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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

1. Réduction négociée du temps de travail. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 6969).

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6969)

MM. Gérard Bapt, Jacques Masdeu-Arus, Serge Poignant, Francis Hammel, Jean-Claude Lemoine, Mme Catherine Picard,

MM. Jean-Paul Durieux, Alain Vidalies, André Vauchez, Jean-Pierre Pernot, Mme Marisol Touraine,

M.

Jean Delobel, Mme Marie-Françoise Clergeau,

M.

Renaud Donnedieu de Vabres.

Clôture de la discussion générale.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance (p. 6989)

MOTION DE

RENVOI EN

COMMISSION (p. 6989)

Motion de renvoi en commission de M. Jean-Louis Debré : MM. Thierry Mariani, Alain Vidalies, François Goulard, H ervé Morin, Patrick Delnatte, Mmes Muguette Jacquaint, Gilberte Marin-Moskovitz. - Rejet par scrutin.

R éserve de l'amendement no 735, avant l'article 1er , jusqu'après l'article 12.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Dépôt d'un projet de loi (p. 7007).

3. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 7007).

4. Dépôt de rapports (p. 7007).

5. Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution (p. 7007).

6. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7007).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.)

1 RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 1786 rectifié, 1826).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion générale.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, mes chers collègues, alors que la discussion générale tire à sa fin, que dire si ce n'est réaffirmer quelques faits après les interventions si répétitives et si systématiquement négatives auxquelles s'est livrée l'opposition cet après-midi ? Alors même que la phase incitative comprend encore trois mois, la loi du 13 juin 1998 a déjà atteint des objectifs notables : au mois de septembre, 15 000 accords avaient déjà été signés, plus de 2 millions de salariés sont conc ernés par la réduction du temps de travail, celle-ci a enrichi le mouvement de créations d'emplois de 105 000 postes et 15 000 emplois ont été maintenus.

Effet d'aubaine, nous répond-on. Si l'on en croit les chiffres très précis qui nous ont été fournis par le Gouvernement, 15 000 créations d'emplois tout au plus auraient eu lieu sans la loi de juin 1998. A l'évidence, cet effet d'aubaine, s'il a été réel, a été extrêmement minime par rapport à celui de la loi Robien, qui n'assortissait l'incitation d'aucune perspective de diminution de la durée hebdomadaire légale du travail.

Si la seconde loi sur les 35 heures prévoit une telle diminution à la date butoir du 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés, c'est pour tenir compte de cette exception française qu'a soulignée à juste titre le président de la commission, et qui repose sur un double constat : dans l'histoire sociale de notre pays, il n'y a jamais eu d'avancée significative sans intervention de l'Etat, et le mouvement de réduction de la durée du travail, qui fait partie de l'histoire sociale des pays industrialisés, s'est arrêté en France depuis 1982. C'est une exception notable en Europe, que l'on ne retrouve qu'en Grande-Bretagne.

A l'heure actuelle, nous assistons à une dynamique réelle de conclusion d'accords dans les entreprises, après la signature de nombreux accords de branche. Cette dynamique s'est développée malgré une opposition de p rincipe, malgré la désinformation. A cet égard, Mme Boisseau a soutenu que la masse salariale allait s'alourdir et que cela représentait un danger pour la vie de nos entreprises. Elle a précisé que l'augmentation de la masse salariale au niveau du SMIC serait de 5 %, alors que la réforme de la ristourne unique dégressive sur les bas et moyens salaires au niveau du SMIC allège ce coût de 9 %. Et, si l'on ajoute l'aide incitative, l'accroissement du coût du travail au niveau du SMIC est plus que compensé.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier, car cette réalité a un peu disparu du débat, que la réforme de la taxe professionnelle a supprimé la part salariale de la base. Ainsi, dans ma commune, où le niveau de la taxe professionnelle est dans la moyenne, on aboutira à un allégement de 1 600 à 2 000 francs par an et par salarié au fur et à mesure que les entreprises seront concernées par les mesures successives.

En fait, l'allégement du coût du travail au niveau du SMIC sera complété, parce qu'il y a un aménagement en même temps qu'une réduction du temps de travail, par des gains de productivité. L'amélioration de l'organisation de l'entreprise et de la qualité du service aboutira en fait à une amélioration de la compétitivité et de la situation des salariés. A cet égard, la récente étude de la CFDT auprès des salariés concernés par les accords de réduction du temps de travail montre bien que, dans leur énorme majorité, ceux-ci la vivent positivement.

Après la phase incitative, il s'agit désormais de passer à une durée légale hebdomadaire qui remette l'évolution du temps de travail dans le courant de l'histoire sociale des pays industrialisés. Et le succès pour la compétitivité et pour l'emploi doit venir de ce subtil dosage que vous avez opéré, madame la ministre, entre les nouvelles règles du jeu, imposées, et les espaces laissés à la négociation sociale dans les branches et dans les entreprises.

Mais vous avez défini ces nouvelles règles en partant des résultats de la négociation sociale, notamment en rénovant les règles de modulation du travail salarié, tout en fixant des garanties sociales fortes et durables et en constatant que la négociation d'entreprise a maintenu, dans la quasi-totalité des cas, le niveau des rémunérations réelles.

La négociation sociale a su innover en apportant des formules très diversifiées, adaptées cas par cas à l'entreprise ou au secteur, qu'il s'agisse de l'organisation du travail, des rémunérations ou du compte épargne-temps.

Ainsi est protégée, malgré les grandes démonstrations du MEDEF, la confiance dont font preuve à la fois - les


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sondages le montrent - les entrepreneurs, les salariés et les consommateurs, qui envisagent de façon positive l'avenir de l'économie française.

Madame la ministre, notre soutien vous est acquis car votre démarche, à l'opposé d'une approche malthusienne, est volontariste et vise à renforcer la cohésion sociale et l'efficacité globale de l'économie. Je ne doute pas que, avec l'apport des trois groupes de la majorité plurielle, vous mènerez avec succès ce débat dont la problématique principale est de parvenir, au service de l'emploi, à allier nécessité sociale et impératif économique, en redonnant notamment, face à la financiarisation sans cesse accrue de l'économie et à la prépondérance excessive de l'actionnaire, un rôle de premier plan à la négociation sociale et à l'intervention des acteurs de l'entreprise, qui en font la véritable richesse. C'est une raison de plus que nous aurons pour vous soutenir dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques MasdeuArus.

M. Jacques Masdeu-Arus.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon objectif n'est pas d'entrer dans le détail d'un texte dont la complexité n'a d'égale que l'opacité. En effet, j'aurai l'occasion de dénoncer les dispositions précises de ce projet de loi lors de l'examen des amendements que j'ai déposés.

Je crois plus important de vous livrer les résultats d'une enquête que j'ai menée auprès des chefs d'entreprise de ma circonscription et de la population active de Poissy.

Destinataires d'un questionnaire visant à cerner les principaux aspects liés à la réduction du temps de travail, une grande partie des 11 000 personnes interrogées m'a rapidement fait parvenir ses réponses. Les résultats de cette enquête sont sans appel. Ils aboutissent à une ferme condamnation de la politique économique menée.

Jugez-en plutôt : 88,4 % des chefs d'entreprise voteraient contre ce projet de loi ; 83,1 % pensent que la réduction du temps de travail ne prend pas en compte les intérêts des entreprises ;...

M. Yves Rome.

Ce sont des résultats trafiqués !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Je les tiens à votre disposition.

Je continue : 90,2 % estiment que la réduction du temps de travail nuira à la compétitivité de leur entreprise et seulement 6,3 % jugent que les 35 heures auront un effet positif sur l'emploi.

Ces résultats sont sans ambiguïté. Ils ne proviennent pas, bien évidemment, des technocrates ignorants de la loi du marché mais de personnes qui sont quotidiennement au contact du monde de l'entreprise et qui, par leurs efforts, favorisent la croissance et l'emploi.

Comme je l'ai lu dans une réponse à l'un des questionnaires qui me sont revenus, « une entreprise n'est pas un organisme social ni un percepteur de l'Etat. C'est une entité économique dont l'énergie doit être dédiée à se battre pour vivre et grandir. C'est aussi et d'abord la qualité de son personnel qui est la clé de sa réussite ».

Pour vous en convaincre, je n'ai pas seulement consulté les chefs d'entreprise : j'ai aussi recueilli l'avis des actifs de ma commune. D'après les premières réponses reçues, il apparaît clairement que les salariés rejettent, eux aussi, les 35 heures que vous leur proposez : 68 % pensent qu'elles seront sans effet sur l'emploi ou qu'elles seront même de ce point de vue une mauvaise chose ; 72 % estiment qu'elles ne permettront pas de diminuer le chômage ; 66 % ont répondu que les 35 heures ne tenaient pas compte des intérêts des salariés, notamment pas de leur qualité de vie ou de leur pouvoir d'achat ; 58 % préféreraient une augmentation de leur salaire à une diminution de leur temps de travail ; plus de 68 % voteraient contre le texte.

Les principales remarques qui m'ont été adressées sur le projet de loi sont pleines de bons sens. Elles illustrent les dangers d'une mise en place autoritaire des 35 heures dans une économie mondiale et fortement concurrentielle.

Les chefs d'entreprise vivent le passage aux 35 heures comme une fatalité, une contrainte légale dont le seul but est de satisfaire une promesse démagogique de campagne électorale.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Rome.

Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !

M. Jacques Masdeu-Arus.

C'est ainsi, messieurs ! « Ce projet de loi a une approche jacobine et ne créera pas d'emplois », m'a écrit un chef d'entreprise. « Il est technocratique, contraire à la liberté d'entreprendre, à la liberté de négociation et aux réalités économiques internationales ».

Notre pays est le seul au monde à proposer un tel texte !

M. Yves Rome.

Nous en sommes fiers !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Les dirigeants de PME-PMI sont particulièrement préoccupés : la réduction du temps de travail n'est absolument pas adaptée aux petites structures ni aux entreprises des secteurs du service, du transport ou de la restauration. Ils redoutent une augm entation des charges et une diminution de la compétitivité de leur entreprise qui les empêchera de créer de nouveaux emplois et favorisera les délocalisations et le travail clandestin.

M. Yves Rome.

Juppé, au secours !

M. Jacques Masdeu-Arus.

« Comment allons-nous faire pour absorber l'augmentation de 5 à 10 % du coût des salaires ? Qui va répondre aux salariés que leurs salaires seront gelés pendant plusieurs années car les résultats de l'entreprise seront en baisse ? » s'interrogent-ils.

Par ailleurs, ils s'inquiètent des distorsions de concurrence susceptibles d'apparaître avec les grandes entreprises qui, elles, auront les « moyens » de passer aux 35 heures, et donc de bénéficier des aides de l'Etat.

Quant aux salairés, ils ont le sentiment que les 35 heures n'amélioreront pas leurs conditions de travail.

Comme l'a écrit une habitante de ma commune :

« Lorsque j'entends Mme Aubry nous dire "vous allez pouvoir faire des activités, des sorties..." Avec quels moyens ? ... Où je travaille, il est certain que le passage aux 35 heures se fera sans embauche avec gel des salaires sur cinq ans. Pourquoi imposer les 35 heures ? Il est probable que certains salairés seront heureux de travailler moins, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. »

M. Yves Rome.

C'est Paco Rabanne ! (Sourires.)

M. Jacques Masdeu-Arus.

La grande majorité des personnes interrogées se rend bien compte que les 35 heures ne sont pas une bonne solution au problème du chômage. Ces personnes sont persuadées que la solution réside dans une application souple et facultative de la réduction du temps de travail, adaptée aux besoins de chaque entreprise. Elles réclament également une suppression de tous les obstacles qui freinent les initiatives


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- diminution des charges, des prélèvements obligatoires et des contraintes administratives -, mais aussi un changement des mentalités. Chefs d'entreprise et salariés sont découragés face à une société qui ne reconnaît plus les vraies valeurs du travail et encourage l'assistanat.

Ecoutez, madame la ministre, ce message d'alarme :

« Mère de quatre enfants je suis gérante d'une entreprise employant onze personnes. Je travaille depuis vingt ans et je vis vos lois comme une fatalité... ».

Confrontée à l'augmentation des prélèvements obligatoires - « un employé payé 8 000 francs net coûte 15 000 francs à l'entreprise », cette personne conclut par ces mots : « Arrêtez cette spirale ! Faites-le au moins pour nos enfants, sinon c'est ailleurs qu'ils iront s'installer ! » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gérard Bapt.

C'est à vous même que cela s'adresse !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Mais peut-être connaissezvous déjà cet avertissement et feignez-vous de ne pas l'entendre ?

M. Gérard Bapt.

En votre temps, vous n'avez rien fait !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Mes chers collègues, à voir votre réaction, c'est une véritable approbation que vous manifestez pour cette déclaration ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.

- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Serge Poignant.

M. Serge Poignant.

Madame la ministre, un an et demi après son vote, nous ne pouvons que constater l'échec de la première loi de réduction du temps de travail,...

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah oui ?

M. Serge Poignant.

... malgré tous les efforts que vous déployez pour essayer de nous prouver le contraire...

M. Yves Rome.

Vous pratiquez la méthode Coué !

M. Serge Poignant.

... et les emplois créés que vous voulez à tout prix attribuer à cette première loi alors que, de toute évidence, ils sont dus à la croissance.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce n'est déjà pas mal !

M. Serge Poignant.

Oui, mais la croissance est là !

M. Yves Rome.

Ce n'est pas grâce à vous !

M. Serge Poignant.

Pourquoi pas grâce à nous ?

M. Jean-Claude Lemoine.

Un petit peu quand même !

M. Serge Poignant.

Vous persévérez dans l'erreur avec ce second texte, madame la ministre. Vous vous obstinez, on l'a déjà dit, dans la même démarche idéologique parce que vous avez fait une promesse électorale que vous voulez respecter.

M. Yves Rome.

Ça, c'est un autre problème !

M. Serge Poignant.

Il en est ainsi même si c'est ridicule ! En généralisant unilatéralement la réduction du temps de travail, vous niez la diversité des situations et c'est bien pour cela que nous sommes résolument contre.

Vous raisonnez en termes de grandes entreprises capables de faire des gains de productivité, des économies d'échelle et de profiter de l'effet d'aubaine des aides. Mais vous oubliez les petites et les moyennes entreprises, le commerce, l'artisanat, l'agriculture. Vous oubliez aussi, en généralisant les 35 heures, qu'il y a des secteurs non marchands - je pense en particulier aux maisons de retraite.

Vous avez encouragé la négociation, fait naître de faux espoirs. Mais vous avez dû, cet été, refusé l'agrément - peut-être l'avez-vous accordé depuis lors - à l'accord conclu entre les partenaires sociaux du secteur médicosocial parce que vous veniez de vous apercevoir, tardivement, que cela avait un coût pour les résidents et pour votre ministère, dont les budgets correspondants devront être abondés.

M. Jacques Masdeu-Arus.

Très juste !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai délivré l'agrément cet après-midi !

M. Serge Poignant.

Après l'avoir refusé cet été. Pis : certains établissements du type des instituts médicoéducatifs, accueillant de jeunes handicapés ont dû décider de réduire le nombre de places d'accueil de jeunes pour que leur ratio d'encadrement soit respecté. Cela a remis en lumière, lors des négociations, le nombre de dotations qu'alloue votre ministère pour de jeunes handicapés voulant s'insérer dans la vie active.

Ces exemples montrent l'absurdité d'une loi contraignante et rigide.

Madame la ministre, je m'attarderai, comme l'ont fait mes collègues, sur les petites entreprises du secteur de l'artisanat, du commerce ou de l'agriculture, qui font la vie de nos communes.

J'ai consulté les petites entreprises de ma circonscription,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ce sont celles qui sont pour !

M. Serge Poignant.

... comme Bernard Accoyer et Jacques Masdeu-Arus. Sans que nous nous soyons concertés, nous nous sommes aperçus que nos résultats étaient les mêmes.

Sur cent entreprises consultées, deux se sont prononcées pour et onze ont préféré attendre avant de se prononcer, mais quatre-vingt-sept se sont prononcées contre.

Tous les chefs d'entreprise m'ont rappelé qu'ils recherchaient désespérément à recruter des personnels motivés et formés. Les 35 heures ne vont faire qu'accentuer ce déficit de main-d'oeuvre frappant la plupart des métiers annuels. Qu'attendez-vous pour revaloriser le travail manuel et les professions ? Qu'attendez-vous pour réorganiser l'enseignement professionnel ? N'est-il pas choquant qu'il y ait parallèlement pénurie de main-d'oeuvre et chômage ? N'est-il pas de la responsabilité du Gouvernement de permettre aux jeunes de bénéficier d'une meilleure formation et d'une meilleure qualification ? Des régions, des départements se sont mobilisés pour élaborer des mesures de soutien aux métiers porteurs, dans les filières du bâtiment, de l'industrie et de l'agriculture, parce que l'Etat a baissé les bras ! Les entreprises que j'ai consultées m'ont aussi exprimé leur inquiétude. En effet, des accords de branche ont été signés au lendemain de la première loi dans le bâtimente t l'agriculture, lesquels prévoyaient des contingents d'heures supplémentaires, prenant notamment en compte les aléas climatiques et la saisonnalité. Or la deuxième loi bafoue proprement ces accords, reniant par là même le dialogue social.

Madame la ministre, ces accords vont-ils devenir caducs au bout de quelques mois d'existence ? Les entreprises sont légitimement inquiètes : inquiètes de l'alourdissement du prix des heures supplémentaires, inquiètes de la hausse des coûts salariaux, à quoi il faut


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ajouter le temps de formation, l'achat de nouveaux matériels, les cotisations supplémentaires pour les entreprises qui vont passer de neuf à dix salariés.

Que dire du SMIC pour les nouvelles entreprises ? Le problème n'est toujours pas réglé. Allons-nous vers un double SMIC, ce qui serait absolument aberrant ? La seconde loi aura de lourdes conséquences du fait des contraintes et des incertitudes qu'elle engendre tant pour les entreprises que pour les salariés, qui verront leur pouvoir d'achat diminuer à terme et assisteront à la confiscation d'une partie de la majoration des heures supplémentaires.

Madame la ministre, les conséquences réelles de cette obstination seront perceptibles, peut-être pas immédiatement, mais certainement dans quelques années. Vous bénéficiez aujourd'hui de la croissance, mais les pertes de commandes de nos entreprises au détriment de nos voisins et les délocalisations de certaines productions - je pense au textile...

M. Yves Rome.

C'est Paco Rabanne !

M. Serge Poignant.

... et à la chaussure - seront inévitables, et vous en porterez la responsabilité.

M. le président.

La parole est à M. Francis Hammel.

M. Francis Hammel.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je suis assez satisfait d'intervenir juste après M. Poignant car, contrairement à l'opposition qui, nous venons à nouveau de l'entendre, fait mine, à coup d'inepties ou à grand renfort tantôt de démagogie et tantôt d'archaïsmes,...

M. Serge Poignant.

Tout cela est bien facile !

M. Francis Hammel.

... de se présenter unie contre les 35 heures, la majorité parlementaire...

M. Charles de Courson.

Est unie ! (Sourires.)

M. Francis Hammel.

... s'est engagée, et elle ira encore plus avant, à atteindre l'objectif fondamental du projet de loi : lutter contre le chômage par la création d'emplois en réduisant le temps du travail.

Quoi qu'en disent nos détracteurs, les effets de la première loi témoignent en notre faveur. Vous-même, madame la ministre, et plusieurs intervenants avant moi l'ont confirmé, mais il est toujours bon de le rappeler à ceux qui ne veulent pas l'entendre : en moins de seize mois, ce sont près de 125 000 emplois qui ont été créés ou sauvegardés.

M. Charles de Courson.

Non !

M. Serge Poignant.

Bidouillage !

M. Francis Hammel.

Au-delà de ces données chiffrées, je rappellerai que la loi du 13 juin 1998 sur les 35 heures, parce qu'elle initie une réflexion collective en faveur d'une nouvelle organisation du travail dans l'entreprise pour plus de performances, parce qu'elle préserve le pouvoir d'achat des salariés, parce qu'elle permet de mieux vivre et de consacrer davantage de temps aux loisirs et à la vie familiale, parce qu'elle permet de promouvoir un partage de travail organisé et non subi, a atteint ses objectifs tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif.

Le projet de loi qui nous est soumis vise à renforcer et à généraliser la démarche de réduction négociée du tem ps du travail.

Comme l'a rappelé hier notre collègue Roselyne Bachelot, l'abaissement de la durée du travail est un mouvement continu depuis le début du siècle. Il est dommage que la suite de son propos n'ait pas eu la même cohérence.

Cela dit, il convient maintenant d'accentuer le mouvement tout en clarifiant les situations et en apportant des solutions pragmatiques et pérennes aux problèmes rencontrés lors des négociations liées à la première loi. Tel est l'enjeu de notre débat et de notre action.

La seconde loi sur les 35 heures représente à l'évidence un projet d'avenir global pour la société française. Audelà de l'objectif premier que constitue la création d'emplois, elle doit nécessairement mieux coordonner le temps au travail et le temps hors du travail, permettant ainsi d'améliorer la qualité de la vie.

Comme vous l'avez affirmé, madame la ministre, devant la commission des affaires sociales et hier encore dans cet hémicycle, « il ne s'agit pas seulement de réduire le temps de travail mais d'inscrire dans le code du travail un certain nombre de dispositions correspondant à des demandes des salariés, par exemple, la possibilité de choisir leurs rythmes de travail et leur temps de repos, et ainsi mieux préserver leur vie familiale ».

Il faut en effet s'assurer que les salariés disposent de garanties suffisantes pour maîtriser leur vie professionnelle et concilier celle-ci avec des impératifs de vie personnelle.

La loi a toujours eu pour objet de protéger le salarié, y compris du point de vue de sa santé. Aujourd'hui, il convient de renforcer cette protection par la reconnaissance d'un véritable droit au repos. C'est sur ce point que je souhaite conclure.

Certes, les exceptions à la règle du repos hebdomadaire restent rares - on les trouve, par exemple, pour les travaux urgents de sécurité. En revanche, les exceptions au repos du dimanche, notamment dans la grande distribution alimentaire, ont malheureusement tendance à se multiplier de manière injustifiée. Non seulement l'ouverture le dimanche des grandes surfaces alimentaires perturbe l'équilibre économique en mettant en péril le commerce de proximité, mais elle a surtout des incidences négatives sur la vie personnelle et familiale des salariés concernés.

Ayons toujours en mémoire qu'un des enjeux essentiels de la deuxième loi est la promotion à terme d'un certain type de société : une société du temps choisi.

Les hommes et les femmes ne sont pas seulement des salariés, mais également des citoyens qui aspirent, en se libérant du temps, au droit à vivre mieux pour vivre plus, et inversement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine.

M. Jean-Claude Lemoine.

Madame la ministre, après votre première loi, celle du 13 juin 1998, dont les résultats ne sont satisfaisants qu'à vos yeux et qui confond créations d'emplois et intentions d'embauches, ce nouveau texte, qui privilégie la réglementation par rapport à la négociation et les contraintes par rapport à la responsabilisation, consacre le mythe du partage du travail et des revenus. Il crée une nouvelle exception française qui ne constitue pas une bonne pratique. Il nous isole encore plus des pays industrialisés et handicape gravement l'entreprise France. Il ignore les situations extrêmement diverses des différents secteurs d'activité, incitant les entreprises qui le peuvent à se robotiser au détriment de l'emploi et les entreprises de main-d'oeuvre à imposer des cadences inhumaines ou à majorer leurs prix, ce qui peut les conduire à la faillite.

Et pour compléter le tableau, la réglementation très rigide qui va encadrer les heures supplémentaires, couplée avec les mesures annoncées pour le recours au travail


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intérimaire et aux CDD ainsi qu'avec le renforcement des procédures de licenciement, va supprimer la souplesse nécessaire aux entreprises et les déconnecter des réalités du marché.

Vous voulez ainsi, madame la ministre, vous attaquer à la précarité, et vous avez raison. Mais lorsque l'on sait que c'est l'Etat qui est le premier employeur précaire de F rance - maîtres auxiliaires, contractuels, emploisjeunes -, on peut s'étonner, et même se demander si l'on se moque.

Cela dit, je voudrais vous poser quelques questions simples - neuf en tout - que je me pose moi-même sur les conditions d'application de votre loi, sur ses conséquences et sur les possibilités de sa mise en oeuvre.

Premièrement, pendant la période dite de transition, les heures supplémentaires seront majorées de 10 %, mais ces 10 % n'iront au salarié que si l'entreprise a signé un accord. Sinon, il ne touchera rien. A partir de 2001, la majoration atteindra 25 %, mais le salarié n'en touchera que 15 % si son entreprise n'a pas signé d'accord.

Comment justifiez-vous ces heures supplémentaires à deux vitesses ? Comment justifiez-vous cette inégalité de traitement, cette injustice, au détriment de salariés qui font le même travail et qui seront pénalisés parce que leurs employeurs ou leurs syndicats majoritaires auront refusé l'accord ?

Deuxièmement, un salarié payé au SMIC - le SMIC deviendra un salaire d'Etat - touchera 6 282 francs par mois pour 35 heures de travail par semaine. Son collègue qui effectuera quatre heures supplémentaires par semaine, soit au total trente-neuf heures, ne percevra au 1er janvier 2000 que 6 952 francs pour le mois, soit un peu plus de quatre francs par heure supplémentaire. Pensezvous qu'à ce prix l'entreprise trouvera des salariés prêts à effectuer des heures supplémentaires ? Ne pensez-vous pas que les salariés préféreront travailler au noir ? Quel est votre avis sur cette rémunération de quatre francs par heure supplémentaire ? Est-ce là l'avancée sociale que vous souhaitez ? Troisièmement, le financement de votre loi sera surtout assuré par l'UNEDIC, la CNAM et les partenaires sociaux, qui, à ce jour, semblent s'opposer à ce projet.

Quelle sera votre attitude si ces organismes refusent de participer financièrement au processus ? Ne craignez-vous pas un abandon du paritarisme, de la gestion en commun des organismes sociaux ? Quatrièmement, dans les établissements privés de santé, l'application de votre loi nécessitera la création de postes, entre autres d'infirmier ou d'infirmière anesthésiste ou instrumentiste. Vous savez que ce personnel est introuvable et qu'il faut trois ans pour le former. Quelle solution conseillez-vous aux chefs d'établissement concernés, qui devront appliquer la loi mais qui ne pourront le faire faute de personnel ? La pénurie de main-d'oeuvre existe dans d'autres secteurs : le transport routier, par exemple, où les centres de formation n'ont pas de candidats. Alors, quelle solution peut-on proposer ? Cinquièmement, les entreprises de transport routier, dont vous connaissez les difficultés, rémunèrent leurs chauffeurs longue distance à 90 francs l'heure environ, alors que leurs concurrents, de l'ancienne Allemagne de l'Est notamment, tel que l'entreprise Willy-Betz, que l'on voit sur la route tous les jours, rémunèrent leurs chauffeurs 3 000 francs par mois environ.

L'application des 35 heures les confrontera à la situat ion suivante : aujourd'hui, un chauffeur parcourt 3 120 kilomètres en 39 heures à la moyenne de 80 kilomètres à l'heure ; pour parcourir le même kilométrage en 35 heures, il devra rouler à 89 kilomètres à l'heure. Comment pourra-t-il respecter la limitation de vitesse, les temps de pause ? Au diable la sécurité ! Sixièmement, dans une entreprise de bâtiment, vous le savez sûrement, un maçon réalise 39 mètres carrés d'agglo en 39 heures. Pour les réaliser en 35 heures, devra-t-il subir des cadences inhumaines ? Faudra-t-il facturer 12 % de surcoût, sachant que beaucoup de ces entreprises n'auront aucune possibilité d'embauche ? Septièmement, votre coiffeur, madame la ministre, et vous le savez également parce que vous avez analysé toutes les situations, réalise 78 coupes en 39 heures. En 35 heures, il en fera 70. Devra-t-il augmenter de 12 % ses tarifs ? Que répondez-vous, huitièmement, aux dirigeants des groupes internationaux qui cherchent la meilleure rentabilité et qui se délocalisent à l'étranger au détriment de l'emploi ? Ou aux investisseurs français qui partent au Portugal ou en Grande-Bretagne, ce que l'on constate chaque jour ? Que répondez-vous, neuvièmement, aux entreprises qui ont signé, parfois avec difficulté, des accords et qui apprennent aujourd'hui que ceux-ci ne seront pas validés - dans le bâtiment, par exemple ? Ces accords de branche seront-ils remis en cause, au mépris du dialogue social ? Madame la ministre, avant d'entendre vos réponses à ces neuf questions, permettez-moi de penser, comme bon nombre de syndicats et de citoyens, premièrement que, votre loi va sûrement permettre la création de nombreux emplois... mais à l'étranger.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est la solidarité internationale !

M. Jean-Claude Lemoine.

Deuxièmement, que cette mesure risque de faire plus de mal que de bien. Troisièmement, qu'il indispensable, pour avancer dans la réduction du temps de travail, que l'application de votre texte soit facultative et non obligatoire. Il faut également que le contingent d'heures supplémentaires soit maintenu autour de 200, que la majoration des salaires soit limitée de 5 % à 10 % de 35 à 39 heures, que la durée du travail soit calculée en moyenne annuelle et que l'allégement des charges sociales bénéficie à toutes les entreprises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Picard.

Mme Catherine Picard.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en instaurant la loi sur les 35 heures, nous avons pris une décision politique qui concerne chaque Français.

Si cette mesure répond aux voeux des salariés et des chômeurs, elle contente aussi certaines entreprises, n'en déplaise à certains.

Nous ne pouvons faillir là où nous sommes attendus ! Cette deuxième loi doit traduire des avancées nettes sur plusieurs points : créations d'emplois - c'est bien parti -, mais aussi amélioration des conditions de travail et de vie des salariés.

M. Lucien Degauchy.

Ça on verra !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Mme Catherine Picard.

Salariés qui ne comprendraient pas, à l'issue du vote, qu'une loi ouvre la voie à une flexibilité subie, au chantage à la baisse des rémunérations, à la remise en question de leurs droits dans l'entreprise.

C'est pourquoi la logique des 35 heures hebdomadaires sans perte de salaire exigée que tous les garde-fous qui encadraient hier les 39 heures soient reportés sur le nouveau cadre de travail.

La loi doit apporter d'emblée des garanties suffisantes afin d'écarter tout risque.

Elle doit créer un cadre de négociation permettant aux représentants des salariés non seulement de sauvegarder leurs acquis, mais d'en obtenir de nouveaux : il faut favoriser l'embauche de salariés à temps plein et empêcher le recours massif aux heures supplémentaires qui, souvent impayées, ont atteint aujourd'hui des proportions trop importantes.

Seule une taxation conséquente de celles-ci et une contrepartie pécuniaire pour les salariés peuvent dissuader les chefs d'entreprise d'y recourir massivement !

M. Lucien Degauchy.

Et ceux qui en auront besoin, comment feront-ils ?

Mme Catherine Picard.

Toutes les catégories de salariés revendiquent la réduction réelle de leur temps de travail.

Les cadres ne sont pas en reste.

Ils estiment qu'une baisse de leurs horaires de travail peut être appliquée sans pour autant mettre en péril l'avenir de leur entreprise.

Quel salarié responsable pourrait souhaiter mettre en difficulté son entreprise et prendre ainsi le risque de se retrouver au chômage ? Aucun, je crois.

Cette évidence permet de balayer d'un revers de main les affirmations de ceux qui prétendent, comme le MEDEF ou l'actuelle opposition, que les souhaits exprimés par les cadres ne peuvent trouver à se réaliser avec l'application de la loi sur les 35 heures ! Occuper des responsabilités particulières peut imposer une organisation du travail tenant compte de contraintes.

Mais rien ne peut justifier qu'un salarié effectue parfois 60 heures de travail par semaine au lieu de 39 ! Je remarque que la législation actuelle ne comporte pas de définition claire du statut des cadres et je me félicite que la nouvelle loi comble cette lacune.

Garantir le niveau des rémunérations est aussi un souci majeur de notre majorité, plus particulièrement lorsqu'il s'agit des bas salaires et du SMIC.

En effet, le SMIC, défini comme un salaire horaire dans la loi, est aujourd'hui de plus en plus perçu comme un salaire mensuel.

L e SMIC, aujourd'hui, c'est plus, dans l'esprit, 5 000 francs nets que 39 francs de l'heure ! La garantie du maintien du SMIC à 35 heures payées 39 pour les salariés à temps plein constitue un impératif.

Mais la garantie d'un salaire égal pour les salariés recrutés après l'entrée en vigueur de la loi l'est tout autant ! Ce n'est là que la traduction du principe fondamental défendu de tout temps par les forces de progrès et le mouvement ouvrier : « A travail égal, salaire égal. »

L'embauche d'un salarié à temps plein, à 35 heures payées 35, serait injuste et injustifiable. Elle serait perçue comme une régression entraînant une baisse du salaire minimum mensuel.

Or tous ceux qui ont apporté leur soutien en 1997 au projet de la gauche, dont la réduction du temps de travail est l'un des piliers, attendent aujourd'hui les 35 heures payées 39 et non une baisse du salaire minimum et des bas salaires ! Je tiens à attirer l'attention sur un autre point. La baisse du chômage se poursuit depuis plus d'un an et nous nous en félicitons. Mais le nombre de contrats à temps partiel a également augmenté dans des proportions alarmantes.

La durée d'un contrat à temps partiel est fixée à 34 heures. Il est donc aisé d'imaginer que ce contrat, assorti de nombreux avantages fiscaux pour les entreprises, viendra sérieusement compromettre les embauches à 35 heures.

Il ne peut y avoir d'avantage sans contrepartie. Le recours au travail à temps partiel ne doit pas concurrencer les 35 heures ! Dans le même esprit, le recours aux heures supplémentaires comme aux heures complémentaires doit être rendu plus dissuasif par une taxation conséquente et une contrepartie pécuniaire pour les salariés.

J'évoquerai au final la question du renforcement des droits des salariés dans l'entreprise, une condition indispensable pour aboutir, par la négociation, à des accords conformes à leurs attentes.

Or, avec l'article 15, nous avons un chantier en route.

Car nous ne pouvons pas laisser la possibilité à un employeur de licencier un salarié pour cause réelle et sérieuse, dans le cas où celui-ci refuserait une modification de son contrat de travail suite à un accord collectif.

Cette disposition constitue une régression des droits reconnus aux salariés dans la législation actuelle.

Je suis persuadée, madame, que nos débats vont améliorer le texte et je sais que vous avez à coeur de faire en sorte que cette loi permette de nouvelles conquêtes sociales. Nous vous y aiderons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Durieux.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Allez-y, monsieur le vice-président de la commission !

M. Jean-Paul Durieux.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, si certains doutaient encore de l'importance de la loi dont nous discutons, les rumeurs montant des rues de nos villes ou de la porte de Versailles ont dû les en convaincre. Ce texte est en effet de ceux qui s'appuient sur une certaine conception de la société, et je ne m'étonne pas que, de part et d'autre de notre hémicycle, les appréciations ne soient pas les mêmes.

Cette différence me rassure. Elle désigne clairement le camp de ceux pour lesquels l'économie est d'abord au service de l'homme, attaché à satisfaire ses besoins fondamenteux, l'emploi, la rémunération, l'épanouissement individuel et collectif, respectueuse enfin de sa dignité.

(« N'importe quoi ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) La première loi que nous avons votée était invitation, incitation à la négociation : 16 000 chefs d'entreprise, 50 000 représentants du personnel y ont répondu, et ce n'était pas, pour l'écrasante majorité d'entre eux, ceux


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pour lesquels la réduction du temps de travail était la plus facile. J'évoque ici l'attitude de l'Union professionnelle artisanale et de la CAPEB.

Dans sa harangue de lundi dernier, le président du MEDEF, si fidèlement relayé par nos collègues de l'opposition, a évoqué la « faute » que représenterait cette loi.

Est-ce une faute de tout tenter pour ouvrir les portes de l'emploi à des milliers d'hommes et de femmes, de jeunes surtout, qui l'attendent dans l'impatience et la désespérance ? Est-ce une faute que de s'inscrire dans l'évolution du temps libéré, le temps pour la famille, les loisirs, la culture, la vie citoyenne ? Est-ce une faute de croire au caractère irremplaçable de la négociation et du dialogue social qui fondent de nouvelles relations dans l'entreprise ? Est-ce une faute de saisir l'opportunité d'une réflexion sur une nouvelle organisation dans l'entreprise, de nouveaux modes opératoires, sources de progrès technique et social ? Au fatalisme d'une économie dévastatrice d'emplois et de destins humains, nous opposons la volonté d'une société solidaire échappant à la seule loi de la puissance et de l'argent, attentive au destin des plus fragiles de nos concitoyens. Cette loi est une loi d'équilibre, d'un équilibre dont notre société a besoin. Elle doit le demeurer au-delà des amendements qui seront adoptés. Il faut durcir, sans doute, tout ce qui peut conduire à une aggravation des conditions de travail, à la précarité de celui-ci.

Mais il faut conserver à la négociation dans les petites et moyennes entreprises, tellement créatrices d'emploi, sa respiration propre.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien ! M. Jean-Paul Durieux. Je ne crois pas, madame la ministre, à la durabilité des embauches imposées.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné au fond le projet et l'a enrichi. Elle s'est attardée, à juste titre, sur la définition du tempse ffectif de travail, sur l'amplitude des modulations d'horaires, les astreintes, la priorité à donner aux emplois stables, au temps partiel choisi, au statut des cadres trop souvent laissés à l'écart des avancées sociales, à la formation, gage d'accomplissement personnel et professionnel.

Nous sommes certains, madame la ministre, que la discussion qui va commencer ouvrira des voies nouvelles.

Elle fera de cette loi le texte majeur de la législature, l'un des éléments fondateurs de la société de justice et de plein emploi que nous voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies.

Madame la ministre, nous avons l'ambition partagée de réussir cette seconde loi sur les 35 heures.

Jusqu'à une période assez récente, la négociation collective avait un seul objet : améliorer pour les salariés les dispositions de droit commun prévues par les textes législatifs et réglementaires.

Dans ce cadre, l'existence d'accords signés par des organisations syndicales représentatives mais minoritaires ne posait guère de difficulté.

Aujourd'hui, l'objectif de la négociation a considérablement changé et révèle souvent des concessions qui affectent les conditions de travail ou de rémunération des salariés.

Dès lors, la question de la vérification de l'approbation de l'accord par la majorité des salariés est devenue d'une grande acuité si nous voulons continuer à avancer sur le chemin de la démocratie sociale. Elle se posera avec d'autant plus de force si nous voulons demain explorer la voie de l'association des salariés à la gestion de l'entreprise.

Votre projet de loi a pris en compte cette exigence en conditionnant les aides aux entreprises à l'approbation de l'accord par la majorité des salariés ou par des organisations syndicales majoritaires. C'est à mon sens la disposition essentielle car elle assure la cohérence de la démarche et je souhaite vivement qu'elle soit maintenue à l'issue de nos débats.

Le rôle respectif de la loi et de la négociation est manifestement au coeur de notre débat.

Pour certains, la loi reste la seule arme pour défendre les salariés ; ils justifient ainsi les dispositions parfois pointillistes qu'ils proposent. Cette démarche n'est pas la mienne mais elle ne peut être écartée par principe dès lors qu'elle repose sur le constat de la faiblesse de la n égociation collective, seule capable de prendre en compte la diversité des situations des entreprises et des branches.

Vous avez au contraire privilégié la négociation pour la mise en oeuvre des 35 heures.

Mais gardons-nous de l'utopie du dialogue social qui renverrait la loi aux oubliettes. Dans un arrêt du 29 juin 1999, la Cour de cassation a reconnu la légalité des accords d'entreprise créant des régimes d'équivalence.

Imaginez un instant le désastre qu'entraînerait la généralisation de cette pratique au regard des objectifs de la loi sur les 35 heures ! Heureusement, un amendement adopté en commission limite cette possibilité aux accords de branches. La loi viendra ainsi mettre fin aux errements de certains accords.

La loi est aussi nécessaire pour assurer la cohérence de notre démarche, s'agissant plus particulièrement du risque de la poursuite de l'explosion du travail à temps partiel subi, qui n'est qu'une version de la réduction du temps de travail à la seule charge des salariés.

Dès lors qu'au 1er janvier 2000, en application de la directive européenne, le temps partiel sera défini uniquement comme celui inférieur à la durée légale, il est urgent de supprimer l'exonération de charges de 30 % qui constitue un encouragement sans fondement au développement de cette forme particulièrement pernicieuse de précarité.

Il n'existe non plus aucune raison de conserver le régime particulier des heures complémentaires, qui doit être aligné sur celui des heures supplémentaires.

Nous ne pouvons en même temps proposer aux entreprises une souplesse importante avec le maintien du contingent des heures supplémentaires, la modulation de l'horaire de travail, la légalisation du contrat intermittent et, parallèlement, laisser subsister des avantages qui incitent au développement du temps partiel.

S'agissant des cadres, un sondage récent révèle qu'ilss'identifient majoritairement aux salariés et qu'ils appellent de leurs voeux une protection de leurs conditions de travail.

Le projet de loi présente le risque de renvoyer la majorité des cadres au régime du forfait. La répartition des cadres entre ceux soumis au droit commun des salariés et ceux relevant du forfait ne peut résulter de la définition prévue dans le projet de loi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Il paraît dès lors nécessaire de renvoyer à l'accord collectif la répartition entre les emplois soumis au droit commun et ceux relevant du régime dérogatoire du forfait. J'observe avec satisfaction que notre commission a adopté un amendement en ce sens.

Sur le SMIC, aucun argument technique ne peut justifier le système qui aboutirait au constat que deux salariés travaillant à temps plein, soit 35 heures, percevraient un salaire différent et, surtout, que les salariés à temps plein des entreprises nouvelles pourraient recevoir une rémunération mensuelle inférieure au SMIC mensuel actuel.

Je sais, comme vous, que le SMIC mensuel n'existe pas dans le code du travail ; mais il existe dans la réalité, dans l'opinion publique, dans l'esprit de nos concitoyens. Pour eux, le SMIC, c'est le salaire minimum pour vivre, dès lors qu'on travaille à plein temps. Il n'existe à mon sens aucun argument pour expliquer comment ce minimum pourrait subitement diminuer.

Je souhaite donc que l'amendement adopté par notre commission à l'article 16, qui garantira le niveau de rémunération des salariés à plein temps des entreprises nouvelles, soit adopté par notre Assemblée. Mais, bien évidemment, je reste ouvert à toute autre solution technique qui aboutirait à la même garantie.

J'espère donc, madame la ministre, que sur ces questions essentielles du temps partiel, des cadres, du SMIC, nos débats permettront d'avoir les réponses nécessaires.

Nous devons réussir la mise en oeuvre des 35 heures.

Faut-il rappeler que l'objectif premier c'est la création d'emplois et pas seulement la réorganisation du temps de travail, les entreprises et les salariés échangeant un peu plus de souplesse contre un peu moins de temps de travail ? La loi seule ne peut, à l'évidence, répondre à ces objectifs. C'est donc aux partenaires sociaux, au plus près du terrain, de le faire. J'approuve cette démarche mais il nous revient de fixer un cadre plus équilibré pour la réussite des négociations à venir.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. André Vauchez.

M. André Vauchez.

Madame la ministre, depuis hier vous présentez devant la représentation nationale le projet de la deuxième loi sur les 35 heures, qui vient compléter tout un ensemble de mesures prises dans le cadre de la loi du 13 juillet 1998, il y a moins de dix-huit mois.

Je ne reviendrai pas sur les résultats de l'application de cette première loi, d'autres les ont bien évoqués, je rappellerai simplement que 15 000 accords de réduction du temps de travail ont déjà été conclus et plus de 120 000 emplois créés ou sauvegardés.

La réduction du temps de travail est, pour le monde des salariés synonyme de conquête de nouveaux espaces de liberté et elle signifie, pour les entreprises, une reprise sans précédent de la négociation et de l'adaptation à l'évolution du travail.

Personne ne peut contester ces avancées.

Toutefois, dans le monde des salariés, une catégorie semble aujourd'hui être laissée sur le bord du chemin. Je veux évoquer ici, d'autres l'ont fait avant moi, ces travailleurs, mais surtout ces travailleuses à temps partiel - puisqu'il s'agit très souvent de femmes employées dans le secteur de la grande distribution - pour lesquels le temps partiel n'est bien souvent qu'un temps imposé par l'employeur lors de l'embauche. Ces femmes travaillent avec des horaires imposés, parfois fluctuants et elles se retrouvent ainsi face à des difficultés pour concilier vie professionnelle et vie familiale.

M. Jacques Desallangre.

Tout à fait !

M. André Vauchez.

La loi offre aux salariés des opportunités d'évolution du plein temps vers le temps partiel choisi.

Mais très vite, et surtout pour les emplois que j'ai précédemment cités, les patrons ont vu et profité de l'aubaine provenant du système d'aides pour les temps partiels. En effet, n'est-il pas plus avantageux pour un employeur d'avoir deux emplois de 19 ou 20 heures plutôt qu'un emploi à 39 heures et demain à 35 heures ? Certes, la loi de juin 1998 a déjà tenté de moraliser le recours au temps partiel en limitant l'abattement de charges à 30 % des cotisations patronales et en n'autorisant qu'une seule coupure inférieure à deux heures durant la journée, sauf dérogations faisant suite à des accords de branche et seulement pour des emplois dans l'hôtellerie, les transports et le nettoyage.

Votre projet de loi, madame la ministre, définit conformément à la norme européenne le temps partiel, et fait commencer ce dernier dès la première heure audessous de la durée légale, c'est-à-dire à partir de 34 heures. Il offre des avantages comme la modulation du temps de travail avec un accord collectif ou la possibilité pour le salarié de refuser une modification de ses horaires inacceptable au regard de ses conditions de vie.

Comme d'autres, je me réjouis que la commission ait retenu l'amendement mettant un terme à l'effet d'aubaine créé par l'aide dont bénéficie une entreprise lorsque l'employeur embauche un temps partiel. Toutefois, malgré ces mesures importantes, ces salariés ne bénéficieront pas pleinement de la réduction du temps de travail comme leurs collègues à plein temps.

Or certains accords conclus en application de la première loi sur les 35 heures apportent un éclairage intéressant. Un nombre important d'accords d'entreprises, dans lesquelles le temps partiel était choisi à la demande des salariés, ont fait une place au sort de ces derniers, soit en réduisant proportionnellement la durée du travail à temps partiel, soit en maintenant l'horaire, mais avec une évolution des salaires.

Madame la ministre, cet exemple ne pourrait-il pas aider à trouver une solution pour tous ces travailleurs qui n'ont eu comme proposition d'embauche qu'un temps partiel ? Ce serait une belle conquête sociale, même si sa concrétisation s'articule dans le temps et demande une ou deux années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Pernot.

M. Jean-Pierre Pernot.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la seconde loi relative à la réduction négociée du temps de travail marque la volonté du Gouvernement de développer l'emploi et d'améliorer les conditions de travail des salariés et leur qualité de vie.

Par l'article 5, ce projet de loi prévoit des dispositions relatives aux cadres, et, comme vous tous, je m'en réjouis.

M. Lucien Degauchy.

Non, pas tous !

M. Jean-Pierre Pernot.

Il faudra agrandir le cercle de vos amis, monsieur le député ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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M. Jean-Pierre Pernot.

Au-delà des dispositions déjà prévues dans la loi du 13 juin 1998, l'article 5 encadre véritablement le temps de travail des cadres, les intègre et les associe au dispositif de réduction du temps de travail négocié.

Le Gouvernement fait là acte de courage et d'initiative en abordant pour la première fois le travail des cadres. Il est vrai que, contrairement à hier, les cadres souhaitent aujourd'hui largement que la durée de leur temps de travail soit encadrée pour améliorer la qualité de leur vie, principalement de leur vie familiale.

D ans leur diversité, les cadres ont un point commun : une responsabilité particulière au sein de l'entreprise. Ils doivent être reconnus de leur direction mais aussi de l'ensemble des collaborateurs de l'entreprise, et ce qu'ils soient cadres financiers, administratifs, techniques ou commerciaux. Ils doivent donc être associés pleinement à tout ce qui concerne une meilleure organisation du travail.

Pour cela, la loi prévoit trois catégories de cadres pour lesquels ceux dont notamment la durée du travail ne peut être prédéterminée peuvent bénéficier de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours.

M. Lucien Degauchy.

Ségrégation !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Ils vont en faire des fonctionnaires !

M. Jean-Pierre Pernot.

La mise en place d'un système unique de forfait en heures ne paraît pas suffisante. En effet, nous savons tous qu'il existe un nombre de cadres important dont les horaires ne sont ni contrôlables ni justifiables matériellement, et ce pour un problème évident de forme.

Par ailleurs, la généralisation des pointeuses n'est apparemment pas demandée par l'ensemble des cadres euxmêmes. Il existe ou doit exister une confiance maîtrisée entre les cadres et leur direction.

La loi a donc prévu en parallèle du forfait en heures la mise en place d'un système de forfait en jours. Ce dernier s'inspire des accords conclus et paraît conforme à la réalité du travail par objectif des cadres ainsi qu'à la réalité de l'entreprise.

La diminution des jours travaillés, ramenés par la loi de 233 à 217 jours de travail, selon l'INSEE, constitue une avancée sans précédent, voire historique. Elle vise à concilier une meilleure qualité de vie et une organisation nouvelle du travail.

Mais cette limite de 217 jours doit constituer un plafond et il faut laisser aux salariés et aux entreprises le soin de la réduire sans contrainte. En effet, imposer dès aujourd'hui une réduction annuelle trop importante conduirait inéluctablement à un bouleversement trop fort et trop rapide qui nuirait en fait à l'efficacité de la loi.

C'est pourquoi, dans le futur, et sans modifier la limite de 217 jours, il conviendra de rechercher si des dispositifs incitatifs et volontaires ne peuvent pas être mis en place afin d'inviter les acteurs de la négociation à aller plus loin. Cela devra se faire dans le temps. Cette incitation s'inscrirait entièrement dans la confiance que fait la loi - et la majorité qui vous propose cette loi - à la négociation entre les partenaires sociaux.

Par ailleurs, certains craignent que la réduction du temps de travail n'entraîne une augmentation de la charge de travail des cadres.

M. François Goulard.

C'est évident !

M. Jean-Pierre Pernot.

Mais la loi complète les dispositions de contrôle existant par l'obligation d'un suivi de la durée du travail dont il conviendra d'ajouter le suivi de l'intensité du travail lui-même. On aura donc par l'exercice de ce suivi un contrôle interne et externe des conditions de travail dans l'entreprise. C'est sans aucun doute, non pas une contrainte sur les entreprises, mais une responsabilisation des acteurs à l'intérieur de l'entreprise.

M. Jean-Claude Lemoine.

Non !

M. Jean-Pierre Pernot.

Le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail va donc incontestablement dans le bon sens et responsabilise de fait tous les acteurs du travail dont la mission affirmée est triple : d'abord, réorganiser le travail pour améliorer les conditions de travail, ensuite, créer des emplois, enfin, offrir des espaces de libertés nécessaires à l'accomplissement de chacun.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

Il rêve !

M. le président.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en un siècle la durée du temps de travail aura donc été diminuée par deux. Nous discutons aujourd'hui de l'aboutissement - sans doute provisoire - d'un processus séculaire de réduction du temps de travail.

M. François Goulard.

A quand les 25 heures ? (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Marisol Touraine.

Notre histoire collective est marquée de ces grandes conquêtes sociales, 1892, 1906, 1916, 1936 - bien sûr -, 1982, qui résonnent comme autant de victoires pour la liberté et la dignité des hommes.

Votre loi, madame la ministre, n'a jamais prétendu être seulement le dernier jalon posé dans la longue histoire de nos conquêtes sociales. Bien sûr, l'enjeu central des 35 heures, c'est la création d'emplois pour amplifier de manière volontariste les effets de la croissance. Le large débat qui s'est noué dans notre pays autour des 35 heures montre que la préoccupation de l'emploi reste prioritaire chez nos concitoyens. Les premiers résultats de la politique que vous menez avec le Gouvernement depuis plus de deux ans sont là : 750 000 emplois créés (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Lucien Degauchy.

3 millions de chômeurs !

M me Marisol Touraine.

... 350 000 chômeurs de moins...

M. François Goulard. Grâce aux entreprises ! Mme Marisol Touraine. ... 120 000 emplois créés ou préservés grâce à la première loi sur la réduction du temps de travail.

M. Jacques Masdeu-Arus.

C'est la méthode Coué ?

Mme Marisol Touraine.

Mais le débat engagé a montré l'inspiration forte de tous à travailler moins pour vivre mieux.

M. Lucien Degauchy.

Et gagner plus !

Mme Marisol Touraine.

De fait, chacune des étapes passées de la réduction du temps de travail s'est accompagnée de la conquête de nouveaux espaces de vie : les


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loisirs, bien sûr, le tourisme, sans doute, mais aussi le temps, le temps pour les autres, pour les enfants, la famille, les parents, le temps pour la collectivité, le temps pour soi aussi. Le temps libre aujourd'hui est tout sauf un temps vide.

M. Lucien Degauchy.

On a beaucoup de temps lorsqu'on est au chômage !

Mme Marisol Touraine.

Au fil de notre histoire sociale, c'est notre rapport au travail qui s'est trouvé modifié. La conquête du temps libre a d'abord permis de lutter contre l'exploitation. Le travail s'est trouvé valorisé, les salariés ont affirmé leur place dans la société grâce à l eur activité. Les femmes le savent bien, dont le combat pour l'égalité est d'abord passé par la conquête de l'emploi, les chômeurs aussi qui, privés de travail, se sentent également privés d'identité.

Mais, tout le monde le sait, tout le monde le sent, désormais, nous ne nous accomplissons plus seulement dans le travail et par le travail. C'est vrai pour les hommes comme pour les femmes, c'est vrai pour les cadres comme pour les ouvriers, pour les salariés de l'industrie comme pour ceux qui travaillent dans les secteurs tertiaires. A l'aube du prochain millénaire, c'est donc véritablement un nouveau rapport au travail, au monde du travail, une nouvelle relation entre notre vie privée et notre vie professionnelle qu'il s'agit de favoriser.

La loi que vous nous présentez, madame la ministre, répond à une grande transformation de notre société. Les entreprises, incontestablement soumises à une concurrence de plus en plus vive, soucieuses de produire davantage et mieux pour se développer, demandent - et elles ont raison - plus de souplesse et de responsabilité ; les salariés, de leur côté, désireux de vivre mieux dans le travail comme en dehors, veulent plus de liberté aussi et de reconnaissance. Ces deux mouvements ne peuvent pas et ne doivent pas être contradictoires. Nous savons bien que la liberté des salariés resterait vaine sans le succès des entreprises. Mais nous savons aussi que la réussite économique ne saurait se conquérir durablement sans le respect des droits des salariés.

Votre loi fixe donc un cadre pour que les partenaires sociaux définissent les équilibres les mieux adaptés, entreprise par entreprise. Cet espace laissé à la négociation est essentiel. Comment sinon être sûr qu'une liberté ici ne serait pas une contrainte là-bas ? Mais comment également espérer travailler moins pour vivre mieux, si l'on ne garantit pas, dans le même temps, le respect de certains principes ? Or, les années passées ont vu se diversifier les formes de travail au prix d'une précarisation accrue d'un nombre important de salariés et d'exigences renforcées, en particulier à l'égard des cadres dont nous savons qu'en France ils ont les journées parmi les plus longues d'Europe.

Il n'aurait pas été compris que la loi sur les 35 heures, qui est une loi pour l'emploi, ne soit pas aussi une loi pour la qualité des emplois créés. Vous proposez un grand nombre de mesures qui, complétées déjà par certains amendements, vont clairement dans ce sens : en direction des cadres, bien sûr, et de ceux, trop nombreux, qui vivent le travail précaire.

Sur le temps partiel, évoqué déjà à de nombreuses reprises, je dirai simplement que de nombreuses mesures permettent de mieux l'encadrer, de protéger la vie familiale et de favoriser, peut-être, une meilleure égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

A terme, c'est un droit du travail nouveau qui prend forme, plus attentif aux individus, à leur parcours, leur formation, leur engagement professionnel et personnel.

L oin de produire des rigidités supplémentaires, les 35 heures ouvriront de nouveaux espaces de liberté dès lors que les partenaires sociaux s'en saisiront. C'est le cas dans la très grande majorité des accords déjà signés. Tout est réuni pour que cela soit encore le cas dans les accords à venir. Ainsi, nous pourrons collectivement être fiers de cette nouvelle conquête de notre histoire sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Lucien Degauchy. On en reparlera !

M. le président.

La parole est à M. Jean Delobel.

M. Jean Delobel.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, après tout ce que nous avons entendu dire contre le passage aux 35 heures, je vais vous inviter à plonger dans le passé.

Mars 1871, ...

M. François Goulard.

M. Delobel était alors très jeune ! (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Delobel.

... Emile, petit bonhomme de huit ans, trottine à côté de son père. Levé à cinq heures pour atteindre le tissage Charvet à Armentières, il bandera tous ses muscles pour pousser les panières en osier contenant les bobines ou les épeules, non sans avoir préalablement récité une prière demandant au Seigneur de bénir sa journée de travail, journée de 12 heures qui sera entrecoupée d'une courte pause, agrémentée d'un bénédicité obligatoire et de tartines de saindoux. A dix-huit heures, il rejoindra sa courée où il partage une mansarde avec deux de ses frères, rêvant au dimanche où il pourra dormir tout son saoul.

Vingt ans après, comme dans les Trois Mousquetaires, le 17 mars 1891, le patronat textile se révolte contre cette assemblée nationale qui ose porter atteinte à son autorité, à sa liberté d'opprimer les plus humbles. Vouloir limiter à dix heures par jour la durée de travail des enfants et des femmes, quelle horreur ! Ecoutez bien les conclusions de leur protestation, vous y trouverez l'écho des vôtres, chers collègues de l'opposition (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) : « En réduisant, par une mesure intérieure, la journée de travail des enfants, des filles mineures et des femmes, notre industrie nationale courrait le risque de n'être pas suivie dans cette voie par d'autres pays dont les industriels font aux nôtres une redoutable concurrence. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

« Aussi, la chambre de commerce d'Armentières, qui, d'ailleurs, n'est pas hostile à la réduction à dix heures de la journée de travail des femmes, des enfants et des filles mineures, émet le voeu que cette limitation ne se fasse que graduellement et par étapes ». (Mêmes mouvements.)

Mme Muguette Jacquaint.

Un siècle plus tard, la droite n'a pas changé !

M. Jean Delobel.

Ne trouvez-vous pas, messieurs de l'opposition, quelques similitudes avec votre argumentaire, l'argumentaire de M. Seillière et de ses supporters, plus d'un siècle plus tard ? Si la silhouette de certains de nos leaders patronaux s'est amincie,...

M. François Goulard.

Mais pas la vôtre ! (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Jean Delobel.

... leur ego, leur égocentrisme et leur égoïsme n'a fait que croître. Quelques économiquement faibles, comme MM. Michelin et Jaffré, sont là pour nous le prouver. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Sommes-nous bien conscients que, en moins de quarante ans, l'usine n'est plus au sein de la cité, qu'il n'est pas rare de devoir consacrer deux heures, voire trois, au trajet pour se rendre sur les lieux de son travail ? Comme directeur de collège, j'ai pu mesurer la nocivité de l'amplitude de l'absence parentale, la multiplication des « enfants à la clé » - cela existe ! - et les conséquences néfastes de cette brisure sociale.

Je pense très sincèrement que cette loi des trente-cinq heures apportera un plus non négligeable à la cohésion familiale dont vous parlez tellement souvent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) M. Jacques Fleury. Bravo ! M. Jean Delobel. Par ailleurs, j'ai pu constater des effets bénéfiques induits dont on parle peu : par exemple, une concertation syndicale retrouvée, l'établissement au sein de l'entreprise d'un dialogue certes parfois heurté et dur, mais, la plupart du temps, avec des conséquences bénéfiques pour tous.

Cette loi ne mérite pas d'être caricaturée et dénaturée, messieurs de l'opposition.

M. Jacques Masdeu-Arus. Elle ne mérite rien ! M. Jean Delobel. Tout ce qui est excessif est strictement insignifiant.

M. François Goulard. Voilà qui est nouveau ! M. Jean Delobel. Les Français sont fatigués de notre dichotomie politique, de la diabolisation de la majorité plurielle, de l'affirmation de tout et de son contraire pour démolir sans discernement. Si la loi des 35 heures ne résoudra pas d'un coup de baguette magique le chômage dans sa globalité,...

M. Lucien Degauchy. C'est le moins que l'on puisse dire ! M. Jean Delobel. ... je suis persuadé qu'elle sera, messieurs, le socle d'une embellie sociale bénéfique au plus grand nombre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la discussion sur cette deuxième étape de la réduction négociée du temps de travail constitue l'occasion de développer plus particulièrement un aspect qui m'est cher : celui de concilier vie professionnelle et vie familiale.

En effet, la politique familiale se doit de dépasser le seul aspect des prestations. Les parents ont besoin et ont envie de consacrer plus de temps à leurs enfants, et ils le disent : 71 % des hommes et 66 % des femmes se serviraient du temps ainsi libéré pour plus de vie familiale.

M. Bernard Accoyer.

Il faudrait un ministre du temps libre ! Mme Marie-Françoise Clergeau. Pourquoi pas ? Je me félicite donc qu'il soit proposé dans ce texte que les négociations au sein des entreprises prennent en compte les contraintes spécifiques des salariés chargés de famille. Il s'agit bien de promouvoir des réductions de la durée du travail conciliant les besoins des entreprises et les aspirations des salariés.

Il reprend ce souhait dans plusieurs de ses dispositions essentielles que je me contenterai d'énumérer : la possibilité de refuser des heures complémentaires hors des limites fixées par le contrat de travail ; la possibilité de refuser la modification de la répartition des horaires de travail lorsque les nouveaux horaires ne sont pas compatibles avec des obligations familiales impérieuses ; la possibilité d'aménagement des horaires sur l'année, en fonction par exemple des rythmes scolaires ; la précision des règles de la modulation, avec notamment l'introduction d'un délai de prévenance ; la priorité donnée aux pluriactifs pour prendre leurs congés de leurs différents emplois au même moment, et ainsi bénéficier de vacances en même temps que leur famille ; enfin, l'utilisation du compte épargne temps, qui est facilitée pour les parents d'enfants de moins de seize ans.

L'article 6 dispose que les salariés qui le souhaitent peuvent bénéficier d'une réduction de la durée du travail sous forme d'une ou plusieurs périodes d'au moins une semaine en raison des besoins de leur vie familiale.

Il s'agit ici d'une démarche contractuelle à l'initiative du salarié, indépendante du contrat de travail et de la négociation collective.

Cette mesure permettra notamment aux salariés pères et mères ayant des enfants à charge de réduire leur temps de travail pour s'adapter aux rythmes scolaires, par exemple.

Plus globalement, le temps libéré par la réduction du temps de travail sera susceptible de ressouder les liens familiaux et de renforcer la solidarité familiale.

M. François Goulard. C'est beaucoup s'avancer ! Mme Marie-Françoise Clergeau. Cela vous dérange peut-être, mais c'est une réalité ! M. François Goulard. Je faisais simplement remarquer qu'il s'agissait là d'affaires complexes ! Mme Marie-Françoise Clergeau. Plus de temps à consacrer à sa famille tout en préservant ses chances d'évolution professionnelle, voilà la garantie que nous nous devons d'apporter aux salariés de notre pays.

Aucun sacrifice n'est tolérable à ce sujet. Chaque homme et chaque femme doit pouvoir réussir sa vie professionnelle et connaître le bonheur d'une famille épanouie (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le texte que nous étudions aujourd'hui s'inscrit dans la vaste réforme de la politique familiale que la majorité et le Gouvernement entendent engager.

Il ne nous faut toutefois pas oublier que, si le projet de loi de réduction négociée du temps de travail permet aux salariés de concilier vie professionnelle et vie familiale, il se doit également d'offrir des perspectives à nos concitoyens privés d'emploi.

Le rapport « Famille et chômage », du Haut Conseil de la population et de la famille nous montre bien, s'il en était besoin, les conséquences néfastes et douloureuses que fait peser le chômage sur la vie de la famille.

Les créations ou préservations d'emploi que la réduction du temps de travail a d'ores et déjà induites ne peuvent que nous encourager à persévérer en ce sens.

Il nous faut ainsi prolonger et accentuer cette dynamique pour l'emploi, véritable source de renforcement de la cellule familiale.


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L'angle de la famille par lequel j'ai souhaité aborder ce texte avec vous est significatif de ce que nous apportera l'adoption de ce projet de loi. Réduire le temps de travail, c'est agir pour la création d'emplois, et c'est aussi donner à chacun la possibilité de se consacrer davantage à ceux qui nous sont chers.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jacques Pélissard.

Vous croyez vraiment à ce que vous dites ?

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je regrette que le travail, l'emploi, le dialogue social, la négociation collective soient cyniquement utilisés comme une étape de la stratégie présidentielle de M. Jospin.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Rome.

C'est nouveau ! Vous ne nous l'aviez pas encore sorti, ça !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Dans une hâte dont vous n'êtes évidemment pas responsables, vous avez promis les 35 heures. C'était un slogan électoral, une promesse évidemment tentante.

M. Jean-Yves Gateaud.

Parlez du sujet !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Aujourd'hui, vous commettez une erreur très lourde, que nous devrons réparer, en redéfinissant le champ de la loi et de la politique contractuelle.

M. Gérard Terrier.

L'important, c'est de se donner les moyens de cette politique contractuelle.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Trente ans après le discours de Jacques Chaban-Delmas sur la nouvelle société, c'est un bien triste anniversaire. J'en parle avec force et passion, car ce fut mon premier engagement politique fondé sur la liberté économique et le dialogue social,...

M. Jean-Yves Gateaud.

On sait ce qu'il en advint !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... synthèse que j'appelle de mes voeux en prônant la liberté équitable.

Aujourd'hui, le problème central, c'est le positionnement politique de M. Jospin.

M. Gérard Terrier ! Il est bien positionné, rassurezvous !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Quelle aubaine est la réaction légitime des chefs d'entreprise : cela place

M. Jospin à gauche.

M. Gérard Bapt.

Il fait une fixation !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Quelle aubaine également est la vraie fausse colère des communistes et de l'extrême gauche : cela place M. Jospin dans une situation d'arbitre raisonnable.

M. Yves Rome.

Eh oui ! Ça vous dérange !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous voulez faire apparaître la droite comme ringarde...

M. Yves Rome.

C'est le cas !

M. Gérard Bapt.

Tout à fait !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... opposée au progrès social, à la disponibilité familiale, aux loisirs, à l'é volution sociale...

M. Jean-Yves Gateaud.

C'est exact !

M. Yves Rome.

Beau souci de l'analyse.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

..., refusant la solution miracle pour la création d'emplois.

M. Yves Rome.

Voilà qui est bien parlé !

M. Jean-Yves Gateaud.

Vous avez dressé un tableau fidèle de la droite !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nous avons seulement - et ce n'est déjà pas mal - à parler vrai à nos concitoyens. Ce sera notre fierté et notre crédibilité que d'avoir le courage de rétablir certaines vérités.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, laissez parler l'orateur, je vous prie.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous enterrez le SMIC mensuel.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'existe pas.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous affichez une grande ambition sociale, alors, répondez à cette question : dans le nouveau système, y aura-t-il encore un seul et même SMIC mensuel ?

M. Yves Rome.

Mais il n'existe pas.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Certes, d'un point de vue légal, seul le SMIC horaire existe, mais la référence concrète, réelle, pragmatique, usuelle des ménages français sur laquelle sont calculés la faculté d'emprunt, le loyer, l'impôt, c'est la rémunération mensuelle. Or il y aura autant de SMIC que d'horaires de travail.

M. Thierry Mariani.

Exactement !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Plus on travaillera, moins cher sera payée l'heure. Où est la logique ? En matière de rémunération se posait le problème de la parité hommes-femmes. Se pose maintenant celui des salaires différents pour des travaux identiques. Vous portez atteinte au pouvoir d'achat des ménages.

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous allez perturber gravement le fonctionnement encore fragile de l'entreprise. Le gel des salaires sera la conséquence directe de l'intégration progressive des surcoûts. Les heures supplémentaires représentent, notamment pour les petites et moyennes entreprises, une forme de souplesse et, pour les ménages, un gain de pouvoir d'achat bien nécessaire.

Contingenter de manière uniforme et trop forte les heures supplémentaires, c'est en fait porter atteinte à l'activité des entreprises et à la rémunération des ménages.

Vous ne mettez pas en oeuvre ce que nous considérons quant à nous comme un impératif pour la création d'emplois : je veux parler de la baisse des charges qui pèsent sur les ménages.

Mme Muguette Jacquaint.

Vous, cela ne vous gênerait pas de faire travailler les salariés quatre-vingts heures et même plus !

M. Renaud Donnadieu de Vabres.

On peut se plaindre des décisions prises par Michelin et choisir pourtant de ne pas s'attaquer résolument au problème qui en est la cause : le coût du travail en France.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je n'ai pas parlé du montant des salaires, j'ai parlé du coût du travail.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Jacques Fleury.

Qu'on baisse le salaire de Jaffré, oui !

M. Renaud Donnadieu de Vabres.

Sans baisse des charges, en effet, l'emploi français est menacé. Avec la baisse que nous réclamons, au contraire, de nombreux emplois seraient préservés et même créés.

M. Philipppe Martin.

Bien sûr ! Tout à fait !

M. Renaud Donnadieu de Vabres.

Oui, se pose la question de la rémunération du travail dans notre pays.

Celui-ci est entravé par des charges trop importantes qui empêchent les salariés d'obtenir une augmentation et, ces derniers sont, par ailleurs, spoliés souvent par une fiscalité injuste.

Vous portez gravement atteinte au paritarisme et réduisez la portée d'une vraie négociation collective. Pourquoi renoncer aux accords signés ? Pourquoi ne pas accepter de les valider pour cinq ans ?

Je prends l'exemple de l'accord signé par tous les partenaires sociaux dans l'industrie textile, prévoyant la possibilité de 175 à 205 heures supplémentaires et d'un forfait pour tous les cadres. Pourquoi y mettre un terme ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous n'y mettons pas un terme.

M. Renaud Donnadieu de Vabres.

Le financement de votre nouveau système par la sécurité sociale et l'UNEDIC, se traduira par la mise à mort du paritarisme en France et vous en porterez la responsabilité. Dans un premier temps, votre réforme était financée par les gains de productivité. Elle ne coûtait rien. Aujourd'hui, elle est financée par un prélèvement qui est récusé par les partenaires sociaux et que le Parlement n'a pas approuvé.

L'opposition doit annoncer la couleur si elle veut être crédible et inspirer à nouveau confiance à une majorité de Français. Nous devrons affecter les fruits de la croissance à la baisse des impôts et des charges. C'est une priorité.

Nous sommes en retard dans ce domaine.

M. le président.

Monsieur Donnnadieu, vous aussi êtes en retard ! Il faut respecter votre temps de parole.

M. Renaud Donnadieu de Vabres.

Nous devrons faire de la fixation des quotas d'heures supplémentaires une affaire conventionnelle, discutée librement entre les partenaires sociaux.

M. Nicolas Forissier.

Très bien !

M. Renaud Donnadieu de Vabres.

Nous devrons garantir un vrai champ d'application à la poliltique contractuelle.

Il peut exister une liberté équitable dans notre pays, qui rende compatibles les réalités économiques incontournables et les aspirations sociales légitimes. Votre politique n'y conduit pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jezan-Yves Gateaud.

Pour vous, les réalités économiques sont toujours incontournables.

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vais essayer de répondre aux différentes interventions.

Avec notre ami Jean Delobel, l'homme - et même, pourrait-on-dire, l'humanité - est entré dans cet hémicycle. On en avait bien besoin.

On dit souvent que l'histoire a un sens. Pour certains, on a l'impression qu'elle va à reculons. Nombre des propos que nous entendons depuis hier présentent en effet des similitudes avec ceux qui étaient tenus il y a un siècle.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Vergnier.

En 1898 a été votée la première loi sur le travail !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'entends dire que cette loi est ringarde.

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne sais pas où est le ringardisme. En tout cas, que voilà des propos intéressants à entendre.

Plus globalement, j'ai cru percevoir un certain malaise, une certaine gêne dans l'opposition...

M. Jacques Masdeu-Arus.

Aucunement !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... à reconnaître ce que nous disons, nous, dans la gauche plurielle, depuis deux ans : à savoir que la réduction de la durée du travail crée des emplois.

M. Lucien Degauchy et M. Jean-Claude Lemoine.

Non !

M. Jacques Masdeu-Arus.

C'est faux !

M. Bernard Accoyer.

Il y a un an, madame la ministre, vous disiez le contraire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Eh bien, maintenant, nous le savons !

M. Lucien Degauchy.

Nous en verrons les résultats dans quelques années.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A l'évidence, cela vous ennuie. C'est peut-être la raison pour laquelle on note une certaine incohérence ou instabilité dans vos propos.

Je n'en donnerai que quelques exemples. Il y a un an, Mme Bachelot n'hésitait pas à dire : « le premier Diafoirus avance le chiffre de 100 000 créations d'emploi ». Ce chiffre était absolument incroyable, inaccessible.

M. Thierry Mariani.

Vous citiez d'autres chiffres.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Or, aujourd'hui, avant même l'application de la loi, nous sommes à 125 000 emplois.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Bernard Accoyer.

C'est faux ! Manipulation !

M. Lucien Degauchy.

On fera le compte dans quelques années !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il est également intéressant de noter, et c'est peut-être ce qui motive votre gêne, que Mme Bachelot, il y a un peu plus d'un an, le 28 janvier 1998,...

Mme Catherine Picard.

C'était avant la gay pride !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... nous disait : « Madame la ministre, si vous avez raison, le volontarisme et la compréhension vont se vérifier sans


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

délai. Pas dans cinq ans, pas dans dix ans : dans les six mois qui viennent, nous serons fixés sur les vertus de votre loi ». Nous sommes en effet aujourd'hui fixés.

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a que vous à être fixée !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous êtes bien les seuls à connaître les chiffres actuels de l'emploi en France.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela gêne manifestement Mme Bachelot puisque, il y a quelques jours, le 7 septembre 1999 exactement, elle nous disait : « La période d'expérimentation n'a pas été assez longue. Il est trop tôt pour en tirer les conclusions définitives. Il faut aller au-delà des six mois ».

M. Bernard Accoyer.

Mme Bachelot a raison !

M. Lucien Degauchy.

Le pain blanc est mangé, le temps du pain noir arrive !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela montre bien votre gêne. Aujourd'hui comme il y a un an vous passez votre temps à nier la réalité et les faits. A cet égard, j'ai pu me rendre compte lors des questions d'actualité que vous aviez du mal à les reconnaître !

M. Nicolas Forissier.

C'est parce que vous les arrangez à votre manière !

M. Bernard Accoyer.

Nous, nous essayons de rétablir la vérité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous allons en parler ! Vous avez porté un certain nombre de critiques contre la première loi, ses conséquences sur l'emploi, sur l'économie française, sur les conditions de travail et sur les PME... Je vais essayer d'y répondre.

Le nombre d'emplois créés ou préservés ne sont pas encore tous occupés, vous avez raison de le dire, et je m'en réjouis. Car, si nous avons réussi l'année dernière à réduire le chômage de 130 000 - ce qui est un record et si, au cours des sept premiers mois de cette année, nous avons fait plus que pendant toute l'année dernière, alors que le taux de croissance est inférieur, il y a des raisons.

M. Lucien Degauchy.

C'était le pain blanc, ça !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si, comme vous le dites si bien, les 126 000 emplois ne sont pas encore réalité, c'est parce que nous en avons encore beaucoup sous le pied. Vous allez voir la réduction du chômage dans les mois qui viennent !

M. Lucien Degauchy.

Nous verrons dans un an ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Contrairement à vous, à l'évidence, moi je fais confiance à ceux qui signent des accords, c'est-à-dire aux chefs d'entreprise et aux salariés qui s'engagent à créer des emplois.

M. François Goulard.

Ce ne sont pas les salariés qui s'y engagent !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si, ce sont les représentants syndicaux ! Mais peut-être niez-vous aussi le syndicalisme ? (Protestations sur les mêmes bancs.)

En ce qui me concerne, je lui fais confiance !

M. François Goulard.

Vous utilisez la caricature comme méthode de raisonnement.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ne m'interrompez pas ! Je vois bien que ma démonstration vous gêne ! Mais laissez-moi terminer ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. le président.

Mes chers collègues, les vociférations n'ont pas grand sens dans un débat de ce genre. Je souhaite que vous écoutiez la ministre avec l'attention que son intervention mérite.

M. Lucien Degauchy.

On ne peut pas laisser dire n'importe quoi !

M. le président.

N'oubliez pas que, dans un siècle peut-être, on vous citera. Je souhaiterais que ce débat n'apparaisse pas comme ridicule.

Vous avez la parole, madame la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci, monsieur le président. Je vais moi-même faire très attention à ce que je dis, pour éviter des citations gênantes dans un siècle ! Que vous le vouliez ou non, les 126 000 emplois créés signifient que, aujourd'hui, 27 % des salariés dans les entreprises de plus de vingt salariés sont couverts par un accord, plus d'un sur quatre, alors que le passage aux trente-cinq heures ne deviendra obligatoire qu'au 1er janvier 2000, et donc en fait en 2001, compte tenu de la période de transition nécessaire à la négociation.

M. Bernard Accoyer.

Ils n'avaient pas le choix !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils n'avaient pas le choix mais ils l'ont fait.

Selon le sondage rendu public hier, qui porte non pas sur votre circonscription, monsieur Accoyer, mais sur des échantillons réalisés par l'IFOP - vous pouvez aussi contester l'IFOP ! - 84 % des chefs d'entreprises qui sont passés aux trente-cinq heures s'en déclarent satisfaits.

Mais peut-être ces pourcentages ont-ils été eux aussi tronqués ou les chefs d'entreprise incités par moi à répondre au sondage ? Vous pouvez tout contester !

M. Bernard Accoyer.

Cela représente quel pourcentage par rapport à l'ensemble des chefs d'entreprise ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je reconnais qu'il ne s'agit pas de ceux qui vous ont écrit, messieurs de l'opposition. Je me propose d'ailleurs, pour vous permettre de voir la vie un peu plus en rose,...

M. Thierry Mariani. Non ! Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... de vous envoyer, dans chacune de vos circonscriptions, un bilan des accords signés. Cela vous permettra de rencontrer des chefs d'entreprise et des syndicalistes heureux, qui ont signé les trente-cinq heures.

M. Lucien Degauchy.

On les attend !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si j'ai toujours été la première à dire qu'il y avait des difficulté s, je ne peux cependant nier que 15 000 chefs d'entreprise manifestent leur opinion non pas à Versailles, mais par la signature d'un accord. Ce n'est pas rien dans notre pays.

Ces 126 000 emplois représentent autant que la réduction du chômage de l'année dernière et ne peuvent être, comme vous le faites, passés par pertes et profits.

Que sont ces emplois ? Selon certains d'entre vous, dont M. Accoyer et M. Goulard, ces emplois sont essentiellement des emplois préservés. Je remarque que vous n'émettiez pas les mêmes réserves sur la loi de Robien.

Pour moi, un emploi préservé, c'est un chômeur en moins, et ceux qui sont concernés savent au moins de quoi l'on parle.

En tout état de cause, sur les 126 000 emplois, 85 % sont des emplois créés et 15 % des emplois préservés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Dominique Dord.

Ces statistiques sont bidon !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vous en prie, nous sommes en démocratie : si même les chiffres sont contestés, ce n'est plus la peine de débattre.

M. Dominique Dord.

Mais ce sont les vôtres !

M. Lucien Degauchy.

On n'a même plus le droit d'oser les contester ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Seillière lui-même n'en est plus là ! Vous mettez encore plus de temps que lui à évoluer, et c'est dire le chemin qu'il vous reste à faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Voulez-vous que je vous fasse livrer l'ensemble des accords avec des noeuds roses dans vos bureaux ? Cela va vous encombrer : il y en a beaucoup ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je continue. Les emplois préservés : 15 %, les emplois créés : 85 %. Sur les emplois publics, un peu de cohérence, là encore ! Plusieurs d'entre vous nous ont dit :

« Que n'appliquez-vous les 35 heures dans la fonction publique ? »

M. Thierry Mariani.

Eh oui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et les mêmes de s'exclamer aujourd'hui : « Mais c'est vraiment effrayant ! Il y a des emplois publics dans ces emplois ! » Il y en a effectivement 18 000, comme l'indiquent toutes les statistiques que nous avons publiées - car, contrairement à ce que vous avez prétendu, nous distingons bien depuis le début les emplois créés et les emplois préservés, les entreprises publiques et les entreprises privées...

M. François Goulard.

Les entreprises publiques, pas les emplois publics ! Quel amalgame !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... les accords aidés et ceux qui ne le sont pas. Il suffit de lire les tableaux pour se rendre compte que la transparence est aujourd'hui de rigueur.

M. René Dosière.

Ils ne savent pas lire !

M. Bernard Accoyer.

Ne vous mettez pas de mauvaise humeur...

M. François Goulard.

Alors qu'elle est si souriante d'ordinaire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne suis pas de mauvaise humeur, mais je suis obligée de parler un peu fort pour essayer de couvrir tout le bruit que vous faites. Je suis de très bonne humeur et croyez bien que je le resterai tout au long du débat, car nous avons tous l'impression, dans la majorité, de travailler à une oeuvre grâce à laquelle les Français vivront mieux et dont beaucoup de chômeurs nous remercieront.

M. René Dosière.

Tout à fait !

M. Bernard Accoyer.

C'est ce que vous disiez en 81 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans ces 125 000 emplois, vous vous étiez demandé avec juste raison, comme nous d'ailleurs, quelle était la part des emplois directement liés à la réduction de la durée du travail et la part de ceux qui auraient été créés ou maintenus en tout état de cause. Le ministère est du reste habitué à mener des études de ce type. M. Barrot n'est pas là, mais il le sait très bien. Nous savons mesurer, et c 'est heureux, les effets des politiques publiques.

Qu'avons-nous fait ? Nous avons examiné l'évolution des effectifs dans des entreprises en situation identique - même secteur, même taille, même type de résultats en comparant, trimestre après trimestre, ce qui se passait dans celles qui ont réduit la durée du travail et dans celles qui ne l'ont pas fait.

M. Lucien Degauchy.

Celles qui ne l'ont pas réduite, ce sont celles qui ne peuvent pas !

M. Gérard Terrier.

Vous resterez toujours aussi nul si vous n'écoutez pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Que voit-on ? Que l'effet sur l'emploi est de 7,5 % dans les entreprises qui ont réduit la durée du travail, et que sur l es 125 000 engagements, créations ou maintiens d'emplois, seulement 10 000 environ auraient eu lieu en tout état de cause, les 115 000 autres constituant l'effet net additionnel.

M. Bernard Accoyer.

Cela n'a aucun sens compte tenu de la diversité des entreprises !

M. Dominique Dord.

Ce bilan est bidon !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour vous, évidemment, comme tout ce que nous disons !

M. Dominique Dord.

Posez la question à la direction des études statistiques de votre ministère !

M. le président.

Monsieur Dord, gardez vos appréciations pour vous, puisqu'elles n'intéressent visiblement que vous ! Et cela ne vous autorise pas à tenir des propos déplacés.

M. Lucien Degauchy.

Ce sont des propos de vérité !

M. Dominique Dord.

Mais ses chiffres sont faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Dord, peut-être faites-vous une confusion. Ces chiffres seront publiés dans quelques jours par la direction du ministère, dont je me plais à relever l'indépendance - ce qui ne fut pas toujours le cas, je tiens à le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Lucien Degauchy.

Cela n'était pas le cas avant vous ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Après les conséquences sur l'emploi, qui, je le reconnais, vous font mal après vos déclarations de l'année dernière et c elles encore de ces jours derniers, M. Goulard, M. Morin, M. Auberger et M. Accoyer, pour ne reprendre que les orateurs les plus virulents, ont dénoncé l'impact qu'auraient les 35 heures sur la compétitivité de la France. Je veux bien tout entendre, mais j'aimerais aussi qu'on regarde ce qu'en disent non pas le service des études de mon ministère, mais le FMI, le BIPE et REXOCODE, c'est-à-dire l'organisme d'études du patronat.

M. Dominique Dord.

Le BIPE dit que cela ne changera rien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tous s'accordent à reconnaître que la France, avec 3,2 % de croissance en 1998, s'est située à 0,5 % au-dessus de la moyenne européenne alors qu'elle était restée à la traîne des autres pays européens, avec 0,5 % de moins sur la période 1993-1997. Peut-être cela est-il dû au vent particulier qui a soufflé sur la France.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Jean-Claude Lemoine.

Non, c'est la conséquence des politiques menées avant vous !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour l'an 2000, tous les instituts placent la France à nouveau en tête ; ainsi, le FMI prévoit 3 % en France contre 2,5 % en Allemagne.

M. Bernard Accoyer.

Mais pas en tête pour la réduction du chômage, et c'est bien là le problème !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous y reviendrons, monsieur Accoyer, ne changez pas sans arrêt de terrain ! Je vous réponds pour l'instant sur la croissance, puisque vous m'avez parlé de la croissance.

Mais je répondrai également sur le chômage, et avec grand plaisir car, là aussi, nous sommes très nettement en avance.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous vous satisfaites des chiffres du chômage en France ? Vous êtes bien la seule !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le seul pays qui a réduit le chômage plus que nous en Europe depuis deux ans, c'est l'Espagne, mais elle partait de beaucoup plus bas.

M. François Goulard.

Mais voyons, ce n'est pas vrai ! En proportion, c'est tellement faux ! Et la Finlande, le Portugal, et j'en passe ?

M. Bernard Accoyer.

Elle dit n'importe quoi ! La presse appréciera !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais peut-être là encore mes chiffres sont-ils bidon ? Ce sont pourtant ceux de la Dresdner Bank et de la Commission européenne ! Décidément, rien ne trouve grâce à vos yeux ! (Exclamations sur les bancs du du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Fleury.

Monsieur le président, faites-les taire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et je n'évoque même pas les sentiments des investisseurs étrangers : nous les connaissons.

M. Bernard Accoyer.

La presse appréciera !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet, la presse appréciera !

M. le président.

Si vous voulez qu'elle apprécie, mon-s ieur Accoyer, peut-être serait-il bon qu'elle puisse entendre. Auquel cas, le mieux serait que vous vous taisiez !

M. Lucien Degauchy.

Peut-être voulez-vous que nous écoutions religieusement ? C'est à se demander ce que nous faisons là !

M. le président.

Madame la ministre, poursuivez, je vous en prie.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Merci, monsieur le président.

J'ai entendu dire ensuite que la France était le pays qui avait déjà le temps de travail le plus bas. Là aussi, la presse appréciera. Les données les plus récentes émanent de l'OCDE, un institut dont chacun sait qu'il est bidon,...

M. Bernard Accoyer.

L'OCDE est justement très critique sur la réduction du temps de travail !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Données récentes, disais-je, puisqu'elles datent de 1998. Elles montrent que la France se situe dans une position très moyenne en matière de durée du travail, avec une durée annuelle de 1 656 heures.

M. François Goulard.

Mais avec le taux d'activité le plus faible !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C omparons avec nos principaux concurrents : 1 574 heures en Allemagne, soit quatre-vingts de moins, et même 1 558 si je ne prends que l'Allemagne de l'Ouest, 1 399 heures en Norvège, 1 359 heures aux Pays-Bas, 1 552 heures en Suède... Tous ceux-ci resteront en dessous de la France, même lorsque nous aurons ramené à 35 heures la durée du travail hebdomadaire.

M. François Goulard.

Ce n'est pas sérieux ! Ce sont des moyennes, en comptant le temps partiel !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cette réalité n'est pas la mienne, c'est celle de l'OCDE. Il n'y a donc pas d'exception française en Europe, sinon une : dans notre pays, le processus de réduction du temps de travail s'est interrompu depuis quinze ans. En effet, la durée annuelle du travail ne s'est réduite que de 55 heures en France, soit 3,3 % depuis quinze ans, alors qu'elle a baissé de 58 heures en Finlande, de 86 heures en Norvège, de 103 heures en Espagne, de 106 heures en Allemagne, de 171 heures aux Pays-Bas et de 206 heures au Japon.

M. Lucien Degauchy.

Et la retraite, à quel âge ?

M. François Goulard.

Et le taux d'activité ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La France faisait bien sûr ce plan exception : nous ne faisions pas reculer la durée du travail. Ce sera maintenant chose faite.

J'ai également entendu dire que la réduction de la durée du travail allait dégrader les conditions de travail.

Là encore, vous me répondrez que la SOFRES fait des sondages bidons : elle nous apprend quand même que 83 % des salariés déjà passés à 35 heures se déclarent satisfaits de leur situation.

M. Dominique Dord.

Heureusement qu'il y a les sondages !

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas la question !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un certain nombre de salariés s'inquiètent effectivement pour leurs conditions de travail, je l'ai dit hier. Il se peut, c'est vrai, que les surcharges de travail ou les stress se multiplient spontanément, avec ou sans réduction de la durée du travail. Il faut nous en préoccuper, j'en suis bien d'accord. Mais on ne peut pas dire tout à la fois, comme M. Gengenwin, que la loi serait un corset pour les entreprises et que les salariés seraient victimes de la flexibilité.

Il faut choisir ! La vérité, c'est que nous nous efforçons de concilier la sécurité et la souplesse ; ce n'est pas toujours facile.

Je ne vous ai pas beaucoup entendu parler des effets de la réduction du temps de travail sur les conditions de vie, mais Marisol Touraine, Marie-Françoise Clergeau, Jean Delobel nous ont rappelé combien les salariés, au-delà de leurs conditions de travail, appréciaient l'amélioration de leurs conditions de vie.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Encore heureux ! C'est évident !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. Lucien Degauchy.

Ce sera encore mieux quand on sera à vingt heures !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai essayé de vous écouter depuis deux jours, sans parler, ...

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas vrai !

M. François Goulard.

Nous n'en avons pas eu le sentiment !

M. Thierry Mariani.

Vous discutiez, vous étiez distraite !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et j'ai pris beaucoup de notes. La preuve, c'est que je vous réponds ou du moins j'essaie, et avec la plus grande précision.

Nous avons aussi entendu bien des choses sur les petites et moyennes entreprises. Plusieurs dispositions ont déjà été prises dans la première loi pour en adapter les modalités aux petites entreprises, aussi bien en termes de délais qu'en termes d'aides. Nous poursuivrons cet effort dans la seconde loi. J'ai vu que la commission avait adopté des amendements qui allaient encore plus loin dans ce sens et je ne peux que la rejoindre sur ce plan.

Vous avez été nombreux à souligner les pénuries d'emploi que l'on constate effectivement dans certains secteurs. Mais j'ai également entendu tenir des propos assez surprenants, comme si nous devions déjà nous considérer en période de plein emploi.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

A vous entendre, on le croirait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Justement, non, je sais qu'il y a encore beaucoup d'efforts à faire : c'est pourquoi je me bats pour les 35 heures, car il faut encore créer des emplois pour que le chômage continue à baisser. Même s'il a chuté fortement, nous avons tous conscience que cela reste nettement insuffisant...

M. Dominique Dord.

Bien nettement insuffisant !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les pénuries d'emploi se rencontrent dans des secteurs bien précis : le bâtiment, l'artisanat, le commerce...

M. Bernard Accoyer.

La mécanique de précision ! Le décolletage !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vais y venir.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il ne connaît que cela !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans le décolletage et ailleurs : j'ai bien entendu ce que vous avez dit, monsieur Accoyer. Mais il n'y a pas que le décolletage de vos vallées de Haute-Savoie. La France est un grand pays, nous avons d'autres secteurs d'activités dont les représentants discutent avec nous et que vous a uriez peut-être intérêt à rencontrer. Ces secteurs connaissent en effet des pénuries de main-d'oeuvre. Le président de l'UPA lui-même...

M. François Goulard.

Ah !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Sans doute lui aussi tient-il des propos bidons ? Car ils ont de quoi vous gêner !

M. François Goulard.

Personne ne connaissait l'UPA auparavant !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il représente quand même 850 000 entreprises - ce n'est pas rien - et admet que, globalement, le projet de la seconde loi va dans le bon sens.

Or M. Delmas, le président de l'UPA...

M. François Goulard.

Saint Delmas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... les présidents de la CAPEB, de la CGAD, des hôtels-cafésrestaurants, ont signé avec Maylise Lebranchu et moimême il y a quelques jours, un accord qui conclut un an de travail. Dans quel but ? Pour traiter le problème de la pénurie de main-d'oeuvre et de l'insuffisante attractivité des métiers du commerce, du bâtiment et de l'artisanat, qui ne date pas des 35 heures. A quoi ce phénomènee st-il notamment lié ? Ils ont le courage de reconnaître : au fait que les jeunes ne veulent plus venir dans des secteurs où l'on travaille quarante-cinq ou cinquante heures par semaine.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Parfaitement. Ils l'ont dit devant la commission !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Disons simplement les choses : ce secteur, pour lequel le passage aux 35 heures était sans doute le plus difficile, a eu l'intelligence d'avoir saisi cette chance, avec celle que constituait par ailleurs la baisse des charges sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est pour eux l'occasion de se moderniser, de modifier leur organisation du travail, de baisser la durée du travail et ainsi de pouvoir attirer de nouveau des jeunes sur de vrais métiers où la possibilité de promotion sociale est tout à fait réelle, puisque 80 % des nouvelles entreprises y sont créées par d'anciens salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Lucien Degauchy.

Elle rêve !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

De notre côté, nous mobilisons l'école, les missions locales, l'ANPE pour mettre en place des formations particulières et sensibiliser les jeunes.

M. Lucien Degauchy.

Ce n'est plus du rêve, c'est du délire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Essayez au moins de ne pas être aussi désagréablement odieux... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Franchement, vous êtes mal élevés ! (Protestations sur les mêmes bancs - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Si ma grand-mère vous entendait ! (Sourires.)

Quand je pense que vous prétendez en permanence défendre des valeurs à l'opposé de ce que vous êtes ! Cela en devient parfois exaspérant !

M. Nicolas Forissier.

C'est incroyable !

M. Jacques Godfrain.

Allons, maîtrisez-vous !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

D'accord, on est mal élevés : on est des sauvageons ! (Rires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Que voulez-vous : dans ma famille, on ne m'a pas appris à parler comme ça. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je ne vous traite pas de débiles ou de délirants, moi ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et pourtant, elle pourrait !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Parfois, l'envie ne m'en manque pas, mais je me retiens.

(Sourires.)

M. Jacques Godfrain.

Restez calme ! Nous aussi sommes respectables !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à fait. Nous travaillons donc à résoudre des problèmes structurels que le retour de la croissance a rendus encore plus aigus : dans ces secteurs, on recherche aujourd'hui de la main-d'oeuvre. Pour ma part, je me réjouis que les dernières mesures aient justement été prises dans le bâtiment ou les secteurs du commerce. Nous travaillons avec eux, nous allons mettre en place des formations particulières et surtout sensibiliser les jeunes.

J'en arrive à la seconde loi. M. Morin, M. Gengewin et Mme Bachelot l'ont trouvée complexe. Mme Bachelot a même tenu des propos qui m'étonnent d'elle : le régime des heures supplémentaires, a-t-elle dit, aurait été inventé par quelque technocrate « givré ». Elle n'emploie pas habituellement de tels termes... Je soutiens l'ensemble de mes fonctionnaires du ministère et je ne saurais les accepter. Disons les choses simplement. Ou la loi est rigide et générale, avec le même dispositif qui s'applique à tous, et vous nous répondez avec juste raison que c'est un carcan,...

M. Thierry Mariani.

Un corset !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... ou bien la loi essaie de prendre en compte la diversité des entreprises, la complexité de la situation sociale que vousmême avez décrite à travers celles que vous êtes allés visiter, auquel cas nous sommes obligés d'analyser des situations très diverses : la taille, les secteurs, les modes d'organisation. C'est ce que nous avons fait pour essayer de coller à la réalité des entreprises.

M. François Goulard.

Ce n'est pas la réalité des entreprises !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans beaucoup de domaines, M. Jacques Barrot l'a d'ailleurs reconnu, nous avons déjà bien simplifié la législation sur la durée du travail. Sans doute y a-t-il encore des progrès à faire, mais nous avons en tout cas fait un premier pas dans ce sens.

M. Lucien Degauchy.

C'est une usine à gaz !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai été en revanche très heureuse d'entendre plusieurs orateurs, tels Gérard Terrier, Jacques Rebillard ou Alain Veyret, nous rappeler combien il était important de trouver le bon équilibre entre la loi et la négociation, et c'est peutêtre un des mérites de ce texte. Ils y ont insisté à juste raison : nous devons trouver l'équilibre entre une loi qui apporte des garanties protectrices et une négociation qui définisse les conditions concrètes de la réussite des 35 heures. "Equilibre subtil", a dit Alain Veyret. Je l'approuve.

M. François Goulard.

Il est bien élevé, lui !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est bien pour cela que plusieurs points donnent lieu à discussion au sein de la majorité plurielle. Car il faut trouver la bonne ligne de partage : nous devons tout à la fois apporter les garanties et les sécurités nécessaires - Alain Néri a parlé d'une loi de précaution - pour les salariés comme pour les entreprises, tout en laissant le maximum de place à la négociation au plus près des intérêts de chacun.

Cette seconde loi ne respecterait pas les accords, a-t-on prétendu ensuite.

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, ce n'est pas vrai. Tout au contraire, ces accords ont servi de base à la préparation du texte. Le travail du rapporteur comme celui de mon ministère ont permis de traiter des problèmes que nous n'avions pas pu régler avant.

M. François Goulard.

Et les 1 600 heures ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'y viens, puisque vous en parlez. Il suffit d'appuyer sur un bouton, je réponds aussitôt. (Sourires.)

M. Alain Tourret.

C'est l'arme atomique !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Seuls 7 % des accords sont allés au-delà.

M. Dominique Dord.

Ils sont presque tous entre 1 610 et 1 640 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien sûr que non. Si vous le souhaitez, je vous distribuerai demain l'ensemble des accords, avec le tableau. Vous avez d'ailleurs tous reçu le bilan sur la durée du travail ; vous y trouverez les chiffres précis.

M. Jacques Godfrain.

Ne racontez pas cela !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Dans tous les cas, les accords sont validés. Dans bien des cas, les 1 600 heures ne sont dépassées que de quelques heures, qui donneront lieu à bonification ou majoration.

En ce qui concerne par exemple les 217 jours pour les cadres, pratiquement tous les accords d'entreprises se situent entre 205 et 217 jours. Seuls deux accords de branche - sur 110 - prévoient aujourd'hui une fourchette de 216 à 219. Autant dire que cela reste très marginal.

Nous n'avons pas étendu essentiellement les clauses des accords qui contournaient volontairement la loi - certains s'étaient affichés en tant que tels, par exemple ceux qui excluaient totalement les cadres en les mettant au forfait ou ceux qui voulaient faire travailler le dimanche les salariés de secteurs dans lesquels le code du travail ne le permettait plus depuis longtemps.

A ce propos, il est faux de penser que l'accord de l'industrie textile ne serait pas applicable - et j'en viens par cette occasion au contingent d'heures supplémentaires.

Depuis 1978 il est tout à fait possible de fixer un c ontingent d'heures supplémentaires au-delà des 130 heures. La première loi l'a reconnu ; la seconde le maintient. En d'autres termes, l'industrie textile peut parfaitement fixer un contingent à 160 ou 170 heures dans un accord de branche étendu. Mais cela ne lui enlève pas l'obligation d'appliquer le repos compensateur de règle depuis 1978. Du reste, jamais elle n'aurait pu signer une telle clause, car vous pensez bien qu'elle n'aurait pas reçu l'accord de l'ensemble des organisations syndicales.

Si vous pensez qu'il faut changer la loi de 1978, dites-le, ne nous dites pas que vous voulez faire appliquer les accords. Ce qu'ont signé les syndicats, c'est essentiellement la possibilité d'un contingent plus élevé sans solliciter l'accord de l'inspection du travail, tout en appliquant évidemment le repos compensateur. Le président de la fédération du textile ne vous dira pas autre chose ; sinon, il est probable que les cinq organisations syndicales retireraient immédiatement leur signature. Je puis donc vous rassurer : l'accord textile s'inscrit totalement dans le champ de la deuxième loi et ne pose aucun problème d'application.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

De la même manière, Jean-Claude Lemoine s'inquiétait de l'accord FEHAP. Je puis lui annoncer que cet accord a été étendu cet après-midi même, après que des propositions complémentaires nous ont été présentées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A cet égard, je suis un peu étonnée, messieurs de l'opposition, que vous nous reprochiez de faire preuve de rigueur. Le but est justement d'éviter que l'Etat, les conseils généraux, les communes ne soient obligés de prendre en charge des déficits lorsque les accords ne sont pas équilibrés. Dorénavant, ils le seront. L'accord FEHAP a donc été agréé.

J'en arrive au problème des salaires. Quel bonheur que de vous entendre soutenir le SMIC avec autant d'acharnement !

M. Gérard Bapt.

Ils voulaient le supprimer !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Eh oui !

M. Alain Tourret.

C'est vrai !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est vous qui le supprimez !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela mériterait un regard plus approfondi, monsieur Donnedieu de Vabres. Pour commencer, il n'existe pas de SMIC mensuel en France.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je l'ai dit.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous vous êtes en effet rattrapé quand on vous l'a fait remarquer.

M. François Goulard.

Non, non !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pour ma part, j'ai combattu, comme l'ensemble des organisations syndicales, l'idée d'uu salaire mensuel ou annuel, que le CNPF demande depuis vingt-cinq ans. Car l'instauration d'un salaire mensuel, qui intégrerait les primes d'ancienneté, les primes d'assiduité, l'ensemble des primes, permettrait du même coup de baisser le taux de salaire horaire, qui est et restera la référence dans notre pays.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Pas dans la vie quotidienne !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ne déguisez pas une revendication patronale sur le SMIC mensuel en mesure protectrice pour les salariés. Ce serait l'inverse.

Pour le reste, il faut savoir que, dans 88 % des cas, les salariés ont vu leur salaire maintenu - 100 % des cas en ce qui concerne le SMIC - et que le taux d'augmentation du pouvoir d'achat des salaires cette année, je le rappelais hier, est le record de ces vingt dernières années. On ne peut donc prétendre que le pouvoir d'achat des salariés y a perdu.

Alain Vidalies a soulevé, avec raison, les problèmes d'application du SMIC. Je répète que le SMIC s'appliquera aux nouvelles entreprises - au prorata de leurs horaires pour les travailleurs à temps partiel. Votre collègue nous invite à réfléchir et à trouver, pour les nouvelles entreprises, une solution sans effets pervers. Nous recherchons cette solution...

M. François Goulard.

Depuis deux ans !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et nous y travaillons dans l'esprit qui anime la majorité plurielle : réussir les 35 heures et trouver des solutions aux problèmes qui peuvent se poser.

S'agissant du temps partiel, Alain Vidalies, André Vauchez et Mme Jacquaint se sont demandés si nous ne pouvions pas encore améliorer le projet. Je l'ai dit hier, ce n'est pas facile, car il n'est pas facile de savoir, pour chaque salarié, s'il est volontaire pour une certaine durée du travail ou si elle lui est imposée et qu'il considère qu'il est ainsi précarisé. Nous devons donc faire en sorte, par d es délais de prévenance en cas de changements d'horaires, par une réduction des heures complémentaires, par des rémunérations par rapport aux heures complémentaires permanentes, entre autres, que le travail à temps partiel soit davantage choisi et moins subi qu'il ne l'est aujourd'hui.

Odile Saugues, comme d'autres élus de circonscriptions où sont implantés des établissements de la société Michelin, a soulevé la question des plans sociaux. Il est frappant de constater que, dans notre pays, de plus en plus d'entreprises déposant des plans sociaux recourent à la réduction de la durée du travail - avec pour conséquence les emplois préservés dont nous parlions tout à l'heure.

Qu'un accord soit signé sur la durée du travail ou, du moins si l'on n'y aboutit pas, qu'une réelle négociation puisse s'engager avant même le dépôt du plan social, qui est l'acte qui symbolise le licenciement, va dans le bons ens et le Gouvernement soutiendra l'amendement.

(« Très bien » sur les bancs du groupe socialiste.)

Selon Mme Bachelot, la réduction du temps de travail pour les femmes, c'est moins de temps pour soi, plus de temps pour les autres. Quant à moi, j'ai été rassurée par les sondages.

M. Dominique Dord.

Oh, les sondages !

M. Thierry Mariani.

On leur fait dire ce qu'on veut !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il faut bien se forger une appréciation. D'ailleurs vous avez vousmême fait réaliser des sondages dans toutes vos circonscriptions.

Je me fie à ceux des instituts qui nous montrent que les choses bougent dans notre pays, et qu'aujourd'hui les hommes aussi ont envie de s'occuper de leurs enfants, de leur famille ; personnellement, je m'en réjouis.

Pour la première fois, avec la réduction de la durée du travail, et grâce aux nombreuses femmes qui ont négocié ces accords, nous avons fait entrer la vie hors travail dans la négociation d'entreprise, en tenant compte par exemple des vacances scolaires, des heures de sortie des écoles ou des crèches pour aménager le temps de travail. A cet égard, nous devons tous saluer le travail effectué par Mme Génisson, qui vient de remettre au Gouvernement un rapport sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Un certain nombre d'amendements ou de dispositions qui étaient déjà dans le projet de loi vont la renforcer.

Selon moi, la réalité est plus conforme à ce qu'a décrit Yves Cochet. Les femmes n'ont rien à craindre, surtout avec les amendements qu'ont déposés certains de nos amis ici présents : la réduction de la durée du travail peut être, au contraire, une chance historique pour elles en favorisant un réel partage des tâches et elles pourront cesser de se poser le problème de l'articulation entre leur vie personnelle et leur vie professionnelle.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

A juste titre Jean-Pierre Pernot a souligné qu'il fallait du courage pour aborder la question des cadres. D'ailleurs, l'année dernière, personne ne croyait qu'on arriverait à la résoudre. A ce sujet, je partage l'avis de M. Vidalies ; il faut que les trois catégories que nous avons retenues, et qui sont le fruit de la négociation, soient, dans l'accord proprement dit, définies de manière précise, même si nous savons - c'est ce que nous apprennent les études du ministère - qu'environ 58 % des cadres appartiennent à une équipe collective de travail et appliqueront donc la durée collective du travail.

M. Lindeperg comme M. Malavieille nous ont expliqué comment le texte pourrait encore être amélioré afin de sécuriser la formation d'adaptation, de prendre en compte le souhait des salariés d'accéder à une formation qui ne soit pas seulement professionnelle et de garantir les acquis de la formation.

Certes, c'est dans la loi que Mme Péry est en train de préparer que nous aurons les réponses de fond à ces questions. Mais les propositions contenues dans les amendements que votre commission a commencé à examiner vont dans le bon sens et méritent une grande attention.

J'en arrive, dernier point, au financement des trentecinq heures. Le coût en serait exorbitant...

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... si l'on en croit M. Morin, M. Barrot et Mme Bachelot.

Mais il l'est beaucoup moins que celui de la loi Robien...

M. François Goulard.

Combien de milliards ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... dont je rappelle qu'elle prévoyait une aide d'autant plus importante que le salaire était élevé.

Quant à la baisse des charges sociales, elle va au-delà du coût de la réduction du temps de travail.

M. Patrick Delnatte.

C'est faux !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il aurait sans doute été plus simple, comme l'ont préconisé certains d'entre vous, d'en faire financer la totalité par l'Etat, c'est-à-dire par le contribuable. C'est ce que vous avez d'ailleurs fait quand vous avez mis en place la ristourne dégressive. Et ces 40 milliards ont probablement pesé beaucoup sur la consommation, la croissance et l'emploi ces dernières années.

Nous, nous n'avons pas fait ce choix. Nous avons préféré gager le surcoût de la baisse des charges par une taxe sur les entreprises polluantes,...

M. Bernard Accoyer.

C'est pareil ! C'est un prélèvement supplémentaire.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... et l'aide structurelle à la réduction de la durée du travail par tous ceux qui bénéficieront de la création d'emplois : l'Etat, la sécurité sociale et, du moins nous le pensions, l'UNEDIC.

M. Bernard Accoyer.

C'est tout à fait anticonstitutionnel ! C'est un nouvel impôt !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il doit être dans la loi, j'en suis totalement convaincue.

Mais, le Président de la République nous l'a rappelé ce matin, nous sommes tous, dans ce pays, attachés au paritarisme et aux relations sociales. Et c'est précisément pour laisser plus de place à la négociation que nous avons souhaité prendre un peu plus de temps pour discuter avec les partenaires de l'UNEDIC. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais le Parlement, bien évidemment, aura connaissance de tous les éléments.

Je vous rappelle, mesdames, messieurs les députés de la droite, que nous n'en serions pas là si, en 1993, vous n'aviez pas signé un accord avec l'UNEDIC, à l'époque en déficit, par lequel l'Etat avait mis sur la table 35 milliards de francs...

M. Thierry Mariani.

Qui était au pouvoir avant 1993 ? C'était votre héritage !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... alors même que, dès 1994, l'UNEDIC retrouvait un excédent et que les années suivantes les cotisations patronales étaient abaissées.

De la bonne utilisation de l'argent public, parlons-en !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Mais en 1993, c'était votre facture !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Moi, quand j'avais signé un accord avec l'UNEDIC en 1992, j'avais prévu une clause de retour à bonne fortune. C'est ainsi qu'on gère bien les crédits de l'Etat. Alors, ne nous donnez pas de conseils en la matière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je termine en assurant à M. Gremetz que nous faisons très attention à l'utilisation des impôts de nos concit oyens. Effectivement, chaque franc doit être bien dépensé, avec des contreparties - c'est le cas pour l'emploi - et sans payer de cotisations qui, par la suite, entraîneront des réductions pour les employeurs.

Bien sûr, la réduction de la durée du travail doit avoir lieu dans le secteur public, M. Gremetz a insisté sur ce point avec juste raison.

M. Dominique Dord.

Ça peut attendre ! Après 2002 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il sait qu'après le rapport Roché, des consultations sont déjà engagées dans la fonction publique d'Etat, et que nous sommes en train de travailler sur la fonction publique hospitalière. Les fonctions publiques, dans leur ensemble, ne peuvent rester en dehors de ce mouvement. Nous devons les y engager avec détermination.

Finalement, Catherine Génisson a dit l'essentiel : au sein de la gauche plurielle il y a des débats sur les trentecinq heures, des débats parfois animés, mais nous avons un point commun, que je n'ai pas retrouvé de l'autre côté : la recherche de la création maximale d'emplois.

C'est le seul souci qui nous anime.

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas vrai ! Vous avez abandonné toute référence à la création d'emplois !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et pour tous les problèmes que vous avez soulevés les uns et les autres et que le Gouvernement travaille à résoudre avec la commission et le rapporteur, nous cherchons effectivement à donner à notre loi sur les trente-cinq heures un effet maximum à cet égard ; ce qui n'empêche pas, Marisol Touraine l'a souligné, que cette loi est une grande loi de conquête du temps libre, élément majeur dans notre société.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Nous allons continuer à avancer. Gérard Terrier nous a recommandé de garder son équilibre à ce texte tout en l'enrichissant. J'en fais ma devise, si vous le voulez bien, pour le reste du débat et je remercie ceux qui y contribueront. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur de nombreux bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Gremetz n'applaudit pas mais dans une semaine il le fera !

M. le président.

Nous allons mes chers collègues suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Motion de renvoi en commission

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, « quand l'entreprise a deux salariés, le gérant et l'employé, si l'employé ne travaille plus que 35 heures, qui doit faire les heures manquantes ? » Voilà la question d'une entreprise, Hôtel Villa Eolia, à Puyméras.

« Les PME et artisans représentent, vous le savez bien, la plus grosse entreprise française. Actuellement, rien n'est étudié spécifiquement pour ceux-là. Doit-on mettre en péril des milliers de petites entreprises pour passer aux 35 heures ? » Témoignage de la SARL Galder de Bollène.

« Madame la ministre, laissez-nous travailler tranquillement ! » Société ADEMI à Mirabeau.

« Madame la ministre, ne pensez-vous pas que le fait de réduire le temps de travail va laisser encore plus de possibilité aux gens pour travailler clandestinement ? » Réflexion d'une société de Valréas, ARTIS plomberie chauffage.

« Madame la ministre, pour créer des emplois, arrêtez de nous racketter avec les prélèvements obligatoires, diminuez les charges sociales des entreprises, stoppez les pénalités et majorations de retard quand nous ne pouvons pas payer à la date précise. » Un témoignage de plus

: société ARTMECA, à Richerenches.

« Madame la ministre, j'ai une entreprise de quarantesix salariés. Notre entreprise ne fait que de la prestation de service. Comment dois-je faire pour supporter 11,6 % de charges supplémentaires avec une marge de bénéfice de 2,5 % ? »

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous citez abondamment !

M. Michel Hunault.

C'est une vraie question !

M. Thierry Mariani.

C'est effectivement une vraie question, et c'était un témoignage de la SARL Fargas, de Piolenc.

Dernier témoignage, parce que nous faisons nous aussi des sondages, sans obtenir visiblement les mêmes réactions : « Madame la ministre, je crains que les salariés ne soient les premiers à pâtir de ce texte car ils devront obligatoirement partager leurs gains. » Etablissement Val-

verne, de Bollène.

J'aurais pu vous citer plus de 400 réflexions de ce style puisque, comme Bernard Accoyer, Jacques Masdeu-Arus, Serge Poignant et d'autres parlementaires de l'opposition, j'ai envoyé un questionnaire à plus de 3 000 entreprises de ma circonscription. A ce jour, plus de 500 d'entre elles m'ont répondu, et je dois dire que je n'arrive absolument pas aux mêmes conclusions que vous sur l'enthousiasme des entreprises à propos de ce texte.

M. Michel Vergnier.

De toute façon, les chefs d'entreprise n'ont pas tous répondu !

M. Thierry Mariani.

J'arrêterai ici les citations, mais sachez que je pourrais les multiplier, parce que les sondages que chacun de nous fait dans sa circonsription donnent, hélas !, le même résultat.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Marcel Rogemont.

C'est faux !

M. Thierry Mariani.

D'ailleurs, la forte mobilisation des chefs d'entreprise lundi dernier a démontré, s'il en était besoin, l'hostilité du monde du travail à votre projet de loi.

J'avoue, madame la ministre, avoir fait le trajet par le train lundi matin avec les chefs d'entreprise de mon département qui allaient à la manifestation du MEDEF.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Marcel Rogemont.

Des chefs d'entreprise ! Pas tous !

M. Thierry Mariani.

Il ne s'agissait pas des patrons de grands groupes multinationaux.

M. Bernard Accoyer.

Parce que, eux, ils savent ramasser les primes et enlever les emplois !

M. Thierry Mariani.

Il s'agissait simplement de petits entrepreneurs qui travaillent sans compter, qui se posent des questions, qui ont peur de l'avenir et des lois que vous leur votez.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Thierry Mariani.

Et j'avoue, mais peut-être est-ce pour vous un crime, être allé assister à la manifestation du MEDEF.

M. Marcel Rogemont.

A chacun ses manifs !

M. Thierry Mariani.

Exactement ! Je ne vois pas en quoi les nôtres seraient plus infamantes que les vôtres !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je n'ai jamais dit cela !

M. Thierry Mariani.

Non mais, sur certains bancs de votre majorité, cela semble choquer qu'on dise être allé à une manifestation du MEDEF ! Je crois qu'on a le droit d'être attentif à toutes les préoccupations.

Au sein de l'opposition, avec le groupe Démocratie libérale, le groupe UDF et, bien sûr, le groupe RPR, nous avons auditionné pendant une bonne partie de l'été des responsables syndicaux de tous les bords, de la CGT, à l'UPA, que vous citez désormais abondamment. A l'époque, Dieu sait qu'on n'avait pas la même réaction du

président

! Les chefs d'entreprise que nous avons contactés n'ont effectivement pas la même analyse que vous sur votre texte.

En dépit de l'enjeu capital de ce projet de loi, c'est sans passion excessive, sans a priori et sans esprit partisan que je souhaiterais aborder cette motion de renvoi en commission.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

C'est en m'appuyant sur des exemples concrets, comme je viens de le faire, sur des questions que se posent nos concitoyens, c'est à la lumière des remarques de celles et de ceux qui, demain, devront vivre au quotidien les 35 heures que nous avons fondé notre réflexion sur votre projet de loi.

Mon intervention essaiera modestement de se faire l'interprète des nombreuses questions et difficultés soulevées par votre texte.

Votre texte nous est présenté comme un remède au fléau du chômage.

Je pense que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous avons la même volonté de lutter contre le chômage.

Je pense, comme vous, que tout doit être tenté, expérimenté, pour essayer d'endiguer durablement ce phénomène qui touche tous nos concitoyens.

Cependant, nous considérons que votre texte, loin de satisfaire à son objectif premier qui est de lutter contre le chômage, risque bien d'aggraver la situation.

En effet, votre projet de seconde loi sur les 35 heures met en place un dispositif complexe, contraignant et coûteux, qui a pour principale caractéristique de ne satisfaire quasiment personne.

Il ne satisfait ni les entreprises, sur lesquelles reposera la charge de la réduction du temps de travail, ni les salariés, qui devront s'adapter aux contraintes de la flexibilité et accepter un gel, sinon une baisse de leur rémunération.

Votre vision autoritaire de la négociation collective, votre approche archaïque de la société et de l'entreprise, risquent bien d'entraîner notre pays dans une aventure pour le moins hasardeuse. Je dirai même que votre texte témoigne de votre obstination, mesdames, messieurs les membres de la majorité plurielle, à persévérer dans l'erreur.

M. Dominique Dord.

Diabolicum !

M. Thierry Mariani.

En effet, le bilan plus que mitigé de votre première loi...

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas vrai ! Intox ! Propagande !

M. Thierry Mariani.

... aurait dû vous amener à réfléc hir et à changer votre position sur ce point : 120 000 emplois, vous nous présentez aujourd'hui ce chiffre comme un triomphe.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il fallait en faire autant !

M. Thierry Mariani.

Nous étions un certain nombre présents sur ces bancs il y a un an et demi et, à l'époque, on nous brandissait une étude de la Banque de France prévoyant 700 000 emplois en trois ans et une étude de l'Observatoire français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) ... Vous voulez que l'on ressorte le Journal officiel ?

M. Marcel Rogemont.

Votez la loi avant d'en calculer les effets !

M. Thierry Mariani.

On nous brandissait également une étude de l'Observatoire français de conjoncture économique et on laissait entendre une création de 480 000 emplois. Selon vos chiffres, 120 000 emplois ont été créés. Permettez-nous, une fois de plus, de contester ces résultats. Vous sous-estimez les effets d'aubaine. Pourtant, ce résultat est nettement inférieur à ce que vous espériez.

M. Marcel Rogemont.

Il est supérieur à ce que vous espériez ! Et cela vous embête bien ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jacques Masdeu-Arus.

C'est pour la France que cela nous embête !

M. Thierry Mariani.

Bref, votre première loi, par son bilan bien maigre, aurait dû vous amener à réfléchir et à changer de position.

Avant d'en venir au fond de votre dispositif, je souhaiterais dire quelques mots sur le caractère autoritaire de votre démarche, qui, à notre sens, hypothèque gravement ses chances de réussite.

Votre texte a pour titre, madame la ministre, « projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail ». J'avoue qu'il faut avoir un certain humour pour mettre dans le titre « réduction négociée » quand la loi fait exactement le contraire ! Permettez-moi de vous dire que nous considérons que vous avez une bien curieuse conception de la notion de négociation.

Comme je l'expliquais tout à l'heure, nous ne sommes pas opposés par principe à une réduction du temps de travail.

Bien au contraire, nous considérons que, partout où cela est possible, dans toutes les entreprises qui le peuvent, qui le veulent, dans toutes les structures où la réduction du temps de travail permettra de gagner des emplois, nous devons tout faire pour encourager et favoriser une telle réorganisation du travail.

Le point essentiel sur lequel nous sommes en total désaccord avec vous, c'est que votre projet de loi, tel qu'il est rédigé, impose à toutes les entreprises, quelles que soient leur activité, leur taille, ou leur organisation actuelle, une réduction autoritaire, obligatoire et massive du temps de travail sous peine de sanctions.

Mme Odette Grzegrzulka.

Caricature !

M. Thierry Mariani.

Comment voulez-vous sérieusement que, dans une entreprise de moins de dix salariés, le passage aux 35 heures puisse créer un emploi ? Prenons l'exemple d'une entreprise de cinq salariés composée d'une secrétaire, de trois ouvriers et d'un commercial,...

M. Bernard Accoyer.

Ça, c'est du concret.

M. Thierry Mariani.

... une structure classique comme il en existe déjà des milliers. En passant de 39 à 35 heurese ffectives, cette entreprise va théoriquement libérer 20 heures de travail par semaine. Or 20 heures de travail, ce n'est pas assez pour créer un poste à temps plein. Et quand bien même l'entreprise créerait un emploi à temps partiel, comment voulez-vous trouver une seule personne polyvalente au point de pouvoir effectuer une partie du travail de la secrétaire, des ouvriers et du commercial ?

M. Bernard Accoyer.

Et voilà !

M. Thierry Mariani.

Si vous connaissez cette perle rare, mes chers collègues, je pense que de nombreux chefs d'entreprise seront intéressés. (Exclamations sur divers bancs.)

A travers ce simple exemple,...

M. Marcel Rogemont.

Simplet !

M. Thierry Mariani.

... vous comprendrez bien que, dans de telles structures, il est absolument impossible de réduire le temps de travail en créant un emploi supplémentaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

M. François Goulard.

C'est ce qu'ils disent dans les questionnaires !

M. Thierry Mariani.

Absolument.

Mme Odette Grzegrzulka.

On va créer des emplois fictifs !

M. Thierry Mariani.

L'entreprise aura donc pour alternative soit de produire moins, soit de recourir à des heures supplémentaires, ce qui entraînera un surcoût au niveau de ses charges.

C'est ainsi que votre projet de loi relatif à la réduction autoritaire du temps de travail risque bien de sonner le glas pour nombre de petites et moyennes entreprises.

M. Alain Fabre-Pujol.

C'est digne des maîtres de forges !

M. Thierry Mariani.

Mais les petites entreprises ne sont pas les seules à pâtir de votre loi sur les 35 heures.

Avez-vous pensé, par exemple, aux entreprises qui n'effectuent que de la prestation de services ? Comme vous le savez, celles-ci ont bien souvent des marges bénéficiaires réduites et, surtout, des possibilités de gain de productiv ité quasiment nulles. Comment voulez-vous, par exemple, effectuer des gains de productivité dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration ? Faudra-t-il que le café soit servi en courant ? Je reprends une expression du président de la Fédération nationale de l'industrie et des métiers de l'hôtellerie.

Mme Odette Grzegrzulka.

On boira un tiers de tasse de café.

M. Thierry Mariani.

Comme vous dites ! Mais le président dit même qu'il n'y aura plus de café dans la tasse.

Il y a vraiment des métiers où les gains de productivité sont quasi impossibles.

M. Marcel Rogemont.

On prendra du thé s'il n'y a plus de café.

M. Bernard Accoyer.

Arrêtez !

M. Michel Hunault.

Respectez le débat !

M. Thierry Mariani.

Vous voyez bien, madame la ministre, qu'il est des secteurs particuliers, des secteurs pourtant pourvoyeurs d'emplois, qui ne peuvent s'adapter au nouveau rythme de travail que vous allez pourtant leur imposer, mais je reviendrai sur ce point plus tard.

M. Marcel Rogemont.

Comme si les entreprises avaient d u travail strictement pour 39 heures, toutes les semaines !

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, je n'ose pas interrompre l'orateur parce qu'on va me dire que je suis mal élevé. (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous faites des progrès. C'est bien. (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Je suis attentif à vos cours d'éducation ! (Sourires.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Quel self-control (Sourires.)

!

M. Thierry Mariani.

Alors, me direz-vous, que proposez-vous ?

M me Odette Grzegrzulka.

Les Français se le demandent.

M. Thierry Mariani.

Je suis convaincu qu'une loi-cadre, une loi réellement incitative et non pas obligatoire pourrait recueillir une très large majorité sur les bancs de cet hémicycle.

M. Michel Hunault.

Très bien !

M. Thierry Mariani.

Je suis convaincu que, si vous renonciez au caractère universel et autoritaire de votre projet, si vous décidiez pour une fois d'accompagner les entreprises et non de les contraindre, si vous laissiez de côté une promesse électorale peut-être un peu hâtive et irréfléchie - et nous savons très bien, madame la ministre, que vous n'en partagez pas - vous-même - les objectifs - et, enfin, si vous décidiez de ne pas céder à l'idéologie extrême d'une partie de votre majorité, nous pourrions nous retrouver pour élaborer ensemble (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Alain Cacheux.

C'est émouvant !

M. Thierry Mariani.

Dans l'émouvant, on en a tout de même entendu ! Il n'est plus là, je ne dirai donc rien ! Nous pourrions, disais-je, nous retrouver pour élaborer ensemble un dispositif favorisant, partout où cela est possible, une diminution du temps de travail avec création d'emplois.

Mais non. Plutôt que d'écouter la voix de la raison, plutôt que de faire preuve de pragmatisme, de bon sens, Mme la ministre et une partie de la majorité n'ont cessé de durcir ce texte, notamment en commission des affaires sociales, pour le rendre toujours plus contraignant,...

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Et nous en sommes fiers !

M. Thierry Mariani.

... toujours plus compliqué, toujours plus inapplicable pour les entreprises et les salariés.

Puis-je rappeler qu'à l'heure du développement du multimédia et du télétravail, à l'heure de la mondialisation des échanges et d'Internet, le Gouvernement et la majorité continuent, avec cette loi, à raisonner comme au

XIXe siècle,...

M. Alain Cacheux.

Vous aussi !

M. Alain Fabre-Pujol.

Vous parlez comme M. Thiers ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

... l'époque du travail posté, où il était possible d'élaborer de grands textes d'ensemble pouvant s'appliquer à toutes les structures.

Madame la ministre, chers collègues de la majorité, vous qui ne cessez, dans vos discours, de vous targuer de modernisme, vous qui nous traitez de ringards quand nous refusons un projet tel que le PACS, permettez-moi de vous dire que vous raisonnez encore avec un siècle de retard quand vous parlez de l'entreprise. Je me demande vraiment où sont les vrais ringards.

N'en déplaise à la branche communiste de votre majorité, dans de nombreuses entreprises, la lutte des classes n'est plus à l'ordre du jour.

M. Marcel Rogemont.

Dans de nombreuses entreprises ? Elle l'est donc toujours dans certaines !

M. Jacques Desallangre.

Il y en a, j'en connais !

M. Thierry Mariani.

La paix sociale est revenue. La négociation et le dialogue permettent, à l'intérieur des établissements, de régler bien des problèmes et d'éviter bien des conflits sans que l'Etat ait à s'en mêler.

D'ailleurs, la notion de durée légale a-t-elle encore un sens pour nombre d'entreprises familiales, en particulier pour les petits commerces ? On est en droit de se poser la question, d'autant que la France est l'un des rares pays à disposer d'un horaire légal de travail.

Telles sont, brièvement exposées, les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à cette seconde loi sur lar éduction du temps de travail. Au-delà de cette


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

opposition de principe, qui marque une véritable différence idéologique entre vous et nous, ce projet présente, à mon sens, trois lacunes majeures. Premièrement, il remet en cause la politique contractuelle et de dialogue social. Deuxièmement, il institue de nouvelles contraintes, tant pour les entreprises que pour les salariés.

Mme Odette Grzegrzulka.

On croit rêver !

M. Thierry Mariani.

Enfin, comme je le démontrerai dans une troisième partie, il ne règle aucune des grandes questions auxquelles il devrait pourtant répondre.

M. Bernard Accoyer.

Très bon plan !

M. Thierry Mariani.

Force est de constater que ce dispositif met deux entraves au dialogue social : d'une part, il modifie les règles actuelles de la représentativité syndicale ; d'autre part, il ne respecte pas les accords déjà conclus.

Ainsi, aux termes de l'article 11 de votre projet de loi - qui est peut-être l'article le plus contesté...

M. Bernard Accoyer.

Beaucoup sont contestables !

M. Thierry Mariani.

... y compris dans les rangs de la majorité -, les allégements de charges seront subordonnés à la conclusion d'un accord d'entreprise ou d'établissement pour les entreprises de plus de 50 salariés.

M. Bernard Accoyer.

Encore un seuil !

M. Thierry Mariani.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, un accord de branche peut également ouvrir droit au bénéfice des aides. Cependant, pour permettre l'attribution d'une aide, les accords doivent être approuvés par voie de référendum par la majorité des salariés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il est gentil, M. Mariani.

(Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Si nous pouvons comprendre cette volonté de modifier le système de la représentativité syndicale, qui nous semble en effet aujourd'hui assez largement dépassé, nous considérons, quant à nous, que le texte du Gouvernement ne constitue pas le support idéal pour conduire une telle réforme. Des auditions ont été menées, tant en commission des affaires sociales qu'au sein de l'intergroupe Alliance réunissant le RPR, l'UDF et Démocratie libérale,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Condoléances attristées ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

... qui ont adopté une position très cohérente à propos de ce texte, comme on a pu le voir avec nos trois motions. A cette occasion, de nombreuses représentants syndicaux nous ont clairement fait connaître leur opposition à la mesure contenue dans l'article 11.

M. Bernard Accoyer.

M. Blondel !

M. Thierry Mariani.

En effet.

M. Bernard Accoyer.

Et M. Blondel ne manque pas de bons sens !

M. Thierry Mariani.

Bien entendu, il ne s'agit pas de nier qu'il existe un réel problème de représentativité, et donc de légitimité, des syndicats. Nous le savons tous, le nombre de salariés syndiqués est infime, les élections des prud'hommes connaissent un taux d'abstention plus que considérable, et nous ne pouvons que le déplorer, quelle que soit notre place dans l'hémicycle. Cependant, la deuxième loi sur la réduction du temps de travail ne nous semble pas le lieu idéal pour aborder ce genre de problèmes. Il eût été préférable d'introduire un tel disposi tif dans un projet de loi séparé et autonome.

En outre, il nous semble particulièrement peu judicieux de subordonner l'attribution d'une aide de l'Etat en compensation du surcoût des 35 heures à l'organisation d'un référendum dans l'entreprise. A partir du moment où les 35 heures sont obligatoires pour tous, où toutes les entreprises doivent appliquer la loi, on ne voit pas pourquoi celles qui n'auront pas abouti à un accord, ou celles dont une majorité de salariés aura refusé cet accord, se trouveraient privées d'aides, alors qu'elles devront tout de même supporter le coût du passage obligé aux 35 heures.

M. François Goulard.

Bien sûr !

M. Thierry Mariani.

Il y a là deux poids, deux mesures, c'est une forte incohérence de votre projet. On ne peut pas, en effet, obliger, et convenir que cette obligation à un coût, mais n'en prévoir la compensation que pour une certaine catégorie d'entreprises.

Il faut parler, d'autre part, du non-respect des accords conclus, car c'est la question la plus grave.

Contrairement aux engagements que vous aviez pris dans cet hémicycle, madame la ministre, le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui ne respecte pas les accords de branches ou d'entreprises conclus sur le fondement de la loi de 1998.

En effet, en prévoyant des dispositions plus rigides que la législation en vigueur et en refusant de prendre en compte les innovations des accords déjà conclus, votre projet, s'il devait être adopté en l'état, rendrait illégales certaines dispositions contenues dans des accords que vous avez pourtant étendus.

C'est ainsi que nous nous trouvons dans la plus totale incohérence. En effet, après que vous avez étendu, donc accepté et approuvé, un certain nombre d'accords, voilà que, par le biais de votre seconde loi sur les 35 heures, vous les remettez en cause et bouleversez leur équilibre.

Je me contenterai de citer quelques exemples. Bien souvent, les accords de branche signés par les partenaires sociaux prévoyaient une durée annuelle de travail supérieure à 1 600 heures, qu'il s'agisse des accords de branche du bâtiment et des travaux publics qui prévoient un quota de 1 645 heures, ou de la chimie et de la banque qui stipulent des durées de 1 610 heures. Or, force est de constater que ces accords n'entrent plus dans le cadre que vous entendez imposer et qu'ils devront donc être renégociés.

Dans un autre domaine, de nombreuses branches ont augmenté de façon conventionnelle et négociée leur contingent d'heures supplémentaires. Je ne citerai que le BTP, qui prévoit désormais un contingent de 180 heures par an, les entreprises de propreté avec 190 heures, ou les industries du textile avec 205 heures. Que propose le projet de loi ? De maintenir le contingent actuel de 130 heures. Les accords qui prévoyaient d'autres seuils perdent ainsi une grande partie de leur intérêt, puisque l es heures supplémentaires effectuées au-delà de 130 heures donneront lieu à l'attribution d'un repos compensateur de 100 %.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous ne m'avez pas écoutée !

M. Alain Cacheux.

Que voulez-vous, il n'écoute jamais.

M. Yves Rome.

Il n'a pas lu le texte.

M. Thierry Mariani.

Certains accords, notamment avec l'Association française des banques, l'AFB, ou dans la grande distribution, avaient en outre prévu des modalités de recours à la formation professionnelle qui ne rentreront pas dans le cadre de votre dispositif. D'autres orateurs, avant moi, ont évoqué ce point.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Enfin, et ce sera mon dernier exemple...

M. Yves Rome.

Enfin !

M. Thierry Mariani.

... je souhaiterais dire deux mots du sort réservé au personnel d'encadrement, même si je me réserve de revenir plus longuement sur ce sujet tout à l'heure.

M. Yves Rome.

Non, épargnez-nous, monsieur Mariani !

M. Thierry Mariani.

De nombreux accords prévoient la possibilité de rémunérer tous les cadres au forfait, et pas seulement les « cadres dirigeants », comme le dispose votre texte. Là encore, ces accords ne pourront pas produire leurs effets.

Quand on vous dit, madame la ministre, qu'aucun accord de branche n'entre dans le cadre - ou, plutôt, dans le carcan - de votre projet de loi, vous répondez que ce n'est pas grave, qu'il suffira que les partenaires sociaux qui sont parvenus une première fois à un accord se remettent autour d'une table et renégocient les points non conformes à votre dispositif.

A qui voulez-vous faire croire cela ? Que restera-t-il à négocier puisque vous aurez déjà autoritairement fixé l'essentiel des règles ? Bien souvent, les représentants des salariés avaient accepté un contingent d'heures supplémentaires ou un nombre annuel d'heures supérieur à ce que prévoit ce projet, en compensation d'un maintien du niveau des salaires ou d'un autre avantage. C'est ce que l'on a appelé les accords « gagnant-gagant ». Chacun fait un pas vers l'autre et les points de vue se rejoignent. Avec votre méthode et votre conception pour le moins « autoritaire » de la négociation, vous vous apprêtez à remettre ces accords en cause. C'est dangereux pour la négociation sociale.

Chaque accord signé par les partenaires sociaux est le fruit d'un équilibre entre l'intérêt des entreprises, leurs possibilités, leurs contraintes et l'intérêt des salariés. Le ministre de l'intérieur nous a longuement parlé, lors des débats sur l'immigration, du « curseur qui était au bon endroit ». Dans un accord de branche, le curseur est toujours placé au bon endroit. En effet, qui mieux que les partenaires sociaux peut avoir conscience de ce qu'il est possible de faire au sein de telle ou telle branche ? Certainement pas les membres de votre cabinet, madame la ministre, malgré les grandes qualités qu'ils doivent posséder.

C'est ainsi que ce texte risque fort de contraindre les entreprises d'une manière telle qu'elles ne pourront plus faire face à leurs charges. Il n'obtiendra qu'un résultat : les accords seront dénoncés ou les entreprises placées dans des situations très difficiles.

Mais cette attitude n'est pas seulement dangereuse, elle est irresponsable, pour ne pas dire méprisante envers les partenaires sociaux. En effet, après avoir étendu un certain nombre d'accords de branche, ce qui semblait marquer l'approbation du Gouvernement, vous les remettez en cause avec cette nouvelle loi.

Ignorer, comme vous le faites, le travail accompli par les partenaires sociaux revient à casser pour un bon moment la confiance dans le dialogue social.

Après avoir encouragé les négociations, vous gâchez le seul effet positif de votre première loi en niant le résultat les discussions qui ont été engagées. Là encore, on peut se demander si vous avez bien mesuré toutes les conséquences d'un tel dispositif.

D'autres reproches peuvent lui être adressés, car il ne casse pas seulement le dialogue social, il institue de nouvelles contraintes, tant pour les entreprises que pour les salariés.

Pour les entreprises, votre texte va constituer une source quasi inépuisable de nouvelles contraintes.

Alors que les entrepreneurs réclament à juste titre plus de souplesse, plus de marge de manoeuvre, plus d'autonomie, alors qu'ils ne cessent de répéter qu'ils ne peuvent plus assumer le montant aujourd'hui plus que paralysant des charges qui leur sont imposées, alors que tous s'accordent à penser que les lourdeurs administratives constituent un frein à la bonne marche des entreprises, et donc à l'emploi, vous enfermez un peu plus nos entreprises dans un étau administratif incompréhensible et les accablez de charges supplémentairs.

Vous avez tout à l'heure ironisé, madame la ministre, à propos de deux orateurs de l'opposition qui avaient parlé de la complexité de cette loi.

M. François Goulard.

Des lois de simplification !

M. Thierry Mariani.

Il se trouve que l'actualité vient parfois à notre secours.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous en avez besoin !

M. Thierry Mariani.

Marc Blondel, aujourd'hui, dans son éditorial...

M. Robert Lamy.

Décidément !

M. Yves Rome.

Vous avez une culture syndicale très forte !

M. Thierry Mariani.

Chacun a ses sources. Il s'agit d'un éditorial de FO-hebdo titré : « 35 heures, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » Ce n'est pas un député de droite qui écrit. Vous me permettrez de lire l'introduction, qui, j'en suis persuadé, vous donnera envie d'aller lire la suite. C'est écrit simplement,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Je pense qu'on pourra comprendre !

M. Thierry Mariani.

... pas comme le texte de loi, et je pense, en effet, que vous pourrez comprendre : « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Telle est une des réflexions qui viennent à l'esprit quand on prend connaissance du projet de deuxième loi sur les 35 heures. Il suffit de faire lire ce texte à quelques personnes pour mesurer la complexité du projet. Dès réception avant l'été, il a fallu que nos spécialistes de la négociation collective et du droit du travail le décortiquent pour bien en comprendre le contenu, le sens des différents articles,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Il était à la COTOREP peut-être !

M. Thierry Mariani.

« ... déceler le non-dit et les nombreuses ambiguïtés. Au-delà du vocabulaire, traditionnel en la matière, la complexité du projet de loi tient à plusieurs éléments essentiels. »

Je vous ferai grâce de la suite.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Dommage !

Mme Catherine Picard.

Dommage, vous lisez très bien, monsieur Mariani !

M. Jean-Pierre Pernot.

On aimerait aller à l'essentiel !

M. Thierry Mariani.

Ce texte vous gêne peut-être, mesdames et messieurs de l'opposition, mais permettez que l'opposition cite parfois aussi les syndicalistes. Vous ne cessez de nous renvoyer au MEDEF ! Vous devrier vous réjouir quand nous citons M. Blondel.


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M. Bernard Accoyer et M. Jacques Masdeu-Arus.

Très bien !

M. Thierry Mariani.

M. Blondel affirme que ce texte est complexe et difficilement applicable : c'est un spécialiste de la négociation qui s'exprime là, et son point de vue est digne d'intérêt.

M. Alain Fabre-Pujol.

M. Blondel est un homme qui n'aime pas les femmes : c'est toujours dangereux !

M. Thierry Mariani.

Alors que tout le monde s'accorde à penser que les lourdeurs administratives constituent un frein à la bonne marche des entreprises et donc une entrave à la création d'emplois, vous enfermez un peu plus les entreprises dans un étau administratif incompréhensible et vous les accablez de charges supplémentaires.

De ce point de vue, on peut évoquer trois aspects : le régime des heures supplémentaires, celui de la modulation, et le dispositif d'aide et son financement.

Le système d'heures supplémentaires que vous entendez mettre en place est d'une complexité remarquable. Il convient, dans un premier temps, de distinguer la période transitoire de la période définitive. Si j'ai bien compris, v ous instaurez une période transitoire d'une année - l'an 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés,...

M. Marcel Rogemont.

Bien sûr, on avance !

M. Thierry Mariani.

... l'an 2002 pour celles de moins de 20 salariés - au cours de laquelle les heures supplémentaires effectuées entre la trente-cinquième et la trenteneuvième heures donneront lieu à une bonification de 10 %. Pourquoi pas ? Mais les choses se corsent dans la mesure où ces 10 % ne seront effectivement versés au salarié que dans l'hypothèse où l'entreprise appliquera un horaire collectif de 35 heures au plus. Dans les autres cas, ils seront versés à un fonds que vous allez créer à l'occasion de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale, et qui servira à financer, pour partie, les baisses des charges censées compenser le surcoût lié au passage aux 35 heures.

Deux problèmes se posent alors. Le salarié qui aura la chance de travailler dans une entreprise appliquant un horaire collectif de 35 heures au plus ne verra pas forcément son salaire augmenter du fait de ses heures supplémentaires. En effet, si un accord collectif ne le prévoit pas expressément, la rémunération des heures supplémentaires se fera par l'attribution d'un repos compensateur de 10 % de l'heure effectuée, et non par une majoration de salaire, comme c'est actuellement le cas.

Chefs d'entreprise et salariés des PME vont se retrouver dans la même galère, lorsqu'il faudra qu'ils discutent d es heures supplémentaires. Je doute qu'ils y comprennent quelque chose.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas une galère !

M. Thierry Mariani.

D'autre part, pour l'entreprise qui ne pourra pas passer à un horaire collectif de 35 heures au plus...

M. Yves Rome.

Ce n'est pas important, pour vous.

Vous ne comprenez pas, mais ce n'est pas trop grave.

M. Bernard Accoyer.

Le dispositif est une véritable usine à gaz !

M. Thierry Mariani.

Si j'étais seul à ne pas comprendre, ce ne serait pas trop grave, mais quand je vois que M. Blondel ou que les chefs d'entreprise ne comprennent pas non plus, je me dis que c'est vraiment plus grave.

M. Marcel Rogemont.

Vous avez très bien compris !

M. Thierry Mariani.

Je me suis contenté de citer un syndicaliste. D'habitude, vous nous reprochez de ne citer que M. Seillière. J'essaie de puiser à vos sources, et si elles vous déplaisent, ayez au moins, comme dirait Mme la ministre, la politesse de les écouter.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ne vous énervez pas, monsieur Mariani !

M. Thierry Mariani.

Je ne m'énerve pas, madame la ministre, j'ai appris qu'il faut rester serein, comme vous l'avez montré tout à l'heure.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis émue ! Je pensais que vous aviez un mauvais fond !

M. Thierry Mariani.

Ne versez pas trop de larmes ! Pour l'entreprise qui ne pourra pas passer à un horaire collectif de 35 heures au plus, les heures supplémentaires deviendront, en fait, l'assiette d'une nouvelle taxe de 10 %. Ce sera une taxe de plus sur le travail. On peut féliciter Mme la ministre. C'est en taxant davantage le travail, au moment où les entreprises demandent qu'on allège leurs charges, que la majorité pense créer des emplois.

M. Lucien Degauchy.

A part ça, les prélèvements diminuent !

M. Marcel Rogemont.

Il n'a rien compris !

M. Thierry Mariani.

Nous avons bien compris, au contraire, la logique de votre texte. Oui, décidément, les 35 heures que vous nous proposez sont la solution miracle. On pourrait se dire que, une fois la période transitoire passée, le plus dur sera fait et que le dispositif censé s'appliquer de façon définitive sera plus simple. Ces erait compter sans l'imagination débordante des membres de votre majorité qui, en matière d'usine à gaz, sont des experts reconnus. Le dispositif prévu pour la période définitive est, en effet, encore plus complexe que celui de la période transitoire.

Là encore, il nous faut faire une distinction entre les entreprises qui auront un horaire collectif d'au plus 35 heures et les autres.

M. Lucien Degauchy.

Tout ce qu'il faut pour décourager l'embauche !

M. Yves Rome.

Voilà un expert !

M. Thierry Mariani.

Pour les premières, la majoration sera de 25 % sous forme de bonification pour le salarié,

« bonification » étant un terme inventé pour la circonstance, puisqu'il s'agit en fait soit d'un temps de repos, soit, en cas d'accord collectif, d'une majoration de salaire.

Pour les secondes, le surcoût de 25 % des quatre premières heures supplémentaires se décompose en deux : 15 % pour le salarié sous forme de repos ou de majoration de salaire si un accord collectif le prévoit, 10 % pour le fameux fonds que vous créerez plus tard.

Là encore, je plains sérieusement les personnes qui devront appliquer concrètement ce dispositif. Je le répète, ceux qui seront les plus pénalisés, ce seront les petites entreprises, pas les grands groupes.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani.

Vous ne parlez depuis tout à l'heure que de Michelin, mais je suis persuadé que des groupes comme celui-là n'auront aucune difficulté pour


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disposer d'experts capables d'interpréter ces textes. Par contre, je vous souhaite bien du plaisir si vous devez expliquer ce dispositif aux petites entreprises ou aux commerçants de vos circonscriptions.

M. Jean-Paul Durieux.

Ne les méprisez pas !

M. Thierry Mariani.

N'aurait-il pas été plus simple, pour les quatre premières heures, de prévoir un taux unique de 10 %, sans période de transition, s'appliquant à toutes les entreprises et bénéficiant aux salariés sous forme de majoration de salaire ? Vous souriez, madame la ministre, mais je pense que cela aurait été vraiment beaucoup plus simple. J'essaie de vous ramener à la raison en défendant cette dernière motion de procédure. Il n'est jamais trop tard pour simplifier.

Pourquoi donc avez-vous décidé de complexifier à ce p oint le régime des heures supplémentaires ? Nous comprenons bien que votre volonté est de dissuader de recourir à cette pratique mais, ce faisant, vous oubliez deux points essentiels.

De nombreuses entreprises ont besoin de recourir aux heures supplémentaires, de nombreux salariés effectuent des heures supplémentaires pour boucler leur budget, payer les traites de leur maison, et, bien souvent, ce n'est pas du luxe !

M. Lucien Degauchy.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, même si l'on fait du bricolage ou du jardinage, on a par moments besoin d'heures supplémentaires pour s'acheter des outils !

Mme Odette Grzegrzulka.

Il sait de quoi il parle !

M. Thierry Mariani.

Vous êtes experte en bricolage, vous ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Oui !

M. Thierry Mariani.

Le texte législatif que vous nous proposez est effectivement un travail d'expert !

M. Lucien Degauchy.

Quel bricolage, en effet !

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Du jardinage : ça fait pousser l'espoir ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Mais laissez-moi poursuivre l'analyse du régime des heures supplémentaires.

Une seule période de transition devait sembler un peu

« juste » aux auteurs du projet de loi. C'est sans doute la raison pour laquelle vous avez souhaité instaurer une seconde période transitoire, qui concerne le seuil à partir duquel il conviendra de décompter les heures supplémentaires entrant dans le cadre du contingent des 130 heures.

C'est ainsi que le seuil annuel au-delà duquel toute heure de travail supplémentaire doit être récupérée est fixé à 130 heures à partir de la 37e heure en 2000, de la 36e heure en 2001 et de la 35e heure en 2002.

Le même schéma doit être appliqué pour les entreprises de moins de vingt salariés à partir de 2002.

En cas de modulation des horaires au-delà de la plage 31 heures-39 heures, le contingent est abaissé à 90 heures au lieu de 130.

M. Bernard Accoyer.

On n'y comprend plus rien !

M. Thierry Mariani.

Eh oui, mes chers collègues de la majorité, le texte que vous allez voter, certainement les yeux fermés, n'est pas d'une simplicité enfantine !

M. Marcel Rogemont.

Vous venez de nous expliquer les choses clairement : ce n'est donc pas la peine de renvoyer le texte en commission !

M. Bernard Accoyer.

Ils n'ont rien compris !

M. Thierry Mariani.

J'espère qu'ils ont compris car j'ai présenté une version très simplifiée du dispositif.

M. le président.

Mes chers collègues !

M. Bernard Accoyer.

Ils ont besoin d'experts !

M. le président.

Même moi, j'ai du mal à suivre ! S'il y avait moins d'interruptions, cela faciliterait les choses !

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, c'est pourtant le projet de la majorité que vous soutenez !

M. le président.

J'ai du mal à suivre vos explications en raison des interruptions sur les bancs de droite !

M. Thierry Mariani.

Pour bien faire, madame la ministre, il faudrait pouvoir distinguer entre les entreprises qui effectuent un décompte annuel de leur temps de travail et celles qui effectuent un décompte hebdomadaire.

Malheureusement, nous ne sommes pas tous polytechniciens, énarques ou membres de votre cabinet, et je doute que nous ayons le temps d'entrer dans le détail de votre dispositif à ce stade du débat.

Nous le ferons lors de la discussion des articles et des amendements, mais convenez, mes chers collègues, que le nouveau régime des heures supplémentaires sera d'une complexité insurmontable pour nombre de PME.

Ce qui est à retenir de votre dispositif, c'est que vous avez décidé de tout faire pour décourager le recours aux heures supplémentaires. Nous ne pourrons vous suivre sur cette voie. En effet, pour bon nombre d'entreprises, en particulier pour les plus petites, les heures supplémentaires ne sont pas un choix délibéré mais bien une nécessité de production.

En abaissant la durée légale du temps de travail tout en maintenant le même contingent de 130 heures, vous allez pénaliser les PME et limiter le temps de production des entreprises les plus fragiles, qui ne pourront pas embaucher en application de votre loi.

Si le régime des heures supplémentaires constitue une réelle contrainte pour les entreprises, les règles et les bornes que vous entendez fixer pour la modulation du temps de travail constituent à n'en pas douter une difficulté supplémentaire.

J'en viens au régime de la modulation.

Le projet de loi maintient le principe selon lequel la durée légale du travail se décompte de façon hebdomadaire. Vous remplacez les trois types actuels de modulation du temps de travail par un dispositif unique, ce qui, à première vue, pourrait être considéré comme une simplification.

Or il n'en est rien.

E n effet, en limitant comme vous le faites à 1 600 heures par an le nombre d'heures de travail, et en obligeant les entreprises à passer des accords pour mettre en place un système de modulation sur l'année, vous leur imposez, une fois de plus, une contrainte supplémentaire.

Nous l'avons vu tout à l'heure, de nombreux accords de branche, que vous avez pourtant étendus, prévoient un temps de travail annuel supérieur au seuil que vous entendez fixer.

C'est ainsi que, contrairement à vos affirmations, vous ne tenez absolument pas compte des négociations que vous aviez pourtant appelées de vos voeux dans la première loi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

En refusant l'accès direct à la modulation, sous réserve bien entendu de quelques garde-fous, vous refusez de tenir compte de la nouvelle organisation du travail, vous continuez de raisonner en fonction de concepts dépassés.

D'ailleurs, votre loi est une occasion manquée.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah ?

M. Thierry Mariani.

Je n'ose citer à nouveau M. Blondel, puisque c'est exactement l'expression qu'il utilise dans l'un de ses chapitres.

Au lieu de cela, la deuxième loi et ses ramifications multiples et perverses conduiront à un effet de serre social. Au regard de l'histoire, c'est bien une occasion manquée ! Dans de nombreuses entreprises marquées soit par la saisonnalité de l'activité, soit par des variations importantes des rythmes de travail, le décompte par semaine n'est en effet plus réellement adapté.

Par ailleurs, l'annualisation, ou la modulation, peut être l'occasion de développer le « temps choisi ». Je pense aux mères de famille qui souhaiteraient moins travailler durant les vacances scolaires pour s'occuper de leurs enfants, je pense à certains jeunes pour qui le travail le week-end ne pose pas de réel problème d'organisation, et l'on pourrait multiplier les exemples.

Bien entendu, il convient de réfléchir, de discuter avec les partenaires sociaux de cette question, mais nous ne pouvons que regretter que votre projet de loi manque singulièrement d'ambition sur ce point.

Nous avons déposé un amendement visant à permettre l'accès direct à la modulation, après concertation avec les partenaires sociaux, mais sans qu'un accord collectif soit forcément intervenu sur le sujet ; je souhaite que nous puissions avoir sur ce point un véritable débat.

Je souhaite de plus que nous puissions à nouveau discuter du régime d'aide que vous avez prévu, ainsi que de son financement, qui me semble, comme l'ont souligné de nombreux orateurs de l'opposition, bien « virtuel » et hypothétique en l'état actuel du texte.

M. François Goulard.

Sans parler de sa constitutionnalité !

M. Thierry Mariani.

En effet, car elle pose quelques problèmes.

M. Marcel Rogemont.

Nous avons déjà parlé de cela lors de la discussion de l'exception d'irrecevabilité !

M. Thierry Mariani.

Je dirai quelques mots du régime de l'aide et de son financement.

Le fait que vous prévoyiez un système pérenne d'aide pour les entreprises montre bien que les 35 heures auront un coût pour ces dernières.

Il y a là une évolution depuis le débat que nous avions eu lors de la première loi, puisque, à vous entendre, le coût des 35 heures devait être amorti par des gains de productivité.

M. Marcel Rogemont.

Notamment !

M. Thierry Mariani.

Les aides attribuées en application de la première loi n'étaient à vos yeux qu'une sorte de carotte pour favoriser la négociation, carotte qui diminuait en fonction du temps passé à négocier.

Aujourd'hui, le postulat est différent. Vous admettez que les 35 heures auront un coût et que les entreprises devront être aidées de façon pérenne. Nous ne pouvons que nous réjouir de votre tardive prise de conscience. Le problème est que vous n'allez pas au bout de votre logique.

Pour bénéficier de l'allégement des charges que vous instituez, un certain nombre de conditions sont requises.

Les entreprises devront avoir un horaire de référence de 35 heures par semaine ou de 1 600 heures par an au plus. Cet horaire devra être fixé en application d'un accord collectif et devra faire référence à des embauches ou des emplois préservés.

De plus, les entreprises qui recourront de façon structurelle aux heures supplémentaires ne pourront prétendre au bénéfice de cette mesure.

Ce sont les contrôleurs de l'URSSAF qui devraient être chargés de vérifier si l'entreprise utilise de façon structurelle ou non des heures supplémentaires. Permettez-moi de leur souhaiter au passage bien du courage ! Si nous ne pouvons qu'approuver le fait que vous diminuiez les charges sociales pesant sur les entreprises, nous nous élevons contre les critères drastiques que vous imposez pour ouvrir droit au bénéfice du dispositif.

M. Bernard Accoyer.

En ne diminuant pas le coût du travail !

M. François Goulard.

En le renchérissant !

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, toutes lese ntreprises ne signeront pas un accord, toutes les branches ne parviendront pas à aboutir à un texte sur les 35 heures. Je dirai même que de nombreux accords de branche aujourd'hui étendus risquent d'être dénoncés prochainement du fait de votre loi.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais non !

M. Thierry Mariani.

On verra ! Vous étiez bien plus optimiste, lors de la discussion de votre première loi, sur le bilan des emplois créés. Aujourd'hui, vous êtes satisfaite de 120 000 emplois, mais que de discours sur la création d'emplois n'avons-nous entendus lors de la discussion de la première loi !

M. Bernard Accoyer.

A l'époque, c'était d'actualité, aujourd'hui on n'en parle plus !

M. Thierry Mariani.

Le présent texte oblige en fait, sous la menace, à renégocier tel ou tel point non conforme au dispositif que vous proposez.

De la même manière, toutes les entreprises ne pourront pas appliquer un horaire collectif de 35 heures, vous le savez bien. Comment travailler 35 heures dans un commerce, par exemple ? C'est impossible ! Plus généralement, comment travailler 35 heures dans les établissements ouverts au public sans réduire les horaires d'ouverture, donc le service offert aux consommateurs ? C'est impossible !

M. Marcel Rogemont.

Il faut embaucher !

M. Thierry Mariani.

Ce sont des centaines de milliers d'entreprises qui vont être exclues de votre dispositif. Ce sont les petits commerçants et les artisans qui, une fois de plus, devront payer le prix fort du passage aux 35 heures.

Cela nous semble totalement inadmissible ! Enfin, quel type d'entreprise aura le plus recours aux heures supplémentaires ? Les petites et moyennes entreprises, bien entendu. Les petites structures auront du mal à embaucher, du fait de leur organisation.

Même si elles décident de passer aux 35 heures, elles auront très certainement tendance à utiliser - comme vous le dites, même si on ne sait pas trop ce que cela signifie - de façon « structurelle » les heures supplémentaires. Elles n'obtiendront donc aucune aide et devront payer plein pot ce coût supplémentaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Je le répète, les victimes seront les petites structures, qui sont pourtant un incomparable vivier d'emplois dans notre pays.

Vous agissez en dépit du bons sens. La majorité ne peut-elle pas voir que cette mesure va pénaliser les petites et moyennes entreprises ?

M adame la ministre, votre raisonnement sur les 35 heures pourrait à la rigueur tenir debout dans la mesure où vous accepteriez de baisser les charges de toutes les entreprises. Vous ne pouvez pas imposer à tout le monde une mesure dont vous reconnaissez qu'elle a un coût certain, et ne prévoir l'attribution d'une aide que pour les seules entreprises qui ont les moyens et les possibilités d'appliquer votre dispositif. En procédant comme vous le faites, vous donnez un coup de plus aux plus faibles ! Au lieu que les entreprises qui en ont réellement besoin soient aidées, elles paieront le maximum ! Que d'argent gâché ! En effet, l'allégement des charges devrait coûter à terme, et de façon structurelle, environ 65 milliards de francs par an. Lors de la présentation de ce projet de loi, il était prévu que l'UNEDIC et les caisses de sécurité sociales contribueraient au financement de votre mesure à hauteur de 40 milliards.

M. Bernard Accoyer.

C'est scandaleux !

M. François Goulard.

Et impossible !

M. Bernard Accoyer.

Et inconstitutionnel !

M. Thierry Mariani.

C'est scandaleux et impossible, c'est un véritable hold-up.

Vous aviez justifié ce financement par le fait que les 35 heures créeraient des emplois et donc de nouvelles recettes pour les caisses de sécurité sociale. Aujourd'hui, face au refus des partenaires sociaux de contribuer pour ce montant au financement de l'aide chargée d'atténuer le coût du passage aux 35 heures, vous semblez faire demitour.

Nous avons un peu de mal - décidément, l'opposition ne comprend guère votre texte - à comprendre votre position sur ce dossier.

M. Bernard Accoyer.

Cela s'appelle l'enrichissement du texte par la discussion parlementaire, dans le langage de la majorité plurielle !

M. Thierry Mariani.

Certes, madame la ministre, nous avons bien compris que vous étiez ouverte à la négociation avec l'UNEDIC. Mais jusqu'à quel point, sous quelles conditions et selon quelles modalités ? Nous ne le savons toujours pas.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous allons devoir rembourser ce que vous vous étiez engagés à payer !

M. Thierry Mariani.

Sur ce sujet, nous sommes toujours dans le brouillard le plus total.

Il en va de même pour le financement du fonds que vous allez créer lors de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale et qui sera abondé par la contribution sur les heures supplémentaires. Le chiffrage d'une telle mesure ne peut être que totalement aléatoire et hypothétique.

M. Bernard Accoyer.

C'est franchement surréaliste !

M. Thierry Mariani.

Comme à votre habitude, vous prévoyez de nouvelles dépenses sans réellement boucler leur financement.

M. Bernard Accoyer.

Comme pour les retraites !

M. François Goulard.

Et Strauss-Kahn ne dit rien !

M. Thierry Mariani.

Mais votre dispositif ne s'appliquant que progressivement, à partir de l'an 2000, vous n'aurez peut-être pas à gérer ce cadeau empoisonné, ou plutôt cette bombe à retardement.

Le financement des 35 heures, c'est un peu comme celui du PACS : on verra après 2002, le moment venu.

C'est également un peu comme le financement de la retraite à 60 ans, décidée en 1981. Quelques années plus tard, on ne sait pas comment financer. Nous attendons toujours vos solutions pour les retraites et nous pensons que ce n'est pas là une bonne méthode pour élaborer la loi.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez des solutions, vous ?

M. Thierry Mariani.

Le gouvernement de M. Balladur avait commencé à prendre certaines mesures (Rires et exclamations, sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), et ce n'est pas avec un fonds de 2 milliards que vous pourrez résoudre le problème des retraites.

M. Bernard Accoyer.

Les 2 milliards n'ont même pas été versés !

M. le ministre délégué à la ville.

Nous, au moins, nous n'avons pas mis les gens dans la rue !

M. Thierry Mariani.

Ce n'est pas, je le répète, la bonne méthode pour élaborer la loi. Je suis d'ailleurs surpris que la commission des finances n'ait pas été saisie ; cela montre une fois de plus la légèreté qui a présidé à l'é laboration de cette loi.

M. Bernard Accoyer.

Le Conseil économique et social n'a pas non plus été saisi !

M. Thierry Mariani.

En effet.

Cette loi ne représentera, dans les faits, pour les entreprises que des contraintes supplémentaires et des augmentations de charges. Bénéficiera-t-elle pour autant aux salariés, comme vous ne cessez de le répéter ? Nous ne le pensons pas.

Elle représentera aussi une contrainte pour les salariés car de nombreuses dispositions vont à l'encontre de leurs intérêts. Nous sommes convaincus que nombre d'entre eux risquent de déchanter lors de l'application effective du dispositif.

En termes de pouvoir d'achat, les salariés vont être pénalisés par la loi. J'entends bien que vous comptez faire de la France une société de loisirs vouée au jardinage...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qu'avez-vous contre les fleurs ?

M. Thierry Mariani.

Rien, mais j'avoue que le recours à l'argument du jardinage tout au long du texte a laissé les députés de l'opposition pantois.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il s'agit d'un sondage et les Français se sont exprimés.

M. Thierry Mariani.

J'avoue que nous avons découvert une nouvelle vocation : jardinage et bricolage.

M. Marcel Rogemont.

Le bricolage, au RPR, vous connaissez !

M. Thierry Mariani.

Quand je vois cette loi, je pense que vous n'avez pas de leçons de bricolage à recevoir ! Mais, pour profiter de son temps libre, encore faudrat-il en avoir les moyens ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Lors des permanences que nous assurons régulièrement, comme vous, je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui demandait plus de temps libre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous ne sortez pas beaucoup !

M. Thierry Mariani.

Nous ne devons pas sortir dans les mêmes endroits !

M. Marcel Rogemont.

Vous avez raison : les chômeurs en ont marre d'avoir du temps libre !

M. le président.

Mes chers collègues, si vous pouviez éviter les interpellations... Franchement, cette discussion est en train de mal tourner.

M. Thierry Mariani.

On nous a reproché une certaine mauvaise éducation pour quelques propos.

M. le président.

Monsieur Mariani, évitez la provocation : cela simplifiera les choses.

M. Thierry Mariani.

Lors des permanences que nous assurons régulièrement, disais-je, nous n'avons jamais rencontré quelqu'un qui demandait plus de temps libre. Par contre, nous avons vu des personnes qui demandaient un emploi. Quant à celles qui ont un emploi, elles réclament une hausse de leur pouvoir d'achat.

Or, en limitant comme vous le faites le recours aux heures supplémentaires, vous diminuez d'autant le pouvoir d'achat de centaines de milliers de nos concitoyens.

En effet, nombreux sont ceux qui parviennent à boucler leur budget en effectuant des heures supplémentaires. Ces dernières constituent bien souvent un supplément de revenu régulier pour les salariés.

De nombreux français se sont endettés pour acheter leur logement, acquérir un véhicule ou bien encore pour équiper leur domicile. Ils ne peuvent faire face aux échéances financières qu'impose le remboursement de leurs emprunts qu'avec le supplément de revenu engendré par les heures supplémentaires.

M. Maxime Gremetz.

Eh oui !

M. Thierry Mariani.

C'est une réalité, monsieur Gremetz, et vous le savez ! Votre loi, madame la ministre, va donc priver ces Français, dont un grand nombre ne dispose que de modestes moyens, d'un revenu d'appoint indispensable à l'équilibre de leur budget.

Mes chers collègues de la majorité, vous qui ne cessez de nous donner des leçons, puis-je vous rappeler que, pour une famille moyenne dont les deux parents travaillent et touchent des salaires proches du SMIC, les 700 à 800 francs par mois de revenu supplémentaire issu de ces fameuses heures supplémentaires effectuées constituent une somme importante ?

M. Maxime Gremetz.

Mme Bettencourt fait aussi beaucoup d'heures supplémentaires ! Comme Philippe Jaffré !

M. Thierry Mariani.

Comme toujours, vous pénalisez l'effort et vous bridez l'initiative ! Comme toujours avec vous, il est suspect de se donner du mal et, une fois de plus, vous effectuez un nivellement par le bas.

De très nombreux salariés ne pensent pas comme vous.

Et ceux-là ne vous suivront pas dans votre démarche.

Vous détestez à tel point l'effort que vous vous apprêtez à priver les salariés de ce seul moyen de ressources supplémentaires. Un salarié qui effectuera des heures supplémentaires dans une entreprise qui n'aura pas pu mettre en place un horaire collectif de 35 heures verra le fruit de son travail alimenter un fonds destiné à atténuer le coût induit par la baisse du temps de travail des autres.

C'est tout de même le comble ! Vous travaillez plus que la moyenne et non seulement vous n'êtes pas rétribué en plus pour votre effort, mais vous financez le surcoût de la diminution du temps de travail des autres.

Voilà, chers collègues de la majorité, à quoi revient votre texte. Quelle vision de la société ! Quel modèle pour nos enfants : pouvoir d'achat rogné, mais aussi, conditions de travail détériorées ! Avec la nouvelle définition du « temps de travail effectif » certaines heures jusqu'à présent comptabilisées dans la période travaillée ne le seront plus à compter de l'application de votre loi. Pour de nombreuses entreprises, le seul moyen de gagner un peu de productivité sera d'adopter une attitude plus stricte sur la comptabilisation du temps de travail effectif. Vous allez réussir à tendre les relations employeurs-employés au sein de l'entreprise en contraignant les premiers à se montrer plus stricts sur certains points.

Je ne pense pas que ce soit de cette manière que vous parviendrez à relancer le dialogue social dans notre pays.

Je ne pense pas qu'au bout du compte les salariés soient réellement gagnants en termes de conditions de travail.

De ce point de vue aussi, votre projet est donc un leurre pour les salariés. Ces derniers pâtiront du passage autoritaire aux 35 heures car, contrairement à votre idéologie, on ne peut pas aussi facilement opposer salariés et entreprises.

En vous attaquant à l'entreprise, c'est aussi le salarié que vous visez. Je le répète, nous ne sommes plus au temps de la lutte des classes et il serait temps que chacun dans cet hémicycle en prenne conscience.

Votre loi de contrainte, qui nous était annoncée durant les débats sur la première loi, devait de plus régler certains problèmes spécifiques liés aux 35 heures.

Votre projet ne règle pas certaines grandes questions, qu'il s'agisse du problème des cadres, du SMIC, du temps partiel, ou des secteurs dans lesquels le passage aux 35 heures est impossible pour des raisons structurelles.

M. Maxime Gremetz.

Vous ne voyez pas que vous endormez vos amis ?

M. François Goulard.

Mais non !

M. Thierry Mariani.

Je sais que je ne vous endormirai pas, monsieur Gremetz ! Pour les cadres, le projet recèle très nombreuses ambiguïtés sur lesquelles un certain nombre de mes collègues de l'opposition se sont exprimés.

Vous divisez en trois la catégorie des cadres. Vous prévoyez que les cadres dirigeants ne seront pas soumis à la réglementation sur le temps de travail, à l'exception de celle relative aux congés payés. Vous visez dans l'article qui prévoit la mesure les cadres qui ont des responsabilités dont l'importance implique une large indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps. C'est ainsi que votre texte limite de facto la possibilité de conclusion de forfaits de rémunération sans référence horaire aux seuls dirigeants.

Le dispositif que vous nous proposez sera clair quand il s'agira de savoir si les directeurs généraux de Pechiney, d'Alcatel, ou de Bouygues devront travailler 35 heures par semaine ou non. Mais pour cela, madame la ministre, il me semble qu'il n'était pas besoin de passer par la loi.


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En revanche, dans une PME, l'adjoint du chef d'entreprise, son principal collaborateur, qui, d'ailleurs, n'a peutêtre pas le statut de cadre, sera-t-il soumis aux horaires collectifs de 35 heures par semaine ? Cet adjoint fait souvent preuve d'une autonomie et d'une responsabilité à l'égard de l'entreprise tout à fait équivalentes à celles d'un

« cadre dirigeant » dans un grand groupe. Voilà encore un exemple qui montre bien que votre loi est faite pour les grandes entreprises, et qu'elle n'est absolument pas adaptée aux petites et moyennes entreprises.

M. Bernard Accoyer.

Comme toujours ! Avec les socialistes, ce sont toujours les gros qui en profitent !

M. Thierry Mariani.

En effet, je crains bien que, si le projet était voté en l'état, de nombreux accords de branche et d'entreprises ne doivent être renégociés sur ce point, du fait du développement du travail au forfait, notamment dans les PME.

La deuxième catégorie que vous distinguez est celle des cadres occupés selon l'horaire collectif de l'atelier, du service ou de l'équipe auxquels ils sont intégrés, et dont l'horaire peut être prédéterminé. Pour cette catégorie, vous prévoyez l'application stricte des 35 heures. Nous pouvons comprendre vos motivations mais, dans les faits, il ne sera pas aisé de définir cette catégorie. En effet, comment savoir si l'horaire peut être réellement prédéterminé pour un chef d'atelier ? Quand une machine tombe en panne, c'est très souvent le chef d'atelier qui doit rester pour la réparer. Tout cela n'est pas si simple.

La troisième catégorie de cadres est définie a contrario : tous les cadres qui n'entrent pas dans les deux catégories précédentes font partie de la troisième. Pour ceux-là que prévoyez-vous ?

Les cadres dont les horaires ne peuvent être prédéterminés ont droit à une réduction du temps de travail en heures ou en jours. Ils peuvent être rémunérés au « forfait horaire » avec un nombre d'heures supplémentaires déterminé par avance, ou au « forfait jours » et, dans ce cas, la durée maximale ne doit pas dépasser 217 jours par an au lieu de 222 dans la première version de votre texte et de 227 en moyenne actuellement. Il semblerait même, si l'on en croit certains amendements de votre majorité, que nous allions vers 210 jours.

Nous comprenons bien votre volonté de faire entrer les cadres dans le processus de réduction du temps de travail.

Et nous comprenons tout autant l'attitude de nombreux cadres qui se disent aujourd'hui : pourquoi ne pas profiter de la réduction du temps de travail comme les autres ? Cependant, il faut tenir compte des contraintes de l'entreprise. Si le statut de cadre a été élaboré, c'est justement pour permettre de déroger au droit du travail en matière du temps de travail. Il est des postes pour lesquels il est impossible de demander à leurs titulaires de quitter le travail à heure fixe, de ne pas revenir le weekend de façon ponctuelle ou encore d'emmener du travail à la maison de temps à autre.

Dans ces conditions, comment voulez-vous rémunérer ces catégories de personnels qui, d'ailleurs je tiens à le préciser -, ne sont pas tous cadres, autrement que par le forfait ? N'aurait-il pas été plus souple de prévoir un nombre de jours de congés supplémentaires plutôt qu'un nombre couperet de jours travaillés ? De nombreux accords ont intégré un tel dispositif et nous présenterons lors de la discussion des articles un amendement allant dans ce sens.

M. Maxime Gremetz.

M. Mariani m'endort ! Je reviendrais quand il aura fini ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani.

Le dispositif concernant les cadres est donc, à notre avis, à la fois trop strict et trop flou. Il sera source de contentieux, et ne réglera absolument pas la question ! Quant au SMIC, madame la ministre, la problématique est exactement la même.

L'article 16 de votre projet de loi tend à instituer une garantie mensuelle de rémunération des salariés payés au SMIC. Celui-ci étant un salaire horaire, la réduction du temps de travail impliquerait en effet, en l'absence d'une telle garantie, une réduction proportionnelle du salaire mensuel des personnes payées au SMIC. Pour éviter de baisser le revenu de nos concitoyens les moins bien rémunérés, vous instaurez donc une garantie que l'employeur devra verser au salarié sous la forme d'un complément différentiel de salaire.

Les salariés bénéficiaires de cette mesure seront les salariés à temps complet employés dans l'entreprise lors de la réduction du temps de travail, ainsi que les salariés embauchés après la mise en oeuvre de cette réduction, à condition qu'ils occupent des emplois équivalant à ceux occupés par les salariés bénéficiant de la garantie.

Par contre, dans l'hypothèse d'une création d'entreprise postérieure à la réduction du temps de travail, il semblerait que les 35 heures soient payées 35.

D'autre part, s'agissant des salariés à temps partiel, seuls seront concernés, si j'ai bien compris, les salariés des entreprises dont l'horaire collectif sera ramené à 35 heures.

Dans ce cas, la garantie sera proratisée.

Votre système revient, ce que nous avons dénoncé à de multiples reprises dans les rangs de l'opposition, à créer plusieurs revenus minimums. En effet, selon que l'on soit à plein temps ou à temps partiel, dans une nouvelle entreprise ou dans une ancienne, sur un poste qui vient de se créer ou sur un poste qui existait déjà, dans une entreprise dont l'horaire collectif est de 35 heures ou non, on ne percevra pas le même SMIC.

On ne peut pas dire que votre solution au problème du SMIC soit simple et limpide ! De plus, le SMIC augmentera plus vite que la garantie, les deux courbes devant se rejoindre au plus tard le 1er juillet 2005. C'est donc bien une augmentation du SMIC de 11,4 % qui est prévue dans les cinq années à venir.

En pratique, il sera très difficile dans les entreprises de ne pas augmenter de la même manière les autres salaires, à moins de créer de réelles injustices, notamment pour les salariés rémunérés à des niveaux de salaires proches du SMIC.

Vous ne pouvez donc nier que le passage aux 35 heures entraînera une hausse du coût du travail pour les entreprises, ou une inégalité en termes de hausse du pouvoir d'achat entre les salariés. A cet égard, je pense que nous ne pouvons pas saisir toutes les conséquences de votre dispositif. Nous ne pouvons pas adopter en l'état un tel texte dont la complexité le dispute à l'inefficacité économique. Le problème du SMIC n'est pas réglé : il est même aggravé avec votre projet.

J'avoue, même si Maxime Gremetz nous a quittés, que le parti communiste est cohérent en demandant un SMIC unique.

M. Bernard Accoyer.

Fort cohérent, c'est vrai !

M. Thierry Mariani.

Sur ce point, j'attends de voir ce que donneront les discussions au sein de la majorité plurielle.


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Qu'en est-il pour le temps partiel ? Là non plus, le projet n'est pas plus clair.

Votre texte modifie la définition du temps partiel pour la mettre en conformité avec la directive européenne du 15 décembre 1997. C'est ainsi que sont qualifiés de salariés à temps partiel tous ceux qui ont un horaire de travail inférieur à la durée légale de 35 heures ou à la durée collective de référence applicable dans l'entreprise ou l'établissement si elle est inférieure.

Actuellement sont considérés comme des salariés à temps partiel celles et ceux qui ont un horaire inférieur à des durées de travail d'un cinquième au moins.

Toujours selon votre projet, l'horaire des salariés à temps partiel peut être calculé sur la semaine, le mois ou l'année.

Ce qui changera, c'est que, pour pouvoir calculer leurs horaires sur l'année, les entreprises devront désormais passer un accord collectif. Ces accords devront, de plus, fixer les modalités et les limites dans lesquelles les horaires hebdomadaires des salariés à temps partiel pourront varier dans le cadre de l'année pour s'adapter à la charge de travail, en respectant des règles très strictes relatives à la répartition des horaires des salariés à temps partiel.

Lorsque la répartition des horaires à temps partiel comporte sur l'année une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées, l'accord collectif devra définir les emplois qui, par nature, seront susceptibles d'être concernés. C'est dire, comme le reconnaissait Marc Blondel, la complexité de votre texte ! Comment savoir à l'avance et dans tous les cas les emplois qui, par nature, seront susceptibles d'être concernés par une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées sur l'année ? En revanche et à titre exceptionnel, l'accord collectif n'est plus obligatoire si c'est le salarié qui demande un horaire à temps partiel annualisé pour des raisons familiales.

Enfin, vous précisez que le refus d'accepter une modification de la répartition des horaires prévus au contrat pour des raisons familiales impérieuses - la commission des affaires sociales a d'ailleurs supprimé l'adjectif « impérieuses » - ou en raison d'une période d'activité chez un autre employeur ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.

Il en sera de même pour le refus d'effectuer des heures complémentaires prévues au contrat, lorsqu'un délai de prévenance d'au moins trois jours n'aura pas été respecté.

Nous comprenons bien qu'il est indispensable de maintenir un certain nombre de garde-fous pour protéger les salariés qui travaillent à temps partiel et pour empêcher certains abus. Cependant, il ne faut pas, comme vous le faites, trop multiplier les nouvelles contraintes et les formalités supplémentaires...

M. le président.

Monsieur Mariani, puis-je vous demander si vous comptez conclure dans quelques instants ? Si ce n'était pas le cas, je me verrais contraint de suspendre nos travaux jusqu'à demain.

Je souhaiterais que vous arriviez assez vite à votre conclusion pour nous permettre d'en terminer avec cette motion de renvoi.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, je suis à votre disposition. Mais permettez-moi de vous faire remarquer que je ne parle que depuis une heure et cinq minutes...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est beaucoup !

Mme Odette Grzegrzulka.

Une heure de trop !

M. le président.

Soit, monsieur Mariani ! Mais vous êtes un homme de parole et vous m'aviez indiqué que vous parleriez entre une heure et une heure dix...

M. Thierry Mariani.

J'ai été beaucoup interrompu, monsieur le président !

M. le président.

Il me paraît donc souhaitable que vous arriviez à votre conclusion.

M. Thierry Mariani.

J'arriverai à ma conclusion dans une dizaine de pages si je ne suis pas trop interrompu.

Je me permets de faire remarquer que le présent débat est le premier qui se déroule avec des motions de procédure réduites.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait ! Parlons-en !

M. Thierry Mariani.

Le 30 juin, alors que nous étions une vingtaine dans cet hémicycle, votre majorité a décidé de réduire les temps des motions de procédure à une heure trente - je reconnais qu'en première lecture cela est suffisant - à une demi-heure en deuxième lecture et à quinze minutes en troisième lecture. Nous verrons la semaine prochaine, lors de la lecture définitive du PACS, qu'avec des motions réduites à quinze minutes on ne choisit sans doute pas la meilleure méthode pour faire respecter le droit qu'a l'opposition de s'exprimer.

Nous sommes aujourd'hui dans l'opposition. Vous y serez un jour et vous serez brimés par les dispositions que vous avez votées hier. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

La réforme du règlement a été votée à l'unanimité !

M. Thierry Mariani.

Non, monsieur le ministre, puisque nous nous sommes abstenus. J'en suis d'autant plus certain que j'étais l'orateur du groupe RPR.

Il nous semble inopportun de trop brider le travail à temps partiel, qui peut constituer à la fois un choix réel pour une grande partie de nos concitoyens et une obligation pour certains secteurs d'activité, au premier rang desquels figure le secteur de la propreté. A trop vouloir encadrer et contraindre, vous allez finir, madame la ministre, par casser la croissance et donc par détruire des emplois.

Les problèmes posés par le temps partiel sont donc loin d'être réglés par votre loi. Il en est de même de tous les secteurs d'activités qui, à l'évidence, ne pourront pas appliquer les 35 heures. Votre seconde loi, au lieu de prévoir des aménagements spécifiques, refuse de voir la réalité en face et poursuit sa logique d'uniformisation systématique de la société française.

Voici quelques exemples des secteurs particulièrement pénalisés par les 35 heures. Je souhaiterais commencer cette dernière partie par le secteur de l'agriculture. En effet, s'il est une branche d'activité marquée par la saisonnalité des travaux, c'est bien l'agriculture. La nature des travaux et leur durée sont dictées par la climatologie et, le plus souvent, c'est l'urgence qui impose l'organisation des chantiers. C'est ainsi que, dans le secteur agricole, ce n'est pas l'employeur qui décide de faire exécuter ou non des heures supplémentaires à ses salariés, ce sont les conditions climatiques et l'état de maturité des productions.


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Si vous ajoutez à cela l'insuffisance de main-d'oeuvre durant les moments forts des campagnes, vous aboutissez à un véritable casse-tête pour l'employeur, voire à une réelle impossibilité d'appliquer votre loi. Il sera dans bien des cas impossible de faire appel à de la main-d'oeuvre supplémentaire, d'une part parce qu'elle augmenterait les coûts de production dans un secteur déjà sinistré d'autre part, parce qu'elle serait dans certaines zones tout simplement inexistante. Face à cette situation, les employeurs seront confrontés à une alternative très simple : soit ils verront le niveau de leurs charges augmenter de façon insupportable compte tenu du coût des heures supplémentaires et de la comparaison avec le prix de vente des produits concernés, comme dans le secteur des fruits et légumes ; soit ils s'arrangeront avec leurs employés saisonniers en risquant le tout pour le tout, c'est-à-dire en ne déclarant pas une partie du travaill effectué pour échapper aux charges et assumer la récolte dans des conditions normales.

Cette situation entraînera des distorsions de concurrence entre les producteurs et finira par entraîner la perte de plus d'une exploitation.

Votre loi est particulièrement inadaptée au monde agricole.

M. Bernard Accoyer.

C'est sûr !

M. Thierry Mariani.

A l'évidence, vous n'avez pas sérieusement réfléchi à la question. Sinon, vous n'auriez pas rédigé votre article 17.

Autre secteur et autre type de problème : l'hôtellerierestauration.

M. Bernard Accoyer.

Avec cette loi, ils seront tous cuits !

M. Thierry Mariani.

Dans l'hôtellerie et dans la restauration, le temps de travail passera de 43 heures à 39 heures en 2000 ou 2002, selon la taille de l'établissement. Outre le fait que votre dispositif vient donner un sérieux coup de massue à la toute nouvelle convention collective adoptée dans cette branche, qui prévoyait déjà un fort abaissement du temps de travail effectif en ramenant celui-ci à 43 heures, votre texte posera de réels problèmes dans le secteur. Comment voulez-vous effectuer des gains de productivité dans un bistrot si ce n'est, comme je le disais tout à l'heure, en servant le café en courant ? C'est ainsi que, dans de nombreuses structures, le coût du travail sera fortement augmenté dans la mesure où il est difficile, voire impossible, de fermer un café plus tôt pour réduire le temps de travail.

M. Bernard Accoyer.

Evidemment !

M. Thierry Mariani.

Cette profession, déjà sinistrée par l'attitude du Gouvernement qui a refusé d'inscrire le secteur de l'hôtellerie-restauration-caféterie sur la liste des activités pouvant bénéficier d'une baisse de la TVA, va se trouver encore un peu plus pénalisée.

Nous pouvons donc fortement craindre que, pour les cafés des petites communes rurales, qui survivent déjà dans des conditions difficiles, les 35 heures ne sonnent le glas.

Troisième et avant-dernier secteur pour lequel votre projet de loi pose de vrais problèmes : la propreté. Nous touchons là plus particulièrement au volet consacré au temps partiel de votre dispositif qui, à l'évidence, sera source de tracasseries et de soucis pour les entreprises du secteur. En effet, il est des secteurs où le temps partiel est la règle. Votre bureau, madame la ministre, ainsi que ceux de vos collaborateurs ou d'une immense partie de la population, et même de l'ensemble des députés présents dans cet hémicycle, sont nettoyés à la même heure, c'està-dire très tôt le matin ou très tard le soir.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

Je doute que vous voyez d'un bon oeil une personne faire la poussière pendant que vous travaillez.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est déjà ce qui se passe !

M. Thierry Mariani.

Or pour répondre à l'attente de leurs clients, les entreprises de propreté sont dans l'obligation de recourir essentiellement au temps partiel. Les critères que vous allez instaurer, notamment d'éligibilité à la réduction des charges sociales, sont, là aussi, totalement inadaptés à ce secteur.

Nombreux sont les salariés qui, dans le domaine de la propreté, effectuent moins de 17 heures 30 par semaine.

Les entreprises qui les emploient devront donc payer le prix fort du coût du passage aux 35 heures.

Pour les commerces, comment voulez-vous appliquer la réduction du temps de travail ? Ce sera, pour la plupart des situations, totalement inapplicable. Dans un petit commerce, par définition ouvert au public, il est impossible de réduire les heures de travail et donc d'ouverture.

Si le commerçant décide de moins travailler, il verra son chiffre d'affaires fortement diminuer. Il est impossible de réduire le temps de travail, si ce n'est au profit des grandes surfaces, qui, elles, pourront effectivement s'adapter facilement aux 35 heures.

M. Bernard Accoyer.

Ah ça, oui ! Elles pourront s'adapter ! D'ailleurs, le texte est fait pour elles !

M. Thierry Mariani.

Une fois de plus, madame la ministre, ce sont les grosses structures qui pourront s'adapter. Les petites, par contre, auront de grosses difficultés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous l'avez déjà dit cela !

M. Thierry Mariani.

Je l'ai déjà dit, mais visiblement...

Je souhaiterais dire un mot sur les problèmes spécifiques d'un dernier secteur, celui de la sécurité.

Lors des auditions que nous avons menées pour préparer ce débat, la fédération des entreprises de sécurité a souhaité nous alerter sur un point spécifique de la première loi sur la réduction du temps de travail, qui pose un réel problème pratique.

En effet, l'article 6 de votre première loi dispose qu'aucun temps de travail ne peut atteindre 6 heures sans que le salarié bénéficie d'un temps de pose d'une durée minimale de vingt minutes.

Nous le comprenons bien, ce texte vise à limiter certains abus et à permettre aux salariés de conserver des conditions de travail décentes. Cependant, dans le cas précis de la sécurité, quand l'agent se trouve isolé sur un site, notamment de nuit, il est impossible d'appliquer les vingt minutes de repos que vous instaurez dans votre première loi. L'agent de sécurité, chargé de surveiller par exemple une installation nucléaire, ne pourra pas prendre un repos de vingt minutes, comme cela est prévu.

M. Alain Fabre-Pujol.

Heureusement qu'il n'est pas tout seul !

M. Thierry Mariani.

Vous aviez prévu dans votre texte deux exceptions fort légitimes à l'application de cet article, pour les personnels roulants ou navigants du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

secteur des transports. Il serait donc fort opportun, madame la ministre, que vous envisagiez de compléter ces exceptions en introduisant le secteur de la sécurité.

Vous le voyez bien à travers ces exemples, il est impossible d'imposer des dispositifs trop contraignants sans que cela pose de graves problèmes d'application concrète.

En conclusion, (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), voilà donc, mes chers collègues, les principaux points qui font que nous sommes opposés à l'adoption de votre dispositif en l'état.

Permettez-moi de revenir sur la philosophie de votre texte, que nous combattons, tant elle nous apparaît déconnectée des réalités. Et, madame la ministre, dans ces dernières phrases, je citerai un bon auteur, puisqu'il s'agit de vous-même.

(Sourires.)

Vos propos, qui figurent dans Le Point no 1397 du 25 juin 1999, ... pourraient d'ailleurs s'appliquer à cet hémicycle. En septembre 1991, vous lanciez, à un congrès de la CFDT réuni au Zénith : « J'ai bien compris ici que pour se faire applaudir, il faut parler de la réduction du temps de travail. Eh bien vous allez être déçus : je ne crois pas qu'une mesure généralisée créerait des emplois. »

Mme Catherine Picard.

Un article de 1991 !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je n'ai pas dit cela !

M. Thierry Mariani.

Alors, faites un rectificatif. Mais jusqu'à présent, dans votre bouche, Le Point était un bon journal...

Face à la détresse d'un grand nombre de concitoyens, face aux échecs successifs des politiques qui ont été menées depuis plusieurs années, le seul objectif digne d'intérêt dans notre pays, et qui contribuerait à redonner à l'action politique sa réelle dimension, est celui de la lutte contre le chômage.

Vous-même, vous l'affirmez, madame la ministre, en présentant votre projet comme traduisant la volonté du Gouvernement de s'attaquer par tous les moyens possibles à la réduction du chômage.

Cette volonté, nous la partageons. Mais votre texte manque indéniablement de cohérence et ne créera que peu d'emplois.

M. Marcel Rogemont.

Actuellement, 120 000 emplois ont déjà été créés !

M. Thierry Mariani.

Pis, nous croyons qu'au bout du compte, il n'en détruise de nombreux.

Le projet de loi que vous nous présentez ne pourra atteindre ses objectifs, car il procède d'une double erreur que nous avons dénoncée au cours de ces discussions,...

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

... une erreur de méthode et une erreur de fond.

Sur la méthode, tout d'abord, force est de constater que l'on ne peut inviter les entreprises à négocier une réduction du temps de travail, puis balayer d'un revers de main le fruit de ces négociations.

Madame la ministre, il faut choisir : soit vous nous présentez un projet d'incitation à la réduction du temps de travail et vous laissez aux partenaires sociaux le soin d'organiser, au sein de chaque entreprise, d'éventuelles réductions : soit vous proposez un texte obligatoire visant à modifier autoritairement la durée du temps de travail en la faisant passer à 35 heures.

Tenter de concilier ces deux démarches revient à paralyser le système et ne sert à rien.

Votre message n'est pas clair, et vous ne pouvez pas tenir le langage du dialogue social comme vous le faites et ne tenir que peu compte des accords signés sur le fondement de votre première loi ! Vous avez, permettez-moi de vous le dire une fois de plus, une curieuse conception de la négociation ! C'est pourquoi nous considérons que votre méthode est vouée à l'échec et qu'elle sera porteuse de tensions qui risquent de détériorer sérieusement et durablement les relations dans nos entreprises.

Si la méthode est désastreuse, le dispositif que vous nous présentez relève, à notre sens, d'une complexité extraordinaire. Nous l'avons dénoncé ; il sera économiquement inopérant.

Ce n'est pas en additionnant des bouts de contrats libérés par la baisse du temps de travail que vous créerez des emplois ! Ce n'est pas en partageant la pénurie que vous redonnerez du travail aux Français ! Ce n'est pas non plus en leur faisant croire qu'ils vont désormais vivre dans une société de loisirs que vous leur redonnerez confiance.

M. Jacques Masdeu-Arus.

C'est le miroir aux alouettes !

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, vous ne ferez pas reculer le chômage contre les entreprises, en alourdissant leurs charges ! Votre texte manque de pragmatisme, il n'est pas adapté aux réalités de notre pays. Il ne tient pas compte non plus de la concurrence internationale. C'est la compétitivité de nos entreprises que vous allez diminuer, alors qu'un Français sur quatre travaille pour l'exportation.

Dans ces conditions, nous vous demandons de revenir sur votre texte. Notre opposition n'est pas une opposition de principe.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah bon ?

M. Thierry Mariani.

Nous sommes conscients que la réduction du temps de travail peut sauver ou créer des emplois, dans certaines circonstances et si l'on introduit une certaine souplesse. Simplement, nous souhaitons ardemment que l'aménagement du temps de travail demeure une faculté ouverte aux entreprises qui le souhaitent, et dont l'organisation le permet.

Votre dispositif est bien contraignant, bien trop autoritaire. Les entreprises sont différentes les unes des autres.

Pour répondre à leur attente, pour favoriser leur développement, c'est de souplesse dont elles ont besoin, c'est la baisse des charges sociales qu'elles réclament.

Vous faites le contraire en les ponctionnant toujours plus, en ajoutant des impôts aux impôts, des vexations aux vexations, des contraintes aux contraintes.

Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous ne pouvons que nous opposer à votre dispositif.

Votre projet rappelle, sur bien des points, l'affaire de la retraite à soixante ans : c'est une idée qui peut plaire...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous l'avez déjà dit !

M. Thierry Mariani.

Oui, je l'ai déjà dit, parce qu'aujourd'hui on va en payer le prix et vous ne savez pas vous-même comment financer les erreurs des gouvernements que vous souteniez hier !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

Ce dispositif est inapplicable. Nous vous demandons donc de le renvoyer en commission.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah ! Enfin !

M. Thierry Mariani.

Telles sont le raisons pour lesquelles, mes chers collègues, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, je vous demande d'adopter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

A M. Accoyer qui semblait trouver la démonstration de M. Mariani tout à fait intéressante, je me permettrai de faire remarquer que l'ont écoutée neuf députés du côté de l'opposition contre plus de 60 du côté de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Ah ça, c'est remarquable, quelle belle manière de présider !

M. Michel Hunault.

Ce n'est pas là le rôle du président !

M. le président.

Je suis d'une impartialité totale ! Vous pouvez compter : vous êtes très exactement neuf contre plus de 60 membres de la majorité plurielle.

M. Bernard Accoyer.

Il n'a jamais été dans le rôle du président de faire des commentaires !

M. le président.

Le rôle du président est d'entendre ce qui se dit dans cette salle et j'ai entendu M. Accoyer remarquer que c'était tout à fait intéressant.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.

M. Alain Vidalies.

Monsieur le président, je crois qu'il valait mieux, en effet, que nous soyons un certain nombre pour partager la peine...

D'abord, l'exposé de M. Mariani comportait diverses approximations techniques. Ainsi, mais cela a déjà été rappelé dans l'après-midi, on continue à confondre la question du contingent des 130 heures avec le seuil de déclenchement du repos compensateur. On confond allègrement la question de la validité des accords, de la représentativité, avec celle du déclenchement des aides publiques. Cependant, au milieu du propos, une ou deux propositions sont apparues, qui n'ont peut-être pas retenu l'attention de tout le monde, mais que j'ai trouvées, pour ma part, tout à fait surprenantes et qui méritent d'être mises en exergue.

Par exemple, après un long développement technique sur la modulation, M. Mariani nous a dit, tout d'un coup, que finalement, la seule solution, bien sût, c'était la modulation sans accord préalable. Voilà bien la droite ! La modulation à la seule initiative de l'employeur, quel miracle ! Quelle vision progressiste de la société !

M. Thierry Mariani.

Vous faites un raccourci un peu exagéré !

M. Marcel Rogemont.

Il est obligé de résumer...

M. Alain Vidalies.

Sur les heures supplémentaires, M. Mariani a avancé des arguments contradictoires. Nous avons vu surgir une proposition très étrange : la seule solution, pour tout simplifier, serait de limiter à 10 % la majoration des heures supplémentaires. Mais, dans le même temps, et pendant de longues minutes, notre collègue a larmoyé sur les salariés qui seraient privés de la rémunération des heures supplémentaires. Je vous laisse apprécier !

M. Marcel Rogemont.

Vous avez tout à fait raison !

M. Alain Vidalies.

Bien entendu, nous avons eu droit à la sempiternelle opposition entre la démarche autoritaire, la nôtre, et la démarche incitative, celle de l'opposition.

Mais enfin, combien de temps faudra-t-il rappeler que tout cela a été essayé, ailleurs par les uns comme par les autres, et que cela n'a pas abouti, comme le montrent les expériences de 1979, de 1982, de 1984, de 1989, de 1995. On a tout essayé. On peut certes regretter l'état de la société française, mais on ne peut pas continuer aujourd'hui dans le même registre.

Et puis, il y a eu quelques phrases de nature idéologique. Je n'en ai relevé qu'une, qui me paraît singulière :

« Le rassemblement des chefs d'entreprise de lundi dernier a montré la forte mobilisation du monde du travail. » Je m'excuse, monsieur Mariani, mais je pense que

vous avez une vision un peu parcellaire, un peu limitée, du monde du travail, qui compte quelques autres acteurs.

M. Thierry Mariani.

Les chefs d'entreprise sont des travailleurs !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Ils font partie du monde du travail. Il faudra bien le comprendre un jour !

M. Alain Vidalies.

La position de la droite exprimée par M. Mariani ne nous surprend pas vraiment. Elle exprime une grande fidélité dans son hostilité à tout progrès social, à tout mouvement de la société.

M. Marcel Rogemont.

Exactement !

M. Alain Vidalies.

Mais, finalement, nous ne désespérons pas de la droite. Peut-être en sera-t-il des 35 heures comme de la loi sur l'immigration ou de la loi sur le Pacs ? Peut-être que demain, confrontés à la réalité ou aux aspirations de nos concitoyens, quelques esprits plus éclairés, dans vos rangs,...

M. Thierry Mariani.

Des esprits solitaires !

M. Alain Vidalies.

... viendront-ils atténuer le discours dogmatique d'aujourd'hui.

Mais à supposer que vous persistiez dans votre position réactionnaire, dans deux ans et demi, quand nous aurons rendez-vous devant le suffrage universel, vous ne manquerez pas, j'en suis sûr, de proposer le retour aux 39 heures, dont les conséquences immédiates seraient des centaines de milliers de licenciements. J'avoue que c'est un rendezvous que nous attendions avec intérêt.

M. Jacques Masdeu-Arus.

Nous aussi !

M. Alain Vidalies.

En attendant, le groupe socialiste votera, bien évidemment, contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale.

M. François Goulard.

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exposé de notre collègue Mariani était charpenté, argumenté, solide, concret et convaincant. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous serions moins demandeurs d'un nouvel examen de ce texte en commission si vos réponses, madame la ministre, avaient été plus convaincantes et si vous aviez


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

daigné sérieusement répondre aux objections, aux arguments, à tous les éléments que nous avons apportés dans ce débat. Or, à votre habitude, vous avez immédiatement choisi le ton de la provocation.

Vous vous êtes étonnée des réactions sans doute un peu vives et excessives de notre camp. Mais nous sommes tous ainsi. Quand nous entendons certains propos à la tribune, nous ne pouvons nous empêcher de réagir vivement ! Toujours est-il que, sur des points essentiels et qui posent problème depuis que nous parlons de la réduction du temps de travail, vous n'avez jamais apporté la moindre réponse satisfaisante. Et ce fut encore le cas ce soir.

Tous les sujets abordés par chacun des orateurs de l'opposition justifient notre souhait d'un nouvel examen de ce texte par la commission.

Nous pouvons également souhaiter un nouvel examen par la commission parce que, on l'a occulté jusqu'à présent mais ce problème réapparaîtra dans quelque temps, la majorité est à cent lieues d'être d'accord sur le texte qu'elle devra voter demain ou après-demain.

Sur des points essentiels, ces divergences s'étalent. Les points de vue sont aujourd'hui inconciliables et un travail complémentaire en commission serait certainement préférable, du point de vue de la transparence et de la démocratie, à des négociations de couloir.

Enfin, sur un point essentiel, le mécanisme d'allégement des charges sociales et plus particulièrement son mode de financement, on se heurte à une difficulté que nous ignorions totalement au moment où nous étions réunis en commission. Nous n'en avons pris connaissance qu'aujourd'hui, grâce aux observations que le chef de l'Etat (Rires sur les bancs du groupe socialiste) a faites au cours du conseil des ministres, à propos du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Catherine Picard. La voix de son maître ! M. Gérard Terrier. C'est incroyable ! M. François Goulard. Riez, mes bons collègues, riez ! Nous avons alors pris quelques renseignements. Il nous est revenu que, lors de l'examen par le Conseil d'Etat du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la Haute Assemblée avait expliqué au Gouvernement que l'article sur le financement des allégements de charges était entaché d'inconstitutionnalité.

Mes chers collègues, vous pouvez rire mais cela signifie que le texte que nous allons examiner maintenant, et que nous avons étudié en commission est entaché d'un vice fondamental. Le montant considérable des subventions et des allègements de charges, les fameux 100 milliards de francs dont nous avons tous parlé, ne sont pas financés, tout simplement parce que les dispositions qui avaient été originellement prévues par le Gouvernement, le Conseil d'Etat le lui a dit, ne sont pas constitutionnelles.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'a pas compris ! M. François Goulard. Il est donc absolument nécessaire que nous revoyions intégralement ce texte en commission. Un tel défaut fait qu'il est impossible de le voter en l'état.

Jamais nous n'avons eu une raison aussi solide de demander un renvoi en commission. C'est pourquoi le groupe Démocratie libérale votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin, pour le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de ce débat, les trois groupes de l'opposition ont montré une convergence de vues totale sur le sujet, une même appréciation de ce projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous voterons donc, nous aussi, cette motion de renvoi en commission.

Je reviendrai sur trois points de la réponse de Mme la ministre.

Premier point : la loi remet-elle en question les accords signés que vous avez validés, agréés, étendus et que vous avez appelés de vos voeux ? Oui, la loi remet en question l'essentiel des accords qui ont été longuement négociés par les partenaires sociaux, par exemple sur la durée annuelle du travail, où la plupart des accords de branche p révoient une durée annuelle du travail de 1610 à 1645 heures.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous n'étiez pas là, quand j'ai répondu ! M. Hervé Morin. Par exemple, sur le régime des heures supplémentaires ; sur la séparation des cadres en trois catégories ; sur les dispositions relatives à la formation professionnelle ; sur la notion d'horaires équivalents et sur la notion d'équivalence, qui, désormais, sera fixée par décret et ne pourra plus l'être par branche ; enfin, sur les dispositions relatives à l'ensemble de la notion de temps de travail effectif.

Sur tous ces sujets, les partenaires sociaux devront engager, de nouveau, la discussion d'accords qui sont « de la dentelle » et qui sont le fruit d'un juste équilibre entre les partenaires sociaux.

Monsieur le président, j'ai cinq minutes pour expliquer notre vote !

M. le président.

Comment ! Mais je ne vous ai rien dit ! Je m'interrogeais simplement sur votre explication de vote.

M. Hervé Morin. Permettez que nous puissions apporter de nouveaux éléments.

M. le président.

Je ne vous reprends pas, monsieur Morin. Je vous en prie, poursuivez !

M. Hervé Morin.

Deuxième point : la complexité du dispositif. Reprenons l'exemple du SMIC. Certes, il existe un salaire minimum qui est basé sur un taux horaire.

Mais, pour tous les Français, il y a bien un salaire minimum qui correspond à un salaire mensuel. Je vois mon collègue Maxime Gremetz. Le parti communiste réclame le SMIC à 8 000 francs. Il ne le réclame pas à un taux horaire donné, mais à un niveau mensuel donné.

M. Maxime Gremetz.

Vous faites erreur !

M. Hervé Morin.

Or nous l'avons dénoncé depuis le début, la complexité de la loi fait qu'aujourd'hui, et surtout demain, les salariés de ce pays ne seront pas traités de la même façon s'ils appartiennent à une entreprise nouvelle ou à une entreprise déjà créée, s'ils sont sur un poste équivalent ou sur un poste n'ayant pas d'équivalence, s'ils sont aujourd'hui à travail réduit ou à temps plein. C'est là la deuxième raison pour laquelle nous demandons le renvoi en commission.


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Enfin, troisième point, cette loi nous semble être une loi du passé. Elle est faite pour une société taylorienne alors que nous rentrons progressivement dans une société de services, où l'on a besoin de souplesse, d'adaptabilité et certainement pas d'une loi basée sur la contrainte et l'autorité.

Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exposé extrêmement complet de Thierry Mariani démontre tout l'intérêt de revoir ce texte qu'il faut aborder avec beaucoup de pragmatisme et sans a priori

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est ce que, pour ma part, j'ai essayé de faire en consultant à la base dans ma circonscription.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est bien !

M. Patrick Delnatte.

S'agissant des salariés, les syndicalistes locaux qui ont répondu à mon invitation ont largement repris les arguments ds organisations syndicales nationales. Ils approuvent le principe des 35 heures.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Toutefois, j'ai noté un certain scepticisme sur les créations effectives d'emplois et une inquiétude sur le maintien et la progression de leur pouvoir d'achat ainsi que sur les risques d'une organisation de travail plus productiviste et stressante. La crainte de nouvelles délocalisations à terme est également souvent évoquée, de même que les difficultés d'applications de la loi dans les PME-PMI. Quant aux cadres, ils n'y trouvent pas leur compte. Cela fait beaucoup...

S'agissant des entreprises, je me suis borné à consulter celles qui comptent plus de dix salariés. Au vu des réponses qu'elles m'ont envoyé en grand nombre, il apparaît que 92 % d'entre elles sont contre le texte tel qu'il est présenté, même si 39 % ont engagé des négociations en faveur de la réduction du temps de travail.

V oici, brièvement énumérées, quelques-unes des remarques qu'elles m'ont adressées : pourquoi être parvenus à des accords, si c'est pour les remettre en cause ? Il serait incompréhensible que des accords de branche ne soient pas applicables suite à la seconde loi et que les accords d'entreprises signés précédemment puissent être mis en cause. La compétitivité ne permet pas l'embauche, seul l'accroissement de l'activité la justifie. Il n'y aura pas d'effet sur l'emploi, les entreprises en développement embauchent quoi qu'il arrive. Chaque alourdissement du coût de l'emploi est une incitation à des solutions non basées sur l'emploi. Il va y avoir accélération du processus des délocalisations.

Pour terminer je citerai une grande entreprise qui a signé un accord Robien qui a permis d'éviter des suppressions d'emplois : « Nous pensons que la législation française du travail, qui était déjà une des plus compliquées au monde devient, absolument insupportable sur le plan économique, ingérable sur le plan pratique et, au total, néfaste à la compétitivité des entreprises au plan mondial.

« La stratégie consistant à susciter la négociation de branche ou d'entreprise, puis à légiférer, conduit à une insécurité juridique et à un désordre préjudiciable à la bonne marche des entreprises. De nombreux spécialistes du droit social - directeur des ressources humaines, avocats, juristes spécialisés - sans parler des agents de l'Etat chargés du contrôle, déclarent ne plus être en mesure de gérer convenablement la complexité ainsi engendrée. »

Voilà quelques réactions qui émanent des acteurs de la base. Ce ne sont pas des propos de tribune. Pas d'emplois sans entreprises, pas d'entreprises sans salariés et sans responsables d'entreprises.

Saurez-vous, madame la ministre, entendre ces responsables de PME qui se battent tous les jours pour faire vivre leur entreprise et assurer emploi et revenu à leurs salariés ? Si oui, reprenez votre texte et votons le renvoi en commission.

(Aplaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme Odette Grzegrzulka.

C'était le Théâtre-des-deuxânes !

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Odette Grzegrzulka.

Enfin une femme !

M. Maxime Gremetz.

Nous sommes pour la parité !

Mme Muguette Jacquaint.

Madame la ministre, mes chers collègues, M. Mariani, comme d'autres avant lui, a souvent fait allusion au caractère « autoritaire » de ce texte sur la réduction du temps de travail.

Mme Odette Grzegrzulka.

Laxisme intellectuel !

Mme Muguette Jacquaint.

Mais que veut-il dire par là ? En fait, la droite et le MEDEF ne veulent surtout pas perdre leurs droits et leur autorité. Ils veulent imposer leur loi et leur type de société.

Mme Odette Grzegrzulka.

Tout à fait !

Mme Muguette Jacquaint.

Ainsi, ils réclament plus de souplesse dans l'utilisation des heures supplémentaires.

Monsieur Mariani, vous plaignez les salariés dont le pouvoir d'achat va diminuer. Il est vrai qu'avec un peu plus de souplesse dans l'utilisation des heures supplémentaires ils pourraient travailler 80 heures et améliorer leur pouvoir d'achat ! Si c'est ça votre société moderne...

Mme Odette Grzegrzulka.

Vivement l'an 2000 !

Mme Muguette Jacquaint.

Vous souhaitez aussi davantage d'exonération de charges, tout en prétendant, paradoxalement, que les entreprises se moquent de l'argent.

En fait, ce que vous n'acceptez pas c'est que la société évolue (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste)...

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce sont des conservateurs !

M. Thierry Mariani.

Ah, voilà qui vous va bien !

Mme Muguette Jacquaint.

... et qu'elle évolue vers plus de justice, plus d'égalité et plus de démocratie. Vous devez comprendre que la diminution du temps de travail est une exigence de notre temps. Elle répond aux besoins humains, économiques et sociaux du pays. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Absolument !

Mme Muguette Jacquaint.

Elle est un facteur d'épanouissement pour l'individu, pour sa famille. Elle est une richesse et pas un fardeau.

Enfin, M. Mariani souhaiterait renvoyer ce texte en commission pour en reprendre l'examen. En fait, en additionnant la durée de son intervention ainsi que celle


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des deux autres motions de procédure, nous aurions pu disposer de trois heures supplémentaires pour faire encore évoluer le texte en commission. Nous nous efforcerons, quant à nous, de l'améliorer dans cet hémicycle.

M. Bernard Accoyer.

Pour ce qui est des motions de procédure, on vous a vu faire mieux !

Mme Muguette Jacquaint.

Non, monsieur Mariani, ce texte n'est pas « déconnecté » de la réalité. La réalité c'est précisément qu'une grande majorité de salariés veulent une loi relative à la diminution du temps de travail. Ils veulent une loi qui réduise la durée du travail pour améliorer les conditions du temps de travail, augmenter les salaires et créer des emplois, monsieur Morin.

N ous voterons contre le renvoi en commission.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier intervenant dans les explications de vote, j'indique à l'Assemblée que sur le vote de la motion de renvoi, il y aura scrutin public à la demande du groupe socialiste.

Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Le groupe Radical, Citoyen et Vert votera contre le renvoi en commission qu'il considère inutile. En effet, le débat en commission a eu lieu - longuement - et a permis des avancées certaines. Il est vrai que l'opposition y était peu représentée.

M. Bernard Accoyer.

Cela ne change rien au texte !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Pourtant, elle aurait eu tout loisir d'y participer efficacement. En fait, et M. Mariani vient de nous le confirmer, il n'était pas dans l'intention de l'opposition de travailler et de faire évoluer ce texte positivement. Trop soucieuse de son existence propre, elle s'est simplement préoccupée d'accompagner le MEDEF, qui s'est retrouvé dans la rue le 4 octobre.

M. Thierry Mariani.

Comme la CGT !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Il est quand même plus normal...

M. Thierry Mariani.

Que la CGT soit dans la rue ?

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

... que les organisations syndicales manifestent.

M. Thierry Mariani.

Pourquoi le MEDEF n'aurait-il pas le droit de manifester ? Vous êtes d'un sectarisme affolant !

Mme Odette Grzegrzulka.

Et vous, vous êtes misogyne !

M. Thierry Mariani.

La rue appartiendrait-elle à la gauche ? Il va falloir supprimer les trottoirs de droite ?

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Il n'est pas dans les habitudes du patronat de défiler dans la rue.

M. le président.

Madame Marin-Moskovitz, ne vous laissez pas interrompre !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

M. Mariani a tenté de s'appuyer sur les salariés les plus fragiles pour argumenter et défendre le patronat.

M. François Goulard.

Le grand patronat !

M. Jacques Masdeu-Arus.

Mme Bettencourt ! (Sourires.)

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Ce patronat qui était dans la rue. Ce patronat qui sait dialoguer avec les syndicalistes. Ainsi, dans ma région, il y a eu des dérapages lors de cette manifestation.

M. Thierry Mariani.

Laquelle ?

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Lisez la presse ! Le groupe Radical, Citoyen et Vert considère donc qu'il est urgent de poursuivre le débat...

M. Jacques Masdeu-Arus.

En commission !

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

... avec confiance, tout en restant vigilant, afin de faire en sorte que cette loi de réduction du temps de travail, qui doit permettre la création d'emplois, constitue vraiment une grande avancée sociale pour les travailleurs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Thierry Mariani.

C'est mal parti !

M. le président.

Monsieur Accoyer, vous devriez me remercier, car si j'ai fait remarquer tout à l'heure que vous n'étiez que neuf en séance, c'était pour vous permettre de battre le rappel de manière que le scrutin public ne montre pas la disproportion entre la présence de l'opposition et celle de la majorité plurielle.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

C'est le syndrome PACS !

M. Thierry Mariani.

Il n'y a pas un seul Vert en séance ! (Exclamations sur divers bancs.)

M. le président.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de renvoi en commission de M. Jean-Louis Debré.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

134 Nombre de suffrages exprimés .................

134 Majorité absolue .......................................

68 Pour l'adoption .........................

16 Contre .......................................

118 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons nous en tenir là pour ce soir.

Mais je voudrais d'ores et déjà vous indiquer que Mme la ministre demande la réserve de l'amendement no 735, avant l'article 1er , jusqu'après l'article 12.

La réserve est de droit.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

2 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de M. le Premier ministre, le projet de loi relatif au financement de la sécurité sociale pour 2000.

Ce projet de loi, no 1835, est renvoyé à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

M. le président.

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de Mme Marie-Jo Zimmermann, une proposition de loi organique tendant à instaurer une véritable parité entre les hommes et les femmes dans la vie politique.

Cette proposition de loi organique, no 1837, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔTS DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de M. Jean-Pierre Michel, un rapport, no 1828, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en vue de la lecture définitive de la proposition de loi relative au pacte civil de solidarité (no 1773).

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de M. René Mangin, un rapport, no 1829, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (no 1653).

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de M. François Loncle, un rapport, no 1830, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement macédonien sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (no 1654).

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de Mme Bernadette IsaacSibille, un rapport, no 1831, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole) (no 1655).

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de M. Roland Blum, un rapport, no 1832, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification des amendements à la convention portant création de l'Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellites (INMARSAT) relatifs à la création de l'Organisation internationale de télécommunications mobiles par satellites (ensemble une annexe) (no 1656).

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de M. Roland Blum, un rapport, no 1833, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le S énat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie (no 1657).

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de M. Jean Rouger, un rapport, no 1836, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi relative à la création d'un conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) (no 1516 rectifié).

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT

SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 6 octobre 1999, de M. Jean-Claude Daniel, un rapport, no 1834, fait au nom de la commission de la production et des échanges, sur la proposition de résolution de Mme Béatrice Marre, rapp orteur de la délégation pour l'Union européenne (no 1825), sur la préparation de la Conférence ministé-r ielle de l'OMC à Seattle (COM [1999] 331 final/no E 1285).

6

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique : Discussion de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France : M. Daniel Chevallier, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1772 sur les propositions de résolution nos 1570, 1681, 1691 et 1738).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1786 rectifié, relatif à la réduction négociée du temps de travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1826).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 7 octobre 1999, à une heure vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

Modifications à la composition des groupes (Journal officiel, Lois et Décrets, du 7 octobre 1999)

GROUPE DU RASSEMBLEMENT

POUR LA RÉPUBLIQUE (130 membres au lieu de 131) Supprimer le nom de M. Jean-Jacques Guillet.

LISTE

DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN

GROUPE (7 membres au lieu de 6) Ajouter le nom de M. Jean-Jacques Guillet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du mercredi 6 octobre 1999 SCRUTIN (no 178) sur la motion de renvoi en commission, présentée par M. Debré, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de trava il. Nombre de votants .....................................

134 Nombre de suffrages exprimés ....................

134 Majorité absolue ..........................................

68 Pour l'adoption ...................

16 Contre ..................................

118 L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (252) : Contre : 109 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votants : MM. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale) et Raymond Forni (président de séance).

Groupe R.P.R. (137) : Pour : 10 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe U.D.F. (70) : Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (6).