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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Couverture maladie universelle. - Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 5870).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 5870)

Exception d'irrecevabilité de M. José Rossi : M. François Goulard, Mme Muguette Jacquaint, MM. Denis Jacquat, Marcel Rogemont, Yves Bur, Bernard Accoyer. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 5873)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : M. Bernard Accoyer, Mme Muguette Jacquaint, MM. Jean-Pierre Foucher, Marcel Rogemont. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 5877)

Mme Muguette Jacquaint,

MM. Denis Jacquat, Jean Pontier, Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, Odette Grzegrzulka,

MM. Yves Bur, André Aschieri, Jean-Luc Préel, Marcel Rogemont.

Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION (p. 5889)

Motion de renvoi en commission de M. Philippe DousteBlazy : M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles.

Suspension et reprise de la séance (p. 5893)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Jean-Luc Préel, Marcel Rogemont, Denis Jacquat, Bernard Accoyer, Mme Muguette Jacquaint. - Rejet de la motion de renvoi en commission.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 5897)

Article 1er (p. 5897)

M. Jean-Luc Préel, Mme Muguette Jacquaint, M. Denis Jacquat.

Rappel au règlement (p. 5898)

MM. Bernard Accoyer, le président.

Reprise de la discussion (p. 5898)

Amendement no 1 de Mme Jacquaint : M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour les titres préliminaires, Ier , II, III, III bis et V ;

Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 124 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 215 de M. Bur : MM. Yves Bur, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 5 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 3 (p. 5899)

Mme Jacqueline Fraysse.

Amendement no 6 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 184 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 7 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Après l'article 3 (p. 5900)

Amendement no 216 de M. Morin : MM. Yves Bur, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 217 de M. Bur : MM. Yves Bur, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Article 4 (p. 5900)

Amendement no 8 corrigé de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 131 de M. Préel : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 9 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 6 (p. 5901)

Amendement no 10 corrigé de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7. - Adoption (p. 5901)

Article 8 bis (p. 5901)

Amendement de suppression no 11 de la commission : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

L'article 8 bis est supprimé.

Article 9 (p. 5902)

Amendement no 12 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 9 modifié.

Article 10 (p. 5902)

M. Jean-Luc Préel.

Amendement no 106 de M. Préel : M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 13 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 10 modifié.

Article 11 (p. 5902)

Amendement no 14 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.


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Ce texte devient l'article 11.

Article 12 (p. 5903)

Amendement de suppression no 208 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. Rejet.

Adoption de l'article 12.

Mme la ministre.

Réserve des articles 13 et 13 bis jusqu'à la fin du titre III.

Article 14 (p. 5903)

Amendements de suppression nos 185 de M. Accoyer et 194 de M. Gouzes : M. Bernard Accoyer ; l'amendement no 194 n'est pas soutenu ; M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement no 185.

Amendement no 146 de M. Accoyer : M. Bernard Accoyer.

Amendement no 145 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 146 et 145.

Amendement no 187 de M. Accoyer : M. Bernard Accoyer.

Amendement no 186 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 187 et 186.

Amendement no 189 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 107 de M. Préel et 190 de M. Accoyer : MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

L'amendement no 195 de M. Gouzes n'est pas soutenu.

Amendement no 195 repris par M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

A mendement no 196 de M. Gouzes : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 147 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 191 de M. Accoyer : M. Bernard Accoyer.

Amendement no 142 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 191 et 142.

Amendement no 148 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 143 de M. Accoyer : M. Bernard Accoyer.

Amendement no 144 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 143 et 144.

A mendement no 197 de M. Gouzes : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

A mendement no 198 de M. Gouzes : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 18 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 14 modifié.

Articles 16 et 19. - Adoption (p. 5908)

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 5908).

3. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 5909).

4. Dépôt d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 5909).

5. Dépôt d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 5909).

6. Dépôt d'un rapport de l'Office parlementaire d'évaluat ion des choix scientifiques et technologiques (p. 5909).

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 5909).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle (nos 1677, 1684, tomes I et II).

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, mes chers collègues, il arrive, dans un certain nombre de domaines, que la majorité et l'opposition fassent le constat d'une identité d'objectifs. C'était le cas, madame la ministre, à propos de la lutte contre l'exclusion. C'est encore le cas pour reconnaître la nécessité d'une couverture maladie universelle.

Oui, nous pensons souhaitable, nécessaire que chaque Français bénéficie d'un haut niveau de protection sociale.

Accéder à des soins de qualité, quel que soit son niveau de revenus, sans restrictions d'aucune sorte dans toute la mesure où la conservation de la santé le requiert, est un droit que nous voulons voir non seulement reconnu, mais rendu effectif.

D'accord, je le pense, sur l'objectif, nous le sommes également sur le constat.

Notre assurance malalie est aujourd'hui déficiente.

Nombre de nos compatriotes n'ont pas droit à une véritable assurance-maladie, et c'est une anomalie qu'il faut d'urgence corriger.

Nous savons aussi quelle est la nature du mal. Ce n'est pas tant l'absence d'une couverture de base qui fait problème puisque seules 150 000 personnes, et c'est naturellement beaucoup trop, n'y ont pas accès. Le vrai problème, ce sont les couvertures complémentaires, dont 4 millions d'entre nous sont privés, le plus souvent faute de moyens financiers.

Si l'absence de couverture complémentaire est un drame, c'est parce que notre régime de base, celui de la sécurité sociale, est de moins en moins à la hauteur. Pour résumer, il coûte de plus en plus cher et il rembourse de moins en moins : à peine plus de 50 % des dépenses.

C'est dire si l'assurance complémentaire est absolument nécessaire. C'est dire si, pour ceux qui ne peuvent pas y accéder, le droit à la santé, le droit à une couverture maladie digne de ce nom n'est pas respecté.

Nous connaissons les chiffres, ils ont été abondamment cités dans les précédents débats. Nous savons parfaitement qu'un grand nombre de Français renoncent aux soins pour des raisons financières, et cela n'est pas acceptable.

M. Denis Jacquat.

Tout à fait !

M. François Goulard.

Face à une telle situation, vous aviez deux options également défendables.

La première consistait à conserver l'architecture actuelle de nos régimes d'assurance maladie en rendant les assurances complémentaires accessibles à tous par une aide financière aux plus démunis. C'était la solution la plus simple, la plus rapide à mettre en oeuvre. Elle avait de nombreux avantages, en particulier celui de ne pas comporter l'inconvénient majeur de votre projet, dont nous avons beaucoup parlé en première lecture - le fameux effet de seuil, sur lequel nous reviendrons -, en donnant à cette aide financière un caractère dégressif en fonction du revenu. Elle avait l'avantage de donner aux personnes concernées un traitement exactement comparable aux autres et celui de ne pas créer une sécurité sociale à deux vitesses. Le Sénat en a retenu le principe, sous la forme d'une aide personnalisée à la santé, calquée sur l'APL.

Vous n'avez pas choisi cette solution, en invoquant un certain nombre d'obstacles, en particulier en mettant en avant l'engagement selon vous insuffisant des mutuelles et assurances complémentaires. Tel n'est pas l'écho que nous avons recueilli des intéressés.

L'autre option, moins facile évidemment, demandant davantage de réflexion et de préparation, eût été une réforme d'ensemble de notre sécurité sociale, destinée à donner à notre assurance maladie le caractère d'une couverture maladie universelle.

Au lieu de cela, vous avez choisi une solution étonnante, peu rationnelle, consistant à bâtir un édifice particulier, dérogatoire du droit commun et réservé à la partie de la population que vise votre texte.

Cette construction particulière a plusieurs inconvénients, le principal étant de mal préparer l'évolution d'ensemble de notre sécurité sociale, en particulier de l'assurance maladie, mais pour l'objet qui nous occupe ce soir, c'est-à-dire établir l'irrecevabilité de votre projet en l'état, je me bornerai à développer rapidement certains de c es inconvénients, qui ont trait à l'inégalité qu'il engendre.

Votre projet crée une nouvelle inégalité, et c'est certainement la plus grave des ruptures d'égalité que nous relevons, entre les personnes dont les revenus se situent


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en dessous du fameux seuil et celles dont les revenus se situent au-dessus. Ces dernières, qui ne sont pas favorisées, ont à peu près les mêmes conditions de vie, seront t raitées différemment. Elles paieront des cotisations mutualistes ou des primes d'assurance pour obtenir une couverture complémentaire qui ne prendra d'ailleurs pas en charge toutes les dépenses de santé. Les personnes dont les revenus sont en dessous du seuil seront gratuitement prises en charge à 100 %. Bien sûr, c'est au regard de l'équité que cette différence de traitement est particulièrement choquante mais, ce soir, je veux souligner le caractère inconstitutionnel de cette rupture d'égalité devant la loi. A situation très comparable, il y aura traitement totalement différent.

C'est cela qui nous apparaît contraire à notre loi fondamentale.

Votre projet porte aussi atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques entre les organismes de protection sociale complémentaire et les caisses primaires d'assurance maladie. Certes, vous laissez le choix aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle de s'adresser, pour leur protection complémentaire, aux caisses primaires ou aux organismes de protection sociale c omplémentaire, mutuelles ou assureurs, mais vous instaurez une inégalité de traitement entre ces différents organismes. Le projet de loi ne prévoit pas le même système de remboursement des dépenses engagées au titre de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la couverture maladie universelle : alors que les régimes d'assurance maladie seront remboursés au franc le franc, les organismes de protection sociale complémentaire recevront un forfait par personne et par an supposé être représentatif des prestations versées. De plus, les organismes autres que les caisses primaires seront appelés à acquitter la contribution de 1,75 % du chiffre d'affaires santé.

Il y a là, pour nous, une concurrence déloyale, non conforme aux principes constitutionnels, qui n'est certainement pas conforme au droit communautaire.

Si la Cour de justice des Communautés européennes, dans l'affaire Poucet et Pistre, du 17 février 1993, a considéré que le droit de la concurrence ne s'appliquait pas aux régimes de sécurité sociale, l'objectif social et le principe de solidarité pouvant justifier un monopole de ces régimes, elle a aussi déclaré contraire aux directives européennes, dans l'arrêt COREVA du 16 novembre 1995, le monopole de la gestion du régime COREVA, qui est un régime complémentaire facultatif de retraite par capitalisation, monopole accordé à la Mutualité sociale agricole, qui bénéficiait, au surplus, d'un avantage de déductibilité fiscale. La Cour de justice a considéré que, si la MSA pouvait créer un tel régime, d'autres institutions pouvaient également en créer un dans des conditions de concurrence identiques. Elle s'est donc opposée à l'instauration d'un monopole pour une assurance complémentaire.

Votre projet présente les mêmes défauts : les caisses primaires et les organismes de couverture complémentaire vont gérer cette couverture maladie, mais dans des conditions de concurrence déloyale, donnant un avantage évident aux caisses primaires, et c'est à notre avis contraire au droit communautaire.

Les principes fondateurs de la sécurité sociale sont donc remis en cause. D'abord parce que vous supprimez la distinction traditionnelle entre couverture de base et couverture complémentaire. Comme je l'avais dit en première lecture, je crains que la caisse d'assurance maladie ne devienne pour une partie de plus en plus importante de notre population l'assureur unique, en situation de monopole, imposant ses vues aux offreurs de soins, remettant en cause la liberté de choix de son médecin par le patient, et mettant à mal le principe d'universalité.

Vous portez atteinte également aux principes fondamentaux de notre sécurité sociale parce que vous instaurez une sécurité sociale sous condition de ressources, ce qui remet en cause le principe d'universalité et s'oppose au principe constitutionnel du préambule de la constitution de 1946 selon lequel « la nation garantit à tous la protection de la santé ».

M. Bernard Accoyer.

Eh oui ! C'est fondamental !

M. François Goulard.

L'accès aux soins ne doit pas dépendre de la capacité financière des individus. Or, dans votre projet, les plus démunis, et c'est heureux, bénéficieront d'une couverture à 100 %, les plus aisés pourront toujours cotiser pour une couverture complémentaire, mais les difficultés d'accès aux soins seront toujours les mêmes pour les catégories dont les revenus sont immédiatement supérieurs au seuil retenu.

La réforme de la sécurité sociale appelle non un projet comme celui-ci, assez curieux dans sa construction, mais une réforme d'ensemble.

Notre système d'assurance maladie, géré de façon centralisée par l'Etat doit être réformé. Il a montré que les règles bureaucratiques d'allocation des ressources conduisaient à l'inefficacité et maintenaient des inégalités d'accès. Les inégalités entre catégories sociales et entre régio ns demeurent aujourd'hui une réalité dans notre système d'assurance maladie.

La nécessité de contenir les dépenses, ce à quoi vous n'êtes d'ailleurs pas parvenue, entraîne le rationnement, et le rationnement est toujours un échec. L'alternative est la mise en place d'une régulation assurant l'efficacité du système de soins tout en réduisant les inégalités d'accès et en interdisant les pratiques de sélection des risques.

Le principe constitutionnel du préambule de la constitution de 1946 selon lequel la nation garantit à tous la protection de la santé n'oblige nullement à une gestion monopolistique du système de santé. Il impose un accès aux soins indépendant de la capacité financière des personnes, ce qui est autre chose. Il faut distinguer le droit à la santé, qui est un droit aux soins, les formes de financement, qui doivent permettre d'assurer ce droit, et la gestion de ces sommes.

Seule une profonde réforme peut intégrer l'objectif de couverture maladie universelle et assurer sa pérennité, mais c'est un autre débat, et nous aurons bien sûr l'occasion d'en reparler.

Sur d'autres points, votre projet de loi comporte des motifs d'inconstitutionnalité. La plupart d'entre eux ont été évoqués lors de la précédente lecture, en particulier par notre excellent collègue M. Accoyer, qui l'a fait avec toute la netteté et toute la clarté dont son esprit est capable.

On a parlé de l'inconvénient de traiter dans un même texte de sujets aussi divers, dont beaucoup n'ont strictement rien à voir avec l'objet de la loi. Il y a dans cette façon de procéder, cette façon d'élaborer un texte fourretout, un risque réel d'inconstitutionnalité, en particulier pour les amendements d'initiative parlementaire.

Il y a aussi l'article 14 de votre projet, qui porte sur l'exécution des recouvrements des cotisations sociales. La procédure instaurée, par sa brutalité, ne respecte pas les droits de la défense comme elle devrait le faire, droits


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auxquels le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 janvier 1981, a conféré le caractère de principe fondamental reconnu par les lois de la République.

L'article 33, relatif à la carte d'assurance maladie, appelle aussi de notre part de sérieuses réserves au regard du droit des citoyens au respect de leur vie privée. Il y a un manque de transparence, de confidentialité, de garantie pour les personnes, qui risque d'encourir la censure du juge constitutionnel.

L'article 37, enfin, est inacceptable. Le droit pour tout patient appelé à y être soigné de connaître les performances d'un hôpital est pour nous imprescriptible.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. François Goulard.

En restreignant la possibilité d'utiliser les données relatives à la santé, en soumettant leur communication, leur publication à une autorisation ministérielle, vous faites le choix d'une certaine forme d'obscurantisme. Vous refusez la transparence, la liberté de s'informer, la liberté d'un choix appuyé sur une information objective, et vous portez atteinte à la liberté de l'information, à la liberté de la presse. Nous y voyons là aussi matière à irrecevabilité.

C'est donc en raison des choix de principe que vous avez faits pour atteindre l'objectif que nous partageons d'une couverture maladie universelle que nous sommes opposés à votre texte. C'est en raison de ces choix que vous portez atteinte au principe d'égalité devant la loi reconnu par le juge constitutionnel. C'est dans l'architecture de la construction que vous vous proposez de mettre en place que se trouvent les faiblesses que nous dénonçons. C'est pourquoi, très simplement, mes chers collègues, je vous propose de voter cette exception d'irrecev abilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Jean-Luc Préel.

Remarquable !

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Je serai très brève car une exception d'irrecevabilité avait également été défendue lors de la première lecture.

Cette fois-ci, c'est le texte qui nous revient du Sénat que nous trouvons irrecevable (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), parce que les modifications apportées par le Sénat sont à nos yeux irrecevables.

M. François Goulard et M. Bernard Accoyer.

Elle va voter l'exception !

Mme Muguette Jacquaint.

Elles feraient naître une santé à deux vitesses, y compris pour la qualité des soins, avec des soins meilleurs pour les plus riches et des soins de moindre qualité pour les plus pauvres.

M. François Goulard.

Mais non !

Mme Muguette Jacquaint.

Ça, c'est irrecevable !

M. François Goulard.

Vous n'avez pas lu le bon texte !

Mme Muguette Jacquaint.

Le groupe communiste s'opposera donc à l'exception d'irrecevabilité.

M. François Goulard.

Mais c'est à un texte du parlement chinois que vous faites allusion !

Mme Muguette Jacquaint.

Non, c'est le texte tel qu'il est revenu du Sénat qui est irrecevable ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. François Goulard.

Vous ne l'avez pas lu, ce texte !

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

François Goulard vient de s'exprimer. C'est un garçon de talent. Il n'est donc pas utile d'enchérir derrière lui. Nous pouvons passer au vote.

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

M. Goulard a reconnu que la question de la couverture maladie universelle méritait d'être traitée par notre assemblée. Chacun de nous, en effet, peut en faire le constat : certaines familles n'ont pas accès aux soins, ne peuvent acheter une paire de lunettes ou payer des soins dentaires. Nous en sommes tous conscients.

M. Goulard a cependant évoqué plusieurs arguments en faveur de l'irrecevabilité. Il a notamment voulu nous faire accroire que la notion de seuil, qui figure dans le projet de loi, était inconstitutionnelle. Pourtant, nous avons aujourd'hui plus de cent seuils, et, grâce à ce projet de loi, il n'en resterait plus qu'un. Cela participerait justement à assurer l'égalité de traitement pour toutes les familles, pour tous les individus.

M. Jean-Luc Préel.

Le Sénat supprime les seuils, monsieur !

M. Marcel Rogemont.

En vérité, monsieur Goulard, votre catalogue de remarques et de critiques n'est qu'un prétexte à ne pas voter la couverture maladie universelle que, pourtant, vous dites appeler de vos voeux. Et vous ne soutenez cette exception d'irrecevabilité que parce que vous êtes dans l'opposition.

M. Jean-Pierre Foucher.

Vous ne pouvez pas dire ça de nous !

M. Denis Jacquat.

Quelle horreur !

M. Jean-Luc Préel.

C'est ce que vous faisiez quand vous étiez dans l'opposition, mais nous ne pratiquons pas cela !

M. Marcel Rogemont.

Je devrais d'ailleurs dire « les » oppositions compte tenu de ce que l'on constate dans vos rangs.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Monsieur le président, chers collègues, le groupe UDF votera cette motion défendue par notre collègue Goulard. L'architecture du dispositif, tel que le Gouvernement l'a proposé, voire imposé, à sa majorité et à l'ensemble des partenaires sociaux, va à l'encontre des principes qui guident notre action et notre engagement politique, fondés sur la responsabilité et non sur l'assistance étendue, fondés sur une forme de solidarité qui ne ressemble peut-être pas tout à fait à celle que le Gouvernement défend à travers ses divers projets de loi.

Certes, le texte sur la CMU apporte une solution aux difficultés que nos concitoyens rencontrent pour se faire soigner, mais nous considérons qu'elle est imparfaite. Le Sénat en proposait une autre, qui méritait peut-être plus


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de considération qu'un rejet pur et simple. Nous le regrettons vivement et c'est pourquoi nous voterons l'exception d'irrecevabilité.

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Le groupe RPR votera l'exception d'irrecevabilité pour plusieurs raisons. Notre collègue François Goulard vient de rappeler, de façon particulièrement brillante, les principaux motifs d'inconstitutionnalité, que nous avions soulignés en première lecture. Ils concernent les choix techniques, la mécanique de la CMU.

Ces motifs d'inconstitutionnalité sont hiérarchisés. Le premier - le plus grave - est sans doute la rupture du principe fondamental qu'est l'égalité d'accès aux soins, laquelle est garantie par le préambule de notre Constitution. A l'évidence, pour une partie de la population, l'accès aux soins sera entièrement gratuit, alors que, pour l'autre, en raison de l'effet de seuil qui constitue une nouvelle rupture d'égalité, nous nous trouverons dans un cas de figure bien différent.

Certes - et j'en parlerai tout à l'heure - on peut apprécier ce point d'inconstitutionnalité avec quelques nuances.

Néanmoins, il est incontestable.

D'autres motifs d'inconstitutionnalité touchent à l'article 14, qui concerne l'avis à tiers détenteur.

Enfin, le DMOS renforce, c'est évident, l'inconstitutionnalité du texte.

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants entrent dans l'hémicycle et gagnent leurs bancs. Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour le titre IV. C'est anormal qu'on participe à un vote en arrivant alors qu'il a déjà commencé.

M. Marcel Rogemont.

Ils sont entrés alors que le vote était commencé ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est inacceptable !

M. Michel Hunault.

L'opposition vous gêne à ce point, messieurs ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les titres préliminaire, Ier , II, III, III bis et V.

C'est une méthode scandaleuse ! (Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'Assemblée est consultée par assis et levé.)

M. le président.

L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

Le résultat s'est joué à une voix près, mais j'ose espérer que personne ne met en cause la présidence, qui ne fait que compter les voix des députés présents en séance, qu'ils soient de droite ou de gauche.

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette nouvelle lecture du projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle est l'occasion de revenir sur un texte qui a déjà fait l'objet de longs débats. Le Sénat a su le recomposer et apporter des solutions que je développerai dans quelques instants.

A l'Assemblée comme au Sénat, il a été unanimement reconnu que le principe qui visait à lever l'obstacle de l'argent pour permettre aux plus démunis d'accéder aux soins devait être pris en compte et qu'il convenait en effet de trouver une solution. La majorité a fait des choix que le Sénat a modifiés avec raison : il n'y a pas lieu, aujourd'hui, de revenir sur le texte issu de ses débats.

Outre l'obstacle de l'argent, le projet de loi sur la CMU concerne l'affiliation automatique de plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens, ou d'hommes et de femmes séjournant régulièrement sur notre territoire, qui n'étaient pas couverts par le régime obligatoire. Nous faisons nôtre cet objectif. Mais il ne faudrait pas que cette idée de la couverture maladie universelle fasse oublier l'intention qui avait été affirmée de longue date par ceux qui, aujourd'hui, sont dans l'opposition, et qui avait pour but de créer l'assurance maladie universelle, laquelle impliquait une refonte profonde de la sécurité sociale.

M. André Billardon.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Bernard Accoyer.

Cette réforme devait aboutir à créer un régime unique, à la place des multiples régimes de sécurité sociale qui existent actuellement, et, donc, à mettre un terme aux inégalités de cotisations et de prestations qui sont difficilement explicables et deviennent chaque jour plus intolérables.

Le Sénat, je l'ai dit, a profondément remanié le texte, privilégiant le mécanisme partenarial. Baptisé « aide personnalisée à la santé », ce mécanisme est fondé sur le principe de la solvabilisation de ceux qui n'ont pas les moyens de payer une assurance complémentaire, une cotisation mutualiste. Ce dispositif présente l'immense avantage de laisser dans le droit commun les populations les plus défavorisées tout en respectant leur dignité, sans les condamner à l'assistance aux mécanismes desquels nous le savons, hélas - il est difficile de se soustraire.

Il se trouve, madame la ministre, que le choix du Sénat correspond aux conclusions du rapport de JeanClaude Boulard. Le travail sérieux, les longues auditions, les échanges avec les opérateurs du secteur complémentaire et les administrateurs de l'assurance maladie, tout avait convergé vers ce choix de la solvabilisation et d'un mécanisme partenarial. Vous ne l'avez pas retenu. C'est dommage, car ce choix n'a pas seulement été celui de la majorité sénatoriale : il avait, à l'Assemblée nationale, la préférence d'une grande partie de la majorité et de la totalité de l'opposition. Nous comprenons que la majorité ait suivi le Gouvernement, même si nous le regrettons, mais il eût certainement été heureux que le Parlement pût se retrouver unanimement tant sur les objectifs que sur la méthode. On peut d'ailleurs déplorer que concertations, rapports, échanges, débats, colloques se soient multipliés et que, in fine , rien de ce qui est sorti de ces travaux n'ait été retenu.

La couverture maladie universelle, dans le texte du Gouvernement, présente un certain nombre de dangers.


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Le premier est l'effet de seuil, qui s'annonce dévastateur. En dessous de 3 500 francs, tout est gratuit : ni cotisation, ni paiement, ni ticket modérateur. Nous approuvons ce mécanisme et ses conséquences. Mais, audessus du seuil, tout change brusquement.

M. Kofi Yamgnane.

C'est cela, un vrai seuil !

M. Jean-Luc Préel.

On peut supprimer les seuils !

M. Kofi Yamgnane.

Le seuil, le RPR sait ce que c'est ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Les ménages les plus pauvres, les familles les plus modestes devront acquitter une cotisation qui ne sera pas dégressive, payer le ticket modérateur ou se contenter du remboursement incomplet apporté par le régime complémentaire après l'intervention du régime obligatoire.

Je voudrais vous rappeler que, dans beaucoup de domaines, notre niveau de remboursement, malheureusement le plus bas des pays dits socialement avancés, laisse à la charge des familles des dépenses importantes, même après l'intervention du secteur complémentaire et sans parler de ce qui n'est pas remboursé, dont de nombreux malades ont un besoin pressant, dont ils ne peuvent se passer.

Je n'oublie pas ce que disait tout à l'heure notre collègue socialiste à propos des seuils, dans ses explications de vote sur la précédente motion, brillamment défendue par François Goulard. Mais je me permets de signaler que le dispositif de la CMU consiste simplement à recentrer, qu'il est, par conséquent, une régression de la décentralisation, une centralisation absolue de l'aide médicale gratuite, et qu'il interdit ce dont tout le monde reconnaît la nécessité, le travail microsocial, ce travail de proximité qui permet d'adapter les moyens à chaque situation, mais également, au-delà, les interventions de secours.

Désormais, avec le mécanisme qui a été choisi, avec l'intervention qui sera généralement - notamment pour les populations les plus en difficulté - déclenchée dans les caisses primaires, les travailleurs sociaux n'auront plus les mêmes possibilités d'intervenir, de croiser les informations à caractère social dont disposent les mairies où, jusqu'à présent, les dossiers d'aide médicale gratuite étaient instruits.

Ce point est particulièrement préoccupant, et ce ne sont pas les dispositions, à vrai dire assez floues, dont nous vous avons entendu parler en première lecture qui lèvent nos inquiétudes sur cette grave défaillance que la couverture maladie universelle introduit en recentralisant l'aide médicale gratuite.

Mais le seuil de 3 500 francs est aussi nettement inférieur à celui qui est retenu dans de nombreux départements, où il atteint parfois plus de 4 000 francs mensuel.

On voit la différence entre les deux niveaux de déclenchement de l'intervention de la gratuité des soins.

De plus, les départements ont bien souvent mis en place des dispositifs qui constituent d'authentiques avancées dans l'accès aux soins : je veux parler des cartes solidarité-santé, de la carte Paris-santé, bref de ces outils qui, maintenant, sont reconnus comme apportant beaucoup d'avantages aux familles les plus en difficulté.

Qu'en adviendra-t-il demain avec la CMU, avec l'intervention des caisses primaires, avec l'avancement que l'on peut tout de même qualifier d'hésitant de la carte Vitale, si ce n'est la substitution à ce document, qui constituait en quelque sorte un échange, une forme de responsabilisation directe, d'un dispositif de tiers payant purement administratif et systématique qui tend à cantonner encore un peu plus ces populations dans une situation à part, une situation différente par rapport à celle des autres populations.

Une autre conséquence dangereuse de la couverture maladie universelle sera la création d'une sécurité sociale à deux niveaux. J'entends bien les protestations véhémentes q ue cette affirmation déclenche généralement, mais, hélas ! c'est la vérité. Avec la CMU, il y aura désormais la sécurité sociale des plus pauvres et celle des autres. Si ce n'était que sur un point que nous devions nous opposer avec vigueur à votre texte, madame la ministre, ce serait sur celui-là. Car pour l'opposition, et pour le groupe du RPR en particulier, il est inacceptable de mettre fin à l'unicité de la sécurité sociale, de l'assurance maladie, à l'égalité de nos concitoyens devant cette institution créée il y a plus de cinquante ans, à la Libération, par le général de Gaulle.

Il convient de rappeler que les bénéficiaires de la CMU auront un panier de soins spécifiques cela figure dans plusieurs articles de votre texte. Certes, au début, ce panier de soins concernera essentiellement les dispositifs médicaux implantables, la lunetterie, les prothèses, mais comment imaginer qu'il reste cantonné à ces seules prestations ? Mais surtout, dès lors, comme cela est précisé dans le texte, que le tarif de ces prestations est plus bas que celui pratiqué pour des prestations équivalentes accordées à ceux qui ne relèveront pas de la CMU, comment imaginer que, pour des prix différents, on puisse continuer à offrir des prestations identiques ? Il y a bien là deux niveaux de protection maladie. Nous sommes dans un système à deux vitesses, une sorte de medicaid français.

Quand on observe un certain nombre des dispositions que le Gouvernement essaie de faire passer à marche forcée, telles que le dispositif du médecin réfèrent et du passage obligatoire par le médecin généraliste avant de pouvoir accéder au médecin spécialiste, avec en prime le tiers payant exclusivement réservé à ceux qui ont recours à un médecin réfèrent, on voit, là encore, que se dessine un clivage entre une population qui pourra s'offrir un autre type de prestations, un accès direct aux soins, et cette population qui restera cantonnée dans la CMU, dans le premier niveau de l'assurance maladie à deux niveaux que vous créez.

La CMU comporte également d'autres défauts. Elle constitue en effet une menace pour la sécurité sociale ellemême, dont elle remet en cause rien de moins que le monopole du remboursement au premier franc. Ce diagnostic n'est pas le mien, mais celui que le président de la CNAM lui-même a formulé devant la commission des affaires sociales. A la question : « pensez-vous que la confusion des rôles que la CMU crée entre le régime obligatoire et les opérateurs complémentaires en offrant au premier la possibilité de "faire" du risque complémentaire, conduira à la réciproque, c'est-à-dire à ce qu'un jour, les opérateurs complémentaires pratiquent le remboursement au premier franc ? », le président de la CNAM a clairement répondu : oui. Si c'est votre choix, il convient de l'assumer ; si ce n'est pas le cas, nous dénonçons cette conséquence de votre projet de loi.

Ce point est suffisamment grave pour que le conseil d'administration de la CNAM et les opérateurs complémentaires aient décidé de préciser dans un protocole que


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chacun devra rester dans le cadre de ses compétences. Or tel n'est pas le résultat du projet de loi que vous nous présentez.

La CMU aura également des conséquences financières particulièrement lourdes pour le secteur complémentaire et, en particulier, pour les mutuelles. En effet, le financement de la CMU est en grande partie fondé sur une nouvelle taxe - j'allais dire une de plus ! - que le Gouvernement instaure sur le chiffre d'affaires maladie des instituts de prévoyance, des assurances et des mutuelles opérant en France dans le secteur de la santé. Dès lors, il est bien évident que ce sont les mutualistes payant une cotisation qui seront conduits à financer la couverture maladie universelle. Il est vrai qu'un certain nombre de dispositions sont censées diminuer l'impact de ce coût, mais il serait fallacieux de faire croire aux mutualistes qu'ils ne se dirigent pas vers un alourdissement considérable de leurs cotisations, dont il convient de rappeler qu'elles augmentent grosso modo de près de 9 % par an, tout simplement par un effet mécanique qui est constitué par le fait que le régime obligatoire laisse à la charge des familles une masse financière qui augmente de 9 % chaque année, et cela depuis longtemps.

Du reste, ce désengagement du régime obligatoire est le principal défaut de notre assurance maladie. C'est d'ailleurs pourquoi, depuis quelques années, notre système s'est dégradé en termes de performance sociale : la France se situe juste dans la moyenne européenne pour le remboursement des dépenses d'hospitalisation et au dernier rang des pays européens pour le remboursement des dépenses de soins ambulatoires avec un taux de remboursement avoisinant les 55 %, ce qui est extrêmement peu et ce qui est dramatique pour des familles pauvres, des familles modestes, des familles nombreuses ou dans le cas de maladies chroniques.

De même, les conséquences financières de la CMU sont délibérément occultées par le Gouvernement, qu'il s'agisse des conséquences sur l'équilibre des comptes de la sécurité sociale - j'y reviendrai tout à l'heure - ou des conséquences sur les prélèvements obligatoires.

Devant la commission des affaires sociales, le rapporteur nous a dit sans sourire que le coût résiduel pour l'Etat de la CMU serait de 1,7 milliard de francs. Certes, il a pris la précaution de parler de « coût résiduel », mais il sait bien qu'en réalité cela coûtera beaucoup plus cher dès la première année. Il n'est pas inintéressant de s'arrêter quelques instants sur le coût initial mais surtout sur le coût actuariel, c'est-à-dire le coût dans le temps, de la CMU.

En partant du principe que la couverture complément aire pour un bénéficiaire de la CMU serait de 1 500 francs, et que six millions de personnes seraient concernées, on aboutit à un coût de 9 milliards de francs, coût obtenu au prix de savants transferts financiers au détriment d'un certain nombre de collectivités - le seuil sera tellement bas que les centres communaux d'action sociale devront gérer des situations particulièrement difficiles. Avec une telle hypothèse, on se rend bien compte que l'on est en dessous de la vérité, car si le chiffre de 1 500 francs a bien été fixé, comme nous le répète souvent le rapporteur, après un travail effectué avec un certain nombre de mutuelles, il l'a été dans le cadre d'un panier de soins soigneusement défini et restreint. Or, tel n'est plus le cas, puisque, dès le départ, les prestations de la CMU seront assez voisines de celles du régime commun. Dans ces conditions, les 1 500 francs sont tout à fait insuffisants.

En effet, le coût moyen des dépenses afférentes au ticket modérateur des personnes démunies prises en charge par l'aide médicale, c'est-à-dire par le département, s'élève généralement à 2 200 francs par an. Entre 1 500 et 2 200 francs, l'écart est tout simplement de 50 % ! Mais vous savez bien que dès lors que l'on n'a plus affaire à des populations jeunes - or la CMU concernera, je vous le rappelle, de très nombreux retraités, en particulier dans le secteur agricole -, le coût des dépenses affé-r entes au ticket modérateur s'élève couramment à 3 000 francs. Dans ces conditions, la sous-évaluation n'est plus de 50 % mais de 100 % ! On peut donc imaginer quelles seront les conséquences d'une telle sous-évaluation sur les mutuelles, sur les transferts financiers de l'Etat en direction de l'assurance maladie, mais également sur les comptes de l'assurance maladie. Au lieu d'estimer le coût de départ de la CMU à 9 milliards de francs, il vaudrait mieux l'estimer à une somme allant de 13 à 18 milliards de francs ! Et que dire de l'évolution actuarielle de la CMU ? Il est bien évident que le nombre des bénéficiaires de la CMU augmentera, et ce pour plusieurs raisons. D'abord parce que le coût des dépenses de santé augmente vite, en raison du coût des progrès, progrès auxquels tout le monde doit bien entendu avoir accès car chacun y a droit. Et si le nombre des bénéficiaires de la CMU progresse comme a cru celui des bénéficiaires du RMI durant les premières années qui ont suivi sa création, nous assisterons à une croissance à deux chiffres pendant plusieurs années.

On voit bien que, dans ces conditions, les évaluations de la fédération française des assurances, qui pourraient paraître quelque peu excessives car estimant le coût actuariel de la CMU à plusieurs dizaines de milliards, voire à 100 milliards de francs, ne sont pas si exagérées que certains le prétendent. La CMU, c'est évident, aura des conséquences considérables sur l'avenir des mutuelles, sur les cotisations des mutualistes, puisque le code de la mutualité ne permet pas que les mutuelles soient en déficit.

La CMU pèsera également de façon considérable sur les dépenses de l'assurance maladie, car la demande de soins augmentera - c'est certes heureux pour les populations concernées, mais c'est un fait dont il faut tenir compte - au moment où les dépenses de la branche maladie de la sécurité sociale ne sont pas maîtrisées.

Pourtant, le Gouvernement nous avait assuré que les comptes de branche maladie seraient en équilibre pour l'année 1998. Pour affirmer cela, il tablait sur la croissance - et nous sommes heureux qu'il puisse en bénéficier -, tout en n'ayant pas de mots assez durs pour dire que l'équilibre n'avait pas été atteint par les précédents gouvernements, lesquels ont pourtant eu à leur actif le courage de mettre en place une réforme de structure, qui, hélas ! a été quelque peu abandonnée par la suite. Bref, la branche maladie enregistre encore un déficit de 12 milliards de francs ! Mme Martine Aubry ministre de l'emploi et de la solidarité.

Neuf !

M. Bernard Accoyer.

Déficit qui, bien entendu, sera aggravé au cours des années par le poids mécanique de la CMU.

Mme Odette Grzegrzulka.

Oiseau de mauvaise augure !

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas un pronostic, c'est seulement les résultats de la commission des comptes de la sécurité sociale,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça vaut mieux que 55 milliards de déficit !

M. Bernard Accoyer.

... laquelle a malheureusement confirmé que les prévisions concernant l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, moult fois répétées ici même par Mme la ministre lors des questions au Gouvernement, ne seraient pas réalisées. Croyez-bien que nous le regrettons. Et nous n'utiliserons pas sur ce point les mots qu'elle a employés.

Mais dès lors qu'on n'opère pas la réforme de fond profonde que nécessite l'assurance maladie, cette dernière restera structurellement en déséquilibre. C'est d'ailleurs bien là un des principaux problèmes que pose le recul devant la réforme.

Enfin, je ne pourrai pas terminer cette intervention sans évoquer le titre IV, qui est en fait un véritable DMOS dans la mesure où il permet au Gouvernement d'introduire dans le texte sur la CMU une vingtaine de dispositions extrêmement importantes qui touchent aussi bien les professions de santé, les établissements hospitaliers, les syndicats interhospitaliers que le réseau des officines. Vous me permettrez de revenir sur l'article 37 relatif au PMSI, article qui est particulièrement inquiétant dans la mesure où il instaure une véritable censure.

Le Gouvernement a décidé de ne pas engager la réforme de l'hospitalisation et de laisser perdurer l'injustice particulièrement intolérable que constitue le fait d'être soigné en fonction de ses relations, de ses connaissances, de son carnet d'adresses.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ce que nous sommes en train de changer !

M. Bernard Accoyer.

Il est particulièrement regrettable que l'article 37 empêche les Français d'accéder librement aux soins de qualité dispensés dans les établissements hospitaliers. C'est particulièrement choquant quand on sait que la chance de guérison des malades ou des blessés est liée aux traitements qu'ils pourraient recevoir ou aux interventions qu'ils pourraient subir dans tel ou tel établissement hospitalier.

Pour toutes ces raisons, et considérant que pour permettre aux plus démunis d'accéder aux soins dans des conditions financières satisfaisantes, le choix partenarial fait par le Sénat est sans conteste le meilleur possible, la question préalable que j'ai présentée à l'Assemblée mérite d'être adoptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Ne pas débattre à l'Assemblée nationale de la protection sociale, notamment de la couverture du risque maladie des plus démunis : tel est le but de l'intervention de M. Accoyer. C'est regrettable à quelques jours du cinquantième anniversaire de la création d'Emmas, et c'est pour le moins désobligeant envers les associations humanitaires, mais aussi envers les familles les plus modestes.

On ne peut renvoyer ce débat. De très nombreuses personnes attendent cette loi et son application pour avoir réellement accès aux soins, à des soins de qualité. Le dispositif de la CMU est aussi un élément de reconquête d'une dignité élémentaire et des droits de l'homme.

Cette loi a un caractère d'urgence sociale. Mais, et nous aurons l'occasion de le redire au cours du débat, elle ne peut dispenser une réforme du financement de la sécurité sociale si l'on veut répondre encore mieux à l'objectif que le Gouvernement se fixe quant à la protection sociale. La réforme du financement de la sécurité sociale est la clef de voûte d'une protection sociale répondant aux exigences de notre temps.

En l'état du débat, le groupe communiste, convaincu de la nécessité et de l'urgence de ce dispositif, s'oppose fermement à la question préalable. Avec conviction, nous voterons contre son adoption. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, citoyens et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Nous n'avons rien contre la couverture sociale de toutes les personnes en situation précaire.

Mais le texte que la commission nous propose de rétablir, après les modifications introduites par le Sénat, appellera de notre part les mêmes remarques qu'en première lecture, puisqu'il n'est pas possible de l'amender, d'une façon ou d'une autre. C'est un texte que nous avons déjà dénoncé comme beaucoup trop centralisateur...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Nous débattons du texte du Sénat.

M. Jean-Pierre Foucher.

Il nous semble tout à fait acceptable et, si c'était celui qui nous était proposé, nous le voterions.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Alors, repoussez la question préalable !

M. Jean-Pierre Foucher.

Le texte qui va nous être présenté - et vous savez très bien, monsieur le rapporteur, dans quel sens il sera modifié - est centralisateur. Il déresponsabilise et crée l'assistanat. Il aboutit à des inégalités flagrantes à cause des effets de seuil, et nous en relèverons quelques-unes tout à l'heure ; en particulier, son coût est estimé avec beaucoup de flou.

Je ne reviendrai pas sur les explications qu'a données Bernard Accoyer et nous voterons la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

La question préalable vise à se demander s'il y a lieu de délibérer.

Lorsqu'on écoute les orateurs de l'opposition, on s'aperçoit qu'il y a effectivement un certain nombre de questions à trancher, et qu'il faut délibérer. C'est pourquoi les socialistes, qui sont d'ailleurs fiers de l'être,...

M. André Billardon.

Surtout aujourd'hui !

M. Marcel Rogemont.

... appellent à ne pas voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

Discussion générale

M. le président.

Nous en arrivons à la discussion générale.

Mes chers collègues, compte tenu de la durée prévue pour ce débat, je souhaite que vous respectiez scrupuleusement votre temps de parole.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour quinze minutes.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi instituant la couverture maladie universelle revient en seconde lecture à l'Assemblée nationale, après un passage au Sénat, où la majorité de la droite sénatoriale a transformé la quasi-totalité du dispositif prévu par le projet initial et écarté nombre d'avancées sociales proposées à la suite des travaux de notre assemblée.

La droite sénatoriale a adopté un véritable contreprojet, où les principes libéraux et les idées libérales teintées de charité constituent le fondement de la protection sociale. La création d'une allocation personnalisée à la santé, dégressive en fonction des revenus, en est le symbole. Elle créerait un assistanat où l'assuré qui percevrait cette prestation aurait accès à des soins minimaux. Ce phénomène serait renforcé avec la création du panier de soins, qui légitime le protocole d'accord, très contestable, entre la CNAM et les organismes complémentaires. Les familles et les jeunes seraient confrontés à l'utilisation d'une enveloppe financière, souvent insuffisante, dont chacun connaît les méfaits.

De plus, la gratuité du dispositif est remise en cause, les bénéficiaires du RMI sont dirigés obligatoirement vers les CPAM et le champ des assurances privées est élargi.

Comme le rappelait mon ami Guy Fischer, sénateur du Rhône : « Une fois de plus, la majorité sénatoriale a élaboré un contre-projet inégalitaire, complexe, plus soucieux de réduire les dépenses de santé que de satisfaire une véritable politique de prévention et de soins. »

Il revient donc à la majorité de l'Assemblée nationale, afin de résoudre le problème de l'exclusion de soins de qualité pour près de six millions de personnes, de travailler à nouveau, sans s'écarter de l'esprit et du travail de fond que les associations ont effectué au cours de nombreuses années d'action et de réflexion.

La première lecture à l'Assemblée nationale, après quatre jours de débat, avait, comme l'avaient relevé les médias, apporté de nombreuses réponses à une situation inacceptable qui, à l'aube du troisième millénaire, excluait des millions de personnes de l'accès aux soins. Le président d'ATD-Quart Monde déclarait même : « Nous mettons fin à un demi-siècle de résignation où l'on meurt dans notre pays faute d'argent. »

Plusieurs amendements, adoptés en commission ou en séance publique, avaient permis d'apporter des améliorations substantielles au projet. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales en rétablissant le texte adopté en première lecture, a réintégré, le 9 juin ces avancées, notamment celles que le groupe communiste avait défendues, après les avoir élaborées le plus souvent avec les associations humanitaires de défense des droits des plus démunis, les personnes privées d'emploi, les organisations syndicales et tous les acteurs du mouvement social.

L'ouverture immédiate des droits, les négociations collectives annuelles dans les entreprises pour les salariés qui ne sont pas couverts par un accord de branche sur la prévoyance maladie, l'obligation d'intégrer cette dernière dans les clauses des conventions collectives d'entreprise, le modèle unique de formulaire de demande d'adhésion ou de contrat afin d'éviter toute dérive commerciale étaient les thèmes des amendements du groupe communiste.

De même, afin d'éviter l'existence de produits a minima, notamment pour les prothèses ou l'appareillage médical, un principe de garantie de la qualité a été retenu.

Enfin, la suppression de la référence au préfet dans le cadre de l'attribution de l'aide médicale de l'Etat, qui pouvait, de fait, tendre à écarter les étrangers en situation irrégulière de tout droit à l'accès aux soins, a été adop tée.

Ces avancées sont indéniables.

Toutefois, le groupe communiste souhaite revenir sur certains sujets afin d'éviter nombre d'écueils.

La seconde lecture nous permettra, je l'espère, d'améliorer ce texte, en particulier sur la question du seuil et sur celle du financement des différents dispositifs : participation des entreprises, devenir des contingents communaux, prise en compte des caractéristiques des départem ents, effet de seuil, aide à la mutualisation et renforcement du droit d'option.

De même, nous réitérons notre désapprobation quant à l'existence du titre IV, dénommé « Modernisation sanitaire et sociale », ajouté au projet de loi créant la couverture maladie universelle.

N'ayant pu obtenir un vote séparé, nous nous sommes réservés, en première lecture, le droit d'amender et de sous-amender. Il en sera de même en seconde lecture.

Les articles 33 et 37 du projet de loi ont provoqué un débat dans la société, notamment sur les libertés individuelles et le danger des données informatisées.

Au Sénat, des groupes, dont le groupe Communiste Républicain et Citoyen, ont supprimé les aspects de l'article 37 permettant le traitement sous forme indirectement identifiable des données PMSI.

Cette attitude tenait compte des différents points de vue exprimés par de très nombreuses associations de défense des droits de l'homme, dont la Ligue des droits de l'homme. La nouvelle rédaction adoptée en commission tient compte de ces remarques et nous en sommes satisfaits.

Je souhaite maintenant aborder les aspects qu'il serait nécessaire de faire évoluer.

La question essentielle est celle du seuil à 3 500 francs.

Plusieurs partenaires sociaux, de très nombreux élus municipaux, départementaux et nationaux ont fait des propositions précises pour réhausser ce seuil. Ce montant permet à près de six millions de personnes de bénéficier de l'accès aux soins, mais il ne couvre pas l'ensemble des bénéficiaires des prestations dites de minima sociaux ; de plus, il est inférieur au seuil de pauvreté.

Relever ce seuil à 3 800 francs intégrerait de très nombreuses familles dans le dispositif CMU, c'est vrai. Mais comment justifier la mise à l'écart des foyers percevant entre 3 500 et 3 800 francs ? L'aspect essentiel est la prise en compte du réel et la lutte efficace contre les inégalités sociales. Le dispositif de couverture maladie universelle ne peut être utilisé pour « légaliser » le plus bas des seuils de pauvreté, actuellement calculé selon des statistiques.

Relever le seuil défendrait et justifierait mieux l'adjectif

« universelle » ; employé dans la définition du dispositif, bien que ce qualificatif soit déjà écorné par l'exclusion des étrangers en situation irrégulière.


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Pour toutes ces raisons, le groupe communiste souhaite donc un seuil à 3 800 francs ainsi qu'un dispositif pour éviter l'effet de seuil.

Plusieurs propositions de financement viennent soutenir ce choix.

D'abord, il est indispensable que les entreprises soient sollicitées pour contribuer au financement de la CMU.

Je ne vous entends pas dire quoi que ce soit, messieurs de l'opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Denis Jacquat.

Jusqu'à maintenant, nous étions d'accord ! La première partie de votre discours n'était pas mauvaise !

M. le président.

Ne provoquez pas, madame Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

En effet, les entreprises ne peuvent être écartées plus longtemps du financement du système de protection sociale, alors que chacun se rend compte qu'il est nécessaire de trouver d'autres sources.

Nous défendrons par conséquent un amendement créant une cotisation sociale additionnelle sur les revenus financiers, dont le taux est fixé à 0,5 %. Par ailleurs, le système de protection sociale dans son ensemble a besoin de ressources nouvelles, le débat sur les retraites et les derniers chiffres annoncés par la commission nationale des comptes de la sécurité sociale, qui s'est réunie le mois dernier, le prouvent. Si l'on ne veut pas entraîner une détérioration des dispositifs sociaux, il convient d'affirmer que les revenus financiers des entreprises ne peuvent être plus longtemps exclus des cotisations.

Enfin, le mode de financement de la CMU, dont nous débattons aujourd'hui, a plusieurs faiblesses. Le dispositif concernant la modification du versement des dotations globales de décentralisation a intrinsèquement plusieurs lacunes. En effet, il ne tient pas compte des politiques antérieures des conseils généraux et l'Etat ne reversera pas au département, par l'intermédiaire de la DGF, 95 % de la part d'aide médicale dépensée dans le compte administratif de l'année 1997. De fait, ce mode de calcul est défavorable aux départements qui ont engagé une réelle politique d'accès aux soins, ainsi qu'à ceux qui doivent faire face à une population très modeste. Il apparaît injuste de favoriser les départements et les majorités des conseils généraux qui ont simplement respecté les obligations légales.

Pour contrecarrer cette situation, le groupe communiste a déposé un amendement créant un fonds de solidarité pour l'action sociale, dont l'objectif est de réduire les inégalités entre départements.

Au Sénat, madame la ministre, nous avez déclaré : « Ce problème, c'est celui des inégalités entre départements, notamment du point de vue du potentiel fiscal, de leur richesse par rapport au poids de certaines charges, en particulier les charges d'action sociale. »

Ces propos démontrent que les difficultés sont, semblet-il, appréhendées. Cependant, aucune solution n'est élaborée. A en croire certains propos ministériels, la création de ce fonds engendrerait des modifications que seule la mise en place d'une réflexion plus large sur la péréquation au sein des dotations de l'Etat, notamment la DGF, pourrait permettre.

Or je pense que le dispositif proposé permet d'éviter une modification de la DGF - qui n'est effectivement pas l'objet de la CMU - et maintiendrait le taux de 95 %. Le fonds de solidarité pour l'action sociale peut établir un certain équilibre. Nous le défendrons donc au cours de cette deuxième lecture.

Par ailleurs se pose le problème de l'existence même des contingents communaux. En première lecture, notre amendement a été repoussé. Toutefois, la presse, notamment la presse économique, a fait état d'une discussion entre tous les partenaires. Celle-ci aboutirait à la suppression du versement par les communes du département de la part d'aide médicale des contingents communaux d'aide sociale. Naturellement, nous nous féliciterions des conclusions de la concertation si elles débouchaient au cours de ce débat.

Je conclurai en abordant plusieurs questions essentielles. Il est manifeste que cette loi est une loi d'urgence sociale, mais elle ne peut être une fin en soi. Afin de lutter contre ce type d'exclusion, une véritable politique du plein emploi doit être mise en oeuvre. Mais il faut d'abord éviter la multiplication des licenciements économiques par les grands groupes, comme aujourd'hui. La proposition de loi du groupe communiste, si elle était discutée et adoptée, entraverait les nouvelles suppressions d'emplois.

En outre, la deuxième loi sur les 35 heures doit aboutir à une réelle croissance de l'emploi. Pour cela, ne faut-il pas éviter de lier annualisation et heures supplémentaires, et mettre en place un système de limitation des heures supplémentaires ? L'urgence de la situation rend obligatoire une mise en place rapide de cette loi créant la couverture maladie universelle.

M. le président.

Veuillez conclure, madame Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Je termine, monsieur le président.

Ce projet mettrait fin à des cas dramatiques, comme celui dont j'ai eu connaissance au début de la semaine d ernière. Une administration réclamait près de 40 000 francs pour frais d'hospitalisation à une femme seule ayant de très faibles revenus, car elle n'avait pas effectué, par méconnaissance des règles, et bien que remplissant les critères, une demande d'aide médicale gratuite.

La mise en place de cette loi est indispensable et doit être rapide.

C'est pourquoi nous tenterons encore d'améliorer ce projet et ferons tout pour qu'il soit mis en oeuvre. Nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour quinze minutes.

M. Denis Jacquat.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle nous revient en nouvelle lecture.

Comme je l'ai indiqué précédemment, à l'aube du

XXIe siècle le droit à la santé, droit fondamental de la personne humaine, se doit d'être assuré pour l'ensemble de nos concitoyens.

Rappelons-nous que le préambule de la Constitution de 1946 prévoyait déjà que l'Etat devait garantir « à tous [...] la protection de la santé ». Car offrir à toute personne le droit de se soigner, lui donner les moyens d'être autonome, c'est reconnaître le droit pour tous d'avoir une


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place dans la société. Aussi tout doit-il être fait pour que la santé ne soit pas un domaine où le niveau des revenus génère des discriminations.

Or il existe, et nous le savons très bien, des carences en la matière. Si le régime de l'ordonnance du 4 octobre 1945 proposant une protection aux seuls travailleurs salariés et à leurs familles avait vocation à une extension progressive, force est de constater que 150 000 personnes ne bénéficient aujourd'hui d'aucune couverture maladie. Par ailleurs, 16 % des Français n'ont pas de couverture complémentaire, et ce taux atteint 40 % chez les chômeurs.

Ces chiffres soulignent également les limites de l'aide médicale départementale. Ce système, qui couvre aujourd'hui 2,5 millions de personnes et qui a réalisé d'énormes progrès en matière d'accès aux soins, n'est pas exempt de défauts. Il est notamment générateur d'inégalités entre les départements.

C'est pour pallier ces faiblesses que la CMU est proposée. Onze ans après le RMI, le projet de loi qui nous est soumis doit constituer un pas important dans la lutte contre les exclusions.

La CMU, qui répond à une idée généreuse, comporte trois dispositions majeures : la prise en charge, pour tous, des soins par un régime de sécurité sociale ; la protection complémentaire gratuite pour les six millions de personnes les plus fragiles financièrement ; la dispense de l'avance des frais. Cette troisième branche du projet est essentielle car, bien souvent, le ticket modérateur est synonyme de ticket d'exclusion.

Quelques grands principes, que nous partageons, ont inspiré le projet de loi : l'immédiateté des prestations d'assurance maladie, l'universalité, la continuité, même en cas de changement de régime, la non-sélection des risques.

Financée par l'Etat et les organismes de couverture complémentaire, la CMU met fin à l'assurance personnelle et à l'aide médicale départementale. Les conseils généraux verront ainsi leur dotation globale de décentralisation diminuée des dépenses d'aide médicale du département, moins 5 %. Je rappelle aussi que cela aura cependant un effet pervers, car les départements les plus

« vertueux » seront pénalisés.

Le projet de loi en discussion n'est pas précurseur en la matière. A ce titre, je tiens encore à saluer l'action des gouvernements précédents, notamment le formidable travail accompli par Xavier Emmanuelli, en direction des populations défavorisées. Il faut également citer le projet d'assurance maladie universelle présenté par Alain Juppé en novembre 1995, dans son projet de réforme de la sécurité sociale. Ce texte ouvrait en particulier droit aux prestations en nature à l'ensemble de la population sous simple condition de résidence régulière. Le gouvernement actuel ne s'est pas aventuré sur un terrain vierge et il doit accepter que le mérite d'un tel projet soit partagé.

Je souhaite à présent m'exprimer de nouveau sur les dispositions relatives au régime de base et à la couverture complémentaire car nous sommes revenus pratiquement au texte initial de l'Assemblée nationale malgré l'examen du texte par le Sénat.

Concernant le régime de base, je tiens à souligner que la question des populations les plus marginalisées au sein des exclus ne pourra être traitée sans que soit maintenue la forte implication des associations. Celles-ci devront continuer à conseiller et à aider les personnes qui sont actuellement hors du système de santé, et plus particulièrement celles qui se sont heurtées à la complexité des démarches administratives. Il faut que, dans les faits, le nombre de personnes sans couverture médicale de base passe de 150 000 à zéro, conformément à l'objectif affiché. Tel est aussi le nôtre.

J'en viens au régime complémentaire, sur lequel le projet de loi est le plus insuffisant.

Pour les six millions de personnes aux revenus les plus modestes, le Gouvernement propose une couverture complémentaire comprenant la prise en charge intégrale du ticket modérateur et du forfait journalier. Les bénéficiaires auront le choix entre le recours à la caisse de sécurité sociale ou le recours à une mutuelle, une institution de prévoyance ou une compagnie d'assurance, sans avoir à verser de cotisation, pas même symbolique.

Si la nécessité d'une prise en charge complète des soins est acquise, les modalités d'application du dispositif peuvent être discutées.

Le premier point qui prête à discussion est l'absence de cotisation pour les bénéficiaires du régime complémentaire de la CMU. Il mérite que l'on s'y attache quelques instants et nous l'avions d'ailleurs évoqué, madame la ministre, lors de la première lecture.

En faveur du paiement d'une somme modique, il peut être soutenu qu'apporter une cotisation est un geste de citoyenneté qui contribue à affirmer le sentiment de dignité. Je citerai à ce propos notre rapporteur JeanClaude Boulard, qui écrit, dans un de ses rapports, que

« contribuer, même faiblement, est également une composante de l'insertion ».

Par ailleurs, l'absence de cotisation pose un problème au regard du code de la mutualité. En effet, sans contribution, les « membres bénéficiaires » ne peuvent être considérés comme des adhérents à part entière, ni jouir des prérogatives liées à ce statut.

Défendant le point de vue opposé, des voix s'élèvent pour rappeler que l'accès aux soins est un droit constitutionnel auquel les individus peuvent prétendre sans avoir à verser de cotisation.

Finalement, l'argument qui me semble décisif est celui tenant aux conséquences du non-paiement de la contribution. En effet, la somme à verser ne pouvant être que symbolique, il est fort improbable que des poursuites soient engagées pour en assurer le recouvrement. La contrevenance se retrouverait de facto impunie et le principe même de contribution dépourvu de sens.

Voilà pourquoi, même si le principe d'une cotisation symbolique est intéressant, les modalités de sa mise en oeuvre limitent singulièrement le bénéfice à en attendre.

Second bémol : le niveau du seuil de revenu retenu pour pouvoir bénéficier de la gratuité de la couverture complémentaire.

Ce seuil est actuellement fixé à 3 500 francs pour une personne seule, à 5 200 francs pour un ménage de deux personnes, à 6 300 francs pour trois personnes et à 7 700 francs pour quatre personnes. Au-delà, il convient d'ajouter 1 400 francs par personne supplémentaire.

Mais 3 500 francs est un montant inférieur, entre autres, au minimum vieillesse et à l'allocation pour adulte handicapé. C'est surtout une somme inférieure au seuil de pauvreté, estimé à 3 800 francs par l'INSEE dans notre pays. Pour être réellement universelle, la CMU doit prendre en compte la totalité des situations de détresse.

Or, en choississant un plafond de 300 francs au-dessous du seuil de pauvreté, on exclut de la protection complémentaire deux millions de personnes qui, par définition, sont nécessiteuses. Cela n'est pas conforme à l'esprit de la l oi. En conséquence, le seuil doit être porté à 3 800 francs.


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En outre, il est impératif qu'un mécanisme d'indexation soit mis en place.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. Denis Jacquat.

Je voudrais maintenant aborder à nouveau un problème majeur, relatif aux effets pervers liés à l'effet de seuil allant à l'encontre de l'idée géné rale d'accès égalitaire aux soins.

L'effet de seuil, tel qu'il apparaît dans le projet de loi, engendrera une discrimination inacceptable. A un franc près, certains auront droit au système de soins dans le cadre de la CMU, tandis que d'autres, situés juste audessus du seuil de revenus, devront payer intégralement leur couverture complémentaire. Un tel effet « guillotine »s'exercera au détriment de personnes aux revenus modestes.

Cette situation, je viens de le dire, n'est pas acceptable.

Tout doit être mis en oeuvre pour « effacer » l'effet de seuil. A ce titre, je tiens à souligner que certains mécanismes proposés sont insuffisants. En effet, si l'effet de seuil doit être compensé par l'action sociale des caisses ou d'autres organismes, ou encore par les collectivités locales, le risque d'engendrer à nouveau des situations inégales est réel.

Je pense quant à moi que la meilleure solution pour limiter l'effet de seuil consiste à mettre en place un système d'aides dégressives pour ceux dont les revenus sont situés au-dessus du plafond. Dans ce cas de figure, l'essentiel est de ne pas oublier les personnes ayant de faibles salaires ou revenus et qui ont actuellement de réelles difficultés à payer une couverture complémentaire.

Le système proposé par le Sénat était très intéressant.

Par ailleurs, je souhaite que nous nous interrogions sur les chiffres qui sont avancés et qui concernent le nombre de personnes ayant besoin d'une aide en matière d'accès aux soins.

L'enquête réalisée par le CREDES en février 1999 précise qu'un Français sur quatre a déjà renoncé à se soigner pour des motifs financiers. Le plus souvent, les renoncements concernent les soins dentaires pour 42 % des soins cités ; les soins médicaux et examens pour 31 % ; et l'optique pour 13 %. Pour l'ensemble de la population française, le taux de renoncement aux soins au cours de l'année s'élève à 16,5 %. Ces chiffres, émanant d'une enquête dont le sérieux ne peut être contesté, portent à réflexion. En effet, le projet de loi se propose de couvrir six millions de personnes, soit 10 % des Français - ceux dont les revenus sont les plus faibles. Or, même avec un seuil à 3 800 francs, la CMU ne couvrirait que 8,5 millions de personnes, soit environ 14 % de la population. Nous serions alors encore loin du nombre total de personnes ayant renoncé à des soins pour les motifs financiers, lequel, je le rappelle, est de 16,5 %. Il n'est pas possible d'ignorer ces chiffres, qui nous interpellent ! Que vont devenir ces personnes qui, non couvertes par la CMU, n'ont pas les moyens de recevoir l'ensemble des soins que nécessite leur état de santé ? Cette question ne peut être éludée du débat et nous renvoie à ma question précédente sur la nécessité d'un lissage de l'effet de seuil.

Toujours dans le cadre de ma réflexion sur la couverture complémentaire, je voudrais m'arrêter un instant sur le montant du panier de soins prévu par le projet de loi.

Ce panier s'élève à 1 500 francs par personne et par an.

Fixer un chiffre uniforme, c'est bien. Mais c'est perdre de vue qu'en réalité ce montant ne peut être identique pour l'ensemble de la population concernée. Ainsi, les personnes âgées consomment davantage de biens médicaux et, pour elles, le coût est estimé à 2 400 francs par an. En revanche, il ne serait que de 800 francs pour les jeunes.

Partant de ce constat et eu égard au nombre important des personnes âgées concernées par le projet de CMU, le chiffre de 1 500 francs risque de se révéler insuffisant.

En outre, dans le rapport du ministère de l'emploi et de la solidarité, les statistiques révèlent qu'en moyenne les Français ont dépensé 12 431 francs par personne pour leur santé en 1997. Cela laisse penser que le panier de soins a été sous-estimé. Nous voudrions, madame la ministre, être rassurés à ce sujet.

Pour conclure, je formulerai quelques critiques générales concernant le projet de loi.

Je soulignerai d'abord les limites du texte portant création de la CMU dans le domaine de la prévention. Il est indispensable que des actions soient menées à ce titre.

Ensuite, il est clair que le titre IV du projet portant modernisation sanitaire et sociale, et constituant en réalité un vrai DMOS - diverses mesures d'ordre social -, aurait dû être scindé du texte sur la CMU. Je le répète, nous sommes obligés de nous prononcer par un même vote à la fois sur ces « diverses dispositions » et sur la CMU, alors que ces deux ensembles peuvent donner lieu à des appréciations contraires. Il aurait été plus convenable de se contenter d'un débat sur la seule CMU, l'importance du sujet justifiant qu'on n'y ajoute pas des dispositions sans rapport avec celui-ci.

Je ne voudrais pas oublier, pour clore cette série de remarques, de répéter que la CMU ne doit pas occulter le débat sur la nécessité de modifier notre système de soins, qui se caractérise par un des taux de remboursement les plus bas des pays européens - 74 % pour le régime de base -, en contrepartie de cotisations sociales qui sont parmi les plus élevées.

Au total, madame la ministre, si le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle constitue une avancée sociale indéniable, il n'est pas encore, pour le groupe DL, exempt de limites.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Pontier, pour cinq minutes.

M. Jean Pontier.

Comme vous l'avez si bien déclaré, madame la ministre, « devant la maladie et la douleur, le niveau de revenu ne doit pas introduire de discrimation ».

Votre projet vise à rendre automatique l'affiliation à un régime de base de la sécurité sociale dès l'âge de seize ans

L'aide médicale gratuite dispensée au niveau départemental et les inégalités qu'elle engendrait disparaissent donc.

Je souhaite rappeler l'effort méritoire de certains conseils généraux qui, depuis 1993, avaient engagé un énorme travail pour permettre à de nombreux usagers, bénéficiaires du RMI, de retrouver leurs droits. Ces conseils généraux avaient adopté en partenariat, avec les caisses primaires d'assurance maladie ainsi qu'avec la Mutualité sociale agricole, un système performant de carte de sécurité sociale, labellisée « Ardèche Santé-Plus », par exemple, permettant, sans avance de frais, la prise en charge du ticket modérateur et du forfait journalier sur l'ensemble du territoire français. De même, concernant les soins complémentaires, le dispositif reposait sur un fonds d'aide géré paritairement avec les caisses.


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En décidant le retour vers l'Etat et les organismes sociaux de ces compétences départementales d'aide médicale, vous mettez en place un dispositif, approuvé par l'association des présidents de conseils généraux, qui doit être accompagné du transfert financier qui serait effectué par un prélèvement sur la dotation générale de décentralisation ou, dans le cas d'une DGD négative pour certaines collectivités, par une diminution du produit des impôts transférés.

Vous le savez, madame la ministre, les sommes transférées des départements vers l'Etat comprennent aussi une recette en provenance des communes au titre du contingentement.

Il y aura donc lieu, vraisemblablement, de revoir localement l'ensemble de ces dispositifs qui, s'ils s'avèrent plutôt avantageux dans certains départements, risquent toutefois d'être pénalisants là où le nombre de RMistes pris en charge est élevé. On pourrait ainsi prendre en compte une moyenne des dépenses constatées sur plusieurs exercices, comme cela a été suggéré par les départements concernés.

S'agissant plus particulièrement du volet complémentaire et novateur de votre projet de loi - les articles 20 à 29 - la plupart des observateurs se sont réjouis de la sainte alliance que vous aviez su susciter entre mutuelles et assurances, tout en autorisant la sécurité sociale, responsable de la couverture de base, à gérer aussi la couverture complémentaire.

A cet égard, il me paraît important de prévoir des actions de formation, notamment des personnels des caisses, pour que la culture qui a été jusqu'à présent la leur passe d'une logique de justification à une logique de déclaration.

Bien évidemment, les opposants, ou plutôt les réticents au projet pensent que les frontières, telles que tracées il y a cinquante ans par Pierre Laroque entre les régimes obligatoires et les régimes complémentaires, risquent d'être brouillées. Toutefois, les signataires ont tenu à affirmer qu'« il n'entrait pas dans la vocation de leurs organismes de se concurrencer sur leurs terrains respectifs ». Voilà une bonne et saine déclaration qui, pour peu que la couverture maladie s'organise au plus près du droit commun, fera que le risque de ghettoïsation d'un système, propre à six millions de personnes, chapeauté par un établissement public et symbole du maintien de l'Etat dans ce dossier plus que sensible, pourra être évité.

D'ores et déjà, il apparaîtrait souhaitable pour limiter les effets de seuil de généraliser le tiers payant au-dessus du barème de 3 500 francs. Ce plafond reste, comme vous le savez, madame la ministre, inférieur au seuil de pauvreté, actuellement évalué à 3 800 francs, soit la prise en charge la plus favorable de l'aide médicale départementale.

De même, toujours pour parer à de tels effets, il serait opportun de mettre en place une aide dégressive à la couverture complémentaire des personnes aux revenus intermédiaires.

Dans le même ordre d'idée, je pense que les personnes bénéficiant de meilleures ressources après un an de bénéfice du dispositif pourraient continuer à être couvertes de manière dégressive par la couverture complémentaire.

Bien sûr, je mesure le coût d'une telle réforme.

Enfin, je me dois de me faire l'écho de l'émoi de certains médias à propos de la transparence en matière d'information hospitalière, puisque d'aucuns voient dans l'article 37 de votre projet de loi la possibilité de limiter, voire d'interdire, la consultation des PMSI, les programmes médicalisés des systèmes d'information, malgré les avis favorables donnés jusqu'à présent par la CADA.

Votre réforme, madame la ministre, aura donc des incidences sur l'organisation des conseils généraux, qui géraient, souvent généreusement, les dossiers d'aide médicale, au point que certains s'interrogent sur la « pérennité de leur légimité à conduire des politiques sociales ».

Certes, il faudra du temps pour que l'on comprenne bien que la couverture maladie universelle est une prestation de solidarité garantie par l'Etat, et que ce n'est pas la sécurité sociale qui paye cette part-là, même si c'est la caisse primaire d'assurance maladie qui la gère. Certes, les associations agrées se devront d'être vigilantes dans leur rôle de soutien aux personnes démunies pour ne pas être écartées dans les demandes d'affiliation et de transmission de documents.

Un regret cependant, madame la ministre : les huissiers de justice ont attiré votre attention sur les conséquences qu'aura pour eux le dispositif de l'article 14. Le Sénat a souhaité rassurer une profession qui, bien que décriée, ne mérite pas l'anathème.

Cela dit, je souscris à votre projet de loi, qui non seul ement renforce le développement de la protection sociale, mais qui, pour ses apports, redonne aussi une part de sens à la citoyenneté française.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste,).

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour quinze minutes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en introduction à mon propos, je ferai une observation.

Le groupe RPR dénonce une fois encore le détournement de procédure qui nous fait examiner dans le même titre une réforme d'importance - qu'on soit d'ailleurs pour ou contre - et un titre IV, véritable DMOS, fourre-tout de vingt-neuf articles, maintenant qui pollue le débat d'une manière inutile.

M. Bernard Accoyer.

Et scandaleuse !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Et ne nous opposez pas le médiocre argument, avancé par M. Kouchner devant le Sénat, de la surcharge de l'ordre du jour parlementaire quand on voit que certains textes anodins y trouvent leur place, sans doute pour ménager des susceptibilités politiques. Mon collègue Bernard Accoyer s'en est expliqué avec talent, lors de sa question préalable, et continuera de le faire tout au long de l'examen du texte.

J'en resterai donc à ce qui aurait dû être l'unique objet, non pas de notre ressentiment (Sourires),...

Mme Catherine Génisson.

C'était facile !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

... mais l'unique objet de notre examen : votre projet de couverture maladie universelle.

Face à un dysfonctionnement social, l'attitude du politique doit être comparable à celle du médecin : poser le diagnostic, détecter l'étiologie, enfin décider du traitement.

Pour le diagnostic, nous sommes d'accord : six millions d e Français ont des difficultés d'accès aux soins ; 700 000 n'ont même pas de droits ouverts à l'assurance maladie et, parmi eux, 550 000 recourent à l'assurance personnelle. Pire ! 25 %, soit un Français sur quatre, avouent avoir renoncé à des soins pour des raisons


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d'argent. Nous savons bien que l'exclusion des soins accompagne bien d'autres procédures d'exclusion : logement, éducation, culture, emploi. Quand une personne souffre par exemple d'édentation totale, non seulement elle perd l'estime de soi, la capacité de plaire, mais elle souffre de difficultés pathologiques d'absorption alimentaire, d'isolement social et elle perd toute chance de retrouver un emploi.

Mais si nous sommes d'accord sur le diagnostic, nous différons sensiblement sur l'analyse des causes. Votre analyse pose en effet comme l'alpha et l'oméga des difficultés d'accès aux soins la notion de revenus. Or, et le rapporteur du Sénat, M. Charles Descours, l'a bien remarqué, les six millions de Français exclus des soins ne sont pas un groupe homogène. Nous connaissons tous des gens modestes qui font des choix budgétaires en faveur de l'assurance complémentaire. Le CREDES montre que les trois quarts des personnes ayant un revenu mensuel compris entre 2 et 3 000 francs par unité de consommation sont couvertes par une complémentaire. Parallèlement, on est toujours surpris de voir des fumeurs, par exemple, trouver les 500 francs mensuels nécessaires à leur drogue et rechigner devant le paiement de la mutuelle ou l'acquittement d'un ticket modérateur dont le montant est quelquefois assez faible. L'accès aux soins est donc un processus qui met en jeu des pratiques économiques et sociales ; prendre en compte le seul aspect monétaire ne permet pas d'empêcher l'exclusion.

Autre différence majeure d'analyse : notre système d'assurance maladie, que nous avons longtemps considéré avec suffisance comme le meilleur du monde, a généré des dérives liées à l'insuffisance de ses taux de remboursem ent dans certains secteurs comme les prothèses dentaires, auditives et la lunetterie dont l'exemple a souvent été cité. On peut même parler d'un quasi nonremboursement délibéré dont les politiques et les gestionnaires des caisses sont largement responsables.

L'exclusion de certains soins est donc un phénomène considérable qui touche même les classes moyennes. Les organismes mutualistes ont pointé les difficultés que rencontrent les salariés modestes percevant le SMIC, voire plus, pour accéder à des traitements longtemps considérés comme luxueux mais dont nous savons désormais qu'ils sont indispensables.

Face à ces processus, vous nous proposez un système dont certains aspects sont positifs mais qui, globalement, ne peut, madame la ministre, recueillir notre accord. Je vous vois navrée...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est embêtant !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Oui, c'est embêtant parce que c'est un sujet...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... qui mériterait un accord !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... qui aurait sans doute mérité l'unanimité.

L'aspect le plus positif de ce texte est, bien entendu, la prise en charge des 700 000 personnes qui n'ont pas de droits ouverts à l'assurance maladie et dont 550 000 se sont protégés par la coûteuse assurance personnelle. Vous avez bien voulu convenir devant le Sénat que cet aspect

« assurance maladie universelle » avait été largement préparé par le précédent gouvernement ; nous approuvons ce premier niveau et ses modalités.

D'autres dispositions suscitent par contre nos inquiétudes.

Vous voulez résoudre les difficultés des six millions de personnes concernées, non pas en les intégrant au dispositif de droit commun mais en les enfermant dans une

« case » à part, d'où un risque de stigmatisation fort dommageable. Ce phénomène est amplifié par l'effet de seuil des 3 500 francs.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Je sais bien que vous nous avez dit, non pas au cours de ce débat mais au cours du débat sur la loi dite des 35 heures, qu'en multipliant les seuils, on abolissait ce fameux effet. Pas de doute, vous faites très fort !

M. Bernard Accoyer.

Il y a deux poids deux mesures !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

N'empêche que vous multipliez le sentiment d'injustice chez les titulaires du minimum vieillesse ou de l'allocation d'adulte handicapé.

A ce propos, l'Association des paralysés de France a relevé à juste titre l' exemple suivant : les bénéficiaires de l'allocation d'adulte handicapé, au-delà de 60 jours d'hospitalisation, voient cette allocation réduite au titre de leur participation à l'entretien et à l'hébergement. Ils doivent acquitter le forfait journalier et il ne leur restera que 601 francs par mois pour faire face à leur loyer, à leur assurance de logement ou de voiture, bref à toutes leurs dépenses fixes. N'est-il pas injuste qu'ils ne puissent pas bénéficier de la CMU, donc de la prise en charge du forfait journalier à quelques dizaines de francs près ? Vous nous avez dit que cela était impossible et qu'un relèvement du seuil à 3 800 francs entraînerait un surcoût que vous avez chiffré à 3 milliards de francs. Certes, mais vous avouez bien ainsi créer une injustice majeure que permettrait d'effacer ce que j'appellerai la «

CMP », la couverture maladie personnalisée, sur laquelle je reviendrai.

Quant aux dispositifs de lissage que vous nous proposez, qui permettent seulement de bénéficier de la CMU pendant l'année en cours même si l'on franchit le seuil fatidique et de profiter d'un tarif préférentiel de la part des mutuelles et des organismes de prévoyance pendant un an si on a dépassé ce seuil, ils ne font que renforcer l'injustice du système. Et ne parlons pas de l'incitation faites aux départements à effectuer des prises en charge complémentaires puisque, vous nous l'avez dit, la motivation de votre loi était précisément d'effacer les inégalités créées par la décentralisation de M. Defferre.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Nul ne peut arguer de ses propres turpitudes, madame la ministre ! Autre sujet d'inquiétude : le financement de votre couverture maladie universelle. Vous en avez fixé le coût à 1 500 francs par personne. Or nombre de responsables, dont certains ne sont pas vos adversaires politiques, tant s'en faut, ont relevé une sous-évaluation manifeste. Je cite en vrac Jean-Pierre Davant, les responsables de la MNEF - eh oui ! -, M. André Renaudin, délégué général du groupement des assurances de personnes, le conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales.

J'en passe et des meilleurs... Après les adhérents aux mutuelles sur qui, bien sûr, on répercutera dans leurs cotisations la fameuse taxe de 1,75 %, nul doute que le contribuable mettra, une fois de plus, la main à la poche.

Enfin et beaucoup plus grave, votre dispositif remet en cause la légitimité de l'assurance maladie dans le régime de base. Comment expliquer à ceux qui auront choisi la


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complémentaire des CPAM qu'ils n'ont qu'un seul guichet, alors que ceux qui souscrivent auprès des mutuelles régleront leurs dossiers à deux guichets ? De nombreux syndicats, des mutuelles ont appelé votre attention de manière très combative sur cette dérive. Là encore, j'ai noté que l'on retrouvait nombre de vos amis politiques.

Je n'ai pas été exhaustive dans tous ces chapitres mais le débat en première lecture avait été fort détaillé et f ort explicite. J'ai donc résumé ces observations.

Alors, que faire ? Ce texte laisse supposer que rien ou quasiment rien n'avait été fait pour prendre en charge les plus démunis. J'ai d'ailleurs été étonnée que lors de votre intervention au Sénat, vous n'ayez reconnu que d'une façon pour le moins elliptique l'action des conseils généraux, sauf pour dénoncer son caractère inégalitaire et/ou insuffisant. Outre que certains avaient des niveaux de prise en charge bien supérieurs au système proposé, ils étaient basés sur la notion d'une prise en charge globale et personnalisée, condition sine qua non d'une véritable prise en charge. Il était sans doute utile de mieux fixer le socle des obligations des conseils généraux, mais c'était une affaire de modalités.

Nous souscrivons donc complètement aux propositions du Sénat créant une prise en charge personnalisée sur le mode de l'allocation logement, système qui fonctionne à coût constant mais s'adresse à plus de bénéficiaires et gomme l'effet de seuil. Ce système a, de plus, l'énorme avantage de responsabiliser les bénéficiaires hors d'une c ontribution dont je reconnais avec vous, madame la ministre, qu'elle était bien difficile à collecter. Il perm et de gommer également certains effets pervers :

« désincitation » à l'emploi, dissimulation de revenus ou éclatement des familles pour bénéficier de la couverture maladie universelle.

Lors de la première lecture, mes collègues JeanFrançois Mattei et Bernard Accoyer vous avaient détaillé c ette proposition. Nos collègues du Sénat Charles Descours et Claude Huriet en ont analysé finement la faisabilité et les modalités concrètes.

Vous avez là un véritable projet alternatif, finalement beaucoup plus près du scénario partenarial proposé par notre excellent rapporteur Jean-Claude Boulard (Sourires)...

Mme Odette Grzegrzulka.

La solidarité des pays de la Loire !

M. Bernard Accoyer.

Merci pour lui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

...et par M. Pontier au nom du groupe Radical, Citoyen et Vert.

Si vous suiviez nos recommandations, madame la ministre, l'unanimité pourrait se dégager sur ces rangs de l'Assemblée nationale autour de ce projet de couverture maladie universelle et nous en serions très heureux. Mais, si vous ne nous suiviez pas concernant la prise en charge personnalisée, le groupe du Rassemblement pour la République, à mon très grand regret, ne pourrait voter ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka, pour cinq minutes.

M me Odette Grzegrzulka.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tout d'abord, je voudrais me féliciter que ce texte revienne si peu de temps après sa première lecture à l'Assemblée nationale tant il est urgent que nous l'adoptions avant la fin de la session. Six millions de personnes en ont besoin. Six millions de personnes l'attendent.

Je regrette vivement que, après avoir été étudié par les sénateurs, le texte que nous examinons aujourd'hui n'ait pu bénéficier de leurs enrichissements habituels et que la commission mixte paritaire ait échoué. Certes, le Sénat a fait des efforts, mais, comme vous l'avez dit, madame la ministre, nos collègues sénateurs ont « tenté » d'élaborer un projet. Ils ont « essayé » de reconstruire un autre dispositif sans même nous dire comment ils réaliseraient ce tour de passe-passe qui consiste à ouvrir des droits nouveaux à beaucoup plus de personnes sans augmenter le budget qui y est consacré. Dès lors, l'échec de la commission mixte paritaire était prévisible.

M. Bernard Accoyer.

Il fallait lire leur projet ! Il est très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est pas dans le projet ! Le Sénat le reconnaît lui-même !

Mme Odette Grzegrzulka.

Nous aurions pu gagner du temps pendant ce débat si la droite, ce soir, nous avait épargné ses motions de procédure. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

Mme Odette Grzegrzulka.

Quand elle les avait annoncées, nous pouvions imaginer que cela faisait partie de sa stratégie de communication pour les élections européennes. Mais maintenant que cette échéance est passée...

M. Marcel Rogemont.

Et perdues, pour eux !

Mme Odette Grzegrzulka.

... cette obstruction est-elle nécessaire ?

M. Bernard Accoyer.

Vous auriez voulu qu'il n'y ait plus d'opposition ? Ce serait mieux...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On n'en est pas loin !

M me Odette Grzegrzulka.

Cette obstruction doit paraître bien dérisoire aux futurs bénéficiaires.

Venons-en rapidement à l'examen de ce dispositif, dont je ne rappellerai pas le détail. Mais j'ai plaisir à revenir sur les enrichissements apportés par mes collègues socialistes et de la majorité plurielle.

D'abord, en première lecture, nous avons ajouté : la création d'un fonds d'accompagnement ; l'extension du tiers-payant aux personnes dont le revenu est supérieur au seuil et qui ont choisi un médecin référent ; la création d'un formulaire identique sur tout le territoire pour les adhérents à la CMU ; l'ouverture immédiate du droit à la CMU et la fixation par décret d'un délai d'instruction de leur demande ; enfin, et grâce à nos collègues communistes, l'obligation faite aux entreprises de négocier un régime de prévoyance maladie avec les représentants des salariés qui ne sont pas couverts par un accord de branche.

Ensuite, en deuxième lecture, la commission des affaires familiales, culturelles et sociales a encore enrichi ce texte, en y incluant la domiciliation auprès d'un CCAS ou d'un organisme aggréé ; en excluant les pensions et obligations alimentaires des ressources prises en compte pour l'évaluation du seuil ; en demandant au G ouvernement de présenter au Parlement, tous les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

deux ans, un rapport d'évaluation de l'application de la loi en liaison avec les travaux de l'observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

En conclusion, je voudrais dire à nos collègues de l'opposition que je comprendrais mal qu'ils aient honte d'approuver une telle avancée et qu'ils persistent à voter contre l'ouverture à ce droit fondamental qu'est la sécurité sociale pour tous.

J'espère que l'opposition saura taire, pendant le débat qui nous attend, ses propres contradictions et renoncer aux faux procès.

J'exprimerai le souhait, comme vous en avez l'habitude, madame la ministre, que les décrets d'application - sur lesquels nous serons très attentifs - soient rapidement publiés et qu'un suivi de cette loi soit assuré.

Alors que la grande majorité de nos concitoyens souhaitent ce texte, la Fédération des mutuelles de France a manifesté en sa faveur, que les associations caritatives l'approuvent totalement, j'espère que nous ne terminerons pas cette session sans avoir voté. Sinon, je suis sure que nous pouvons compter sur le Président de la République, champion de la lutte contre la fracture sociale, pour autoriser une session extraordinaire de quelques jours.

D'ici là, soyez assurée, madame la ministre, de la fierté, de l'enthousiasme et de la conviction avec lesquels nous adopterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Bur, pour dix minutes.

M. Yves Bur.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les difficultés d'accès aux soins pour des raisons liées notamment à la précarité et à la pauvreté constituent une injustice que nous considérons tous comme inacceptable dans une société qui se veut évoluée et solidaire. Si ce constat et ce refus sont partagés, le débat en première lecture a montré que le choix du Gouvernement parmi les différents scénarios envisagés n'a recueilli l'assentiment ni de l'opposition à l'Assemblée nationale ni du Sénat, tant ce choix s'inscrit dans une logique que nous ne partageons pas : celle qui privilégie toujours l'assistance et la déresponsabilisation sous prétexte d'égalité de droits que cette loi est pourtant loin d'atteindre.

Si nous débattons aujourd'hui du droit à la santé, c'est bien parce que ce droit, malgré les progrès de la médecine et un système social très généreux, a connu un formidable recul. Cette régression, nous la devons d'abord à la crise qui a bouleversé notre société et dont la France plus que d'autres a du mal à se dégager, faute de faire les choix qui permettraient un recul massif du chômage.

Ces difficultés de mise en oeuvre du droit à la santé, nous les devons aussi à notre incapacité collective à résoudre les problèmes liés à la dérive financière de la sécurité sociale. En voulant trop longtemps rationner la demande par une limitation des remboursements, alors que cela n'avait que peu d'effet sur l'évolution des dépenses de santé, nous avons de fait exclu de plus en plus de personnes que la crise a rendues aujourd'hui plus fragiles et moins solvables.

Pour améliorer l'accès aux soins, rendu très difficile par la faiblesse des ressources, fallait-il pour autant s'engager dans la voie que vous avez retenue et imposée à votre majorité ? Nous ne le pensons pas car la CMU n'empêchera pas la stigmatisation d'un public déjà fragilisé.

En effet, au lieu de faire entrer les six millions de personnes concernées par votre projet de loi dans le droit commun, vous les maintenez dans un dispositif particulier et imparfait. De ce point du vue, il n'y a pas de changement par rapport aux dispositifs mis en oeuvre par de nombreux départements à travers le système de la carte santé.

La CMU reste donc un dispositif complexe et imparfait.

Imparfait, il l'est certes comme tout dispositif humain.

En effet, sous couvert d'accès égalitaire sur l'ensemble du territoire national, la CMU sera en recul par rapport aux possibilités offertes par les nombreux départements où le revenu pris en compte était net de certaines charges comme le loyer et les charges locatives, voire dans certains cas des dettes.

Imparfaite, la CMU l'est également au regard de tous ceux qui resteront exclus du champ d'application à cause de l'effet couperet du seuil ; les artifices votés pour en atténuer les conséquences n'y changeront rien. Je veux parler des salariés aux revenus modestes mais aussi des personnes percevant le minimum vieillesse ou l'allocation adulte handicapé. Comment expliquerez-vous à ces personnes qu'elles sont considérées comme étant trop riches pour bénéficier d'une aide à l'accès aux soins parce qu'elles perçoivent 40 francs de revenus de trop ? Complexe et imparfaite, la CMU l'est également en raison de sa mise en oeuvre par les caisses primaires d'assurance maladie et les organismes complémentaires et de la confusion qui s'installera forcément entre ces institutions. En outre, vous confiez aux caisses primaires d'assurance maladie la lourde mission de l'accueil et de l'inst ruction des dossiers. Cette tâche exigera une réorganisation interne à un moment où le service des caisses primaires laisse de plus en plus à désirer dans de nombreux centres de paiement, qui accusent des retards records de plusieurs semaines pour rembourser les assurés.

Comment dès lors ne pas douter qu'il y aura plus de difficultés et d'inertie pour la mise en oeuvre de la CMU que vous ne l'imaginez - à moins de ralentir encore le service de remboursement aux assurés ou le remboursement du tiers-payant aux professionnels de santé comme cela devient la règle actuellement ? Imparfaite, la CMU l'est aussi par son silence sur le contenu du panier de soins, mes collègues l'ont rappelé, et sur les moyens qui permettront réellement un accès aux soins aux 150 000 personnes qui ne bénéficient pas encore de l'assurance de base. Ces personnes pouvaient déjà bénéficier des diverses mesures mises en oeuvre en faveur de l'accès aux soins par les départements avec le concours des CCAS et des associations et qui, malgré ce travail de proximité, n'ont pu exercer ce droit.

La CMU pourra-t-elle réellement toucher ces personnes sans doute très marginalisées car, vous le savez bien, l'affiliation de plein droit seule ne garantit pas l'accès réel aux soins pour les publics en très grande difficulté ? Imparfaite, la CMU l'est pour tous ceux qui se situent au-dessus du seuil d'exclusion retenu par votre gouvernement. Ils devront supporter seuls, malgré des ressources parfois très limitées, les charges engendrées par les soins ou par une complémentaire maladie. Ils n'auront droit ni au tiers-payant ni à une aide pour faciliter leur accès au bénéfice d'une assurance complémentaire mutualiste ou privée et dont le coût pour un ménage avec enfants pèse très lourd dans le budget familial.

Si l'UDF n'approuve pas le choix du Gouvernement, choix, qui, d'ailleurs, ne semble soulever l'enthousiasme n i des responsables de l'assurance maladie, ni des mutuelles,...


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M. Bernard Accoyer.

Ils sont même furieux !

M. Yves Bur.

... ni même de votre propre majorité, nous aurions souhaité pouvoir débattre au fond pour faire évoluer le dispositif proposé vers une formule qui nous semble conforme aux exigences du droit à la santé et à des soins de qualité sans pour autant s'abandonner à une assistance élargie qui exclut néanmoins du bénéfice de cette aide bon nombre de nos concitoyens ayant des ressources modestes.

L'instauration d'une allocation personnalisée santé fondée sur des principes semblables à l'aide personnalisée au logement, telle qu'elle a été proposée, ici même, par notre collègue Jean-François Mattei et développée par le Sénat, ne méritait pas d'être rejetée sans un débat de fonds.

Ce dispositif même s'il reste, lui aussi, peut-être imparfait - présente à mes yeux des caractéristiques permettant de gommer certains inconvénients de la CMU.

L'accès aux soins serait assuré pour tous les citoyens dans les conditions de droit commun, pour l'assurance maladie de base comme pour la complémentaire, sans stigmatiser une population qui, dans le cadre de la CMU, devra toujours présenter une carte santé particulière indiquant les conditions d'accès et de prise en charge de soins.

En instituant une allocation dégressive en fonction des ressources des personnes, l'allocation personnalisée à la santé assurerait une solvabilisation de l'ensemble des citoyens à faibles ressources, qu'ils bénéficient de minima sociaux ou de revenus modestes. En outre, il est évident que l'APS permettrait une prise en charge à 100 % pour les personnes relevant du RMI et serait très progressive en fonction des revenus jusqu'à un plafond qu'il conviendra de discuter.

Vous avez indiqué au Sénat, madame la ministre, que vous n'étiez pas opposée au principe de cette APS, mais que vous exprimiez des réserves sur sa mise en oeuvre en raison des difficultés qu'elle engendrerait. Je tiens à vous préciser que celle-ci ne serait guère différente de celle de l'allocation logement qui est bien rodée et permet de prendre en compte, même individuellement, les situations les plus critiques.

L'effet de seuil serait ainsi lissé, comme il l'est pour l'allocation logement, et l'APS ne dispenserait pas ses bénéficiaires d'avoir conscience que si la santé est certes un droit, elle a aussi un coût auquel tous les Français doivent participer en fonction de leurs propres capacités.

Cette responsabilisation minimale, qui se situe à l'opposé de l'assistance généralisée que vous proposez, rencontre d'ailleurs l'assentiment des Français comme en témoigne un sondage réalisé par des mutuelles : 82 % des personnes interrogées estiment, en effet, que l'ensemble des Français doivent contribuer même symboliquement au financement de la CMU.

Par ailleurs, l'instauration de l'APS n'aurait aucun effet colatéral sur les divers régimes d'assurance maladie qui continueraient ainsi à assurer leurs missions de base sans confusion des rôles avec l'assurance complémentaire.

Parmi ces effets colatéraux, je vous rappelle ceux qui vont toucher et peut-être déstabiliser des régimes comme la MSA et la CANAM. En effet, ces derniers subiront, en raison de la situation particulière de nombre de leurs assurés, la concurrence de la CMU. Comment ces deux régimes pourront-ils continuer à appliquer une cotisation minimale qui resterait exigible même si les revenus des assurés étaient situés en deçà du seuil de 3 500 francs ? Comment ne pas s'étonner, au passage, que les ressortissants de la CANAM, c'est-à-dire les travailleurs indépendants, resteront les seuls à ne bénéficier que d'une prise en charge à 50 % de leurs dépenses de santé alors qu'ils cotisent lourdement, bien qu'ils ne disposent parfois que de revenus modestes ? Enfin, concernant les répercussions financières de votre projet, nous avons déjà fait part, en première lecture, de nos inquiétudes quant au coût réel de ce nouveau dispositif pour les finances tant de l'Etat que de l'assurance maladie.

Alors même que le retour à l'équilibre en 1999, que vous ne cessiez de mettre en avant lors de l'examen de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, est déjà considéré comme hors d'atteinte, le Gouvernement n'a de cesse de mettre à la charge de l'assurance maladie de nouvelles dépenses gagées sur des promesses que tout le monde s'accorde à considérer comme irréalistes.

Ainsi, vous avez décidé de mettre une large part de la facture de la réduction du temps de travail à la charge des organismes de protection sociale. La sécurité sociales era donc contrainte de financer, avec l'UNEDIC, l'essentiel du coût de l'aide structurelle de 4 000 francs d'allégement des cotisations sociales par an et par salarié.

Cela pourra représenter une ardoise supplémentaire d'une quinzaine de milliards de francs pour la sécurité sociale, en contradiction avec la loi de 1994 qui impose à l'Etat de compenser, auprès des caisses, les exonérations de cotisations qu'il accorde.

De même, il n'est pas certain que le financement de la CMU soit contenu dans les limites annoncées et nous craignons qu'une fois de plus l'assurance maladie ne soit appelée à supporter les dépenses nouvelles engendrées inévitablement par le dispositif déresponsabilisant de la CMU et l'extension du tiers payant.

M. le président.

Il faut conclure, monsieur Bur.

M. Yves Bur.

Vous comprendrez, madame la ministre, que les conditions ne sont pas réalisées pour que nous puissions adhérer à votre projet. Certes, nous en partageons les objectifs de solidarité, car le droit à des soins de qualité est inséparable du droit à la dignité. Toutefois, nous regrettons que nous n'ayez pas accepté d'évolutions, même celles, minimales, envisagées par le rapporteur au nom de la commission et qui auraient rendu ce projet de CMU plus conforme aux exigences d'équité, de solidarité et de responsabilité que les Français étaient en droit d'attendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri, pour cinq minutes.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner une deuxième fois le projet de loi tendant à créer une couverture maladie universelle. La rapidité avec laquelle ce projet à pu être de nouveau inscrit à l'ordre du jour est à la mesure de l'urgence sociale en question.

Malgré le caractère éminemment humaniste et juste de ce projet, sa teneur a été modifiée par la majorité sénatoriale en des termes sur lesquels il convenait de revenir.

Le traitement des données médicales, par exemple, avait fait l'objet, en première lecture, d'une rédaction plus conforme aux exigences de transparence que défendent les Verts. Il est heureux que la commission ait souhaité rétablir la rédaction de l'article 37.


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De même, l'interdiction formelle de la prise en compte des résultats des études génétiques pour la décision d'attribuer une protection complémentaire a été maintenue.

Nous soutenons également le rétablissement du seuil de 2 500 habitants pour autoriser l'ouverture des pharmacies. Cette disposition est très attendue dans nos régions.

Je recevais, hier encore, une délégation des AlpesMaritimes très soucieuse de voir le quota ramené à 2 500.

La justice sociale exige en effet l'accès aux soins pour tous, mais aussi une couverture la plus large possible du territoire.

Cela étant, il ne faut pas occulter les quelques ombres qui demeurent au tableau, d'autant que nous ne désespérons pas, madame la ministre, de vous amener progressivement sur nos positions.

Nous souhaitons d'abord que soit prise en compte la situation difficile des médecins titulaires d'un diplôme obtenu hors de l'Union européenne. Plus de 8 000 médecins formés à l'étranger, exercent en effet dans les hôpitaux publics français. Leur travail est indispensable au bon fonctionnement du réseau hospitalier. Pourtant, nombre d'entre eux se trouvent dans une situation professionnelle difficile. Il faut trouver une solution pour que ces médecins, français ou étrangers, puissent exercer leur métier dans de bonnes conditions.

M. Bernard Accoyer.

Le problème, ce sont les soins !

M. André Aschieri.

La prévention est, pour les écologistes, le maître mot. Elle nous conduit à mettre l'accent sur le sort des étrangers en situation irrégulière. Les intégrer au dispositif constitue pour nous non seulement un impératif moral mais encore une évidence de santé publique.

Les maladies contagieuses ignorent les papiers d'identité, comme la dioxine se moque des frontières. Soigner les malades étrangers, c'est également nous protéger nousmêmes.

Cette approche préventive est validée par l'actualité sanitaire et vient corroborer les thèses qui militent en faveur de la création d'une agence de prévention desr isques sanitaires liés à l'environnement, que nous demandons.

C'est aussi cette logique de prévention qui nous anime lorsque nous demandons le relèvement du seuil d'accès à la CMU à 3 800 francs. En effet, la prévention constitue le principe fondateur de la protection sociale. « Mieux vaut prévenir que guérir », dit-on. S'il est de fait que ler elèvement du plafond à 3 800 francs engendrerait aujourd'hui un surcoût, il faut bien voir qu'il serait source d'autant d'économies pour demain. Sinon les personnes exclues du dispositif seront dissuadées de consulter tel spécialiste ou tel dentiste, mais il faudra bien les soigner un jour ; il en coûtera alors bien plus cher ! Les députés Verts ont la conviction que la prévention, pour être efficace, ne peut être que large et totale. Telles étaient les ambitions des fondateurs de la sécurité sociale ; telle est d'ailleurs l'ambition déclarée de ce projet de couverture maladie que l'on dit universelle.

Ces quelques points permettent aux Verts de dégager un bilan globalement positif des travaux qui ont présidé à l'élaboration de ce texte.

Nous avons réussi à nous entendre sur un texte qui réponde efficacement aux situations d'urgence et qui constitue une avancée considérable. Il nous appartiendra de parachever cette grande loi sociale par un dispositif encore plus audacieux.

Au-delà des aspects techniques de ce texte, il serait également dommage de ne pas voir la portée historique de la réforme. Dans le cadre de la discussion générale, il n'est donc pas inutile de rappeler le contexte de la loi.

Il semble que, nulle part en Europe, le train des réformes sociales ne soit conduit à un rythme aussi soutenu qu'en France. La prolifération de textes à caractère social que vous avez soumis au vote de notre assemblée n'a pas, aujourd'hui, son équivalent dans les pays européens. Les récentes élections viennent de montrer que nous aurions tort de baisser la garde dans les combats sociaux. L'ambition de justice et de transformation sociale que nous portons est un message clair. Il semble qu'il ait été entendu en France, alors que le flou entretenu par M. Blair et M. Schroeder a entraîné des revers pour leurs partis en Angleterre et en Allemagne.

Si nous devons être sanctionnés, nous préférons que ce soit sur l'application de notre programme plutôt que sur l'oubli de nos engagements. Or notre programme, c'est la justice sociale. La CMU, après les emplois-jeunes, après la réduction du temps de travail, après la loi de lutte contre les exclusions, vient traduire dans le droit les ambitions de la gauche plurielle sur le plan social.

C'est pourquoi, madame la ministre, malgré les réserves que j'ai évoquées, les députés Verts soutiennent résolument votre projet. Il est certainement le plus généreux, le plus humaniste que nous ayons examiné depuis deux ans. Peut-être même aurait-il mérité un vote solennel.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, par cinq minutes.

M. Jean-Luc Préel.

Votre projet, madame la ministre, vient donc pour la deuxième fois devant notre assemblée après avoir été bien amélioré par nos collègues sénate urs.

M. Bernard Accoyer.

Ah oui !

M. Jean-Luc Préel.

Ce projet comprend trois parties bien différentes.

La première concerne l'ouverture des droits à la couverture de base pour les 150 000 personnes qui n'en bénéficient pas aujourd'hui. Nous l'approuvons. Permettez-moi cependant de formuler deux remarques à cet égard. D'abord il aurait été préférable de proposer une véritable assurance maladie universelle harmonisant les dix-neuf régimes existants. Vous avez reculé devant la difficulté. Cela est regrettable.

Ensuite, si 150 000 personnes demeurent aujourd'hui à l'écart des dispositifs existants, c'est, semble-t-il, parce qu'elles renoncent à accomplir les démarches nécessaires.

Le feront-elles demain ? Espérons-le, mais rien n'est sûr.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel.

Nous approuvons cette première partie de votre projet. Madame la ministre, vous savez d'ailleurs bien, même si vous ne l'avez pas dit aux sénateurs qui n'ont pas été dupes pour autant, que nous sommes contre l'ensemble du projet parce que nous désapprouvons ses deux autres parties.

Le deuxième volet de votre projet concerne en effet la couverture complémentaire. Il présente à nos yeux trois défauts majeurs : l'effet de seuil, le non-respect du champ de compétences entre la base et les complémentaires, et la déresponsabilisation.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !


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M. Jean-Luc Préel.

Ces trois défauts peuvent être supprimés très simplement. J'ai, d'ailleurs, avec d'autres, présenté des propositions en ce sens tout au long de la première lecture, mais vous avez fait semblant de ne pas les entendre. En revanche, les sénateurs ont adopté un système proche de nos propositions.

M. Bernard Accoyer.

On aurait dû le faire ici.

M. Jean-Luc Préel.

Il s'agit tout simplement d'instaurer une aide dégressive inversement proportionnelle aux revenus et permettant à chacun de financer l'assurance complémentaire. Contrairement à ce que vous prétendez et à ce que vous avez dit tout au long des débats en première lecture, le seuil n'est en rien obligatoire. Il est possible de le supprimer et, surtout, d'éliminer ses effets dévastateurs et injustes, notamment pour le Français moyen. De plus, ce procédé d'une aide dégressive simple respecte le champ de compétences sur lequel est fondée notre protection sociale entre le régime de base et les complémentaires. La modification que vous proposez risque d'avoir des conséquences sérieuses, puisque votre projet modifiera les règles de concurrence. En cela, il semble contraire aux articles 86 et 87 du traité de Rome.

Il est d'ailleurs paradoxal que vous affirmiez vouloir conserver notre système de protection sociale alors que les régimes complémentaires, en attaquant votre projet à Bruxelles, au nom du respect des règles de concurrence, pourront, demain, avoir accès au régime de base.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel.

Des avocats très sérieux ont étudié cette question et des contacts ont été pris avec Bruxelles.

Le risque est considérable, même si vous le niez quand on l'évoque.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous verrons. Le Conseil constitutionnel est là pour ça !

M. Jean-Luc Préel.

Il s'agit non pas du Conseil constitutionnel, mais de Bruxelles, madame la ministre !

M. le président.

Vous n'avez plus qu'une minute, monsieur le député.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Conseil constitutionnel doit juger de l'adéquation de la loi !

M. Bernard Accoyer.

L'intervention de Bruxelles vient en plus de celle du Conseil constitutionnel !

M. Jean-Luc Préel.

Le respect des règles de concurrence est assuré par Bruxelles en application des articles 86 et 87 du traité de Rome.

Lorsque j'ai défendu ce procédé simple qui renforce la responsabilisation puisqu'il permet à chaque citoyen de f inancer son assurance complémentaire, vous avez répondu que vous n'y étiez pas favorable mais sans vous expliquer et lorsque nous avons tenté de savoir pourquoi vous y étiez opposée, vous avez simplement indiqué que tel n'était pas votre choix. Cette réponse est un peu simple et, me semble-t-il, regrettable.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous m'avez mal écoutée !

M. Bernard Accoyer.

Que non !

M. Jean-Luc Préel.

Le Sénat a repris une formule proche dont j'approuve le principe. Je regrette que vous la remettiez en cause.

Par ailleurs, votre projet comporte de nombreuses imprécisions, notamment sur l'accès des étudiants, sur l'avenir de leur régime, sur la définition du panier de soins, sur la prise en charge des prothèses et sur la double tarification, qui sera donc inéluctable. Le mode de financement que vous proposez revient en effet à faire supporter un surcoût aux adhérents des mutuelles puisque, en principe, elles ne réalisent pas de bénéfices. En conséquence, les adhérents des mutuelles et des assurances complémentaires financeront le volet relatif à l'assurance complémentaire que vous nous proposez.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Le troisième volet de votre projet est un fourre-tout. Il a tous les défauts d'un DMOS. Il est même pire puisque vous avez refusé des amendements sous prétexte qu'ils n'entraient pas dans le cadre, non défini par ailleurs, de ce pseudo-DMOS. Certains articles sont intéressants, d'autres critiquables. La diversité est telle qu'il n'est pas possible d'en parler dans cette discussion générale. Nous y reviendrons donc à l'occasion de l'examen des articles.

Si nous approuvons le principe d'une couverture de base étendue à ceux qui n'en bénéficient pas aujourd'hui, nous désapprouvons les modalités retenues pour le volet relatif à la couverture complémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie franç aise-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Marcel Rogemont, pour dix minutes.

M. Marcel Rogemont.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l'examen en première lecture du projet concernant la couverture maladie universelle, nous avions décidé, en tant que socialistes, de ne pas insister sur le titre IV afin que notre propos serve bien l'objectif principal de ce texte.

M. Bernard Accoyer.

Pourquoi y a-t-il toujours le titre IV ?

M. Marcel Rogemont.

Parce que nous procédons à une deuxième lecture, monsieur Accoyer, je vais revenir sur certaines des dispositions de ce titre IV.

Auparavant, je ne peux pas ne pas rappeler les propos tenus par notre rapporteur, tant en première lecture qu'en commission, pour souhaiter qu'un DMOS traite le nombre élevé de questions pendantes. A cet égard, je rappelle au Gouvernement combien il a été difficile aux parlementaires de s'en tenir à des questions qui ne s'écartaient pas de l'esprit de la couverture maladie universelle.

A y regarder de près, la difficulté ne fut d'ailleurs pas l'apanage de la seule représentation parlementaire puisque vous fûtes aussi prompte, vous-même, à suggérer des amendements qui frisaient incidemment les frontières, parfois extérieures, de l'épure qui fut, tant bien que mal, la nôtre, sous la délicate fermeté de notre rapporteur.

Au gré de nos discussions, nous sommes passés de six à environ trente-six articles, soit six fois plus. Pourtant, nous sommes restés dans notre épure. Vous y verrez cependant un argument de plus pour nous demander un texte portant DMOS dans les délais les plus proches possibles.

Quels sont les articles sur lesquels nous pourrions faire quelques commentaires en prémices du débat parlementaire qui va s'ouvrir ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

Nous nous félicitons de l'article 32. Il dresse un bilan très favorable des consultations de dépistage anonyme et gratuit du VIH au point d'étendre son champ d'application aux autres maladies transmissibles. N'oublions pas que, selon les estimations actuelles, l'hépatite C toucherait en France environ 600 000 de nos concitoyens.

Je souligne l'apport important qui est le nôtre en matière d'organisation des soins.

Une longue série d'amendements visent à rendre plus fluide, plus mobile, plus souple l'organisation de notre appareil de soins.

La collaboration entre hôpitaux publics, entre hôpitaux publics et privés et entre le secteur de la santé et le secteur sanitaire et social est appelée de nos voeux. Il convenait de multiplier les outils nécessaires à la mise en oeuvre d'une politique de santé publique en permettant de tisser de nouveaux rapports au sein de l'offre de soins, de nourrir les relations entre les différents établissements, tout cela pour mieux répondre aux besoins de soins de nos concitoyens. N'oublions pas, en effet, que l'offre de soins doit d'abord répondre c'est sa vocation à l'exigence de qualité, réclamée par chacun de nous.

De même, nous avons voulu tirer les conclusions de nombreuses questions qui se posent aux personnes qui concourent à l'offre de soins.

Ainsi, nous considérons comme une bonne décision celle qui vise à la reconnaissance du statut des infirmiers psychiatriques. C'était une question lancinante, non résolue depuis 1992 et que des arrêtés successifs, retoqués par le Conseil d'Etat, avaient laissée en jachère.

M. Bernard Accoyer.

Il y a le DMOS pour cela !

M. Marcel Rogemont.

Bonne décision aussi que celle qui prend en compte l'activité hospitalière des étudiants en chirurgie dentaire. La mesure était attendue par les étudiants, au point d'avoir, fort légitimement, conduit à une action de leur part.

M. Bernard Accoyer.

DMOS !

M. Marcel Rogemont.

Bonne décision encore que celle qui propose la reconnaissance de l'apport de 4 000 aides opératoires à l'hospitalisation.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Cet amendement a d'ailleurs été adopté par l'ensemble de la commission, y compris par notre ami et collègue Bernard Accoyer, qui, pour une fois, ne fait pas de remarque ! Cependant nous serons favorables à la vérification des compétences des personnes ainsi qu'aux amendements présentés par nos amis communistes visant à promouvoir un plan de formation, et même ce qui est encore mieux à favoriser le réemploi de ceux qui ne pourront plus exercer ce métier.

Je veux maintenant mettre l'accent sur les médecins à diplômes extra-européens.

Pouvait-on plus longtemps ignorer - pis même, faire semblant d'ignorer - les nombreuses questions posées par le statut, voire l'absence de statut, de ces personnes ? Madame la ministre, les personnes touchées ainsi que nous-mêmes vous sommes déjà redevables d'avoir largement posé la question en 1998 et 1999 et d'avoir délivré un quota élevé d'autorisations exceptionnelles d'exercice de la médecine. Ces dispositions étaient attendues et les personnes concernées et nous-mêmes vous en remercions.

Vous nous avez, par là même, encouragés à ouvrir le dossier. Nous l'avons fait, avec, qui plus est, votre aimable et compétente collaboration.

De ce travail aujourd'hui abouti, nous pouvons dire qu'une période d'imprécisions se termine pour laisser place à un système de régulation opposable.

Il restait à prendre en compte les situations particulières qui peuvent difficilement, avec le temps, recevoir de bonnes solutions. C'est pourquoi, avec mes collègues, et notamment avec Mme Yvette Benayoun-Nakache, nous proposons la mise en place d'une commission de recours.

M. Bernard Accoyer.

On pouvait faire la même chose avec les CROSS !

M. Marcel Rogemont.

Elle essaiera de traiter humainement ce qui aujourd'hui encore n'est que pudiquement rejeté dans les dédales de nos couloirs et de nos hôpitaux, voire de vos propos, monsieur Accoyer.

Je veux, à cet instant, souligner que la situation ne serait pas celle que nous connaissons aujoud'hui si l'hôpital public offrait une rémunération attrayante aux médecins, j'entends les praticiens hospitaliers.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Le relèvement de leur grille indiciaire aurait été le plus sûr moyen de ne pas laisser se perpétuer et se développer une situation indigne de notre République.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Marcel Rogemont.

Pour en revenir au sujet, sachons que, entre autres, les médecins à diplômes extraeuropéens assurent plus de 50 % des gardes dans nos hôpitaux. Bref, nous avons, des années durant, entretenu des cohortes de médecins sans reconnaissance. Le titre IV prévoit de clore cette situation. Tant mieux ! Il restera, madame la ministre, à poser la question de la différence de traitement entre les praticiens hospitaliers et les praticiens adjoints contractuels : lorsqu'un PH peut t erminer sa carrière avec une rémunération de 5 24 000 francs, un PAC termine la sienne à 248 000 francs.

J'aimerais, sur ce sujet, vous entendre et connaître vos propositions. A cet effet, nous déposerons des amendements d'incitation à la réflexion.

Je n'aborde pas la question des relations entre informatique et santé. Elles ont été déjà largement développé es par le rapporteur en première lecture.

Pour conclure, qu'il me soit permis de rappeler que, fréquentant, comme je le disais plus haut, les limites extérieures de l'épure - mais après tout, madame la ministre, existe-t-il des limites pour vous ? -, vous avez proposé, de façon pertinente, de restructurer la sécurité sociale des cultes.

M. Bernard Accoyer.

Il passe la brosse à reluire !

M. Marcel Rogemont.

La création d'une caisse d'assurance vieillesse-invalidité-maladie des cultes répond, nous le savons, à un besoin ancien.

Vous nous proposez cet amendement après l'avoir proposé au Sénat. Sachez que nous serons très attentifs à ce que votre objectif reçoive une réponse favorable de la part de notre assemblée.

C'est sur ces considérations que je terminerai mon propos, en mettant en avant le travail fructueux déjà entrepris et qui doit pouvoir se poursuivre en toute quiétude, de façon que les dispositions attendues par de nombreuses personnes puissent être prises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ainsi que nous l'avons souligné depuis le début de la discussion du projet de loi créant la couverture maladie universelle, il existe un véritable problème de prise en charge des personnes en grande précarité, qui ne sont pas couvertes par l'assurance maladie. Personne ne le nie, et l'UDF d'autant moins qu'en son temps, Jacques Barrot, alors ministre des affaires sociales, préparait un ambitieux projet de loi sur l'assurance maladie universelle, visant précisément à répondre au problème de la généralisation de la couverture à l'ensemble de la population.

Certains ici même ont parlé de droit à la santé. L'idée n'est pas juste, comme ne le serait pas l'idée de droit au bonheur. L'un comme l'autre ne sont pas des droits mais des aptitudes dépendant de contextes et de situations trop variables pour être généralisées.

Ce qui est un droit, c'est l'accès aux soins et c'est ce droit-là que nous devons défendre. Il est inadmissible qu'en France, en cette fin de siècle, avec le niveau du PIB et de la croissance de notre pays et le rang qu'il occupe au sein des puissances mondiales, plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens renoncent à se soigner parce qu'ils ne peuvent assumer financièrement les soins qui leur sont indispensables.

Faisant fi de la concertation qui avait prévalu pour la préparation du projet du gouvernement Juppé et aux propositions constructives de l'opposition en première lecture et du Sénat, vous avez pensé mettre en place un système dont le titre, certes, est ambitieux mais dont l'économie dégage des solutions qui ne sont pas bonnes. Votre projet est critiquable pour cinq raisons fondamentales.

Ce texte de loi comporte une architecture trop centralisatrice et extrêmement administrative.

Il s'attaque aux fondements de la sécurité sociale.

Il instaure l'assistanat pur et simple et non pas la responsabilisation.

Loin de mettre fin aux inégalités entre citoyens, le projet les accroît, notamment par les effets de seuil.

Enfin, pressée de laisser une trace dans l'histoire de la protection sociale, vous avez, madame la ministre, élaboré un projet dont vous ne cernez pas le coût.

J'aimerais revenir maintenant en détail sur les faiblesses de ce texte qui fondent nos critiques.

Les six millions de personnes auxquelles vous voulez proposer une couverture de base et une couverture c omplémentaire sont écartées du régime de droit commun et sont, du fait qu'elles bénéficient d'un système spécial, mises à part. Il s'agit en effet d'un régime de protection sociale « bis », qui comprend la gratuité totale des soins sous forme d'un panier de soins médicaux déterminé par l'Etat, des tarifs applicables en fonction des revenus du patient, le remboursement à 100 % du ticket modérateur et du forfait journalier.

Il comprend en outre le choix des organismes gérants, alors que ce choix n'existe pas pour l'assuré classique ; et, enfin, le passage direct et automatique de la protection complémentaire de droit commun, payante, à la protection complémentaire gratuite de la CMU.

Ce dispositif n'est pas mineur puisque 10 % de la population sont concernés.

Comment justifiez-vous que l'universalité à laquelle vous prétendez puisse rimer avec une certaine forme de relégation ? Vous placez à part ces personnes fragiles au lieu de les intégrer dans le système de droit commun. De quel droit faites-vous un amalgame entre toutes ces personnes qui connaissent pourtant des situations extrêmement différentes dans leur vie familiale et professionnelle, même si le niveau de revenu, ramené au nombre de membres du foyer, semble le même ? Votre système, très centralisé, ne permettra pas de traiter au cas par cas des situations humaines et particulières.

Il ne permettra pas de différencier ces situations comme cela était le cas au sein des conseils généraux, plus proches des citoyens, des réalités et des problèmes. Ce système ne sera qu'égalitaire, et non équitable.

M. Bernard Accoyer.

Très bien !

M. Jean-Pierre Foucher.

C'est l'Etat et lui seul qui gérera la CMU, écartant de toute innovation et de toute responsabilité les départements et les associations actives.

M. Bernard Accoyer.

Quel gaspillage !

M. Jean-Pierre Foucher.

La lutte contre l'exclusion passe pourtant, nous le savons tous, par la proximité et la réalité locale, par des politiques ciblées sur le terrain, avec tous les acteurs présents sur le territoire.

A l'instar de nos collègues sénateurs, je crains fort que cette mise à l'écart par la modification du système actuel de la couverture complémentaire ne conduise à terme à remettre en question le monopole de l'assurance de base.

C'est là s'attaquer, de manière camouflée et sournoise, aux principes fondateurs de la sécurité sociale. Par ailleurs, instaurer une assurance maladie « sous conditions de ressources » met gravement en péril le principe d'universalité qui garantit des remboursements identiques pour tous, quelle que soit la personne, quel que soit le lieu de résidence, quels que soient les revenus. Ce principe reposait jusqu'à maintenant sur la logique d'indemnisation du risque. D'un critère médical basé sur l'importance du risque, vous faites un critère social. La CMU serait alors un moyen de redistribution des revenus. Ce n'est pas le rôle d'une couverture de santé.

Comme beaucoup de vos projets, celui-ci développe de manière élargie un assistanat qui ne peut que faire régresser les citoyens auxquels il s'adresse. Nous, ce que nous avons toujours proposé - je l'ai moi-même rappelé lors de chaque discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale -, c'est au contraire la responsabilisation de tous : patients, assurés, acteurs de santé. Cette responsabilisation, seul gage d'efficacité, de réussite et de maîtrise bien comprise des politiques publiques vise, ne l'oublions pas, à l'épanouissement de nos concitoyens.

Permettre à ceux-ci d'aiguiser le sens de la responsabilité aboutit à ce mieux-être social qui conforte une société.

Ne comprenez-vous pas qu'à développer sans cesse une logique d'assistanat, vous ne faites qu'enfoncer dans la dépendance et l'exclusion des millions de personnes qui se sentent ensuite encore plus à part ? La critique vous a été faite maintes fois pour le RMI, système au sein duquel l'insertion ne compte plus guère. Ne recommencez pas avec la CMU ! Si les citoyens qui sont dans les


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situations les plus précaires ont des droits, il faut rappeler qu'ils ont aussi des devoirs et que recevoir des avantages de la société doit comporter une contrepartie : la participation. C'est pourquoi le groupe UDF a déjà largement proposé une couverture maladie basée sur la capacité contributive en tenant compte des effets de seuil.

Ne vaudrait-il pas mieux, en allégeant le coût de la cotisation maladie pour les revenus les plus modestes, généraliser l'accès à une assurance maladie complémentaire ? Ne vous paraît-il pas plus juste de considérer qu'avec 3 500 ou 3 520 francs, on n'est pas « riche » et que, même en doublant ce plafond, la situation familiale peut ramener les ressources à une somme d'une extrême modestie ne permettant pas l'accès aux soins et à une couverture complémentaire ? Le risque de la déresponsabilisation a été soulevé à maintes reprises tant devant notre assemblée qu'au Sénat, y compris dans les rangs de la majorité. Il semblait que l'idée d'une contribution, même très modeste, était acceptée par tous et, notamment, je le souligne, par le rapporteur M. Boulard, qui rappelait dans son propos que

« l'effort contributif, même limité, est une valeur du monde mutualiste qu'il convient de prendre en compte.

Contribuer, même faiblement, est une composante de l'insertion ».

Les raisons techniques avancées par le Gouvernement pour refuser une contribution modeste ne tiennent pas si l'on admet la création d'une allocation personnalisée à la santé comme l'a proposé le Sénat.

Ne pensez-vous pas voir apparaître chez certains la tentation de ne pas déclarer des revenus soumis à cotisation afin de rester en dessous du plafond et de bénéficier ainsi de la CMU gratuite ? Sans douter de l'honnêteté de beaucoup, il est patent que des tricheries auront lieu, d'autant plus qu'en ne jouant pas avec les seuils vous placez en situation très difficile les assurés situés juste audessus du plafond. Ils auront, eux, le plus grand mal à verser des cotisations complémentaires alors que leurs voisins accéderont gratuitement à l'ensemble des couvertures.

Il s'agit là d'un réel problème et d'un danger potentiel pour la cohésion de notre société souvent fragile en raison des inégalités criantes entre les uns et les autres.

En plus de l'assistanat, c'est donc l'inégalité que vous instaurez. Je devrais plutôt dire des inégalités puisqu'elles sont nombreuses. J'ai déjà cité l'effet de seuil mais je veux y revenir : on ne peut considérer comme favorisées les personnes qui se situent juste au-dessus du seuil. Du moins ne le sont-elles pas plus que celles situées juste en dessous. Percevoir 10 ou 100 francs par mois en plus ne change pas la vie, et j'aurais pensé que chacun le comprendrait. Pourtant, ces personnes paieront des cotisations mutualistes ou des primes d'assurance pour couvrir, souvent de mauvaise manière, leurs dépenses de santé. Par contre, avec 10 ou 100 francs de moins par mois, elles seraient prises en charge gratuitement.

ll est certain par ailleurs que des inégalités se produiront, comme je l'ai déjà dit, entre organimes de protection sociale complémentaire et les caisses primaires d'asu-r ance maladie. Seuls les bénéficiaires de la CMU, contrairement aux assurés classiques, auront le choix des'adresser pour leur protection complémentaire aux CPAM ou aux divers organismes assurant cette protection sociale complémentaire. Or le projet de loi n'a pas organisé des conditions de concurrence égalitaires entre ces deux possibilités. Par ailleurs, je ferai remarquer que les bénéficiaires de la CMU, déjà en général un peu « perdus » dans les rouages administratifs, préféreront, par seul souci de simplicité, ne dépendre que d'un seul organisme pour la protection de base et pour la protection complémentaire. Ils choisiront donc la CPAM. De plus, tous les organismes ne pourront pas offrir le même ensemble de produits. L'inégalité est donc flagrante.

Une autre inégalité grave réside dans le fait que les régimes d'asssurance maladie seront remboursés sur le fonds CMU au franc le franc alors que les organismes de protection complémentaire recevront un forfait annuel de 1 500 francs par asssuré CMU. Comment pouvez-vous justifier une telle différence tout en affirmant qu'il y a égalité ? Je souligne que seuls les organismes de protection complémentaire contribueront à raison de 1,75 % de leur chiffre d'affaires pour abonder le fonds réservé à la CMU.

Enfin, des inégalités existeront également entre leso rganismes de protection complémentaire. Certains d'entre eux ont pu déterminer, par des études précises, que le pourcentage moyen des bénéficiaires potentiel de la CMU parmi leurs adhérents était de 10 %, d'autres l'estiment même à 20 % ou 30 %. Pour justifier leur existence, ces organismes n'auront pas d'autre choix que de conserver cette clientèle CMU. Vous savez que la couverture complémentaire d'un artisan ou d'un commerçant à la CANAM coûte plus cher que celle d'un salarié assuré à la CNAMTS. Or certains organismes ont une clientèle composée en majorité d'artisans et de commerçants.

Comment assureront-ils leur équilibre financier avec un gros pourcentage d'adhérents CMU ? Ils subiront des charges nouvelles, le manque à gagner du forfait à 1 500 francs s'ajoutant à leur contribution de 1,75 %.

Votre objectif est-il de mettre en péril l'existence de ces organismes ? Enfin le coût de ce dispositif me semble très mal cerné et, dès le début de la discussion en première lecture devant notre assemblée, nous avons été nombreux à dénoncer votre approche financière très approximative.

Vous avez effectué un calcul simple en rapprochant le nombre des bénéficiaires potentiels du coût évalué par personne et avancé les chiffres de 600 millions de francs pour la couverture gratuite de base et de 9 milliards de francs pour la couverture gratuite complémentaire. Sans me lancer dans la citation d'une kyrielle de chiffres, je souhaite faire remarquer que le financement de la couverture complémentaire repose sur des transferts financiers très complexes et, en définitive, pèsera lourdement sur l'assurance maladie déjà bien mal en point.

Je n'insisterai pas sur les déficits annoncés lors de la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale le 31 mai dernier, ni sur la situation d'équilibre tant annoncée et qui ne sera pas atteinte. Nous y reviendrons lors de prochains débats. Mais à ce stade, certains rappels doivent être faits.

De nombreux acteurs sont aujourd'hui concernés à divers niveaux par le financement de l'assurance personnelle : les départements, les caisses d'allocations familiales, les fonds de solidarité vieillesse, l'Etat, les assurés non pris en charge et les régimes d'assurance maladie pour le déficit structurel de l'assurance personnelle.

Par le jeu extrêmement complexe des flux et des réaffectations de recettes ou de déficits que vous voulez mettre en place, la charge de la CNAMTS s'aggravera très rapidement, et bien au-delà des évaluations que vous présentez. Le total des transferts prévus risque de lui faire supporter un déficit d'environ cinq milliards de francs, dont près d'un milliard au seul titre de la CMU.

A l'évidence, le coût de la CMU par bénéficiaire, fixé arbitrairement à 1 500 francs annuels, est sous-estimé. Le CREDES a estimé que le coût moyen par personne de la


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couverture complémentaire ordinaire se situait dans une fourchette de 1 775 francs à 1 915 francs ; encore faut-il tenir compte d'une sous-consommation d'environ 10 % et rappeler que l'estimation date déjà de plusieurs années et portait sur une population de moins de soixantecinq ans. Tout cela amène à réfléchir... M. le rapporteur Boulard a lui-même évoqué un coût moyen du ticket modérateur de 1 150 francs et un forfait hospitalier à 113 francs, sans compter la prise en charge des soins d entaires, des prothèses auditives et des prothèses optiques.

M. Bernard Accoyer.

Elles sont si mal remboursées !

M. Jean-Pierre Foucher.

Si aujourd'hui le coût unitaire a pparent par personne est de 2 200 francs pour 2 500 000 personnes couvertes, comment pourrait-il subitement tomber à 1 500 francs pour 6 millions de bénéficiaires dont l'état de santé est de surcroît généralement moins bon que celui des personnes couvertes ? Les conséquences financières du projet ne sont pas maîtrisées : l'instauration de la couverture complémentaire gratuite, l'exonération de cotisation et l'interdiction de suspendre les prestations en cas de non-paiement des cotisations ne pourront qu'avoir un effet négatif pour le système d'assurance sociale. On peut également craindre que les organismes, faute de pouvoir récupérer les cotisations, ne répercutent leurs pertes sur les adhérents payants, et donc que les primes n'augmentent ; de nombreux adhérents se verront dans l'obligation de mettre fin à leur adhésion devenue trop coûteuse.

Ainsi, les collectivités locales, et notamment les conseils généraux, seront amenés à répondre de plus en plus souvent aux demandes de recours à l'aide sociale, en particulier pour les personnes à revenus très moyens situés juste au-dessus du seuil. Les départements financeront largement la CMU par un prélèvement sur la dotation générale de décentralisation à hauteur du montant de l'aide médicale, sans compensation. Malgré l'application de la déduction forfaitaire de 5 %, ils subiront des conséquences financières non négligeables, que vous n'avez pas prévu de résoudre.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Jean-Pierre Foucher.

Toutes ces observations tendent à démontrer le flou de la préparation de ce projet et ses conséquences pratiques. Au défaut de vision s'ajoute un déficit d'évaluation. Alors que les parlementaires de l'opposition ont tenté d'examiner en profondeur votre projet et ses conséquences, qu'ils ont procédé à de multiples auditions pour cerner de manière précise l'économie d'un texte, dont je rappelle que nous ne refusons pas le principe,...

M. Marcel Rogemont.

Est-ce à dire que les parlementaires de la majorité n'ont rien fait ?

M. Jean-Pierre Foucher.

... la première lecture à l'Assemblée n'a cependant pas permis de faire avancer les choses. En effet, madame la ministre, vous avez refusé avec un systématisme regrettable toutes les propositions émanant de l'opposition et même celles que vous présentait votre majorité. Cette manière de considérer le travail parlementaire témoigne d'un mépris non seulement à l'égard de l'opposition, mais plus généralement à l'égard des députés et de leur capacité à comprendre un problème qu'ils gèrent pourtant au quotidien et avec beaucoup de détermination dans leurs circonscriptions. Aucun de nos arguments, qu'il s'agisse des effets de seuil pourtant évidents, du coût de la CMU, de la remise en cause du système de protection sociale, etc., n'aura trouvé de votre part une oreille attentive.

Mme Odette Grzegrzulka.

Oh si !

M. Jean-Pierre Foucher.

On peut même dire, et vous l'avez encore confirmé en annonçant par avance votre refus de toute modification, que votre oreille est restée totalement fermée.

C'est sans doute pour mieux faire comprendre votre attitude que vous avez déclaré l'urgence en pleine discussion de première lecture. Vous étiez certaine ainsi de limiter les possibilités de propositions et d'amendements, réduisant par là même le rôle du Parlement. S'il est effectivement toujours urgent d'assurer aux citoyens l'accès aux soins, ce texte ne nécessitait pas un examen en urgence, donc limité dans le temps. Vous privez ainsi la représentation nationale d'une possibilité de débat, pourtant tellement nécessaire s'agissant de questions de société et de solidarité.

Vous avez fait subir le même sort au titre IV que vous avez adjoint au projet CMU, sorte de DMOS que vous avez cependant refusé de considérer comme tel. Les amendements proposés sur cette seconde partie, et dont beaucoup avaient pour objet de régler des questions sociales pendantes, ont tous été également refusés, à quelques exceptions près. En exigeant un seul vote sur deux volets totalement autonomes, comme le prouve la nomination de deux rapporteurs, vous avez confirmé votre volonté de voir ce projet voté en l'état, tel que vous l'aviez pensé. Pourtant, l'ensemble des discussions, tant en commission qu'en séance, vous avaient démontré le nombre important de points à préciser ou à modifier.

Poursuivant et approfondissant l'effort de réflexion engagé par l'opposition en première lecture ici même, le Sénat a élaboré un système différent du vôtre pour répondre à la difficile question de l'accès de tous aux soins. Ces propositions constructives, concrètes et généreuses tendent à instituer une APS, allocation personnalisée à la santé, qui procéderait d'un montage identique à celui de l'aide personnalisée au logement. L'argument principal que vous avez développé pour refuser dans son ensemble cette création est que le Sénat voudrait faire payer les plus pauvres ! Je trouve un peu effrayant d'entendre de tels propos alors que le Sénat entendait organiser une APS dégressive, qui justement s'appliquerait à tous ceux dont les revenus sont faibles et responsabiliserait chacun en tenant compte de ses besoins et de ses possibilités. Il est vrai que cette allocation répondait à l'ensemble des critères que nous avions définis lors de nos interventions à l'Assemblée.

Ce nouveau système répondait à quatre objectifs principaux.

Premièrement, il cherchait à intégrer, en les solvabilisant, plus de six millions de personnes dans le système de protection sociale existant plutôt que de les exclure en élaborant un système à part. S'adressant à un nombre plus élevé de personnes, il avait pour but d'insérer dans les structures actuelles de la couverture maladie les personnes à faibles revenus pour l'instant exclues en raison du coût de l'accès aux soins.

Basé sur le même modèle que l'allocation d'aide personnalisée au logement, ce projet aurait permis aux assurés CMU de bénéficier des mêmes soins et des mêmes produits que les assurés classiques, et non de soins moins chers, comme risque de nous y conduire le dispositif que vous proposez. Financée comme la CMU par une taxe sur les organismes de protection sociale complémentaire et par une subvention d'équilibre de l'Etat, cette alloca-


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tion ne contraindrait pas les professionnels à pratiquer des tarifs spéciaux et ne coûterait pas plus cher, tout en couvrant davantage de personnes.

Deuxième objectif : responsabiliser les assurés CMU en effaçant les effets de seuil pervers. Le bénéficiaire de l'allocation, dont le montant était dégressif en fonction du revenu, aurait eu à charge d'adhérer à une mutuelle ou de souscrire un contrat d'assurance. Cela l'aurait responsabilisé. Par ailleurs, et c'est pour nous un point très important, les effets de seuils dénoncés auraient été supprimés puisque le caractère dégressif de l'allocation permettait d'éviter la trappe de pauvreté que crée votre propre système et la tentation de dissimuler des revenus pour bénéficier de la CMU.

Troisième objectif : mieux prendre en considération les difficultés spécifiques des plus démunis. Les bénéficiaires du RMI auraient été entièrement pris en charge pour la couverture complémentaire, la gestion étant assurée par les CPAM. En effet, les titulaires du RMI sont souvent perdus administrativement et cette procédure aurait permis de simplifier leur situation. Toutefois, afin de préserver l'esprit de responsabilisation, le choix leur était laissé entre un versement direct de l'allocation à la CPAM ou une perception directe avec reversement de leur part à la CPAM.

Enfin, et c'est pour nous un point très important qui rejoint parfaitement l'esprit de l'ancien projet de Jacques Barrot, ce système établissait un véritable partenariat.

Chacun des organismes concernés aurait assumé la mission qui lui revient : la couverture de base pour l'assurance maladie de base et la protection complémentaire pour les organismes de protection sociale complémentaire.

Afin de répondre aux protocoles d'accord signés entre la CNAMTS et les organismes divers, le projet sénatorial p révoyait que la CPAM assurerait l'instruction des demandes. Cette manière de procéder résolvait tous les problèmes d'inégalité entre organismes, que j'ai dénoncés tout à l'heure, d'autant que ceux-ci, pour une fois, auraient été eux aussi remboursés au franc le franc.

De surcroît, le caractère partenarial de l'allocation personnalisée à la santé se retrouvait dans la composition du conseil d'administration du fonds, dans lequel, outre l'Etat et les organismes de protection sociale, les associations qui oeuvrent en faveur des plus démunis auraient été représentées.

C'est donc en fait une philosophie totalement différente de la vôtre qui vous était proposée.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est sûr !

M. Jean-Pierre Foucher.

Différente, parce que conforme à l'esprit fondateur de la protection sociale à la française, et mais également responsabilisante. Ce projet recueillait l'approbation de l'UDF. Du reste, notre collègue Jacques Barrot n'avait-il pas proposé en première lecture une architecture semblable ? Je vous en rappelle les principaux points.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Non, ce n'est pas la peine !

M. Jean-Pierre Foucher.

Cela va être rapide, monsieur le président !

M. Jean Le Garrec, président de la comission.

On les connaît parfaitement.

M. Jean-Pierre Foucher.

Vous les connaissez, mais vous n'avez pas compris à quel point ils étaient importants ! D'abord, préciser et améliorer la définition du panier de soins essentiels, dont l'accès devrait être garanti à tous les résidents en situation régulière sur le territoire français. L'assurance maladie universelle serait alors fondée sur une prise en charge convenable des biens de santé, régulièrement actualisée et harmonisée, et qui constituerait un socle de départ.

Ensuite, proposer une « carte santé » délivrée par les caisses primaires d'assurance maladie et assurant une couverture adaptée aux besoins réels des populations les moins favorisées. Les CPAM auraient assuré l'effectivité des prises en charge par l'établissement de relations partenariales avec le monde associatif et avec les départements, qui sont, pour l'instant, des acteurs essentiels de la lutte contre l'exclusion.

Enfin, généraliser progressivement l'assurance complémentaire, ce qui mènerait à une véritable égalité de tous les Français face à l'accès aux soins. Une aide proportionnelle aux revenus était proposée pour les personnes à revenus modestes, qui tendent à renoncer à l'assurance complémentaire pour des raisons économiques. C'est ce que notre collègue Barrot appelait « l'accompagnement personnalisé des ménages » et qui constitue l'allocation personnalisée à la santé développée par le Sénat.

Vous comprendrez combien nous regrettons, madame la ministre, que vous ayez balayé d'un revers de la main toutes ces propositions constructives. En présentant des projets non moins généreux mais plus sensés, plus responsables et mieux adaptés aux besoins des plus démunis auxquels ils ont destinés, l'architecture dessinée par l'UDF en première lecture comme la proposition du Sénat apportaient des réponses aux nombreuses interrogations que suscite le souhait légitime d'accorder l'accès de tous aux soins les meilleurs.

Je crois profondément que la solution n'est pas celle que vous avancez et que vous n'avez pas consacré assez de temps à l'étude des propositions qui vous étaient faites pour régler le problème autrement. Vous auriez dû vous laisser guider par davantage de pragmatisme et d'écoute plutôt que de verser dans l'idélologie pour résoudre un problème réel et lancinant.

Le changement de cap que vous proposez d'opérer à la sécurité sociale est radical et les risques qu'il comporte pour notre système sont eux aussi porteurs de lourdes conséquences pour l'architecture de la solidarité dans notre pays.

Un travail beaucoup plus approfondi, beaucoup plus attentif aux propositions, assorti de procédures d'évaluation, aurait contribué à aboutir à un texte plus maîtrisé et mieux cerné, porteur de moins d'incertitudes. Il n'est pas trop tard pour bien faire.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF estime nécessaire que la commission des affaires culturelles procède à un nouvel examen de ce projet. C'est pourquoi nous vous demandons de voter le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, la commission souhaiterait une suspension de séance de cinq minutes.

M. Bernard Accoyer.

Avant le vote ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

M. le président.

La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-cinq, est reprise le mercredi 16 juin, à zéro heure.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry.

Quelques réponses brèves, car nous avons beaucoup parlé de tous ces points dès la première lecture.

Je remarque une fois de plus que tout le monde est favorable aux principes, et je me réjouis de cette belle unanimité, mais je crains que cela ne suffise pas pour ceux qui veulent se faire soigner et qui attendent d'abord que nous mettions en place un système fiable leur donnant un réel accès aux soins.

Madame Bachelot-Narquin, je pense n'avoir jamais dit qu'il ne se passait rien dans les départements avant que nous mettions en place cette CMU. Nous savons bien, et je l'ai d'ailleurs salué dès la première lecture à l'Assemblée, qu'un certain nombre de départements ont fait de très gros efforts, au-delà même de la loi, mais c'est l'inégalité sur le territoire qui nous a amenés, en accord avec l'association des présidents de conseils généraux, à monter ce dispositif. Je remarque, par ailleurs, que seuls sept départements sont aujourd'hui au-dessus de la loi, et encore pas totalement.

Il est vrai, madame Grzegrzulka, que le travail réalisé en première lecture par l'Assemblée nationale a permis de répondre à de nombreuses questions, et je considère, monsieur Foucher, que le travail du Sénat n'est pas sérieux.

Comment peut-on soutenir un projet qui n'est pas chiffré, qui ne nous donne aucun barème ? M. Accoyer disait tout à l'heure que nous n'avions qu'à lire les documents. Le rapporteur du Sénat lui-même a déclaré qu'ils n'avaient pas eu le temps de fixer un barème ou de calculer un coût mais que cela ne coûterait pas plus cher que notre projet. Ce n'est pas sérieux ! Des millions de personnes attendent de savoir à quoi ils auront droit. On ne vote pas un texte dont on ne sait même pas à qui il va s'appliquer, quelles contributions on va demander, avec quel barème et pour quel coût. Notre projet est peut-être mal travaillé, comme vous l'avez dit, peu compétent, comme vous l'avez dit, mais, nous, en tout cas, nous proposons un projet avec un barème et un coût, je vais y revenir dans quelques instants.

Monsieur Goulard, vous trouvez ce dispositif tout à fait étonnant, non rationnel et vous nous reprochez de fixer un seuil. C'est peut-être étonnant, mais c'est ce qui existe aujourd'hui dans tous les départements et c'est ce qui existe dans la loi. Il n'y a donc aucune novation. Sur le principe, rien ne change.

Il s'agit, dites-vous, d'une nouvelle inégalité, d'une inégalité inacceptable. Ce qui est inacceptable, aujourd'hui, en tout cas pour moi, c'est qu'on renonce à se faire soigner faute d'argent, et l'inégalité existe déjà. Nous avons un seuil qui est le RMI. En dessous, on est soigné gratuitement. Au-dessus, on paye une cotisation.

Enfin, et je voudrais répondre là à l'ensemble des membres de l'opposition quasiment puisque M. Foucher vient de revenir encore sur cette question des assurances complémentaires, ou bien nous nous sommes mal expliqué, ou bien la loi n'a pas été lue.

M. Yves Bur.

Si !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce que j'ai entendu est tellement énorme que je suis bien obligée d'examiner toutes les hypothèses.

Vous le savez d'ailleurs très bien, en tout cas je l'espère, il n'y a aucun changement de frontières entre la sécurité sociale et les complémentaires. Ce que l'on va demander aux caisses primaires d'assurance maladie de faire, c'est ce qu'elles font aujourd'hui pour les 2, 5 millions de personnes qui touchent l'aide médicale gratuite des départements, c'est-à-dire de faire des opérations techniques, de liquide, au nom des départements aujourd'hui, au nom de l'Etat demain, ce qui, aujourd'hui, constitue l'aide médicale gratuite, et, demain, les aides apportées aux bénéficiaires de la couverture de la maladie universelle. Il n'est en aucun cas question dans ce projet de faire faire de la complémentaire à la sécurité sociale.

J'ai entendu dire que les principes de de Gaulle, la sécurité sociale, étaient remis en cause. C'est pour vous dire qu'on n'échappe à rien ce soir ! Eh bien non, nous gardons les principes de de Gaulle et de la sécurité sociale de base.

Mme Odette Grzegrzulka.

De Gaulle doit se retourner dans sa tombe, le pauvre, avec ce qui lui arrive en ce moment !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Peutêtre ! Je ne suis pas sûre, au demeurant, qu'il soit à l'initiative de ce projet. Parlons au moins de Laroque, qui est le père de la sécurité sociale.

M. Bernard Accoyer.

Ne critiquez pas de Gaulle !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne le critique pas et cela ça ne me gêne absolument pas d'en parler. Je pense pense que, s'il était là aujourd'hui, il voterait certainement ce projet, mais enfin (Sourires)...

Je sais bien qu'aujourd'hui peu de gaullistes se retrouvent dans les valeurs du gaullisme !

M. Denis Jacquat.

C'était un Lillois ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est peut-être la raison pour laquelle nous avons quelques points communs ! En tout cas, je pense qu'il lisait les textes, lui. (Sourires sur divers bancs.)

M. Bernard Accoyer.

Restez gentille !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je reste très gentille ! Je parle avec le sourire, vous le voyez bien, comme vous l'avez d'ailleurs fait aujourd'hui. C'est tellement rare que je préfère le souligner. (Sourires sur divers bancs.)

Nous ne proposons pas non plus que les complémentaires fassent de la sécurité sociale de base. Je le redis donc clairement, il n'y a aucun changement de frontière, et c'est bien parce que le protocole entre la sécurité sociale et les mutuelles pouvait prévoir des changements de nature à nous inquiéter que je me suis déclarée opposée, et le groupe communiste l'a souligné encore tout à l'heure, à ce protocole signé entre eux, qui n'a aucune valeur juridique et ne met pas en cause notre projet.

Monsieur Foucher, ce projet ne coûtera rien à la sécurité sociale puisqu'elle sera remboursée au franc le franc pour ce qui dépendra d'elle et non pas, comme les complémentaires, à hauteur de 1 500 francs. Cela ne risque donc pas de mettre en péril notre système de sécurité sociale.

J'en viens à l'estimation du coût. M. Jacquat et Mme Bachelot-Narquin se sont interrogés sur le montant de 1 500 francs. Je comprends qu'on puisse s'interroger,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

d'autant plus que ceux qui ont été les premiers à établir ce chiffre sont aujourd'hui ceux qui le contestent. Les discours sont effectivement assez différents dans mon bureau, dans celui de M. Boulard et devant les commissions, et j'ai pu moi-même le vérifier. Je ne critique donc pas du tout ceux qui se posent des questions en la matière.

J ean-Claude Boulard est arrivé à ce chiffre, en moyenne, après avoir consulté les différentes mutuelles et les sociétés d'assurances, pour la couverture complémentaire, c'est-à-dire ce qui reste à la charge de l'assuré puisque la sécurité sociale assure 75 % des remboursements, et cela correspond au constat fait dans les départements qui ont mis en place une carte d'assurance-santé gratuite depuis un certain nombre de mois. J'ai pu d'ailleurs le vérifier au Sénat pour deux départements qui ont un tel système depuis longtemps.

Si, dans les premiers mois de la mise en place de la CMU, il y a une augmentation des dépenses, et c'est bien l'objectif que nous recherchons, une remise à niveau pour les bénéficiaires, le système se tassera très vite et la consommation de cette population sera inférieure à la moyenne nationale, pour deux raisons : les personnes les plus pauvres se soignent moins bien, y compris lorsqu'elles sont prises en charge à 100 %, et cette population est plus jeune que la moyenne nationale.

Cela dit, 1 500 francs, c'est bien la moyenne nationale, et nous avons toute raison de penser que nous avons gardé une marge de manoeuvre pour l'assuré.

Peut-être nous trompons-nous, personne ne peut savoir ce qui va se passer, mais nous avons réalisé en tout cas un travail très sérieux et nous avons vraiment le sentiment de donner un chiffre réel. Pourquoi mettrais-je en place un système de couverture maladie universelle sans en prévoir les financements ? Ce serait tout de même aberrant ! On a formulé également des critiques sur le seuil. Je ne reviens pas sur l'effet de seuil, sur le fait qu'il touchait hier plus de 4 millions de personnes au-dessus du seuil du RMI et qu'il y en aura beaucoup moins demain puisque nous touchons 6 millions de personnes et qu'il reste environ 2 milliards de francs aussi bien dans les fonds d'actions sociale des caisses que dans les CCAS qui pourront en couvrir d'autres, à titre personnel, en regardant leur situation globale.

M. Pontier, M. Aschieri et Mme Jacquaint m'ont demandé pourquoi nous n'avions pas fixé le seuil à 3 800 francs.

M. Denis Jacquat.

Moi aussi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet.

Nous allons toucher 6 millions de personnes et il restera sur le terrain des sommes disponibles qui étaient utilisées pour l'aide médicale gratuite et qui pourront couvrir d'autres personnes en situation délicate. Je vous l'ai déja dit, le passage du seuil de 3 500 à 3 800 francs aurait coûté environ 2,5 milliards complémentaires, alors que nous ne sommes pas convaincus que toutes les personnes concernées ont absolument besoin d'être prises en charge à 100 %. Prenez une personne âgée propriétaire de son logement qui vit à la campagne et une autre qui a un loyer à payer en ville, sans bénéficier d'un environnement familial. Il y en a sans doute une qui mérite d'être prise en charge par la caisse d'action sociale de sa caisse d'assurance vieillesse et l'autre qui peut payer.

M. Yves Bur.

Ah ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ce qui se fait aujourd'hui, sauf qu'on prend en compte 4 ou 5 millions de personnes au-dessus du seuil et que, demain, il y en aura beaucoup moins, les sommes correspondantes restant aux caisses d'allocations sociales.

Si nous avions pu disposer facilement de ces 2,5 milliards, nous aurions peut-être pris cette décision, mais tel n'était pas le cas. Je crois raisonnable - mais, encore une fois, quand on parle de seuil, personne n'a la vérité - de fixer ce seuil aujourd'hui à 3 500 francs, même si, bien sûr, je comprends les questions que vous avez posées.

Je ne reviens pas longuement sur la contribution, et je remercie Denis Jacquat de dire très simplement ce qu'il pense, comme j'ai essayé de le faire devant vous. Nous avons eu un débat long et une réflexion importante, notamment avec M. le rapporteur. C'est vrai, si nous avions pu monter un système avec une contribution financée - ce qui n'est pas le cas du système du Sénat, dont nous ne connaissons d'ailleurs pas les contributions qui ne prive pas les gens de ce droit à l'accès aux soins, je pense que nous l'aurions fait. Nous savons que si la contribution est trop élevée, les gens renonceront à se faire soigner. J'ai pensé, comme d'ailleurs la majorité de la commission des affaires sociales, que nous n'arriverions pas à remplir l'ensemble de ces conditions en fixant une contribution. C'est la raison pour laquelle nous y avons renoncé, après y avoir sérieusement travaillé.

Nous devons absolument aller vers les bénéficiaires, et je rejoins totalement M. Jacquat sur ce point. Ce qui nous a guidés, Jean-Claude Boulard avait beaucoup insisté à ce sujet dans son rapport, c'est la simplicité de la C MU. Nous savons que plus un mécanisme est complexe, moins ceux qui pourraient en bénéficier ont accès aux droits. La CMU sera donc extrêmement simple.

Nous demanderons essentiellement aux personnes de donner le montant de leurs revenus et de choisir entre la caisse primaire, une mutuelle, une société d'assurances ou une institution de prévoyance.

Encore faut-il les toucher, vous avez raison de souligner ce problème. Dès lundi prochain, je réunis le Conseil national de lutte contre l'exclusion et, avant même le vote de la loi, nous allons commencer à travailler avec les associations. Il y a aussi les CCAS, les bureaux des conseils généraux, les CLI notamment, qui reçoivent les RMIstes. Nous souhaitons que l'ensemble des institutions et des associations en contact avec les exclus puissent travailler avec nous pour que, dès le vote de la loi, nous soyons capables d'informer, de sensibiliser tous ceux qui auront droit à la couverture maladie universelle. C'est un vrai challenge ! M. Bur a dit à cet égard que notre projet n'était pas parfait. Ce qui n'est pas parfait, monsieur Bur, c'est notre société.

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est le fait qu'il y a aujourd'hui des gens qui crèvent parce qu'ils n'ont pas d'argent. Moi, mon souci, c'est de faire en sorte qu'ils soient soignés et que nous soyons capables d'aller vers eux pour qu'ils connaissent leurs droits et qu'ils puissent en bénéficier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Sur le PMSI, enfin, j'ai entendu des propos qui me poussent à réagir, et à expliquer les choses très simplement.


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C'est moi-même qui ai été amené, avec Bernard Kouchner, à fournir ces données à ceux qui nous les demandaient, et notamment aux journaux, en 1997.

J'avais auparavant saisi la CADA, la commission d'accès aux documents administratifs, qui avait alors considéré qu'il s'agissait de décisions administratives pouvant, et même devant, être délivrées à tous ceux qui le souhaitaient. Que l'on ne vienne donc pas nous reprocher d'avoir voulu cacher des données susceptibles d'être utiles aux malades, d'autant que nous avons mis en place dès cette année dans chacune de nos régions, pour deux grands risques, le cancer et la grossesse à risques, des réseaux permettant à chaque malade d'avoir dorénavant accès au service pertinent en fonction de la gravité et de l'avancée de sa maladie, afin que ce ne soit plus le carnet d'adresses qui permette d'avoir accès au professeur le plus pointu ou au plateau technique le meilleur dans une région.

Notre souci est bien que chaque Français, quels que soient sa situation sociale et le lieu où il réside, soit soigné en fonction de son état de santé et non pas de l'état de son portefeuille ou de ses relations. Non seulement nous y travaillons, mais deux réseaux sont déjà en place, qui seront concrétisés dans les schémas régionaux de la santé.

Notre objectif, dans le domaine de la santé, est la plus grande transparence possible, car cela fait partie de la démocratie que les Français puissent choisir en toute connaissance de cause. C'est la raison pour laquelle nous avons donné ces éléments du PMSI à ceux qui nous le demandaient, et notamment à des journaux, qui ont procédé à des comparaisons entre les hôpitaux. C'est alors que la CNIL nous a demandé de tout arrêter, car on pouvait, à travers le PMSI, retrouver le nom des individus concernés. Il suffit, en effet, de connaître la date de naissance d'une personne et le service dans lequel elle est entrée pour pouvoir retrouver sa pathologie et la façon dont elle a été soignée. Nous avons d'ailleurs questionné la CNIL pour savoir comment récupérer les fichiers déjà communiqués.

C'est donc la raison pour laquelle nous avons dû cesser de fournir ces données, tout en recherchant les moyens de continuer à informer et à garantir une certaine transparence, mais aussi, et c'est le plus important, de préserver les études et les recherches qui, à partir du PMSI, nous permettent de savoir comment on soigne telle ou telle pathologie en France, quels sont la durée et le coût de ces soins. Nous en avons besoin, comme tous les autres pays, pour faire avancer la recherche médicale mais aussi pour assurer un meilleur fonctionnement de nos hôpitaux.

Comment donc continuer à donner ces informations sans que l'on puisse porter atteinte aux droits de la personne ? Nous avons proposé à la CNIL de ne pas transmettre l'ensemble des éléments du PMSI, mais seulement les données nécessaires à une étude comparative s'il s'agit d'un journal, à une étude ou à une recherche s'il s'agit d'un institut de recherche.

Nous lui avons d'ailleurs proposé de la saisir sur chaque demande. Elle aurait indiqué si cela portait atteinte aux droits de la personne et quelles données individuelles nous pouvions fournir, complètes ou partielles selon les cas. Elle nous a répondu que ce n'était pas à elle de répondre à la question. C'est donc au Gouvernement de prendre la décision.

Peut-être avons-nous eu tort de suivre l'avis de la CNIL. Nous sommes prêts à revenir à la solution précédente, et à demander à la CNIL de choisir. Il n'y a donc là aucune difficulté, et il est inutile de nous faire un procès d'intention.

Comme souvent, dans ces affaires, nous nous trouvons à la limite entre deux libertés : d'un côté, la liberté d'information, de connaissance et de recherche ; de l'autre, la protection de la personne. Il nous faut trouver le bon équilibre.

Je ne dis pas que notre rédaction est parfaite. Nous y avons beaucoup travaillé. Nous avons demandé l'avis des juristes et celui de la CNIL. La solution qui s'est dégagée permet à la fois d'entreprendre les études et les recherches nécessaires à la santé publique et au bon fonctionnement du secteur hospitalier, sans porter atteinte aux droits de la personne. C'est au Parlement d'en juger, mais, encore une fois, inutile de nous faire un procès d'intention.

Marcel Rogemont a insisté avec raison sur le problème de l'amélioration de la situation des médecins étrangers.

Il était temps que l'on s'en préoccupe. Ce n'est d'ailleurs pas la seule catégorie de médecins de nos hôpitaux pour lesquels il se pose. Les urgentistes étaient en grève la semaine dernière : leurs problèmes n'étaient pas traités comme ils le devaient, à la hauteur des fonctions qu'ils remplissaient ; nous les avons réglés avec eux. Nous examinerons tout à l'heure les amendements qui ont été déposés à ce sujet.

En écoutant M. Jean-Pierre Foucher, je me suis demandé s'il regrettait la solidarité nationale qui a été organisée par le biais du RMI et qui se complète aujourd'hui par l'accès aux soins, puisqu'il nous a dit que le RMI soulevait bien des difficultés. Contrairement à lui, je ne pense pas que les malades, notamment les plus pauvres, exagèrent dans le recours aux soins. On pourrait même s'inquiéter du contraire. Ce n'est pas par plaisir qu'on va chez le médecin, et l'on n'ira pas plus demain sous prétexte qu'on y sera soigné gratuitement. Il faut cesser, je crois, de voir des fraudeurs partout. L'accès aux soins et à la santé est un droit fondamental et nous ne devrions pas nous arrêter à des craintes comme celles que vous avez exprimées. Encore une fois, il s'agit là d'un élément majeur de la lutte contre les exclusions.

De nombreuses questions se posent. Je les ai entendues, et nous avons essayé d'y répondre le plus complètement possible. C'est la raison d'être de nos débats. Je remercie tous ceux qui sont intervenus pour soutenir ce projet et je suis, quant à moi, très fière de l'avoir défendu.

M. Marcel Rogemont et Mme Odette Grzegrzulka.

Nous aussi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Terminer le XXe siècle en organisant l'accès aux soins gratuit pour des hommes et des femmes qui, aujourd'hui, peuvent mourir parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour se faire soigner, voilà qui devrait nous réunir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. JeanLuc Préel, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Jean-Luc Préel.

Jean-Pierre Foucher a plaidé brillamment pour un renvoi en commission. Mme la ministre ne semble pas partager ce point de vue. Pour-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

tant, de nombreux points litigieux mériteraient d'être précisés et réétudiés de manière approfondie. Je ne les reprendrai pas tous.

En dépit de la réponse de Mme la ministre, le coût de 1 500 francs et les modalités de calcul ayant conduit aux 9 milliards pourraient sans doute être examinés de nouveau. Malgré les discussions, le contenu du panier de soins n'a pas été défini de manière claire. Les conséquences des contrats collectifs, notamment pour les institutions de prévoyance, n'ont pas été envisagées ; les modalités de la prise en compte des cotisations ainsi que la façon dont les personnes bénéficiant de contrats collectifs se « dénonceront » à leur employeur n'ont pas été définies. La prise en charge des prothèses dentaires ou des lunettes n'est pas encore parfaitement claire. Cela aboutira très probablement à une double tarification, dont la mise en oeuvre mériterait d'être réétudiée.

Je soulignerai d'autre part l'absence d'un volet de prévention, pourtant indispensable à notre système de santé c'est l'une de ses carences.

Le devenir de l'assurance des étudiants ne me paraît pas ou plus très claire. Nous avons discuté à plusieurs reprises. Dès lors qu'un jeune de seize ans peut demander à bénéficier de la CMU pour ne plus être à la charge de ses parents, rien n'empêchera un étudiant de demander à bénéficier aussi de la CMU. Que deviendront alors les régimes étudiants ?

M. Marcel Rogemont.

Mais l'affiliation au régime étudiant est obligatoire !

M. Jean-Luc Préel.

Non, elle n'est pas obligatoire : je ne vois pas ce qui pourra empêcher un jeune de demander à bénéficier de la CMU, puisque la loi l'y autorisera.

J'en viens à l'application du protocole conclu entre la CNAM et les complémentaires. Mme la ministre a dit qu'elle n'était pas favorable à son application.

Il me paraîtrait au contraire tout à fait indiqué de le prendre en compte, car il permettrait de délimiter les champs de compétences entre la base et les complémentaires. Je m'interrogerai à nouveau - nous aurons l'occasion de revenir sur ce point, bien que, en cela, nous divergions fortement - sur la conformité de cette délimitation aux articles 36 et 37 du traité de Rome. Cela paraît poser un réel problème, en tout cas pour les organismes complémentaires. Je crois que cette question devrait être réétudiée. On ne peut passer outre, en prétendant que le problème ne se pose pas. Quelqu'un, tout à l'heure, a évoqué le général de Gaulle. Sans doute était-ce Bernard Accoyer, qui a des racines gaullistes plus profondes que beaucoup d'entre nous...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Plus que moi, certainement, je le dis très volontiers !

M. Denis Jacquat.

N'oublions pas le président Ollier ! (Sourires.)

M. le président.

Merci, mon cher collègue !

M. Marcel Rogemont.

Il y a deux gaullistes dans l'hémicycle, et donc deux partis ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Luc Préel.

On a pu dire que tout le monde est, a été ou sera gaulliste. On peut donc bien considérer que nous sommes tous gaullistes ici, ou que nous l'avons tous été à un moment ou à un autre. Ceux qui ne l'ont pas encore été le seront sans doute demain, et Mme la ministre nous a dit tout à l'heure qu'elle était d'accord avec le général de Gaulle.

Un autre problème juridique mérite d'être étudié : il semble que financer la complémentaire de six millions de personnes avec des crédits publics soit une rupture d'égalité supplémentaire. L'extension à tous pourrait être nécessaire.

Je ne parlerai pas, bien entendu, du titre IV.

M. le président.

Monsieur Préel, il faut conclure.

M. Jean-Luc Préel.

Je conclus, monsieur le président.

Une étude nouvelle des articles serait nécessaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF votera la motion de renvoi en commission.

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont.

Nos collègues socialistes ont été totalement convaincus par les arguments qu'a développés Mme la ministre, dans lesquels il ont trouvé assez d'énergie et de pugnacité pour rejeter la motion de renvoi en commission. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

M. Foucher a parfaitement résumé les motifs justifiant le renvoi en commission. J'ai moimême insisté sur deux points lors de la discussion générale : le seuil et les effets de lissage. Mme la ministre a répondu. Nous pouvons donc passer au vote.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe RPR.

M. Bernard Accoyer.

Encore une fois, il ne s'agit pas pour nous de remettre en cause l'objectif poursuivi par le texte.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Votez-le, dans ce cas !

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, le Sénat a proposé une aide personnalisée à la santé...

M. Marcel Rogemont.

Non financée !

M. Bernard Accoyer.

... sur le modèle de l'aide personnalisée au logement. Cela est déjà pratiqué dans certains départements qui font traiter l'aspect de la couverture complémentaire par des opérateurs du secteur mutuel.

C'est un système de partenariat qui fonctionne très bien et supprime complètement l'effet de seuil. Vous auriez pu, en conservant cette méthode, éviter l'effet de seuil et laisser à la mutualité le travail micro-social, le travail social de proximité, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'il est irremplaçable pour la pertinence de ces missions de solidarité.

Vous avez, madame la ministre, balayé les arguments sur les conséquences de la confusion des rôles, en arguant que les départements délégueraient aux caisses primaires la liquidation de la part du ticket modérateur prise au titre de l'aide médicale gratuite, que les départements remboursent ensuite aux caisses primaires. Ce n'est pas comparable, car il ne s'agit pas, en l'occurrence, d'un système assurantiel.

Ce qui différencie la situation antérieure, à laquelle vous avez fait référence, de celle créée par votre texte, c'est que vous faites intervenir - cela soulève d'ailleurs un point d'inconstitutionnalité - une pratique commerciale dans une institution d'Etat. Je ne suis pas certain que cette disposition ne s'attire pas les foudres du Conseil constitutionnel. En tout état de cause, vos arguments peuvent certainement être discutés.


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Vous avez vous-même évoqué l'inévitable rapidité de la montée en charge financière de la CMU. Vous conviendrez donc avec nous que, lorsque M. le rapporteur nous parle d'un coût résiduel de 1,7 milliard, c'est une déclaration spécieuse, qui masque complètement la vérité du coût de la CMU. Je l'ai démontré à de multiples reprises, ce coût sera considérable, d'autant que le nombre de bénéficiaires ne cessera de croître.

Vous nous avez également parlé, madame la ministre, des 2 milliards de francs des fonds d'action sociale des caisses de sécurité sociale et des fonds de l'aide sociale facultative, que vous avez souhaité mobiliser pour essayer d'atténuer les effets de seuil délétères de la CMU. Je ne suis pas du tout certain - je suis même persuadé du contraire - que ces sommes soient suffisantes. Elles le seront de moins en moins, à mesure que le seuil se révélera incapable de s'adapter à la hausse des dépenses, qui, je l'ai expliqué tout à l'heure, sera rapide.

Pour toutes ces raisons, et pour d'autres qu'il reste à développer, nous considérons que le texte doit encore être travaillé en commission.

Le groupe RPR votera donc la motion de renvoi en commission excellemment présentée par notre collègue Jean-Pierre Foucher.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe communiste.

Mme Muguette Jacquaint.

Le groupe communiste est contre la motion de renvoi en commission, de même qu'il a été opposé aux deux premières motions de procédure.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9 du règlement, les articles du projet de loi pour lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique, dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - Il est créé, pour les résidents de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer, une couverture maladie universelle qui garantit à tous une prise en charge des soins par un régime d'assurance maladie, et aux personnes dont les revenus sont les plus faibles le droit à une protection complémentaire et à la dispense d'avance de frais. Cette protection complémentaire est assurée par la création d'une allocation personnalisée à la santé.

« Les Français résidant à l'étranger bénéficient également du droit à la couverture maladie universelle. Un décret déterminera les modalités d'application du présent article et précisera notamment les seuils de revenus donnant accès à ce droit ainsi que les organismes habilités à gérer la couverture maladie universelle pour les Français de l'étranger.

« Demeurent en vigueur dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon les dispositions législatives antérieures relatives au domaine couvert par la présente loi. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

L'article 1er présente le mécanisme de la couverture maladie universelle. Il comprend deux volets essentiels : l'ouverture du droit à la couverture de base pour 150 000 personnes qui n'en bénéficient pas aujourd'hui, et une protection complémentaire pour les plus démunis.

Nous l'avons déjà dit, nous approuvons le principe de la CMU, ce qui ne nous empêche pas de désapprouver le reste.

Deux remarques s'imposent.

D'une part, le gouvernement précédent avait pensé instaurer une assurance maladie universelle pour harmoniser les dix-neuf régimes existant aujourd'hui. Le gouvernement actuel n'a pas poursuivi dans ce sens, et c'est une occasion perdue. On ne peut que le regretter.

D'autre part, nous aimerions savoir pourquoi les 1 50 000 personnes qui, aujourd'hui, parce qu'elles renoncent à présenter leur dossier, ne bénéficient pas du dispositif actuel pourraient, demain, profiter du nouveau mécanisme. Nous espérons qu'elles ne resteront pas à l'écart.

La seconde partie de l'article, qui introduit la protection complémentaire, pose des problèmes, qui ont déjà été évoqués ce soir à plusieurs reprises : l'effet de seuil, les champs de compétences, la déresponsabilisation. Un mécanisme permettrait de gommer ces effets : il a été proposé en première lecture par plusieurs de mes collègues et moi-même, et a été repris par le Sénat. Il consisterait à instituer une aide inversement proportionnelle aux revenus, permettant à chacun de financer sa complémentaire. Le coût dont Mme la ministre fait état, qui n'a pas été chiffré par le Sénat, n'est pas, me semble-t-il, le problème majeur. Notre véritable préoccupation doit être de mettre en place un système qui gomme les injustices et qui permette une réelle prise en charge sans effet de seuil.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

L'article 1er du projet de loi doit rappeler avec force notre détermination à lutter contre les inégalités, particulièrement en matière d'accès aux soins.

Nous souhaitons voir clairement établi dans cette loi que l'égal accès aux soins et à la prévention constitue un impératif national et une priorité des politiques sociales.

Il s'agit de réaffirmer notre volonté de permettre à 6 millions de personnes d'accéder aux soins et d'apporter une réponse à celles qui y renoncent pour des raisons financières. Bien évidemment, cela ne saurait occulter les nécessaires réformes à mener pour améliorer les remboursements et augmenter les ressources de notre protection sociale. Nous proposerons donc de reprendre la rédaction initiale de l'article 1er du projet de loi, supprimant ainsi la disposition adoptée par le Sénat, qui crée une allocation personnalisée à la santé. Cette allocation engendre une discrimination accrue à l'égard des personnes exclues de l'accès aux soins. De plus, elle légalise les pratiques assurantielles dans le domaine de la santé et favorise un système à deux vitesses.

Dans un deuxième temps, nous souhaitons revenir à l'inscription dans le texte de la notion de prévention, dimension fondamentale pour atteindre nos objectifs. Le développement de la prévention et de l'éducation à la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

santé permettra sans aucun doute de résorber les situations extrêmes rencontrées chez les plus démunis, où, parfois, le curatif arrive bien tard.

L e groupe communiste souhaite que l'article 1er reprenne cette notion comme principe fondamental d'une réelle politique d'accès aux soins. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement en ce sens à l'article 1er . Vous pouvez considérer, monsieur le président, que je l'ai défendu en intervenant sur l'article.

M. le président.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat.

Je l'ai dit lors de la discussion générale, le volet prévention doit être pris en compte dans le cadre d'une politique globale de la santé. On ne le sent pas assez dans le projet de loi sur la CMU, et il était indispensable qu'il soit décliné avec plus de force.

Rappel au règlement

M. Bernard Accoyer.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

Sur quel article est-il fondé ?

M. Bernard Accoyer.

Sur l'article 50, alinéa 3, monsieur le président, qui est relatif au déroulement de nos séances et en particulier à leurs horaires. Je souhaiterais savoir quelles sont les dispositions retenues pour les horaires de notre séance de nuit, de manière que nous puissions prendre nos dispositions et réfléchir à nos stratégies si l'heure prévue pour la fin de la séance devait être plus tardive que ce que veut l'usage.

M. le président.

Monsieur Accoyer, l'article 50, alinéa 3, prévoit que la séance du soir est levée à une heure.

Elle sera donc levée à une heure. S'il avait été possible d'achever l'examen du texte durant la nuit, j'aurais bien volontiers poursuivi, mais ce n'est pas le cas.

Reprise de la discussion

M. le président.

Mmes Jacquaint, Fraysse, M. Gremetz et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 1, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« La protection de la santé et l'égal accès à la prévention et aux soins constituent un impératif national et une priorité des politiques sociales. A ces fins, il est créé, pour les résidents de la France métropolitaine et des départements d'outre-mer, une couverture maladie universelle qui garantit à tous une prise en charge des soins par un régime d'assurance maladie et aux personnes les plus défavorisées le droit à une protection complémentaire et à la dispense d'avance de frais. »

Mme Jacquaint a indiqué tout à l'heure qu'elle avait par avance défendu cet amendement.

La parole est à M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les titres préliminaire, Ier , II, III, III bis et V, pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les titres préliminaire, Ier , II, III, III bis et V. La commission a pris en compte les préoccupations exprimées par cet amendement en intégrant dans le texte des dispositions de droit positif, notamment en matière de vaccination et de prévention. Au demeurant, les dispositions prévues par cet amendement, bien que légitimes, relèvent beaucoup plus de l'exposé des motifs.

Bref, la commission, considérant que l'amendement était satisfait par les apports au texte, a émis un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cet amendement visant à rétablir le texte initial du Gouvernement, je ne peux pas y être opposée. Cela dit, l'essentiel est effectivement de permettre le remboursement des actes de dépistage et des vaccins.

Par conséquent, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Préel a présenté un amendement, no 124, ainsi libellé :

« Après le mot : "droit", rédiger ainsi la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 1er : "à une aide financière pour leur permettre de bénéficier d'une protection complémentaire, ainsi que le droit à la dispense d'avance de frais". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Refus.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 124.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Bur, Gengenwin, Morin, Préel, Méhaignerie, et de Courson ont présenté un amendement, no 215, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1er , après les mots : "protection complémentaire", insérer les mots : "sous certaines conditions". »

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 215.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Après la première phrase, supprimer la fin de l'article 1er »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Cet amendement tend à rétablir le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

5. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. I. Non modifié

« II. Les articles L. 380-1 et L. 380-2 du même code sont ainsi rédigés :

« Art. L. 380-1. Toute personne résidant en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer de façon stable et régulière relève du régime général lor squ'elle n'a droit à aucun autre titre aux prestations en nature d'un régime d'assurance maladie et maternité ou de la Caisse des Français de l'étranger.

« Un décret en Conseil d'Etat précise la condition de résidence mentionnée au présent article.

« Art. L. 380-2. Les personnes affiliées au régime général dans les conditions fixées à l'article L. 380-1 sontr edevables d'une cotisation lorsque leurs ressources dépassent un plafond fixé par décret, révisé chaque année pour tenir compte de l'évolution des prix.

« Cette cotisation est fixée en pourcentage du montant des revenus, définis selon les modalités fixées au 1o du V de l'article 1417 du code général des impôts, qui dépasse le plafond mentionné au premier alinéa. Un décret détermine le taux et les modalités de calcul de cette cotisation ainsi que les obligations déclaratives incombant aux assujettis.

« La cotisation est recouvrée selon les dispositions des sections 2 à 4 du chapitre III et du chapitre IV du titre IV du livre II du présent code, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d'Etat. »

« III. Les conditions dans lesquelles le régime agricole peut assurer la couverture des personnes qui cessent de bénéficier d'un droit aux prestations en nature de l'assurance maladie auprès dudit régime, sont définies par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, inscrite sur l'article 3.

Mme Jacqueline Fraysse.

L'article 3 implique une résidence stable et régulière pour bénéficier de la couverture maladie universelle. Les étrangers en situation irrégulière sont donc exclus de cette disposition, alors que, aujourd'hui, ils peuvent avoir accès à l'aide médicale départementale, c'est-à-dire au même dispositif que les personnes à faibles revenus. Certes, l'aide médicale d'Etat prévue à l'article 30 leur permettra d'accéder aux soins, mais le texte tel qu'il est rédigé introduit une discrimination, ce qui apparaît comme en contradiction avec l'objectif d'universalité que l'on cherche à atteindre.

Bien entendu, nous n'attendions pas de la droite sénatoriale qu'elle supprime cette discrimination. Par contre, il nous semble que la majorité plurielle de cette assemblée s'honorerait en permettant que les étrangers en question puissent bénéficier de la couverture maladie universelle dans les mêmes conditions de durée de résidence que celles exigées pour l'aide médicale gratuite.

M. le président.

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale, supprimer les mots : "ou de la Caisse des Français de l'étranger". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Retour au texte voté par l'Assemblée en première lecture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 184, ainsi rédigé :

«

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale, substituer aux mots : "par décret", les mots : "par la loi de financement de la sécurité sociale". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Le seuil de revenus mensuels requis pour bénéficier de la CMU devrait être fixé par la loi de financement de la sécurité sociale plutôt que par décret, car il aura des conséquences sur les conditions générales de l'équilibre financier des comptes de l'assurance maladie.

Comme la CMU fait totalement partie de la protection maladie, ce seuil doit être fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale ; sinon, on court le risque de se trouver en contradiction avec la loi organique de 1996 qui définit le rôle du Parlement en matière de dépenses de santé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

L'article 37 de la Constitution renvoie la fixation des seuils au pouvoir réglementaire. Nous ne pouvons que nous étonner qu'on nous propose d'introduire dans le texte une disposition contraire à la Constitution.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Supprimer le III de l'article 3. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Retour au texte de l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article no 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

Après l'article 3

M. le président.

MM. Morin, Préel, Bur, Gengenwin et de Courson ont présenté un amendement, no 216, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 1003-7-1 du code rural est ainsi modifié :

« dans la première phrase du IV, les mots : ", d'assurance vieillesse et d'assurance maladie", sont remplacés par les mots : "et d'assurances vieillesse" ;

« - la dernière phrase du IV est supprimée.

« II. - L'article 1106-8 du même code est abrogé.

« III. - La perte de recettes est compensée par le relèvement à due concurrence de la taxe visée à l'article 1609 unvicies du code général des impôts. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Yves Bur.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 216.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Bur, Gengenwin, Morin, Préel, Méhaignerie et de Courson ont présenté un amendement, no 217, ainsi rédigé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« I. - L'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

« dans le premier alinéa, après le mot : "plafond", sont insérés les mots : "mais sans montant minimal,".

« - les deux derniers alinéas sont supprimés.

« - II. - L'article L. 615-8-1 du même code est abrogé.

« III. - La perte des recettes est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Yves Bur.

M. Yves Bur.

La loi va instaurer le principe d'une prise en charge de la couverture maladie de base pour les personnes à faibles revenus. Or de nombreux travailleurs indépendants ou exploitants agricoles ont également des revenus très modestes. Ainsi, 25 % des exploitants agricoles affiliés à la MSA disposent d'un revenu fiscal inférieur à 3 500 francs par mois. Pour autant, ces personnes restent affiliées à leurs régimes respectifs en fonction de critères d'activité professionnelle, régime dans le cadre desquels elles sont redevables de lourdes cotisations maladie forfaitaires minimales : 4 100 francs par an, soit 340 francs par mois, pour les indépendants ; 3 500 francs par an, soit 290 francs par mois, pour les agriculteurs.

On voit que ces chiffres peuvent représenter un prélèvement supérieur à 20 % des revenus pour des personnes à très faibles revenus.

Il y a donc un vrai problème d'équité entre les personnes qui vivent d'une activité professionnelle à faibles revenus et celles qui perçoivent des allocations. L'équité voudrait donc que les travailleurs indépendants à très faibles revenus soient totalement exonérés de cotisations maladie.

Néanmoins, compte tenu du coût d'un telle mesure, nous proposons simplement, par le présent amendement, de supprimer les cotisations minimales forfaitaires afin que les personnes concernées cotisent strictement proportionnnellement à leurs revenus. Cela me paraît une question de simple justice.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 217.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. Il est inséré, après l'article L.

161-2 du même code, un article L.

161-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

161-2-1. Toute personne qui déclare auprès d'une caisse primaire d'assurance maladie ne pas bénéficier des prestations en nature des assurances maladie et m aternité est affiliée sans délai, au titre de l'article L.

380-1, au régime général sur justification de son identité et de sa résidence stable et régulière, et béné ficie immédiatement des prestations en nature de ce régime. La caisse saisit ensuite, s'il y a lieu, l'organisme compétent pour affilier la personne en cause au régime dont elle relève.

« Les services sociaux ou les associations et organismes à but non lucratif agréés par décision du représentant de l'Etat dans le département, ainsi que les établissements de santé, apportent leur concours aux intéressés dans leur demande d'affiliation et sont habilités à transmettre les d ocuments afférents à l'organisme compétent avec l'accord de l'intéressé.

« Les personnes qui, au moment de la demande, sont sans domicile fixe doivent élire domicile auprès d'un organisme agréé à cet effet par décision de l'autorité administrative.

« Les modalités d'application du présent article, et notamment celles selon lesquelles les prestations provisoirement servies par le régime général à un bénéficiaire relevant d'un autre régime sont remboursées par ce régime au régime général, sont définies par décret en Conseil d'Etat. »

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 8 corrigé, ainsi libellé :

« Après les mots : "élire domicile", rédiger ainsi la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 161-2-1 du code de la sécurité sociale : "soit auprès d'un organisme agréé à cet effet par décision de l'autorité administrative, soit auprès d'un centre communal d'aide sociale". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Par cet amendement, il s'agit de reconnaître le rôle des centres communaux d'action sociale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 8 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Préel a présenté un amendement, no 131, ainsi rédigé :

« Avant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.

161-2-1 du code de la sécurité sociale, insérer l'alinéa suivant :

« Le service des prestations prévues au premier alinéa du présent article est effectué par l'entremise des sections locales de la caisse primaire concernée. Pour l'accomplissement de cette mission, il est fait appel aux mutuelles et unions de mutuelles dans les conditions prévues aux articles L.

211-3 et L.

211-4 du présent code. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 4, supprimer les mots : ", et notamment celles selon lesquelles les prestations provisoirement servies par le régime général à un bénéficiaire relevant d'un autre régime sont remboursées par ce régime au régime général,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Retour au texte adopté en première lecture.

M. le président.

Je pense que l'avis du Gouvernement est favorable...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet, monsieur le président !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. I et II. Non modifiés.

« III. L'absence des cotisations d'assurance maladie prévues par le code de la sécurité sociale et le code rural, lorsqu'elle est le fait de la mauvaise foi du bénéficiaire, peut conduire, dans des conditions déterminées par un décret, à la suspension du versement des prestations en nature de l'assurance maladie à l'assuré social ; toutefois, cette sanction n'affecte pas les ayants droit de la personne convaincue de mauvaise foi.

« IV. Les deux derniers alinéas de l'article L.

612-4 et l'article L.

615-8-1 du code de la sécurité sociale sont abrogés. »

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 10 corrigé, ainsi rédigé :

« Supprimer le IV de l'article 6. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Retour au texte adopté en première lecture par l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 10 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement no 10 corrigé.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. I. Non modifié.

« II. L'article L. 161-14-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sauf refus exprès de leur part, les ayants droit mentionnés aux 1o et 4o de l'article L. 313-3 et à l'article L. 161-14 sont identifiés de façon autonome au sein du régime de l'assuré et perçoivent à titre personnel les prestations en nature des assurances maladie et maternité.

« Les enfants mineurs pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance peuvent, à la diligence et sur demande des personnes ou des établissements qui en assurent l'accueil ou la garde, être identifiés de façon autonome au sein du régime de l'assuré. Ces personnes ou établissements perçoivent pour le compte de l'assuré les prestations en nature des assurances maladie et maternité. »

« III et IV. Non modifiés »

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 8 bis

M. le président.

« Art. 8 bis. I. - Après le premier alinéa de l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le forfait hospitalier est pris en charge par le régime général de protection sociale dans le cas d'hospitalisations de plus de trois mois consécutives à un état végétatif ou terminal constaté par une commission médicale.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe la liste des pathologies visées, la composition, le fonctionnement et le ressort de la commission du forfait hospitalier. »

« II. L'accroissement des charges pour le régime général de protection sociale résultant de l'application du I est compensé, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 8 bis. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de suppression d'un article introduit par le Sénat.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable à l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 8 bis est supprimé.

Article 9

M. le président.

« Art. 9. I. Non modifié.

« II. Supprimé. »

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Rétablir le II de l'article 9 dans le texte suivant :

« II. Au 2o de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, le taux : "60 %" est remplacé par le taux : "55 %". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Rétablissement du texte adopté en première lecture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement no

12. (L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président.

« Art. 10. I. La dernière phrase du troisième alinéa de l'article L.

161-15 et la dernière phrase du premier alinéa de l'article L.

381-2 du même code sont supprimées.

« II. Le dernier alinéa de l'article L.

524-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« L'Etat verse au fonds national des prestations familiales, géré par la Caisse nationale des allocations familiales, une subvention correspondant à 40 % des sommes versées au titre de l'allocation de parent isolé. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l'article.

M. Jean-Luc Préel.

Actuellement, les conjoints survivants et les titulaires de l'allocation de parent isolé bénéficient d'une couverture maladie de base prise en charge par le régime des prestations familiales. Or ce droit acquis risque d'être supprimé par la mise en place de la couverture maladie universelle. Je propose qu'il soit maintenu.

Tel est d'ailleurs l'objet de mon amendement no 106, que j'ai défendu.

MM. Préel, Weber, Yves Coussain, Birraux, Baguet et Morin ont en effet présenté un amendement, no 106.

« I. Supprimer le I de l'article 10.

« II. En conséquence, compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement a été, par avance, défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi le II de l'article 10 :

« Le II de l'article L.

245-16 du même code est ainsi rédigé :

« II. Le produit des prélèvements mentionnés au I est versé, pour la moitié de son montant à la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, pour 28 % de son montant à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et pour 22 % de son montant à la Caisse nationale des allocations familiales. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Retour au texte adopté en première lecture par l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par l'amendement no

13. (L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Article 11

M. le président.

« Art. 11. Le dernier alinéa de l'article L.

241-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont en outre constituées par une fraction du produit du droit de consommation prévu à l'article 575 du code général des impôts, dans les conditions fixées par la loi de finances pour 2000. »

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi l'article 11 :

« Le dernier alinéa de l'article L.

241-2 du même code est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont en outre constituées par :

« 1o Une fraction du produit du droit de consommation prévu à l'article 575 du code général des impôts, dans les conditions fixées par la loi de finances pour 2000 ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

« 2o Une fraction fixée à 5 % du produit du droit de consommation prévu à l'article 403 du code général des impôts, à l'exception du produit de ce droit de consommation perçu dans les départements de la collectivité territoriale de Corse et du prélèvement perçu au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles selon les dispositions de l'article 1615 bis du code général des impôts ;

« 3o Une fraction des prélèvements sociaux mentionnés aux articles L.

245-14 et L.

245-15. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Rétablissement du texte adopté par l'Assemblée en première lecture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 11 est ainsi rédigé.

Article 12

M. le président.

« Art. 12. - I. - L'article L.

213-1 du code des assurances est ainsi modifié :

« 1o La dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :

« Cette cotisation est perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. »

;

« 2o Au dernier alinéa, les mots : "et les modalités de répartition du produit des cotisations entre les divers régimes obligatoires d'assurance maladie" sont supprimés.

« II. - A la fin de l'article L.

241-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "la fraction du produit des cotisations créées par l'article L.

213-1 du code des assurances revenant au régime général de sécurité sociale," sont remplacés par les mots : "le produit de la cotisation visée à l'article L.

213-1 du code des assurances. »

« III. - Le troisième alinéa de l'article L.

612-1 du code de la sécurité sociale est supprimé". »

M. Accoyer a présenté un amendement, no 208, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 12. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'article 12 propose de réverser à la seule CMU le produit de la taxe perçue sur les assurances des véhicules automobiles au profit de l'assurance maladie. Nous tenons à souligner qu'une telle mesure ne répond à aucune logique. Certes, nous comprenons que cette taxe, bien qu'elle soit spécifique à la France, puisse venir abonder les finances de l'assurance maladie, mais pourquoi affecter uniquement à la CMU le produit d'une taxe qui est réparti sur tous les régimes CMU ? C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 208.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, nous arrivons aux articles 13 et 13 bis qui concernent les contingents communaux. Sur ce point, un accord vient opportunément d'être donné au ministre de l'intérieur par l'assemblée des présidents de conseils généraux et par les principales associations des maires de France. Toutefois, comme nous n'avons eu connaissance de cet accord qu'en début d'après-midi, peut-être serait-il souhaitable, si la majorité de l'Assemblée en est d'accord, d'attendre que la commission des affaires sociales l'ait analysé. Je propose donc de réserver les articles 13 et 13 bis jusqu'à la fin du titre III.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La réserve est de droit.

Les articles 13 et 13 bis sont réservés jusqu'à la fin du titre III.

Article 14

M. le président.

« Art. 14. - I. L'article L. 243-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé : " Art. L. 243-4. - Le paiement des cotisations et des majorations et pénalités de retard est garanti pendant un an à compter de leur date d'exigibilité, par un privilège sur les biens meubles du débiteur, lequel privilège prend rang concurremment avec celui des gens de service et celui des salariés établis respectivement par l'article 2101 du code civil et les articles 128 et 129 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises."

« II. L'article L. 652-3 du même code est ainsi rédigé : " Art. L. 652-3. - Lorsqu'ils sont munis d'un titre exécutoire au sens de l'article 3 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, les organismes d'assurance maladie et maternité et les caisses d'assurance vieillesse des professions non salariées non agricoles habilités à décerner la contrainte définie à l'article L. 244-9 peuvent, au moyen d'une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant revenir au débiteur, de verser au lieu et place de celui-ci, auxdits organismes, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des cotisations et des majorations et pénalités de retard bénéficiant du privilège prévu à l'article L. 2434 ou ayant donné lieu à une inscription de privilège dans les conditions prévues à l'article L. 243-5.

"L'opposition motivée est notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l'un des organismes mentionnés à l'alinéa précédent. Elle affecte, dès récept ion par le tiers, les sommes faisant l'objet du titre exécutoire au paiement desdites cotisations et majorations et pénalités de retard, quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le débiteur possède à l'encontre du tiers deviennent exigibles. L'opposition emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 précitée à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée. Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions établies au nom du débiteur, elle doit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces demandes en proportion de leurs montants respectifs.

"L'opposition peut être contestée devant le juge de l'exécution, par le débiteur ou par le tiers détenteur, dans le mois suivant sa notification. Le paiement est différé pendant ce délai, et le cas échéant jusqu'à ce qu'il soit statué, sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu'il détermine.

"Sont en outre applicables les articles 24, 44 et 47 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 précitée.

"Les présentes dispositions ne sont pas applicables aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles L.

145-1 et suivants du code du travail.

"Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat."

« III. Le premier alinéa de l'article L.

242-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les dispositions de l'article L.

652-3 sont applicables au recouvrement de ces cotisations par les organismes visés à l'articles L.

213-1."

« IV. Au V de l'article L.

136-5 du même code, le 2o devient le 3o et il inséré un 2o ainsi rédigé : "2o Des dispositions de l'article L.

652-3 pour ce qui concerne le recouvrement, par les organismes visés à l 'article L.

213-1, de la contribution prévue à l'article L.

136-3 et, par les caisses de mutualité sociale agricole, de la contribution prévue à l'article L.

136-4 ;"

« V. Le premier alinéa de l'article 1143-2 du code rural est ainsi rédigé : "Les caisses de mutualité sociale agricole sont chargées du recouvrement des cotisations et des majorations et pénalités de retard dues au titre des régimes de protection sociale agricole dont elles assurent l'application."

« VI. Le 3o de l'article 1143-2 du code rural est abrogé.

« VII. Au troisième alinéa de l'article 1143-2 du code rural, les mots : "ainsi que des pénalités de retard" sont remplacés par les mots : "ainsi que des majorations et pénalités de retard".

« VIII. - A l'article 1143-5 du code rural, après les mots : "au paiement des cotisations", sont insérés les mots : ", des majorations et pénalités de retard".

« IX. Dans le code rural, il est inséré un article 1143-7 ainsi rédigé : " Art. 1143-7 Lorsqu'elles sont munies d'un titre exécutoire, au sens de l'article 3 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, à l'encontre des employeurs de main-d'oeuvre agricole ou des personnes physiques non salariées agricoles, les caisses de mutualité sociale agricole habilitées à décerner la contrainte définie à l'article 1143-2 peuvent, au moyen d'une opposition, enjoindre aux tiers dépositaires, détenteurs ou redevables de sommes appartenant ou devant revenir au débiteur, de verser au lieu et place de celui-ci, auxdits organismes, les fonds qu'ils détiennent ou qu'ils doivent à concurrence des cotisations et des majorations et pénalités de retard au titre des régimes de protection sociale agricole bénéficiant du privilège ou ayant donné lieu à une inscription de privilège, en application de l'article 1143-5.

"L'opposition motivée est notifiée au tiers détenteur et au débiteur par le directeur de l'organisme. Elle affecte, dès réception par le tiers, les sommes faisant l'objet du titre exécutoire au paiement desdites cotisations, majorations et pénalités de retard, quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le débiteur possède à l'encontre du tiers deviennent exigibles. L'opposition emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 précitée à concurrence des sommes pour l esquelles elle est pratiquée.Lorsqu'une personne est simultanément destinataire de plusieurs oppositions établies au nom du débiteur, elle doit, en cas d'insuffisance des fonds, exécuter ces demandes en proportion de leurs montants respectifs.

"L'opposition peut être contestée devant le juge de l'exécution, par le débiteur ou par le tiers détenteur, dans le mois suivant sa notification. Le paiement est différé pendant ce délai, et le cas échéant jusqu'à ce qu'il soit statué, sauf si le juge autorise le paiement pour la somme qu'il détermine.

"Sont en outre applicables les articles 24, 44 et 47 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 précitée.

"Les présentes dispositions ne sont pas applicables aux sommes dues par le tiers détenteur au titre des rémunérations qui ne peuvent être saisies que dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles L.

145-1 et suivants du code du travail.

"Les organismes visés à l'article 1106-9 disposent de la même procédure d'opposition à tiers détenteur et sous les mêmes conditions que les caisses de mutualité sociale agricole pour le recouvrement des cotisations prévues aux articles 1106-6 et suivants ainsi que des majorations et pénalités de retard.

"Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat.

« X. L'article 244-9 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : "Elle est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice". »

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 185 et 194.

L'amendement no 185 et présenté par MM. Accoyer, Auberger, Gilles Carrez, Delnatte, Demange, Dubernard, D upont-Aignan, Jacob, Godfrain, Guédon, Lepercq, Mariani, Mme Mathieu-Obadia, MM. Masdeu-Arus, Muselier et Poignant ; l'amendement no 194 est présenté par M. Gouzes.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 14. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 185.

M. Bernard Accoyer.

L'article 14 instaure une nouvelle procédure, qui modifie la procédure d'opposition à tiers détenteur ouverte aux caisses des travailleurs indépendants et qui leur permettra de prélever directement les cotisations sur les comptes en banque de ces travailleurs indépendants. De plus, en cas de contestation, la responsabilité de saisir le juge incombera désormais à celui dont les dépôts bancaires vont être saisis, alors que, auparavant, une telle procédure de recouvrement ne pouvait être déclenchée qu'après que le juge eut été saisi. On voit bien qu'il y a régression des droits de cette catégorie de citoyens que constituent les travailleurs indépendants.

Je rappelle que, en première lecture, nous avions eu à ce sujet un long débat qui avait été marqué par des interventions extrêmement brillantes et pertinentes de notre collègue Gouzes.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

On connaît les difficultés auxquelles sont confrontés les petits artisans et les petits commerçants, surtout depuis l'explosion de la grande distribution et la mutation du commerce de proximité. Même si nous comprenons les motivations qui ont incité les dirigeants des caisses de retraite et des caisses d'assurance maladie concernées à demander au Gouvernement cette facilité supplémentaire, ces dispositions nous semblent choquantes. Nous estimons que le Gouvernement n'est pas là pour réduire les droits fondamentaux de ces populations qui sont confrontées à une mutation sociale souvent très douloureuse.

Pour toutes ces raisons, cet amendement de suppression mérite d'être adopté afin d'éviter que ne soit créée une nouvelle injustice envers ces populations qui sont de plus en plus en difficulté.

M. le président.

L'amendement no 194 n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 185 ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

Je mets aux voix l'amendement no 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 146, ainsi rédigé :

« I. Dans le dernier alinéa du I de l'article 14, supprimer les mots : "et pénalités de retard".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les éventuelles pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le t abac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

Monsieur Accoyer, je vous suggère de défendre en même temps l'amendement no 145...

M. Bernard Accoyer.

Volontiers, monsieur le président !

M. le président.

L'amendement no 145, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« I. Compléter le dernier alinéa du I de l'article 14 par la phrase suivante :

« Par dérogation à l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale, le montant des majorations de retard est fixé annuellement par décret, en fonction du taux d'inflation. »

« II. Compléter cer article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes éventuelles résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le t abac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

Vous avez la parole, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Il s'agit d'amendements de repli visant à limiter les dégâts, puisque le Gouvernement et la majorité n'ont pas eu à coeur de protéger ceux qui sont victimes de l'article 14 !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est de la caricature ! Vous n'avez pas le monopole du coeur, monsieur Accoyer !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 146 et 145 ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 146.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 187, ainsi libellé :

« I. Après le I de l'article 14, insérer le paragraphe suivant :

« I bis L'article L.

133-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes de sécurité sociale renoncent à la mise en recouvrement de leurs créances à l'égard des travailleurs non salariés non agricoles et des exploitants agricoles en dessous d'un montant égal à 2 000 francs.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

Sans doute, monsieur Accoyer, accepterez-vous de défendre également l'amendement no 186...

M. Bernard Accoyer.

Dans le souci d'accélérer le déroulement de nos débats, je défendrai en même temps les amendements nos 187 et 186.

M. le président.

L'amendement no 186, présenté par M. Accoyer, est ainsi libellé :

« I. Après le I de l'article 14, insérer le paragraphe suivant :

« I bis L'article L.

133-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes de sécurité sociale renoncent à la mise en recouvrement de leurs créances à l'égard des travailleurs non-salariés non agricoles et des exploitants agricoles en dessous d'un montant égal à 1 000 francs.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

Vous avez la parole, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je voudrais appeler l'attention du Gouvernement et de la majorité sur la situation faite aux travailleurs indépendants, qui sont les seuls à être concernés par l'article 14.

Il existe des minima sociaux et des revenus minimums pour tous nos concitoyens. Pourquoi les travailleurs indépendants sont-ils les seuls à être ignorés ? En effet, sur une simple décision des caisses, ils pourront se voir saisis


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

même s'ils ne disposent pas d'un minimum de revenus.

C'est pourquoi je propose que les caisses ne puissent pas prélever directement sur les comptes bancaires des travailleurs indépendants en dessous d'un montant égal à 2 000 francs - c'est l'amendement no 187 - ou d'un montant égal à 1 000 francs - il s'agit de l'amendement no 186. Si le Gouvernement et la majorité sont capables de manifester un minimum de pitié, ils ne peuvent qu'accepter une telle mesure d'équité élémentaire.

M me Odette Grzegrzulka.

La pitié est mauvaise conseillère !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 187 et 186 ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 186.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 189, ainsi libellé :

« I. Après le I de l'article 14, insérer le paragraphe suivant :

« I bis L'article L.

133-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La mise en recouvrement des créances par les caisses des travailleurs non salariés non agricoles et la mutualité sociale agricole est abandonnée lorsque le revenu des cotisants est inférieur au RMI.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le tabac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Mes propos seront peut-être plus

« lisibles » si je propose que la procédure de saisie automatique ne puisse pas s'appliquer aux travailleurs indépendants dont le revenu est inférieur au RMI. Ces personnes sont déjà dans une situation de grande précarité : ne leur imposons pas en plus d'aller trouver un avocat pour que celui-ci déclenche la saisine du juge, seul moyen permettant d'interrompre le processus de saisie automatique. Je vous demande donc de supprimer cette procédure totalement inhumaine dès lors que ces travailleurs indépendants ne disposent pas du RMI.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 189.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 107 et 190.

L'amendement no 107 est présenté par M. Préel et

M. Kert ; l'amendement no 190 est présenté par

M. Accoyer.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le II de l'article 14. »

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour soutenir l'amendement no 107.

M. Jean-Luc Préel.

Cet amendement vise à supprimer la mise en place de l'avis d'un tiers détenteur.

Le II de l'article 14 permet à certains organismes sociaux d'appréhender des fonds détenus par un tiers et de mettre en place cette procédure d'une redoutable efficacité en utilisant le formulaire très contesté de la lettre recommandée, laquelle ne garantit pas les droits les plus élémentaires du débiteur saisi.

Il n'est pas acceptable que, de façon unilatérale et directe, un créancier concentre entre ses mains la délivrance d'un titre exécutoire et l'exécution de celui-ci, au risque de multiplier de manière systématique et répétée des procédures sans garanties pour le débiteur.

Comme nous sommes tous ici attachés aux droits de l'homme et à ceux de l'individu, nous devrions tous demander la suppression du II de l'article 14 car il est contraire à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, qui s'applique non seulement à l'exécution des décisions de justice mais aussi aux titres exécutoires non judiciaires.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 190.

M. Bernard Accoyer.

Je fais miens les arguments remarquables de M. Jean-Luc Préel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 107 et 190.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

L'amendement no 195, présenté par

M. Gouzes, n'est pas soutenu...

M. Bernard Accoyer.

Je le reprends !

M. le président.

L'amendement no 195 est repris par

M. Accoyer.

Il est ainsi rédigé :

« Substituer à la première phrase du troisième alinéa du II de l'article 14 la phrase suivante :

« Dans un délai de huit jours, à peine de caducité, l'opposition est signifiée au débiteur, avec l'indication en caractères très apparents que les contestations doivent être soulevées devant le juge de l'exécution dans le délai d'un mois qui suit cette signification et la date à laquelle expire ce délai. »

Vous avez la parole, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement, déposé par notre collègue Gouzes, éminent spécialiste des droits de la personne,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

Mme Odette Grzegrzulka.

Flagorneur !

M. Bernard Accoyer.

Est-ce à M. Gouzes que s'adresse ce qualificatif ? Il appréciera.

Cet amendement, dis-je, vise à instaurer un délai afin de réduire les conséquences de l'article 14, dont nous avons rappelé qu'il avait pour but de restreindre de manière tout à fait choquante les droits des travailleurs indépendants.

Il est indispensable de concilier l'efficacité du recouvrement offert par l'opposition à tiers détenteur pour les caisses maladie et les caisses de retraite des travailleurs indépendants avec les droits les plus élémentaires de la défense des artisans, commerçants, professions libérales et agriculteurs, qui pourront, grâce à la garantie offerte par l'amendement, faire valoir leurs éventuelles contestations dans des délais très rapides, afin de ne pas voir leurs comptes bancaires bloqués sans raison légitime.

Imaginez une seconde la situation de ces travailleurs indépendants, déjà dans la difficulté, souvent malmenés par des tracasseries administratives de toutes sortes, qui n'ont pas le temps nécessaire pour examiner attentivement leur courrier tous les jours et vont voir un beau jour leur compte bloqué, se retrouvant ainsi dans une situation invraisemblable.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 195.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 196, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du troisième alinéa du II de l'article 14, supprimer les mots : "et au débiteur". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 147, ainsi rédigé :

« I. Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du II de l'article 14, supprimer les mots : "et pénalités de retard".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les éventuelles pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le t abac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 191, ainsi rédigé :

« Supprimer le III de l'article 14. »

Mon cher collègue, acceptez-vous de défendre en même temps l'amendement no 142 ?

M. Bernard Accoyer.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 142, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Supprimer le IV de l'article 14. »

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Bernard Accoyer.

Les deux amendements sont défendus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 191.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 142.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 148, ainsi rédigé :

« I. Dans le dernier alinéa du V de l'article 14, supprimer les mots : "et pénalités de retard".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les éventuelles pertes de recettes résultant de cette disposition sont compensées à due concurrence par une cotisation additionnelle aux droits sur le t abac au bénéfice des organismes de sécurité sociale. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 143, ainsi rédigé :

« Supprimer les VII et VIII de l'article 14. »

Monsieur Accoyer, vous défendrez peut-être en même temps l'amendement no 144...

M. Bernard Accoyer.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 144, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Supprimer le IX de l'article 14. »

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Bernard Accoyer.

Les deux amendements sont défendus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 143.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 144.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 197, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du troisième alinéa du IX de l'article 14, supprimer les mots : "et au débiteur". »

Vous avez la parole, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 197.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gouzes a présenté un amendement, no 198, ainsi rédigé :

« Substituer à la première phrase du quatrième alinéa du IX de l'article 14 la phrase suivante :

« Dans un délai de huit jours, à peine de caducité, l'opposition est signifiée au débiteur, avec l'indication en caractères très apparents que les contestations doivent être soulevées devant le juge de l'exécution dans le délai d'un mois qui suit cette signification et la date à laquelle expire ce délai. »

Vous avez la parole, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 198.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Boulard, rapporteur, a présenté un amendement, no 18, ainsi rédigé :

« Supprimer le X de l'article 14. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Boulard, rapporteur.

Cet amendement vise à revenir au texte adopté en première lecture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

18. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par l'amendement no

18. (L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 16 et 19

M. le président.

« Art.

16. I. A l'article L.

381-4 du même code, les mots : « qui, n'étant ni assurés sociaux ni ayants droit d'assuré social, » sont remplacés par les mots : "qui, n'étant pas assurés sociaux à un titre autre que celui prévu à l'article L.

380-1 ou ayants droit d'assuré social,". »

« II. Non modifié »

Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

« Art.

19. I. Non modifié

« II. Les personnes relevant des dispositions de l'article L.

380-1 du code de la sécurité sociale, affiliées au régime de l'assurance personnelle à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, dont les prestations d'assurance maladie et maternité sont servies par un organisme de protection sociale agricole au titre de sa participation à la gestion de l'assurance personnelle, continuent de bénéficier du service de ces prestations. Le service de ces prestations, ainsi que le recouvrement de la cotisation définie à l'article L.

380-2 du code de la sécurité sociale si elle est due, sont assurés par cet organisme pour le compte du régime général dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. » -

(Adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2 DÉPOT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 11 juin 1999, de M. JeanMarc Ayrault et plusieurs de ses collègues, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité de la filière alimentaire en France.

Cette proposition de résolution, no 1691, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 15 JUIN 1999

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 11 juin 1999, de M. le Premier ministre un rapport pour le débat d'orientation budgétaire.

4 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 11 juin 1999, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Ce projet de loi, no 1692, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 15 juin 1999, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Cette proposition de loi, no 1694, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

6 DÉPÔT D'UN RAPPORT DE L'OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

M. le président.

J'ai reçu, le 14 juin 1999, de M. JeanYves Le Déaut un rapport, no 1693, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les nouvelles techniques de recyclage et de valorisation des déchets ménagers et des déchets industriels banals.

7

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à dix heures trente, première séance publique : Discussion de la proposition de résolution, no 1646, de M. Didier Boulaud sur les propositions de directives relatives aux chemins de fer communautaires (COM [98] 480 final/no E 1163) : M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1683).

A quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi no 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, en lecture définitive ; Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1677, portant création d'une couverture maladie universelle : MM. Jean-Claude Boulard et Alfred Recours, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1684, tomes I et II).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CHANGEMENT DE COMPÉTENCE A la suite d'un accord entre les deux commissions, la proposition de résolution de M. Jean-François Mattei visant à créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements en matière de santé et de sécurité alimentaire révélés par l'affaire du poulet à la dioxine (no 1681), précédemment renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, est renvoyée à la commission de la production et des échanges.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 11 juin 1999 No E 1265. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la République démocratique populaire Lao sur le commerce des produits textiles (COM [99] 238 final).

No E 1266. Proposition de règlement du Conseil suspendant certaines concessions agricoles en faveur de la Turquie et a brogeant le règlement no 1506/98 (COM [99] 259 final).

Communication du 14 juin 1999 No E 1253 (annexe VI). - Avant-projet de budget. - Rectificatif no 1/99. - Section III : commission.