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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Sécurité alimentaire. - Discussion d'une proposition der ésolution tendant à la création d'une commission d'enquête (p. 7015).

M. Daniel Chevallier, rapporteur de la commission de la production.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 7016)

MM. Alain Calmat, Jean-François Mattei, Pierre Carassus, Germain Gengenwin, Patrick Carvalho, André Angot, Mme Annette Peulvast-Bergeal,

M.

Jean-Michel Marchand.

Clôture de la discussion générale.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Article unique (p. 7024)

M. Joseph Parrenin, Mmes Geneviève Perrin-Gaillard, Monique Denise.

Amendement no 6 rectifié de M. Angot : MM. André Angot, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 1 corrigé de M. Mattei : MM. Jean-François Mattei, le rapporteur. - Adoption de l'amendement no 1 corrigé et rectifié.

Titre (p. 7027)

Amendement no 2 corrigé de M. Mattei : MM. JeanF rançois Mattei, le rapporteur, Alain Calmat,

Mme Odette Grzegrzulka. - Adoption.

Le titre de la proposition de résolution est ainsi modifié.

Adoption de l'article unique modifié de la proposition de résolution.

CONSTITUTION DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (p. 7028)

M. le président.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7028).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1 SÉCURITÉ ALIMENTAIRE Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France.

Je rappelle que le rapport de la commission de la production et des échanges porte sur quatre propositions de résolution :

« de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête sur la mise en culture d'organismes génétiquemment modifiés, les infractions constatées en la matière et les dangers qu'elles font courir à la santé des populations (nos 1570, 1772) ;

« de MM. Jean-François Mattei et Pierre Lellouche visant à créer une commission d'enquête sur les dysfonctionnements en matière de santé et de sécurité alimentaire révélés par l'affaire du poulet à la dioxyne (nos 1681, 1772) ;

« de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité de la filière alimentaire en France (nos 1691, 1772) ;

« de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête sur les dangers sanitaires des modes de production agricole et des processus de fabrication de l'industrie agroalimentaire (nos 1738, 1772).

La parole est à M. le rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. Daniel Chevallier, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, madame la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, mes chers collègues, de la vache folle au poulet à la dioxine, en passant par les épisodes Coca-Cola, le boeuf aux hormones, l'introduction d'organismes génétiquement modifiés ou leurs dérivés dans les aliments, l'actualité récente a fait s'interroger plus d'un responsable et surtout plus d'un consommateur sur l'état de notre alimentation.

Dès lors qu'il y a doute sur la qualité des produits alimentaires et sur les garanties offertes par nos aliments, une crise de confiance peut facilement éclater.

Mais cette inquiétude trouve aussi son origine dans les bouleversements qu'a connus notre pratique alimentaire au cours de ces dernières années.

Force est de constater qu'en l'espace de vingt à trente ans nous sommes passés dans les pays occidentaux du repas familial au fast food, du repas traditionnel à l'empire du snack, de la production artisanale à la production industrielle.

Ainsi, progressivement, la distance s'est creusée entre le producteur et le consommateur. Ce dernier a du mal à se retrouver dans une production de masse même si les labels et autres étiquetages essaient de combler une partie de son désarroi.

Certains n'hésitent pas à parler d'alimentation dénaturée, accusant pêle-mêle la science et la technique d'avoir normalisé à outrance notre alimentation en oubliant toutefois les progrès réalisés en matière de sécurité sanita ire, de processus de fabrication, de conservation et de conditionnement.

Les modes dans l'alimentation ont, elles aussi, beaucoup changé : de l'aliment énergie, évalué en calories, à la nourriture minceur, de l'aliment santé à l'aliment médicament, de l'aliment sain à l'aliment « bio ». Le consommateur a quelques difficultés à suivre ce cheminement, non seulement sur un plan financier mais aussi par rapport à ses exigences de qualité, de sécurité et d'information.

Dans ce contexte général, notre assemblée se devait de se préoccuper de ces questions. La commission de la production et des échanges, en proposant la mise en place d'une commission d'enquête, a satisfait plusieurs demandes émanant de divers bancs de notre assemblée.

Les propositions de résolution portent notamment sur la question des organismes génétiquement modifiés et leurs risques sanitaires dans l'agroalimentaire, sur l'affaire du poulet à la dioxine. La proposition du groupe socialiste porte sur l'ensemble de la problématique sécurité et transparence de la filière alimentaire.

C'est cette dernière qu'il vous est proposé de retenir après débat en commission. En effet, son intitulé couvre l'ensemble de la filière alimentaire, dans tous ses aspects de sécurité au sens large du terme : l'aspect sanitaire, relatif à la santé publique, l'information du consommateur, par l'étiquetage des produits et l'obligation de transparence des circuits et des filières depuis la production jusqu'à la distribution.

La commission d'enquête s'intéressera notamment à la sécurité des méthodes utilisées dans la chaîne agroalimentaire vis-à-vis des différentes formes de contamination, bactérienne, chimique ou physique. Elle approfondira les questions que pose l'incorporation d'aliments issus du génie génétique à des préparations proposées au consommateur. Elle étudiera les conséquences de l'utilisa-


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tion dans l'élevage de farines, graisses et plus généralement de dérivés et déchets animaux. Elle s'interrogera sur l'adoption de normes différentes en Europe et hors d'Europe, notamment en ce qui concerne les activateurs de croissance et les normes du bien-être animal. Enfin, elle sera amenée à dresser un bilan des garanties présentées par notre système agroalimentaire au regard de l'ensemble de ces risques.

C es travaux vont s'engager au moment où commencent des négociations dans le cadre de la nouvelle Organisation mondiale du commerce. Celles-ci, qui s'étaleront sur trois ans et traiteront de la sécurité sanitaire et alimentaire, risquent de voir s'affronter un modèle américain de nourriture industrielle et un modèle français ou franco-européen, très ancré dans la notion d'aliment sain.

De récentes manifestations d'agriculteurs ont largement souligné cet antagonisme, et le travail de la commission d'enquête devra tout naturellement nourrir le débat sur ces véritables choix de société.

Voilà, mesdames, messieurs, pour le contexte général.

Je souhaiterais maintenant vous faire part de mon point de vue sur l'état d'esprit qui pourrait exister au sein de cette commission d'enquête.

Elle ne devra pas, car ce serait, à mon avis, une erreur, servir de cadre à un procès ou à une mise en accusation de la filière agroalimentaire française. En effet, notre pays a toujours été et continue à être aux avant-postes dans le combat pour une nourriture saine.

Je rappellerai, sans être toutefois exhaustif, la mise en place et l'existence d'une direction de l'hygiène et de la sécurité alimentaire, la mise en place d'un système de biovigilance, véritable surveillance biologique du territoire, la création et l'entrée en fonction de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments qui vient de s'illustrer en toute indépendance dans le dossier relatif à l'embargo sur le boeuf britannique, l'obligation de traçabilité inscrite dans la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999.

La commission d'enquête devrait plutôt chercher, à partir des événements et des dossiers que je viens d'évoq uer, comment on peut parfaire l'information des consommateurs qui réclament à juste titre une transparence totale et immédiate.

Elle pourrait également examiner les modalités de mise en place de tous les moyens techniques, technologiques et scientifiques permettant d'offrir à nos concitoyens les garanties nécessaires et suffisantes pour leur sécurité alimentaire et la qualité de leur alimentation.

N'oublions pas en effet qu'à travers l'acte de manger, acte magique qui permet de fabriquer de la vie à partir de l'inanimé, s'exprime tout un réseau de significations symboliques où interrogations et doutes font rapidement apparaître crainte et inquiétude.

Il conviendrait également, faute de traçabilité incontestable, d'examiner les conditions d'application du principe de précaution. Ce principe ne doit pas être assimilé à une attitude irrationnelle ou obscurantiste, bien au contraire ; il s'agit simplement de bien vouloir admettre que le risque zéro n'existe pas et que la preuve de l'innocuité d'un produit doit être une condition préalable à sa commercialisation.

En conclusion, il me paraît indispensable et utile, mes chers collègues, que notre assemblée se prononce favorablement sur la proposition de résolution portant création d'une commission d'enquête que je viens de vous présenter et qui a obtenu l'accord unanime de la commission de la production et des échanges.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Calmat.

M. Alain Calmat.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la sécurité alimentaire est une préoccupation majeure de nos concitoyens. A voir d'ailleurs les conséquences physiques que la « mal bouffe », comme l'on dit, peut avoir dans certains pays, on peut se demander si, dans quelques années, ne se répéteront pas, à l'encontre de certaines industries alimentaires ou de restauration, les procès qui sont actuellement intentés contre l'industrie du tabac. Pour ce qui concerne notre pays, il semble bien cependant que notre politique aille dans le bon sens, c omme le montrent les développements récents de l'affaire de la vache folle.

On peut se poser la question : et si la France avait raison ? Et si la France, seule, avait su se doter jusqu'à présent de l'instrument adéquat pour évaluer sérieusement les risques alimentaires, un instrument indépendant des pouvoirs économique et politique, fiable et scientifiquement indiscutable ? Certes, la Commission européenne a bien tenu compte d'avis sérieux de la part de ses experts. Mais ces avis datent de plusieurs mois, ce qui, en matière scientifique, équivaut souvent à plusieurs siècles.

Voilà que l'impertinente AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, met en doute le bienfondé de la levée de l'embargo des viandes britanniques, conduisant, selon le principe de précaution reconnu par tous, le gouvernement français à prendre la bonne décision. Mais, quelle est donc cette AFSSA, dont la notoriété ne semble pas avoir dépassé l'outre-Quiévrain ? C'est en effet dans une intimité médiatique assez étonnante que les parlementaires ont voté en 1998 à l'unanimité, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, une loi fondamentale relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme. Cette loi, dont j'ai été le rapporteur ici, et qui a été voulue par le gouvernement de Lionel Jospin bien que d'origine sénatoriale, a profité de cette éclipse médiatique qui a dépassionné les débats et permis des avancées très importantes au cours des différentes navettes et de la réunion de la commission mixte paritaire. Ces avancées se sont traduites par la création de l'Institut de veille sanitaire et de deux agences dont l'AFSSA.

La naissance feutrée de ces trois outils essentiels pour la santé des Français contraste avec le tintamarre médiatique, souvent justifié mais pas toujours judicieux, entourant les problèmes qui leur ont été soumis.

Chargé par le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, M. Le Garrec, de suivre l'application de cette loi dont les décrets d'application sont tous sortis, j'ai pu rencontrer les trois directeurs, et en particulier celui de l'AFSSA, Martin Hirsch. J'ai été surpris de constater que ces trois structures s'étaient déjà bien organisées.

L'AFSSA a émis depuis le 1er juin plusieurs avis, un avis relatif à la contamination de denrées destinées à l'alimentation humaine et animale, à la suite de l'utilisation


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de graisses contaminées par les dioxines pour la fabrication d'aliments du bétail, un de canettes concernant la contamination par Coca-Cola et un autre ayant trait à la contamination par dioxines de kaolin utilisé dans l'alimentation animale. Mais elle a émis bien d'autres avis, le dernier sur les viandes britanniques ayant eu le retentissement que l'on sait.

La France est donc maintenant en état d'assurer à ses concitoyens une sécurité alimentaire accrue et satisfaisante. Il n'en reste pas moins qu'une vigilance de tous les instants doit être exercée, en particulier par le Parlement, mais je n'insisterai pas dans l'immédiat sur les problèmes importants évoqués par Daniel Chevallier, car j'espère que nous en parlerons en commission.

Il me semble donc tout à fait justifié de créer une commission d'enquête parlementaire sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France, qui sera chargée d'enquêter sur les méthodes de production de l'alimentation humaine et animale, ainsi que sur le contrôle auquel elles sont soumises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour décider de la création d'une commission d'enquête sur la sécurité sanitaire des aliments.

Comme notre rapporteur, je rappellerai quelques-uns des éléments qui, au cours des derniers mois et des dernières années, nous ont conduits à réagir : avec le veau aux hormones, les organismes génétiquement modifiés - sous toutes leurs formes d'ailleurs -, l'encéphalopathie spongiforme des bovidés et la dioxine, nous avons soudain pris conscience que notre assiette nous échappait.

En tant que rapporteur de la mission d'information sur la vache folle, j'avais choisi à dessein comme titre du rapport : De la vache folle à la vache émissaire. Monsieur le rapporteur, vous avez parlé de crise de confiance. Mais, de mon point de vue, c'est plus grave encore : en définitive, c'est une crise morale. Progressivement, certaines conduites nous paraissent indignes, incompatibles avec l'idée que nous avons de nous-mêmes. Cette révolte, c'est très exactement l'histoire du bouc émissaire, chargé de tous les péchés, car il faut bien un responsable. On a donc désigné la vache folle comme la vache émissaire. La malheureuse n'en peut mais : car voici qu'à la suite il faudrait citer aujourd'hui les poulets, le maïs... L'homme ne peut plus échapper à ses propres responsabilités.

Il s'agit donc d'une crise morale. De plus en plus souvent s'instaure dans nos esprits une confusion entre les moyens et les fins, et nous avons perdu ce que la philosophie classique nous enseignait, à savoir une maxime pour l'action. Nous en portons collectivement la responsabilité.

Nous devons nous ressaisir et répondre à l'attente de l'opinion poublique qui s'indigne et se révolte même si, vous le savez, monsieur le ministre, l'ampleur de ses réactions est quelquefois disproportionnée au regard de la nature de l'accident initial. Cela tient d'ailleurs parfois au fait que, comme le soulignait récemment l'un des nouveaux responsables de la santé publique dans ce pays, les problèmes doivent toujours être résolus dans l'urgence.

Manifestement, nous n'avons en France ni une culture de santé publique, ni des moyens permettant d'informer correctement la population.

Ainsi il faut apparaître dans l'urgence à la télévision, au cours du journal de vingt heures, pour tenter de calmer les inquiétudes en niant, ou en minimisant le phénomène. Evidemment, on obtient l'effet inverse. Les politiques doivent revoir la façon de gérer ces crises.

La durée de vie s'allonge. La taille moyenne des gens s'est accrue de quelque dix à quinze centimètres depuis le début du siècle. Notre régime nutritionnel est incomparablement meilleur que celui du siècle dernier, et il serait grotesque de nier que nous avons accompli des progrès considérables dans le domaine de l'alimentation et de l'hygiène. Mais c'est justement l'ampleur de ces progrès qui rend nos concitoyens de plus en plus difficiles. Nous sommes de mieux en mieux soignés dans les hôpitaux, mais nous sommes de plus en plus exigeants sur la qualité des médicaments, des transfusions sanguines ou des produits et des matériaux qui nous sont proposés.

Dans ce domaine aussi, il convient donc de redonner un sens à notre action politique. C'est la raison pour laquelle je m'associe pleinement à la création de cette commission d'enquête. Avec Pierre Lellouche, j'avais d'ailleurs proposé une commission d'enquête sur le même sujet, mais nous avions limité son objet, non pas par modestie, mais parce qu'il nous semblait que vouloir aller au-delà était une tâche incommensurable.

Monsieur le rapporteur, vous êtes sans doute bien conscient, comme M. le ministre et Mme la secrétaire d'Etat qui vous ont écouté avec beaucoup d'attention, que les quelques alinéas qui constituent l'article unique vont vous imposer un travail long, lourd et complexe, mais cela est indispensable.

Monsieur le ministre, nous avons eu l'occasion, par presse interposée, d'échanger quelques propos lorsqu'il a été question de lever l'embargo sur le boeuf britannique.

En la matière, et bien que la politique intérieure fasse qu'il existe une majorité et une opposition, nous sommes engagés dans une action internationale. Le premier souci de chacun doit donc être d'aider le Gouvernement et la France, lorsqu'il s'agit de s'opposer à des décisions qui ne nous conviennent pas ; même si elles sont quasiment imposées par la Commission européenne.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. Jean-François Mattei.

Lorsque l'Organisation mondiale du commerce veut agir de même, il n'est plus de querelle qui vaille. Nous devons être unis, car nous ne voulons pas que l'on nous impose une nourriture qui ne correspond pas à nos critères d'hygiène et de sécurité alimentaires !

M. Pierre Carassus.

Tout à fait !

M. Jean-François Mattei.

Je terminerai en formulant la seule réserve que j'ai à exprimer.

Il est difficile, dans un monde qui connaît des mutations rapides, de faire évoluer les concepts, de lutter contre les conservatismes et les archaïsmes. Je regrette donc profondément que l'on semble opposer le monde de la santé à celui de l'agriculture ou à l'environnement. Il est évident qu'ils constituent un tout qui procède désormais de l'une des exigences des citoyens : la sécurité. A côté de la sécurité militaire et de la sécurité civile, i l faut désormais prendre également en considération la sécurité sanitaire qui concerne à la fois les produits de santé, l'alimentation et l'environnement. On ne peut pas opposer ces différents domaines ni se cantonner aux anciennes limites ; il faut savoir évoluer.


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Voilà pourquoi j'ai exprimé en commission le regret que le titre prévu pour cette proposition de résolution ne comporte pas le mot « santé » ou l'adjectif « sanitaire ».

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous avez raison.

M. Jean-François Mattei.

D'abord, cela aurait un aspect symbolique. Ensuite, cela permettrait de tenir compte d'une exigence pratique moderne. En effet, ceux qui procéderont à une recherche sur Internet, en prenant comme mots clés santé, santé publique ou sanitaire, ne seront pas informés de l'existence de cette proposition de résolution. Ils ignoreront que nous nous sommes penchés sur un problème sanitaire au travers de la question de l'alimentation.

M. François Goulard.

Exact !

M. Jean-François Mattei.

Permettez-moi de dire que cette absence constitue une erreur, alors que cet ajout n'enlèverait rien ni au fond du texte, ni au rôle de notre rapporteur, ni aux responsabilités des ministres intéressés.

Cela aurait permis de montrer que, au travers des questions d'étiquetage, de traçabilité, d'information et de transparence, la sécurité sanitaire était en jeu.

Je m'exprime avec un peu de passion, monsieur le rapporteur, parce que nous avons la commune responsabilité de faire comprendre que notre environnement, notre alimentation, en un mot notre vie doivent reposer sur la recherche de la sécurité. Le temps qui m'est imparti s'achevant, nous ne pouvons aller au-delà dans cette discussion, mais il faudra bien que nous traitions au fond du principe de précaution.

Comme beaucoup d'autres avant vous, monsieur le ministre, vous l'avez invoqué, mais il n'est pas un principe de gouvernement. Le risque zéro n'existant pas, il faut bien, à un moment ou à un autre, choisir entre l'immobilisme et l'action en fonction du risque estimé. Cela permet de retrouver toute la noblesse de l'action politique car, contrairement à ceux qui nous critiquent, je pense qu'il en existe une dans l'action politique, celle d'assumer une responsabilité après avoir pesé les risques.

Monsieur le rapporteur, je souhaite que cette commission d'enquête nous permette de préciser ces risques et fournisse aux ministres concernés les éléments d'une maxime pour l'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Odette Grzegrzulka et M. Alain Calmat.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Carassus.

M. Pierre Carassus.

La vache folle, le poulet à la dioxine, la peste porcine, mais aussi le boeuf aux horm ones, sont autant de dérives qui choquent les consciences et inquiètent le consommateur. Ce dernier se demande chaque jour un peu plus ce qui se cache dans son assiette et à quel nouveau danger on va l'exposer.

Ses craintes portent à la fois sur la qualité des produits, sur la protection de l'environnement et sur le bien-être des hommes et des animaux. Elles révèlent le type de société que certains veulent nous imposer : une société lancée dans la folle course du productivisme, quelques multinationales peu scrupuleuses se préoccupant davantage des profits qu'elles peuvent dégager que des questions touchant à la santé publique ou à la protection de l'environnement.

Il est significatif, me semble-t-il, que les Etats-Unis encouragent ces pratiques, comme en témoignent les sanctions douanières prises à la suite du refus légitime de l'Union européenne d'importer de ce pays du boeuf aux hormones, compte tenu des risques que cela peut faire courir à nos populations. Il est d'ailleurs scandaleux que le principe de précaution ainsi mis en oeuvre par l'Union européenne ait été condamné par l'Organisation mondiale du commerce, qui a fixé à 717 millions de francs par an l'amende à payer aux Etats-Unis.

Force est de constater que la libéralisation des échanges commerciaux que l'OMC entend promouvoir, dans ce domaine comme dans bien d'autres, avance comme un rouleau compresseur qui obéit toujours à la même logique infernale : broyer tout ce qui s'oppose à l'ultralibéralisme mondial, même si cette opposition ne fait que traduire les préoccupations de nos concitoyens dans un domaine qui est loin d'être anodin puisqu'il concerne leur propre santé.

Dans une interview récemment accordée au journal Le Monde, M. William Daley, secrétaire d'Etat américain au commerce, a déclaré : « Les problèmes que les gens » - comprenez les Européens - « peuvent éprouver avec le boeuf aux hormones ou les OGM ne se fondent pas sur des résultats scientifiques mais sur une peur collective et matérielle. » N'en déplaise à M. Daley, ce ne sont pas les

nouveaux scandales alimentaires et les signaux d'alarme lancés par de nombreux représentants de la communauté scientifique qui dissiperont nos angoisses.

Lorsque le même M. Daley affirme : « Moins il y aura de réglementation, mieux le secteur s'en portera », il a peu de chances d'être compris des consommateurs non seulement européens mais aussi américains. En effet, les consommateurs, eux, souhaitent des règles plus strictes.

Ils veulent que tout soit mis en oeuvre pour éviter de nouvelles catastrophes sanitaires ou pour ne pas laisser s'amplifier celles qui existent déjà et dont on ne mesure peut-être pas toutes les conséquences sur le long terme.

Il ne saurait pourtant être question de refuser toute évolution scientifique, bien au contraire. Le progrès de l'humanité tient en effet au développement des technologies innovantes qui peuvent susciter de grands espoirs dans le domaine de la santé ou de la protection de l'environnement. Ainsi, comme l'indique un rapport du Conseil économique et social de cette année sur les biotechnologies, le génie génétique est bien une révolution scientifique majeure. La transgénèse, dont les organismes génétiquement modifiés sont l'une des applications, permet aux scientifiques de franchir une étape supplémentaire dans la maîtrise du vivant et instaure une nouvelle relation entre l'homme et la nature.

Maîtriser ou subir ? Voilà la véritable question que doivent se poser la communauté scientifique et les pouvoirs publics.

Pour les OGM, les principes de prévention et de précaution doivent, me semble-t-il, prévaloir avant toute utilisation afin d'évaluer les risques directs ou indirects sur l'environnement ou la santé humaine. Il apparaît d'ailleurs évident que l'utilisation des OGM dans les pratiques agricoles et dans la gestion des cultures répond d'abord au souci d'accroître la productivité. On peut même considérer, à voir la bataille sauvage qui oppose aux Etats-Unis les firmes voulant commercialiser les OGM, que les enjeux économiques peuvent être redoutables et pourraient avoir des conséquences néfastes sur notre souveraineté alimentaire.


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Il est indispensable que la France, forte de son patrimoine gastronomique et des liens presque affectifs qu'elle entretient avec les produits de son terroir, soucieuse de leur réputation, préserve la qualité de son alimentation malgré les pressions économiques. Il est du devoir des pouvoirs publics français de donner à nos concitoyens des garanties quant à l'innocuité, la provenance et la nature des denrées alimentaires qu'ils consomment.

L à réside le principal intérêt de la commission d'enquête proposée par nos collègues du groupe socialiste.

La France a déjà montré l'exemple en créant l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et les députés du Mouvement des citoyens veulent que cette commission d'enquête s'attache à prendre en considération les souhaits, les interrogations et les craintes des consommateurs.

Avant de conclure, je tiens à réaffirmer notre soutien au Gouvernement français qui a pris une juste décision en retardant, malgré les pressions de Bruxelles, la levée de l'embargo sur la viande bovine. Nous nous félicitons que le Gouvernement ait suivi l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

La sécurité alimentaire devient de plus en plus une question de première importance. C'est donc bien volontiers que les députés du Mouvement des citoyens et du groupe Radical, Citoyen et Vert voteront en faveur de la présente proposition de résolution.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

La seconde moitié du XXe siècle aura connu un tournant dans l'histoire de l'alimentation des pays développés avec le passage de l'insuffisance à l'abondance alimentaire. Cette mutation s'est accompagnée d'une diversification des attentes et des exigences des consommateurs.

Parallèlement et logiquement, l'industrialisation et la massification de la production alimentaire, conjuguées au phénomène de mondialisation des marchés, ont accru le nombre de maillons et d'opérateurs de la chaîne alimentaire. Celle-ci se caractérise aujourd'hui par une complexité technologique et économique, qui ne peut pas être étrangère à la survenue d'éventuels accidents. Leur multiplication récente et la difficulté de les maîtriser à laquelle nous sommes confrontés ont conduit à la demande qui nous réunit ce matin.

Faut-il, une fois encore, rappeler les événements en cause ? Trois ans seulement après l'épidémie de la vache folle, plusieurs crises se sont succédé au cours des six derniers mois : présence de dioxine dans des poulets, recours, dans l'élevage bovin, à des hormones suspectées d'être cancérigènes, introduction d'antibiotiques dans l'alimentation animale, bien que cela reste à vérifier, et, surtout, accumulation des doutes quant à l'innocuité des organismes génétiquement modifiés. Je parle bien de doutes, car j'attends encore que l'on nous apporte des preuves.

L'objet de la commission d'enquête qu'il nous est proposé de créer est donc à la fois vaste et brûlant : vaste, parce que vous avez souhaité, monsieur le rapporteur, qu'elle soit la synthèse de quatre propositions de création d e commission d'enquête et qu'elle s'intéresse à l'ensemble des questions ; brûlant, parce que, sur ce sujet, se mêlent inquiétudes et incertitudes, les premières étant d'autant plus fortes qu'existent les secondes. Elles ont d'ailleurs été encore accrues, rappelons-le, par le sentiment qu'il y a eu quelques dysfonctionnements.

Alors que la crise de l'ESB n'était pas encore complétement jugulée, on aurait pu espérer que toutes les leçons en auraient été tirées, et que certaines carences ne se reproduiraient plus ; je pense, notamment, même si les deux affaires ne sont pas comparables, au scandale de la dioxine. Or il semble que des informations importantes n'aient été révélées qu'avec retard, ou sous-évaluées, que le réseau d'alerte européen n'ait pas été activé à temps et en heure, et que des incertitudes aient subsisté tant sur la liste des exploitations agricoles concernées que sur la gravité de la contamination.

De telles crises laissent des traces et les conséquences en sont rudes : chute de la consommation des produits incriminés fragilisant l'ensemble d'un secteur et de nombreuses exploitations agricoles, annulation de commandes à l'exportation pour cause de fermetures de frontières, détérioration de l'image des produits français et, aussi, de la réputation de la production agricole européenne - alors même que l'Union européenne est engagée, au sein de l'OMC, dans un contentieux avec les Etats-Unis - et, par-dessus tout, méfiance accrue des consommateurs qui, légitimement, deviennent de plus en plus exigeants en matière de sécurité et de transparence alimentaires.

Il s'agit là, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, de la rançon de la concentration des centrales d'achat qui, par ricochet, suscite la concentration des ateliers de production avec les risques que cela comporte.

Dans ces conditions, en effet, chaque centimètre carré de surface dans un atelier de poulets, chaque centime dans le prix du kilo d'un aliment fait pratiquement la marge du producteur. Là aussi, la qualité a un prix.

A cet égard, la création d'une commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France répond sans aucun doute, monsieur le rapporteur, aux attentes de nos concitoyens, et nous en soutenons le principe. L'extrême sensibilité de l'opinion publique sur ces sujets n'est plus à démontrer et il est aujourd'hui essentiel de donner ou de redonner confiance aux consommateurs dans la qualité sanitaire des produits alimentaires qui leur sont proposés.

Nous sommes donc confrontés au défi de devoir garantir à la fois la sécurité et la transparence.

En matière de sécurité, le risque zéro, vous l'avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, n'existe pas. Même si nous devons y tendre, le problème est d'abord de détecter et d'évaluer les risques potentiels ; cela relève du contrôle scientifique des experts. A cet égard, je salue la performance de Jean-François Mattei, qui parle en expert dans ce domaine.

Il s'agit ensuite, compte tenu de l'expertise scientifique, de déterminer quel niveau de risque est socialement et éthiquement acceptable ; cela relève de la fonction politique.

Il est enfin, en permanence, de prévenir et corriger toutes prises de risques tout au long de la filière agroalimentaire, cela relève des contrôleurs et des professionnels, sous l'oeil vigilant des consommateurs.

Quant à la transparence, elle peut emprunter une double voie. D'abord, celle de l'identification et de la traçabilité des produits. L'opposition, vous vous en souvenez, monsieur le ministre, a largement insisté sur cette question lors des discussions de la loi d'orientation agricole. Ensuite, celle d'un renforcement de la « boîte à outils » du contrôle sanitaire de l'alimentation afin de disposer d'une véritable capacité d'évaluation des risques. A cet égard, la mise en place de l'Agence française de sécurité sanitaire et alimentaire va dans le bon sens.


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Toutefois, je voudrais formuler deux remarques.

Pour commencer, cette agence a été mise en place le 22 juin dernier, soit avec six mois de retard par rapport à ce que prévoyait la loi du 1er juillet 1998. Une installation plus précoce de cet organisme, chargé de coordonner et de fédérer les fonctions de veille, d'alerte et d'expertise, aurait peut-être permis d'éviter une crise d'une telle ampleur.

Ensuite, quel besoin y a-t-il de créer, comme l'a annoncé le Premier ministre, une agence supplémentaire qui sera consacrée à la sécurité industrielle et environnementale, alors que nous disposons déjà d'une agence du médicament et des produits de santé et d'un institut de veille sanitaire ? La multiplication de ces instances ne risque-t-elle, pas à terme, d'engendrer des problèmes de frontières, de délimitation des compétences, et de déboucher, faute d'une coordination suffisante, sur de nouvelles crises sanitaires ? L'industrie alimentaire est aujourd'hui un secteur économique de premier plan, le premier secteur industriel français avec un chiffre d'affaires de 803 milliards de francs en 1998. Celui-ci doit faire face à des défis et à des enjeux considérables pour conserver et renforcer ses positions en France et dans le monde ; dans cette compétition, le progrès technologique constitue un apport essentiel. Fournir à bas prix des quantités croissantes de produits n'offrant pas toujours des garanties suffisantes de qualité ne peut être une solution d'avenir pour l'agriculture française européenne. Il faudrait, à cet égard, réfléchir sérieusement aux conséquences à tirer d'une crise qui met une nouvelle fois sur la sellette l'utilisation des farines animales.

Par ailleurs, le domaine alimentaire porte en lui un paradoxe fondamental. Alors que le consommateur apprécie les améliorations qu'on lui propose en matière de qualité, de diversité, de durée de conservation ou de facilité d'emploi des produits, il découvre avec étonnement et une certaine méfiance les procédés qui ont permis d'obtenir résultats. Cherchant à renouer un lien de familiarité avec ses aliments, il croit trouver ce lien dans l'idée de nature. Dans un tel contexte, la technologie ou la biotechnologie lui paraît vite suspecte.

Il nous faudra donc chercher à concilier ce nécessaire progrès scientifique et technologique en matière agricole et alimentaire avec les exigences des consommateurs, au lieu de chercher systématiquement à les opposer, dans une vision d'ailleurs bien utopique.

Je conclus, mes chers collègues, en appelant votre attention sur un point qui me paraît essentiel. Les travaux de la commission d'enquête ne devront pas se contenter, comme le dispose l'article unique, de dresser « un bilan des garanties que présente le système agroalimentaire français ». En effet, ce n'est pas seulement d'une police sanitaire que nous avons besoin, mais d'une véritable politique sanitaire. Il ne faut pas nous contenter de gérer les crises en aval ; il faut aussi les prévenir en amont et l'application du seul principe de précaution n'y suffit pas.

Certes, il nous faut des contrôles. Certes, il nous faut des dispositions claires et harmonisées avec nos partenaires européens sur la réglementation et le contrôle de la qualité des produits alimentaires. Mais nous avons aussi besoin de définir des principes généraux, de mettre en oeuvre une réelle concertation entre les différents acteurs de la chaîne alimentaire.

Je regrette de ne pas avoir une minute de plus pour m'exprimer,...

M. le président.

Vous avez déjà dépassé votre temps de trois minutes, monsieur Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

... mais je veux le répéter en conclusion, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat : le consommateur doit savoir que la qualité a un coût. Le producteur au début de la chaîne ne peut pas être celui que l'on « essore » en permanence ; il faut accepter de mettre le prix pour un produit de qualité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous demande, mes chers collègues, de respecter vos temps de parole pour la bonne tenue des débats.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Depuis maintenant quelques années, nous sommes confrontés, de plus en plus fréquemment, à ce que nous avons coutume d'appeler des

« crises » ou encore des « scandales » dans le domaine de la sécurité alimentaire. Pour mémoire : intoxication à partir de viande de cheval, listeria dans des fromages au lait cru, salmonelle dans des volailles, pollution chimique d'une eau de source, vache folle, Coca-Cola empoisonné, éclaircissement de certains vins français, peste porcine, boeuf aux hormones et, voilà quelques mois, poulets, oeufs et produits laitiers contenant de la dioxine, sans parler des eaux de stations d'épuration dans l'alimentation pour animaux ! Il est peu crédible d'affirmer qu'il s'agit là de simples accidents de parcours, d'erreurs regrettables ou de malheureux concours de circonstance. Notre société est confrontée à un véritable problème, un problème de contrôle et de protection de la santé face aux appétits financiers d'un ultralibéralisme sans limites.

Ces scandales sont la preuve évidente que la santé publique, car c'est bien de cela qu'il est question, passe désormais après les intérêts mercantiles. Ce n'est plus supportable. Il faut mettre désormais un terme à la déréglementation sans bornes du commerce agro-alimentaire mondial, qui n'hésite pas à doper les animaux pour doper les marges.

La volonté politique de mettre en place un marchér eposant sur la logique unique de la concurrence démontre les limites d'un tel système. Nous savons qu'un marché où prédomine l'absence de règles ne peut s'autoréguler. Si un cadre réglementaire a pour vocation d'instaurer des relations loyales entre les participants, il doit d'abord et avant tout protéger les consommateurs que nous sommes. Or nous avons de quoi céder à la panique ou, plus grave encore, à la résignation face à tous ces risques dès que nous mangeons ou que nous donnons à manger à nos enfants.

Plus grave encore, ce sont comme toujours les plus défavorisés économiquement qui se retrouvent les plus menacés. Contraints de rechercher des produits bon marché sans trop s'interroger sur leur qualité, ils se retrouvent les premières victimes des exigences d'une productivité effrénée. Il n'est qu'à voir le succès des magasins « discount » désormais installés dans toutes les régions.

La concurrence pour obtenir les meilleurs prix est sans pitié à tous les niveaux de la chaîne alimentaire - grande distribution, abatteurs, éleveurs, fabricants d'aliments, fournisseurs, négociants -, sans pitié pour notre sécurité dans l'unique souci d'accroître les marges. Un incident dans la chaîne alimentaire et des millions de consomma-


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teurs sont menacés. On l'a vu avec le Coca-Cola. Les produits « bio », qui évoluent néanmoins dans un environnement pollué, et les produits de terroirs authentiquess ont malheureusement inaccessibles au plus grand nombre. Désormais, seuls ceux qui ont les moyens de s'offrir des produits de qualité peuvent être à peu près confiants quand ils abordent leur assiette. La déclaration universelle des droits de l'homme n'énonce-t-elle pourtant pas que le droit pour chaque être humain à bénéficier d'une alimentation saine et suffisante est imprescriptible ? Ces scandales à répétition prouvent également le manque de transparence dans un secteur où elle devrait être le maître mot. La transparence doit pouvoir être réelle à toutes les étapes de la production alimentaire.

Sans elle, la sécurité n'est qu'illusion. Cette transparence suppose une traçabilité des produits afin de pouvoir localiser rapidement les produits porteurs de risques.

Une autre évidence s'impose : le manque d'information des agriculteurs. Ceux-ci ne doivent pas être pointés du doigt comme les seuls responsables de la dérive à laquelle nous assistons. Les petits exploitants ne peuvent affronter et maîtriser toutes les évolutions technologiques ou commerciales opaques, compte tenu du poids des firmes agro-alimentaires multinationales. Ils sont soumis à la loi de la productivité effrénée dictée par les industries alimentaires et la grande distribution. L'agriculture est aujourd'hui sous influence des grands groupes fabricants de matières chimiques et des géants de la distribution.

Si notre souci est celui de la santé des citoyens, il faut nous donner les moyens de leur offrir des garanties. La sécurité ne peut se limiter, dans ce domaine, à une simple affirmation de principes. Pour qu'elle prenne la place centrale qu'elle mérite, il faut clairement la désigner comme une priorité. Certes, les réglementations sanitaires existent ; dans la dernière loi d'orientation agricole, de nombreuses dispositions ont été prévues. Malheureusement, la fraude prolifère en dépit de la mise en place de plusieurs organismes. Le dernier en date, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, est chargé d'évaluer les risques sanitaires et nutritionnels que peuvent présenter les aliments destinés à l'homme ou aux animaux.

Nous sommes appelés aujourd'hui à nous prononcer sur plusieurs propositions de résolution visant à créer une commission d'enquête sur la sécurité alimentaire. Avant de légiférer dans l'objectif d'assurer une sécurité optimale aux consommateurs, il faut pouvoir déterminer clairement quels sont les risques, et dresser un bilan des garanties que présente notre système agro-alimentaire. A la veille des négociations de l'OMC, cette détermination et ce bilan sont particulièrement utiles. La création d'une commission d'enquête parlementaire nous est indispensable pour étudier les garanties et les assurances effectives à mettre en place. Sur la base de ses conclusions, nous pourrons alors rechercher le moyen de parvenir à ce qui peut évidemment paraître une utopie : le risque zéro lorsque nous portons un aliment à notre bouche, c'est-àdire la certitude pour le consommateur que son assiette n'est pas empoisonnée par les intérêts de l'hyperproductivité.

La proposition de résolution no 1691 de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés présente un intérêt certain par comparaison aux autres textes. En effet, la commission d'enquête qu'elle suggère de mettre en place sera chargée de s'intéresser à la sécurité de la filière alimentaire prise dans son ensemble, et non pas seulement aux seuls risques liés à la farine animale. La crise de la dioxine a suscité une vive émotion dans tout le pays, mais elle ne doit pas pour autant conduire à négliger les autres risques alimentaires qui peuvent survenir dans toute la filière.

La commission aurait en charge d'enquêter sur les méthodes de production des denrées destinées à l'alimentation humaine et animale, ainsi que sur le contrôle auquel elles sont soumise. Cette notion de contrôle est essentielle si l'on veut lutter contre la fraude désormais devenue monnaie courante.

La proposition de résolution dresse une liste des risques réels probablement non exhaustive, mais assurément très large, car elle s'attache à l'ensemble des problèmes de sécurité de la filière alimentaire.

Le groupe communiste, républicain et citoyen du Sénat a déposé une proposition de résolution qui tend également à créer une commission d'enquête sur la sécurité sanitaire et alimentaire des produits destinés à la consommation animale et humaine en France et dans l'Union européenne. En effet, la dimension européenne ne doit pas, à notre sens, être perdue de vue. Une harmonisation des différentes réglementations nationales doit être envisagée au plus vite afin d'imposer l'application de normes strictes de qualité, de sécurité, d'hygiène et le respect du principe de précaution au niveau européen, mais aussi, plus largement, entre pays membres de l'Organisation mondiale du commerce. Faute de quoi, toute réglementation resterait vaine. Précisons toutefois que cette harmonisation ne doit pas se faire au détriment de la sécurité. L'expérience de la vache folle nous le prouve : un pays isolé ne peut offrir de véritables garanties. Dans des cas semblables, l'harmonisation doit avoir pour unique objectif la fermeté face aux dangers.

Quoi qu'il en soit, le groupe communiste votera la proposition de résolution no 1691 de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés, telle que modifiée par la commission de la production et des échanges, fort de la conviction qu'une telle commission d'enquête parlementaire oeuvrera à réaliser le retour à une agriculture raisonnée, respectueuse de la santé et de l'environnement, à une filière agroalimentaire soucieuse, non plus seulement de rentabilité, mais aussi de la santé du consommateur.

Mme Odette Grzegrzulka.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, les consommateurs européens et français sont déstabilisés par une succession de crises mettant en cause la sécurité des aliments qu'ils consomment. Ces crises ont eu d'autant plus d'impact que la moindre affaire est fortement médiatisée, sinon exploitée à des fins politiques.

Et, pourtant, le nombre de décès annuels par intoxication alimentaire en France est sans comparaison avec celui d'il y a encore vingt ou trente ans. On compte actuellement environ 100 décès par toxi-infection alimentaire ou décès par listériose, plus 500 décès par infections intestinales. Il faut cependant bien savoir que ce n'est pas toujours la qualité de l'aliment qui est en cause, mais souvent ses conditions de conservation. Même s'ils sont toujours trop élevés, les chiffres concernant les pathologies dues à l'alimentation sont incomparables avec ceux des Etats-Unis qui voudraient parfois nous donner des leçons de consommation, mais où l'on recense chaque année 30 millions de cas d'intoxications alimentaires et 9 000 décès.


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Le consommateur ne peut plus admettre que sa santé soit mise en cause par son alimentation. Les crises successives ont fortement mis le doute sur la qualité des produits alimentaires : crise du veau aux hormones en 19881989, épidémie de listériose en 1992 avec soixante-trois décès, crise de l'ESB en 1996.

En France, l'ESB a provoqué la mort d'une seule personne alors que l'on compte quarante-trois victimes en Grande-Bretagne. Il faut cependant rester prudent sur l'impact de cette maladie, car la durée d'incubation peut aller jusqu'à vingt ans et nous n'avons aucun moyen de la dépister avant son expression clinique. A ces crises on doit encore ajouter les affaires récentes dues à la détection de la listeria dans des fromages, à l'affaire Coca-Cola et enfin la dernière crise mettant en cause de la dioxine dans l'alimentation du poulet et du porc et l'utilisation éventuelle de boues de station d'épuration dans les farines de viandes. Il faut aussi relever la très grande méfiance du consommateur envers les variétés végétales génétiquement modifiées. Il est d'ailleurs à noter que, face à la quasiimpossibilité d'assurer une traçabilité fiable dans le domaine des OGM, sous la pression des consommateurs, de nombreuses grandes firmes agro-alimentaires ont déjà pris les devants en Europe, en particulier Danone, en refusant d'incorporer les variétés OGM dans leurs produits. Le même phénomène commence, et c'est heureux, à apparaître aux Etats-Unis.

Les firmes productrices de variétés génétiquement modifiées elles-mêmes commencent à revoir leur stratégie.

Monsanto, par exemple, vient d'annoncer il y a quelques jours qu'il fallait abandonner la fabrication des variétés génétiquement modifiées dans le but d'obtenir des graines stériles.

Je profite d'ailleurs pour déplorer une nouvelle fois que le Gouvernement ait autorisé, pour la première fois, fin 1997, avec l'accord de M. Le Pensec et de Mme Voynet, la culture de variétés de maïs transgéniques en France. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous annuliez cette décision.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Et que j'autorise les importations comme vous l'aviez fait ?

M. le président.

Monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir ne pas interrompre M. Angot.

M. André Angot.

Heureusement, le Gouvernement vient de s'opposer à la réimportation en France de la viande bovine anglaise. Un grand nombre de spécialistes estiment que les contrôles vétérinaires des troupeaux et la traçabilité des viandes ne sont pas suffisamment fiables pour autoriser ce retour de la viande bovine anglaise en France.

L'Académie de médecine de France s'est formellement opposée à l'importation de viande bovine anglaise. Il en est de même de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

Il n'est reste pas moins qu'il y a une grande hypocrisie dans l'attitude de ce gouvernement. A Bruxelles, il ne s'est pas opposé à la levée de l'embargo mais s'est simplement abstenu. M. Kouchner nous a bien confirmé en répondant à une question d'actualité qu'il s'était abstenu.

Ce n'était pas une position très courageuse.

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Ce n'était pas lui !

M. André Angot.

En tout cas, c'est le représentant du Gouvernement qui avait reçu des consignes de M. Kouchner. Par ailleurs, heureusement, ce gouvernement refuse d'assumer son choix et d'importer de la viande bovine anglaise.

M. Alain Calmat.

Heureusement ! Jusqu'à ce que les choses soient claires.

M. le président.

N'interrompez pas l'orateur !

M. André Angot.

Il faudra également rester vigilant, mais je sais que vous l'êtes, monsieur le ministre, sur l'importation de viande bovine américaine tant que des hormones de croissance seront utilisées dans ce pays. Il est, en effet, démontré qu'il y a un parallélisme entre certains troubles hormonaux, certains cancers du sein et de la prostate, et la consommation de viande bovine hormonée. Des études scientifiques démontrent qu'aux EtatsUnis et au Canada les cancers hormono-dépendants présentent les taux d'incidence parmi les plus élevés au monde et que leur nombre est en augmentation.

Aujourd'hui plus que jamais, le consommateur est en droit d'exiger que son alimentation ne provoque pas de troubles pathologiques. Un certain nombre de mesures ont déjà été prises depuis quelques années pour améliorer la sécurité alimentaire. Ainsi, en 1996, la loi sur l'équarrissage a interdit en France l'utilisation de cadavres et de viandes saisis à l'abattoir pour fabriquer des farines animales destinées à la consommation animale. Les seules parties utilisables sont donc les parties saines des animaux non consommées par l'homme : graisses, os, viscères, sang. Malheureusement, la France est le seul pays européen à avoir pris cette décision.

La loi vient également de créer l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Il faut absolument éviter que de nouvelles crises de sécurité sanitaire apparaissent et continuent à mettre le doute dans l'esprit du consommateur sur la qualité des produits qu'il consomme. N'oublions pas également les dégâts économiques de ces crises répétées.

A chaque fois, ce sont les producteurs agricoles qui en sont les premières victimes, même s'ils ne sont pas les responsables. C'est le cas quand ils achètent des aliments pour leurs animaux alors qu'ils ne peuvent pas contrôler l'origine des matières premières qui entrent dans la fabrication.

M. Germain Gengenwin.

Tout à fait !

M. André Angot.

A chaque fois, ce sont aussi les salariés des industries agroalimentaires qui sont les victimes.

On le voit bien en Bretagne, après la crise du poulet à la dioxine, où plusieurs entreprises ont commencé à licencier. Ce sont aussi les petits commerçants, bouchers, charcutiers, qui sont directement touchés. Il est temps de mettre un terme aux crises alimentaires successives.

Je souhaite que cette commission d'enquête contribue à éclairer les dysfonctionnements de la chaîne alimentaire.

Je souscris, ainsi que les collègues de mon groupe, aux quatre sujets d'études prévus dans la proposition de résolution. Toutefois, je souhaite que nous puissions ajouter les risques potentiels liés à l'épandage des boues de station d'épuration sur les terres agricoles. J'ai déposé un amendement en ce sens. Il y a là un sujet que j'estime explosif et qui pourrait bien amener la prochaine crise de sécurité alimentaire.

M. Germain Gengenwin et M. Jean-François Mattei.

Très bien !


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M. le président.

La parole est Mme Annette PeulvastBergeal.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ces derniers mois, plusieurs crises apparaissant comme autant de scandales aux yeux de nos concitoyens ont soulevé légitimement des doutes, des interrogations, des inquiétudes, voire de la colère parmi les consommateurs. La France est donc confrontée, depuis à peu près trois ans, à des demandes de plus en plus fortes qui concernent la lisibilité, la transparence, l'information en matière de sécurité alimentaire, et cette pression est légitime.

Aujourd'hui, 80 % de notre alimentation sont produites et transformées par des filières industrielles qui sont de plus en plus complexes. Des normes et des contrôles multiples, variés, ont rendu ces filières alimentaires plus fiables et les produits plus sûrs, mais le risque zéro n'existe toujours pas : dérives dans la nourriture animale, agents contaminants de différentes origines, a ccidents multiples apparus ces derniers mois le démontrent à l'évidence.

Il est donc de la compétence des responsables que nous sommes de faire en sorte que les risques soient maîtrisés, que les interventions des uns et des autres soient clarifiées, que nous puissions déceler les éventuels dysfonctionnements, et que, à terme, les législations soient harmonisées.

Cette commission d'enquête fait certainement partie des moyens les plus efficaces à mettre en oeuvre pour comprendre, apporter des solutions et rassurer.

Il ne s'agit pas là, ne nous y trompons pas, de faire le procès de tel ou tel mode de production ou de tel ou tel pays, mais il faut avoir présent à l'esprit que ces scandales à répétition sont préjudiciables à tous ceux qui font partie intégrante de la filière alimentaire. Ils jettent le discrédit sur notre agriculture et peuvent avoir, à terme, des conséquences sociales et économiques lourdes pour tout le monde : les agriculteurs, le monde industriel, le monde technique et, bien sûr, les consommateurs.

Certes, la France est en pointe dans le domaine de la traçabilité par rapport à ses voisins européens, et les mesures prises dans ces domaines sont offensives.

Je veux rappeler simplement le bras de fer que vous avez engagé, monsieur le ministre, entre Paris et Bruxelles à propos de notre refus de lever l'embargo sur le boeuf britannique. Ce n'est pas une mesure de protectionnisme déguisée, mais surtout le reflet de l'intransigeance des pouvoirs publics sur les principes de transparence et de précaution qui doivent présider à notre politique de sécurité alimentaire.

Nous pouvons parler aussi de la crise de la vache folle.

Le rapport de la mission d'information constituée sur ce sujet a insisté sur le caractère exemplaire de notre système d'épidémio-surveillance et sur la célérité de la réaction de notre pays.

De même, à la suite de la crise du poulet à la dioxine, un arrêté ministériel pris en juin 1999 a élargi les interdictions prévues par les instances communautaires pour les seuls produits d'origine belge à base de volailles à tous les animaux, quelle que soit l'espèce, et à leurs produits en provenance de ce pays.

On pourrait parler rapidement des OGM, puisque nous avons un étiquetage précis et que la traçabilité des filières alimentaires usant des OGM est mise en place.

Je rappellerai également les principales dispositions de la loi d'orientation agricole qui définit la notion de traçabilité des filières alimentaires usant des OGM et la mise en place d'une surveillance biologique du territoire.

Comme vous l'avez souligné à différentes reprises, même si la politique de sécurité alimentaire est insuffisamment harmonisée en Europe, la France a pris des mesures plus sévères que d'autres Etats membres de l'Union, mais, aujourd'hui, il faut aller plus loin, et c'est notre responsabilité commune, car les consommateurs regardent avec de plus en plus de circonspection les étiquettes dans les hypermarchés.

Je lisais hier la rubrique « radio trottoir » d'un grand quotidien. Cinq personnes avaient été interrogées. Toutes reconnaissaient que, depuis les crises alimentaires, elles regardaient beaucoup plus attentivement ce qu'elles achetaient, et c'est normal. Nos concitoyens sont soucieux de leur environnement. Ils sont soucieux de leur santé et de celle de leurs enfants, qui sont un peu plus fragiles, et ils veulent être sûrs maintenant que quantité peut rimer avec qualité et avec sécurité, que les produits soient d'origine f rançaise ou étrangère. Nos concitoyens veulent et doivent pouvoir se nourrir en toute confiance et en toute sécurité. Ils veulent et doivent pouvoir choisir en toute connaissance de cause le mode alimentaire qui leur convient.

Molière a écrit : « Quand j'ai bien mangé, mon âme est ferme et les plus grands revers n'en viendraient pas à bout. » Faisons en sorte que ce qui était valable au

XVIIe siècle pour nos ancêtres le soit encore au

XXIe siècle pour nos concitoyens. Tel est le défi que la commission d'enquête parlementaire devra relever. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Michel Marchand.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est proposée rejoint sur bien des points les préoccupations des élus Verts. Elle est d'ailleurs issue d'un choix opéré en commission de la production et des échanges entre q uatre propositions dont deux émanaient d'André Aschieri. Les députés Verts se félicitent donc de voir leur projet repris par leurs collègues socialistes.

Nous soutenons de plus le libellé tel qu'il est issu du débat en commission, qui ajoute la transparence à la notion de sécurité, la transparence pour renforcer la sécurité.

Il nous semble, en effet, que, s'agissant de l'alimentation humaine en particulier, chacun doit pouvoir être informé totalement sur les conditions de son élaboration, de son origine, en passant par les différentes phases de transformation jusqu'au produit final. Il est donc important que la commission d'enquête se penche aussi sur la traçabilité des produits, notion à laquelle sont de plus en plus attentifs nos concitoyens, justement inquiets, maintenant méfiants et toujours indignés lorsqu'une crise éclate, véritable scandale car on subordonne la santé des hommes à des intérêts économiques immédiats sans aucun respect des consommateurs ou des agriculteurs.

La crise de la vache folle mais aussi le poulet à la dioxine et les fromages à la listeria ont fait éclater au grand jour les conséquences du laisser-faire en matière d'alimentation.

Lorsque seul compte le profit en dépit de toute prudence, c'est la santé des consommateurs qui trinque.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Lorsque la puissance publique laisse faire, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne, après la vie animale, c'est celle de l'homme qui est en cause.

La France a plutôt bien réagi lors de la révélation de la crise de la vache folle, contribuant à sécuriser les consommateurs et les producteurs français. Il n'en demeure pas moins que le soixante-huitième cas de vache folle vient de se produire en septembre dernier dans le département de Maine-et-Loire.

Que des boues de stations d'épuration puissent être utilisées dans la nutrition animale, en totale infraction avec les normes sanitaires en vigueur, justifie que la représentation nationale soit attentive aux procédures de contrôle existantes, qu'elle s'informe et qu'elle informe l'opinion publique de la réalité de pratiques qui mettent en jeu la santé publique.

L'application des principes de transparence et de précaution est aujourd'hui plus urgente que jamais.

Les Verts, vous en conviendrez, alertent l'opinion sur ces questions depuis des années. Ils ont été bien seuls parfois.

Lors des débats sur la loi d'orientation agricole, les députés Verts n'ont eu de cesse de rappeler l'importance de la prise en compte de la notion de traçabilité et la signification du principe de précaution. Avec ma collègue Marie-Hélène Aubert, j'ai demandé en vain un moratoire de cinq ans sur les organismes génétiquement modifiés.

N'avons-nous pas mis en garde contre les conséquences des manipulations qui consistent à s'accaparer le vivant sans aucune considération bioéthique et, plus grave, sans qu'aucun véritable débat démocratique soit engagé ? Nous avons essuyé à l'époque les critiques de ceux qui voulaient n'y voir qu'un moyen d'accroître la productivité d e l'agriculture. Aujourd'hui, l'opinion publique en appelle à l'application stricte du principe de précaution, sur cette question comme sur bien d'autres.

Il n'y a rien d'agréable à dire que nous avons eu raison trop tôt, ce qui reviendrait à constater que d'autres ont eu tort trop longtemps.

Dans la loi d'orientation agricole, une large part a été donnée à la reconnaissance des productions de qualité, parfaitement identifiées, respectant des procès d'élaboration totalement transparents. Tant mieux. La demande croissante de produits sous label de qualité ainsi que la consommation en constante évolution des produits issus de l'agriculture biologique montrent que ces nouvelles pratiques correspondent à une attente forte de nos concitoyens.

Enfin, alors que vont s'ouvrir les négociations dans le cadre de l'OMC, il faut apprécier la position de la France, qui refuse de voir pénétrer son marché par des viandes aux hormones américaines. Nos experts ayant jugé que ces produits comportaient des risques pour la santé publique, c'est bien le principe de précaution que nous mettons en oeuvre. Il nous faut continuer à rester fermes sur ce sujet. En aucun cas, nous n'accepterons le libéralisme que préconise l'OMC. Rien ne doit prévaloir sur la santé.

Pour conclure, nous soutenons cette proposition de résolution, pour une étude la plus exhaustive possible de l'ensemble des procédures qui concourent à la transparence et à la sécurité de la filière alimentaire française

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mesdames, messieurs, il n'est pas nécessaire de parler longtemps quand tout a été dit, surtout quand cela a été bien dit. Je remercie tous les intervenants pour ce débat de très bonne tenue, qui a posé l'ensemble des problèmes : la sécurité sanitaire des aliments, la transparence, la traçabilité, la gestion du principe de précaution, qui est l'un des problèmes les plus compliqués pour les pouvoirs publics. Le Premier ministre a d'ailleurs confié une mission à ce sujet à deux éminents universitaires, qui doivent nous rendre leur rapport dans les mois qui viennent.

Tous ces problèmes ont été si bien évoqués que je ne vais pas y revenir.

M. Angot s'est un peu laissé aller à la polémique. Le lieu s'y prête, mais pas forcément le sujet.

D'abord, monsieur Angot, il ne faut pas faire reposer sur Bernard Kouchner ce qui relève de ma responsabilité : ce n'est ni lui ni un autre représentant du Gouvernement qui s'est abstenu ce jour-là, mais bien moi. Si l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments avait alors existé, le Gouvernement aurait été éclairé par un avis de scientifiques et aurait été en mesure de dire ce qu'il dit aujourd'hui. De toute façon, que la France se soit abstenue, ait voté contre ou pour, cela n'aurait rien changé au débat et nous aurions eu à gérer une décision communautaire. Ce genre de polémique n'a donc pas lieu d'être ici.

(« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Au fond, ce qui est important dans ce débat, c'est de savoir quel type de relations peuvent s'instaurer entre le Parlement et le Gouvernement. Au-delà des fonctions de législation que vous exercez avec tant de compétence, audelà des fonctions de contrôle qui sont éminemment nécessaires, il est intéressant que le Parlement puisse éclairer l'action des gouvernements. Nous sommes momentanément au gouvernement...

M. Germain Gengenwin.

Temporairement !

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Eh oui, tout est temporaire, monsieur Gengenwin ! Chacun son tour ! Il faut être patient ! Dans la gestion de telles crises, nous sommes souvent acculés à gérer les événements au jour le jour, le nez dans le guidon, comme diraient les coureurs cyclistes. Pour relever la tête, réfléchir à moyen ou à long terme, avoir une vue globale des choses, disposer d'un audit exhaustif de la situation est essentiel pour un gouvernement. Le Gouvernement voit donc d'un très bon oeil l'initiative que vous prenez. Il est très demandeur en la matière et apportera toute sa contribution pour faciliter ce travail.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

M. le président.

« Article unique. Il est créé, en application de l'article 140 du règlement, une commission parlementaire de trente membres chargée d'enquêter sur les méthodes de production des denrées destinées à l'alimentation humaine comme animale, ainsi que le contrôle auquel elles sont soumises.

« Cette commission s'intéressera notamment :

« à l'utilisation dans l'élevage des farines, graisses, et plus généralement des dérivés animaux ainsi qu'à leur obtention ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

« à la sécurité liée aux méthodes de production et de transformation de la chaîne agro-alimentaire, vis-à-vis des diverses formes de contamination, bactérienne, chimique ou physique ;

« aux questions que pose l'incorporation d'aliments issus du génie génétique à des préparations proposées au consommateur ;

« aux problèmes résultant de l'adoption de normes différentes en Europe et hors d'Europe, par exemple en matière de recours aux activateurs de croissance dans l'élevage ou de "normes de bien-être animal".

« Un bilan sera dressé des garanties que présente le système agro-alimentaire français - notamment tel que récemment dessiné par la loi d'orientation agricole - au regard de ces risques. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article.

La parole est à M. Joseph Parrenin.

M. Joseph Parrenin.

Effectivement, beaucoup de choses ont été dites. Cet article unique répond à l'ensemble des préoccupations auxquelles nous avons été sensibilisés à travers les différentes crises, sans oublier les messages que l'opinion a pu alors nous adresser. Transparence et sécurité sont les deux mots clés de cette résolution. C'est, je crois, ce qu'attend l'opinion.

On a parlé du risque zéro. C'est vrai qu'il n'existe pas, mais c'est tout de même vers quoi il faut tendre. Ce sera l'une des tâches de la commission d'enquête, tâche difficile, nous l'avons souligné. Ce travail sera très lourd, car il faut tenir compte de nos préoccupations, mais aussi des concepts ou des arbitraires lancés ici et là.

Pour avoir vécu dans le monde agricole depuis mon enfance, j'ai plutôt confiance en la faculté du monde paysan et des transformateurs à s'adapter à des exigences nouvelles. Comme je l'avais expliqué lors de la discussion de la loi d'orientation agricole, celle d'aujourd'hui en étant le prolongement, le monde agricole, depuis la guerre, a dû répondre à une demande quantitative. Il l'a fait. Il a ensuite dû limiter la production de certains produits. Il l'a fait. Aujourd'hui, on demande au monde paysan et aux transformateurs d'être plus exigeants en matière de sécurité, voire de protection de l'environnement. Je suis persuadé qu'il le fera.

Le monde agricole le fera d'autant mieux si le Parlement fait son travail. Comme vient de le rappeler le ministre, une commission d'enquête est destinée à éclairer non seulement le Gouvernement mais aussi l'opinion.

Evitons tout de même - c'est aussi une des missions de cette commission d'enquête - de provoquer une cassure entre producteurs et consommateurs. Nous devons avoir cette préoccupation présente à l'esprit. Nous n'avons aucun intérêt, dans une société comme la nôtre, à ce que se produise une cassure entre paysans et consommateurs.

Faisons notre travail de parlementaires, le Gouvernement fera le sien.

Je regrette simplement que la belle unanimité d'aujourd'hui ne se soit pas manifestée lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, laquelle répondait aux mêmese xigences, qu'il s'agisse du contrat territorial d'exploitation ou de la recherche de la qualité. Cette loi donne un sens à l'agriculture de demain. Je déplore encore aujourd'hui que l'opposition n'ait pas été plus constructive à cette occasion et ne nous ait pas suivis.

M. Germain Gengenwin.

N'exagérez pas !

M. Joseph Parrenin.

Dans quelques mois, les négociations sur l'OMC vont s'engager. Eh bien, les travaux de cette commission d'enquête, qui s'achèveront d'ici à six mois, permettront de donner un signal fort, de marquer fortement l'exigence des Français - laquelle sera exprimée par le Parlement - en matière de sécurité.

Bien entendu, le groupe socialiste votera la proposition de résolution, et les membres de la commission se mettront au travail dès sa constitution.

M. le président.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

M me Geneviève Perrin-Gaillard.

Au moment où l'Union européenne a l'intention de faire entendre raison à l'OMC en matière de politique agricole, au moment où elle s'apprête à inclure l'objectif du développement durable dans les accords à venir, au moment où elle souhaite de la fermeté en matière de sécurité alimentaire et espère faire reconnaître le principe de précaution fondé sur l'inversion des preuves, il devient indispensable que les pays qui la composent soient eux-mêmes en mesure de s'imposer des niveaux d'exigence ambitieux et élevés dans tous ces domaines.

Ainsi, la commission d'enquête que nous souhaitons créer a pour objet de cerner les incohérences de notre système de production et de transformation, de déterminer, entre autres, les détournements de procédure et d'apprécier le niveau de garantie en matière de bonne conduite, afin de répondre aux interrogations de nos concitoyens.

J'espère que cette commission d'enquête permettra d'approcher les solutions à apporter à ces problèmes pour protéger la santé des consommateurs et promouvoir nos spécificités alimentaires.

De la sorte, nous serons en mesure d'aborder avec panache les négociations internationales qui vont s'ouvrir.

N'oublions pas que l'absence d'harmonie normative peut limiter notre ambition en termes de protection des consommateurs. Nous devrons donc accorder une attent ion particulièrement grande à cette commission d'enquête. L'objectif étant in fine de nous conduire à ne pas faire ce que nous n'acceptons pas des autres et à ne pas leur proposer des produits dont nous ne voulons pas nous-mêmes.

Toutefois, la responsabilité que nous avons à l'égard de nos concitoyens ne doit pas consister pour autant à appliquer le principe d'interdiction systématique qui, en plus d'être contraire au principe de précaution, est « castrateur » de progrès. Elle consiste à éviter, autant que faire se peut, les excès inadmissibles que nous avons connus, à évaluer les risques inhérents aux modèles productivistes qui ont amené les producteurs et les transformateurs à nourrir les herbivores avec des farines animales et à

« booster » la croissance de ces herbivores avec des activateurs de croissance, molécules variées dont l'innocuité peut aujourd'hui être sujette à interrogation. Notre responsabilité consiste, enfin, à exiger de notre système de production et de transformation une transparence exemplaire s'appuyant non seulement sur des contrôles efficaces, mais aussi sur des pratiques irréprochables partagées par la totalité des citoyens, acteurs de ce secteur fondamental de notre économie.

La commission d'enquête parlementaire devra donc s'attacher à mettre en évidence ces dysfonctionnements.

Mais quels que soient les résultats qu'elle sera en mesure d'apporter, je voudrais rappeler que, dans ce domaine comme dans d'autres, le « risque zéro » n'existe pas. Il sera donc nécessaire de déterminer le risque acceptable et d'en informer rapidement les consommateurs.

Je rappelle également qu'en matière de qualité alimentaire, plusieurs critères d'appréciation sont indissociables et en constituent autant de facettes : la dimension


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sanitaire, certes, mais aussi les dimensions nutritionnelle, environnementale, sensorielle, culturelle et sociale. Les efforts que notre pays est en mesure de produire pour améliorer la qualité sanitaire des aliments par la mise en place de dispositifs d'évaluation et de contrôle cohérents et efficaces ne doivent pas nous faire oublier ces autres critères d'appréciation.

C'est donc à ce prix que nous donnerons un sens véritable non seulement au mot qualité, mais aussi à l'action politique par laquelle nous souhaitons, madame la secrétaire d'Etat, monsieur le ministre, vous aider dans les négociations à venir. Je voterai donc la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Monique Denise.

Mme Monique Denise.

L'affaire des poulets à la dioxine du printemps dernier, qui succédait elle-même aux crises de la vache folle, de la listeria et du Coca-Cola, pose à l'évidence le problème de la sécurité alimentaire.

Les consommateurs s'inquiètent de plus en plus de la qualité de leur alimentation. La création d'une commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France devrait permettre répondre à leur attente légitime.

L'article unique de la proposition de résolution recense les différents centres d'intérêt qui feront l'objet du travail de la commission d'enquête. J'évoquerai ici l'alimentation animale et l'utilisation de farines animales dans les élevages.

La loi d'orientation agricole prévoit de nombreuses dispositions, en particulier la traçabilité des produits, la mise en place d'un registre d'élevage et, surtout, la création de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.

Le principe de précaution est de plus en plus souvent évoqué. Il n'empêche que nul ne pouvait prévoir que des farines destinées à la nourriture des poulets contiendraient des graisses frelatées. Il est vrai que ces farines venaient de Belgique, ce qui pose un autre problème : celui de l'adoption de normes communes en Europe et hors de l'Europe. Les éleveurs de poulets et les producteurs d'oeufs en France ont dû sacrifier leur production et certains d'entre eux sont, sinon à la limite du dépôt de bilan, tout au moins en situation très critique. Je vous ai d'ailleurs posé, monsieur le ministre, une question d'actualité à ce sujet.

L'interdiction des farines animales pour l'alimentation des ruminants est déjà acquise au Royaume-Uni, en Irlande, en Suisse, en Belgique, au Portugal, au Luxembourg, aux Pays-Bas et, bien entendu, en France. Mais les réglementations sont disparates pour ce qui est de l'utilisation des saisies d'abattoirs ou des cadavres d'animaux.

Les missions d'inspection font apparaître des difficultés et des lacunes dans la mise en application des règles en vigueur dans presque que tous les Etats membres.

Il est urgent d'engager une réflexion de fond sur l'alimentation des herbivores, laquelle doit être enrichie en protéines d'origine végétale. Or nous sommes déficitaires, en France et en Europe, en production d'oléo-protéagineux. Le recours au soja américain ou brésilien ne semble pas la solution idéale. Par ailleurs, l'importation de soja serait en complète contradiction avec la PAC et alourdirait la facture : l'utilisation exclusive de protéines végétales dans l'alimentation des porcs et des volailles coûterait 5 milliards de francs à la filière. Le consommateur est-il prêt à assumer ce surcoût et, surtout, en aura-t-il les moyens ? Le rôle de la commission d'enquête sera de l'alerter, de l'informer dans la transparence la plus totale.

Déjà, les Américains suivent de très près nos débats concernant les OGM qui inondent leur marché. Ils se demandent pourquoi nous refusons le boeuf aux hormones et commencent à regarder d'un peu plus près le contenu de leur assiette.

La France doit être dans ce domaine le pays phare.

Nous avons chez nous les meilleurs vins, les meilleurs fromages et les meilleurs produits au monde. C'est donc un devoir pour nous d'informer nos concitoyens sur la qualité et l'origine de nos aliments. C'est tout l'objet de cette commission d'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en arrivons aux amendements à l'article unique.

L'amendement no 3 de M. Marie-Jeanne n'est pas défendu.

M. Angot a présenté un amendement, no 6 rectifié, ainsi rédigé :

« Compléter le quatrième alinéa de l'article unique par les mots : "et éventuellement liées à l'épandage des boues de station d'épuration sur les terres agricoles ; » La parole est à M. André Angot.

M. André Angot.

Le présent amendement a été examiné ce matin par la commission, qui l'a accepté.

La proposition de résolution cite un certain nombre d'objets d'étude, dont les farines animales et les différents composants entrant dans l'alimentation des bovins. Toutefois, elle n'aborde pas le problème de l'épandage des boues de station d'épuration sur les terres agricoles. Or ces boues contiennent des métaux lourds, des bactéries et même des prions, lesquels sont susceptibles d'entrer dans la chaîne alimentaire et d'être ainsi porteurs d'un risque sur lequel il n'est pas raisonnable de faire l'impasse.

Je souhaite que la commission d'enquête puisse se pencher sur ce problème et je demande donc à l'Assemblée d'adopter l'amendement no 6 rectifié.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Chevallier, rapporteur.

La commission a en effet accepté cet amendement, car l'épandage des boues de station d'épuration constitue un vrai problème.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Le Gouvernement s'en remettra à la sagesse de l'Assemblée sur tous les amendements car il ne veut ni brider l'action de cette dernière ni donner le sentiment qu'il pourrait être gêné par tel ou tel problème.

M. le président.

Monsieur le ministre, je considère donc que vous avez donné votre avis sur l'ensemble des amendements.

Je mets aux voix l'amendement no 6 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Les amendements nos 4 et 5 de M. Marie-Jeanne ne sont pas défendus.

M. Mattei et M. Proriol ont présenté un amendement, no 1 corrigé, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article unique, après les mots : "des garanties", insérer les mots : "notamment en termes de santé publique". »


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La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Nous avons déjà discuté de cet amendement ce matin en commission, où j'ai fait valoir, d'une manière un peu plus détaillée, les arguments que j'ai exposés lors de mon intervention.

Je suis tout de même surpris que, dans ce texte, du premier mot au dernier, il ne soit fait à aucun moment référence à la santé, à la santé publique ou à la sé curité sanitaire. Ne croyez surtout pas que je suis le représentant de tel ou tel lobby, le défenseur de tel ou tel pré carré, je suis simplement en train de vous dire que le fond de notre préoccupation, c'est la défense de la santé des consommateurs. Je souhaiterais donc que l'on introduise dans le corps du texte la référence à la santé publique.

Telle est la raison de mon amendement.

M. le président.

Le Gouvernement a d'ores et déjà donné son avis sur cet amendement.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Chevallier, rapporteur.

Cet amendement a été accepté par la commission.

Il nous semble effectivement que la santé publique est une préoccupation de nos concitoyens, et que cette proposition de résolution doit pouvoir y faire référence, sous réserve de remplacer dans l'amendement le mot « notamment » par l'expression « en particulier ». Donc, après les mots : « des garanties », nous proposons d'insérer dans le dernier alinéa les mots : « en particulier en termes de santé publique ».

M. le président.

Nous faisons un travail de commission en séance publique...

Monsieur Mattei, acceptez-vous la proposition de M. le rapporteur ?

M. Jean-François Mattei.

Oui, monsieur le président, car il est clair que la répétition de l'adverbe notamment n'est pas heureuse.

M. le président.

Je me permets de féliciter la commission de son travail... (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no 1 corrigé, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Titre

M. le président.

Je donne lecture du titre de la proposition de résolution :

« Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France. »

M. Mattei et M. Proriol ont présenté un amendement, no 2 corrigé, ainsi rédigé :

« Dans le titre de la proposition de résolution, après le mot : « sécurité », insérer le mot : « sanitaire ».

La parole est à M. Jean-François Mattei.

M. Jean-François Mattei.

Il s'agit là d'un amendement de portée non seulement symbolique, mais également pratique. J'ai déjà expliqué combien il était important de recentrer l'intérêt de la mission de cette commission. Or l'intérêt est manifestement sanitaire.

Il va de soi qu'une commission d'enquête sur la transparence et la sécurité de la filière alimentaire en France c oncerne la sécurité sanitaire, et le rapporteur l'a confirmé. Toutefois, nous vivons à une époque où l'on communique par Internet, où il existe des moteurs de recherche que l'on peut consulter en France ou à l'étranger ; or lorsqu'on cherchera à « santé publique » ou à

« sécurité sanitaire », aucun élément ne permettra de retrouver le contenu de cette proposition.

Dans les travaux scientifiques et universitaires, à la fin de chaque texte, on trouve un certain nombre de mots clés qui permettent de retrouver ultérieurement le texte quand bien même ils ne figurent pas dans l'intitulé. Par conséquent, si les mots clés « santé », « santé publique » ou « sécurité sanitaire » figuraient dans la proposition de résolution, je ne me battrais pas comme je suis en train de le faire pour inclure le mot « sanitaire » dans le titre.

Mais dans l'état actuel de notre règlement, si le mot

« sanitaire » ne figure pas dans le titre, notre travail ne pourra pas servir au monde de la santé publique car ce dernier ne le retrouvera pas dans les documents de référence. Je vous demande donc, monsieur le président, d'appeler l'attention du président de l'Assemblée nationale sur ce problème.

M. le président.

Soyez assuré, monsieur Mattei, que

M. le président sera informé de vos observations.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?

M. Daniel Chevallier, rapporteur.

Cet amendement n'a pas été retenu en commission.

Sans méconnaître l'importance des arguments présentés par M. Mattei, il nous est apparu que la sécurité de la filière alimentaire ne se limitait pas à la seule dimension sanitaire et que d'autres dimensions comme l'information, l'étiquettage et le message publicitaire devaient être prises en compte. C'est pourquoi l'expression « sécurité de la filière alimentaire en France » nous semble mieux adaptée à la démarche de la commission d'enquête.

M. le président.

La parole est à M. Alain Calmat.

M. Alain Calmat.

Je comprends très bien que le terme

« sécurité » couvre un champ assez large. Toutefois, il me semble que la dimension sanitaire du problème n'est pas suffisamment mise en évidence dans le titre.

Nous ne sommes pas en commission, bien sûr, mais comme le titre va déterminer la réelle force de la commission d'enquête, je propose que celle-ci porte sur la transparence, la qualité et la sécurité sanitaire de la filière alimentaire en France, ce qui permettrait de couvrir l'ensemble des problèmes.

En tout cas, moi, je suis assez enclin à voter l'amendement de M. Mattei, même si je préférerais que le titre de la proposition de résolution soit encore plus précis.

M. le président.

Monsieur Calmat, il eût été préférable de déposer un amendement en temps utile car le délai est malheureusement dépassé.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka.

Mme Odette Grzegrzulka. Je rejoins Alain Calmat et le professeur Mattei.

Tous les orateurs et les membres du Gouvernement ont insisté sur ce point : la mission de la commission d'enquête consistera à examiner de près quelles sont les nuisances, pour la santé de l'homme, d'une production défaillante. Je regrette donc à mon tour qu'il ne soit fait référence qu'à la loi d'orientation agricole et absolument


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pas à la loi de renforcement de la veille sanitaire et que l'expression forte de « santé publique » ne figure pas dans le titre de la proposition de résolution. Par conséquent, je souhaiterais que cette expression puisse y être ajoutée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 2 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, le titre de la proposition de résolution est ainsi modifié.

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution, modifié par les amendements adoptés.

(L'article unique, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Constitution de la commission d'enquête

M. le président.

Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du règlement, avant le mardi 12 octobre, à dix-sept heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1786 rectifié, relatif à la réduction négociée du temps de travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1826.)

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT