appuyée par les quatre-vingt-six signatures suivantes : MM. Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Debré, José R ossi, Jean-Pierre Abelin, Jean-Claude Abrioux, Pierre Albertini,

Mme Nicole Ameline, M. François d'Aubert, Mme Martine Aurillac,

M

M. Pierre-Christophe Baguet, Edouard Balladur, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Dominique Baudis, François Bayrou, Christian Bergelin, Jean-Louis Bernard, Jean-Yves Besselat, Claude Birraux, Emile B lessig, Bruno Bourg-Broc, Mme Christine Boutin, MM. Yves Bur, D ominique Bussereau, Dominique Caillaud, Pierre Cardo, Antoine Carré, Mme Nicole Catala, MM. Hervé de Charette, Jean-Marc Chavanne, Pascal Clément, René Couanau, Yves Coussain, Charles de Courson, Henri Cuq, Bernard Deflesselles, Francis Delattre, Léonce Deprez, Patrick Devedjian, Franck Dhersin, Laurent Dominati, Renaud Donnedieu de Vabres, Dominique Dord, Charles Ehrmann, François Fillon, N icolas Forissier, Yves Fromion, Gilbert Gantier, Hervé Gaymard, Claude Goasguen, François Goulard, Hubert Grimault, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Philippe Houillon, Michel Hunault,

Mmes Anne-Marie Idrac, Bernadette Isaac-Sibille, MM. Denis Jacquat, Henry Jean-Baptiste, Jean-Jacques Jégou, Alain Juppé, Christian Kert, Jacques Kossowski, Marc Laffineur, Robert Lamy, Pierre Lasbordes, Pierre L ellouche, François Léotard, Jean-Claude Lemoine, Alain Madelin,

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, MM. Gilbert Meyer, Pierre Morange, Jacques Myard, Paul Patriarche, Jean Proriol, Nicolas Sarkozy, Bernard Schreiner, Guy Teissier, Jean-Claude Thomas, Jean Tiberi, Jean Valleix, Philippe Vasseur et Gérard Voisin.

guère de créneaux législatifs disponibles. Soyez néanmoins assuré que nous allons nous occuper de cette question au plus vite, et avec les associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président.

La séance est reprise.

2

MOTION DE CENSURE Discussion et vote

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution, par MM. Philippe Douste-Blazy, Jean-Louis Debré, José Rossi et quatre-vingt trois membres de l'Assemblée.

(1) Le texte de cette motion de censure a été communiqué à l'Assemblée dans sa troisième séance du mardi 18 mai 1999.

Je donne lecture de ce document :

« L'Assemblée nationale,

« Considérant que le 19 juin 1997, lors de sa déclaration de politique générale et de l'engagement de sa responsabilité, le Premier ministre affirmait : "L'Etat de droit ne doit pas souffrir d'exception. En Corse - comme partout ailleurs sur le territoire national - le Gouvernement veillera au respect de la loi républicaine auquel la population aspire et sans lequel il n'y a pas d'essor possible." ;

« Considérant qu'il convient de rappeler qu'un préfet de la République, premier représentant de l'Etat dans nos régions et départements, a été assassiné en Corse le 6 février 1998 et que ses assassins n'ont, à ce jour, pas encore été interpellés ;

« Considérant que le Gouvernement a décidé, lors d'une réunion interministérielle le 14 mai 1998, la création d'une structure d'exception, le Groupement de peloton de sécurité (GPS) chargé d'assurer le maintien de l'ordre, notamment la protection des personnalités, sur réquisition écrite du préfet, de servir de force d'appoint aux gendarmes locaux pour les interpellations sensibles, sous contrôle de la justice et enfin, d'effectuer des opérations de "surveillance et de renseignement" ;

« Considérant que les applications pratiques de la politique dite de "retour à l'Etat de droit" annoncée lors de la déclaration de politique générale du 19 juin 1997 ont, comme l'a reconnu le Premier ministre lui-même lors de sa réponse aux questions d'actualité de l'opposition le 4 mai 1999, porté atteinte à l'autorité de l'Etat en Corse ;

« Considérant que la Ve République a établi un régime fondé sur la responsabilité politique du Premier ministre devant l'Assemblée nationale et qu'il n'est donc pas acceptable que celui-ci déclare devant la représentation nationale : "C'est l'opinion publique que je veux pour juger en matière de responsabilité politique et je n'ai pas peur de son jugement" ;

« Aussi, considérant que les actes criminels commis en Corse dans la nuit du 19 au 20 avril 1999 à Cala d'Orzu, commune de Coti-Chiavari, par des services placés sous la responsabilité de l'Etat sont contraires à toutes les lois de la République et à l'organisation d'un Etat de droit ;

« Considérant que de hauts fonctionnaires représentant l'Etat ont reconnu avoir été à l'origine de ces actes et de leur exécution ;

« Considérant que ces hauts fonctionnaires sont directement placés sous la responsabilité du Gouvernement qui dirige l'administration en vertu des articles 20 et 21 de la Constitution ;

« Considérant, en conséquence, que le Gouvernement devait être informé de l'action menée par ses représentants en Corse et notamment des actions illégales menées par ces services ;

« Considérant qu'il était dès lors soit dans l'ignorance de ce qui allait être exécuté, ce qui représenterait un dysfonctionnement majeur des pouvoirs publics, soit qu'il avait été informé des actes perpétrés par ses représentan ts, ce qui constituerait alors une atteinte d'une extrême gravité portée aux principes fondamentaux d'un Etat de droit ;

« Considérant que les instructions en cours menées à l'encontre des représentants de l'Etat poursuivis dans ce dossier, ne se substituent en aucun cas à la responsabilité politique du Gouvernement ;

« Considérant que le Gouvernement a depuis des semaines refusé de fournir à l'opinion publique et à la représentation nationale la moindre explication sur les dysfonctionnements constatés et refusé d'indiquer qui était en charge du dossier Corse au sein du Gouvernement, quel était le processus de décision et qui était le décideur final ;

« Considérant que ce refus d'explication témoigne du mépris du Gouvernement pour le fonctionnement de nos Institutions ;

« Pour ces motifs, l'Assemblée nationale, en application des dispositions de l'article 49, alinéa 2 de la Constitution, censure le Gouvernement. »

La parole est à M. François Bayrou, premier orateur inscrit.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. François Bayrou.

Monsieur le Premier ministre, depuis hier, on nous annonce que les assassins du préfet Claude Erignac sont enfin identifiés.

M. Alfred Recours.

Tant mieux !

M. François Bayrou.

Notre première réaction est un grand soulagement. Enfin, la Corse, enfin, la République française voient s'alléger la chape de plomb qui pesait sur elles depuis plus d'un an. Enfin, on peut espérer que les assassins seront capturés et châtiés. Cet instant de soulagement est aussi l'occasion pour nous tous d'avoir une pensée pour M. Erignac, la haute figure de serviteur de l'Etat qui était celle de cet homme, pour son sacrifice, et pour les siens, victimes comme lui. Nous vous demandons de transmettre à tous les services qui ont pris part à cette enquête les remerciements de la représentation nationale.

La coïncidence des dates entre cette découverte, l'audition du préfet Bonnet par le juge d'instruction, voire le débat que nous avons, suscite un certain nombre d'interrogations. Pour l'honneur de la République, à laquelle nous croyons tous, je me refuse à penser que cette coïncidence de dates soit due à autre chose qu'au hasard. Des questions se posent sans doute. Je viens d'entendre à la radio l'avocat de M. Bonnet annoncer que son client avait fourni tous les détails de cette affaire au mois de novembre. Des explications nous seront probablement fournies - il y en a eu déjà quelques-unes - sur ces six mois de délai. Mais je ne veux pas voir là de lien de cause à effet, car imaginer que, dans une affaire aussi grave, le calendrier ait pu être sollicité pour des raisons d'opportunité, ce serait beaucoup plus grave encore que tout ce qui a été révélé depuis le début de cette affaire d'incendie volontaire. Donc, je ne retiendrai pas cette hypothèse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Gérard Bapt.

Chat échaudé craint l'eau froide !

M. François Bayrou.

Certains se sont posé la question de savoir si, dans ces circonstances, il ne convenait pas de retirer cette motion de censure ! (« Oui ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Eh bien non, car l'affaire des paillotes n'est pas l'affaire Erignac, et les lourdes dérives qui ont conduit à son avènement n'en sont pas effacées pour autant.

M. Jean-Paul Bacquet.

Vous poussez le ridicule jusqu'à son paroxysme !

M. François Bayrou.

La motion de censure est le seul moyen dont dispose l'opposition pour obtenir un débat sur un sujet d'intérêt national. Elle est un appel à la responsabilité. Nous croyons en effet qu'il y a une responsabilité collective dans l'affaire Bonnet, et pas seulement, comme on le dit à l'envi, un enfermement, un huis-clos, une dérive psychologique, un homme qui « fond les plombs ».

Nous croyons qu'il faut saisir cette occasion de réfléchir à l'avenir, non pas seulement de la Corse, mais de l'organisation des pouvoirs en France, de la société française tout entière.

Nous voulons le faire de manière responsable et mesurée, d'abord parce que, sur la Corse, les difficultés et les dérives ne datent pas de votre gouvernement.

On nous annonce dans tous les journaux que, dans la réponse de votre groupe, on renverra à l'opposition, comme autant de boomerangs, les affaires anciennes, l'indécente manifestation de Tralonca, les tractations secrètes, les crimes demeurés impunis. L'opposition, n'en doutez pas, pourrait, de la même manière, vous renvoyer à la volée la politique de précédents ministres de l'intérieur, Pierre Joxe par exemple, les négociations avec les poseurs de bombes.

Cet échange serait vain. Il serait même ridicule. Ce n'est pas la gauche ou la droite qui sont en difficulté en Corse depuis vingt ans. C'est la République française, c'est l'Etat, c'est la démocratie,...

M. Alfred Recours.

C'est de l'auto-censure !

M. François Bayrou.

... et cette dernière affaire des paillotes les affaiblit encore plus.

Si cette affaire pouvait nous faire réfléchir à ce mal français, elle ne serait pas seulement un immense gâchis, elle pourrait être une occasion d'avancer tous ensemble.

Voyons d'abord l'affaire en elle-même.

La Corse, nous le savons tous, est fragile, déchirée.

Tout a été écrit sur la crise profonde d'une société jadis habituée à trouver dans l'aventure coloniale de remarquables réussites individuelles, dans la fonction publique des carrières, dans le pays où l'on reviendrait un jour des racines, autrement dit une manière plus chaleureuse et originale de se sentir français. Ce rapport à l'Etat, qui dispense les avantages et les carrières, s'est noué, c'est vrai, autour d'un certain clientélisme, de la recherche de protecteurs efficaces et bien placés.

Ce modèle n'est pas seulement corse, mais sa mutation a créé en Corse une crise plus grave qu'ailleurs. Parce que l'économie de l'île n'a pas pu offrir sur place l'emploi et la prospérité autrefois garantis à l'extérieur, la crise d'identité a été plus forte qu'ailleurs, le recours à des crispations identitaires plus violent, plus désespéré, l'installation de mafias diverses plus fréquente et plus dangereuse.

D'Aleria à Tralonca, de bombe en bombe, de provocation en provocation, la Corse n'a cessé de s'enfoncer jusqu'à ce jour de février où Claude Erignac a payé de sa vie une action de défense de l'ordre, de la loi, une action demandée par le gouvernement précédent, une action de défense de l'Etat de droit, combattue par une dérive qui se voulait plus radicale que les autres.

C'est dans ce climat que le préfet Bonnet a été nommé. C'est dans ce climat qu'il a commencé son action. C'est dans ce traumatisme profond, dont se sentait victime une société tout entière, qu'on a attendu ses résultats.

Et ces résultats ont été à deux faces : d'un côté, le sentiment que le respect de la loi serait imposé par des moyens plus énergiques, la transmission de multiples dossiers délictueux ou soupçonnés de l'être ; de l'autre, une impression de persécution tatillonne, d'isolement, d'incompréhension.

L'un devait-il aller nécessairement avec l'autre ? Nous ne le croyons pas.

Il est vrai que c'est pourtant la thèse de beaucoup.

Comme s'il fallait faire payer aux Corses les dérives de la Corse ! Comme s'ils n'étaient pas, pour l'immense majorité d'entre eux, les premières victimes ! Comme si ce n'était pas avec eux et non pas contre eux qu'il fallait construire l'avenir de l'île ! En tout cas, s'il est un élément qui s'impose dans ces situations de crise, c'est l'exemplarité de l'Etat. L'Etat, en toute circonstance, doit donner l'exemple.

Or, en Corse, il n'a pas donné l'exemple. Il a choisi une démarche hors-la-loi, criminelle. Et cette démarche a été décidée d'une manière concertée entre la plus haute autorité civile et la plus haute autorité militaire présentes sur l'île.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

C'est un plan d'ensemble : au moins deux établissements brûlés, le 7 mars et le 19 avril, et six ou huit autres déjà inscrits, nous dit-on, sur la liste. C'est un plan concerté. C'est tout sauf une faute somme toute vénielle et aisément pardonnable dans le climat de l'île, comme certains voudraient nous le faire croire.

Et ce n'est surtout pas, contrairement à ce qui a été écrit partout, une espèce de réponse passionnelle à l'impossibilité d'obtenir la démolition des paillotes, un sursaut d'orgueil blessé, qui aurait donné lieu à une réaction violente.

Le calendrier est plus éloquent que tous les discours.

La protestation d'élus s'opposant à la démolition de l'un de ces bâtiments date du 9 avril. C'est dans les jours qui suivent que le préfet signe la convention, le moratoire, qui donne aux propriétaires jusqu'à la fin du mois d'octobre pour démolir leur bâtiment. Or quelle est la date du premier incendie avoué, du premier incendie volontaire ? Le 7 mars ! C'est à l'époque où ils disposaient de tous les moyens légaux que les autorités de l'île procèdent au premier attentat. C'est bien d'un plan concerté et de long terme qu'il s'agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Qui ne voit, en effet, à quel degré d'affaiblissement de l'esprit civique on parvient en paraissant excuser ou expliquer une telle action ! La qualification d'incendie volontaire est celle d'un crime. Un crime en bande organisée, associant des personnes investies de l'autorité publique, c'est un crime aggravé. Et un crime commis par l'autorité publique lorsqu'on affirme défendre la loi et le droit et vouloir les rétablir, c'est une faute contre l'idée que des millions de Français, de Corse et d'ailleurs, peuvent se faire de la République ! C'est une atteinte à la République.

Tout cela pouvait-il être conduit sans qu'aucune autorité hiérarchique, aucun collaborateur des ministres de l'intérieur, de la défense, ou de Matignon, en ait eu la moindre information ? C'est la thèse du Gouvernement ! Pardonnez-moi, j'ai le plus grand mal à le croire.

Volontiers, j'imagine - et je vous en donne acte - que, si quelqu'un, dans les sphères du pouvoir, avait été informé dans le détail du plan pour détruire les paillotes par le feu, avec tous les risques encourus, il aurait eu sans aucun doute le réflexe de dire « non », mais je n'imagine pas que, dans leurs nombreux entretiens avec leur hiérarchie, officielle ou politique, des hommes comme le préfet de région ou le colonel de gendarmerie, ou l'un de leurs subordonnés, n'aient pas averti, entre les lignes, que cette entreprise de déstabilisation était en cours.

M. Maurice Leroy.

Bien sûr !

M. François Bayrou.

Cela ne leur ressemble pas, et cela ne ressemble pas à un Etat qui gère par d'aussi fréquentes interventions l'affaire de la Corse ! On imagine dans quel cadre cette bienveillance aurait pu s'exprimer. C'est sans doute dans le cadre de cette enquête parallèle dont vous aviez assuré le 13 février qu'elle n'existait pas, et dont on sait aujourd'hui qu'elle donnait lieu à des notes d'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais même s'il fallait retenir la thèse du Gouvernement, thèse pour moi incroyable, de l'ignorance générale, alors nous serions en droit de dire ceci : s'il était vrai qu'il n'y ait eu aucune information, si le Gouvernement avait raison dans son incroyable dénégation, alors ce serait pire ! Cette perte de contrôle, ce manque de soin dans las urveillance des fonctionnaires exerçant autorité et commandement, cette ignorance de dérives aussi graves, cette incompétence dans le suivi, ce serait pour l'Etat le signe d'une totale impuissance...

M. Jean-Luc Préel.

Tout à fait !

M. François Bayrou.

... et d'une paralysie si graves qu'elles méritent sans doute plus grave mise en cause et plus grave condamnation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Monsieur le Premier ministre, lors de votre déclaration de politique générale, vous affirmiez qu'un de vos objectifs était de revenir à l'esprit républicain et vous poursuiviez ainsi : « Avant même de s'inscrire dans des institutions, la République, c'est un état d'esprit. De la base au sommet de l'Etat, du fonctionnaire au ministre, une seule façon d'être et d'agir, une seule façon de décider, doit prévaloir : celle du service de la nation. Nous sommes des citoyens responsables de l'Etat au service des citoyens, nous leur devons compte, nous leur rendrons compte. »

Monsieur le Premier ministre, cette motion de censure a pour premier objectif, comme vous le souhaitiez, et après avoir mis en évidence les dysfonctionnements de l'Etat, de vous permettre de rendre compte et d'assumer réellement vos responsabilités face aux Français, mais elle a pour nous un autre objectif, c'est d'essayer de nous faire réfléchir ensemble aux leçons à tirer des événements de Corse, car, je l'ai dit, ce problème, à nos yeux, dépasse les combats majorité-opposition ou droite-gauche. C'est une certaine conception de la République qui est en jeu.

Ces leçons concernent l'organisation et le fonctionnement de l'Etat.

Pourquoi les plus hautes autorités de l'Etat dans l'île se sentaient-elles intouchables ? Pourquoi se sentaient-elles à l'abri, couvertes ? C'est parce que des signes avaient été donnés en ce sens.

Voici ce qu'a écrit le ministre de l'intérieur à un parlementaire, Jacques Blanc : « Le 17 avril dernier, à Perpignan, vous avez tenu, à l'endroit du préfet de Corse, des propos qui font injure à M. Bernard Bonnet luimême, au ministre de l'intérieur qui a proposé sa nomination et aux pouvoirs publics qui l'ont décidée. La presse s'en est fait écho. M. Bernard Bonnet exerce ses difficiles fonctions avec l'appui complet des pouvoirs publics. Dans l'action résolue qu'il a engagée pour que la loi soit respectée en Corse, comme sur tout le territoire national, il applique strictement les instructions qu'il reçoit du Gouvernement. Toute critique, toute agression qui le vise vise aussitôt l'Etat. »

(Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maurice Leroy.

C'est réussi !

M. François Bayrou.

C'est à la lumière de phrases de cet ordre que ce sentiment d'être couvert, ce sentiment d'impunité a pu se forger.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Pourquoi ce sentiment ? Parce qu'en France, l'Etat, c'est l'Etat central, centralisé, jacobin, l'idée qu'un pays se gouverne d'en haut, qu'on est d'autant plus efficace que le nombre de ceux qui participent à la décision est restreint, que l'épreuve de force est le langage naturel, que les locaux, les provinciaux, le terrain sont toujours corporatistes, pris dans des intérêts personnels. Monsieur le Premier ministre, c'est le mal français ! Que les grandes décisions d'équipement, par exemple, soient toujours prises à Paris, que les attributions d'avantages dépendent toujours de l'arbitraire du sommet, c'est cela qui est français, et pas seulement corse. C'est proprement l'autre face du jacobinisme, la déresponsabilisation et le clientélisme !

M. René Dosière.

Caricature !

M. François Bayrou.

Parfois, les symptômes localisés sont révélateurs de la vraie nature d'une maladie générale.

Nous croyons qu'il existe une maladie générale de la France et que vous ne la soignez pas. Nous croyons que la Corse ne nous parle pas seulement de la Corse, mais, de manière plus aiguë, de ce mal français : la centralisation excessive et l'impuissance d'un Etat mal organisé.

M. Gérard Bapt.

Vous avez voté contre la décentralisation !

M. François Bayrou.

Ce n'est pas seulement en Corse, en effet, que la République française est en difficulté. Les zones de non-droit ne sont pas - j'allais dire hélas ! limitées à la Corse.

C'est la France tout entière qui souffre de non-droit.

Lorsque des émeutes prennent pour cible des quartiers entiers de nos villes...

Mme Odette Grzegrzulka.

Aucun rapport ! Hors sujet !

M. François Bayrou.

... et que des services de police ou de sécurité annoncent qu'ils n'osent plus entrer dans ces quartiers,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature !

M. François Bayrou.

... ce n'est pas en Corse, c'est à Toulouse ou à Vauvert, c'est partout en France.

M. Alfred Recours.

C'est une motion d'auto-censure !

M. François Bayrou.

Lorsqu'une bande de prétendus supporters dépèce, déchiquette, met en pièces sept autobus de la RATP et occasionne des millions de dégâts, avec deux voitures de police postées devant et derrière eux, ce n'est pas en Corse, c'est à Paris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Pierre Baeumler.

Vos propos sont scandaleux !

M. Alfred Recours.

Nul !

M. François Bayrou.

Lorsqu'on laisse les mêmes prendre tranquillement le TGV de retour, qu'ils y font 5 millions de dégâts et que la seule réponse que l'opinion entend, c'est « l'assurance paiera », cette manifestation d'impuissance, elle n'est pas en Corse, elle est à Marseille.

(Mêmes mouvements.)

Or, cette centralisation, cette impuissance d'un Etat mal équilibré, notamment en matière de sécurité, au lieu de les combattre, au lieu de les réduire, vous les aggravez.

Pensons - et je me référerai pour dresser cette liste à un colloque récent organisé par des parlementaires de votre majorité - à la loi sur la dépendance, à la loi contre les exclusions, à la taxe générale sur les activités polluantes et à la centralisation du système des agences de l'eau, à la loi sur l'intercommunalité ou à la mauvaise consommation de crédits provenant des fonds structurels en raison de la paralysie de l'administration française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Chaque fois, des parlementaires de tout bord ont dénoncé le renforcement continu de l'Etat central et l'affaiblissement des pouvoirs de proximité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Tout cela provient d'une situation où l'Etat régente tout mais ne veut rien assumer, où les acteurs locaux ne régentent rien mais doivent tout assumer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et voilà pourquoi nous croyons que le problème corse n'est pas isolé. A certains égards, c'est toute la France qui est corse et qui souffre de faiblesses et de dérives. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Et voilà pourquoi nous croyons qu'on ne pourra vraiment aider la Corse sans choisir pour toute la France, pour toute ses régions, une politique nouvelle de responsabilité et de confiance. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Permettez-moi d'ajouter un dernier mot sur l'Etat.

Les fonctionnaires, à quelque niveau qu'ils se trouvent, se sont tous sentis salis par les rires gras - hélas ! inévitables -...

Mme Odette Grzegrzulka.

Les vôtres !

M. François Bayrou.

... qui ont entouré la mise en prison d'un préfet, d'officiers de gendarmerie et le ridicule de l'Etat, du droit, de la loi qu'ils ont pour mission de défendre.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas vous qui les réhabilitez cet après-midi !

M. François Bayrou.

L'Etat doit se réformer. S'il évite les formations d'exception, notamment en matière de sécurité, les groupements mystérieux et hors contrôle,...

M. Yves Durand.

Comme le SAC ?

M. François Bayrou.

... il n'en sera que plus respecté.

S'il accepte l'équilibre des pouvoirs et de se contrôler luimême, il sera plus transparent et plus efficace. S'il comprend qu'il n'est pas en situation d'affrontement avec les élus de terrain, s'il comprend que l'Etat, ce sont les élus de terrains autant que les fonctionnaires et que tous ensemble ne peuvent réussir sans nouer un lien de confiance, il n'en sera que plus efficace. C'est cette révolution des esprits que nous appelons de nos voeux.

Monsieur le Premier ministre, au-delà de la mise en cause de la responsabilité réelle du Gouvernement dans la gestion du dossier corse, nous avons souhaité par cette motion de censure vous signifier qu'à la lumière de ces événements, il est urgent, pour restaurer la République, de réformer l'Etat et que nous sommes disposés, sans parti pris, à y prendre toute notre part. (Applaudissements


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - « Ridicule ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Baeumler.

Bayrou, trois sur vingt !

M. le président.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe communiste.

(De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants quittent l'hémicycle.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Ils s'en vont, ils ont peur.

La Corse ne les intéresse plus !

M. Henri Nayrou.

N'oubliez pas de revenir voter !

M. Félix Leyzour.

Fuyez courageusement !

M. Michel Vaxès.

Monsieur le président...

M. le président.

Monsieur Vaxès, je vous suggère d'attendre quelques secondes, le temps que nos collègues qui ont des engagements ailleurs sortent...

Vous avez la parole, monsieur Vaxès.

M. Michel Vaxès.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, la Corse, une fois de plus, vit des moments difficiles.

Au chômage et à la précarité, au droit bafoué et à une image injustement ternie, aux souffrances d'une pauvreté qui se développe jusqu'au désespoir, notamment pour de nombreux jeunes, fallait-il que vienne s'ajouter une nouvelle épreuve, qui, une fois de trop, désigne l'île comme une exception négative ? Fallait-il ajouter à la souffrance et à l'inquiétude de femmes et d'hommes qui continuent pourtant, dans leur majorité, à croire à l'unité et à la solidarité nationale s, qui continuent à espérer que le combat contre le clanisme, le c lientélisme, l'individualisme, le nationalisme et ses dérives mafieuses soit poursuivi avec détermination et discernement, avec fermeté et intelligence, qui continuent à nourrir l'espoir d'un cheminement progressif et sans à-coups vers un développement harmonieux de l'île, conforme à l'intérêt général, celui du plus grand nombre, précisément l'intérêt de ceux qui, dignes, honnêtes, démocrates, ne veulent ni d'assistanat ni de privilèges, mais seulement la justice et particulièrement la justice sociale ? L'intérêt de ceux-là se confond plus que jamais avec celui de la nation tout entière.

A leur inquiétude fallait-il aujourd'hui ajouter l'épreuve d'une hypocrisie ? Car c'est malheureusement bien de cela qu'il s'agit quand, après de longues hésitations et probablement de difficiles compromis, l'opposition parlementaire, en affichant une unité de façade, tente d'exploiter à des fins politiciennes, un événement détestable et affligeant : l'incendie criminel d'une paillote.

M. Michel Hunault.

C'est vous qui êtes affligeant !

M. Michel Vaxès.

Détestable parce qu'il met en cause des représentants de l'Etat et des services chargés de veiller partout au respect de ses lois.

Affligeant parce qu'il témoigne des difficultés persistantes de la République à faire appliquer le droit en Corse, tout le droit, y compris le droit social.

Nous avons entendu certains élus de l'opposition parlementaire affirmer ici même, avec véhémence, qu'au coeur du débat, il n'y aurait point la Corse mais l'Etat. Mais quelle crédibilité accorder à un discours vertueux quand les actes de tel ou tel dans ces rangs s'interposent entre la parole d'une République qui dit le droit et les contrevenants aux lois de cette même République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Quand, sitôt paru, le rapport Glavany, pourtant adopté à l'unanimité, fait l'objet des plus vives critiques des dirigeants de la droite insulaire qui le qualifient déjà d'agression contre la Corse, qui met le feu ? M. Alfred Recours Très bon rappel !

M. Michel Vaxès.

En vérité, en s'approchant trop près des braises, la droite est à nouveau en train de se brûler ! Franchement, ni les Corses, ni la Corse, ni les corps d'Etat, dont l'esprit républicain n'est pas en cause, ni la France dans son ensemble n'avaient besoin qu'à cette épreuve on en ajoute une seconde : l'utilisation du drame à des fins strictement partisanes.

Mme Christine Boutin.

Enfin... Et vous-mêmes ?

M. Francis Delattre.

Tricheurs à Aubagne !

M. Michel Vaxès.

La seule leçon politique à tirer des événements récents, c'est que le rétablissement de l'Etat de droit en Corse ne s'imposera pas par la force illégitime, mais par celle du droit, de la démocratie, de la justice sociale.

M. Guy Teissier.

Qui veut faire l'ange fait la bête !

M. Michel Vaxès.

L'Etat de droit ne peut se décréter seulement du sommet, surtout s'il est perçu comme un carcan vexatoire. Il doit être vécu et porté au quotidien par tous ceux qui aspirent à être, dans la République, acteurs de l'intervention citoyenne, pour plus de liberté, plus d'égalité, plus de fraternité.

Non, les Corses n'avaient pas besoin d'une opération politicienne qui entretient la confusion et détourne de la réflexion collective, approfondie, que nécessite aujourd'hui la réalité de l'île.

Les Corses, les organisations démocratiques qui les représentent, ont, comme hier, surtout besoin qu'on les écoute, qu'on les assure d'une totale transparence sur tous les problèmes qui les concernent, qu'on les associe à toutes les prises de décisions importantes et qu'on leur donne les moyens du développement économique, social et culturel de l'île.

C'est seulement alors, parce qu'enfin on agira vraiment avec eux, qu'il deviendra possible de franchir les obstacles au développement de l'île, dans le respect de son identité singulière et conformément aux lois d'une République à laquelle, je le rappelle, ils restent très majoritairement attachés. Ils savent en effet que ce n'est pas le terrorisme qui libérera le peuple corse, mais l'intervention populaire et démocratique, qui reste à construire.

Beaucoup de Corses souhaitent que nous les aidions dans cette entreprise. La nation s'honorerait à s'engager plus nettement à leurs côtés, pour que la Corse ne devienne pas terre de peur et d'abandon, mais reste terre de dignité et de partage. Les Corses ne veulent pas que des errements inadmissibles puissent devenir une aubaine pour une mafia dont ils sont les premiers à souffrir de l'emprise.

Mais ce n'est ni aux aspirations légitimes des Corses ni aux attentes de l'ensemble de nos concitoyens que l'initiative de la droite parlementaire se propose de répondre.

P ire : elle occulte le diagnostic de la commission d'enquête, qu'elle avait pourtant fait sien, mais qui, il est vrai, traduit, pour une part, l'échec de sa politique dans l'île.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Et comment pourrait-il en être autrement ? Aussi longtemps que l'oubli ne l'emporte pas - et nous nous emploierons à ce que ce soit le plus longtemps possible -, son bilan en Corse, comme sur le continent, contribuera à lever le voile sur ses motivations et ses objectifs véritables :...

Plusieurs députés du groupe communiste.

Très bien !

M. Michel Vaxès.

... plus de libéralisme, plus de déréglementation, pour plus d'accumulation financière, pour plus de privilèges.

Mme Christine Boutin.

N'importe quoi !

M. Pierre Lellouche.

Neuf milliards de subventions : on est très loin du libéralisme !

M. Michel Vaxès.

Pour l'heure, une chose est sûre : sur le continent comme en Corse, ceux qui ont censuré la droite en 1997 n'ont pas oublié les dégâts d'une politique ultralibérale qui a cassé l'emploi, réduit le pouvoir d'achat, mis à mal les services publics.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

La Corse, c'est 15 000 chômeurs et autant de travailleurs précaires, à qui on a tenté de faire croire aux solutions miracles.

Faut-il des dispositions spécifiques pour la Corse ? Evidemment oui ! La spécificité de l'insularité appelle des dispositions particulières et des aides spécifiques. Mais celles qui ont été prises ont-elles servi son développement ? A l'évidence non !

M. Gilbert Meyer.

Et celles d'aujourd'hui !

M. Michel Vaxès.

Surtout lorsque l'on sait qu'avec 270 millions de francs d'exonérations fiscales, l'équivalent de 2 000 emplois, le nombre de chômeurs n'a pas diminué et que la précarité s'est accrue. En réalité, la maniè re dont ces dispositifs ont été conçus et utilisés n'a fait qu'accélérer les logiques d'austérité d'un libéralisme sauvage...

M. Pierre Lellouche.

Neuf milliards de subventions, 40 000 francs par habitant : où est le libéralisme ?

M. Michel Vaxès.

... qui brise l'homme, développe l'assistanat, réduit les droits et les statuts démocratiques pour mieux asservir la vie et pour mobiliser les ressources d'une région et des collectivités territoriales davantage au service d'intérêts particuliers qu'à celui de l'intérêt gé néral.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Préel.

Hors sujet !

M. Michel Vaxès.

N'oubliez pas que les Corses vous écoutent aujourd'hui !

M. Renaud Muselier.

Ils ont déjà zappé !

M. Michel Vaxès.

Dans une enquête rendue publique en août 1998, l'INSEE a montré que la Corse n'arrive qu'au cent-quarante-troisième rang des 196 régions européennes pour la richesse créée par habitant et affiche un PIB de 18 % inférieur à la moyenne européenne.

M. Pierre Lellouche.

Vous avez la statistique sélective !

M. Michel Vaxès.

De 1993 à 1997, le nombre de demandeurs d'emploi durable à plein temps a augmenté de 18 % et les projets d'investissement ne se sont caractérisés que par leur rareté.

M. Pierre Lellouche.

Neuf milliards de subventions ! Consultez donc le rapport Glavany !

M. Michel Vaxès.

Le dispositif de la zone franche, créé en 1996 pour cinq ans, devait répondre en Corse, comme sur le continent, aux difficultés économiques et donner des garanties en termes d'emploi. Quels en ont été les résultats ? Le patronat a eu, certes, des avantages supplémentaires, mais, dans le même temps, la précarité s'est généralisée, l'exclusion s'est aggravée, les inégalités et les discriminations fiscales se sont accentuées. Cela n'a fait, au fond, qu'accuser les conséquences du statut de 1994 qui, en exonérant sans discernement la taxe professionnelle de 60 %, a aggravé le poids de la fiscalité sur les ménages.

Ces dispositions fiscales spécifiques, évaluées à 1 500 millions de francs, profitent donc sans contrepartie positive pour l'emploi et le pouvoir d'achat des salariés au seul patronat, dont la dette auprès des organismes sociaux et du fisc, déjà énorme, a continué d'enfler.

La politique de la droite, cela a été aussi l'accélération des transactions occultes avec les clandestins.

(Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Elles iront jusqu'à cette déclaration du garde des sceaux d'alors : « Comme prévu, disait-il au quotidien La Corse, le 26 février 1996, le FLNC-Canal historique s'est transformé en parti politique. »

M. Francis Delattre.

Vous, vous êtes Canal préhistorique !

M. Michel Vaxès.

L'Histoire nous dira peut-être ce qu'il en est réellement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Christine Boutin.

Vous, vous mettez le préfet en prison !

M. Michel Vaxès.

Quoi qu'il en soit, c'est, en fin de compte, encore la population la plus modeste, c'est-à-dire la très grande majorité des Corses, qui paie le lourd tribut de cette politique. Et la droite voudrait maintenant nous convaincre qu'il faudrait revenir à cette politique-là ! Non, vraiment, les Corses ont déjà donné, trop donné.

Le Gouvernement doit poursuivre l'action qu'il a engagée et lui donner une dimension plus large. Il lui appartient, ainsi qu'à sa majorité, de reconstruire, à partir de cet héritage d'austérité, de non-droit et d'injustice, une perspective économique et politique pour la Corse.

M. François Sauvadet.

C'est n'importe quoi !

M. Michel Vaxès.

Les matériaux de cette construction sont à l'évidence difficiles à réunir quand les forces de l'argent et les politiques qui les représentent multiplient les obstacles à une évolution vers plus de justice sociale, plus d'emplois et de croissance, plus de formation, une meilleure protection sanitaire et sociale, davantage de service public.

Face à ces obstacles, sans doute est-il nécessaire d'affirmer avec plus de vigueur, plus d'audace, plus de détermination, une volonté de transformer des logiques de concurrence en logiques de coopération, de codéveloppement, de partage plus équitable des richesses produites et des aides accordées. C'est pour nous, communistes, une raison supplémentaire pour rester où nous sommes et continuer d'agir pour ce que nous croyons juste pour la Corse, pour chaque région française et pour l'Europe sociale que nous voulons construire et qui doit prendre en compte, elle aussi, les spécificités de l'insularité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Les communistes sont partisans d'un haut niveau d'autonomie et de responsabilité pour toutes les collectivités territoriales, particulièrement pour la Corse. Cette démocratisation sans précédent va plus loin que le respect mécanique de l'Etat de droit. Elle ne peut se concevoir sans un surcroît de solidarité nationale, un engagement de l'Etat, des services publics et des entreprises nationales.

Le Gouvernement a confirmé à juste raison que sa politique de rétablissement de l'Etat de droit ne peut être abandonnée. Mais il faut aussi dissiper les doutes majeurs qui peuvent affecter sa crédibilité. A l'évidence, un contrôle politique efficace et conséquent des décisions prises dans ce cadre est nécessaire.

Certes, l'Etat s'attaque là à des intérêts considérables, à des pratiques et à des individus qui ne l'acceptent pas facilement. Mais ces obstacles seront mieux surmontés s'il est démontré au plus grand nombre, aux honnêtes gens, que le rétablissement de l'Etat de droit est le seul chemin praticable pour anéantir la dérive mafieuse et le terrorisme, pour libérer le possible et nécessaire essor de l'île, pour reconstruire la Corse chère au coeur des insulaires.

Et cette Corse-là n'est ni celle d'un paradis fiscal ni celle du non-droit souhaité par une minorité.

Ce choix recevra un soutien populaire d'autant plus large qu'il s'accompagnera de mesures significatives pour améliorer la vie des travailleurs et des plus démunis.

La société insulaire, où les règles les plus élémentaires de la démocratie ont été trop longtemps bafouées, a plus que jamais besoin de justice, de transparence et de démocratie. L'arbitraire, d'où qu'il vienne, est insupportable et les Corses dans leur écrasante majorité aspirent à un fonctionnement normal et civilisé de la société insulaire.

Pour avancer dans ces directions, des points d'appui et de nombreux atouts existent.

D'abord, les 360 communes que compte l'île, c'est-àdire potentiellement 360 foyers de démocratie, qui devraient pouvoir disposer de compétences étendues et de moyens supplémentaires.

Ainsi, ils pourraient mieux répondre aux besoins de leurs habitants et mettre en place des équipements, des services publics aujourd'hui encore trop insuffisants.

Ainsi, ils pourraient mieux jouer leur rôle social et culturel.

Ensuite, une assemblée territoriale et deux départements qui pourraient être, dans le respect de leurs compétences respectives, de hauts lieux de concertation et de coordination des politiques publiques, dotés des moyens nécessaires à une orientation des financements publics vers la production, l'emploi, la formation et la recherche. Ils constitueraient un lieu d'impulsion du contrôle démocratique de l'utilisation des crédits, dont les exécutifs élus par l'assemblée seraient responsables.

La spécificité corse est réelle. Elle ne peut s'accommoder sans dommage des exigences de normalisation d'une Europe qui continuerait de niveler par le bas les acquis démocratiques les plus essentiels, et particulièrement les services et secteurs publics qui sont la richesse de la Corse comme du continent. Préserver ces acquis, les développer, exige de donner aux Corses, comme à l'ensemble des forces vives de la nation, les moyens d'exercer pleinement leur citoyenneté. Cela signifie des droits nouveaux pour les salariés dans les entreprises, pour les locataires dans les offices HLM, pour chaque citoyen dans tous les organismes où doit régner une totale transparence.

Les élus, en Corse comme sur le continent, ne devraient-ils pas bénéficier d'un statut qui leur permette d'exercer leur mandat dans de meilleures conditions, notamment afin qu'ils puissent développer sur toute l'île des pratiques de démocratie directe si indispensables à l'implication citoyenne des insulaires à la gestion de leurs affaires ? Nous allons achever bientôt une révision constitutionnelle sur la parité. C'est très bien. Mais quels moyens spécifiques seront donnés à la Corse pour lui permettre de réduire le taux d'inactivité féminine, qui y est particulièrement élevé et bien supérieur à la moyenne nationale ? La Corse a des atouts naturels et historiques remarquables, une politique d'industrialisation moderne, non polluante, une politique offensive en matière de développement de nouvelles technologies, de recherche, de culture et de tourisme maîtrisé accessible au plus grand nombre. Ces objectifs, recherchés avec la participation et le soutien des entreprises publiques, peuvent permettre de bien mieux valoriser les considérables potentialités naturelles de l'île.

Le logement social doit pouvoir répondre à une demande qui pourrait devenir bien plus importante encore. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) On voit bien, mesdames, messieurs de l'opposition, que la vie concrète des Corses vous intéresse peu dans ce débat ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Parlez-nous du feu !

M. Michel Vaxès.

Le développement des infrastructures de transport et la maîtrise des moyens de développement énergétique sont décisifs pour l'avenir de l'activité économique et de l'emploi en Corse.

M. Patrick Ollier.

La CGT fait grève !

M. Michel Vaxès.

L'essor de l'île est aussi lié à la renaissance et au développement de l'identité corse dans le cadre de l'unité nationale. Cette identité ne renvoie pas seulement à la beauté des paysages et à la spécificité linguistique. Elle porte au coeur de la qualité des rapports sociaux, des relations humaines, des rapports au terroir et à ses traditions, le tout si malmené par l'évolution mercantile et les dérives mafieuses.

Ces quelques réflexions sont, je le pense, en phase avec les orientations que la commission d'enquête a adoptées à l'unanimité en septembre dernier.

Mais la droite veut-elle de ce débat sur les droits de la communauté vivante du peuple Corse ? (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Son agitation apporte la réponse à cette question.

Comme vous tous, mes chers collègues, j'ai écouté avec attention l'intervention précédente, qui nous propose de censurer le Gouvernement. J'ai le sentiment que les préoccupations qu'elle exprime sont bien éloignées de l'essentiel, c'est-à-dire de ce qui conditionne le présent et l'avenir de la Corse.

Je crains que les Corses qui nous écoutent éprouvent un grand sentiment d'amertume de se voir, une fois de plus, utilisés à des fins très éloignées de leurs préoccu pations quotidiennes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Mme Muguette Jacquaint.

Très juste !

M. Michel Vaxès.

En nous éloignant de la Corse et des problèmes de la société insulaire, j'ai pour ma part le sentiment que cette motion de censure nous empêche de faire toute la clarté sur l'ensemble des affaires qui, depuis des années, empoisonnent le climat politique (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe communiste) et bloquent l'indispensable développement de l'île.

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est vrai ! Il a raison : ces affaires bloquent le développement de l'île !

M. Michel Vaxès.

Nous nous réjouissons que l'enquête sur l'assassinat du préfet Claude Erignac paraisse toucher à son terme.

M. Jean-Michel Ferrand.

Ça a été long !

M. Michel Vaxès.

Cela renforce l'urgence d'en élucider plusieurs dizaines d'autres qui attendent encore leur dénouement.

M. Patrick Malavieille.

Très juste !

M. Michel Vaxès.

Nos compatriotes corses attendent autre chose que de grandes manoeuvres sous influence électorale. Ils attendent des changements significatifs, qu'il appartient au Gouvernement d'impulser.

Seul un développement dynamique, moderne de la réalité économique, culturelle, sociale et démocratique favorisera l'épanouissement de la Corse dans l'Etat républicain.

Pour répondre à ces aspirations, le Gouvernement peut compter sur le groupe des députés communistes et de leurs partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Nicolas Sarkozy, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Nicolas Sarkozy.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, avant même que nous n'ayons déposé cette motion de censure, elle avait déjà donné lieu à de nombreuses et parfois fortes interprétations.

M. Félix Leyzour.

Ça, c'est vrai !

M. Nicolas Sarkozy.

Je commencerai d'abord par apporter une précision qui, pour être évidente, n'en est pas moins juste, tout au moins à nos yeux : ce serait une vision réductrice de la démocratie d'imaginer que le dépôt d'une motion de censure est limité au seul objet mécanique du renversement du Gouvernement. Car, à ce compte-là, la Ve République n'aurait connu pour légitime que la seule censure de 1962, et toutes les motions de censure déposées par la gauche contre la droite, ou par la droite contre la gauche, seraient elles-mêmes, à leur tour, reconnues comme illégitimes.

(« Très juste ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

J'exprimerai ensuite un désaccord, monsieur le Premier ministre. Ce n'est pas le plus important. Mais pourquoi le taire ? Après tout, en démocratie, le Parlement est le lieu où s'expriment les différends.

M. Kofi Yamgnane.

Vous n'y êtes pas souvent !

M. Nicolas Sarkozy.

Lorsque vous avez déclaré, ici même, lors d'une récente séance de questions d'actualité :

« C'est l'opinion que je veux pour juge en matière de responsabilité politique », qu'avez-vous voulu dire ? Si seule l'opinion est juge, comment s'exprime l'opinion ?

Mme Frédérique Bredin.

On verra le 13 juin !

M. François Vannson.

Les socialistes ont tort de faire les malins !

M. Nicolas Sarkozy.

Si c'est par les sondages qu'elle s'exprime, vous savez que ceux-ci sont réversibles et aléatoires.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Henri Nayrou.

Vous en savez quelque chose ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Balladur ! Balladur !

M. Nicolas Sarkozy.

Monsieur le Premier ministre, je vois que le seul fait de vous citer suffit à animer votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Vannson.

Ce sont des sectaires !

M. Nicolas Sarkozy.

Dans le fond, j'aurai dû relever plus de citations, puisées aux meilleurs sources. Votre majorité n'accepte même pas qu'un orateur de l'opposition puisse vous citer ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Michel Françaix.

Mais si, elle l'accepte !

M. Nicolas Sarkozy.

Comme ce doit être agréable d'être à ce point préservé par ses amis ! J'espère pour vous que cela durera toujours.

M. Philippe Briand.

Ils sont « pluriels » !

M. Nicolas Sarkozy.

Vous me permettrez de dire, monsieur le Premier ministre, que, dans une démocratie, l'avis du Parlement compte autant que l'avis de l'opinion tel qu'il s'exprime dans les sondages.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Saltimbanque ! Bateleur !

M. Nicolas Sarkozy.

Enfin, je formulerai un souhait : les faits qui se sont produits en Corse sont suffisamment graves et, d'une certaine façon, suffisamment symboliques pour que cette motion de censure ne soit pas interprétée à tort comme une façon - qui ne serait pas à la hauteur des enjeux - de mettre de l'huile sur le feu. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) La Corse est en soi un problème suffisamment difficile pour que personne ne soit tenté d'en rajouter.

Mme Odette Grzegrzulka.

Par conséquent, tournez sept fois votre langue dans votre bouche avant de parler !

M. Yves Fromion.

Et vous, cessez vos invectives !

M. Nicolas Sarkozy.

La Corse mérite mieux que cela.

J'irai même plus loin : si les problèmes de la Corse pouvaient facilement trouver une solution, cela se saurait depuis longtemps. Et c'est bien volontiers que j'en donne acte ici à tous ceux qui pouvaient mettre en cause la lucidité des hommes et des femmes qui appartiennent à l'opposition républicaine.

J'ajoute que je n'ai nullement l'intention d'accabler des hommes qui sont aujourd'hui en prison. Quelle que soit la gravité des charges qui pèsent sur eux, ils ont droit à la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

présomption d'innocence. Le garde des sceaux l'a utilement rappelé lors d'une séance de questions d'actualité.

Et surtout, ce qui est encore plus important, ils ne bénéficient, eux, d'aucun droit de réponse. Les mettre en cause personnellement ne serait, à nos yeux, ni convenable ni concevable.

M. Patrice Martin-Lalande.

Très bien !

M. Nicolas Sarkozy.

Une fois écarté ces mauvaises pistes, il est possible maintenant d'aller au coeur de ce débat de motion de censure.

Nous voulons contribuer à éclairer les Français, les aider à comprendre comment, dans une grande démocratie, nous avons pu arriver - et, me semble-t-il, la question nous intéresse tous - à un si effroyable gâchis, si évidemment contraire aux louables intentions qui étaient celles du Gouvernement, comment, mes chers collègues, en 1999, dans une démocratie comme la France, avec les intentions affichées par le Premier ministre, nous avons pu arriver au spectacle qui s'est déroulé pendant quinze mois dans la préfecture corse ?

M. Alfred Recours.

C'est vous, le « spectacle » !

M. Arnaud Montebourg.

Et Tralonca ?

M. Nicolas Sarkozy.

En définitive, cette motion de censure est l'occasion pour chacun de tenter de reconstituer ce puzzle extravagant, impensable et incroyable, afin d'éclairer le chemin de la responsabilité propre des uns et des autres.

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. Nicolas Sarkozy.

Car la question centrale est bien celle-ci : qui est responsable ? Chacun conviendra que la gravité des faits en cause rend impossible l'affirmation selon laquelle personne ne serait responsable. C'est d'ailleurs même - et je pense que chacun sera d'accord avec cela - la marque de fabrique propre aux démocraties que de pouvoir répondre à tout moment à la question de la responsabilité. C'est même la grande différence avec les dictatures : dans ces dernières, seul le système est responsable ; dans les démocraties, à tout moment, la transparence permet de dire qui est responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Est-il besoin de préciser, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, que c'est de la responsabilité politique qu'il s'agit ?

M. Arnaud Montebourg.

Qui est responsable des emplois fictifs à la mairie de Paris ?

M. Nicolas Sarkozy.

Monsieur Montebourg, vous aurez votre paquet, vous aussi. Ne vous inquiétez pas, je penserai à vous. Dans la distribution, je n'oublierai personne.

Mais souffrez que je puisse exprimer la part de vérité de l'opposition,...

M. François Vannson.

Impossible avec Montebourg !

M. Nicolas Sarkozy.

... même si ce n'est pas la vôtre ! Je mérite d'être entendu au moins autant que vous.

(Applaudisssements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est donc de la responsabilité politique qu'il s'agit. La recherche de la responsabilité pénale, c'est l'affaire de la justice. Le devoir de l'opposition comme de la majorité, c'est de la soutenir dans son travail.

Mme Odette Grzegrzulka.

Donnez-lui un tranxène ! Ce n'est pas un meeting du RPR !

M. Nicolas Sarkozy.

D'ailleurs, mettre en cause la responsabilité pénale du Premier ministre, ce serait contester sa parole, ce serait le suspecter d'avoir su alors qu'il a toujours affirmé le contraire. Je ne le ferai donc pas.

(« Ah ! » sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. François Vannson.

Ils ne savent pas parler comme ça !

M. Nicolas Sarkozy.

Je suis un adversaire déterminé du Premier ministre, mais cela ne m'empêche nullement de respecter l'homme et donc de croire en sa parole.

M. Jean-Pierre Michel.

C'est suspect !

M. Nicolas Sarkozy.

Ce qui me permettra d'être plus exigeant, insistant, implacable sur le terrain de la responsabilité politique, qui est le lot commun de tous les responsables dignes de ce nom.

Car c'est bien là que nos deux vérités, celle de l'opposition et celle du Gouvernement, s'opposent frontalement.

Monsieur le Premier ministre, vous organisez tout votre système de défense sur votre ignorance de cette réalité sinistre qui se tramait au coeur de l'Etat en Corse.

Nous affirmons, nous, que ce système de défense vous accable beaucoup plus qu'il ne vous exonère. En effet, comment juger un gouvernement autrement que sur les résultats qu'il obtient ? Les intentions - vous le savez pertinemment - ne résistent pas à l'effet corrosif du temps, d'autant que les vôtres étaient imprudentes, dans la certitude que vous aviez de détenir la vérité et d'être si évidemment différent de tous ceux qui vous avaient précédé dans la fonction, y compris à gauche.

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. Nicolas Sarkozy.

Le 19 juin 1997, vous déclariez à cette tribune : « L'Etat de droit ne doit souffrir aucune exception. » Deux ans après avoir prononcé cette forte

phrase, le bilan de votre politique en Corse paraît, à vos yeux, si contrasté que vous vous en êtes déclaré à la tél évision « profondément blessé ».

Force est de reconnaître qu'on le serait à moins. En quinze mois, sur le territoire de la République française, nous avons pu assister à l'assassinat d'un préfet dans l'exercice de ses fonctions. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Barrau et M. Jean-Christophe Cambadélis.

Ce n'est pas la faute du Premier ministre !

M. Nicolas Sarkozy.

Sinistre première ! Depuis, l'enquête a progressé. Les assassins, pour l'essentiel, sont aujourd'hui entre les mains de la justice. Nous nous en réjouissons.

M. Jean-Claude Lefort.

Tout de même ! Il était temps !

M. Nicolas Sarkozy.

Et je m'associe, comme tout le groupe RPR, aux félicitations qui ont été adressées ici par le président de l'UDF aux services de police, qui ont bien travaillé en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Nous devons nous en réjouir d'abord pour la famille du préfet Erignac, bien sûr, car, avant d'être un problème politique, c'est un drame humain. Nous nous en réjouissons pour la Corse. Nous nous en réjouissons pour l'Etat, son autorité et l'idée que nous nous en faisons.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Mais voici donc qu'est démontré, monsieur le Premier ministre, que, quand on laisse travailler normalement la police, dans le cadre légal de ses pouvoirs strictement respecté, on obtient des résultats. Bien loin d'effacer les errements des structures d'exception qui ont été mises en place en Corse, l'arrestation des assassins du préfet Erignac renforce notre condamnation d'un système si dérogatoire aux règles républicaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alfred Recours.

Et le SAC ! Ça ne vous dit rien !

M. Nicolas Sarkozy.

J'ajoute, monsieur le ministre de l'intérieur, qu'il me semble difficilement compréhensible que vous sabliez le champagne avec la police quand elle réussit, vous intronisant ainsi premier policier de France, alors que, quand un préfet dérape, vous affirmez que vous étiez le dernier à être au courant. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Quand on veut s'approprier le succès d'un jour (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , il est difficile de refuser d'assumer l'échec de quinze mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Les Français ont assisté à la mise en place d'un système d'exception dans une préfecture de région devenue ellemême un lieu d'exception. C'est d'ailleurs sur ce système que nous vous demandons de vous expliquer.

Sur tous ces problèmes, nous vous avons interrogé lors des questions d'actualité...

M. Alfred Recours.

Pas aujourd'hui !

M. Nicolas Sarkozy.

... et nous n'avons reçu aucune réponse.

Mme Odette Grzegrzulka.

A mauvaise question, pas de réponse !

M. Nicolas Sarkozy.

Et que dire - car cela appartient aussi à votre bilan - de ces anciens détenus de droit commun qui ont paradé l'autre samedi à visage découvert dans les rues d'Ajaccio comme sur nos petits écrans,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous parlez des amis de José Rossi !

M. Nicolas Sarkozy.

... certains n'hésitant pas à prophétiser la chute de la République française comme celle du mur de Berlin en 1989. La comparaison ne vous a peut-être pas choqué, mais nous, si ! Quinze mois après l'assassinat du préfet Erignac, les mafieux se croient suffisamment forts, dans la ville d'Ajaccio, pour se permettre de manifester à visage découvert. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'allais oublier les fameuses paillotes - j'en parle au pluriel car nous savons maintenant que ce n'est plus une, mais plusieurs qui ont été « visitées ». Quel drôle de destin, monsieur le Premier ministre, que celui de paillotes sous votre gouvernement : déclarées illégales par les tribunaux,...

M. Jean-Pierre Baeumler et M. Patrick Malavieille.

Léotard ! Léotard !

M. Nicolas Sarkozy.

... elles ont bénéficé d'un sursis estival accordé par le préfet Bonnet,...

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

Léotard !

M. Nicolas Sarkozy.

... avant d'être plastiquées nuitamment par des gendarmes, puis reconstruites en urgence à la suite d'une décision préfectorale, alors même qu'elles demeurent illégales ! Mais la morale reste sauve, nous dit-on, car on nous promet la démolition de la fameuse paillote pour octobre prochain ! Lamentable est le seul mot qui semble résumer la situation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) A moins qu'il n'existe une autre logique.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Celle de Léotard et de Rossi !

M. Nicolas Sarkozy.

N'hésitez pas en ce cas, monsieur le Premier ministre, à nous la faire connaître, car, en la matière, le ridicule n'a que trop duré.

M. Jean-Marc Ayrault.

Vos propos sont scandaleux !

Mme Odette Grzegrzulka.

Manifestement, le ridicule ne tue plus !

M. Nicolas Sarkozy.

Je pense, monsieur le Premier ministre, que vous-même étiez loin d'imaginer avoir à assumer un tel bilan. Et pourtant, c'est bien du vôtre qu'il s'agit, aussi créatif que vous soyez.

Q uelle que soit votre volonté, que l'on peut comprendre, de vous exonérer, nul ne peut être désigné à votre place ou à celle de vos ministres. D'ailleurs, il va bien falloir que, en la matière, vous choisissiez le bon niveau...

M. Alfred Recours.

Il l'est !

M. Nicolas Sarkozy.

... pour « faire écran ». Un jour, vous vous réfugiez, ainsi que vos ministres, derrière le niveau du dessous : c'est le préfet qui a tout imaginé, c'est lui qui a organisé, c'est lui qui inventé, c'est lui qui a calculé, c'est lui qui a réalisé. Soit ! Mais alors, pourquoi affirmer contre toute vraisemblance, le lendemain, que, si faute il y a, ce n'est plus, cette fois-ci, le niveau du dessous qui est en cause, mais celui du dessus, en l'occurrence le Président de la République ? Finalement, dans votre histoire, il n'y a qu'un seul point constant : celui qui vous concerne. Car, à vos yeux, le seul point constant de toute cette histoire, c'est que vous n'êtes responsable de rien, si ce n'est, depuis hier, de l'arrestation des assassins de Claude Erignac,...

M. François Vannson.

Et voilà !

M. Nicolas Sarkozy.

... comme si, de nouveau, il était venu le temps d'assumer les responsabilités gouvernementales.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Hommage soit rendu à votre talent !

M. Jean Auclair.

C'est le « festival de Cannes » !

M. Nicolas Sarkozy.

Avec vous, on finissait presque paro ublier que le préfet est le représentant du Gouvernement, qu'il exécute ses ordres, qu'il lui obéit, qu'il lui est soumis hiérarchiquement, qu'il n'a aucune


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marge de manoeuvre, ce qui fait d'ailleurs qu'il est révocable ad nutum, et que le chef du Gouvernement, c'est justement Lionel Jospin.

A moins que vous ne vous appliquiez à vous-même le fameux « droit d'inventaire ». Souvenez-vous, monsieur le Premier ministre, de ce « droit d'inventaire » que vous aviez imaginé pour François Mitterrand ! L'ironie, voyezvous, est la compagne obligée de ceux qui ont trop tendance à se poser en donneurs de leçons.

(Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Barrau.

Voilà une citation qui sera utile pour l'avenir !

M. Jean-Pierre Baeumler.

Absolument, car M. Sarkozy est un spécialiste en la matière !

M. Nicolas Sarkozy.

En définitive, votre responsabilité politique se trouve engagée à trois reprises.

M. Serge Janquin.

Rendez-nous Séguin ! Il avait de la hauteur, lui !

M. Nicolas Sarkozy.

La première n'est pas la plus grave. Ou plutôt, c'est sans doute la plus excusable. Vous vous êtes lourdement trompé dans le choix des hommes susceptibles d'incarner la politique que vous aviez choisie pour la Corse. J'admets bien volontiers que cela aurait pu nous arriver tout aussi bien.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Nul n'est à l'abri d'une erreur de jugement, surtout lorsqu'il s'agit de choisir un homme.

La seconde vous accuse davantage. Comment le républicain authentique que vous êtes, monsieur le Premier ministre, et les républicains que sont vos ministres, ont-ils pu accepter un tel système d'exception ? Comment avezvous pu, les uns et les autres, couvrir tant de dérogations aux règles de procédure les plus élémentaires, ces règles qui sont justement destinées à protéger les ministres et à les préserver contre des initiatives intempestives de leurs subordonnés ? Dessaisir la police au profit de la gendarmerie, c'était exciter une guerre des services. Créer une unité spéciale au sein de la gendarmerie, c'était contraire à la tradition républicaine de ce corps d'élite. Laisser le préfet de région choisir lui-même les différents responsables des administrations qui dépendaient de lui, c'était prendre le risque d'enfermer cet homme déjà isolé dans la certitude d'un rôle messianique qui n'a rien à voir avec celui qui est dévolu à un préfet de la République ! (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Oui, vous avez eu tort car la seule façon de combattre l'exception violente en Corse, c'est la légalité républicaine, ni plus ni moins ! On ne combat pas les hors-la-loi en autorisant les représentants de l'Etat à se mettre hors la règle républicaine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je m'interroge d'ailleurs, à ce sujet, sur le silence d'une partie de votre majorité. Où sont donc les élus Verts, que l'on avait connus plus loquaces pour inventer une nouvelle façon de faire de la politique ? Que pensent-ils de cette nouvelle façon de conduire l'Etat en Corse ? Où sont les communistes, si ardents dans le passé à mettre en accusation le général de Gaulle sur sa conception de l'Etat ?

M. Patrick Malavieille.

Nous sommes là !

M. Nicolas Sarkozy.

Et tous ces jeunes parlementaires socialistes qui ne peuvent faire une phrase sans prononcer t rois fois le mot « vertu » et quatre fois le mot

« morale » ? Sans doute eux aussi n'ont-ils rien vu, rien entendu, rien appris ? Ou tout simplement n'ont-ils rien compris ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) J'en viens à votre troisième erreur, sans doute la plus grave, celle qui vous accable le plus, celle qui vous poursuivra le plus. Comment, monsieur le Premier ministre, un homme comme vous a-t-il pu laisser fonctionner, quinze mois durant, un tel système sans jamais réussir à le contrôler ?

M. Alfred Recours.

Opportuniste !

M. Nicolas Sarkozy.

A quoi donc ont servi, durant toute cette période, vos ministres, celui de l'intérieur, celui de la défense, celui de la justice ? Qu'ont bien pu faire, durant tout ce temps, les membres de ces différents cabinets ministériels ? Qu'est-ce qui explique qu'ils faisaient à ce point confiance au préfet Bonnet et à ses collaborateurs, et que les règles prudentielles minimales ne leur aient même pas traversé l'esprit ? Et les directeurs d'administration centrale, doit-on considérer que, durant quinze mois, ils se trouvaient en longue mission à l'étranger pour que eux non plus n'aient rien vu, rien entendu, rien contrôlé, rien vérifié, rien examiné ? Ces questions-là, c'était tout de même notre devoir, à nous, l'opposition, de les poser ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ce défaut de surveillance, ce défaut de contrôle, ce défaut de vigilance est incroyable venant de vous, monsieur le Premier ministre, qui êtes si prompt - et après tout c'est votre droit - à mettre en avant la méthode Jospin et à conceptualiser cette méthode qui fait merveille depuis deux ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je ne vous aurai donné qu'une fois l'occasion de m'applaudir, mais c'est mieux que rien ! (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Permettez-moi de vous dire que votre méthode en Corse porte un nom : fiasco ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

De notre point de vue, votre responsabilité politique est donc triplement engagée.

Je ne doute pas un instant que vos porte-parole ne manqueront pas d'évoquer le bilan de la droite en Corse.

M. Alain Calmat.

Avec raison !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Nicolas Sarkozy.

C'est sans doute de bonne guerre ! Est-ce pour autant à la hauteur des enjeux ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Car s'il est vrai que nous n'avons pas connu que des succès en Corse,...

M. Alain Calmat.

C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Jean-Pierre Dufau.

Tralonca !

M. Nicolas Sarkozy.

... jamais nous ne fûmes confrontés à la mort d'un préfet...

M. Lucien Degauchy.

Nous n'avons pas brûlé de paillote !

M. Nicolas Sarkozy.

... ni à l'embastillement d'un autre ! Quant à notre responsabilité politique, j'ai le regret de vous rappeler qu'elle fut mise en cause au mois de juin 1997, ce qui me permet de dire sans crainte d'être démenti que, aujourd'hui, c'est vous qui êtes en première ligne, pas nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Patrick Malavieille.

Séguin était meilleur !

M. Nicolas Sarkozy.

Au terme de mon intervention reste posée cette question : quelle est votre conception, monsieur le Premier ministre, pour vous comme pour vos ministres, de la responsabilité politique ? Le changement d'un préfet n'est pas une décision politique, c'est une décision de nature administrative.

Vous vous dites blessé, profondément blessé. Nous vous croyons. Doit-on en tirer la conclusion qu'à vos yeux la profondeur de votre blessure est inversement proportionnelle à la légèreté de votre responsabilité ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Etes-vous bien certain que vous n'auriez pas tiré une autre conclusion si un tel scandale nous était arrivé à nous ?

M. Thierry Lazaro.

Exactement !

M. Nicolas Sarkozy.

Savez-vous qu'à la minute où nous parlons des responsables moins prestigieux que vous-même et vos ministres sont mis en cause non pour des faits qu'ils ont commis mais pour des faits qui l'ont été en leur nom par des subordonnés ? Demandez à votre garde des sceaux combien de maires, toutes tendances confondues, sont mis en cause pour un simple panneau de basket qui s'est écroulé sur un adolescent ! Demandez donc à votre ministre du travail combien d'employeurs sont mis en cause à la suite d'une faute commise par un de leurs salariés ! Demandez aux directeurs de journaux combien d'entre eux ont été condamnés pour des écrits d'un de leurs journalistes ! Qu'on l'accepte ou qu'on le regrette, c'est à tout bout de champ que des responsables, quels qu'ils soient, sont amenés à répondre des actes de ceux qu'ils étaient censés contrôler, diriger, animer et nommer ! (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je suis de ceux qui pensent qu'il y a parfois de l'excès...

M. Joseph Parrenin.

De l'excès dans l'amalgame !

M. Nicolas Sarkozy.

... dans cette recherche emblématique et souvent injuste d'un responsable coupable à tout prix. Mais la vérité m'oblige à dire qu'il y a pour votre gouvernement un autre excès, celui du « pas responsable donc pas coupable ». Ou, plus exactement, vous ne revendiquez votre responsabilité en Corse que quand cela va bien, jamais quand cela va mal.

Vous choisissez les préfets, vous les dirigez, vous les contrôlez. Il est normal que vous assumiez leurs fautes quand elles sont aussi graves. En cette période d'élections européennes, qu'il me soit permis de dire que, dans aucune des quatorze autres démocraties européennes, on se serait contenté, devant un aussi grave dysfonctionnement de l'Etat, de sanctionner le lampiste !

M. Bernard Accoyer et M. François Fillon.

C'est vrai !

M. Nicolas Sarkozy.

Monsieur le Premier ministre, je n'ai nullement le goût de demander des têtes. Nombreux seraient vos amis qui, à ma place, l'auraient fait.

Je préfère, quant à moi, souligner le silence qui fut le vôtre. Les Français savaient ce qu'il fallait faire. Aucun de vos ministres n'a visiblement pensé à vous le proposer.

Cette motion de censure que je vous demande de voter, mes chers collègues, a pour but de souligner qu'il est des silences qui accusent.

Mme Odette Grzegrzulka.

Alors taisez-vous !

M. Nicolas Sarkozy.

Oui, monsieur le Premier ministre, en définitive,...

M. Alain Néri.

Ite, missa est !

M. Nicolas Sarkozy.

... vous êtes responsable d'un effroyable dysfonctionnement d'un Etat que vous deviez incarner en Corse et que, hélas ! vous n'avez pas su maîtriser.

(Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

(De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants quittent l'hémicylce.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Juppé et Léotard s'en vont pour ne pas entendre ce qu'il va dire !

M. Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le président, mon-s ieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà que, péniblement, après des hésitations, des états d'âme, des volte-face,...

M. Gilbert Meyer.

Ceux des socialistes !

M. Jean-Marc Ayrault.

... les trois groupes de l'opposition ont fini par se mettre d'accord pour déposer une motion de censure contre le Gouvernement,...

M. André Santini.

Ça vous réjouit ?

M. Jean-Marc Ayrault.

... afin de censurer, je cite, « des actes criminels commis en Corse, dans la nuit du 19 au 20 avril 1999, à Cala d'Orzu ».

M. Gilbert Meyer.

N'est-ce pas la vérité ?

M. Yves Fromion.

Vous contestez cela ?

M. Jean-Marc Ayrault.

M. Madelin et M. Sarkozy...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. René Dosière.

Où est-il, M. Madelin ?

M. Alain Néri.

Dans le maquis !

M. Jean-Marc Ayrault.

... se sont donc résignés à s'aligner sur M. Bayrou. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) C'est une première, une revanche du méprisé de la droite, qui se faisait, il y a peu, tancer par Philippe Séguin, qui était ignoré par le RPR et combattu par Démocratie libérale.

M. Gilbert Meyer.

Venez-en au fait !

M. Yves Fromion.

C'est nullissime !

M. Jean-Marc Ayrault.

C'est un nouvel épisode de la confusion et de la concurrence qui règnent à droite depuis la dissolution de 1997. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence !

M. Jean-Marc Ayrault.

Mais, tout à ses convulsions et à sa recherche du temps perdu, l'opposition ne peut empêcher chacun de comprendre qu'aujourd'hui il est en fait bien peu question pour elle de la Corse. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Vannson.

N'importe quoi !

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Jean-Marc Ayrault.

S'il s'agissait vraiment de la Corse, trouverait-on dans la liste des signataires de la motion de censure M. Edouard Balladur ? Trouverait-on M. Alain Juppé ?

M. François Vannson.

Raymond Poincaré, peut-être ?

M. Jean-Marc Ayrault.

Trouverait-on M. Jean-Louis Debré ? Trouverait-on MM. Léotard et Rossi, qui, du fait de leurs fonctions passées ou présentes,...

M. Arthur Dehaine.

Charabia !

M. Jean-Marc Ayrault.

... et des responsabilités qu'ils ont exercées ou exercent encore, s'arrogent le droit de donner des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Michel Ferrand.

D'habitude, il est mauvais ; aujourd'hui, il est nul !

M. Jean-Marc Ayrault.

Il ne manque dans cette liste...

M. Jean Auclair.

Il se prend pour Prévert !

M. Jean-Marc Ayrault.

... que les noms de ceux qui, le 22 août 1975, occupant les plus hautes responsabilités exécutives de l'Etat, ont géré comme on s'en souvient la crise d'Aleria. C'est là que le sang coula pour la première fois. Ce jour-là, deux gendarmes furent tués dans l'exercice de leur devoir.

Et si l'Assemblée nationale est, par la force des choses, souvent gouvernée par l'émotion de l'instant, elle ne peut à ce point manquer de mémoire.

M. Michel Herbillon.

Changez l'orateur !

M. Jean-Marc Ayrault.

Quel souvenir que celui de cette nuit du 11 au 12 janvier 1996, durant laquelle se tint dans l'île, à Tralonca, une conférence de presse de 600 terroristes...

M. Gilbert Meyer.

Parlons-en !

M. Jean-Marc Ayrault.

... cagoulés, armés, vêtus de treillis militaires,...

M. Yves Fromion.

Le « peuple corse » !

M. Jean-Marc Ayrault.

... défiant l'Etat, qui subissait là une humiliation inouïe.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Mais eux n'ont pas oublié leur matériel !

M. Jean-Marc Ayrault.

Qui était ministre de l'intérieur ? (« Debré ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Quel ministre, le lendemain de ce carnaval funèbre, d ébarqua dans l'île comme si tout était normal ? (« Debré ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Qui fut désavoué, mais trop tard, par le Premier ministre, qui exigea ensuite le limogeage de deux de ses conseillers ? Qui, à l'époque, définissait la politique du gouvernement en Corse ?

M. Christian Jacob.

Vous, vous ne risquez pas de définir grand-chose !

M. Jean-Marc Ayrault.

Enfin, qui, du ministre ou du Premier ministre, a assumé la responsabilité politique de ce scandale ? Ceux-là, monsieur le Premier ministre, figurent sur la liste de ceux qui veulent aujourd'hui vous censurer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Oui, cette terrible nuit du 11 au 12 janvier 1996 a marqué une connivence honteuse entre le terrorisme et une haute autorité de la République. Ainsi fut ouverte la voie funeste qui laissait croire que tout était possible, que tout était admis, en un mot que l'Etat démissionnait.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

De tels souvenirs, un tel engrenage irresponsable n'auraient-ils pas dû conduire les acteurs de tels faits...

M. Yves Nicolin.

C'est laborieux !

M. Jean-Marc Ayrault.

... sinon à plus de pudeur, du moins à plus de retenue ? Au lieu de cette décence, nous sommes aujourd'hui face à l'impudence et à l'arrogance politicienne.

Mme Christine Boutin.

C'est vous qui êtes responsables !

M. Jean-Marc Ayrault.

Ces méthodes, si elles n'honorent pas la République, qualifient du moins ceux qui s'y abandonnent.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Nicolin.

Rendez-nous Auroux !

M. Jean-Marc Ayrault.

Au moment où l'enquête qui a permis de découvrir les auteurs de l'assassinat du préfet Erignac...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Jean-Michel Ferrand.

Il a fallu du temps !

M. Jean-Marc Ayrault.

... franchit un pas décisif, certains feignent d'y voir une manoeuvre du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui viserait à banaliser la mise en cause de fonctionnaires de l'Etat dans l'incendie d'une paillote et, mes chers collègues, la motion de censure de l'opposition.

M. Yves Nicolin.

Eh bien voyons !

M. Jean-Marc Ayrault.

Comme si l'on pouvait mettre sur le même plan l'incendie volontaire d'une paillote par des fonctionnaires de l'Etat, acte certes inacceptable et condamnable (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et l'assassinat d'un préfet de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Olivier de Chazeaux.

Pourquoi le préfet Bonnet est-il en prison ?

M. Jean-Michel Ferrand.

Les préfets vont en prison plus vite que les assassins ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Marc Ayrault.

Les gouvernements socialistes sont-ils exonérés de critiques dans leur politique passée vis-à-vis de la Corse ? Pour le moins, ce gouvernement doit être crédité d'avoir essayé...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Essayé !

M. Jean-Marc Ayrault.

... de ne pas se retrouver dans l'impasse à la fois dialectique et morale qui nous guette en permanence,...

M. Jean-Michel Ferrand.

Vous y êtes, pourtant !

M. Jean-Marc Ayrault.

... à savoir que notre attachement viscéral à la République une et indivisible...

M. Jean-Pierre Michel.

Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault.

... n'est pas antinomique de d iversité. Non, unicité ne signifie pas uniformité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Ainsi, nous sommes depuis toujours convaincus de l'appartenance consubstantielle de la Corse à la France républicaine,...

M. Gilbert Meyer.

Qu'est-ce que ça veut dire ?

M. Christian Jacob.

Vous ne le savez même pas !

M. Jean-Marc Ayrault.

... et également attentifs à l'espoir de ce très vieux peuple de ne pas se voir réduit à un folklore et à des clichés paternalistes.

Et si un malentendu s'est installé, si ce malentendu n'a pas pu être dissipé, ce n'est pas faute d'avoir tenté de prendre en compte dans notre politique le fait insulaire et le poids de l'histoire.

M. Gilbert Meyer.

Votre discours est laborieux !

M. Jean-Marc Ayrault.

En témoignent d'ailleurs le statut Defferre et la réforme Joxe. Mais les Corses, et en premier lieu les élus corses, ont-ils su en mesurer la portée ? Ont-ils su s'en saisir vraiment et les faire vivre ? Dans l'application de ces réformes et leurs effets, nous avons peut-être sous-estimé les dérives clientélistes qui, au-delà de la dégradation des moeurs qu'elles engendrent, créent chez l'immense majorité des Corses une souffrance profonde.

M. Philippe Briand.

Oui, vous avez tout sous-estimé !

M. Jean-Marc Ayrault.

Nous avons également sans doute sous-estimé l'incompréhension de nos compatriotes devant les difficultés de l'île. Certes, les demandes répétées de plus d'autonomie, d'un côté, de toujours plus d'aide financière, de l'autre, la persistance des attentats et des rackets, tout cela a conduit à l'égard de la Corse à une sorte de désintérêt et de lassitude qui sont un obstacle au retour de la concorde et à la confiance nécessaires pour le développement économique, social et culturel auquel la Corse a droit.

En tout cas, nous n'avons jamais renoncé à l'exigence de comprendre et d'évoluer. En cet instant, je voudrais dire quelques mots sur les situations qu'ont connues pendant trop longtemps nos fonctionnaires dans l'île. Il faut sur ce point n'éluder ni les responsabilités de l'Etat ni celles des Corses eux-mêmes.

C ombien de fonctionnaires ont été découragés, moqués, défiés, voire chassés de l'île par des menaces sur eux-mêmes et sur leur famille ? C'est une situation inadmissible et honteuse, que chaque citoyen résidant dans l'île aurait dû condamner et combattre.

L'Etat n'a pas pris garde suffisamment aux blessures intimes de ceux qui sont revenus sur le continent avec le sentiment d'avoir été mis, du fait des hésitations de l'Etat et de l'obscurité des connivences politiques, en situation d'avoir à fermer les yeux, à tolérer la violation des lois et des règlements, le détournement des fonds publics, en un mot une dérive à la sicilienne.

Et l'administration judiciaire n'a pas été épargnée par cet affaissement de l'Etat.

Si son fonctionnement dans l'affaire de la paillote a été, non pas exemplaire, mais normal, nous ne saurions oublier que, trop longtemps, l'action publique en Corse a été pervertie par des considérations d'opportunité et d'influences politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault.

Mes chers collègues, dans des termes terribles, le 12 janvier 1996, quatorze magistrats en poste en Corse ont dénoncé cette situation dans une lettre ouverte au garde des sceaux, dont je voudrais aujourd'hui vous citer les termes exacts :...

M. Eric Doligé.

On nous a déjà lu des « lettres » !

M. Jean-Marc Ayrault.

...

« Certaines actions criminelles ont été revendiquées par l'organisation clandestine FLNC-Canal historique au moyen de tracts par lesquels elle mettait en garde les fonctionnaires de police et les magistrats quant aux conséquences que pourrait avoir pour eux l'exercice de poursuites contre ses militants. [...] Certaines décisions judiciaires intervenues, soit dans des dossiers de nature politique, soit dans des dossiers de droit commun, mettant en cause des personnes se réclamant du nationalisme, ne s'expliquent que par l'existence de négociations secrètes et tranchent avec les décisions que sont amenés à prendre les magistrats exerçant en Corse sur des dossiers similaires. [...] Cette absence de cohérence, largement commentée par l'opinion insulaire et perçue comme une négation du principe d'égalité des citoyens devant la justice, »...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Francis Delattre.

On s'endort !

M. Jean-Marc Ayrault.

...

« est de nature à affecter durablement la crédibilité et l'efficacité de l'institution judiciaire. [...] Cet état de fait ne peut qu'inciter les délinquants de droit commun »...

M. Francis Delattre.

Quelle soupe !

M. Jean-Marc Ayrault.

...

« à se déclarer de ces mouvements ou à user de leurs méthodes. »

Mes chers collègues, je pose la question (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) : qui a porté, en 1996, la responsabilité politique de cette situation indigne ? Un député du groupe socialiste.

Debré !

M. Jean-Marc Ayrault.

La réponse est claire : le garde des sceaux et le Premier ministre de l'époque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Jean-Marc Ayrault.

Peut-on mesurer la dégradation des esprits et des moeurs qu'ont générée ces pratiques de l'ombre et ces consignes occultes ? Peut-on en même temps comprendre ce que pouvait avoir de douloureux pour les Corses que d'être de facto considérés comme à part dans la communauté nationale ? Etre à part ? La grande majorité des Corses ne le souhaitent pas : ils veulent tout simplement être pleinement eux-mêmes au sein de la République.

Monsieur le Premier ministre, le premier alinéa de la motion qui demande votre censure rappelle, comme une accusation, ce que furent vos paroles dès votre prise de fonctions le 19 juin 1997 : « L'Etat de droit ne doit pas souffrir d'exception »...

M. Christian Jacob.

Eh bien ! Bravo !

M. Renaud Muselier.

C'est réussi !

M. Jean-Marc Ayrault.

...

« En Corse - comme partout ailleurs sur le territoire national - le Gouvernement veillera au respect de la loi républicaine auquel la population aspire et sans lequel il n'y a pas d'essor possible. »

M. Yves Nicolin.

Quel succès !

M. Jean-Marc Ayrault.

Ce qui vous est reproché aujourd'hui est en fait un hommage à votre intuition et à votre conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Ça, il fallait oser le dire !

M. le président.

Un peu de silence, je vous prie !

M. Jean-Luc Préel.

M. Ayrault est un comique !

M. Jean-Marc Ayrault.

Oui, monsieur le Premier ministre, lorsque vous avez accédé à la charge que vous assumez depuis près de deux ans, vous saviez que rien ne pouvait se construire dans l'île si notre règle commune et les dispositions particulières applicables en Corse étaient bafouées, si la fonction publique n'y était pas considérée, si pouvaient s'étaler, comme des défis, la morgue des passe-droits et l'insolence des petits gangsters et des grands prédateurs. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous aviez perçu que la Corse avait avant tout soif d'un honneur retrouvé.

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est pour ça qu'on a mis le feu !

M. Jean-Marc Ayrault.

Il ne s'agissait nullement, lorsque vous prononciez ces paroles, de mettre la Corse au pas, de refuser toute évolution institutionnelle, mais de créer les conditions lui permettant d'arrêter son glissement vers l'abîme des trafics et des combines.

Depuis lors, beaucoup d'actions ont été engagées pour faire respecter l'Etat de droit et beaucoup de choses ont changé dans la bonne direction.

L'assassinat du préfet Claude Erignac trouve ses causes profondes dans cette volonté qui mettait clairement en péril l'alliance d'un courant d'opinion - l'aspiration très minoritaire à l'indépendance - avec le gangstérisme et le terrorisme.

C'est la grandeur d'un Etat démocratique de permettre l'expression publique de qui le conteste. C'est une de ses règles de fonctionnement que cette contestation puisse se traduire dans les urnes. Mais, naturellement, rien ne peut conduire à ce que l'on trouve des excuses à la violence et aux attentats.

Comment comprendre que les élus des listes nationalistes ne condamnent pas formellement et celle-là et ceuxci ? Comment qualifier un président d'assemblée territoriale qui passe des accords avec des nationalistes qui se refusent à stigmatiser ceux qui veulent, par le plastic ou le meurtre, mettre à bas la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Par quelle confusion de l'esprit peut-on expliquer une attitude aussi irresponsable, aussi basse, aussi vile ? Nommé après l'assassinat d'un de ses collègues, un préfet a reçu la mission la plus éminente qui soit : représenter la République. Dans des circonstances tragiques et difficiles,...

M. Francis Delattre.

C'est votre discours qui est tragique !

M. Jean-Marc Ayrault.

... sa charge écrasante l'a peutêtre entraîné, et, avec lui, certains de ses subordonnés, à des actes inadmissibles.

De quel vertige ont-ils été saisis ? Quels sont les ressorts de leur dérive ? La justice, en toute indépendance, le dira. Mais il est aujourd'hui nécessaire d'être clair : non, le Gouvernement républicain n'est pas responsable des agissements de ces soldats perdus. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Briand.

Vous n'êtes pas responsable de grand-chose !

M. Yves Fromion.

Lamentable !

M. Patrick Ollier.

Le préfet agit sur ordre !

M. Jean-Marc Ayrault.

Le Gouvernement est responsable de la politique qu'il engage. Le Gouvernement est responsable des actes qu'il décide. Et cette politique, aujourd'hui, en Corse, est en train de réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Yves Fromion.

Ces propos sont honteux ! Ils sont nuls !

M. Christian Jacob.

Mieux vaut entendre cela que d'être sourd !

M. Jean-Marc Ayrault.

C'est, mes chers collègues, cette responsabilité qu'il nous est demandé aujourd'hui d'apprécier.

Monsieur le Premier ministre, l'épreuve renforce le juste. Votre gouvernement ne mérite pas la censure de l'Assemblée nationale. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

La voie que vous avez tracée avec courage et lucidité est nécessaire. Les députés socialistes vous renouvellent leur confiance et vous assurent de leur amitié. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ceux qui vous censureront dans quelques instants suivront la pente de leur calcul, de leurs rancunes et de leurs remords. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Une fois de plus, ils n'auront pas rendu service à la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Laurent Dominati.

(De nombreux députés du groupe socialiste quittent l'hémicycle.)

M. Christian Jacob.

Ils vont à la paillote !

M. le président.

Attendez un peu, monsieur Dominati, avant de commencer.

Chers collègues, ceux d'entre vous qui ont d'autres obligations vont sans doute partir (Rires), comme cela a été le cas tout à l'heure.

M. Jean-Michel Ferrand.

Moi, je n'ai pas quitté l'hémicycle !

M. le président.

Je sais, monsieur Ferrand, et l'on vous a même entendu. (Sourires.)

Monsieur Dominati, vous avez la parole.

M. Laurent Dominati.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, l'autorité de l'Etat a été atteinte en Corse. C'est ce que Lionel Jospin a déclaré il y a quelque temps devant l'Assemblée nationale.

En effet, cette motion de censure présentée par l'opposition unie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ne porte ni sur la Corse ni sur l'honneur de la Corse, mais sur l'Etat, sur l'honneur de l'Etat et sur celui du Gouvernement.

M. Lucien Degauchy.

Très juste !

M. Laurent Dominati.

C'est une affaire d'Etat : ce n'est pas de la question corse que nous devons parler aujourd'hui.

M. Lucien Degauchy.

Exact !

M. Laurent Dominati.

Notre motion de censure porte également sur l'attitude du Gouvernement dans la gestion de cette affaire et dans la politique qu'il a menée au nom de l'Etat par l'intermédiaire de son représentant, le préfet de Corse.

Qui, monsieur le Premier ministre, porte la responsabilité de cette « lamentable » affaire, pour citer vos propos ?

M. Alfred Recours.

Vous !

M. Laurent Dominati.

Par cette motion de censure, nous voulons, aux yeux de l'opinion, mettre le doigt sur ce que nous estimons être une faillite de votre gouvernement. Nous estimons nécessaire de réaffirmer solennellement notre volonté de tout faire pour que l'Etat retrouve le chemin de la légalité républicaine, d'assurer la sécurité en Corse comme ailleurs et de rappeler également le principe de responsabilité. Car sans responsabilité, que ce soit au niveau gouvernemental, dans l'administration ou pour chaque citoyen dans le pays, comment une société peutelle être organisée, comment peut-elle vivre ? En tant que Premier ministre, vous assumez la responsabilité politique de ce que font les agents de l'Etat.

M. Renaud Muselier.

C'est évident !

M. Laurent Dominati.

Et si l'on veut effectivement retrouver confiance en l'Etat, retrouver confiance en l'Etat de droit, c'est-à-dire non seulement en un Etat qui fait appliquer la loi et le droit, mais en un Etat qui se veut lui-même soumis au droit, un Etat qui respecte luimême le droit, alors il faut bien que quelqu'un assume cette responsabilité devant les concitoyens. C'est ainsi que l'on redonnera confiance en l'Etat et en la parole de l'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cette motion de censure.

Car, monsieur le Premier ministre, depuis l'assassinat du préfet Claude Erignac, votre gouvernement a - hélas ! dirai-je - bénéficié d'une sorte de consensus en ce qui concerne le retour à la légalité républicaine et l'instauration d'un Etat de droit en Corse. Mais ce consensus s'est soldé par un effroyable gâchis.

Il ne s'agit pas d'engager une médiocre querelle. Il s'agit, au contraire, de rendre hommage à tous les fonctionnaires de l'Etat, aux gendarmes, aux policiers, aux préfets, à tous les fonctionnaires qui représentent l'Etat en Corse. Il s'agit aussi de féliciter les services de police qui ont, enfin, arrêté les assassins présumés du préfet Claude Erignac. Bien évidemment, il ne s'agit pas, ni pour les uns ni pour les autres, de s'en attribuer les lauriers, de s'en reconnaître tout à coup la responsabilité : il s'agit justement de réaffirmer qu'un Etat qui laisse assassiner un préfet et qui peut donner le sentiment que ses assassins pourront continuer leur route impunément est un Etat qui serait incapable de faire respecter la loi.

De ce point de vue, nous nous félicitons tous de l'arrestation des assassins présumés du préfet Erignac. Mais il faut reconnaître également qu'un Etat qui ne serait pas luimême capable de faire respecter la loi, de respecter luimême le droit, ne saurait demander à nos concitoyens de faire de même, d'autant plus qu'il ne serait pas capable, au niveau d'un préfet, de faire respecter la légalité républicaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Vous avez bénéficié d'un élan collectif et d'un consensus. On a même pu parler, après l'assassinat du préfet Erignac, d'une unité morale de la nation, d'un resserrement des liens entre les Corses et leurs autres concitoyens. A ce moment-là, vous avez bénéficié de l'appui de toutes les forces politiques, à l'Assemblée nationale comme en Corse. Voulant répondre à cette demande de restaurer la légalité républicaine, vous avez utilisé cet appui, intégrant dans la politique de communication du Gouvernement le retour à une nouvelle image de fermeté de la gauche en faisant du préfet Bonnet le chevalier blanc qui incarnerait pour l'opinion publique le virage de la gauche, qui oublierait les lois d'amnistie comme les militants poseurs de bombes libérés.

Or on s'aperçoit que ceux que le juge a fait arrêter hier avaient déjà été libérés et étaient déjà connus.

Pour vous laver, en quelque sorte, de soupçons anciens, vous avez utilisé ce consensus sur la politique de fermeté en Corse.

Mais, aujourd'hui, qu'en est-il ? Le chevalier blanc, celui qui portait tous vos espoirs, est devenu un préfet psychologiquement malade et affaibli. Vous ne vous en portez plus garant. Jamais la fracture entre les Corses et le reste de leurs compatriotes n'a été aussi grande. Vous assurez que vous n'avez pas voulu cela et que, de ce fait, vous n'en êtes pas responsable.

Mais alors, qui est responsable ? Sans doute, ceux qui vous critiquent.

Le ministre de l'intérieur indiquait, s'adressant à l'opposition : « Vos affirmations font le jeu des terroristes. » Quand «

vous critiquez le Gouvernement », nous disiez-vous, nous « faisions le jeu des terroristes » et « critiquions la politique du retour à l'Etat de droit en Corse ».

L'opposition n'a donc pas le droit de vous critiquer, ni de mettre en exergue vos fautes, vos compromissions, vos échecs ! Sont aussi responsables les gendarmes ! Monsieur le ministre de la défense, c'est vous qui avez réclamé à leur encontre des sanctions exemplaires ! Les gendarmes sont responsables, eux qui sont allés de nuit mettre le feu à une paillote, avec, je le suppose, une cagoule réglementaire, achetée sur le budget du ministère de la défense ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Ceux-là doivent se voir infliger des sanctions exemplaires. Mais, au-delà, personne ! Ah, si ! Le préfet est reconnu comme responsable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), après bien du temps. Mais vous, jamais ! Oui, le préfet, non pas parce que le choix était mauvais - ce n'était pas seulement le vôtre, avez-vous rappelé, faisant ainsi allusion au Président de la République -, mais parce qu'il se trouvait en Corse et qu'il a été pris par l'ambiance. Si le préfet a donné cet ordre, c'est parce qu'en Corse, rien n'est naturel,...

M. Louis Mexandeau.

A cause de vous !

M. Laurent Dominati.

... rien n'est normal.

Je suppose que si le préfet de police de Paris mettait le feu à une boîte de nuit qu'il ne parvient pas à fermer, vous trouveriez sans doute cela normal, parce que ce serait à Paris et qu'il y a beaucoup de monde dans les boîtes de nuit à Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je suppose qu'il en ira de même à la prochaine grève des transporteurs routiers, quand ceux-ci bloqueront les routes et qu'un préfet enverra quelques CRS mettre, nuitamment, le feu à un camion bloquant une voie.

En fait, la Corse est symptomatique d'un système de gouvernement qui ne contrôle pas les agents de l'Etat ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous qui avez voulu placer très haut la clarté, la vertu et la transparence, vous avez fait preuve dans cette affaire d'irresponsabilité et de confusion.

Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que le Gouvernement n'a pas su ou n'a pas voulu assumer ses responsabilités. Il s'agissait pourtant d'un dossier prioritaire, comme vous l'aviez vous-même indiqué. Le ministre de l'intérieur, dans un beau geste de prise de responsabilité, s'est d'ailleurs empressé d'expliquer à l'Assemblée nationale qu'il relevait d'une compétence interministérielle. Vous avez, c'est vrai, nommé un préfet, et l'on peut parler du choix. Mais vous étiez déjà quelque peu informé de ce que faisait le préfet Bonnet dans la région où il exerçait ses fonctions.

M. Pierre Carassus.

Et qui était ministre ?

M. Laurent Dominati.

On peut se tromper sur le choix des hommes. Mais ce que je vous reproche, c'est que vous avez donné carte blanche à celui que vous avez désigné. Vous lui avez demandé d'être en relation directe avec vous. Il était en relation directe avec votre cabinet tous les quinze jours. (M. le Premier ministre fait un geste de dénégation.) Ce n'était pas un cabinet noir, c'était un cabinet plutôt transparent, qui discutait sans doute avec le préfet, mais on ne sait pas de quoi. Vous le voyiez souvent. Mais de quoi parliez-vous ? On n'en sait rien ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous avez non pas fait, mais laissé faire, ce qui est peut-être plus grave quand on estime qu'il s'agissait d'un dossier prioritaire. Vous avez laissé faire quelque chose qui a provoqué une concurrence entre les services, concurrence d'ailleurs dénoncée par ceux qui, hier soir, ont arrêté les assassins présumés du préfet Erignac.

Car que disent ces policiers ? Qu'ils ont arrêté cette

« bande » malgré le préfet Bonnet, malgré la concurrence entre les services. Rien que pour cela, cette motion de censure est plus que bienvenue. En effet, lorsque des services de police affirment qu'ils ont fait leur travail en dépit du dysfonctionnement de l'Etat, non seulement il faut leur rendre hommage, mais il faut sanctionner les responsables de l'Etat et les responsables du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Je rappelle que vous aviez indiqué qu'il n'y avait nie nquête ni écoute parallèles. Pourtant, c'est en décembre 1998 que le préfet Bonnet vous a remis, ainsi qu'à M. Jean-Pierre Chevènement, un certain nombre de ses notes concernant cette « bande », celle du golfe de Sagone.

En janvier 1999, le ministre de l'intérieur fait une visite en Corse. Le 4 février, vous tenez une réunion intergouvernementale sur la Corse et, le 8, vous recevez personnellement le préfet Bonnet. Le 13, vous lui réitérez votre confiance devant l'Assemblée nationale. Et pourquoi ? Parce que l'on vous interroge sur l'existence d'enquêtes parallèles ! Parce que l'on vous interroge sur des dysfonctionnements de services en Corse ! Parce que l'on vous interroge sur des dysfonctionnements concernant des affaires de l'Etat ! Et c'est à ce moment-là que vous nous apportez, par la voix du ministre de la justice, la garantie que le Gouvernement assure toute la coordination suffisante et nécessaire entre tous les services de police.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Que voilà donc un dossier bien suivi, qui conduit, le 7 mars, à l'incendie d'une première paillote. Quelle belle coordination ! Quel beau suivi d'un dossier prioritaire ! Quelle belle information du Gouvernement ! Etait-il nécessaire que l'on vous rende à ce point des comptes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

L'incendie d'une première paillote, que l'on n'a appris que le 19 mai, a été suivi de l'incendie d'une seconde, dans la nuit du 19 au 20 avril. Mais là non plus, vous n'étiez pas informé ! Pourtant, monsieur le ministre de la défense, le colonnel Mazères était à Paris, à la direction générale de la gendarmerie nationale. Qu'y a-t-il dit ? Qu'y a-t-il fait ? Vous ne nous l'avez jamais dit.

M. Alain Richard, ministre de la défense.

Mais si !

M. Laurent Dominati.

Non ! Vous ne nous l'avez jamais dit dans cette enceinte. Nous apprenons d'ailleurs par Le Figaro qu'il a avoué, le 19 mai seulement, avoir commis avec le directeur du cabinet du préfet l'attentat du 7 mars à la paillote de l'Aria Marina ! Vous, vous ne saviez rien, tout simplement parce que vous ne vouliez rien savoir ! Ou bien vous saviez et vous ne l'avez pas dit à l'Assemblée nationale ! Et pour ces deux raisons-là, soit que vous ayez su, soit que vous n'ayez pas voulu le dire, vous devez être sanctionné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mais le Premier ministre, qui a tenu pourtant une réunion intergouvernementale avec des représentants de la direction générale de la gendarmerie nationale le 27 avril, après que M. Chevènement ait reçu le préfet Bonnet, ne dit rien non plus et réitère, au contraire, sa confiance dans le préfet Bonnet.

Monsieur le Premier ministre, le 28 avril, c'est-à-dire le lendemain de cette réunion intergouvernementale, où l'on traite de tous les problèmes, où vous auriez dû être informé, ne serait-ce que par le directeur général de la gendarmerie nationale, vous continuez à dire qu'il s'agit d'un dysfonctionnement interne, d'une affaire qui - et je reprends les propos du ministre de l'intérieur - « ne concerne pas le Gouvernement ».

Il faut, dit le ministre de la justice, préserver la présomption d'innocence. Le ministre de la défense parle de quelques « manquements individuels ». Et il essaie de faire croire à l'Assemblée qu'il s'agit là sans doute de quelques gendarmes, qui, la nuit, par accointance avec un restaurateur, pour lui faire toucher une assurance, sont allés mettre le feu à une paillote. Voilà ce qu'on vous a servi, mes chers collègues !

M. le ministre de la défense.

Mais non !

M. Laurent Dominati.

Mais si, monsieur le ministre !

M. le ministre de la défense.

C'est inexact !

M. Laurent Dominati.

C'est ce que vous avez dit ici même, et je reprends vos propos du 5 mai : « manquements individuels » ;...

M. le ministre de la défense.

C'est tout ce j'ai dit ! Tout le reste est de l'invention !

M. Laurent Dominati.

...

« ce n'est pas une affaire qui concerne le Gouvernement » ! Voilà ce que vous avez indiqué à l'Assemblée nationale.

J'ajoute que le Premier ministre lui-même, le 5 mai, tout en relevant finalement le préfet Bonnet de ses fonctions, indique qu'il le relève parce qu'il est dans l'impossibilité de les assumer - forcément, il est en prison ! mais que ce n'est pas une sanction. Ainsi, vous relevez le p réfet Bonnet, mais vous refusez toujours, à ce moment-là, de le sanctionner. C'est d'ailleurs très beau, monsieur le Premier ministre ! Ou plutôt ce serait très beau si vous aviez considéré que votre représentant n'était que votre représentant et que la responsabilité vous en incombait. Mais, en réalité, dans cette affaire, le Gouvernement, c'est le gouvernement des trois petits singes : « Je ne veux rien entendre des avertissements, je ne veux rien voir de ce que mes représentants ont fait et, surtout, je ne dirai rien. »

M. Yves Fromion.

Très bien !

M. Laurent Dominati.

Voilà l'attitude que vous avez eue.

Et la question qui vient à l'esprit est alors : comment peut-on avoir confiance dans un Gouvernement qui se veut à ce point irresponsable et qui n'assume pas l'action de ses agents ? Je voudrais d'ailleurs savoir ce que vous entendez par :

« Je compte assumer toutes mes responsabilités. » Car

c'est ce que vous avez dit au peuple français.

M. Pierre Carassus.

C'est ce qu'il fait !

M. Laurent Dominati.

Quel est donc votre conception de la responsabilité ? Il y a bien évidemment la responsabilité pénale. On ne souhaite pas vous traduire en Haute Cour. Vous, vous vous êtes précipité pour indiquer que les gendarmes, ainsi que le préfet, avaient droit à la présomption d'innocence.

Cela étant, vous avez immédiatement refusé la protection juridique de l'Etat à ses agents.

Vous avez bien évidemment fait bénéficier le préfet Bonnet de l'assistance Me Kiejmann, qui est au moins autant l'avocat du préfet que celui de la majorité socialiste et de votre gouvernement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Seulement, il est hors de question de faire bénéficier les gendarmes de la protection juridique de l'Etat. Pourquoi ? Parce que ce serait trop dangereux politiquement ! Votre principale crainte est précisément que l'on établisse un lien entre des gendarmes en fonction sous l'ordre d'un préfet et d'un colonel de gendarmerie et vous, qui n'êtes finalement que les ministres de la République et qui aviez simplement pour tâche de leur donner des instructions et de les contrôler.

Bien sûr, il y a aussi des sanctions administratives. Sans doute allez-vous sanctionner. Mais, surtout, que cela s'arrête au préfet ! Et puisque ces militaires vont être sanctionnés parce qu'ils n'ont pas respecté la règle militaire qui veut que l'on n'applique pas des ordres illégaux, je vais vous lire l'article 7 du règlement de discipline générale dans les armées, article intitulé : « Devoirs et responsabilités du chef ». Aux termes de l'article 7, cette responsabilité « ne peut être dégagée par la responsabilité propre des subordonnés ». Voilà ce que dit aussi la règle militaire, monsieur le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous devriez, vous, le ministre de la défense ou le ministre de l'intérieur, le relire. Car vous avez là une certaine conception de la responsabilité, oserai-je dire de l'honneur,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Alfred Recours.

Et le chef des armées, qui est-ce ?

M. Laurent Dominati.

... qui interdit d'accabler des fonctionnaires et des gendarmes tout en vous exonérant de toute responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Il y a enfin la responsabilité politique. Vous voulez que le peuple soit juge. Vous voulez que l'Assemblée soit juge. Elle le sera. Mais vous pourriez vous inspirer de quelques exemples : la Commission de Bruxelles, par exemple, qui a démissionné pour beaucoup moins que cela ! Elle a peut-être accompli des actes illégaux, mais elle n'a pas demandé à ses agents de les commettre pour elle. Vous pourriez également vous inspirer de la responsabilité des maires, de celle des chefs d'entreprise. Voilà un certain nombre d'exemples de responsabilités qui sont établies par la loi.

Monsieur le Premier ministre, je vous ai demandé quelle était votre conception de la responsabilité politique. Je souhaiterais savoir quelle est la sanction que vous vous infligez à vous-même. A part, « rien » ! Car, pour l'instant, c'est la seule réponse que nous avons obtenue.

Mais, au-delà de vous, il s'agit de savoir comment on va pouvoir restaurer la confiance dans l'Etat. Comment nos concitoyens pourront-ils à nouveau avoir confiance dans un Etat ? Comment pourrez-vous leur expliquer que vous allez restaurer la loi républicaine, restaurer l'Etat de droit, c'est-à-dire un Etat qui respecte lui-même le droit.

Il s'agit d'une affaire d'Etat, dans laquelle le Gouvernement ignorait tout, ignorait ce que faisaient ses représentants, même si, pendant des mois et des mois, le ministre et vous-même avez expliqué que le préfet Bonnet ne faisait qu'appliquer vos instructions.

Evidemment, lors du vote de cette motion de censure, vous aurez la majorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) C'est la règle. Mais je ne suis pas sûr que vous ayez pu conserver l'autorité morale qui est nécessaire quand on veut se faire respecter de ses concitoyens.

Un Premier ministre ne devrait pas avoir besoin d'avoir recours à sa majorité pour inspirer le respect et l'obéissance à la loi de la part de ses concitoyens !

M. Alfred Recours.

Les Français ont confiance !

M. Laurent Dominati.

Plus de trois semaines après les faits, après deux rapports - de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale des armées qui sont d'ailleurs déjà en partie infirmés par ce que l'on sait et par ce qui a été révélé, j'ai envie de vous dire : que savez-vous finalement du plan paillotes, du plan mitraillage, du plan bateaux,...

M. Alfred Recours.

Et du plan cagoules ?

M. Laurent Dominati.

... de la concurrence entre les différents services de police et de gendarmerie, des écoutes téléphoniques, du vol du dossier du préfet de police au ministère de l'intérieur, du cambriolage de l'appartement du directeur de cabinet en Corse ? Que savez-vous finalement de ces affaires-là, qui sont d'ext raordinaires coïncidences, sur un dossier qui vous concerne directement ? Un gouvernement qui ne sait pas ce que font ses représentants en Corse, que sait-il de ce que font ses représentants ailleurs ? Etes-vous informés, messieurs les membres du Gouvernement, de ce que font vos forces armées au Kosovo ? S'il arrive quelque chose au Kosovo demain, direz-vous : « Nous ne savons rien, ce ne sont pas les instructions que nous avons données, nous ne sommes pas responsables, car ce n'est pas ce que nous avons voulu. »

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Vos vociférations, mes chers collègues, ne sont pas des excuses pour le Premier ministre. Et réservez votre indignation face à cette « affaire de l'Etat ». Devant une telle carence du pouvoir exécutif, le pouvoir législatif se doit de le contrôler et de le sanctionner lorsqu'il ne veut pas prendre ses responsabilités.

(« Très bien » ! sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Chaque député devra en rendre compte. Si vous vous estimez solidaires de l'affaire des paillotes, libre à vous.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous, non ! Nous ne sommes pas solidaires d'un gouvernement qui n'assume pas ses responsabilités, qui est à ce point peu informé, et qui ne sait pas ce qui se passe dans un dossier qu'il a jugé comme étant prioritaire.

Bien évidemment, vous aurez toujours la majorité.

M. Yves Fromion.

Pas « toujours », heureusement !

M. Laurent Dominati.

Mais nous pensons que pour restaurer la confiance en l'Etat, notre pays a besoin d'un gouvernement qui contrôle son administration, selon l'article 21 de la Constitution. Nous estimons que nous avons besoin d'un gouvernement bien informé. Nous estimons que nous avons besoin d'un gouvernement responsable.

Nous n'avons pas seulement besoin d'un gouvernement habile, servi par l'opportunité de l'actualité. Nous avons besoin et le pays a besoin d'un gouvernement auquel on puisse faire confiance, notamment en cas de crise.

Mes chers collègues, l'honneur du Parlement et de votre majorité serait de dire :...

M. Pierre Carassus.

Il faut dissoudre !

M. Laurent Dominati.

... quand on est Premier ministre, on assume. Si vous voulez garder la majorité, changez de gouvernement, mais, au moins, celui-ci doit porter la responsabilité d'une affaire d'Etat.

Voilà pourquoi nous avons déposé cette motion de censure. Voilà pourquoi à la question de savoir si nous avons confiance en vous pour restaurer la confiance en l'Etat, le retour à la légalité républicaine et la confiance en l'Etat de droit, nous vous répondons : non ! Nous n'avons pas confiance en vous. Et c'est la raison pour laquelle nous voterons cette motion de censure. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe Radical, Citoyen et Vert, la parole est à M. Roland Carraz, dernier orateur inscrit.

M. Roland Carraz.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi d'abord, au nom du groupe RCV, de rendre hommage à la mémoire du préfet Erignac, grand serviteur de l'Etat, de saluer sa famille et de me réjouir du magnifique succès de cette enquête.

C'est une extrême satisfaction, c'est une grande victoire pour la France et pour la République. C'est aussi un tournant très important pour la Corse. Je souhaite, pour


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ma part, que, désormais, les assassins soient confondus et q u'ils soient lourdement et rapidement châtiés. La conduite de cette enquête est une preuve éclatante de la volonté de l'Etat de faire appliquer à tous et en toutes choses l'Etat de droit républicain et d'assurer en Corse, comme ailleurs, le respect des lois de la République.

Je souhaite également rendre hommage à l'action des agents de l'Etat, civils et militaires, qui assurent leur mission en Corse et qui vivent très difficilement les coups portés à l'autorité de l'Etat.

M. Yves Fromion.

Par qui ?

M. Roland Carraz.

Je souhaite enfin rendre hommage aujourd'hui aux juges, aux enquêteurs, aux policiers, aux gendarmes. C'est une très belle enquête, menée avec soin et efficacité.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Roland Carraz.

Beaucoup de choses ont été dites depuis le début de l'après-midi. Nous avons souvent été éloignés de l'essentiel, je veux dire de la République, trop souvent abaissée en Corse et trop souvent malmenée dans notre débat. Après avoir écouté les orateurs de l'opposition, je me demande en effet si la Corse ne reste pas pour beaucoup un alibi.

Un alibi d'abord pour attaquer le Gouvernement et sa majorité à quelques jours d'une élection nationale où vous jouez le tiercé dans le désordre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Robert Lamy.

Et vous ?

M. Roland Carraz.

Ce n'est pas vraiment une réussite, et l'on a rarement vu dépôt de motion de censure tomber aussi magnifiquement à plat.

M. Yves Fromion.

Pour les platitudes, vous êtes bon, cher collègue !

M. Roland Carraz.

Je m'interroge ensuite pour savoir si le dépôt de cette motion de censure n'est pas aussi un alibi pour ne pas affronter réellement les réalités locales de la Corse, ce que, dans le rapport Glavany, on a appelé

« le système corse », c'est-à-dire l'ensemble des dérives dont le constat a été dressé par tous, par toutes les familles politiques présentes au Parlement. En effet, mes chers collègues, nous avons approuvé à l'unanimité le contenu de ce rapport.

Mais un alibi également - et c'est une autre question que je pose - contre la République, la République une et indivisible, pour tous ceux qui, en Corse ou ailleurs, ne rêvent que d'abaisser la nation,...

M. Yves Fromion et M. Arnaud Lepercq.

Oh !

M. Roland Carraz.

... de dissoudre l'Etat dans le fédéralisme, de lui substituer le gouvernement des régions, de glorifier les particularismes politiques et les identités locales et de substituer à notre socle républicain tout à fait autre chose. M. Chevènement a eu tout à fait raison de poser la question de cette manière après les déclarations faites par M. Joseph Colombani, à Ajaccio, en référence au mur de Berlin. Le ministre de l'intérieur décla-r ait : « Voulons-nous laisser détruire la République française ? »

M. Yves Fromion.

On rêve !

M. Roland Carraz.

« Je ne veux pas qu'on la détruise, je ne veux pas qu'on balkanise la France. Le problème est posé. » Je crois, mes chers collègues, que ces problèmes,

celui de la violence en premier lieu, sont effectivement posés. Notre devoir de représentants de la nation est de les aborder, tant il vrai que le fil rouge de notre débat est bien celui de la restauration ou de l'affaiblissement de l'autorité de l'Etat.

Je voudrais d'abord m'adresser à l'opposition, qui a pris l'initiative de déposer cette motion de censure, initiative qui se retourne « en direct » contre elle, sous nos yeux.

M. Jacques Pélissard.

C'est « votre » avis !

M. Roland Carraz.

Mes chers collègues, si cette motion de censure devait porter un titre, on aurait pu l'appeler

« motion d'oubli », destinée à faire oublier à bon compte vos désunions, vos agissements d'hier et d'aujourd'hui en Corse, votre incapacité à définir une alternative crédible à la politique conduite par le Gouvernement et enfin des propositions totalement opposées sur l'avenir institutionnel de la Corse. Donc, on aurait pu appeler cette motion : « motion d'oubli ».

Mais, à la réflexion, après avoir écouté M. Sarkozy, je pense qu'il aurait fallu dire : « motion d'oubli et de bêtise ». Comment être bête au point de penser que, par l'intermédiaire d'une telle motion de censure, vous alliez être en mesure de faire oublier l'implosion de l'Alliance, vos échecs en Rhône-Alpes, vos grandes et vos petites compromissions avec le Front national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Comment pensez-vous être capable de faire oublier votre fiasco politique, les proches amis du Président de la République torpillant la présidence du RPR, le capitaine Séguin...

M. Jacques Pélissard.

Vous êtes hors sujet !

M. Roland Carraz.

... quittant le navire d'un parti gaulliste en perdition et définitivement noyé dans la « sauce » libérale ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arthur Dehaine.

Cela n'a rien à voir avec la question.

M. Roland Carraz.

S'il y a un fiasco à constater, mesdames et messieurs de l'opposition, ce n'est pas celui du Gouvernement. C'est celui, monsieur Sarkozy ! de l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Arthur Dehaine.

Hors sujet ! Ce que vous racontez est hors sujet !

M. Roland Carraz.

Et je pense que c'est aussi une vraie bêtise que de tenter de faire oublier votre propre action en Corse. S'il y a un sujet où, par décence comme par prudence, vous n'auriez pas dû vous aventurer à travers la censure, c'est bien la Corse,...

M. Yves Fromion.

Oh ! là ! là !

M. Roland Carraz.

... tant vous ne sortez pas grandis de votre propre histoire insulaire.

Et cela, monsieur Rossi, c'est une vraie bêtise. Si vous voulez quelques rappels, je vais vous en livrer quelquesuns, qui viendront compléter les épisodes qui ont été évoqués précédemment.

Il y eut la grotesque et inacceptable mise en scène de Tralonca, un beau soir de janvier en Corse, à la veille de la visite sur l'île du ministre de l'intérieur de l'époque. Je


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vous dis ce que je pense, mes chers collègues : Tralonca, c'est un chef-d'oeuvre de renoncement, c'est le modèle absolu de l'abaissement de la République. C'était en 1996, et c'était vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Arthur Dehaine.

Cela ne vous exonère pas de vos responsabilités ! Revenez au sujet !

M. Roland Carraz.

J'ai trouvé M. Sarkozy bien imprudent. Et, s'il était encore sur son banc, je lui dirais que s'il avait une leçon de morale à donner à quelqu'un, ce n'est pas au Premier ministre, mais bien plutôt à M. Debré. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Vous qui êtes l'opposition, vous avez aussi un devoir d e responsabilité devant le peuple et devant la République. Vous êtes, vous aussi, en première ligne,...

M. Yves Fromion.

Ah bon ?

M. Roland Carraz.

... comme le disait tout à l'heure M. Sarkozy. Vous croyez vous attaquer au seul gouvernement alors que vous affaiblissez, par vos outrances, l'Etat.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Lamy.

Cela va être de notre faute !

M. Roland Carraz.

Le Mouvement des Citoyens, pour sa part, a trop de respect pour la République pour ne pas reconnaître que depuis de longues années en Corse, et sous différents gouvernements, l'Etat a été trop souvent méprisé. Si vous réfléchissiez vraiment à l'intérêt gé néral et - si vous me permettez ce conseil - à votre propre intérêt, vous cesseriez ce jeu dangereux...

M. Arnaud Lepercq.

On n'a pas besoin de vos conseils !

M. Roland Carraz.

... et cette surenchère.

Oui, je pense, chers collègues de l'opposition, qu'avoir déposé cette motion de censure est une vraie bêtise.

D'autres rappels sont peut-être nécessaires. Vous avez couvert et vous couvrez encore en Corse beaucoup trop de choses. Vous adoptez aujourd'hui plutôt un profil bas, mais vous avez accepté dans l'île, à travers vos élus, beaucoup trop de compromissions et de renoncements ! Que dire du pacte passé à l'assemblée territoriale de Corse entre M. Rossi et les nationalistes de Corsica Nazione, qui, à ma connaissance, est la vitrine légale du FLNC et qui n'a pas encore condamné la violence ! Est-ce vraiment acceptable ? Etiez-vous vraiment obligé, monsieur Rossi, de créer une commission Europe et d'en confier la présidence à M. Talamoni ? Etiez-vous obligé, avec votre collègue M. Léotard, d'intervenir pour empêcher l'application d'une décision de justice de 1995 ordonnant la destruction des paillotes illégales ?

M. José Rossi.

Je peux vous répondre, si vous voulez !

M. Francis Delattre.

Et que faisait M. Zuccarelli ? M. Roland Carraz. Mes chers collègues, je pense que sur ce dossier, c'est Mme Victoire Canale qui a raison. Il faut la suivre lorsqu'elle déclare que la paillote n'est pas l'avenir de la Corse, qu'elle est le symbole d'une économie parallèle, d'une économie de prédateurs qui accaparent le domaine public...

M. Arnaud Lepercq.

Ce n'est pas une raison pour y mettre le feu !

M. Roland Carraz.

... au profit exclusif de quelquesuns, d'une économie fondée sur les rapports de force, sur la loi de la jungle, sur la loi des armes, que nous subissons quotidiennement et dont nous ne voulons pas. Voilà ce que nous devrions combattre tous ensemble.

Ce sentiment est partagé par une large majorité de Corses, sur laquelle il faut s'appuyer pour poursuivre la politique de reconquête républicaine et mettre fin à la violence et aux menaces que font peser tous ceux qui, depuis plus de vingt ans, rackettent cette île et n'hésitent pas à aller jusqu'au crime, y compris le plus abject et le plus odieux, ceux que - la liste est longue - la destruction de la paillote a indiscutablement rendus heureux parce qu'ils espèrent le retour de l'impunité, ceux qui osaient faire applaudir, il y a quelques jours à peine, un an après la disparition du préfet Erignac, le cri scandaleux

« Etat assassin »,...

M. Arnaud Lepercq.

Ça, c'est scandaleux, un Etat assassin !

M. Roland Carraz.

... ceux qui sautent de joie chaque fois que l'Etat peut être affaibli et que l'unité de la République est menacée, ceux qui n'ont jamais admis, au fond d'eux-mêmes, qu'une politique nouvelle était enfin initiée en Corse, rompant avec les grandes et petites lâchetés du passé.

Me permettant de porter le débat sur un autre plan, je souligne que votre motion de censure est également une bêtise parce qu'elle met en évidence les très graves antagonismes existant entre vos différents groupes sur l'avenir institutionnel de l'île, je dirai même sur la conception de la République. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quoi de commun, en effet, entre les authentiques représentants de la droite républicaine qui sont encore présents dans cet hémicycle - il en reste quelques-uns (Rires sur les bancs du groupe socialiste) - et ceux qui, comme M. Rossi, pensent qu'il faut aller vers l'autonomie ? Si vous n'êtes pas d'accord, demandons à M. Séguin et à M. Pasqua de vous départager. (Sourires.)

M. Gérard Saumade.

Très bien !

M. Roland Carraz.

Quoi de commun entre ceux qui, comme M. Madelin, expliquent que la République est une vieille lune, née d'une erreur historique de la pensée politique, et qui rêvent d'une Europe où le droit des

Etats s'effacerait devant la protection des minorités et ceux qui, comme M. Bayrou, avec une très grande continuité d'ailleurs, travaillent à l'avènement du fédéralisme et sont convaincus que le système de pouvoir actuellement utilisé en France est excessivement centralisé et, par voie de conséquence, inadapté à la situation insulaire ? M. Francis Delattre. Vous n'avez rien compris !

M. Roland Carraz.

Vous estimez peut-être que tout cela est gérable. Je pense qu'il s'agit d'une politique corse à géométrie variable.

On voit bien que votre motion de censure n'a qu'un but : cacher l'essentiel, faire oublier les résultats concrets obtenus par le Gouvernement en Corse.

Mesdames, messieurs de l'opposition, l'opposition n'est pas une fin en soi. Vous devriez donc admettre que, depuis la déclaration de politique générale du Premier ministre, en juin 1997, la position de l'Etat face à la réa-


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lité corse a changé. Je dois d'ailleurs reconnaître que M. Juppé avait déjà effectué une correction de tir à la suite de l'attentat de Bordeaux en octobre 1996.

M. Alain Juppé.

C'était avant !

M. Francis Delattre.

C'est parce qu'il avait changé la ligne politique que l'attentat avait été perpétré !

M. Roland Carraz.

Il avait compris que l'Etat avait été excessivement abaissé.

Le bilan de l'action menée par le Gouvernement depuis quinze mois est une baisse des trafics, une réduction du nombre des attentats, une augmentation des interpellations, la mise en cause de personnalités politiques de l'île. Je ne vois donc pas, monsieur Sarkozy, où est l'échec de quinze mois de gouvernement en Corse.

Vous ne parviendrez pas non plus - ultime objectif sans dout de votre motion de censure - à faire diversion, quelques jours avant les élections européennes, pour occulter le bilan de l'équipe Jospin.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

L'avenir jugera !

M. Roland Carraz.

Vous avez sans doute eu cette arrière-pensée, mais c'est raté.

M. Pierre Lequiller.

C'est votre discours qui est raté !

M. Roland Carraz.

En l'occurrence, monsieur Sarkozy, le plus ridicule dans cette affaire, c'est vous ! Je voudrais surtout que nous essayons, mes chers collègues, de tirer avec le Gouvernement quelques enseignements de cette affaire.

Je veux d'abord souligner que le groupe RCV...

M. Arnaud Lepercq.

Cette nébuleuse !

M. Roland Carraz.

... estime que le Gouvernement a fait son devoir avec une sincérité, une rapidité et une transparence exemplaires.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Vous n'en croyez pas un mot !

M. Roland Carraz.

Pourquoi ne pas admettre - cela serait pourtant très simple - que, dès que le Gouvernement a appris la gravité des faits, il a pris très rapidement les mesures qui s'imposaient...

M. Arnaud Lepercq.

Il a trouvé immédiatement les assassins !

M. Roland Carraz.

... vis-à-vis des fonctionnaires impliqués. Il n'a mis aucune entrave sur le chemin de la justice, dont l'action ultra-rapide est sans précédent. Comment nier que le Gouvernement a reconnu qu'il s'agissait d'un coup dur et condamné le dérapage imbécile qui fait le jeu de tous ceux qui n'ont que mépris pour la loi ? Au nom du groupe RCV, je tiens donc à vous féliciter, monsieur le Premier ministre, vous qui n'avez pas caché la réalité, ainsi que les principaux ministres concernés : Mme Guigou, M. Chevènement, M. Richard (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Arnaud Lepercq.

N'en jetez plus ! La coupe est pleine !

M. Bernard Schreiner.

C'est l'encensoir !

M. Roland Carraz.

... qui mettent collectivement en oeuvre en Corse la politique du Gouvernement exposée dans la déclaration de politique générale du Premier ministre du 19 juin 1997, et dont l'objectif est d'assurer l'Etat de droit et le respect de la loi républicaine.

L'opposition sait bien que sa ligne d'attaque contre le Gouvernement ne tient pas la route, car les résultats sont éclatants.

M. Pierre Lequiller.

C'est vous qui ne tenez pas la route !

M. Roland Carraz.

M. Dominati a évoqué les trois petits singes et je ne sais pas trop qui il visait.

M. Pierre Lequiller.

Vous représentez bien les trois !

M. Roland Carraz.

J'ai plutôt l'impression qu'il incarne les trois petits singes à lui tout seul : il est l'ami de M. Rossi ; il se refuse à voir ce qui se passe en Corse ; enfin, il prétend défendre la République.

L'affaire de la paillote révèle, dans toutes ses dimensions, un énorme besoin de République. Nos compatriotes attendent que les élus de la nation fassent preuve, sur le dossier corse, d'une volonté ferme pour soutenir une politique indiscutable et nécessaire : celle de l'Etat de droit. Ce qui est en cause, c'est l'unité de la nation, c'est la République une et indivisible, c'est l'idée de la France comme communauté de citoyens. Ce dont a besoin la Corse, c'est de l'Etat et de la République, de l'exigence de la vertu républicaine qui s'impose à tous.

Il faut aussi combattre très clairement le racisme anticorse. Je me refuse donc à enfermer les Corses dans une sorte de problématique ethnique. Il convient au contraire de leur rendre hommage pour ce qu'ils ont apporté de meilleur à la communauté nationale.

En conclusion, monsieur le Premier ministre, je viens vous apporter le soutien du groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Pierre Lequiller.

Cela fait deux fois !

M. Roland Carraz.

Ses membres approuvent en effet la politique conduite en Corse par le Gouvernement depuis la déclaration de politique générale ainsi que les décisions qu'il a prises sans tarder dès le début de l'affaire de la paillote. Il est absolument indispensable de poursuivre cette action.

Vous avez donc raison de le souligner, monsieur le Premier ministre, et de répéter que votre volonté n'a pas fléchi, que vous maintiendrez le cap de l'Etat de droit.

Dans cet esprit, il convient d'ailleurs de faire appliquer les décisions de justice concernant les paillotes, monsieur Rossi, ainsi que toutes les autres. Cela est indispensable si l'on veut sortir la Corse de l'ornière.

Je ne pense pas, monsieur Rossi, que l'avenir de l'île soit dans une nouvelle modification institutionnelle. Travailler sur un nouveau statut nous ramènerait en arrière.

Il existe certes des dysfonctionnements en Corse et il faut les corriger.

M. Arnaud Lepercq.

Une bonne correction !

M. Roland Carraz.

La solution passe, en toutes choses, par le retour aux principes républicains, au civisme, au rejet de la violence et par la mise en oeuvre d'une politique économique très forte en « mettant le turbo. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

Monsieur le Premier ministre, dans quelques minutes, cette motion de censure, inutile et dépassée...

M. Renaud Muselier.

C'est vous qui êtes « dépassé » !

M. Roland Carraz.

... par les événements, sera repoussée, à la grande confusion de l'opposition. Une page est tournée en Corse. Les meilleures conditions sont désormais assurées...

M. Arnaud Lepercq.

Il y en a encore beaucoup !

M. Roland Carraz.

... pour la restauration de l'Etat de droit. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Demain comme hier, le groupe Radical, Citoyen et Vert sera à vos côtés pour que vive la Corse dans la République française une et indivisible.

En effet, mes chers collègues, y compris de l'opposition, au travers de la Corse, c'est aussi une certaine idée de la République et donc de la France qui est en cause.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne peux aujourd'hui commencer mon intervention sans saluer les résultats majeurs obtenus par la justice et la police et qui ont abouti, après un travail patient, minutieux et remarquable, auquel je veux rendre hommage, à l'arrestation et aux aveux de plusieurs auteurs présumés de l'assassinat du préfet Erignac. Tous les Français se réjouiront de ce coup porté à la violence criminelle, de cette avancée décisive d'une enquête difficile, de ce succès pour l'Etat de droit.

En ce moment même, je pense à Claude Erignac, à l'homme qu'il fut et que j'ai connu dès sa jeunesse, au grand serviteur de l'Etat. Je pense à son épouse, à ses enfants, à sa famille. L'engagement pris devant eux et devant les Français il y a plus d'un an aura été tenu.

J'en viens maintenant, mesdames et messieurs, à ce qui fait l'objet du débat d'aujourd'hui : la motion de censure.

Les groupes appartenant à l'opposition ont en effet déposé une motion de censure contre le Gouvernement à propos de l'incendie d'une paillote sur le littoral corse. Ils ont voulu, à propos de cette destruction illégale, à la fois insensée et dérisoire, lancer une offensive politique contre le Gouvernement. Ils ont estimé qu'après deux ans d'exercice de l'action gouvernementale, ce pouvait être là le motif, la justification d'une censure du Gouvernement.

C'est leur choix. La représentation nationale en sera juge et, à travers elle, le pays tout entier. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

La responsabilité que vous mettez en cause, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, qu'elle soit politique ou individuelle, se résume en deux impératifs : répondre à ceux qui interpellent, répondre de ses actes.

Etre responsable, pour un chef de gouvernement, c'est d'abord répondre aux interpellations du Parlement.

M. Arnaud Lepercq.

C'est un peu court !

M. le Premier ministre.

Or, en trois semaines, les ministres compétents et moi-même avons répondu à vingt-cinq questions sur cette affaire. Je me suis exprimé personnellement devant vous à cinq reprises. Nous avons donné à chaque fois toutes les informations dont nous disposions. Cette attitude traduit le respect dû aux représentants de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Depuis deux ans, d'ailleurs, j'ai tenu à répondre avecr égularité à vos questions, deux années au cours desquelles le Gouvernement n'a jamais eu recours à l'article 49, alinéa 3, de notre Constitution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), deux années au cours desquelles j'ai tenu à ce que l'information de l'Assemblée nationale, comme celle du Sénat, soit rapide et complète, et d'abord sur les questions les plus graves, telles que l'engagement de la France au Kosovo.

Cette volonté de donner toute sa place au dialogue avec le Parlement est bien l'une des caractéristiques de la pratique politique de ce gouvernement.

Je vous réponds donc aujourd'hui avec sérénité, détermination et fermeté.

D'abord parce que les fautes commises ne sont pas le fait de mon gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Ponce Pilate !

M. le Premier ministre.

Je reviendrai sur ce point essentiel dans quelques instants.

Ensuite parce que vos performances passées en Corse...

M. Arnaud Lepercq.

Et celles de M. Defferre et de M. Joxe ?

M. le Premier ministre.

... ne vous désignent pas exactement comme les meilleurs donneurs de leçons. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Arnaud Lepercq.

Vous avez la mémoire sélective !

M. le Premier ministre.

Enfin parce que vous êtes bien en peine d'indiquer aux Français quelle serait votre politique en Corse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arthur Dehaine.

C'est vous qui gouvernez !

M. le Premier ministre.

Rappelons les faits.

Dans la nuit du 19 au 20 avril 1999, une paillote a été détruite par un incendie volontaire. Plusieurs gradés de la gendarmerie ont reconnu être les auteurs de cet acte et le préfet de Corse a été mis en cause par leurs déclarations.

Personne ne peut sérieusement imaginer que mon gouvernement ait pu ordonner, inspirer, connaître ou « couvrir » une telle action.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

C'est trop facile !

M. François Vannson.

C'est la faute à Giscard !

M. le Premier ministre.

Car l'incendie de la paillote, cet acte condamnable et condamné, est en vérité la négation pure et simple de la politique que nous avons entendu mener en Corse et que nous continuerons à conduire : celle de l'application de la loi républicaine.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemble-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

ment pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilbert Meyer.

Vous avez laissé faire !

M. Pierre Lellouche.

Plus blanc que blanc !

M. le Premier ministre.

Pour justifier votre motion de censure, vous avez conçu la théorie d'un enchaînement des responsabilités qui serait mécanique,...

M. Gilbert Meyer.

C'est la règle républicaine !

M. le Premier ministre.

... allant du gendarme au capitaine, du capitaine au colonel, du colonel au préfet, du préfet au ministre, et du ministre au Premier ministre.

M. Arnaud Lepercq.

C'est ça « l'honneur de la République » !

M. Jean Auclair.

Il a tout compris !

M. le Premier ministre.

Cette construction aboutit à l'effacement même de la notion de responsabilité.

M. Christophe Caresche.

Très bien !

M. le Premier ministre.

La responsabilité personnelle de chacun dans l'ordre de sa fonction et de sa mission est irréductible. C'est pourquoi aussi l'erreur individuelle ne doit pas rejaillir sur tout un corps.

M. Arthur Dehaine.

C'est une construction hasardeuse !

M. le Premier ministre.

L' Histoire nous apprend que lorsque la responsabilité individuelle s'efface, la démocratie se délite.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

La responsabilité d'un gouvernement se mesure donc à l'aune de sa politique et des actes qu'il accomplit luimême ou ordonne, et non d'après des manquements individuels qui les contredisent.

Mesdames, messieurs les députés, je le revendique avec la plus grande netteté : dans cette affaire, le Gouvernement assume toutes ses responsabilités.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilbert Meyer.

Lesquelles puisque vous n'êtes responsable de rien ?

M. le Premier ministre.

J'y viens.

Assumer ses responsabilités, c'est d'abord contribuer pleinement, dans le cadre de ses compétences, à la recherche de la vérité. C'est ce que nous faisons.

Dès les faits connus, deux enquêtes administratives ont été immédiatement diligentées. L'inspecteur général des armées Capdepont a analysé les conditions de fonctionnement et de contrôle du groupement de pelotons de sécurité,...

M. Francis Delattre.

C'est avant qu'il fallait le faire !

M. le Premier ministre.

... dit GPS.

M. Arnaud Lepercq.

Que vous avez créé !

M. le Premier ministre.

A cet égard, je rappelle que cette structure locale de la gendarmerie n'a pas été créée clandestinement, comme certains le prétendent. Elle est au contraire mentionnée explicitement dans votre rapport d'enquête parlementaire sur la Corse du 3 septembre 1998.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants),...

M. Pascal Clément.

Donc, vous êtes responsable !

M. le Premier ministre.

... adopté à l'unanimité, où l'on peut lire, après mention du GPS,...

M. Jean-Paul Charié.

Vous jouez avec les mots !

M. le Premier ministre.

... que le « renforcement [...] de la gendarmerie par des éléments spécialisés constitue un impératif ».

M. Jean-Louis Debré.

Nous n'avons pas approuvé le rapport.

M. Eric Doligé.

Ce n'est pas « notre » rapport.

M. le Premier ministre.

Un inspecteur général de l'administration, M. Limodin, a fait le même travail d'examen en ce qui concerne les services de la préfecture de Corse.

Leurs deux rapports ont été immédiatement rendus publics.

Assumer ses responsabilités, c'est prendre rapidement les décisions qui s'imposent. C'est ce que nous avons fait :...

M. Gilbert Meyer.

C'est aussi assumer les bêtises des autres !

M. le Premier ministre.

... suspension dès le 28 avril des militaires mis en cause, dissolution dès le 5 mai du groupement de pelotons de sécurité,...

M. Pierre Lellouche.

Quel aveu !

M. le Premier ministre.

... remplacement du préfet Bonnet par le préfet Lacroix.

Assumer ses responsabilités lorsque se produit une défaillance, c'est en tirer des enseignements. C'est ce que nous faisons.

M. Arthur Dehaine.

C'était un minimum !

M. le Premier ministre.

J'ai demandé au ministre de l'intérieur et au ministre de la défense de me présenter des propositions pour assurer un meilleur contrôle des services, notamment par un renforcement des inspections.

M. Jean-Michel Ferrand.

C'est le moins ! Il était temps !

M. le Premier ministre.

Je reste néanmoins convaincu qu'aucun contrôle ne pourra jamais prévenir totalement des actes dissimulés et que leur nature même rend imprévisibles.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Pas à ce niveau !

M. Renaud Muselier.

C'est grave !

M. le Premier ministre.

Dans les toutes prochaines semaines, je rappellerai personnellement au corps préfectoral, aux gendarmes et aux policiers qu'ils ont la confiance du Gouvernement et que la confiance que nos concitoyens leur accordent à juste titre suppose qu'ils soient irréprochables dans le respect de la loi. Je leur rappellerai aussi que nul n'est jamais contraint d'obéir à un ordre manifestement illégal, mais que chacun a le devoir de le refuser, en en appelant, si nécessaire, à l'autorité supérieure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Pierre Lellouche.

C'est déjà dans le code des armées !

M. Jean-Michel Ferrand.

Tous coupables, sauf lui !

M. François Vannson.

Quelle avancée extraordinaire !

M. le Premier ministre.

Assumer ses responsabilités, mesdames, messieurs, c'est aussi, face à un événement de cette nature, s'exprimer de manière responsable.

(« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) C'est agir de la façon la plus maîtrisée possible, dans le respect de l'Etat et des corps qui le servent, dans le respect de la dignité des personnes, dans le respect de la présomption d'innocence.

Telle est la règle de conduite que le Gouvernement s'est fixée depuis le début de cette affaire face aux insinuations, face aux spéculations, face aux outrances.

Quelles que soient les mises en cause d'aujourd'hui, je ne veux pas oublier le courage de ceux qui, après l'assassinat du préfet Erignac, ont accepté une mission très difficile, dans des conditions périlleuses,...

M. Francis Delattre.

Ils se sont brûlé les doigts !

M. le Premier ministre.

... ni le travail qu'ils ont accompli.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

De même que vous ne devriez pas oublier que, au-delà du dysfonctionnement constaté, ce qui est en cause en Corse aujourd'hui, c'est le refus de la violence, l'établissement de l'Etat de droit et l'unité de la République. Cela exige de tous des comportements responsables.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Et d'abord de l'Etat !

M. le Premier ministre.

Assumer ses responsabilités, c'est faire pleinement confiance à la justice pour l'établissement de la vérité. C'est ce que nous faisons.

La justice remplit sa tâche de façon libre et indépendante. Elle agit sans subir la moindre pression. Ainsi se manifeste, dans cette affaire comme dans les autres, le respect scrupuleux de l'indépendance de la justice qui prévaut depuis deux années. Et c'est aussi parce que les Français savent que la justice peut agir aujourd'hui en toute indépendance que vos critiques, mesdames, messieurs de l'opposition, portent peu - et vous le savez bien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Quand, hier, vous nous reprochiez de n'avoir pas élucidé les conditions de l'assassinat du préfet Erignac ou quand, aujourd'hui, vous nous accusez d'avoir accéléré les procédures, vous affectez d'ignorer que le Gouvernement n'est pas maître de l'enquête judiciaire. Vous persistez à confondre le pouvoir exécutif et l'autorité judiciaire. C'est ce que nous ne faisons pas.

(Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Alors, pourquoi des enquêtes parallèles ? Si vous aviez laissé travailler la police, on aurait trouvé les coupables plus tôt !

M. le Premier ministre.

Mesdames et messieurs les députés, voilà comment nous avons assumé toutes nosr esponsabilités. Ainsi voudrais-je maintenant rappeler l'action conduite en Corse depuis deux ans.

Certains semblent vouloir qu'on leur indique qui est en charge du dossier corse au sein du Gouvernement.

M. François Vannson.

Personne !

M. le Premier ministre.

La réponse à ce questionnement factice est simple : le Gouvernement lui-même. Il n'y a pas de ministre de la Corse au sein de mon gouvernement. Il n'y a pas de conseiller pour la Corse au sein de mon cabinet. Chaque membre du Gouvernement exerce pour la Corse, comme pour toutes les régions de la République, les responsabilités qui relèvent de ses compétences ministérielles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Et ça marche bien, on le voit !

M. François Vannson.

Tout le monde est donc coupable !

M. le Premier ministre.

Lors de ma déclaration de politique générale en juin 1997, j'ai proposé aux Français de nouer un pacte : un pacte républicain,...

M. Arnaud Lepercq.

Un PACS !

M. le Premier ministre.

... un pacte de développement et de solidarité. Ce pacte concerne tous nos concitoyens.

Notre politique en Corse est donc globale et claire.

Elle consiste d'abord à appliquer la loi républicaine.

Nous le faisons avec détermination,...

M. Pierre Lellouche.

Avec le bonheur que l'on sait !

M. le Premier ministre.

... pour les Corses, qui, dans leur grande majorité, aspirent à l'Etat de droit. Nous avons combattu le crime, les dérives mafieuses, l'utilisation de la violence. Nous avons lutté contre les comportements gravement délictueux, en particulier la délinquance économique. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Nous avons cherché à réduire les manquements à la loi. Et, sur ce dernier plan, que je n'amalgame pas avec les autres, j'ai souhaité que cette politique soit conduite avec fermeté mais avec mesure, avec conviction et souci du dialogue. Je sais que le nouveau préfet de Corse mènera son action dans cet esprit, avec la volonté de faire a ppliquer fermement et sereinement les lois de la République.

Notre politique consiste ensuite à aider le développement économique et social de l'île. Nous voulons que les Corses puissent trouver sur l'île les moyens de bâtir leur avenir et celui de leurs enfants. Car la Corse dispose de vrais atouts. Son agriculture est riche de produits de qualité. Son patrimoine naturel est propice au développement touristique. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui permettent aujourd'hui de surmonter les obstacles du relief, de l'insularité et de l'éloignement des marchés, ouvrent la voie à un réseau de PME à forte valeur ajoutée. Tous ces atouts doivent être valorisés. Ils le seront mieux encore grâce au contrat de plan dont la négociation s'engage.

Nous voulons enfin favoriser l'épanouissement de la personnalité de l'île. Le Gouvernement a souhaité signer la Charte du Conseil de l'Europe sur les langues régionales et les cultures minoritaires.

M. Michel Terrot.

Ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux !

M. le Premier ministre.

Il espère qu'elle sera ratifiée au plus tôt, après la décision du Conseil constitutionnel, que le Président de la République a voulu saisir. Le recteur


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

d'académie travaille avec la collectivité territoriale de Corse à un plan de développement de la langue et de la culture corses.

Mme Nicole Catala.

Cela va faire avancer les choses !

M. le Premier ministre.

Cette politique a commencé à porter ses fruits.

M. Pascal Clément. Ah oui !

M. le Premier ministre.

La criminalité et l'insécurité reculent. En une année, le nombre d'attentats a été divisé par trois. Les vols à main armée ont diminué des deux tiers. Le taux d'élucidation des enquêtes a été porté à u n niveau supérieur à la moyenne nationale.

M. Arnaud Lepercq.

Combien de gendarmes par habitant ?

M. le Premier ministre.

Il faut poursuivre dans ce sens.

Mais, dès maintenant, je tiens à saluer les efforts réalisés et les succès obtenus par l'administration, la police et la gendarmerie en Corse.

La fraude régresse. Les taux de recouvrement des prélèvements s'améliorent, qu'il s'agisse de la TVA, de l'impôt sur le revenu ou des cotisations sociales.

M. François Sauvadet.

Bref, tout va bien !

M. Renaud Muselier.

Rappelez Bonnet !

M. François Vannson.

Libérez Bonnet !

M. le Premier ministre.

Le travail au noir est en diminution. Le détournement des allocations sociales et des subventions, notamment à l'agriculture, également. Un terme a été mis à d'importantes dérives préjudiciables à l'avenir de l'agriculture corse. Le contrôle de légalité, en particulier en matière d'environnement, est désormais normalement appliqué. Cette orientation sera maintenue.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Renaud Muselier.

Bravo Bonnet !

M. le Premier ministre.

L'économie retrouve son dynamisme. La fréquentation touristique est en hausse. Le chômage diminue, comme dans le reste de la France.

M. Laurent Dominati.

Bravo Rossi !

M. le Premier ministre.

Les créations d'entreprises sont plus nombreuses. Elles se font désormais sur des bases plus saines.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Tout va bien !

M. Eric Doligé.

Tout va très bien !

M. Patrick Ollier.

Merci, Juppé, pour la zone franche !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie !

M. le Premier ministre.

Il faut accélérer ce mouvement, en favorisant les filières de formation dont l'île a besoin : gestion de PME, techniques agricoles, professions du tourisme, en aidant la production et la commercialisation de produits agricoles reconnus par des labels et des appellations d'origine contrôlée, en améliorant les infrastructures nécessaires aux entreprises : liaisons routières, dessertes maritimes et aériennes avec le continent.

M. Jean Auclair.

Ce n'est plus un Premier ministre, c'est un dictionnaire !

M. le Premier ministre.

Tout cela concerne l'avenir de la Corse et des Corses. Je pense que cela mérite mieux que vos grognements ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. Francis Delattre.

C'est très bien, mais ce n'est pas grâce à vous !

M. le Premier ministre.

L'action culturelle peut connaître un renouveau. Le Gouvernement est prêt à s'engager en ce sens, aux côtés des responsables corses.

Diffusion de la langue corse à travers des classes bilingues, la double signalisation, le soutien à l'édition, réhabilitation du patrimoine architectural, création de maisons d'art et de parcs naturels :...

M. Arthur Dehaine.

C'est une véritable campagne électorale !

M. le Premier ministre.

... voilà des perspectives qui appellent la mobilisation de tous les élus, des forces socioéconomiques, du monde associatif.

Parce qu'elle est soucieuse de la personnalité de la Corse comme du respect de la loi,...

M. Arthur Dehaine.

Fort bien !

M. le Premier ministre.

... parce qu'elle est conforme à l'esprit de la République, parce qu'elle répond aux besoins de l'île, nous poursuivrons cette politique.

Je veux, mesdames et messieurs les députés,...

M. François Vannson.

Libérer Bonnet !

M. le Premier ministre.

... aborder maintenant sans détour la question institutionnelle, souvent évoquée ces derniers temps, et plus précisément ce que certains appellent l'autonomie.

Le statut de 1991 a représenté une avancée, que personne ne conteste. Il reste que huit années de mise en oeuvre ont laissé apparaître des imperfections, des insuffisances. Sa modification est parfois envisagée. Le Gouvernement ne l'écarte pas par principe.

Mais je tiens à être clair : le premier problème de la Corse aujourd'hui n'est pas celui de son statut.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. le Premier ministre.

Le premier problème, c'est celui de la violence qui déchire l'île : les menaces, les p lasticages, le racket, les braquages, les assassinats.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Les incendies !

M. le Premier ministre.

Une modification statutaire ne résoudrait en rien la question de la violence en Corse.

Toute modification statutaire en revanche serait ruinée par la violence.

Aucune discussion institutionnelle ne peut avoir lieu sous la menace de la violence. Dans une démocratie comme la nôtre, la violence comme mode d'action politique ne peut être acceptée. La question posée aujourd'hui à tous en Corse, mais d'abord à ceux qui la pratiquent ou l'excusent, est bien celle de la renonciation définitive à la violence.

Cette renonciation est un préalable. Si des questions institutionnelles doivent être évoquées, elles le seront seulement une fois le calme durablement revenu, au grand jour, hors de tout chantage à la violence, sans conciliabule secret, avec tous les élus de la Corse, sous le regard de tous, des Corses comme de tous nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mesdames, messieurs les députés, il y a un seul Etat de droit en France, celui de la République, auquel se dévouent, jour après jour, tous ceux qui y concourent,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

n otamment l'ensemble des fonctionnaires d'autorité, qu'ils soient civils ou militaires. Quelques défaillances individuelles ne doivent pas nous le faire oublier.

Cet Etat de droit, nous l'avons, en deux années, approfondi. Nous avons engagé une réforme sans précédent de la justice, afin qu'à l'avenir celle-ci soit préservée de toute intervention du pouvoir politique - ce que nous avons déjà assuré dans les faits. Nous avons créé une commission nationale indépendante chargée de mettre un terme aux pratiques qui ont entaché l'utilisation du « secret défense », afin de garantir un meilleur équilibre entre la protection des intérêts fondamentaux de la nation et le bon fonctionnement de la justice. Nous créons une autorité administrative indépendante destinée à veiller au respect des règles de déontologie par les services en charge de la sécurité. Je constate d'ailleurs, pour le regretter, que l'opposition a voté contre ce projet de loi en première lecture.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très juste !

M. François Vannson.

On peut vous rappeler l'époque où vous étiez dans l'opposition ! Vous ne vous rendez pas compte !

M. le Premier ministre.

Nous avons donné une impulsion nouvelle à la participation de la France au processus diplomatique qui a débouché à Rome sur la création d'une Cour pénale internationale chargée de punir les violations les plus graves des Droits de l'homme. Le Parlement se réunira en Congrès le 28 juin prochain pour adopter la révision constitutionnelle nécessaire.

Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, après plusieurs semaines d'hésitation et de contradictions, vous êtes parvenus à vous retrouver le temps d'une motion de censure.

M. Gilbert Meyer.

Vos propos ne sont pas glorieux !

M. le Premier ministre.

Mais pourriez-vous vous mettre d'accord pour agir ensemble ? Nous savons que non.

M. Arthur Dehaine.

Quelle prétention !

M. le Premier ministre.

L'établissement de l'Etat de droit ? L'autonomie de l'île ? Les relations avec les nationalistes ? Pour vous avoir entendus au cours de ces dernières semaines, et encore pendant ce débat, nous constatons qu'il s'agit là d'autant de questions de fond sur lesquelles se manifestent votre ambiguïté et vos divisions.

M. Arthur Dehaine.

Expliquez-nous votre alliance avec les communistes !

M. le Premier ministre.

C'est pourquoi les Français, qui savent combien la situation est difficile en Corse, ne vous approuvent pas de la rendre, pour des motifs étroitement partisans, plus malaisée encore.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Eh oui !

M. le Premier ministre.

Il y a un peu plus d'un an, vous aviez déjà voulu censurer le Gouvernement en mettant en cause sa politique économique et sociale, supposée mal préparer le pays à l'euro. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les faits ne vous ont pas donné raison ! Vous avez choisi pour votre seconde motion de censure un autre registre. Je crains que, cette fois encore, vous n'ayez manqué de sagacité.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Depuis deux années, la France s'est affirmée, pour la première fois depuis bien longtemps, comme la locomotive de la croissance en Europe (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), deux années au cours desquelles le chômage a reculé à un rythme significatif, le pouvoir d'achat a connu sa plus forte hausse depuis dix ans, l'inflation est restée maîtrisée au plus bas niveau.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Briand.

Regardez ce qui se passe en Espagne !

M. Jean-Michel Ferrand.

Il est encore plus nul qu'Ayrault !

M. le Premier ministre.

Dans le même temps, la confiance du pays s'est affermie,...

M. François Vannson.

Et hop !

M. le Premier ministre.

... les finances de la France ont été redressées (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), l'euro réalisé (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs), la construction de l'Europe réorientée vers l'emploi,...

M. Arnaud Lepercq.

Et les impôts ? Ils « baissent » sans doute !

M. le Premier ministre.

... de grandes opérations industrielles indispensables au développement et parfois même à la survie de nos entreprises engagées,...

M. François Vannson.

Comme à Vilvorde !

M. le Premier ministre.

... l'innovation encouragée, le retard de la France dans la révolution des technologies de l'information en voie d'être comblé.

M. Pierre Lellouche.

C'est une mauvaise pub !

M. le Premier ministre.

De grandes réformes de société ont été entreprises - justice, parité hommes-femmes, PACS -, la paix en Nouvelle-Calédonie consolidée, la modernisation de la vie politique engagée, une politique cohérente de lutte contre l'insécurité affirmée.

M. Pierre Lellouche.

... la météo améliorée !

M. François d'Aubert.

« Tout va très bien, madame la marquise ! »

M. le Premier ministre.

Enfin, nos engagements ont été tenus, grâce à un gouvernement sérieux et qui travaille avec le soutien résolu et les initiatives utiles d'une majorité à laquelle je veux rendre hommage.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette oeuvre de réforme sera poursuivie.

M. Arnaud Lepercq.

Cocorico !

M. le Premier ministre.

De nouveaux projets l'attestent. La couverture maladie universelle, contre laquelle vous vous êtes, là encore, prononcés négativement,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

M. Alain Barrau.

Très juste !

M. François Vannson.

Et vous, sous l'ancien gouvernement ?

M. le Premier ministre.

... constituera un progrès social majeur pour des centaines de milliers de nos concitoyens.

La seconde loi sur les 35 heures renforcera la lutte contre le chômage.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Vous-même n'y croyez pas !

M. François Vannson.

Gadget !

M. le Premier ministre.

La réforme de l'audiovisuel public, dont l'Assemblée nationale débat en ce moment, affirmera ses missions, assurera les moyens de son développement et garantira le pluralisme. Sur un grand sujet de société, le Parlement, par l'adoption de notre projet de loi, a doté notre pays des moyens d'une lutte déterminée contre le dopage, cette tricherie qui détruit les athlètes et viole l'idéal sportif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. François Vannson.

Et la Coupe du monde ?

M. le Premier ministre.

La première loi sur la transparence en matière de nucléaire sera présentée prochainement en conseil des ministres.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Et la Coupe du monde ?

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues !

M. le Premier ministre.

Beaucoup a déjà été accompli,...

M. Arnaud Lepercq.

Cocorico !

M. Jean-Michel Ferrand.

Rien n'est trop beau !

M. le Premier ministre.

... je laisse à Jacquet, à Zidane et aux autres ce qui leur appartient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Beaucoup a déjà été accompli, mais, mesdames, messieurs les députés, je suis conscient de tout ce qui reste encore à faire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Jean-Michel Ferrand.

Il a parlé des paillotes ?

M. le Premier ministre.

... tout au long de la législature pour que soit pleinement mis en oeuvre le pacte républicain, le pacte de développement et de solidarité que nous avons voulu pour la France. Face à cette motion de censure, je sais que la majorité de l'Assemblée nationale,...

M. Jean-Michel Ferrand.

Ils ont trop peur des élections !

M. le Premier ministre.

... comme, j'en suis convaincu, la majorité des Français, voudra que cette tâche soit poursuivie et menée à bien. Elle le sera. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert se lèvent et applaudissent très longuement.)

M. Jean-Michel Ferrand.

Ils applaudissent les paillotes !

M. le président.

La discussion est close.

VOTE PAR SCRUTIN PUBLIC A LA TRIBUNE

M. le président.

Je vais mettre aux voix la motion de censure.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

....................................................................

En application de l'article 65 du règlement, il doit être procédé au vote par scrutin public à la tribune. Conformément à l'article 66, paragaphe II, le vote aura lieu, par appel nominal, au moyen de l'urne électronique placée sur la tribune.

Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin.

Ils monteront à la tribune à l'appel de leur nom et remettront aux secrétaires un bulletin de couleur blanche.

Les titulaires d'une délégation de vote devront remettre aux secrétaires, dans les mêmes conditions, un bulletin de couleur blanche au nom de leur délégant. J'insiste sur ce point : le vote du délégant doit être exprimé au moyen de son propre bulletin.

Je précise que les délégations de vote doivent avoir été enregistrées avant l'annonce du scrutin.

Afin de faciliter le déroulement ordonné du scrutin, j'invite instamment nos collègues à ne monter à la tribune qu'à l'appel de leur nom ou de celui de leur délégant.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal.

(Le sort désigne la lettre K.)

M. le président.

Le scrutin est ouvert.

Il sera clos dans quarante-cinq minutes, soit à dix-neuf heures quarante-cinq.

(Le scrutin est ouvert à dix-neuf heures.)

M. le président.

Messieurs les huissiers, veuillez commencer l'appel nominal.

(L'appel nominal a lieu.)

M. le président.

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Je vais proclamer le résultat du scrutin constaté par les secrétaires.

J'invite nos collègues à regagner leurs places.

Voici le résultat du scrutin : Majorité requise pour l'adoption de la motion de censure ...........................

289 Pour l'adoption .........................

252 La majorité requise n'étant pas atteinte, la motion de censure n'est pas adoptée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi (no 1187 et lettre rectificative no 1541) modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : M. Didier Mathus, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1578) ; M. Yves Cochet, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis no 1586).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 25 MAI 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du 25 mai 1999 SCRUTIN (no 167) sur la motion de censure, déposée en application de l'article 49, ali néa 2, de la Constitution par MM. Douste-Blazy, Debré, Rossi et 83 de leurs collègues.

Majorité requise ...........................................

289 Pour .............................................................

252 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe R.P.R. (138) : P our : 136. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc , Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , JeanMichel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre D elalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Patrick Devedjian , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Jean-Pierre Dupont , Nicolas Dupont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , F rançois Fillon , Roland Francisci , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , JeanClaude Guibal , Lucien Guichon , François Guillaume , Jean-Jacques Guillet , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain J uppé , Jacques Kossowski , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , JeanClaude Lemoine , Arnaud Lepercq , Jacques Limouzy , Lionnel Luca , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Pierre Petit , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raim ond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean T iberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vann-s on , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 67. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme MarieThérèse Boisseau , MM. Jean-Louis Borloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Yves Bur , Dominique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe Daubresse , JeanClaude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , Renaud Dutreil , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Valéry Giscard d'Estaing , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry Jean-Baptiste , JeanJ acques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , Jean-Antoine Leonetti , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Hervé Morin , Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Marc Reymann , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin , JeanJacques Weber et Pierre-André Wiltzer

Groupe Democratie liberale et independants (44) : Pour : 44. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Bernard Deflesselles , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin Non inscrits (5).

Pour : 5. - MM. Marc Dumoulin , Charles Millon , JeanPierre Soisson , André Thien Ah Koon et Philippe de Villiers