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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 5601).

DIOXINE (p. 5601)

MM. François Sauvadet, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

CHASSE (p. 5602)

M. Charles de Courson, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

VIANDES AMÉRICAINES (p. 5603)

MM. Jean Rigal, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

DIOXINE (p. 5603)

M. André Angot, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

DIOXINE (p. 5605)

M. Pierre Lellouche, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE (p. 5607)

Mme Jacqueline Fraysse, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

CONSEIL EUROPÉEN DE COLOGNE (p. 5608)

MM. Alain Barrau, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

DIOXINE (p. 5609)

Mme Monique Denise, M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

ADOPTION INTERNATIONALE (p. 5611)

Mmes Véronique Neiertz, Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

DÉFENSE DES FONCTIONNAIRES (p. 5611)

MM. Pierre Cardo, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

POLITIQUE EUROPÉENNE DU SPORT (p. 5612)

M. Georges Hage, Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

Suspension et reprise de la séance (p. 5612)

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI

2. Pacte civil de solidarité. - Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'une proposition de loi (p. 5613).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 5613)

Article 1er (suite) (p. 5613)

ARTICLE 515-4 DU CODE CIVIL (p. 5614)

Amendements identiques nos 18 de M. Goasguen et 86 de M. Plagnol : MM. Claude Goasguen, Henri Plagnol, Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice ; Christine Boutin. - Rejet.

A mendement no 125 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 280 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements identiques nos 36 de M. Goasguen, 130 de M. Mariani et 281 de Mme Boutin : MM. Claude Goasguen, Thierry Mariani, Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Jacques Pélissard. - Rejet.

Amendement no 19 de M. Goasguen : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 186 de M. Patrick Delnatte : MM. Jacques Pélissard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 282 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 129 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 128 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 283 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 134 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

A mendement no 133 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 135 de M. Mariani : M. Thierry Mariani.

- Retrait.

A mendement no 131 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 132 de M. Mariani : MM. Thierry

M ariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux,

M. Pierre-Christophe Baguet. - Rejet.

A mendement no 126 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Christine Boutin. - Rejet.

A mendement no 127 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 136 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Christine Boutin. - Rejet.

ARTICLE 515-5 DU CODE CIVIL (p. 5623)

Amendements identiques nos 20 de M. Goasguen, 87 de M. Plagnol et 137 de M. Mariani : MM. Pierre-Christophe Baguet, Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements nos 284 de Mme Boutin et 37 de M. Goasguen : Mme Christine Boutin, MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Amendement no 285 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 286 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 107 de M. Plagnol : MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 108 de M. Plagnol : MM. Henri Plagnol, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 287 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 288 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

ARTICLE 515-6 DU CODE CIVIL (p. 5625)

Amendements identiques nos 21 de M. Goasguen, 88 de M. Plagnol et 138 de M. Mariani : MM. Henri Plagnol, Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux,

M. Charles de Courson. - Rejet.

Amendement no 289 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 290 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 291 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur. - Retrait.

ARTICLE 515-7 DU CODE CIVIL (p. 5627)

Amendements identiques nos 22 de M. Goasguen, 89 de M. Plagnol et 139 de M. Mariani : MM. Henri Plagnol, le rapporteur, Thierry Mariani, Charles de Courson,

Mme la garde des sceaux. - Rejet.

M. Henri Plagnol.

Suspension et reprise de la séance (p. 5629)

Amendements nos 23 de M. Goasguen et 292 de Mme Boutin : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Amendement no 187 de M. Delnatte : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 141 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 293 corrigé de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux.

- Rejet.

A mendement no 140 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 294 de Mme Boutin : MM. Pierre-Christophe Baguet, le rapporteur, Mme la garde des sceaux,

M. Jacques Pélissard. - Rejet.

Amendements identiques nos 112 de M. Plagnol et 295 de Mme Boutin ; MM. Henri Plagnol, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements identiques nos 142 de M. Mariani et 164 de M. Accoyer : MM. Thierry Mariani, Jacques Pélissard, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements nos 296, 297 et 298 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Claude Goasguen, M. Charles de Courson. - Rejets.

Amendements nos 163 de M. Accoyer et 299 de Mme Boutin : M. Thierry Mariani, Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Charles de Courson, Claude Goasguen. - Rejets.

Amendements nos 190 corrigé de M. Mariani et 300 de Mme Boutin : M. Thierry Mariani, Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Amendement no 40 de M. Goasguen : MM. Jean-Claude Lenoir, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 192 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 301 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, MM. le président, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 191 de M. Mariani : MM. Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Jacques Pélissard. Rejet.

A mendement no 161 de M. Accoyer : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 113 de M. Plagnol : MM. Charles de Courson, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 148 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le président, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet de l'amendement no 148 ainsi que des amendements nos 147, 149 et 144 de M. Mariani.

Amendement no 302 de Mme Boutin : MM. Charles de Courson, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

A mendements nos 145 de M. Mariani et 38 de

M. Goasguen : MM. Thierry Mariani, Jean-Claude Lenoir, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Amendement no 303 de Mme Boutin : MM. Charles de Courson, le président, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Thierry Mariani. - Rejet.

Amendement no 39 de M. Goasguen : MM. Jean-Claude Lenoir, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendements nos 143 et 146 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejets.

A mendements nos 43, 44 et 45 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Adoption de l'article 1er

Après l'article 1er (p. 5644)

A mendement no 199 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

A mendement no 198 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Christine Boutin. - Rejet.

A mendement no 197 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendenment no 304 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendements nos 103 de M. Plagnol, 158 de M. Accoyer et 305 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

A mendements nos 104 de M. Plagnol et 306 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Amendement no 195 de M. Mariani : M. Thierry Mariani.

A mendement no 196 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet des amendements nos 195 et 196.

Article 1er bis (p. 5649)

MM. Thierry Mariani, Jean-Claude Lenoir.

A mendement de suppression no 90 de M. Plagnol :

Mme Christine Boutin. - Retrait.

Adoption de l'article 1er bis.


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Article 1er ter (p. 5650)

M. Thierry Mariani, Mme Christine Boutin.

Amendements de suppression nos 31 de M. Goasguen, 157 de M. Accoyer et 200 de M. Mariani : M. Jean-Claude Lenoir. - Rejet.

Amendement no 309 de Mme Boutin : Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendements nos 204, 202 et 203 de M. Mariani : MM. Thierry Mariani, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Amendements identiques nos 201 de M. Mariani et 308 de Mme Boutin et amendement no 307 de Mme Boutin : M. Thierry Mariani, Mme Christine Boutin, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Adoption de l'article 1er ter.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 5652).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

DIOXINE

M. le président.

La parole est à M. François Sauvadet.

M. François Sauvadet.

Monsieur le ministre de l'agriculture, l'Europe est aujourd'hui secouée par une des plus graves crises qu'on ait jamais connue en matière de sécurité alimentaire. Il s'agit non pas de péripéties mais de présence de dioxine dans les aliments, ce qui place les consommateurs, les producteurs et les salariés des filières concernées dans une situation intenable. Ce matin même, la presse nous a révélé l'existence d'un rapport accablant sur la présence de produits plus que douteux dans des farines animales industrielles.

La semaine dernière, vous avez été questionné ici même, à trois reprises, sur cette contamination à la dioxine. Et, à trois reprises, au nom du Gouvernement, vous-même et M. Kouchner avez affirmé que vous n'aviez été alertés que le 28 mai. Mais, monsieur le ministre, et c'est ce qui est grave, la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes française a été alertée dès le 3 mai. Et contrairement à ce q ue vous avez indiqué, l'information communiquée n'avait pas un caractère banal.

D'ailleurs, le commissaire européen Franz Fischler s'est étonné de ce retard à réagir et a demandé au Gouvernement des explications. Des produits potentiellement dangereux sont donc restés à la vente en France pendant vingt-six jours. Monsieur le ministre, pourquoi n'avezvous pas réagi immédiatement à l'information que vous avez eue et dont vous ne pouviez ignorer la gravité ? A l'évidence, il y a eu dysfonctionnement. Cette absence de réaction pendant plus de trois semaines est inacceptable, intolérable. Elle engage directement votre responsabilité. Du reste, l'Union européenne vous a demandé des explications. Nous attendons, quant à nous, que vous vous expliquiez devant la représentation nationale sur ce retard.

Enfin, qu'a attendu le Gouvernement, depuis deux ans qu'il est en place, pour mettre de l'ordre, après la crise de l'ESB, dans la production et l'utilisation des graisses et des farines animales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-alliance et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, cette polémique n'a vraiment pas de raison d'être.

(Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Ainsi que je l'ai déjà dit, le 3 mai, l'administration française, en l'occurrence un bureau d'une direction du ministère de l'économie et des finances, a reçu un fax d'une direction du ministère de l'agriculture et des petites entreprises belge l'informant d'un incident survenu au mois de janvier.

M. François Sauvadet.

Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Comment, pouvez-vous prétendre, monsieur Sauvadet, que ce n'est pas vrai ? Cette information a été rendue publique et je la tiens à votre disposition.

Dans le fax en question l'incident apparaissait comme clos et sans conséquence.

M. François Sauvadet.

Non !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Inutile de nier, telle est bien la réalité, monsieur Sauvadet ! En revanche, le 28 mai, nous avons reçu un fax d'alerte, conformément à la procédure du réseau européen d'alerte. Entre le 3 et le 28 mai, il n'y a pas seulement vingt-six jours qui se sont écoulés, il y a aussi deux types de procédure : le 3 mai, c'était une information, le 28 mai, c'était une alerte.

De toute façon, et hors de tout souci polémique, je tiens à préciser que les propos du commissaire européen à l'agriculture n'engagent que lui. D'ailleurs, au moment où les institutions européennes et le rôle de la Commission font l'objet d'une vaste réflexion, on ne peut que s'interroger sur ce type d'intervention.

M. Jean Michel.

Tout à fait !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

En fait, monsieur Sauvadet, ce qui compte, c'est la lettre écrite au nom de la Commission européenne, après délibération collective de celle-ci, par ce commissaire et Mme Bonino, commissaire chargée de la consommation, et la tonalité de cette lettre est totalement différente de celle à laquelle vous faites allusion. D'ailleurs, le porte-parole de M. Fischler a indiqué, hier, dans une conférence de presse à Bruxelles, qu'en cette matière le gouvernement français était irréprochable.

M. Maurice Leroy.

C'est flou !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce sont les mots qu'il a employés.

Cette polémique pour des raisons politiciennes n'a donc plus lieu d'être. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste


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et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

CHASSE

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Je tiens tout d'abord à faire observer à M. le ministre de l'agriculture qu'il n'a pas répondu à la question de M. Sauvadet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les chasseurs français sont inquiets. Pourront-ils encore chasser cette année, et si oui dans quelles conditions ? Cette légitime inquiétude des chasseurs résulte des conséquences juridiques de trois séries de décisions de justice.

Tout d'abord, l'annulation par les tribunaux administratifs de nombreux arrêtés préfectoraux relatifs aux dates d'ouverture et de fermeture de la chasse va se traduire par une réduction du temps de chasse.

Ensuite, l'annulation par le Conseil d'Etat des dispositions relatives à la chasse crépusculaire au gibier d'eau, figurant dans la circulaire de 1996 du directeur de l'Office national de la chasse, va entraîner la suppression de la chasse à la passée du soir comme à la passée du matin.

Enfin, l'annulation partielle de la loi Verdeille par la Cour européenne des droits de l'homme va entraîner lar éduction des territoires de chasse des associations communales de chasses agréées et le retrait des terres et des bois, propriétés des chasseurs comme des nonchasseurs.

De nombreux parlementaires ont attiré votre attention, madame la ministre, sur ces graves questions et sur l'urgence de trouver des solutions adaptées. Or vous avez montré votre incapacité de dialoguer avec les représentants élus des chasseurs (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et même avec les membres de votre propre majorité...

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Charles de Courson.

..., et votre tendance à privilégier les organismes hostiles à la chasse.

Mme Christine Boutin.

Mme Voynet n'est favorable qu'au cannabis !

M. Charles de Courson.

Aussi, des collègues sénateurs, notamment M. du Luart et M. Larché, ont pris l'initiative de déposer le 1er juin une proposition de loi portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse, et qui vise à résoudre tous ces problèmes. C'est un texte d'apaisement, qui trouve un équilibre, s'agissant tant de la loi Verdeille que de la chasse crépusculaire. En outre, il a l'appui de Union des fédérations de chasseurs et de l'Association nationale des chasseurs de gibier d'eau. Il sera discuté le 22 juin au Sénat, et sans aucun doute adopté.

Mme Odette Grzegrzulka.

Nous, nous avons d'autres urgences !

M. Charles de Courson.

Ma question sera donc simple.

Alors que nous sommes à quelques semaines de l'ouverture anticipée de la chasse au gibier d'eau, le Gouvernement est-il prêt à inscrire ce texte à l'ordre du jour des débats de l'Assemblée nationale avant le 30 juin, ou lors d'une éventuelle session extraordinaire ? Ou préfère-t-il que la situation continue à se dégrader et débouche sur des affrontements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

La chasse aux aristocrates !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'evironnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, votre intervention a un mérite considérable. Elle rappelle en effet que ce sont les décisions des tribunaux et du Conseil d'Etat, et non pas l'obstination délétère d'un ministre hostile à la chasse, qui ont conduit à rouvrir des dossiers ayant posé depuis très longtemps des problèmes au sein du monde de la chassse.

S'agissant de l'annulation des arrêtés préfectoraux pris sur la base de la loi de 1998, vous savez très bien que nous avons pris conscience du problème il y a plusieurs mois déjà. En étroite concertation tant avec le monde de la chasse qu'avec le monde de la protection de l'environnement, nous avons chargé un groupe de scientifiques, accepté par l'ensemble des parties et présidé par le professeur Lefeuvre, de faire des propositions de compromis.

M. Lefeuvre et ses pairs, qui sont actuellement en pleine période d'examens, m'ont fait savoir qu'ils ne pourraient nous rendre compte de leur travail que dans une quinzaine de jours.

M. Charles de Courson.

Ce sera trop tard ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Soyons sérieux, monsieur de Courson : ce problème empoisonne les relations entre le monde de la chasse et celui de la protection de l'environnement depuis vingt ans. Alors ne nous reprochez pas six mois de concertation pour élaborer un compromis ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Concernant la chasse de nuit, vous savez très bien que, contrairement à ce qui a été dit ici ou là, il ne s'agit pas d'un acquis de la Révolution française. La chasse de nuit a toujours été interdite dans notre pays.

Mme Christine Boutin.

Nous parlons de chasse crépusculaire ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Depuis une loi de 1844, depuis l'inscription dans le code rural, quelques minutes de chasse au coucher du soleil et au lever du jour étaient tolérées.

C'est la tentative de l'Office national de la chasse de régulariser des périodes plus grandes qui a conduit à une annulation par le Conseil d'Etat. De ce point de vue, la proposition de loi sénatoriale qui vise à entériner cette autorisation de chasse de nuit ne me paraît pas du tout s'inscrire dans la continuité des efforts de maîtrise des périodes de chasse engagés par les chasseurs eux-mêmes.

Concernant, enfin, la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme à propos de quelques articles de la loi Verdeille, nous travaillons actuellement à la mise au point de dispositions qui permettraient de lever les difficultés.

A cet égard, la proposition de la loi sénatoriale est intéressante (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance) parce qu'elle permet


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la reconnaissance du droit de gîte pour les propriétaires non chasseurs et qui s'engageraient effectivement à ne pas chasser sur d'autres parcelles. En revanche, elle ne répond pas à l'une des trois critiques formulées par la Cour européenne des droits de l'homme concernant l'inégalité de situation entre les petits propriétaires qui ont des petites parcelles et les gros propriétaires.

Mme Christine Boutin et M. Arnaud Lepercq.

Et alors ?

M. Maurice Leroy.

Amendez-la ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Donc, il me semble que ce problèmes érieux demande à être étudié davantage. Mais je comprends que l'opposition cherche à défendre essentiellement les droits des gros propriétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce n'est pas notre cas. Nous voulons, quant à nous, une bonne loi cynégétique, équitable au regard du droit de propriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, pensez un instant au spectacle que vous donnez ! (« Qu'elle donne elle ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

VIANDES AMÉRICAINES

M. le président.

La parole est à M. Jean Rigal.

M. Jean Rigal.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Elle concerne la sécurité de l'alimentation et pose un problème de souveraineté nationale et même d'indépendance européenne.

Monsieur le ministre, au cours des dernières semaines, les questions d'hygiène, de qualité, de sécurité, et surtout d'insécurité alimentaires ont très largement défrayé la chronique, tant dans la presse écrite que sur les chaînes de télévision. Les faits constatés font apparaître la dangerosité de l'élevage productiviste au regard de la sécurité alimentaire. Veaux, vaches, cochons, couvées (Sourires.)

: aucune filière de production animale n'est épargnée par cette tourmente. Les consommateurs sont donc légitimement inquiets. Les producteurs s'interrogent sur les perspectives d'avenir de leur profession. Les politiques sont confrontés à leurs responsabilités de santé publique.

C'est dans ce contexte qu'un bras de fer économique oppose actuellement l'Union européenne - et donc la France - aux Etats-Unis d'Amérique, à propos des viandes élevées aux hormones. Depuis plusieurs années, la France et l'Union européenne ont fort justement interdit ce type de production sur leur territoire et décidé un embargo sur les importations de viande hormonée dont l'innocuité est de plus en plus mise en doute.

Or les Etats-Unis, toujours plus préoccupés par le rendement de leur économie de marché que par la santé de l'espèce humaine, prétendent contraindre l'Union européenne à lever cet embargo. D'une part ils exigent, par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale du commerce, des compensations financières - on parle de 200 millions de dollars. On dit même qu'un commissaire européen, démissionnaire, comme tous ses collègues, envisagerait d'accepter des concessions et des transactions. D'autre part, ils prétendent prendre des mesures douanières de rétorsion et de répression contre des produits d'origine européenne sans relation directe avec les causes du conflit. Il s'agit là d'une ingérence inhumanitaire intolérable face à laquelle la France et l'Union européenne ont un impérieux devoir de résistance.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement français et l'Union européenne comptent-ils procéder pour organiser et mettre en oeuvre cette résistance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, vous n'avez pas tort de dire que nombre des crises alimentaires qui surviennent en Europe sont dues aux excès d'une agriculture trop productiviste, prête à employer n'importe quel moyen pour atteindre les prix les plus bas, fût-ce au détriment de la santé ou de la sécurité des consommateurs.

Je vous renvoie d'ailleurs, à ce sujet, à la loi d'orientation agricole, que vous venez d'adopter définitivement.

Elle comporte précisément des dispositions concrètes pour que l'agriculture française, qui donnera l'exemple à l'agriculture européenne, prenne le pli de la transparence, de la traçabilité, de la qualité et de la sécurité alimentai re. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) De nombreuses dispositions de cette loi sont bien adaptées à ce genre de crises.

J'en viens à l'exemple concret que vous avez évoqué, monsieur le député. Il est hors de question que l'Europe lève l'embargo sur les importations de viande américaine aux hormones. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du groupe Rassemblement pour la République.) Cette décision a été approuvée et maintenue unanimement par le conseil de l'agriculture du mois dernier. Certes, les Américains demandent des compensations, mais la France a obtenu que celles-ci ne soient en aucun cas liées à notre exigence de sécurité alimentaire. On ne peut imaginer payer des indemnités ou des compensations lorsque la santé des consommateurs est en cause. Cela ne peut être envisageable que dans la mesure où l'Union européenne a tardé à apporter les preuves qu'elle devait fournir.

En tout état de cause, l'Union européenne, à la demande du conseil de l'agriculture, a refusé ces compensations demandées par les Américains et l'OMC est saisie d'une demande d'arbitrage sur ce problème.

En tout cas, je le répète, il est hors de question de céder sur ce point : l'embargo sera maintenu pour las écurité alimentaire des consommateurs européens.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

DIOXINE

M. le président.

La parole est à M. André Angot.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. André Angot.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Avec l'affaire de la présence de dioxine dans les aliments destinés à la consommation des animaux d'élevage, l'Europe est une nouvelle fois confrontée à une crise de santé publique mettant en cause la sécurité alimentaire. Et, une fois encore, ce sont les éleveurs et les entreprises agroalimentaires qui vont être les victimes de cette crise. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il va donc y avoir des dépôts de bilan et de nombreuses personnes vont perdre leur emploi.

Pourtant les éleveurs ne sont pas responsables des problèmes qu'ils subissent. Ils font leur travail en toute conscience pour procurer aux consommateurs des produits de la meilleure qualité possible à un coût abordable.

Il est bon de rappeler aussi que, depuis juillet 1996 et la loi Vasseur sur l'équarissage, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, la France est le seul pays au monde qui n'utilise plus les cadavres, les viandes saisies à l'abattoir et certains abats à risques pour fabriquer des farines animales. Les seules parties utilisées - graisse, os ou abats proviennent d'animaux sains dont nous consommons la chair.

Je voudrais aussi faire savoir à M. Kouchner, qui semble l'ignorer (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, puisqu'il a déclaré hier que donner des farines de viande aux herbivores était contre-nature, que les farines de viande sont interdites pour les herbivores, depuis 1990.

M. Arnaud Lepercq.

Eh oui !

M. André Angot.

Certes, il serait sûrement préférable d'élargir cette interdiction à toutes les espèces animales. Il revient à votre gouvernement de prendre des dispositions réglementaires en ce sens.

Lorsqu'ils achètent des aliments pour nourrir leur bétail, les éleveurs s'approvisionnent, en toute bonne foi, auprès de fabricants d'aliments du bétail qui, eux-mêmes, achètent des matières premières théoriquement contrôlées par les services des douanes de la direction de la concurrence et de la répression des fraudes, qui sont sous la responsabilité de M. Strauss-Kahn.

Monsieur le Premier ministre, il apparaît clairement que vos services administratifs n'ont pas assumé leur devoir de contrôle.

M. François Vannson.

Comme d'habitude !

M. André Angot.

Estimez-vous normal que ce soit une nouvelle fois les agriculteurs qui soient les victimes des dysfonctionnements de l'administration ? Qu'allez-vous faire pour aider les éleveurs des filières porcines et avicoles qui seront mis en difficulté financière...

M. François Vannson.

Rien !

M. André Angot.

... et qui sont, non pas les responsables, mais les victimes de cette crise ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très juste !

M. André Angot.

Pourquoi, alors que vous avez été prévenu le 3 mai par la Commission européenne, avezvous attendu le 29 mai pour prendre des mesures de précaution ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

En Belgique, les ministres de la santé et de l'agriculture, convaincus d'avoir tardé à prendre de telles mesures, ont assumé leurs responsabilités politiques en démissionnant du gouvernement.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Eh oui !

M. André Angot.

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement va-t-il assumer la responsabilité du dysfonctionnement de l'administration ou bien continuer à appliquer la maxime socialiste : toujours responsables mais jamais coupables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Monsieur le député, vous avez abordé l'ensemble du problème.

Avant tout je vous indique que si les produits venant de Belgique, et d'ailleurs, qui ont été consignés aux frontières à la suite de l'action cohérente des différents services de l'Etat concernés - qu'il s'agisse des douanes, des services vétérinaires, de la DGAL, de la DGCCRF ou de la DASS - se révèlent sains, il y aura indemnisation de la part de l'Etat. Nous en avons encore parlé à midi avec M. Glavany et M. Kouchner. Si aucune mauvaise foi n'était relevée, si aucun délit n'était constaté et aucun procès-verbal dressé, il en coûterait de 1 à 5 milliards de francs.

Nous sommes parfaitement conscients de la nécessité de prendre en compte le désarroi des éleveurs, y compris celui des éleveurs belges. En effet, les exportations de nombreux agriculteurs biologiques de ce pays ont été consignées par nos services.

M. Arnaud Lepercq.

Ce n'est pas notre problème ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Ensuite, monsieur le député, nous avons appliqué le principe de précaution que les agriculteurs ont également mis en oeuvre.

Ainsi certains ont pris, de leur propre initiative, dès ce matin, diverses mesures pour écarter certaines pratiques.

M. le ministre nous a donc demandé de faire jouer ce principe de précaution en utilisant toutes les procédures utilisables en droit afin d'éviter tout risque quant à la sécurité alimentaire. Cela nous a conduits à prendre des mesures extrêmement fermes. D'ailleurs la Commission de Bruxelles a indiqué hier à M. Glavany et à M. Kouchner que nous avions fait tout ce que nous pouvions en la matière.

La mise en oeuvre de ce principe de précaution nous a même conduits, c'est vrai, monsieur le député, à empêcher la consommation d'animaux parfaitement sains.

Par ailleurs, nous avons mobilisé tous les services concernés dès que l'alerte a été déclenchée, pour essayer de remonter jusqu'aux éleveurs qui auraient pu être approvisionnés par l'une des filiales de la société belge.

Puisque vous avez fait référence à un fax du 3 mai, je vous rappelle, monsieur Angot, que, depuis le 1er janvier 1999, existe une procédure d'alerte européenne qui a été codifiée pour éviter que des informations ne soient pas traitées. Elle permet à l'ensemble des pays de la zone européenne de prendre des mesures quand l'alerte est déclenchée. Or tel n'a été le cas qu'à la fin du mois de mai.

Enfin, s'il est exact que les éleveurs ne portent pas la responsabilité de cette crise, il convient tout de même d'exposer les faits clairement, tranquillement, avec sagesse et d'en tirer toutes les conséquences.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Ainsi, monsieur le député, les farines animales ne sont pas interdites depuis 1990 pour les ruminants, lesquels sont des herbivores. Pourtant la France a décidé, afin de protéger ses consommateurs, d'éliminer tous les produits à risque - ceux qui constituent ce que l'on appelle entre nous « le cinquième quartier » - de la fabrication de farines, et d'instaurer une procédure de chauffage.

En effet des enquêtes menées entre novembre 1998 et f évrier 1999 ont montré que certaines précautions n'étaient pas toujours prises dans la fabrication des farines animales, des procès-verbaux ont été dressés et nous avons répété aux entreprises en cause qu'elles n'avaient pas le droit d'accroître leurs marges en ne respectant pas les précautions élémentaires qui leur ont été imposées lo rs de leur agrément. Nous avons parfaitement rempli notre devoir de pouvoirs publics, puisque toutes les fabrications de farines animales ont été contrôlées. L'un de nos hebdomadaires bien connu en a fait état.

M. Arnaud Lepercq.

Si les médias le disent...

Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Nous sommes allés au-delà de ce qui était imposé, dépassant le seul principe de précaution pour mettre en oeuvre celui de prévention.

Comme vous, monsieur Angot, je dis aux éleveurs, en particulier à ceux de Bretagne dont vous avez parlé, que, si une rupture de stock au sein de leur coopérative oblige à importer des cargaisons d'un autre pays, ils doivent faire attention et, surtout, ne pas utiliser l'étiquette habituelle de leur coopérative indiquant « origine France ».

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Sinon les pouvoirs publics, malgré toute la célérité qu'ils mettent à retrouver les cargaisons, ont beaucoup de mal à remonter la filière.

Il s'agit d'une question d'éthique, de solidarité économique entre les producteurs et les distributeurs, de solidarité économique, valeur dont on a trop peu parlé, entre les producteurs, les transporteurs et les distributeurs. Le respect de ces valeurs commande que, même si l'on peut être tenté d'emballer plus vite les produits des agriculteurs afin de gagner quelques centimes au kilo, on n'utilise pas une étiquette qui ne correspond pas à leur origine réelle.

Nous devons tirer des leçons de ces comportements.

Nous agissons en ce sens afin que les consommateurs français puissent manger avec plaisir et en toute sécurité les produits actuellement sur le marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

DIOXINE

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de vous adresser cette question puisque, je le déclare avec une certaine gravité, non seulement M. Glavany et Mme Lebranchu n'ont pas répondu aux questions qui leur ont été posées (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) mais, de surcroît, leurs propos sont de nature à induire les Français en erreur.

M. François Sauvadet.

Tout à fait !

M. Pierre Lellouche.

Permettez-moi donc de vous rappeler les faits, monsieur le Premier ministre.

La découverte de la contamination par la dioxine en Belgique remonte au 3 mars. Le 19 mars, le ministère de l'agriculture belge a ordonné une enquête. Le 26 avril, la présence de dioxine est confirmée dans la marchandise livrée par la société Verkest. Le ministère belge de l'agriculture demande alors aux éleveurs de cesser leurs livraisons.

Une semaine plus tard, c'est-à-dire le 3 mai, un fax est envoyé par l'ingénieur directeur Vandersanden de l'inspection générale des matières premières du ministère de l'agriculture à Mme Dominique Girault, inspecteur principal des fraudes, chargée de la section alimentation animale à la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes du ministère de l'économie et des finances.

Pour des raisons que nous ignorons, et sur lesquelles j'aimerais que vous vous expliquiez vous-même, vous avez considéré que les informations contenues dans ce fax étaient - je cite les propos de M. Glavany - « banales et rassurantes ». (« Oh ! », sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il vient d'ailleurs d'ajouter que « l'incident était clos en fonction de ce qui était écrit dans ce fax ». Ce n'est donc qu'un mois plus tard que vous avez commencé à prendre des mesures sur le territoire national.

Ce fax, monsieur le Premier ministre, je l'ai en ma possession. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) En voici la teneur, dans son intégralité, afin que chacun puisse juger de son interprétation :

« J'ai l'honneur de vous informer qu'en Belgique, nous avons retrouvé une contamination assez importante de dioxine dans un aliment pour poules reproductrices. Au stade actuel de notre enquête, nous pensons que cette contamination est probablement liée à une livraison de graisses animales contaminées datant du 19 janvier 1999, en provenance de la firme Verkest, à Gramenne. Le contrôle de la comptabilité indique une livraison datée du 21 janvier 1999 (facture 990049 du 25 janvier 1999) vers la société Alimex à Marchezays, dans l'Eure-et-Loir.

« Suite à l'enquête, nous avons de fortes raisons de penser que la contamination provient d'un accident ponctuel et donc que les livraisons postérieures au 19 janvier 1999 ne devraient pas poser de problème. Je tiens néanmoins à vous informer de la constatation faite. »

Tel est le contenu de ce fax. Il en ressort nettement que l'affaire n'est ni banale, ni rassurante, ni close. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Manipulateur !

M. Alain Calmat.

N'importe quoi !

M. Pierre Lellouche.

Mes chers collègues, j'ai vérifié auprès de la société Alimex la réalité de ces livraisons, comme cela aurait dû être fait par vos services, monsieur le Premier ministre, il y a plus d'un mois. La société Alimex, filiale de la société belge Versele Laga, dont l'une des trois usines en Belgique est d'ailleurs mise en cause dans la contamination par la dioxine, confirme qu'elle a effectivement reçu - tenez-vous bien ! - vingt-cinq tonnes de graisse animale en janvier dernier.

J'ai dans les mains un fax de cette société. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Plusieurs députés du groupe socialiste.

Encore !

M. le président.

S'il vous plaît !

M. Pierre Lellouche.

Je sais que cela vous gêne, mais les Français ont le droit à la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Didier Boulaud.

Demandez à Sarkozy ! Il va vous dire la vérité !

M. Pierre Lellouche.

Le fax de la société Alimex indique que ce lot de vingt-cinq tonnes de graisse a été utilisé depuis longtemps, et que les produits ont dû être consommés.

Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, je veux vous poser au nom du groupe RPR les questions suivantes : Premièrement, par quelle négligence un fax aussi explicite du ministère belge a-t-il pu être ignoré et enterré par les services qui dépendent de vous ? Comment le ministère de l'agriculture peut-il prétendre que c'est seulement le 28 mai que la France aurait été avertie du danger ? Ne sommes-nous pas, là encore, en présence d'un dysfonctionnement majeur du fonctionnement du Gouvernement et de l'administration ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alain Calmat.

Nous ne sommes pas à Cannes ! Arrêtez de faire du cinéma !

M. Pierre Lellouche.

Deuxièmement, pour quelles raisons les dispositions de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme n'ontelles pas été respectées ? Cette loi prévoit notamment la création d'une agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA. Pourquoi cette dernière n'a-t-elle pas été informée du fax du 3 mai en vertu de l'article 9 de la loi du 1er juillet 1998 ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Plusieurs députés du groupe communiste.

Ça suffit !

M. Pierre Lellouche.

Troisièmement, pouvez-vous nous dire combien d'exploitations ont été touchées par les livraisons de la société Alimex avant le 3 mai et entre le 3 mai et le 4 juin ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Claquements de pupitres.)

M. Bernard Birsinger.

Envoyez un fax !

M. Pierre Lellouche.

Quatrièmement (Mêmes mouvements), votre majorité est-elle prête à accepter une commission d'enquête parlementaire sur tous ces points, comme l'a proposé notre collègue Jean-François Mattéi ? Cinquièmement (Vives protestations sur les bancs, du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Claquements de pupitres)...

M. le président.

Concluez, s'il vous plaît.

M. Pierre Lellouche.

... s'agissant du volet européen, qu'attendez-vous pour interdire toutes les farines animales et mettre en place un système de veille au niveau européen ? Telles sont les questions que nous nous posons, monsieur le Premier ministre. Merci d'y répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. (Protestations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Monsieur le député, je comprends que, à propos d'une affaire qui aurait pu être grave,...

M. Pierre Lellouche.

Vingt-cinq tonnes, madame ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

... vous posiez des questions importantes auxquelles je tiens à répondre.

Le fax dont vous avez fait état est un document public.

M. Pierre Lellouche.

Depuis quand ? Depuis que je l'ai lu ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Il a d'ailleurs été diffusé par M. Glavany il y a plus de dix jours.

Je vous rappelle, monsieur Lellouche, parce qu'il s'agit d'une affaire importante dont il faudra que nous tirions toutes les conséquences (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) , que ce fax précise que la livraison en cause a été reçue le 21 janvier et que les livraisons postérieures au 19 janvier ne posent pas de problème. Nous ne pouvons donc pas demander aux fonctionnaires qui ont reçu ce fax d'en changer les dates sous prétexte qu'elles remontent à plusieurs mois.

Avec le recul et au vu des événements qui se sont déroulés, il est facile de dire aujourd'hui que la personne qui a reçu ce fax aurait dû ne pas tenir compte des dates.

Or ce n'est que depuis dimanche dernier, monsieur le député, que les autorités belges ont précisé que la date donnée sur leur fax est fausse. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il y a effectivement eu erreur ou mauvaise information de leur part.

(« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît.

Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

J'ajoute que les autorités hollandaises et tous les services qui ont reçu la même information ont eu la même attitude. (Protestations sur les mêmes bancs.) Nous avons simplement oeuvré tous ensemble pour fixer des limites à la loi du marché et pour que, à compter du 1er janvier 1999, soit instituée, entre les pays européens, une procédure d'alerte.

Je regrette comme vous et comme nos collègues belges, y compris d'ailleurs les directeurs d'administration, qu'une procédure d'alerte n'ait pas été déclenchée avant la fin du mois de mai.

M. Pierre Lellouche.

C'est toujours la faute des autres ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

La Commission européenne a décidé de tirer les conséquences de ce constat par rapport aux autorités belges.

Le 7 juin nous avons répondu aux commissaires européens, en particulier à Mme Bonino, pour expliquer nos démarches. Hier, lors de la tenue du conseil des ministres de la santé, il a été donné acte aux Français et aux Hollandais que leur action avait été bien menée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Si cette procédure européenne d'alerte concernant des accidents de ce type a été mise en place à compter du 1er janvier 1999 à la demande de quelques ministres de la consommation et des ministres de l'agriculture et de la santé français, c'est parce que nous sommes malheureusement obligés de constater que, à force de vouloir trop libéraliser le marché (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) on finit par faire n'importe quoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous demandez aujourd'hui, monsieur le député, - je ne sais pas si c'est au nom de l'ensemble de l'opposition que l'on arrête la fabrication des farines animales. Or je me souviens que lorsque a été instaurée la taxe d'équarrissage...

M. François Fillon.

Cela n'a rien à voir ! Mme la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. ... pour financer le chauffage des farines animales, l'opposition a estimé qu'il s'agissait d'une mesure excessive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Mensonge ! Trois mois après vous demandez que l'on interdise cette fabrication alors que nous avons pris des mesures pour l'assurer dans des conditions de sécurité plus strictes que celles qui étaient exigées à l'époque. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est ça l'intérêt général. C'est ça la protection des consommateurs alors que le libéralisme est dangereux, monsieur Lellouche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Arnaud Lepercq.

Des taxes, toujours des taxes !

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse.

Monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, je n'aurai pas, comme la droite, le souci de polémiquer sur les fax pour éviter de parler de la politique ultralibérale qui est, en réalité, à l'origine des problèmes graves que nous devons traiter aujourd'hui.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Après les scandales du sang et des hormones de croissance contaminés (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , ceux de la vache folle et de la viande aux hormones sans parler du maïs génétiquement modifié, l'affaire des poulets, des oeufs, du lait et des produits laitiers contenant de la dioxine confirme qu'il s'agit non pas de simples accidents de parcours, d'erreurs regrettables ou de malheureux concours de circonstance, mais bien d'un problème réel, posé à notre société, de contrôle et de protection de la santé face aux appétits financiers d'un ultralibéralisme sans limites. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il n'est pas question de contribuer à développer une quelconque psychose qui d'ailleurs ne réglerait rien, au contraire, mesdames, messieurs de la droite. (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Comprenons cependant que chacun se demande légitimement ce qu'il mange et fait manger à ses enfants ; qui joue avec notre santé traitée comme une carte mineure sur l'échiquier d'un gigantesque Monopoly des grands groupes de l'industrie agroalimentaire et de la distribution ; qui contrôle quoi puisque cela continue et se répète ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous en prie.

Mme Jacqueline Fraysse.

Plus que jamais, face à l'avancée des connaissances, se pose à notre société la question de la transparence dans l'accès à l'information, l'élaboration et la prise de décision qui ne peuvent plus rester au secret dans les mains de quelques techniciens experts soumis à la pression des marchés.

Il est urgent que s'installe un véritable contrôle démocratique...

M. Yves Nicolin.

Vous ne savez pas ce qu'est la démocratie !

Mme Jacqueline Fraysse...

par les salariés et leurs représentants syndicaux dans les entreprises, par les citoyens et leurs élus. C'est aussi l'un des enjeux que nous devrions nous fixer dans le cadre de la construction européenne.

Monsieur le ministre, quelles dispositions envisagezvous de prendre...

M. Yves Nicolin.

Aucune !

Mme Jacqueline Fraysse.

... et de mettre en chantier aux plans national, européen et international, pour faire prévaloir la santé publique sur les intérêts financiers, c omme cela commence à se réaliser dans d'autres domaines, tel celui du sport avec Marie-George Buffet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Madame la député, la première des exigences, vous l'avez dit, c'est la transparence et, pour qu'il


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

y ait transparence, il faut qu'il y ait information. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous avez cité quelques-unes des crises qui sont intervenues et vous avez demandé ce que nous comptions faire aux plans français, européen et international.

D'abord, je conviens avec vous que la production telle qu'elle est organisée et la nourriture industrielle telle qu'elle est proposée entraînent, s'il n'y a pas de contrôle, des risques pour la santé publique. Or, les contrôles ne sont pas évidents, ne sont pas permanents et ne sont pas codifiés, en particulier au plan européen.

Aujourd'hui, madame la député, nous mettons en place le comité national de sécurité sanitaire, que vous avez voté à l'unanimité, je vous le rappelle, (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , qui comprend trois agences : l'agence de sécurité des médicaments, l'institut de veille sanitaire et la nouvelle agence de sécurité alimentaire.

M. Richard Cazenave.

Vous croyez que ça sert à quelque chose ?

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il manquera une agence santé-environnement. J'espère qu'elle verra le jour.

M. Jean Auclair.

Demandez-le à Cohn-Bendit !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il a été reconnu par la Commission de Bruxelles qui, pourtant n'a pas été tendre, on vous l'a rappelé, que notre système de sécurité sanitaire, même s'il restait insuffisant, était de loin le plus performant des pays de l'Union. Et on l'a vu dans cette crise.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Cocorico !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il a été reconnu également que l'information n'était pas parvenue assez vite à la Commission. Vous avez rappelé que, le 3 mai, un fax aurait pu être transmis, et ne l'a pas été, et nous le regrettons maintenant.

M. Pierre Lellouche.

Si le Gouvernement faisait son travail, il l'aurait été !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Sachez que la Commission elle-même n'a pas été informée. Vous le savez, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est pas à la Commission mais à vous de faire les contrôles !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il faut mettre en place - c'est ma réponse sur le plan européen - une agence européenne de la sécurité alimentaire. J'en ai proposé la création hier.

Jean Glavany et moi-même avons également estimé que les farines animales, celles destinées aux herbivores comme les autres, monsieur Angot, puisqu'elles ne sont pas contrôlables, et en tout cas pas assez contrôlées, devront sans doute être interdites. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Arnaud Lepercq.

C'est une bêtise !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je sais que cela pose un certain nombre de problèmes techniques qu'il nous faut aborder clairement. On a parlé aujourd'hui des boues. Il y en a bien d'autres.

M. Arnaud Lepercq.

Il faut réfléchir et se renseigner avant d'agir !

M. le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Je vous répondrai enfin sur le plan international. La commission de sécurité sanitaire européenne, dont j'espère la création, aura à s'occuper de bien d'autres problèmes encore : l'utilisation d'hormones dans des élevages américains, l'utilisation d'antibiotiques dans des élevages européens, la question des organismes génétiquement modifiés. Sur toutes ces questions, nous devons faire un effort.

Je terminerai, madame, en vous disant ceci : sur le plan sanitaire, la crise de la dioxine nous a conduits à prendre des mesures de précaution parfois excessives mais c'est la règle.

C'est parce que nous n'avons pas su prendre des mesures de prévention que nous avons été obligés de prendre des mesures de précaution qui pénalisent un certain nombre de personnes travaillant dans cette filière.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Sur le plan sanitaire, en l'état actuel de nos connaissances - et, les premiers en Europe, nous avons réussi à réunir vendredi dernier les meilleurs experts de notre pays à l'agence de sécurité alimentaire -, il n'y a pas de danger pour la santé publique. En tout cas, l'exposition maximum à la dioxine telle qu'elle aurait pu intervenir par la consommation de poulets ou de produits laitiers n'entraînerait pas, dans l'état actuel des connaissances, je le répète - cela peut évidemment changer -, de danger pour l a santé des individus, même pour ceux qui ont consommé ces poulets.

Pour que ce soit dangereux, il faut - c'est une expression malheureuse - des expositions répétées et prolongées.

Nous souhaitons bien entendu qu'il n'en ait pas été ainsi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Arnaud Lepercq.

Qui mange du poulet à tous les repas ?

M. le président.

Nous en venons au groupe socialiste.

CONSEIL EUROPÉEN DE COLOGNE

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le Conseil européen de Cologne a été à l'évidence marqué par le succès diplomatique de l'Union européenne : le président finlandais est revenu de Belgrade rendre compte devant l'ensemble du Conseil européen des résultats de la négociation avec M. Milosevic, un Monsieur PESC a été nommé et le débat sur une politique européenne de défense a été relancé.

Nous avons eu, monsieur le Premier ministre, un échange avec vous hier à ce sujet et je tiens à vous dire, au nom du groupe socialiste, que nous continuerons à participer à ce débat.

M. Laurent Dominati.

C'est original !

M. Henri Plagnol.

C'est la livraison de cirage !

M. Alain Barrau.

La mission d'information sur la crise du Kosovo et ses suites, créée ce matin même à l'unanimité au sein de la commission de la défense, nous le permettra. Nous aurons aussi un certain nombre de propositions à faire sur la politique européenne de défense.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. Henri Plagnol.

C'est un vrai camion de cirage qui est livré !

M. Alain Barrau.

Je voudrais, monsieur le Premier ministre, vous interroger aujourd'hui sur deux autres points qui figuraient à l'ordre du jour de l'important Conseil européen de Cologne.

Le premier concerne la modification des institutions.

La France, et singulièrement votre gouvernement, souh aite une simplification des institutions pour que l'Europe soit plus près des citoyens. Nous pensons que celle-ci est nécessaire dès maintenant, dans l'Union européenne des Quinze, sans attendre un futur élargissement.

Ce sujet a été abordé à Cologne. Des propositions françaises sont sur la table. Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, comment vous voyez le développement de cette question, sur laquelle la future présidence française aura une certaine responsabilité ?

M. Laurent Dominati.

Lisez les journaux !

M. Alain Barrau.

Ma seconde question porte sur l'effort que fait petit à petit et pas à pas le Gouvernement, depuis juin 1997, pour réorienter le gros « paquebot » européen vers une politique de lutte contre le chômage.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Deflesselles.

C'est une bonne question !

M. Alain Barrau.

Cela fait partie des objectifs principaux du gouvernement que vous dirigez et de l'ensemble de la gauche plurielle.

Nous voulons donc savoir comment, pas à pas, nous pouvons avancer. Cologne a été une étape, aussi modeste soit-elle, vers cet objectif central. Il faut consacrer les mêmes énergies que celles qui ont été déployées pendant des années pour obtenir une monnaie unique, à une politique de croissance et d'emploi, à une politique contre le chômage dans l'ensemble des pays européens.

Telles sont, monsieur le Premier ministre, les deux questions que je voulais vous poser après le Conseil européen de Cologne.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Richard Cazenave.

C'est une question piège ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, pour une réponse rapide, car nous sommes un peu en retard.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, vous avez raison de souligner que le sommet de Cologne a été marqué par la résolution de la crise du Kosovo et par la relance du débat sur une Europe de la défense. Je n'y reviens pas, car l'Assemblée a été informée et a pu en débattre hier.

D'autres sujets très importants figuraient, vous l'avez rappelé, à l'ordre du jour de ce sommet.

D'abord, la réforme des institutions européennes. La France la souhaite préalablement à l'élargissement. Elle l'a fait savoir dès le sommet d'Amsterdam. Sa demande est exaucée par les Européens puisqu'il a été décidé qu'un travail serait engagé sous la présidence finlandaise et qu'une conférence intergouvernementale serait ouverte sous la présidence portugaise sur les trois questions que nous avions soulevées : le fonctionnement et la composition de la Commission, le vote à la majorité qualifiée et la pondération des voix au sein du Conseil. Il reviendra à la France de faire aboutir cette réflexion sous sa présidence lors du second semestre de l'an 2000.

Le second grand chantier qui a été ouvert, ou plutôt poursuivi, à Cologne, est celui de l'emploi avec l'adoption d'un pacte européen pour l'emploi. Il a donné lieu à des commentaires qui, me semble-t-il, ne correspondent pas à la réalité. A Cologne, des engagements concrets ont été pris ainsi que des engagements de principe.

Nous allons renforcer la coordination des politiques économiques notamment dans le cadre du Euro-onze, créé à l'initiative de Dominique Strauss-Kahn.

Nous allons continuer à associer les partenaires sociaux au dialogue sur l'Europe. Un premier Conseil européen sera consacré à l'emploi sous la présidence portugaise.

Nous allons traiter le paquet fiscal en décembre avec notamment la directive sur la fiscalité de l'épargne et l'expérimentation de taux de TVA réduits sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre.

Nous allons renforcer l'investissement en faveur des PME, et notamment des PME innovantes.

Nous allons développer encore les grands réseaux transeuropéens. Il a été décidé à Cologne d'augmenter de 50 % le budget qui leur est consacré et d'élargir la liste de ceux-ci.

Enfin, le lancement d'une charte européenne des droits civiques et sociaux a également été décidé à Cologne.

On peut dire que la présidence allemande a bien travaillé : elle a conclu l'Agenda 2000, réglé la crise de la Commission, contribué activement au règlement du conflit au Kosovo dans les conditions que l'on connaît et mis en oeuvre le traité d'Amsterdam. Elle se conclut bien et elle tend à la présidence française le relais sur toutes les questions auxquelles nous sommes particulièrement attachées.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

DIOXINE

M. le président.

La parole est à Mme Monique Denise.

Mme Monique Denise.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, ma question concerne les conséquences de la crise de la dioxine.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le sujet mérite que l'on y revienne ! Vous permettez que je pose ma question ? (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)

La présence de ce produit cancérigène a été décelé récemment dans les aliments en provenance de Belgique et utilisés pour nourrir des volailles élevées en batterie.

Chacun peut penser ce qu'il veut de ces élevages intégrés où les poussins arrivent de Belgique avec la nourriture pour y repartir devenus poulets standards six semaines après. Mais posons-nous la question de savoir ce qu'il nous reste de ces élevages qui n'apportent que peu de valeur ajoutée et peu d'emplois ? Les fientes, les problèmes d'épandage et d'odeur pour les riverains ! Dans ce type d'élevage industriel, seule la rentabilité compte.

Mais la crise est là et elle est brutale. Les éleveurs de ces poulets, qu'ils soient industriels on non, cherchent désespérément de la nourriture pour remplacer celle qui est bloquée à la frontière belge depuis maintenant plus de trente-six heures.

Dès avant l'arrêté du 4 juin, la liste des élevages ayant reçu des aliments susceptibles d'être contaminés a été dressée. Il s'agit en France de trente et un élevages qui ont reçu des graisses animales de Belgique : cinquante éle-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

vages de volailles et une soixantaine d'élevages de bovins ont été identifiés comme ayant reçu des aliments à risque.

Dans le seul département du Nord, vingt élevages de poulets et trois élevages producteurs d'oeufs ont été mis sous contrôle dès le mardi 2 juin et cela afin de protéger les consommateurs.

Les analyses de recherche de dioxine ont commencé dès cette date, mais elles sont très longues, très coûteuses et demandent entre trois et quatre semaines pour aboutir.

Cela a pour conséquence la mise au rebut immédiate des oeufs, denrée éminemment périssable, sans savoir, bien entendu, s'il y a présence ou non de dioxine. Les pertes p our l'éleveur sont donc extrêmement importantes.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Pour un producteur de 10 000 oeufs par jour, cela représente un préjudice journalier de l'ordre de 2 500 à 3 000 francs, auquel risquent de s'ajouter les frais d'abattage des pondeuses, le coût de la reconstitution du cheptel et la perte de clientèle.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

Cela ne vous intéresse peut-être pas, mais c'est la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Serait-il possible, monsieur le ministre, de faire accélérer les délais d'analyse, au moins pour les oeufs qui ne peuvent attendre vingt et un jours ? Par ailleurs, sans préjuger de la suite des analyses, q uelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre...

M. Jean Auclair.

Aucune !

Mme Monique Denise.

... pour rassurer, d'une part, les consommateurs que nous sommes tous et, d'autre part, les éleveurs ou tout au moins ceux qui appliquent scrupuleusement les règles d'un système complet de traçabilité et de qualité : (Exclamations sur les mêmes bancs) qualité des produits, objectif de la loi d'orientation agricole que nous venons de voter, ainsi que des CTE ? (Mêmes mouvements.)

M. Arnaud Lepercq.

Le Gouvernement va vous proposer de vous mettre au régime !

M me Monique Denise.

Des normes européennes existent mais ne sont pas appliquées.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

S'il vous plaît !

Mme Monique Denise.

A quatre jours des élections, on peut affirmer (Exclamations sur les mêmes bancs.)...

M. le président.

Poursuivez, madame Denise.

Mme Monique Denise.

Merci, monsieur le président.

A quatre jours des élections, on peut affirmer et ce sera ma conclusion, (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

que plus d'Europe signifiera plus de sécurité et donc moins de problèmes.

Merci de m'avoir écoutée, mesdames et messieurs de l'opposition ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Madame la députée, il y a c'est vrai, d'un côté, la polémique et, de l'autre, les faits et il est plus intéressant de s'intéresser aux faits qu'à la polémique ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

En effet ! Prenez vos responsabilités !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si une entreprise belge est prise en flagrant délit de contamination, je ne vois pas pourquoi le gouvernement français serait accusé ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

Vous vous en lavez les mains ! Ce n'est pas vous !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si le gouvernement belge tarde à donner une alerte, je ne vois pas pourquoi le gouvernement français serait accusé.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Laurent Dominati.

Vous n'avez aucune responsabilité dans cette affaire !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si la France donne l'exemple par la manière dont elle réagit à la décision de la commission, je ne vois pas pourquoi elle serait accusée ! Si les dispositions françaises en matière de farines animales (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) sont les plus rigoureuses d'Europe,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Adressez-vous au groupe socialiste. Làbas !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... et nous le devons à M. Vasseur, je ne vois pas pourquoi la France serait accusée ! J'en viens donc aux faits en balayant la polémique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Oui, madame la députée - et Marylise Lebranchu a eu raison de le relever - les dispositions que nous avons prises peuvent mettre en cause les intérêts économiques d'un certain nombre d'éleveurs. A ce stade, ce sont 181 éleveurs - 103 éleveurs de boeufs ou d'ovins et 78 de volailles (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui voient leur production mise sous séquestre dans l'attente des analyses.

M. Jean Auclair.

Tout le monde est touché !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Si ces analyses devaient être négatives, c'est-à-dire s'il n'y avait pas de trace de dioxine, nous serions en droit de poser le problème de l'indemnisation et le gouvernement français prendra l'initiative, pour les montants qu'a indiqués tout à l'heure Marylise Lebranchu, de transmettre cette demande d'indemnisation à la Commission européenne, puisque ces mesures ont été prises en application d'une décision européenne.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Peut-on accélérer les délais, et en particulier les analyses ? Aujourd'hui, il n'y a qu'un seul laboratoire agréé en France - à Lyon - pour faire ce type d'analyses de dioxine. Trois ou quatre autres laboratoires seraient susceptibles d'obtenir cet agrément. Nous allons voir si nous pouvons les rendre opérationnels d'une manière urgente pour réduire ces délais. Si ce n'était pas possible, nous n'hésiterons pas à faire appel à des laboratoires agréés étrangers. Le problème que vous posez est concret. Le gouvernement français en est conscient. Nous allons prendre les dispositions nécessaires (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Jean Auclair.

C'est trop tard !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

... à la fois pour accélérer la procédure et pour indemniser ou d emander l'indemnisation des éleveurs concernés.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

ADOPTION INTERNATIONALE

M. le président.

La parole est à Mme Véronique Neiertz.

Mme Véronique Neiertz.

Madame la garde des sceaux, le 16 février dernier, vous avez fait publier au Journal officiel deux circulaires relatives à l'adoption d'enfants originaires de pays n'ayant pas signé la convention de La Haye. La France a, pour sa part, ratifié cette convention en 1998, ce dont je me félicite car nous l'attendions depuis très longtemps.

Les circulaires que vous avez publiées sont conformes à l'esprit de la convention de La Haye, mais elles ont inquiété de nombreuses familles adoptives, qui ont manifesté le 5 juin dernier à Paris. Elles redoutent les effets rétroactifs de ces circulaires pour les enfants adoptés dans ces circonstances et déjà présents en France.

Madame la ministre, puisque vous avez eu l'intelligence de promettre aux familles concernées de les recevoir et d'ouvrir une concertation à ce sujet, puis-je vous suggérer que celle-ci ait lieu au sein du Conseil national de l'adoption, instance créée par la loi qui a réformé l'adoption en 1996 et dont, incidemment, je suis la présidente ? (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Jacques Myard.

C'est le hasard !

Mme Véronique Neiertz.

Cela aurait pour avantage non seulement de m'aider à répondre aux nombreuses lettres d'associations et d'élus que j'ai reçues à ce sujet ainsi qu'aux inquiétudes des familles, mais également, et accessoirement, de respecter la procédure de conciliation prévue par la loi à cet effet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux pour une réponse rapide.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame la députée, je veux dire d'abord que la circulaire dont vous avez parlé n'a bien évidemment pas pour but de décourager l'adoption internationale ou de rendre les choses plus difficiles aux familles.

M. Patrick Braouezec.

C'est pourtant ce qu'elle fait !

Mme la garde des sceaux.

Notre pays est celui qui est le plus engagé dans l'adoption internationale, et je suis fière de la générosité des familles qui accueillent des enfants démunis d'affection, de toutes ressources et de tous soins matériels.

M. Jean-François Mattei.

C'est vrai !

Mme la garde des sceaux.

La circulaire a pour but de garantir la sécurité juridique des adoptions et de protéger les familles contre le risque des trafics d'enfants en application de la convention de La Haye et de la convention de l'ONU sur les droits de l'enfant.

Ayant constaté les inquiétudes qu'avait fait naître ce texte pourtant destiné à harmoniser les jurisprudences pour réduire l'insécurité juridique, j'ai demandé qu'on organise une concertation avec les associations représentant ces familles. Celle-ci a eu lieu vendredi dernier.

Nous sommes convenus que cette consultation serait régulière afin de traiter en permanence les difficultés ponctuelles. Par ailleurs, il a été décidé qu'un groupe de travail se réunirait dès le 8 juillet prochain et qu'un correspondant « adoption » serait institué dans chaque parquet général. Enfin, un Numéro vert sera créé auprès de la mission interministérielle de l'adoption et le Conseil national de l'adoption dont vous êtes la présidente sera non seulement consulté mais au centre de cette action.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

DÉFENSE DES FONCTIONNAIRES

M. le président.

La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo.

Monsieur le Premier ministre, selon votre déclaration du 8 juin, reprise par un quotidien du soir, les fonctionnaires bénéficient, comme tout citoyen, de la présomption d'innocence. Cette phrase confirme un autre principe qui est le privilège de défense des fonctionnaires dans toute affaire les concernant.

Compte tenu de ces éléments de droit, pourriez-vous éclairer la représentation nationale et les Français sur les raisons qui justifient que le ministère de l'intérieur prenne en charge la défense de M. le préfet Bonnet, notamment par l'intervention de Me Kiejman, quand le même privilège est refusé aux gendarmes impliqués dans la même affaire par le ministère de la défense ? Quel élément de droit justifie cette différence de traitement ? (Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Patrick Devedjian et M. Pierre Lellouche.

Excellente question !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Arnaud Lepercq.

Non ! Le ministre de la défense !

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, la réponse est extrêmement simple.

A partir du moment où le fonctionnaire reconnaît avoir commis une faute détachable du service,...

M. Arnaud Lepercq.

Mieux vaut mentir !

M. Patrick Devedjian.

N'avouez jamais !

M. Arnaud Lepercq.

N'obéissez pas aux ordres et n'avouez jamais !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. Patrick Devedjian.

La bande à Bonnot !

M. le ministre de l'intérieur.

... à partir du moment où son conseil le reconnaît publiquement, ce qui est le cas, l'administration dont il dépend n'est nullement tenue de prendre à sa charge la protection dudit fonctionnaire.

M. Jean-Claude Lenoir.

C'est faux !

M. Patrick Devedjian.

L'omerta !

M. Pascal Clément.

C'est faux ! Quelle erreur juridique !

M. le ministre de l'intérieur.

Mais naturellement, la présomption d'innocence existe...

M. Pascal Clément et M. Jean-Claude Lenoir.

Alors !

M. le ministre de l'intérieur.

... et si aucun élément matériel confondant ou aucun aveu valant preuve ne conduit à reconnaître l'existence d'une faute détachable du service, alors, il est naturel que l'administration prenne en charge sa défense.

(Protestations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

Nous revenons au groupe communiste, pour une dernière question.

POLITIQUE EUROPÉENNE DU SPORT

M. le président.

La parole est à M. Georges Hage.

M. Georges Hage.

Madame la ministre de la jeunesse et des sports, j'ai baissé les bras, au bout de vingt-cinq ans d'interpellations - parlementaires et autres - infructueuses en faveur du budget des sports. Me dire que, sans ces interventions, ce budget eût été plus déplorable encore ne me console guère.

Mais la présente question que j'ai voulu vous adresser en manière de regret et d'autocritique est tout à votre louange (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) : voici que votre action persévérante prend une dimension qualitative nouvelle. En un an, à votre initiative, les ministres européens du sport se sont réunis trois fois, et récemment encore, du 31 mai au 2 juin, à Paderborn, ville allemande de Westphalie, pour examiner la place du sport dans l'Europe et la possibilité d'une éthique sportive nouvelle.

Jusqu'ici, les questions sportives n'étaient pas abordées au niveau de l'Union européenne. Les Etats laissaient à la Commission de Bruxelles le soin de réglementer en la matière. Il en est résulté l'application insolite de règles communautaires ne tenant pas compte de la spécificité du sport. Ainsi, des règles relatives à la concurrence ont justifié l'arrêt Bosman, lequel autorisait la libre circulation des joueurs, ce qui a entraîné, les centres de formation l'observent, l'exode de nos athlètes.

Lors du sommet de Paderborn, d'autres questions ont été soulevées et discutées, notamment le dopage, le sport pour handicapés et la formation, questions que nous aimerions vous entendre évoquer, fût-ce brièvement.

Plus précisément, l'exception française en matière sportive, donc culturelle aussi, entraînera-t-elle une exception européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

M. Richard Cazenave et M. Pierre Lellouche.

Le PC répond au PC !

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports.

S'agissant de sport, messieurs, nous défendons, je crois, des valeurs communes.

M. Richard Cazenave et M. Pierre Lellouche.

C'est vrai !

Mme la ministre de la jeunesse et des sports.

Alors, peut-être, pourriez-vous écouter ma réponse.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

Monsieur Hage, les résultats de la rencontre des ministres des sports de l'Union européenne qui s'est tenue en Allemagne ont marqué, en effet, une avancée significative que je considère, pour ma part, comme historique.

Sur la base de la décision du Conseil de Vienne réunissant les chefs d'Etat et de gouvernement, qui ont appelé à la préservation du rôle social du sport dans l'espace communautaire, les ministres des sports de l'Union européenne ont, à l'unanimité, reconnu les intérêts spécifiqu es du sport dans l'application d'un certain nombre de règles européennes, notamment celles de la concurrence et du marché intérieur, dans les mesures relatives au sport et à la télévision, dans l'action des Etats membres et des organisations sportives en faveur de la protection des sportifs mineurs - car je considère, pour ma part, comme une obligation morale de ne pas accepter que des enfants de dix à quinze ans soient achetés comme des marchandises (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste) - en faveur de la formation des jeunes, du rôle social et des fonctions de solidarité du sport.

Grâce à notre gouvernement, aujourd'hui, la voie d'une exception sportive en Europe est ouverte. Je m'en réjouis parce que le gouvernement français avait multiplié les initiatives et les propositions pour y parvenir.

Pour concrétiser les décisions de la réunion des ministres des sports, auxquels s'était associée la Commission européenne, des propositions destinées à donner un fondement politique et juridique à la spécificité du sport, seront présentées au Conseil d'Helsinki. C'est la première fois dans l'histoire de la construction européenne.

En ce qui concerne la lutte contre le dopage, les quinze ministres des sports ont retenu la proposition de la France d'établir une coopération douanière et judiciaire contre le trafic des produits dopants. Ils ont finalisé le projet d'une agence internationale de lutte contre le dopage. Depuis lors, une délégation de l'Union européenne a rencontré le président du Comité international olympique. Nous avançons de façon constructive vers la création d'une telle agence.

Je suis persuadée que ces avancées répondent aux attentes du mouvement sportif, français et européen, et de l'opinion publique. Elles permettront que, enfin, le sport ne soit plus considéré comme une marchandise mais comme un mouvement associatif jouant un rôle social et citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Raymond Forni.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

2 PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'une proposition de loi

M. le président.

Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, je vous prie d'excuser mon retard dû à une incompréhension.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (nos 1587, 1639, 1674).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêté aux amendements nos 18 de M. Goasguen et 86 de M. Plagnol tendant à supprimer le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil à l'article 1er

Article 1er (suite)

M. le président.

Je rappelle les termes de l'article 1er :

« Art. 1er Le livre Ier du code civil est complété par un titre XII ainsi rédigé :

«

TITRE

XII

« DU PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ ET DU CONCUBINAGE

« C HAPITRE Ier

« Du pacte civil de solidarité

« Art. 515-1. Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.

« Art. 515-2. A peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité :

« 1o Entre ascendant et descendant en ligne directe, entre alliés en ligne directe et entre collatéraux jusqu'au troisième degré inclus ;

« 2o Entre deux personnes dont l'une au moins est engagée dans les liens du mariage ;

« 3o Entre deux personnes dont l'une au moins est déjà liée par un pacte civil de solidarité.

« Art. 515-3. Deux personnes qui concluent un pacte civil de solidarité en font la déclaration conjointe au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel elles fixent leur résidence commune.

« A peine d'irrecevabilité, elles produisent au greffier la convention passée entre elles en double original et joignent les pièces d'état civil permettant d'établir la validité de l'acte au regard de l'article 515-2 ainsi qu'un certificat du greffe du tribunal d'instance de leur lieu de naissance ou, en cas de naissance à l'étranger, du greffe du tribunal de grande instance de Paris, attestant qu'elles ne sont pas déjà liées par un pacte civil de solidarité.

« Après production de l'ensemble des pièces, le greffier inscrit cette déclaration sur un registre.

« Le greffier vise et date les deux exemplaires originaux de la convention et les restitue à chaque partenaire.

« Il fait porter mention de la déclaration sur un registre tenu au greffe du tribunal d'instance du lieu de naissance de chaque partenaire ou, en cas de naissance à l'étranger, au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

« L'inscription sur le registre du lieu de résidence confère date certaine au pacte civil de solidarité et le rend opposable aux tiers.

« Toute modification du pacte fait l'objet d'une déclaration conjointe inscrite au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial, à laquelle est joint, à peine d'irrecevabilité et en double original, l'acte portant modification de la convention. Les formalités prévues au quatrième alinéa sont applicables.

« A l'étranger, l'inscription de la déclaration conjointe d'un pacte liant deux partenaires dont l'un au moins est de nationalité française et les formalités prévues aux deuxième et quatrième alinéas sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français ainsi que celles requises en cas de modification du pacte.

« Art. 515-4. Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'apportent une aide mutuelle et matérielle.

Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte.

« Les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun.

« Art. 515-5. Les partenaires d'un pacte civil de solidarité indiquent, dans la convention visée au deuxième alinéa de l'article 515-3, s'ils entendent soumettre au régime de l'indivision les meubles meublants dont ils feraient l'acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte. A défaut, ces meubles sont présumés indivis par moitié. Il en est de même lorsque la date d'acquisition de ces biens ne peut être établie.

« Les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié si l'acte d'acquisition ou de souscription n'en dispose autrement.

« Art. 515-6. - Les dispositions de l'article 832 sont applicables entre partenaires d'un pacte civil de solidarité en cas de dissolution de celui-ci, à l'exception de celles relatives à tout ou partie d'une exploitation agricole, ainsi qu'à une quote-part indivise ou aux parts sociales de cette exploitation.

« Art. 515-7. - Lorsque les partenaires décident d'un commun accord de mettre fin au pacte civil de solidarité, ils remettent une déclaration conjointe écrite au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel l'un d'entre eux au moins a sa résidence. Le greffier inscrit cette déclaration sur un registre et en assure la conservation.

« Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il signifie à l'autre sa décision et adresse copie de cette signification au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

« Lorsque l'un des partenaires met fin au pacte civil de solidarité en se mariant, il en informe l'autre par voie de signification et adresse copies de celle-ci et de son acte de naissance, sur lequel est portée mention du mariage, au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.

« Lorsque le pacte civil de solidarité prend fin par le décès de l'un au moins des partenaires, le survivant ou tout intéressé adresse copie de l'acte de décès au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial.

« Le greffier, qui reçoit la déclaration ou les actes prévus aux alinéas précédents, porte ou fait porter mention de la fin du pacte en marge de l'acte initial. Il fait également procéder à l'inscription de cette mention en marge du registre prévu au cinquième alinéa de l'article 515-3.

« A l'étranger, la réception, l'inscription et la conservation de la déclaration ou des actes prévus aux quatre premiers alinéas sont assurées par les agents diplomatiques et consulaires français, qui procèdent ou font procéder également aux mentions prévues à l'alinéa précédent.

« Le pacte civil de solidarité prend fin, selon le cas :

« 1o Dès la mention en marge de l'acte initial de la déclaration conjointe prévue au premier alinéa ;

« 2o Trois mois après la signification délivrée en application du deuxième alinéa, sous réserve qu'une copie en ait été portée à la connaissance du greffier du tribunal désigné à cet alinéa ;

« 3o A la date du mariage ou du décès de l'un des partenaires.

« Les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité. A défaut d'accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi. »

ARTICLE 515-4 DU CODE CIVIL

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 18 et 86.

L'amendement no 18 est présenté par M. Goasguen, M. Goulard et M. Perrut ; l'amendement no 86 est présenté par M. Plagnol, Mme Boutin, M. de Courson, M. Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil. »

J'imagine, monsieur Goasguen, que tout cela a déjà été vu en première et en deuxième lecture !

M. Claude Goasguen.

C'est une perpétuelle redécouverte, monsieur le président.

M. le président.

Vous avez la parole pour présenter l'amendement no 18, mais n'oubliez pas que nous sommes en troisième lecture !

M. Claude Goasguen.

L'article 514-4 est un article important, qui éclaire la nature du PACS. Comme nous ne menons pas une polémique stérile, je vais simplement noter les difficultés juridiques.

Auparavant, il s'agissait d'un contrat quasi matrimonial. Là, on voit que la grande différence entre ces deux formes contractuelles tient à la nature des obligations, puisque l'article 515-4 se limite vraiment au strict minimum.

« Aide mutuelle et matérielle », je crois qu'on ne pouvait pas faire moins. On ne parle pas de fidélité, bien sûr, puisqu'il n'y a plus de problème sexué, semble-t-il, encore que l'article 515-3 laissait penser le contraire. C'est vraiment un texte évolutif ! Ni secours, ni assistance - pourtant, c'est un pacte civil de solidarité - ni communauté de vie. C'est clair. En réalité, il n'y a plus aucune obligation ! Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte.

J'aimerais savoir ce que cela signifie. Cela signifie-t-il que le pacte inscrit au greffe du tribunal pourra être individualisé, et il n'y a donc plus de formule type, ou bien que les modalités de l'aide sont fixées par un pacte rédigé devant notaire ? Je constate d'ailleurs que vous faites de plus en plus référence aux notaires alors que vous niiez leur présence en première lecture. Il y a une vraie incertitude à ce sujet. C'est quand nous verrons les premiers formulaires que nous saurons s'il sont généraux ou précis.

Je souhaite que ce ne soit pas un simple questionnaire anonyme, une sorte de grille QCM, où l'on remplit les cases par oui ou non.

Ensuite, se pose la question de la nature juridique de ce que vous considérez comme la solidarité à l'égard des dettes. C'est un concept connu en droit mais il demande à être précisé. Que signifient les besoins de la vie courante ? Je pense que vous faites référence à la notion du ménage matrimonial. Quant aux dépenses relatives au logement commun, on voit bien de quoi il s'agit.

Contrairement à l'article précédent, l'article 515-4 est donc asexué.

Mme Christine Boutin.

Les articles pairs sont asexués alors que les articles impairs sont sexués ! (Sourires.)

M. Claude Goasguen.

Mme Boutin a raison...

M. le président.

Ne commencez pas à faire des apartés, mes chers collègues !

M. Alain Barrau.

Les débats de la première et de la deuxième lecture devaient être psychanalisés !

M. le président.

Voulez-vous discuter avec Mme Boutin en dehors de l'hémicycle, monsieur Barrau ?

M. Alain Barrau.

Avec un grand plaisir !

Mme Christine Boutin.

Je ne sais si ce sera mon cas !

M. le président.

Je vous en prie, mes chers collègues.

Poursuivez et concluez, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Je termine en disant que je trouve l'article 515-4 incertain quant à ses modalités, dangereux sur le fond et contradictoire avec certains autres articles du texte. Pour toutes ces raisons, je demande sa suppression.

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol, pour soutenir l'amendement no

86.

M. Henri Plagnol.

M. Claude Goasguen a très bien exposé les raisons pour lesquelles l'article 515-4 devait être supprimé.

Je voudrais insister sur un point, qui est assez déroutant pour un habitué du code civil. C'est en effet la première fois qu'on introduit un régime matrimonial intermédiaire entre le concubinage et le mariage, puisque, comme l'a dit Patrick Devedjian hier, il y aura désormais trois façons de se marier en France. Un statut de ce type, à vocation universelle, comportant des droits et des devoirs précis, doit être, en principe, contraignant, faute de quoi les juges et, plus généralement, tous ceux qui auront à appliquer la législation sur le PACS, seront très désarmés. Or, pour la première fois, on laisse la faculté


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aux parties de définir la loi commune comme elles l'entendent. Le PACS dépendra donc du bon plaisir des deux partenaires. Nous aurons en conséquence un statut à géométrie variable.

Que se passera-t-il, madame la garde des sceaux, si, par hypothèse, les partenaires, introduisent dans le contrat des clauses contraires au droit général de la famille, en particulier pour ce qui concerne le sort des enfants en cas de séparation ? On nous a dit et répété que le juge appliquerait la loi du contrat lorsqu'il s'agira des biens, et le droit familial lorsqu'il s'agira des enfants. Mais que se passera-t-il si l'accord conclu entre les parties comprend des spécifications contraires à l'intérêt des enfants et à l'exercice de l'autorité parentale ?

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur les deux amendements identiques.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La commission a repoussé ces deux amendements car elle souhaite que soit maintenu l'article qui prévoit les obligations des deux cocontractants.

Je conçois que MM. Goasguen et Plagnol soient un peu déroutés par ce texte, et nous-mêmes pouvons l'être.

Mme Christine Boutin.

Quel aveu !

M. Jacques Floch.

C'est normal : c'est nouveau !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il est toujours déroutant d'introduire de la nouveauté dans le droit. Les juristes éminents que vous êtes - professeur de droit, membre du Conseil d'Etat - ont toujours, comme moi, tendance à se référer aux précédents, à la jurisprudence.

Nous sommes donc toujours déroutés par la nouveauté.

Mais je pense que des esprits aussi curieux que vous et aussi attachés aux libertés individuelles, attachement qui est le centre de votre engagement politique, ne peuvent être que favorables à un tel texte.

J'ajouterai deux remarques.

D'abord, la convention devra préciser les modalités de l'aide matérielle et morale. Elle ne devra pas se contenter de reconnaître cette aide matérielle et morale.

M. Claude Goasguen.

Il faudra donc passer devant notaire !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

On pourra s'en tenir à des rédactions assez minimales ou préférer des rédactions plus précises, faisant notamment référence à la maladie, au décès ou au handicap de l'un des deux partenaires.

L'aide sera à la fois matérielle et mutuelle, c'est-à-dire morale, pour reprendre un terme que l'on connaît dans le cadre du mariage.

Ensuite, je rappellerai, à l'intention de M. Plagnol, que l a convention ne doit contenir aucune disposition contraire à la loi, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs.

Sinon, ainsi que cela a été dit hier, mais peut-être ne l'avez-vous pas bien compris, mon cher collègue, la convention serait frappée de nullité absolue.

Ni aux droits de la puissance paternelle ni à la loi Malhuret on ne pourra déroger par des conventions particulières. Cela est d'ailleurs conforme au droit général des contrats, que vous connaissez encore mieux que moi, monsieur Plagnol, étant donné le nom que vous portez, même s'il n'a rien à voir avec celui du grand civiliste.

M. le président.

Ne commencez pas à confondre M. Plagnol avec un autre ! (Sourires.)

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Le Gouvernement a le même avis que la commission.

M. le président.

Merci pour votre concision ! La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je voudrais répondre à notre rapporteur qui a avoué, et je le remercie de sa sincérité, être dérouté par le texte. Effectivement, nous ne pouvons qu'être déroutés.

Je soutiens évidemment les deux amendements de M. Goasguen et de M. Plagnol.

Nous sommes là au coeur du problème.

Hier, à de nombreuses reprises, tant dans la discussion générale que dans les réponses aux motions de procédure, vous avez reproché à l'opposition de ne s'intéresser qu'aux problèmes fiscaux et financiers, vous nous avez reproché de ne pas savoir ce qu'était l'amour et de n'avoir comme seule boussole, ou presque, que le CAC 40. Or, justement, la seule chose qui manque dans l'article 515-4, c'est la dimension de fidélité, les seules relations qui existent dans le PACS relevant de l'aide mutuelle et matérielle.

La seule chose qui vous intéresse, c'est l'aspect matériel et, suivant que les articles sont pairs ou impairs, il y a de l'amour ou il n'y en a pas ! Vous avez en fait avec le PACS un mariage, la fidélité en moins. Vous estimez que la fidélité n'est pas nécessaire dans le PACS mais celui-ci est un plagiat du mariage.

C'est la raison pour laquelle il me semble indispensable de supprimer le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 18 et 86.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 125, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil :

« Art. 515-4. - Les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'apportent secours et assistance. »

Puisque nous étions au coeur du sujet avec les deux amendements précédents, je pense que le reste ira de soi.

(Sourires.)

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Pour une fois, la nuit a été éclairante. Une fois de plus, la majorité n'a accepté aucun de nos amendements mais, petit à petit, on commence à avoir des lumières. Ainsi, monsieur le rapporteur, vous avez reconnu à trois heures du matin que le PACS pouvait être à durée déterminée. Vous avez d'ailleurs à cet égard refusé un amendement. Je vous prouverai qu'il sera, à plus de cinq ans, rentable de conclure un PACS.

On avait l'amour par intermittences. On pourra avoir un PACS pour quatre ou cinq ans, et vous avez vousmême reconnu que c'était possible.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

L'article 515-4 est un peu comme le reste du texte : en réalité, on discute du sexe des anges. Pourquoi ? Parce qu'on édicte des obligations, inapplicables.

De quoi s'agit-il ? D'abord, d'une « aide mutuelle et matérielle », dont on ne connaît pas de définition juridique précise, contrairement à l'obligation de secours et d'assistance entre époux. A ce sujet, la démonstration de M. Goasguen a été édifiante.

Il s'agit ensuite d'une obligation de solidarité à l'égard des dettes contractées par l'un des « pacsés » pour les

« besoins de la vie courante » et les « dépenses relatives au logement commun ». Cette disposition nécessitera l'élaboration de règles jurisprudentielles afin que soit définie plus précisément la notion de « besoins de la vie courante » et de « dépenses relatives au logement commun ».

On se demande d'ailleurs pourquoi on parle de « logement commun », puisque vous nous avez expliqué qu'il n'y avait nul besoin de logement commun.

Entre les asexués et les sexués, entre les toits communs et ceux qui ne le sont pas, entre les articles pairs et les articles impairs, vous ne cessez de vous contredire.

Enfin, l'article 515-4 dispose que les modalités de l'aide mutuelle et matérielle sont fixées par le pacte.

Cette rédaction laisse donc une totale liberté contractuelle aux parties. Mais tout le monde n'étant pas juriste, de tels contrats ne pourront être élaborés par des nonprofessionnels sans que ceux-ci courent le risque de rédiger des clauses dépourvues d'effets juridiques.

Force est donc de constater que le volet obligations de la proposition de loi relative au PACS est bien mince face aux avantages qu'il procure. En effet, aucune obligation telle qu'un devoir de secours ou un devoir alimentaire ne subsistera une fois le PACS rompu. Comme nous le disons depuis le début de la discussion, le PACS présente tous les avantages du mariage, sans en comporter les obligations.

Par l'amendement no 125, je vous propose d'améliorer le texte car il convient de ne pas laisser une totale liberté contractuelle aux partenaires.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement, qui avait déjà été examiné en première et en deuxième lecture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 125.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 280, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil, substituer aux mots : "s'apportent une aide mutuelle et matérielle", les mots : "se doivent une aide matérielle". »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Nous sommes nombreux à c élébrer des mariages et nous avons tous en tête l'article 212 du code civil, qui est ainsi rédigé : « Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. »

Pour montrer que le PACS n'était pas une souscatégorie de mariage ni un mariage bis, vous avez un peu transformé la rédaction du code civil concernant le mariage en préférant la formule « s'apportent » à celle de

« se doivent ». Mais cela revient quasiment au même.

Pour ma part, je préfère que les choses soient claires. Je propose donc de reprendre le texte de l'article 212 et d'écrire en conséquence que les partenaires d'un PACS

« se doivent » - et non « s'apportent » - « une aide matérielle ».

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 280.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 36, 130 et 281.

L'amendement no 36 est présenté par MM. Goasguen, Goulard, Dord et Perrut ; l'amendement no 130 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 281 est présenté par Mme Boutin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil. »

La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l'amendement no

36.

M. Claude Goasguen.

Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà dit quant à la discrimination que vous opérez entre ceux qui se contenteront de la formule stéréotypée délivrée au greffe du tribunal et ceux qui auront les moyens de se payer un notaire qui leur offrira une assistance juridique plus forte. Votre attitude est constante : en fait, vous prévoyez un PACS selon les moyens des contractants.

Je voudrais réfléchir à un problème juridique différent.

Imaginons que le PACS soit utilisé sous son aspect maximaliste, ses signataires prévoyant toutes les dispositions du mariage, sauf celle qui est la plus gênante, c'està-dire le divorce. Les deux contractants auront les mêmes obligations contractuelles que des époux, à une exception près : la clause résolutoire du divorce.

Hier, je vous disais que vous préfiguriez le nouveau droit de la famille que vous êtes censés étudier dans une commission. De ce point de vue, l'article 515-4 est particulièrement significatif. Car, à la limite, si j'utilise votre texte, je n'ai plus besoin de divorce du tout. Je peux donc détourner complètement, avant même que nous n'en ayons discuté dans cet hémicycle, la possibilité d'une sanction judiciaire à la rupture du contrat.

Cette proposition de loi nous réserve, de lecture en lecture, des surprises juridiques. Nous sommes encore en début de discussion et nous avons l'esprit suffisamment frais pour les détecter. Mais je ne doute pas qu'à la faveur de la quinzième lecture nous en détecterons de nouvelles.

Mme Christine Boutin.

C'est une certitude !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cela prouve la nouveauté du texte !

M. le président.

Que l'on nous épargne une quinzième lecture ! (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no 130.

M. Thierry Mariani.

Je rejoindrai certains des arguments avancés par Claude Goasguen.

La nuit dernière, vers deux heures du matin, le rapporteur nous a dit, tout à fait honnêtement, que s'il avait à signer un PACS il prendrait conseil auprès d'un notaire.

Comment voulez-vous que des personnes non averties en matière de droit puissent rédiger elles-mêmes leur pacte civil de solidarité sans éviter deux écueils : le premier est que le plus faible se fasse tordre le cou par le plus fort, le plus calé en droit ; le second est d'aboutir à une rédaction qui ouvrira ultérieurement la porte à de nombreux contentieux.

La phrase : « Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte » doit donc être, à mon avis, purement et simplement supprimée car je ne pense pas que l'on puisse laisser aux contractants une liberté totale en ce domaine.

Monsieur le rapporteur, je suis prêt à prendre un pari.

Regardez ce qui se passe pour les associations. Lorsque l'on se rend dans une préfecture pour déposer les statuts d'une association, les services concernés délivrent des statuts types, d'ailleurs édités, me semble-t-il, par le Journal officiel. Je suis prêt à parier avec vous que, d'ici à deux ou trois ans, vous serez obligé de faire la même chose pour le PACS, tellement celui-ci sera devenu un fouillis dans lequel plus personne ne se retrouvera.

Voilà pourquoi je propose l'amendement no 130, qui tend à éviter que le plus fort ne dicte sa loi au plus faible.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour défendre l'amendement no 281.

Mme Christine Boutin.

Mon argumentation sera un peu différente de celles de mes deux collègues.

Je trouve que la rédaction qui précise que « les modalités de cette aide sont fixées par le pacte » est d'un tel vague qu'elle est inapplicable.

D éjà, lors de l'examen du texte proposé par l'article 515-1, qui définit le PACS, nous avons essayé, au cours des différentes lectures, d'obtenir des précisions sur l'« organisation de la vie commune ». Or je ne me souviens pas, ni en première ni en deuxième lecture, d'avoir obtenu une réponse précise sur ce concept d'« organisation de la vie commune ». Mme la garde des sceaux nous a hier renvoyés une fois à certaines pages du Journal officiel . Quand nous l'avons de nouveau interrogée, elle a oublié de le faire. En tout cas, si elle l'a fait, je ne m'en souviens pas.

S'agissant de l'« organisation de la vie commune », aucune définition n'a donc été donnée. Cela va-t-il de la cuillère à café ou de la salière à l'appartement ? Nous n'en savons rien.

Quant à la formule : « Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte », c'est-à-dire par les cocontractants eux-mêmes, elle laisse à ceux-ci une liberté absolue. Il n'y a aucun repère, puisque le PACS n'est pas conclu devant une personne compétente en matière de droit. Tout cela me paraît redondant et n'apporte absolument rien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Mme Christine Boutin.

Nous n'avons toujours pas d'explications !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Je voudrais répondre à la commission et au Gouvernement.

La phrase : « Les modalités de cette aide sont fixées par le pacte », ne me semble pas acceptable en l'état.

En effet, les modalités de l'aide fixées par le pacte portent, par hypothèse, sur une aide mutuelle, si l'on se réfère à la phrase précédente. Mais qui sera juge de ce caractère mutuel ? Qu'en sera-t-il des modalités d'une aide qui ne serait pas mutuelle ou qui ne serait pas suffisamment équilibrée dans sa réciprocité ? Le greffier - puisque c'est auprès de lui que l'enregistrement sera proposé - refusera-t-il d'enregistrer un pacte qui n'aurait pas effectivement prévu des modalités équilibrées et mutuelles de l'aide dont il s'agit ? Va-t-il être transformé en juge de la réciprocité de l'aide ? Il serait à mon avis plus simple de supprimer carrément la dernière phrase du premier alinéa de l'article, qui rend le dispositif totalement inapplicable. Mais conserve la première, puisque tel est le voeu de la majorité.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 36, 130 et 281.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

MM. Goasguen, Dord et Goulard ont présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par la phrase suivante : "Les partenaires s'obligent à une communauté de vie." » La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

En déposant cet amendement, mes collègues du groupe Démocratie libérale et moimême avons voulu fermement exprimer notre hostilité à la définition de la notion de « vie commune » qui est contenue dans le PACS.

En effet, cette notion de « vie commune » demande, comme l'a dit Mme Boutin, à être précisée. Nous avons déjà obtenu quelques précisions, mais je dois avouer qu'elles nous laissent un peu sur notre faim.

M. le rapporteur a l'air de dire que la « vie commune » est le strict minimum, mais que celle-ci n'est pas l'objectif du PACS.

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas une communauté de droits !

M. Claude Goasguen.

C'est une communauté qui peut d'ailleurs aller d'une communauté d'intérêt à une communauté presque affective, voire à une communauté affective,...

Mme Christine Boutin.

C'est pair ou impair ? (Sourires.)

M. Claude Goasguen.

... la « vie commune » étant un élément presque aléatoire.

Mais tout cela appelle un approfondissement. Que signifie l'expression « vie commune », que vous employez de temps à autre ? Est-ce recourir à Internet, prendre le métro ou le petit déjeuner ensemble ? De quoi s'agit-il ? De la vie commune sous le toit ? De la vie commune dans le lit ? De la vie commune sous le même toit mais sans le lit, ou dans le même lit sans le toit ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Mme Christine Boutin.

Sous le lit !

M. Claude Goasguen.

Pourquoi pas ? Je pourrais admettre que la communauté d'intérêt justifie des avantages fiscaux. Si vous admettez qu'il s'agit en l'occurrence d'une communauté d'intérêt, je suis prêt à discuter avec vous des avantages fiscaux et sociaux auxquels elle pourrait donner lieu, d'autant que nous nous situerions alors quasiment dans le droit des sociétés civiles et des contrats civils.

Mais vous me dites que tel n'est pas le cas puisque le PACS comporte un élément affectif. Moi, je vous dis que l'octroi d'avantages fiscaux pour un affectif sans cohabitation ni vie commune n'a pas de justification juridique.

Mais, il est vrai, comme le rappelle régulièrement M. le rapporteur, que je ne suis qu'un professeur à la faculté de droit et que je manque en conséquence d'imagination juridique.

(Sourires.)

En ce qui le concerne, il en a trop car on n'a jamais réussi à imaginer qu'une communauté affective aussi sympathique soit-elle, puisse obtenir des avantages fiscaux de la part de la société.

J'ajoute que cette communauté affective ne serait pas non plus assortie d'obligations mutuelles.

Nous en sommes, monsieur le rapporteur, au stade de l'imagination juridique ! Je souhaite que cette imagination, qui, pour l'instant, virevolte, retombe un jour. Nous sommes arrivés à la moitié du parcours et vous êtes en position instable...

Mme Christine Boutin.

Et cela fait mal quand on retombe !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé l'amendement, comme elle avait repoussé des a mendements similaires lors des deux précédentes lectures.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Delnatte a présenté un amendement, no 186, ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par la phrase suivante :

« Cette aide mutuelle et matérielle ne peut en aucun cas léser les enfants des partenaires du pacte civil de solidarité. »

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir cet amendement.

M. Jacques Pélissard.

Prenons l'exemple d'un père de famille, divorcé, qui aura conclu un PACS. Il sera tenu à une aide mutuelle et matérielle vis-à-vis de l'autre participant au PACS. Qu'en sera-t-il de sa capacité contributive s'agissant de la pension qu'il doit à ses enfants ? Pourrat-il aller devant le juge aux affaires familiales dire qu'il refuse de payer plus d'un certain montant de pension alimentaire sous prétexte qu'il a une aide à assurer à son

« pacsé » ? Cet amendement a pour objet de préserver les droits des enfants qui nous paraissent prioritaires par rapport à ceux reconnus aux membres du PACS.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable. Je me suis déjà expliqué sur ce point.

Le même raisonnement vaut pour le mariage, mon cher collègue. Il arrive que le juge des affaires familiales ait à trancher des cas où des parents remariés veulent léser les enfants d'un premier mariage. En général, le juge s'y oppose. Ici, la situation n'est pas différente.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Contre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 282, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil :

« Il n'existe pas de solidarité entre les partenaires sauf dans les cas prévus par la loi ou la convention. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Il est tout à fait dommage que M. Mariani n'ait pu obtenir plus de précisions. Je constate que, comme hier, nous obtenons en guise de réponses une répétition de « défavorable » sans aucune explication. Cette position serait justifiée si vous nous aviez répondu en première et deuxième lecture, mais cela n'a pas été le cas, et si nous avons redéposé certains amendements, c'est parce que, dans notre candeur et notre naïveté (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous pensions que vous alliez enfin nous donner quelques précisions !

M. le président.

Parlez-nous de l'amendement no 282, madame Boutin !

Mme Christine Boutin.

Cet amendement a pour objectif de rappeler que l'indépendance des partenaires est profondément contraire à une solidarité des dettes entre les contractants. Les futurs contractants d'un PACS ne mesurent pas la gravité des conséquences d'un tel acte.

Actuellement, la solidarité à l'égard des dettes contractées n'existe pas entre les concubins. Il est donc très important que les personnes qui souhaitent conclure un PACS sachent qu'elles seront tenues à cette solidarité. C'est en effet excessivement grave, car cela risque de mettre en péril tout le patrimoine de l'un des deux « pacsés ».

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 282.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 129, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil, après les mots : "pour les besoins de la vie courante" insérer les mots : ", l'éducation des enfants". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Malgré votre bonne volonté évidente, monsieur le rapporteur, on découvre les lacunes du texte au détours de chaque amendement. Permettez-moi de rebondir sur une phrase. Vous avez dit tout à l'heure


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

que si la rédaction du pacte lésait l'un des enfants, le tribunal d'instance s'y opposerait. Je vous pose donc la question : comment pourra-t-on savoir si les personnes qui viennent déposer un PACS ont ou non des enfants ?

M. Jacques Pélissard.

On ne pourra pas le savoir !

M. Thierry Mariani.

On ne pourra pas le savoir, ene ffet ! Je viens de relire le texte proposé pour l'article 515-3 du code civil. Il précise que les deux personnes souhaitant conclure un PACS devront produire le texte de leur pacte et une pièce prouvant leur état civil.

Mais, à aucun moment, on ne leur demandera si elles ont des enfants. Votre argument ne tient donc pas, monsieur le rapporteur. A force d'être bricolé, votre texte cumule les lacunes.

L'amendement no 129 vise à rappeler l'importance de l'éducation des enfants à un moment où la délinquance juvénile pose tant de problèmes. Nous avons bien compris que c'était un problème très subalterne pour vous, mais certains « pacsés » auront des enfants et ceux-ci seront donc indirectement concernés par le PACS.

Cela dit, monsieur le rapporteur, je répète ma question : comment saura-t-on au moment du dépôt du PACS si les partenaires ont des enfants ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Contre.

Je vous poserai, moi aussi, une question, monsieur Mariani : peut-on savoir si une personne qui se remarie a des enfants d'un premier mariage ? On ne sait pas.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, c'est une manière élégante de dire qu'au moment du dépôt du PACS on n'aura aucun moyen de savoir si les personnes ont des enfants ! Votre texte est tantôt sexué, tantôt asexué. (Sourires.)

Vous nous sortez la comparaison avec le mariage. Mais ce n'est pas comparable ! Ceux d'entre nous qui sont maires lisent les articles du code civil qui définissent clairement les obligations et les devoirs quand ils célèbrent un mariage. Avec le PACS il n'y aura aucune obligation, aucun devoir. Vous venez donc de confirmer, une fois de plus, que l'opposition ne passe pas son temps à faire de l'obstruction mais qu'elle soulève, au contraire, des problèmes concrets. On ne pourra pas savoir si, oui ou non, il y a des enfants et, comme le contenu du PACS pourra être librement déterminé, contrairement au mariage, ces enfants pourront être totalement lésés.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 128, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par les mots : "dans la mesure où elles ne dérogent pas à un cahier des charges minimal défini par décret". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Cet amendement vise à instaurer un minimum de formalisme. En effet, les partenaires pourront prévoir n'importe quoi dans le PACS puisqu'ils rédigeront ensemble leur texte. Le respect d'un cahier des charges minimal permettrait d'éviter les abus. Vous avez fait le parallèle avec le mariage, monsieur le rapporteur.

Dans ce cas justement les articles du code civil définissent une sorte de cahier des charges minimal et les mariés sont libres de passer ensuite un contrat devant notaire pour régler les problèmes de partage ou de propriété.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 283, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par la phrase suivante : "La solidarité n'a pas lieu néanmoins pour des dépenses manifestement excessives ; elle n'a pas lieu non plus si elles n'ont pas été conclues du consentement des partenaires pour les achats à tempérament où les emprunts sauf cas où elles portent sur des sommes modestes". »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

M. Mariani a parfaitement raison. M. le rapporteur fait preuve de la plus totale incohérence en se référant au mariage pour donner des explications sur le PACS puisque, selon lui, il n'y a aucun rapport entre les deux ! Vous avez repoussé mon amendement visant à supprimer la solidarité des « pacsés » pour les dettes. Celui-ci est un amendement de repli dont l'objet est de protéger le plus faible en évitant que les dépenses de son « copacsé » ne lui occasionne des dettes qu'il n'aurait pas lui-même voulues.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 283.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 134, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par l'alinéa suivant :

« Les partenaires s'obligent à un devoir de secours l'un envers l'autre pendant une période minimale de dix années suivant la conclusion du pacte. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je reconnais que la période de dix années prévue dans cet amendement est un peu longue.

Deux ou trois années suffiraient.

Il s'agit tout simplement d'éviter qu'un des partenaires se trouve démuni du jour au lendemain. En effet, si du point de vue fiscal, après un délai très court, les « pacsés » auront les mêmes avantages que les gens mariés, ensuite ils n'auront plus la moindre obligation de solidarité. En faisant le parallèle avec le mariage, M. le rapporteur nous a tendu la perche. Le PACS, c'est tous les avantages sans aucun inconvénient !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 133, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par l'alinéa suivant :

« Les partenaires s'obligent à contribuer à proportion de leurs facultés respectives aux charges de leur ménage. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je voudrais avant tout revenir sur un point crucial abordé la nuit dernière. Nous sommes en train de discuter des quelques obligations qui résulteront du PACS et qui sont définies dans cet article 515-4 du code civil. Or, je le répète, pour que ces obligations puissent être mises en oeuvre, il faut que le PACS soit connu. Quand une personne mariée achète une voiture et qu'elle ne paye pas son crédit, on peut se retourner vers l'époux et lui demander le versement de la créance. Si vous ne réglez pas la problème de la publicité du PACS, comment saura-t-on que deux personnes sont « pacsées », donc qu'elles sont solidaires pour les dettes ? Les dispositions dont nous discutons seront dès lors inapplicables.

La seule légère contrainte qui accompagnera le PACS ne se traduira pas dans les faits parce que, neuf fois sur dix, on ne sera pas en mesure de savoir si telle personne qui a une dette a conclu un PACS avec une autre.

Par l'amendement no 133, je propose d'ajouter au texte proposé pour l'article 515-4 du code civil que « les partenaires s'obligent à contribuer à proportion de leurs facultés respectives aux charges du ménage ». C'est une notion précise qui figure dans l'un des articles que les maires lisent lorsqu'ils célèbrent un mariage.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 135, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par l'alinéa suivant :

« Les partenaires s'obligent à résider effectivement sous le même toit. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je le retire.

M. le président.

L'amendement no 135 est retiré.

M. Mariani a présenté un amendement, no 131, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par l'alinéa suivant :

« Les partenaires s'obligent à nourrir, entretenir et élever les enfants. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Une personne pourra très bien prévoir dans le PACS qu'elle versera 10 000 francs par mois à son partenaire pour subvenir aux besoins du ménage, aux dépenses de la vie courante. Mais si elle ne gagne que 11 000 francs par mois, comme élèvera-t-elle son enfant ? Vous nous avez répondu tout à l'heure, monsieur le rapporteur, que le juge refusera au moment du dépôt du PACS puisqu'il s'apercevra que cela irait à l'encontre. Mais vous avez vous-même reconnu implicitement, en vous en sortant par une pirouette, qu'en réalité le juge ne pourrait pas savoir si la personne a des enfants.

C'est bien la preuve qu'il est important de préciser dans l'article 515-4 que « les partenaires s'obligent à nourrir, entretenir et élever les enfants ». C'est le minimum au regard des avantages liés au PACS !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

Bien entendu, sur le principe, je suis d'accord avec l'amendement, mais c'est une obligation générale du droit et je ne vois pas pourquoi on l'introduirait dans ce texte.

M. Mariani voudrait que le PACS crée des difficultés supplémentaires par rapport à la situation que nous connaissons aujourd'hui. Ce n'est pas le cas, c'est ce que je me tue à lui dire ! Lorsque j'ai parlé du mariage tout à l'heure, ce n'était pas pour le comparer au PACS. C'était pour comparer deux situations. Si une personne qui a des enfants à charge, se remarie, son mariage permettra de léser ses enfants beaucoup plus qu'un PACS. Si cette personne fait un contrat de mariage sous le régime de la communauté universelle, les enfants du premier lit seront lésés, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Avec le PACS on ne pourra pas léser autant les enfants d'une première union. C'est ce que je voulais dire à M. Mariani. En outre, si les enfants sont lésés, des recours sont possibles devant les tribunaux en cas de remariage des parents et ils pourront aussi être intentés en cas de PACS. Je ne fais pas une comparaison avec le mariage. Je compare deux situations pour vous montrer que le PACS ne créera pas de difficultés supplémentaires aux enfants nés précédemment.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 132, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par l'alinéa suivant :

« Les partenaires s'obligent à éduquer et à préparer l'avenir des enfants. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Aux termes de l'article 213 du code civil que nous lisons chaque samedi lorsque nous célébrons un mariage : « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir. » La

notion d'élever les enfants et de pourvoir à leurs besoins est bien affirmée au moment de la célébration du mariage. Il ne me semble donc pas superfétatoire de l'insérer dans un texte qui prévoit la mutation et le rapprochement des fonctionnaires. Mais peut-être l'éducation des enfants est-elle secondaire pour vous par rapport au reste !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Avec l'amendement no 132, je vous propose une fois de plus, en troisième lecture, même si c'est un combat désespéré, de réintroduire cette notion de protection des enfants. Je crois que cette obligation a besoin d'être affirmée. Comment peut-on faire l'impasse totale sur l'éducation des enfants alors que, face aux problèmes qui se posent dans les cités urbaines, on ne cesse de nous expliquer que les parents n'élèvent pas assez bien leurs enfants, qu'il faut revoir la manière de les éduquer ? Comment peut-on faire cette impasse, qui plus est dans un texte qui prévoit la mutation des fonctionnaires ? Cela me semble révélateur de vos véritables préoccupations !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Avis défavorable sur l'amendement no 132, qui est pratiquement identique à l'amendement no 131. Bien entendu, les parents doivent éduquer, nourrir leurs enfants ! C'est une obligation générale qui figure dans la loi. D'ailleurs, s'ils ne le font pas ils s'exposent à des sanctions pénales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission.

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Je salue la constance de notre rapporteur qui veut absolument écarter les enfants du PACS et nous explique que, en aucun cas, ils ne sont concernés et qu'ils ne seront pas lésés. Vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur, que les enfants seraient protégés par le PACS. Mais alors pourquoi ne pas insérer cette notion de protection dans le texte proposé pour l'article 515-4 ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Ce n'est pas la peine !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Vous ne voulez pas intégrer les enfants dans le PACS. D'accord ! Vous nous dites que c'est pour leur avenir, pour leur sécurité et que les enfants d'un premier lit seront mieux protégés que dans le cadre du mariage. Mais alors dites-le dans le texte ! Alors que Mme Guigou souhaite réformer le code de la famille au mois d'octobre, il est dommage qu'au mois de juin les enfants soient écartés de ce texte et que l'on ne puisse même pas leur y faire la plus petite place ! Cela me paraît totalement incohérent. Je voudrais d'ailleurs bien avoir l'avis de Mme la ministre sur ce sujet.

M. le président.

Monsieur Baguet, vous vous ferez expliquer ce dont il est question par vos collègues qui ont suivi ces débats du début à la fin ! Nous avons déjà eu deux lectures. Nous en sommes à la troisième ! Le débat est clos ! L'Assemblée est suffisamment informée.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, je n'accepte pas votre remarque ! J'étais dans l'hémicycle cette nuit jusqu'à trois heures et demie du matin ! Vous n'y étiez pas !

Mme Christine Boutin.

C'est vrai ! Il était là !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Et j'ai suivi toute la première lecture !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je renvoie M. Baguet et M. Mariani à l'article 371-2 du code civil, issu de la loi sur l'autorité parentale, selon lequel « L'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à son égard dr oit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation. »

M. Yves Durand.

Voilà, c'est le code civil !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Et cela indépendamment du statut qui lie le père ou la mère.

M. Jean-Paul Mariot.

Voilà !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'était d'ailleurs le progrès de la loi Malhuret. Que le père ou la mère soit célibataire, divorcé, marié ou, demain, « pacsé », peu importe ! L'article 371-2 du code civil impose aux parents un devoir d'éducation et de sauvegarde de la santé morale et physique de l'enfant. Point final !

M. le président.

Je vous demande pardon de m'être un peu emporté tout à l'heure, mais il est parfois difficile de supporter que l'on ne veuille pas comprendre des choses qui sont pourtant évidentes ! Je mets aux voix l'amendement no 132.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean Bardet.

Vous êtes là pour présider, monsieur le président, pas pour faire la morale !

M. le président.

Je ne suis pas là pour faire la morale, cher collègue, mais je ne suis pas non plus une potiche !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Très bien, président !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, personne ne vous a traité de potiche...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il y a de belles potiches. Chinoises, époque Ming...

M. Thierry Mariani.

... et nous savons qu'il est difficile de présider. Mais pour avoir participé à la discussion de cette nuit, et afin que mes propos suivent les vôtres au Journal officiel , je tiens à signaler que notre collègue des Hauts-de-Seine était présent dans l'hémicycle, hier, jusqu'à trois heures et demie du matin !

M. le président.

Très bien, monsieur Mariani, nous l'inscrirons dans le Livre des records

M. Thierry Mariani.

Je n'aurais pas voulu que certains de ses adversaires mettent en avant vos propos.

M. le président.

Je les ai corrigés : M. Baguet était présent en première et deuxième lecture !

M. Thierry Mariani.

Car M. Baguet est un de ceux qui ont bien suivi la discussion de ce texte.

M. le président.

Pas toujours, mais souvent.

M. Mariani a présenté un amendement, no 126, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par l'alinéa suivant :

« Quand les deux partenaires sont du même sexe, ils s'engagent par la simple conclusion du pacte àr enoncer au bénéfice du premier alinéa de l'article 343-1 du présent code. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Cet amendement est important, parce qu'il renvoie aux discussions que nous avons eues cette nuit, au cours desquelles la commission et le Gouvernement ont constamment refusé d'inclure dans ce texte toute disposition interdisant l'adoption pour les couples homosexuels.

Cet amendement vise en effet à préciser formellement et sans contestation possible une telle interdiction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Vous nous avez déjà expliqué que c'était inutile. Je remarque que vous avez tenu le même langage au moment de la discussion des textes sur la nationalité ou sur l'immigration car vous teniez pour inutiles certaines précautions que l'opposition vous demandait de prendre.

Or, quelques mois après, on s'est aperçu, hélas, qu'elles étaient fort utiles.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

L'Assemblée a repoussé hier un amendement pratiquement identique, déposé par M. Delnatte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je suis confuse, mais nous ne pouvons pas traiter aussi rapidement cet amendement.

L'affaire est excessivement importante. Et je tiens à ce qu'il soit précisé au Journal officiel que vous ne souhaitez pas inscrire que le recours à la procréation médicalement assistée et à l'adoption sera interdit aux « pacsés ».

Madame la garde des sceaux, vous nous l'avez affirmé à plusieurs fois. Nous ne remettons pas en cause votre bonne foi, mais nous vous prenons au mot et nous demandons que ce soit inscrit clairement dans la loi.

Cependant, le lobby qui est à l'origine de ce PACS demande que soient autorisées pour les homosexuels l'adoption et la procréation médicalement assistée. Vousmême, monsieur le rapporteur, qui êtes l'initiateur de cette proposition de loi, vous avez dit honnêtement et clairement que l'on s'orienterait directement vers la procréation médicalement assistée et l'adoption.

Cela prouve donc que, dans cette affaire, le Gouvernement a une attitude hypocrite. Les Français doivent le savoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Charles Cova.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 127, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par l'alinéa suivant :

« Quand les deux partenaires sont du même sexe, ils s'engagent par la simple conclusion du pacte à renoncer au recours à la procréation médicalement assistée. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Après l'adoption, la PMA. C'est le même débat. Encore une fois, le fait que le Gouvernement et sa majorité refusent d'inscrire dans ce texte la précaution que je demande certaines arrière-pensées.

Faut-il relever à nouveau la contradiction existant entre les propos tenus par Mme la garde des sceaux en séance nous expliquant que jamais l'adoption ne serait possible et ceux de notre rapporteur qui dans le journal La Croix...

Mme Christine Boutin.

Et Ouest-France !

M. Thierry Mariani.

... a déclaré qu'à terme, ce serait souhaitable ? Il est clair que certains, dans la majorité, considèrent qu'en matière d'adoption la porte ne doit pas être fermée aux couples homosexuels.

Mon amendement aurait l'avantage de clarifier les choses concernant la PMA et l'adoption.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M me Christine Boutin.

Sans explications ! C'est incroyable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 136, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil par l'alinéa suivant :

« L'enfant né de l'union de deux personnes de sexe différent liées par un pacte civil de solidarité a pour père le partenaire masculin. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Cet amendement ferait sourire si la question n'était pas aussi grave. Lorsqu'un enfant naît d'un couple hétérosexuel formé par deux personnes unies par un PACS, on est en droit de présumer la paternité du partenaire masculin.

M. le président.

Je ne suis pas sûr qu'on ait compris à la troisième lecture. (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, comme je l'avais dit précédemment à M. Mariani. Il n'existe pas, dans la famille naturelle constituée par le PACS, de présomption de paternité parce qu'il n'y a pas d'obligation de fidélité. Il est d'ailleurs bien plus beau de se reconnaître comme le père d'un enfant que d'être présumé être le père et de ne l'êt re peut-être pas.

Mme Christine Boutin.

Sauf en cas de PMA !

M. Thierry Mariani.

Je suis sans voix !

M. le président.

Enfin, nous parlons d'amour ! Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Madame Boutin, vous voulez poursuivre sur le même registre que le rapporteur ?

Mme Christine Boutin.

Absolument, monsieur le président.

M. le président.

Parlez-nous d'amour, madame Boutin ! La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je ne vais pas vous faire de déclaration, monsieur le président, mais je tiens à dire à M. le rapporteur qu'il y a une certaine beauté dans cette générosité. Notez pourtant qu'en cas de PMA...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Vous avez voté contre les lois sur la bioéthique !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Mme Christine Boutin.

... le mari ou le compagnon de la femme qui se fait inséminer est déclaré par la loi père de l'enfant ad vitam aeternam, alors que tout le monde sait parfaitement qu'il n'est pas le père. Autant dire que nous avons instauré l'adultère légal dans ce pays !

M. Patrick Braouezec.

N'importe quoi !

Mme Christine Boutin.

Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas soutenir l'amendement de M. Mariani, qui s'inscrit en cohérence avec les lois sur la bioétique - qu'à l'époque, du reste, je n'avais pas votées.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 515-5 DU CODE CIVIL

M. le président.

Je suis saisi des amendements identiques nos 20, 87 et 137.

L'amendement no 20 est présenté par M. Goasguen et M. Goulard ; l'amendement no 87 est présenté par M. Plagnol, Mme Boutin, MM. de Courson, Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ; l'amendement no 137 est présenté par

M. Mariani.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le texte proposé pour l'article 515-5 du code civil. »

L'amendement no 20 est défendu.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet pour soutenir l'amendement no

87.

M. Pierre-Christophe Baguet.

A propos de cet article 515-5, j'ai envie de dire qu'à trop vouloir bien faire, on complique sérieusement les situations actuelles et qu'on apporte une solution inadaptée à la demande des requérants et des futurs « pacsés ». Pour une part, je préférerais, pour reprendre les propos du rapporteur, dire qu'il faut laisser faire et laisser le régime général s'appliquer.

Je m'étonne que, s'agissant des biens matériels, le rapporteur nous propose des solutions - même si elles sont inadaptées - alors que s'agissant des enfants, qui sont des êtres humains, il n'en propose aucune ! Cela me semble grave.

Lors du 95e congrès des notaires, le groupe de travail qui s'est penché sur cet article était absolument stupéfait.

Il ne voyait pas comment on pouvait créer un troisième régime juridique. Il proposait de s'en tenir à la communauté réduite aux acquêts, comme c'est le cas pour le mariage.

Vous allez me répondre, monsieur le rapporteur, que le PACS n'est pas le mariage. Mais, en l'occurrence, concernant les biens matériels, le plus sage serait d'avoir un seul régime commun.

Dans le système proposé, des problèmes risquent de surgir si les parties ne peuvent prouver la date d'acquisition des biens. Certes, on pourra toujours s'en remettre à un tribunal. Mais, dans ce cas, on ne s'en sortira pas ! Il serait sage de supprimer purement et simplement cet article 515-5, plutôt que de compliquer le dispositif, à un point qu'on ne mesure pas aujourd'hui.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no 137.

M. Thierry Mariani.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? L'article 515-5 qui instaure une présomption d'indivision pour les biens acquis postérieurement à la conclusion va être source de multiples contentieux.

Madame la ministre, chacun constate l'encombrement des tribunaux. Or cet article va contribuer à les engorger un peu plus.

De l'avis de tous les professionnels, le régime de l'indivision est le plus complexe de tous. Il favorisera les contentieux et aboutira à des imbroglios juridiques quasi inextricables en cas de séparation. Vous étiez, madame la ministre, au congrès des notaires. J'aurais pensé que vous auriez été plus sensible à leur message que vous ne l'êtes à celui des députés de l'opposition...

La logique, s'agissant d'un contrat tel que le PACS, eût été d'instaurer une présomption de séparation de biens.

Là encore, la proposition de loi s'inspire des dispositions relatives au mariage sans toutefois aller jusqu'au bout de la démarche, puisque le régime de droit commun du mariage est le régime de la communauté réduite aux acquêts. Ce dernier régime aurait été encore préférable à celui de l'indivision, puisqu'il bénéficie d'un cadre jurisprudentiel clairement établi, contrairement à l'indivision.

Avec cet article, les futurs partenaires vont mettre le doigt dans une mécanique infernale dont ils auront, en cas de dispute, le plus grand mal à sortir.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission ar epoussé ces trois amendements de suppression de l'article, qui prévoit que le régime des biens entre les partenaires est le régime de l'indivision.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 20, 87 et 137.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 284 et 37, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 284, présenté par Mme Boutin est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 515-5 du code civil :

« Les biens des partenaires sont soumis au régime de la séparation des biens. »

L'amendement no 37, présenté par M. Goasguen et M. Goulard est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 515-5 du code civil :

« A défaut de convention spéciale passée devant notaire, les biens des partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts tel que défini par les articles 1400 à 1491. »

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no 284.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, je me souviens des envolées lyriques de Mme la garde des sceaux lors de la première lecture au Sénat, lorsqu'elle exaltait les mérites de Portalis et des auteurs du code civil, pour la majesté de leur rédaction. Nous en sommes très loin dans cet article 515-5. Il est tout à fait dom-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

mage que les propositions de mes collègues n'aient pas été retenues tout à l'heure. J'ai tenté, de mon côté, de vous proposer une nouvelle rédaction.

Je vous rappelle que le code civil dispose simplement que « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives » et que « si l'un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l'autre dans les formes prévues au code de procédure civile. » Les dispositions dont nous

discutons constituent une sorte de magma incompréhensible, dont les difficultés d'application ont été relevées à la fois par M. Mariani, par M. Baguet et par les notaires.

Je vous demande donc, messieurs les rapporteurs, de consentir à un véritable effort de rédaction et, peut-être, de suivre l'exemple de Portalis si encensé par Mme la garde des sceaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable. Mme Boutin propose un tout autre système.

M. le président.

L'amendement no 37 est défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la garde de sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 284.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

37. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 285, ainsi rédigé :

« Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-5 du code civil, insérer la phrase suivante : "Les parts des partenaires dans l'indivision sont réputées être égales." » La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Cet amendement a pour objectif d'éviter les inégalités et de protéger le plus faible des partenaires d'un PACS.

Nous avons vu que chacun serait engagé, tenu par les dettes et les différents engagements de son copacsé. Aussi, pour éviter que le plus fort n'entraîne le plus faible dans une voie impossible et pour préserver l'essentiel, je propose que la part des partenaires dans l'indivision soit réputée égale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 285.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 286, ainsi rédigé :

« Supprimer la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-5 du code civil. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Cette disposition conduirait à de multiples abus et complications lors de la vente d'un bien. Elle serait source de contentieux épouvantables. Je vous demande donc d'essayer de simplifier la rédaction et de suivre l'exemple de Portalis.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 286.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Christine Boutin.

Le Sénat a plus de chance !

M. le président.

M. Plagnol, Mme Boutin, MM. de Courson, Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 107, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-5 du code civil : "A défaut, ces meubles sont soumis au régime de la séparation de biens". »

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Le Sénat a en effet plus de chance ! Nous, députés, essayons de faire des propositions concrètes, mais visiblement, elles ne sont pas acceptées.

Venons-en à l'amendement no 107. Nous ne pouvons pas décider de contraindre au régime de l'indivision les partenaires du PACS.

On nous explique depuis la première lecture que le PACS peut se limiter dans le temps. Nous avons d'ailleurs eu un débat sur la séparation des « pacsés » que nous considérons, pour notre part, comme une répudiation mais que M. Jean-Pierre Michel considère comme un acte qui peut se faire en concertation entre les deux partenaires.

A partir du moment où nous acceptons le fait que le PACS peut se limiter dans le temps, il me paraîtrait plus judicieux d'assujettir les acquisitions faites « en cours de route » au régime de la séparation de biens. En cas de succession de PACS - il serait possible de se « pacser » plusieurs fois, puisque tel est le souhait du rapporteur -, le pacsé retomberait à chaque fois dans le régime commun. On éviterait également les difficultés, au cas où il ne serait pas possible de prouver la date, la nature de l'acquisition ou même de produire le titre même de propriété.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable. Les amendements de Mme Boutin et du groupe UDF tendent à substituer au régime de l'indivision celui de la séparation de biens. C'est un autre régime, auquel la commission a été défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 107.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

M. Plagnol, Mme Boutin, MM. de Courson, Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 108, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-5 du code civil :

« Les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont soumis au régime de la séparation de biens si l'acte d'acquisition ou de souscription n'en dispose autrement. »

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Cet amendement concerne des biens qui seraient acquis postérieurement à la conclusion du PACS par les deux partenaires.

Le régime de l'indivision est traditionnellement considéré comme celui qui ruine les famille. L'indivision, c'est la certitude de contentieux qui traînent en longueur.

On peut parfaitement imaginer, sans aller échafauder des scénarios fantaisistes, qu'un détournement de patrimoine soit organisé au dépend des familles constituées antérieurement au PACS, dans la mesure où le PACS est un contrat entre deux adultes qui peuvent fort bien avoir été mariés auparavant et être père ou mère de famille.

En indiquant que, sauf mention expresse dans l'acte d'acquisition ou de souscription, le régime sera celui de la séparation des biens - qui est, de très loin, le plus favorable à la paix des familles -, on évitera la multiplication des contentieux préjudiciables aux enfants.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 108.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 287, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-5 du code civil par l'alinéa suivant :

« Les droits indivis sont incessibles par un des partenaires pendant la durée de l'indivision sans l'accord exprès de son contractant. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je rappelle que les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un deux pour les besoins de la vie courante.

L'amendement no 287 a également pour objectif de protéger l'un des « pacsés » en interdisant à son partenaire de se séparer, sans son accord, d'un bien indivis. Il faut essayer d'éviter les fraudes entre les partenaires. Je ne vois vraiment pas pour quelle raison cet amendement serait repoussé puisqu'il tend à protéger le caractère solidaire des personnes qui décideraient de se « pacser ».

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 287.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 288, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-5 du code civil par l'alinéa suivant :

« En cas de stipulations contraires dans l'acte d'acquisition, ce dernier doit être déposé et inscrit au greffe du tribunal d'instance qui a enregistré le pacte. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

A la fin de ces débats, on soulignera l'opiniâtreté, la détermination de l'opposition qui ne se lasse pas de défendre ses amendements, alors qu'elle n'obtient aucune réponse à ses questions. Même lorsqu'elle défend des propositions qui vont dans l'intérêt des personnes appelées à se « pacser », non seulement elle n'est pas entendue, mais on ne lui donne même pas les raisons justifiant leur rejet. Ce mépris de l'opposition me semble une atteinte grave à la démocratie.

M. René Dosière.

Arguments de tribune électorale !

Mme Christine Boutin.

L'amendement no 288 vise à compléter l'article 515-5 dans un esprit constructif en précisant qu'en cas de stipulations contraires au principe de l'indivision du bien dans l'acte d'acquisition, ce dernier doit être déposé et inscrit au greffe du tribunal d'instance qui a enregistré le pacte. C'est un impératif de sécurité qui commande cette solution. Comment pourrait-on admettre que les partenaires puissent ponctuellement modifier le régime de leur biens, dérogeant aux prescriptions légales, sans en avertir les tiers et notamment leurs créanciers ? Sans publicité de la dérogation, les tiers ne pourront jamais avoir connaissance de l'étendue de leur droit de gage en général.

A propos de la publicité, Mme la garde des sceaux nous a dit que seuls ceux qui auront un intérêt à agir pourront accéder au registre du tribunal d'instance, pensant ainsi nous démontrer qu'il n'y aura pas de fichier des couples homosexuels. Dans la pratique, lorsque l'on achètera une voiture et que l'on fera un emprunt, la personne qui cautionnera l'emprunt ou donnera l'autorisation de le souscrire aura un intérêt à savoir si l'acheteur est « pacsé » ou pas. Cela veut dire que toute personne aura accès à ce qui est en réalité un fichier. Si vous trouvez que c'est un progrès, je vous laisse la responsabilité de cette appréciation.

Mme Monique Collange.

Ça continue !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Et du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 288.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE 515-6 DU CODE CIVIL

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 21, 88 et 138.

L'amendement no 21 est présenté par M. Goasguen et M. Goulard ; l'amendement no 88 est présenté par M. Plagnol, Mme Boutin, MM. de Courson, Dutreil et les membres du groupe UDF ; l'amendement no 138 est présenté par M. Mariani.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le texte proposé pour l'article 515-6 du code civil. »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir ces trois amendements.

M. Thierry Mariani.

A l'occasion des deux lectures achevées et de celle qui vient de commencer, le garde des sceaux a bien dit cent fois que le PACS n'est pas le mariage. Or l'article 515-6 se contente de reprendre mot à mot les règles applicables à la dissolution du mariage pour l'attribution préférentielle des biens aux personnes dont le PACS est dissous. Ainsi, toute l'argumentation qui consiste à refuser nos amendements au motif que nous faisons le parallèle entre le PACS et le mariage se révèle, une fois de plus, infondée.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Thierry Mariani.

La proposition de loi picore dans les différents statuts, en l'occurrence celui du mariage, en étendant aux personnes ayant conclu un PACS les avantages reconnus aux époux, mais sans leur imposer les obligations qui doivent en être la contrepartie.

Par ailleurs, je le répète car c'est l'un des points clés de la loi, si la droite avait proposé de constituer un fichier d es couples homosexuels, qu'est-ce qu'elle aurait entendu ! Or, messieurs de la gauche, c'est exactement ce que vous êtes en train de faire.

Mme Christine Boutin.

Vous n'avez pas honte ?

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis des affaires culturelles, familiales et sociales.

Il existait, ce fichier ; c'est nous qui l'avons supprimé !

M. Thierry Mariani.

Il est évident que, désormais, sur tous les formulaires de prêt, après les cases « célibataire » et « marié », il y aura la case « pacsé », car le banquier a tout intérêt à être informé de l'existence d'un PACS. Et il est tout aussi évident qu'en cas de déclaration douteuse il aura accès au registre pour vérifier ce qu'il en est. Donc, ce registre sera inévitablement ouvert à tous ceux qui le souhaiteront. Dès lors, je ne vois pas comment vous pourrez empêcher la publicité du PACS, et je répète que vous mettez en place des registres qui peuvent se révéler calamiteux parce qu'ils aboutiront à la divulgation de la vie privée des gens.

Mme Christine Boutin.

On saisira la Cour européenne de justice ! Et vous verrez ! C'est honteux !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission est bien entendu défavorable à tout amendement tendant à supprimer un article de la proposition de loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, pour un mot, car je n'ai pas le sentiment que l'opposition est bridée.

M. Charles de Courson.

Heureusement, monsieur le président, sinon nous ne serions plus en démocratie.

M. le président.

Je vous en prie ! J'ai aussi le pouvoir de considérer, le moment venu, que l'Assemblée est suffisamment informée.

M. Charles de Courson.

L'article 515-6 prévoit une exclusion de principe, celle des exploitations agricoles ou viticoles. Or ce n'est pas le seul cas qui pose problème : il faut aussi penser aux commerçants, aux artisans, voire aux petites et moyennes entreprises qui ne sont pas cotées en bourse, celles qui, le plus souvent, n'emploient pas plus de quatre ou cinq salariés. Comment allez-vous leur appliquer l'article 515-6 ? J'ai soulevé le problème dans l'exception d'irrecevabilité, montrant qu'il y avait là une atteinte au droit de propriété et - ce qui est beaucoup plus grave du point de vue social - que l'instabilité liée au PACS risquait d'entraîner la destruction de petites entités économiques.

Je souhaiterais donc savoir si le rapporteur et le Gouvernement sont d'accord pour élargir l'exception prévue pour les exploitations agricoles et viticoles aux commerçants, aux artisans et aux petites et moyennes entreprises.

Et qu'on ne réponde pas, comme toujours, qu'on est contre, sans même expliquer pourquoi !

Mme Christine Boutin.

Ils ne répondent jamais !

M. Charles de Courson.

Soyez cohérents. Vous avez accepté l'exclusion de l'exploitation agricole et viticole.

M. Patrick Braouezec.

On a compris !

M. Charles de Courson.

C'est nous qui avions soulevé le problème et vous avez admis que, pour un agriculteur ou un viticulteur « pacsé », l'attribution préférentielle des biens détruirait l'exploitation. Mais il y a d'autres cas, par exemple celui des commerçants ou des artisans. Il nous reste encore une lecture au Sénat et à l'Assemblée nationale. Accepteriez-vous, à cette occasion, d'élargir l'exception de l'article 515-6 aux petites entreprises, notamment individuelles.

M. le président.

Je mets aux voix...

M. Charles de Courson.

Peut-être pourrions-nous avoir une réponse, monsieur le président !

M. Pierre-Christophe Baguet.

Cela concerne quelques centaines de milliers de personnes !

M. le président.

Vous souhaitiez il y a quelques instants que je me contente de présider. Je n'ai pas le pouvoir de répondre à la place de quiconque. Chacun peut intervenir quand il le souhaite. Mais, pour l'instant, je n'ai pas de demande de parole.

M. Thierry Mariani.

Quel mépris pour les commerçants et artisans !

M. Charles Cova.

C'est un déni de l'opposition ! Quelle morgue !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 21, 88 et 138.

(Ces amendements ne sont pas adoptés,)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 289, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 515-6 du code civil, substituer aux mots : "dissolution de celui-ci", les mots : "décès de l'un des partenaires". »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

La question posée par Charles de Courson est très importante. Peut-être a-t-elle un peu surpris M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux, mais ils ont en maintenant le temps de réfléchir, et j'espère qu'ils vont user de leur droit de parole pour y répondre. Car, face à une telle proposition, on ne peut pas en rester au silence et, jusqu'à présent, nous n'avons même pas eu droit à un « défavorable » : rien, zéro, calme plat, mutisme total ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Mme Monique Collange.

Parce que c'est totalement nul !

Mme Christine Boutin.

J'en viens à l'amendement no 289. Si l'article 832 doit s'appliquer à la suite de toute dissolution d'un PACS, quelle que soit sa forme, décision unilatérale ou décès, le système de l'attribution préfére ntielle risque d'être bouleversé. Il convient donc de limiter les complications et les sources de contentieux en s'en tenant à l'hypothèse du décès.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

Mme Christine Boutin.

On ne saura rien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je précise que je me suis exprimée longuement en deuxième lecture sur cet important sujet, et je suggère à M. de Courson et à Mme Boutin de relire l'article 832 du code civil, auquel j'ai fait aussi longuement référence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Braouezec.

Bonne réponse !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 289.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 290, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 515-6 du code civil, après les mots : "de celui-ci", insérer les mots : "sauf en présence d'enfants qui ne sont pas communs aux deux partenaires". »

Vous avez maintenant toutes les réponses, madame Boutin : il suffit de relire le code civil. Cela devrait vous aider à aller vite !

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, lorsque vous êtes arrivé en séance, vous vous êtes excusé très courtoisement de vos quelques minutes de retard en invoq uant une incompréhension. Peut-être est-ce cette incompréhension qui vous rend un peu plus nerveux que d'habitude dans votre façon de présider.

M. le président.

Relatez exactement les choses, madame Boutin. J'ai commencé par vous faire un grand sourire, ensuite je me suis excusé. On ne m'avait pas prévenu que Mme la garde des sceaux était arrivée en séance et j'attendais dans mon bureau. Mais si j'avais su que vous étiez là, je me serais précipité ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Je ne sais plus quoi dire ! Je reste sans voix ! (Sourires.)

M. Patrick Braouezec.

Enfin une bonne nouvelle !

Mme Christine Boutin.

Merci, monsieur le président.

Je ne suis pas habituée à de tels propos venant de la majorité et j'y suis d'autant plus sensible.

L'amendement no 290 est un amendement de précision qui exclut l'attribution préférentielle lorsqu'il existe des enfants qui ne sont pas communs aux deux partenaires.

En effet, les relations de succession entre un partenaire survivant autre que le père ou la mère des enfants du partenaire décédé et ces enfants seront extrêmement difficiles. Nous souhaitons aussi prévenir des conflits particulièrement graves entre les enfants issus des différents lits à la suite de mariages ou de PACS successifs. Au-delà même des enfants, c'est une mesure de protection de la famille.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Et du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 290.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 291, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-6 du code civil par l'alinéa suivant :

« En cas de conflits entre les différents bénéficiaires de l'article 832, le juge décidera en équité. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

M me Christine Boutin.

Si M. le rapporteur me confirme que cet amendement est inutile...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il est surtout dangereux !

Mme Christine Boutin.

... je suis prête à le retirer.

M. Patrick Braouezec.

Ce serait bien ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Riez, riez, mais j'essaie d'avoir une attitude constructive !

M. le président.

Soyons sérieux !

Mme Christine Boutin.

Est-il superfétatoire, monsieur le rapporteur, de préciser que le juge devra décider en équité ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Superfétatoire et même dangereux, madame Boutin. Le juge tranchera en cas de conflit, mais en appliquant la loi et non en équité.

Que je sache, les juges ne jugent pas en équité et fort heureusement ! Ils appliquent la loi, point final ! La loi est la borne contre leur arbitraire.

Mme Christine Boutin.

Je retire l'amendement.

M. le président.

L'amendement no 291 est retiré.

ARTICLE 515-7 DU CODE CIVIL

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 22, 89 et 139.

L'amendement no 22 est présenté par M. Goasguen et M. Goulard ; l'amendement no 89 est présenté par M. Plagnol, Mme Boutin, MM. de Courson, Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ; l'amendement no 139 est présenté par

M. Mariani.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le texte proposé pour l'article 517-7 du code civil. »

L'amendement no 22 est soutenu, l'amendement no 89 également...

M. Thierry Mariani.

Attendez, c'est l'un des articles les plus importants !

M. le président.

C'est ce que M. Plagnol s'apprêtait à dire, pour soutenir l'amendement no 89 : nous sommes au coeur du débat.

M. Henri Plagnol.

En effet, puisque l'article 515-17 concerne en effet les modalités de rupture entre deux partenaires liés par un PACS. Vous comprendrez, monsieur le président, que ce sujet soit assez fondamental pour que l'on s'y arrête quelques minutes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Je m'intéresserai seulement au cas de rupture unilatérale. Le PACS prend alors fin trois mois après la signification d'huissier, ce qui est, vous l'avouerez, mes chers collègues, une procédure assez peu romantique et assez éloignée des discours que nous vous avez infligés hier sur l'amour et la fraternité qui s'épanouissent dans le PACS.

Mais le plus grave est qu'il n'est fait aucune mention des conditions minimales pour protéger le plus faible des deux partenaires. Il n'est donc pas exagéré de dire que la possibilité de rupture unilatérale ouverte à tout moment peut s'assimiler à un retour à la répudiation.

S'agissant du droit des contrats, l'article 1134 du code civil dispose, je le rappelle, que les conventions ne peuvent être révoquées que par consentement mutuel. Or on nous propose ici une construction juridique étrange : un contrat qui peut être révoqué à tout moment, avec un simple préavis de trois mois, par l'un des deux partenaires et à sa convenance.

A ce problème essentiel s'ajoutent des considérations plus techniques. Pourquoi ne pas avoir prévu que, pendant ce délai, on ne puisse plus toucher au régime des biens et des dettes ? Vous imaginez ce qu'un partenaire de mauvaise foi peut faire durant les trois mois de préavis. Ce n'est pas un cas d'école.

De même, il paraît naturel et conforme à la simple humanité que le devoir de secours soit maintenu au profit du plus faible des deux pendant cette période.

Voilà deux suggestions que, me semble-t-il, la majorité pourrait entendre.

Enfin, à quelle règle le juge va-t-il se référer ? Nous vous avons posé maintes fois la question et nous n'avons jamais obtenu de réponse claire. Est-ce qu'il se référera aux règles du contrat, ce qui serait logique étant donné la nature du PACS, mais quid s'il y a des enfants ? Comment s'appliqueront les règles concernant l'autorité parentale conjointe ? Faudra-t-il qu'il y ait deux juges : le juge du contrat pour le régime des biens et des dettes, et le juge des affaires familiales pour les contentieux concernant les enfants ?

M. Alain Vidalies.

En effet.

M. Henri Plagnol.

Est-ce vraiment de nature à favoriser la séparation la moins brutale et la moins douloureuse possible ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a rejeté, bien entendu, ces amendements de suppression d'un article de code.

M. Thierry Mariani.

Je n'ai pas défendu le mien !

M. le président.

En effet. Vous avez la parole, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

L'amendement no 22 est repris par M. de Courson, qui le défendra, et je vais soutenir mon amendement no 139.

Je le dis très sérieusement et très solennellement : l'article 515-7 est l'un des plus scandaleux de cette proposition de loi. Que nous a-t-on dit depuis le début pour justifier le PACS ? Que des couples homosexuels ont de vrais problèmes matériels - et l'opposition en est convenue - notamment au moment du décès de l'un des partenaires, pour le maintien dans l'habitation, etc. Que le PACS serait une solution. Qu'il permettrait par ailleurs d'assurer un minimum de stabilité à la relation.

Or, si sur le point des problèmes matériels - dans certains cas dramatiques, j'en conviens à nouveau - le PACS apporte effectivement des améliorations sensibles, par contre, sur la stabilité, il n'y a absolument rien de concret.

L'article 515-7 est l'illustration de cette carence. Il prévoit quatre cas de dissolution du PACS. La décision commune des deux parties de mettre fin à leur contrat : rien de choquant. La possibilité pour l'un des partenaires de signifier à l'autre sa décision de rompre le pacte qui les liait, ce qui est proprement scandaleux. La rupture automatique du pacte en cas de mariage d'un des partenaires. Enfin, la rupture du pacte en cas de décès.

L'aspect le plus critiquable de ce dispositif est, à n'en pas douter, la possibilité offerte à l'un des partenaires de rompre brutalement le pacte. Même si le mot vous choque, il s'agit, ni plus ni moins, de réintroduire dans notre droit la répudiation, ce qui est intolérable.

Si l'on accorde certains avantages aux époux, tels que l'attribution préférentielle des droits de mutation à titre gratuit réduits, ou encore l'imposition commune, c'est parce que le mariage apporte une stabilité telle qu'il bénéficie à la société dans son ensemble. En effet, le devoir de secours entre époux continue de jouer, même après le divorce, par le biais d'une pension alimentaire, et le mariage instaure une présomption de paternité qui oblige le père à assumer ses obligations envers ses enfants, y compris après la dissolution du mariage.

De tout cela, il n'est absolument pas question pour le PACS, puisque l'article 515-7 permet de le dissoudre du jour au lendemain sans que les anciens partenaires conservent aucune obligation l'un envers l'autre. Dans tous les cas, ce sera le partenaire le plus faible, le moins cultivé, le plus vulnérable qui sera abusé par l'autre.

M. le président.

Vous souhaitez, monsieur de Courson, vous exprimer sur l'amendement no

22.

M. Charles de Courson.

Oui, je l'ai repris.

M. le président.

Mais je l'ai déjà appelé.

M. Charles de Courson.

Sans me donner la parole.

M. le président.

Et comme ses auteurs n'étaient pas là, j'ai considéré qu'il était défendu et je suis passé aux deux amendements suivants.

Je vous donne la parole à titre exceptionnel, mais soyez bref.

M. Charles de Courson.

Tout à l'heure, Mme Boutin a accepté de retirer l'un de ses amendements au motif que le juge doit appliquer les règles légales. Or, mes chers collègues, le dernier alinéa de l'article 515-7 ne donne aucune indication au juge.

Vous me direz qu'il appliquera le contrat. Mais comment l'appliquera-t-il ? Dans un PACS a minima , il n'y a pratiquement rien ! Deux points seulement sont obligatoires : le devoir d'assistance et la solidarité vis-à-vis des dettes.

Sur le second point, il suffit que les deux partenaires s'engagent l'un envers l'autre à ne pas souscrire de dettes, ce qui est parfaitement légal, et voilà cette obligation vidée de son sens.

Quant au premier, comme c'est le contrat qui définit le devoir d'assistance, notamment matérielle, il suffit de stipuler qu'il se limite à une résidence commune. Or, sachant que l'on peut avoir cent résidences, mais un seul domicile - j'ai tenté de l'expliquer à Mme la garde des sceaux - cette clause n'aura quasiment aucune portée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Ainsi, le contrat de PACS étant pratiquement vide, comment le juge pourra-t-il l'appliquer ?

M. René Dosière.

Angoissante question !

M. Charles de Courson.

A l'inverse, on peut mettre dans le contrat toutes les obligations des gens mariés et le juge pourra alors aisément l'appliquer.

Autrement dit, vous incitez les futurs « pacsés » à s'engager sur le minimum, c'est-à-dire sur pratiquement rien.

Il apparaît ainsi clairement que vous avez créé une totale rupture d'égalité au sein même des « pacsés ». Or vous vous acharnez à ne pas répondre aux questions de l'opposition qui voudrait savoir comment le juge procédera dans ces cas-là. Ce n'est pas parce que vous êtes majoritaires que vous avez forcément raison.

M. René Dosière.

Encore que...

(Sourires.)

M. Charles de Courson.

Ça se saurait d'ailleurs.

Monsieur le rapporteur, je souhaiterais que vous m'expliquiez au moins comment fera le juge dans le cas d'un PACS a minima , lorsque la deuxième obligation est vidée de son contenu à cause de la clause de non-endettement, et que la première, c'est-à-dire la résidence commune, se limite à une chambre et à un bon de soupe ! En fait, le juge ne pourra rien trancher puisqu'il n'y a pratiquement aucune obligation entre les « pacsés », la rupture unilatérale n'entraînant aucune conséquence pour celui qui en a pris l'initiative. Et donc nous en revenons à notre critique permanente : vous renforcez le droit des riches et des puissants au détriment des humbles et des modestes.

Mme Christine Boutin.

Eh oui !

M. Charles de Courson.

Vous avez inventé la répudiation sans conséquence pour la personne qui répudie l'autre. Vous avez introduit la répudiation dans le droit français ; c'est une grande nouveauté ! Messieurs les rapporteurs, pourriez-vous nous répondre sur cette gravissime question ?

Mme Christine Boutin.

Très bien !

M. le président.

La commission a déjà donné son avis.

Souhaite-t-elle intervenir à nouveau ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Non.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 22, 89 et 139.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Monsieur le président, je vous demande une modeste suspension de séance de cinq minutes pour permettre à nos collègues de retrouver quelques forces...

M. le président.

Vous voulez dire : « pour réunir mon groupe »...

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements, nos 23 et 292, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 23, présenté par MM. Goasguen, Goulard et Mattei, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 515-7 du code civil :

« Lorsque les partenaires liés par un pacte civil de solidarité décident d'y mettre fin, ou en cas de décès de l'un des signataires, le notaire constate la rupture du pacte. Il veille aux intérêts respectifs de chacun des partenaires dans la liquidation de l'indivision.

« Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il signifie à l'autre sa décision. Celle-ci prendra effet après un délai de six mois pendant lequel les partenaires seront tenus à l'aide mutuelle et matérielle prévue par le PACS.

Après ce délai, le partenaire qui maintient sa décision saisit le juge du tribunal de grande instance qui prononce la résiliation de l'attestation, procède à la liquidation de l'indivision et ordonne toute mesure que commande l'équité. »

L'amendement no 292, présenté par Mme Boutin, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 515-7 du code civil :

« Il est mis fin au pacte civil de solidarité par une rupture régie par les articles 229 à 295 du présent code. »

Ces amendements sont défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Contre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 292.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Delnatte a présenté un amendement, no 187, ainsi rédigé :

« Au début de la première phrase du premier aliéna du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, insérer les mots : "Après un entretien de conciliation préalable,". »

Cet amendement est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 141, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après les mots : "déclaration conjointe écrite ", insérer les mots : "et motivée". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, vous pourriez nous laisser le temps de revenir dans l'hémicycle avant d'appeler nos amendements !

M. le président.

Les signataires des amendements précédents n'étaient pas présents avant la suspension, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

L'amendement no 141 vise à insister sur la déclaration conjointe écrite. A partir du moment où, en vertu de l'article 515-7 du code civil, il pourra être mis fin à un PACS par une simple lettre, avec un délai de trois mois - c'est d'ailleurs la seule modification notable entre la première lecture et la première lecture bis -, il nous semble utile que cette lettre soit au moins motivée pour servir ensuite de base à un recours éventuel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 141.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 293 corrigé, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, supprimer les mots : "duquel l'un d'entre eux aux moins a sa résidence". »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Cet amendement va me donner l'occasion de m'exprimer sur le texte proposé pour l'article 515-7, ce que je n'ai pas pu faire encore, compte tenu de l'efficacité de la présidence.

M. le président.

Merci, madame ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Or ce point est très important car, par l'article 15-7, vous allez introduire la répudiation en France. Vous qui vous prétendez être des hommes et des femmes de progrès, vous vous comportez - et je ne cherche pas à vous choquer - comme une majorité réactionnaire et ringarde.

M. Bernard Roman.

Cela ne nous choque pas !

Mme Christine Boutin.

Vous l'assumerez devant les Français !

M. Bernard Roman.

Tout ce qui est exagéré est insignifiant !

Mme Christine Boutin.

Introduire la répudiation dans le code civil, loin d'être un progrès, constitue une régression.

Du reste, toutes les civilisations qui ont institutionnalisé la répudiation n'ont pas été très loin dans leur dév eloppement, et vous le savez fort bien.

M. Bernard Roman.

Vous fantasmez !

Mme Christine Boutin.

Je ne vais pas vous faire l'affront de faire quelques rappels historiques.

Par l'amendement no 293 corrigé, je supprime une précision qui est en totale contradiction avec la disposition de l'article 515-3, premier alinéa, qui prévoit que les

« pacsés » établissent leur résidence d'un commun accord.

Mais il est vrai que vous n'êtes pas à une incohérence près.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 293 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 140, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, subsituer aux mots : "dans le ressort duquel l'un d'eux au moins a sa résidence", les mots : "qui a reçu l'acte initial". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le rapporteur, voilà le type d'amendement qui est purement constructif. Il pourrait être adopté s'il n'y avait pas la volonté systématique de considérer qu'il faut rejeter tout ce que propose l'opposition.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est au moins l'aveu qu'ils ne sont pas tous constructifs !

M. le président.

Chut !

M. Thierry Mariani.

Ma chère collègue, j'essaie de me placer dans votre logique, bien que cela me soit difficile, ...

Mme Muguette Jacquaint.

Je n'ai fait que reprendre vos propos !

M. Thierry Mariani.

... et d'atténuer les effets les plus dangereux des dispositions de votre texte.

La rédaction actuelle prévoit que la déclaration d'interruption du pacte d'état civil sera faite au greffe du tribunal d'instance dans le ressort duquel l'un des deux « pacsés » au moins a sa résidence. L'amendement no 140 propose que cette déclaration soit effectuée au greffe du tribunal qui a reçu l'acte initial.

Cette disposition n'a rien de choquant et elle permettrait de simplifier le travail des tribunaux. Pensez-vous vraiment qu'ils n'auront rien de mieux à faire dans les mois à venir que de s'envoyer les déclaration de fin de PACS qui ne vont pas manquer d'apparaître dès que le PACS entrera en vigueur.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable ! Certes le travail des tribunaux d'instance serait allégé, mais l'administration est au service des citoyens et pas le contraire. Or si l'on adoptait cet amendement on obligerait ceux qui veulent rompre un PACS d'un commun accord à revenir dans la ville où ils l'ont conclu. Or on peut très bien avoir passé un PACS à Paris puis déménagé à Marseille, Nice, Toulouse ou Perpignan.

Nous avons préféré prendre en compte les réalités de la vie car il est inconcevable que l'on impose de tels déplacements aux intéressés, surtout dans une période où la recherche d'un travail exige une très grande mobilité.

Celle-ci doit donc être encouragée plutôt que restreinte comme vous le faites par votre amendement qui est contraire à la logique économique.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 294, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après les mots : "Le greffier", insérer les mots : "vérifie la réalité du consentement des deux contractants de mettre fin à leur pacte civil de solidarité et". »

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Cet amendement tend à éviter l'exploitation du plus faible.

En l'occurrence il est demandé au greffier d'inscrire la déclaration de rupture sur un registre et d'en assurer la conservation. Nous proposons, avec Christine Boutin, qu'il lui appartienne aussi de vérifier la réalité du consentement des deux contractants de mettre fin à leur pacte civil de solidarité ».

En effet la première phrase du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil ne précise nullement que les d eux contractants du PACS doivent se présenter ensemble auprès du greffe du tribunal. Rien n'empêche donc que dans un lieu clos l'un des deux fasse signer l'autre soit sous la menace, soit de force, et se présente seul au greffe du tribunal.

Si l'on imposait aux deux contractants de se présenter ensemble devant le greffier, nous aurions la garantie absolue qu'il n'y aurait pas extorsion de signature en un lieu privé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable !

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Imposer la vérification proposée est un minimum.

Lorsque des clients nous choisissent comme avocat commun pour une démarche de divorce par consentem ent mutuel nous procédons à une vérification.

L'article 232 du code civil impose même au juge, lorsqu'il les reçoit, de vérifier qu'ils ont consenti librement. Il serait donc choquant que ce qui est nécessaire pour un divorce ne soit pas imposé pour un PACS.

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 294.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 112 et 295.

L'amendement no 112 est présenté par M. Plagnol, Mme Boutin, MM. de Courson, Dutreil et les membres du groupe UDF-Alliance ; l'amendement no 295 est présenté par Mme Boutin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil. »

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Je veux poser trois questions précises au sujet de ce deuxième alinéa relatif à la rupture unilatérale.

La première porte sur les règles de droit qu'appliquera le juge. En matière de concubinage, les dommages et intérêts prononcés par le juge en cas de contentieux sont de nature délictuelle. En sera-t-il de même pour le PACS ou s'agira-t-il de dommages et intérêts de nature contractuelle ? Ensuite, dans l'hypothèse où celui qui n'a pas pris l'initiative de la rupture serait en situation de pénurie, d'abandon ou de détresse, ne conviendrait-il pas d'introduire l'obligation de verser une pension, au moins durant le délai de trois mois de préavis ? Cela ne serait-il pas conforme à la simple humanité et au minimum de protection que le plus faible des deux est en droit d'attendre, même si vous ne voulez pas que les obligations entre les partenaires du PACS soient comparables à celles du mariage ? Enfin, ne faut-il pas prévoir la suspension de toutes les stipulations contractuelles relatives aux biens et aux dettes afin d'éviter tout abus ou exploitation durant ce délai de trois mois, surtout si la rupture tient au fait que l'un des deux aurait déjà abusé de la situation ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable. M. Plagnol sait que, le PACS étant un contrat à durée indéterminée, il peut être rompu unilatéralement. En outre j'ai fait adopter, en deuxième lecture, un amendement prévoyant que, en cas de préjudice, le juge peut imposer la réparation du dommage.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 112 et 295.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 142 et 164.

L'amendement no 142 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 164 est présenté par M. Accoyer.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, substituer aux mots : "mettre fin au pacte civil de solidarité" les mots : "répudier son partenaire". »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no 142.

M. Thierry Mariani.

En première lecture, j'avais fait le parallèle entre ce texte et certaines dispositions du droit musulman en soulignant que la répudiation entraînait un minimum d'obligations, même pour la personne qui répudie. Or, dans le cadre du PACS, le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7, tel qu'il sera modifié, prévoit tout simplement la répudiation sans aucune compensation, sans aucune précaution.

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Thierry Mariani.

C'est pourquoi l'amendement no 142 propose cette substitution car la rupture unilatérale du PACS correspond à une véritable répudiation.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour soutenir l'amendement no 164.

M. Jacques Pélissard.

Il faut appeler les choses par leur nom : nous sommes bel et bien en présence d'une répudiation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Alors que, par exemple, l'article 238 du code civil prévoit que le juge peut refuser un divorce pour cause d'exceptionnelle gravité, il ne pourra s'opposer à la rupture d'un PACS. Même si cela ne fait pas plaisir à tout le monde, il faut dire clairement qu'il s'agira non d'une résiliation mais d'une répudiation.

M. le président.

Nous avons déjà entendu cela en première et en deuxième lecture, monsieur le rapporteur.

Vous avez sans doute la même opinion ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Tout à fait ! Contre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 142 et 164.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements nos 296, 297 et 298 de Mme Boutin, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 296 est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après les mots : "pacte civil de solidarité", insérer les mots : "pour des motifs graves, précis et concordants à l'encontre de son partenaire,". »

L'amendement no 297 est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après les mots : "pacte civil de solidarité", insérer les mots : "pour faute,". »

L'amendement no 298 est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après les mots : "pacte civil de solidarité", insérer les mots : "pour des excès, sévices et injures graves ou renouvelés." » La parole est à Mme Christine Boutin pour défendre ces amendements.

Mme Christine Boutin.

Vous n'avez pas accepté la suppression du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 qui dispose : « Lorsque l'un des partenaires décide de mettre fin au pacte civil de solidarité, il signifie à l'autre sa décision et adresse copie de cette signification au greffe du tribunal d'instance qui a reçu l'acte initial. »

Cela démontre clairement que vous instaurez un PACSkleenex, puisque, si l'un des deux « pacsés » décide que cela suffit, que la vie commune n'est plus supportable, il peut jeter à la poubelle son compagnon « pacsé ».

Malgré cela vous n'acceptez pas de reconnaître qu'il s'agit d'une répudiation et vous ne nous avez toujours pas répondu à ce sujet.

L'objectif de ces trois amendements est d'essayer d'encadrer au minimum cet aspect kleenex du PACS.

Ainsi l'amendement no 296 tend à imposer que l'on ne puisse procéder à cette répudiation que « pour des motifs graves, précis et concordants à l'encontre de son partenaire ». Il nous paraît en effet bien léger de permettre à l'un des intéressés de mettre un beau jour fin au PACS de façon autoritaire, parce que la lune n'est pas bonne, parce qu'il pleut un peu fort, parce qu'il a gelé, parce qu'il a une crise de folie ou parce qu'il a eu une dispute avec son compagnon ! Cela est absolument invraisemblable. Vraiment, je ne comprends pas ! Que le PACS ait été conclu pour des intérêts financiers ou pour un engagement affectif - vous évoquez l'un ou l'autre selon que les articles sont pairs ou impairs ! -, peu importe : il est inadmissible de laisser à l'un des « pacsés » la possibilité de jeter son compagnon, comme le permet votre texte.

Dans l'amendement no 297, je propose que cette répudiation ne soit possible qu'en cas de faute de l'un des partenaires et pas simplement parce que, tout à coup, sa tête ne revient plus à l'autre.

Vous prétendez que le PACS sera un statut intermédiaire entre le concubinage et le mariage et qu'il devra y avoir des protections. En réalité, vous n'en prévoyez aucune. Selon l'humeur du moment, l'un des deux « pacsés » pourra décider que l'autre n'a plus qu'à s'en aller.

Dans le même esprit, l'amendement no 298 prévoit que cette répudiation devra être justifiée par des excès, des sévices, des injures graves ou renouvelés.

Ces trois amendements devraient être retenus pour bien encadrer les conditions de la répudiation qui, je le répète, mes chers collègues, est une régression du droit français.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

Les trois amendements de Mme Boutin reprennent pratiquement les causes qui peuvent être invoquées pour un divorce. Or il s'agira non d'un divorce mais d'une rupture unilatérale d'un contrat à durée indéterminée.

M. Jacques Pélissard.

C'est scandaleux !

Mme Christine Boutin.

C'est fou !

M. Thierry Mariani.

C'est un aveu !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Le rapporteur dit souvent qu'il a fallu faire oeuvre d'imagination pour l'avenir. Loin de correspondre à cette vision, cet article constitue un retour au passé. Avec cette disposition, monsieur le rapporteur, vous n'offrez qu'une solution archaïque à un problème qui sera souvent dramatique pour des cocontractants comme il l'est pour des époux.

Qu'on le veuille ou non, en effet, cela ressemble à s'y méprendre à la répudiation. Or, mon cher collègue, la répudiation n'est pas une oeuvre d'imagination, mais une dure réalité juridique que les temps anciens ont connue !

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Hier le Gouvernement n'a pas contredit le rapporteur quand ce dernier a indiqué qu'il serait possible de transformer le PACS, par voie conventionnelle, en un contrat à durée déterminée. Or vous venez de dire l'inverse, monsieur le rapporteur. S'il y a encore un Gouvernement, il pourrait peut-être intervenir, alors que, hier, il n'a pas voulu se prononcer : oui ou non, le PACS peut-il être un contrat à durée déterminée ? J'appelle votre attention sur l'importance de la réponse, car si le PACS pourra avoir une durée déterminée, il existera des PACS d'un jour, voire d'une demi-journée, puisque vous n'avez même pas fixé un seuil minimal de durée.

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Monique Collange.

Les coups de foudre, ça existe !

M. Charles de Courson.

Chacun voit bien comment pourra alors être détourné le PACS. Savez-vous comment on pourrait qualifier un PACS valable une demi-journée


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

dont la clause de rupture prévoierait le versement d'une soulte de 500 francs ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Patrick Braouezec.

Pourquoi pas un PACS d'une demi-heure ?

M. Charles de Courson.

Tout à fait, mon cher collègue ! Cela s'appelle de la prostitution !

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Charles de Courson.

Vous n'avez même pas saisi toutes les conséquences de ce texte.

Mme Muguette Jacquaint.

Allez vous occuper une heure !

M. Charles de Courson.

J'espère que mon amie Muguette Jacquaint interviendra vigoureusement à ce sujet car, avec cette disposition, vous allez purement et simplement légaliser la prostitution.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Christine Boutin.

Absolument !

M. Bernard Roman.

Vous fantasmez !

M. Charles de Courson.

Mais non, c'est la vérité !

Mme Muguette Jacquaint.

Ne sombrez pas dans le ridicule !

M. le président.

Mes chers collègues, tenez-vous-en au problème, s'il vous plaît !

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, le sujet est grave ! Mme la garde des sceaux pourrait-elle indiquer si elle partage l'analyse du rapporteur selon lequel le PACS pourra être à durée déterminée ?

M. Thierry Mariani.

Elle l'a admis hier soir !

M. Charles de Courson.

Elle n'a pas été claire !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 296.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 297.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Christine Boutin.

Pas de réponse du Gouvernement !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 298.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 163 et 299, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 163, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après les mots : "sa décision", insérer les mots : "et ses motifs exacts". »

L'amendement no 299, présenté par Mme Boutin, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après le mot : "décision", insérer les mots : "en mentionnant les motifs dans sa lettre de signification". »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no 163.

M. Thierry Mariani.

Bernard Accoyer étant retenu par un meeting électoral, je tiens à défendre son amendement, mais il nous rejoindra ce soir.

Il s'agit d'imposer à celui des partenaires qui décide de mettre fin au pacte civil de solidarité d'indiquer à l'autre les motifs exacts de sa décision.

L'un des objectifs initiaux du PACS était d'assurer une certaine stabilité. Or la possibilité de répudier sans donner le moindre motif autorise tous les abus. L'exemple évoqué par Mme Boutin, dans lequel une simple dispute peut se terminer par l'envoi d'une lettre recommandée mettant fin à un PACS, n'est pas du tout une hypothèse d'école.

La procédure de divorce - j'en parle puisque vous faites vous-même parfois référence au mariage - prévoit une conciliation qui permet à chacun des époux de s'expliquer. On peut même espérer qu'elle favorise le retour de la concorde et renforce le mariage.

Mme Monique Collange.

Vous ne croyez même pas ce que vous dites !

M. Thierry Mariani.

En faisant en sorte que la répudiation permise par l'article 515-7 soit possible sans justification, vous faciliterez immanquablement les ruptures de PACS.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je me permets de vous poser la vingtième ou trentième question ayant pour objet de lever des incertitudes du texte.

Ainsi que mon collègue M. de Courson l'a rappelé, vous avez expliqué, hier, qu'un PACS pourrait être à durée déterminée. Si l'un des partenaires qui a d'abord décidé, à la suite d'une dispute, de mettre un terme au PACS et d'envoyer la signification au greffe du tribunal, le regrette quelques jours plus tard et préfère le prolonger, comment devra-t-il agir ? Dans l'état actuel du texte, en effet, je ne vois pas comment on peut stopper une procédure mise en oeuvre.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour défendre l'amendement no 299.

Mme Christine Boutin.

Vous avez rejeté mes trois amendements qui avaient pour objectif de diminuer le caractère impulsif que pourraient revêtir certaines décisions de séparation entraînant la répudiation. Je propose donc un nouvel amendement tendant à prendre en considération la situation de celui qui sera laissé pour compte, abandonné par l'autre. Je voudrais en effet que la personne qui va être rejetée, répudiée...

Mme Nicole Feidt.

Quelle exagération !

Mme Christine Boutin.

... soit informée des motifs de cette séparation par leur mention dans la lettre de signification.

Avec le texte proposé la situation sera la suivante : l'une des personnes « pacsées » décidera pour des raisons qu'elle estimera légitimes mais qui ne seront peut-être pas fondées que cela suffit et son compagnon n'aura connaissance que de la lettre de signification sans avoir la moindre idée des raisons ayant motivé une telle décision.

Croyez-vous véritablement qu'un tel traitement soit digne ? Croyez-vous vraiment que l'on peut ainsi agir après avoir décidé d'organiser une vie commune pour des raisons financières ou amoureuses ? Elus de gauche, estimezvous que cela est compatible avec le respect et la dignité de la personne humaine ? Je demande que l'on mentionne les motifs de cette répudiation dans la lettre de signification, ce qui ne me semble pas une prétention exagérée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission les a repoussés, monsieur le président. La rupture du PACS est unilatérale et n'a pas besoin d'être motivée. Ce n'est pas une procédure de divorce.

M. Goasguen me dira sans doute que nous persistons dans l'ignominie.

M. Claude Goasguen.

Et dans l'ignorance !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est comme ça ! Je répondrai à M. Mariani que, dans le cas où les gens se repentiraient d'avoir rompu un peu trop vite leur PACS, il ne leur resterait plus qu'à en faire un deuxième.

(Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Thierry Mariani.

C'est extraordinaire ! On peut prendre un abonnement !

Mme Christine Boutin.

Le PACS est donc bien à durée déterminée !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, on croit rêver !

M. Yann Galut.

Cela vous ferait du bien, CharlesAmédée !

M. Charles de Courson.

Monsieur le rapporteur, par vos arguments mêmes, vous détruisez le PACS.

Mme Christine Boutin.

Tout à fait !

M. Charles de Courson.

Vous nous dites que l'on peut signer un PACS pour un jour, l'annuler quand on n'est pas content, en refaire un ensuite.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Monique Collange.

On n'a jamais dit ça !

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, écoutez ce que dit le rapporteur !

M. Thierry Mariani.

C'est précisément ce que vous vous apprêtez à voter !

M. Charles de Courson.

Pendant des années, nous nous sommes battus, dans ce pays, pour protéger les travailleurs contre les licenciements abusifs.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Huguette Jacquaint.

Pas vous, Charles-Amédée !

M. Yann Galut.

Ce n'est pas à vous de nous dire ça !

M. Bernard Roman.

C'est « Karl-Amédée » de Courson !

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, abandonnez vos a priori idéologiques. Nous ne vous avons pas attendus, pendant trente ans, pour faire avancer le droit du travail ! (Protestations sur les mêmes bancs.)

M. Yann Galut.

Qui a supprimé l'autorité administrative de licenciement ?

M. Charles de Courson.

Ça n'a rien à voir avec l'argument !

M. le président.

Veuillez laisser poursuivre M. Charles de Courson !

M. Charles de Courson.

Et pourquoi avons-nous lutté ?

M. Bernard Roman.

C'est inouï !

M. Charles de Courson.

Vous pouvez m'écouter deux minutes ? Nous avons lutté pour obliger les employeurs à motiver les licenciements. Sinon, comment le juge pourrait-il contrôler ?

M. Yann Galut.

C'est hors sujet !

M. Charles de Courson.

Non, c'est le même problème ici.

Si j'ai bien compris les explications du rapporteur, le PACS est aussi un contrat, comme le contrat de travail.

Mme Muguette Jacquaint.

Le PACS, un contrat de travail ! Et l'amour, et la tendresse ?

Mme Christine Boutin.

C'est ce que vous avez dit !

M. Charles de Courson.

Eh bien, ce contrat, on peut le rompre unilatéralement ! Mes chers collègues, sur cette question fondamentale, je vous rappelle les arguments que j'ai développés au nom de l'opposition sur l'inconstitutionnalité du PACS. Vous ne pouvez pas accepter, comme vous le faites, un contrat que l'on peut rompre unilatéralement. Il faudrait au moins que la décision de rompre soit motivée. Qu'est-ce qu'un PACS qu'on peut rompre selon son bon plaisir ? Seriez-vous devenus royalistes ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Bernard Roman.

C'est un comble ! On aura vraiment tout entendu !

M. Thierry Mariani.

Ce sont des autocrates !

M. Charles de Courson.

Voyez où le PACS vous emmène, mes chers collègues ! C'est ad libitum , et selon le bon plaisir de chacun.

Nous nous sommes battus pendant des siècles pour supprimer ce droit du bon plaisir et vous êtes en train de le réintroduire sans même vous en rendre compte.

Mme Martine David.

M. de Courson et le plaisir ! Tout un poème !

M. Charles de Courson.

Votre rapporteur s'en glorifie en disant : « Vous voulez rompre un PACS ? Vous pouvez le faire unilatéralement ! Vous voulez en refaire un une semaine plus tard ? Vous pouvez ! » On va pouvoir organiser un concours de « multipacsistes » !

M. Thierry Mariani.

Bien sûr !

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est grotesque !

M. Charles de Courson.

Il pourra être présidé par un homme célèbre pour ses mariages multiples : Eddy Barclay. Il s'agira de déterminer celui qui fera le plus de PACS.

Mme Martine David.

Arrêtez, ça suffit !

M. Charles de Courson.

Madame, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le rapporteur.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Madame, écoutez votre rapporteur !

M. Yann Galut.

Et le divorce ?

M. Charles de Courson.

On voit que vous ne connaissez pas la procédure de divorce, mon cher collègue.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. Yann Galut.

Si !

M. Charles de Courson.

Non ! Il n'existe pas de divorce unilatéral en une journée. Lisez le droit de la famille et des personnes.

M. Yann Galut.

Ce n'est pas la même institution.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est peut-être pour cela que les gens ne se marient plus !

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen, pour une dernière intervention rapide.

M. Claude Goasguen.

Depuis le début de cette séance, et même depuis le début de nos débats sur le PACS en commission ou en séance plénière, je n'ai jamais employé, à l'égard de quiconque, d'arguments moraux et je me dispenserai de le faire.

Mme Martine David.

C'est heureux ! Vous irez loin !

M. Claude Goasguen.

J'essaie - vous en êtes témoin, monsieur le rapporteur - de m'en tenir à une analyse strictement juridique, ce qui me pose beaucoup de difficultés, mon esprit étant, comme vous me l'avez dit si gentiment, plus tourné vers le passé que vers l'avenir ! (Sourires.)

M. René Dosière.

Eh, oui, c'est comme cela !

M. Claude Goasguen.

Mais il est des choses que je ne comprends pas, et je vais vous les exposer.

Le PACS, vous le reconnaissez, comporte des avantages non négligeables, fiscaux et sociaux. C'est la société qui accorde ces avantages. Elle est en droit, vous en conviendrez, d'en attendre des contreparties. Or, j'ai beau chercher, je n'en trouve aucune.

Si l'on donne des avantages à la famille, c'est, je le répète, parce que c'est une structure avec des enfants et que ces enfants vont aider la société à se développer.

Dans ce cas, l'avantage pour la société est facile à comprendre. Mais quel est l'avantage que je retire du PACS, moi, en tant qu'individu social externe qui essaie de donner une loi à ce pays ? Aucun !

Mme Muguette Jacquaint.

C'est la même chose quand vous accordez des exonérations fiscales à certains. Les autres n'en retirent rien !

M. Claude Goasguen.

J'aurais estimé normal que, sans retirer d'avantages du PACS, on puisse au moins demander aux bénéficiaires de celui-ci d'avoir un comportement qui aille dans le sens de l'évolution sociale. Vous ne le faites pas. J'en donne deux exemples.

Nous aurions pu dire : « Nous vous donnons avantage mais, si vous vous mettez ensemble, vous vous reconnaissez des obligations réciproques. » Il n'y a aucune obliga-

tion !

M. Thierry Mariani.

Aucune !

M. Claude Goasguen.

Nous aurions pu également dire : « Nous vous donnons un avantage mais, si vous vous mettez ensemble, vous vous donnez un minimum d'assurance sur la manière dont vous pouvez éventuellement rompre ce contrat. » Il n'y a aucune assurance en

cas de rupture.

M. Charles de Courson.

Aucune !

M. Claude Goasguen.

D'ailleurs quand on y réfléchit, on s'aperçoit que ce contrat n'en est pas un en réalité.

Mme Christine Boutin.

Bien sûr que non ! Ce n'en est pas un !

M. Patrick Braouezec.

C'est contradictoire avec ce qu'a dit M. de Courson !

M. Claude Goasguen.

Plus on avance dans la discussion et plus on voit que ce n'est que l'addition de deux déclarations unilatérales. Deux personnes décident unilatéralement de faire quelque chose. Elles se rencontrent pas hasard et décident de faire la même chose.

C'est la rencontre forfuite de deux déclarations et absolument pas un contrat.

M. Patrick Braouezec.

C'est ce que l'on appelle un coup de foudre !

M. Claude Goasguen.

Mes chers collègues, vous préférez sans doute lire le journal ou Bibi Fricotin plutôt que de m'entendre discourir de la théorie des contrats mais laissez-moi terminer. Je parlerai au moins pour le Journal officiel, si personne ne m'écoute...

M. le président.

Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Claude Goasguen.

... ou pour le président, qui m'écoute un peu ! Quand vous faites un contrat pour la vente de patates, il comporte des obligations réciproques.

Mme Christine Boutin.

Il ne faut pas qu'elles soient pourries !

M. Claude Goasguen.

Si les patates ne sont pas en bon état, il est prévu une action juridique pour dire : « Les patates ne sont pas en bon état. »

M. Patrick Braouezec.

Voilà une belle comparaison !

M. le président.

Il vous faut conclure maintenant, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen.

Là, vous êtes en train de créer un acte juridique où il n'y a pas d'obligation, c'est-à-dire que vous traitez deux individus, qui souvent sont en difficulté, avec moins de retenue et moins d'attention que s'il s'agissait d'un simple contrat de vente de patates avariées.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.

)

Mme Muguette Jacquaint.

Ceux qui sont intéressés par le PACS seront contents d'apprendre que vous les comparez à des patates avariées !

M. Claude Goasguen.

Votre contrat n'est pas tourné vers l'avenir ! Il est mal ficelé et profondément attentatoire à la liberté de l'individu.

M. le président.

Je vous demande maintenant de conclure rapidement, mon cher collègue.

M. Claude Goasguen.

Le PACS est, j'y insiste, attentatoire à la liberté. On verra d'ailleurs, à l'article suivant, quelles sont ses conséquences en matière d'immigration clandestine.

Vous viendrez parler après cela de liberté et de dignité de l'homme !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 163.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 299.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 190 corrigé et 300, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 190 corrigé, présenté par M. Mariani, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après le mot : "signifie", insérer les mots : "par voie d'huissier". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

L'amendement no 300, présenté par Mme Boutin, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après le mot : "décision", insérer les mots : "par une lettre recommandée avec accusé de réception". »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no 190 corrigé.

M. Thierry Mariani.

Vous me permettrez de saluer l'intelligence du Gouvernement d'avoir inscrit la troisième lecture du PACS en cette période. Si, la campagne électorale européenne retombée, les Français s'intéressaient vraiment aux débats du Parlement, ils seraient saisis d'effroi.

M. Yann Galut.

En vous entendant, monsieur Mariani !

M. Thierry Mariani.

Non, en entendant le rapporteur ! Hier, le rapporteur nous a expliqué que le PACS pouvait être à durée déterminée. Tout à l'heure, le même rapporteur, avec l'honnêteté qui le caractérise, mais avec une certaine désinvolture, nous a expliqué qu'après tout, si l'un des cocontractants avait décidé un peu trop vite de rompre un PACS, il n'avait qu'à en signer un autre, comme on irait acheter des billets de tac-au-tac au bartabac du coin. On est vraiment en plein délire ! Et le tout sans aucun formalisme.

La comparaison qu'a faite mon collègue de Courson est tout à fait justifiée : le moindre employé qui bénéficie d'un contrat de travail a droit, au moment de son licenciement, à une explication, une motivation, une protection.

Mme Muguette Jacquaint.

Vous croyez à ce que vous dites, monsieur Mariani ?

M. Thierry Mariani.

Oh oui, j'y crois ! Et vous, qui avez cautionné à une époque Staline, vous n'avez pas de leçon à nous donner ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Nous n'avons pas de leçons de démocratie et de tolérance à recevoir de vous !

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prierai de revenir au sujet, et d'essayer d'élever le débat de manière à ce que nous ne sombrions pas dans le ridicule.

M. Thierry Mariani.

Vous avez raison, monsieur le président, je ne rappellerai plus à certains des souvenirs historiques peu glorieux ni ce qu'ils soutenaient hier. Je m'en tiendrai à ce qu'ils soutiennent aujourd'hui.

M. Yann Galut.

Quels sont vos arguments de fond, monsieur Mariani ?

M. Thierry Mariani.

Chers collègues de la majorité, vous soutenez un texte qui n'entraîne aucune obligation et ne comporte pas la moindre protection ni le moindre droit pour la personne qui est répudiée. C'est hallucinant !

Comme le disait notre collègue de Courson, il nous fait retourner deux siècles en arrière. Après nous avoir fait votre grand numéro sur la parité, après nous avoir expliqué des jours durant qu'il fallait conquérir de nouveaux droits, vous prévoyez d'inscrire dans la loi, à deux jours d'un scrutin, la possibilité, après une liaison créée par un PACS, de répudier une personne par simple lettre recommandée, sans le moindre motif.

Mon amendement no 190 corrigé tend simplement à préciser, monsieur le rapporteur, que la signification de la décision de rupture devra être faite « par voie d'huissier ».

Mettons un minimum de formalisme, puisque vous refusez de mettre un minimum de protection et de motivation.

M. le président.

L'amendement no 300 est identique au précédent, madame Boutin. Je vous demanderai donc d'être brève. Je compte sur votre bonne volonté.

Mme Christine Boutin.

Je serai brève, monsieur le président, mais je veux quand même souligner qu'il n'est pas précisé sous quelle forme cette décision unilatérale de séparation, de répudiation, de mise à la corbeille à papier sera envoyée. La moindre des choses, puisque l'on ne donne pas les raisons de la séparation, c'est qu'on soit au moins sûr que celui qui va être laissé de côté soit bien informé. C'est pourquoi mon amendement tend à préciser que la signification aura lieu par le biais d'une lettre recommandée avec accusé de réception. Cela donnera la garantie que celui qui est répudié est bien informé de la décision de l'autre « pacsé ». Je sais que La Poste perd rarement du courrier, mais cela peut arriver et le principe de précaution si souvent invoqué en ce moment, et qui est effectivement un principe très important, impose, en vertu du respect que l'on doit à la personne qui va être abandonnée ou laissée pour compte, que l'on soit sûr qu'elle sera informée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

Je m'étonne de ces deux amendements. M. Mariani et Mme Boutin ont longuement suivi les débats en première et en deuxième lecture.

M me Christine Boutin.

Je vous remercie de le reconnaître, monsieur le rapporteur !

M. René Dosière.

Ils ne comprennent rien !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Je leur rappelle que le mot « signification » a été substitué à celui de « notification » dans un amendement de deuxième lecture. La signification, monsieur Mariani, c'est par voie d'huissier.

Voilà qui est clair ! On a préféré le mot « signification » pour justement être sûr que l'information arrivera.

Nous sommes contre la lettre recommandée car, quelquefois, on ne va pas la chercher. Donc, la décision sera signifiée à l'autre par voie d'huissier et la copie de cette signification est une condition substantielle de la rupture du PACS car elle devra être remise au greffe du tribunal d'instance.

M. Thierry Mariani.

Et pourquoi pas par fax ? Ce n'est pas sérieux !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que le rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 190 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 300.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Goasguen, Goulard et Dord ont présenté un amendement, no 40, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par la phrase suivante : "La rupture du pacte civil de solidarité fait l'objet d'une publicité dans les mêmes conditions que sa conclusion". »

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour soutenir cet amendement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. Jean-Claude Lenoir.

Il s'agit de prévoir que la rupture du pacte civil de solidarité fasse l'objet d'une publicité dans les mêmes conditions que sa conclusion.

On imagine facilement des situations où la personne qui a conclu un PACS avec une autre personne découvre par une annonce de mariage, par exemple, que cette personne va rompre le pacte.

Les personnes qui sont dans le giron familial d'une personne ayant signé un PACS doivent pouvoir également être mieux informées de la situation réelle dans laquelle vit celle-ci.

Il convient aussi que des partenaires économiques et financiers puissent savoir que le PACS qui a été conclu a été dénoncé.

Telles sont les raisons pour lesquelles mon collègue Goasguen et les membres du groupe Démocratie libérale ont déposé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Contre, monsieur le président.

Je ferai une observation sur notre procédure parlementaire. L'examen du PACS nous a montré à quel point elle méritait d'être améliorée.

L'amendement no 40 devrait être déclaré sans objet car tous les amendements relatifs à la publicité au moment de la conclusion du PACS ont été repoussés. Je sais bien que selon notre procédure un amendement ne tombe que s'il est contradictoire avec un autre dans le même article et non pas quand il est contradictoire avec les dispositions d'un autre article. Mais on ne peut pas maintenant faire accepter un amendement réclamant la publicité de la rupture du PACS « dans les mêmes conditions que sa conclusion » alors que rien dans le texte ne prévoit de publicité au moment de la conclusion.

Je souhaite que le bureau de notre assemblée se penche sur notre procédure parlementaire et notamment sur le cas d'amendements qui sont contradictoires avec des dispositions précédemment adoptées et ne reposent donc sur aucune base légale.

M. Thierry Mariani.

Ça n'a rien à voir !

Mme Christine Boutin.

Il commence à être fatigué.

M. Bernard Roman.

C'est très pertinent au contraire.

M. Thierry Mariani.

Vous remettez en cause la présidence !

M. René Dosière.

Pas du tout !

M. le président.

Nullement ! Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Contre !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

40. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 192, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par la phrase suivante : "Il demeure lié au devoir d'aide mutuelle et matérielle prévu au premier alinéa de l'article 515-4 durant une année suivant la fin du pacte". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Il s'agit d'un amendement important et grave.

Dans le mariage, si l'un des deux partenaires est atteint d'une grave maladie et que le deuxième partenaire engage une procédure de divorce à ce moment-là, sans motif réel, il y a une présomption de tort au détriment de celui qui engage le divorce. Vous semble-t-il normal, mes chers collègues, que lorsque, dans le cas d'un PACS, l'un des partenaires est atteint d'une maladie lourde, l'autre puisse rompre le PACS par simple lettre remise par huissier, sans aucune obligation, sans aucune contrepartie et sans aucun devoir d'assistance ? Une fois de plus, cet amendement soulève un vrai problème, et montre bien que, sous des dehors de générosité, ce texte permet en réalité à ce lui qui en connaîtra les moindres détails de brimer son partenaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 192.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 301, ainsi rédigé :

« Après le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, insérer l'alinéa suivant :

« Le pacte civil de solidarité ne peut être rompu par la volonté unilatérale si la rupture doit avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour le contractant abandonné. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je trouve dommage, mais je mets cela sur le compte de la fatigue ou de la lassitude, ce qui est bien compréhensible - quoique l'opposition, elle, n'en éprouve aucune - que notre rapporteur ait, par une pirouette, invoqué la procédure de l'Assemblée nationale...

M. Jean-Claude Lenoir.

Pour éviter le débat !

Mme Christine Boutin.

... pour éluder le débat sur le problème touchant à la publicité.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

On l'a déjà eu, ce débat !

Mme Christine Boutin.

Il est vrai que vous avez rejeté toute publicité au moment de la conclusion du PACS, mais ce n'est pas une raison pour ne pas en parler au moment de la répudiation.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

C'est pareil !

Mme Christine Boutin.

Non, parce qu'on ne peut pas gommer un débat de fond en s'appuyant sur des techniques parlementaires. Monsieur Michel, vous nous avez habitués...

M. Jean-Claude Lenoir.

A mieux !

Mme Christine Boutin.

... à beaucoup mieux.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Chacun a ses faiblesses ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

L'amendement no 301 a pour objet de protéger le contractant le plus faible, soit de par son état de santé, soit de par sa situation matérielle. Puisq u'aucune garantie, aucune motivation, aucune circonstance particulière n'est exigée pour justifier la rupture


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

du PACS, celle-ci peut se révéler catastrophique pour celui qui a une santé physiquement et psychologiquement fragile ou une situation financière précaire.

L'amendement tend à introduire un alinéa supplémentaire pour préciser que « le pacte civil de solidarité ne peut être rompu par la volonté unilatérale si la rupture doit avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour le contractant abandonné ». Peut-être allez-vous m'opposer que la rédaction n'est pas suffisamment précise. Je ne suis pas opposée, pour ma part, à ce que vous l'amélioriez pour la rendre plus précise mais le caractère vague de certains concepts contenus dans le projet de loi, comme celui de « vie commune », peut justifier que l'on reste également relativement vague sur celui de « conséquences d'une exceptionnelle gravité ».

M. le président.

Monsieur Michel, je n'ai pas considéré votre propos comme une critique à l'égard de la présidence. Pour admettre votre raisonnement, il faudrait qu'il y ait un parallélisme de forme entre la conclusion et la rupture du PACS, ce qui n'est pas tout à fait la règle en ce qui concerne les contrats de mariage.

M. Thierry Mariani.

Exactement !

M. le président.

Cela dit, tout parlementaire place ses amendements où il l'entend. Il me semble qu'il est démocratique de respecter cette règle...

Mme Christine Boutin.

Merci, monsieur le président !

M. le président.

... qui permet à l'opposition et à la majorité de présenter des amendements quand ils le souhaitent. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je tenais à lever toute ambiguïté pour qu'on ne puisse penser que la présidence n'a pas fait son travail, ce qui me gênerait beaucoup.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 301 ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 301.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 191, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après le mot : "signification", insérer les mots : "le jour de la publication des bans". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je vous remercie de vos propos, monsieur le président. Du reste, je pense sincèrement que les problèmes de publicité ne sont pas les mêmes selon qu'ils concernent la signature ou la fin du PACS. Il est donc tout à fait opportun d'examiner les amendements quand ils sont déposés, dans les deux hypothèses, et donc tant sur l'article 515-1 que sur l'article 515-7.

Mais revenons à l'amendement no 191.

Nous pensons qu'il faut un minimum de publicité à la fois lors de la signature et lors de la fin du PACS. Les obligations contenues dans l'article 515-4 n'ont aucune valeur et ne peuvent avoir aucune application si on ne sait pas quand le PACS prend fin. Si, demain, une personne « pacsée » souhaite acheter une voiture à crédit, elle dira : mon conjoint « pacsé » est solidaire de mes dettes.

Mais trois jours après, une simple lettre recommandée peut mettre fin au PACS. Où est l'obligation créée par votre texte ? Nulle part.

Voilà pourquoi un minimum de publicité, à notre avis, donnerait un peu de clarté à ce dispositif.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

En effet, le texte manque de clarté. Au troisième alinéa, on lit : « Lorsque l'un des partenaires met fin au pacte civil de solidarité en se mariant, il en informe l'autre par voie de signification. »

Mais signification de quoi ? De l'acte de mariage ou de l'avis de mariage, c'est-à-dire des bans ? Ce n'est pas la même chose en termes d'efficacité juridique et de calendrier.

Par ailleurs, si à cet alinéa 3, il est prévu de motiver la rupture du PACS - pour cause de mariage - ce n'est pas le cas au précédent où nulle motivation n'est imposée. Il est tout de même un peu fort de café que ce soit uniquement dans le cas d'un mariage que la motivation soit exigée ! Voilà encore une incohérence du texte. Pour toutes ces raisons, l'amendement no 191 mérite d'être adopté.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 191.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 161, ainsi rédigé :

« Après le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, insérer l'alinéa suivant :

« Le pacte civil de solidarité prend fin lorsque le caractère frauduleux en a été démontré par les services sociaux ou l'administation fiscale qui engagent les poursuites nécessaires pour récupérer les sommes détournées. »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir cet amendement.

M. Thierry Mariani.

Le problème soulevé par mon collègue Accoyer est tout à fait intéressant.

Depuis le début de cette discussion, on a bien compris qu'on ne parlait ni d'amour, ni de sentiments, mais d'avantages fiscaux ou sociaux, et vous nous avez expliqué qu'il s'agissait d'un texte asexué.

Qui dit avantages fiscaux et sociaux, dit possibilité de fraude. Certes, cela ne concernera qu'une minorité, mais hélas ! elle existe. Vous me permettrez, pour étayer mon propos, de citer quelqu'un qui a plus votre oreille que moi, Irène Théry, interviewée par le journal La Croix :

« Par ailleurs, on doit absolument repenser quels sont les droits sociaux et fiscaux qui nécessitent préalablement ce contrat - elle parle du PACS - et quels sont ceux qui en réalité doivent découler du constat de l'existence d'une vie commune. N'oublions pas que le concubinage est largement pris en compte quand il s'agit de priver les individus de certains droits : il fait perdre de nombreuses allocations, la pension de réversion, fait baisser le RMI, supprime la part supplémentaire par enfant à charge pour les impôts, et j'en passe. Comment alors justifier que cette même vie commune soit aujourd'hui " oubliée " quand elle peut légitimement ouvrir des avantages ? J'es-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

père que l'on va enfin poser ce problème. » Irène Théry

tenait ces propos avant la présente lecture du texte. Mais, pour l'instant, nous n'avons toujours pas commencé à poser le problème ! Alors, je reprendrai à mon compte sa conclusion : « Les discussions parlementaires ont marqué les limites du c onsensus acquis. Au plan du droit, le brouillage demeure. Que veut-on faire précisément ? Le PACS est-il une sorte de "mariage light" ou non ? Pourquoi des millions de concubins ont-ils été mis sur la touche ? Le projet reste encore illisible, contradictoire, et risque de créer demain de nouvelles discriminations. Le débat juridique n 'est pas clos... » Et nous attendons toujours des

réponses.

Vous qui avez cité Mme Irène Théry à longueur de débats...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Pas moi !

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis.

Moi non plus !

M. Thierry Mariani.

... en tout cas, certains membres de la majorité plurielle, vous devriez citer ses derniers propos, qui datent de trois semaines.

Et voilà pourquoi l'amendement de mon collègue Accoyer est si pertinent.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission est défavorable à cet amendement.

Et je voudrais, monsieur le président, répondre à

M. Pélissard. Dans le cas de la rupture unilatérale,

« signification » veut dire signification à l'autre.

Ensuite, lorsqu'on va devant le greffe et que l'on donne copie de la signification, il faut mentionner que l'on se marie, parce que, dans le cas du mariage, le délai de trois mois, que nous avons introduit, n'est pas nécessaire.

En effet, ce délai de trois mois - et c'est Mme Boutin qui nous l'avait fait remarquer lorsqu'elle avait défendu son exception d'irrecevabilité - risquait d'être motif d'inconstitutionnalité. On ne peut pas empêcher quelqu'un de se marier, c'est un droit imprescriptible. C'est la raison pour laquelle lorsqu'on veut, unilatéralement, mettre fin à un PACS pour se marier, il faut en avertir le greffier. Et, bien entendu, le PACS est dissous immédiatement - sans le délai de trois mois.

M. Jacques Pélissard.

Mais à quelle date ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 161 ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 161.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Plagnol, Mme Boutin, MM. de Courson, Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française ont présenté un amendement no 113, ainsi rédigé :

« Supprimer le neuvième alinéa (2e ) du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil. »

Est-il défendu, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson.

Oui, monsieur le président.

Mais j'avais demandé la parole sur l'amendement précédent pour répondre au rapporteur et vous ne me l'avez pas donnée !

M. le président.

Je ne vous ai pas vu, monsieur de Courson. Allez-y !

M. Charles de Courson.

Je voulais poser une question grave : quel contrôle les administrations fiscales pourrontelles exercer sur les avantage fiscaux liés au PACS ? C'est toujours le même problème : le contenu à géométrie variable du PACS ! Que pourra faire un contrôleur des impôts quand il découvrira l'absence de réalité d'un PACS, même d'un PACS a minima ? Le contrat existe, même s'il n'est pas respecté. En pareil cas, maintiendra-t-on les avantages fiscaux ? Et le même problème se pose, comme l'a dit

M. Mariani, pour les avantages sociaux.

Prenons un exemple concret. Si vous signez un PACS, vous ne bénéficiez plus de l'API puisque vous n'êtes plus un parent isolé. Mais si on découvre que le PACS n'est pas réel, rétablit-on l'API ? Le rapporteur et le Gouvernement pourraient-ils nous éclairer sur les droits des contrôleurs fiscaux au regard du PACS ? En ont-ils ? Lesquels ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 148, ainsi rédigé :

« Au début du neuvième alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, substituer au mot : "Trois", le mot : "Six". »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

L'amendement no 148 propose de porter de trois mois à six mois - vous verrez que ce n'est pas innocent - le délai au terme duquel le PACS prend fin après sa signification, ou plutôt prend effet ce que nous appelons le droit à la répudiation.

Je veux prendre un exemple d'abus auquel nous risquons d'être confrontés, même si on doit encore me dire que c'est du délire.

Je signe un PACS avec une personne. Cette personne attend un enfant de moi.

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe communiste.

Bravo !

M. Didier Boulaud.

C'est pour quand ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Je vous en prie, mes chers collègues ! Le cumul des mandats permet à un certain nombre d'entre nous d'être maire. - M-A-I-R-E, évidemment ! - ce qui nous donne l'occasion de nous retrouver devant des abus bien calculés.

Je reprends ma démonstration, qui n'est pas du tout innocente. Je signe un PACS. Ma conjointe attend un enfant.

Je décide de mettre fin à ce PACS très rapidement.

Que se passe-t-il concrètement ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous traitez cela par la dérision.

Mme Martine David.

Vous nous y obligez !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. Thierry Mariani.

La personne qui attend un enfant est immédiatement éligible à l'allocation de parent isolé.

Voilà un exemple type de ce qui, ne manquera pas de se produire. Car deux personnes ayant contracté un PACS, si elles attendent un enfant et si la mère n'a aucun revenu, auront vite intérêt à dénoncer ce PACS.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Véronique Neiertz.

Mais enfin, vous êtes pour ou vous êtes contre ? Vous devriez être content qu'ils le dénoncent !

M. Thierry Mariani.

Et ce n'est pas vos sarcasmes qui nous convaincront du contraire ! Je pense qu'un délai de six mois permettrait au moins de freiner ce genre de dérive.

Mme Véronique Neiertz.

A vous, c'est une allocation d'adulte handicapé qu'il vous faut !

M. Thierry Mariani.

Vous traitez avec beaucoup de légèreté un texte qui lui-même traite avec beaucoup de légèreté d'un problème grave...

Mme Muguette Jacquaint.

C'est vous qui faites dans la légèreté !

M. Thierry Mariani.

... et qui ouvre la porte à d'inombrables fraudes.

Au milieu de tous ces sarcasmes, je voudrais simplement que le rapporteur, avec l'honnêteté qui le caractérise - il a même reconnu que les PACS pouvaient être à durée déterminée -, me dise si mon schéma est faux ou non : je signe un PACS... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Martine David.

On a compris ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

On s'en fout !

M. Thierry Mariani.

Cela figurera au JO ! Deux personnes, disais-je, signent un PACS. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de tenue s'il vous plaît !

Mme Véronique Neiertz.

Personne ne voudra signer un PACS avec vous, Mariani !

M. Thierry Mariani.

Elles attendent un enfant. La mère est au chômage. Le PACS est cassé par une simple lettre recommandée, ce qui donne droit à la mère de toucher immédiatement l'allocation parent isolé. Cela vous fait rire...

Mme Martine David.

C'est pour ne pas pleurer !

M. Thierry Mariani.

... mais cela se produira !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable, il faut maintenir le délai de trois mois.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Il est dommage que le compte rendu ne traduise pas toujours le climat qui règne dans l'hémicycle. En ce moment, précisément, alors que j'essaie de montrer, par des exemples concrets, à quels abus ce texte pourra donner lieu, la majorité plurielle ferait mieux de faire preuve d'un peu plus de responsabilité et d'attention, parce que ce sont de vrais problèmes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Martine David.

Pas de leçons !

M. le président.

Monsieur Mariani, vous êtes un homme intelligent. J'imagine que vous connaissez parfaitement la réponse à la question que vous avez posée.

(« Mais oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Thierry Mariani.

Pas du tout !

M. le président.

Il suffira de ne pas conclure de PACS pour percevoir la même allocation. Je ne vois pas très bien où est le problème. Il n'y en a d'ailleurs pas, apparemment, monsieur le rapporteur ?

M. Thierry Mariani.

Mais si ! Et je vous en fais la démonstration.

Mme Véronique Neiertz.

Il a vraiment besoin du micro pour exister !

M. Thierry Mariani.

Vous considérerez, monsieur le président, que je défends en même temps l'amendement suivant, cela nous fera gagner un peu de temps.

M. le président.

Si vous voulez !

M. Thierry Mariani.

Je signe un PACS. Au bout d'un certain temps, trois ans, j'ai droit à une réduction fiscale.

Ensuite, la personne qui a signé un PACS avec moi attend un enfant.

M. René Dosière.

Encore !

Mme Véronique Neiertz.

Il se surestime !

Mme Martine David.

Il est insatiable !

M. le président.

C'est un exemple, mes chers collègues.

Je vous en prie !

Mme Véronique Neiertz.

Même avec du Viagra vous n'y arriveriez pas !

M. Thierry Mariani.

Disons alors que M. X - non ! on va me dire que je donne dans le porno ! - M. Y signe un PACS avec Mme Z. M. Y bénéficie d'une réduction d'impôt au bout d'un certain temps. Ils ont ensemble un enfant XY.

Mme Véronique Neiertz.

Qui s'appelle ET ! (Rires.)

M. Thierry Mariani.

Il est consternant qu'à des problèmes concrets d'abus de droits sociaux, vous ne sachiez opposer que des sarcasmes, bien peu constructifs ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Véronique Neiertz.

C'est vous qui êtes consternant !

M. le président.

Moi, monsieur Mariani, je ne souris pas. Je trouve votre exemple intéressant : XY, c'est un problème de chromosomes ! (Sourires.)

M. Charles de Courson.

Et ce sont des hétéros !

M. Thierry Mariani.

Je ne reprendrai pas la démonstration que vous ne voulez pas entendre. Cela dit, je le répète, vous allez créer des abus sociaux.

S'agissant de l'amendement no 144, il vise à insérer dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après les mots : « le juge », les mots : « du contrat ». Cet amendement se justifie par son texte même. Il s'agit d'apporter une précision.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 148, 147, 149 et 144, je dis bien : sur « tous » ces amendements.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani vient de défendre également les amendements nos 147, 149 et 144, sur lesquels la commission et le Gouvernement ont donné leur avis.

L'amendement no 147 est ainsi rédigé :

« Compléter le neuvième alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par la phrase suivante :

« Durant cette période, seule subsiste l'obligation d'aide mutuelle et matérielle, prévue au premier alinéa de l'article 515-4. »

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 149 est ainsi rédigé :

« Compléter le neuvième alinéa (2o ) du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par la phrase suivante : « Le délai de trois mois peut être prolongé par le juge si les circonstances l'exigent. »

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 144 est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après les mots : "le juge", insérer les mots : "du contrat". »

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 302, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil, après le mot : "patrimoniales", insérer les mots : "et extra-patrimoniales". »

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir cet amendement.

M. Charles de Courson.

Bien que l'intérêt du PACS soit essentiellement d'ordre patrimonial, il est évident que celui-ci aura également des conséquences extra-patrimoniales qui peuvent donner lieu à un contentieux. Cet amendement vise donc à étendre le champ du texte aux problèmes extra-patrimoniaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 302.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 145 et 38, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 145, présenté par M. Mariani, est ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par les mots : ", et de l'attribution éventuelle d'une pension alimentaire à l'un des partenaires". »

L'amendement no 38, présenté par MM. Goasguen, Dord, Goulard et Perrut, est ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par l'alinéa suivant :

« Le juge peut ordonner le versement d'une pension alimentaire dans les conditions prévues aux articles 281 à 285. »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no 145.

M. Thierry Mariani.

L'opposition fait preuve de constance dans ses arguments. L'amendement no 145 vous propose de prévoir l'attribution éventuelle d'une pension alimentaire à l'un des deux partenaires. Je pense que le texte y gagnerait en clarté. Je sais bien que le PACS n'est pas le mariage. En tout cas, un « pacsé » peutr envoyer son conjoint sans la moindre indemnité.

M. Michel m'objectera certainement que les juges peuvent très bien décider de l'application de certaines indemnités ou, éventuellement, d'une pension, mais ce serait plus clair si on l'inscrivait dans la loi.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour défendre l'amendement no

38.

M. Jean-Claude Lenoir.

L'amendement no 38 est légèrement différent de celui qui vient d'être soutenu par mon excellent collègue Mariani. C'est la raison pour laquelle je veux intervenir, fût-ce brièvement.

Cet amendement prévoit, en effet, que le juge puisse ordonner le versement d'une pension alimentaire dans les conditions prévues aux articles 281 à 285 du code civil.

Nous avons bien compris que les partenaires liés par un PACS se doivent une aide matérielle. Il faut en tirer toutes les conséquences et faire en sorte que, si le PACS est rompu, le devoir contracté puisse être accompli par le partenaire qui a pris l'initiative de cette rupture.

Nous avons recensé un certain nombre de cas très concrets, que j'avais prévu de vous énumérer, mais dans un souci de concision et de sérieux je me réserve de le faire un peu plus tard, sauf si l'Assemblée s'estimait insuffisamment éclairée, auquel cas je veillerais bien entendu à combler cette lacune et ce déficit d'informations.

M. le président.

Je crois pouvoir vous dire qu'elle est informée, monsieur Lenoir. (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Informée mais peut-être pas éclairée.

M. Didier Boulaud.

C'est difficile d'être éclairé par l'obscurantisme !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 145 et 38 ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

38. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 303, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par la phrase suivante : "Le juge tient compte de la faute qu'aurait commise l'un des partenaires, de l'existence d'une société de fait et de l'enrichissement sans cause". »

La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre cet amendement.

M. Charles de Courson.

Sur quelle base le juge prendra-t-il une décision en cas de rupture unilatérale ? Nous attendons toujours la réponse de la majorité et c'est l'une de nos nombreuses critiques.

L'amendement no 303 tend à encadrer le pouvoir du juge. Tout à l'heure, M. le rapporteur nous a expliqué qu'il n'était pas bon qu'un juge juge en équité, et nous partageons cette opinion. Or le texte donne un pouvoir au juge sans aucunement l'encadrer. Tenir compte de la faute qu'aurait commise l'un des partenaires, de l'existence d'une société de fait et de l'enrichissement sans cause, c'est tout de même le minimum. Ecoutez-moi, monsieur le rapporteur, s'il vous plaît ! L'amendement no 303 tend à donner au moins un certain nombre d'indications au juge quant au jugement qu'il devra prononcer.

Nous aimerions avoir une position claire. Depuis plusieurs heures, la garde des sceaux n'a prononcé que deux mots : « défavorable » ou « contre ».

Mme Martine David.

Elle fait ce qu'elle veut !

M. Charles de Courson.

Vous avouerez que, du point de vue du respect à l'égard du Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ...

M. le président.

Monsieur de Courson, revenez-en à l'amendement, s'il vous plaît !

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, avezvous déjà vu un gouvernement se contenter pendant des heures de dire « contre » ou « défavorable » ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud.

On a eu droit à ça pendant quatre ans sous les gouvernements précédents !

M. Charles de Courson.

Moi, je n'ai jamais vu ça ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Le respect minimal que l'on peut attendre dans un régime démocratique, c'est que le Gouvernement réponde à la minorité. Sur une question aussi grave que celle de savoir si le PACS est à durée déterminée ou indéterminée, Mme la ministre n'a toujours pas répondu.

Mme Martine David.

Elle fait ce qu'elle veut, Mme la ministre !

M. Charles de Courson.

Elle est là, elle fait son travail, elle lit des articles, elle n'écoute pas ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Elle a raison !

M. Charles de Courson.

Non, mes chers collègues ! Cela n'est pas conforme au respect dû dans une démocratie aux représentants du peuple.

M. le président.

Monsieur de Courson, vous êtes sans doute trop jeune parlementaire pour vous souvenir d'un certain nombre d'épisodes vécus par cette assemblée.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

M. Charles de Courson.

Cela fait tout de même six ans que je suis là !

M. le président.

A « défavorable », et à « contre », on peut ajouter le terme opposé, mais j'ai observé cela à plusieurs reprises, ...

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, vous présidez ou vous commentez ?

M. le président.

... et c'est tout à fait légitime. Le Gouvernement intervient quand il le veut.

M. Charles de Courson.

Il doit répondre !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 303 ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission est défavorable à cet amendement car il est totalement inutile. Il s'agit là de la jurisprudence de la rupture qui est actuellement appliquée par le juge. Pourquoi donc le remettre dans la loi ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Monsieur de Courson, lorsqu'il y a des amendements nouveaux, que j'attends d'ailleurs avec curiosité - il y en a eu un hier sur les cent dix que nous avons examinés -, je réponds.

S'agissant des amendements que nous avons examinés cet après-midi, j'ai déjà longuement répondu en première et en deuxième lecture. Par conséquent, je n'estime pas nécessaire de me répéter. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, l'opposition est attentive aux évolutions de la position de la majorité, et nous ne déposerions pas à nouveau certains amendements si vous n'aviez déjà changé d'opinion.

En première lecture, par exemple, nous avions déposé un amendement pour qu'il soit dit clairement que le PACS est un contrat. On nous a répondu que c'était impossible. En deuxième lecture, vous avez repris notre amendement dans votre rédaction.

En première lecture, vous nous avez expliqué qu'il ne fallait aucun amendement sur les tutelles, que c'était inutile. En deuxième lecture, vous-même ou M. le rapporteur avez introduit une disposition sur ce point dans votre texte.

Mme Muguette Jacquaint.

Ne dites pas que l'on ne vous écoute pas ! La preuve !

M. Thierry Mariani.

En première lecture, nous avons déposé de nombreux amendements pour empêcher que le PACS ne s'applique aux fratries - c'était absolument impossible car l'on ne faisait pas forcément des enfants en nombre pair -, et vous avez annulé cette disposition en deuxième lecture.

Vous comprendrez que l'opposition redépose parfois certains amendements puisque que l'on s'est aperçu qu'entre la première et la deuxième lecture, vous avez pu faire amende honorable (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ou au moins, sans trop le reconnaître, rectifier certaines de vos erreurs.

On continue donc à espérer - à défaut d'avoir de l'amour dans ce texte, on a au moins de l'espoir ! - et on dépose les mêmes amendements. Puisque vous êtes revenue sur certaines erreurs, nous continuons à espérer que vous ferez de même sur d'autres points.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 303.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Goasguen, Dord, Goulard et Perrut ont présenté un amendement, no 39, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par l'alinéa suivant :

« Le juge peut ordonner le versement d'une prestation compensatoire dans les conditions prévues aux articles 270 à 280-1. »

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir.

Dans la ligne de l'amendement de M. Goasguen que j'ai soutenu tout à l'heure, il convient de prévoir une autre possibilité dans le cas où la rupture d'un PACS conduit le partenaire délaissé, répudié, à vivre dans des conditions matérielles particulièrement difficiles.

Notre souhait, que nous avons exprimé à plusieurs reprises, c'est de défendre les droits du plus faible qui sera particulièrement touché par la rupture, surtout lorsqu'elle est brutale, et qui risque d'être rapidement démuni alors que la conclusion du PACS avait pu faire naître chez lui l'espérance d'une vie meilleure.

C'est la raison pour laquelle nous proposons que le juge puisse ordonner le versement d'une prestation compensatoire dans les conditions prévues aux articles 270 à 280-1 du code civil. Le fait que le juge puisse prendre une telle décision serait de nature à rassurer des personnes qui s'inquiéteraient de leur devenir dans le cas où le PACS serait rompu. Ce serait également le moyen de contenir certains excès de comportement de la part notamment d'une personne qui aurait décidé de mettre un terme trop rapide à l'union consacrée à travers le PACS.

Au fond, c'est une façon de rassurer les uns et de prévenir les autres, de façon que des initiatives ne soient pas prises à la légère, qui auraient des conséquences particulièrement dommageables pour les plus faibles.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 143, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par l'alinéa suivant :

« Quand les partenaires ont eu un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales est saisi pour statuer sur les conséquences de la rupture pour ces derniers. »

Monsieur Mariani, pouvez-vous présenter en même temps l'amendement no 146 ?

M. Thierry Mariani.

Volontiers, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 146, présenté par M. Mariani, est ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 515-7 du code civil par l'alinéa suivant :

« Le juge peut ordonner la non résiliation du pacte civil de solidarité si la rupture aurait pour conséquence d'entraîner un préjudice d'une exceptionnelle dureté pour un des partenaires ou des enfants. »

Vous avez la parole, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

Ces amendements concernent les enfants.

Le jour de la rupture du PACS et le jour où, pour reprendre la formule de notre rapporteur, les deux pacsés ont reconnu ces enfants, se pose un réel problème. La saisie automatique du juge pour enfants proposée par l'amendement no 143 ne me paraît pas du tout superflue.

Quant à l'amendement no 146, vous avez évacué le problème d'un revers de manche mais, si c'était l'un des membres de la majorité plurielle qui l'avait posé, vous l'auriez écouté avec beaucoup d'attention. Si l'un des deux partenaires du PACS est victime d'une très grave maladie, trouvez-vous normal qu'on puisse mettre fin à un PACS par une simple lettre recommandée ? L'amendement no 146 me paraît tout à fait justifié.

Enfin, pour introduire un tout petit peu d'humour dans un débat qui a tendance à en manquer, monsieur le président, en plus de « opposé », « défavorable » « contre » et « rejeté », je propose au rapporteur et au Gouvernement de penser aux termes « objecter », « être hostile » ou

« réagir contre ». Ce sont les synonymes du mot « opposer » que l'on peut trouver dans le dictionnaire des synonymes qu'on vient de me passer ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 143 et 146 ? M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements.

L'amendement no 143 est inutile. S'il y a un différend entre les parents, le JAF sera bien entendu saisi pour régler le problème des enfants, comme dans le cas d'une famille naturelle. La loi s'appliquera.

Quant à l'amendement no 146, nous sommes contre et vous savez pourquoi. Nous avons dit depuis la première lecture que le juge n'appréciait pas les motifs de la rupture. Il la constate et il en organise les conséquences, notamment sur le plan matériel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que le rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 143.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 146.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Les amendements nos 43, 44 et 45, de M. Mariani, peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 43 est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Art. 515-8. - Toute personne justifiant d'un intérêt à agir peut demander l'annulation d'un pacte civil de solidarité dans un délai de deux mois suivant sa connaissance de la conclusion du pacte. »

L'amendement no 44 est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Art. 515-8. - Le procureur de la République ou son représentant peuvent demander dans un délai de deux mois suivant son enregistrement, l'annulation d'un pacte civil de solidarité. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

L'amendement no 45 est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Art. 515-8. - Les ascendants, descendants et collatéraux des partenaires jusqu'au troisième degré inclus peuvent demander l'annulation d'un pacte civil de solidarité dans les deux mois suivant leur connaissance de la conclusion de celui-ci. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Il n'y a aucune publicité à la conclusion d'un pacte, ni d'ailleurs à sa révocation. Une personne ayant intérêt à agir pour l'annulation doit avoir l'opportunité de le faire. C'est l'objet de l'amendement no

43. S'agissant de l'amendement no 44, je crois qu'un procureur peut demander l'annulation d'un mariage s'il suspecte un mariage blanc et, il me paraît opportun de prévoir une telle possibilité pour le PACS.

Enfin, vous avez reconnu tout à l'heure, monsieur le rapporteur, qu'au moment de la conclusion d'un PACS, on ne pouvait absolument pas savoir si les partenaires pacsés avaient eu précédemment des enfants. Les intérêts des enfants peuvent être lésés. Voilà pourquoi les dispositions prévues par l'amendement no 45 me semblent tout à fait justifiées.

Si la majorité est constante dans ses positions, l'opposition l'est aussi. Une fois de plus, nous proposons quelques dispositions pour éviter que le plus faible se fasse complètement déshabiller par certaines signatures de PACS malveillants.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission les a repoussés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

43. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

44. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

45. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er de la proposition de loi.

(L'article 1er de la proposition de loi est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 199, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Dans le livre Ier du code civil, il est inséré, après l'article 310-3, un titre VI ter ainsi rédigé :

« Titre VI ter

« Du choix de son statut

« Art. 310-4. - Toute personne résidant en France peut choisir un des statuts prévus à l'article suivant en application de la loi relative au pacte civil de solidarité.

« Art. 310-5. - Les différents statuts du nouveau droit de la famille sont :

«

1. Personne mariée ;

«

2. Célibataire vivant seul ;

«

3. Célibataire vivant en concubinage ;

«

4. Célibataire ayant conclu un pacte civil de solidarité ;

«

5. Célibataire vivant en concubinage avec une personne et ayant conclu un pacte civil de solidarité avec une autre ;

«

6. Personne mariée vivant en concubinage avec une autre personne.

« Art. 310-6. - Ces statuts sont applicables quel que soit le sexe des intéressés.

« Art.310-7. - Le choix est effectué pour une durée indéterminée et peut être modifié à tout moment en fonction de l'évolution des avantages fiscaux et sociaux rattachés à chacun des statuts prévus à l'article 310-5. »

Peut-être pourriez-vous présenter en même temps les amendements nos 198 et 197, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

Non, ils sont vraiment différents, notamment l'amendement no 198 qui pose un problème crucial.

L'amendement no 199, puisque la majorité plurielle est adepte des symboles, aurait l'avantage d'introduire de la clarté. Les différents statuts proposés sont applicables quel que soit le sexe des intéressés, puisque c'est ce que nous nous apprêtons à voter. Il est prévu que le choix est effectué pour une durée indéterminée. J'aurais pu sousamender puisque, depuis hier soir, elle peut être déterminée.

Le but de cet amendement est tout simplement de mettre noir sur blanc le dispositif baroque que vous êtes en train d'instituer. Six statuts sont désormais possibles dans le nouveau droit de la famille. La majorité plurielle gagnerait en clarté à l'afficher et les partenaires, qui ne sont pas forcément avertis de la totalité des dispositions du droit, pourraient ainsi choisir, comme dans un catalogue de grand magasin, lequel de ces statuts lui convient le mieux. Après tout, à l'exception des deux premiers, ces statuts introduisent de la confusion, vont entraîner un nombre de contentieux significatif, mais ils ont en commun de faire naître des avantages fiscaux et sociaux non négligeables.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Il s'agit d'un nouvel amendement. La commission l'a repoussé, car elle le trouve totalement inutile. Chaque personne résidant en France a bien le droit de choisir le statut qui lui convient. Je vous fais d'ailleurs remarquer, monsieur Mariani, que vous en avez oublié.

M. Thierry Mariani.

Il y en a plus ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Bien entendu. Le célibataire veuf, par exemple,...

Mme Christine Boutin.

Absolument ! Je sous-amende !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

... car l'état de veuvage entraîne des allocations spécifiques.

Mieux vaut donc ne rien inscrire dans la loi et laisser le choix à nos concitoyens

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Voici le second amendement nouveau depuis que nous discutons. Je vais, bien entendu, répondre puisque je n'ai pas eu l'occasion de le faire en première et en deuxième lecture.

Comme vient de l'expliquer Jean-Pierre Michel, il y a plusieurs formes de vie de couple et, si l'on voulait être complet, il faudrait en ajouter d'autres dans votre énumération, monsieur Mariani.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Mme Christine Boutin.

Absolument !

Mme Odette Grzegrzulka.

Il manque d'expérience !

Mme la garde des sceaux.

Le droit reconnaît désormais trois modalités : la situation de fait qu'est le concubinage, le contrat d'organisation de vie commune qu'est le pacte civil de solidarité et l'institution du mariage.

Pour autant, il n'y a pas de statut du concubinage, ni même du pacte civil de solidarité, qui est un contrat de droit privé obéissant à un simple régime juridique.

J'ajoute que, s'agissant du choix à effectuer entre ces trois modes de vie, c'est avoir une bien piètre opinion de nos concitoyens que d'imaginer qu'il peut reposer uniquement sur des critères d'avantages fiscaux ou sociaux.

M. Thierry Mariani.

C'est ce que vous proposez !

Mme la garde des sceaux.

L'amendement no 198, qui vise à inclure dans le code civil un titre IV ter sur le célibat,...

M. Thierry Mariani.

Je ne l'ai pas défendu !

Mme la garde des sceaux.

... repose sur un raisonnement spécieux. Vous souhaitez définir le célibat de manière spécifique pour le rapprocher ensuite du concubinage, sinon l'assimiler à celui-ci. Vous n'avez de cesse de critiquer les droits attachés au PACS, mais vous n'hésitez pas à vouloir en faire bénéficier les célibataires qui se regroupent par deux.

M. Thierry Mariani.

Oui !

Mme la garde des sceaux.

Vous analysez le célibat comme une situation de fait, mais vous enregistrez sa déclaration à la mairie. Je crois que ce tissu de contradictions n'est pas à prendre au sérieux.

Quant à l'amendement no 197, je n'y réponds pas puisqu'il s'intitule « Du concupacsage » et que vous nous en avez parlé en première et en deuxième lecture.

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Je pense, monsieur le rapporteur, et je le dis avec humour, que vous n'avez pas pesé tous vos propos. On peut choisir d'être concubin et pacsé, mais, pour choisir d'être célibataire veuf, il faudrait d'abord avoir choisi d'être veuf (Sourires),...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cela arrive, dans Agatha Christie ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

... ce qui, je le dis devant la garde des sceaux, serait inquiétant !

Mme Odette Grzegrzulka.

Les homicides de conjoints, cela existe !

M. Thierry Mariani.

Les six statuts que je présente sont des statuts volontaires. Le veuvage, par définition, n'est pas un statut volontaire, mais un statut subi. Si demain, étant marié, je décidais de devenir veuf,...

M. Patrick Braouezec.

Ce serait criminel !

M. Thierry Mariani.

... je pense que les services du ministère de la justice devraient s'occuper de moi !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 199.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 198, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. - Dans le livre Ier du code civil, il est inséré, après l'article 310-3, un titre VI ter ainsi rédigé :

« Titre VI ter

« Du célibat

« Art. 310-4. - Le célibat est le fait pour une personne physique, non mariée, de vivre seule sans être liée à un tiers par un pacte civil de solidarité.

« Art. 310-5. - Le célibat se prouve par tous moyens. Un acte de célibat peut être délivré par un officier d'état civil, un juge ou un notaire. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire.

« Art. 310-6. - Les célibataires, par simple déclaration auprès de l'officier d'état civil, peuvent se regrouper par deux et bénéficier de ce fait de toutes les dispositions applicables aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité à l'exception de celles ayant trait aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et de l'obtention de la qualité d'ayant droit d'un assuré social.

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par une majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Monsieur Mariani, acceptez-vous de faire une présentation commune des amendements nos 198 et 197 ?

M. Thierry Mariani.

Non, monsieur le président. Je conçois de défendre certains de mes amendements très vite, mais l'amendement no 198 a le mérite de poser un vrai problème,...

Mme Christine Boutin.

Oui !

M. Thierry Mariani.

... que l'on a tendance à évacuer facilement, celui des célibataires.

M. Patrick Delnatte.

Quel paradoxe !

M. le président.

Tenez-vous-en donc pour l'instant à l'amendement no 198, monsieur Mariani.

Vous avez la parole, cher collègue.

M. Thierry Mariani.

Je le répète, au terme de la discussion de ce texte, la seule catégorie de Français qui, sur le plan fiscal, se retrouvera « cocue », sera celle des célibataires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Braouezec.

Ils ne peuvent pas être cocus puisqu'ils sont célibataires !

M. René Dosière.

Pauvre Charles-Amédée !

M. Thierry Mariani.

Jusqu'à présent, la plupart des avantages sociaux reconnus par la nation reposaient sur la reconnaissance d'un service ou, dans certains cas, sur la reconnaissance d'une utilité des individus.

Sur quoi reposent, par exemple, les prestations familiales ? Sur la reconnaissance par la nation du service qu'ont rendu les personnes qui, mariées ou non, ont eu des enfants, car elles permettent ainsi à notre société de se perpétuer.

Que l'on me dise quel est l'avantage que procurent à la société deux hommes ou deux femmes qui s'aiment ! C'est tout à fait leur liberté que de s'aimer, mais de quel droit accorde-t-on à une affection privée un avantage public ? Pourquoi deux hommes ou deux femmes qui s'aiment se verraient-ils reconnaître des avantages fiscaux alors qu'ils ont décidé de ne pas entrer dans le cadre des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

dispositions jusqu'à présent en vigueur ? Cela me semble profondément choquant. Si la société reconnaît la liberté de ces couples, elle n'est pas obligée de leur consentir des avantages.

Les seuls qui sont laissés au bord de la route, ce sont les célibataires, qui paieront finalement pour tous les autres. Je ne vois pas, en effet, pourquoi un célibataire paierait plus d'impôts qu'un homosexuel, homme ou femme. Il ne s'agit pas là d'homophobie, mais simplement d'une question fiscale.

De plus, chacun sait que la vie de couple, qu'elle soit hétéro ou homosexuelle, permet de faire des économies puisque le loyer ou la facture d'électricité, par exemple, sont partagés en deux. On aboutit donc à un paradoxe : deux hommes ou deux femmes homosexuels qui s'aiment et qui vivent en couple ont des dépenses plus faibles mais ils se verraient reconnaître par la société des avantages supérieurs aux célibataires, et cela sans aucune justification.

L'amendement no 198 pose donc le problème des célibataires. Le texte, tel qu'il avait été corrigé par le Sénat, présentait, à cet égard, un grand intérêt puisqu'il prévoyait les mêmes avantages pour les célibataires et pour les membres d'un couple homosexuel.

Votre texte crée, je le dis d'une façon très solennelle, une catégorie de victimes, de sacrifiés, les célibataires, qui seront désormais les seuls à payer plein pot !

M. René Dosière.

Pauvre Charles-Amédée !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement.

Cela dit, M. Mariani pose un vrai problème, celui du statut des célibataires. Mais le PACS est un texte sur les couples et le problème évoqué n'a pas sa place dans le débat. Par conséquent, je suggère à mon excellent collègue de déposer une proposition de loi sur le célibat, qui serait plus approfondie que son amendement et que son groupe pourrait faire inscrire à l'ordre du jour. Nous en discuterions alors en séance publique, peut-être aussi longuement que du PACS. (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

J'ai bien entendu ce que vient de nous dire M. Michel, mais je voudrais que l'on m'explique quel est le statut des personnes qui concluent un PACS. Il ne peut s'agir ni de concubins ni de mariés...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Elles sont « pacsées » !

Mme Christine Boutin.

Il me semble, monsieur le rapporteur, que vous les considériez toujours comme des célibataires. Depuis la deuxième lecture, votre proposition a-t-elle évolué ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Heureusement qu'il y a plu-s ieurs lectures ! Cela lui permettra peut-être de comprendre !

M. le président.

Je mets...

Mme Christine Boutin.

Ce n'est pas possible !

M. Thierry Mariani.

On évacue le problème en moins de trois minutes !

M. le président.

... aux voix l'amendement no 198.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 197, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Dans le livre Ier du code civil, il est inséré, après l'article 310-3 un titre VI ter ainsi rédigé :

« Titre VI ter

« Du concupacsage

« Art.

310-4. Le concupacsage est le fait, pour une personne physique d'être liée à un tiers par un pacte civil de solidarité tout en vivant en état de concubinage avec une autre personne.

« Art.

310-5. Les personnes en situation de concupacsage ne peuvent à la fois bénéficier des dispositions relatives au pacte civil de solidarité et de celles relatives au concubinage. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Toujours dans le souci de clarté qui caractérise l'opposition...

Mme Christine Boutin.

Oui, et ça les ennuie !

M. Thierry Mariani.

... et qui gêne la majorité - il y a des choses difficiles à admettre -, je propose de créer un titre VI ter intitulé « Du concupacsage ».

Le concupacsage est le fait d'être à la fois concubin et

« pacsé », mais avec deux personnes différentes. Cette situation, ainsi que le rapporteur l'a reconnu en deuxième lecture, sera tout à fait possible. On va encore me dire que je fantasme mais, concrètement, si le texte est adopté, je pourrai vivre en concubinage avec M. ou Mme Untel et je pourrai, dans le même temps, « pacser » avec un autre homme ou une autre femme qui ne sera d'ailleurs pas forcément celui ou celle avec qui je serai censé vivre, étant entendu que ces deux personnes deviendront mes ayants droit sociaux.

Vous balayez le problème d'un revers de main, mais ceux qui siègent dans les commissions d'aide sociale vont devoir trancher sur des dossiers sans savoir quel plafond retenir. Pour la personne qui vivra en concubinage avec Untel et qui aura signé un PACS avec Unetelle, quel sera le plafond pris en compte ? Vous nous avez affirmé à plusieurs reprises - nous en prenons acte, mais nous en étions déjà convaincus - que l'ensemble des parlementaires de cet hémicycle étaient opposés à la bigamie, et c'est très bien. Cependant, en admettant que l'on puisse à la fois vivre en concubinage avec une personne, état de fait qui sera reconnu et codifié dans les textes, et conclure un PACS avec une autre, on aboutira - ne nous le cachons pas : ce texte a des connotations, des arrières-pensées sexuelles évidentes - à quelque chose de pire que la bigamie : à une « hétérogamie » car il n'y aura même plus de différence de sexe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Dosière.

Vous n'avez que de mauvaises pensées !

M. Thierry Mariani.

Ce texte est scandaleux ! Quand on expliquera, lors de la prochaine campagne, que vous aurez permis que des gens vivent en concubinage avec une personne, qu'ils bénéficient à ce titre d'avantages sociaux, qu'ils puissent signer un PACS avec une autre personne et qu'ils aient de ce fait d'autres avantages, je ne sais pas si vous vous sentirez très fiers d'avoir voté ce texte !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. Jean-Claude Lenoir.

Très juste !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 197.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 304, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 343-1 du code civil est supprimé ».

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le président, la question posée par M. Mariani méritait une réponse, tout comme celle que j'ai posée tout à l'heure sur le statut juridique des personnes qui concluront un PACS.

J'en viens à l'amendement no 304, qui est très important.

L'article 343 du code civil dispose que « l'adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, mariés depuis plus de deux ans ou âgés l'un et l'autre de plus de vingt-huit ans ».

L'article 343-1 précise que « l'adoption peut être aussi demandée par toute personne âgée de plus de vingt-huit ans » et que « si l'adoptant est marié et non séparé de corps, le consentement de son conjoint est nécessaire à moins que ce conjoint ne soit dans l'impossibilité de manifester sa volonté ».

Afin d'éviter l'adoption par des partenaires homosexuels, ainsi que cela a été annoncé à plusieurs reprises, et de façon très officielle par Mme la garde des sceaux lors des discussions générales, il convient dès à présent de supprimer la possibilité d'adoption par un célibataire et donc de supprimer l'article 343-1.

La possibilité d'adopter pour un célibataire pose des problèmes. Elle est considérée par un certain nombre d'entre nous comme une aberration. Elle pourrait, de façon perverse, permettre à un couple d'homosexuels d'adopter un enfant, ces homosexuels s'étant d'abord déclarés célibataires.

Pour quelle raison la législation française a-t-elle autorisé l'adoption pour un célibataire ? Cela a été permis dans des situations tout à fait particulières, les parents ayant disparu tous les deux de façon brutale, à la suite d'un accident, par exemple. La tante ou l'oncle, célibataires, se déclaraient prêts à accueillir les enfants.

En droit français, le premier souci est de respecter la famille et de faire en sorte que l'enfant soit toujours lié à sa famille, ce qui pose d'ailleurs des problèmes en ce qui concerne les délais pour rendre les enfants adoptables.

C'est donc sur la base du principe du lien privilégié que la France veut conserver entre l'enfant et sa famille que, par une dérogation exceptionnelle, l'adoption a été permise pour des célibataires.

Mais, comme toujours, lorsqu'on prévoit des dérogations, il y a des dérapages. Aujourd'hui, il arrive que des personnes célibataires puissent adopter. Mais les cas sont rarissimes : cela dépend des conseils de famille qui, la plupart du temps, estiment justement que l'enfant a besoin d'un père et d'une mère. Ils accordent donc très rarement à un célibataire la possibilité d'adopter s'il n'existe pas de liens familiaux avec les enfants adoptables.

Pour aller dans le sens du souhait de Mme la garde des sceaux et du Gouvernement, et donc pour ôter toute possibilité d'adoption aux personnes homosexuelles, je propose purement et simplement d'interdire en France l'adoption pour les célibataires, les cas étant au demeurant tout à fait marginaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Nous avons déjà eu à plusieurs reprises ce débat sur l'interdiction a priori de l'adoption et de la PMA. Nous sommes défavorables à l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 304.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 103, 158, 305, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 103, présenté par M. Plagnol, Mme Boutin, M. de Courson, M. Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Les partenaires de même sexe d'un pacte civil de solidarité ne peuvent pas bénéficier des dispositions du titre VIII, livre Ier du code civil. »

L'amendement no 158, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 343-1 du code civil est complété par les mots : "et n'ayant pas conclu de pacte civil de solidarité avec un partenaire de même sexe". »

L'amendement no 305, présenté par Mme Boutin, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 343 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'adoption ne peut être demandée par deux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ou vivant en concubinage. »

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no 103.

Mme Christine Boutin.

Cet amendement tend à préciser que les partenaires du même sexe d'un pacte civil de solidarité ne peuvent pas bénéficier des dispositions du titre VIII du livre Ier du code civil. Nous pensons que, pour l'équilibre de l'enfant, il est indispensable de poser cette interdiction.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable. Hier, nous avons eu à ce sujet un débat avec M. Accoyer, qui a été un peu vif. Je pensais que Mme Boutin et M. Accoyer auraient retiré ce type d'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

Je suppose que les amendements nos 158 et 305 connaîtront le même sort.

Je mets aux voix l'amendement no 158.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 305.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 104 et 306, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 104, présenté par M. Plagnol, Mme Boutin, M. de Courson, M. Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, est ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Les partenaires de même sexe d'un pacte civil de solidarité ne peuvent pas bénéficier des dispositions de la loi no 94-653 du 29 juillet 1994 relative à la procréation médicalement assistée. »

L'amendement no 306, présenté par Mme Boutin, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article L. 152-2 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : "L'assistance médicale à la procréation ne peut être demandée par deux personnes de même sexe." » La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no 104.

Mme Christine Boutin.

Monsieur le rapporteur, vous avez laissé entendre qu'hier soir il y avait eu un débat vif avec M. Accoyer. Ce ne fut pas du tout le cas : notre position et la vôtre étaient simplement différentes. En ce qui nous concerne, nous pensons, sans que ce soit attentatoire vis-à-vis de personne, qu'il n'est pas bon qu'un enfant soit élevé par deux personnes de même sexe, et qu'il y va de son intérêt.

J'ajoute que l'on ne peut nous taxer d'homophobie, contrairement à ce que vous avez laissé entendre hier à M. Accoyer, puisque notre position est conforme à la volonté de Mme la garde des sceaux, qui ne veut pas d'adoption pour les couples homosexuels.

Ne balayez pas nos arguments d'un revers de main ! Ne laissez pas entendre que nous aurions des positions étriquées, puisque ce sont celles de votre gouvernement ! J'en viens à l'amendement no 104, par lequel nous proposons de préciser que « les partenaires de même sexe d'un pacte civil de solidarité ne peuvent pas bénéficier des dispositions de la loi no 94-653 du 29 juillet 1994, relative à la procréation médicalement assistée ».

J'y ai déjà fait allusion tout à l'heure, mais je reviens à la charge car je pense que le Gouvernement pourrait, enfin, faire preuve de cohérence. En effet, d'un côté, on nous indique qu'il n'est pas question de prévoir en l'occurrence l'adoption ni la procréation médicalement assistée mais, de l'autre, dans un texte concernant les couples de personnes homosexuelles, on ne veut pas leur interdire clairement le recours à la PMA.

On m'objectera que, dans les lois sur la bioéthique, il est bien précisé qu'il est interdit aux personnes homosexuelles de recourir à une procréation médicalement assistée.

Les plus anciens d'entre nous doivent se souvenir que, sur les projets de loi concernant la bioéthique, j'avais déposé un certain nombre d'amendements - au moins deux cents -, qui étaient des amendements constructifs tendant à faire en sorte que les lois bioéthiques françaises respectent la dignité de la personne. Un seul a été accepté...

M. René Dosière.

Déjà ! (Sourires.)

Mme Christine Boutin.

Il précisait justement, car je voyais la situation arriver, qu'il ne serait pas possible, pour des couples qui ne seraient pas composés d'un homme et d'une femme, de recourir à une procréation médicalement assistée. J'avais même fait préciser qu'un

« couple » ne pouvait être composé que d'un homme et d'une femme. Il a fallu ici même plus d'une demi-heure de discussion pour que cette précision soit acceptée.

Ne vous réfugiez donc pas derrière les lois relatives à la bioéthique ! En réalité, vous jouez à cache-cache.

Je propose simplement que, dans le texte en discussion, qui concerne plus spécifiquement les relations des personnes homosexuelles, il soit très clairement précisé que le recours à une procréation médicalement assistée n'est pas possible.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 306 connaîtra sans doute le même sort.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement no 195, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi, un rapport sur les évolutions législatives et réglementaires susceptibles d'être conduites en faveur des personnes célibataires. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, m'autorisezvous à défendre dans le même temps l'amendement no 196 ?

M. le président.

Volontiers, mon cher collègue.

Je suis en effet saisi par M. Mariani d'un amendement, no 196, ainsi rédigé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi, un rapport sur la situation des célibataires en France. »

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Avec la loi dont nous discutons, la majorité plurielle emmène la France dans une aventure dont personne ne sait sur quoi elle débouchera.

M. René Dosière.

C'est cela, l'aventure !

M. Thierry Mariani.

L'amour aussi est une sorte d'aventure. Le problème, c'est que ce sont les contribuables qui risquent d'en faire les frais.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

Je propose un premier amendement qui, je pense, devrait recueillir l'unanimité, puisqu'il tend à prévoir que

« le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi, un rapport sur les évolutions législatives et réglementaires susceptibles d'être conduites en faveur des personnes célibataires ».

On pourrait peut-être porter le délai à dix-huit mois, ce qui m'épargnerait le reproche d'avoir voulu faire un parallèle avec un certain résultat du mariage. (Sourires.)

Monsieur le rapporteur, on a évacué le problème des célibataires en quelques minutes. Il est assez singulier que l'on passe, dans cet hémicycle, des heures à discuter du statut d'une certaine branche de la fonction publique ou d'une certaine catégorie professionnelle, ce qui du reste est pleinement justifié, alors que les personnes célibataires seront, après le vote de la proposition de loi en discussion, les grands oubliés sans que l'on cherche à remédier à la situation.

Même si ce n'est pas l'objet de ce texte, j'ouvre une fenêtre pour vous permettre de préparer, dans les mois à venir, les dispositions qui feront en sorte que les personnes célibataires ne soient plus les grandes victimes des propositions que nous discutons L'amendement no 196 prévoit que le Gouvernement remettra, dans les neuf mois suivant la publication de la loi, un rapport sur la situation des célibataires.

Si un tel rapport était rédigé, on s'apercevrait qu'à l'heure actuelle ce sont les célibataires qui ont le plus de frais - par définition, ils ne vivent pas en couple - et qui sont fiscalement les plus pénalisés parce qu'ils ne bénéficient d'aucun avantage social.

Cela méritait un petit débat. Pour avoir rencontré, comme vous, de nombreux célibataires dans mes permanences, je peux vous dire qu'ils ont vraiment l'impression d'être les « cocus » de l'affaire.

M. René Dosière.

Interrogez votre collègue de Courson !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 195 et 196 ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

La commission a rejeté les deux amendements et je renvoie son auteur à la proposition de la loi sur les célibataires qu'il déposera vraisemblablement et dont nous discuterons ici même.

(Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 195.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er bis

M. le président.

L'article 1er bis . - Après l'article 506 du code civil, il est inséré un article 506-1 ainsi rédigé : Art. 506-1 . - Les majeurs placés sous tutelle ne peuvent conclure un pacte de solidarité.

Lorsque au cours d'un pacte civil de solidarité l'un des partenaires est placé sous tutelle, le tuteur autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge des tutelles peut mettre fin au pacte selon les modalités prévues au premier ou au deuxième alinéa de l'article 515-7.

Lorsque l'initiative de rompre le pacte est prise par l'autre partenaire, la signification mentionnée aux deuxième et troisième alinéas du même article est adressée au tuteur. »

La parole est à M. Thierry Mariani, premier orateur inscrit sur l'article.

M. Thierry Mariani.

Je serai très bref.

L'article 1er bis est la confirmation de l'improvisation à laquelle ont donné lieu les différentes versions du texte que nous examinons.

Cet article reprend un amendement que l'opposition avait déposé en première lecture et qui avait été alors rejeté par le Gouvernement et le rapporteur au motif qu'il était inutile. Cet amendement a été réintroduit en deuxième lecture à l'initiative du Gouvernement et du rapporteur, qui avaient changé d'avis quant à son utilité.

Face à de telles manoeuvres, on se dit que le débat parlementaire, avec un Gouvernement et une majorité qui refusent systématiquement tous les amendements de l'opposition, est bien stérile. Je sais bien qu'un amendement a été accepté. Mais il n'y en a eu qu'un seul, et après une très longue discussion.

Il s'agissait d'empêcher que des majeurs placés sous tutelle puissent conclure un PACS. Cette disposition de bon sens montre l'intérêt d'un débat contradictoire et approfondi.

Je regrette simplement que la majorité n'ait pas fait preuve de la même rigueur juridique sur d'autres points en refusant systématiquement tous les amendements de l'opposition.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir.

Je voudrais également souligner combien les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont ni les plus efficaces, ni les plus heureuses, dans la mesure où ce point, qui a été rajouté en deuxième lecture, avait fait l'objet d'un amendement de l'opposition. Nos amendements ayant été systématiquement rejetés, souvent sans aucune explication, cet amendement-là n'a pas été intégré au texte voté en première lecture. Quel dommage ! Cet amendement est l'un de ceux dont parlait Thierry Mariani et qui ont été rejetés brutalement, avec des commentaires souvent peu amènes, parfois méprisants. Si certains en doutent, je tiens le Journal officiel à leur disposition. Ils verront, en lisant les pages consacrées à cette partie du débat, dans quelles conditions des observations de bon sens ont été écartées alors qu'elles avaient leur place dans le texte.

Nous avons là une disposition concernant les incapables qui a fait l'objet de plusieurs initiatives de la part de l'opposition. Cette disposition était évidemment attendue. C'est pour moi l'occasion à la fois de me réjouir qu'elle ait été introduite en deuxième lecture et d'attirer l'attention de Mme la ministre et des deux rapporteurs sur l'intérêt qu'il y aurait à écouter plus souvent l'opposition pour ne pas retarder inutilement les débats.

M. le président.

M. Plagnol, Mme Boutin, MM. de Courson, Dutreil et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 90, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 1er bis. »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je le retire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. le président.

L'amendement no 90 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er bis.

M. Thierry Mariani.

On le vote parce qu'il reprend nos propositions ! (L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er ter

M. le président.

« Art. 1er ter. - Le titre XII du livre Ier du code civil est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

« C HAPITRE II

« Du concubinage

« Art. 515-8. - Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple. »

La parole est à M. Thierry Mariani, premier orateur inscrit sur l'article.

M. Thierry Mariani.

La majorité sénatoriale avait introduit la définition du concubinage dans le code civil en suivant le raisonnement tout à fait logique selon lequel le PACS devenait dès lors inutile, puisque le fait d'ouvrir le concubinage aux couples homosexuels et hétérosexuels permettait de résoudre les problèmes que tout le monde déplorait. Mais la navette parlementaire a produit des effets pervers dans la mesure où la majorité plurielle a décidé de maintenir le PACS tout en introduisant le concubinage dans le code civil et, ce qui assombrit le tableau, en en changeant la définition. Le concubinage est ainsi défini comme l'union de fait - nous sommes d'accord ! -, caractérisée par une vie commune - d'accord ! - présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes - d'accord ! -, de sexe différent ou de même sexe - le RPR est tout à fait disposé à l'admettre -, qui vivent en couple. Mais force est de constater que cette définition du concubinage est beaucoup plus exigeante que les conditions posées pour un PACS. En effet, le concubinage impose de la stabilité, de la continuité, alors que rien de tel n'est prévu pour le PACS. Le concubinage fait expressément référence à la vie de couple, alors que le PACS pourra concerner des personnes vivant ensemble, mais pas forcément en couple puisque l'expression « projet commun » permettra d'y glisser ce que l'on souhaitera.

Je passe sur le fait qu'avec l'introduction du concubinage à côté du PACS et du mariage on arrive à juxtaposer six statuts, pas moins. La définition du Sénat était nettement plus appropriée, car elle mettait clairement en avant que le concubinage était le fait, pour deux personnes qui n'étaient pas mariées, de vivre une vie commune. En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a modifié cette définition en supprimant cette précision, si bien que l'on pourra à la fois être marié et vivre en concubinage avec quelqu'un d'autre, les deux situations donnant droit à des avantages sociaux et fiscaux radicalement différents et par moment complémentaires. Voilà qui contribue à ajouter encore à la confusion. Oui au concubinage, mais la première des choses c'est de dire que, par définition, ceux qui s'en réclament ne peuvent être mariés. Ou alors, tant qu'on y est, instituons l'adultère dans la loi !

M. le président.

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Je tenais particulièrement à intervenir sur cet article, car, en raison de circonstances malheureuses, un amendement très important dont je suis l'auteur n'est pas arrivé au service de la séance.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est fâcheux !

Mme Christine Boutin.

Je tenais donc à exposer officiellement ma position sur le problème du concubinage car sinon l'on pourrait croire que j'ai changé d'avis entre la deuxième et la troisième lecture (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste,)...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Cela nous aurait étonnés !

Mme Christine Boutin.

... ce qui n'est naturellement pas le cas. Il est bien évident que vous avez joué d'une habileté. Le Sénat a voulu aussi jouer d'une habileté.

Tout le monde a voulu jouer d'une habileté ! Et moi, je vous dis que tout ça va vous revenir comme un boomerang ! Mais si le Sénat a proposé d'introduire le concubinage dans le code civil, ce qui n'était pas obligatoirement la meilleure solution, c'était pour remplacer votre texte sur le PACS, pas pour venir en plus.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il fallait le dire clairement ! On n'avait pas compris ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) On croyait que c'était un plus, comme tout ce qui vient du Sénat !

Mme Christine Boutin.

Vous, vous avez joué. Vous jouez avec la loi. Vous jouez avec les propositions et les habiletés des uns et des autres et vous rajoutez le concubinage.

Puisque je ne pourrais pas soutenir mon important amendement, je tiens à dire que je ne suis pas favorable au fait d'inscrire dans la loi la possibilité de concubinage entre des personnes homosexuelles. En effet, l'assimilation entre une union de personnes de sexe différent et une union de personnes de même sexe est un choix d'une extrême gravité. Il est déjà inquiétant d'inscrire le concubinage dans le code civil au risque d'encourager la fragilisation de la vie sociale. Brouiller les repères de la différence sexuelle, qui fonde le couple et la parenté et en efface les expressions juridiques, serait porter atteinte à la cohésion sociale et aux fondements même de notre société. Si vous persistez à vouloir inscrire le concubinage dans la loi, vous susciterez inévitablement des revendications nouvelles concernant l'adoption et la procréation médicalement assistée en faveur des personnes vivant une relation homosexuelle.

D'une certaine façon, je comprends que vous ayez saisi cette occasion parce que, je vous le dis depuis le début, vous n'avez pas voulu assumer dans la transparence et la clarté d'objectif de ce texte qui est de donner la possibilité aux personnes homosexuelles d'adopter des enfants ou d'avoir recours à une procréation médicalement assistée.

Vous n'avez pas voulu l'inscrire de façon claire dans la loi et vous utilisez maintenant le subterfuge du concubinage pour faciliter cette démarche de l'adoption et de la procréation médicalement assistée.

Ce qui ressortira dans quelques années de l'examen de ce texte sur le PACS, c'est le manque de courage et de transparence de la majorité plurielle et du Gouvernement vis-à-vis du regard qu'ils portent sur l'homosexualité. Il est indispensable que la France ait ce débat. Il est indispensable que nous aidions nos concitoyens à regarder en adultes le problème de l'homosexualité. Vous avez raté une occasion importante de faire évoluer le regard que notre société pose sur les personnes homosexuelles !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. Jean-Pierre Blazy.

Ce sont les homophobes qui le disent !

Mme Christine Boutin.

Je ne suis pas homophobe ! Vous ne savez pas ce que vous dites ! Je ne peux pas accepter cela !

Mme Odette Grzegrzulka.

Tranxène pour Mme Boutin !

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques nos 31, 157 et 200.

L'amendement no 31 est présenté par M. Goasguen et M. Goulard ; l'amendement no 157 est présenté par M. Accoyer ; l'amendement no 200 est présenté par

M. Mariani.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 1er ter. »

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir pour soutenir ces amendements.

M. Jean-Claude Lenoir.

Je tiens à m'associer aux protestations de Christine Boutin. Certains propos tenus à gauche de cet hémicycle sont tout simplement intolé-r ables. Nous vous demandons tout simplement d'entendre nos arguments, mesdames, messieurs de la majorité. Nous les exposons avec la plus grande modération, sans aucun souci de provoquer qui que ce soit.

Vous avez vos convictions, nous avons les nôtres !

M. le président.

Monsieur Lenoir, venons-en aux amendements de suppression !

M. Jean-Claude Lenoir.

Je veux que notre collègue Christine Boutin sache que je soutiens entièrement les protestations qu'elle vient d'émettre.

L'amendement de suppression déposé par Claude Goasguen et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants, auquel j'appartiens, vise à supprimer une disposition qui a été insérée dans ce texte après la première lecture au Sénat. Je fais partie de ceux qui sont assez perplexes quant à l'initiative qu'avait pris la Haute assemblée en proposant cet article sur le concubinage, mais il ne faudrait pas dénaturer son intention : il est clair que, pour le Sénat, c'était une solution de remplacement. Le Sénat n'entendait pas ajouter le concubinage et son statut au PACS. C'était l'un ou l'autre. Mais la majorité plurielle s'est emparée de cette modification avec délice, avec délectation même. Et nous nous trouvons dans une situation extraordinaire, le Sénat, désigné encore i l y a peu comme l'institution ringarde de la Ve République, ayant fait preuve d'une audace à laquelle vous-même n'aviez pas pensé ! Vous êtes dépassés sur le chemin que vous avez emprunté en déposant cette proposition de loi ! Nous voulons en revenir au simple bon sens. Ce n'est pas les deux, c'est l'un ou l'autre ! Car, au-delà de la complexité engendrée par la cohabitation de ces deux formules, PACS et concubinage, se profilent des intentions, des arrière-pensées sur lesquelles Christine Boutin a eu raison d'insister il y a un instant, s'agissant aussi bien de l'adoption que de la procréation médicalement assistée.

Si vous avez voulu réunir ces deux statuts, c'est en effet pour entraîner bientôt le Parlement, à condition qu'il se laisse faire, et nous ferons tout pour qu'il n'en soit pas ainsi, dans des débordements et sur des voies que nous ne souhaitons pas emprunter, sur lesquelles la majorité plurielle s'est engagée à ne pas aller et sur lesquelles le Gouvernement a pris des positions extrêmement claires.

L'honnêteté du rapporteur Jean-Pierre-Michel est totale, elle est reconnue. Il doit avoir enregistré les propos extrêmement flatteurs tenus depuis tous les bancs à son endroit au cours de ce débat. Mais force est de constater que son honnêteté nous aura permis de savoir où il voulait aller, quels débordements il voulait provoquer dans un avenir sans doute assez proche. Nous sommes sur le point d'adopter une proposition de loi dont il ne parlait même pas aux électeurs il y a deux ans. Quelles autres idées avez-vous en tête, monsieur le rapporteur, que vous n'aviez pas mentionnées comme étant vos engagements électoraux dans la circulaire de mai et juin 1997 ? Avezvous d'autres propositions à l'esprit ? Malheureusement nous le pensons. C'est la raison pour laquelle nous proposons à l'Assemblée de supprimer purement et simplement cet article additionnel.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31, 157 et 200.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Mme Boutin a présenté un amendement, no 309, ainsi rédigé :

« I. Supprimer les trois premiers alinéas de l'article 1er ter.

« II. En conséquence, au début du dernier alinéa, supprimer la référence : "art. 515-8". »

La parole est à Mme Christine Boutin.

Mme Christine Boutin.

Le concubinage étant une union de fait qui ignore le droit, il ne convient pas de la faire figurer dans le code civil.

J'en profite, monsieur le président, pour demander solennellement que l'on arrête de me traiter d'homophobe. Je ne supporte plus cela ! C'est un procès d'intention qui n'est pas fondé et qui nous blesse profondément, ma famille et moi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 309.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Monsieur Mariani, vous avez déposé trois amendements, nos 204, 202 et 203. Peut-être pourriez-vous nous en faire une présentation commune !

M. Thierry Mariani.

Si vous voulez, monsieur le président !

M. le président.

L'amendement no 204 est ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 515-8 du code civil, après le mot : "personnes", insérer les mots : "non mariées et n'étant pas liées par un pacte civil de solidarité". »

L'amendement no 202 est ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 515-8 du code civil, après le mot : "personnes", insérer les mots : "non mariées". »

L'amendement no 203 est ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 515-8 du code civil, après le mot : "personnes", insérer les mots : "n'étant pas liées par un pacte civil de solidarité". »

Vous avez la parole, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani.

Une fois de plus, nous montrons notre cohérence. A partir du moment où nous codifions le concubinage, je vous propose, pour éviter ce que j'ai


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

appelé le « concupacsage », de fermer la possibilité à deux personnes de se réclamer du statut du concubinage à partir du moment où elles ont conclu un PACS. C'est l'objet de l'amendement no 204. En effet, tel qu'il est rédigé le texte permettrait de conférer le statut de concubin à une personne par ailleurs mariée ou « pacsée ». Cela ne semble pas opportun et sera source d'abus. En outre, cela sera impossible à gérer par la suite s'agissant des minima sociaux.

Par ailleurs, vous nous proposez en fait de reconnaître officiellement l'adultère et en quelque sorte de le subventionner puisque vous ouvrez la possibilité à des personnes mariées d'être par ailleurs en concubinage. Quand on sait quels sont les droits qui seront attachés au concubinage à partir du moment où celui-ci sera reconnu dans le code civil, cela revient très clairement à subventionner l'adultère permanent. C'est un paradoxe pour un texte que l'on nous présentait au départ comme devant assurer une certaine stabilité. Voilà pourquoi je vous propose l'amendement no 202, qui vise à préciser que le statut de concubin ne pourra être conféré qu'à des personnes non mariées.

Quant à l'amendement no 203, je l'ai déjà défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable. Nous tenons à conserver la définition telle qu'elle est dans le texte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 204.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 202.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 203.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 201, 308 et 307, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 201 et 308 sont identiques.

L'amendement no 201 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 308 est présenté par Mme Boutin.

Ces amendements sont ainsi rédigés ;

« Dans le texte proposé pour l'article 515-8 du code civil, supprimer les mots : ", de sexe différent ou de même sexe,". »

L'amendement no 307 présenté par Mme Boutin est ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 515-8 du code civil, supprimer les mots : "ou de même sexe". »

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l'amendement no 201.

M. Thierry Mariani.

S'il peut y avoir, par moment, des divergences d'opinion dans l'opposition, nous sommes catégoriquement opposés à la mise en place du PACS à partir du moment où le concubinage est instauré.

L'amendement no 201 vise à supprimer les mots : « , de sexe différent ou de même sexe, » car, comme cela a été répété au Sénat, cette possibilité est ouverte de manière évidente. La précision introduite par le rapporteur est donc inutile. J'ajoute qu'elle est même un peu provocatrice. Il convient de ne pas alourdir le texte pour des raisons d'affichage.

M. le président.

Madame Boutin, je suppose que la démonstration est la même pour les amendements nos 308 et 307 !

Mme Christine Boutin.

Oui, monsieur le président !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 201 et 308.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 307.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er ter

(L'article 1er ter est adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, troisième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi, no 1587, relative au pacte civil de solidarité : M. Jean-Pierre Michel, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1639) ; M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1674).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, no 1589, renforçant l'efficacité de la procédure pénale :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 9 JUIN 1999

M. Louis Mermaz, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1607) ; (Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion de la proposition de loi, no 1235, de M. Gérard Gouzes modifiant la loi no 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé : Mme Nicole Feidt, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1361).

(Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion de la proposition de loi organique, no 1494, de Mme Nicole Feidt et plusieurs de ses collègues relative au statut de la magistrature : Mme Nicole Feidt, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1664).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT