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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

1. Action publique en matière pénale. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 6401).

DISCUSSION

DES ARTICLES (suite) (p. 6401)

Article 1er (suite) (p. 6401)

Amendement no 12 rectifié de la commission des lois (suite) : Sous-amendements à l'amendement no 12 rectifié : Sous-amendement no 56 de M. Blessig : MM. Emile Blessig, André Vallini, rapporteur de la commission des lois ; Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejet.

Sous-amendements nos 30 de M. Jean-Pierre Michel et 94, 92 et 96 de M. Jean-Luc Warsmann : MM. Georges Sarre, Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejets.

Sous-amendement no 57 de M. Blessig : MM. Emile Blessig, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Sous-amendement no 119 de M. Clément : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendements nos 42 de M. Albertini et 120 de M. Houillon : MM. Pierre Albertini, le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejets.

S ous-amendement no 31 de M. Jean-Pierre Michel : MM. Georges Sarre, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Sous-amendement no 63 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendements identiques nos 43 de M. Albertini et 65 de M. Warsmann : MM. Pierre Albertini, Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 51 rectifié de M. Tourret : MM. Alain Tourret, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Sous-amendement no 32 de M. Jean-Pierre Michel : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Sous-amendement no 44 de M. Albertini : MM. Pierre Albertini, le président, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Sous-amendement no 105 de M. Warsmann : M. Jean-Luc Warsmann, Mme la garde des sceaux, M. Arnaud Montebourg. - Adoption du sous-amendement no 105 rectifié.

Sous-amendement no 93 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 90 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 91 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 52 rectifié de M. Tourret : MM. Alain T ourret, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Arnaud Montebourg, Jean-Luc Warsmann. - Rejet.

Adoption de l'amendement no 12 rectifié modifié, qui devient l'article 1er

Les amendements nos 61, 95 et 62 de M. Warsmann, 33 et 34 de M. Clément, 55 de M. Marie-Jeanne, 64, 67, 69, 104, 66, 60 et 71 de M. Warsmann n'ont plus d'objet.

Après l'article 1er (p. 6411)

Amendement no 53 de M. Tourret : MM. Alain Tourret, ler apporteur, Mme la garde des sceaux, M. Pierre Albertini. - Adoption.

Amendement no 48 rectifié de Mme Neiertz : Mme Véronique Neiertz, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Alain Tourret. - Adoption.

Article 2 (p. 6413)

MM. Jean-Luc Warsmann, Pierre Albertini.

Amendement de suppression no 59 de Mme Catala : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 13 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux.

Sous-amendements à l'amendement no 13 : Sous-amendement no 45 de M. Albertini : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, Mme la garde des sceaux,

M. Jean-Luc Warsmann. - Rejet.

S ous-amendement no 79 rectifié de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Sous-amendement no 121 de M. Clément : MM. Pascal Clément, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 77 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 74 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 97 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 123 de M. Clément : MM. Pascal Clément, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 82 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 46 de M. Albertini : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 78 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux,

M. Pascal Clément. - Rejet.

Sous-amendement no 122 de M. Clément : MM. Pascal Clément, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 72 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Sous-amendement no 124 de M. Clément : MM. Pascal Clément, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Adoption de l'amendement no 13, qui devient l'article 2.

L es amendements nos 80 de M. Warsmann, 35 de M. Clément, 76, 75 et 70 de M. Warsmann, 37 de M. Clément, 83 et 81 de M. Warsmann, 36 de M. Clément, 73 corrigé de M. Warsmann et 38 de M. Clément n'ont plus d'objet.

Article 3 (p. 6420)

Amendement no 14 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux.

Sous-amendements à l'amendement no 14 : S ous-amendement no 114 rectifié de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Sous-amendement no 112 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 110 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 108 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Sous-amendement no 106 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Adoption de l'amendement no 14, qui devient l'article 3.

Les amendements nos 115, 113, 111, 109 et 107 de M. Warsmann n'ont plus d'objet.

Avant l'article 4 (p. 6422)

Amendement no 49 de M. Hascoët : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Article 4 (p. 6423)

Amendements nos 15 de la commission et 54 de M. Tourret : MM. le rapporteur, Alain Tourret, Mme la garde des sceaux, M. Arnaud Montebourg. - Adoption de l'amendement no 15 ; l'amendement no 54 n'a plus d'objet.

Amendement no 116 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Adoption de l'article 4 modifié.

Article 5 (p. 6425)

M M. Arnaud Montebourg, Pierre Albertini, Jean-Luc Warsmann.

Amendement no 10 de M. Albertini : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 39 de M. Clément : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 16 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, Arnaud Montebourg, Mme la garde des sceaux. Adoption.

Amendement no 117 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 11 de M. Albertini : M. le rapporteur. Rejet.

Amendement no 99 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 47 de M. Brunhes : MM. Alain Clary, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 118 de M. Warsmann : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 100 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 101 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 18 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, Arnaud Montebourg, Mme la garde des sceaux. Adoption.

Amendement no 19 rectifié de la commission, avec le sousamendement no 98 de Mme Lazerges : MM. Arnaud Montebourg, le rapporteur, Jacques Floch, Mme la garde des sceaux. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6 (p. 6429)

Amendement no 20 rectifié de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7 (p. 6429)

Amendement no 21 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendements identiques nos 9 de M. Albertini et 40 de M. Clément : MM. Pierre Albertini, le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Amendement no 22 rectifié de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 102 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Adoption de l'article 7 modifié.

Article 8 (p. 6431)

Amendement no 23 de la commission : MM. le rapporteur, J ean-Luc Warsmann, Mme la garde des sceaux,

M. Arnaud Montebourg. - Adoption.

Amendement no 24 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 25 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 26 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 8 modifié.

Articles 9 et 10. - Adoption (p. 6432)

Après l'article 10 (p. 6432)

Amendement no 50 de M. Hascoët : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Rejet.

Article 11 (p. 6432)

Amendement no 84 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 27 de la commission. - Adoption.

Amendement no 28 rectifié de la commission. - Adoption.

Amendement no 85 de la commission : Mme la garde des sceaux. - Adoption.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Amendement no 86 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 87 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 88 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 89 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 103 de M. Warsmann : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux,

M M. Jacques Floch, Arnaud Montebourg, Michel Hunault. - Adoption.

Adoption de l'article 11 modifié.

Après l'article 11 (p. 6435)

Amendement no 41 deuxième rectification de M. Floch : MM. Jacques Floch, le rapporteur, Mmes la garde des sceaux, Catherine Tasca, présidente de la commission des lois. - Retrait.

MM. Jean-Luc Warsmann, le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 6437)

Article 12 (p. 6437)

Amendement no 29 de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Jean-Luc Warsmann. Adoption.

Adoption de l'article 12 modifié.

Renvoi des explications de vote et du vote sur l'ensemble du projet de loi à une prochaine séance.

2. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 6438).

3. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 6438).

4. Dépôt de rapports (p. 6438).

5. Dépôt de rapports d'information (p. 6438).

6. Dépôt d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 6439).

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 6439).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

(1) Le texte de cet article a été publié dans le compte rendu intég ral de la deuxième séance du mercredi 23 juin 1999.

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures) 1 ACTION PUBLIQUE EN MATIÈRE PÉNALE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le code de procédure pénale (nos 957, 1702).

Discussion des articles (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé l'examen de l'article 1er (1) et s'est arrêtée au sous-amendement no 56 à l'amendement no 12 rectifié de la commission.

Article 1er (suite)

M. le président.

Je rappelle les termes de l'amendement no 12 rectifié, présenté par M. Vallini, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« Il est inséré, dans le titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale, après l'article 29, un chapitre ainsi rédigé :

« C HAPITRE Ier bis

« Du ministre de la justice

« Art. 30. - Le ministre de la justice définit les directives générales de la politique pénale. Il les adresse aux magistrats du ministère public pour application et aux magistrats du siège pour information.

« Il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles.

« Art. 30-1. - Lorsque le ministre de la justice estime, en l'absence de poursuites pénales, que l'intérêt général commande de telles poursuites, il met en mouvement l'action publique.

« Lorsque le ministre estime, en l'absence d'appel ou de pourvoi en cassation contre une décision de refus d'informer, de non-lieu ou de relaxe dans une procédure pour laquelle il a été fait application des dispositions de l'alinéa précédent, que l'intérêt géné ral commande un tel recours, il interjette appel ou forme un pourvoi en cassation.

« Le ministre saisit par voie de réquisitoire ou de citation directe la juridiction compétente. Il ne peut à cette fin déléguer sa signature.

« Une copie de l'acte de poursuite, d'appel ou de pourvoi est adressée, par l'intermédiaire du procureur général, au parquet compétent. En cas d'urgence, ces transmissions peuvent se faire par tout moyen, à charge de joindre l'original de l'acte de poursuite à la procédure dans les meilleurs délais.

Les délais d'appel et de pourvoi du ministre de la justice sont les mêmes que ceux du procureur général. La procédure se déroule dans les mêmes conditions que si l'acte émanait du ministère public.

« Art. 30-2. - Le ministre de la justice rend publiques les directives générales mentionnées à l'article 30.

« Il informe chaque année le Parlement des conditions de mise en oeuvre de ces directives générales. Il précise également le nombre et la qualification des infractions pour lesquelles il a fait application des dispositions de l'article 30-1. »

Le sous-amendement no 56, présenté par M. Blessig, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale :

« Art. 30. - Le ministre de la justice peut dénoncer aux procureurs généraux les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre par instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier de la procédure d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner d'instruction faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique. »

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Madame la garde des sceaux, s'il y a un point sur lequel nous sommes d'accord dans cette assemblée après plusieurs heures de discussion générale, c'est qu'il faut fonder la relation entre parquet et pouvoir politique sur une base claire et acceptée par tous, mais nous divergeons sur le problème des instructions individuelles.

L'instruction individuelle n'est qu'une possibilité parmi d'autres à la disposition du garde des sceaux, et personne n'a jamais soutenu sérieusement ici qu'une politique pénale pouvait se résumer à une collection d'instructions individuelles.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

M. Emile Blessig.

Par contre, le ministre de la justice ne devrait pas se passer d'un tel outil.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Ce sous-amendement reprend l'article 36 - l'instruction individuelle écrite, versée au dossier - en ajoutant, pour être plus clair, l'interdiction de donner des instructions faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique, ce qui me paraît de nature à clarifier la situation et à éviter une ambiguïté qui a été assez préjudi ciable.

L'évolution du régime de la responsabilité des magistrats que vous nous avez annoncée pendant la discussion pourrait utilement compléter l'article 36 ainsi modifié.

Nous aurions une responsabilité du magistrat sans que soit remise en cause la responsabilité politique, et cela serait de nature à asseoir une fonction essentielle dans l'appareil gouvernemental, celle de garde des sceaux. Audelà de directives générales, il s'agit de mettre en oeuvre une politique pénale, et la solution que je propose me paraît tout à fait cohérente.

J'ai ainsi défendu également, monsieur le président, le sous-amendement no 42 déposé par M. Albertini.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur le sous-amendement no

56.

M. André Vallini, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Il s'agit purement et simplement de maintenir le système actuel. La commission est défavorable à ce sous-amendement.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement no

56. Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

56. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de quatre sous-amendements, nos 30, 94, 92 et 96, pouvant être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 30, présenté par M. Jean-Pierre Michel, est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale, après le mot : "public", insérer les mots : "qui sont tenus de les appliquer et doivent en rendre compte,". »

Les sous-amendements nos 94, 92 et 96 sont présentés par M. Warsmann.

Le sous-amendement no 94 est ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "pour application et aux magistrats du siège pour information" les mots : "qui doivent les respecter et aux magistrats du siège qui en sont informés". »

Le sous-amendement no 92 est ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "pour application et aux magistrats du siège pour information" les mots : "à qui elles s'appliquent et aux magistrats du siège qui en sont informés". »

Le sous-amendement no 96 est ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "pour application" les mots : " à qui elles s'imposent". »

La parole est à M. Georges Sarre, pour soutenir le sous-amendement no

30.

M. Georges Sarre.

Il s'agit pour une large part d'une pétition de principe puisque la mise en oeuvre des sanctions contre les procureurs qui n'obtempéreraient pas est très lourde, très complexe, dépendant au bout du compte de la corporation.

Néanmoins, le pouvoir du garde des sceaux serait ainsi renforcé puisque les procureurs seraient tenus d'appliquer les directives et, surtout, de rendre des comptes et d'expliquer les raisons qui les auraient empêchés de le faire.

C'est donc une disposition de transparence permettant éventuellement de dresser un constat de carence et d'engager un débat dans l'opinion.

J'ai dit hier ce que je pensais grosso modo de la réforme. Ce sous-amendement, c'est mieux que rien ! C'est un palliatif !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour défendre les sous-amendements nos 94, 92 et 96.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je voudrais rappeler la fragilité de la portée juridique des directives puisque, par principe, elles n'imposent rien et peuvent au plus orienter.

J'ajoute que la jurisprudence a toujours reconnu à l'autorité saisie d'une directive le droit de s'en écarter, notamment pour des motifs d'intérêt général ou des motifs tirés des particularités de l'affaire, ce qui diminue beaucoup leur portée.

Je voudrais à ce stade interroger M. le rapporteur et

Mme la garde des sceaux sur trois points.

Premier point, quel peut être le contenu de ces directives ? Peut-on émettre un avis ou prédéterminer les modes de poursuite d'une infraction, c'est-à-dire l'information judiciaire, la comparution immédiate ou la citation directe ? Peuvent-elles aller jusqu'à suggérer ou fixer un quantum ou un type de peine à requérir ? Peuventelles avoir un rôle par rapport aux modalités d'exécution ou de non-exécution des peines ? Deuxième question : le remplacement du mot « orientation » par le mot « directives » a-t-il des conséquences juridiques ? Troisième question que j'ai déjà posée à Mme la garde des sceaux mais je n'ai pas eu l'occasion d'avoir une réponse, et je serais donc très heureux d'en avoir une à la reprise de la séance : en cas de non-respect des directives par un procureur, le ministre peut-il demander des sanctions disciplinaires ? Question annexe : y-a-t-il en ces derniers mois des demandes de sanctions auprès de magistrats du parquet pour non-respect de directives ou d'orientations générales ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces quatre sous-amendements ?

M. André Vallini, rapporteur.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il me semble que la non-application réitérée, obstinée, délibérée d'une directive par un magistrat du parquet pourrait entraîner des sanctions disciplinaires devant le CSM, devant lequel pourrait le traduire le garde des sceaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

S'agissant des sous-amendements eux-mêmes, on fait beaucoup de sémantique et on joue sur les mots. Vous me l'avez reproché tout à l'heure à propos des orientations générales ou des directives générales. L'amendement no 12 rectifié, qui prévoit que les directives seront adressées pour application, répond aux questions posées dans ces sous-amendements.

Le sous-amendement de M. Michel impose aux magistrats du ministère public de rendre compte de l'application des directives, mais le deuxième alinéa de l'article 37-2 impose au procureur général de rendre compte au garde des sceaux de leur mise en oeuvre, chaque année, et le deuxième alinéa de l'article 39-4 impose au procureur de la République de rendre compte aux procureurs généraux, ce qui répond aux interrogations de M. Michel.

Monsieur Warsmann, « pour application » me semble plus précis que « qui doivent les respecter ».

« Pour information » est équivalent à « qui en sont informés » et votre sous-amendement no 92 n'apporte donc rien. Vous voulez que les directives s'appliquent aux magistrats du parquet. Je préfère dire qu'elles sont appliquées par les magistrats du parquet.

E nfin, vous proposez l'expression « à qui elles s'imposent ». J'ai regardé dans le Petit Larousse.

« Appliquer » signifie « mettre en oeuvre ». Les magistrats du parquet mettent donc en oeuvre les directives.

On joue vraiment sur les mots. Je suis opposé à tous ces sous-amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas favorable au sous-amendement no 30 de M. Michel Sur le plan de la forme, l'article 30 du code de procédure pénale traite des prérogatives du garde des sceaux et non de celles des magistrats du parquet, qui font l'objet, pour les procureurs généraux, des articles 35 et suivants et, pour les procureurs de la République, des articles 39-1 et suivants, que modifient les articles 2 et 3 du projet.

Sur le fond, la précision proposée est inutile : l'article 30 tel qu'il est réécrit par la commission précise déjà que les directives du ministre de la justice sont adressées pour application aux magistrats du parquet, ce qui est assez explicite.

S'agissant des sous-amendements de M. Warsmann, le texte de la commission est également suffisamment explicite. Je lui ai déjà répondu hier dans la discussion générale. Peut-être n'était-il pas en séance et avait-il éteint sa télévision !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est d'une nullité et d'un irrespect du Parlement, madame la ministre ! C'est scandaleux !

Mme la garde des sceaux.

Je répète donc que, dans son arrêté du 19 mars 1997, dont j'ai déjà fait mention hier dans ma réponse, le Conseil d'Etat a jugé que « le garde des sceaux n'a pas commis d'abus de pouvoir en adressant aux procureurs généraux et aux procureurs de la République une circulaire qui, sans porter atteinte à leur pouvoir d'appréciation dans le cadre d'un plan de lutte contre l'immigration clandestine, a exposé les règles législatives applicables et a donné des orientations sur leur mise en oeuvre sans édicter aucune prescription nouvelle ». Il est évident que le garde des sceaux ne peut aller au-delà de la loi.

Quant à savoir s'il y a eu des sanctions disciplinaires à la suite des refus d'un procureur général d'appliquer des directives générales, depuis deux ans, on ne m'a signalé aucun cas de procureur général refusant de les appliquer.

J'ajoute que je n'ai pas pu trouver de cas, dans l'ancien système, de sanctions disciplinaires contre des procureurs qui auraient refusé d'appliquer des sanctions individuelles.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je souhaiterais tout de même que l'on fasse preuve dans ce débat d'un respect un petit peu plus marqué envers les différents interlocuteurs.

Madame la garde des sceaux, j'étais là pendant votre intervention, mais vous n'avez pas pu me répondre puisque vous étiez la première à parler. Vous n'avez pas pu répondre aux interlocuteurs qui ont suivi.

Mme la garde des sceaux.

J'ai répondu hier !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je vous ai posé un certain nombre de questions. Cela vous échappe peut-être, et je le regrette, mais le rôle d'un débat à l'Assemblée nationale est double. On peut échanger des convictions, ce qui aboutit à un vote, et on peut aussi poser des questions juridiques, permettant de savoir précisément comment interpréter les textes.

A ce titre, je vous ai demandé s'il y avait une différence juridique entre votre projet, qui contient la notion d'orientations, et l'amendement no 12 rectifié du rapporteur qui utilise le mot « directives ». Vous ne m'avez pas répondu. Je réitère donc ma question. C'est la troisième fois que je la pose.

Je vous ai demandé ensuite si, en cas de non-respect de directives, il pouvait y avoir sanctions. Vous m'avez répondu que vous n'aviez jamais demandé de sanctions disciplinaires. C'est une partie de la réponse, pas la totalité. Je maintiens donc ma question : le non-respect d'une directive par un procureur de la République - vous m'avez simplement répondu pour un procureur général, ce qui est différent - peut-il aboutir à la mise en place d'une sanction disciplinaire ? Le rapporteur a répondu qu'il pouvait y avoir sanction par le CSM en cas de nonrespect réitéré, obstiné et délibéré. Est-ce aussi vot re interprétation ?

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

J'ai déjà répondu à ces questions cet après-midi. Si M. Warsmann s'obstine à ne pas entendre, j'estime ne pas avoir à répéter mes réponses.

M. Jean-Luc Warsmann.

Quel beau débat démocratique !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

30. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

94. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

92. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

96. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. le président.

M. Blessig a présenté un sousamendement, no 57, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :

« Un débat sur les orientations générales de la politique pénale, notamment dans la perspective d'une coordination internationale des politiques pénales, est organisé au Parlement chaque année. Ce débat ne peut donner lieu à un vote. »

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

L'avant-dernier alinéa de l'article 1er prévoit une information en aval du Parlement sur les conditions de mise en oeuvre des orientations générales de la politique pénale. Je m'en félicite, mais une assemblée doit également prévoir et je propose une information préalable plutôt qu'une information a posteriori.

Un débat d'orientation générale sur la politique pénale pourrait-il être organisé à l'Assemblée nationale ? Ces orientations - vous le voyez, j'établis bien la distinction entre orientations et directives - sont un élément fondamental de la politique pénale, qui, de plus en plus, est décidée dans le cadre d'une coordination internationale, en tout cas européenne. Pour nombre de problèmes, cette impérieuse nécessité s'impose.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Ce sous-amendement n'apporte rien. La commission émet un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Il est défavorable.

D'abord parce que, si le Parlement, bien sûr, vote la loi, et contrôle l'action du Gouvernement, le Gouvernement, lui, détermine et met en oeuvre les politiques publiques. Ce n'est donc pas au Parlement d'élaborer les directives générales de politique pénale et il n'est pas cohérent d'organiser un débat préalable à l'élaboration de cette politique.

J'ajoute que l'information du Parlement est prévue par le projet.

Quant à la coordination internationale des politiques pénales, idée très intéressante, elle se construit grâce à mes contacts avec mes homologues, aux travaux du Conseil européen des ministres de la justice et des affaires intérieures, à votre vote du mois dernier sur la simplification des procédures pénales, et, d'une façon générale, grâce à l'approche internationale et comparative sur chacun des sujets, à laquelle, vous le savez, je tiens beaucoup.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

57. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Clément et M. Houillon ont présenté un sous-amendement, no 119, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Pierre Albertini, pour défendre ce sous-amendement.

M. Pierre Albertini.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Ce sous-amendement n'a pas été examiné par la commission, dont l'avis aurait sans doute été défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 119.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux sous-amendements, no 42 et 120, pouvant être soumis à une discussion commune.

Le sous-amendement no 42, présenté par M. Albertini, est libellé comme suit :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale :

« Le ministre de la justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre par instructions écrites et motivées, versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites. »

Le sous-amendement no 120, présenté par M. Clément et M. Houillon, est libellé comme suit :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale :

« Le ministre de la justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi dont il a connaissance, lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes. »

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir le sous-amendement no

42.

M. Pierre Albertini.

Il a été défendu tout à l'heure par

M. Blessig.

M. le président.

Le sous-amendement no 120 est-il défendu ?

M. Pierre Albertini.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

42. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 120.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Jean-Pierre Michel a présenté un sous-amendement, no 31, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale, après le mot : "instruction", insérer les mots : "de ne pas poursuivre lorsqu'une infraction a été constatée". »

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Le Gouvernement justifie son texte en expliquant que le fond du problème, ce sont les affaires que le pouvoir a ou aurait enterrées. Mais il ne faudrait pas que l'autorité judiciaire, en la personne des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

procureurs, puisse désormais faire de même. Le parquet ne vit pas hors des contingences et des circonstances. Le garde des sceaux doit pouvoir suppléer une quelconque carence du parquet qui ne poursuivrait pas une infraction constatée.

En revanche, à ce stade où le juge du siège n'intervient pas, le ministre ne pourra bloquer aucun dossier. L'intention première du Gouvernement sera ainsi non seulement respectée, mais même mieux encore traduite dans la loi.

Pour qu'une affaire soit occultée, il faudrait en effet désormais l'accord simultané de l'autorité judiciaire et du pouvoir exécutif.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

31. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 63, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30 du code de procédure pénale par l'alinéa suivant :

« Il fixe les modalités d'évaluation de ces directives. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mme la ministre n'a apporté aucune réponse à nos questions, et je le regrette. Quel contenu auront ces directives ? Jusqu'où pourront-elles aller ? Amoindriront-elles le pouvoir d'opportunité et la liberté d'opportunité des procureurs ? J'ai demandé tout à l'heure si elles pourraient aller jusqu'à prédéterminer les modes de poursuite, c'est-à-dire l'information judiciaire, la comparution immédiate ou la citation directe. J'ai également demandé si elles pourraient aller jusqu'à prendre des positions sur le quantum ou le type de peines appliquées, et émettre des avis sur les modalités d'exécution ou de non-exécution des peines. A ce stade du débat, je n'ai toujours pas de réponse.

Je m'interroge par ailleurs sur les modalités d'évaluation. L'évaluation est certes un mot général très positif.

Mais, si l'on veut une politique pénale efficace, il faut une évaluation très précise, menée dans le ressort de chaque procureur, et, si l'on veut permettre un débat éclairé, il faut faire connaître au Parlement les modalités d'évaluation de ces directives.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable, car il semble que ces modalités d'évaluation relèvent plutôt du pouvoir réglementaire.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, monsieur le président. Ces modalités d'évaluation sont définies par la loi, qui prévoit notamment des rapports annuels. Quant aux questions qu'a posées M. Warsmann, j'y ai déjà répondu, mais je veux bien me répéter : les directives sont faites pour orienter, non pour décider.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je remercie Mme la ministre de m'avoir enfin répondu. Le contenu de ces directives se voit donc fixer de nouvelles limites, ce qui, au lieu de nous rassurer, augmente notre inquiétude.

D'autre part, le problème n'est pas de savoir si les modalités d'évaluation relèvent du domaine réglementaire ou législatif, mais de faire en sorte que nous soyons informés. Les parlementaires veulent débattre de la politique pénale.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

63. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 43 et 65.

Le sous-amendement no 43 est présenté par M. Albertini ; le sous-amendement no 65 est présenté par M. Warsmann.

Ces sous-amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-1 du code de procédure pénale. »

Le sous-amendement no 43 de M. Albertini est défendu.

M. Pierre Albertini.

Oui !

M. le président.

Monsieur Warsmann, inspirez-vous de M. Albertini... (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, chacun fait ce qu'il peut pour que le débat soit aussi rapide que possible et pour que l'on perde le moins de temps.

Il est un point qui m'intrigue beaucoup. Mme la garde des sceaux, que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention, nous a indiqué que, depuis sa nomination, elle ne donnait plus d'instructions individuelles, mais que, néanmoins, pour l'amélioration du système, elle souhaitait que sa pratique soit transcrite dans la loi. En répondant aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, elle a ajouté que, dans les affaires civiles et commerciales, elle ne souhaitait plus non plus donner d'instructions individuelles, car ces dossiers peuvent avoir des suites pénales.

Mme la garde des sceaux confirme-t-elle qu'elle n'a jamais donné, ou n'a plus l'intention de donner d'instructions individuelles dans les affaires civiles et commerciales ? Dans ce cas, pourquoi ne transcrit-elle pas aussi cette interdiction dans la loi ? Il ne peut y avoir deux poids deux mesures.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable. Il ne faut pas supprimer le droit d'action propre du garde des sceaux, qui est indispensable à l'équilibre du projet et qui s'exercera dans la transparence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann.

Toujours pas de réponse !

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les sous-amendements nos 43 et 65.

(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Tourret a présenté un sousamendement, no 51 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-1 du code de procédure pénale :

« Art. 30-1. Lorsque le ministre de la justice estime, en l'absence de poursuites pénales, que l'intérêt général commande de telles poursuites, il met


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

en mouvement l'action publique. Lorsqu'il estime, en l'absence d'appel ou de pourvoi en cassation contre une décision mettant fin aux poursuites, que l'intérêt général commande un tel recours, il interjette appel ou forme un pourvoi en cassation. Il saisit par voie de réquisitoire ou de citation directe la juridiction compétente. Il ne peut, à cette fin, déléguer sa signature.

« Une copie de l'acte de poursuite, d'appel ou de pourvoi est adressée, par l'intermédiaire du procureur général, au parquet compétent. En cas d'urgence, ces transmissions peuvent se faire par tout moyen, à charge de joindre l'original de l'acte de poursuite, d'appel ou de pourvoi à la procédure dans les meilleurs délais. Les délais d'appel et de pourvoi du ministre de la justice sont les mêmes que ceux du procureur général. La procédure se déroule ou se poursuit dans les mêmes conditions que si l'acte émanait du ministère public. »

Il est défendu, monsieur Tourret ?

M. Alain Tourret.

Je ne le trouve pas dans la liasse, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Avis défavorable. Ce sousamendement entend élargir le droit d'appel et la possibilité pour le garde des sceaux de se pourvoir en cassation.

Nous avons discuté ce point tout à l'heure à l'occasion de l'examen de l'amendement no 12 rectifié de la commission des lois. La proposition de M. Tourret, qui rejoint celle de M. Jean-Pierre Michel, va beaucoup trop loin. Il n'est pas question de permettre au garde des sceaux de se transformer en « super-procureur ». Nous avons tout à l'heure créé un droit de suite : lorsque le garde des sceaux aura déclenché l'action publique, il pourra faire appel ou se pourvoir en cassation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 51 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Jean-Pierre Michel a présenté un sous-amendement, no 32, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte prop osé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-1 du code de procédure pénale :

« En cas d'inaction du ministère public, le garde des sceaux peut interjeter appel de toute décision juridictionnelle. »

Ce sous-amendement a été, par avance, défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

32. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Albertini a présenté un sousamendement, no 44, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-2 du code de procédure pénale :

« Art. 30-2. Le ministre de la justice informe chaque année le Parlement, par une déclaration suivie d'un débat, des objectifs et des moyens de la politique pénale ainsi que sur les réponses judiciaires qui ont été mises en oeuvre. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Pierre Albertini.

Il est défendu.

M. le président.

Merci, monsieur Albertini.

M. Pierre Albertini.

Mais je souhaite le défendre un peu plus longuement, monsieur le président. Nous sommes d'accord pour que le débat se termine dans un délai raisonnable.

M. Jean-Luc Warsmann.

Tout à fait !

M. Pierre Albertini.

Mais il faut permettre à chacun de s'exprimer. Sinon, je demanderai une suspension de séance. J'ai essayé en vain de retrouver tout à l'heure, dans la liasse, le sous-amendement no 51 rectifié de M. Tourret. Je voudrais à présent retrouver le mien.

M. Alain Tourret.

Oui, je veux bien que l'on dise n'importe quoi, mais il ne faut pas aller plus vite que la musique !

M. Pierre Albertini.

Je suppose, n'ayant pas retrouvé mon sous-amendement, que c'est celui relatif au débat sur les objectifs, les moyens et les réponses judiciaires.

M. René Dosière.

Nous l'avons, nous, ce sous-amendement !

M. Pierre Albertini.

Je le rappellerai très rapidement de mémoire, monsieur le président.

M. le président.

Chers collègues, je voudrais que les choses soient claires. Apparemment, vos collègues ont en main ce sous-amendement no 44, monsieur Albertini.

M. Pierre Albertini.

C'est donc qu'il y a eu une nouvelle liasse. Je m'étais reporté à l'ancienne, distribuée avant dix-neuf heures. Personne ne m'a signalé qu'une nouvelle liasse avait été distribuée. Je suis arrivé avec trois minutes de retard. Je bats ma coulpe. J'aurais dû être à l'heure.

M. le président.

Personne ne vous fait de reproches, monsieur Albertini. Je devrais plutôt m'en adresser à moimême, puisque, d'après ce que l'on m'indique, une première liasse - sans doute celle que vous avez - a été distribuée en fin d'après-midi. Puis elle a été actualisée pendant le dîner par les services de l'Assemblée, qui font un travail remarquable.

M. Pierre Albertini.

Absolument !

M. le président.

Le sous-amendement no 44 figure dans la nouvelle liasse ainsi que le sous-amendement de M. Tourret. Cela a dû lui échapper.

M. Alain Tourret.

Non, c'est que j'avais, moi aussi, l'ancienne liasse.

M. le président.

Sans doute n'aviez-vous pas beaucoup d'illusions sur le sort qui serait réservé à votre sousamendement, monsieur Tourret.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est aimable pour les membres de la majorité plurielle !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. Alain Tourret.

C'est charmant ! Le rapporteur a refusé mon sous-amendement, et on me demande d'être d'accord ! (Rires.)

M. le président.

Bien sûr que non, monsieur Tourret, mais le rapporteur s'est expliqué.

Monsieur Albertini, vous avez la parole.

M. Pierre Albertini.

Mon sous-amendement no 44 vise à préciser dans quelles conditions le Parlement pourrait être associé à l'évaluation de l'action générale de l'ins titution judiciaire. C'est pourquoi j'ai proposé que le Parlement soit saisi d'une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les objectifs, les moyens et les réponses apportées par l'institution judiciaire à l'ensemble des questions relatives au respect de la loi. Bien qu'une faute de frappe m'ait fait prendre quelques libertés avec la syntaxe, ma rédaction est plus précise que celle du projet de loi, qui offre une formulation a minima

On a parlé tout à l'heure de responsabilité politique. Je pense qu'il serait plus logique, tout en renforçant l'autorité du garde des sceaux, quel qu'il soit, que le Parlement puisse participer plus globalement à l'évaluation des réponses judiciaires.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Il va de soi que, lorsqu'il informera le Parlement de l'application de la politique pénale, le ministre l'informera également des objectifs, des moyens et de la mise en oeuvre de cette politique. Ce sous-amendement n'apporte donc rien au texte du Gouvernement.

En revanche, la commission n'a pas été hostile à ce qu'il soit précisé que la déclaration serait suivie d'un débat. Nous avons d'ailleurs accepté le sous-amendement no 105 de M. Warsmann qui va dans ce sens. La commission est donc défavorable au sous-amendement no 44 de M. Albertini, et sera favorable au sousamendement no 105 de M. Warsmann.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas non plus favorable à ce sous-amendement, car je pense que la rédaction améliorée par la commission est préférable.

La contre-rédaction de M. Albertini soulève plusieurs difficultés. Il semble en effet confondre débat d'orientation préalable à l'élaboration des directives et contrôle postérieur du Parlement sur les directives élaborées et sur leur mise en oeuvre. J'ai déjà souligné ce point lors de la discussion sur le sous-amendement no 57 de M. Blessig.

Il pourra apparaître souhaitable que l'information donnée par le garde des sceaux se fasse par le biais d'une déclaration suivie d'un débat. Mais cela ne doit pas être systématique. En tout état de cause, il n'est pas possible d'inscrire l'obligation d'un tel débat dans une simple loi.

Cela relève de la Constitution ou, au minimum, de la loi organique sur le fonctionnement des assemblées.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

44. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 105, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-2 du code de procédure pénale, après le mot : "Parlement", insérer les mots : ", par une déclaration suivie d'un débat,". »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce sous-amendement est particulièrement important et je remercie M. le rapporteur d'avoir rappelé qu'il avait recueilli l'avis favorable de la commission des lois. En effet, dès lors qu'on supprime les instructions individuelles, qu'on considère que toute la politique pénale va être fondée sur des directives générales, il semble logique que la présentation du rapport au Parlement soit suivie d'un débat. C'est le simple, seul, mais fort objet de ce sous-amendement no 105.

M. le président.

La commission a déjà émis un avis favorable sur cet amendement.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Il est défavorable, monsieur le président, pour les raisons que je viens d'indiquer.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Nous pourrions nous entendre sur ce sous-amendement, dans la mesure où il ne remet pas en cause l'équilibre du texte et ne tend qu'à alimenter la discussion, et donc le contrôle démocratique, par le Parlement, de la mise en oeuvre de la politique pénale. C'est peut-être là un effort dont l'opposition pourrait nous gratifier.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, je peux rectifier mon sous-amendement en insérant les mots : « par une déclaration pouvant être suivie d'un débat », afin d'éliminer toute objection,...

Mme Véronique Neiertz.

Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann.

... sans nuire à l'objectif poursuivi par notre assemblée. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg.

Merci, monsieur Warsmann.

M. le président.

Le sous-amendement no 105 est donc rectifié.

Il est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-2 du code de procédure pénale, après le mot : "Parlement", insérer les mots : ", par une déclaration pouvant être suivie d'un débat,". »

Je mets aux voix le sous-amendement no 105 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 93, ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-2 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "de l'article 30-1" les mots : "des articles 30-1 et 37". »

Monsieur Warsmann, vous venez d'avoir satisfaction...

(Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Je vous remercie, monsieur le président, mais mon objectif n'est pas d'avoir satisfaction sur un seul sous-amendement.

M. Alain Tourret.

Vous pouvez abandonner !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je vais être un peu plus ambitieux et ne pas rentrer tout de suite dans mon département !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Le sous-amendement no 93, comme vous l'avez indiqué avec raison, monsieur le président, répond à une puissante logique. Le projet prévoit que le ministre de la justice doit, chaque année, informer le Parlement des conditions dans lesquelles les orientations générales de la politique pénale auront été mises en oeuvre. Mais il nous propose également de préciser le nombre et la qualification des infractions pour lesquelles il a été fait application des dispositions de l'article 30-2.

De quoi s'agit-il ? D'une dérogation tout à fait except ionnelle à la procédure d'engagement de l'action publique, car, en application de l'article 30-2, ce n'est pas le procureur de la République mais le garde des sceaux qui engage cette procédure. Je souhaite, dans un souci de transparence, que ce rapport concerne les deux procédures exceptionnelles d'engagement de l'action publique prévues dans ce texte. Il existe en effet une procédure exceptionnelle d'engagement par le garde des sceaux - j'ai dit tout à l'heure que je la désapprouvais -, mais il y en a une seconde, décrite à l'article 37, où ce n'est pas le procureur de la République qui engage l'action publique, mais le procureur général.

Qu'on ne m'oppose pas qu'il s'agit d'informations colossales, impossibles à collecter : d'une part, la Chancellerie possédera la liste de toutes les procédures relevant de l'article 37 ; d'autre part, la procédure d'information est extrêmement limitée. Il ne s'agit pas de rentrer dans les procédures individuelles, mais simplement de préciser, comme le dit le texte du Gouvernement, « le nombre et la qualification des infractions ».

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

En fait, monsieur Warsmann, il me semble que vous commettez une erreur juridique. Le code de procédure pénale permet déjà au procureur général d'enjoindre à un procureur d'engager des poursuites. Donc, le texte dont nous débattons n'ajoute rien par rapport à cette possibilité. Et il n'est pas question d'établir un parallèle entre le droit d'action propre du garde des sceaux, qui est effectivement créé par ce texte, et la faculté dont disposent déjà les procureurs généraux.

En dépit de votre objection préalable, monsieur Warsmann, je vous oppose l'argument selon lequel le garde des sceaux serait obligé de fournir chaque année au Parlement une somme d'informations vraiment « colossale », pour reprendre votre adjectif. Le rapport qu'il devrait remettre serait vraiment volumineux, et nécessiterait des semaines de débat : on entrerait dans le détail du détail des procédures. Il n'est pas raisonnable de vouloir, chaque fois qu'un procureur général enjoint un procureur de la République de déclencher l'action publique, que cela figure dans le rapport du garde des sceaux au Parlement ! Par conséquent, j'émets un avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Même avis que la commission.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je n'ai jamais prétendu que le sous-amendement no 93 tendait à créer quoi que ce soit.

J'ai simplement dit au début de cette discussion générale que je considérais que l'intérêt de ce débat était précis ément de tenter d'améliorer notre système judiciaire et d'en accroître la transparence.

C'est en effet l'intérêt général que de rendre transparentes toutes les procédures d'engagement de l'action publique qui sont extraordinaires, c'est-à-dire qui ne sont p as mises en mouvement par le procureur de la République. Or, après le vote de ce projet de loi, deux possibilités se présenteront : soit l'engagement direct de l'action publique par le garde des sceaux, soit l'engagement direct par le procureur général.

Comme sur beaucoup d'autres sujets, ce texte ne va pas au bout en matière de transparence, même s'il s'en rapproche. Comme le projet autorise le garde des sceaux à engager l'action publique, il est prévu que le ministre de la justice informe le Parlement du nombre et de la qualification des infractions pour lesquelles il a fait application d'une telle disposition, et ce afin de se prémunir contre tout risque de dérapage. Mais on ne va pas jusqu'au bout de la logique, qui voudrait que toutes les procédures d'engagement de l'action publique qui ne sont pas normales - c'est-à-dire qui ne sont pas déclenchées par le procureur de la République - soient transparentes.

Moi, je souhaite qu'elles soient transparentes et, pour cela, je propose qu'il soit rendu compte des procédures d'engagement de l'action publique déclenchées par le procureur général de la même manière qu'il sera fait état de celles mises en oeuvre par le ministre de la justice.

Le rapport ne sera pas plus volumineux. Du reste, soyons clairs : le nombre d'heures de débat au Parlement sur un rapport n'a jamais été lié au nombre de pages du rapport ! J'ajoute que cette adjonction n'augmentera absolument pas le nombre des pages du rapport. Il suffira d'ajouter à la colonne concernant le nombre d'actions publiques engagées par le garde des sceaux une colonne relative au nombre d'actions publiques engagées par les procureurs généraux.

Une telle proposition ne pourra qu'accroître la transparence. Or j'estime que l'un des objectifs que nous devons poursuivre en matière de justice, c'est précisément de rendre plus transparent le déclenchement de l'action publique.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

93. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 90, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-2 du code de procédure pénale par l'alinéa suivant :

« Cette information est complétée par une évaluation quantitative et qualitative des résultats obtenus dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. Le Parlement est informé à cette occasion des adaptations aux directives générales décidées par les procureurs généraux et par les procureurs de la République dans leurs ressorts respectifs. »

Si j'en crois son exposé sommaire, ce sous-amendement, monsieur Warsmann, « se justifie par son texte même ». (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Selon l'adage bien connu, ce qui va sans dire va mieux en le disant, monsieur le président.

M. le président.

Rapidement, je vous prie.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je ne crois pas avoir abusé de la parole jusqu'à présent.

M. le président.

C'est vrai !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. Jean-Luc Warsmann.

L'objet de ce sous-amendement est d'appeler à nouveau - vainement, je crains l'attention de l'Assemblée sur la possibilité d'évaluer la politique pénale, puisque, désormais, à la demande du Gouvernement, le seul outil de définition de la politique pénale consistera en des directives générales.

Or ces directives générales auront tout de même un caractère extrêmement limité puisqu'elles ne devront ni empiéter sur la loi ni sur la faculté du procureur à apprécier l'opportunité d'engager des poursuites. Cela étant, elles n'auront d'intérêt que si on peut procéder à une évaluation précise de leur application et de leur adaptation.

Ce sous-amendement tend donc à mieux définir le type d'informations que devra contenir le rapport soumis au Parlement. Il s'agit non de donner cinquante kilos d'informations, mais simplement de fournir aux parlementaires des informations leur permettant d'émettre un avis justifié.

Or un avis justifié sur une politique pénale, c'est un avis sur les conséquences quantitatives et qualitatives de celle-ci, par exemple en matière de violences urbaines ou de trafic de drogue. La comparaison entre l'évaluation quantitative et qualitative établie au 1er janvier et celle des résultats obtenus au 31 décembre de la même année permettra au débat de reposer sur des données objectives.

Se pose également un problème géographique. Nombre d'orateurs, tant de l'opposition que de la majorité - ce que j'ai noté avec plaisir -, ont manifesté le souci que tous les justiciables soient traités sur un pied d'égalité, quel que soit le lieu où a été commise l'infraction, c'est-àdire quel que soit le ressort où elle a eu lieu. Or pour que les parlementaires puissent en discuter et émettre un avis, il est indispensable qu'ils soient informés des adaptations aux directives générales décidées par les procureurs généraux et par les procureurs de la République.

Ces adaptations ne feront pas l'objet de romans de plusieurs pages. Il s'agira seulement de quelques phrases qui permettront de rendre compte de l'action des représentants du parquet sur le terrain et de voir quelle en a été la conséquence sur les résultats de l'action publique dans le ressort considéré.

Ce sous-amendement répond seulement au souci de bien informer le Parlement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

M. Warsmann a exposé beaucoup plus longuement ce qu'il avait déjà dit tout à l'heure. Je me contenterai de lui répéter très brièvement ce que je lui avais répondu : défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

Le rapport annuel du garde des sceaux ne peut se transformer en une somme analytique entrant dans le détail des activités de chaque TGI. Je rappelle d'ailleurs que les conditions locales de la mise en oeuvre des directives seront exposées dans les rapports des procureurs généraux et des procureurs, rapports eux-mêmes rendus publics.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

90. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 91, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-2 du code de procédure pénale par l'alinéa suivant :

« Cette information peut faire l'objet au Parlement d'un débat d'orientation judiciaire qui a lieu chaque année avant le 30 juin. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, que j'invite à la concision car il s'agit du même problème que précédemment.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mme la garde des sceaux vient d'indiquer qu'elle ne souhaitait pas que son rapport soit une somme analytique. Je suis extrêmement surpris de cette réaction, d'autant que la chancellerie publie déjà chaque année, quel que soit le garde des sceaux, des stat istiques, qu'il s'agisse du nombre des infractions commises, de celui des poursuites engagées ou du nombre des infractions classées sans suite.

Par conséquent, au moment où l'on nous propose d'avoir des débats sur la politique pénale, j'estime qu'il est logique de faire un pas de plus dans la voie de la transparence, en ajoutant à ces statistiques d'autres statistiques qui nous permettent de juger de l'évaluation qualitative et quantitative.

Autre surprise : Mme la garde des sceaux vient de nous indiquer que les données dont je demande qu'elles soient communiquées aux parlementaires figureront dans les rapports des procureurs et des procureurs généraux à la chancellerie. Mais, que je sache, les parlementaires n'auront pas communication de ces rapports. Je dénonce donc l'absurdité de la situation. Tout cela est illogique et contraire à la transparence.

S'agissant de mon sous-amendement no 91, il tend à préciser que l'information fournie au Parlement peut y faire l'objet d'un débat d'orientation judiciaire qui a lieu chaque année avant le 30 juin.

En cette matière, j'ai l'impression d'être en avance par rapport au niveau de transparence que le projet propose d'atteindre. Nous savons que, chaque année, un débat d'orientation budgétaire a lieu au Parlement, car, au fil des ans, les parlementaires ont estimé que le seul examen de la loi de finances ne suffisait pas et qu'il fallait préparer cet examen par un débat d'orientation budgétaire. Du reste, nous avons également imposé à certaines collectivit és locales d'avoir un tel débat d'orientation. Par conséquent, au moment où le Gouvernement nous propose que toute la politique pénale soit simplement définie par des directives, je suggère d'associer le Parlement et d'aller plus loin en instituant un débat d'orientation judiciaire, comme il existe un débat d'orientation budgétaire.

Je souhaite également que ce débat ait lieu avant le 30 juin, car chacun le sait, le deuxième semestre de chaque année est encombré par l'examen de la loi de finances et celui de la loi de financement de la sécurité sociale. Quels que soient les gouvernements et leur couleur politique, il me semble beaucoup plus sain d'imposer que ce débat d'orientation ait lieu avant le 30 juin.

Enfin, ce sous-amendement écarte tous les arguments procéduraux que l'on pourrait m'opposer puisqu'il n'impose pas d'obligation. Il s'agit d'une possibilité, dans la mesure où il est écrit : « Cette information peut faire l'objet... »

Ce sous-amendement est l'occasion, mes chers collègues, de rappeler combien nous désirons être associés à ce débat et combien nous souhaitons qu'il soit réel et ambitieux. Enfin, en fixant une date limite, nous imposons la tenue effective de celui-ci.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

La commission a repoussé ce sous-amendement, mais a souhaité entendre Mme la ministre lui dire quel calendrier elle envisage pour l'infor-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

mation du Parlement sur sa politique pénale, pour l'information des assemblées de magistrats sur la mise en oeuvre des directives de politique pénale dans le ressort de chaque tribunal et pour la transmission des rapports des procureurs généraux au garde des sceaux sur l'application de ses directives.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis défavorable au sousamendement no

91. Je réponds au rapporteur que je pense être en possession des rapports des procureurs généraux avant la fin de l'année. Il faudra ensuite en faire la synthèse. Je serai en mesure de présenter au Parlement le résultat de ces rapports avant la fin du premier semestre.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

91. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Tourret a présenté un sousamendement, no 52 rectifié, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé par l'amendement no 12 rectifié pour l'article 30-2 du code de procédure pénale par l'alinéa suivant :

« Le ministre de la justice est, dans chaque ressort de la cour d'appel, représenté par un avocat, désigné pour une durée de trois années par arrêté ministériel. Cet avocat est choisi parmi les bâtonniers ou anciens bâtonniers du ressort de la cour d'appel. Cet avocat, agit, dans le cadre de l'action publique diligentée par le ministre de la justice, avec les mêmes droits que le procureur de la République. »

M. Alain Tourret.

Ce sous-amendement concerne l'action publique mise en mouvement par le garde des sceaux. La conception de cette action a, à mon sens, déjà un peu évolué puisque, si l'on se réfère à l'exposé des motifs du projet de loi, cette action devait être exceptionnelle. En effet, lorsque j'ai entendu Mme la garde des sceaux hier, nous n'étions plus dans le cadre d'une action exceptionnelle déclenchée une fois tous les cinq ans ou tous les trois ans, mais nous nous rapprochions plutôt du système des directives écrites de M. Méhaignerie. Nous allons donc entrer dans un processus de normalisation des procédures pour lesquelles le parquet fait défaut.

Nous avons très bien compris que Mme la garde des sceaux va mettre en mouvement l'action publique, mais quid ensuite ? Plus rien, puisque, par définition, nous allons nous trouver en face d'un parquet rétif. Si bien que, lorsque le procès aura lieu, seront présentes des personnes qui auront été convoquées, des prévenus entourés de leurs avocats, éventuellement des parties civiles, mais pas le parquet. Personne ne sera là pour assurer la représentation du ministère public, puisque ce sera le garde des sceaux qui aura déclenché l'action publique à cause du refus du ministère public de le faire. Une telle situation est invraisemblable.

Qui va soutenir l'action ? Qui va, au cours de la procédure devant le tribunal, poser les questions ? Personne ! J'ai donc proposé - et cela me semble le minimum -, puisqu'il y a défaut du ministère public, qu'une personne représente le garde des sceaux.

Cela pourrait être un autre magistrat du parquet général ou de la chancellerie. Toutefois, cette solution ne serait pas satisfaisante, car elle placerait dans une situation extrêmement délicate, d'une part, le parquet - rétif par définition - et, d'autre part, le magistrat en cause, d'où un risque de querelles de sérail.

Je pense donc préférable de recourir à un avocat. Pourquoi ? Parce que c'est son rôle ! Lorsque, par exemple, comme cela arrive, le Trésor public met en mouvement l'action publique, un avocat agréé représente spécifiquement le Gouvernement.

M. Arnaud Montebourg.

L'administration !

M. Alain Tourret.

Il me paraît donc utile de prévoir que le garde des sceaux puisse être représenté par un avocat, qui, afin d'éviter tout risque de suspicion, pourrait être un bâtonnier ou un ancien bâtonnier désigné pour trois ans. Je pense en effet qu'il est important de désigner une personne reconnue par ses pairs car c'est une mission particulièrement honorable et importante que de représenter le garde des sceaux.

Cet avocat pourrait également interjeter appel. Par le sous-amendement no 51 rectifié, je demandais que le garde des sceaux puisse éventuellement interjeter appel des décisions aberrantes. Dans le cas présent, je limite l'appel aux décisions prises à la suite de l'action déclenchée par le garde des sceaux.

Il s'agit, je le crois, d'une proposition de bon sens. Je ne veux pas que le garde des sceaux reste désarmé, reste seul face à des avocats de talent, car il s'agira forcément d'affaires difficiles. Imaginez M. Montebourg mitraillant le garde des sceaux.

M. Arnaud Montebourg.

Jamais ! (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Vous rendez-vous compte de ce que cela pourrait donner ! Ce serait extrêmement inquiétant !

M. le président.

Soyez plus bref que devant les juridictions ! Concluez, monsieur Tourret !

M. Alain Tourret.

Dans une telle hypothèse, il serait parfaitement utile que quelqu'un puisse lui répondre.

Par ce sous-amendement, je permets d'assurer le développement normal de l'action publique mise en mouvement par le garde des sceaux.

On me rétorquera que la chancellerie ne souhaite pas que le garde des sceaux soit partie au procès. Mais je ne vois pas en quoi cette argumentation s'oppose à ma proposition, qui est la seule à permettre de suivre normalement les différents degrés de la procédure au bénéfice entier de la chancellerie.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Si M. Montebourg venait à mitrailler le garde des sceaux, je ne doute pas un instant que Me Tourret serait là pour le défendre. (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Vous avez raison !

M. André Vallini, rapporteur.

Plus sérieusement, je ne comprends pas la philosophie de ce sous-amendement, laquelle est à l'opposé de celle que vous développez souvent, monsieur Tourret. Vous qui êtes si soucieux de la grandeur de l'Etat et du prestige de la République, comment pouvez-vous proposer d'abaisser le garde des sceaux au niveau d'une partie au procès ? Ce n'est pas acceptable. Le garde des sceaux ne saurait être partie au procès ; il déclenche l'action publique et, ensuite, celle-ci suit son cours.

Bien entendu, avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable également.

Je ne crois vraiment pas opportun de permettre au garde des sceaux d'être représenté par un avocat lorsqu'il exerce son droit propre. Pour le Gouvernement, le droit


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

d'action du garde des sceaux doit être exceptionnel. Il ne doit concerner que la mise en mouvement de l'action publique et non l'exercice de celle-ci. Dans ces conditions, il doit s'agir d'un droit propre ; le projet de loi précise d'ailleurs qu'il ne peut être délégué.

Toute autre solution transformerait le garde des sceaux en grand procureur de la nation, qui aurait autant de pouvoir, sinon plus, que les magistrats du ministère public de l'ensemble des juridictions nationales.

Ce qui importe, c'est de pouvoir saisir la juridiction, à charge pour elle de statuer ensuite en toute indépendance.

Il reste que c'est le parquet qui assure l'action publique. Dans ce cas, il le fera comme il le fait quand l'action publique est engagée par un fonctionnaire ou une partie civile ; il le fera comme il le faisait lorsqu'il recevait des instructions du garde des sceaux pour engager l'action publique. Je ne vois aucune difficulté à cet égard.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je m'exprimerai contre le sous-amendement de M. Tourret.

L es travaux préparatoires doivent permettre aux lecteurs de nos débats d'être informés sur la véritable nature du droit d'action propre. Il ne s'agit pas, comme semble le supposer le sous-amendement no 52 rectifié, qui entre dans le détail des conditions pratiques de l'utilisation de ce droit, d'un instrument à usage quasi quotidien, ou même mensuel ; nous sommes là dans l'ultra-subsidiaire.

Doit-on rappeler la philosophie de ce droit d'action propre ? Il faut que la victime ne se soit pas constituée partie civile et n'ait pas mis en mouvement l'action publique, non plus que le parquet. Il faut que le parquet général n'ait pas décidé de réagir à son tour. C'est donc bien dans des cas exceptionnels, ultra-subsidiaires, relevant de l'hypothèse d'école, que nous nous situons.

Imaginons un garde des sceaux décidant de faire usage de ce droit d'action propre et d'engager ainsi sa responsabilité politique devant le Parlement, puisque nous avons voté des dispositions à ce sujet. Cela voudrait dire qu'il s'engagerait, mais qu'il engagerait, au-delà de lui, une majorité, face à l'inertie, à une aberration, à un dysfonctionnement de l'institution judiciaire. Je ne vois pas qu'on puisse lui opposer une résistance. Le jeu normal et naturel de l'institution judiciaire l'emportera dans un cas qui ne pourra que provoquer l'émotion nationale.

J'ajoute que faire du garde des sceaux une partie à un procès, devant choisir un avocat comme le ferait la victime ou l'accusé, pose un véritable problème eu égard à la façon dont est organisée la procédure répressive en France.

Nous savons que le ministère public occupe une place éminente, que matérialise d'ailleurs la configuration de nos prétoires. Il serait très difficile de placer le garde des sceaux dans une position surplombée par le ministère public.

M. le président.

On construira une estrade de plus ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Le grand problème posé par cette procédure concerne la position du parquet. Nous sommes en effet dans une situation où le procureur de la République n'a pas jugé bon de déclencher l'action publique et où le ministre souhaite la déclencher. Quelle sera, dès lors, la position du parquet ? Nous sommes à un stade décisif du débat. Je suis heureux car le compte rendu des propos que vient de tenir Mme la ministre fera foi et confirmera ce que je soutiens depuis le début de la discussion générale.

Elle vient en effet d'affirmer que l'attitude du procureur de la République serait la même que celle qu'il avait auparavant, lorsqu'il recevait des instructions du garde des sceaux. Autrement dit, vous vous livrez à un effet d'affichage en supprimant les instructions individuelles, mais vous rétablissez par ailleurs un système vous permettant d'agir sur la justice. Et ce que vient de dire la garde des sceaux est bien la preuve que ce droit d'action directe est l'un des deux moyens - nous allons voir l'autre ultérieurement, à l'occasion d'un amendement sur le droit d'information - pour rétablir le pouvoir d'instruction individuelle du garde des sceaux. Une affaire pourra être mue entièrement par celui-ci, et, si les magistrats du siège condamnent le prévenu, l'affaire aura été entièrement déclenchée par le ministre de la justice, autorité politique.

C'est bien la preuve du trompe-l'oeil, du faux-semblant que représente ce projet, et que je dénonce depuis le début. La main sur le coeur, vous déclarez que vous supprimez les instructions individuelles, mais, de l'autre, vous vous donnez les moyens d'être beaucoup plus « efficace ». Je trouve que c'est un recul fantastique à l'aube de l'an 2000 ! Vous avez créé un autre moyen pour tenir la justice puisque, comme vous l'avez précisé, avec le droit d'action, les procureurs devront avoir la même attitude que s'ils avaient reçu une instruction individuelle. Je répète que c'est un recul. La justice à laquelle j'aspire pour les années à venir, c'est une justice plus transparente et plus indépendante du pouvoir politique.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 52 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 12 rectifié, modifié par le sous-amendement no 105 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé.

Les amendements nos 61, 95 et 62 de M. Warsmann, 33 et 34 de M. Clément, 55 de M. Marie-Jeanne, 64, 67, 69, 104, 66, 60 et 71 de M. Warsmann n'ont plus d'objet.

Après l'article 1er

M. le président.

M. Tourret a présenté un amendement, no 53, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Il est inséré, dans le code de procédure pénale, un article 497-1 ainsi rédigé :

« Art. 497-1. - En cas de jugement de relaxe, l'association reconnue d'utilité publique, partie civile, qui a fait appel sur ses intérêts civils peut demander au procureur de la République de faire appel de la décision sur l'action publique. Dans les dix jours de la décision et s'il n'y donne pas suite, le procureur de la République informe la partie civile des motifs de sa décision. A défaut d'appel du procureur de la République dans le délai de dix jours ou en cas de non-réponse ou de réponse négative, la partie civile peut former un recours devant le procureur général qui, s'il n'interjette pas appel, l'informe des motifs de sa décision.


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« L'application des dispositions de l'alinéa qui précède n'entraîne pas de modification des délais du procureur de la République et du procureur général prévus aux articles 498 et 505. »

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Attendez un instant que je m'y retrouve, monsieur le président !

M. le président.

Décidément, vous n'avez pas de chance avec vos liasses d'amendements ! (Sourires.)

M. Alain Tourret Il ne faut pas aller plus vite que la musique ! La musique militaire, c'est parfois très beau, mais tout de même... (Sourires.)

M. le président.

Monsieur Tourret, ne me faites pas ce reproche car, tout à l'heure, vous avez très largement dépassé le temps de parole habituellement accordé pour la présentation d'un amendement. Je veux bien que vous me fassiez des reproches, mais pas celui-là ! Vous avez la parole.

M. Alain Tourret.

L'amendement no 53 prévoit la possibilité, en cas de jugement de relaxe, pour les associations reconnues d'utilité publique qui ont fait appel sur les intérêts civils, et qui, par définition, en application de l'article 497 du code de procédure pénale, ne peuvent pas faire appel sur le plan pénal, de saisir dans un premier temps le procureur de la République pour lui demander d'interjeter appel dans le cas où il ne l'aurait pas fait.

Soit le procureur de la République interjette appel, soit il ne le fait pas. S'il n'interjette pas appel, il devra notifier sa décision, la motiver, et, dans ce cas, une procédure de recours existera auprès du procureur général, qui, à son tour, devra, s'il s'y oppose, motiver sa décision.

Nous aurons ainsi une protection plus grande, qui me semble importante, des associations reconnues d'utilité publique, une protection qui conserve l'équilibre global de l'article 497 du code de procédure pénale. Cet amendement permettra d'éviter certains dysfonctionnements, car le parquet peut avoir oublié d'interjeter appel, mais aussi de mettre en jeu la responsabilité d'un parquet qui s'opposerait à des orientations générales ou qui s'opposerait aux intérêts légitimes d'une partie civile.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Très favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable...

M. Jean-Luc Warsmann.

Majorité plurielle oblige !

Mme Odette Grzegrzulka.

Et la droite plurielle ?

Mme la garde des sceaux.

... car cet amendement va dans le sens du projet, qui consiste à responsabiliser les magistrats du parquet en leur demandant de motiver leur décision, ce qui rendra la justice plus transparente.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Cet amendement pose un problème que nous ne pouvons pas résoudre d'une façon aussi simple. C'est tout le problème des droits que nous reconnaissons aux associations et de la discrimination entre celles qui sont reconnues d'utilité publique et les autres. Je crois très franchement que, sur ce sujet, il faudrait beaucoup plus qu'un amendement présenté au détour de ce projet ; j'observe au demeurant que cette idée n'a surgi que récemment.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est un cavalier !

M. Pierre Albertini.

Le mouvement associatif dans son ensemble va interpréter d'une façon probablement assez t raumatisante la distinction entre les associations reconnues d'utilité publique et les autres. Je le dis d'autant plus que, ayant fait un rapport sur ce sujet, j'ai proposé de privilégier les associations reconnues d'utilité publique. Encore faudrait-il le faire dans un cadre général, et uniformiser les conditions dans lesquelles les associations reconnues d'utilité publique peuvent mettre en mouvement l'action publique. C'est loin d'être le cas aujourd'hui, car la législation à ce sujet est très variée. Le problème mériterait donc un peu mieux que l'adoption d'un amendement au demeurant sympathique au détour de ce débat ; mieux vaudrait réfléchir un peu plus longuement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

53. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Neiertz a présenté un amendement, no 48 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 1er , insérer l'article suivant :

« L'article 620 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 620. Le ministre de la justice peut saisir le procureur général près la Cour de cassation des actes judiciaires, arrêts ou jugements contraires à la loi. Le procureur général défère à la chambre criminelle dans un délai de dix jours.

« La Cour de cassation rend son arrêt dans un délai de six mois. »

La parole est à Mme Véronique Neiertz.

Mme Véronique Neiertz.

Madame la ministre, vous le savez comme moi, il y a des cas où, en politique - au sens noble du terme -, c'est au ministre d'agir politiquement, en urgence, dans un cas exceptionnel, dans l'intérêt de la loi, c'est-à-dire « pour corriger toute fausse interprétation ou même toute fausse application de la loi, soit dans l'esprit soit dans la forme ». C'est ce qui s'est prod uit en juillet 1995, lorsqu'un juge a relaxé un commando anti-IVG au nom d'une règle de droit pénal qui était en totale contradiction tant avec la loi Veil et la loi sur la bioéthique qu'avec la loi condamnant les entraves à l'IVG.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est scandaleux !

Mme Véronique Neiertz.

Le garde des sceaux a donc fait appel en urgence.

Nous sommes tout à fait d'accord avec la suppression des instructions individuelles, mais aussi avec le souci de Mme la ministre de maintenir dans des limites très précises l'indépendance de la justice. Nous proposons cet amendement pour nous garantir contre des événements particuliers et exceptionnels, dans l'intérêt de la loi, dont le garde des sceaux est politiquement responsable.

L'amendement se justifie par son texte même et vise à éviter le développement d'une jurisprudence qui serait contraire à la loi. Si l'on accordait un trop long délai, on risquerait de voir se développer dans le monde judiciaire ce qu'on appelle dans le monde médical la « clause de conscience ».

J'évoque le problème de l'IVG et de la bioéthique, mais ce problème peut se rencontrer dans d'autres cas très particuliers où la ministre sera bien contente de pouvoir intervenir, et où ce sera même son devoir politique ; je pense aux sectes, à la liberté de la presse, à la nationalité et à d'autres domaines qui peuvent très bien nécessiter son intervention exceptionnelle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Nous avons fixé au procureur général un délai de dix jours pour déférer à la chambre criminelle, et un délai de six mois à la Cour de cassation pour rendre son arrêt.

Mme la ministre, eu égard à ce qu'elle est et aux combats qu'elle a déjà menés, ne peut qu'être extrêmement sensible aux raisons pour lesquelles je présente cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Pour les raisons qu'a très bien exposées Mme Neiertz, la commission a émis un avis très favorable à l'adoption de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis moi aussi extrêmement sensible aux exemples qu'a cités Mme Neiertz, en particulier à l'obstruction qui est faite à l'interruption volontaire de grossesse, de plus en plus, hélas, et je suis donc favorable à cet amendement.

Il est en effet opportun, dans la logique du projet, de faire en sorte que des pourvois dans l'intérêt de la loi formés à la demande du garde des sceaux puissent être examinés rapidement. Le délai de six mois donné à la Cour de cassation me paraît raisonnable car il s'agit par définition de questions complexes qui nécessiteront des débats approfondis. Je pense qu'il serait pourtant nécessaire de préciser, lors de la navette, que cette saisine a lieu aux fins d'annulation, comme dans l'actuel article 620 du code de procédure pénale, relatif aux pourvois dans l'intérêt de la loi.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Cet amendement est important car il faut encadrer l'article 620 par des délais impératifs. Plus les délais sont longs et plus l'autorité de la chose jugée se renforce. Cet amendement va combattre cet état de fait, et demander à la Cour de cassation de rendre son arrêt dans un délai de six mois me paraît excellent.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 48 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme Véronique Neiertz.

Vous auriez dû voter pour, monsieur Albertini !

M. Pierre Albertini.

Je me suis abstenu ! Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Les articles 35 à 37 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. 35 . - Le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel.

« Il anime l'action des procureurs de la République de son ressort et coordonne la mise en oeuvre par ceux-ci des orientations générales mentionnées à l'article 30. Il précise et, le cas échéant, adapte ces orientations en fonction des circonstances propres à son ressort. Il procède à l'évaluation de leur mise en oeuvre.

« Art. 36 . - Il a autorité sur tous les magistrats du ministère public de son ressort. Il a dans l'exercice de ses fonctions le droit de requérir directement la force publique.

« Art. 37 . - Le procureur général peut dénoncer aux procureurs de la République de son ressort les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, leur enjoindre, par des instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier de la procédure, d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner d'instructions faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique.

« Art. 37-1 . - Le procureur général informe au moins une fois par an, au cours d'une assemblée générale, les magistrats de la cour d'appel des conditions de mise en oeuvre dans le ressort des orientations générales de la politique pénale.

« Cette information peut, en tout ou partie, être rendue publique.

« Art. 37-2 . - Le procureur général informe le ministre de la justice des affaires qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application des dispositions de l'article 30-2. Le ministre de la justice est informé, à sa demande, de toute autre affaire dont les parquets sont saisis.

« Le procureur général adresse tous les ans au ministre de la justice un rapport sur la mise en oeuvre dans son ressort de la politique pénale. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 2.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Un partie de cet article me paraît extrêmement grave et constitue un recul en ce qui concerne la transparence et l'indépendance de la justice.

Le début du texte proposé pour l'article 37-2 est ainsi rédigé : « Le procureur général informe le ministre de la justice des affaires qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance. »

Si nous adoptons cette disposition telle qu'elle est rédigée, c'est extrêmement grave. D'abord parce que, juridiquement, elle ne signifie rien. Le texte ferait obligation au procureur de la République de transmettre des affaires qui lui paraissent devoir être portées à la connaissance du m inistre. S'agit-il d'une notion objective ? Mme la ministre n'a pas répondu tout à l'heure, mais il semble bien que le non-respect de cet article pourrait entraîner des sanctions disciplinaires. Or il est étonnant que nous votions une disposition pouvant entraîner des sanctions mais qui ne se fonde sur aucune définition objective.

En second lieu, nous reconnaîtrions au garde des sceaux le pouvoir colossal d'être informé de tout. Car on peut lire un peu plus loin, dans le même article 37-2, la phrase suivante : « Le ministre de la justice est informé, à sa demande, de toute autre affaire dont les parquets sont saisis. »

Pour reprendre ce qu'a dit notre collègue Montebourg, le garde des sceaux aura le droit de demander une information à propos des 60 000 lettres qu'il reçoit.

Mais l'article va bien au-delà puisqu'il fait obligation à tout procureur général d'informer directement le garde des sceaux. C'est-à-dire que, devant chaque affaire, un procureur général devra se demander : « Est-ce que cela peut intéresser le garde des sceaux ? Si ça l'intéresse, je dois l'en informer. » Il s'agira cependant non pas d'une

information générale, pour fonder des directives, mais d'une information individuelle, l'information que réclame l'actuel garde des sceaux sur l'affaire Dumas, pour être au courant de tout acte d'instruction, de tout compte rendu ou procès-verbal d'audition.

Est-il nécessaire à la définition d'une politique pénale d'être informé de tout acte d'instruction dans un certain n ombre d'affaires ? Je réponds non ! Est-il normal


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

qu'en 1999 plusieurs fonctionnaires de la Chancellerie aient pour seul travail d'éplucher les affaires individuelles qui lui sont transmises et de faire des rapports au garde des sceaux ? Non ! C'est un dévoiement. Peut-être la majorité va-t-elle me trouver en avance par rapport au degré de transparence qu'elle propose pour la justice, mais il est paradoxal de faire voter un texte supprimant les instructions individuelles, ce que je soutiens, et, dans le même temps, de donner à la Chancellerie des moyens d'information sur toutes les affaires individuelles qui dépassent tous ceux qu'ont eus jusqu'à présent les gardes des sceaux. Il faut raison garder.

Je vous proposerai un certain nombre d'amendements, mais je crois que ce serait vraiment une défaite pour la transparence et l'indépendance de la justice si cet article était adopté en l'état.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Je tiens à relever le caractère un peu paradoxal de cet article 2.

Chacun sans doute ici est attaché à la structure hiérarchique du parquet. Les procureurs généraux pourront adresser aux procureurs de la République des injonctions de poursuivre. Il n'y a là rien de nouveau, ni rien de critiquable. Si le parquet est hiérarchisé, il est possible de donner des injonctions.

On nous dit par ailleurs que l'ensemble des magistrats du parquet est sous l'autorité du garde des sceaux. Mais cette chaîne hiérarchique s'interrompt en ce qui concerne les injonctions de poursuivre quand on passe des procureurs généraux au ministre de la justice. C'est assez curieux et sans doute assez propre à l'institution judiciaire - si le texte que vous nous proposez est adopté.

J'ai parlé tout à l'heure du déclin de la responsabilité politique. Je crois franchement que c'en est une nouvelle illustration. Madame la ministre, depuis trente ou cinquante ans, l'autorité politique - au sens le plus noble du terme - des gardes des sceaux s'est affaiblie. Il était assez fréquent, sous la IIIe et la IVe République, que ceux-ci, malgré les changements de gouvernement, restent titulaires de leur poste. On considérait qu'ils exerçaient, en même temps que leur fonction gouvernementale, une magistrature qui dépassait les aspects strictement partisans. Je crois que si nous avions une conception plus claire et plus transparente des relations entre le ministre de la justice, les procureurs généraux et les procureurs de la République, la responsabilité politique dans notre pays retrouverait un peu de sa noblesse.

M. le président.

Mme Catala a présenté un amendement, no 59, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 2. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Mme Catala, par cet amendement, a voulu traduire sa très grande inquiétude. Le dispositif de l'article 2 risque d'accroître les inégalités de traitement entre les citoyens selon le lieu où est commise l'infraction.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

59. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 13, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« Les articles 35 à 37 du même code sont remplacés par les articles 35 à 37-2 ainsi rédigés :

« Art. 35 . - Le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans le ressort de la cour d'appel. Il a autorité sur tous les magistrats du ministère public de son ressort. Il a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

« Art. 36 . - Le procureur général anime l'action des procureurs de la République de son ressort et coordonne l'application par ceux-ci des directives générales du ministre de la justice. Il précise et, le cas échéant, adapte ces directives générales en fonction des circonstances propres au ressort. Il procède à l'évaluation de leur application par les procureurs de la République.

« Art. 37 . - Le procureur général peut dénoncer aux procureurs de la République de son ressort les infractions à la loi pénale dont il a connaissance.

« Il peut leur enjoindre par des instructions, écrites et motivées qui sont versées au dossier, d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner aucune instruction faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique dans les affaires individuelles.

« Art. 37-1 . - Le procureur général informe, au moins une fois par an, l'assemblée des magistrats de la cour d'appel des conditions de mise en oeuvre, dans le ressort, des directives générales du ministre de la justice.

« Cette information est rendue publique.

« Art. 37-2 . - Le procureur général informe le ministre de la justice des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application des dispositions de l'article 30-1. Le ministre de la justice est informé à sa demande de toute autre affaire dont les parquets sont saisis.

« Le procureur général adresse chaque année au ministre de la justice un rapport sur la mise en oeuvre, dans son ressort, des directives générales du ministre. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Cet amendement procède aux coordinations rendues nécessaires par l'adoption de l'amendement no 12 rectifié. Les « directives générales » remplacent les « orientations générales ». De même, il est précisé que ces directives générales sont adressées « pour application » aux magistrats du parquet.

Par ailleurs, cet amendement clarifie la présentation des compétences du procureur général.

L'article 35 regroupe les dispositions de principe : veiller à l'application de la loi pénale et avoir autorité sur l'ensemble des magistrats du ministère public de son ressort.

L'article 36 est ensuite consacré au rôle du procureur général : animation de l'action des procureurs, coordination de l'application des directives générales du ministre et évaluation de leur application par les procureurs.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

L'article 37, relatif aux instructions dans les affaires individuelles, n'est modifié que pour préciser, comme on l'a fait tout à l'heure à l'article 1er , afin que les choses soient très claires, qu'il n'y a plus « aucune » instruction individuelle.

J'insisterai sur l'article 37-1, puisque M. Warsmann est très soucieux de transparence. Selon cet article, en effet, l'information que le procureur général fournit aux magistrats du ressort de la cour d'appel doit être rendue publique en totalité, et non plus en tout ou partie, comme le prévoit le texte du Gouvernement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

L'amendement que nous examinons maintenant, comme l'amendement no 12 rectifié tout à l'heure, est un parfait exemple de l'intérêt et de l'utilité du travail parlementaire.

Vous avez procédé, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, à une réécriture de l'article 2 du projet et vous avez su en améliorer la précision, la lisibilité et la cohérence. Je vous remercie et ne peux donc que vous faire part de mon plein accord.

Je voudrais profiter de cette occasion pour évoquer avec vous, brièvement, les rapports entre le garde des sceaux et les magistrats du ministère public, notamment les parquets généraux tels qu'ils me paraissent devoir se développer dans le cadre du nouveau dispositif créé par le projet de loi.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure et dans mon discours hier en évoquant les pratiques suivies depuis mon entrée en fonction, j'ai suscité un échange constant, un dialogue permanent entre la chancellerie, les parquets généraux et les parquets.

S'il existe un devoir d'information des magistrats du ministère public envers le garde des sceaux, l'intérêt général crée également un devoir d'information à la charge du garde des sceaux vis-à-vis du ministère public.

Il appartient en effet au ministre de la justice de donner au ministère public toujours dans le souci de l'intérêt général des éléments écrits et des données utiles, voire nécessaires à une bonne administration de la justice.

Je vais vous donner quelques exemples.

Qui mieux que la chancellerie peut faire savoir à un parquet que le problème juridique délicat sur lequel il mène une réflexion approfondie a déjà été rencontré par tel autre parquet qui a choisi de s'orienter vers telle solution ? Qui mieux que la chancellerie peut susciter puis diffuser la jurisprudence à l'ensemble du ministère public ? Qui mieux que la chancellerie peut transmettre à un parquet général, confronté à une demande d'extradition ou à une affaire mettant en cause les intérêts diplomatiques de la France, des informations sur le contexte international ? Comme je l'indiquais dans mon discours, quand un procureur général s'interroge sur l'attitude de la France à l'égard des Kurdes, des autorités libyennes ou des tribunaux pénaux internationaux ou sollicite des informations sur la politique des Pays-Bas en matière de lutte contre les stupéfiants ou sur l'attitude des Etats-Unis vis-à-vis des problèmes d'extradition, la chancellerie, qui dispose de précieux éléments d'information se doit de satisfaire, naturellement, d'éventuelles demandes de renseignements ou d'avis.

Dans cet esprit, le garde des sceaux doit, s'il est interrogé par un parquet général ou un parquet sur une difficulté de nature juridique, recourir aux compétences de ses services et transmettre au demandeur l'analyse juridique approfondie qui aura été élaborée par ces derniers.

Communiquer des informations, transmettre une analyse juridique réalisée in abstracto ne me semble pas pouvoir être considéré comme des pressions sur les magistrats ou des tentatives d'orienter l'action du ministère public.

Ce sont des rapports de cette nature, inspirés avec constance par le souci de l'intérêt général et d'une bonne administration de la justice, que le projet de loi qui vous est soumis entend aujourd'hui susciter.

M. le président.

Sur amendement no 13, je suis saisi d'un certain nombre de sous-amendements.

M. Albertini a présenté un sous-amendement, no 45, ainsi rédigé :

« Supprimer la deuxième phrase du texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 36 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

La possibilité pour les procureurs généraux, qui est inscrite dans le projet de loi, d'adapter les directives va affaiblir la portée du dispositif d'orientation que Mme la ministre souhaite mettre en place.

Entre les directives et les anciennes circulaires, personnellement, je ne vois pas de différence. Les circulaires existaient en dehors des textes. Elles sont d'ailleurs liées au pouvoir qu'a chaque ministre d'orienter l'action de ses services. Les directives auront juridiquement le même caractère d'orientation, d'interprétation de la loi ; elles ne pourront pas la contredire.

En revanche, je vois très clairement tous les dangers que comporterait la rédaction par trente-trois procureurs généraux de directives censées adapter le dispositif général aux circonstances de leur ressort.

Tout d'abord, c'est une redondance, car le terme de directive contient en lui-même une idée d'adaptation.

Pourquoi la prévoir ? Ensuite, si les procureurs généraux se lancent dans cet exercice, ils recopieront prudemment ou ils paraphraseront les directives générales du ministre, la littérature n'étant qu'un gigantesque plagiat depuis les premiers siècles. A moins qu'ils ne soient tentés d'y imprimer leur personnalité ou leur vision des choses. Là, les risques de contradiction avec la loi sont patents.

De deux choses l'une : ou vous voulez véritablement définir cette politique pénale à base de directives générales et il faut qu'elle reste le cadre exclusif de l'action des parquets ; ou vous autorisez une réécriture de ces directives générales et vous courez le risque d'affaiblir votre propre autorité et votre propre dispositif.

En conclusion, la notion de directive impliquant ellemême l'adaptation, cette disposition est à la fois inutile, redondante et dangereuse.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également, monsieur le président, et je souhaite expliquer pourquoi.

Adopter cet amendement aurait pour conséquence de refuser au procureur général la faculté d'adapter les directives générales de politique pénale du Gouvernement aux circonstances propres à son ressort de compétence.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

L'intention du Gouvernement, comprise et approuvée par votre commission des lois, est que la politique pénale, menée à un moment donné et à un endroit donné, tienne compte des réalités locales objectives.

Prenons un exemple. Le procureur général près la cour d'appel de Douai, confronté de façon constante au trafic de stupéfiants en provenance du nord de l'Europe, veille à l'application de la politique pénale du Gouvernement en matière de lutte contre les stupéfiants. Mais il adapte cette politique pénale aux circonstances particulières de son ressort, en l'occurrence : contrôle et surveillance d'une vaste zone frontalière, nombreuses interpellations de consommateurs revenant de s'approvisionner mais résidant hors du ressort ; révélation de trafics locaux existant hors de la cour d'appel de Douai ; forte activité des unités spéciales des douanes, etc.

Vous comprendrez bien que ce procureur général de Douai ne peut mener la même politique que le procureur général de Limoges, qui n'est pas confronté de la même manière à ce problème spécifique. Voilà ce que veut dire ce texte, et je crois utile, très franchement, de maintenir cette capacité d'adaptation.

M. Pierre Albertini.

Elle existe déjà, vous l'avez vousmême reconnu !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je voudrais répondre en une phrase à mon collègue Albertini : non, il n'y a aucune différence entre orientation et directive - ni différence de fond, ni différence juridique.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

45. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 79 rectifié, ainsi rédigé :

« Compléter la deuxième phrase du texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 36 du code de procédure pénale par les mots : ", ces adaptations ne pouvant aboutir à la méconnaissance d'une directive générale". »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Nous devons faire face à deux problèmes.

Un premier problème général, d'ordre juridique : une autorité administrative est toujours en droit de s'écarter de l'orientation définie par une directive. Celle-ci ne la prive pas de sa liberté d'appréciation. Plus généralement, cette autorité sera en droit, après examen de l'affaire, de déroger à la ligne fixée. L'avis récent du Conseil d'Etat de 1996 ne limite que très peu ce principe. De toute façon, par définition, une directive n'est pas créatrice de droits.

Un second problème : le procureur de la République adaptera ces directives générales en fonction des circonstances propres à son ressort. Et là, je suis extrêmement inquiet.

Quelles sont ces circonstances propres ? Mme la garde des sceaux vient de prendre un exemple, je vais prendre le même. Votre procureur de Douai étant débordé en raison du nombre d'interpellations pour trafic de drogue devra-t-il renoncer à les poursuivre et les classer sans suite ? Si vous-même - ou vos successeurs - prenez une directive générale faisant de la lutte contre le trafic de drogue une priorité, allez-vous permettre à certains procureurs, sous prétexte qu'il y a beaucoup de trafic de drogue dans leur ressort, qu'ils sont débordés, ou qu'ils n'ont pas assez d'effectifs, de poursuivre beaucoup moins ? Ainsi, à Limoges, à la première incartade de possession de drogue, on sanctionnerait et on déférerait au tribunal ? Et à Douai, on serait tellement débordé que, de toute façon, on ne pourrait pas le faire ? Voilà pourquoi, dans mon sous-amendement no 79 rectifié, je propose qu'on précise qu'une adaptation locale ne peut pas aboutir à ne pas appliquer la directive générale du ministre.

On peut citer d'autres exemples, comme celui d'un ministre envoyant à ses procureurs une directive générale leur enjoignant de lutter contre le travail clandestin. Ce n'est pas de la fiction. On peut imaginer qu'un procureur de la République, de lui-même ou après avoir discuté avec les services de police, arrive à la conclusion que la lutte systématique contre le travail clandestin aboutirait à déstabiliser des gens proches du milieu, entraînerait des représailles et fragiliserait certaines zones. Et ce procureur pourrait tirer prétexte des circonstances locales pour ne pas appliquer, ou quasiment pas, la directive.

Mes chers collègues, la majorité s'apprête à voter un texte où le seul outil de définition de la politique pénale est constitué par des directives générales. Le moins qu'on p uisse faire, c'est d'empêcher les procureurs de la République de faire l'inverse de ces directives générales.

J'admets qu'on puisse les adapter, mais je vous propose, par ce sous-amendement, de limiter cette faculté d'adaptation pour éviter un tel risque.

Le garde des sceaux est responsable de la politique pénale et peut être sanctionné, notamment politiquement, si sa politique est mauvaise. Mais, en contrepartie, il est normal de lui reconnaître la faculté d'impulser cette politique pénale et donc d'interdire aux procureurs de la République de la méconnaître totalement.

M. le président.

Monsieur Warsmann, comme vous vous adressez à des collègues censés avoir une intelligence égale à la vôtre, vous auriez pu être beaucoup plus bref car c'était parfaitement compréhensible. (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Je ne sais si c'est un compliment, monsieur le président.

M. le président.

C'en est un ! (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 79 rectifié ?

M. André Vallini, rapporteur.

Effectivement, monsieur le président, M. Warsmann aurait pu être beaucoup plus bref pour dire des évidences comme celles qu'il a énoncées. Tout ça va de soi, mon cher collègue. La commission est, bien sûr, défavorable à son sous-amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, monsieur le président.

L'adaptation d'une orientation de politique pénale se fera évidemment en pleine connaissance de celle-ci. Elle devra être naturellement justifiée, notamment dans le rapport annuel sur la mise en oeuvre de la politique pénale que fera chaque procureur général ou chaque procureur de la République.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je suis très surpris que M. le rapporteur dise qu'il est d'accord mais qu'il émet un avis défavorable. Quand on est d'accord, on est généralement favorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

D'autre part, Mme la garde des sceaux a dit que ce sous-amendement n'était pas nécessaire parce que les données permettant de détecter tout dérapage - comme celui d'un procureur qui aurait décidé de ne pas appliquer une directive générale sous prétexte de circonstances locales - figureront dans le rapport du procureur général.

Alors, je mets le doigt sur une contradiction : pourquoi, madame la garde des sceaux, vous êtes-vous opposée, il y a quelques instants, à ce que ces adaptations figurent dans le rapport présenté au Parlement ? Vous voulez la transparence pour détecter les éventuels dérapages. Pourquoi la refusez-vous au Parlement ? Moi, je suis logique. Je dis qu'il faut une politique pénale forte et que, en conséquence, les adaptations locales ne doivent pas aboutir à méconnaître les directives. Ensuite, si l'on veut que le système fonctionne, il faut mettre en place des moyens de contrôle. Et qui dit moyens de contrôle dit Parlement. Je proposais donc tout à l'heure que le Parlement puisse avoir connaissance de ces adaptations. Je regrette vraiment la logique dans laquelle on s'engage.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 79 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Clément et M. Houillon ont présenté un sous-amendement, no 121, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Le sous-amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 121.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 77, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi le texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37 du code de procédure pénale :

« Le procureur général est tenu de donner avis sans délai au procureur de la République du ressort concerné des infractions à la loi pénale dont il a connaissance. Il peut leur enjoindre, par des instructions écrites et motivées qui sont versées au dossier de la procédure, d'engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des réquisitions écrites qu'il juge opportunes. Il ne peut donner d'instructions faisant obstacle à la mise en mouvement de l'action publique. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Le sous-amendement no 77 est l'occasion d'interroger le Gouvernement sur les raisons qui l'ont conduit à adopter une rédaction de l'article 37, extrêmement surprenante.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable. Le procureur général est un magistrat du parquet, l'article 40 ne lui est pas applicable. C'est le droit actuel prévu par les articles 36 et 37 du code de procédure pénale. Il n'y a pas de changement.

M. Arnaud Montebourg.

Voilà la réponse !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je voudrais simplement attirer l'attention de mes collègues sur les conséquences du vote du texte que l'on nous propose, à savoir la faculté pour un procureur général qui aura eu à sa connaissance les infractions, les faits, tous les documents, de les garder dans son tiroir et de ne pas les communiquer au procureur de la République.

Chers collègues, depuis le début de ce débat, je me bats pour un idée très simple : l'action publique est engagée par le procureur de la République. Chaque fois que nous donnons des occasions de l'engager différemment, par le garde des sceaux ou par le procureur général, il faut être prudent.

Mais, en l'occurrence, avec ce texte, c'est beaucoup plus grave, car vous ouvrez la possibilité légale de ne pas engager l'action publique. Un procureur général peut être informé d'une affaire, en détenir toutes les pièces et décider de ne rien faire sans même informer le procureur de la République compétent de l'infraction qui se sera produite dans son ressort.

M. Arnaud Montebourg.

Hypothèse d'école !

M. Jean-Luc Warsmann.

L'avenir le dira !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

77. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 74, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-1 du code de procédure pénale, substituer au mot : "une" le mot : "deux". »

C'est un sous-amendement « une, deux », monsieur Warsmann, mais ce n'est pas une marche militaire...

(Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela n'a effectivement rien d'une marche militaire, monsieur le président ! (Sourires.)

Le but de ce sous-amendement est de provoquer un débat - il échouera peut-être dans son objectif - sur l'information par le procureur général de l'ensemble des magistrats de la cour d'appel au cours d'une assemblée générale. Le sous-amendement propose d'organiser non pas une, mais deux réunions par an. En fait, le chiffre n'a que peu d'importance.

Mon objectif est d'interroger la commission et le Gouvernement sur leur conception de l'échange entre le procureur général et les magistrats. On n'a pas l'occasion de dire grand-chose si on se réunit une fois par an. En revanche, si on se réunit deux fois par an, c'est différend.

Dans la conception du Gouvernement et du rapporteur, est-ce l'occasion d'informer, de discuter des directives générales et de procéder en même temps, à des évaluations ? Ou bien, n'est-ce qu'un rendez-vous, sinon « mondain » - le mot serait cruel -, du moins calendaire, voire purement rituel ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la garde des sceaux. Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

74. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 97, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-1 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :

« L'assemblée générale est informée de l'évaluation quantitative et qualitative des résultats obtenus dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. Elle est également informée des précisions, et le cas échéant, des adaptations aux orientations générales de la politique pénale décidées par les procureurs de la République dans leur ressort en fonction des circonstances locales. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je remercie la commission et le Gouvernement pour la densité des informations qu'ils ont données en réponse à mes questions précédentes !

M. René Dosière.

Encore une intervention rituelle !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je suis dans la ligne des précédents sous-amendements.

Tout à l'heure, je vous ai proposé, mes chers collègues, de faire figurer, dans l'information qui nous sera présentée chaque année, une évaluation quantitative et qualitative des résultats obtenus par la politique pénale dans le ressort de chaque tribunal. Il m'a été répondu, d'une même voix, par le rapporteur et la commission que cela représenterait beaucoup trop d'informations, que cela ne serait pas possible parce que trop long. Et Mme la garde des sceaux a ajouté une chose très intéressante : c'est une donnée qui figure dans les rapports généraux des procureurs généraux.

Ayant peut-être pressenti la réponse de Mme la garde des sceaux, je propose, avec mon sous-amendement, de l'inscrire comme sujet de débat lors de l'assemblée générale.

Il me paraît tout à fait sensé que, dans le ressort d'une cour d'appel, un débat se tienne sur les résultats quantitatifs et qualitatifs obtenus dans le ressort de chaque TGI, et que les procureurs puissent avoir des échanges sur les adaptations locales des orientations nationales. Ainsi, un procureur qui, compte tenu de la masse trop importante de prévenus en matière de trafic de drogue, aura pris comme adaptation locale qu'il faut classer sans suite plus facilement pourra-t-il être informé des autres solutions trouvées par un de ses collègues.

Je considère donc que ces assemblées générales sont l'occasion de provoquer plus d'échanges et, partant, plus d'harmonisation et plus d'égalité de traitement entre les citoyens.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

97. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Clément et M. Houillon ont présenté un sous-amendement, no 123, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-2 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Le sous-amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 123.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 82, ainsi rédigé :

« Supprimer la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-2 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, je déplore la manière dont se déroule ce débat. La discussion d'un texte a notamment pour but de soulever des questions juridiques et d'obtenir des réponses qui servent, d'ailleurs, ensuite, à la jurisprudence et à la doctrine. Je regrette infiniment que les réponses se bornent à un mot : défavorable.

Le sous-amendement no 82 tend à supprimer la première phrase du premier alinéa de l'article 37-2, qui me paraît, je le dis solennellement, du plus grand danger.

Cette première phrase est ainsi rédigée : « Le procureur général informe le ministre de la justice des affaires qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application des dispositions de l'article 30-2. »

D'une part, c'est extrêmement dangereux, parce que cette notion n'a rien de défini, ni d'objectif. On ne peut pas risquer de sanctionner des personnes pour leur propre appréciation d'une situation. D'autre part, au moment où l'on supprime les instructions individuelles, il me semble, je le redis, stupéfiant, inadmissible, choquant de mettre en place une obligation systématique d'information du garde des sceaux sur le détail des affaires individuelles.

S'il y avait une réelle volonté de faire quelques pas vers plus de transparence, il y aurait une mesure à prendre : la suppression des affaires signalées. Il faut que vous sachiez, mes chers collègues, qu'à chaque affaire un peu sensible dans un parquet, par exemple une affaire vous mettant en cause, vous, élus, elle devient affaire signalée. Cela veut dire que les actes de procédure vont systématiquement être transmis au procureur général, puis à la Chancellerie.

Cela veut dire aussi qu'à la Chancellerie il y a plusieurs fonctionnaires dont le seul travail est de recueillir tous les procès-verbaux, tous les actes de ces procédures et d'en informer le ministre. Belle contradiction quand on prétend ne plus vouloir intervenir sur les instructions individuelles ! On est là au carrefour entre la justice du

XIXe et du XXe et celle du

XXIe siècle.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

82. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Albertini a présenté un sousamendement, no 46, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-2 du code de procédure pénale : "Le procureur général informe le ministre de la justice des affaires devant être portées à sa connaissance". »

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

Défendu !

M. le président.

Merci, monsieur Albertini. Voilà la sagesse ! (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. Pierre Albertini.

Je n'ai pas été payé de retour ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

46. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 78, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du t exte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-2 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ainsi que". »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je dénonce une fois de plus les comptes rendus feront foi - le fait que des parlementaires ont essayé d'échanger des arguments juridiques et qu'ils ont trouvé en face d'eux un mur.

Le sous-amendement no 78 vise à supprimer quelques mots, les mots les plus scandaleux, les plus litigieux, ceux qui donnent l'obligation à tous les procureurs généraux de transmettre au ministre de la justice les affaires leur paraissant devoir être portées à sa connaissance.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que l'article 37-2 donne déjà le pouvoir au ministre de la justice d'être informé à sa demande de toute affaire dont les parquets sont saisis. Or, vous vous apprêtez, en plus, à donner l'obligation au procureur général de tout dire au ministre sur toutes les affaires. Bien sûr, on est pudique : on ne parle plus d'affaires « sensibles », « politiques » ou « signalées » ; on parle d'affaires qui « lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ». Le projet de loi aurait été réaliste si l'on avait utilisé un mot plus cru, mais cela n'aurait pas été dans le ton de l'orientation générale qui, la main sur le coeur, visait d'un côté à supprimer les instructions individuelles et, de l'autre, à accroître tous les pouvoirs de contrôle et d'information de la chancellerie.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

M. Warsmann s'obstine à ne pas comprendre la différence entre information du ministre, nécessaire et utile, et instructions données par le ministre au procureur. Vous regrettez qu'on ne vous réponde pas,...

M. Arnaud Montebourg.

Cela a été fait dix-huit fois !

M. André Vallini, rapporteur.

... mais comment peut-on répondre à - je ne veux pas être désobligeant - autant d'aveuglement, monsieur Warsmann ? Défavorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'ai déjà répondu. Mon avis est à nouveau défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Je voudrais répondre à la commission, monsieur le président. Je n'abuse pas, vous le noterez !

M. le président.

C'est vrai !

M. Pierre Albertini.

Pas encore !

M. Pascal Clément.

L'air lassé du rapporteur, parce que cela lui semble évident, pourrait pour le moins nous surprendre.

Comment expliquer au garde des sceaux ce qui se passe dans une affaire particulière et avoir un silence qui ne serait pas éloquent au bout du fil ? Quel homme de bon sens pourrait croire à cela ? Ce n'est pas être partisan, c'est l'évidence. Comment concevoir ce devoir d'information du procureur sur les affaires individuelles auquel « répondrait » un silence, un silence plein, un silence « écoutant ». A qui voulez-vous faire croire cela ? Ce n'est pas crédible.

Ce texte est soit contradictoire, soit, si l'on est moins charitable, fortement hypocrite. En tout état de cause, il n'est pas applicable. J'ai émis l'hypothèse que Mme la garde des sceaux serait la seule, parce qu'elle est l'auteur du texte, à le respecter. Je l'imagine dans le silence abyssal du téléphone ? Elle ne fera même pas « ouf ! » ni

« oh ! ». Imaginez la scène !

M. Pierre Albertini.

En apnée totale !

M. Pascal Clément.

En apnée absolue ! C'est merveilleux ! ( Sourires.)

Quant aux autres, qui sont sûrement plus bavards que Mme la garde des sceaux actuelle, ils ne manqueront pas d'interjeter ou d'interloquer. Bref, tout cela n'est pas réaliste.

Il n'y a pas de mauvaise foi, monsieur le rapporteur, il y a un fantastique étonnement. Il vaut peut-être mieux en rire, mais on ne peut pas vous croire.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

78. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Clément et M. Houillon ont présenté un sous-amendement, no 122, ainsi rédigé :

« Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-2 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Le sous-amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 122.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 72, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du t exte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-2 du code de procédure pénale, supprimer le mot : "autre". »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

En un mot, je redis au rapporteur et à mes collègues qu'il y a une contradiction fantastique à dire, d'une part, que le garde des sceaux ne donne plus d'instructions individuelles et, d'autre part, à obliger tous les procureurs de la République, procureurs généraux à lui donner le détail d'affaires individuelles. Je suis désolé, mais vous n'arriverez pas à me convaincre que mener une politique pénale générale obligeait le garde des sceaux à être informé, dans l'heure qui a suivi le dépôt d'un témoignage, du montant du prix des chaussures de Roland Dumas.

M. Arnaud Montebourg.

Le président du Conseil constitutionnel ! C'est le cinquième personnage de l'Etat et cela n'a aucun intérêt !

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela n'a aucun intérêt pour la politique pénale.

Cela n'a absolument aucun intérêt de connaître le détail affaire par affaire, procès-verbal par procès-verbal, témoignage après témoignage.

M. Arnaud Montebourg.

C'est comme M. Pinochet, cela n'a aucun intérêt !

M. Jean-Luc Warsmann.

Dire : « Je ne donne pas d'instructions individuelles » quand il existe, à la chancellerie, des fonctionnaires dont la fonction est précisément de s'occuper des affaires individuelles relève de la plus grande hypocrisie.

Notre mésentente est peut-être une mésentente sur le temps. J'ai peut-être trois ou quatre ans d'avance...

M. le président.

Monsieur Warsmann, puis-je vous ramener avec insistance à votre sous-amendement ?

M. Jean-Luc Warsmann.

J'ai peut-être trois ou quatre ans d'avance, mais je suis persuadé d'avoir raison, tout en étant cohérent avec le système.

M. le président.

Vous prenez tellement d'avance que vous en oubliez votre sous-amendement ! (Sourires.)

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

72. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Clément et M. Houillon ont présenté un sous-amendement, no 124, ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 13 pour l'article 37-2 du code de procédure pénale par la phrase suivante :

« Toute information ou avis concernant un dossier individuel devra figurer au dossier de la procédure. »

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Le sous-amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, monsieur le président.

Je tiens toutefois à préciser qu'en dehors des instructions qui tiennent et qui obligent, les avis et informations donnés par la Chancellerie aux procureurs généraux, puisque c'est ce dont il s'agit ici, et non de l'information ascendante des procureurs généraux vers le garde des sceaux, qui reste interne - n'ont pas du tout la même portée. Comme leur nom l'indique, l'avis ou l'information éclaire, explique, complète sans toucher à l'exercice de sa responsabilité par le procureur. Comme les autres éléments que les procureurs doivent pouvoir trouver à la Direction des affaires criminelles et des grâces de la Chancellerie sans avoir à appeler une messagerie, SOS informations, une édition juridique privée ou tel ministère spécialisé, les avis et informations sont des éléments fournis pour que le procureur général et le procureur prennent leur décision en pleine connaissance de cause.

Statistiques, notes du Quai d'Orsay sur un pays étranger, analyse de jurisprudences, ces avis et informations n'ont pas à figurer dans le dossier qui résume le débat entre les parties et les investigations des magistrats.

M. le président.

Monsieur Warsmann, je vous suggère de prendre quelques leçons auprès de M. Clément ! Quand il ne pose pas de question, il obtient une réponse ! (Rires.)

M. Pascal Clément.

Monsieur le président, je l'avais posée par écrit !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 124.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Les amendements no 80 de M. Warsmann, 35 de M. Clément, 76, 75 et 70 de M. Warsmann, 37 de M. Clément, 83 et 81 de M. Warsmann, 36 de M. Clément, 73 corrigé de M. Warsmann et 38 de M. Clément n'ont plus d'objet.

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - Il est inséré, après l'article 39 du même code, quatre articles ainsi rédigés :

« Art. 39-1 . - Le procureur de la République fait assurer l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort du tribunal de grande instance.

« A cette fin, il met en oeuvre les orientations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 35 qui lui sont transmises par le procureur général. Il précise et, le cas échéant, adapte ces orientations en fonction des circonstances locales.

« Art. 39-2 . - Le procureur de la République prend des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 37 et 48-1.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

« Il met également en mouvement l'action publique lorsque la commission prévue à l'article 48-2 lui en fait la demande.

« Art. 39-3 . - Le procureur de la République informe, au cours d'une assemblée générale, au moins une fois par an, les magistrats du tribunal de grande instance des conditions de mise en oeuvre dans le ressort des orientations générales de la politique pénale.

« Cette information peut, en tout ou partie, être rendue publique.

« Art. 39-4 . - Le procureur de la République informe le procureur général des affaires dont il est saisi et qui lui paraissent devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application de l'article 30-2. Le procureur général est informé à sa demande de toute autre affaire dont le procureur est saisi.

« Le procureur de la République adresse tous les ans au procureur général un rapport sur la mise en oeuvre dans son ressort de la politique pénale. »

M. André Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi l'article 3 :

« Il est inséré, après l'article 39 du même code, les articles 39-1 à 39-5 ainsi rédigés :

« Art. 39-1. Le procureur de la République fait assurer l'application de la loi pénale dans le ressort du tribunal de grande instance. Il a, dans l'exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

« Art. 39-2. Il met en oeuvre les directives générales mentionnées à l'article 36, qui lui sont transmises par le procureur général pour application. Il précise et, le cas échéant, adapte ces directives générales en fonction des circonstances propres au ressort.

« Art. 39-3. Le procureur de la République prend des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans les conditions prévues aux articles 37 et 48-1.

« Il met en mouvement l'action publique lorsque la commission prévue à l'article 48-2 lui en fait la demande.

« Art. 39-4. Le procureur de la République informe, au moins une fois par an, l'assemblée générale des magistrats du tribunal de grande instance des conditions de mise en oeuvre, dans le ressort, des directives générales du ministre de la justice.

« Cette information est rendue publique.

« Art. 39-5. Le procureur de la République informe le procureur général des affaires lui paraissant devoir être portées à sa connaissance ainsi que du déroulement des procédures dans lesquelles il a été fait application de l'article 30-1. Le procureur général est informé à sa demande de toute autre affaire dont le procureur est saisi.

« Le procureur de la République adresse chaque année au procureur général un rapport sur la mise en oeuvre, dans son ressort, des directives générales du ministre de la justice. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Cet amendement procède à différentes coordinations pour assurer un parallélisme dans la présentation des attributions du procureur général et du procureur de la République ; pour tenir compte des modifications proposées à l'article 1er , relatives aux directives générales à la place d'orientations générales de politique pénale et à leur application par le ministère public, et à l'article 2, relatives à l'information sur la mise en oeuvre des directives générales, toujours dans un souci de transparence.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable à l'amendement no 14 de la commission des lois, qui réécrit le texte de l'article 3 du projet, comme cela a d'ailleurs été fait pour les précédents articles, et en renforce la cohérence et la lisibilité.

J'insisterai juste sur la particulière importance de ces dispositions, puisqu'elles concernent les procureurs de la République, c'est-à-dire les magistrats qui ont directement en charge l'action publique et dont la mission est, à ce titre, extrêmement délicate.

M. le président.

Sur cet amendement, je suis saisi de plusieurs sous-amendements.

M. Warsmann a présenté un sous-amendement, no 114 rectifié, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du texte proposé par l'amendement no 14 pour l'article 39-2 du code de procédure pénale par les mots : ", ces adaptations ne pouvant aboutir à la méconnaissance d'une directive générale". »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir rappelé avec humour à Mme la garde des sceaux que, dans un débat parlementaire, on doit évidemment répondre aux questions des députés pour faire avancer le droit.

Le sous-amendement no 114 rectifié tend à compléter l e texte proposé par l'amendement no 14 pour l'article 39-2 du code de procédure pénale en prévoyant que les adaptations à la politique pénale définies par les procureurs ne peuvent aboutir à la méconnaissance d'une directive générale.

Je n'ose même plus argumenter, car, visibilement, Mme la garde des sceaux est sans illusion sur la portée juridique de ces adaptations et sur leur emploi possible.

Je proposais un moyen de les limiter pour essayer de sauvegarder une politique pénale forte.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, monsieur le président. C'est un problème que nous avons déjà vu pour les procureurs généraux.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

« Nous l'avons vu », c'est une manière de dire, madame la garde des sceaux, que nous ne l'avons surtout pas résolu puisque nous n'avons mis aucune limite à ces adaptations. Cette manière de voir revient à refuser de traiter le problème.

M. Arnaud Montebourg.

C'est filandreux !

M. le président.

Mais il est vrai qu'il y a eu vote de l'Assemblée sur les sous-amendements que vous avez proposés.

M. Jean-Luc Warsmann.

Absolument !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 114 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 112, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par l'amendement no 14 pour l'article 39-3 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ce sous-amendement tend à supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 39-3 du code de procédure pénale, alinéa qui permet de mettre en mouvement l'action publique lorsque la commission prévue à l'article 48-2 en fait la demande. Nous aurons l'occasion d'en discuter plus au fond lors de l'examen de cet article. Il s'agit de la fameuse commission dont l'étude d'impact demandée par M. le Premier ministre a montré qu'elle représentait une complexité administrative de plus.

C'est d'ailleurs avec surprise que j'ai entendu Mme la garde des sceaux annoncer, quand elle a répondu aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale, qu'elle comptait créer une commission supplémentaire.

C'est sans doute pour augmenter encore la complexité administrative et dilapider encore plus les moyens de la justice, qui, comme chacun le sait, sont nettement supérieurs à ses besoins ! Je fais de l'humour, naturellement !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 112.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 110, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 14 pour l'article 39-4 du code de procédure pénale, substituer au mot : "une" le mot : "deux". »

« Une, deux » ! (Sourires.) C'est bien la même chose que tout à l'heure, monsieur Warsmann !

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est la même chose, mais ce n'est toujours pas une marche militaire, monsieur le président ! (Sourires.)

Mon sous-amendement procède de la volonté de renforcer la discussion locale et de donner plus de consistance à la politique pénale. Mais on voit bien au fur et à mesure du débat que l'objet du projet de loi n'est pas de créer une politique pénale forte.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 110.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 108, ainsi rédigé :

« Supprimer la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement no 14 pour l'article 39-5 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il s'agit à nouveau - mais je vais le faire en vain - de dénoncer l'obligation systématique d'information. Une telle obligation n'a jamais existé à ce stade et constitue le plus grand démenti à la suppression des instructions individuelles, qui est par ailleurs décidée dans un autre article du projet de loi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 108.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un sousamendement, no 106, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa du t exte proposé par l'amendement no 14 pour l'article 39-5 du code de procédure pénale, supprimer le mot : "autre". »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il s'agit d'un sous-amendement de conséquence.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 106.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.

Les amendements nos 115, 113, 111, 109 et 107 de M. Warsmann n'ont plus d'objet.

Avant l'article 4

M. le président.

M. Hascoët, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 49, ainsi libellé :

« Avant l'article 4, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 40. Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations. Les délits pour lesquels la peine encourue est inférieure à cinq ans sont poursuivis si les conditions de la médiation ou de la compensation pénale ne sont pas réunies. Les délits pour lesquels la peine encourue est de cinq ans ou plus et les crimes sont poursuivis d'office. »

L'amendement est soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Mme la garde des sceaux.

Je ne peux pas être favorable à cet amendement qui institue un système de légalité des poursuites contraire à nos traditions juridiques et à l'esprit du présent projet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

49. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 4

M. le président.

Je donne lecture de l'article 4 : C HAPITRE II Dispositions relatives aux classements sans suite

« Art. 4. - Il est inséré, après l'article 40 du code de procédure pénale, un article 40-1 ainsi rédigé :

« Art. 40-1 . - Lorsque l'affaire est classée pour un motif autre que l'absence d'identification d'une personne susceptible d'être mise en cause, l'avis prévu par le 1er alinéa de l'article 40 est motivé en distinguant les considérations de fait et de droit.

« L'avis précise les conditions dans lesquelles la victime, le plaignant ou la personne ayant dénoncé les faits peuvent, selon les cas, soit engager des poursuites par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile, ainsi que les conditions dans lesquelles elles peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit exercer un recours contre la décision de classement dans les conditions prévues aux articles 48-1 à 48-5.

« Cet avis rappelle également les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale relatives aux dénonciations calomnieuses et aux constitutions de partie civile abusives ou dilatoires. »

Je suis saisi de deux amendements, nos 15 et 54, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 15, présenté par M. Vallini, rapporteur, Mmes Bredin et Lazerges, est libellé comme suit :

« I. Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 40-1 du code de procédure pénale :

« Art. 40-1. Le procureur de la République notifie par écrit la décision de classement de l'affaire au plaignant, ainsi qu'à la victime lorsque celle-ci est identifiée. Cette décision est motivée en distinguant les considérations de droit et de fait. »

« II. En conséquence :

« 1o Au début du deuxième alinéa de cet article, substituer aux mots : "L'avis" les mots : "La décision".

« 2o Au début du dernier alinéa de cet article, substituer aux mots : "Cet avis" les mots : "Cette décision". »

L'amendement no 54, présenté par M. Tourret, est libellé comme suit :

« Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 40-1 du code de procédure pénale :

« Art. 40-1. Le procureur de la République notifie la décision de classement de l'affaire au plaignant ainsi qu'à la victime lorsque celle-ci est identifiée. Lorsque l'affaire est classée pour un motif autre que l'absence d'identification d'une personne susceptible d'être mise en cause, la décision de classement est motivée. »

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

15.

M. André Vallini, rapporteur.

L'amendement no 15 a trait à la motivation des classements sans suite. Celle-ci vise à améliorer les relations entre la justice et les justiciables et à responsabiliser la prise de décision par les magistrats. Elle va donc dans le sens de la responsabilité des magistrats, dont on a déjà beaucoup parlé dans ce débat.

La commission a en effet souhaité, à l'initiative de Mme Bredin et de Mme Lazerges, que tous les classements soient motivés, ce qui me paraît représenter un progrès par rapport au texte du Gouvernement.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l'amendement no

54.

M. Alain Tourret.

La motivation des décisions de classement est une excellente chose. Reste à savoir comment il faut les motiver.

Le texte précise qu'il faut le faire et en droit et en fait.

Cette précision me semble excessive. Nous avons voté, en 1998, une loi qui disposait simplement que les décisions d evraient être notifiées et/ou motivées. Autant je comprends tout à fait que l'on soulève les problèmes de droit en ce qui concerne les irrecevabilités, les prescriptions, autant rendre obligatoire une motivation en droit d'abord, puis en fait, c'est-à-dire en fonction de la personnalité, me semble être une mauvaise chose. Je crains en effet que l'on ne mette finalement en place un système de légalité. Or nous venons justement de rejeter un amendement très néfaste en ce qu'il tendait vers l'institution d'un tel système. Rendre obligatoire la motivation d'abord en droit et puis en fait me paraît représenter un dévoiement. Il me semble donc préférable que l'on inscrive simplement la nécessité de motiver - ou alors celle de motiver « en droit ou en fait ». C'était l'une des propositions qui pouvaient être faites.

Par ailleurs, je crains qu'une telle disposition n'alourdisse la tâche des magistrats, puisque le contrôle de cette motivation nécessitera qu'elle soit détaillée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à l'amendement no 15 de la commission, car il regroupe, dans un souci de lisibilité, la question de la notification des classements sans suite dans le nouvel article 40-1 du code de procédure pénale, ce qui évite de procéder à un renvoi à l'article 40.

Je ne suis pas favorable à l'amendement no 54 de M. Tourret, pour deux raisons.

S'agissant du premier objectif qu'il poursuit, il est satisfait par l'amendement no 15 de la commission des lois.

Quant au second objectif, à savoir ne pas faire référence aux considérations de droit ou de fait de la motivation, je ne peux y souscrire. D'abord, la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs n'est, à l'évidence, pas applicable en l'espèce puisqu'il s'agit du domaine judiciaire. Ensuite, la distinction entre le droit et le fait permet de distinguer entre les classements pour des raisons juridiques - le droit - et ceux pour des raisons de pure opportunité - le fait. Dans le cas du fait, il s'agit nécessairement d'un classement en opportunité, justifié, par exemple, par l'extrême faiblesse du préjudice, par le comportement fautif de la victime, ou par le fait que le dommage a déjà été réparé par l'auteur des faits.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

M. Tourret s'inquiète de l'introduction d'un système de légalité, comme tendait à l'instaurer l'amendement no 49 de M. Hascoët qui a été rejeté par l'Assemblée, et propose à l'inverse une motivation allégée ne distinguant pas les considérations de fait et de droit. C'est là un élément du débat qu'il est nécessaire de clarifier pour orienter les pratiques futures des parquets et des commissions de recours contre les classements sans suite. La motivation de ceux-ci est un élément de transparence, de contrôle juridique de l'activité des parquets et notamment des décisions de classement, et l'on est en droit d'exiger que ces décisions soient motivées de façon circonstanciée, et autrement que par des cases cochées derrière lesquelles s'abrite souvent l'opportunité des poursuites.

Lorsque la commission de recours aura, par exemple, à statuer sur un classement sans suite contesté dans les conditions prévues aux articles suivants du projet de loi, que se passera-t-il ? Elle vérifiera si l'infraction est constituée et examinera les circonstances de fait. Si l'infraction est constituée, il lui sera difficile de classer l'affaire sans suite, surtout si l'infraction entre dans le cadre des directives du garde des sceaux recommandant la poursuite. Il y a donc là introduction, à la marge, à doses très homéopathiques cela n'a rien à voir avec l'amendement proposé par M. Hascoët d'éléments de légalité sur la base des décisions prises par les commissions de recours contre les classements sans suite.

En disant cela, je réponds aux objections de l'opposition, qui considère que les directives sont du vent et qu'elles n'auront aucune application. Elles pourront être appliquées de façon contraignante au cas par cas dans le cadre de l'individualisation par le parquet de ces directives aux cas d'espèce, et c'est un des éléments de la progression de la légalité des poursuites. Et la légalité, c'est l'égalité de tous devant la même loi, la transparence et le contrôle par le justiciable de l'activité des magistrats chargés de la poursuite. C'est donc un progrès important, et, de ce point de vue, les députés de la majorité n'ont aucune raison de s'en plaindre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 54 n'a plus d'objet.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 116, ainsi rédigé :

« A la fin du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 40-1 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "dans les conditions prévues aux articles 48-1 à 48-5". »

Cet amendement « se justifie par son texte même », monsieur Warsmann, comme il est indiqué dans son exposé sommaire... (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Je le défendrai un peu plus longuement, monsieur le président, un « exposé sommaire » étant par définition sommaire ! Sur le principe, je suis évidemment favorable, je l'ai dit dans la discussion générale, à la motivation des classements sans suite, mais je me pose deux questions en matière d'évaluation.

La première question est celle des moyens nécessaires et je suis très étonné qu'elle ne soit abordée par personne.

J'ai l'impression que le débat est un petit peu théorique sur le sujet. J'ai été très surpris en lisant, à la page 7 de l'étude d'impact qui a été transmise par M. le Premier ministre au président de l'Assemblée nationale, et que j'ai entre les mains, que la motivation des classements sans suite va concerner environ 30 % de ces affaires, soit 800 000 selon l'estimation de l'étude d'impact, et que 234 équivalents-emplois à temps plein de magistrats seront nécessaires. Je suis très surpris. Aussi, je souhaiterais avoir des précisions à ce sujet.

Ma seconde question concerne les éventuels contentieux que ces mesures pourront créer, dont j'aimerais avoir une évaluation. En effet, dans le principe, une directive est opposable à l'administration, c'est-à-dire qu'un citoyen peut s'en prévaloir pour contester une décision au motif soit que la directive aurait dû s'appliquer, soit, à l'inverse qu'elle ne l'aurait pas dû en raison de circonstances particulières.

Telles sont les deux questions évaluation des moyens et estimation des éventuels contentieux sur lesquelles j'aimerais avoir des précisions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable.

Je souhaite toutefois revenir sur l'impact de la disposition en termes de moyens.

L'étude d'impact à laquelle M. Warsmann fait référence date de 1995 et se fonde sur un chiffre de 1 400 000 classements sans suite. Mes services ont procédé depuis à une étude plus fine, dont il ressort que, sur les 4 937 000 plaintes, une fois que l'on a soustrait les plaintes concernant des faits commis par des auteurs non identifiés et les plaintes contre auteurs connus sur lesquels les parquets ont apporté une réponse judiciaire, seulement 302 000 ont fait l'objet d'un classement pur et simple, soit pour des raisons d'opportunité, soit pour des raisons tenant à des constatations juridiques : prescription, irresponsabilité pénale, amnistie. La motivation des classements mise en place par le présent projet de loi ne portera donc que sur cette dernière catégorie de classements 300 000 - et non pas sur les 1 400 000 évoqués dans l'étude d'impact.

Je tiens à préciser que la direction des services judiciaires a entrepris à ma demande de mettre à la disposition des magistrats concernés des outils informatiques, qui n'existaient absolument pas il y a quatre ans, pour faciliter la motivation des classements. Un tel apport informatique doit conduire à un net allégement de la tâche.

Enfin, je tiens à souligner que les classements ne résultent pas d'une décision arbitraire. Ils sont le résultat d'un examen attentif des procédures et d'un raisonnement juridique. Même si, actuellement, les classements ne sont pas motivés, il n'en reste pas moins que le travail d'analyse est d'ores et déjà réalisé.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je suis très étonné de ce que je viens d'entendre, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, Mme la garde des sceaux dit que l'étude d'impact que j'ai entre les mains date de 1995. C'est manifestement impossible puisqu'elle vise des chiffres portant sur l'ensemble de l'année 1995, qui n'ont donc pu être connus qu'ultérieurement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Deuxièmement, l'étude d'impact a été transmise sous l a signature personnelle de Lionel Jospin, Premier ministre, par une lettre en date de juin 1998 au président de l'Assemblée nationale. Je n'ose imaginer que M. le Premier ministre ait pu tromper l'Assemblée nationale en lui communiquant des données dépassées et ne correspondant pas à la réalité.

Troisièmement, la note dont je parle ne fait pas état de 1 400 000 classements sans suite mais de 800 000.

Je crains qu'il n'y ait un défaut d'information au niveau de vos services, à moins que ce ne soit au niveau de ceux du Premier ministre. Mais tout cela n'est pas très satisfaisant.

En tout état de cause, je regrette que votre réponse n'ait pas été complète. J'aurais souhaité que de votre estimation à 302 000 du nombre des classements sans suite nécessitant une motivation vous déduisiez le nombre de postes en plus et les moyens nécessitant une motivation supplémentaire qu'il faudra affecter aux parquets. Tel n'est pas le cas.

Je le regrette d'autant plus qu'il est souvent reproché aux parlementaires que nous sommes de voter des lois sans nous préoccuper de leurs modalités d'application. Je pense que c'est dans une collaboration fructueuse avec le pouvoir exécutif que nous pouvons avoir les données nécessaires pour nous permettre de légiférer utilement.

Enfin, je regrette de ne pas avoir eu de réponse sur les éventuels contentieux que ces mesures peuvent entraîner.

Il aurait été opportun que le pouvoir exécutif nous donne son appréciation avant que l'Assemblée nationale ne se prononce sur ce point.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Monsieur Warsmann, si vous aviez lu mon rapport,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Je l'ai lu, monsieur le rapporteur !

M. André Vallini, rapporteur.

... vous auriez trouvé, page 19, des données actualisées fournies par la chancellerie sur la base des chiffres de 1998, C'est dans le cadre d'une très bonne collaboration entre l'Assemblée nationale et le Gouvernement que j'ai eu accès à ces chiffres.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no

15. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - Il est inséré, après l'article 48 du même code, une nouvelle section ainsi rédigée :

« Section V

« Des recours contre les classements sans suite

« Art. 48-1. - Dans le cas prévu à l'article 40-1, toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile, peut, si elle justifie d'un intérêt suffisant, former un recours contre la décision de classement prise à la suite de cette dénonciation.

« Le recours est adressé au procureur général dans le mois suivant la notification du classement ou, à défaut de notification, à l'expiration d'un délai de huit mois à compter de la dénonciation. Le procureur général peut alors enjoindre au procureur de la République d'engager des poursuites. Dans le cas contraire, le procureur général avise la personne dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 40-1.

« Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la confirmation du classement par le procureur général ou, à défaut de réponse de ce dernier, à compter d'un délai de deux mois suivant la saisine du procureur général, le requérant peut saisir la commission de recours compétente.

« Art. 48-2 . - Les commissions de recours sont compétentes sur le ressort de plusieurs cours d'appel.

« Elles sont composées de magistrats du parquet des différentes cours d'appel situées dans leur ressort, désignés pour cinq ans par les assemblées générales des cours d'appel intéressées. Dans les mêmes formes, il est procédé à la désignation de membres suppléants. Les magistrats titulaires désignent parmi eux le président et le vice-président de la commission.

« Un décret fixe le nombre des commissions de recours, leur ressort territorial, leur siège et le nombre de magistrats de chaque cour d'appel qui les composent.

« Les magistrats de la cour d'appel dans le ressort de laquelle un recours a été formé ne siègent pas lors de l'examen de ce recours.

« Art. 48-3 . - Sous peine d'irrecevabilité, le recours formé devant le procureur général en application du deuxième alinéa de l'article 48-1 doit faire l'objet d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et à laquelle est joint soit l'avis de classement du procureur de la République, soit la copie de la dénonciation adressée initialement à ce magistrat lorsque celle-ci est restée sans réponse.

« La saisine de la commission de recours doit également faire l'objet, à peine d'irrecevabilité, d'une requête motivée adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et à laquelle sont joints l'avis de classement du procureur de la République ainsi que la décision confirmative du procureur général ou, si ce dernier n'a pas répondu dans le délai de deux mois, la justification du recours qui lui a été adressé.

« Art. 48-4 . - La commission statue sur dossier, au vu des avis de classement du procureur de la République et du procureur général, et des documents qui lui ont été adressés par le requérant. Elle peut se faire communiquer, s'il y a lieu, copie de la procédure d'enquête ou d'instruction faisant apparaître l'infraction dont la poursuite est sollicitée. Elle peut également demander au requérant ou au procureur général des éléments d'information supplémentaires.

« La commission statue par une décision motivée qui est notifiée au procureur de la République, au procureur général et au requérant. Cette décision n'est pas susceptible de recours.

« Si la commission estime que la poursuite est justifiée, elle demande au procureur de la République de mettre en mouvement l'action publique.

« Art. 48-5 . - Quand la commission estime qu'elle a été abusivement saisie par un requérant, elle peut demander au ministère public de citer celui-ci devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut condamner l'auteur du recours abusif à une amende civile dont le montant n'excède pas 100 000 francs. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 5.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Quelques mots pour éclairer les magistrats du parquet sur les dispositions relatives à la commission de recours contre les classements sans suite.

Nous avons inventé - le terme est abusif mais l'image est parlante - une sorte de juridiction des poursuites. Je sais bien que la commission n'est pas une juridiction car elle ne peut pas avoir une activité juridictionnelle. De ce point de vue d'ailleurs, il faudra que Mme la garde des sceaux nous donne sa « religion » juridique. Mais cela aura un intérêt essentiellement universitaire et théorique.

Sur le plan pratique, il est nécessaire de clarifier un certain nombre de points, et notamment la notion d'« intérêt suffisant » qui conditionnera la recevabilité des plaignants qui n'auraient pas eu satisfaction devant le procureur général et qui demanderaient à former un recours contre le classement sans suite qu'ils contestent devant la commission de recours.

Comme il y aura plusieurs commissions de recours, je souhaiterais, et un certain nombre de députés socialistes le souhaitent avec moi, qu'elles s'inspirent de la jurisprudence de la juridiction administrative sur les fins de non-recevoir définissant la recevabilité des recours contre les décisions administratives. Les classements sans suite s'y apparentent puisqu'il ne s'agit pas de décisions juridictionnelles et que la commission de recours contre les classements sans suite ne prendra pas non plus une décision juridictionnelle ayant autorité de la chose jugée. Etablies au fil des siècles, les fins de non-recevoir sont suffisamment vastes mais en même temps suffisamment rigoureuses pour être des indications précieuses dans la mise en application de ce texte.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini.

En écoutant M. Montebourg, m'est revenu à l'esprit le jugement très pertinent du doyen Hauriou, que me rappelait Alain Tourret, selon lequel les idées fausses, même théoriques, finissent toujours par produire des inconvénients.

Revenons au fonctionnement même de notre institution judiciaire, indépendamment des hypothèses d'école que nous pouvons formuler ici.

J'espère que le législateur n'est pas voué à travailler sur des hypothèses seulement théoriques mais qu'il a aussi le sens des réalités. En tout cas, nous allons nous en créditer mutuellement. Ce sera finalement une forme de consensus sur ces bancs.

M. Arnaud Montebourg.

Si vous le voulez bien, monsieur Albertini ! (Sourires.)

M. Pierre Albertini.

Si vous le voulez bien aussi, je l'accepte très volontiers.

Deux mots, monsieur le président, sur le dispositif qui nous est proposé, qui est assez complexe et dont je crains qu'il ne soit inopérant.

La composition même des commissions de recours, qui fait appel exclusivement à des magistrats du parquet, est une limite d'emblée à l'examen totalement impartial des classements sans suite.

Par ailleurs, vous avez dit, monsieur Montebourg, qu'il fallait que Mme la garde des sceaux nous précise un peu qu'elle était sa « religion » juridique. Au nom de la laïcité, je préférerais utiliser le mot « doctrine » plutôt que celui de « religion ».

M. Arnaud Montebourg.

Nous ne discutons pas de la loi Falloux ! (Sourires.)

M. Pierre Albertini.

Merci de me le rappeler. (Sourires.)

Mais je m'en étais aperçu.

Quelle est désormais la nature juridique du classement sans suite ? Ce n'est pas une chose facile à définir.

Imaginons qu'un classement sans suite soit opéré en contradiction avec une directive générale ou avec une directive adaptée par un procureur général.

Comment et sous quelle forme pourra-t-on faire valoir cette contradiction ? Je crains que nous ne soyons en train de mettre en route un mécanisme dont nous n'avons pas fini de mesurer les effets en chaîne - pour employer un terme plus aimable que celui d'inconvénients.

M. Arnaud Montebourg.

N'exagérons rien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le rapporteur, j'ai bien lu votre rapport, et, si vous l'aviez en mémoire, vous verriez que les chiffres qui figurent page 19 ne correspondent pas à ceux que cite Mme la garde des sceaux.

Elle a parlé de 302 000 classements sans suite et vous de 527 000, puis de 400 000. Et surtout, le rapport entre le nombre d'affaires et le nombre de postes n'est pas mentionné. Le seul dont il soit fait état se trouve dans l'étude d'impact fournie par M. le Premier ministre. Il est normal - du moins ai-je la faiblesse de le croire - que, lorsqu'il nous soumet un projet de loi, le Gouvernement l'assortisse d'une étude d'impact et d'éléments quelque peu crédibles. N'y voyez aucune attaque, mais une simple constatation : vous avez actualisé des chiffres qui ne correspondent pas à ceux qu'a donnés Mme la garde des sceaux, mais sans aller jusqu'au bout de la logique ; cela n'a du reste rien de surprenant, puisque c'est l'exécutif qui a la maîtrise des données.

Depuis le début de la discussion générale, nous avons entendu plusieurs propos inexacts sur les commissions de recours contre les classements sans suite. Il ne s'agit pas de créer des commissions de recours pour les victimes : celles-ci ont la possibilité de se constituer partie civile.

Pour elles, la procédure existe d'ores et déjà même si, je vous l'accorde, elle n'est pas entièrement gratuite puisqu'elle impose de consigner une somme d'argent. Dans le cas présent, il s'agit de créer une procédure pour les personnes n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile.

M. Arnaud Montebourg.

Nous avons lu le texte !

M. Jean-Luc Warsmann.

On peut s'étonner que des personnes qui ne sont pas les victimes puissent avoir à leur disposition une procédure presque plus facile que la constitution de la partie civile, puisqu'elle ne nécessite pas de consigner une somme d'argent.

Pour ma part, je reste très dubitatif pour plusieurs raisons. Elles ne tiennent pas à l'appel : après tout, plusieurs intervenants l'ont reconnu, l'appel existait déjà dans les faits, puisqu'il était possible de s'adresser au procureur général dès lors que l'on estimait un classement sans suite injustifié. Mais je ne parviens pas à imaginer comment ces commissions pourront fonctionner de manière cohérente et juridiquement correcte. Je crains qu'elles n'aboutissent à rendre les choses encore plus complexes, et surt out à susciter des procédures qui ne soient pas foncièrement justifiées. Nous en reparlerons tout à l'heure, puisque le Gouvernement lui-même semble éprouver la même crainte en essayant d'y répondre par le biais de l'article 48-5. Cette réponse, bien qu'elle ne me satisfasse pas, prouve en tout cas que mes réserves sont partagées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. le président.

M. Albertini a présenté un amendement, no 10, libellé comme suit :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article 48-1 du code de procédure pénale :

« Dans le cas prévu à l'article 40-1, toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République et n'ayant pas qualité pour se constituer partie civile, peut, si elle justifie d'un intérêt, former un recours contre la décision de classement prise à la suite de cette dénonciation, auprès du ministre de la justice. Ce dernier peut décider de mettre en mouvement l'action publique dans les conditions prévues à l'article 30-1.

« En cas de recours manifestement abusif, il peut être demandé au ministère public de citer le requérant devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut condamner l'auteur du recours abusif à une a mende civile dont le montant n'excède pas 100 000 francs. »

Je suppose que cet amendement est soutenu, monsieur Albertini, puisque vous vous en êtes déjà expliqué.

M. Pierre Albertini. En effet, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable, monsieur le président, de même que je serai défavorable à l'amendement no 11 qui supprime une disposition essentielle du projet : celle qui permet à un tiers intéressé de contester l es classements sans suite d'un procureur de la République devant le procureur général, puis devant une commission des recours. Il n'appartient pas au garde des sceaux d'intervenir dans les affaires individuelles à la suite de recours formés par des particuliers.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Clément et M. Houillon ont présenté un amendement, no 39, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 48-1 du code de procédure pénale, supprimer les mots : ", si elle justifie d'un intérêt suffisant,". »

Cet amendement a été soutenu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Le Gouvernement également ?

Mme la garde des sceaux.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

39. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 16 rectifié, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article 48-1 du code de procédure pénale, insérer l'alinéa suivant :

« Ces dispositions sont applicables aux décisions de classement sans suite prises en application des dispositions de l'article 80 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Je laisse à M. Montebourg le soin de défendre l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Il s'agit d'un amendement de coordination avec le texte relatif au renforcement de l'efficacité des procédures pénales.

L'article 80 du code de procédure pénale a fait l'objet d'une clarification récente faisant apparaître, au cours d'une information judiciaire, trois possibilités de traitement en cas d'apparition de faits nouveaux : le réquisitoire supplétif, la disjonction ou le classement sans suite.

Il était nécessaire de préciser que le droit de recours sera également applicable dans ce dernier cas.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 16 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 117, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 48-1 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Albertini a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Supprimer les dix derniers alinéas de l'article 5. »

Cet amendement a été défendu et Mme la garde des sceaux a déjà fait savoir qu'elle y était opposée.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Même avis que le Gouvernement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 99, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé pour l'article 48-2 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

99. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Brunhes et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 47, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 48-2 du code de procédure pénale, après les mots : "assemblées générales", insérer les mots : "des magistrats du parquet". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

La parole est à M. Alain Clary, pour soutenir cet amendement.

M. Alain Clary.

La composition des commissions de recours contre les classements, actes de fin des poursuites décidés par le parquet, doit respecter le principe de la séparation des autorités de poursuite et de jugement. En conséquence, seuls des magistrats du parquet doivent pouvoir participer à la désignation des magistrats du parquet qui composeront ces commissions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

C'est un amendement très utile. Avis très favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Egalement très favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

47. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 118, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 48-3 du code de procédure pénale. »

Cet amendement est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 100, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé pour l'article 48-4 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cet amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 101, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé pour l'article 48-5 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je souhaite tout particulièrement présenter cet amendement, qui montre les limites du dispositif. Lorsque le Gouvernement a rédigé son projet de loi, il a bien senti que cette procédure risquerait d'entraîner des dérapages, en suscitant notamment des saisines abusives de la commission. Un individu pourrait ainsi, sans avoir aucune raison d'engager une procédure, faire appel au procureur général, puis à la commission, dans le seul but de nuire à une personne, une collectivité ou une association en se faisant de la publicité dans les médias.

Pressentant ce risque, le Gouvernement propose par l'article 48-5 d'instaurer une amende civile n'excédant pas 100 000 francs. Ce montant élevé a d'ailleurs suscité de nombreux débats en commission et des propositions tendant à le réduire.

Mais si l'article 48-5 souligne les limites de la procédure, il prouve aussi l'absurdité du système. En effet, imaginez qu'une personne vienne à dénoncer des faits condamnables, mais que la commission décide finalement, pour des raisons d'opportunité, de ne pas enclencher l'action publique. Cette personne, bien que totalement innocente, pourra être condamnée alors que son seul tort aura été d'avoir dénoncé des faits potentiellement repréhensibles pourra être condamnée. Cet exemple montre bien les limites juridiques et logiques de cette construction.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 18 rectifié, ainsi rédigé :

« A la fin du texte proposé pour l'article 48-5 du code de procédure pénale, substituer à la somme : "100 000 F" la somme : "10 000 F". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Je laisse à M. Montebourg le soin de le défendre.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Créer un droit pour finalement dissuader de l'utiliser est de nature à heurter tout parlementaire. Il est normal que les procéduriers qui abusent de l'utilisation des parquets, parquets généraux ou commissions de recours pour classements sans suite, se voient sanctionnés, à la demande de la commission, puis sur saisine du ministère public de la juridiction compétente. Mais de là à les condamner à ce point, c'est un pas que nous ne voulons pas franchir. Ajoutons que les règles relatives à la dénonciation calomnieuse subsistent, et que les intéressés en seront dûment avertis.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 18 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, M. Montebourg et M. Colcombet ont présenté un amendement, no 19 rectifié, ainsi rédigé :

« Après le texte proposé pour l'article 48-5 du code de procédure pénale, insérer l'article suivant :

« Art. 48-6. - Les recours formés sur le fondement des articles 48-1 et suivants du présent code suspendent la prescription de l'action publique à l'égard des faits dénoncés. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Sur cet amendement, Mme Lazerges a présenté un sous-amendement, no 98, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 19 rectifié, après le mot : "suspendent", insérer les mots : ", au seul bénéfice du ministère public,". »

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement no 19 rectifié.

M. Arnaud Montebourg.

Cet amendement vise à lutter contre un effet pervers provoqué par la saisine de la commission de recours contre les classements sans suite.

L'usage de cette procédure doit rester sans incidence sur les risques de prescription de l'action publique. Il y a donc lieu de prévoir la suspension de la prescription de l'action publique sitôt que le classement sans suite est contesté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Favorable à l'amendement, ainsi que - je l'indique par avance - au sousamendement no

98.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch, pour défendre le sous-amendement no

98.

M. Jacques Floch.

Le sous-amendement de ma collègue Mme Lazerges vise à lutter contre les pervers qui chercheraient à profiter du dispositif proposé par notre collègue Montebourg, en précisant que celui-ci ne jouera qu'au seul bénéfice du ministère public.

M. Jean-Luc Warsmann.

Les « pervers », mon Dieu !

M. le président.

M. Montebourg a effectivement parlé de pervers qui abuseraient du parquet... (Sourires.)

M. Arnaud Montebourg.

Non, monsieur le président, j'ai parlé des effets pervers engendrés par certaines procédures. Ce sont les effets qui sont pervers, non les justiciables. (Sourires.)

M. le président.

J'ai l'esprit mal tourné. (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?

Mme la garde des sceaux.

Je comprends parfaitement les objectifs de l'amendement no 19 rectifié.

La prescription ne doit pas intervenir au moment où la commission des recours déciderait que des poursuites sont nécessaires : cela priverait le recours de toute efficacité.

Lorsque la prescription est de trois ans, comme c'est le cas en matière délictuelle, une suspension de quelques mois, le temps du recours, ne soulève pas de difficultés.

Mais je m'interroge sur deux points très importans.

Le premier est celui des effets de cette suspension sur les victimes. Il n'y a aucune raison pour qu'une personne qui peut se constituer partie civile profite d'un recours intenté par un tiers. Ce problème me semble toutefois résolu par le sous-amendement no 98 de Mme Lazerges, qui précise que la suspension de la prescription se fera au seul bénéfice du ministère public. Je suis donc tout à fait favorable à ce sous-amendement.

Mais l'amendement no 19 rectifié soulève une seconde difficulté dans le cas des délits prévus par la loi sur la presse de 1981, pour lesquels la prescription est de trois mois. Cette courte prescription est indispensable pour assurer un équilibre entre la liberté d'expression et la répression des abus que celle-ci peut entraîner. Il me semble très délicat de remettre en cause cet équilibre. On peut difficilement imaginer que, à la suite d'un recours dont l'instruction aurait duré plusieurs mois, un délit de presse soit poursuivi plus d'un an après sa commission.

Je crois indispensable d'approfondir cette question au cours de la navette. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse de votre assemblée sur l'amendement no 19 rectifié, compte tenu du sous-amendement de Mme Lazerges, des observations que je viens de faire et du travail qu'il nous reste à effectuer durant la navette.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

98. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 19 rectifié, modifié par le sous-amendement no

98. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président.

Je donne lecture de l'article 6 : C HAPITRE

III Dispositions renforçant le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire

« Art. 6. - A l'article 14 du code de procédure pénale, il est ajouté, après les mots : "Elle est chargée, suivant les distinctions établies au présent titre", les mots : "et dans le cadre des orientations mentionnées à l'article 39-1". »

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 20 rectifié, ainsi rédigé :

« Dans l'article 6, substituer aux mots : "orientations mentionnées à l'article 39-1" les mots : "directives générales mentionnées à l'article 39-2". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 20 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement no 20 rectifié.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. - Les deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article 41 du même code sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Il a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d'officier de police judiciaire prévus par la section II du chapitre Ier du titre Ier du présent livre, ainsi que par les lois spéciales.

« En cas d'infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 68.

« Le procureur de la République contrôle le déroulement des enquêtes ainsi que les mesures de garde à vue.

« Il dirige l'activité des officiers et agents de police judiciaire dans le ressort de son tribunal. Il leur donne connaissance des orientations générales de la politique pénale qui doivent être mises en oeuvre dans son ressort.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

« Pour le bon déroulement des enquêtes, le procureur de la République et les chefs des services de police et de g endarmerie se tiennent informés régulièrement des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de l'action publique.

« Lorsque la durée ou la complexité d'une enquête le justifie, le procureur de la République et le chef du service saisi définissent d'un commun accord les moyens à mettre en oeuvre pour procéder aux investigations nécessaires. Ces moyens peuvent être adaptés au cours de l'enquête. »

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 21, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du cinquième alinéa de l'article 7, substituer au mot : "orientations" le mot : "directives". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 9 et 40.

L'amendement no 9 est présenté par M. Albertini ; l'amendement no 40 est présenté par M. Clément et

M. Houillon.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 7. »

La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l'amendement no

9.

M. Pierre Albertini.

Il est défendu.

M. le président.

L'amendement no 40 est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 9 et 40.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 22 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa de l'article 7 :

« Le procureur de la République et les chefs des services de police ou de gendarmerie se tiennent informés au moins une fois par trimestre des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par les directives générales mentionnées à l'article 39-2. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Dans le but de renforcer l'implication des procureurs de la République dans le déroulement des enquêtes, le projet de loi prévoit une information régulière entre le parquet et les chefs des services de police ou de gendarmerie et, dans certains cas, une définition en commun des moyens à mettre en oeuvre.

En réalité, l'objectif poursuivi est double : assurer une information générale et périodique du procureur sur les moyens mobilisés afin de mettre en oeuvre les objectifs de la politique pénale, et prévoir la possibilité pour celui-ci d'intervenir dans la définition des moyens à mettre en oe uvre dans le cas d'une enquête particulièrement complexe.

Dans cet esprit, l'amendement no 22 rectifié propose une nouvelle rédaction de l'avant-dernier alinéa de cet article, qui énonce clairement le principe général de l'information périodique du procureur sur les moyens mobilisés par les services de police ou de gendarmerie pour mettre en oeuvre les directives de politique pénale. Afin de donner une plus grande effectivité à ces dispositions, il est en outre prévu que cette information devra être effectuée au moins une fois par trimestre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à l'amendement no 22 rectifié de la commission.

Le projet prévoit que, pour assurer le bon déroulement des enquêtes, le procureur de la République et les chefs de service de police et de gendarmerie se tiendront informés régulièrement des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs de l'action publique. Cette règle de bon sens découle directement du pouvoir de direction de la police judiciaire du procureur de la République.

Il est très opportun de réaffirmer clairement cette pratique, qui se concrétise par des réunions entre les substituts et les officiers de police judiciaire concernés. Elle existe d'ailleurs dans certains parquets, mais il est souhaitable de l'institutionnaliser et ainsi de la généraliser.

Votre commission propose très opportunément de la rendre plus précise en prévoyant une information trimestrielle et plus cohérente, visant non les objectifs de l'action publique, mais les objectifs fixés par les directives générales du garde des sceaux telles qu'adaptées par le p rocureur général, puis par le procureur de la République.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 22 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 102, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa de l'article 7. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

L'amendement no 102 vise à supprimer le dernier alinéa de l'article 7, dont on ne peut que dénoncer la rédaction extrêmement floue. Croit-on vraiment que de telles affaires donnent lieu à beaucoup de conflits ? Peut-être un ! Le législateur ne se grandit jamais en adoptant des lois dont la rédaction peut donner lieu à des interprétations aussi subjectives. C'est bien le cas ici : ni la durée ni la complexité ne sont définies.

Tout cela reste extraordinairement vague. D'où mon amendement de suppression.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. Jean-Luc Warsmann.

Merci pour les explications !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - Il est inséré, après l'article 75 du même code, deux articles ainsi rédigés :

« Art. 75-1. - Lorsqu'il donne instruction aux officiers de police judiciaire de procéder à une enquête préliminaire, le procureur de la République fixe le délai dans lequel cette enquête doit être effectuée.

« Art. 75-2. - L'officier de police judiciaire chargé d'une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit doit aviser le procureur de la République dès qu'une personne à l'encontre de laquelle existent des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction est identifiée.

« Il doit également rendre compte de l'état d'avancement de l'enquête lorsque celle ci est commencée depuis plus d'un an. »

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 23, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 75-1 du code de procédure pénale par la phrase suivante :

« Il peut le proroger au vu des justifications fournies par les enquêteurs. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Cet amendement a pour objet de préciser que le procureur de la République peut proroger le délai fixé initialement aux OPJ pour achever l'enquête préliminaire, à la condition que les enquêteurs justifient le retard apporté à l'enquête par rapport au calendrier prévisionnel.

Monsieur Warsmann, s'agissant de cet amendement et du précédent, il faut, dans ce domaine, procéder par étapes. Ce texte va permettre d'accomplir des progrès, limités mais importants, dans la bonne collaboration qui doit exister entre la police judiciaire et les magistrats. On aurait pu effectivement aller plus loin. J'ai moi-même imaginé des solutions que, à la réflexion, j'ai retirées parce que je me suis rendu compte - et Mme la garde des sceaux en a parlé devant la commission des lois l'autre jour - qu'il vaut mieux s'assurer des étapes que l'on franchit plutôt que de vouloir « faire la révolution » dans les rapports entre la police judiciaire et les magistrats, au risque de n'aboutir à rien.

Par conséquent, procédons par étapes. Celles proposées ce soir sont significatives.

M. le président.

Vous avez entendu, monsieur Montebourg : il ne s'agit pas de faire la révolution ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je vous remercie de cette précision, monsieur le président, car je croyais que la remarque du rapporteur s'adressait à moi, auquel cas je l'aurais rassuré : je n'ai nullement l'intention de faire la révolution ce soir ! J'entends simplement dénoncer l'imprécision de cet alinéa et dire que je connais fort peu de contentieux - un seul, je crois. Enfin, s'il y a des possibilités de conflit, et puisqu'on en arrive quasiment au stade de l'argutie, il y en a bien entre un procureur et un ou p lusieurs juges d'instruction qui souhaiteraient, par exemple, que leur soient affectés des moyens importants pour poursuivre l'instruction des affaires qui leur sont confiées.

Bref, je ne trouve pas que c'est une solution très efficiente, ni très équilibrée, ni même applicable directement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Monsieur le président, nous ne voulons pas faire la révolution !

M. le président.

Mais vous aviez qualifié le projet de

« révolutionnaire » !

M. Michel Hunault.

Dans un instant d'euphorie !

M. Arnaud Montebourg.

Il l'est historiquement en ce qu'il rend hommage à une oeuvre qui n'a pas pu être terminée, celle de la Révolution, interrompue par une tradition que nous connaissons encore de nos jours.

Mais revenons à cette affaire de police judiciaire. Certaines affaires récentes, qui ont causé un certain traumatisme et qu'il est inutile de citer, ont montré que, dans la pratique quotidienne des parquets et des cabinets d'instruction, les priorités sont fixées, de fait et non pas en droit, par les services qui travaillent sur commission rogatoire ou sur instruction des magistrats du parquet ou de l'instruction.

De ce point de vue, les avancées proposées par M. le rapporteur sont intéressantes, et le projet lui-même en comportait une grande. Cette première étape devra en appeler d'autres. Pour le moment, nous avons fait un choix de sagesse : mieux vaut des petits pas acceptés plutôt que des grandes enjambées refusées.

M. Michel Hunault.

Quel beau programme !

M. Arnaud Montebourg.

Cet appel à la raison venant d'un révolutionnaire devrait vous rassurer, monsieur le président. (Sourires.)

Nous sommes là pour réfléchir à l'étape suivante en liaison avec les intéressés : policiers et ministère de l'intérieur. Mais il faudra bien que, un jour, une clarification s'opère, et de façon définitive.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

23. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 24, ainsi rédigé :

« Compléter le texte proposé pour l'article 75-1 du code de procédure pénale par l'alinéa suivant :

« Lorsque l'enquête est menée d'office, les officiers de police judiciaire rendent compte au procureur de la République de son état d'avancement lorsqu'elle est commencée depuis plus de six mois. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Toujours dans le cadre des relations entre police judiciaire et magistrats du parquet, cet amendement a un double objet. D'abord, il regroupe dans un seul article les dispositions relatives au délai des enquêtes, qu'elles soient déclenchées d'office ou sur instruction d'un procureur. Ensuite, dans le cadre d'une enquête préliminaire menée sur initiative de la police nationale ou de la gendarmerie, il ne m'a pas semblé opportun d'attendre un an, comme c'était prévu dans le texte avant que l'OPJ en charge du dossier rende compte au procureur de la République. C'est pourquoi je vous propose de ramener ce délai de un an à six mois.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 25, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 75-2 du code de procédure pénale, substituer aux mots : "chargé d'une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit doit aviser" les mots : "qui mène une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit avise". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Amendement de précision rédactionnelle.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 26, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 75-2 du code de procédure pénale. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 8, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 9 et 10

M. le président.

« Art. 9. - Il est inséré, après l'article 152 du même code, un article 152-1 ainsi rédigé :

« Art. 152-1. - Les dispositions du septième alinéa de l'article 41 sont applicables aux commissions rogatoires délivrées par le juge d'instruction. »

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

« Art. 10. - L'article 227 du même code est complété par la phrase suivante :

« Cette décision prend effet immédiatement. » - (Adopté.)

Après l'article 10

M. le président.

M. Hascoët, Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 50, ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« Après l'article 15-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-2 ainsi rédigé :

« Art. 15-2. Des unités composées d'officiers et d'agents de police judiciaire sont constituées auprès de chaque tribunal de grande instance. Des agents habilités à la recherche et à la constatation des infractions peuvent également y être détachés. Les modalités d'affectation de ces fonctionnaires et de détermination des effectifs sont fixées par décret en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre de la justice et du ministre intéressé. »

Cet amendement est défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

L'amendement no 50 reprend une idée que j'avais eue, il y a quelques mois, lorsque j'ai commencé à travailler sur le projet de loi.

Mais lors de rencontres avec les services de police, avec la police judiciaire et avec le ministère de l'intérieur, je me suis rendu compte qu'elle risquait de provoquer des remous inutiles au sein des services de police, notamment des syndicats de policiers. J'ai préféré renoncer à cette idée mal acceptée par les policiers. Comme je l'ai dit tout à l'heure, et comme M. Montebourg, je pense qu'il faut procéder par étapes. Les Verts souhaiteraient qu'on aille plus vite et plus loin. Je pense qu'ils se trompent. L'avis de la commission sur cet amendement est défavorable.

M. le président.

C'est un retrait à petits pas et non à grandes enjambées ! (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Mme la garde des sceaux.

Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui propose la création de brigades de policiers détachés, chargés de missions de police judiciaire auprès de chaque tribunal de grande instance, et cela en dépit de ma volonté affirmée, et confirmée par le présent projet, d'augmenter le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.

La création de telles brigades n'est pas opportune essentiellement parce que les services régionaux de police judiciaire pour la police, les brigades et les sections de recherche pour la gendarmerie sont déjà chargés à titre exclusif de missions de police judiciaire. L'articulation d'une nouvelle structure spécialisée dans un tel contexte soulèverait d'importants problèmes pratiques en matière de répartition des compétences.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

50. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 11

M. le président.

Je donne lecture de l'article 11 : C HAPITRE IV Dispositions diverses

« Art. 11. - I. - La première phrase de l'article 33 du code de procédure pénale est supprimée.

« II. A l'article 34 et au premier alinéa de l'article 39 du même code, les mots : "sans préjudice des dispositions de l'article 105 du code forestier et de l'article 446 du code rural" sont supprimés.

« III. Le premier alinéa de l'article 80 du même code est complété par les mots : "ou du ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-2".

« IV. La première phrase de l'article 551 du même code est complétée par les mots : "ainsi que du ministre d e la justice dans les conditions prévues à l'article 30-2". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 84, ainsi rédigé :

« Après le II de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :

« II bis. - Les deuxième et troisième phrases du premier alinéa de l'article 40 du même code sont supprimées. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

84. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 27, ainsi rédigé :

« Après le II de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :

« II bis. L'article 42 du même code est supprimé. »

Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 28 rectifié, ainsi rédigé.

« Après le II de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :

« II ter. - Dans le premier alinéa de l'article 51 du même code, après les mots : "procureur de la République", sont insérés les mots : "ou du ministre d e la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1". »

Là aussi, c'est un amendement de coordination.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 85, ainsi rédigé :

« A la fin du III de l'article 11, substituer à la référence : "30-2" la référence : "30-1". »

Il s'agit simplement d'une modification de référence.

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

85. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 86, ainsi libellé :

« Après le III de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :

«

III bis L'article 497 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 7o Au ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

86. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 87, ainsi rédigé :

« Après le III de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :

« Dans le premier alinéa de l'article 546 du même code, les mots : "et à l'officier du ministère public près le tribunal de police" sont remplacés par les mots : ", à l'officier du ministère public près le tribunal de police et au ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

87. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 88, ainsi rédigé :

« A la fin du IV de l'article 11, substituer à la référence : "30-2" la référence : "30-1". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

88. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 89, ainsi rédigé :

« Après le IV de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :

« V. Dans le premier alinéa de l'article 567 du même code, après les mots : "ministère public", il est inséré les mots : ", par le ministre de la justice dans les conditions prévues à l'article 30-1". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

Coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

89. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Warsmann a présenté un amendement, no 103, ainsi libellé :

« Après le IV de l'article 11, insérer le paragraphe suivant :

« Après l'article 720 du code de procédure pénale, il est inséré un article 720 bis ainsi rédigé :

« Art. 720 bis. Les députés et sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment tout établissement de l'administration pénitentiaire situé dans leur département. »

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

On pourrait reprocher à mon amendement de porter sur une matière connexe à celle qui nous occupe. Mais nous avons adopté tout à l'heure un amendement de M. Tourret auquel on aurait pu faire la même objection.

Si j'ai déposé cet amendement, c'est pour plusieurs raisons. D'abord parce que les parlementaires sont au service de l'ensemble des citoyens de leur département, quel que soit le lieu où ils se trouvent. Ensuite parce que les étab lissements pénitentiaires sont incontestablement des lieux où la présence de parlementaires et le respect des règles sont particulièrement importants. Enfin, la présence des parlementaires y serait perçue comme positive,


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tant par les personnels, auxquels je voudrais rendre hommage car, dans de nombreux établissements, ils rencontrent des difficultés considérables, que par les détenus.

Je crois savoir que d'autres démocraties nous ont précédés en votant une telle disposition. Je souhaite que des voix se joignent à la mienne sur tous les bancs pour adopter cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. André Vallini, rapporteur.

Cet amendement a le mérite de poser une question importante. Les prisons ne doivent pas être des zones de non droit ou plutôt des zones exclues du débat public. Il convient que les parlementaires, députés et sénateurs, puissent s'y rendre. A tout moment cela me paraît un peu excessif, car les prisons ne doivent pas être des endroits où l'on entre comme dans un moulin - et, surtout, d'où l'on sort comme d'un moulin ! (Sourires.)

M. le président.

Dans les prisons, on y entre plus facilement qu'on en sort ! (Sourires.)

M. André Vallini, rapporteur.

Si cet amendement, je le répète, pose une question importante, il n'est pas bienvenu dans ce texte. Plusieurs orateurs souhaitent s'exprimer à son propos. Et nous attendons des informations de Mme la ministre à ce sujet.

M. Jean-Luc Warsmann.

Votre avis est-il favorable ou défavorable ?

M. André Vallini, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Bien que l'amendement présenté par M. Warsmann n'ait pas de lien avec le présent projet de loi, je voudrais lui fournir quelques indications.

L'objectif de son amendement, qui est d'assurer un meilleur contrôle de ces établissements, est aussi le mien.

Je suis très favorable aux visites d'établissements pénitentiaires par les parlementaires, députés ou sénateurs. Je ne peux d'ailleurs qu'inviter les élus de la nation à se rendre dans les prisons de leur département. D'ailleurs, je constate, depuis deux ans, que nombreux sont ceux qui s'y sont rendus : quarante députés ou sénateurs ont visité les établissements de leur département ou les services de l'administration pénitentiaire. Et, naturellement, l'administration s'est toujours, sur mes instructions, mise à leur disposition.

Le rapporteur de votre assemblée pour le budget de l'administration pénitentiaire, M. Gerin, se rend fréquemment en visite dans des établissements sur tout le territoire national. Il s'est rendu à Lyon, à Saint-QuentinFallavier, à Poissy, à Osny.

La présidente de la commission des lois, Mme Tasca, s'est rendue, avec d'autres commissaires, dans des établissements de la région parisienne à plusieurs reprises ces derniers mois. Je peux encore citer le déplacement récent des sénateurs de la commission des lois du Sénat à F leury-Mérogis, où ils ont pu effectuer une visite complète.

Je suis donc extrêmement favorable à ces visites et je souhaite qu'elles se développent. Je les ai d'ailleurs toujours favorisées.

Par ailleurs, j'ai engagé une réflexion sur le contrôle des établissements pénitentiaires. Les modalités de ce contrôle m'apparaissent actuellement insuffisantes, qu'il s'agisse du contrôle exercé par les autorités judiciaires ou du contrôle exercé par les autorités administratives. J'ai inscrit ce point à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire, qui doit avoir lieu ces prochains jours, et une commission de ce conseil sera chargée de proposer des améliorations dans ce domaine.

L'intégration des parlementaires au fonctionnement rénové des commissions départementales de surveillance des établissements pénitentiaires est une des pistes qui peuvent être suivies. A ce moment, le sujet abordé par votre amendement pourra être réexaminé.

Par ailleurs, je proposerai prochainement un décret portant sur la déontologie des personnes intervenant en milieu pénitentiaire.

Voilà comment nous pouvons mieux répondre à votre préoccupation, monsieur le député. Mais je ne suis pas favorable à ce que ce sujet soit traité dans ce projet de loi, qui n'a pas pour objet le contrôle des établissements pénitentiaires.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Je comprends que Mme la garde des sceaux émette des réserves sur l'inscription de cet amendement dans sa loi. Il n'empêche que M. Warsmann pose une vraie question et que cela mérite qu'on en parle.

Moi qui ai eu l'honneur, pendant quatre ans, d'être rapporteur du budget de l'administration pénitentiaire, comme M. Gerin aujourd'hui, j'ai souvent effectué des visites dans les établissements pénitentiaires. J'ai pu ainsi enrichir mon rapport et me rendre compte - et puis en fair part à mes collègues - de la situation réelle de l'administration pénitentiaire, à la fois de la grande qualité des personnels qui y travaillent, auxquels on ne rend pas suffisamment hommage, et des difficultés énormes qu'ils rencontrent.

Cela m'avait donné à réfléchir à ce que pouvait être la prison dans un pays comme le nôtre, et à son utilité.

Aujourd'hui, nous savons bien, tous, qu'il est inutile de créer de nombreuses places de prison et qu'il vaut mieux réfléchir à des peines de substitution pour des délits qui ne méritent pas l'enfermement.

L'amendement de notre collègue Warsmann a l'avantage d'attirer l'attention des députés et des sénateurs sur ces problèmes. Car la prison est tout de même bien l'aboutissement, la conséquence de décisions prises par l'autorité judiciaire. Nous parlons aujourd'hui de l'indépendance de l'autorité judiciaire, mais à l'occasion d'autres textes, nous avions vu combien cette autorité pouvait être liberticide.

Les représentants de la nation que nous avons l'honneur d'être se doivent de s'intéresser à ce problème essentiel.

Vous pensez, madame la garde des sceaux, que la proposition de M. Warsmann n'a pas sa place dans votre texte. Peut-être. Mais rien n'empêche de la voter ce soir, quitte à revenir dessus en deuxième et en troisième lecture.

Je souhaite donc, ne serait-ce que pour inciter les uns et les autres à la réflexion, que nous adoptions cet amendement.

M. Michel Hunault.

Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann.

Merci, monsieur Floch.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. Arnaud Montebourg.

Je me range aux arguments de Jacques Floch, qui connaît bien les difficultés que suscite le droit de regard sur le fonctionnement interne de l'administration pénitentiaire. Et je voudrais évoquer pour mes collègues une loi adoptée en 1975 en Italie, qui est intitulée ordinamento penitenziario.

Cette loi, qui a donc déjà vingt-cinq ans, accorde l'entrée sans autorisation dans les prisons : au président du conseil des ministres, au président du Conseil constitutionnel, aux ministres, aux membres du Parlement, aux préfets et même aux conseillers régionaux.

Ce qui se passe dans un pays d'Europe a toujours une utilité pédagogique pour les autres pays. Les initiatives de l'Italie en matière judiciaire n'ont pas toujours été heureuses. Celle-ci pourrait nous être une source d'inspiration. Ne refusons pas cet exemple de transparence, très utile aux responsables publics que nous sommes. Il peut nous éviter de nous tromper, comme cela nous arrive souvent.

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Je voudrais, à mon tour, soutenir l'excellent amendement de M. Warsmann et je remercie

M. Floch de l'avoir soutenu.

Ne nous cachons pas la réalité, madame la garde des sceaux : jamais le nombre de suicides n'a été aussi grand que ces derniers jours dans les prisons françaises, et celles-ci connaissent une grave surpopulation. Les élus de la nation ont la charge de ces problèmes. Il faut donc voter ce soir l'accès aux prisons.

Vous avez objecté que l'amendement n'avait pas sa place dans le texte. Au contraire, il nous donne l'occasion de parler de ce grave sujet.

Puisque nous savons très bien ce qui se passe dans les prisons françaises - surpopulation carcérale, suicides en grand nombre -, il est grand temps que des mesures soient prises. En faciliter l'accès aux représentants de la nation irait dans le bon sens.

Dès lors, mes chers collègues, il ne faut pas s'arrêter au fait que ce soit un élu de l'opposition qui présente cet amendement. Et, en raison de son intérêt général, il faut l'adopter.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 103.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 11

M. le président.

L'amendement no 1 de M. Quentin visant à introduire un article additionnel après l'article 11 n'est pas soutenu, non plus que l'amendement no 2 du même auteur.

M. Floch a présenté un amendement, no 41 deuxième rectification, ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« Les dispositions des chapitres Ier et IV de la présente loi entreront en vigueur après la promulgation de la loi organique visée au dernier alinéa du projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. »

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Nous sommes inquiets, madame la garde des sceaux, même si vous nous présentez un excellent texte sur les rapports des ministres de la justice avec le parquet, sur l'action publique en matière pénale, qui est une partie importante du bloc de la réforme de la justice, et même si le travail réalisé par M. le rapporteur est excellent, nous voulons prendre un certain nombre de précautions.

Le 15 janvier 1998, madame la garde des sceaux, vous avez déclaré en présentant la réforme de la justice :

« L'indépendance revendiquée et acquise pose le corollaire de la responsabilité. Aucune institution, aucune personne ne doit être au-dessus de tout regard critique. Les juges et la justice doivent également rendre des comptes. »

Cette forte déclaration, qui montrait bien votre volonté de procéder à une réelle réforme de l'institution judiciaire, était corroborée par celle du Président de la République, qui, à l'audience de rentrée de la Cour de cassation le 9 janvier 1998, déclarait : « La réforme devra surtout ne pas oublier que, dans notre pays, la justice procède en dernière analyse du peuple souverain, au nom duquel elle est rendue et que la responsabilité du juge, même si elle peut se poser en termes différents de celle des autres serviteurs de l'Etat, est le corollaire indissociable de leur indépendance. »

M'appuyant sur ces deux déclarations éminentes, mais aussi sur la nécessité de restaurer la confiance en la justice, car c'est l'un des éléments forts de notre travail sur la réforme de l'institution judiciaire,...

M. Pierre Albertini.

C'est vrai.

M. Michel Hunault.

Il y a encore du chemin à faire !

M. Arnaud Montebourg.

Nous comptons sur le Président de la République !

M. Jacques Floch.

... je propose que le projet de loi relatif à l'action publique en matière pénale et modifiant le cadre de la procédure pénale n'entre en application que lorsque la loi organique fixant les statuts et la responsabilité des magistrats sera votée.

M. Alain Néri.

Bonne idée.

M. Jacques Floch.

On confirme ainsi trois grands principes essentiels en République : la transparence, l'efficacité, le respect du droit,...

M. Gérard Gouzes.

C'est un avertissement au Président !

M. Jacques Floch.

... avec la garantie de ne pas porter atteinte au pacte social, et je crois que c'est une idée qui vous est chère.

Ne voyez pas dans cet article additionnel une sorte de suspicion à l'égard du Gouvernement.

M. Gérard Gouzes.

C'est à l'égard du Président !

M. Jacques Floch.

Je suis l'un des députés de la majorité qui a des responsabilités au sein de la commission des lois et je soutiens fermement le gouvernement actuel de la France. Il m'est arrivé d'être dans l'opposition en d'autres temps, et je sais les difficultés que cela représente,...

M. Jean-Luc Warsmann.

Ça ne durera pas longtemps pour nous ! Rassurez-vous !

M. Jacques Floch.

... mais je connais aussi le grand plaisir et le grand honneur d'être dans la majorité. Et je voterai les projets que vous avez proposés parce qu'ils me semblent utiles à la République et à la France. C'est pour


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

cela que je ne veux pas que vous voyiez dans cet article additionnel une sorte de suspicion à l'égard de la politique que vous menez. Bien au contraire, je la soutiens.

J'ai présenté cet amendement afin que l'on nous apporte les éléments suffisants pour nous permettre d'avoir des assurances sur la responsabilité des magistrats, qui est nécessaire eu égard à l'indépendance et à la confiance qu'on leur accorde, et il est souhaitable que M. le Président de la République nous envoie rapidement siéger en Congrès...

M. Michel Hunault.

Encore !

M. Jacques Floch.

... pour mettre totalement en oeuvre la réforme du Conseil supérieur de la magistrature que les sénateurs et nous-mêmes avons votée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement présenté avec talent par M. Floch ?

M. André Vallini, rapporteur.

La commission a examiné hier après-midi, au titre de l'article 88, cet amendement, qui pose la question tout à fait légitime de la responsabilité des magistrats et a donné un avis favorable.

Depuis, Mme la ministre a donné de nombreux éléments de nature à apaiser les inquiétudes qui s'étaient exprimées ici ou là et je pense qu'elle va nous en donner d'autres. Je ne suis donc pas sûr que la commission donnerait maintenant le même avis et j'attends les explications de Mme la ministre.

M. Michel Hunault.

Quel courage !

M. Pierre Albertini.

Interprétation libre !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M me la garde des sceaux.

Monsieur Floch, je comprends et je partage votre souci de lier l'accroissement de l'autonomie avec la responsabilité.

M. Jean-Luc Warsmann.

Ça commence mal !

Mme la garde des sceaux.

Comme je m'en suis expliquée dans mon discours et de nouveau dans ma réponse dans la discussion générale, l'ensemble de ma réforme s'appuie sur ces deux notions.

Le principe de responsabilité inspire l'ensemble de la réforme et pas simplement le projet de loi organique auquel vous faites allusion dans votre amendement.

Je vous assure une nouvelle fois, comme je l'avais annoncé le 29 octobre 1997, puis le 15 janvier 1998, lorsque je vous ai présenté l'ensemble des projets, que j'entends conduire une réforme globale de la justice. Plusieurs lois ont déjà été adoptées, et je vous en remercie, plusieurs décrets ont déjà été pris et, si la réforme con stitutionnelle et les lois organiques qui la suivront ne sont pas encore entrées en vigueur, ou n'ont pas encore été discutées, pour les lois organiques, le reproche, vous en conviendrez, ne peut m'en être adressé.

M. Gérard Gouzes.

C'est vrai.

Mme la garde des sceaux.

Le renforcement de la responsabilité des magistrats ne se réalise pas seulement dans les textes constitutionnels et organiques. Plusieurs textes que vous avez examinés contiennent déjà des dispositions en ce sens : le présent projet de loi, en réaffirmant le principe de hiérarchie du parquet et en instaurant un recours contre les classements sans suite ; le projet de lois ur la présomption d'innocence, en instaurant un deuxième juge pour décider du placement en détention provisoire et en créant des délais pour l'instruction, ainsi d'ailleurs qu'en augmentant les droits de la défense tout au long de la procédure.

De plus, je confirme mes engagements de mener à bien l'étude de l'adaptation éventuelle du régime de la responsabilité de l'Etat en cas de dysfonctionnement et celle de la responsabilité personnelle des magistrats. Mes services étudient les conséquences financières, statutaires et pratiques d'un passage de la faute lourde à la faute simple. Le récent colloque de l'Ecole nationale de la magistrature a posé clairement les termes de ce débat. Ce sujet est d'actualité car, de 1993 à 1998, les contentieux engagés sur le fondement de la faute lourde sont passés de 9 à 68.

Ma pratique intègre déjà la responsabilité. Ma volonté n'est pas seulement affirmée ex abrupto, elle peut d'ores et déjà se vérifier dans les faits. Ainsi, l'augmentation de 50 % des effectifs de l'inspection générale des services judiciaires que j'ai décidée ou mes quinze saisines du Conseil supérieur de la magistrature en un an démontrent encore, s'il était besoin, que ma pratique traduit concrètement mes paroles.

De plus, le renforcement de la formation initiale et continue à l'Ecole nationale de la magistrature sur la responsabilité et la déontologie est déjà bien avancé.

Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer ce sujet à diverses reprises et, notamment, à l'occasion des débats sur le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, dont vous avez été le rapporteur. Ce texte, adopté dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat le 10 novembre 1998, peut être présenté au Congrès pour être définitivement intégré à la Constitution. Le Gouvernement n'a toutefois pas compétence pour convoquer le Congrès.

Dès que la réforme constitutionnelle sera adoptée, je présenterai au Parlement des lois organiques achevant le processus de rénovation de la magistrature. Ces dispositions concerneront le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature et le statut de la magistrature. A cet égard, j'appelle votre attention sur le fait que la loi organique visée dans votre amendement, qui évoque le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, et notamment son dernier alinéa, est le projet de loi relatif à l'élection et au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature et non, comme l'exposé sommaire le suggère, le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature, qui prévoira, lui, les nouvelles dispositions sur la responsabilité. Si votre amendement devait être maintenu, il devrait être corrigé sur ce point.

Je voudrais maintenant rappeler brièvement les dispositions du projet de loi constitutionnelle et des projets de loi organique sur la responsabilité.

La révision constitutionnelle prévoit une modification de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, qui ne sera plus majoritairement composé de magistrats. Les modifications organiques qui suivront prévoi-r ont notamment, en matière de responsabilité, de nouvelles procédures disciplinaires publiques pour les magistrats du parquet devant le Conseil supérieur de la magistrature et ouvriront aux chefs de cours la possibilité de saisir cette instance directement alors que cette saisine appartient aujourd'hui au seul garde des sceaux. De plus, les justiciables pourront saisir directement une commission nationale de leurs plaintes à caractère disciplinaire contre des magistrats.

Ces orientations sont inscrites dans l'avant-projet de loi organique élaboré à la Chancellerie en mars 1998. En avril dernier, ce document a été adressé, accompagné d'une note d'orientation, à la consultation interministé-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

rielle, aux chefs de juridictions et aux organisations syndicales. Je tiens à votre disposition, ainsi qu'à celle de tous les parlementaires intéressés, un exemplaire de chacun de ces documents.

Vous le voyez, monsieur le député, nous partageons la même préoccupation de fond qui est de coupler plus grande autonomie et responsabilité, et ma réforme, dans son ensemble, prévoit bien un renforcement de la responsabilité des magistrats. Toutefois, je ne puis être favorable à votre amendement, car il introduirait une incertitude sur l'entrée en vigueur d'une loi qui est attendue par les professionnels de la justice et aussi, je le crois, par l'opinion. Le Gouvernement, dans le cadre de sa compétence sur l'ordre du jour des assemblées, qu'il maîtrise, soumettra à l'Assemblée nationale, avant le vote définitif du présent projet, les dispositions principales sur la responsabilité des magistrats.

J'espère qu'avec ces indications, vous pourrez retirer votre amendement. C'est ce que je souhaite en tout cas.

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la garde des sceaux, je pense que vous nous avez apporté ce soir de nombreux éléments très concrets en réponse à notre préoccupation sur la mise en jeu de la responsabilité des magistrats, pendant indispensable à l'accroissement de leur autonomie.

Au-delà du statut et des mesures disciplinaires, je voudrais rappeler l'importance que nous attachons à l'évolution de la formation des magistrats. L'exercice de leurs responsabilités dans l'intérêt des justiciables passe aussi, à l'évidence, par une modernisation de leur formation.

Dans les réformes que vous avez déjà engagées et, pour certaines, accomplies, il est clair qu'une mise en jeu équilibrée de cette responsabilité et de cette autonomie suppose aussi des changements de méthode dans le travail, et suppose en particulier que nous allions vers certaines formes plus collégiales d'exercice de la responsabilité. Je pense à la création du juge de la détention par exemple, mais on peut imaginer d'autres évolutions en ce sens.

Pour les futures générations, les futures promotions de magistrats, l'amélioration de l'équilibre entre responsabilité et autonomie passera par la transformation de leur formation. Je voulais le souligner pour que, au-delà du renforcement des procédures disciplinaires et de l'évolution du statut des magistrats, vous portiez une attention particulière à l'évolution de la formation.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch.

Je remercie Mme la garde des sceaux de ces explications et de ces informations, comme je remercie M. Vallini, rapporteur de cet important texte de loi, pour la façon dont il a donné l'avis de la commission.

Il est évident que nous avions besoin de ces informations pour bien appréhender la réforme de l'institution judiciaire.

M. Pierre Albertini.

C'était de la formation continue !

Mme Odette Grzegrzulka.

Mais accélérée !

M. Jacques Floch.

Messieurs de l'opposition, vous n'avez pas été capables d'assumer totalement la réforme de l'institution judiciaire.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est une litote !

M. Jacques Floch.

Il y a quelques années, des propositions intéressantes avaient été présentées par M. Méhaignerie. Une partie de la majorité d'alors ne les avait pas soutenues...

M. Gérard Gouzes.

Déjà !

M. Michel Hunault.

Vous les aviez combattues !

M. Jacques Floch.

... et avait fait en sorte qu'elles soient renvoyées aux calendes grecques.

Nous, nous essayons de faire une réforme des institutions judiciaires. Elle est en route et, pour l'instant, ce n'est pas le Gouvernement qui en bloque l'aboutissement.

M. René Dosière.

Qui bloque ?

M. Jacques Floch.

Nous ne sommes pas convoqués en Congrès à Versailles pour voter le texte sur le Conseil supérieur de la magistrature. Les deux lois organiques dont a parlé Mme la garde des sceaux ne peuvent pas être discutées ici...

M. Gérard Gouzes.

Tout à fait !

Mme Odette Grzegrzulka.

Et nous le regrettons !

M. Jacques Floch.

... et nous ne pouvons pas savoir ce qu'elles contiendront.

Nous savons simplement ce que Mme la garde des sceaux vient de nous apprendre, et je prends acte de ses déclarations parce qu'elles sont fortes et suffisantes à notre information. Nous avons obtenu ces informations par le biais d'un amendement qui oblige le Gouvernement à apporter des précisions, mais c'est le débat normal dans cet hémicycle. Je remercie Mme la garde des sceaux du ton sur lequel elle nous a apporté les précisions qui étaient nécessaires à la bonne compréhension de la suite de notre débat, et je retire mon amendement.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

L'amendement no 41, deuxième rectification, est retiré et nous passons à l'article 12...

M. Jean-Luc Warsmann.

Je demande la parole.

M. le président.

Non, l'amendement est retiré.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je le reprends !

M. le président.

Nous en sommes à l'article 12, monsieur Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, je réclame cinq minutes de suspension de séance.

M. Michel Hunault.

Elle est de droit !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je suis délégué du groupe !

M. Michel Hunault.

On a l'impression que l'opposition gêne ici !

M. le président.

Comme vous êtes deux, mes chers collègues, je vous accorde une suspension de séance de deux minutes, mais sur place.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, le jeudi 24 juin, à zéro heure dixhuit, est reprise à zéro heure vingt.)

M. le président.

La séance est reprise.

Article 12

M. le président.

« Art. 12. - La présente loi est applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

M. André Vallini, rapporteur, a présenté un amendement, no 29, ainsi rédigé :

« Après les mots : "territoires d'outre-mer", insérer les mots : ", en Nouvelle-Calédonie". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. André Vallini, rapporteur.

C'est un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président.

Excusez-moi ! Je n'en étais pas encore tout à fait au vote.

Vous avez la parole, monsieur Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je vous en remercie, mais vous n'étiez pas encore à l'article 12...

M. le président.

Si vous souhaitez parler de l'amendement précédent, je vous retire la parole. Vous devez parler de cet amendement-là, concernant la NouvelleCalédonie, et de rien d'autre.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela s'appelle un procès d'intention, monsieur le président. Je peux vous parler pendant de longues heures de la Nouvelle-Calédonie, qui est un très beau territoire d'outre-mer, mais ce n'est pas mon but.

Alors que l'opposition a fait preuve de l'esprit le plus constructif lors de ce débat, je regrette vraiment cette volonté de ne pas respecter le règlement de l'Assemblée et notre droit de nous exprimer quelques instants, à plus forte raison lorsqu'une autorité de l'Etat comme le Président de la République est indûment mise en cause.

M. Alain Néri.

Pas du tout ! Si nous sommes ici, c'est grâce à lui !

Mme Odette Grzegrzulka.

Nous fondons nos espoirs en lui !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je voudrais simplement rappeler que, si nous sommes ici ce soir, pour discuter un texte déposé il y a un an sur le bureau de l'Assemblée, c'est bien grâce au Président de la République (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) , ...

M. Alain Néri.

C'est vrai ! Nous le remercions pour tout ! Il est le roi de la dissolution !

M. Jean-Luc Warsmann.

... qui a souhaité que les parlementaires aient une vue d'ensemble de la réforme de la justice et que, avant la convocation du Conseil supérieur de la magistrature, tous les projets de loi soient présentés et discutés. C'est, je crois, faire preuve d'un respect élémentaire pour les droits du Parlement.

Je signale toutefois très amicalement à Jacques Floch que cela n'empêche nullement qu'un autre texte soit rendu public à l'avenir.

M. Michel Hunault.

Très bien !

Mme Odette Grzegrzulka.

M. Warsmann aura une médaille de la mairie de Paris !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

29. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 12, modifié par l'amendement no

29. (L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Nous avons achevé l'examen des articles.

Je rappelle que la conférence des présidents a reporté au mardi 29 juin, après les questions au Gouvernement, les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.

2 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le 23 juin 1999, de M. JeanJacques Weber, une proposition de loi constitutionnelle visant à modifier l'article 2 de la Constitution de 1958 afin d'inscrire le principe de la reconnaissance des langues régionales par la République.

Cette proposition de loi constitutionnelle, no 1740, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 23 juin 1999, de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues, une proposition de résolution sur les dangers sanitaires des modes de production agricole et des processus de fabrication de l'industrie agroalimentaire.

Cette proposition de résolution, no 1738, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 23 juin 1999, de M. Michel Dasseux, un rapport, no 1736, fait au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées sur le projet de loi, adopté par le Sénat, portant organisation de la réserve militaire et du service de défense (no 1618).

J'ai reçu, le 23 juin 1999, de M. Jean-Pierre Blazy, un rapport, no 1739, fait au nom de la commission de la production et des échanges sur le projet de loi, adopté avec modifications par le Sénat en deuxième lecture, portant création de l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (no 1729).

5 DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président.

J'ai reçu, le 23 juin 1999, de M. Gabriel Montcharmont, un rapport d'information, no 1735, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission de la production et des échanges sur l'application de la loi de réglementation des télé-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 23 JUIN 1999

communications, en conclusion des travaux d'une mission d'information présidée par M. Jacques Rebillard et composée en outre, de MM. Jacques Bascou, Jean Besson, François Brottes, Jean-Paul Charié, Yves Coussain, Jean-Claude Daniel, Claude Gaillard, Alain Gouriou, Claude Hoarau et Félix Leyzour.

J'ai reçu, le 23 juin 1999, de M. Michel Vauzelle, un rapport, no 1737, déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des affaires étrangères, sur le partenariat euro-méditerranéen.

6 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 23 juin 1999, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant diverses mesures d'urgence relatives à la chasse.

Cette proposition de loi, no 1734, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, no 1598, relatif à l'accueil des gens du voyage.

Mme Raymonde Le Texier, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 1620).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à zéro heure vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

CHANGEMENT DE COMPÉTENCE A la suite d'un accord entre les deux commissions, la proposition de loi de MM. Jean Le Garrec, Daniel Marcovitch et des membres du groupe socialiste et apparentés instaurant une Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France (no 1727), précédemment renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.