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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 MAI 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

1. Double imposition des bailleurs. - Discussion d'une proposition de loi (p. 5037).

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5039)

M.

Jean-Claude Guibal, Mme Jacqueline Fraysse,

MM. Germain Gengenwin, Jérôme Cahuzac, Gilbert Gantier.

Clôture de la discussion générale.

MM. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget ; le rapporteur.

VOTE SUR LE PASSAGE À LA DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5049)

MM. Georges Tron, le secrétaire d'Etat.

L'Assemblée, consultée, décide de ne pas passer à la discussion des articles ; la proposition de loi n'est pas adoptée.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 5049).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

DOUBLE IMPOSITION DES BAILLEURS Discussion d'une proposition de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Delalande et plusieurs de ses collègues tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour l'exercice 1999 (nos 1557, 1602).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, mes chers collègues, si nous avons décidé, avec M. Bernard Pons, M. Jean-Louis Debré et l'ensemble de mes collègues du groupe RPR de déposer la proposition de loi que nous examinons ce matin, c'est d'abord pour réparer l'injustice introduite par l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998, dont sont victimes les bailleurs personnes physiques, à la suite de la création de la contribution représentative du droit de bail et de la taxe additionnelle qui a été substituée aux anciens droit de bail et taxe additionnelle dont elles reprennent cependant, en tout point, les mêmes caractéristiques et le même taux.

Après avoir indiqué les raisons de cette injustice et les modalités par lesquelles nous proposons d'y remédier, je vous dirai, dans un second temps, qu'au-delà de la technique dans laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, vous cherchez à embourber le débat pour l'esquiver - débat toujours clarifiable cependant -, c'est plus la conception que vous vous faites de l'administration, d'une part, et des relations entre l'Etat et les citoyens, d'autre part, qui est en cause.

D'abord, il convient de réparer une injustice et, pour cela, de bien clarifier le débat.

Comment peut-on qualifier, mes chers collègues, une même imposition, payée deux fois sur la même assiette - en l'occurrence celle des loyers réglés, en principe, du 1er janvier au 30 septembre 1998 - sinon de double imposition ? Cela relève du bon sens. En l'occurrence, en effet, le dégrèvement de la seconde est imputable non pas immédiatement sur le paiement de la suivante, mais seulement en fin de bail. D'ailleurs, si vous avez prévu un dégrèvement, même remboursé longtemps après, c'est bien la preuve qu'il y a paiement indu par le bailleur, donc double imposition. Sinon, pourquoi auriez-vous envisagé cela ? Le ministère des finances n'est pas à ce point philanthrope ! A preuve, il n'y a pas eu de tollé des représentants des personnes morales bailleurs, redevables de l'impôt sur les sociétés, puisque vous avez prévu, pour elles, le dégrèvement de l'impôt payé la deuxième fois, dès la première année. A preuve encore, l'essai de neutralisation en cas de décès du bailleur personne physique, de reprise ou de vente du local, d'interruption du bail pour une durée d'au moins neuf mois non consécutifs. A preuve enfin, pour les spécialistes, l'absence de codification pour les redevables de l'impôt sur les sociétés et une codification permanente pour les redevables de l'impôt sur le revenu.

Certes, le dispositif est neutre pour le locataire, mais il ne l'est pas pour le bailleur soumis à l'impôt sur le revenu, payeur et, dans certains cas, collecteur d'impôt.

Certes, pour le redevable, le dispositif ne conduit pas à acquitter, la même année, l'ancien droit de bail, la taxe additionnelle et les nouvelles contributions représentatives de droit de bail. Cependant le dégrèvement compensatoire de l'impôt payé deux fois sur la même assiette ne sera remboursé par l'Etat qu'en fin de bail, c'est à dire dans trois, cinq, dix, quinze, vingt ans, on ne sait et, qui plus est, en francs courants et non en francs constants, c'est-à-dire que la valeur du dégrèvement sera d'autant moins élevée que le bail sera long ! Vous pouviez neutraliser cet effet pervers de multiples façons : en prévoyant le remboursement au bout d'un an ou de trois ans, en faisant payer 50 % de l'impôt à la mi-1999, en diminuant le nombre de mois d'assiette retenu comme base de la deuxième imposition. Mais vous avez choisi la pire des solutions pour le contribuable : celle du remboursement en fin de bail.

Ironie supplémentaire, vous pénalisez ainsi les bailleurs de longue durée dans le même temps où vous instituez une taxe sur les locaux vides dans le cadre de la loi de lutte contre l'exclusion. Reconnaissez qu'on peut légitimement se demander à quel saint se vouer lorsqu'on est bailleur personne physique : mon local est vide, je paie, mon local est loué, je paie encore et toujours ! En fait vous avez choisi cette solution, la plus coûteuse pour le contribuable, parce que l'objectif affiché de simplification administrative est d'abord un souci, interne à l'administration, de paperasserie : l'administration aura, en effet, 5 millions de formulaires à traiter et à archiver en moins. Au demeurant il s'agit d'une bonne idée, mais elles est malheureusement gâchée par sa mise en oeuvre puisque vous ne voulez pas que l'Etat assure la charge de cette réforme, alors qu'il en est, à travers vous, monsieur le secrétaire d'Etat, le seul décisionnaire et le principal bénéficiaire.

Ainsi, le mécanisme que vous avez adopté est triplement injuste : injuste pour le redevable de l'impôt sur le revenu par rapport au redevable de l'impôt sur les sociétés ; d'autant plus injuste pour le redevable de l'impôt sur le revenu que le bail dure longtemps ; injuste pour les


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personnes physiques qui n'auront pas loué durant neuf mois au cours de l'année 1998 et qui pourtant paieront l'impôt pour ces neuf mois.

Pour en finir avec les arguments de mauvaise foi qui ont souvent été assénés dans ce débat, je tiens à soulign er que, si nous ne contestons pas la décision du Conseil constitutionnel.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

C'est heureux !

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur...

bien qu'il raisonne tantôt en fait, tantôt en principe selon les questions qu'il aborde. En tout état de cause, cela ne signifie pas que le dispositif choisi par vous ne soit pas perfectible, comme je l'ai déjà montré en proposant plusieurs autres solutions, par ailleurs développées dans mon rapport écrit.

Celle que nous avons choisie retient, comme base de l'impôt payable en 1999, les trois derniers mois de l'année 1998. Elle est la plus juste du point de vue du contribuable. Il est vrai qu'elle a un coût pour l'Etat.

C'est la raison pour laquelle nous sommes tenus de prévoir un gage pour respecter l'article 40 de notre Constitution et notre procédure parlementaire.

Toutefois il convient aussitôt de noter que le dispositif que nous proposons n'engendre pas de perte de recettes fiscales pour l'Etat mais seulement un décalage de trésorerie de 7 milliards de francs. C'est lui que nous couvrons par notre gage. Encore celui-ci pouvait-il être étalé sur deux ans, sur la base même de la décision du Conseil constitutionnel, en distinguant, une année, les redevables de l'impôt sur les sociétés pour un montant vraisemblablement de l'ordre de 3 milliards de francs, toujours en trésorerie et, une autre année, ceux redevables de l'impôt sur le revenu pour environ 4 milliards de francs.

Vous n'avez pas retenu cette solution non plus.

En réalité, vous voulez faire payer la réforme de l'administration par le contribuable, car la simplification administrative est d'abord utile à l'administration. En effet, pour le contribuable, remplir trois feuillets préimprimés, dont deux avec un carbone est ennuyeux mais pas tragique, cela ne lui prend pas beaucoup de temps.

En tout cas la suppression de cette formalité n'a pas un intérêt tel que sa suppression ait pour conséquence le remboursement en fin de bail seulement, c'est-à-dire avec une monnaie forcément dépréciée.

En fait, ce qui est au coeur du débat, au-delà de la technique, c'est bien la conception que vous avez de votre administration et des relations entre l'Etat et les contribuables.

En ce qui concerne d'abord l'administration, monsieur le secrétaire d'Etat, je n'en veux pas au fonctionnaire qui, compte tenu de la demande du Gouvernement d'une réforme de simplification administrative qui coûte le moins possible à l'Etat, a remis sa copie. Cette solution est plutôt astucieuse, intelligente et, vue de l'administration, j'en féliciterais volontier son auteur.

Seulement, le service public n'est pas d'abord le service de l'administration mais le service du public ! Si le Gouvernerment voulait réaliser une réforme pour le bien du public, non seulement il ne devait pas la lui faire payer, mais, en outre, il devait choisir la meilleure solution pour le contribuable d'abord, et seulement ensuite pour l'administration.

Le bon sens administratif n'est pas toujours le bon sens populaire. Il appartient au Gouvernement d'être en phase avec ce dernier et de le mettre en oeuvre.

Une preuve supplémentaire - s'il en fallait - qu'il existe un problème est donnée par le fait que, outre trois questions d'actualité et l'élaboration d'une proposition de loi de Pierre Hellier, député de la Sarthe, que je souhaite associer à notre démarche, vous avez été destinataire, monsieur le secrétaire d'Etat, de 156 questions écrites - dont aucune, à ce jour, n'a reçu de réponse - émanant de tous les groupes parlementaires et pas seulement, bien qu'elle ait été la plus pugnace, de l'opposition : deux du groupe communiste, huit du groupe RCV, quarantequatre du groupe socialiste dont, excusez du peu, celles de MM. François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, Raymond Forni, premier vice-président de l'Assemblée nationale, Jack Lang, président de la commis-s ion des affaires étrangères, mais aussi nombre de membres éminents de la commission des finances, parmi l esquels MM. Jean-Pierre Balligand, Gérard Fuchs, Jacques Guyard, Thierry Carcenac, Alain Rodet...

M. Germain Gengenwin.

Du beau monde !

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Tous se tromperaient-ils monsieur le secrétaire d'Etat, et, jusque dans vos rangs, tout le monde aurait-il tort, vous seul ayant raison contre toute évidence ? Si l'on ajoute que, de l'aveu même du rapporteur général de la commission des finances, la réforme n'a été à a ucun moment négociée avec les professionnels, reconnaissez que cela fait beaucoup.

Cependant il y a pire : ce choix révèle plus encore l'état de sujétion, pour ne pas parler de mépris, dans lequel sont tenus nos concitoyens bailleurs redevables de l'impôt sur le revenu.

En espérant qu'ils ne verront pas immédiatement la perte qui résultera pour eux de votre décision, dans le cas où, bien qu'ils n'aient pas loué leur bien pendant neuf mois en 1998, ils paieront la totalité de la taxe sans avoir perçu le montant des loyers correspondants ou dans celui où, le bail durant longtemps, ils ne seront remboursés que de sommes inférieures en francs courants à celles qu'ils auront versées quelques années plus tôt, vous les prenez pour des sujets incapables de comprendre la subtilité de votre raisonnement.

En outre, votre mécanisme entretiendra un sentiment de mécontentement et de frustration des bailleurs personnes physiques sur la longue période - il sera d'autant plus grand que le bail s'éteindra tard - donc le malentendu avec l'Etat et le sentiment d'être floué par lui.

Nos concitoyens nourrissent déjà une forte suspicion à l'égard de la capacité de leurs gouvernants, en ces périodes de grandes mutations, à maîtriser les évolutions.

Par votre décision, vous leur suggérez qu'il leur faut au surplus se méfier en permanence des subtiles décisions de l'Etat, s'ils ne veulent pas être bernés. Est-ce vraiment la meilleure façon de restaurer la confiance de nos concitoyens en l'Etat ? En somme, le débat se résume, comme dans le théâtre classique, à une scène dans laquelle le Gouvernement dirait tout haut au bailleur : « Vous ne m'avez rien demandé, mais je veux votre bien », et, tout bas, à part :

« A vrai dire, c'est beaucoup plus le mien que le vôtre. »

Puis, de nouveau tout haut : « Et le bien que je vous fais, vous allez le payer », ajoutant, tout bas : « Ainsi, moi, principal bénéficiaire, je gagne sur toute la ligne ; j'ai moins de paperasserie et c'est le contribuable qui paie. »

Reconnaissez que cela est intenable ! Je suis sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez vous élever au-dessus de la technique pour atteindre le bons sens populaire, que vous saurez dépasser le strict


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amour-propre gouvernemental pour atteindre l'intérêt général. Admettez que, dans une telle affaire, le fait que ce soit l'opposition qui soulève et présente le problème ne suffit pas à justifier que l'on en rejette l'examen.

Il n'incombe pas aux bailleurs de payer vos réformes, vos astuces et vos erreurs de jugement, et si, comme je l'espère, vous permettez qu'on discute de notre proposition de loi, non seulement personne ne vous en voudra, mais vous vous honoreriez à reconnaître votre erreur et à mettre un terme à cette injustice. Au-delà, même si un certain mal est déjà fait, vous contribueriez, un peu, à restaurer la crédibilité de l'Etat.

C'est pourquoi, bien que, à la demande du rapporteur général, la majorité socialiste des membres de la commis-s ion des finances ait préconisé, en application de l'article 94 du règlement de notre assemblée, sans doute dans un excès de révérence majoritaire, que les articles de notre proposition de loi ne soient pas examinés, je vous incite, monsieur le secrétaire d'Etat, à en autoriser et à lever le gage correspondant.

Ainsi, vous montreriez au pays qu'il n'est pas interdit au Gouvernement - comme le suggérait M. Edouard Balladur la semaine dernière, à la représentation nationale, de s'élever, de temps à autre, au-dessus de certains intérêts, fussent-ils de nature politique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Guibal.

M. Jean-Claude Guibal.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, toute mesure qui vise à simplifier les formalités administratives, à les alléger et, par là même, à faciliter la vie de nos concitoyens est bonne. Voilà une opinion qui, au moins dans son principe, fait l'unanimité et qui, au moins dans les discours, est partagée par chacun d'entre nous, à quelque famille politique qu'il appartienne. L'Etat lui-même, qui cherche à améliorer les services rendus aux administrés essaie de la mettre en application. Il y parvient parfois.

Tel n'est malheureusement pas le cas de la réforme du droit de bail puisque vous êtes parvenu, monsieur le secrétaire d'Etat, à transformer, à l'occasion de la loi de finances rectificative pour 1998, un objectif louable, celui de simplifier ce droit, en une injustice flagrante, celle qui consiste à surimposer certains contribuables.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Eh, oui !

M. Jean-Claude Guibal.

Votre intention, monsieur le secrétaire d'Etat, je me plais à le redire, était la bonne dès lors qu'il s'agissait de simplifier les obligations déclaratives des bailleurs et d'aboutir à la suppression de plus de cinq millions de déclarations. Tout le monde y a gagné : les contribuables, bien sûr, mais aussi les services fiscaux.

Il en va d'ailleurs ainsi chaque fois que sont supprimées des formalités inutiles.

Nul ici ne conteste le bien-fondé de cette réforme dont les rapporteurs généraux de la commission des finances de l'Assemblée nationale et de celle du Sénat avaient rappelé la nécessité. Le calendrier de l'ancienne déclaration de droit de bail, ses bases d'imposition, les modalités de sa mise en oeuvre constituaient un ensemble complexe et parfois incohérent. Une simplification et une clarification s'imposaient. Vous les avez réalisées et chacun s'en réjouit.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mais...

M. Jean-Claude Guibal.

Seulement voilà, en toute chose, il y a l'art et la manière et, en toute chose, il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions. Il faut aussi se préoccuper du modus operandi, vérifier qu'il ne recèle pas d'effet pervers, s'assurer, pour tout dire, qu'il n'aboutit pas à autre chose que ce que l'on souhaitait.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Eh, oui !

M. Jean-Claude Guibal.

C'est en tout cas ce que l'on espère.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Bien sûr !

M. Jean-Claude Guibal.

Or, en l'occurrence, que s'est-il passé ? L'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 a supprimé le droit de bail et sa taxe additionnelle. Il les a remplacés par deux contributions représentatives de ce droit et de cette taxe, recouvrées selon les modalités de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés selon le régime fiscal dont relève le bailleur. L'assiette et les taux de ces nouvelles contributions sont demeurés identiques à ceux des taxes supprimées, seule la date d'imputation a changé.

Tout cela eut été parfait si vous n'aviez pas omis de prendre en compte les conséquences de la transition que vous avez conçue pour passer de l'ancien au nouveau système.

Les conditions dans lesquelles vous avez organisé cette substitution aboutissent en effet à ce que les loyers du 1er janvier au 30 septembre 1998 servent d'assiette à la fois à l'ancien droit de bail et à sa taxe additionnelle, et à la nouvelle contribution représentative de ce droit et de cette taxe.

Les bailleurs qui ont acquitté en novembre dernier le montant de leur droit de bail et de sa taxe additionnelle pour les neuf premiers mois de l'année 1998 vont donc voir leurs contributions représentatives pour l'exercice 1999 calculées sur la base de leurs revenus locatifs de la totalité de l'année 1998, y compris, je le répète, les neuf premiers mois de celle-ci.

Ce sont là des faits, monsieur le secrétaire d'Etat, et la manière dont on les qualifie n'y change rien : la prise en compte, dans les bases d'imposition des contributions de droit de bail pour 1999, des neuf premiers mois de 1998 pourtant déjà taxés, ne peut, en effet, s'analyser autrement que comme une double imposition.

Certes, le Conseil Constitutionnel s'est prononcé sur l'article 12.

Certes, ses membres ont estimé qu'il n'instituait pas une double imposition, mais au seul motif que les bailleurs n'acquittent l'impôt sur le droit de bail qu'une seule fois par année civile.

C'est là une analyse juridique, avec ce qu'elle implique de formalisme. Mais, quel que soit son bien-fondé, elle ne peut pas occulter le fait que, dans la réalité comptable, la seule qui intéresse les contribuables, les assujettis au droit de bail devront payer cette année sur neuf mois de plus qu'ils ne le devraient.

Du reste, le Conseil Constitutionnel n'a à aucun moment écarté la possibilité pour le Parlement de corriger l'article 12 incriminé, de l'améliorer, de le modifier.

Les Sages ont admis le dispositif que vous avez mis au


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point, monsieur le secrétaire d'Etat, pour l'unique mais bonne raison qu'il n'est pas anticonstitutionnel. Cela ne vous autorise pas pour autant à léser les bailleurs. Cela ne vous retire en rien ni la faculté ni le devoir de défaire ce qui a été mal fait.

D'ailleurs, qu'importe l'erreur si l'on sait la reconnaître et si l'on accepte de la corriger ?

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Absolument.

M. Jean-Claude Guibal.

Il suffit pour cela d'un peu d'honnêteté, d'un peu de courage et d'un peu d'humilité, toutes vertus dont on vous sait capable.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Tout à fait.

M. Jean-Claude Guibal.

Alors, pourquoi cette obstination à ne pas vouloir admettre ce qui n'est en fin de compte qu'un « raté » ? Pourquoi maintenir que le débat est clos quand il peut se poursuivre et que la justice fiscale en même temps que la confiance dans l'Etat sont en jeu ? Pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, vous retranchez-vous derrière une décision du Conseil constitutionnel qui s'en est tenu, comme il se doit, à une stricte approche juridique, pour refuser de faire droit au bon sens et à l'équité ?

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Très juste.

M. Jean-Claude Guibal. Comment pouvez-vous faire fi de l'émotion suscitée jusqu'au sein de votre majorité par cette disposition inique ?

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

C'est incompréhensible !

M. Jean-Claude Guibal.

Notre collègue Delalande disait à l'instant que 156 questions écrites vous ont été posées au sujet de cette double imposition dont 53 émanent de députés de votre majorité.

Comment formuler notre propos pour vous faire comprendre qu'il ne s'agit pas là d'une querelle partisane mais d'un souci, du reste largement partagé, de corriger une erreur « technique », erreur que nous ne demandons qu'à croire involontaire, pour réparer une injustice fiscale.

Cela étant, convenez qu'il nous faut faire preuve d'une certaine dose de bonne volonté pour envisager que cette erreur puisse être involontaire, puisque le texte même de l'article 12 met en évidence que ses rédacteurs étaient conscients de la matérialité de cette double imposition.

Le texte ne dispose-t-il pas, en effet, qu'en cas de cessation de location d'au moins neuf mois de l'immeuble taxé, le Trésor remboursera au propriétaire sa contribution ? Ne prévoit-il pas également la possibilité pour les personnes morales bailleurs, de réduire spontanément leur contribution lorsque leurs recettes prévisibles de location pour l'année d'imposition risquent d'être inférieures à l'évaluation qu'en aura faite le Trésor ? Et ceci sur le fondement de la déclaration des recettes perçues à ce titre pour l'année 1998 lors de la déclaration de l'impôt sur les sociétés.

Ces correctifs sont, me semble-t-il, un aveu du « vice de fabrication » qui entache votre texte. Pour autant, ils ne le suppriment en aucune façon et se limitent à en neutraliser les effets dans certaines conditions du reste très particulières.

Je le répète, nul, parmi nous, n'a contesté que cet article 12 était très probablement le fruit d'une de ces erreurs « techniques » comme il peut s'en produire quand il est laissé libre cours à la seule inspiration technocratique. C'est le mal de l'Etat d'aujourd'hui que de se laisser déborder par une administration qu'il ne maîtrise ni ne contrôle suffisamment. C'est la faiblesse du politique d'aujourd'hui que de craindre, quand il gouverne, de se mettre ses services « à dos ». Et c'est la dérive naturelle des bureaux - aujourd'hui plus encore qu'hier - que de perdre le contact avec la réalité vécue par l'administré pour s'enfermer dans une sphère qui, progressivement, acquiert son autonomie.

C'est ainsi, en suivant cette ligne de plus grande pente, que la démocratie s'étiole et que le citoyen perd confiance dans l'Etat et plus généralement dans la politique.

Dans le cas qui nous occupe, monsieur le secrétaire d'Etat, nous préférons ne pas douter que vous n'ayez pas voulu imposer deux fois les bailleurs personnes physiques.

Nous ne vous imputons de ce fait pas une faute mais seulement une erreur. Avouez que ce n'est pas une défaite politique que de reconnaître une erreur. Au contraire, cela vous grandirait en mettant en cohérence vos actes et vos valeurs. Cela honorerait le Gouvernement que vous servez. Cela rétablirait la confiance des Français dans leur

Etat. Cela les réconcilierait avec la politique. Tout ce que je dis là, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat. Pourtant, jusqu'à aujourd'hui, vous avez obstinément refusé de reconnaître qu'il y a erreur et tout aussi obstinément refusé d'en corriger les effets.

Nous ne pouvons pas ne pas nous poser de questions.

Nous nous interrogeons sur ce qui motive une telle obstination. Nous allons même jusqu'à nous demander si nous ne faisons pas preuve d'une bienveillance coupable en ne retenant que l'hypothèse de l'erreur. Nous en viendrions presque, je vous l'avoue, à nous dire que, s'il ne s'agissait à l'origine que d'une erreur, le refus de la reconnaître constituerait, sans doute, une faute.

Car, enfin, pourquoi une telle obstination ? Le Gouvernement se tient-il pour infaillible ? Considère-t-il qu'il a raison, en toutes circonstances, que ses décisions, quelles qu'elles soient, sont sacrées et donc indiscutables ? Si tel était le cas, il ne ferait que creuser davantage le fossé qui le sépare des citoyens. Il n'est pas bon pour la démocratie que l'Etat invoque la transparence et ne la pratique pas, qu'il proclame préférer le dialogue mais se contente d'en mettre en scène le simulacre. En cette matière comme en d'autres, les effets d'annonce qui ne se traduisent pas en actes produisent à terme des conséquences calamiteuses.

Se pourrait-il aussi que ce gouvernement estime n'avoir de leçon à recevoir de personne, et encore moins de l'opposition au seul motif qu'elle est minoritaire ? Ayant choisi la posture du donneur de leçons, pourrait-il avoir du mal à inverser les rôles ? Ou bien encore serait-il imaginable qu'il ait conservé d'anciens réflexes, de type idéologique, qui le rendraient pour le moins indifférent au sort des propriétaires ? C'est là une interprétation d'un autre âge, me direz-vous. Sans doute, mais, alors, pourquoi les seules victimes de votre « erreur » sont-elles les p ropriétaires-bailleurs personnes physiques ? Eux se posent la question.

Il existe enfin une autre explication, qui n'est d'ailleurs pas exclusive des précédentes, et qui a le mérite de la substantialité puisqu'elle vaut quelque 7 milliards de francs. Voilà en effet une erreur qui engendrera une recette fiscale supplémentaire de près de 7 milliards de francs et - nous le savons et vous le savez mieux que quiconque - cela compte dans un budget. Mais 7 milliards de recettes supplémentaires, c'est aussi 7 milliards de


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francs prélevés indûment sur les assujettis au droit de bail. Il s'agit certes d'une somme provisoire en trésorerie, mais Jean-Pierre Delalande a démontré tout à l'heure que le délai pouvait être long.

Si vous considérez que l'Etat ne peut pas se priver d'une telle somme parce qu'elle est importante, comment pourriez-vous ne pas vous émouvoir de la gravité de l'injustice dont sont de ce fait victimes les bailleurs ? Comment pourriez-vous continuer à refuser de corriger le dispositif que vous avez conçu ? Comment pourriez-vous continuer à refuser de supprimer la double imposition qui en résulte ? Puisque le Gouvernement a voulu démontrer qu'il avait compris la nécessité de simplifier les formalités administratives auxquelles étaient soumis les bailleurs, nous voulons croire qu'il soutiendra, au-delà de toute polémique, la proposition de loi présentée par le groupe RPR afin d'éviter cette double imposition.

En proposant à titre transitoire pour l'année 1999 que les deux nouvelles contributions dues par les bailleurs soient calculées sur la base des revenus locatifs perçus pour les mois d'octobre, novembre et décembre 1998, nous proposons une mesure simple et juste. Une mesure qui, au nom de l'égalité devant la loi et devant l'impôt, au nom du simple bon sens, redresse les erreurs d'évaluations fiscales dont sont aujourd'hui victimes les propriétaires-bailleurs.

M onsieur le ministre, il n'y a aucune honte à commettre une erreur, qui plus est lorsqu'il s'agit d'une erreur « technique ». Mais il serait regrettable qu'à force d'entêtement, certe erreur « technique » devienne une erreur « politique ». (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi défendue aujourd'hui par le groupe RPR affirme l'urgente nécessité d'adapter, dans les meilleurs délais, les dispositions adoptées lors de la loi de finances rectificative pour 1998 portant réforme du droit de bail et de la taxe additionnelle.

Cette réforme, approuvée dans son principe sur tous l es bancs, avait pour objectif de supprimer, dès l'année 1999, les obligations déclaratives particulières au droit de bail dont devaient s'acquitter chaque année les bailleurs.

Son application a permis de supprimer plus de cinq millions de déclarations et d'alléger d'autant le travail des services fiscaux, ce qui ne peut qu'être salué.

Une des autres avancées de cette réforme a été de définir une base d'imposition plus claire, plus compréhensible pour tous et, en définitive, plus juste, dans la mesure où ne sont désormais pris en compte dans le calcul de l'imposition que les loyers effectivement perçus.

Cette réforme est globalement neutre d'un point de vue financier, puisque seules les modalités déclaratives se sont trouvées modifiées. Le rendement de cette taxe, tout comme la contribution des bailleurs, sera identique entre les deux années de référence, 1998 et 1999.

La polémique conduite par les députés de l'opposition, qui trouve, à l'occasion de cette séance réservée à l'examen des propositions de loi, un nouveau développement, porte en définitive uniquement sur la transition entre les deux systèmes.

Si nous sommes particulièrement attachés au principe de libre détermination par les groupes du choix des textes qu'ils souhaitent voir venir en examen lors de leur « niche parlementaire », permettez-nous cependant, dans ce cas précis, de nous interroger sur la portée et la réalité du litige fondant cette proposition de loi.

Le problème qui nous est présenté comme justifiant une intervention expresse du législateur est soulevé depuis plusieurs mois déjà.

Il a été martelé par nos collègues de droite...

M. Germain Gengenwin.

Comme vous martelez vos q uestions quand vous voulez vous faire entendre, madame !

Mme Jacqueline Fraysse.

... semaine après semaine, au fil des séances des questions orales... ou des questions d'actualité.

La polémique est fondée sur le point de vue défendu par nos collègues selon lequel le nouveau dispositif introduirait une double imposition.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

Mme Jacqueline Fraysse.

Or la question nous apparaît avoir déjà été tranchée, à moins de mettre en cause ou de considérer comme nul et non avenu l'avis donné par le Conseil constitutionnel saisi à cet effet.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Voilà ! Excellent argument.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

La mauvaise foi est caractérisée.

Mme Jacqueline Fraysse.

L'exposé des motifs de la proposition de loi ne nous semble pas apporter d'éléments réellement nouveaux.

Au-delà de la polémique, il est par contre pour nous tout à fait légitime que puisse être vérifié dans la pratique que des bailleurs, même en nombre limité, n'aient eu à subir concrètement aucun préjudice du fait de la mise en place du nouveau dispositif. Croyez que cette préoccupation traverse aussi l'esprit des députés du groupe communiste ! Un certain nombre d'assurances ont déjà été données à cet égard par le Gouvernement, s'agissant en particulier du remboursement auquel peuvent prétendre des bailleurs ayant cessé de louer durant les neuf mois qui marquent le chevauchement entre les deux années de référence.

M. Germain Gengenwin.

C'est reconnaître l'erreur !

Mme Jacqueline Fraysse.

Si des dispositions complémentaires sont, en fin de compte, nécessaires, elles doivent être définies non dans la précipitation et sur des présupposés contestables mais à partir d'un bilan concret de la mise en oeuvre de la réforme.

C'est le point de vue adopté par la commission des finances. Nous le partageons.

De même, nous accueillons positivement son engagement à définir et à défendre les mesures concrètes qui s'avéreraient nécessaires le moment venu. Il n'est donc ni souhaitable, ni techniquement adapté d'anticiper sur la loi de finances pour l'an 2000.

Il y a d'autant moins d'urgence à examiner et à adopter cette proposition de loi que les dispositions avancées ont déjà été déposées sous forme d'amendements, examinées et rejetées par une majorité de cette assemblée.

Sous prétexte, en effet, d'un préjudice susceptible de pénaliser un nombre de bailleurs au demeurant très limité du fait même de la neutralité financière globale de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 MAI 1999

réforme, il nous est proposé d'adopter des dispositions qui reviendraient à priver le budget de la nation de quelque 7 milliards de francs - réaction totalement disproportionnée, voire provocatrice.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Est-ce à dire que vos collègues, dont M. Cuvilliez, ont tort ?

Mme Jacqueline Fraysse.

Je vous en prie. Je vous ai écoutés avec beaucoup d'attention, sinon beaucoup de patience. Laissez-moi vous exposer à mon tour mon point de vue. Il est assez sensiblement différent du vôtre, je vous l'accorde, mais n'est-ce pas la démocratie ?

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Je vous parlais du point de vue de vos collègues !

Mme Jacqueline Fraysse.

Le rapporteur de la proposition de loi a tout à fait la liberté de dénoncer le caractère à ses yeux excessif de notre fiscalité sur l'immobilier qui nuirait à la bonne santé du marché immobilier.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Vous le reconnaissez ?

Mme Jacqueline Fraysse.

C'est votre avis, il est respectable, mais c'est un autre débat.

Nous ne souhaitons pas que le recours à l'article 94 de notre règlement devienne systématique, car cela reviendrait à vider de sa substance même une des rares capacités d'initiative des groupes parlementaires.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Vous avez raison !

Mme Jacqueline Fraysse.

Nous avons du reste pris clairement position sur ce sujet, comme nous contestons également le recours encore trop fréquent à l'article 40, qui revient à éliminer de fait de la discussion tout texte d'origine parlementaire ayant la moindre incidence financière - en d'autres termes, la quasi-totalité.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Tout à fait !

Mme Jacqueline Fraysse.

Toutefois, dans ce cas précis, la nature avant tout polémique de la proposition de loi soumise aujourd'hui à notre examen,...

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Comment la technique deviendrait-elle polémique ?

Mme Jacqueline Fraysse.

... de même que les engagements pris par ailleurs pour remédier à d'éventuelles injustices nous conduisent à suivre la position de la commission des finances tendant à ne pas discuter de ce texte, et donc de ne pas passer à l'examen de ses différents articles.

L'intérêt bien compris des bailleurs privés, mais aussi celui, tout aussi légitime, de la collectivité, la nécessité d'évaluer sur des bases objectives et non sur des présupposés idéologiques, la mise en place de la réforme du droit du bail, justifient de ne pas précipiter les choses.

Aussi estimons-nous qu'il convient d'attendre l'examen de la loi de finances pour l'an 2000, ce qui du reste revient à ne repousser le débat que de quelques semaines seulement : vos préoccupations seront donc prises en compte, et dans des délais tout à fait raisonnables.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Vous reconnaissez quand même qu'il y a un problème !

Mme la présidente.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la réforme prévue par l'article 12 de la loi de finances rectificative, qui insère neuf articles dans le code général des impôts, substitue deux contributions annuelles représentatives du droit de bail et de la contribution additionnelle aux anciens droit de bail et taxe additionnelle. Je ne crois pas un instant qu'il s'agit, comme le pense M. Guibal, d'une erreur technique : des services aussi performants que ceux de Bercy ne sauraient se tromper à ce point.

Ce dispositif, dont l'objet est la simplification des obligations déclaratives, comporte plusieurs modalités qui tendent à regrouper la déclaration des recettes locatives et des autres revenus perçus par le bailleur suivant le régime fiscal auquel il est soumis : personnes physiques soumises à l'impôt sur le revenu, personnes morales soumises ou non à l'impôt sur les sociétés, sociétés de personnes sou mises au régime du bénéfice industriel ou commercial ou du bénéfice agricole.

Le droit de bail était normalement calculé sur le prix du loyer couru augmenté des charges imposées au locataire sur la période du 1er octobre au 30 septembre. Son taux était de 2,5 % et il incombait généralement au locataire.

La taxe additionnelle au droit de bail était quant à elle due sur les loyers des locaux situés dans les immeubles achevés depuis plus de quinze ans au 1er octobre de chaque année, dès lors que le droit de bail était exigible.

Son taux était également de 2,5 % et elle était normalement à la charge du propriétaire.

En 1998, avant l'instauration du nouveau dispositif, les propriétaires-bailleurs ont donc normalement déclaré les loyers courus depuis le 1er octobre 1997, pour un droit de bail payable immédiatement.

Or, dès février 1999, ils ont reçu un formulaire de déclaration des revenus fonciers de l'année 1998, incluant la nouvelle contribution, payable en septembre, en même temps que l'impôt sur le revenu. Les neuf premiers mois de l'année se retrouvent donc déclarés deux fois.

Un changement de calendrier implique certes une période transitoire. Mais pourquoi taxer deux fois une même assiette fiscale, c'est-à-dire les loyers du 1er octobre 1997 au 30 septembre 1998 ? Le plus déroutant, ce sont les réponses du Gouvernement aux nombreuses questions par les députés de tous groupes - Jean-Pierre Delalande en a dénombré 156 ! Ainsi, monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse à M. Le Nay est particulièrement représentative de l'incompréhension générale qui existe sur ce sujet.

« Les intéressés, avez-vous répondu, qui auront payé en septembre dernier deux mois 2,5 % du montant des loyers perçus du 1er octobre 1997 au 30 septembre 1998, paieront la même chose au titre des douze mois suivants, en septembre 1999. Il va de soi qu'ils ne paieront qu'une seule fois pour une même année. Dans l'hypothèse où une location s'interromprait plus de neuf mois, l'Etat rembourserait évidemment le trop payé. J'ajoute que le Conseil constitutionnel, saisi par l'opposition, a estimé q ue l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 ne créait nullement une double imposition, ni ne conduisait les redevables à acquitter l'ancienne imposition et la nouvelle au cours de la même année. Voilà qui, semble-t-il, clôt le débat. »

Cette réponse résume l'essence même du problème : puisqu'il n'y a pas de double imposition, pourquoi proposer un système de remboursement ?

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Cela tombe sous le sens !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 MAI 1999

M. Germain Gengenwin.

Pourquoi, par exemple, envisager un remboursement du Trésor public à la demande du contribuable lorsque le logement sera vacant au moins neuf mois consécutifs ? S'il n'y a pas double imposition, pourquoi instaurer un système particulier pour les propriétaires personnes morales et pour les offices HLM ? En effet, ces propriétaires ayant acquité le droit au bail jusqu'au 30 septembre 1998 seront en droit de déduire des loyers soumis à la contribution payable en 1999 le montant des loyers soumis au droit de bail en 1998 comme le prévoit la loi de finances rectificative. Monsieur le secrétaire d'Etat, de quel droit l'Etat demande-t-il à quelque deux millions de propriétaires bailleurs de faire des avances de trésorerie ?

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Ce n'est en effet pas convenable !

M. Germain Gengewin.

Tous les parlementaires ont été, à de multiples occasions, sensibilisés à ce problème

De surcroît, le dispositif de remboursement est très insuffisant, restrictif et joue au détriment du propriétaire bailleur. Il pénalise les propriétaires bailleurs ayant un patrimoine stable et qui gardent les mêmes locataires.

Ainsi, contrairement à ce que vous prétendez, le débat n'est pas clos. C'est pourquoi je soutiens, au nom du groupe UDF, la proposition de loi tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour l'exercice 1999.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Merci !

M. Germain Gengenwin.

Cette proposition vise à reconnaître aux bailleurs imposables à l'impôt sur le revenu le même droit à la déduction que celui reconnu aux bailleurs redevables de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, ce dispositif aurait pu être complété, car il n'est pas adapté aux ménages modestes. Les ménages dont le revenu est inférieur au plafond de ressources de la sécurité sociale devraient pouvoir demander un remboursement immédiat du trop-versé.

Il ne faut pas attendre la prochaine loi de finances p our examiner ce problème : l'incompréhension des contribuables ne fera que croître. Pourquoi reporter à une d ate ultérieure une décision qui s'impose dès aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi de Jean-Pierre Delalande et de ses amis nous fournit l'occasion de nous penc her à nouveau sur certaines des dispositions de l'article 12 que notre assemblée a voté à l'occasion de l'examen de la loi de finances rectificative. La réforme ainsi mise en oeuvre, que l'on vient d'exposer assez longuement, présente de nombreux avantages mais aussi, il ne faut pas se le cacher, un défaut.

Revenons d'abord sur ses avantages. Pour commencer, c'est une mesure de simplification, cette fameuse simplification administrative qui a trop souvent tendance à ressembler à l'Arlésienne, celle dont on parle mais qu'on ne voit jamais. Cette fois-ci, nous la voyons : cinq millions de formulaires en moins. Dès lors, comment prétendre que seule l'administration y trouverait son compte quand, à l'évidence, les citoyens, en l'occurrence les bailleurs, y trouvent également le leur ? Cette mesure est ensuite plus juste. En effet, l'ancienne législation s'appliquait aux loyers prévus au bail ; désormais, la fiscalité s'appliquera sur les loyers réellement perçus. Il est donc très probable que les recettes de l'Etat ne s'en trouveront pas augmentées mais diminuées.

Enfin, et c'est sa troisième qualité, cette réforme est neutre pour le budget de l'Etat. De ce fait, elle ne peut que l'être également pour les bailleurs...

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Elle n'est pas neutre !

M. Jérôme Cahuzac.

... puisque la période en cause, c'est-à-dire les neuf premiers mois de 1998, n'a rigoureusement rien à voir avec le dispositif de sortie. Celui-ci est, il est vrai, défectueux et j'y reviendrai dans un instant. Mais, quoi qu'il en soit, cette transition est inévitable : toute mesure de simplification en la matière comporte nécessairement une période qui sert d'assiette commune à l'ancien et au nouveau système.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Le problème, c'est de savoir qui paie !

M. Jérôme Cahuzac.

Autrement dit, le défaut du système ne réside pas dans ces neuf mois de transition, mais dans le dispositif de sortie en cas de vacance de la location : celui que nous avons adopté l'année dernière, à savoir les neuf mois de vacance d'affilée, apparaît à l'évidence beaucoup trop contraignant et l'on peut, à juste titre, le juger inéquitable.

Faut-il pour autant adopter le dispositif proposé par notre collègue Jean-Pierre Delalande ?

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

C'est le plus juste !

M. Jérôme Cahuzac.

Je ne le crois pas, pour une raison qu'il a d'ailleurs lui-même évoquée. Au-delà des dispositions constitutionnelles et des vertus de notre règlement, l'augmentation des droits sur le tabac, qu'il propose pour compenser ce qui s'avérerait être un manque de recettes pour l'Etat, ne me paraît pas satisfaisante. Nous savons en effet qu'un alourdissement des droits sur le tabac à concurrence de sept milliards de francs déclencherait une guerre des prix entre les cigarettiers, dont les conséquences seraient doubles. D'une part, la politique de santé publique en matière de lutte contre le tabagisme n'y trouverait pas son compte ; d'autre part, le prix des cigarettes baissant, le budget de l'Etat n'y trouverait pas davantage le sien.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Où êtes-vous allé chercher tout ça ?

M. Jérôme Cahuzac.

Cette disposition n'étant pas satisfaisante, il faudrait en trouver une autre, en l'occurrence demander au ministre du budget de faire des économies, autrement dit d'opérer une régulation budgétaire.

Or chacun sait que nous n'apprécions guère cette procédure, tant nous estimons que les crédits votés par la représentation nationale, souvent après de longs et bons débats, chacun votant en connaissance de cause, doivent consommés et non pas être supprimés sans même nous consulter.

Autant dire que nous ne demanderons pas au secrétaire d'Etat au budget de procéder à cette régulation.

Certes, d'aucuns pourraient s'estimer capables de réaliser ces économies à la place du pouvoir exécutif. Une expérience de ce genre fut en grandeur réelle, réalisée il y a quelques années. J'ignore si notre collègue Delalande


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avait participé à cette opération dont nous devrions nous souvenir : la majorité de l'époque, qui rassemblait près de 450 députés, avait mis des semaines à laborieusement dégager entre 3 et 4 milliards de francs d'économies, au demeurant discutables. Je vois mal comment ces groupes, aujourd'hui minoritaires, pourraient en quelques heures dégager les 7 milliards nécessaires pour assurer la neutralité de ces dispositions pour le budget de l'Etat !

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

C'est de la gestion de trésorerie ! Ne mélangez pas tout !

M. Jérôme Cahuzac.

Que le gage soit accepté ou levé, ces dispositions n'en sont donc plus satisfaisantes pour autant. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai, en application des dispositions de l'article 94 du règlement, de voter contre le passage à la discussion des articles.

Toutefois, nous ne saurions nous contenter de cette procédure expéditive. En effet, cette proposition de loi a au moins un mérite : celui de mettre en exergue l'opposition, au demeurant classique, entre ce qu'il est convenu d'appeler la morale de conviction et la morale de responsabilité.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Chez vous, elles se confondent !

M. Jérôme Cahuzac.

Lorsque l'on est dans l'opposition, la morale de conviction a peut-être plus de force ; inversement, lorsque l'on est dans la majorité, la morale de responsabilité trouve peut-être davantage de défenseurs. Non pas qu'il y ait moins de sens de la responsabilité dans les rangs de l'opposition ni moins de conviction dans ceux de la majorité, bien au contraire. Mais ce décalage est classique et, que nous appartenions à l'opposition ou la majorité, nous savons très bien que concilier morale de conviction et morale de responsabilité reste toujours un exercice extrêmement difficile.

Quoi qu'il en soit, monsieur le secrétaire d'Etat, et je me permets de m'adresser très directement au représentant du Gouvernement que vous êtes : il n'est pas possible de laisser en l'état le système tel qu'il a été imaginé et voté l'année dernière.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Enfin !

M. Jérôme Cahuzac.

C'est la raison pour laquelle, au nom du groupe socialiste, au nom des parlementaires renommés qui vous ont déjà alerté et que M. Jean-Pierre Delalande a eu la gentillesse de bien vouloir citer, je vous demande de prévoir, dès la prochaine loi de finances, des dispositions corrigant le défaut de sortie du système qui, à l'évidence, n'est pas satisfaisant.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Quel aveu ! Merci, monsieur Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac.

Nous vous demandons de le corriger, tout en sachant que la solution qui nous sera proposée devra évidemment être responsable, c'est-à-dire la plus neutre possible pour le budget de l'Etat, car nous tenons et nous tiendrons toujours à assumer notre responsabilité. Nous vous demandons également qu'elle soit équitable pour les bailleurs, car nous voulons et nous voudrons toujours faire valoir notre conviction.

M. Jean-Pierre Delalande.

Très bien pour la conclusion !

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, tous ceux qui s'y frottent savent qu'une réforme fiscale est toujours un exercice difficile ; nous en avons aujourd'hui une nouvelle preuve.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

On l'a vu avec la TVA en 1995 !

M. Gilbert Gantier.

Lors de la discussion du collectif budgétaire d'automne, le Gouvernement a entrepris la réforme d'un impôt complexe : le droit de bail. Un chevauchement sur deux années civiles, une déclaration séparée, un impôt répercuté, une taxation portant sur des loyers courus et non pas perçus, tout en faisait un impôt complexe et, reconnaissons-le, pas toujours très juste.

Le Gouvernement a donc, et à juste titre, souhaité, lors du dernier collectif budgétaire, engager une réforme tendant à moderniser la perception du droit de bail, modernisation d'autant plus souhaitable que la perception de l'impôt est plus coûteuse en France que chez nos partenaires européens. Au royaume des super-prélèvements qu'est le nôtre, le percepteur coûte cher : deux fois plus qu'en Espagne, dit-on, trois fois plus qu'en Suède ou aux

Etats-Unis. Et c'est particulièrement vrai pour le droit de bail.

Un rapport édifiant de l'inspection des finances, que Bercy garde très précieusement sous le coude, fait état du c oût de perception invraisemblable de nos impôts.

L'objectif de simplification s'inscrit également dans une optique salutaire de réduction de la dépense publique et sur le plan des principes ; nous ne saurions donc qu'y souscrire.

Mais si l'intention était louable, la réalisation de cette réforme du droit de bail n'a pas été à la mesure de vos saines ambitions. Aussi la proposition de loi de nos collègues vise-t-elle à remédier aux erreurs qui ont été commises : erreur de conception de la réforme d'une part, défaut d'explication et de lisibilité d'autre part.

Jusqu'à présent, le droit de bail et la taxe additionnelle au droit de bail portaient sur les loyers courus du 1er octobre au 30 septembre. L'imposition était annuelle, mais chevauchait deux années civiles et faisait l'objet d'une déclaration spécifique. Le droit de bail était perçu en même temps que les loyers : l'imposition n'était donc pas rétroactive.

Le Gouvernement a donc décidé de caler le droit de bail sur l'année civile et d'intégrer l'obligation déclarative du droit de bail à la déclaration d'impôt sur le revenu.

L'objectif est clair : réunir deux déclarations en une.

Mais passer d'un système à l'autre pose de nombreuses difficultés, notamment s'agissant de la période de référence prise en compte dans le calcul de l'impôt lors de la première année de la réforme. En effet, comment changer d'assiette sans diminuer les ressources de l'Etat et sans pénaliser les contribuables ? Soit l'assiette s'évanouit, soit le contribuable paye deux fois.

Le Gouvernement a choisi la deuxième voie, celle consistant à pénaliser le contribuable. Rien d'étonnant à cela quand on connaît son « imagination fiscaligène ». Le dispositif très ingénieux qu'il a retenu a su aussi bien sauvegarder les intérêts financiers de l'Etat qu'éviter les foudres du Conseil constitutionnel. Mais neuf mois de loyers perçus serviront deux fois au paiement de l'impôt.

En effet, le droit de bail qui sera acquitté au titre de 1999 prendra en compte tous les loyers perçus au cours de l'année 1998 ; M. le rapporteur nous l'a très clairement expliqué tout à l'heure. Mais les neuf mois


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allant de janvier à septembre 1998 ont déjà été taxés au titre de l'imposition de 1998. Pour économiser le coût de la réforme, qui se monte à 7 milliards de francs, le Gouvernement met ainsi à contribution, dans tous les sens du terme, les propriétaires bailleurs afin qu'ils avancent le manque à gagner en matière d'assiette.

Les propriétaires bailleurs vont donc avancer plus de 7 milliards de francs au Trésor. Les locataires, qui sont les véritables contribuables de cet impôt, ne sont pas concernés par cette double imposition. Seuls les redevables de l'impôt, c'est-à-dire les propriétaires bailleurs, seront concernés.

Bilan de la réforme : une assiette sert deux fois au calcul d'un impôt et les propriétaires bailleurs se retrouvent dans le mauvais rôle du dindon de la farce. Une défiance naturelle se crée alors entre l'Etat et les contribuables.

C'est cette défiance qui est le plus condamnable, car comment exiger plus d'effort fiscal quand les droits les plus élémentaires du contribuable sont ainsi bafoués ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Oh ! Oh !

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Eh oui !

M. Gilbert Gantier.

Que signifie dans ces conditions le consentement à l'impôt, source de toute démocratie ?

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Absolument !

M. Gilbert Gantier.

Le premier aspect - le plus condamnable - de cette réforme, c'est le refus du Gouvernement de s'expliquer. Et on ne pourra pas dire que l'occasion ne lui en n'a pas été donnée : ...

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

C'est vrai !

M. Gilbert Gantier.

... plus de 150 questions écrites, émanant de tous les bancs de cette assemblée, de nombreuses questions orales, pas moins de trois questions au Gouvernement. La représentation parlementaire, sensible au désarroi des propriétaires bailleurs, n'a pas cessé de relancer le débat sur ce qui constitue une double imposition manifeste.

Le Syndicat national unifié des impôts a, lui aussi, dénoncé la double imposition des bailleurs...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ah !

M. Gilbert Gantier.

... dans le palmarès de ce qu'il appelle les « anomalies fiscales » du Gouvernement pour 1999. Le droit de bail y figure en bonne place. Le rapport du syndicat parle même « d'artifice » pour qualifier la manière dont le Gouvernement a géré la transition du droit de bail ancienne manière vers la contribution actuelle qui se substitue à lui.

Vivement interpellé sur la question, vous vous êtes retranché, monsieur le secrétaire d'Etat, derrière un discours simplificateur qui, manifestement, ne correspond pas à la réalité. Traitant avec la même condescendance parlementaires et contribuables, le Gouvernement s'est enferré dans un discours qui ne convainc plus personne,...

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Ça, c'est vrai !

M. Gilbert Gantier.

... s'efforçant de clore le débat, alors qu'il fallait s'empresser de le rouvrir. La proposition de loi que nous soutenons aujourd'hui vise donc à remédier à un discours convenu qui n'a que trop duré.

Placer les intérêts financiers de l'Etat sur le même plan que ceux des contribuables, tel est également l'objet de cette proposition de loi. Ce n'est donc pas, comme certains ont pu le dire, un combat politicien que les parlementaires ont choisi de mener contre le Gouvernement,...

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Bien sûr !

M. Gilbert Gantier.

... mais plutôt une action de bon sens, de véritable réconciliation de l'Etat avec le contribuable.

Non, l'Etat ne peut pas faire n'importe quoi en matière d'impôt ! Se sentant pressé de toutes parts - et Jérôme Cahuzac n'a pas dit autre chose -, le Gouvernement a ensuite essayé de brouiller les pistes. Il a en effet réalisé un véritable numéro d'illusionniste, mais qui n'a d'ailleurs dupé personne. M. Strauss-Kahn nous explique de façon très pédagogique que le changement de la date d'imputation n'aura pas de conséquence sur le bailleur : l'Etat ne percevra pas davantage en 1999 que les 10 milliards de francs qu'il avait l'habitude de percevoir La double imposition des loyers serait donc, nous assure-t-on, un pur effet d'optique.

Le Gouvernement s'est même retranché derrière la décision du Conseil constitutionnel, qui n'a pas censuré les dispositions relatives au droit de bail dans le collectif.

En effet, la double imposition n'est pas immédiate, elle ne se fera pas de façon uniforme et collective en 1999.

L'imposition se trouve décalée et porte sur les loyers perçus l'année précédente. Le nouveau droit de bail, calqué sur l'impôt sur le revenu, est lui aussi rétroactif.

Ainsi, la prise en compte, deux fois, des mêmes loyers, n'affecte-t-elle pas le montant à payer en 1999. La double imposition des neuf premiers mois de 1998 est reportée d'année en année. Cette virtuosité de jongleur est possible tant que le bail est maintenu, le rapporteur l'a bien expliqué tout à l'heure.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Eh oui !

M. Gilbert Gantier.

Le Conseil constitutionnel n'a pas censuré l'article pour la bonne raison que la double imposition ne jouerait pas en 1999.

La double imposition est certes provisoirement indolore, mais ce n'est parce qu'elle est indolore qu'elle n'existe pas. En effet, tant que la location continue, le cumul d'imposition n'est pas visible. C'est lorsque le bailleur cessera de louer son bien ou interrompra provisoirement la location que la double imposition apparaîtra au grand jour.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Très bonne analyse !

M. Gilbert Gantier.

Par exemple, si un propriétaire revend son bien le 30 juin 1999, il aura perçu dix-huit mois de loyers. Or, compte tenu de la double taxation des revenus du 1er janvier au 30 septembre 1998, ses contributions, elles, correspondront à vingt-sept mois de loyers.

La réforme du droit de bail met donc en scène une double imposition insidieuse. Elle est décalée et se mesure au cas par cas.

Le Gouvernement a reconnu tout à fait implicitement cette double imposition, puisqu'il a prévu un mécanisme de dégrèvement. Mais ce dernier est très restrictif, puisqu'il est à l'initiative du bailleur et que l'interruption de la location doit porter sur neuf mois consécutifs. Autant dire que le bailleur qui cessera de louer, par exemple, en 2010 aura oublié la double imposition décalée des années 1998-1999 et ne réclamera pas le trop-perçu au Trésor.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

L'Etat joue là-dessus !


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M. Gilbert Gantier.

Autre preuve de la double imposition : la distinction établie par le texte initial entre bailleurs redevables de l'impôt sur le revenu et bailleurs redevables de l'impôt sur les sociétés. Pour les bailleurs personnes morales, le Gouvernement a admis qu'il fallait neutraliser la superposition d'assiette, mais il ne l'a pas fait pour les personnes physiques.

On ne peut pas se satisfaire d'un tel mécanisme, complexe et peu soucieux de la bonne foi du contribuable. En effet, dès la cessation de la location, la procédure de recouvrement se trouve encadrée dans des délais très stricts. Dans cette affaire, l'Etat présume qu'il y aura vigilance du contribuable, alors qu'il est responsable de la situation.

Vous avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, la faillite d'un dispositif qui porte en lui la caricature de la bureaucratie.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ça, c'est facile !

M. Gilbert Gantier.

Un mécanisme destiné à faciliter la vie du public, mais que seuls les concepteurs sont à même de comprendre, ne constitue en rien une véritable simplification.

Le bon rendement d'un impôt est également lié au fait qu'il est lisible et bien accepté. Le Gouvernement s'est borné à encourager les services fiscaux chargés de la perception du droit de bail à la modération et à une certaine bienveillance par rapport aux bailleurs.

Je crois, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut aller plus loin. Comme l'a dit le rapporteur en commission, errare humanum est, perseverare diabolicum . Il est donc temps de mettre fin à un dispositif, certes habile, mais absolument pas compris des redevables. Nous devons donc revenir sur le mécanisme initial. Nous proposons donc de faire porter l'assiette du droit de bail pour 1999 sur les loyers perçus les trois derniers mois de 1998, et qui n'ont pas été taxés.

Le dispositif ainsi proposé est à la fois plus lisible et plus équitable pour le contribuable, qui n'aura pas l'impression de payer deux fois. Notre système fiscal est complexe, beaucoup trop complexe, tout le monde en convient. Mais la simplification ne doit pas se traduire dans les faits par la mise en place d'un marché de dupes, bénéficiant certes à l'administration mais pénalisant le contribuable, qui, une fois de plus, fait les frais de la réforme.

Le président de la commission des finances, très réservé sur le sujet, a émis l'hypothèse de reporter ce débat au moment de la discussion de la prochaine loi de finances, ce qui, je pense, traduit un certain malaise chez de nombreux parlementaires de la majorité. Il faut donc reculer, nous dit-on, pour mieux sauter. Mais lors de la prochaine loi de finances, le paiement du droit de bail aura déjà été complètement effectué par les bailleurs. Que nous proposera alors le Gouvernement ? De faire un rapport sur l'application du mécanisme de dégrèvement avant de réfléchir à un meilleur système ! Pendant ce temps, les bailleurs auront avancé l'argent, et le Gouvernement s'en sera sorti par de beaux discours... auxquels nous sommes d'ailleurs habitués et que nous savons apprécier à leur juste valeur.

La proposition de loi de Jean-Pierre Delalande a donc le mérite de permettre de remédier immédiatement à la double imposition qui frappe les bailleurs, en supprimant l'imposition sur les huit premiers mois de 1998 et le complexe mécanisme de dégrèvement.

C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale et Indépendants vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir voter cette proposition de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

C'est clair et argumenté !

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous avons noué ce matin un dialogue courtois et républicain sur la réforme du droit de bail qui était inscrite dans la loi de finances rectificative pour 1998. Ce débat a fort bien débuté et j'espère qu'il se conclura de la même façon.

Il a fort bien débuté car tous les orateurs ont souligné que la simplification de ce que M. Gantier a appelé « un impôt complexe et pas toujours juste » est un objectif louable ; c'est également ce qu'a écrit M. Delalande dans son rapport et ce qu'a dit M. Guibal. M. Delalande a aussi précisé que la réforme sera neutre pour le locataire et Mme Fraysse a mentionné, dans un exposé très argumenté, que le principe de cette réforme a été approuvé sur tous les bancs - et le débat de ce matin l'a de nouveau montré.

L'objectif du Gouvernement est de simplifier cet impôt complexe. Je crois que nous avons atteint notre objectif puisque, dès cet automne, les propriétaires bailleurs paieront, en même temps que leur impôt sur le revenu, exactement la même somme que celle qu'ils auraient dû payer un peu plus tard dans l'ancien système. Contrairement à ce qu'a dit M. Gengenwin, les propriétaires bailleurs ne vont donc pas payer plus en 1999, dans le nouveau système, qu'ils n'ont payé en 1998, dans l'ancien système.

Surtout, ils n'auront plus de longs formulaires à remplir.Certes, avec le talent qu'on lui connaît, M. Delalande n'a aucune difficulté à remplir les formulaires administratifs (Sourires) , mais pour des millions de propriétaires bailleurs, ces feuilles sont complexes à remplir. C'est aller dans le sens du service du public que de supprimer ces 5 millions de formulaires.

L'expérience de l'automne montrera, je crois, que, pour l'immense majorité des propriétaires, ceux pour lesquels la location s'est poursuivie, le nouveau système aura conduit à une véritable simplification, sans que cela leur coûte un centime de plus.

Contrairement à ce qu'a dit M. Delalande, nous entendons bien réformer la fiscalité pour améliorer le service rendu au public, et pas pour d'obscures raisons technocratiques sur lesquelles il s'est étendu avec davantage de complaisance que de rigueur. Nous allons d'ailleurs poursuivre cette politique en matière d'impôt sur le revenu puisque, dès 2001, les contribuables recevront des déclarations pré-remplies mentionnant tous les revenus déclarés par des tiers - salaires, retraites, revenus mobiliers - et que, d'ici à 2003, nous irons vers une grande simplification pour les contribuables, qu'il s'agisse de particuliers ou d'entreprises. Au lieu d'entreprendre des démarches dans de nombreux bureaux, pour trouver l'interlocuteur apte à répondre à ses questions, le contribuable aura en face de lui une seule personne qui suivra l'ensemble de son dossier fiscal.

Outre le service rendu à l'usager, en l'occurrence le propriétaire bailleur, il y a là des gains d'efficacité pour l'administration fiscale. On ne doit pas rougir d'une telle


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 MAI 1999

ambition, car, en simplifiant la vie des contribuables honnêtes, on dégagera des moyens supplémentaires pour compliquer celle des contribuables malhonnêtes. Cela se traduira par plus de simplification pour l'immense majorité de nos concitoyens et plus de moyens pour le contrôle fiscal d'une toute petite minorité qui se livre à la fraude.

Telle est la réforme en cours. Elle implique évidemment - cela a été très bien démontré et le Gouvernement ne l'a pas du tout dissimulé - que l'on change la période de calcul du droit de bail et de la contribution additionnelle au droit de bail, c'est-à-dire qu'on passe,

M. Gantier l'a rappelé avec la clarté qu'on lui connaît, d'une période de référence allant du 1er octobre de l'année antérieure au 30 septembre de l'année en cours à une période de référence couvrant l'année civile, ce qui, chacun le comprendra, est moins baroque. Ce changement signifie, le Gouvernement ne l'a jamais contesté, une superposition des bases de la nouvelle contribution, qui a été votée par l'Assemblée nationale au mois de décembre dernier, et de celles du droit de bail perçu pour les loyers encaissés entre le 1er janvier 1998 et le 30 septembre de la même année.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Nous sommes d'accord sur ce point !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous dites, monsieur Delalande, que cette réforme a été faite sans consultation des professionnels. Je vous indique courtoisement que vos propos sont erronés. J'ai reçu personnellement le président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers, l'UNPI, à l'automne 1998. Je note d'ailleurs, sans pour autant en tirer d'arguments, que les autres organisations de bailleurs ne se sont guère manifestées sur ce dossier. Et j'ai eu aussi des contacts avec des professionnels.

Selon vous, monsieur Guibal, le Gouvernement se dresserait une fois de plus contre les propriétaires. Cette accusation n'est pas très justifiée dans la mesure où nous avons demandé au Parlement de voter un allégement des frais de notaire afin de développer l'accession à la propriété, où nous avons réduit la TVA sur les terrains à bâtir et où nous avons institué un régime microfoncier pour les 300 000 propriétaires bailleurs dont les revenus fonciers sont inférieurs à 30 000 francs par an. Nous avons, dans notre stratégie de soutien de l'emploi, considéré que le redémarrage du bâtiment était important, et les chiffres l'attestent.

O n a cité abondamment, parfois avec quelques réserves, la décision du Conseil constitutionnel. Je trouve, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, que vous êtes un tantinet mauvais perdants ! Vous avez intenté un recours devant le Conseil constitutionnel et, si celui-ci vous avait donné raison, vous n'auriez pas eu cette attitude un peu distante et pas tout à fait conforme à l'article 62 de la Constitution, qui dispose que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous.

Vous avez intenté un recours et vous avez perdu. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a considéré qu'à partir du moment où les propriétaires bailleurs ne paient qu'une fois chaque année, il n'y a pas de double imposition.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je le répète : une disposition peut être constitutionnelle et inéquitable !

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Absolument, hélas !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je voudrais maintenant centrer le débat sur le problème que vous avez évoqué, c'est-à-dire lorsqu'il y a interruption de location.

C'est uniquement à ce moment-là qu'il y a une difficulté pour les propriétaires bailleurs et que le dispositif qui a été adopté prévoit un mécanisme de restitution du tropperçu par l'Etat.

Ce mécanisme part d'une bonne inspiration, mais j'aurai l'occasion de revenir sur ce point, et notamment sur les propos de M. Cahuzac, qui a été particulièrement clair.

Votre proposition de loi revient à dire que, en 1999, les propriétaires bailleurs ne paieront le droit de bail et la contribution additionnelle au droit de bail que sur le dernier trimestre de l'année 1998. Je lui adresserai deux critiques.

La première est de nature technique ; elle n'est peutêtre pas essentielle mais je crois qu'elle est importante. A partir du moment où les propriétaires bailleurs ont fait la déclaration correspondante dans la déclaration de revenus qu'ils ont déposée avant le 15 mars, il faudrait leur demander de faire une nouvelle déclaration, qui devrait faire l'objet d'un nouveau traitement. Si vous voulez simplifier la vie de l'administration, je pense que ce n'est pas le chemin qu'il faut emprunter.

Contrairement à ce qu'a dit M. Delalande, la politique doit dominer la technique.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

C'est précisément ce que j'ai dit !

M. le secrétaire d'État au budget.

Au terme d'un cheminement intellectuel dont je reconnais la subtilité, le résultat clair de la proposition de loi que vous avez déposée, c'est que les propriétaires bailleurs ne paieraient qu'un quart de ce qu'ils devraient payer en 1999. Alors même que vous êtes épris de justice, ce ne serait vraiment pas juste.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Ils paieront en 1999 pour la totalité de l'année 1998 !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je ne vois absolument pas ce qui pourrait justifier un tel effort fiscal.

M. Jean-Luc Warsmann.

Votre démonstration est fausse !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous avez parlé, monsieur Delalande, de 7 milliards de francs. Je ne vois pas pourquoi, je le répète, un tel effort fiscal serait consenti, en 1999, au profit d'une catégorie particulière de citoyens, certes respectables, mais qui n'ont pas besoin, me semble-t-il, d'un tel avantage.

M. Jean-Luc Warsmann.

Les propriétaires assurent la trésorerie de l'Etat !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il est clair, et personne ne le conteste, que les propriétaires bailleurs vont payer exactement la même somme en 1999 qu'en 1998.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ils avancent 7 milliards de francs à l'Etat !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Contrairement à ce qui a été affirmé par tel ou tel d'entre vous, l'Etat n'encaissera pas un centime de plus. Mais si vous décidez que les propriétaires bailleurs ne paieront que sur un trimestre, cela veut dire qu'ils paieront en 1999 quatre fois moins qu'en 1998. Je m'adresse à l'ensemble des parlementaires et je pense que ce raisonnement est d'une simplicité évidente.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

C'est de la mauvaise foi caractérisée !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 MAI 1999

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je le répète : je ne vois pas pour quelle raison nous ferions un tel effort fiscal et pourquoi nous proposerions aux propriétaires bailleurs de ne payer qu'un quart de ce qu'ils ont payé l'année précédente.

Il reste un problème, c'est-à-dire le défaut dont

Mme Fraisse et M. Cahuzac ont souligné l'importance.

Le Gouvernement a le sens du dialogue et il l'a prouvé plusieurs fois. Il y a une interrogation, non sur le principe du remboursement du droit de bail et de la contribution additionnelle au droit de bail correspondant à la période du 1er janvier au 30 septembre, mais sur la modalité consistant à attendre une vacance de neuf mois.

Vous avez signalé que de nombreux parlementaires m'avaient écrit à ce sujet. C'est tout à fait exact. Je précise que j'ai répondu à 139 questions écrites de députés et à 44 questions écrites de sénateurs, soit 183 réponses, qui ne sont pas encore publiées au Journal officiel mais le seront prochainement.

Le Gouvernement s'attache, je le répète, à répondre aux parlementaires, de la majorité comme de l'opposition, à leurs questions orales comme à leurs questions écrites.

Il y a donc un défaut dans la situation actuelle. Comment y remédier ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Quel aveu !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Pourquoi dites-vous cela ? Je vous écoute, je dialogue avec vous. Je n'ai pas, comme on l'a vu entre 1993 et 1997, la nuque raide au point de ne pas écouter !

M. Jean-Luc Warsmann.

Ne polémiquez pas ! Essayons de résoudre le problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jérôme Cahuzac.

C'est vous qui polémiquez !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous m'avez interrompu, monsieur Warsmann, et je vous réponds.

Le Gouvernement a le sens du dialogue, même avec l'opposition, et je comprends que vous en soyez surpris.

Ce que je veux répéter, c'est que nous ne pouvons pas, en ce domaine, improviser, surtout en adoptant une mesure fondamentalement injuste, puisqu'elle reviendrait à exonérer les propriétaires bailleurs, pour lesquels le Gouvernement a beaucoup de considération, du paiement d'une somme de 7 milliards de francs en 1999. Et je ne reprends pas les arguments de M. Cahuzac sur le gage d'une telle mesure car je ne voudrais pas mettre l'Assemblée nationale au défi de proposer les économies correspondant à cette recette fiscale moindre.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Il n'y a pas de perte de recettes fiscales !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

A partir du moment où les propriétaires paieraient en 1999 sur un trimestre au lieu d'une année,...

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Mais non !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... il est clair qu'ils paieraient quatre fois moins qu'en 1998.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

En l'an 2000, ils paieront pour la totalité de l'année 1999 !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Cette précision arithmétique me paraît très difficile à contester.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

C'est de la mauvaise foi !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Comment faire ? Je retiens l'idée, avancée par Mme Fraysse et M. Cahuzac que nous réfléchissions, dans le cadre du projet de loi de finances pour l'an 2000, sur des modalités de dégrèvement plus adaptées aux différentes hypothèses d'interruption de location qui ont été mentionnées.

Nous allons réfléchir ensemble et travailler avec les professionnels. Ainsi pourrons-nous trouver, avec les parlementaires de la majorité ou de l'opposition, qui souhaitent s'associer à la réflexion des modalités adaptées permettant de corriger le défaut souligné.

Cette proposition du Gouvernement s'inspire d'une volonté de simplification de la vie des contribuables et d'une volonté d'équité fiscale que cette proposition de loi contredit absolument. Elle s'inspire aussi de notre sens du dialogue, dialogue que le Gouvernement a su, depuis deux ans, développer avec l'ensemble de la représentation parlementaire.

M. Georges Tron.

C'est beaucoup dire !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est pourquoi, ayant fait cette proposition, je vous appelle, mesdames, messieurs les députés, à suivre le sage avis de la commission des finances, qui n'a pas rendu de conclusions lors de l'examen de ce texte et a décidé de ne pas passer à la discussion des articles.

M. Georges Tron.

Et votre sens du dialogue ? C'est la troisième fois qu'on nous fait le coup !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous reprendrons ce débat lors de la discussion du projet de loi de finances pour l'an 2000. C'est une attitude responsable et ouverte de la part du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Georges Tron.

Quel sens du dialogue !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai l'impression que nous sommes dans un dialogue de sourds et je le regrette vivement. L'opposition ne conteste pas - je l'ai dit, de même que MM. Guibal, Gengenwin et Gantier - le souci de simplification administrative et de réforme de votre administration. Ce qui nous pose problème, ce n'est pas l'objectif, c'est sa mise en oeuvre, car nous considérons que ce n'est pas au contribuable de payer les réformes de l'administration.

Vous avez reconnu qu'il y avait bien une superposition des assiettes et vous avez prévu un dégrèvement étalé dans le temps ; c'est bien la preuve qu'il y a double imposition.

Vous dites que si notre proposition était adoptée les contribuables ne paieraient que sur un trimestre en 1999.

Mais il n'y aurait pas de perte de recettes fiscales pour l'Etat puisque, en l'an 2000 - c'est le sens même de votre réforme - ils paieront pour la totalité de l'année 1999. Le noeud du problème est donc de savoir qui doit assurer la trésorerie de la réforme que vous envisagez.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Est-ce l'Etat ? Est-ce le contribuable ? Pour notre part, nous considérons que, puisque c'est l'Etat qui a décidé la réforme et en est le principal bénéfi ciaire, le nombre des formulaires diminuant de 5 millions, il est normal que ce soit lui qui en supporte la charge.

C'est sur ce point que nous divergeons. Il n'est pas politique mais technique, et il devrait être aisé de trouver une solution. J'ai d'ailleurs proposé quatre pistes à cet effet dans mon intervention orale et dans mon rapport écrit.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 MAI 1999

Vous nous répondez que le Conseil constitutionnel a tranché et que nous sommes mauvais perdants. Monsieur le secrétaire d'Etat, cette réponse n'est pas digne de vous ! Nous ne sommes pas mauvais perdants, c'est vous qui êtes de mauvaise foi ! Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Dire qu'une disposition n'est pas inconstitutionnelle ne signifie pas qu'elle est la seule possible, ni qu'elle est la meilleure.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Comme l'a très bien dit notre collègue Warsmann, une disposition peut être à la fois constitutionnelle et inéquitable. Et à partir du moment où elle est inéquitable, elle doit être réformée. Le débat n'est donc pas clos par la décision du Conseil constitutionnel. Celui-ci a simplement indiqué que, parmi les diverses dispositions envisageables, celle qu'avait choisie le Gouvernement n'était pas inconstitutionnelle. Ce qui sous-entend qu'il pouvait en prendre d'autres, meilleures et plus équitables, qui ne fassent pas payer la réforme par le contribuable.

Il y a un vrai problème et tous nos collègues l'ont souligné, même ceux de la majorité. Ils ont posé des questions écrites à ce sujet et M. Cahuzac a demandé que le dispositif soit corrigé.

M. Jérôme Cahuzac.

Son défaut !

M. Jean-Pierre Delalande, rapporteur.

Vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, venez d'avouer à l'instant qu'il y avait une interrogation concernant le fait d'attendre une vacance de neuf mois, indiquant que vous alliez travailler à nouveau sur ce point avec les professionnels et les parlementaires. C'est donc bien qu'il y a un problème.

Nous avons tous les éléments en main et nous connaissons le fond du dosssier. Alors, pourquoi attendre ? Poursuivons le débat ; nos concitoyens bailleurs redevables de l'impôt sur le revenu seront ainsi rassurés sur leur avenir.

C'est à cette sagesse que je vous appelle. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vote sur le passage à la discussion des articles

Mme la présidente.

La commission des finances, de l'économie générale et du Plan n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

La parole est à M. Georges Tron, pour une explication de vote.

M. Georges Tron.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'a excellemment dit Jean-Pierre Delalande mais, monsieur le secrétaire d'Etat, il y a un formidable paradoxe à lancer des appels au dialogue récurrents et de conclure en disant qu'il ne faut pas passer à la discussion des articles. Chers collègues de la majorité, c'est la deuxième fois en deux semaines que vous nous faites le même coup ! Il faudrait que votre discours ait un minimum de cohérence ! Ou alors, c'est que vous considérez que toute proposition de loi déposée par l'opposition est par définition mauvaise ! La semaine dernière, M. Edouard Balladur a présenté un dispositif lui aussi technique et financier, sur lequel il y avait matière à discuter. On peut être d'accord ou pas, on peut même à la limite considérer que les arguments développés par l'opposition sont mauvais.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je n'ai pas dit cela !

M. Georges Tron.

Non, mais on peut le déduire de ce que vous avez dit.

Il est en tout cas formidablement paradoxal d'affirmer sans cesse qu'on est pour le dialogue, qu'on est ouvert, de parler de « nuque raide » pour la période 1993-1997 et, pour la seconde fois en quinze jours, alors qu'il s'agit d'un simple dispositif financier, de nous dire, au nom du dialogue, clef de voûte, paraît-il, de la méthode Jospin, qu'il n'y a pas lieu de discuter.

Vous avez donc raison sur tout, et nous avons tort sur tout, mais ne nous parlez plus de dialogue ni de méthode Jospin. Ça ne veut plus rien dire. Nous prenons bonne note de ce double refus en deux semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Tron, nous avons, pendant une heure et demie, eu un débat de fond qui a conduit le Gouvernement à évoluer sur ce dossier. Je trouve donc vos propos un peu vifs.

M. Georges Tron.

Alors, poursuivons le débat !

Mme la présidente.

Je mets aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

(L'Assemblée décide de ne pas passer à la discussion des articles.)

Mme la présidente.

L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, no 1449, visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde, notamment lors de l'achat des fournitures scolaires : Mme Raymonde Le Texier, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1478) ; (Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi, no 1588, tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de cinquante ans : M. Maxime Gremetz, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1608) ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 MAI 1999

(Procédure d'examen simplifiée.)

Suite de la discussion du projet de loi, no 1187 et lettre rectificative no 1541, modifiant la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : M. Didier Mathus, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1578) ; M. Yves Cochet, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1586) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1461, relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : Mme Claudine Ledoux, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1613).

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix heures quarante.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT