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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Rappels au règlement (p. 7032).

MM. François Goulard, le président, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; MM. Bernard Accoyer, Hervé Morin.

2. Réduction négociée du temps de travail. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 7034).

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 7034)

Avant l'article 1er (p. 7034)

Amendement no 822 de M. Morin : MM. Hervé Morin, Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. - Rejet.

Amendement no 821 de M. Morin : MM. Hervé Morin, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Maxime Gremetz, le président, François Goulard. - Rejet.

L'amendement no 735 de M. Jean-Louis Debré a été réservé jusqu'après l'article 12.

Article 1er (p. 7037)

Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. Hervé Morin, Bernard Accoyer, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. François Goulard, Mme Nicole Catala, MM. Yves Rome, Maxime Gremetz, Philippe Martin, Jean-Pierre Brard.

Amendements de suppression nos 120 de M. Accoyer, 275 de M. Goulard, 574 de M. Martin : MM. Bernard Accoyer, François Goulard, Philippe Martin, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 736 de M. Debré : Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, la ministre, MM. François Goulard, Hervé Morin, le rapporteur, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Jean-Pierre Brard. Rejet.

Suspension et reprise de la séance (p. 7049)

Amendements identiques nos 121 de M. Accoyer, 575 de M. Martin et 823 de M. Gengenwin : MM. Bernard Accoyer, Philippe Martin, German Gengenwin, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 14 de M. Mariani : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 777 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre, M. Germain Gengenwin. - Rejet.

Amendement no 290 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 601 de M. Martin : MM. Philippe Martin, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 683 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 602 de M. Martin : MM. Philippe Martin, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 933 de M. Brard : MM. Jean-Pierre Brard, le rapporteur, Mme la ministre, M. François Goulard. Retrait.

Amendement no 682 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 604 et 603 de M. Martin et 826 de M. Morin : MM. Philippe Martin, Hervé Morin, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

Amendement no 123 de M. Accoyer : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 190 de M. Pontier : MM. Gérard Charasse, le rapporteur, Mme la ministre, M. Hervé Morin, le président de la commission. - Rejet.

Amendement no 776 de M. Accoyer : MM. Philippe Martin, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 775 de M. Accoyer : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 825 de M. Bur : MM. Germain Gengenwin, le rapporteur, Mmes la ministre, Marie-Thérèse Boisseau. - Rejet.

Amendement no 827 de M. Morin : MM. Hervé Morin, ler apporteur, Mmes la ministre, Muguette Jacquaint, Marie-Thérèse Boisseau. - Rejet.

A mendement no 801 de Mme Bachelot-Narquin :

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. le rapporteur,

Mme la ministre, M. Hervé Morin. - Rejet.

Amendement no 291 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 774 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 295 de M. Goulard : M. François Goulard.

Amendements nos 294 et 293 de M. Goulard : M. François Goulard.

Amendement no 126 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mmes la ministre, Marie-Thérèse Boisseau, M. Hervé Morin. - Rejet des amendements nos 295, 294, 293 et 126.

Amendements identiques nos 125 de M. Accoyer, 579 de M. Martin et 699 de M. Chabert : MM. Bernard Accoyer, Philippe Martin.


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Amendement no 292 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mmes la ministre, Marie-Thérèse Boisseau, M. Bernard Accoyer. - Rejet des amendements identiques et de l'amendement no 292.

Amendements nos 778 de M. Accoyer et 296 de M. Goulard : MM. Bernard Accoyer, François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

Amendement no 201 de M. Gremetz : Mmes Muguette Jacquaint, M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. François Goulard, Georges Sarre, Maxime Gremetz, Yves Cochet.

- Retrait.

Amendement no 202 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.

Amendement no 128 de M. Accoyer : M. Bernard Accoyer.

Amendements nos 127, 129 et 130 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. Rejet des amendements nos 128, 127, 129 et 130.

Amendement no 631 de M. Lemoine : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 9 de M. Doligé et 824 de M. Bur : Mme Roselyne Bachelot-Narquin, Marie-Thérèse Boisseau, M. le rapporteur, Mme la ministre. Rejet.

M. le président.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Fin de la mission d'un député (p. 7068).

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7068).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour un rappel au règlement.

M. François Goulard.

Monsieur le président, mon i ntervention se fonde, comme c'est l'habitude, sur l'article 58 de notre règlement, mais également sur les articles 121-1 et 121-2, qui ont trait aux lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que sur l'article 118, relatif aux lois de finances, qui se réfère à l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, les mêmes principes valant pour les lois de financement de la sécurité sociale et pour les lois de finances classiques.

Le quatrième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique dispose : « Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évalué es et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. »

Le projet de loi sur la réduction négociée du temps de travail comporte, à l'article 11 et à l'article 12, un mécanisme d'allégement des charges sociales qui constitue, suivant l'angle sous lequel on le considère, soit une diminution de recettes, soit une charge pour nos régimes sociaux.

Dans ces conditions, l'alinéa dont je viens de donner lecture s'applique, et il sera nécessaire qu'un projet de loi de financement soit voté pour donner force définitive au mécanisme d'allégement des charges qui est prévu dans le projet de loi sur la réduction du temps de travail.

C'est d'ailleurs ce que le Gouvernement avait prévu, puisque le pré-projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont nous avons eu connaissance, précise dans son article 2 les moyens destinés à financer les allégements de charges sociales figurant aux articles 11 et 12 du projet de loi sur les 35 heures.

Un élément nouveau est survenu hier : nous avons appris que le chef de l'Etat avait émis au conseil des ministres un certain nombre de réserves sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en particulier sur le fameux financement des allégements de charges sociales ; sa critique portait à la fois sur le plan politique et sur le plan juridique.

Sur le plan politique était soulignée l'atteinte au paritarisme et à la libre décision des partenaires sociaux dans la gestion des organismes de sécurité sociale et de l'UNEDIC.

Sur le plan juridique, nous avons appris, sans connaître précisément le contenu de ses réserves, car les avis du Conseil d'Etat ne sont pas publics, que celui-ci avait émis des réserves sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Dans ces conditions, il nous paraît indispensable, en fonction des éléments juridiques que j'ai rappelés, que le Gouvernement nous apporte toutes précisions sur la manière dont il entend faire financer les allégements de charges sociales prévus dans le texte sur la réduction négociée du temps de travail. Je rappelle que ce mécanisme n'est ni accessoire ni subsidiaire. En effet, par son montant et par son importance économique pour les entreprises, qui vont subir une hausse de leurs coûts salariaux et peuvent espérer bénéficier, pour partie au moins, d'allégements de charges, ce mécanisme est déterminant dans l'architecture du projet de loi.

C'est la raison pour laquelle je demande, avant que nous ne passions à l'examen des articles de ce texte, que le Gouvernement nous donne des explications détaillées sur ce point vraiment fondamental. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Mon cher collègue, on peut s'interroger sur la nature de votre intervention, car elle va bien au-delà d'un rappel au règlement.

Je rappelle que nous allons débattre d'un projet de loi, donc d'un texte d'origine gouvernementale, et que la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances sont également des textes d'origine gouvernementale.

Je pense que les propos que vous avez tenus auront été entendus par le Gouvernement et que, dans le cours du débat, il aura l'occasion d'évoquer ces questions.

Mais je ne crois pas que nous puissions, à la suite de votre intervention, ouvrir un débat qui n'est prévu ni par notre règlement ni par notre ordre du jour.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez souligné, monsieur le président, que nous dépassions largement le cadre d'un rappel au règlement et même celui de l'examen du projet de loi. Mais, par courtoisie pour M. Goulard, je lui apporterai quelques éléments de réponse, car il a posé de bonnes questions et je voudrais que chacun soit éclairé dès le départ.

Comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur le député, il n'est pas habituel qu'un projet de loi prévoyant une réduction des charges sociales en fixe lui-même les modalités ; cela relève de la loi de financement de la sécurité sociale, que nous examinerons dans quelques jours.

Je rappelle que la loi organique fixe des délais extrêmement stricts pour l'examen de cette loi, qui doit être votée et applicable au 1er janvier, c'est-à-dire à la même


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date d'application que la loi sur les 35 heures. Il n'y a donc aucune inquiétude à nourrir quant au financement qui compensera cette baisse des charges.

Comme je l'ai dit hier, la baisse des charges proprement dite et les allégements structurels liés à la réduction de la durée du travail devraient avoir un coût de l'ordre de 62 à 65 milliards pour l'année 2000. Quarante milliards correspondent à la ristourne dégressive et il reste une fourchette de 22 à 25 milliards, car nous ne savons pas combien d'entreprises signeront des accords de réduction de la durée du travail. Sur cette somme, je l'ai dit devant la commission des finances et devant la commission des affaires sociales, 7,5 milliards sont financés par des prélèvements sur la taxe sur les profits et sur la taxe sur les activités polluantes. Il reste donc 15 à 17 millards, qui seront assurés par ce que nous appelons le recyclage.

Sur cette somme, l'Etat a prévu 4,3 milliards au titre des impôts qui vont rentrer du fait de la réduction de la durée du travail ; ils sont inscrits dans mon budget, que vous voterez avant la fin de l'année. Par ailleurs, 5,6 milliards sont inscrits dans la loi de financement de la sécurité sociale, dont vous aborderez l'examen dans quelques jours.

Reste ce qui était dû au titre de l'UNEDIC, soit 5 à 7 milliards de francs. C'est ce point qui est actuellement en discussion, dans le respect de la volonté des partenaires sociaux, afin de régler de manière générale le contentieux entre l'Etat et l'UNEDIC.

J'insiste, monsieur Goulard, sur le fait que nous n'avons aucune inquiétude quant au financement du projet de loi sur la réduction négociée du temps de travail.

La loi que vous allez, j'espère, voter prévoit pendant l'année transitoire une taxation de 10 % des heures supplémentaires qui bénéficiera au fonds de baisse des charges. Cette taxation devrait rapporter entre 7 et 8 millards, c'est-à-dire plus que la contribution de l'UNEDIC.

Je vous donne donc tous apaisements. En tout état de cause, et quoi qu'il arrive lors de nos discussions avec l'UNEDIC, que nous devons mener à bien car il n'est pas acceptable que le contentieux perdure, la loi sur la réduction de la durée du travail est bel et bien financée.

Le fonds sera même sans doute un peu trop gagé cette année et, personnellement, je m'en réjouis : cela permettra d'accueillir plus d'entreprises qui souhaitent réduire la durée du travail.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Mon rappel au règlement, fondé sur l'article 58, a trait au déroulement de la séance et à l'annonce, faite hier par le président de séance, de la réserve, par le Gouvernement, de l'amendement no 735, qui a été déposé conjointement par les groupes RPR, UDF et DL.

Cette réserve perturbe considérablement le déroulement de nos travaux car elle confisque la substance même du débat, qui devrait tourner autour du problème du chômage. Or, dans l'amendement no 735, l'opposition a formulé ce qu'elle considère comme la meilleure solution - même si chacun s'accorde à reconnaître qu'il n'y a pas de solution unique -, à savoir une baisse des charges sur les bas salaires.

Cet amendement précise que les 65 milliards qui, dès l'année 2000, devront financer les 35 heures - notre collègue Goulard a d'ailleurs insisté sur les problèmes constitutionnels entraînés par le montage imaginé par le Gouvernement - devraient être utilisés pour diminuer les charges sur les bas salaires. Je rappelle d'ailleurs que, dès l'année suivante, les 35 heures coûteront 110 milliards de francs.

L'objet du texte est de lutter contre le chômage, mais il semble que, entre le premier texte et le second, le Gouvernement ait changé d'objectif et que, de la réduction du chômage, il soit passé au temps libre, comme l'a bien souligné notre collègue Gremetz.

Pour ce qui nous concerne, nous considérons que la priorité est la baisse des charges, afin de lutter efficacement contre le chômage. Tous les observateurs, tous les économistes s'accordent à reconnaître que l'une des causes du triste record de chômage que détient la France est le coût du travail, qui est de de 38 % plus élevé en France qu'en Grande-Bretagne pour le travail peu qualifié.

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Accoyer.

L'amendement no 735 en tirait les conséquences et tentait également de trouver une solution aux difficultés rencontrées par le plan Borotra.

Celui-ci, vous le savez, avait permis de résorber beaucoup de problèmes liés au coût du travail dans le secteur textile, qui est soumis aux effets dévastateurs de la mondialisation, mais il a subi les foudres des autorités européennes en raison du caractère sectoriel de la baisse des charges sur les bas salaires. La solution générale proposée par l'amendement no 735 permettait de contourner cette difficulté.

C'est pourquoi nous tenons, dans ce rappel au règlement, à dénoncer un détournement de procédure qui vide véritablement de sa substance le débat que nous avons aujourd'hui, car nous avions cru comprendre que le projet visait essentiellement à lutter contre le chômage.

M. le président.

Mon cher collègue, vous vous êtes référé à l'article 58, mais celui-ci ne fait que prévoir l'existence des rappels au règlement.

Je rappelle quant à moi que l'article 95, alinéa 5, du règlement précise que la réserve d'un article ou d'un amendement est de droit à la demande du Gouvernement. Par conséquent, le Gouvernement est dans son droit en ayant demandé la réserve. Vous avez exprimé votre sentiment et je pense que vous aurez à nouveau l'occasion de développer vos arguments au cours du débat.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Madame la ministre, la question posée par M. François Goulard est très importante car elle conditionne l'équilibre du texte dont nous allons reprendre la discussion.

Il semblerait, d'après les informations dont nous disposons, que le Conseil d'Etat ait donné un avis défavorable sur l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, estimant qu'il est contraire à l'article 34 de la Constitution, révisé en 1996 par Alain Juppé afin que l'Assemblée examine le financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est pour ça qu'il a été viré après !

M. Hervé Morin.

Ne mélangeons pas les choses !

M. François Goulard.

Ne rabaissez pas le débat !

M. Hervé Morin.

Nous aimerions avoir confirmation ou non de cette information, car il s'agit d'un élément fondamental pour notre discussion.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Il y a un problème politique qui a été rappelé par François Goulard, à savoir le respect du paritarisme, mais il y a aussi l'aspect juridique, madame la ministre, car l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, modifié par l'ordonnance de 1996, qui a complété cette révision de la Constitution, dispose : « Les conseils d'administration des caisses nationales d'assurance maladie sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence. »

Il s'agit bien, en l'occurrence, d'un projet de loi qui entre dans le cadre des compétences de ces caisses nationales, puisque celles-ci seront ponctionnées. Nous aimerions par conséquent connaître l'avis des caisses sur cette ponction opérée par le Gouvernement pour financer le fonds d'allégement des charges sociales.

M. le président.

Mes chers collègues, les rappels au règlement ne s'adressent pas au Gouvernement mais à la présidence.

Par ailleurs, les questions de fond qui viennent d'être soulevées auront l'occasion d'être débattues amplement au cours d'un débat qui va durer un certain nombre de jours.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je me dois d'apporter de vraies clarifications, dès lors que j'ai la conviction que derrière ces rappels au règlement il y a de vraies questions, et non la volonté de ralentir le débat.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Ce n'est pas notre genre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je n'ai pas cette impression maintenant mais les choses peuvent toujours se gâter...

C'est par courtoisie que le Gouvernement a demandé hier soir, et non au début de la présente séance, afin que vous soyez prévenus, la réserve de l'amendement no 735 jusqu'à l'article 12, à l'occasion duquel nous discuterons de l'abaissement des charges sociales.

Nous avons déjà eu l'occasion de discuter largement, à plusieurs reprises, de cet amendement avec l'opposition, puisque le Sénat a adopté une proposition de loi dans le même sens, que je suis allée soutenir avec Mme Péry, que M. Barrot et M. Borotra ont déposé à l'Assemblée une proposition de loi semblable, et que nous avons eu un long débat sur ce point.

C'est donc la troisième fois que nous traitons ce sujet et je regrette que vous n'ayez pas cru bon de faire voter une telle disposition lorsque vous étiez au pouvoir, car nous n'allons tout de même pas passer à nouveau une journée à discuter de votre vision des choses ! Je le répète, nous aborderons ce thème lorsque nous traiterons des charges sociales.

Je n'ai pas sous les yeux l'avis du Conseil d'Etat mais je vous en donnerai lecture tout à l'heure.

M. Bernard Accoyer.

Le projet du Gouvernement devrait traiter du chômage !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je peux néanmoins vous rassurer dès à présent : le Conseil d'Etat n'a évoqué aucun motif d'inconstitutionnalité, alors que le problème que vous avez soulevé a bien évidemment été envisagé, comme tous les autres.

Je crois effectivement, monsieur le président que nous pouvons maintenant, comme vous l'avez proposé sagement, reprendre le débat sur la réduction du temps de travail, car j'ai essayé de répondre clairement à ce que j'ai estimé être de vraies questions.

2 RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 1786 rectifié, 1826).

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

M. le président.

M. Morin, Mme Idrac, MM. Gengenwin, Bur, Mme Boisseau, MM. Weber, Blessig, Méhaignerie, Jacques Barrot et de Courson ont présenté un amendement, no 822, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« A compter du 1er janvier 2002, il appartiendra a ux organisations institutionnelles représentatives patronales et salariales de définir les conditions de mise en oeuvre de la réduction de la durée légale du travail effectif des salariés, par la signature d'un accord de branche, éventuellement complété par un accord d'entreprise. »

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, c'est moi qui ouvre le bal avec ce premier amendement et j'ai bien peur qu'il ne soit pas inscrit au carnet de Mme la ministre !

M. Yves Rome.

Elle choisit ses cavaliers !

M. Hervé Morin.

Je voudrais ici rappeler la position du groupe UDF et de l'ensemble de l'opposition sur la réduction du temps de travail.

Excepté les mesures d'ordre public social qui doivent, bien entendu, être du domaine de la loi, nous pensons que l'ensemble de l'organisation et de l'aménagement du temps de travail relève du domaine de la négociation collective et de la discussion entre les partenaires sociaux.

Or, ce projet de loi va à l'encontre de la philosophie que nous avons, celle du respect des corps intermédiaires, du dialogue social et de la discussion.

Nous demandons donc une nouvelle fois au Gouvernement de bien considérer que ce projet de loi ne devrait contenir en fait qu'un ou deux articles et comprendre un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

titre II qui renverrait à la négociation collective. Cela permettrait d'améliorer la démocratie sociale dans tous ses aspects : la redéfinition de la place des institutions représentatives, notamment la place des comités d'entreprise, la notion de droit d'opposition et de représentativité, les parts respectives de l'accord et de la loi dans l'organisation du travail.

Bref, nous considérons que la réduction du temps de travail est d'abord l'affaire des partenaires sociaux.

A ce propos, je citerai le cas de l'Allemagne qui fournit le seul exemple en Europe de réduction du temps de travail avec le passage du secteur métallurgique au régime des 35 heures en 1994. Au mois de juillet, je me suis rendu dans ce pays avec mes collègues et nous avons pu constater que cela n'a pas été l'affaire de l'Etat mais des partenaires sociaux. Ils ont ensemble déterminé les modalités de la réduction du temps de travail et, ensemble, décidé des conditions d'aménagement de la vie professionnelle de tous les salariés de la métallurgie. Nous aurions aimé que ce projet de loi soit inspiré de la même philosophie.

M me Hélène Mignon.

Encore faudrait-il que les patrons en aient envie !

M. Jean-Pierre Brard.

Il faut en parler à ErnestAntoine Seillière !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 822.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Cet amendement a été rejeté par la commission. Le projet de loi porte sur la réduction négociée du temps de travail comme l'indique son titre même. La négociation a donc toute sa place dans le dispositif. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout au long du débat, notamment à l'article 1er

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 822.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis, monsieur le président. Nous avons parlé très longuement pendant la discussion générale du fait que, malheureusement, en France la négociation collective sur la durée du travail n'avait pas porté ses fruits. Nous avons donc fait le choix d'une loi, qui laisse néanmoins une très grande place à la négociation.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 822.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Morin, Mme Idrac, MM. Blessig, Weber, Gengenwin, Mme Boisseau, MM. Bur, Méhaignerie et de Courson ont présenté un amendement, no 821, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« Les conventions, accords collectifs étendus, conventions ou accords d'entreprise ou d'établissement, accords de branche, déjà signés à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont applicables pour l'ensemble de leurs dispositions. »

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Cet amendement est, pour nous, fondamental. Il entend valider par la loi l'ensemble des accords de branche et des conventions collectives qui ont été signés et adoptés dans le cadre de la première loi. Le fait de remettre en cause aujourd'hui certaines dispositions de ces accords nous semble être un camouflet, en premier lieu pour les partenaires sociaux.

Comme l'a dit Mme la ministre, quinze mille entreprises et plus de deux millions de salariés sont aujourd'hui concernés par la réduction du temps de travail à travers la signature d'accords dans plus de 130 branches.

Aucun salarié n'a manifesté pour reprocher aux syndicats de n'avoir pas correctement défendu ses intérêts. Nous ne comprenons donc pas pourquoi, aujourd'hui, alors que ces accords existent et qu'ils ont été acceptés par le corps social et les entreprises, la loi revient sur des points comme la durée du travail, le temps effectif de travail, le régime des heures supplémentaires, le problème des cadres ou les règles de modulation.

L es partenaires sociaux ont passé des centaines d'heures, des mois entiers, à trouver un juste équilibre entre les intérêts de l'entreprise et les intérêts des salariés pour arriver à des accords réglés comme des horloges. Le projet de loi va les obliger à reprendre les discussions et à rompre cet équilibre. C'est nier l'existence des corps intermédiaires, c'est nier la capacité des partenaires sociaux à négocier ensemble.

Nous vous demandons, au moins pour un temps, madame la ministre - et ce n'est pas simplement « quelques minutes de plus, monsieur le bourreau » -, de laisser en vigueur les accords déjà signés. Je rappelle que les syndicats pouvaient s'y opposer. Cela a été le cas pour l'accord de branche des banques...

M. Maxime Gremetz.

Ah, ça c'est bien !

M. Hervé Morin.

... et les tribunaux ont su faire appliquer l'ordre public social. Nous déplorons que ces accords soient totalement remis en cause.

M. Jean-Pierre Brard.

Liturgie, litanie, léthargie !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. Alain Cousin.

Pourquoi ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je me suis exprimée à plusieurs reprises sur cet argument du

MEDEF ; il n'est repris par aucune organisation syndicale, et vous pensez bien que si nous avions remis en cause des accords signés, les syndicats auraient fait entendre leur voix.

Je tiens à dire que tous les accords valablement conclus, c'est-à-dire ceux qui ne remettaient pas en cause des dispositions d'ordre public social, comme la durée maximale de travail ou le repos du dimanche, ont été étendus, y compris l'accord de l'AFB, qui avait d'ailleurs fait l'objet d'une réserve sur une clause qui a finalement été annulée par le tribunal. Comme quoi, nous sommes en ligne avec le tribunal, et surtout en ligne avec les négociateurs.

Ne reprenez donc pas des slogans sans les confronter à la réalité ! Les conventions collectives, dès lors qu'elles sont conformes à l'ordre public, ont été étendues et ne sont pas remises en cause par la deuxième loi.

M. Hervé Morin.

C'est absolument faux !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Bien sûr que si !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous ne pouvons pas accepter cet amendement.


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M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz, contre l'amendement je suppose.

M. Maxime Gremetz.

Le grand slogan du MEDEF a été : cette loi, on peut l'accepter si vous nous assurez que les accords signés seront garantis et ne seront pas remis en cause. J'ai entendu beaucoup de dirigeants patronaux s'exprimer à ce sujet. Et je dois vous dire que certains accords devront être remis en cause car ils ne correspondront pas à la deuxième loi.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mais oui !

M. Hervé Morin.

C'est bien ce qu'on dit !

M. Maxime Gremetz.

En effet, ce deuxième projet contient des dispositions nouvelles - à moins qu'elles ne soient pas votées, mais je pense qu'elles vont l'être,...

M. Hervé Morin.

Ah !

M. Maxime Gremetz.

... qui obligeront à revoir les accords pour les mettre en conformité avec la loi. S'ils continuent d'être valables, c'est à n'y rien comprendre ! La loi ne servirait à rien.

Monsieur Morin, vous vous opposez à la loi au nom du respect des accords existants. Je vous citerai l'exemple de la SNECMA - 95 % de capitaux d'Etat - à CorbeilEssonnes. Un accord a été signé par un syndicat minoritaire. On a voulu l'imposer, mais à la suite d'un référendum, 57 % des salariés se sont prononcés contre.

M. Hervé Morin.

C'est très bien !

M. Maxime Gremetz.

Seulement, figurez-vous que malgré ces résultats, la direction refuse de renégocier le passage aux 35 heures. Et aucune disposition de la loi ne l'oblige à engager à nouveau la discussion.

Cette précision m'a paru utile car, depuis hier, la confusion règne autour de la position du MEDEF. Je comprends que certains préfèrent que les accords déjà signés conservent leur validité. Pour ma part, peut-être n'ai-je pas la même réponse que d'autres...

M. Hervé Morin.

Ça non !

M. Maxime Gremetz.

... j'estime qu'il faudra les revoir car ils ne tiendront pas compte de certains progrès de la deuxième loi et ne seront donc pas conformes.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est la même argumentation !

M. Maxime Gremetz.

C'est pourquoi je suis contre votre amendement qui propose de les valider.

M. le président.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le règlement prévoit que l'auteur de l'amendement s'exprime, puis un orateur contre l'amendement.

M. Bernard Accoyer.

Et un pour !

M. le président.

Mais le président a la faculté de donner également la parole à un orateur pour répondre au Gouvernement et à la commission.

M. Bernard Accoyer.

Un orateur pour et un orateur contre l'amendement !

M. le président.

Comme il s'agit présentement d'un problème de principe, j'userai de cette faculté. Ce n'est pas du tout un précédent, sinon nous sommes partis pour de nombreuses semaines ! La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Effectivement, nous savons les uns et les autres, monsieur le président, que c'est un choix du président de donner la parole à un orateur contre la commission et à un orateur contre le gouvernement, mais il est d'usage, nous le savons aussi, que pour des débats importants, ce temps de parole soit accordé.

J'ouvrirai une parenthèse, avant de répondre au Gouvernement et à la commission. Monsieur Gremetz, vous avez rappelé que le capital de la SNECMA est détenu pour l'essentiel par l'Etat. Je suppose que vous avez demandé au Gouvernement de faire revenir la direction sur sa décision.

M. Maxime Gremetz.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

Et qu'a-t-il répondu ?

M. François Goulard.

Je ferme la parenthèse non sans vous avoir dit - et je crois que c'est utile à préciser pour la suite de nos discussions - que si vous avez, monsieur Gremetz, des relations extrêmement étroites avec certaines formations syndicales...

Mme Muguette Jacquaint.

N'oubliez pas les salariés, quand même !

M. François Goulard.

... pour notre part, nos relations avec le MEDEF sont exactement les mêmes que celles que nous avons avec l'ensemble des organisations représentatives de ce pays...

M. Jean-Pierre Brard.

Mensonge !

M. François Goulard.

... c'est-à-dire que nous avons un dialogue ouvert avec les syndicats ouvriers, avec les syndicats patronaux, avec tous ceux qui représentent la vie économique et sociale de ce pays.

Je reviens au fond de la question qui est de savoir quelle doit être la place de la convention par rapport à la réglementation dans notre pays. C'est évidemment une préoccupation que nous retrouverons tout au long de nos débats.

Contrairement à ce qu'affirme Mme la ministre, je ne vois pas pourquoi il y aurait une exception française à la capacité des partenaires sociaux à trouver des accords.

Mme Muguette Jacquaint.

Pourquoi n'y en aurait-il pas ?

M. François Goulard.

Tout au contraire, c'est l'excès d'intervention de la puissance publique dans le dialogue social qui explique que les partenaires sociaux, comme empêchés par la présence excessive du Gouvernement,...

M. Jean Le Garrec président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Allons ! c'est contraire à l'histoire !

M. François Goulard.

... de la réglementation et de la loi, ne trouvent pas de terrain sur lequel mettre en oeuvre la négociation sociale.

J'en veux pour preuve que quand il s'agit de négociations entreprise par entreprise et non par branche ou interprofessionnelle, le dialogue social est infiniment plus actif, contrairement à ce que vous dites. Dans la plupart des entreprises françaises, il y a un dialogue extrêmement riche entre les partenaires sociaux qui fait progresser les conditions de travail des salariés de ce pays.

Notre collègue Morin a cité le cas de l'Allemagne et de la métallurgie. J'évoquerai, pour ma part, le seul pays où, à ma connaissance, il y ait eu une réduction de la durée du travail généralisée par voie d'accords : les Pays-Bas avec les accords de Wassenaar de 1982. La réduction avait été modeste, de quarante à trente-huit heures.

J'ajoute immédiatement que bien d'autres mesures avaient accompagné cette décision. Les entreprises s'étaient très


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fortement engagées dans une politique de modération salariale. L'Etat lui-même avait mis en oeuvre un plan de rigueur budgétaire considérable puisque depuis cette date, le taux de prélèvement obligatoire de la Hollande a baissé de plus de dix points - ce qui explique très largement les résultats obtenus en matière de lutte contre le chômage par ce pays.

L'exemple de pays qui sont tout à fait comparables au nôtre en termes de niveau de vie et de niveau de développement montre bien que la négociation collective permet d'atteindre des objectifs qui sont les vôtres avant d'être les miens. Votre approche est beaucoup trop conservatrice et beaucoup trop influencée par des conceptions qui remontent, pardonnez-moi de le dire, au siècle dernier. Vous empêchez le développement de la convention qui est la seule réponse à la diversité économique et sociale de notre époque. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je lui demande d'être le plus bref possible.

M. Hervé Morin.

Madame la ministre, je voudrais vous rappeler le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie intégrante de notre constitution : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à l a détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises. » Nous demandons en

quelque sorte le retour à l'esprit même du contrat social qui nous unit tous ici dans cet hémicycle et qui unit tous les Français.

Par ailleurs, nous dire, monsieur Gremetz, madame la ministre, que nous défendons le MEDEF n'est pas acceptable. Ecoutez ce que vous dit Force ouvrière ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) La CGT a signé de nombreux accords, la CFDT elle-même considère qu'il faut les respecter. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme Muguette Jacquaint.

Et alors !

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est pas eux qui votent la loi !

M. Hervé Morin.

C'est la position de toutes celles et de tous ceux qui ont discuté pour signer des accords et des conventions collectives que nous défendons.

Quand on voit quel effort de transparence a été fait dans les entreprises pour parvenir à des accords équilibrés sur la réduction du temps de travail, on ne peut que redouter les points de déséquilibre introduits par cette n ouvelle loi et leurs dommages considérables pour l'ensemble de nos entreprises et pour l'ensemble des salariés de ce pays.

M. Jacques Godfrain.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Bachelot-Narquin, M. Dord et M. Morin luimême nous ont expliqué hier combien ils craignaient pour les conditions de travail des salariés et combien ils appelaient l'Etat à contrôler celles-ci. Je vois un peu d'incohérence de leur part à considérer aujourd'hui que les accords de branche pourraient faire tout et n'importe quoi, y compris déroger aux règles relatives aux durées maximales du travail, au travail de nuit ou au travail le dimanche.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait ! C'est démago !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Soyez cohérents ! L'ensemble des accords et des conventions de branche sont repris dans la deuxième loi dès lors qu'ils ne dérogent pas aux clauses d'ordre public social et je ne vois d'ailleurs pas comment le Parlement pourrait accepter qu'un quelconque accord, convention collective ou accord de droit privé, puisse être contraire à la loi.

Je vous le répète : seul M. Seillière nous reproche aujourd'hui de ne pas avoir repris ces accords. M. Blondel n'a jamais dit cela (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), même s'il critique la loi sur beaucoup d'autres points.

Là aussi soyons précis si nous voulons avoir un débat de qualité et essayons d'être cohérents d'un jour à l'autre, cela évitera beaucoup de perte de temps et d'énergie. Cela permettra peut-être aussi une clarification de nos désaccords.

M. Maxime Gremetz.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 821.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je rappelle qu'à la demande du Gouvernement, l'amendement no 735 est réservé jusqu'après l'article 12.

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er : C HAPITRE Ier Durée légale du travail et régime des heures supplémentaires

« Art. 1er . - I. - Le premier alinéa de l'article L. 212-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Dans les établissements ou professions mentionnés à l'article L. 200-1, ainsi que dans les établissements artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine. »

« II. La durée prévue à l'article L. 212-1 du code du travail est applicable à compter du 1er janvier 2000 pour les entreprises dont l'effectif à cette date est de plus de vingt salariés ainsi que pour les unités économiques et sociales de plus de vingt salariés reconnues par convention ou par décision de justice. Pour les autres entreprises et unités économiques et sociales, elle est réduite de trente-neuf heures à trente cinq heures à compter du 1er janvier 2002. L'effectif est apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1 et à l'article L. 421-2.

« III. L'article L. 212-1 bis du code du travail est abrogé. »

Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article. Comme ils sont assez nombreux, je leur demanderai de concentrer leurs propos autant que possible.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Message reçu, monsieur le président, j'essaierai d'être brève ! Cet article 1er est très important et peut être abordé sous plusieurs angles précis - mes collègues le feront certainement : le temps de travail effectif, le chiffre même de 35 heures, le seuil de vingt salariés, la mise en application de cette loi à partir du 1er janvier prochain.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Je voudrais pour ma part prendre un peu de recul et poser la question suivante : où est le temps et qu'est-ce que le temps ? Il y a quelque chose de dérisoire et d'un peu pathétique à vouloir fixer un temps de travail impératif et unique pour tous les salariés de France et de Navarre.

On s'acharne à mesurer le temps du

XXIe siècle comme au temps de l'ère industrielle, quand la pénibilité du travail était surtout physique. Le salarié était deux fois plus fatigué après huit heures de travail qu'après quatre heures.

Il était normal qu'il soit payé deux fois plus cher et que son temps de travail soit contrôlé.

Mais nous ne sommes plus au

XIXe siècle. Dans la société de service et d'information, le temps de travail ne représente plus rien. En raison de l'utilisation généralisée des nouvelles techniques de l'information et de la communication tout d'abord, le travail devient abstrait : à l'écran on travaille sur des représentations de la réalité plutôt que sur les choses elles-mêmes. Ce travail devient interactif :...

M. Maxime Gremetz.

Chez Michelin aussi !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... il faut répondre aux sollicitations du fax, du mobile, d'Internet, et ce, en temps réel. Ce travail devient de plus en plus coopératif : on travaille en groupes de projet sans forcément se voir, via Internet. Et puis on travaille de plus en plus à distance, chez soi, au bureau, à l'hôtel, dans les transports : 30 à 40 % du travail aujourd'hui, hors du télétravail proprement dit, est ainsi réalisé dans plusieurs lieux distincts.

Dans tous les cas, le travail intellectuel complexe induit une fatigue mentale que le temps de travail ne prend pas en compte.

Enfin, nous sommes passés de la « civilisation de la peine » à la « civilisation de la panne » qui, par définition, défie le temps. « Quand je vais réparer un ordinateur, je n e sais pas si je vais y passer cinq minutes ou cinq heures », me disait un technicien informatique la semaine dernière encore. Et lorsque je lui ai demandé comment il faisait pour organiser son temps de travail, il m'a répondu : « Tout simplement, on s'arrange à l'intérieur de l'entreprise. » Toutes ces évolutions font que la

pénibilité physique du travail diminue mais que la charge mentale s'accroît.

Si l'approche quantitative est de plus en plus difficile dans notre monde moderne, l'approche qualitative est tout aussi irréaliste. On peut comparer le travail à la nourriture. Il se mesure en heures comme la nourriture en poids, mais ce n'est qu'une première approche.

Entrent en jeu également pour la nourriture la composition en glucides, lipides, protides, vitamines et, pour le travail, les activités subies et les activités programmées, choisies.

Mme Odile Saugues.

Cela n'a rien à voir avec le texte !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il y a de la valeur énergétique d'un côté, l'intérêt au travail, le plaisir, et le s tress de l'autre. Si l'on veut aller au fond des choses, il faut aussi parler des réactions individuelles, qui peuvent être très différentes, à une nourriture ou à un travail donné.

Alors, madame la ministre, je repose ces questions : Qu'est-ce que le temps ? Où est le temps ? Dans le respect de la spécificité de chacun de nos concitoyens, que mesurer qui ne soit pas convenu entre les différents partenaires à l'intérieur de l'entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Je concentrerai mon propos sur deux points.

En premier lieu, je voudrais rappeler que nous serons les seuls dans le monde occidental à nous lancer dans cette aventure de la réduction générale et autoritaire du temps de travail par voie légale.

(« Et alors ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) Les seuls au monde ! C'est-à-dire que demain nos entreprises devront continuer à être compétitives face à un monde qui, lui, aura laissé la place au dialogue, à la négociation, éventuellement pour réduire le temps de travail, mais qui ne l'aura en aucune façon fait de façon autoritaire. Ni l'Italie, où les syndicats ont demandé à l'Etat de revenir en arrière après avoir commencé à penser à la réduction du temps de travail, ni l'Allemagne, ni les Pays-Bas, ni les pays scandinaves, ni bien entendu les pays anglo-saxons, ne sont passés aux 35 heures.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Pour l'entreprise France vue dans son ensemble, la réduction du temps de travail se traduira donc mécaniquement par une perte de compétitivité. Cela ne fait aucun doute ! En second lieu, madame la ministre, si vous étiez si persuadée de l'absence d'effet négatif de la réduction du temps de travail sur l'économie française, vous auriez commencé par l'appliquer aux petites entreprises et non aux grandes, pour que l'effet sur l'emploi soit le plus large possible...

M. Bernard Accoyer.

Exactement !

M. Hervé Morin.

... puisque les entreprises de moins de cinquante salariés représentent 37 % de l'emploi en France contre 11 % seulement pour les entreprises de plus de 500 salariés. Cela signifie que 89 % des Français travaillent dans des PME ou chez des artisans. Si vous étiez persuadée que la réduction du temps de travail ne posera aucun problème pour l'économie française, il n'aurait pas fallu en retarder l'application à 2002, voire à 2003, pour ces entreprises. Mais on comprend très bien que cela cache autre chose, car vous pensez à la future élection présidentielle.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Jusque-là vous pourrez en effet profiter de la croissance et prétendre que les créations d'emplois qui en découlent sont liées aux 35 heures en cachant les effets négatifs de la réduction du temps de travail. Et ce n'est qu'après, lorsque cette réduction sera obligatoire pour tous, à partir de 2003, que nous aurons un rendez-vous sérieux avec l'ensemble des Français.

M. Jean-Pierre Brard.

De toute façon 2002 ne vous concerne pas, vous passez votre tour !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'article 1er contient l'essentiel de ce projet de loi sur la réduction autoritaire du temps de travail.

M. Jean-Pierre Pernot.

Réduction « négociée » !

M. Bernard Accoyer.

Tout est dit ! En effet, dans quelques semaines, cette loi va s'imposer à toutes les entreprises de plus de vingt salariés. Aucun délai n'est prévu.

C'est ce cadre si contraignant qui est incompréhensible.

Hervé Morin vient de nous exposer certaines des conséquences inévitables de ce texte que nous jugeons extrêmement dangereux. Permettez-moi de revenir quant à moi sur sa logique car, franchement, nous ne nous y retrouvons plus !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Nous étions réunis ici même il y a un peu plus d'un an pour discuter de la première loi et je vous entends encore, madame la ministre, nous exposer à cette tribune les projections en termes de créations d'emplois. Elles étaient, il est vrai, très flatteuses et guidaient toutes vos décisions. Elles expliquaient pourquoi vous vouliez ce texte tout de suite. Votre majorité vous a suivie. Certains étaient dubitatifs. Aujourd'hui, ils ne le sont plus. Plus aucun observateur ne l'est. En effet, madame la ministre, qui peut aujourd'hui croire le chiffre de 125 000 emplois que vous avez avancé et que vous répétez, avec beaucoup d'aplomb je dois le dire ? En effet, ce chiffre procède à l'évidence d'un amalgame entre plusieurs causes de l'évolution de l'emploi au premier rang desquelles figurent la croissance et les effets d'aubaine que vous avez créés, les entreprises ayant su, pour certaines d'entre elles et notamment les plus grandes, profiter des primes instaurées, d'autant qu'il est de bonne gestion d'utiliser les aides mises à disposition.

Par ailleurs, la confusion entre les emplois créés et les emplois préservés à laquelle vous procédez dans votre discours est particulièrement pernicieuse. En effet, pour profiter de l'effet d'aubaine les entreprises ont intérêt à expliquer qu'un plan social particulièrement cruel pour leurs salariés est inévitable.

M. Maxime Gremetz.

Je l'avais dit à l'occasion de la loi Robien, que vous avez pourtant votée !

M. le président.

Monsieur Gremetz, n'interrompez pas l'orateur !

M. Bernard Accoyer.

Le débat qu'ouvre notre collègue est extrêmement important. En effet, les chiffres que Mme la ministre met en avant pour expliquer que la réduction autoritaire du temps de travail permettra de maîtriser le chômage procèdent d'amalgames. En fait, le bilan est tout à fait insignifiant et, comme l'a dit Hervé Morin, on risque en réalité d'assister à l'arrêt de la croissance et, à terme, à des pertes d'emploi.

Mais je reviens à ces entreprises qui ont profité des aides en annonçant des plans particulièrement inquiétants. S'agissant de l'effet d'aubaine, je rappelerai ce qu'écrit notre rapporteur, avec lequel je ne suis au demeurant pas toujours d'accord. Cela montre qu'en réalité les entreprises qui ont négocié dans le cadre du premier texte l'ont fait parce que leurs activités, leur créneau, leur secteur, le contexte dans lequel elles évoluaient le permettaient, le rendaient même parfois utile car, je le répète, nous ne sommes pas contre la réduction ou l'aménagement du temps de travail, pourvu qu'elle soit négociée entre les partenaires sociaux. Selon M. Gorce lui-même :

« Les résultats prometteurs actuels ne valent que pour les entreprises, en général les plus dynamiques et les plus performantes, qui ont conclu des accords. » Il démontre

ainsi, s'il en était besoin, que ce qui s'est passé depuis la première loi laisse maintenant sur l'établi toutes les difficultés, tous les dangers pour les entreprises, leurs salariés et pour l'emploi.

De plus, vous faites entrer dans vos chiffres les résultats de la négociation dans les entreprises para-publiques ou monopolistiques - Electricité de France ou La Poste -, qui interviennent dans un secteur hors concurrence et pour lesquelles, du reste, le surcoût dû à la réduction du temps de travail sera, au bout du compte, totalement financé par les consommateurs et les contribuables.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Enfin, madame la ministre, vous nous avez expliqué hier que le président de l'UPA, M. Delmas, s'était fait le chantre de la réduction autoritaire du temps de travail. Or ce matin, lors de l'assemblée générale de l'UPA, à laquelle vous assistiez d'ailleurs me semble-t-il, M. Delmas s'est montré particulièrement réservé sur l'interprétation euphorique que vous avez faite de ses déclarations et, si nos informations son exactes, vous a même suppliée de bien vouloir lui accorder des délais, expliquant que ce texte pouvait être dangereux, comme on l'entend dire dans toutes les entreprises, en particulier les petites.

Nous considérons que ce texte est extrêmement dangereux en raison de son caractère autoritaire, contraignant, s'agissant notamment des délais de mise en oeuvre de cette réduction du temps de travail qui sera la plus forte de tous les pays développés. Cet article 1er en résume tous les dangers, c'est pourquoi, bien entendu, nous nous y opposons. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à madame Roselyne Bachelot-Narquin.

M. Jean-Pierre Brard.

Sera-t-elle aussi bonne que sur le PACS ? (Sourires.)

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Cet article très important confirme que le passage aux 35 heures est bien une mesure contraignante et autoritaire, comme vient de le dire Bernard Accoyer. Vous maintenez qu'il s'agit bien de réduction négociée du temps de travail mais pour ajouter dans la phrase suivante que, la négociation ayant échoué, vous continuez dans ce sens mais en la rendant autoritaire. Alors là, on a un peu de mal à comprendre et l'on peut se demander avec vous pourquoi votre dispositif a été plus efficace que la loi Robien, 117 accords de branche couvrant 2,2 millions de salariés ayant été signés durant la période transitoire. En fait, la négociation a semblé mieux se passer parce qu'elle a été faite le pistolet sur la tempe (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) et parce qu'un certain nombre d'entreprises ont simplement anticipé un mécanisme dont on savait très bien qu'il deviendrait obligatoire en 2000 ou en 2002 ! Et je ne résisterai pas à la tentation de vous rappeler, madame la ministre, l'histoire du film Le trésor de la Sierra Madre , où les malfrats incitent Humphrey Bogart à creuser plus vite sa tombe pour échapper aux rigueurs du soleil.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Nous nous trouvons exactement dans le même type de syndrome. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Elle est encore meilleure que sur le PACS ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

On n'est pas à Hollywood !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ensuite, comme le disait excellemment André Bergeron, pour qu'une négociation marche, il faut qu'il y ait du grain à moudre. Or la croissance a donné du grain à moudre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Précisément !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais cette crois-s ance, vous n'en êtes pas responsable, madame la ministre ! Elle a démarré dans l'ensemble du monde occidental début 1997.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Enfin, le dispositif a dirigé vers la réduction du temps de travail une négociation qui, en fait, contrairement à ce que vous dites, ne s'est jamais arrêtée dans les entreprises.

Il y a toujours eu des augmentations de salaires négociées, certains avantages non salariaux, une amélioration des conditions de travail. Votre dispositif a eu pour effet d'orienter entièrement cette négociation vers la réduction du temps de travail et parfois contre l'avis des salariés, qui auraient préféré des augmentations de salaires ou d'autres types d'avantages non salariaux.

Mme Muguette Jacquaint.

Ceux qui ne négociaient pas n'avaient pas d'augmentation de salaire !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Actuellement 2,2 millions de salariés sont couverts mais, à terme, ils seront 14 millions à être concernés. Avec les avantages financiers que vous aviez avancés, pourquoi donc 12 millions de salariés n'ont-ils toujours pas accédé à votre merveilleux dispositif qui permet une réduction du temps de travail, la réorganisation des entreprises, etc.

? Tout simplement parce que la plupart de ces entreprises ne pouvaient pas aller dans ce sens pour des raisons financières, pour des raisons d'organisation, parfois de pénurie de personnel dans certains secteurs ou pour des raisons de concurrence internationale. Et c'est maintenant à ces entreprises que vous allez vous attaquer avec votre dispositif contraignant et autoritaire, avec tous les risques que cela comporte pour l'économie nationale et pour les salariés.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Nous abordons la discussion des articles, ce qui veut dire que nous allons nous consacrer désormais à des dispositions qui ont toute leur importance, mais dont l'examen ne nous permettra pas de garder à chaque moment une vue d'ensemble du texte et de la question principale qui est posée, la seule, madame la ministre, qui ait de l'intérêt : les 35 heures sont-elles susceptibles d'améliorer la situation de l'emploi ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est en effet la bonne question.

M. François Goulard.

Si vous ne pensiez pas que la réponse est positive, jamais vous n'auriez envisagé de proposer cette réduction uniforme et imposée de la durée du travail. Mais ayant débattu avec vous tous depuis maintenant presque deux ans, j'observe que vous n'avez jamais donné de réponse à un argument de fond.

Sous l'effet de la réduction du temps de travail, un certain nombre d'entreprises procèdent sans doute à dese mbauches. Pour de multiples raisons, le nombre d'emplois ainsi créés est infinimement plus faible, à mon sens, que ce que vous escomptiez. Il n'empêche qu'il y a création d'emplois en première instance.

Mais en première instance seulement, car la loi que vous voulez nous imposer aura évidemment en retour des effets indirects, tous négatifs, tous désastreux, sur la création d'emplois : hausse des coûts salariaux, hausse de la fiscalité et de l'ensemble des prélèvements obligatoires, goulets d'étranglement dus à la baisse de production de nombreuses entreprises. Jamais, depuis deux ans, ni vous, madame le ministre, ni vous, mes chers collègues, n'avez répondu à cet argument. Vous n'avez donc pas répondu à l'objection principale que nous adressons à votre réforme, qui est qu'au bout du compte elle ne créera pas d'emplois.

Mme Muguette Jacquaint.

Et les profits de Michelin, à quoi ils servent ?

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Catala.

Mme Nicole Catala.

A propos de l'article 1er , je voudrais rappeler la conception que j'ai défendue hier soir de la réduction de la durée hebdomadaire de travail, celle que nous devrions retenir. J'ai indiqué que traiter cette mesure comme un instrument de la politique de l'emploi était à mes yeux un contresens, qu'en revanche il fallait la regarder et l'encourager comme une mesure de progrès social.

Dès lors que l'on retient cette perspective, il n'y a point lieu d'imposer la réduction du temps de travail de façon brutale, immédiate et autoritaire. J'ai donc déposé à l'article 1er un amendement qui tend à la réaliser progressivement en l'échelonnant dans le temps. Je défendrai plus tard un autre amendement qui, à l'inverse du projet du Gouvernement, élargirait le champ ouvert à la négociation des partenaires sociaux, à l'image de ce qui existe aujourd'hui en droit européen, lequel évolue à l'inverse de notre législation nationale, puisqu'il fait la part sans cesse plus belle à la négociation entre les partenaires sociaux.

Pour ma part, je m'interroge sur la pertinence du cadre hedbomadaire, s'agissant de fixer la durée légale du travail. Sans doute en reparlerons-nous plus tard. Je me demande s'il ne faudrait pas réfléchir - je lance l'idée, je ne sais ce qu'elle deviendra - au cadre mensuel, voire au cadre annuel, puisque le texte comporte aussi une référence à une durée annuelle maximum du travail. En effet, le cadre hebdomadaire est de plus en plus battu en brèche par les horaires individualisés, par les modalités du repos compensateur, par la compensation sous forme de repos d'une journée ou d'une demi-journée de la réduction du temps de travail qui nous est aujourd'hui proposée. Bref, le cadre de la semaine apparaît de moins en moins approprié pour décompter l'horaire effectif de travail et j'invite l'Assemblée à y réfléchir.

Je m'interroge également sur les conséquences que pourrait avoir la référence à l'unité économique et sociale comme cadre d'appréciation des effectifs pour la mise en oeuvre de la mesure nouvelle. On sait que des salariés relevant d'employeurs différents, d'entreprises de taille différente, peuvent être réunis dans la même unité. Supposons qu'elle cesse son activité et que certains d'entre eux se retrouvent ensuite chez un employeur qui, lui, nes erait pas assujetti aux 35 heures, son entreprise employant moins de vingt salariés. A quel régime horaire seront-ils alors soumis ? J'aimerais obtenir des précisions sur ce point.

Pour conclure, je souhaite à nouveau que la réforme proposée par le Gouvernement soit traitée sous l'angle du progrès social et non pas comme un instrument de la politique de l'emploi. Sinon, j'en suis sûre, ce sera un échec.

M. le président.

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome.

Après avoir perdu un peu de temps au début de cette séance, nous commençons enfin l'examen de l'article 1er . La réduction, la libération du temps de travail qu'il propose nous permettra d'écrire l'une des plus belles pages de l'histoire du mouvement ouvrier et des avancées sociales.

L'article 1er confirme la fixation à 35 heures de la nouvelle durée légale du travail effectif, au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et au 1er janvier 2002 pour les autres.


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La réduction du temps de travail est substantielle : plus de 10 %. Les salariés vont bénéficier de quatre heures de temps libre en plus, quatre heures à consacrer à la famille, aux loisirs et à l'épanouissement personnel.

Les amendements adoptés en commission permettront d'enrichir cet article. Nous parviendrons par un accord très large, je n'en doute pas, à définir de manière plus précise le temps de travail effectif, comme la jurisprudence nous y invite. Cette notion est déterminante dans le droit du temps de travail. Nous souhaitons en donner une meilleure définition pour aboutir à une réduction effective du temps de travail.

Nous profiterons également de l'examen de cet article pour clarifier le régime et les conditions d'emploi des heures d'équivalence et des astreintes. En conditionnant la mise en place des heures d'équivalence à la signature d'un texte réglementaire, nous unifierons leur utilisation et favoriserons leur encadrement. Tout en tenant compte des nécessités des entreprises selon leur secteur d'activité, nous protégerons mieux les salariés.

Sur la proposition d'Odile Saugues et du groupe socialiste, la commission des affaires sociales a adopté l'amendement dit « Michelin », qui subordonne l'élaboration d'un plan social à l'exploration préalable sincère et loyale de toutes les possibilités liées à la réduction du temps de travail. A l'analyse des conventions de réduction du temps de travail défensives, on peut constater que cette mesure est de plus en plus utilisée par les entreprises qui mettent en oeuvre une procédure de licenciement économique. Désormais, dans le cadre de nombreux plans sociaux, les syndicats négocient et signent des accords de réduction du temps de travail. Cela représente une avancée en matière de dialogue social, comme je l'ai indiqué dans la discussion générale à propos d'une entreprise de mon département.

Conscients d'accomplir une bien belle mission, nous abordons l'examen de ce premier article avec le souci de faire de la réduction du temps de travail un des éléments forts et mobilisateurs de la lutte pour l'emploi.

Hier, dans l'opposition, vous étiez une petite poignée, neuf, à tenter de renvoyer ce texte en commission.

Mme Nicole Catala.

Quel argument !

M. Bernard Accoyer.

Il était deux heures du matin.

Aujourd'hui, en plein après-midi, vous n'êtes guère plus nombreux !

M. Yves Rome.

A neuf, vous avez mobilisé seize voix.

J'espère que, tout au long des débats, vous serez plus nombreux pour tenter, avec nous, d'enrichir ce texte.

M. Philippe Martin.

Minable !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

L'article 1er est extrêmement important, puisqu'il permet d'officialiser la réduction à 35 heures de la durée légale de la semaine de travail, avec le maintien du pouvoir d'achat - nous l'avons toujours demandé et le Premier ministre l'avait annoncé - et avec des créations d'emplois en proportion. Mais nous reviendrons au fil du débat sur ce dernier aspect, qui est essentiel.

L'article 1er du projet doit être, selon nous, le socle législatif d'une modification de la définition de la durée du temps de travail effectif. Or, dans sa rédaction actuelle, il maintient l'alinéa 2 de l'article L.

212-4 du code du travail. Il exclut donc de cette définition « le temps nécessaire à l'habillage et au casse-croûte ainsi que [les] périodes d'inaction ».

L'expérience des accords passés en application de la première loi montre que les employeurs savent s'appuyer sur les ambiguïtés de ce texte. Prenons l'exemple d'un accord dans la grande distribution : depuis le 1er janvier 1997, les salariés bénéficient d'une pause de trois minutes par heure travaillée ; l'accord stipule que ces trois minutes cumulées sur une semaine permettent de déduire deux heures du temps de travail effectif.

Vous qui défendez les patrons, allez voir ceux de la grande distribution !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Arrêtez, bon sang !

M. Germain Gengenwin.

Ces patrons-là, on ne les défend pas ! Imposer cela aux salariés, c'est honteux !

M. Maxime Gremetz.

Vous pouvez vérifier ce que je dis. Ce n'est pas de la propagande, c'est la réalité de l'accord.

Ainsi, la base de calcul pour le passage aux 35 heures est assise sur 37 heures au lieu de 39. Il s'agit, vous en conviendrez, d'une remise en cause inacceptable des pauses.

P ourtant, la loi du 13 juin 1998 a ajouté à l'article L.

212-4 du code du travail un alinéa qui précise : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. »

C'est pourquoi, avec nos collègues des Verts et du Mouvement des citoyens, nous avions déposé un amendement commun visant à la suppression du deuxième alinéa de l'article L.

212-4. La commission a préféré adopter un amendement qui modifie cet alinéa. C'est un progrès puisqu'il permet la prise en compte, dans le travail effectif, des repas, des pauses et des temps d'habillage, lorsque les critères définis au premier alinéa sont réunis.

Nous savons déjà, cependant, que de très grandes entreprises se positionnent pour continuer à déduire les pauses. C'est pourquoi nous proposons de préciser que les pauses légales et réglementaires sont incluses dans le temps de travail effectif.

Il existe un autre moyen pour dénaturer cette définition au détriment du salarié, très utilisé et en constante progression, c'est celui qui consiste à imposer des heures d'astreinte. Aussi avons-nous déposé un amendement qui définit plus strictement les astreintes tout en donnant des garanties. Le recours aux astreintes serait plus limité, le volume et le paiement des heures mieux encadrés.

Mieux définir la durée du temps de travail effectif ne suffit pas. L'on doit également prendre en compte la pénibilité des tâches et les formes d'aménagement du temps de travail quand elles sont plus contraignantes que la norme. Pour répondre à ce souci, nous proposons de rétablir dans la deuxième loi une disposition qui figurait dans la première mais qui n'a malheureusement pas été reprise, disposition prévoyant une réduction du temps de travail supplémentaire de quatre heures pour les salariés affectés au travail posté, au travail de nuit ou à des travaux pénibles. C'est une question de justice et de santé.

En toute logique, réduire la durée légale hebdomadaire de quatre heures implique de diminuer, dans la même proportion, les maxima, soit 9 heures par jour au lieu de 10, 42 heures pour 12 semaines consécutives au lieu de 46, 44 heures pour une semaine au lieu de 48, 42 heures en cas de dérogation au lieu de 46.

Telles sont les modifications sensibles que devra subir cet article pour répondre pleinement à la volonté affirmée d'une réduction du temps de travail créatrice d'emplois.


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M. le président.

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

L'article 1er réaffirme le principe de la réduction autoritaire de la durée légale du travail.

Je soulignerai tout d'abord la contradiction qui existe entre cet article et le titre du projet de loi. Imposer les 35 heures en 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés et en 2002 pour toutes les autres, c'est prendre une décision contraignante, obligatoire et autoritaire. Il ne s'agit pas d'une réduction « négociée », contrairement à ce que le titre affirme, puisque, quoi qu'il advienne, toutes les entreprises seront obligées d'être aux 35 heures pour 2002. Voilà une conception pour le moins originale de la négociation.

La volonté du Gouvernement d'imposer la réduction du temps de travail est en totale contradiction avec le fait, reconnu par tous, que la capacité réelle de créer des emplois n'est pas identique selon la taille de l'entreprise et selon les secteurs économiques. Dois-je vous rappeler, madame la ministre, que de 1980 à 1995 les entreprises de plus de 200 salariés ont perdu 1 150 000 emplois, alors que celles de moins de vingt salariés en ont créé 1 050 000 ? Que 55 % des salariés travaillent dans des entreprises de moins de cinquante salariés et 37 % dans des entreprises de moins de vingt salariés ? De nombreux rapports européens soulignent que le coût du travail pour les petites entreprises, qui sont essentiellement des entreprises de main-d'oeuvre, entrave leur développement. Mais ce texte va encore alourdir le coût du travail.

Enfin, nous le savons, les incidences de la réduction du temps de travail ne seront pas identiques dans tous les secteurs. Ainsi, dans les secteurs industriels en sureffectif, la réduction sera moins pénalisante, financièrement avant ageuse et sans doute peu créatrice d'emplois. En revanche, s'agissant des petites entreprises, qui sont les plus créatrices d'emplois, la diminution du temps de travail pénalisera leur bonne marche et sera peu susceptible de créer des emplois nouveaux en raison du faible volume d'heures libéré.

Madame la ministre, je trouve mauvaise votre approche de ce dossier. Plutôt que l'approche macro-économique, c'est l'approche micro-économique que vous auriez dû choisir, car elle permet de différencier les entreprises par leur taille et par leur secteur d'activité, ainsi que de tenir compte de l'existence de différents chefs d'entreprise : ceux que j'appellerai des « gestionnaires mercenaires », car ils ne sont pas propriétaires de l'entreprise, et les chefs de petites et moyennes entreprises, artisans, commerçants, agriculteurs, viticulteurs, professions libérales, dont l'activité a aussi un impact non négligeable sur l'emploi.

Ainsi, tel qu'il est conçu, ce texte aura malheureusement des effets négatifs sur l'emploi car, face à nos concurrents, notamment européens, nous ne serons plus compétitifs.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

En écoutant nos collègues de droite, je me disais : « Quelle énergie dépensée pour une mauvaise cause ! » On entend des interventions qui s'enchaînent comme on égrène le chapelet morne et répétitif des prières dont on ne connaît plus que la mélodie, en ayant depuis longtemps oublié le sens. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Monsieur le président, à l'heure des vêpres, nos collègues se réveillent ! (Rires.)

Il me semble essentiel, pour la clarté de la discussion et pour sa lisibilité par l'opinion, que chacun s'avance comme il est, sans masque.

Ainsi, M. Morin a formulé une remarque fort juste en disant que nous l'accusions d'être le représentant du MEDEF. Il avait raison de protester, parce qu'il n'est pas que le représentant du MEDEF. Lui et ses collègues représentent plus globalement les privilégiés dont ils sont ici les sentinelles et les petites mains ! (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. François Goulard.

Mme Bettencourt !

M. Jean-Pierre Brard.

Je constate que M. Goulard revient à ses classiques et rappelle le nom de personnes dont il n'est que le fondé de pouvoir. Il a cité Mme Bettencourt, mais on pourrait ajouter M. Mulliez et bien d'autres ! J'en reviens à mon propos.

Avec cette loi, il s'agit de défendre les salariés, ce qui n'empêche nullement de penser à la modernisation des entreprises, à leur efficacité. Mais cela passe par la réduction du temps de travail, par la nécessité de réfléchir collectivement à l'organisation du travail, en faisant entrer le dialogue et la confrontation positive dans les entreprises.

M. Morin a également avancé l'allégation totalement fausse selon laquelle aucun pays, en dehors de la France, n'avait généralisé jusqu'à présent la réduction du temps de travail. Mais ailleurs, il y a parfois d'autres moeurs ou un patronat qui a les oreilles moins bouchées. Ainsi, en Allemagne, le dialogue permet fréquemment d'éviter le recours à la loi. Chez nous, en revanche, nous devons légiférer sur les 35 heures, comme nous sommes obligés de légiférer sur la parité. N'est-il d'ailleurs pas honteux de devoir passer par la loi pour imposer la parité ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. Jean-Pierre Brard.

D'ailleurs regardez la place que la droite accorde aux femmes dans ses rangs ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Certes, il y a Mme Bachelot et Mme Catala qui, chacune, comptent pour dix d'entre vous et qui renversent le rapport par la qualité de leurs interventions ! (Rires.)

Mme Nicole Catala.

Merci, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Bref, chez nous, il faut légiférer.

La preuve en est donnée par la faiblesse du nombre des accords passés avant la première loi.

En Allemagne, en revanche, la réduction du temps de travail à 35 heures, à 32 heures, parfois à 28 heures, n'a pas nécessité l'intervention de la loi. Cet objectif a été atteint par le dialogue social alors que vous essayez de le bloquer dans cet hémicycle au nom de ceux que vous représentez. Il est vrai que vous êtes beaucoup plus proches du patron de chez Michelin, les héritiers de M. François, que de ses salariés. Lorsqu'il s'agit de défendre ces intérêts-là, vous ne vous bornez jamais au service minimum.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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M. Bernard Accoyer.

Ridicule !

M. Jean-Pierre Brard.

Mme Boisseau, après s'être demandé ce qu'était le temps, a affirmé que le temps de travail ne représentait plus rien. C'est de la philosophie de Prisunic, et encore fais-je injure aux Prisunic en le disant.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet le temps, c'est le temps de vivre, le temps d'aimer, le temps d'éduquer, le temps de participer à la vie sociale, le temps de se reposer, de se distraire.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

A cet égard le temps de travail doit constituer, dans la vie, un moment d'épanouissement, ce qu'il n'est pas souvent parce que les rapports sociaux ne sont pas suffisamment équilibrés.

A insi que vous l'avez souligné hier, madame la ministre, il ne s'agit pas seulement, avec la réduction du temps de travail, de traiter le problème du chômage. Il faut avoir une vue qui porte plus loin en évitant de faire appel aux observateurs chers à M. Accoyer et qui doivent être borgnes, car ils n'aperçoivent qu'une partie de la réalité.

Si nous avions été plus audacieux en passant directement aux 32 heures sur quatre jours, nous n'aurions pas eu toutes ces discussions, car il aurait alors été impératif d'organiser le travail autrement. Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir : les 35 heures sont une étape utile et précieuse.

Bien que nos collègues de droite ne veuillent pas l'admettre, la réduction du temps de travail répond aux besoins de notre société, aux aspirations de nos concitoyens pour lesquels il est bien plus significatif de travailler un jour de moins que de bénéficier d'une réduction du temps de travail de quelques minutes par jour. Cette loi sur les 35 heures est donc une étape avant d'aller plus loin dans la conception d'un projet de société qui imagine la structuration du temps de chaque individu et son rapport de chaque individu au travail d'une façon complètement différente. Pour cela, il ne faut pas se faire les porte-voix de ceux qui se situent dans la tradition de Guizot.

M. le président.

Il va falloir conclure, monsieur le député.

M. Jean-Pierre Brard.

A cet égard les propos de M. Goulard nous ramenaient non pas à la fin du

XIXe siècle, mais bien avant, au début de la révolution industrielle.

M. Bernard Accoyer.

Vous êtes un paléo-communiste !

M. Jean-Pierre Brard.

Il s'en fait le défenseur alors que nous en sommes à la révolution informationnelle...

M. Bernard Accoyer.

Et la chute du mur de Berlin ?

M. Jean-Pierre Brard.

... à laquelle je ne suis pas sûr que Mme Boisseau, qui l'a pourtant évoquée, ait tout compris.

M. Bernard Accoyer.

Vous prenez vos ordres à Moscou.

M. le président.

Monsieur Brard, vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. Jean-Pierre Brard.

Je vais en rester là, monsieur le président, mais vous pouvez constater que j'avais raison en soulignant, au début de ce propos, que certains de nos collègues égrenaient leurs poncifs comme les graines d'un chapelet. En effet, de quoi parlent-ils ? De Moscou ! Voyez quelle est leur référence, aujourd'hui : Eltsine. Cela est fort intéressant.

Pour ce qui me concerne, mes références ne sont jamais venues de l'étranger. Je les puise dans l'histoire du mouvement ouvrier français, dans ses traditions, depuis la R évolution jusqu'à aujourd'hui, en passant par la Commune et le Front populaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Je suis saisi de sept amendements identiques nos 13, 120, 153, 275, 574, 710 et 756.

L'amendement no 13 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 120 est présenté par MM. Accoyer, Jacob, Muselier, Demange et Estrosi ; l'amendement no 153 est présenté par M. Masdeu-Arus, Mme MathieuObadia, MM. Dupont, Lasbordes, Poignant et Estrosi ; l'amendement no 275 est présenté par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ; l'amendement no 574 est présenté par M. Philippe Martin ; l'amendement no 710 est présenté par M. Doligé ; l'amendement no 756 est présenté par M. Delnatte.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 1er »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 120.

M. Bernard Accoyer.

J'associe M. Mariani à cet amendement et j'en profite pour rassurer Mme la ministre : son absence ne saurait durer.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne suis pas vraiment inquiète.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement de suppression a évidemment une portée politique très importante, puisque l'article 1er contient l'élément essentiel du texte, la réduction autoritaire et sans délai du temps de travail, faisant de la France le pays développé où la durée légale hebdomadaire du travail sera la plus courte.

Je veux d'abord revenir sur les propos tenus hier soir en séance par Mme la ministre, qui a confondu - de façon non intentionnelle, j'ose l'espérer - la durée hebdomadaire légale maximum du travail et la durée hebdomadaire moyenne. En effet, le temps partiel étant extrêmement répandu dans certains pays, notamment dans les pays nordiques, les données ne sont pas comparables.

Nous considérons donc qu'il y a lieu de supprimer cet article afin d'éviter que les dispositions qu'il contient ne viennent d'abord casser la croissance et ensuite porter atteinte aux salariés des entreprises françaises, lesquelles souffriraient immanquablement des pertes de compétitivité qu'elles subiraient inévitablement.

Il est vrai que tel ne sera pas le cas dans tous les secteurs, mais celles qui pensent qu'elles pourront s'en sortir ont déjà engagé la démarche. Il en est même, monsieur Brard, qui avaient déjà pris des dispositions en ce sens avant la loi de 1998. Peut-être n'avaient-elles pas ramené la durée maximale du travail à 35 heures, mais elles avaient déjà signé des accords permettant un certain assouplissement, en vue de résoudre des difficultés particulières.

Chacun connaît la diversité de la situation des entreprises. Elles doivent répondre à des défis qui n'ont rien de comparable, et certaines ne pourront absolument pas supporter ces nouvelles contraintes.


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Dans mon département, j'ai beaucoup travaillé avec toutes les catégories concernées par la réduction du temps de travail. J'ai en particulier longuement rencontré les responsables du Centre des jeunes dirigeants qui, après la première loi sur la réduction du temps de travail, en accord avec Mme la ministre, avaient décidé de lancer une expérimentation, sans préjugé aucun, en partant du principe que, puisque le Gouvernement affirmait qu'il s'agissait d'un bon moyen, il fallait l'utiliser. Or les conclusions qu'ils tirent de cette expérience sont inquiétantes.

Ainsi, Laurent Degroote, président du CJD, déclarait dans Libération du 15 janvier 1999 à propos des 35 heures : « On va au casse-pipe. La loi actuelle est mauvaise pour la raison essentielle qu'elle est centrée sur la réduction obligatoire du temps de travail. Elle change autoritairement une norme, sans tenir compte de la diversité entre les entreprises. »

Les avis de tous ceux qui ont tenté l'expérience sont convergents.

M. Jean-Pierre Brard.

Ils ne sont pas bons ! Il faut les changer !

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas rester insensible à ces témoignages. En effet, ces dirigeants constituent une autre partie des forces vives indispensables à la France. Il est donc vraiment dommage que vous ne prêtiez pas attention à ces appels au secours.

Selon vous, le président de l'UPA, dont vous nous avez encore parlé hier, vous aurait dit qu'il s'agirait d'une très bonne chose. Non, madame la ministre, il dit exactement le contraire et demande du temps !

Mme Muguette Jacquaint.

Les salariés aussi veulent du temps !

M. Bernard Accoyer.

Il souhaite que l'on ne contraigne pas les entreprises et qu'on ne les étouffe pas immédiatement dans un carcan.

Je relève enfin que, entre la loi de juin 1998 et le texte d'aujourd'hui, le contenu de l'article 1er a changé. Alors qu'il s'agissait, initialement, de créer des emplois, il n'est plus question que de dégager du temps libre. En tout cas, c'est ce que vous avez dit. Mais nous considérons que cet article est très dangereux et qu'il convient de le supprimer du texte.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 275.

M. François Goulard.

Bien sûr, nous souhaiterions que cet article principal de la loi ne soit pas voté afin que nos entreprises ne soient pas obligées de passer aux 35 heures.

Même si nos réponses sont différentes, la préoccupation de tous est de savoir s'il y aura créations d'emplois.

Or les doutes à cet égard ne sont pas exprimés uniquement sur les bancs de l'opposition. Je ne reviendrai pas sur les opinions patronales à ce sujet, puisque nous les avons évoquées au cours de la discussion générale.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous en êtes un suppôt !

M. François Goulard.

Permettez, monsieur Brard ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Habituellement, nous prenons vos propos excessifs, pour ne pas dire injurieux, sur le mode de la dérision.

Nous pourrions réagir autrement et prendre au pied de la lettre les propos totalement déplacés que vous tenez assez fréquemment.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. François Goulard.

Si, aujourd'hui, les dinosaures ne font plus peur, ils ne font pas toujours rire ! Je ferme la parenthèse !

M. Jean-Pierre Brard.

Demain matin, à cinq heures sur le pré !

M. François Goulard.

En fait tous les partenaires sociaux émettent des doutes sur la réalité des créations d'emplois qui devraient résulter de la réduction du temps de travail.

Madame la ministre, vous avez bien voulu apporter quelques précisions utiles sur les positions de l'UNEDIC, mais vous n'avez pas cité celles des organismes de sécurité sociale. Or, en leur sein, les partenaires sociaux dans leur ensemble n'ont pas accepté les prélèvements que vous envisagez d'opérer parce qu'ils estiment que les rentrées supplémentaires que vous escomptez, grâce aux créations d'emplois attendues, ne seront pas au rendez-vous. En conséquence, les ponctions envisagées provoqueront un déséquilibre de ces régimes.

Je tenais donc à souligner que nous ne sommes pas les seuls, loin s'en faut, à ne pas croire dur comme fer que le passage aux 35 heures apportera les créations d'emplois que vous nous promettez.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Martin, pour soutenir l'amendement no 574.

M. Philippe Martin.

Avec la réduction autoritaire du temps de travail, la France sera le seul pays en Europe à avoir imposé les 35 heures, ce qui sera grave pour la compétitivité de nos entreprises.

Puisque Mme la ministre a précisé qu'elle avait rencontré beaucoup de chefs d'entreprise, je me permets de faire part de ma propre expérience, car, dans ma circonscription, j'ai aussi pratiqué l'intelligence de proximité, en allant interroger les chefs d'entreprise. Or 80 % d'entre eux m'ont répondu qu'ils étaient tout à fait c ontre le passage autoritaire aux 35 heures. Sur 3 000 entreprises cela représente un total non négligeable.

J'ai ainsi appris que les charges d'une entreprise de prestation de service comptant trois ou quatre salariés, augmenteraient de 47 000 francs par an.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est faux !

M. Philippe Martin.

C'est pourquoi je demande la suppression de cet article.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Ces amendements qui proposent la suppression de l'article 1er visent en fait à interrompre le processus, c'est-à-dire à éviter le recours à la loi pour accompagner la réduction du temps de travail dans notre pays.

Les auteurs des amendements ont formulé à l'encontre du texte des critiques répétitives, essentiellement en soulignant que nous serions dans une démarche de réduction autoritaire du temps de travail.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Je tiens donc à revenir sur cette accusation qui pourrait faire sourire, mais sur laquelle il est utile de s'expliquer rapidement.

D'abord le dispositif proposé articule, de manière quelque peu inédite, la loi et la négociation : la première donne l'impulsion et la seconde adapte, comme cela a


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déjà été le cas au cours des dix-huit derniers mois où elle a fourni des solutions pratiques, innovantes dont le texte en discussion tient compte dans sa démarche de généralisation de la nouvelle durée légale. Après le vote de cette deuxième loi, la négociation permettra encore d'apporter des solutions adaptées au terrain, pendant la période de mise en place prévue par ce texte.

D'ailleurs, cette loi s'en remet, pour l'essentiel, à la négociation qu'elle prévoit sur de nombreux sujets : situation des cadres, temps partiel, heures supplémentaires, repos compensateur...

M me Roselyne Bachelot-Narquin et M. Bernard Accoyer.

Et la durée légale ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La négociation est bien le principe même de ce texte, mais l'intervention de la loi était nécessaire pour ne pas dire indispensable.

Dans la discussion générale, M. Barrot a tenu des propos très intéressants sur le sujet. Il a même affirmé que cette loi faisait irruption dans un océan de négociations.

J'aurais plutôt tendance à constater que cet océan de négociations correspond plutôt à une mer morte ! Avant la mise en place de cette loi, eux à trois mille accords sur la réduction du temps de travail étaient signés chaque année. Il y en a eu quinze mille au cours des dixhuit derniers mois. Même l'accord national interprofes-s ionnel d'octobre 1995 semblait n'accorder qu'une confiance limitée à l'intervention de négociations sans l'aiguillon de la loi, puisqu'il précisait - je parle sous votre contrôle, madame la ministre - que, dans l'hypothèse où les accords de branches n'interviendraient pas, un nouvel accord interprofessionnel pourrait être passé et s'appliquer directement dans les entreprises.

C'est dire si l'on était confiant dans la possibilité pour la négociation de s'engager sans l'impulsion de la loi.

Cette intervention du législateur était donc nécessaire, justement pour que la négociation s'engage et se poursuive.

Mais j'ai entendu d'autres propos selon lesquels cette intervention législative visait à mettre une règle uniforme sur des situations extrêmement variées. Cet argument est-il vraiment recevable ? Il est exact que le travail change, tout comme les temps changent, comme l'a dit

Mme Boisseau.

M. Germain Gengenwin.

Même les communistes changent !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Aujourd'hui, près de 50 % des salariés disent qu'ils ne travaillent pas la même durée chaque jour, plus de 50 % d'entre eux qu'ils sont soumis à une demande supposant une réponse immédiate, dans la journée ou dans les vingt-quatre heures.

Cela signifie que les conditions de travail évoluent souvent vers plus de flexibilité et vers une intensification du travail. Cela implique-t-il que la loi ne doive pas intervenir pour fixer les règles élémentaires, minimales mais nécessaires, pour protéger contre la progression de cette flexibilité ? Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Faut-il renoncer, par exemple, à faire respecter le repos dominical ou le repos journalier ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Nous n'avons pas dit cela !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Faut-il renoncer à un ordre public social en matière d'heures supplémentaires ? Faut-il renoncer à offrir un régime juridique adapté aux cadres ? Je pense, moi, que la loi s'efforce de répondre à toutes ces questions tandis que vous, vous posez des questions sans jamais y apporter de réponse.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Sur l'ensemble de ces questions, je crois que ces mises au point étaient nécessaires.

Enfin, vous nous parlez d'exception française. Si l'on veut comparer des systèmes de relations sociales, il faut faire en sorte que comparaison soit raison.

(Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Comparer notre situation à celles de l'Allemagne et des Pays-Bas est intéressant.

Les Pays-Bas, au début des années 1980, par les accords de Wassenaar, ont mis en place une réduction collective du temps de travail, négociée à 38 heures. Mais la loi est intervenue encore récemment aux Pays-Bas pour fixer des règles élémentaires, comme le fait le législateur français.

M. François Goulard.

Pas pour la réduction du temps de travail !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Et en Allemagne, en 1994, le Parlement est intervenu pour encadrer la réduction du temps de travail. Il faut garder ces éléments en tête pour pouvoir juger de la situation dans laquelle nous intervenons.

M. Mariani nous déclarait hier : quant je reçois des salariés dans ma permanence, ils ne me demandent pas du temps libre mais de l'emploi. Je me demande bien quelle réponse il leur fait...

M. Bernard Accoyer.

La baisse des charges !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... lui qui refuse, avec l'opposition, les emplois-jeunes, la politique économique du Gouvernement et, aujourd'hui, la réduction du temps de travail ! Je serais tenté de poser une dernière question à mes collègues de la droite : puisque vous êtes contre cette réduction du temps de travail, du moins certains d'entre vous car, dans le débat qui s'est engagé depuis hier, on a pu percevoir des nuances,...

M. Bernard Accoyer.

Sur quoi ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Entre les socialistes, les communistes et les Verts !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... si vous revenez aux responsabilités - ce qui peut arriver, vous l'envisagez de temps en temps - abrogerez-vous la loi sur les 35 heures, ferez-vous travailler les Français 39 heures et baisserezvous le SMIC de 11,4 % ? Dites-le nous ! Le débat sera plus clair ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Nous rendrons la liberté aux partenaires sociaux qui n'auraient jamais dû la perdre !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne peux que rejoindre M. le rapporteur dont la brillante intervention a démontré pourquoi ces amendements ne sont pas recevables.

M. Hervé Morin.

Je demande la parole pour une explication de vote !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. le président.

Il n'y a pas d'explications de vote sur les amendements. Et je considère que le débat a été suffisamment long ! D'ailleurs il rebondira certainement. Passons donc au vote.

M. Bernard Accoyer.

Le débat risque fort de s'en trouver prolongé !

M. le président.

Les amendements nos 13, 153, 710 et 756 ne sont pas défendus. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 120, 275 et 574.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 736, 790 et 154, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 736 et 790 sont identiques.

L'amendement no 736 est présenté par MM. Debré, Rossi, Douste-Blazy et les membres des groupes du Rassemblement pour la République, Démocratie libérale et Indépendants et de l'Union pour la démocratie françaiseA lliance ; l'amendement no 790 est présenté par

M. Dumoulin.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« I. Les établissements ou professions mentionnés à l'article L.

200-1 ainsi que les établissements a rtisanaux et coopératifs et leurs dépendances peuvent, soit par l'application d'une convention ou d'un accord de branche étendu, soit par un accord d'entreprise ou d'établissement, définir les conditions de la réduction de la durée effective du temps de travail ».

« II. Les conventions ou accords collectifs étendus ou les accords d'entreprise ou d'établissement conclus en application de la loi no 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail sont validés. »

L'amendement no 154, présenté par M. Masdeu-Arus et M. Doligé, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« I. Les établissements ou professions mentionnés à l'article L.

200-1, ainsi que les établissements artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, ont la possibilité, par la voie conventionnelle et la négociation de branche, d'entreprise ou d'établissement, de fixer à trente-cinq heures par semaine la durée effective du temps de travail.

« II. Les conventions ou accords collectifs étendus ou les accords d'entreprise ou d'établissement conclus en application de la loi no 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail sont validés. »

Les amendements nos 790 et 154 ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour défendre l'amendement no 736.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, compte tenu de l'importance de cet amendement déposé en commun par nos trois groupes, Rassemblement pour la République, Démocratie libérale et Indépendants et Union pour la démocratie français-Alliance, je vous demande de bien vouloir autoriser M. Goulard et

M. Morin à prendre également la parole.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Vous êtes bien plus brillante qu'eux !

M. Jean Codognès.

Vous aurez tout dit !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ayez donc un peu d'esprit d'ouverture, mes chers collègues ! Nous souhaitons que la réduction du temps de travail, élément extrêmement important de l'amélioration de la condition des salariés, résulte de la négociation et non pas d'une démarche autoritaire qui, à terme, se retournera contre lesdits salariés.

Nous proposons donc de rédiger l'article en deux paragraphes. Le premier établit clairement que la réduction du temps de travail résulte de cette démarche de négociation ; le second protège, valide les accords déjà signés pour respecter la volonté des partenaires sociaux, patronaux et salariés, mis à mal par une loi qui, nous le maintenons, ne respecte pas les accords signés - ce qui donne aux salariés et aux employeurs le sentiment d'avoir gaspillé beaucoup de temps et de salive en vain.

Cette démarche de négociation et de proposition est extrêmement importante, en particulier pour les petites entreprises qui sont celles qui créeront des emplois.

Par ailleurs, madame la ministre, je souhaiterais revenir, de façon solennelle, sur une déclaration que vous avez faite hier et que je relis au compte rendu analytique de la deuxième séance du mercredi 6 octobre, page 15.

Vous y prétendez que « le président de l'UPA a reconnu que le présent projet allait dans le bon sens ». Eh bien, c'est faux ! Devant la commission des affaires sociales, celui-ci a déclaré que son syndicat désapprouvait l'obligation du passage aux 35 heures, ce d'autant que la loi du 13 juin 1998 ne prend pas en compte la situation spécifique des petites entreprises. M. Delmas rappelait que le Premier ministre lui-même avait d'ailleurs déclaré, le 22 octobre 1998, à la Journée nationale de l'UPA, que

« la loi sur les 35 heures a du mal à appréhender la réalité des petites entreprises ». Pour autant, poursuivait le président de l'UPA, dès la promulgation de la loi du 13 juin 1998, l'UPA et les organisations professionnelles qui en sont membres se sont engagées dans une démarche pragmatique.

Mais s'ils se sont engagés dans cette démarche, c'est parce qu'ils sont des citoyens et des employeurs responsables, qu'ils doivent sauvegarder leur entreprise et qu'ils sont, évidemment, obligés de rentrer dans une mécanique qui leur est imposée.

Cette opposition, l'UPA l'a réaffirmée ce matin lors de son assemblée générale.

Alors, madame la ministre, je souhaite que vous reveniez solennellement sur vos propos : le président de l'UPA n'est pas d'accord sur votre dispositif, contrairement à ce que vous avez affirmé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame Bachelot, je n'ai pas l'habitude de dire n'importe quoi.

J'ai lu hier - comme cela vous est arrivé de le faire à plusieurs reprises - une dépêche de l'AFP qui citait M. Delmas avec des guillemets et j'étais à l'assemblée générale de l'UPA ce matin - où je ne crois pas vous avoir vu.

J'ai eu, avec l'UPA, un débat très constructif. M. Delmas a toujours dit qu'il n'était pas favorable aux 35 heures comme une obligation mais il a déclaré, et je n'ai pas coutume de raconter des histoires, je vous cite cette dépêche de l'AFP avec ses guillemets : « Globalement, le projet de la seconde loi sur les 35 heures va dans le bon sens. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mais la déclaration de M. Delmas est dans le rapport !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il a le droit de faire plusieurs déclarations ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

)

Je n'ai jamais prétendu que l'UPA avait déclaré son enthousiasme pour les 35 heures. Je ne dis jamais de choses qui sont fausses. Je n'ai pas inventé la dépêche de l'AFP, elle n'était pas « bidonnée » par mes services !

M. Charles Cova.

Parce qu'il leur arrive de « bidonner » ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Delmas a bien fait cette déclaration, même s'il peut avoir déclaré autre chose ailleurs ou y avoir introduit des nuances.

Ce matin, à l'assemblée générale de l'UPA, j'ai été extrêmement bien accueillie. Si l'UPA partageait la vision de la droite, je n'y aurais pas été invitée et je n'y aurais pas été applaudie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Accoyer.

Mais vous y avez parlé d'autre chose !

M. le président.

Je n'ai pas oublié que Mme Roselyne Bachelot m'a amicalement demandé que, sur cet amendement déposé par trois groupes, plusieurs orateurs puissent s'exprimer. Je vais y consentir, d'autant que l'amendement no 790 ne sera pas défendu par son auteur, ce qui nous permet peu de souplesse. En leur demandant cependant de s'exprimer brièvement, je vais donner la parole à

M. Goulard et à M. Morin.

Vous avez la parole, monsieur François Goulard.

M. François Goulard.

M. le président, je vous remercie d'accepter cette petite entorse à nos habitudes.

Bien sûr, je partage totalement la présentation qui a été faite par Mme Bachelot de notre amendement commun.

Le rapporteur nous demandait à l'instant si nous rétablirions la durée légale du travail à 39 heures si d'aventure nous revenions au pouvoir.

Eh bien, monsieur le rapporteur, et c'est pourquoi cet amendement cosigné par les trois groupes de l'opposition est important, lisez bien notre proposition : ce n'est ni 35, ni 39, ni 40, ni 32 heures. Nous ne pensons pas qu'il soit utile aujourd'hui de fixer pour l'ensemble des salariés français une durée uniforme du travail. Il y a le code du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Demain, si votre loi est votée, ce qui est probable - cela dépend de quelques alliés de la majorité -...

M. Bernard Accoyer.

De quelques villes, de quelques investitures !

M. François Goulard.

... la durée légale du travail sera portée à 35 heures.

Nous proposons simplement que, si les partenaires sociaux se mettent d'accord pour adopter d'autres modalités d'organisation du travail, en particulier une autre durée du travail, d'autres modalités d'organisation du régime des heures supplémentaires, d'autres modalités pour le temps partiel, et à condition naturellement, qu'on ait contrôlé que la négociation entre partenaires sociaux ait bien eu lieu, et dans de bonnes conditions, cette négociation l'emporte sur la réglementation. Par conséquent il n'est pas question - et c'est juridiquement impossible - si la durée légale du travail descend à 35 heures de la remonter à 39 ou à 40,...

M. Jean-Pierre Brard.

Seillière vous aiderait !

M. François Goulard.

... comme avant 1982.

J'ai la conviction que n'importe quel gouvernement, tôt ou tard, sera obligé d'adopter une telle méthode, car c'est la seule qui sera, demain, acceptable pour répondre à la fois à la diversité des attentes des salariés français et aux besoins des entreprises françaises.

Je suis sûr que la réforme que nous proposons par cet amendement s'imposera un jour ou l'autre, un peu plus tard si c'est vous, un peu plus tôt si c'est nous qui sommes au pouvoir, car elle est le bon sens absolu.

Mme Odile Saugues.

Le bon sens selon vous !

M. François Goulard.

Et surtout elle est la réforme de la modernité qui nous mettra sur un pied d'égalité avec l'ensemble de nos partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, je me suis déjà longuement exprimé à propos d'un premier amendement avant l'article 1er sur ce sujet.

Je voudrais simplement évoquer ce que nous ferions si d'aventure, nous revenions au pouvoir.

M. Jean-Pierre Brard.

D'aventure ! (Rires sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Hervé Morin.

Vous avez connu la même aventure extraordinaire en 1997, contre toute attente, n'est-ce pas ? Et c'est pourquoi il est important que les trois groupes puissent s'exprimer.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison : il n'arrive pas trop souvent qu'ils soient d'accord !

M. Hervé Morin.

C'est bien la position des trois groupes de l'opposition aujourd'hui de considérer que l'organisation du temps de travail relève avant tout des partenaires sociaux. Certes, il faut mettre en place les instruments d'une démocratie sociale moderne, dont nous ne disposons pas aujourd'hui en France, j'en conviens avec vous, monsieur Brard...

M. Jean-Pierre Brard.

C'est l'hommage du vice à la vertu !

M. Hervé Morin.

... et ces éléments, nécessaires pour qu'il y ait une négociation sociale intense et intelligente dans ce pays, relèvent du législateur. Et ce sont les différents points dont je disais tout à l'heure qu'ils auraient dû être inscrits dans cette loi.

Si, en 2002, nous nous retrouvons au pouvoir, la durée du travail sera fixée par les partenaires sociaux, parce que c'est à eux de le faire.

En 1994, la métallurgie allemande est passée aux 35 heures. L'Etat n'y a pas mis son nez un seul instant.

M. Yves Rome.

Faux !

M. Hervé Morin.

Il n'a pas donné un centime pour la réduction du temps de travail !

M. Michel Vergnier.

Faux !

M. Hervé Morin.

C'est vrai ! Allez demander à IG Metall et aux patrons allemands ! Nous y sommes allés, nous !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Comment cela s'est-il passé ? A la suite des revendications d'IG Metall à ce sujet, les 35 heures ont été adoptées dans la métallurgie allemande.

Mais aujourd'hui, le patronat et les syndicats, unanimes, ainsi que les administrations chargées de l'emploi en Allemagne le disent : il n'y a eu aucune création d'emplois liée au passage aux 35 heures dans la métallurgie allemande, premier point.

Deuxième point, les patrons mais aussi les syndicats de salariés affirment que le passage aux 35 heures a permis d'introduire massivement la flexibilité dans des entreprises où il était difficile d'introduire le travail de nuit et de week-end et le temps partiel.

Troisièmement, on nous a répondu que toutes les conditions d'organisation du temps de travail liées au passage aux 35 heures ont été négociées avec les salariés - à savoir un compte d'épargne temps, particulièrement simple, un système d'heures supplémentaires lui aussi très simple et des règles compréhensibles par tous.

Enfin, dans la métallurgie allemande, mes chers collègues, compte tenu de l'accroissement des commandes, compte tenu d'un taux de chômage à 5,6 % - du moins dans le Bade-Wrtemberg où nous étions - les salariés travaillent aujourd'hui plus longtemps parce que les conditions de production l'imposent. C'est bien la preuve que même lorsque les syndicats et le patronat ont décidé ensemble le passage aux 35 heures, si les conditions économiques viennent à changer, le temps de travail, lui aussi, peut évoluer.

M. Bernard Accoyer et M. Charles Cova.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Bien que nous ayons à accorder une grande considération à cet amendement qui est l'un des trois sur les 630 de l'opposition a avoir été déposé en commun par les trois groupes...

M. Bernard Accoyer.

Et alors ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... la commission l'a repoussé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis négatif.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Nous sommes en train de recommencer la discussion générale ; à tout propos, sur l'article, sur les amendements, nous faisons comme si nous n'avions pas débattu pendant presque dix heures...

M. Jean-Pierre Delalande.

Vous le faisiez aussi quand vous étiez dans l'opposition !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... auxquelles il convient d'ajouter les débats de la commission qui ont été aussi fort importants et les débats sur les deux rapports préparatoires, de grande qualité, de M. Gorce.

Je me contenterai de quelques remarques.

Bien sûr, l'aventure est au coin de la rue...

M. Hervé Morin.

Bien beau film !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... et votre retour au pouvoir peut donc se produire. (Sourires.)

Mais laissons de côté cette hypothèse d'école...

Un député du groupe socialiste. D'école privée ! M. Jean Le Garrec, président de la commission. ... même s'il n'est pas inintéressant de discuter sur des hypothèses d'école ! Vous dites, monsieur Morin, que la démocratie sociale moderne est à inventer, nous en sommes d'accord et c'est ce que nous sommes en train de faire.

Quant à l'intervention de M. Goulard, elle fait apparaître un changement graduel de positionnement. Voilà qui est intéressant.

C'était frappant, vous disiez hier, monsieur Goulard, que tout compte fait cette loi d'incitation - que vous avez combattue avec ténacité et même pugnacité, souvent avec talent d'ailleurs - était bonne.

M. François Goulard.

Je n'ai pas dit ça !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Sinon vous du moins d'autres ! Mais vous oubliez que, en France, tant que l'Etat ne donne pas l'orientation, rien ne bouge ! Donner l'orientation, Mme la ministre l'a dit, c'est ce que nous faisons.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est faux !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Et nous profitons de cette impulsion pour donner une dynamique à cette démocratie sociale moderne dont nous avons besoin. Vous ne voulez pas l'admettre parce que cela remet en cause votre système de raisonnement.

En définitive c'est dérangeant pour vous, pour votre construction politique et intellectuelle.

C'est ça le fondement de notre débat ! A travers notre action, nous redonnons vie à la négociation et à la représentation des salariés. Comme je vous l'ai dit hier, un seul chiffre est fondamental : sur une première étape très courte de dix-huit mois, 50 000 salariés ont participé à la négociation. C'est une véritable révolution culturelle et sociale. Alors, arrêtez avec les fauxsemblants ! Si vous êtes partisan, monsieur Morin, et je vous crois sincère, d'une démocratie sociale moderne, reconnaissez tout simplement, et c'est difficile pour vous, que nous sommes en train d'en mettre une en place. C'est d'ailleurs pour cette raison que si, par aventure, l'hypothèse d'école de votre retour au pouvoir se confirmait un jour...

M. Hervé Morin.

Cela viendra !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... peutêtre très lointain, vous ne remettriez pas en cause ce que nous sommes en train de construire.

(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Je pense que nous sommes au coeur d'un débat de société qui ne manque pas du tout d'intérêt.

J'ai en tête l'exemple d'une petite entreprise de Montreuil qui a bénéficié de la présence d'un représentant syndical mandaté, comme c'est souvent le cas dans les entreprises. La réaction du petit patron a été très intéressante.

Vous imaginez que, dans un premier temps, c'est pour le moins avec circonspection et distance qu'il a vu arriver cette personne un peu considérée comme intruse. Or que s'est-il passé ? Le dialogue s'est établi. Le chef d'entreprise a été amené à discuter, à regarder l'organisation du travail dans son entreprise, à réfléchir avec ses salariés à une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

autre organisation du travail tant il est vrai que, dans les petites entreprises, la réduction du temps de travail, ce n'est pas si simple. Il faut y réfléchir et il faut en profiter pour moderniser l'entreprise et avoir une autre conception des relations à l'intérieur de celle-ci.

Concernant l'Allemagne, monsieur Morin, vous êtes trop bien informé sur les problèmes allemands pour ne pas le savoir et c'est sûrement par discrétion que vous l'avez tu tout à l'heure. L'accord que vous évoquiez a permis d'éviter les licenciements massifs qui étaient en préparation.

M. Yann Galut.

Exactement !

M. Bernard Accoyer.

Mais non !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous prétendez qu'aucun emploi n'a été créé. Evidemment, mais l'accord a permis d'éviter des licenciements massifs !

M. Hervé Morin.

Personne ne l'a dit en tout cas !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous avez dit des choses très intéressantes qui montrent la cohérence de votre pensée.

M. Hervé Morin.

Tant mieux !

M. Jean-Pierre Brard.

On ne peut pas dire la même chose de tous vos collègues ! Il y a parfois des propos d'estrade, surtout quand nous évoquons les rapports spéciaux qui vous unissent aux gens dont vous défendez les intérêts ici. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Voyez, vous réagissez tout de suite ! Maintenant, avez-vous dit, monsieur Morin, comme il y a du travail, les salariés travaillent à nouveau plus et il y a un système simple d'heures supplémentaires. Cela veut dire qu'ils sont taillables et corvéables à merci, sans protection !

M. Hervé Morin.

C'est vraiment méconnaître les relations sociales en Allemagne !

M. Jean-Pierre Brard.

Notre loi vise précisément à encadrer tout cela. Vous, vous êtes cohérent, vous avez une conception libérale et vous l'assumez. Après tout, pourquoi pas ? C'est là qu'est la différence essentielle entre nous. Nous ne considérons pas, nous, que les personnes doivent être seulement des appendices du monde du travail. La personne doit être prise en considération dans sa globalité et pas seulement comme simple participant à un système de production.

M. François Goulard.

C'est vrai !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Tout à fait !

M. Hervé Morin.

On ne dit pas le contraire !

M. Jean-Pierre Brard.

Ce sont deux philosophies qui s'opposent totalement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 736.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mes chers collègues, nous sommes à peu près à mi-parcours de cette séance, et je vous propose une suspension de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président.

La séance est reprise.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 121, 575 et 823.

L'amendement no 121 est présenté par M. Accoyer ; l'amendement no 575 est présenté par M. Philippe Martin ; l'amendement no 823 est présenté par M. Gengenwin, Mme Boisseau, MM. Blessig, Bur, de Courson, Méhaignerie, Morin et Weber.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le I de l'article 1er »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 121.

M. Bernard Accoyer.

Le I de l'article 1er stipule que la durée légale du temps de travail hebdomadaire sera de 35 heures par semaine. C'est la disposition essentielle du texte et c'est pourquoi nous en proposons la suppression.

Vous l'avez compris, nous pensons qu'elle est dangereuse pour les salariés et plus que dangereuse pour les entreprises localisées en France.

On peut d'ailleurs se poser plusieurs questions à propos de cette durée de temps de travail. Le Gouvernement a décidé 35 heures, probablement parce que le chiffre est tombé au cours d'une soirée préélectorale, sur un coin de table, dans une salle enfumée, alors ceux qui rédigeaient un tel programme à la hâte pensaient n'avoir guère de chance de gagner les élections. Pourquoi 35 ? Pourquoi pas 37, 36 ou 32 comme le demandent les Verts ? Il y a sur ce point une divergence importante dans la majorité.

L'abaissement jusqu'à 32 heures de la durée du temps de travail est d'ailleurs encouragé puisque la commission a adopté un amendement commun à la gauche socialocommuniste-verte précisant que les aides apportées à la réduction du temps de travail - sous réserve de la conclusion d'un accord, ce qui constitue, on le verra plus tard, une autre particularité sur laquelle il conviendra de débattre - seront encore plus élevées si l'on réduit le temps de travail encore davantage. Devant une telle logique, on peut se demander si vous n'avez pas perdu le sens des réalités ! Si l'on pousse un petit peu loin ce raisonnement - avec des dépenses publiques, c'est-à-dire le produit de la fiscalité, c'est-à-dire du travail fourni dans les entreprises par nos concitoyens, on aide toujours davantage ceux qui travaillent moins - il n'y a pas besoin d'être un grand mathématicien pour comprendre qu'on arrive à l'absurde.

Dans cette économie assistée, dans cette économie où l'on veut payer davantage ceux qui travaillent moins, que ce soit une personne physique ou une personne morale, il y a en réalité un non-sens. C'est cela que nous essayons de mettre en évidence et c'est pour cela que nous considérons qu'il faut supprimer le I de l'article 1er

Encore une fois, nous ne sommes pas contre la diminution et l'aménagement du temps de travail pourvu que ce soit librement négocié, mais une diminution autoritaire du temps de travail signifie que l'Etat va subventionner un certain nombre d'entreprises qui peuvent négocier un accord parce qu'elles sont dans des secteurs où c'est possible.

Or il y a des choix à faire ! Croyez-moi, madame la ministre, il y avait des priorités singulièrement plus pressantes qu'une réduction autoritaire du temps de travail pour laquelle vous allez dépenser 65 milliards de francs cette année et 110 milliards de francs dès l'année prochaine. Il est absolument nécessaire de baisser les prélèvements sociaux et fiscaux, qui vont atteindre cette année un nouveau taux record. Il est également nécessaire de réformer les retraites.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Vous créez un fonds pour financer les 35 heures, dont la constitutionnalité est pour le moins discutable, mais il y a des fonds de toute nature. Dans la CADES, il n'y a que des dettes, près de 400 milliards de francs. Dans le fonds de réserve de la retraite par répartition, que vous présentez comme l'arme absolue au service de la retraite de nos concitoyens, il n'y a rien. L'an dernier, vous aviez annoncé 2 milliards : il n'y a toujours rien. Vous projetez d'y verser des excédents de recettes fiscales, mais pas avant l'année prochaine.

Non, d'autres urgences s'imposent à nous, pour protéger l'avenir des Français et leurs vieux jours, pour faire vivre leurs entreprises. C'est pourquoi il convient de supprimer le paragraphe I de l'article Ier

M. le président.

La parole est à M. Philippe Martin, pour défendre l'amendement no 575.

M. Philippe Martin.

Il est défendu.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour défendre l'amendement no 823.

M. Germain Gengenwin.

L'autoritarisme avec lequel on veut appliquer les 35 heures est source de nombreux problèmes. Une entreprise de 30, 40 ou 50 salariés devra engager une personne supplémentaire qui ne s'occupera que de régler ceux qu'entraînerait la gestion des horaires, des heures supplémentaires compensées à 15 %, à 10 %, des journées de récupération ou des heures modulées.

On a déjà parlé des entreprises, notamment d'IG Metall, qui sont depuis longtemps passées à 35 heures.

Mais on a oublié de dire que, dans ces entreprises où le travail est posté, les 35 heures incluent les heures de nuit et les week-ends, ce qui est très différent. Ne confondons pas les entreprises qui vont être obligées de passer aux 35 heures avec celles qui ont déjà fait ce choix.

Nous sommes, d'autre part, favorables à ce que les négociations se déroulent au niveau de l'entreprise, là où les gens se connaissent le mieux. Mais à voir l'insistance avec laquelle vous revenez sur cet aspect, je soupçonne de votre part, madame la ministre, une certaine méfiance à l'égard des accords qui ont déjà suivi la première loi : je pense à ce fameux accord de branche de l'UIMM qui vous cause tant de soucis. Vos intentions vis-à-vis de ces négociations de branche ou d'entreprise sont-elles parfaitement honnêtes ? C'est pourquoi nous sommes résolument opposés au passage obligatoire aux 35 heures.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé ces trois amendements qui, en supprimant le paragraphe I, privent la loi française de toute référence à la durée légale du travail. J'ignore si c'était l'objectif poursuivi. Si c'était le cas, cela poserait un autre problème, d'ordre politique et social.

M. Bernard Accoyer.

Vous déformez tout ! L'article Ier modifie un article déjà existant du code du travail. Ne déformez pas ce que nous disons et contentez-vous de rapporter !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 121, 575 et 823.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements nos 14, 711 et 749, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 14, présenté par MM. Mariani, Accoyer et Estrosi, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I de l'article 1er :

« I. Dans les établissements ou professions mentionnés à l'article L.

200-1 du code du travail, ainsi que dans les établissements artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la durée effective du travail peut être fixée à trente-cinq heures par semaine par la voie conventionnnelle et la négociation de branche, d'entreprise, ou d'établissement.

« Les conventions ou accords collectifs étendus ou les accords d'entreprise ou d'établissement conclus en application de la loi no 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail sont validés. »

L'amendement no 711, présenté par M. Doligé, est ainsi rédigé :

« Substituer au deuxième alinéa du I de l'article 1er les deux alinéas suivants :

« Dans les établissements ou professions mentionnés à l'article L.

200-1, ainsi que dans les établissements artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement, détermine la durée normale du travail effectif des salariés par semaine.

« A défaut de convention ou d'accord, la durée normale du travail effectif des salariés est fixée à trente-neuf heures par semaine. »

L'amendement no 749, présenté par M. Doligé, est ainsi rédigé :

« I. - Substituer au deuxième alinéa du I de l'article 1er les trois alinéas suivants :

« Dans les établissements ou professions mentionnés à l'article L.

200-1, ainsi que dans les établissements artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, dont l'effectif est de plus de vingt salariés, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trentecinq heures par semaine à compter du 1er janvier 2001.

« Pour les autres entreprises et unités économiques et sociales, une convention ou un accord collectif étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement, détermine la durée normale du travail effectif des salariés par semaine. A défaut de convention ou d'accord signé, la durée normale du travail effectif des salariés est fixée, à compter du 1er janvier 2003, à trente-cinq heures par semaine.

« L'effectif est apprécié dans les conditions prévues a u deuxième alinéa de l'article L.

421-1 et à l'article L.

421-2. »

« II. - En conséquence, supprimer le II de cet article. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no

14.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement de repli vise à aménager des conditions de survie acceptables pour les innombrables établissements artisanaux, coopératifs et leurs dépendances qui voient avec effroi que ce texte est aujourd'hui en discussion et qu'il sera probablement bientôt adopté, même si ce que nous avons appris sur son financement et sur l'inconstitutionnalité du montage imaginé par le Gouvernement redonne quelque espoir pour la survie de ces entreprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Il s'agit simplement de laisser aux entreprises qui veulent opter pour un temps de travail hebdomadaire de 35 heures la liberté de le faire par le jeu du travail partenarial et de la libre négociation.

M. le président.

Les amendements nos 711 et 749 ne sont pas défendus.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Ces amendements ont été repoussés par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Accoyer, Muselier, Demange et Mariani ont présenté un amendement, no 777, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 1er , après les mots : "article L.

200-1", insérer les mots : "mis à part les établissements hospitaliers privés auxquels s'applique la même durée légale de travail que celle des établissements hospitaliers publics". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement attire l'attention de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation de l'hospitalisation privée. Pourrait-elle apporter quelques éclaircissements sur ce sujet et faire preuve de bienveillance et de sa magnanimité bien connue ? Dans quelques semaines, si ce texte est adopté, s'il est déclaré conforme à la Constitution, si les décrets d'application sont publiés, l'hospitalisation privée va se trouver dans l'obligation d'appliquer les 35 heures, tandis que l'hospitalisation publique continuera, croit-on comprendre, à vivre sous le régime des 39 heures.

Cette situation est à la fois incompréhensible pour les salariés et inextricable puisque, dans le même temps, le Gouvernement a donné un avis favorable à l'expérimentation de la tarification par pathologie dans les établissements hospitaliers publics et privés.

Mme la ministre pourrait-elle m'expliquer comment on peut fixer un tarif identique pour des actes effectués par des personnels qui n'ont ni les mêmes niveaux de salaires ni les mêmes durées de travail ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

D'accord avec les rédacteurs de l'amendement, je considère que les hôpitaux publics doivent, comme les cliniques, appliquer la loi sur les 35 heures. Mais nous sommes là dans le cadre de la fonction publique, pas dans celui du code du travail. Nous avons cependant commencé à travailler sur ce dossier dans les hôpitaux comme dans les cliniques. Des accords extrêmement importants existent déjà. Nous avons commencé à traiter le cas de l'hôpital public comme celui des hôpitaux privés.

De manière plus générale, dès lors que les cliniques privées et les hôpitaux publics auront une enveloppe opposable, dès lors qu'ils dépendront également de l'agence régionale d'hospitalisation, dès lors qu'ils se plieront aux mêmes normes d'accréditation et de tarification à la pathologie - nous reparlerons de tout cela à l'occasion du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale -, et même si nous reconnaissons par ailleurs que l'hôpital public remplit les missions de service public, il faudra, je crois, réfléchir à la façon de traiter en même temps les autres problèmes de l'hôpital public et privé.

Vous posez une bonne question. Après ma récente rencontre avec les syndicats et des directeurs d'hôpitaux, nous engageons la négociation avec les représentants syndicaux dans le secteur public. Il n'y a en effet aucune raison de le traiter différemment du secteur privé.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Mme la ministre peut-elle nous donner quelques explications sur les accords qui ont été réalisés par la fédération des hôpitaux privés ? Tous les députés ici présents ont reçu des dizaines de lettres leur demandant d'intervenir auprès du ministère pour qu'il reconnaisse les négociations collectives engagées dans les hôpitaux privés. Ils attendent une réponse depuis quatre mois, mais je crois que Mme la ministre vient de la leur donner en affirmant qu'il fallait traiter le cas des hôpitaux publics et celui des hôpitaux privés en même temps.

Cela signifie-t-il que les hôpitaux privés ne seront pas concernés par ce texte et qu'ils devront appliquer les 35 heures au même moment que les hôpitaux publics, c'est-à-dire après les négociations que vous avez décidées et que le Premier ministre a lui-même annoncées, et qui pourraient durer deux ans ?

M. Bernard Accoyer.

C'est un vrai problème.

M. le président.

Madame la ministre, souhaitez-vous intervenir ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, j'ai déjà répondu, monsieur le président. Je suis défavorable à l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 777.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 290, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 1er , supprimer les mots : ", ainsi que dans les établissements artisanaux et coopératifs". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je reconnais que la rédaction de cet amendement n'est pas d'une originalité remarquable, mais il entend montrer que l'application des 35 heures entraînera des difficultés considérables pour de nombreuses entreprises, en particulier pour les plus petites d'entre elles. C'est une évidence, mais elle mérite d'être rappelée.

Quand on a peu de salariés, la baisse de la durée du travail est très difficile à compenser par une embauche, et impossible quand l'effectif est vraiment très faible. Cette difficulté est réelle et va toucher des centaines de milliers de petites entreprises. Le dirigeant de l'une d'elles me disait récemment : « J'emploie deux salariés. Ils vont perdre en tout huit heures de travail. Ces huit heures, qui va les faire ? Moi. »

M. Germain Gengenwin.

Et voilà !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Sans vouloir solliciter à nouveau l'UPA, je rappellerai que les entreprises artisanales se sont engagées dans la discussion et dans la négociation. Un amendement a été adopté par la commission, qui vise à permettre à ces entreprises d'anticiper sur la date du 1er janvier 2002. Pour ces raisons et beaucoup d'autres, l'amendement a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 290.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 757 et 601, qui auraient pu faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement no 757 de M. Delnatte n'est pas défendu.

L'amendement no 601, présenté par M. Philippe Martin, est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 1er par les mots : dès lors qu'un accord de branche ou d'entreprise sera intervenu sur le sujet. »

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

Il est évident que la loi est trop généraliste pour répondre aux intérêts des entreprises et des salariés de chaque branche. Cet amendement veut faire en sorte que soit prise en considération la spécificité de chaque entreprise. Si la loi sur les 35 heures est adoptée, un accord pourra être trouvé, qui nuira le moins possible à l'entreprise et pourra même créer des emplois, mais qui pourra être pérennisé sans mettre l'entreprise en difficulté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 601.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 683, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots "du travail effectif", les mots : "indicative du travail". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Vous voudrez bien pardonner encore une fois le caractère relativement succinct de cette rédaction.

M. Yves Rome.

Succinct et répétitif !

M. François Goulard.

Cet amendement symbolique entend manifester notre opposition à la réduction généralisée et imposée de la durée du travail.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Juridiquement, la notion est étrange. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 683.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président M. Philippe Martin a présenté un amendement, no 602, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer aux mots : "est fixée", les mots : "peut être fixée". »

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

Dans nombre d'entreprises, le passage aux 35 heures est impossible. En conséquence, il convient de n'appliquer la nouvelle durée légale que dans certaines d'entre elles, celles qui le peuvent et le veulent.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. Le débat est toujours le même depuis le début de la discussion : veut-on , peut-on réduire le temps de travail ? Il me semble qu'on a déjà tranché.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 602.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements nos 933, 919 et 920, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 933, présenté par M. Brard, est ainsi rédigé :

« I. - Dans le dernier alinéa du I de l'article 1er , substituer au mot : "trente-cinq" le mot : "trentedeux".

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans la deuxième phrase du II de cet article. »

L'amendement no 919, présenté par Mme Catala, est ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa du I de l'article 1er ,s ubstituer aux mots : "trente-cinq heures par semaine" les mots : "trente-huit heures par semaine à compter du 1er janvier 2000, à trente-sept heures à compter du 1er janvier 2002, à trente-six heures à compter du 1er janvier 2004, à trente-cinq heures à compter du 1er janvier 2006". »

L'amendement no 920, présenté par Mme Catala, est ainsi rédigé :

« A la fin du dernier alinéa du I de l'article 1er ,s ubstituer aux mots : "trente-cinq heures par semaine" les mots : "152 heures par mois ou en moyenne mensuelle en cas de modulation de la durée du travail". »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement no 933.

M. Jean-Pierre Brard.

Je me suis déjà exprimé par anticipation, sur cet amendement qui a une valeur symbolique. J'entendais signifier, en le déposant, qu'il ne faut pas, comme nos collègues de droite, regarder dans le rétroviseur, mais résolument droit devant...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. François Guillaume.

On va droit dans le mur !

M. Jean-Pierre Brard.

... et ne pas concevoir la réduction du temps de travail comme un simple instrument pour réduire le chômage, ce qui, en soi, est déjà très important, mais comme un texte porteur d'une autre conception de la vie.

Aussi bien, madame la ministre, avant de retirer mon amendement - ce que je ferai après vous avoir entendue -, je souhaiterais savoir si vous avez l'intention de rendre publics les résultats détaillés des accords conclus.

L'expérience montre en effet que, grâce à la première loi, les négociations se sont engagées et que plusieurs accords arrivent déjà aux 32 heures ou en approchent. Ce sont autant de leviers pour aller au-delà des 35 heures et pour négocier, ce qui devrait emporter l'adhésion de nos collègues de droite, puisque les entreprises concernées auraient la possibilité d'aller plus loin volontairement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La loi tend à fixer une nouvelle durée légale à 35 heures. Elle vise surtout à engager un processus de réduction du temps de travail. Il n'y a pas de raison particulière de l'arrêter à 35 heures.

L'indication donnée par M. Brard est donc très intéressante.

Cela dit, un amendement visant à inciter, par des allégements supplémentaires, la réduction du temps de travail à 32 heures viendra en discussion sur un article ultérieur, ce qui a conduit la commission à repousser l'amendement no 933 de M. Brard, tout en ayant beaucoup de sympathie pour le principe qu'il défend.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme M. le rapporteur, je considère avec intérêt des accords qui pourraient aller au-delà des 35 heures. D'ores et déjà, sur les 15 000 accords signés, 7 % des salariés travailleront 32 heures ou moins, et un certain nombre entre 32 heures et 35 heures. Je communiquerai les chiffres exacts tout à l'heure. Toutefois, pour une obligation générale, les 35 heures marquent aujourd'hui une bonne étape. Cependant, nous nous réjouissons que d'autres puissent aller plus loin, par la négociation. C'est cette démarche qu'il nous faut respecter.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je tiens à rassurer M. Brard. Si des partenaires sociaux décident de choisir une durée du travail inférieure à 35 heures, je considère que c'est un choix parfaitement respectable. C'est un choix positif, puisqu'ils en ont décidé ainsi.

Son amendement me donne toutefois l'occasion de poser une question de bon sens. Pourquoi tous ceux qui croient que la réduction du temps de travail peut avoir des effets bénéfiques en matière d'emploi n'ont-ils pas choisi d'aller plus loin, même à titre prévisionnel, en prévoyant un calendrier indicatif pour l'avenir ? Si on pense que la réduction de la durée du travail est susceptible de créer des emplois dans notre pays, pourquoi la limiter arbitrairement à 35 heures ? Pourquoi le gouvernement socialiste, lorsqu'il a, en 1982, réduit la durée du travail de 40 à 39 heures, n'a-t-il pas poursuivi dans cette voie ? Pourquoi a-t-on dû attendre 1997 pour que ce thème des 35 heures devienne à nouveau si présent dans le programme du parti socialiste et qu'on décide de l'appliquer ? La réponse est évidente : vous croyez si peu à la vertu de la réduction du temps de travail que vous vous bornez à tenir une promesse électorale faite lors d'une campagne qui, sans doute, vous a pris de court (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste)...

et nous aussi, pour tout vous dire ! Comme l'a rappelé fort justement l'un de nos collègues, hier, cette promesse est tenue parce qu'elle a été faite. Ce n'est pas pour autant qu'elle est bonne !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est savoureux, monsieur Goulard, de vous entendre dire que c'est une faute que de tenir une promesse. Evidemment, ce n'est pas à vous que cela arriverait ! (Sourires.)

Mme Muguette Jacquaint.

La droite a payé de ne pas avoir tenu ses promesses !

M. Jean-Pierre Brard.

Pour une fois, nous avons au moins un gouvernement qui met un point d'honneur à tenir les engagements qu'il a pris. Sur le plan du rapport du politique au citoyen et sur celui de la correspondance de la politique à l'éthique, c'est extrêmement important.

Mais j'entends bien que c'est un discours que vous ne pouvez pas comprendre, monsieur Goulard.

(Sourires.)

Je mets là le discours idéologique de M. Goulard entre parenthèses.

Vous avez indiqué, madame la ministre, que 7 % des salariés bénéficiant des accords sont déjà dans le cadre des 32 heures. Je pense qu'il est très important de favoriser la valeur pédagogique de ces accords et de mieux les faire connaître. Tout à l'heure, M. Morin nous renvoyait à 2002. Eh bien, si l'on considère que les 35 heures sont une étape significative, les 32 heures constituent un bel objectif pour 2002. Cela permettra d'offrir de belles perspectives aux combats que nous avons devant nous pour faire entendre raison à certains et pour créer des emplois.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

Cela dit, je retire mon amendement.

M. le président.

L'amendement no 933 est retiré.

Les amendements nos 919 et 920 ne sont pas défendus.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 682, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 1er par les mots : « pour les emplois pénibles. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Il y a dans l'affaire qui nous occupe, des considérations qui tiennent à l'emploi et d'autres qui tiennent aux conditions de travail. Pour certains emplois plus pénibles que d'autres, la réduction du temps de travail est hautement souhaitable. Par cet amendement, nous avons voulu signifier au Gouvernement et à la majorité que nous comprendrions beaucoup mieux leur position si la réduction du temps de travail concernait ceux qui en ont particulièrement besoin, c'est-à-dire ceux qui occupent les emplois pénibles.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 682.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 604, 603 et 826, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 604, présenté par M. Philippe Martin, est ainsi rédigé :

« I. Compléter le dernier alinéa du I de l'article 1er par les mots : "quand l'effectif de l'entrep rise, apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1 et à l'article L. 421-2, est de plus de vingt salariés". »

« II. En conséquence, supprimer les deux dernières phrases du II de cet article. »

L'amendement no 603, présenté par M. Philippe Martin, est ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 1er par les mots : "quand l'effectif de l'entreprise, apprécié dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 421-1 et à l'article L. 421-2, est de plus de dix salariés". »

L'amendement no 826, présenté par M. Morin et M. de Courson, est ainsi rédigé :

« Après le I de l'article 1er , insérer le paragraphe suivant :

« I bis. La durée prévue à l'article L. 212-1 du code du travail ne s'applique pas pour les entreprises dont l'effectif à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi est de moins de dix salariés. »

La parole est à M. Philippe Martin, pour soutenir l'amendement no 604.

M. Philippe Martin.

Il est évident que le passage aux 35 heures nuira beaucoup à la compétitivité des petites entreprises. De plus, la disparition du dispositif d'aides dégressives obligera forcément l'entreprise à augmenter le coût de ses prestations ou de ses produits. Voilà pourquoi il me semblait nécessaire d'exclure du champ d'application de la loi les entreprises de moins de vingt salariés.

M. le président.

Pouvez-vous soutenir également l'amendement no 603, monsieur Martin ?

M. Philippe Martin.

Bien entendu, monsieur le président. Cet amendement est pratiquement identique au précédent sauf qu'il concerne les entreprises de moins de dix salariés.

M. le président.

C'est en quelque sorte un amendement de repli.

La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l'amendement no 826.

M. Hervé Morin.

Cet amendement vise à exclure les entreprises de moins de dix salariés du passage aux 3 5 heures. Nous estimons en effet qu'elles seront confrontées à des difficultés considérables car le travail ne peut pas être fragmenté à l'infini. C'est d'ailleurs avoir peu de considération pour la personne humaine que de supposer le contraire.

Comment, dans les entreprises artisanales - où le nombre moyen des salariés est de trois - le passage de 39 à 35 heures pourra-t-il s'effectuer ? Comment pourra-t-on embaucher une quatrième personne dans une entreprise de bâtiment composée d'un charpentier, d'un maçon et d'un manoeuvre ? Comment pourra-t-on le faire, surtout lorsque vous décidez en plus, de sanctionner le recours au temps partiel ? Et à ce sujet, que l'on ne me renvoie pas encore à l'accord de la CAPEB, car, vérification faite, 92 % des 50 000 adhérents de cet organisme - lesquels avaient été consultés par leur président - ont voté contre la réduction du temps de travail ! De plus, sur le terrain, l'accord de branche concernant la réduction du temps de travail dans le secteur du bâtiment est appliqué par moins de 300 entreprises. Cela montre bien à quel point la réduction du temps de travail à 35 heures dans des entreprises où ni les hommes ni les compétences ne sont substituables est une folie totale.

Nous demandons donc que, au moins dans un premier temps, ces petites entreprises puissent continuer à produire. S'agissant de secteurs où il y a déjà des goulets d'étranglement en matière de compétences et de salariat, il sera strictement impossible, sauf à opter pour des formules qui ne sont pas autorisées par la loi, de répondre aux obligations prévues par l'article 1er

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces différents amendements ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission les a repoussés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 604.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 603.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 826.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer et M. Demange ont présenté un amendement, no 123, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 1er par les mots : "ou 1 600 heures par an". »

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir cet amendement.

M. François Goulard.

Cet amendement vise à préciser que la durée légale de travail sera de 1 600 heures par an.

Cela dit, pour estimer la durée annuelle du travail effectif, il y a une difficulté : la comptabilisation des jours fériés, chômés ou non. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans la suite de l'examen du texte, notamment à l'article 3, mais je voudrais d'ores et déjà signaler que la durée prévue de 1 600 heures résulte d'une sorte de tour de passe-passe, puisqu'elle englobe des jours fériés intégralement chômés, alors que, dans le droit existant, pour un certain nombre de professions, on prend en compte des jours fériés récupérés. Il y a donc, par rapport au droit existant, un changement qui n'a pas été clairement énoncé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Nous répondrons ultérieurement à votre argument sur le sujet, monsieur Goulard. Pour le reste, l'amendement a été repoussé par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Pontier, Mme Robin-Rodrigo, MM. Charasse, Charles, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Schwartzenberg, Tourret et Vernaudon ont présenté un amendement, no 190, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du I de l'article 1er par la phrase suivante : "Plusieurs contrats de travail ne peuvent permettre de dépasser la durée légale du temps de travail". »

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Par cet amendement de précision, il s'agit d'éviter qu'un salarié ne puisse, en signant plusieurs contrats de travail, contourner la loi sur la durée légale du travail et le régime des heures supplémentaires, loi qui, rappelons-le, a pour objectif à la fois fondamental et réaliste de créer de l'emploi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement. Le droit actuel répond à la préoccupation parfaitement légitime exprimée par notre collègue, dans la mesure où la durée légale s'applique au salarié, qui ne peut donc pas travailler au-delà de 35 heures, même s'il exerce plusieurs activités.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Une telle conception du travail me semble hallucinante !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ah bon ?

M. Hervé Morin.

Prenez le cas de vos collaborateurs, madame Aubry : ils travaillent plus de 35 heures ! Ils l'ont voulu ! Quand on entre dans un cabinet ministériel, on sait d'avance que l'on va travailler plus de 35 heures.

Interdire aux Français qui veulent travailler plus de 35 heures de le faire, c'est porter atteinte à une liberté fondamentale. Je ne vois pas pourquoi l'Etat m'interdirait de travailler plus si je souhaite travailler plus.

Mme Odile Saugues.

Il y a des gens sans travail !

M. Hervé Morin.

En procédant ainsi, vous ne leur en donnerez pas pour autant.

C'est une vision malthusienne qui ignore les leçons de l'histoire. Très franchement, on ne peut pas obliger les Français à ne travailler que 35 heures et pas une heure de plus. Je considère que l'Etat doit fixer des bornes et empêcher les dérives. Mais si, à l'intérieur de ces bornes, j'ai envie de travailler un peu, je dois pouvoir travailler un peu, si j'ai envie de travailler beaucoup, je dois pouvoir travailler beaucoup, et si j'ai envie de travailler passionnément, je dois pouvoir travailler passionnément.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Morin, permettez-moi de vous rappeler un fait historique. Lors du débat sur la réduction du temps de travail des enfants à moins de dix heures par jour, le député Gaspard Thémistocle Lestiboudois, qui était filateur à Elboeuf, s'est levé dans l'hémicycle et s'est exclamé : « En prenant cette loi, vous remettez en cause la liberté de l'honnête entrepreneur et vous empêchez d'apprendre aux enfants très jeunes le goût salutaire du travail ! »

M. Hervé Morin.

Pour ma part, je n'ai pas du tout dit cela !

M. Jean Le Garrec.

Monsieur Morin, le rapport au travail est en train de changer. Il est question non d'interdire mais de poser des bases légales. Ni plus ni moins.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 698 de M. Chabert n'est pas défendu.

M. Accoyer a présenté un amendement no 776, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Toutefois, les entreprises qui ne seront pas en mesure d'appliquer l'article L.

212-1 pourront s'en exempter en instituant et abondant un fonds de protection sociale complémentaire collectif créé dans l'entreprise ou dans la branche. »

La parole est à M. Philippe Martin, pour soutenir cet amendement.

M. Philippe Martin.

Afin de laisser aux partenaires sociaux la possibilité d'améliorer la protection sociale des salariés, il est proposé, par cet amendement, de développer, à la faveur de cette loi, la prévoyance collective complémentaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 776.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Accoyer, Jacob, Muselier, Demange et Mariani ont présenté un amendement, no 775, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Toutefois, l'article L.

212-1 ne sera applicable aux entreprises relevant de secteurs d'activité affectés par un déficit chronique de main-d'oeuvre qualifiée qu'après la mise en oeuvre d'un plan de formation, conduit en partenariat entre les professions, l'Etat et les collectivités locales. »

La parole est à M. François Goulard pour soutenir cet amendement.

M. François Goulard.

L'amendement déposé par M. Accoyer et plusieurs de ses collègues est important car il appelle l'attention de notre assemblée sur le fait que


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

certains secteurs d'activité souffrent d'un déficit chronique de main-d'oeuvre. Chacun d'entre nous doit bien prendre conscience qu'il y a coexistence entre un chômage qui reste massif et une pénurie de personnels qualif iés pour certaines professions. Or l'un des graves inconvénients de la réduction du temps de travail à 35 heures, c'est qu'elle va aggraver cette pénurie, ce qui se traduira par une perte de production, une perte de richesses collectives et, au bout du compte, une perte d'emplois.

L'amendement de M. Accoyer est fort intéressant car il met l'accent sur la nécessité de la formation professionnelle, seul moyen de remédier à cette pénurie, même si ses effets ne sont pas immédiats. En tout cas, cette pénurie de main-d'oeuvre entraîne des manques à produire et des manques à gagner pour l'ensemble de la collectivité. Cet amendement a le mérite de le dire clairement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

L'amendement de M. Accoyer n'apporte pas de réponse au problème posé.

Du reste, il est quelque peu paradoxal de dire à la fois que la réduction du temps de travail ne créera pas de l'emploi et qu'elle provoquera, dans certains secteurs, une pénurie de main-d'oeuvre.

J'observe que plusieurs secteurs professionnels se sont engagés dans une vraie négociation sur le sujet. Je crois que c'est la bonne direction à suivre en la matière.

La commission a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 775.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Bur, Blessig, Mme Boisseau, MM. Gengenwin, Morin, Méhaignerie, Weber et Ferry ont présenté un amendement, no 825, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Les établissements ou entreprises pouvant justifier d'une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans leur bassin d'emploi ou dans leur branche professionnelle bénéficient d'un moratoire de vingt-quatre mois pour l'application de la durée légale du travail prévue à l'article L.

212-1 du code du travail. »

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Par cet amendement, il s'agit d'instaurer, en faveur des entreprises qui éprouvent des difficultés à trouver de la main-d'oeuvre qualifiée, un moratoire de deux ans pour l'application des 35 heures.

Il y a des zones d'emploi où le taux de chômage est de 5 %, voire inférieur. Or ce n'est pas la mobilité professionnelle qui peut compenser, du jour au lendemain, le m anque de main-d'oeuvre qualifiée. Les entreprises doivent-elles renoncer à des commandes ? En tout cas, c'est ce que nous constatons dans nos régions frontalières, où nous voyons beaucoup de camionnettes d'artisans immatriculées en Allemagne.

Avec ce texte, on va encore pénaliser davantage nos entreprises artisanales. A moins qu'on ne veuille les conduire à organiser elles-mêmes le travail au noir !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

J'écoute toujours avec respect M. Gengenwin et je porte toujours beaucoup d'attention à ce qu'il peut dire particulièrement sur les problèmes de formation et de qualification. Pour autant, je le renvoie à mon argumentation précédente.

Cela dit, les problèmes qu'ils évoquent sont réels. Certains des bassins d'emploi ont un taux de chômage de 12 %, d'autres un taux de 6 %. Il y a là aussi un prob lème d'aménagement du territoire. Cela concerne diverses politiques qui doivent être conduites de façon complémentaire. Mais ce n'est pas à l'occasion de l'examen de la loi sur la réduction du temps de travail que nous devons apporter des solutions à ces problèmes. En tout cas, cela ne passe pas par l'application différée du texte pour certaines catégories d'entreprises. La commission a donc repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour un bref complément.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je trouve que l'on expédie très rapidement un problème important.

Dans nombre de secteurs, les industries ne trouvent pas la main-d'oeuvre qualifiée dont elles ont besoin. Je pourrais vous citer mille exemples. Je connais le cas d'un gros abattoir de l'Ouest qui est tout à fait prêt à passer aux 35 heures, mais qui, pour cela, doit embaucher plusieurs dizaines d'ouvriers spécialisés, des désosseurs, par exemple ; or il ne les trouve pas. Comment va-t-il faire ? C'est un exemple mais, je le répète, je pourrais en donner bien d'autres. Je pourrais parler des chantiers navals de Saint-Nazaire qui ne trouvent pas de soudeurs, du bâtiment ou du secteur informatique, où il y a un formidable appel d'air mais où l'on ne trouve ni les ouvriers ni les techniciens qualifiés. Vous demandez à ces entreprises en plein développement de réduire le temps de travail.

Elles n'y sont pas opposées, j'y insiste, mais tenez compte de la réalité et soyez souples, je vous en supplie ! Car vous allez les obliger à réduire leur production.

M. Yves Rome.

Mais non !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Et réduire la production signifie diminuer l'emploi à terme. C'est un appel au secours que je lance !

M. Yves Rome.

Ce n'est pas sérieux !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le problème n'est pas spécifique à la région de Bretagne, c'est le même dans toute la France et Germain Gengenwin parlait tout à l'heure des régions limitrophes de l'Alsace. Je vous en supplie : tenez compte de ce que nous disons.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Ce débat est important, et je crois normal qu'il puisse s'engager.

Ce texte, contrairement à ce que certains veulent laisser entendre, ne s'appliquera pas de manière brutale et uniforme à toutes les entreprises. Nous discuterons tout à l'heure, à l'article 2, de la période d'adaptation. Nous évoquerons les contingents d'heures supplémentaires, les délais accordés aux entreprises de moins de vingt salariés.

Nous examinerons aussi un amendement incitant à anticiper le passage aux 35 heures, afin de traiter les problèmes en amont. Il faut donc envisager le texte et les propositions que nous faisons dans leur ensemble, et non en faire une présentation un peu caricaturale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mais non, c'est la réalité du terrain !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 825.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Morin, Méhaignerie, Mme Boisseau, MM. Gengenwin, Blessig, Bur, Weber, Jégou et de Courson ont présenté un amendement, no 827, ainsi rédigé :

« Après le I de l'article 1er , insérer le paragraphe suivant :

« I bis. Dans les établissements ou professions mentionnés à l'article L. 200-1, ainsi que dans les é tablissements artisanaux et coopératifs et leurs dépendances, la nouvelle durée légale s'applique au minimum à 80 % des salariés. »

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Cet amendement s'inspire mot pour mot de l'exemple allemand.

M. Yves Rome.

Nous sommes en France, à l'Assemblée nationale !

M. Hervé Morin.

Certes, mais écoutez-moi, il ne faut par être idéologue, il faut être concret nous sommes en Europe, et l'euro, c'est demain.

En Allemagne, à le suite de la négociation qui a eu lieu entre IG Metall et le patronat, la convention collective a prévu un système où 80 % du personnel passe à 35 heures et 20 % reste à 39 heures. On a donc introduit un élément de souplesse au sein de l'entreprise, mais en permettant aux salariés qui le souhaitent de travailler plus, et donc de gagner plus. Car, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises en commission, un certain nombre de salariés préfèrent améliorer leur pouvoir d'achat plutôt que travailler moins.

Cette situation a permis aux entreprises, en fonction d es conditions de production et des carnets de commandes, de s'adapter plus facilement à la demande.

Voilà pourquoi nous avons repris mot pour mot le contenu de la convention collective signée entre IG Metall et le patronat allemand lors du passage aux 35 heures, en 1994.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Il a été rejeté par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Comme l'a dit M. le rapporteur, nous reviendrons à l'article 2 sur l'organisation du travail, mais nous avons commencé cette discussion en commission, et M. Morin se souvient que nous avons déjà évoqué le problème du contingent d'heures supplémentaires.

Que souhaitent aujourd'hui les salariés ? Bien sûr, travailler moins pour avoir plus de temps, on l'a dit.

Nous avons eu un débat sur la formation. Mais l'insuffisance de formation ne date pas d'aujourd'hui.

E t aussi longtemps qu'on pourra recourir à un contingent d'heures supplémentaires, les salariés travailleront dans certains cas jusqu'à 50 ou 60 heures. Je n'ai rien contre les petites et moyennes entreprises et je crois que vous auriez dû vous en soucier bien plus tôt, messieurs de l'opposition, mais si certains salariés continuent à travailler jusqu'à 60 heures, on ne pourra jamais régler la question de la formation. Au lieu de continuer à faire travailler toujours plus les gens, la diminution du temps de travail permettra aux salariés d'avoir du temps pour leur formation.

J'abonde par ailleurs dans votre sens, monsieur Morin, lorsque vous suggérez de penser aux salaires. Mais depuis c ombien d'années le Parti communiste et les élus communistes demandent-ils un SMIC à 8 000 francs ? Nous ne vous avons pas attendu, pour demander de meilleures rémunérations ! La solution ne consiste pas à recourir aux heures supplémentaires. Certes, aujourd'hui, les salariés, eu égard au salaire qu'ils perçoivent, font des heures supplémentaires pour gagner un peu plus, et je ne les en blâme pas. C'est ce problème que nous voulons résoudre. Nous voulons qu'ils aient plus de temps pour eux, pour leur formation, pour leurs loisirs. Ce n'est pas, au siècle où nous vivons, un péché ou un crime, alors même que, grâce aux sciences et aux techniques, la productivité s'est considérablement améliorée, que les salariés bénéficient d'une richesse à la création de laquelle ils ont largement contribué.

J'entends souvent parler des entrepreneurs, mais les salariés participent eux aussi, comme les entrepreneurs, à la création de richesses dans l'entreprise, et il ne faudrait tout de même pas les oublier dans cette loi ! Vous, vous les oubliez !

M. Germain Gengenwin.

Non, nous voulons les protéger !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien, madame Jacquaint !

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je suis d'accord avec Mme Jacquaint lorsqu'elle dit qu'il faut faire attention au niveau des heures supplémentaires. Il en faut, mais il ne faut pas exagérer. Et j'ai cru comprendre que, dans certains secteurs de la fonction publique, on avait tendance à en rajouter dans le projet de loi de finances, ce qui est contradictoire !

M. Germain Gengenwin.

Mêmes les enseignants !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En réalité, vous faites tout pour augmenter les contingents d'heures supplémentaires. Je le répète : dans la mesure où, dans de nombreux secteurs, on ne trouvera pas des techniciens, des ingénieurs et des ouvriers spécialisés, la tendance conduira à recourir aux heures supplémentaires, puisque vous allez instituer le couperet des 35 heures pour tout le monde.

En second lieu, alors que la loi sera tout juste votée à Noël, vous voulez qu'elle s'applique dix jours après dans les entreprises. Celles-ci n'auront pas le temps de se retourner, et la seule solution possible - non la solution de facilité - sera de répondre par une augmentation des heures supplémentaires plutôt que par des créations d'emplois. C'est totalement contraire à ce que j'avais cru que vous souhaitiez.

Mme Muguette Jacquaint.

Vous contredirez vos propos précédents !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 827.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. le président.

Mme Bachelot-Narquin a présenté un amendement, no 801, ainsi rédigé :

« I. Dans la première phrase du II de l'article 1er , substituer à l'année : "2000", l'année : "2005". »

« II. En conséquence, dans la deuxième phrase d e ce même paragraphe, substituer à l'année : "2002", l'année : "2005". »

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il s'agit d'un amendement de repli par rapport à la position initiale que nous avons défendue et qui consiste à revenir à une réduction négociée du temps de travail.

Nous souhaitons accorder un délai aux entreprises afin de leur permettre d'affronter ce qui va être pour elles une véritable épreuve. Il est raisonnable de fixer un délai suffisamment long pour leur permettre de s'adapter, et je propose donc de repousser l'échéance à 2005.

Nous souhaiterions cependant une solution négociée.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission se réjouit que l'opposition n'ait pas saisi toutes les possibilités que lui offrait l'entrée dans le deuxième millénaire. Elle aurait pu en effet déposer un nombre d'amendements bien supérieur, proposant des dates beaucoup plus éloignées.

M. François Goulard.

Nous pouvons encore sousamender !

M. le président.

Pas de provocations !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a néanmoins repoussé l'amendement no 801.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Un délai de deux ans a été fixé pour l'application de la loi de 1998 et une période transitoire d'un an est proposée pour cette seconde loi.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ce n'est pas la même loi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La première loi fixait déjà les dates et les obligations : les entreprises ne sont donc pas prises au dépourvu.

Je profite de l'occasion, madame Boisseau, pour vous répondre, car vous avez posé des questions très intéressantes sur le temps, et je vous livre la définition que donne Arthur Schopenhauer dans ses aphorismes sur la sagesse dans la vie :

« L'homme ordinaire ne se préoccupe que de passer le temps, l'homme de talent que de l'employer. »

Si nous pouvions bien employer le nôtre, ce serait formidable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Je déduis de cette citation, madame la ministre, que votre avis sur l'amendement no 801 est défavorable.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à fait, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Madame la ministre, les 15 000 entreprises qui ont signé des accords de réduction de la durée du travail dont certaines dispositions seront contraires au texte qui sera voté à la fin du mois de décembre aurontelles droit aux aides à partir du 1er janvier 2000 ou, au contraire, devront-elles d'abord s'être mises en conformité avec la loi pour bénéficier des aides ? En particulier, eu égard à la définition qui sera donnée de la durée effective du temps de travail, pourront-elles bénéficier de l'aide structurelle...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Hervé Morin.

... et des réductions de cotisations sociales, bien que n'étant pas en conformité avec la notion de durée effective du temps de travail qui sera retenue, compte tenu des amendements de la majorité ? Devront-elles, pour en bénéficier, attendre que l'accord soit renégocié ?

M. Germain Gengenwin.

Très bonne question !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Si vous aviez lu la loi, vous auriez eu la réponse à cette bonne question ! Je n'avais pas compris tout de suite que vous visiez les entreprises déjà passées aux 35 heures et je croyais que vous vous interrogiez sur les accords qui portaient atteinte à la loi.

La réponse à votre question figure, je le répète, dans le texte. Les entreprises qui ont signé un accord sur les 35 heures dont certaines dispositions sont contraires à la loi auront un an pour se mettre en conformité mais elles pourront tout de suite percevoir les aides.

M. Hervé Morin.

Même en tenant compte de la durée effective du temps de travail ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Elle ne va pas être modifiée par rapport à la jurisprudence actuelle.

M. Hervé Morin.

Mais certains amendements vont être adoptés !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ils ne font que reprendre une jurisprudence que les entreprises auraient toujours dû appliquer. Pour les entreprises qui ne respectaient pas la réglementation ou pour celles qui dépassaient les durées maximales, le problème est différent.

Si leur dispositif est un peu différent, elles auront, je le répète, droit aux aides et disposeront d'un an pour se mettre en conformité.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous traiterons ce problème à l'article 14 !

M. le président.

C'est ce que j'allais préciser.

Je mets aux voix l'amendement no 801.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Nous pourrions accélérer afin d'arriver très vite à l'article 14 ! (Sourires.)

M. le président.

MM. Goulard, Dord, Perrut, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 291, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du II de l'article 1er , substituer à l'année : "2000", l'année : "2003". »

La parole est à M. François Goulard.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. François Goulard.

Cet amendement est de la même veine que le précédent mais vous pourrez constater que nous n'avons pas abusé des possibilités offertes par le traitement de texte.

Il s'agit d'un amendement de repli visant à éviter un passage trop rapide aux 35 heures.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 291.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 774, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du II de l'article 1er , substituer par deux fois au nombre : "vingt" le nombre : "cinq cents". »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement no 774 vise simplement à protéger les entreprises les plus petites que cette procédure autoritaire de réduction du temps de travail va rendre particulièrement vulnérables. Une nouvelle organisation du temps de travail est en effet, dans les entreprises qui comptent peu de salariés, beaucoup plus complexe à mettre en place que dans les autres. C'est pourquoi nous proposons de substituer le seuil de cinq cents salariés à celui de vingt. Vous n'ignorez d'ailleurs pas, madame la ministre, qu'en Allemagne le seuil en dessous duquel on considère qu'une entreprise est une PME est fixé à cinq cents.

De plus, le seuil de vingt qui a été retenu dans ce texte ne correspond à aucune réalité économique. Diminuer le temps de travail de 11 % ne peut permettre à une entreprise de vingt salariés, faute, par définition, d'un nombre suffisant de ces salariés qualifiés qui forment le savoirf aire d'une entreprise, d'engager un aménagement cohérent qui permette à la fois le progrès social et la meilleure productivité que vous voulez par ce texte.

Cet amendement propose de remonter de façon, c'est vrai, assez significative, ce seuil mais il se rapproche de celui qui sert de référence dans d'autres pays de la Communauté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 774.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 295, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du II de l'article 1er , substituer aux mots : "vingt salariés" les mots : "deux cents salariés". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Il s'agit d'un amendement de la même veine.

J'estime que le seuil de vingt salariés, que nous avions largement évoqué lors de la discussion de la première loi sur les 35 heures, est un mauvais seuil et ce pour deux raisons.

La première, c'est qu'il est nouveau. De nombreux seuils sont déjà inscrits dans notre droit du travail. Les principaux et les plus connus sont ceux de dix salariés et de cinquante salariés. Je sais bien, madame la ministre, que vous avez nié avec beaucoup de détermination l'impact négatif sur l'emploi de ces seuils en nous disant que vous ne notiez aucune concentration du nombre d'entreprises à neuf ou à quarante-neuf salariés.

Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est faux, j'avais simplement dit : « Plus il y a de seuils, moins il y a d'effet de seuil ».

M. François Goulard.

On pourrait vous rétorquer qu'au total, l'effet reste identique, même s'il est plus diffus ! Toujours est-il que les seuils sont néfastes pour les entreprises. D'ailleurs, combien d'entre elles maintiennent artificiellement des effectifs à neuf salariés ? La deuxième raison de notre opposition à ce seuil, c'est qu'il ne correspond pas à une réalité économique en ce sens qu'il n'y a pas de rupture entre les entreprises de moins de vingt et de plus de vingt salariés. Elles appartiennent à un même type. Pour autant on peut déterminer certaines limites qui correspondent à un changement de nature de l'entreprise, notamment dans son organisation, et fixer, par exemple, le seuil à partir duquel une entreprise peut se doter d'un directeur des ressources humaines - qui, soit dit en passant, sera plus à même d'interpréter un code du travail dont nous soutenons qu'il devient de plus en plus complexe.

Les modifications de seuil que nous proposons valent ce qu'elles valent, l'important est de faire passer ce message : le seuil de vingt est un seuil inapproprié.

M. le président.

Cette présentation vaut-elle également pour les amendements nos 294 et 293 que vous avez présentés ?

M. François Goulard.

Oui, monsieur le président. Mais nous aimerions avoir une réponse de la part de la commission et du Gouvernement.

M. le président.

Je vous posais cette question parce que, manifestement, ils peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

Les amendements, nos 294 et 293, sont présentés par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier.

L'amendement no 294 est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du II de l'article 1er , substituer aux mots : "vingt salariés", les mots : "cent salariés". »

L'amendement no 293 est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du II de l'article 1er , substituer aux mots : "vingt salariés", les mots : "cinquante salariés". »

Ces amendements ont déjà été défendus.

M. Accoyer a présenté un amendement, no 126, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du II de l'article 1er , substituer par deux fois au nombre : "vingt", le nombre : "cinquante". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Les seuils proposés dans le texte sont tout à fait arbitraires. Ils n'ont aucun fondement : ni national, ni international, ni communautaire. Ils introd uisent dans notre droit du travail de nouvelles contraintes, comme s'il n'y en avait pas assez.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 295, 294, 293 et 126 ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé ces différents amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Disons les choses simplement : aucun seuil n'a de valeur juridique avant d'exister. Le seuil de dix, avant la création de la fonction de délégué du personnel ou avant la loi sur la formation professionnelle et le logement, n'était pas un seuil. Le seuil de cinquante avant la création du comité d'entreprise ou du CHSCT ne l'était pas non plus.

Nous savons bien qu'entre une entreprise de neuf et onze salariés, il n'y a pas de différence majeure. Je comprends donc ce que vous dites, mais cela vaut en fait pour tous les seuils.

Nous avons souhaité traiter différemment les petites entreprises, qui ont des problèmes d'organisation et de recrutement, comme vous l'avez tous dit hier. Et si nous avons préféré retenir le seuil de vingt plutôt que celui de dix, c'est d'abord parce que cela permettrait à davantage de petites entreprises de bénéficier d'un délai supplémentaire et ensuite parce que nous avons voulu éviter de grouper trop d'obligations autour d'un même seuil, ce qui aurait alors entraîné l'effet de seuil dont vous avez d'ailleurs très bien parlé. Je reprends mes propos de l'année dernière : la multiplication des seuils est favorable en ce qu'elle limite l'effet de seuil à chaque fois.

J'ai beaucoup questionné les organisations patronales et syndicales sur le point de savoir s'il valait mieux retenir le chiffre de dix, quinze, vingt ou vingt-cinq salariés.

Aucune n'a véritablement remis en cause le seuil de vingt.

Il n'y a donc pas de raison de le modifier aujourd'hui.

Je suis défavorable à l'ensemble de ces amendements.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Comme je l'ai dit lors de la discussion de la première loi, les effets de seuil sont réels et ils sont pervers à un double titre.

En premier lieu, ils constituent manifestement un frein au développement de l'activité économique. Et encore une fois, si je défends l'activité économique, c'est que, derrière l'augmentation de richesse dans notre pays, il y a l'emploi. J'ai cru comprendre que c'était notre objectif commun. Au moins, là-dessus, nous sommes d'accord.

Je ne suis pas spécialiste du droit du travail, mais députée de terrain et tous les jours des chefs de petites entreprises de quinze, seize ou dix-sept salariés me disent que, ne sachant pas ce ce qui va leur tomber dessus avec les 35 heures, ils n'embauchent pas, alors même que le développement de leurs activités est, si je puis dire, naturelle. Sans la perspective des 35 heures, leurs entreprises compteraient aujourd'hui plus de vingt salariés.

En deuxième lieu, le seuil de vingt va créer des inégalités supplémentaires. Les techniciens dont on parlait tout à l'heure, les ouvriers qualifiés, qui se font rares dans beaucoup plus d'activités que vous ne voulez bien le dire, quitteront les petites entreprises de moins de vingt salariés pour celles de plus de vingt qui passeront directement à partir du 1er janvier de l'an 2000 à 35 heures. Or ces dernières vont avoir, du fait des 35 heures, des charges plus lourdes que celles de moins de vingt, alors que, pour beaucoup d'entre elles, elles occupent des créneaux absolument identiques.

Ce seuil de vingt salariés ne veut rien dire et je regrette beaucoup que vous y restiez si attachée. Il crée une rigidité de plus et qui dit rigidité dit perte d'emplois.

M. le président.

La parole à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Madame la ministre, a-t-on une idée précise du nombre d'entreprises concernées par le seuil de vingt ? Pour les entreprises de plus et de moins de dix, les données de la chambre de métiers ou de la chambre de commerce suffisent mais pour celles-ci qu'en est-il ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne peux pas vous donner le chiffre exact des entreprises de m oins de vingt salariés, mais il doit se situer entre 1 050 000 et 1 100 000.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 295.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 294.

L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 293.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 125, 579 et 699.

L'amendement no 125 est présenté par MM. Accoyer, Jacob et Muselier ; l'amendement no 579 est présenté par M. Philippe Martin ; l'amendement no 699 est présenté par M. Chabert.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« A la fin de la deuxième phrase du II de l'article 1er , substituer à l'année : "2002", l'année : "2005". »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 125.

M. Bernard Accoyer.

Il s'agit maintenant non plus de seuil mais de délai. La deuxième contrainte de ce texte, après la nécessité d'avoir conclu des accords, est, en effet, une contrainte de temps. Et tous les chefs d'entreprise nous ont dit que la négociation était un élément qui nécessitait du temps. Or le délai imparti par le projet est beaucoup trop court. C'est pourquoi il est proposé, dans cet amendement, de l'étendre.

A ce stade de la discussion, je questionnerai donc Mme la ministre de l'emploi sur la problématique que j'ai soulevée lors de la discussion générale au sujet de la sous-traitance automobile. Dans certains secteurs, les savoir-faire sont devenus si rares qu'il n'y a plus de maind'oeuvre et qu'on a atteint un chômage zéro. J'évoquerai en particulier le décolletage.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Yves Rome.

C'est un sujet central !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Cela ne devrait pas faire rire nos collègues. En effet, et nous en sommes fiers, la plus forte concentration mondiale de décolletage dans la vallée de l'Arve, dans le département de la Haute-Savoie.

M. Maxime Gremetz.

N'oubliez pas le Vimeu !

Mme Odile Saugues.

Ni l'Auvergne !

M. Bernard Accoyer.

Il y en a également, mes chers collègues de gauche, dans de nombreux départements, dans le centre, dans l'est et dans le nord de la France.

Les entreprises de ce secteur traversent en ce moment une période extrêmement tendue, car le marché de l'automobile connaît un regain d'activité avec la reprise de la croissance. Si elles étaient contraintes d'appliquer les 35 heures, elles subiraient une baisse de production d'environ 10 %, madame la ministre. Et je ne parle pas des problèmes de coût, qui sont, croyez-le, extrêmement délicats en raison de la concurrence internationale concurrence des pays tiers, concurrence des pays extrac ommunautaires, voire de pays très lointains, mais aujourd'hui aussi des pays d'Europe de l'Est. Pour compenser la baisse des capacités de production, il faudrait que ces entreprises embauchent - si tant est que la loi aboutisse à ce résultat, mais nous vous le souhaitons.

Or, elles ne peuvent pas embaucher, parce qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre qualifiée disponible.

Les responsables de cette profession, soutenue par tous les élus du département, y compris le président du conseil général, ont sollicité votre cabinet afin que vous acceptiez le principe, non pas d'un véritable moratoire, mais d'une application progressive de la réduction du temps de travail, dans le cadre d'un accord conventionnel de formation qui regrouperait la profession, les collectivités territoriales et, si vous le voulez, la collectivité nationale, par l'intermédiaire du ministère qui sera le plus approprié.

Vous n'avez pas pu les recevoir et nous le comprenons.

Cependant, madame la ministre, je formule le voeu ardent que vous compreniez la nécessité de trouver une solution à ce problème extrêmement inquiétant.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Martin, pour défendre l'amendement no 579.

M. Philippe Martin.

Il est évident que cette loi est trop générale pour prendre en compte les intérêts de toutes les entreprises ; l'adaptation va donc leur poser des problèmes de réorganisation.

La situation est totalement différente d'une entreprise à l'autre, qu'il s'agisse des professions libérales avec les horaires d'ouverture à la clientèle, des commerçants, qui n'ont qu'un ou deux employés, des artisans, des petites entreprises de sept, huit, voire dix salariés ou des entreprises de services. Il va falloir trouver des personnes formées dans différents domaines. Cela nécessitera, en conséquence, non seulement une flexibilité des horaires, mais une polyvalence des postes de travail. C'est pourquoi je demande un délai supplémentaire.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

L'amendement de M. Chabert a le même objet, preuve que le problème des délais concerne beaucoup de départements. Les entreprises du Rhône voudraient, elles aussi, un délai plus long.

M. le président.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 292, ainsi rédigé :

« A la fin de la deuxième phrase du II de l'article 1er , substituer à l'année : "2002", l'année "2003". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'amendement no 292 a, bien sûr, des limites qui n'échappent à personne.

Je suis particulièrement sensible aux propos de MarieThérèse Boisseau sur les inégalités entre entreprises. Des entreprises de même secteur, en concurrence les unes avec les autres, subiront, du seul fait de l'application de la loi sur la réduction du temps de travail, des distorsions de concurrence. En soi, c'est un inconvénient majeur de la loi que vous nous proposez.

Comme Bernard Accoyer, j'évoquerai un secteur d'activité particulier pour bien montrer que les pénuries de main-d'oeuvre ne sont pas limitées à quelques qualifications très spécifiques et pour et en cerner tous les inconvénients. Je voudrais parler brièvement du transport routier. S'il est un secteur où la réduction du temps de travail est utile et souhaitable, c'est bien celui-là. Or, il se trouve que les partenaires sociaux ont abouti, il y a quelques années, à la suite de conflits relativement durs, à des accords qui constituent des progrès considérables et que les uns et les autres tentent aujourd'hui d'appliquer dans les meilleures conditions possibles. Je suis persuadé, pour ma part, qu'ils y seraient parvenus en l'absence de la loi sur les 35 heures. Mais les contingents d'heures supplémentaires qui ont été négociés par les partenaires sociaux dans ce secteur du transport routier se trouveront affectés, puisque la référence sera demain non plus 39 heures, mais 35 heures. Les contingents négociés par les partenaires seront réduits quant à la possibilité d'atteindre certains horaires. On peut naturellement s'en réjouir à condition que cette évolution soit progressive. Or elle sera nettement plus brutale du fait de l'intervention de la loi. Celle-ci présente des aspects positifs, je le disais moimême, mais il en est un profondément négatif sur lequel je voudrais attirer votre attention. Comme l'ont montré les exemples cités par Marie-Thérèse Boisseau et Bernard Accoyer, il y a aujourd'hui une véritable pénurie de chauffeurs routiers.

Mme Muguette Jacquaint.

Cela ne serait pas le cas s'ils n'avaient pas eu de telles conditions de travail et s'ils avaient eu de meilleurs salaires !

M. François Goulard.

Dès lors, l'application des 35 heures aura pour conséquence de favoriser l'entrée sur notre territoire, par la pratique du cabotage, de transporteurs étrangers...

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est déjà fait !

M. François Goulard.

... dont les lois sociales sont nettement moins rigoureuses que les nôtres et qui sont d'ores et déjà favorisés par cette différence dans la réglementation qui leur est applicable.

M me Odile Saugues.

C'est le moment de faire l'Europe sociale !

M. François Goulard.

Et à terme, l'emploi, qui est borné par le défaut de qualification, ne pourra se développer comme il l'aurait pu grâce à la formation professionnelle parce que les parts de marché seront prises par des concurrents étrangers qui, en termes de sécurité - préoccupation commune à nous tous, je l'espère ...n'offrent pas les mêmes garanties que les transporteurs français. Voilà un effet pervers de la loi. Tout en reconnaissant que la réduction du temps de travail est nécessaire, voilà des sujets sur lesquels il aurait été infiniment préférable de laisser les partenaires sociaux régler la question parce qu'ils l'auraient fait en tenant compte de l'état du marché et de la quantité disponible de main-


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d'oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme Odile Saugues.

Vous voulez le nivellement par le bas, pas nous !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé ces amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vais répondre à ces diverses questions, et d'abord à celle concernant les transports routiers. En 1994 est effectivement intervenu un accord qui calcule la durée du travail et les heures supplémentaires au mois et non pas à la semaine. Cet accord est illégal, monsieur Goulard ! Je n'étais pas ministre du travail lorsqu'il a été signé. Il n'a pas donné lieu à une modification de la loi. Ce n'est donc ni la loi de 1998, ni celle que nous allons voter qui pose problème au transport routier.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Si !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, c'est le fait qu'un accord ait été signé dans le cadre du mois, ce qui n'est pas conforme à la réglementation. Si vous avez des propositions, vous pourrez les faire au cours du débat. Vous savez bien qu'une directive européenne est en fin de préparation et il nous a semblé utile d'en attendre les résultats plutôt que de mettre en place tout de suite un système particulier qui risquerait d'être contraire à cette directive dans quelques semaines ou quelques mois. Je reconnais qu'il y a un problème, mais il existe depuis 1994.

Je reviendrai maintenant de façon un peu plus détaillée qu'hier sur les problèmes de pénurie de main-d'oeuvre, que ce soit dans le décolletage, le commerce ou l'artisanat. Nous avons décidé, avec certaines professions - celles du décolletage, du commerce et de l'artisanat ont été reçues -, de mettre en place un dispositif qui permette de répondre à cette pénurie. Il s'agit de sensibiliser les jeunes en organisant des forums de rencontre de l'offre et de la demande - en 1992, cela nous avait permis, en l'espace d'un an, de combler 250 000 "manques" -, de mettre à disposition l'AFPA et de la mobiliser sur des formations car certains centres de formation des professions sont complètement débordés et de modifier la durée de l'apprentissage. En effet, nous nous rendons compte aujourd'hui que certains métiers - pas tous - peuvent être appris en un an par des jeunes ayant un niveau bac ou de première, alors que les règles de l'apprentissage imposent parfois deux ou trois ans. Nous essayons donc de modifier ces textes avec les professions concernées lorsque c'est possible. Par ailleurs, des forums qui auront été préparés par ces stages de mise à disposition et la mobilisation de l'ensemble des formations publiques et privées seront lancés dans tous les départements en janvier et février prochains.

Cela dit, 35 heures ou pas, il y a aujourd'hui des problèmes de recrutement dans certains secteurs, M. Buguet, président de la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment, me le disait ce matin encore. Profitons des 35 heures pour traiter cette question, d'autant que le problème du recrutement est aujourd'hui lié au fait que les jeunes ne veulent pas faire ces métiers car les conditions de travail y sont souvent difficiles physiquement - je pense, par exemple, au décolletage, que je connais bien - ou parce que la durée du travail y est trop élevée, comme c'est le cas pour le commerce ou l'artisanat. Donc, profitons de la réduction de la durée du travail pour rendre ces secteurs plus attractifs.

Mme Muguette Jacquaint.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quant à nous, nous mobilisons au service de ces secteurs - c'est le rôle du public - à la fois l'Agence nationale pour l'emploi, les missions locales, l'AFPA, pour sensibiliser les jeunes - l'éducation nationale va d'ailleurs nous y aider dès le mois de janvier - et pour les former dans les plus brefs délais afin de répondre aux besoins des entrepreneurs.

Je rappelle que les petites entreprises ont jusqu'à 2002 pour passer aux 35 heures, et même jusqu'à 2003 si nous prenons en compte la période transitoire. Mobilisonsnous pour que des centaines de milliers de jeunes retrouvent le chemin de vrais métiers, qui ont parfois été abandonnés en raison de conditions de travail qui n'étaient plus attractives mais qui vont le redevenir.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Très bien ! Voilà des réponses concrètes !

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je reviendrai sur le cas des chauffeurs routiers pour lesquels la loi sur les 35 heures va avoir des effets insoupçonnés et, par certains aspects, inhumains. Aujourd'hui, le chauffeur routier vit dans son camion, son tracteur, qui est son second « chez lui », où il a sa couchette et ses habitudes.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je suis désolée, mais plusieurs entreprises de transport m'ont fait part de ce problème. Demain, si les chauffeurs ne font plus que 35 heures, il faudra revoir totalement l'organisation de la PME et les routiers n'auront plus leur propre tracteur.

Mme Muguette Jacquaint.

Et alors ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Ils seront obligés de passer de l'un à l'autre. Je ne suis pas sûre que ce soit un progrès en termes humains.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Nous accélérerons sur d'autres amendements qui ne présentent pas ce caractère particulièrement grave, madame la ministre. Vous pouvez nous faire confiance, cela est déjà arrivé et nous n'avez jamais été déçue.

Mme la ministre de l'emploi et la solidarité.

Ça c'est vrai, mais peut-être pas dans le sens où vous l'entendez !

M. Bernard Accoyer.

Certains secteurs connaissent un manque de main-d'oeuvre qualifiée c'est le problème de notre pays - et, au risque d'être lancinant, je reviendrai sur le décolletage. Rassurez-vous, madame la ministre, c elui-ci a évolué. Avec les tours multibroches à commande numérique, il a atteint un haut niveau de technologie. La compétence des salariés est considérable et le niveau de leur salaire les place bien au-delà des aides que vous avez prévues dans le dispositif de réduction du temps de travail.

Mme Muguette Jacquaint.

C'est normal, ce sont des techniciens !

M. Bernard Accoyer.

Le problème n'est pas là. Il réside dans le fait que la formation de ces jeunes ou des ces moins jeunes est relativement longue. Dans cette vallée


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de l'Arve où les entreprises sont si nombreuses qu'il suffit aux salariés de traverser la route pour en changer, des invertisseurs étrangers, américains en particulier, ont repéré ce savoir-faire dont le déménagement est déjà engagé. C'est donc un appel au secours que je vous lance, madame la ministre. Etes-vous prête à trouver avec la profession un accord organisant la réduction du temps de travail en contrepartie d'embauches...

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Bernard Accoyer.

... - cela devrait vous plaire -, sous réserve de lui laisser le temps matériel de former des jeunes et que la conjoncture le permette ? C'est ma seule question.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Nous sommes bien sûr d'accord avec vous, madame la ministre, quand vous nous dites qu'il faut faire revenir les jeunes vers ces métiers qui connaissent aujourd'hui une prénurie de main-d'oeuvre.

Mais nous savons aussi les difficultés qui se posent et le temps que cela mettra. Il ne faudrait pas s'arrêter à une vision par trop irénique de la possibilité de répondre aux besoins des entreprises en quelques mois, voire en quelques années. J'ai simplement remarqué que lorsque vous avez évoqué les acteurs publics de la formation professionnelle, vous n'avez pas prononcé le mot « région ». Je voudrais donc vous rappeler que les régions sont aujourd'hui les principaux acteurs de la formation professionnelle et qu'une action dans ce domaine doit passer d'abord par elles.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez tout à fait raison, monsieur Goulard, j'ai omis de le dire. Dans l'accord que nous avons passé avec l'artisanat, nous avons prévu des accords avec les conseils régionaux et certains ont déjà été contactés. J'aurais dû le dire t out à l'heure.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 125, 579 et 699.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 292.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements nos 778 et 296, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 778, présenté par MM. Accoyer, Jacob, Muselier, Demange, Hamel, Mariani et Estrosi, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du II de l'article 1er : l'effectif est apprécié au regard du nombre de salariés atteint pendant douze mois consécutifs au cours des trois années précédentes. »

L'amendement no 296, présenté par M. Goulard, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du II de l'article 1er :

« Une entreprise ou unité économique et sociale est considérée comme ayant plus de vingt salariés si son effectif est d'au moins vingt et un salariés pendant chaque mois de l'année 1999. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 778.

M. Bernard Accoyer.

Par cet amendement nous proposons d'évaluer le nombre de salariés qui déclenchera le couperet de la date d'application de la réduction du temps de travail selon une méthode différente de celle prévue dans la dernière phrase du II de l'article 1er

En effet, le seuil figurant actuellement dans le projet sera dissuasif pour l'embauche - Marie-Thérèse Boisseau en a parlé tout à l'heure. Il suffira d'une petite fluctuation d'activité dans l'année précédente pour que le seuil soit franchi et, comme les entreprises le savent, elles s'abstiendront d'embaucher dans la période allant de 2000 à 2002 pour ne pas être obligées de passer aux 35 heures.

Si vous n'adoptez pas cet amendement et si le texte reste en l'état, vous introduirez un frein à l'embauche. C'est pourquoi il vous est proposé de retenir le critère de l'effectif atteint pendant douze mois consécutifs au cours des trois années précédentes.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 296.

M. François Goulard.

Cet amendement, d'inspiration très voisine du précédent, montre à M. le rapporteur, qui ironisait tout à l'heure sur le faible nombre d'amendements communs des groupes de l'opposition, qu'en définitive, même quand nous travaillons chacun dans notre bureau, nous présentons les mêmes amendements parce que les mêmes préoccupations nous animent. Ce qu'a dit Bernard Accoyer est parfaitement exact. Il serait extrêmement dommageable que des emplois soient perdus tout simplement parce qu'une entreprise ne veut pas dépasser le seuil de vingt salariés et se voir obligée de passer aux 35 heures de façon prématurée, deux ans plus tôt qu'elle ne l'aurait prévu. Quelles que soient les modalités retenues, il est donc extrêmement important pour l'emploi d'assouplir la condition d'appréciation du passage à plus de vingt salariés.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé ces deux amendements considérant qu'il ne fallait pas introduire de nouveau mode de décompte des effectifs des entreprises et que la référence en la matière était l'article du code du travail relatif à la mise en place des délégués du personnel. Je souhaite donc que nous en restions là.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 778.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 296.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Gremetz, Outin, Dutin, Patrick Leroy, Malavieille, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 201, ainsi rédigé :

« Compléter le II de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Pour les salariés affectés à des travaux pénibles, tels que définis par décret, pour les travailleurs postés, pour les travailleurs de nuit, travaillant au moins trois heures dans la tranche horaire comprise entre


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vingt-deux heures et cinq heures, la durée légale du travail est fixée à trente-deux heures au 1er janvier 2000. »

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'a déjà dit M. Gremetz, mais je souhaite attirer l'attention sur la réduction du temps de travail pour les travaux postés, de nuit et pénibles.

Une ordonnance de 1982 avait abaissé à 35 heures la durée hebdomadaire moyenne de travail des salariés affectés à des travaux pénibles. Un amendement que nous avions déposé en ce sens avait été adopté lors de la discussion de la première loi sur la réduction du temps de travail. Je rappelle que cette disposition prévoit les conséquences de la réduction du temps de travail sur la situation des salariés travaillant de façon permanente en équipes successives selon un cycle continu. C'est une question de justice et d'efficacité, madame la ministre.

Cette disposition a déjà permis, lors des derniers accords, d'obtenir une réduction supplémentaire du temps de travail pour les travailleurs postés. La seconde loi doit réaffirmer cette volonté sans laquelle toute réduction du temps de travail ne serait ni réellement juste ni efficace, puisque cela reviendrait, en pratique, à soustraire de son champ d'application des pans entiers de salariés pour lesquels elle s'impose pourtant.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement tout en reconnaissant qu'il s'agit d'un problème important et sensible. Les travailleurs postés en continu sont plus de 200 000 dans notre pays. Pour la plupart, ils bénéficient d'un encadrement conventionnel qui est plus favorable que la loi, puisqu'en 1982 une ordonnance avait effectivement ramené à 35 heures la durée du travail pour cette catégorie de salariés. La plupart du temps ils travaillent aujourd'hui 33 heures et 30 ou 36 minutes. Ce débat est particulièrement important, mais la commission a eu le sentiment que cet amendement ne pouvait pas régler la question tout en reconnaissant l'intérêt de la discussion.

M. Bernard Accoyer.

C'est dit avec beaucoup plus de déférence que lorsque cela nous concerne ! C'est mieux emballé !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je crois vraiment que M. Accoyer exagère quand on voit la gentillesse avec laquelle j'ai répondu à l'ensemble de ses pertinentes questions depuis le début de l'après-midi.

Mais enfin, je vais essayer d'en remettre encore une louche ! (Sourires.)

Mme Jacquaint pose une vraie question puisque les salariés en continu étaient déjà à 35 heures à cause de l a difficulté de leur travail. Sur 210 000 salariés en continu, la durée du travail est, en moyenne, de 33 heures 36 p our 167 000 d'entre eux, de 24 heures pour 10 000 autres - ce sont les équipes de fin de semaine - et varie entre 33 heures 36 et 35 heures pour les 30 000 restants.

Je ne crois pas qu'il soit possible aujourd'hui de passer à 32 heures, ne serait-ce que parce que cela ne correspond pas à une organisation du travail en équipes. Peutêtre serons-nous capables de trouver d'autres solutions dans la suite du débat. Mais, pour l'instant, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme Muguette Jacquaint.

Je le regrette vivement !

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je voudrais m'exprimer contre l'amendement tout en reconnaissant qu'il est parfaitement cohérent.

Mme Muguette Jacquaint.

Merci de le reconnaître.

M. François Goulard.

Et c'est également par souci de cohérence que j'y suis personnellement opposé.

Je pense que si le problème soulevé est réel, la solution relève de la convention collective et de l'accord d'entreprise. Mais pour ceux qui estiment que c'est à la loi de fixer la durée légale du travail, il est parfaitement logique de ne pas s'en remettre à la convention et d'écrire dans la loi que la durée du travail doit être sensiblement plus faible pour les travaux particulièrement pénibles, pour le travail posté et, en particulier, pour le travail de nuit.

La position du groupe communiste me paraît donc cohérente avec sa propre conception, mais aussi avec celle du Gouvernement. C'est pourquoi je n'arrive pas à comprendre que la commission, le Gouvernement et une partie de la majorité s'autorisent un tel hiatus entre leur position pour la règle générale et leur position pour les travaux les plus pénibles.

En ce qui nous concerne, nous persistons à dire que cette question doit être soulevée mais qu'elle relève, comme les autres, de la négociation.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

L'amendement déposé par le groupe communiste mérite en effet qu'on s'y attarde. Il pose une vraie question à laquelle il faut essayer d'apporter une vraie réponse.

La vraie réponse, à mon avis, consiste à donner une orientation dans la loi, ce qui permettra à la négociation d'aboutir, par voie de convention collective ou d'accord d'entreprise, à des résultats d'autant plus tangibles que l'effort demandé serait extrêmement modeste.

C'est pourquoi nous voterons cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Vous le savez, madame la ministre, nous sommes très attachés à cet amendement, que nous avions d'ailleurs proposé dès la première loi.

Quelque 2,5 millions de salariés sont concernés, ceux qui travaillent en 2/8 ou en 3/8, c'est-à-dire dans des conditions de grande pénibilité.

Mme Boisseau parlait des gens qui travaillent sur ordinateur. Chez Goodyear, chez Dunlop, chez Valeo, c'est à la chaîne qu'ils travaillent ! Ils font les 3/8. Ils ont les mains dans le cambouis. Cela existe aussi. Il faut prendre en compte la diversité des entreprises.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est exactement ce que nous demandons.

M. Maxime Gremetz.

Je souhaite que, d'une façon ou d'une autre, cette disposition soit inscrite dans la loi. Le choix de l'article 1er n'est peut-être pas le meilleur. Mais si le Gouvernement s'engage à nous proposer d'insérer cet amendement à un autre endroit du texte, je suis prêt à le retirer à cet article.

M. Bernard Accoyer.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Dans un article ultérieur, j'ai également déposé, avec quelques collègues du groupe socialiste, un amendement spécifique sur le travail de nuit,


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donc moins large que le vôtre, monsieur Gremetz. Mais même sur ce point précis, il y a entre nos propositions un petit décalage : vous visez les salariés « travaillant au moins trois heures dans la tranche horaire entre 22 heures et 5 heures du matin », alors que nous avons directement transposé la directive européenne, qui est un peu plus favorable aux salariés puisqu'elle considère comme travail de nuit les heures effectuées entre 21 heures et 6 heures du matin.

Il nous faudra donc accorder nos montres pour corriger ce petit « hiatus », comme on dit dans l'opposition.

Cela étant, je suis favorable à votre amendement.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai indiqué que l'organisation du travail en cinq équipes correspond à une durée de 33 heures 36. Je ne crois donc pas que nous puissions imposer une durée de 32 heures pour le travail posté. Mais je suis prête à examiner, au moment où nous parlerons des charges sociales et des aides incitatives, une disposition qui pousserait les entreprises à faire passer l'ensemble des travailleurs en continu à 33 heures 36, c'est-à-dire à cinq équipes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ne vous laissez pas faire, monsieur Gremetz !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

L'essentiel, c'est que cela figure dans le texte. Le Gouvernement en prend l'engagement et nous propose que ce soit à l'article concernant les exonérations de charges. Cette proposition me convient et, en accord avec Mme Jacquaint, je retire notre amendement.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Bien joué, madame la ministre !

M me Roselyne Bachelot-Narquin.

Les deniers de Judas ! (Exclamations sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

L'amendement no 201 est retiré.

MM. Gremetz, Outin, Dutin, Patrick Leroy, Malav ieille, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste et apparentés ont présenté un amendement, no 202, ainsi rédigé :

« Compléter le II de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« La réduction du temps de travail résultant de l'application de l'article L. 212-1 du présent code est opérée à partir d'un mode constant de décompte des éléments de l'horaire collectif. »

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Mes chers collègues, je comprends que vous soyez impatients, mais ce sont là des d écisions importantes. Mme Jacquaint défend notre amendement, j'interviens à mon tour, Mme la ministre prend un engagement : avant de retirer l'amendement, il faut bien que nous nous concertions avec Mme Jacquaint pour décider ensemble démocratiquement.

M. Bernard Accoyer.

Il n'y a vraiment que le texte que l'on enrichit ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Monsieur Accoyer, on voit bien que vous ne connaissez pas la démocratie ! Cela demande du temps ! Et plus encore dans le cadre de la parité.

(Rires.) Les femmes, il faut les convaincre, elles sont très énergiques !

M. François Goulard.

Si vous voulez porter plainte, le commissariat n'est pas loin ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

Mais j'en viens, monsieur le président, à l'amendement no 202.

Attentifs, d'une part, aux diverses expériences auxquelles a donné lieu la première loi relative à la réduction négociée du temps de travail et conscients, d'autre part, des errances inéluctables inhérentes à tout dispositif expérimental - car il s'agit d'un dispositif expérimental et inachevé - il nous paraît souhaitable et nécessaire de rectifier ces errances, et ce d'autant plus qu'il revient à la présente loi d'homogénéiser et de rendre plus juste le cadre de négociation offert à la réduction du temps de travail.

Ainsi, concernant la mise en oeuvre de la durée légale du temps de travail, la première loi n'accordait la faculté de s'opposer à l'exclusion des pauses antérieurement considérées comme faisant partie du temps de travail que dans le cas des accords bénéficiant d'aides publiques. De plus, ce moyen de défense et de protection des acquis des salariés ne leur est ouvert que jusqu'à la date limite du 31 décembre 1999.

Cette faculté apparaît d'autant plus restreinte qu'elle a permis, par exemple, dans l'accord de réduction du temps de travail intervenu au sein du groupe Intermarché, de déduire du temps de travail effectif les trois minutes de pause par heure travaillée, soit l'équivalent de 117 minutes hebdomadaires. Ainsi la direction d'Intermarché s'est-elle crue en mesure de considérer que ses salariés ne travaillent pas 39 heures par semaine, mais d'ores et déjà 37 heures.

Par conséquent, pour des raisons d'équité sociale évidentes, il est fondamental d'élargir la disposition contenue dans la première loi afin que la réduction du temps de travail s'opère à partir d'un mode constant et uniforme de décompte des éléments de l'horaire collectif. La réduction négociée du temps de travail ne peut ni ne doit anéantir les acquis des salariés en matière de conditions de travail, car ces acquis, madame Boisseau, ne sont en rien des privilèges négociables.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Pourquoi moi ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

M. Gremetz et Mme Jacquaint posent souvent des questions très pertinentes.

C'est le cas pour celle-ci, qui concerne le mode de calcul du temps de travail.

Mme Marie-Thérèse Boisseau et M. Bernard Accoyer.

C'est une vraie question !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Leur préoccupation partagée sur de nombreux bancs de la commission et, j'imagine, de cette assemblée, est d'éviter qu'à l'occasion de la négociation sur la réduction du temps de travail, on ne remette en cause des éléments de l'horaire qui, de par la loi, sont inclus dans le temps de travail effectif mais qui seraient en quelque sorte « ratissée » pour que la réduction soit formelle et non pas réelle.

La proposition qui nous est soumise me sembles atisfaite par la réécriture du deuxième alinéa de l'article L. 212-4, qui définit le temps de travail effectif et précise très exactement les conditions dans lesquelles les temps de pause, d'habillage, de déshabillage et de restauration sont inclus dans le temps de travail effectif.

Cette disposition a d'ailleurs été complétée par d'autres amendements qui visent à protéger les salariés contre la remise en cause d'avantages, s'il n'y a pas eu, pour un plan social par exemple , réduction effective du temps de travail.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

Trois rédactions du deuxième alinéa avaient été proposées par les groupes de la majorité, dont l'une par le groupe communiste. Nous sommes tombés d'accord sur la proposition de M. Cochet. Cette rédaction à laquelle vous vous êtes associés, madame Jacquaint et monsieur Gremetz, apporte, me semble-t-il, une réponse à la question légitime que vous posez. L'attente des salariés en la matière est très forte. De nombreux exemples de tentatives comparables à celle que vous évoquez le justifient. Il faut, bien entendu, les décourager en permettant à la loi de s'appliquer dans son intégralité.

M. Maxime Gremetz.

Puis-je poser une question monsieur le président ?

M. le président.

Je vous en prie.

M. Maxime Gremetz.

Dans le cas précis de l'accord imposé par Intermarché, la réponse doit être claire : il faudra renégocier cet accord en fonction de la loi.

S'il en est ainsi, nous retirons cet amendement, que nous avions déposé pour mettre en évidence les abus dont sont victimes tous les employés de la grande distribution soumis à des accords de ce genre.

Je connais déjà la réponse, mais j'aime mieux qu'on me la confirme de vive voix.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Sous réserve des précisions qu'apportera Mme la ministre, il est bien clair qu'à partir du moment où la loi donne une définition du temps de travail effectif, assortie de critères précis en particulier pour les temps de pause, tout accord qui ne prendrait pas en compte ces dispositions ne pourrait pas être et ne serait pas considéré comme légal. Naturellement, il faut pouvoir interpréter l'accord au regard de ces dispositions.

J'ajoute qu'à partir du 1er janvier 2000 l'ensemble des accords négociés devront, pour bénéficier de l'allégement, avoir fait l'objet d'une approbation par les salariés. C'est pour eux une garantie supplémentaire que la loi s'appliquera et que les avantages sur lesquels ils souhaitent pouvoir conclure un accord seront pris en compte.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que la commission.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Compte tenu des précisions fournies par le rapporteur, nous retirons l'amendement.

M. le président.

L'amendement no 202 est retiré.

MM. Accoyer, Jacob, Muselier, Mariani et Demange ont présenté un amendement, no 128, ainsi rédigé :

« Compléter le II de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Toutefois, la durée légale prévue à l'article L. 212-1 du code du travail ne s'applique pas aux entreprises qui réalisent plus de deux tiers de leur chiffre d'affaires à l'exportation. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Afin d'être agréable à Mme la ministre, et dans l'espoir qu'elle répondra enfin favorablement à un appel que je lui lance, je suis prêt, monsieur le président, à défendre simultanément les amendements nos 128, 127, 129, et 130, ce dernier ayant été classé par erreur dans la liasse après l'amendement no 156.

M. le président.

Je vous en remercie.

L'amendement no 127, présenté par MM. Accoyer, Jacob, Muselier, Mariani et Demange, est ainsi rédigé.

« Compléter le II de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Toutefois, la durée légale prévue à l'article L. 212-1 du code du travail ne s'applique pas aux entreprises dont le secteur d'activité traverse, à la date fixée ci-dessus, une période de récession ».

L'amendement no 129, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Compléter le II de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Toutefois, la durée légale prévue à l'article L. 212-1 du code du travail ne s'applique pas aux entreprises du secteur de la sous-traitance automobile. »

L'amendement no 130, présenté par M. Accoyer, est ainsi rédigé :

« Compléter le II de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« Toutefois, la durée légale prévue à l'article L. 212-1 du code du travail ne s'applique pas aux entreprises du décolletage. »

Poursuivez, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Ces amendements tendent à permettre de modifier les dispositions d'application de la loi en fonction des nécessités propres à certaines catégories d'entreprises.

L'amendement no 128 concerne celles qui réalisent une part importante de leur chiffre d'affaires à l'exportation.

La proportion des deux tiers que je propose illustre à quel point nos entreprises sont exportatrices. En France, je le rappelle, un quart des salariés travaillent uniquement pour l'export. Or les entreprises qui exportent sont, par définition, soumises à la concurrence redoutable des pays de la Communauté, des pays de l'Europe centrale et des pays où se pratique, malheureusement, le dumping social.

Nous proposons également d'atténuer le caractère rigide de cette loi en faveur des entreprises qui traversent une période de récession, en leur laissant la liberté d'apprécier s'il leur est possible de négocier la réduction du temps de travail, afin de leur offrir une chance supplémentaire, à elles et surtout à leurs salariés.

Les deux derniers amendements concernent respectivement les entreprises de la sous-traitance automobile et les entreprises du décolletage.

Pour ces dernières, j'espère obtenir une réponse, madame la ministre, à ma proposition de convention multipartite entre la profession, les collectivités locales et la collectivité nationale, en vue de la signature d'un protocole d'application progressive de la réduction du temps de travail en contrepartie de l'embauche de jeunes dont cet étalement permettrait la formation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission les a repoussés, mais je souhaite le dire à M. Accoyer avec le maximum de précaution et de gentillesse, pour être en phase avec l'observation qu'il m'a adressée tout à l'heure.

Qu'il sache donc que c'est avec les plus vifs regrets que nous avons dû repousser ces amendements d'un très grand intérêt mais qui ne répondaient pas exactement à ce qu'est, selon nous, l'esprit de la loi.

M. Bernard Accoyer.

Dit ainsi, c'est plus agréable !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'est pas question, je l'ai dit, de repousser les délais prévus dans la loi.

En revanche, pour la profession du décolletage, comme pour les autres d'ailleurs, nous sommes prêts à signer un accord de développement de la formation professionnelle - Mme Péry vient de le faire avec le textile - en mettant à sa disposition des outils publics, notamment l'ANPE pour la recherche des candidats potentiels, ainsi qu'en finançant une partie de cette formation pour les secteurs en difficulté. Mais cela, bien évidemment, dans le respect des délais légaux.

Bref, nous sommes ouverts à toutes les discussions sur la formation avec la branche du décolletage et avec les régions concernées.

M. Bernard Accoyer.

Sans délai supplémentaire, on ne peut pas assurer la formation.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 130.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Lemoine et M. Poignant ont présenté un amendement, no 631, ainsi rédigé :

« Compléter le II de l'article 1er par les deux alinéas suivants :

« Un délai supplémentaire de deux ans est accordé aux entreprises dès lors qu'il existe dans une branche professionnelle des difficultés particulières de recrutement de personnel qualifié.

« En contrepartie de ce délai, les branches concernées s'engagent à ouvrir des négociations en matière de formation professionnelle ou d'adaptation aux postes non pourvus. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Un débat ayant eu lieu en commission sur cet amendement, j'aurais aimé savoir comment se passeront les choses dans les branches où il y a nécessité de formation professionnelle. Certes, Mme la ministre vient d'indiquer qu'elle est disposée à utiliser les moyens de la puissance publique pour former des jeunes dans des domaines où la qualification est essentielle et où les personnes qualifiées manquent, mais chacun sait qu'il faut du temps pour former. Cela ne peut pas être fait d'un coup de baguette magique.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Commençons tout de suite !

M. Bernard Accoyer.

Il conviendrait donc d'accorder un délai supplémentaire aux entreprises des secteurs concernés.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Absolument !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 631.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques nos 9, 391 et 824.

L'amendement no 9 est présenté par M. Doligé, M. Schneider et M. Estrosi ; l'amendement no 391 est présenté par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ; l'amendement no 824 est présenté par MM. Bur, Blessig,

Mme Boisseau, MM. Gengenwin et Morin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après le III de l'article 1er insérer le paragraphe suivant :

« IV. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 212-2 du code du travail, après le mot : "étendu", sont insérés les mots : "ou agréé". »

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour soutenir l'amendement no

9.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Cet amendement important a fait l'objet d'une discussion extrêmement approfondie en commission des affaires sociales et je crois me souvenir, monsieur le président de la commission, que vous aviez bien voulu admettre qu'il s'agissait d'un véritable problème.

M. Bernard Accoyer.

Oui.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous aviez même proposé qu'il soit retenu par la commission.

M. Bernard Accoyer.

Absolument !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

En juin dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt qui a limité la mise en oeuvre des équivalences horaires aux décrets, aux accords de branche étendus et aux accords d'entreprise.

Afin d'éviter les conséquences extrêmement graves de cet arrêt pour le secteur sanitaire et social, je propose cet amendement qui tend à ouvrir le régime des heures d'équivalence aux conventions agréées. Ainsi, la convention collective du 16 mars 1966 relative aux établissements et services pour personnes inadaptées ou handicap ées et celle du 31 octobre 1951 relative aux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux à but non lucratif seraient valides.

Dans le cas contraire, ces établissements risqueraient de connaître de grandes difficultés.

Monsieur le président de la commission, vous étiez favorable à cet amendement auquel M. le rapporteur avait porté un intérêt bienveillant. Nous étions tout à fait ouverts à une discussion. La balle est donc dans votre camp, car il faut résoudre le problème posé à ces établissements qui auront déjà de très grandes difficultés à mettre en place les 35 heures.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour soutenir l'amendement no 824.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il est défendu. Je partage tout à fait l'argumentation de Mme Bachelot.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La question du régime des équivalences posée à travers cet amendement gagnerait à être clarifiée. C'est pourquoi nous avons déposé un


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 7 OCTOBRE 1999

amendement qui viendra en discussion plus tard visant à préciser sous quelles conditions peut être mis en place un régime d'équivalences. Jusqu'à présent on considérait que cela devait se faire par décret ou par un accord de branche étendu et la jurisprudence de la Cour de cassation avait eu tendance à considérer qu'une telle extension pouvait également être opérée par accord d'entreprise en s'appuyant sur une autre disposition du code du travail.

L'amendement annoncé devrait satisfaire votre demande car il tend à réécrire complètement le dispositif concernant le régime des équivalences. Il indique notamment qu'il ne pourra être mis en place que dans des conditions bien précises. Il est en effet bien évident que si on laissait étendre le régime d'équivalences notamment aux accords d'entreprises, la réduction effective du temps de travail à 35 heures ne serait pas fréquente puisqu'on pourrait sans cesse considérer que des durées supérieures sont équivalentes à 35 heures, y compris dans le cadre d'une négociation menée au niveau d'un établissement ou d'une entreprise, ce qui ne serait pas acceptable.

Sous réserve de ce que dira alors Mme la ministre, l'amendement que nous avons déposé à l'initiative de notre collègue Yves Cochet et adopté en commission semble répondre à la préoccupation que vous avez évoquée en commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis.

M. le président.

L'amendement no 391 n'est pas défendu.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 9 et 824.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

FIN DE LA MISSION TEMPORAIRE D'UN DÉPUTÉ

M. le président.

Par lettre du 6 octobre 1999, M. le Premier ministre m'a informé que la mission temporaire précédemment confiée à M. Guy Lengagne, député du Pas-de-Calais, avait pris fin le 6 octobre 1999.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi no 1786 rectifié, relatif à la réduction négociée du temps de travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1826).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT