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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 7342).

2. Réduction négociée du temps de travail. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 7342).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 7342)

Après l'article 4 (p. 7342)

Amendement no 952 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et d e la solidarité ; MM. Bernard Accoyer, François Goulard, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; Maxime Gremetz, Mme Roselyne Bachelot-Narquin. - Retrait de l'amendement no 952 rectifié.

Amendement no 470 de la commission des affaires culturelles et amendement no 947 de M. Hammel, avec le sous-amendement no 1054 de M. Accoyer : MM. le rapporteur, Maxime Gremetz, Francis Hammel, Mme la ministre, François Goulard. - Adoption de l'amendement no 470 ; l'amendement no 947 et le sous-amendement no 1054 n'ont plus d'objet.

Amendement no 953 de M. Cochet : M. Yves Cochet.

Amendement no 1012 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre, MM. François Goulard, Eric Doligé, Maxime Gremetz, le président. - Rejet des amendements nos 953 et 1012.

Article 5 (p. 7352)

Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Hervé Morin, Mme R oselyne Bachelot-Narquin, MM. François Goulard, Georges Sarre, Philippe Martin, Daniel Paul, Gérard Terrier, Yves Cochet, Mme la ministre.

Amendements de suppression nos 279 de M. Goulard et 541 d e M. Accoyer : MM. François Goulard, Bernard Accoyer, le président de la commission, Mme la ministre,

M. Hervé Morin.

Rappel au règlement (p. 7362)

MM. Bernard Accoyer, le président.

Reprise de la discussion (p. 7362)

M. Eric Doligé. - Rejet des amendements de suppression.

Amendement no 678 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

ARTICLE L. 212-15-1 DU CODE DU TRAVAIL (p. 7364)

Amendement no 542 de M. Accoyer : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements nos 886 de M. Barrot et 471 rectifié de la commission : Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement no 886 ; adoption de l'amendement no 471 rectifié.

Les amendements no 186 de M. Pélissard, 726 de M. Doligé, 3 45 de M. Goulard, 875 de M. Morin, 55 de M. Mariani, 617 de M. Philippe Martin, 694 de M. Galard, 314 de M. Gremetz, 187 de M. Pélissard et 58 de M. Mariani n'ont plus d'objet.

ARTICLE L.

212-15-2 DU CODE DU TRAVAIL (p. 7365)

Amendement no 346 de M. Goulard : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 56 de M. Mariani et 695 de M. Goulard, et amendement no 315 de M. Gremetz : MM. Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. Rejet des amendements nos 56 et 695.

MM. Daniel Paul, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement no 315.

Amendements identiques nos 910 de M. Goulard et 944 de M. Accoyer : MM. François Goulard, Bernard Accoyer, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

A mendement no 917 de M. Mattei : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 727 de M. Doligé : MM. Eric Doligé, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

ARTICLE L.

212-15-3 DU CODE DU TRAVAIL (p. 7367)

Amendements nos 654 de M. Goulard et 316 et 317 de M. Gremetz : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre, M. Hervé Morin, Mme Muguette Jacquaint. - Rejets.

A mendement no 445 de M. Proriol : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 909 de M. Goulard et 945 de M. Accoyer, et amendement no 1028 de M. Gengenwin : M. François Goulard, Mme Christine Boutin, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejets.

Amendement no 1053 de M. Gorce : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 60 de M. Mariani et 347 de M. Goulard : MM. Eric Doligé, François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

A mendement no 918 de M. Mattei : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 61 de M. Mariani : MM. Eric Doligé, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 1018 de M. Terrier : MM. Gérard Terrier, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement no 1018 corrigé.

Les amendements nos 446 de M. Proriol et 751 de

M. Goulard n'ont plus d'objet.

A mendement no 447 de M. Proriol : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 348 de M. Goulard et 876 de Mme Boisseau : M. François Goulard, Mme Marie-thérèse Boisseau, M. le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 184 de M. Pélissard : Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. le rapporteur, Mme la ministre. Rejet.

Amendement no 473 de la commission : MM. Gérard Terrier, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 954 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 763 corrigé de M. Delnatte : Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. le rapporteur, Mme la ministre. Rejet.


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Amendement no 474 de la commission : MM. Gérard Terrier, le rapporteur, Mmes la ministre, Roselyne BachelotNarquin. - Adoption.

Amendement no 349 de M. Goulard : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 448 de M. Proriol : MM. François Goulard, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques no 62 de M. Mariani et 618 de M. Philippe Martin, et amendement no 929 de M. Nicolin : MM. Eric Doligé, François Goulard, le rapporteur,

Mme la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 63 de M. Mariani, 619 de M. Philippe Martin et 725 de M. Doligé : MM. Eric Doligé, le rapporteur, Mme la ministre, M. Gérard Terrier. - Rejet.

Amendement no 475 de la commission : MM. Gérard Terrier, le rapporteur, Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 955 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 476 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre, M. François Goulard. - Adoption.

Amendement no 956 de M. Cochet : MM. Yves Cochet, le rapporteur, Mme la ministre. - Rejet.

Amendement no 942 de M. Delalande : Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. le rapporteur, Mme la ministre.

- Rejet.

Amendement no 477 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre. - Adoption.

Amendement no 478 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la ministre, M. François Goulard. - Adoption.

ARTICLE L.

212-15-4 DU CODE DU TRAVAIL (p. 7379)

Amendement no 173 de M. Pélissard ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. le rapporteur, Mme la ministre.

- Rejet.

Adoption, par scrutin, de l'article 5 modifié.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Saisine du Conseil constitutionnel (p. 7380).

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7380).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président.

J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au pacte civil de solidarité.

2 RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 1786 rectifié, 1826), Discussion des articles (suite)

M. le président.

Hier soir l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement no 952 portant article additionnel après l'article 4.

Après l'article 4

M. le président.

M. Cochet, Mmes Benayoun-Nakache, D avid, Génisson, M. Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 952, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Il est créé, au chapitre III du livre II du code du travail, une section préliminaire intitulée :

« Dispositions générales.

« Art. L.

213-0. Le recours au travail de nuit doit être exceptionnel et justifié par des raisons techniques ou sociales. Il est subordonné à la conclusion préalable d'un accord de branche étendu précisant les justifications de ce recours.

« Tout travail entre vingt et une heures et six heures est considéré comme travail de nuit.

« La durée d'un poste de nuit comme poste incluant au moins trois heures dans la période définie à l'alinéa précédant, ne peut excéder huit heures par vingt-quatre heures. La durée du poste de nuit ne peut être dépassée qu'en cas de circonstances exceptionnelles, sur autorisation de l'inspecteur du travail, après consultation du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel. En cas d'urgence, la durée du poste de nuit peut être dépassée dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

« Le recours au travail de nuit est subordonné à la conclusion préalable d'un accord de branche étendu précisant les justifications techniques et sociales de ce recours.

« Tout salarié, homme ou femme, occupé à un travail de nuit bénéficie de contreparties et de garanties.

« Chaque heure effectuée au cours de la période définie à l'alinéa 2 ouvre droit à minimum, à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de cette heure, sans préjudice des dispositions plus favorables contenues dans les accords et conventions collectives.

« L'accord de branche étendu prévoit des garanties destinées à protéger leur santé et leur sécurité, à faciliter leur activité nocturne, notamment en ce qui concerne les moyens de transport, et l'exercice de leurs responsabilités familiales et sociales, et à leur assurer des chances de développement de carrière notamment par l'accès à la formation professionnelle. »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, mes chers collègues, vous aurez observé que, outre mes camarades députés Verts et trois membres du groupe socialiste -

M mes Benayoun-Nakache, David et Génisson -, M. Gremetz s'est associé à cette proposition d'article additionnel.

Je précise d'emblée que nous souhaitons rectifier l'amendement en supprimant l'avant-dernier alinéa.

M. le président.

L'amendement no 952 est ainsi rectifié.

M. Yves Cochet.

Une directive européenne de 1993, pas encore totalement transposée en droit interne, définit ce qu'est le travail de nuit. Au paragraphe 4 de l'article 2 de la section I, le travailleur de nuit est défini comme

« tout travailleur qui accomplit durant la période nocturne au moins trois heures de son temps de travail journalier accomplies normalement ». Et, au paragraphe 1, article 8, de la section III, il est précisé que « le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures ».

D'autre part, une étude statistique sur les horaires de travail, le travail occasionnel, le délai de prévenance, réalisée en 1998 par la DARES, direction de l'animation de


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la recherche, des études et des statistiques, du ministère français de l'emploi et de la solidarité, révèle que « la proportion de salariés travaillant la nuit a augmenté depuis le début de la décennie ».

« En 1998, près de 3 millions de salariés travaillent au moins une nuit dans l'année, soit 20 % des hommes et 6 % des femmes. C'est le travail de nuit fréquent » - ce qui veut dire au moins 51 et jusqu'à 100 nuits dans l'année - « ou systématique » - ce qui veut dire plus de 100 nuits dans l'année - « qui se développe. »

On le voit, le travail de nuit a tendance à se développer, et il faut en encadrer la pratique. Notre amendement propose une transposition de la directive européenne et l'instauration de garde-fous. Personne ne souhaite la g énéralisation du travail de nuit, mais on peut comprendre que, pour des raisons techniques ou de santé publique, les entreprises y aient recours. Dans ce cas, des contreparties et des garanties doivent être offertes aux salariés. En plus, il faut limiter ce type de travail à des métiers tels que la restauration, la santé, la sécurité, la propreté, par exemple.

Le droit interne doit être mis en conformité avec le droit communautaire. La France a été déjà condamnée en 1997 et une nouvelle procédure de la Commission européenne est en cours. Notre amendement n'est donc qu'un encouragement à la négociation dans toutes les branches qui ont recours au travail de nuit, dont il souligne le caractère exceptionnel et donne une définition qui est exactement celle de la directive européenne.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour donner son avis sur l'amendement no 952 rectifié.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La commission n'a pas retenu cet amendement. Certes, la réflexion engagée sur le travail de nuit est importante, mais elle ne trouve pas forcément sa place dans ce texte et mérite un examen plus approfondi. D'ailleurs, si l'amendement n'a pas été retiré en commission, sa discussion a été suspendue.

M. Yves Cochet.

C'est vrai !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Je m'en tiens à la position exprimée par la commission.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité pour donner l'avis du Gouvernement.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme M. Cochet et les autres signataires de cet amendement, je crois qu'il est souhaitable de mieux définir le travail de nuit dans la législation française, de rédiger des conventions collectives qui en énumèrent les justifications économiques et d'arriver à un véritable statut du travail de nuit.

Toutefois, la rédaction proposée peut poser quelques problèmes que nous n'avons pas encore eu le temps d'envisager. Je vois, par exemple, que la durée du poste ne peut excéder huit heures par vingt-quatre heures.

M. Yves Cochet.

C'est la directive !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Certes, mais elle prévoit des exceptions. Par exemple, certains gardiens de nuit restent sur leur lieu de travail dix ou douze heures d'affilée. De même, des infirmières font douze heures de suite la nuit. Pour les gardes-malades qui s'occupent de personnes handicapées, on peut atteindre dix ou douze heures.

Je ne suis pas opposée à ce que nous essayions de trouver, d'ici à la seconde lecture, une rédaction qui tire les conséquences de la directive sur la définition du travail de nuit ni au fait que la justification du recours au travail de nuit soit réalisée par voie conventionnelle. Il faudra cependant fixer un délai. Nous ne pourrons pas dire que le travail de nuit est interdit à partir du 1er janvier, par exemple, s'il n'y a pas de convention collective.

De même, les dispositions sur la surveillance médicale contenues dans cet amendement ne sont pas sans poser quelques problèmes. Nous devons examiner le dossier très sérieusement, dans l'esprit de la directive, tout en permettant à certaines activités de fonctionner normalement, notamment les activités de service. Car, dans le milieu industriel, cette justification peut se faire facilement et le travail de nuit ne devrait pas y excéder huit heures par vingt-quatre heures.

Je demande donc à M. Cochet de bien vouloir retirer l'amendement, le Gouvernement s'engageant à travailler avec ses signataires, avant la deuxième lecture, à une rédaction susceptible de répondre à leurs souhaits tout en étant véritablement applicable.

M. le président.

Monsieur Cochet, retirez-vous votre amendement ?

M. Yves Cochet.

Peut-être serai-je encore mieux informé après les interventions de mes collègues qui ont demandé la parole ?

M. le président.

MM. Accoyer, Goulard et Gremetz me l'ont demandée. Le règlement autorise trois orateurs à s'exprimer.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Peut-être, en effet, vais-je informer notre collègue Cochet de façon utile et complémentaire. Il est tout à fait normal que, dans ce texte qui porte réduction autoritaire et généralisée du temps de travail, notre collègue Cochet, avec l'idéalisme qui le caractérise...

M. Yves Cochet.

Le réalisme !

M. Bernard Accoyer.

... et sa méconnaissance du monde de l'entreprise, propose de revenir sur la plupart des dispositifs qui régissent les activités professionnelles.

Il est vrai que le travail posté, le travail de nuit, le travail des femmes - plus encore le travail de nuit des femmes -, peut poser des problèmes et que la question mériterait d'être évaluée, voire ajustée. Mais, en réalit é, avec son caractère obligatoire, général et contraignant, ce texte fait progresser dans le pays la culture de la paresse, la culture du « moins travailler »...

M. Yves Rome.

Allons donc !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous n'y croyez pas vous-même, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

... alors qu'il faudrait réduire plutôt le temps de travail en l'aménageant librement, en fonction des aspirations et des besoins des uns et des autres, c'est-à-dire avec les partenaires sociaux représentant les chefs d'entreprise et les salariés. Cette mesure systématique, on le voit bien, ouvre un débat sur la culture du « moins travailler », y compris chez ceux qui ne s'étaient jamais posé la question.

Demandez à toute personne en bonne santé mentale si elle préfère travailler moins et gagner autant : soyez-en sûr, elle répondra oui.

M. Hervé Morin.

Sauf si elle s'ennuie à la maison !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. Bernard Accoyer.

Toutes les dispositions que M. Cochet et certains de nos collègues proposent au fil d es amendements procèdent tout simplement d'un glissement.

M. Yves Cochet.

Non, monsieur Accoyer, ce n'est pas le sujet.

M. Bernard Accoyer.

En tout cas, il est particulièrement grave que le Gouvernement ait pris une décision aussi irresponsable que d'imposer à notre pays une baisse généralisée et autoritaire du temps de travail, méconnaissant les pressions de la concurrence internationale, l'ouverture de notre économie, mais également les aspirations de ceux de nos concitoyens qui préféreraient avoir la marge de négocier et d'obtenir, le cas échéant, une rémunération plus importante.

M. Maxime Gremetz.

Ce n'est plus un glissement, c'est du dérapage !

M. Bernard Accoyer.

Le Gouvernement aurait été mieux inspiré de réfléchir - c'est d'ailleurs ce que nous ferons lorsque nous serons de nouveau aux responsabilités -...

M. Maxime Gremetz.

On a le droit de rêver !

M. Bernard Accoyer.

... au secteur gigantesque qu'il abandonne, celui de la protection sociale complémentaire, que ce soit en matière de maladie, où la couverture complémentaire est devenue indispensable, sinon obligatoire, et où la prévoyance collective doit être développée dans le partenariat, dans la négociation sociale, au sein même des entreprises, ou en matière de vieillesse, tant sont graves la défaillance, le renoncement et la trahison du Gouvernement vis-à-vis de l'avenir de nos retraites.

M. le président.

Chers collègues, je vous remercie de respecter les temps de parole.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je respecterai scrupuleusement le temps que vous voulez bien m'accorder, monsieur le président.

L'amendement de M. Cochet illustre une tendance assez largement répandue dans deux des groupes qui composent la majorité plurielle, le groupe communiste et le groupe RCV. Tout au long de l'examen de ce texte, leurs membres ont proposé, comme ils en avaient parfaitement le droit, des amendements qui vont très au-delà de ce que, même au sein du groupe socialiste, on estime normal d'introduire dans notre réglementation du travail.

Or chacun le sait - un observateur impartial peut le constater facilement - le droit du travail français est plus contraignant que celui de la plupart des pays européens et des pays développés en général. Nous pensons, nous, que la convention devrait y occuper une plus grande place.

Toujours est-il que la majorité est pour partie responsable de l'alourdissement de la réglementation du travail.

O r, même des organismes internationaux comme l'OCDE, qui ne peuvent être soupçonnés ni de partialité ni d'implication dans les débats politiques intérieurs,...

M. Yves Cochet.

Bof !

M. François Goulard.

... le constatent.

La politique du Gouvernement est de réduire le temps de travail par la loi. Nous sommes opposés à cette démarche, du reste politiquement cohérente. La démarche du groupe communiste et du groupe RCV s'inscrit, quant à elle, dans une logique différente, car, s'ils sont d'accord avec le Gouvernement sur le principe de la réduction de la durée du travail par la loi, sur la nécessité de l'imposer à l'ensemble des partenaires sociaux, ils profitent de ce débat pour tenter de rendre notre droit du travail incompatible avec la vie normale des entreprises et avec l'intérêt bien compris des salariés : chacun sait, en effet, que, sans entreprises dynamiques et prospères, on ne peut assurer aucun progrès social pour les salariés.

Pour en venir au problème du travail de nuit qui n'est pas négligeable, comment peut-on prétendre qu'aujourd'hui, dans notre droit positif, il n'y a pas de protection pour les salariés appelés à travailler la nuit ? Comment peut-on prétendre qu'aucune convention collective ne réglemente le travail de nuit pour les professions spécialement concernées ? Comment peut-on prétendre que, de nos jours, il convient de rendre plus difficile, plus contraignant, plus lourd en charges, le travail de nuit ? Dans certaines professions, le travail de nuit a tendance à reculer. Dans d'autres, pour des raisons impérieuses, il est devenu une nécessité. Je prends un exemple.

M. le président.

Rapidement, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

Nous allons parler, dans un instant, des cadres et de l'application du droit commun du travail aux cadres. Or, savez-vous, chers collègues, que, de plus en plus, des cadres - et pas seulement des cadres, d'ailleurs - travaillent avec leurs homologues de pays situés dans des fuseaux horaires différents ?

M. Maxime Gremetz.

Nous sommes moins intelligents que vous, c'est vrai, mais nous ne sommes tout de même pas ignorants !

M. François Goulard.

Savez-vous que, dans des domaines très techniques, des bureaux d'études, des équipes informatiques travaillent au même moment avec une équipe située au Japon et une autre située aux EtatsUnis ?

M. Maxime Gremetz.

Le professeur Goulard nous administre la leçon !

M. François Goulard.

Comment voulez-vous que ces collaborations, qui sont aujourd'hui indispensables pour de nombreuses activités, s'organisent si vous imposez un carcan au travail de nuit ?

M. Yves Cochet.

Les traders !

M. François Goulard.

Il n'y a pas que les traders, monsieur Cochet. Des équipes techniques, des équipes d'ingénieurs sont aujourd'hui obligées d'avoir des contacts suivis avec leurs homologues internationaux.

Je voudrais donc souligner à quel point le groupe communiste, d'une part, le groupe RCV, d'autre part, se situent aux antipodes de l'évolution actuelle de la société et de l'économie en proposant des amendements de provocation, dont je veux principalement retenir qu'ils ont un sens politique, et non pas pratique.

M. Bernard Accoyer.

Très bien ! C'est clair !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Goulard a refait l'intervention que nous avons déjà entendue à deux ou trois reprises,...

M. François Goulard.

Cela vous arrive aussi !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... ce qui signifie qu'il a de la suite dans les idées, ce dont je me félicite, car c'est toujours un plaisir de l'entendre. Il n'en est pas moins malvenu d'attaquer ainsi l'intervention


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de deux groupes de la majorité, en expliquant que la majorité est en train d'imposer un carcan, que la France est le seul pays à le faire,...

M. Bernard Accoyer.

C'est pourtant vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... au moment même où, justement, il est question de transposer une directive européenne que nos voisins ont déjà mise en application.

M. François Goulard.

Mais dans un droit plus souple !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Votre intervention est particulièrement incohérente puisque vous accusez ces députés d'être durs, de défendre un autre monde et une autre société alors qu'ils ne font que demander l'application d'une directive déjà mise en oeuvre dans les autres pays européens.

Certes, nous sommes en retard - et je regrette d'ailleurs que le précédent gouvernement n'ait pas transposé dans notre législation cette directive de novembre 1993 (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) -, mais nous sommes résolus à le faire ! Vous les avez attaqués de la même manière hier quand il a été décidé d'appliquer la directive sur le repos quotidien de onze heures, lequel s'ajoute au repos hebdomadaire de vingt-quatre heures. Et j'espère que, tout à l'heure, l'Assemblée acceptera un amendement du groupe communiste sur le travail des jeunes, qui tend aussi à transposer dans notre droit une directive européenne.

Il faut essayer de sortir de ce discours tout fait, un peu politicien. Pour notre part, nous sommes en train d'améliorer le code du travail à l'instar de ce qu'ont fait nos voisins qui, eux, ont déjà appliqué cette directive.

Peut-être pourriez-vous, monsieur Goulard, utiliser ce type de discours à un autre moment, car sur cet amendement, il est malvenu. De surcroît, je ne peux pas imaginer un seul instant que vous ne souhaitiez pas protéger les travailleurs de nuit, comme ils le sont dans tous les pays européens.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. François Goulard.

Ces travailleurs ne sont-ils pas protégés en France ?

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Je ne suis pas persuadé que l'intervention de Mme la ministre vous évitera, monsieur Goulard, de revenir toujours sur le même problème.

N'essayez pas d'opposer au sein de la majorité le groupe communiste au groupe socialiste ou au groupe RCV. Nous avons certes des origines différentes, mais les débats que nous avons entre nous ne peuvent que nous enrichir. Et c'est pour cela que nous sommes majoritaires.

Au reste, tout le travail que nous faisons nous permet d'aboutir à des synthèses. Et vous verrez d'ailleurs, monsieur Goulard, que, sur ce texte comme sur d'autres, nous y parviendrons. Nous y sommes toujours parvenus depuis deux ans, et il n'y a aucune raison que nous n'y parvenions pas encore. Tout ce travail d'élaboration collective permet d'enrichir ce que nous sommes en train de faire.

Ensuite, monsieur Goulard, cessez de parler de lourdeurs ! Vous êtes un jeune député...

M. François Goulard.

Pas jeune, récent !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Certes vous êtes un « récent » député, mais, par rapport à moi, vous êtes un jeune député, non dépourvu de talent d'ailleurs - et je vous l'ai souvent dit. Pour autant, vous avez très peu de mémoire de ce qui s'est passé ces dernières années.

Chaque fois que nous avons dû légiférer pour remédier à l'insuffisance du dialogue social, l'incapacité des partenaires sociaux - souvent en raison des réticences du patronat - à définir des règles, on nous a opposé le même discours.

Quand nous avons fait voter les lois Auroux, on nous a parlé de soviétisation de l'économie !

M. Yves Cochet.

Oh ! Quelle horreur !

M. François Goulard.

Encore que, à l'époque...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Cela a été répété à l'envies. Or les événements nous ont d onné raison. Des garanties supplémentaires ont été apportées, les comportements ont évolué, mais peut-être insuffisamment, et c'est pourquoi nous légiférons de nouveau.

Moi, je ne rêve que d'une chose, monsieur Goulard, c'est que la force du mouvement syndical grandisse suffisamment pour obliger enfin le patronat à considérer que seules la convention, la négociation, la discussion permettent d'aboutir à des solutions satisfaisantes, l'Etat ne devant plus légiférer que lorsque c'est indispensable.

Cessez de nous jeter à la tête de prétendues lourdeurs réglementaires, alors que nous ne faisons que remédier à des insuffisances, au plus près, et défendre les intérêts des salariés dont vous savez très bien que, depuis vingt ans, sous la pression du chômage, ils en ont été réduits à subir beaucoup de choses ! La situation économique et celle de l'emploi devenant beaucoup plus positives, le moment est venu de remettre sur les rails des avancées sociales qui ont été bloquées pendant trop longtemps !

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

La droite a un discours répétitif.

M. Bernard Accoyer.

Moins que le vôtre !

M. Maxime Gremetz.

Elle veut bien légiférer, mais uniquement quand ça l'intéresse...

M. François Goulard.

Elle légifère moins que vous, en tout cas !

M. Maxime Gremetz.

... et pas dans le cas inverse.

Pourtant, toute l'histoire de notre pays montre qu'il a toujours fallu des mouvements populaires, des mouvements sociaux débouchant sur des négociations, puis des lois, pour parvenir à des avances significatives de société et de civilisation.

J'ai eu l'occasion de le rappeler hier, vous teniez le même type de discours quand vous aviez décidé de vous attaquer au code du travail. Non seulement vous ne voulez pas qu'on légifère, mais vous faites des lois pour défaire d'ancienne lois !

M. François Goulard.

C'est vous qui les faites en ce moment !

M. Maxime Gremetz.

C'est vrai que, à l'époque, vous n'étiez pas là, ni M. Morin, ni M. Accoyer d'ailleurs !

M. Bernard Accoyer.

Moi, j'y étais !

M. Maxime Gremetz.

En revanche, Mme Bachelot était présente lors du débat sur la loi quinquennale et elle doit se souvenir de quoi il était question ! Je rappelle tout


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

de même que le groupe communiste avait déposé une proposition sur les 35 heures en 1996. Tout ceci n'est donc pas totalement nouveau.

M. François Goulard.

C'était déjà dans le programme commun !

M. Maxime Gremetz.

Cela dit, je suis d'accord avec l'amendement, dans la mesure où il ne remet pas en cause la disposition du code du travail sur l'interdiction du travail de nuit des femmes dans l'industrie. Cette disposition est aujourd'hui globalement appliquée. L'amendement tend à encadrer le dispositif et à donner des garanties supplémentaires.

Nous ne vivons pas, monsieur Goulard, dans un autre monde, nous ne sommes pas sur une autre planète, et nous voyons bien que des centaines de milliers de femmes, pour ne pas dire des millions, travaillent la nuit.

Notre civilisation progresserait s'il n'y avait plus de travail de nuit. Des rapports sur la santé montrent que le travail de nuit, comme le travail en équipe, n'est pas bon pour les individus : ceux qui travaillent dans ces conditions vivent huit à dix ans de moins. Vous le savez bien, docteur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Pour ma part, j'ai beaucoup travaillé de nuit !

M. le président.

Monsieur Gremetz, n'interpellez pas vos collègues.

M. Maxime Gremetz.

Il s'agit, donc, d'encadrer le travail de nuit des femmes là où il est inévitable. Tel qu'il est, l'amendement me convient, excepté - et nous en avons parlé avec M. Cochet - l'avant-dernier alinéa.

M. Yves Cochet.

Je l'ai supprimé !

M. Maxime Gremetz.

C'est bien, car cet alinéa me paraissait exagéré et excessif. Comme je suis un être raisonnable. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), une telle suppression ne peut que me convenir.

Si je vous ai bien entendu, madame la ministre, vous avez bien dit que cet amendement était intéressant,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Maxime Gremetz.

... mais que vous proposiez d'en revoir la rédaction. Dans ces conditions, je suis prêt, si M. Cochet en est d'accord, à retirer l'amendement, étant bien entendu que vous vous engagez à ce qu'un autre amendement, dont nous élaborerons ensemble la rédaction, sera déposé d'ici à la deuxième lecture.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Le sujet est extrêmement important, puisque nous examinons le travail de nuit des femmes au détour de cet amendement sur les conditions du travail de nuit en général. Nous le savons, la France a été condamnée en raison de sa législation qui, au motif louable de protéger les femmes, apparaît, à bien y regarder, comme un facteur de discrimination négative en leur défaveur. Il est donc très important de conformer notre droit au droit européen.

Madame la ministre, je vous ai entendue. Vous nous dites que le sujet est à l'étude. Il est temps, d'ailleurs, parce que je crois que les pénalités infligées à la France s'accumulent. Je crois même qu'elles sont infligées journellement.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pas encore !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Pas encore, mais elles pourraient l'être. Une mise en conformité est donc nécessaire, et il me paraît assez logique qu'elle soit l'occasion de réexaminer les conditions de travail de nuit de l'ensemble des salariés.

Mais enfin, madame la ministre, en vous entendant dire - ce n'est pas la première fois que vous nous faites le coup - que l'amendement de M. Cochet était intéressant, mais pas bien finalisé et que vous alliez y travailler, je me disais que cette histoire-là dure tout de même depuis un bon moment...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A qui la faute ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... et que ce texte nous donnait l'occasion de la régler.

Je note au passage que l'amendement est cosigné non seulement par les membres du groupe RCV, mais aussi par Mme Génisson, qui vient d'être nommée rapporteuse générale à l'Observatoire de la parité. Je doute qu'elle ait signé cet amendement sans en connaître les tenants et les aboutissants.

J'avoue être surprise, madame la ministre, par la façon dont vous bottez en touche et dont vous refusez que l'on examine cet amendement pour en tirer des conclusions dans un sens ou dans un autre. Si la proposition de M. Cochet n'est pas bonne, il faut faire une contreproposition maintenant !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame Bachelot, à qui la faute ? Je rappelle que j'étais ministre en 1992 et que le texte était prêt. Or mes deux successeurs l'ont enterré.

M. François Goulard.

Il y avait tant de déficits à combler !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'ai trouvé aussi beaucoup d'autres dossiers sous le tapis, que j'essaie de régler l'un après l'autre.

S'agissant de la directive en question, elle ne devait pas être visée par le texte que nous examinons, car il s'agit d'un texte sur les 35 heures. Il était prévu de traiter cette directive, comme celle sur les onze heures de repos quotidien et celle sur le travail des jeunes, dans la loi de transcription des directives : nous la préparons et elle doit être examinée par l'Assemblée au printemps. Voilà la raison pour laquelle le texte n'est pas prêt.

Sur un sujet aussi délicat que le travail de nuit, n'ayant pas votre talent, madame Bachelot, je ne suis pas capable de faire dans la minute une contre-proposition sur un dossier que mes deux prédécesseurs n'ont pas réussi à faire avancer en quatre ans. Acceptez que je prenne un peu de temps d'ici à la deuxième lecture pour l'examiner.

Cela dit, tout le monde connaît ma position, car je l'ai déjà défendue en 1992. Je regrette que mes successeurs n'aient pas eu le courage de traiter ce problème.

M. Bernard Accoyer.

Que ne l'avez-vous fait vousmême ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous nous apprêtions à le faire, mais la majorité a changé.

Heureusement, nous sommes revenus aux affaires ! Nous avions envisagé de traiter la transcription de cette directive, qui pose le problème des onze heures de repos quotidien, celui du travail des jeunes enfants et celui du


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travail de nuit, dans la grande loi de transcription des directives, qui sera examinée au printemps. J'ai treize ou quatorze directives à transcrire et je ne suis donc pas encore totalement prête.

Plusieurs députés ont souhaité déposer un amendement. Je n'ai pas d'opposition de fond à le traiter, mais je souhaite l'examiner de près, car c'est un travail et il n'a pas été fait. J'espère que nous arriverons à trouver une rédaction convenable d'ici à la deuxième lecture.

Mais je le dis de nouveau, les retards ne sont pas dus à ce gouvernement. Du reste, la France a été poursuivie devant la Cour de justice européenne alors que la gauche était dans l'opposition !

M. le président.

Monsieur Cochet, maintenez-vous votre amendement ?

M. Yves Cochet.

Après les engagements que vient de prendre Mme la ministre, et avec l'accord de Mme Génisson et de M. Gremetz, je le retire.

M. le président.

L'amendement no 952 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 470, présenté par M. Gorce, rapporteur, M. Gremetz, les commissaires membres du groupe communiste et M. Francis Hammel, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Après l'article L. 221-16 du code du travail, il est inséré un article L.

221-16-1 ainsi rédigé :

« Art. L.

221-16-1. - L'inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le président du tribunal de grande instance pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de service au consommateur l'emploi illicite de sala-r iés en infraction aux dispositions des articles L

221-5 et L.

221-16 ou en infraction aux articles 41 a et 41 b et 105 i du code des professions applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin.

« Le président du tribunal peut notamment ordonner la fermeture le dimanche du ou des établissements concernés. Il peut assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor. »

L'amendement no 947, présenté par M. Francis Hammel, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« L'article L.

221-16 du code du travail est ainsi rédigé :

« Un règlement d'administration publique détermine les établissements de vente de denrées alimentaires au détail où le repos peut être donné le dimanche à partir de midi avec un repos compensateur, par roulement et par semaine, d'un autre après-midi pour les salariés âgés de moins de vingt et un ans logés chez leurs employeurs et par roulement et par quinzaine, d'une journée entière pour les autres salariés.

« Les dispositions de l'alinéa susvisé s'appliquent aux établissements de cinq salariés au plus. Au-delà de ce seuil, la règle du repos hebdomadaire s'applique selon les dispositions prévues par le code du travail. »

Sur cet amendement, M. Accoyer a présenté un sousamendement, no 1054, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'amendement no 947, après les mots : "au détail", insérer les mots : "dans des établissements commerciaux soumis à autorisation en commission départementale d'équipement commercial". »

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement no 470.

M. Maxime Gremetz.

Cet amendement de la commission est cosigné par M. Hammel car, élus dans le même département, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes.

M. le président.

Monsieur Gremetz, il serait heureux que vous présentiez l'amendement.

M. Maxime Gremetz.

Il vise à renforcer les moyens de faire respecter le repos du dimanche. En effet, les quelques condamnations pénales prononcées à l'encontre de certains employeurs ne semblent pas à même de mettre un terme aux abus. En outre, il convient de ne plus faire reposer sur les seules organisations syndicales tout le poids des procédures judiciaires nécessaires pour faire respecter le repos dominical.

Aussi le présent amendement entend-il conférer à l'administration, par le truchement de l'inspecteur du travail, un rôle nouveau d'intervention, lui permettant d'agir beaucoup plus efficacement. En effet, sans préjudice de toutes poursuites pénales classiques, il reviendrait à l'inspecteur du travail de saisir en référé le président du tribunal de grande instance, de manière à obtenir de celui-ci qu'il ordonne toutes mesures propres à faire cesser l'infraction. A ce titre, les astreintes dont le magistrat peut assortir sa décision paraissent être le moyen idoine et dissuasif permettant de faire respecter efficacement le repos du dimanche.

Tel est le sens de cet amendement que j'ai déposé avec les commissaires du groupe communiste et que notre rapporteur a repris.

M. Bernard Accoyer.

C'est un amendement dominical et carillonné ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Francis Hammel, pour défendre l'amendement no 947.

M. Francis Hammel.

Cet amendement va dans le même sens puisqu'il tend à réglementer de façon plus précise le travail du dimanche, mais, cette fois-ci, dans les magasins à dominante alimentaire. En effet, peut-on parler de droit au repos, d'amélioration de la qualité de vie et laisser proliférer, comme c'est le cas aujourd'hui, les ouvertures du dimanche, notamment dans les grandes surfaces à dominante alimentaire ? Sans remettre en cause les autres articles du code du t ravail autorisant l'ouverture exceptionnelle cinq dimanches par an et les ouvertures dans les lieux à caractère touristique, l'amendement que je vous propose n'autorise l'ouverture du dimanche qu'aux magasins à dominante alimentaire dont le personnel n'excède pas cinq employés, c'est-à-dire les entreprises artisanales.

Cela permettra d'assurer aux salariés des grandes surfaces une meilleure qualité de vie familiale, en donnant, par exemple, la possibilité aux mères de famille d'être avec leurs enfants, car c'est souvent le personnel féminin qui est mis à contribution dans ces grandes surfaces. Cela permettra également, et ce n'est pas négligeable, de préserver le petit commerce de proximité et la vie dans les centres-villes.


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M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La question du travail du dimanche est effectivement importante. Nous avons eu hier un débat sur les origines de la protection du repos dominical. M. Morin a d'ailleurs fait allusion à des références historiques. C'est la République et, à l'époque, la gauche dans la République, qui a rétabli le repos dominical en 1906. Je crois que les origines de ce repos dominical remontent à 1814, mais les différents monarques qui se sont succédé ainsi que la IIe République - mais elle n'a pas eu beaucoup de temps pour elle - avaient un peu oublié ce repos.

Il est important, au moment où la notion de travail évolue, au moment où l'on a parfois du mal à maîtriser le temps, de fixer des repères, de faire en sorte que les règles relatives au travail du dimanche soient bien claires.

Il est vrai que, malheureusement, on a vu ces dernières années, notamment à cause de la loi quinquennale de 1993, les dérogations se multiplier.

Certaines sont de plein droit et on peut les énumérer.

D'ailleurs, si notre ami Alfred Recours était là, je lui ferais remarquer que l'ouverture des débits de tabac de plein doit le dimanche peut conduire à se poser certaines questions. D'autres dérogations sont prévues par arrêté préfectoral ou par arrêté municipal.

Il y a enfin les situations, décrites par M. Hammel, concernant le travail le dimanche matin, autorisé pour les grandes surfaces et qu'il souhaite limiter au commerce de détail. Notre collègue a soulevé une excellente question.

Ce toilettage est nécessaire, mais mieux vaut sans doute ne pas l'entreprendre au détour d'un amendement que je l'invite à retirer.

M. Gremetz a apporté un élément de réponse en suggérant que les règles existantes, même si elles méritent d'évoluer et d'être clarifiées, soient appliquées strictement, et que l'inspecteur du travail puisse les faire respecter, contrairement à ce que la jurisprudence a malheureusement imposé ces dernières années.

M. le président.

Si je comprends bien, monsieur le rapporteur, vous êtes favorable à l'amendement no 470 et vous demandez le retrait de l'amendement no 947 ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Tout à fait, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je partage le point de vue de M. le rapporteur mais j'ajouterai un mot à propos des établissements de vente de denrées alimentaires.

Je crois que la jurisprudence a tout de même permis une avancée ces dernières années, en faisant en sorte que la vocation majoritairement alimentaire des établissements d'une certaine taille soit vérifiée et que l'on ne puisse pas ouvrir, sous couvert d'établissements de vente de denrées alimentaires, des supérettes, des supermarchés ou des magasins d'habillement. Les critères ont donc été resserrés, et cela rend encore plus nécessaire de faire fermer des magasins qui ouvriraient illégalement.

L'article R.

262-1-1 du code du travail prévoyait d'ailleurs la possibilité d'un référé pour rendre effective la fermeture dominicale. Le Conseil d'Etat a annulé cet article réglementaire au motif que seule la loi pouvait conférer à l'inspecteur du travail le pouvoir d'user du référé.

Réintégrer cette possibilité dans la loi assure le fondement juridique d'une telle intervention et permettra sans doute de mieux faire respecter l'interdiction du travail le dimanche, y compris dans le secteur que vous visez.

Aussi, comme M. le rapporteur, je souhaite que l'amendement no 947 soit retiré et je donne un avis favorable à l'amendement no 470.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Contre. Ces deux amendements ont une inspiration commune mais ils se proposent de mettre en oeuvre des moyens d'action très différents. Je comprends qu'on réfléchisse au problème de l'ouverture des magasins le dimanche, car il faut reconnaître que, pour beaucoup de salariés, c'est très pénible, et que cela perturbe la vie familiale.

Mais il faut aussi reconnaître que certaines personnes, par exemple des célibataires, sont plutôt satisfaites de travailler le dimanche. Il y a donc une diversité, et non pas une uniformité des situations.

Ne négligeons pas non plus une forte demande des consommateurs, qui souhaitent que les commerces alimentaires soient ouverts ce jour-là ; il faut donc concilier des impératifs contradictoires.

Votre amendement, monsieur Hammel, est perfectible.

Contrairement à ce que vous prétendez, vous ne luttez pas contre les grandes surfaces au bénéfice des commerces de détail, car ceux-ci ont besoin de salariés pour ouvrir le dimanche. Vous feriez sinon peser exclusivement la charge de l'ouverture dominicale sur les travailleurs indépendant. Vous me répondrez qu'ils sont volontaires, mais reconnaissez que cette solution n'est pas adéquate.

L'amendement de M. Gremetz me choque davantage car il fait intervenir le juge des référés. S'il y a trouble à l'ordre public, s'il y a violation d'un texte, il est normal que la justice agisse, et loin de moi l'idée de prétendre qu'elle ne doit pas le faire, mais, même s'il y a préjudice, même si celui-ci est continu, il n'est cependant pas d'une gravité telle que cela justifie le recours au référé.

J'estime que cet amendement est excessif quant aux moyens qu'il met à la disposition de l'inspecteur du travail. Au demeurant, si les inspecteurs du travail ne sont pas plus présents pour constater les infractions, c'est peutêtre parce que la multiplication des règlements, dont vous êtes partiellement responsables, les surcharge à un point tel que leurs missions de base sont très souvent oubliées.

Un de mes collègues me souffle que les inspecteurs du travail travaillent rarement le dimanche, mais c'est là un autre problème...

Bref, cet amendement de M. Gremetz, repris par ler apporteur, traduit une bonne manière entre deux groupes, mais son inspiration ne me paraît pas heureuse.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 470.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 947 et le sous-amendement no 1054 tombent.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 953, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Dans les entreprises de plus de vingt salariés, les salariés en contrat à durée déterminée et les salariés d'entreprises de sous-traitance ne doivent pas représenter plus de 8 % de l'effectif salarié total de l'entreprise. Ces entreprises qui, au 1er janvier 2000, atteindraient un taux supérieur à 8 %, devront faire baisser ce taux de deux points par an jusqu'à obtenir ces 8 % au plus. »


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La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Si vous en êtes d'accord, monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement no 1012, car tous deux visent à lutter contre la précarité.

M. le président.

En effet, MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 1012, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Chaque année et au plus tard le dernier jour du mois de février, dans chaque entreprise est communiqué aux délégués syndicaux, aux membres du comité d'entreprise, ou, à défaut, aux délégués du personnel, ou, dans les entreprises dépourvues de représentants élus du personnel, à chaque salarié, le total des heures de travail effectuées, dans l'entreprise, l'année précédente par des salariés en contrat à durée déterminée, par des salariés d'entreprises de travail temporaire, par des salariés employés par des entreprises sous-traitantes, par des salariés à temps partiel et au titre des heures supplémentaires. Pour chacune de ces catégories, le nombre d'heures effectuées est exprimé, en outre, au regard de l'horaire collectif applicable à l'entreprise, en nombre de postes équivalant à un temps complet.

« Dans cette communication, l'employeur informe d es moyens mis en oeuvre pour réduire d'au moins 10 %, dans l'année en cours, le nombre total des heures visées à l'alinéa précédent. Cette information est transmise en même temps à l'inspection du travail.

« Lors de la communication suivante, l'employeur rend compte de l'exécution de l'objectif de réduction. Ce compte rendu est transmis en même temps à l'inspection du travail. En cas de non-respect de l'engagement de réduction, les heures effectuées audelà de l'engagement donnent lieu à la contribution visée au deuxième alinéa du I de l'article L.

212-5 du code du travail et sont reportées sur l'engagement de réduction de l'année en cours. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Yves Cochet.

M. le Premier ministre a fait de la lutte contre la précarité, il y a une quinzaine de jours, dans son discours de Strasbourg, l'un de ses objectifs. J'ai par ailleurs observé comme vous tous, mes chers collègues, la multiplication des travaux précaires : CDD et autres tâches proposées à des vacataires.

Ainsi, à La Poste, qui est sans doute la plus grande entreprise en ce qui concerne le nombre de salariés, un quart des emplois sont précaires. Je m'inquiète beaucoup de cet accroissement. J'ai indiqué hier, mais je crois que le ministère pourra le confirmer, que, en 1998, plus des trois quarts des embauches ont été des embauches précaires. Cette évolution fragilisante contredit les propos du Premier ministre. Comment voulez-vous que les gens aient un projet de vie, un projet familial, s'ils n'ont aucune certitude économique à échéance de six mois ou d'un an ? Beaucoup de salariés sont déstabilisés et c'est la raison pour laquelle j'ai déposé ces deux amendements.

On peut recourir à la sous-traitance, faire appel à des intérimaires ou à des travailleurs précaires, mais la proportion ne doit pas être trop importante. Or elle atteint parfois de 20 % à 25 %. L'idée est de fixer l'objectif d'une proportion au plus égale à 8 % de salariés en contrat à durée déterminée et d'entreprises sous-traitantes.

On me répondra sans doute : « Comment vont faire les entreprises où cette proportion atteint 20 % ? » Je propose, par l'amendement no 953, que la proportion de travailleurs intérimaires et précaires diminue de deux points par an pour descendre jusqu'à 8 %. L'amendement no 1012 concerne non plus les effectifs mais le volume d'heures. Le dernier jour du mois de février - je ne sais pas si ce sera le 28, le 29 ou le 30, car il paraît que nous allons savoir un 30 février en l'an 2000 ...

M. François Goulard.

Et même un 31. Avec la gauche...

M. Yves Cochet.

... des données statistiques devront être débattues au sein de l'entreprise, indiquant le volume horaire des travailleurs précaires et celui des travailleurs en contrat à durée indéterminée. L'entreprise devra se fixer un objectif de diminution de 10 % par an du volume du travail précaire.

Le premier amendement porte donc sur les effectifs et le second sur le volume horaire. Ils ne sont pas très « violents » mais vont dans le sens d'une diminution de la précarité, objectif politique rappelé par le Premier ministre.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La précarité est une question très importante.

M. François Goulard.

Ah ! On y revient ! Mais je crains que la réponse ne commence mal pour M. Cochet...

(Sourires.)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Monsieur Goulard, j'aimerais bien qu'on dresse le bilan de la situation qui s'est développée entre 1993 et 1997. Qu'on rappelle, parce que vous avez parfois tendance à l'oublier, l'augmentation du chômage de longue durée pendant cette période, plus d'un million de personnes, l'augmentation du nombre des chômeurs, plus de 100 000 personnes, et l'augmentation sans précédent de la précarité.

On peut effectivement admettre un recours aux CDD ou à l'intérim pour une entreprise qui doit s'adapter à une augmentation de la demande conjoncturelle, qui n'est pas sûre de ses carnets de commandes ou de sa croissance ; mais voilà maintenant deux ans que la croissance est revenue dans notre pays, qu'il y a des créations d'emplois, et donc des perspectives intéressantes pour les entreprises comme pour l'emploi. Il n'est donc pas justifié que les entreprises s'organisent structurellement en recourant aux emplois précaires. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre s'est exprimé, comme Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, de manière très ferme contre la précarité, avec le souci de mettre en place des dispositifs appropriés.

L'opposition manifeste sans cesse son souci de renvoyer à la négociation, mais je rappelle que le Gouvernement a affirmé très clairement, et récemment encore, que nous souhaitions qu'une négociation au niveau des branches, traite concrètement de ce problème. Nous savons en effet que la précarité et le recours aux emplois précaires sont concentrés dans certains secteurs professionnels. Nous avons lancé un appel à la négociation au niveau des branches mais je n'ai pas le sentiment qu'il ait reçu un écho quelconque. Le législateur doit donc une nouvelle fois intervenir, dans le souci d'équilibre qui nous anime constamment sur tous ces sujets, en particulier en ce qui concerne le droit du travail, pour rappeler certaines règles, et en particulier qu'une société ne peut pas fonc-


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tionner lorsque l'on met à l'écart du droit du travail, dans un statut de précarité, une frange croissante de ceux qui veulent travailler.

Je préférerais que nous abordions l'ensemble de cette question non à l'occasion de l'examen d'un amendement, mais à l'occasion d'un autre débat, qui doit venir. Mme la ministre aura sans doute l'occasion, dans le cours de la discussion du présent projet, de répondre sur ce point lorsque nous aborderons le problème des allégements et des contrats de travail, et elle pourra nous indiquer les initiatives que le Gouvernement entend prendre, et selon quel calendrier.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis que M. le rapporteur. Je répondrai à son injonction, extrêmement agréable, au cours du débat, et j'apporterai des éléments d'information sur le travail précaire.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Mme la ministre considérera peut-être que mes propos sont politiciens...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oh non !

M. François Goulard.

... mais je me fonde sur le fonctionnement réel des entreprises. Comment l'amendement de M. Cochet, s'il était adopté, pourrait-il être applicable aux entreprises françaises ? Il suffit de connaître un peu l'importance du recours à l'intérim dans certains secteurs, dans certaines entreprises, pour comprendre qu'il est totalemen illusoire de penser que l'on pourra faire respecter une norme uniforme et contraignante qui ne tient pas compte des situations particulières.

J'ajoute que, si l'intérim est bien défini, il n'en va pas de même de la sous-traitance. Pouvez-vous définir juridiquement ce qui en relève et ce qui n'en relève pas ?

M. Yves Cochet.

Il suffit de lire le code du travail !

M. François Goulard.

Vous serez confrontés à des situations intermédiaires, vous ne saurez pas s'il y a extern alisation, sous-traitance classique ou recours à un appoint temporaire auprès d'une autre entreprise. Bref, la diversité des situations économiques fait que de tels amendements sont inadéquats, inapplicables, en totale contradiction avec les exigences actuelles de l'économie.

La réalité des entreprises, que vous le vouliez ou non,e xige aujourd'hui des adaptations permanentes ; elle demande, indépendamment de la situation du personnel, de trouver sans cesse des solutions performantes face à la concurrence internationale. Cela exclut totalement les solutions figées qui avaient un sens il y a quarante ou cinquante ans.

La notion de sous-traitance est directement issue du code des marchés publics. On sait à peu près ce que c'est car les règles juridiques sont très précises ; mais, dans l'économie ouverte où nous vivons, une telle définition est, je le répète, totalement inapplicable.

Vous nous dites que la convention collective ne se développe pas naturellement et que seule la loi est capable de remédier à l'absence de discussions entre partenaires sociaux dans notre pays. Si nous nous répétons parfois, et vous voudrez bien nous en excuser, vous aussi, et nous connaissons votre refrain. Je ne prétends pas que la situation des intérimaires soit toujours très favorable mais, si vous considérez l'évolution depuis quelques années, l'intérim a connu, grâce à une convention collective,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Grâce à l'ordonnance de 1982, qui incitait à la convention collective !

M. François Goulard.

... une évolution extrêmement positive. Aujourd'hui, cette convention collective représente, à mon avis, un progrès, et les travailleurs intérimaires sont généralement mieux protégés que ceux dont le statut est précaire.

Vouloir lutter comme vous le faites contre l'intérim, c'est en définitive nier une amélioration sociale incontestable, en particulier dans l'important domaine de la formation professionnelle, où des efforts réels ont été accomplis, avec l'obligation qui a été imposée aux entreprises de consacrer 2 % de leur masse salariale à cette action.

Lorsque je dis que certains membres de la majorité plurielle proposent des amendements de provocation eu égard aux nécessités de notre économie et du monde salarié d'aujourd'hui, je ne crois pas tenir des propos politiciens.

M. le président.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

M. Cochet a commencé en parlant du discours de Strasbourg. Comme je n'étais pas invité, je ne connais pas son contenu.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous allons vous en fournir le texte.

(Sourires.)

M. Eric Doligé.

Or je m'aperçois que, dans toutes les réunions qui se tiennent à l'Assemblée nationale et au sein des commissions, on se réfère en permanence à ce document. Il serait donc souhaitable que le texte en soit distribué à l'ensemble des parlementaires ; cela nous éviterait d'avoir à le reconstituer.

M. Maxime Gremetz.

Une sorte de « Petit Livre rouge » ! (Sourires.)

M. Eric Doligé.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation de cet amendement, la réponse du rapporteur et de Mme la ministre et l'intervention de M. Goulard. On peut effectivement nourrir une inquiétude.

Mme la ministre a indiqué qu'elle répondrait à l'injonction...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Injonction amicale !

M. Eric Doligé.

... de M. le rapporteur et que nous serions rapidement saisis d'un texte visant à régler certains des problèmes liés au travail précaire, voire au travail temporaire.

Je ferai part d'un témoignage sur le travail temporaire, sur l'intérim, sur certains types de travail qui semblent vous poser problème puisque vous souhaitez limiter leur proportion dans les entreprises à 8 %. Mais le niveau du travail dans les entreprises, en particulier celles dont l'activité est saisonnière, n'est pas mathématique ; elles doivent s'adapter à la demande. Et, comme l'a souligné M. Goulard, c'est un progrès pour beaucoup de salariés de passer par l'intérim. D'abord, ils peuvent se former ; ensuite, ils peuvent trouver un travail assez souple répondant aux conditions de vie souhaitées par les salariés.

Je prendrai à nouveau l'exemple d'une entreprise de Loir-et-Cher. (Rires sur divers bancs.)

Eh oui ! encore chez M. Lang ! Je pense qu'il ne connaît pas ce problème mais, s'il lit les comptes rendus de nos débats, il en sera informé.

M. Bernard Accoyer.

On ne le voit pas souvent, il n'est jamais dans l'hémicycle !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. Eric Doligé.

Cette entreprise compte 88 salariés, dont 87 femmes, qui ont des CDI. Son effectif croît parfois jusqu'à 250, voire 255 personnes, et passe donc de 88 à 255, parce que c'est une entreprise de sous-traitance de la parfumerie qui doit faire face à toutes les fêtes : 14 février, 25 décembre, le 14 février n'étant pas encore une fête chômée ni carillonnée, sauf s'il tombe un dimanche. (Sourires.) Or le personnel temporaire est intérimaire et le chef d'entreprise a rencontré d'importants problèmes parce qu'il voulait passer aux 35 heures.

M. Yves Cochet.

C'est bien de sa part !

M. Eric Doligé.

Il est donc allé voir son inspecteur du travail, qui lui a dit qu'il fallait essayer de prendre des personnels en contrat à durée indéterminée.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est un bon inspecteur du travail !

M. Eric Doligé.

C'est ce qu'il a fait, et il a donc recruté une grande partie de son personnel supplémentaire avec des contrats à durée indéterminée. C'étaient en quasitotalité des femmes, mais, trois mois après, elles ont démissionné pour retrouver leur statut d'intérimaires,...

M. Maxime Gremetz.

Ça ne peut vraiment se passer qu'en Loir-et-Cher ! (Rires.)

M. Eric Doligé.

... parce que les conditions de travail et l'aménagement du temps de travail dont elles bénéficient grâce à leur intérim, qui dure environ neuf mois par an, leur permettent d'avoir une vie familiale beaucoup plus équilibrée. Elles leur permettent également d'être libres le dimanche, et ainsi, comme l'a souhaité M. Gremetz, d'aller à la messe.

C e système fonctionne très bien et je souhaite, madame la ministre, que, lorsque vous nous présenterez le prochain texte, vous teniez compte de ces cas particuliers. Je me permettrai de vous faire transmettre l'adresse de cette entreprise par le député de la circonscription.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne voudrais pas que l'on caricature à l'excès notre position.

Le travail temporaire et le contrat à durée déterminée sont, nous le savons tous, nécessaires aux entreprises.

Mais ils le sont dans des cas légitimes, et d'ailleurs reconnus par la loi. Personne ne conteste que l'on y recoure en cas, par exemple, de surcroît occasionnel d'activité, de lancement d'un nouveau produit, d'un nouvel équipement, ou de remplacement d'un absent. Sur ce point, la loi est claire.

Je partage l'avis de M. Goulard : aujourd'hui, les travailleurs temporaires sont mieux protégés que ceux qui sont employés sous contrats à durée déterminée. Cela dit, l orsque nous avons préparé l'ordonnance de 1982 - comme c'est moi qui l'ai rédigée, je suis bien placée pour le savoir -, il n'existait aucune protection des travailleurs temporaires. Nous avons travaillé avec les deux fédérations concernées pour établir une convention collective. Depuis lors, des accords sur la maladie, sur la formation professionnelle et autres sont intervenus et les travaill eurs temporaires jouissent effectivement d'une plus grande protection.

Bref, sur tous ces points, nous sommes d'accord. Mais ce qui nous pose un problème, c'est que des entreprises utilisent comme un mode de gestion permanent le travail précaire, renvoyant sur la collectivité le coût social et financier de cette gestion. Selon les déclarations des entreprises elles-mêmes, 12 % des établissements emploient de m anière permanente sur l'année plus de 20 % en moyenne de leurs effectifs sous contrat à durée déterminée et pour un travail temporaire. Or cela coûte cher car l'indemnisation du chômage coûte socialement cher. Je m'en tiens donc à la logique que j'ai déjà défendue en ce qui concerne le licenciement : les entreprises choisissent le mode de gestion de leur personnel qu'elles souhaitent, mais il n'y a aucune raison pour que la collectivité finance certains modes de gestion qui sont coûteux. Un projet de loi - ou une proposition de loi - qui sera, ainsi que le Premier ministre l'a annoncé, voté avant la fin de l'année, mettra fin à des abus, mais non pas à un mécanisme, contrairement à ce qui a été dit.

Répondant à M. Doligé, je reconnaîtrai qu'un certain nombre d'entreprises, notamment celles dont l'activité est saisonnière, recourent au travail précaire de manière importante. La future loi leur permettra de moins précariser les emplois concernés car, en plus de la modulation, nous prévoyons des contrats intermittents annuels.

Ainsi, monsieur Doligé, l'entreprise de Loir-et-Cher que vous avez citée et qui se trouve dans un département qui semble bénéficier d'un micro-climat tout à fait particulier pour le travail temporaire, pourra avoir recours à de tels contrats.

Je prendrai quant à moi l'exemple du micro-climat du Nord (Sourires), où les entreprises de vente par correspondance embauchent deux fois dans l'année pour l'envoi de leurs catalogues d'hiver et d'été. Les personnes embauchées chaque fois pour deux mois sont très nombreuses : elles sont plusieurs centaines. Embauchées aujourd'hui sous contrat à durée déterminée, elles pourront l'être demain sous contrat à durée indéterminée intermittent.

Elles sauront donc que, pendant quatre mois de l'année, soit deux fois deux mois prévus à l'avance, elles bénéficieront d'un contrat, ce qui leur évitera la précarité et leur permettra de s'organiser. Les entreprises seront certaines de retrouver les mêmes personnels, qui seront formés.

Quant aux salariés, ce sera pour eux une garantie, notamment de formation.

Je trouve qu'il s'agit là d'une bonne façon de traiter le problème de la saisonnalité car elle évite, en premier lieu, la précarité. Ne caricaturez donc pas notre position ! Nous essayons d'apporter les bonnes réponses aux questions qui se posent, afin de permettre un bon fonctionnement des entreprises, d'éviter qu'elles ne précarisent les salariés et ne rejettent un coût social et financier sur l'ensemble de la collectivité. Tel est notre état d'esprit, illustré par les amendements déposés par M. Cochet et par le Gouvernement lui-même.

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Je citerai quant à moi un autre exemple : Valéo, dans la Somme, à Abbeville précisément, dont j'ai déjà entretenu Mme la ministre.

Savez-vous ce que fait Valéo ?

M. Hervé Morin.

C'est un équipementier !

M. Eric Doligé.

C'est la plus grande entreprise de ma circonscription avec 650 emplois...

M. le président.

Monsieur Gremetz, voulez-vous bien développer vos arguments ou je vous retire la parole !

M. Maxime Gremetz.

Chez Valéo, il y a en permanence 33 % d'intérimaires, bien que son activité ne soit pas du tout saisonnière, et il n'y a jamais d'embauche définitive : c'est le turn over et, tous les six mois, on change de salariés et on recourt à des intérimaires.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. François Goulard.

Vos chiffres sont faux !

M. Maxime Gremetz.

C'est pourquoi nous avons fait, dans le cadre de la discussion de ce texte, une proposition, qui reprend d'ailleurs une suggestion du Gouvernement et qui vise à dissuader les entreprises d'abuser du recours à des intérimaires au lieu de créer des emplois stables et durables.

Nous n'avons pas trouvé d'autre réponse que celle qu'avait proposée à une époque Mme la ministre et qui a donné lieu à un débat, et même à une concertation entre employeurs et syndicats de salariés : un accord conventionnel limitant l'utilisation abusive des CDD. Cette démarche n'ayant pas abouti, Mme la ministre nous a annoncé que nous légiférerions sur ce point.

Nous pensons qu'il est urgent de légiférer en la matière. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement pour taxer les entreprises qui utilisent plus de 10 % de salariés intérimaires.

M. le président.

Chers collègues, une mise au point pour la bonne tenue de nos débats. J'applique le règlement de manière que chacun puisse s'exprimer. Je le fais de manière équitable, sur quelque banc qu'il siège. Mais je n'accepterai ni invectives ni interpellations directes. Si c ela se produisait, j'appliquerai le règlement d'une manière plus rigoureuse, et vous n'auriez à vous en prendre qu'à vous-mêmes.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. Jacques Limouzy.

Ne soyez pas trop dur, monsieur le président !

M. le président.

Cette mise au point à l'intention de tous ceux qui sont intervenus, monsieur Gremetz, et des autres...

M. Maxime Gremetz.

Mais je n'ai interpellé personne ! M. Doligé a parlé de Loir-et-Cher et moi, de la Somme !

M. le président.

Nous ne sommes pas là pour passer en revue les départements français !

M. Daniel Paul.

Ils existent encore !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 953.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1012.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

M. le président.

Je donne lecture de l'article 5 : C HAPITRE

III Dispositions relatives aux cadres

« Art. 5. - Il est créé, après la section IV du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail, une section V ainsi rédigée :

« Section V

« Dispositions particulières relatives aux cadres

« Art. L. 212-15-1 . - Les cadres dirigeants auxquelss ont confiées des responsabilités dont l'importance implique une large indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ne sont pas soumis aux dispositions du titre Ier et aux chapitres préliminaire, I et II du titre II du livre II.

« Art. L. 212-15-2 . - Les salariés ayant la qualité de cadres au sens des conventions collectives de branche, occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée de leur temps de travail peut être prédéterminée, sont soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, au repos et aux congés des chapitres II et III du titre Ier et à celles du titre II du livre II.

« Art. L. 212-15-3 . - I. - Les salariés ayant la qualité de cadres au sens des conventions collectives de branche et qui ne relèvent pas des dispositions des articles L. 21215-1 et L. 212-5-2 doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Lorsque ces conventions de forfait sont établies sur l'année, en heures ou en jours, leur conclusion doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendus ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement.

« II. Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année, l'accord collectif doit fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi, sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié.

« L'accord collectif doit préciser les catégories de salariés concernés. La convention ou l'accord, sous réserve du respect des dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4, peut déterminer des limites journalières et hebdomadaires se substituant à celles prévues au deuxième alinéa des articles L. 212-1 et L. 212-7.

« III. - Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en jours, l'accord collectif doit fixer le nombre de jours travaillés. Ce nombre ne peut dépasser deux cent dix-sept jours. La convention ou l'accoprd définit les catégories de salariés concernés ainsi que les modalités de décompte des journées et des demi-journées travaillées et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de suivi de son aplication, notamment au regard de son impact sur l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés. L'accord peut en outre prévoir que des jours de repos peuvent être affectés sr un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L. 227-1. La convention ou l'accord peut également préciser que le décompte de la durée du travail en jours est applicable aux salariés itinérants n'appartenant pas à la catégorie des cadres et dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée.

« Les salariés concernés ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L. 212-1 et du deuxième alinéa de l'article L. 212-7. Les dispositions de l'article L. 220-1 leur sont applicables.

« Art. L. 212-15-4. - Lorsqu'une convention de forfait en heures a été conclue avec un salarrié relevant des dispositions des articles L. 212-15-2 ou L. 212-15-3, la rémunération afférente au forfait doit être au moins égale à la rémunération que le salarié recevrait compte tenu du salaire minimum conventionnel applicable dans l'entreprise et des bonifications ou majorations prévues à l'article L. 212-5. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. le président.

Un très grand nombre d'orateurs sont inscrits sur cet article. Je leur demande de respecter scrupuleusement les cinq minutes qui leur sont imparties.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, premier orateur incrit.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Avec l'article 5, nous abordons l'important problème des cadres.

Les cadres travaillent-ils trop en France ? Oui et non.

Toute généralisation est fausse, mais il est vrai qu'un certain nombre dépassent allègrement les 39 heures par semaine et oublient de prendre la totalité de leurs congés.

Il est tout aussi vrai qu'un certain nombre d'entre eux aspirent fortement à réduire leur temps de travail. Nous comprenons ce souhait et nous l'approuvons. Car, encore une fois, le travail n'est pas un but en soi et il faut du loisir et une position indépendante pour faire un homme et une femme complets, comme disait déjà M. Taine au

XIXe siècle.

Vouloir réduire le temps de travail des cadres par la loi, essentiellement pour leur permettre de mieux vivre, procède donc d'une intention louable. Mais la démarche est loin d'être facile.

La première difficulté réside dans la définition des cadres. Qui sont-ils aujourd'hui ? Moins d'un million d'entre eux cotisent à l'AGIRC. Plus de 3,5 millions sont des cadres selon l'INSEE. La notion recouvre des réalités extrêment variées, aussi diverses que les entreprises dans lesquelles ils travaillent. Permettez-moi de citer le témoignage d'un directeur des ressources humaines d'une grosse entreprise d'informatique. Il reconnaît qu'officiellement il a cinquante cadres : mais que ceux qui travaillent comme des cadres et qui peuvent a priori bénéficier des mêmes dispositifs sont trois fois plus nombreux.

Vouloir distinguer trois catégories de cadres, comme le prétend le texte, me paraît relever de la mission impossible. Il y a les cadres dirigeants - hors horaires -, les cadres postés, et les autres, catégorie qui reste très floue et sur laquelle personne n'arrive à se mettre d'accord.

Pourquoi ne pas avoir conservé la définition de l'accord interprofessionnel du 24 avril 1983, qui distinguait, d'une part, les cadres dirigeants, hors horaires, et le personnel d'encadrement, comprenant à la fois les ingénieurs et des cadres, d'autre part, les agents de maîtrise, les techniciens et les voyageurs de commerce, dont la compétence, la qualification et les responsabilités étaient appréciées au sein de chaque branche professionnelle ? Le second problème auquel nous sommes confrontés semble être un problème de travail : comment qualifier le travail des cadres ? Il faut en finir avec la vision

« chaplinesque » du travail : il n'est plus homogène, substituable, anonyme ; il devient personnel, différencié, irremplaçable. Les cadres ne travaillent plus seulement dans des lieux et dans des temps définis, dans une sorte d'enfermement spatial et temporel, mais partout et à toutes les heures, dans le train, chez eux, au téléphone, avec des partenaires qui ne vivent pas sur le même fuseau horaire. C'est vrai non seulement des cadres dirigeants, mais de plus en plus de cadres, et même de plus en plus de gens, dans tous les métiers.

On passe d'une économie de compétition à une économie de coopération, selon l'excellente formule de Jacques Attali, dans laquelle chacun se trouve mieux si l'autre réussit. Ainsi chaque possesseur d'un téléphone, chaque intervenant sur le Net a intérêt à ce que le plus grand nombre de personnes soient branchées sur le même réseau, et les membres d'un même réseau ont intérêt à ce que ce dernier soit le plus actif possible, donc à ce que d'autres y soient présents le plus longtemps possible.

Alors, défions-nous d'un contingentement trop étroit du temps de travail ! Qu'il soit en jours ou en heures, il conduira au mieux à un déplacement du travail du bureau au domicile, au pis à une délocalisation de l'activité dans un autre pays. Mieux vaudrait s'en tenir à une approche qualitative en réduisant le nombre de réun ions et leur longueur. Combien de réunions commencent en retard, sans ordre du jour ? Combien se terminent sans conclusion ni compte rendu ? Il serait préférable de réduire les rapports inutiles, les hiérarchies inefficaces, les corvées administratives et, plus fondamentalement encore, de s'efforcer de faire en sorte que chaque cadre puisse prendre pleinement ses responsabilités et avoir un travail valorisant, reconnu, méritant considération et rémunération.

La réponse législative que vous apportez à cette importante question me paraît totalement inadaptée. Le forfait jours inquiète beaucoup les cadres qui redoutent de perdre d'un côté ce qu'ils gagneraient de l'autre, de payer en quelque sorte leurs nouvelles vacances à coup de journées encore plus longues, le seul garde-fou restant les onze heures de repos consécutives. Ils sont très nombreux à nous écrire dans ce sens.

Le forfait heures est, pour sa part, utopique. Rappelons que 1,5 million de cadres dans le privé et 300 000 dans le public travaillent en moyenne 45 heures et 49 minutes par semaine. Nous sommes très loin des 35 heures ! Et si, dans certains centres de recherche, notamment le secteur de l'automobile, 87 % des ingénieurs se sont prononcés en faveur du pointage, la perspective du forfait tous horaires peut accélérer la rupture, certains cadres se refusant totalement à pointer.

Et que faites-vous des cadres de plus en plus nombreux qui peuvent passer un millier d'heures par an sur les routes ? Par ailleurs, le forfait horaire n'arrange pas les cadres dits « diesel » parce qu'ils ont besoin de temps pour s'échauffer et pour être opérationnels.

Il ne faudrait pas que les 35 heures deviennent une prime à la vivacité, une sanction à la lenteur. Si l'on ouvre la boîte de Pandore sans donner les bonnes réponses, cela peut être explosif.

Une fois de plus, et tout particulièrement en ce qui concerne les cadres, les problèmes réels se régleront non par la loi, mais par la négociation de branche parfois, d'entreprise ou d'établissement souvent, sans exclure le dialogue ni la négociation entre le salarié lui-même et son patron dans des cas de plus en plus nombreux.

En d'autres termes, il faut se méfier de ces lois macédoniennes qui, voulant tout définir, tout englober, posent davantage de problèmes qu'elles n'en résolvent et figent une société en permanente, pour ne pas dire en fulgurante évolution.

M. le président.

Je vous demande de conclure, madame Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Je conclus, monsieur le président.

Dans la ligne de la discussion que nous avons depuis le début de cet après-midi, je rappelle à mes collègues qu'aujourd'hui 70 % du code du travail ne sont pas appliqués. N'en rajoutons pas trop !

M. le président.

Chers collègues, les orateurs inscrits son nombreux et chaque orateur devra respecter les cinq minutes qui lui sont imparties. Je vais être obligé d'appliquer strictement la règle du chronomètre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Madame la ministre, dans les cinq minutes qui me sont imparties,...

M. le président.

Eh oui !

M. Hervé Morin.

... j'aborderai trois sujets.

E n premier lieu, reconnaissons que l'article 5 représente une véritable révolution, tout autant que la réduction obligatoire du temps de travail que vous nous présentez.

Avec les deux dispositifs législatifs précédents vous avez fait naître une nouvelle aspiration à travailler moins chez une partie assez importante des cadres. Il y a ce que j'appellerai un saut générationnel : les cadres d'un certain âge considèrent sans aucun doute que la réduction du temps de travail n'est pas sérieuse, alors que les plus jeunes aspirent de toute évidence à un meilleur équilibre entre vie professionnelle, d'une part, et vie familiale et personnelle, d'autre part. C'est une réalité.

A cela deux raisons au moins : Première raison : les cadres, qui ont eu pendant très longtemps un statut privilégié, l'ont perdu durant les années 80. Depuis lors, ils ont fait partie des charrettes de licenciement au même titre que l'ensemble des autres salariés et ont perdu, de ce fait, le statut privilégié qu'ils pouvaient avoir à une certaine époque lorsque leur entreprise était en proie à des difficultés ; Seconde raison : le niveau extrêmement élevé de nos prélèvements obligatoires. Ceux-ci sont à un tel point confiscatoires que, dans bien des cas, il n'est pas utile de travailler plus et, de toute façon, le revenu résiduel que les cadres peuvent tirer de leur travail est en grande partie confisqué par l'impôt.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

C'est vrai !

M. Hervé Morin.

En deuxième lieu, on assiste à l'implosion de la catégorie que constituent les cadres. Avec votre projet de loi, cette catégorie perdra son unité. Les cadres seront ainsi divisés en trois catégories : les cadres forfaitisés, ceux qui seront intégrés dans les cycles de travail et les cadres dirigeants.

Il me semble que cette division va introduire une complexité considérable dans les entreprises. Il sera bien difficile de distinguer, dans chaque entreprise, le cadre forfaitisé du cadre intégré dans le cycle de travail normal.

Il y aura donc une nouvelle fracture au sein de cette catégorie socioprofessionnelle, qui s'ajoutera aux autres fractures induites par le projet : fracture pour les heures supplémentaires, fracture entre les salariés de moins de vingt ans et de plus de vingt ans.

Cette fracture sera d'autant plus difficile à réduire que vous considérez que la définition des cadres forfaitisés et celle des cadres intégrés dans le cycle de travail sera renvoyée aux accords de branche. Le seul problème, c'est que les branches elles-mêmes comprennent une telle diversité de métiers qu'il sera bien ardu de définir dans ces accords la réalité sociale et économique des entreprises.

En troisième lieu, je voudrais insister sur le saut considérable que représente, pour l'entreprise, la réduction du temps de travail des cadres. Tout le monde sait que les cadres travaillent en général plus de 39 heures : il s'agit plutôt de 42, 43, voire 45 heures. Le saut pour cette catégorie ne sera donc pas un saut de 39 à 35 heures, mais un saut de 43 à 35. D'où les difficultés non négligeables auxquelles seront confrontés les secteurs économique où les cadres représentent l'essentiel des salariés.

Aujourd'hui, dans les nouvelles technologies, dans les start up, les cadres représentent 60 à 70 % de la masses alariale de l'entreprise. Le passage aux 35 heures représentera pour ces entreprises un saut beaucoup plus considérable.

Pour conclure, voici deux questions auxquelles j'aimerais, madame la ministre que vous me répondiez. D'une part, que va-t-il se passer, pour les cadres forfaitisés audelà du 217e jour ? Quel sera le statut du 218e jour ? Comment seront-ils payés ? Quel sera le régime des heures supplémentaires accomplies au-delà du 217e jour ? D'autre part, y aura-t-il, un décompte en heures ? Si oui, comment sera-t-il mis en oeuvre ?

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

L'article 5 fournit l'occasion d'un débat utile. En commission, j'avais d'ailleurs souligné qu'un des éléments les plus positifs de ce projet était sans doute de nous amener à examiner le travail des cadres. En France, une certaine culture de la performance veut que le cadre soit taillable et corvéable à merci. Il nous faut vraiment y réfléchir. J'ai rencontré un technicien de maintenance devenu cadre. A la suite de sa promotion, il a obtenu une augmentation de 1 000 francs par mois, mais son employeur lui a précisé qu'avec son nouveau statut, il n'aurait plus droit désormais aux heures supplémentaires. Il était en totale contradiction avec le droit au travail. Sur ce point, je rejoins donc ma collègue Marie-Thérèse Boisseau qui a montré que grâce au simple respect de la réglementation en vigueur bien des problèmes seraient déjà résolus.

Si ce débat sur les cadres est utile, les solutions que vous apportez, madame la ministre, ne sont pas satisfaisantes.

D'abord, la notion de cadre dirigeant est extrêmement floue : à telle enseigne que notre rapporteur, tentant d'ajouter des précisions, s'est efforcé de définir la catégorie par la capacité de prendre des décisions de façon autonome et par les rémunérations élevées. La difficulté d'application de tels critères, dont je dirai qu'ils témoignent d'une vision passéiste, apparaît d'emblée.

Avec les techniques modernes de gestion même les per-s onnes occupant des postes d'exécution, des postes ouvriers, sont amenés à prendre des décisions de façon autonome. Dans l'industrie automobile, par exemple, les ouvriers gérent eux-mêmes leurs postes de travail.

Quant au niveau de la rémunération, il n'est pas forcément lié à un poste de responsabilité. Dans de petites entreprises, des cadres gagnent deux ou trois fois le SMIC. Selon M. Gremetz un salaire supérieur à huit fois le SMIC serait le signe que le cadre est bien un cadre dirigeant. C'est absurde, on le voit bien, si l'on se souvient que dans certaines petites entreprises, des salariés gagnant 10 à 12 000 francs, voire 15 000 francs occupent de véritables postes de cadre dirigeant. A l'inverse, des salariés touchant des salaires extrêmement élevés, des chercheurs, des commerciaux, des stylistes ne sont absolument pas cadres dirigeants.

Ensuite, avec les nouvelles normes que vous fixez, vous ne respectez pas les accords déjà signés, nous avons déjà eu l'occasion de vous le dire. Par exemple, le forfait sans référence horaire, vous le réservez aux seuls cadres dirigeants alors que dans des accords, dont vous avez publiquement dit qu'ils étaient excellents, ce forfait est appliqué à l'ensemble des ingénieurs et des cadres. Autre exemple : le décompte du temps de travail en jours.

Peuvent en bénéficier tous les cadres, les techniciens, les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

agents de maîtrise, selon les accords signés, en particulier dans la chimie. Mais dans la loi, vous ne le réservez qu'aux cadres et aux salariés itinérants ! Le débat sur les cadres mériterait d'être ouvert, mais les problèmes que pose la définition des trois catégories de cadres, que vous avez vous-même distinguées, ne sont pas résolus. De plus, et c'est sans doute le plus grave, les solutions que vous préconisez ne permettent pas de respecter les accords déjà fixés. Une fois de plus, on se moque du dialogue social.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Comme Mme Bachelot-Narquin, je reconnais qu'il y a des débats utiles... mais je ne suis pas vraiment sûr que les lois soient faites pour ouvrir des débats.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai !

M. François Goulard.

En réalité, les lois sont destinées à apporter des solutions, quand celles-ci relèvent du pouvoir législatif. Si elles ne servent qu'à ouvrir des débats sans aller plus loin, elle sont inopportunes.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez raison !

M. François Goulard.

Au vrai, votre article sur les cadres est l'illustration parfaite de ce que nous disons d'une façon générale à propos de votre texte : les catégories définies par celui-ci sont totalement inadaptées à lar éalité de l'encadrement. Comment pourraient-elles l'être ? Il y a d'abord un problème de frontière évident, car la définition de chaque catégorie baigne dans le flou.

Surtout quand on parle du « malaise des cadres », on vise en réalité une fraction de l'encadrement qui, par son statut réel, par ses aspirations et par sa manière de travailler se rapproche de celui des autres salariés. C'est une partie de la réalité de ce qu'on appelle les cadres dans notre pays. D'ailleurs, nous appelons « cadres », par référence aux conventions collectives, des catégories qui ne seraient pas considérées comme telles dans d'autres pays.

Ceux-là aspirent sans doute à un meilleur encadrement de leur temps de travail. Mis à part les cadres dirigeants, catégorie évidemment limitative, et dont la pratique et la jurisprudence nous montreront très vite qu'il s'agit d'une infime minorité de l'encadrement, reste une catégorie de cadres à laquelle l'article 5 est totalement inapplicable. Je veux parler des cadres supérieurs, qui constituent une proportion non négligeable de l'encadrement, et dont le rôle économique est majeur.

Il est faux de prétendre que, dans notre pays, les cadres supérieurs aspirent à moins travailler. S'ils connaissent un malaise, c'est celui que crée une fiscalité confiscatoire, qui fait d'ailleurs qu'une proportion non négligeable d'entre eux, et particulièrement parmi les plus jeunes, ont une fâcheuse tendance à s'expatrier.

Selon une légende tenace, le cadre français serait un malade de travail et se distinguerait en cela de ses homologues étrangers. Pour ma part, je ne connais pas

« l'entreprise » en général, j'en connais deux, dans lesquelles j'ai travaillé. La première était une entreprise multinationale, de sorte que j'ai eu l'occasion de côtoyer des cadres venant d'autres pays européens. Je n'ai constaté strictement aucune différence dans le comportement à l'égard du temps de travail. Je dirais même que les cadres français ne se distinguaient pas par une ardeur particulière. La vérité, c'est que vous voulez imposer une réduction du temps de travail à une catégorie qui n'en veut pas, et qui ne la pratiquera pas, parce que ce n'est pas son voeu, parce que vous n'avez pas les moyens de la lui imposer, à moins de mettre un inspecteur du travail derrière chaque cadre français.

Au bout du compte, les dispositions que vous proposez de faire voter auront pour conséquence majeure de ternir l'image de notre pays aux yeux de nos partenaires étrangers, en particulier européens, en donnant à penser, même si la réalité ne sera pas celle-là, qu'en France on empêche les cadres de travailler autant qu'ils le souhaiteraient. Une autre conséquence, plus grave à long terme, sera que les jeunes les plus dynamiques, les plus capables, les plus riches de potentialités, les plus entreprenants seront de plus en plus nombreux à s'établir à l'étranger.

Ce sera une perte considérable pour notre société et pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Bernard Accoyer.

Quel gâchis !

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Chacun le sait ici, l'article 5 traite de la situation des cadres au regard de la réduction du temps de travail. La loi sur les 35 heures va donc enfin entériner une réalité. On sait depuis longtemps que le terme cadre recouvre des situations extrêmement hétérogènes, allant du chercheur au commercial - qui n'encadrent personne - en passant par le chef de service qui gère trente collaborateurs, sans oublier les cadres dirigeants. Après la première loi du 13 juin 1998, ce texte vient confirmer, et c'est heureux, la reconnaissance de la spécificité de cette catégorie bien particulière de salariés

Si nous convenons que l'emploi du temps des cadres appelle des solutions juridiques spécifiques, nous avons également à coeur que soient intégrés un maximum d'entre eux dans le droit commun de la réduction du temps de travail et qu'ils bénéficient d'une réduction effective de leur temps de travail. On le sait. Certains cadres dépassent les 45 heures par semaine. Vu leur situation, ils attendent que le législateur rappelle qu'il y a des limites à la subordination temporelle.

Cadres dirigeants, cadres intégrés à une équipe et suivant des horaires collectifs, cadres au forfait dont l'horaire collectif ne peut être prédéterminé, la distinction introduite dans l'article nous semble relativement satisfaisante, notamment en théorie. Reste à voir ce que cela donnera sur le terrain. Les trois catégories définies auront, en effet, vocation à être ensuite précisées par la négociation collective. C'est pourquoi je crois qu'il était nécessaire que le législateur apporte quelques précisions pour éviter que certaines directions d'entreprise n'opèrent une segmentation purement artificielle des cadres et ne retiennent que des définitions abusivement extensives des deux catégories, qui ne tomberont pas dans le droit commun de la RTT.

J'apprécie tout particulièrement les dispositions retenues par la commission, qui ont rendu plus restrictive la définition des cadres dirigeants, notamment avec l'ajout d'un critère de rémunération. Cette catégorie a vocation, en effet, à se limiter à un cercle réduit, non à englober tout ce qui ressemble de près ou de loin à un chef de service.

Nous souhaitons par ailleurs que soit rétablie l'idée d'un maximum quotidien pour les salariés qui seront concernés par le décompte en jours du temps de travail et que l'on parvienne à renforcer la frontière bien délicate


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entre ce groupe et celui des cadres travaillant en horaire collectif, deux points sur lesquels on peut s'attendre à des abus. Il ne faudrait pas que la législation du forfait rende les cadres encore plus vulnérables, plus corvéables que par le passé. Il ne faudrait pas davantage que les entreprises puissent faire basculer un maximum de leurs salariés dans le forfait en jours.

D'une manière générale, nous souhaitons et nous espérons que les quelque trois millions de salariés que constituent les cadres ne soient pas les grands laissés-pourcompte de la loi sur les 35 heures.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Martin.

M. Philippe Martin.

Tout le monde le sait, les cadres dirigeants ne sont pas soumis à la réglementation du temps de travail, à l'exception des dispositions relatives aux congés payés, mais le projet de loi limite la possibilité de conclusion de forfaits de rémunération sans référence horaire aux seuls dirigeants. Or, vous le savez, la notion de cadre dirigeant est assez floue et restrictive. C'est pourquoi la définition de cette catégorie de salariés est ambiguë. Ainsi, peut-on considérer les cadres 3 B et 3 C comme des cadres dirigeants ? De même, dans les PME, l'adjoint au chef d'entreprise, qui peut être un agent de maîtrise, est assimilé aux autres salariés par le projet de loi, alors que son autonomie et sa responsabilité à l'égard de l'entreprise sont équivalentes à celles d'un cadre dirigeant dans un grand groupe. Dès lors, si le texte était adopté en l'état, les clauses des accords de branche et de nombreux accords d'entreprise sur cette question seraient considérablement limitées dans leur champ d'application.

Pour ce qui est des cadres qui ne sont pas occupés selon l'horaire collectif de l'atelier, du service ou de l'équipe auxquels ils sont intégrés, et les salariés itinéra nts, il est possible, par accord collectif de branche ou d'entreprise, de convenir que leur rémunération soit calculée selon un nombre d'heures dépassant la durée légale ou selon un nombre de jours de travail.

Or, pour la durée du travail calculée en heures, votre texte est très ambigu. Il serait possible de déroger aux limites maximales de la durée de travail sous réserve de respecter la règle du repos journalier de 11 heures ou du repos hebdomadaire de 24 heures. Mais les règles relatives aux heures supplémentaires, autres que celles relatives à la majoration, sont-elles applicables ? Aucune précision à ce sujet. Pourtant, ces règles sont d'ordre public. Comme elles ne sont pas ici explicitement écartées, j'en déduis qu'elles demeurent applicables. Alors, vous en conviendrez madame le ministre, c'est enlever tout intérêt à ce t ype de forfait, puisqu'en raison du volume du contingent légal d'heures supplémentaires de 130 heures par an et par salarié, ce type de forfait est limité à 37 heures et 25 minutes sur l'année 2002.

Sans davantage entrer dans le détail et pour conclure, on constate que la complexité de la situation et la diversité des cas font prévoir de nombreux contentieux pour les cadres rémunérés au forfait et pour la définition des salariés itinérants - dans leur cas, il est possible de décompter le temps de travail sur la base d'un nombre de jours de travail dans l'année.

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

La question du temps de travail des cadres est une des plus importantes du projet. L'enjeu concerne directement 3 millions de cadres proprement dit. Si l'on inclut les techniciens et les agents de maîtrise - ce qui s'est fait dans beaucoup d'accords - ce sont 40 % des salariés qui sont considérés comme cadres. Ils veulent aussi, et à juste titre, une réelle réduction de leur temps de travail.

Commençons par une mise au point sur la réalité de leurs salaires. 20 % d'entre eux n'atteignent pas le plafond de la sécurité sociale fixé à 14 400 francs. Et un tiers environ d'entre eux, dont le temps de travail varie de 50 et 60 heures par semaine, perçoivent un salaire qui, ramené au nombre d'heures effectuées est en réalité proche du taux horaire du SMIC.

Quant à la définition du projet, divisant les cadres en trois catégories, elle est inadaptée et beaucoup trop floue.

Nous proposons en conséquence une définition des cadres dirigeants qui englobe tous ceux dont le salaire atteint au moins huit fois le SMIC mensuel, soit environ 50 000 francs par mois. Cela n'empêche pas l'octroi de jours de repos supplémentaires pour les autres cadres, à condition de maintenir un décompte horaire.

En effet, selon les dispositions du projet de loi, et comme le précise le rapport de la commission, « sans même que l'accord ait à le préciser, la contrepartie du forfait jours est que les minima journaliers et hebdomadaires ne s'appliquent plus ». Ne resterait donc en vigueur que le repos de onze heures consécutives par jour.

Ainsi, en toute légalité, les cadres pourraient se voir contraints de travailler treize heures par jour, soixante dix-huit heures par semaine et 2 821 heures par an. C'est inacceptable et les cadres que nous avons rencontrés, ainsi que leurs organisations, refusent unanimement une telle perspective qui, hélas ! n'est pas une simple vue de l'esprit. Aussi est-il nécessaire de maintenir un décompte horaire en cas de forfait jours.

Garantir le respect de la baisse du temps de travail pour les cadres ne peut qu'aider à créer un climat plus sain dans les entreprises où la concurrence se joue, pour une part, sur ce que les employeurs appellent la disponibilité. Ce sont aussi les cadres qui seront amenés à mettre en oeuvre les 35 heures. Les exclure du bénéfice de la réduction du temps de travail n'est certainement pas un gage de réussite.

Notons par ailleurs que le temps de travail des cadres est, la plupart du temps, parfaitement mesurable. Quelques procès ont ainsi dévoilé les millions d'heures de travail clandestin effectuées par cette catégorie de salariés. Ils ont aussi démontré la volonté délibérée et les pressions très organisées dont font preuve certains employeurs pour faire exécuter ce travail gratuit. Je vous citerai à cet égard un passage d'une note interne à l'une des grandes entreprises de notre pays :

« Le contrôle du temps de travail est une demande expresse de l'inspecteur du travail. Néanmoins, sa mise en place est un risque majeur car il mettrait en évidence les dépassements réguliers. »

M. François Goulard.

Eh oui !

M. Daniel Paul.

Et il est précisé un peu plus loin : « Le coût potentiel du paiement des heures supplémentaires atteint 150 millions de francs par an. » Notons que cette

somme ne ferait que s'imputer sur des bénéfices bien supérieurs.

On peut enfin lire dans cette même note : « Nous pouvons être condamnés et forcés d'appliquer la demande de l'inspection du travail. Mieux vaut être condamné à moyen terme que de payer à court terme. »

Donner les garanties et les moyens d'appliquer la réduction du temps du travail pour les cadres libérerait des millions d'heures et autant d'emplois potentiels de


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toutes catégories. Une réelle réduction du temps de travail pour les cadres, avec un vrai décompte horaire, serait une mesure de justice sociale. Le décompte en jours, sans référence horaire, serait une mesure discriminante et nuisible à l'emploi. L'examen de ce projet de loi doit donc être l'occasion d'encadrer l'activité des cadres, de façon à lier les conditions et les rythmes de leur travail à l'efficacité économique.

Enfin, le décompte en jours qui permet des durées journalières illimitées est contraire à la directive européenne. Ce décompte est présenté comme une idée moderne, mais, il s'agit en fait d'un retour aux pratiques du début du

XIXe siècle, quand la journée de travail sans limites horaires était la règle. Or les premières lois sociales ont eu pour but de poser une limite à la journée, d'abord pour les enfants, puis pour les femmes, enfin pour tous les salariés.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

La situation des cadres a subi d'importantes modifications faisant suite au changement des structures des entreprises, modifications liées à la transformation de l'économie.

Les cadres, dans leur grande majorité, aspirent légitimement à la réduction du temps de travail, messieurs de l'opposition, et cette aspiration est d'autant plus grande que cette catégorie de salariés est la plus exposée aux dépassements souvent illégaux des horaires. Ce projet introduit donc une clarification du statut de cette catégorie afin que cette loi, soit pour eux aussi, un véritable progrès social. Notons que, pour la première fois, les cadres sont pris en compte dans une loi.

La commission a enrichi le texte par différents amendements dont les plus importants visent à définir de manière plus restrictive la notion de cadre dirigeant.

Cette définition reprend la jurisprudence en cours, qui est plus protectrice que la définition du droit communautaire non encore transposé.

D'autres amendements visent à encadrer le forfait par la négociation, pour empêcher la signature d'une convention de forfait du gré à gré, à permettre aux partenaires sociaux de veiller au respect de la réduction du temps de travail pour les cadres et à préciser que le nombre de 217 jours de travail constitue un plafond qui ne pourra être dépassé.

Je voudrais cependant, madame la ministre, vous poser deux questions afin de clarifier une interprétation que ne manquent pas de faire certains sur la durée du temps de travail pour les cadres soumis à un forfait jours. En effet, mardi dernier, j'ai reçu, avec mon collègue Yves Rome, une délégation intersyndicale composée de représentants de la CGT, de la CFE-CGC et de la CFDT. Admettons que cet événement soit historique ! Tous sont satisfaits du décompte en jours, qui constitue une réelle avancée puisque les cadres travaillent en moyenne entre 230 et 235 jours par an. Mais ils craignent que l'absence de référence horaire maximale conduise à une intensification du travail, dès lors que la seule obligation de l'employeur est de respecter les onze heures de repos par jour, ce qui laisserait la possibilité de treize heures de travail, soit plus de 2 600 heures par an.

Bien entendu, il est peu probable, dès lors que les accords sont obligatoires pour la signature d'une convent ion de forfait, qu'un syndicat, même minoritaire, s'engage dans une telle voie. Cependant, il me semble qu'une partie non écrite dans la loi, mais présente dans le code du travail, limite la durée annuelle à 1 730 heures.

Pouvez-vous nous donner des garanties à ce sujet, notamment nous confirmer l'existence d'un droit permettant aux cadres de refuser des horaires abusifs ? Si tel n'était pas le cas, il serait nécessaire de limiter la durée annuelle de façon formelle, en déposant en deuxième lecture un amendement de précision.

Par ailleurs, afin de marquer notre volonté de faire bénéficier de la réduction du temps de travail les cadres soumis à forfait, ne serait-il pas envisageable de faire jouer l'aide structurelle et les abattements de charges pour c eux dont la durée annuelle n'excéderait pas 1 600 heures ? Je suis persuadé, madame la ministre, que nous ne pouvons pas priver du bénéfice de la réduction du temps de travail cette catégorie - je sais que telle n'est pas votre volonté -, aujourd'hui largement surexploitée par les entreprises, dont les yeux de Chimène sont davantage tournés vers les actionnaires que vers ces personnels pourtant indispensables à la bonne marche de nos entreprises.

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Il y a quelques mois, au moment où l'on commençait à penser à cette seconde loi sur la réduction du temps de travail, je me disais qu'il serait peut-être souhaitable que le régime juridique même des cadres, sorte de bizarrerie franco-française, se fonde dans le droit commun. Vous avez choisi, madame la ministre, de préciser cette notion de cadre en établissant trois catégories distinctes.

Le principal problème se pose pour la troisième catégorie de cadres, avec le forfait établi en nombre de jours par an sans aucune limite horaire. A mon avis, c'est inacceptable. En effet, vous avez rappelé hier, à l'occasion du débat sur un amendement, que les durées maximales journalières - dix heures - et hebdomadaires - quarantequatre heures depuis hier ou quarante-huit pour une semaine isolée - étaient des mesures d'ordre public social dictées par des raisons de santé publique et nous sommes évidemment tout à fait d'accord avec vous sur ce point.

Je pose donc la question : les cadres du « troisième type », ceux soumis au forfait annuel, sont-ils des êtres humains génétiquement différents des autres salariés ? Ont-ils une sorte de physiologie d'endurance caractérisée par une résistance hors du commun qui leur permettrait de travailler, par exemple, treize heures par jour pendant 217 jours ?

M. François Goulard.

Qu'est-ce que nous faisons, nous ? (Sourires.)

M. Yves Cochet.

Je ne le crois pas. Certaines dispositions de cet article 5 sont choquantes et il faut y remédier. C'est pourquoi j'ai déposé des amendements dont nous allons bientôt discuter.

Par ailleurs, la distinction entre les cadres de type 2, intégrés dans une équipe et suivant des horaires collectifs, et ceux de type 3 est fallacieuse parce qu'elle ne repose sur aucun critère objectif. C'est en effet l'employeur luimême qui déterminera si le cadre relève ou non d'un horaire de travail collectif. Il y a là, me semble-t-il, un fait du prince, un arbitraire qui est choquant.

De même, la prédétermination du temps de travail du c adre est très aléatoire puisque ses responsabilités l'amènent, par définition, à faire face à des impondérables, c'est une partie de son travail. Ce qui peut être déterminé avec précision, c'est a posteriori le temps de travail réalisé ou non par le cadre, c'est-à-dire le temps nécessaire au travail qu'il doit effectuer. C'est pourquoi nous pensons que l'enregistrement de ce temps est indispensable. D'ailleurs, dans l'entreprise Thomson Broadcast


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Systems, tous les cadres ont demandé, et obtenu, la

« badgeuse » - la « pointeuse », si vous préférez - , sauf les cadres dirigeants bien entendu.

Si ces dispositions devaient être adoptées, autant dire que l'essentiel des cadres serait basculé dans la catégorie d'exception de type 3. On peut en effet craindre que cette catégorie ne prolifère eu égard aux avantages qu'elle offre pour l'employeur. Or, le statut créé pour cette catégorie dérogatoire est assez pénalisant pour les salariés puisque les durées maximales ne seront plus applicables et que, faute d'un décompte en heures, le repos quotidien ne sera plus contrôlable. Cela signifie en clair que les cadres deviendront corvéables treize heures sur vingtquatre, 217 jours par an. C'est l'un des grands principes des lois sociales de la République limitant clairement le temps de la subordination pour éviter le retour au servage qui se trouve ici battu en brèche.

En outre, on notera que, d'une manière surprenante, la réduction du temps de travail pour cette catégorie de cadres pourrait être inférieure de moitié à celle des autres salariés. En effet, la réduction du temps de travail représente environ vingt-trois jours, ce qui, d'après nous, porte le nombre de jours travaillés à 207 jours par an pour les cadres dans la mesure où l'on peut s'accorder sur le fait qu'ils travaillent actuellement à peu près 230 jours par an. Or, d'après le projet, les cadres pourront travailler 217 jours, et non 207, soit dix jours de plus que les autres salariés. Nous proposerons donc un amendement sur ce point.

Ces dispositions risquent d'être dangereuses, non seulement pour les cadres eux-mêmes mais aussi par effet de propagation, pour l'ensemble des salariés. Je crois donc qu'il n'est pas justifié de faire un cas particulier des cadres, hors cadres de direction, dont l'emploi représente aujourd'hui un atout majeur.

Enfin, pour répondre à M. Goulard, selon lequel les cadres voudraient travailler plus, je citerai une phrase figurant en première page de Liaisons sociales : « Huit cadres sur dix souhaitent consacrer plus de temps à leurs loisirs qu'à leur carrière. »

M. Bernard Accoyer.

Nous aussi ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je souhaite répondre aux questions qui ont été posées.

S'agissant tout d'abord de la situation actuelle des cadres, M. Cochet, M. Terrier et M. Paul ont eu raison de rappeler qu'il y a de fortes disparités et des durées de travail très élevées. Je souhaite répondre aux membres de l'opposition sur ce terrain. D'après les enquêtes réalisées sur les cadres en Europe, les Français sont ceux qui travaillent le plus, à égalité avec les Anglais - quarante-cinq heures de durée hebdomadaire en moyenne -, bien loin devant les Allemands - quarante-deux heures -, les Belges, les Italiens, les Autrichiens - quarante heures - et les Néerlandais - trente-six heures. La réalité, la voilà ! J'ai moi-même fait partie du comité exécutif d'un groupe multinational, et je passais une semaine sur quatre aux

Etats-Unis. Eh bien, dans ce pays que vous aimez prendre en exemple, au siège social de cette grande entreprise multinationale, à seize heures, seize heures trente, il n'y a plus personne. Et ce n'est pas pour cela que le personnel est moins efficace que celui du siège social de La Défense, où les cadres se croient obligés de rester jusqu'à vingt et une heures. Il y a donc d'autres façons de travailler. Il faut réformer l'organisation du travail des cadres, qui doit être repensée, comme pour les autres salariés. C'est effectivement une petite révolution dans les entreprises, que nous avons engagée il y a un an, et je vous ferai remarquer combien nous avons fait de progrès, y compris dans les esprits, depuis un an.

Cette forte disparité, cette durée du travail élevée, était associée à une forte insécurité juridique, c'est le moins que l'on en puisse dire. M. Terrier en a parlé, jamais le code du travail n'a traité du problème des cadres. Seule la jurisprudence a considéré, très tardivement, que telle ou telle catégorie de cadres devrait se voir appliquer la réglementation sur la durée du travail. D'où les contrôles de l'inspection du travail dans des sièges sociaux - M. Barrot le sait comme moi -, qui ont entraîné des difficultés pour les entreprises comme pour les salariés.

Dès lors, nous n'avons pas voulu nous contenter d'ouvrir un débat, nous avons voulu régler le problème. La première loi a permis de poser ce problème et nous avons fait confiance à la négociation pour lui apporter une réponse.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et nous avons eu raison de faire confiance à la négociation.

L'opposition nous disait l'année dernière qu'il était impensable de réduire la durée du travail des cadres, que cela entraînerait une baisse de la compétitivité de nos entreprises, des délocalisations.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas ce qui a été dit !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je peux ressortir les écrits. Je le ferai tout à l'heure si vous le souhaitez. « Nous ne pouvons pas réduire la durée du travail des cadres ! Vous voulez faire ce qu'aucun autre pays n'a fait ! Vous allez entraîner des pertes de compétitivité ! » Voilà ce que vous disiez. Si, aujourd'hui, les cadres français sont démobilisés - ils le sont et les entreprises le savent -, c'est parce qu'ils considèrent, les jeunes notamment, que leur activité professionnelle, aussi importante soit-elle, n'est pas tout dans leur vie. Comme l'a rappelé M. Cochet avec raison, 54 % des cadres avouent aujourd'hui que leur vie professionnelle leur prend trop de temps, 79 % souhaitent à l'avenir pouvoir se consacrer davantage à leur vie privée et familiale. D'après un autre sondage, contrairement à ce qu'a dit M. Goulard, 73 % des cadres veulent bénéficier des trente-cinq heures au même titre que les autres salariés. Voilà la vérité ! Face à cette situation, nous avons donc fait confiance à la négociation, et je ne comprends pas très bien les interventions de l'opposition, car les cadres, comme les entreprises en France, sont multiples. On ne peut comparer le cadre d'une grande multinationale avec le patron d'une boulangerie ou un cadre commercial...

M. François Goulard.

Le patron d'une boulangerie est rarement cadre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il peut y avoir un cadre dans une boulangerie, cela arrive ! On ne peut donc comparer la situation d'un cadre commercial avec celle d'un cadre qui travaille dans le domaine financier, d'un cadre technique ou même de celui qui est intégré à une équipe de travail. Nous avons donc pensé qu'il fallait s'appuyer sur les accords et sur la négociation pour régler ce problème, car ce n'est pas parce qu'il y a un problème technique que nous devons laisser 1 500 000 personnes à l'écart de cette réduction de la durée du travail.


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Une fois de plus, on ne peut que saluer les négociateurs car, dans 80 % des accords, le problème des cadres a été traité, toujours de la même manière, en excluant les cadres dirigeants. Je me réjouis d'ailleurs que M. le rapporteur propose un amendement auquel le Gouvernement sera favorable, visant à préciser encore cette notion de cadre dirigeant. Je ne répondrai pas aux questions du type : les cadres B et C de la convention de la métallurgie sont-ils ou non des cadres dirigeants ? C'est en effet aux négociateurs, partenaires syndicaux et patronaux, de décider qui ils mettent dans chacune des catégories. Il y a un accord légitimé par les syndicats et la majorité des salariés lorsqu'ils ne sont pas majoritaires, faisons-leur confiance ! Quoi qu'il en soit, nous sommes d'accord sur le fait qu'il n'est pas possible d'appliquer les 35 heures aux cadres dirigeants.

Quant à la deuxième catégorie, monsieur Paul, il ne faut pas la sous-estimer. Nous venons de faire une enquête et nous avons constaté que 58 % des cadres entrent aujourd'hui dans cette catégorie, celle qui, intégrée à une équipe de travail, va devoir appliquer, dès le 1er janvier, les 35 heures. Les accords l'ont confirmé. Les mêmes modalités que les autres salariés leur sont applicables. C'est essentiel.

Reste la catégorie intermédiaire, qu'on a pu qualifier, entre autres, de « fourre-tout ». De fait, certains cadres ont des responsabilités telles que leur durée du travail n'est pas la même que pour les autres salariés, ou un type de fonction qui ne permet pas de mesurer facilement cette durée du travail : commerciaux qui travaillent à l'extérieur ; cadres qui travaillent sur les marchés financiers à des horaires décalés ; techniciens, ingénieurs qui travaillent à un moment donné sur un projet qui doit être terminé dans les quinze jours, par exemple. Ceux-là non plus, nous ne voulons pas les laisser de côté.

Ainsi, à côté des 58 % de cadres qui seront aux 35 heures, il y aura une autre catégorie qui, dans le cadre d'accords - ce qui constitue une protection - devra bénéficier, et la loi le dit très clairement, d'une réduction de la durée du travail. La loi n'impose pas que la réduction de la durée du travail prenne la forme de jours de congés annuels. Il doit y avoir, pour ces cadres, réduction de la durée du travail, qu'elle soit hebdomadaire, mensuelle ou annuelle.

Lorsqu'elle est hebdomadaire ou mensuelle, il peut y avoir un forfait. Si ce forfait est horaire, les maxima s'appliquent, car nous n'avons pas dit que l'on pourrait déroger au repos compensateur. Ainsi le maximum de 1 730 heures - 1 600 plus 130 de contingent d'heures supplémentaires - s'applique à ces cadres ; certains modes de calcul, tout à l'heure, n'étaient donc pas tout à fait les bons. On peut aussi choisir un forfait annuel, par exemple parce que les cadres ne souhaitent pas que leurs horaires soient contrôlés.

A ce propos, monsieur Cochet, vous en avez cité plusieurs cas, il est exact que certains cadres, notamment dans les sièges, acceptent maintenant très facilement le badge ; mais d'autres non. Et parmi toutes les consultations que j'ai organisées, ils ont été nombreux à déclarer que ce serait pour eux un recul s'ils étaient obligés de pointer. Je préfère donc que nous laissions chaque entreprise choisir librement le mode de contrôle ; celui-ci sera défini par un accord, légitimé par la majorité des salariés ou des syndicats signataires. Il y a des modes de contrôle par badges, il y a des modes de contrôle sur autodéclaration des cadres comme cela existe dans un certain nombre d'entreprises. Je les laisse faire.

De même, si la durée du travail est difficilement contrôlable, par exemple parce que le cadre commercial part vendre ses produits à l'extérieur de l'entreprise, il est probable qu'on choisira un un forfait annuel et donc des jours de congé. C'est seulement dans ce cas-là que la loi fixe, non pas à quoi correspondent les 35 heures ou ces cadres, mais un maximum de jours travaillés dans l'année.

Ce n'est pas là la règle normale, mais un maximum.

De même que nous avons voté hier pour les salariés une durée maximale de 44 heures sur douze semaines, pour les cadres, nous disons que, si la réduction de la durée du travail est annuelle et ne passe pas par un forfait journalier ou mensuel qui peut et doit être contrôlé, ce sont des jours de congés qui leur sont apportés. Cela, au moins, on peut le vérifier et le calculer. La loi fixe ce maximum à 217 jours travaillés dans l'année.

J'ai entendu dire ces derniers jours, que ce n'était pas suffisant pour les cadres. Je rappelle, tout de même qu'il n'y a pas beaucoup de pays au monde qui passent de 233 jours effectifs travaillés à 217 jours, c'est-à-dire qui accordent par la loi quinze jours de repos complémentaires aux cadres. Il faut donc prendre la mesure de ce que nous sommes en train de faire.

Pour conclure, je dirai qu'il faudrait éviter de passer d'un excès à l'autre. L'année dernière, la Confédération générale des cadres, entre autres, s'opposait aux 35 heures, arguant que les cadres ne pourraient jamais réduire leur durée du travail ni arriver aux 35 heures. La même organisation, aujourd'hui, et je la comprends, car c'est le rôle d'une organisation syndicale, dit qu'ils doivent tous être aux 35 heures.

Je vous propose d'adopter ensemble une démarche qui consiste à la fois à prendre acte que 58 % des cadres seront effectivement aux 35 heures et à faire en sorte que tous les autres y arrivent, en commençant par réduire les durées extrêmement longues qui existent aujourd'hui.

Nous y parviendrons en laissant la place à la négociation et en faisant jouer son rôle au Parlement. Il faudra non seulement fixer des maxima, ce que nous faisons, mais aussi inciter à passer aux 35 heures.

Je ne suis pas d'accord avec un amendement qui propose que les 1 600 heures pour les salariés aient un équiv alent, pour les cadres, qui serait de 1 700 ou 1 800 heures. Non ! Les baisses de charges sur les salaires des cadres ne doivent être acccordées à une entreprise que lorsque les cadres sont à 35 heures, c'est-à-dire à 1 600 heures, pas plus. Je ne souhaite pas que, dans la loi, il y ait un secteur intermédiaire pour les cadres.

Nous souhaitons tous que les cadres arrivent, à terme, aux 35 heures. Nous savons que ce n'est pas possible en une étape. Dans certains cas, c'est même extrêmement difficile. Prenons en compte cette réalité, renvoyons à la négociation, faisons confiance aux négociateurs. Ceux-ci, franchement, ne nous ont pas déçus. Car s'il n'y avait pas eu ces accords, il n'y aurait pas ce texte aujourd'hui.

Essayons de poursuivre dans la voie de cette grande avancée sociale qui fait que les cadres français sont désormais partie prenante de cette réforme des 35 heures.

M. le président.

Nous en arrivons aux amendements.

Je suis d'abord saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 279 est présenté par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ; l'amendement no 541 par MM. Accoyer, Demarge, Gérard Hamel, Jacob et Muselier.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer l'article 5 ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 279.

M. François Goulard.

Quand on propose un amendement de suppression, c'est, en général, parce qu'on est opposé à l'article qui figure dans le texte. C'est bien mon cas, d'autant que les réponses de Mme la ministre ne m'ont pas convaincu.

Celle-ci s'est employée à nous donner beaucoup de sondages, d'études d'opinion pour essayer d'établir que ce qu'elle faisait correspondait au souhait des intéressés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les intéressés jugeront !

M. François Goulard.

Or, dit de cette façon générale, c'est totalement faux.

La diversité est grande. L'opposition a fait remarquer qu'il y avait sans doute des cadres qui, pris par ce mouvem ent général que vous avez largement suscité, se disaient : « Pourquoi pas nous ? » Cette réaction est normale. Mais beaucoup d'autres cadres n'ont strictement aucune envie de voir réduire leur durée du travail.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce n'est pas vrai !

M. François Goulard.

Evidemment, si, dans un sondage, on leur demande s'ils estiment que leur vie professionnelle empiète parfois sur leur vie privée, leur réponse ira de soi. Toute personne très prise par ses responsabilités répondra à peu près la même chose. Chacun d'entre nous peut faire le même aveu. Nos activités, qui sont prenantes, empiètent sur notre vie privée et, par moments, nous le regrettons. De là à conclure que vous pouvez, que vous devez imposer par la loi aux cadres une réduction du temps de travail, il y a une distance que vous franchissez avec une légèreté sidérante !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oh !

M. François Goulard.

En outre, les dispositions que vous allez faire voter ne seront pas appliquées et vous allez créer un décalage profond, qui se fait déjà sentir, entre la législation en vigueur et la pratique.

J'ajouterai que les conséquences de cet article 5 sur l'activité et sur l'image de notre pays ne sont pas aussi négligeables que vous voulez bien le considérer. Je n'ai pas entendu un seul moment dans vos propos, madame la ministre, le terme « création d'emplois », s'agissant des cadres. Or, dites-vous, ce texte sur la réduction du temps d e travail a pour motivation première la création d'emplois, ce contre quoi nous nous inscrivons naturellement en faux. Il est évident que la réduction du temps de travail des cadres, appliquée ou non, suivant les appréciations que nous en faisons les uns les autres, ne sera pas à l'origine d'une quelconque création d'emplois dans des catégories où, d'ailleurs, le chômage est infiniment plus faible qu'à d'autres niveaux de qualification.

Encore une fois, sous couvert de s'adapter à des accords, de faire des catégories, cette loi créera des rigidités, des contraintes nouvelles et des risques de situations conflictuelles, parce qu'il sera difficile de situer les différentes catégories les unes par rapport aux autres.

L'article 5 est très largement inutile, et c'est pourquoi nous en proposons la supression.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no 541.

M. Bernard Accoyer.

Cet amendement de suppression résume tout ce que l'on peut redouter de l'application de la réduction autoritaire du temps de travail dans la vie de nos entreprises et, finalement, pour l'avenir des cadres.

J'ai bien compris qu'il y avait trois catégories. Je ne m'étendrai pas sur la première catégorie, celle des cadres dirigeants, que vous mettez délibérément à part. Les cadres de la deuxième catégorie, dont le temps de travail est connu, vont se voir appliquer le droit commun et donc, pour la plupart d'entre eux, les dispositions rigides et générales de la réduction du temps de travail, c'est-àdire des 35 heures.

Or, en France, le temps de travail des cadres, qui est exactement comparable à ce qu'il est dans des pays équivalents, est élevé, plus élevé que celui des autres salariés ; sa réduction brutale, compte tenu du rôle décisif des cadres, sera, n'en doutons pas, très dommageable. Par définition, les cadres sont au coeur du fonctionnement d'une entreprise. Ils organisent la production, ils sont la cheville ouvrière de la commercialisation et le moindre problème, la moindre insuffisance qui pourrait toucher spécifiquement l'encadrement sera hélas ! immédiatement suivie de conséquences désastreuses.

Vous me permettrez de parler également de la troisième catégorie, celle qui est soumise au forfait. Comme vous n'aviez pas d'outil pour réglementer, légiférer de façon contraignante, selon votre habitude, vous avez décidé de réduire le nombre de journées travaillées.

Il y a un dénominateur commun à ces deux catégories de cadres : le coût du travail. A plusieurs reprises, Mme la ministre nous a expliqué, avec une certaine mauvaise foi, que la réduction du temps de travail n'augmenterait pas le coût du travail. C'est faux ! Certes, les diminutions de charges sur les bas salaires font que jusqu'au niveau de salaire de 1,6 SMIC...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

1,8 !

M. Bernard Accoyer.

... 1,6 SMIC, monsieur le président de la commission, on peut parler d'une baisse du coût du travail. Mais à partir de 1,6 SMIC, le coût du travail, avec la réduction de sa durée, augmentera. Or on sait qu'en France la première cause de chômage, c'est le coût du travail.

Vous vous attaquez au travail qualifié, c'est-à-dire à celui-là même qui fait vivre les entreprises, qui permet à notre pays d'exporter. Vous savez qu'aujourd'hui, en France, un salarié sur quatre, voire davantage, travaille exclusivement pour l'exportation.

S'il y a un domaine où ce texte va susciter des perturbations, c'est bien celui des cadres. Pour les entreprises qui facturent les prestations de leurs cadres à la journée, ce qui est extrêmement fréquent, cela représentera une augmentation du coût de travail de 7,5 % correspondant au nombre de jours non travaillés.

Cette situation déclenchera un mouvement de délocalisation vers l'étranger. Cela dit, ce n'est pas très gênant : avec la fuite des cerveaux provoquée par la fiscalité confiscatoire, finalement, tout va se passer de plus en plus à l'extérieur de nos frontières ! Eh bien, nous ne nous résolvons pas à ce renoncement, parce qu'il est particulièrement inquiétant pour l'avenir.

Mme la ministre a voulu nous donner des leçons en nous expliquant qu'elle avait une expérience de l'entreprise, voire une expérience des entreprises internationales.

Qu'elle me permette de le dire, parce que je le pense sincèrement - mais cela ne s'adresse pas spécialement à elle : l'histoire économique, industrielle de notre pays fait apparaître que les grandes catastrophes des grandes entreprises françaises, que les contribuables français paient encore aujourd'hui, sont généralement liées aux allerretours malsains entre les allées du pouvoir et ces entreprises.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

Parce qu'il y a là une faute constitutionnelle dans l'appréciation de l'attribution des postes et des décisions prises, parce que nous considérons que l'article 5 ne répond pas aux problèmes humains des cadres et qu'il est particulièrement dangereux pour le tissu industriel et économique français, qui nourrit le pays, nous proposons sa suppression.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

La commission a rejeté ces amendements. Ce n'est pas pour vous étonner.

M. François Goulard.

Non, en effet, parce que le travail de la commission est un peu aveugle, un peu sectaire...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Vous ne pouvez pas dire cela, monsieur Goulard !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Accoyer, monsieur Goulard, quelques remarques.

C'est probablement sur ce terrain que j'ai le plus de mal à comprendre votre raisonnement. (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Le mouvement en train de se produire prouve la justesse de nos analyses, qui s'appuient sur une vision de l'entreprise très réactive, adaptée à un tissu en grande mutation,...

M. Bernard Accoyer. C'est de l'autosuggestion !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

... le rôle de plus en plus important que jouent les cadres, ce que ne perçoit d'ailleurs pas du tout le MEDEF, et une dynamique sociale.

Ce qui se passe chez les cadres est très révélateur d'un malaise extrêmement profond. Il faut avoir un peu de mémoire. J'ai connu la période de la glorification des cadres. J'ai aussi connu ce qui s'est produit pendant presque vingt ans. La pression due au chômage, la difficulté à trouver un emploi, même pour les cadres les plus qualifiés, ont amené le patronat à faire preuve d'une étonnante désinvolture à propos de la place des cadres dans l'entreprise, du temps de travail et de la rémunération des cadres. Les trois problèmes sont liés. D'où, bien entendu, une démobilisation extrêmement importante de l'encadrement, qui figure dans toutes les analyses de manière extrêmement probante.

Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, les sondages d'opinion, les enquêtes de la SOFRES, les enquêtes d'IPSOS montrent qu'il y a un très grave malaise et ce qui se passe sur les 35 heures est révélateur des revendications des cadres. Celles-ci portent sur la maîtrise de leur temps, et encore plus profondément, de leur place dans l'entreprise. C'est à cela que nous avons voulu répondre, tout en gardant à l'esprit qu'il fallait faire preuve de souplesse, d'esprit d'adaptation et s'efforcer de développer la concertation. Je ne parviens pas à comprendre quel aveuglement vous empêche de voir cette nécessité.

De plus, monsieur Accoyer, il y a belle lurette qu'on le sait, l'efficacité du travail d'un cadre n'est pas forcément liée au nombre d'heures qu'il consacre à sa tâche.

Comme on sait que certaines formes d'organisation de l'entreprise sont complètement dépassées. Mais vous passez votre temps, tout en invoquant le progrès, à avoir peur de l'évolution ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Exactement !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est pour le moins étonnant ! M. Bernard Accoyer. Allons, allons ! Vous rêvez éveillé !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Mais non, je ne rêve pas, monsieur Accoyer ! J'ai une très longue pratique de ces questions et je les connais plutôt bien. Je sais de quoi je parle, j'ai tout de même quelques années d'expérience en la matière.

M. Bernard Accoyer. Dites tout de suite que nous, nous ne savons rien ! Evidemment, nous n'avons pas fait des allers et retours dans des entreprises internationales avec la garantie de retrouver une place, nous !

M. le président.

Monsieur Accoyer, vous prendrez la parole tout à l'heure ! M. Bernard Accoyer. Sans oublier que nous ne sommes pas aidés par la façon dont travaille la commission ! Nous avions une réunion à quatorze heures trente, nous avons dû attendre le président qui était dans son bureau, et il fallait être ici à quinze heures. On ne peut pas faire deux choses en même temps !

M. le président.

Monsieur Accoyer, je vous en prie ! Poursuivez, monsieur le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Accoyer, cet article est l'un des plus importants de la loi en ce qu'il tire les conséquences de la nécessité d'une mutation de l'ensemble de l'encadrement ; il resitue la place du cadre dans l'entreprise en prenant toutes les précautions nécessaires en termes de concertation et de négociation. Ce faisant, nous répondons à des attentes très fortes, qui s'expriment de plus en plus clairement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

M. le président de la commission, n'a probablement pas tort lorsqu'il parle de la démotivation d'une partie de l'encadrement. On peut dire que c'est, pour une part, une question de génération. Les jeunes cadres veulent un équilibre entre vie professionnelle, vie familiale et vie personnelle, tandis que les cadres plus agés, habitués à une certaine culture, ne comprennent pas pourquoi on veut réduire leur temps de travail.

Je peux vous citer une anecdote qui va dans votre sens.

Elle m'a été racontée par un associé d'un grand cabinet d'avocats parisien spécialisé dans les passages aux 35 heures ; elle se passe dans une grande filiale française d'une société allemande. Le comité exécutif râle en expliquant que le passage aux 35 heures est impossible dans l'entreprise compte tenu de son niveau d'encadrement, etc.

; et les cadres présents d'acquiescer évidemment à ces propos. Et ces mêmes cadres, sortant du conseil d'administration viennent aussitôt demander à leur avocat de ne pas les mettre dans la catégorie des cadres dirigeants : ils avaient envie d'avoir quelques jours de vacances supplémentaires...

On ne peut donc nier qu'il existe une certaine démobilisation chez une partie des cadres, bien qu'il soit injuste de généraliser. Mais pourquoi cette démobilisation ? Sans doute ont-ils été traités à une époque avec une certaine désinvolture.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Voilà !

M. Hervé Morin.

Mais il y a une autre raison, notre n iveau considérable de prélèvements obligatoires et notamment d'impôt sur le revenu, qui frappe en tout premier lieu les cadres, par ailleurs bien mal traités en termes de prestations sociales. On leur a supprimé dans un premier temps les allocations familiales ; on les a ensuite réintégrées, mais en les fiscalisant ; on a enfin abaissé la réduction d'impôts liée aux enfants. Bref, on a tout fait pour décourager les cadres. Il faut aussi avoir ces éléments en tête, ils ne sont pas négligeables.

Les cadres ne sont du reste pas les seuls touchés par ce niveau d'imposition trop élevé qui décourage le travail.

M. Accoyer l'a dit, les membres de professions libérales eux-mêmes préférent prendre un associé de plus pour travailler un jour de moins, car il ne leur sert à rien de travailler davantage ; mieux vaut pour eux faire autre chose.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit !

M. Hervé Morin.

Il est un point enfin, madame la ministre, sur lequel vous ne m'avez pas répondu. Dans nombre de secteurs d'activité où le taux d'encadrement est élevé, où les cadres représentent 60, 70 % des salariés, le passage aux 35 heures ne se traduira pas par une réduction de 10 % du temps de travail. En fait, ce sera beaucoup plus important, de l'ordre de 15, voire 20 %.

Autant dire que dans ces secteurs activités de conseil, d'audit, laboratoires, secteurs de haute technologie le saut sera considérable et par voie de conséquence extrêmement difficile à supporter pour les entreprises ; car il ne s'agira pas de passer de 39 heures à 35, mais bien de 45 à 35.

Après tout, cela n'a guère d'importance, serait-on tenté de répondre, puisque la durée effective du travail ne sera pas contrôlée. Mais elle le sera beaucoup plus à compter de l'an 2000, et pour une bonne et simple raison : l'octroi d'aides sera lié à la réduction du temps de travail.

D'où des contrôles de l'inspection du travail et de l'URSSAF. Autant dire que ces secteurs économiques vont au-devant de sérieuses difficultés.

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

M. Accoyer a fait remarquer que je ne présidais pas ma commission. J'avais effectivement prévu une réunion aujourd'hui à quatorze heures trente. Mais j'ai demandé hier son annulation, car nous n'avions pas assez avancé.

Nous tiendrons probablement cette réunion demain.

M. Hervé Morin.

Demain ?

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Ce genre d'événement est assez banal. Vous auriez dû recevoir cette information hier, monsieur Accoyer. Ayez la courtoisie de reconnaître que je préside vraiment ma commission !

M. Bernard Accoyer.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, je voudrais que chacun soit informé des conditions dans lesquelles travaillent les membres de notre assemblée et plus particulièrement les commissaires aux affaires culturelles, familiales et sociales.

Contrairement à ce que laisse entendre notre président, il y avait bien une réunion de la commission aujourd'hui à quatorze heures trente, pour auditionner le président du conseil d'administration de la CNAM.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est exact.

M. Bernard Accoyer.

Nous avons reçu une convocation et je m'y suis rendu. Au bout d'un quart d'heure, c'est le vice-président Evin qui est venu pour recevoir M. le président de la CNAM. Rappelons que cette audition avait pour but de préparer nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous conviendrez que ce n'est quand même pas quelque chose d'accessoire !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Certes.

M. Bernard Accoyer.

Il ne nous restait donc plus qu'un quart d'heure, pour auditionner M. le président de la CNAM, avant de revenir en séance publique pour travailler sur un texte dont on rabâche que c'est un des plus importants de l'histoire sociale de la nation. Nous finissons par en prendre l'habitude...Tous les textes sociaux de notre ministre, à l'entendre, sont les plus importants de l'histoire sociale de la France.

Mme Brigitte Douay.

Tout à fait !

M. François Lamy.

Cela au moins, c'est une certitude.

Ce n'est pas avec vous que cela arriverait !

M. Bernard Accoyer.

Aussi, monsieur le président, je vous demande d'alerter la conférence des présidents pour que ne se renouvellent pas de tels télescopages préjudiciables à nos conditions de travail et particulièrement insultants à l'égard d'un des représentants des partenaires sociaux les plus importants de notre pays. Le moins que l'on puisse dire est que le président de la CNAM a été traité un peu à la légère, puisque ni les principaux parlementaires qui suivent ces travaux ni même le président de notre commission n'étaient là.

M. le président.

Je prends acte de vos déclarations, M. Accoyer. L'incident est clos. Nous ne sommes pas là pour traiter des affaires de la commission des affaires sociales.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait ! Reprise de la discussion

M. le président.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Le président de la commission et Mme la ministre essaient sans arrêt de nous faire comprendre qu'ils ont toujours raison et nous toujours tort.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

J'avais l'impression que c'était le contraire...

M. Eric Doligé.

Qu'il me soit permis de leur répondre que ce n'est pas toujours le cas, et que nous aussi avons le droit d'exprimer nos positions sur la vie des entreprises, des salariés et des cadres. Nous aussi nous avons notre opinion, nous aussi faisons partie de la population française et la représentons...

Nous nous attachons à éviter tous les effets pervers de la loi que vous nous présentez. Mme Boisseau a fait remarquer qu'une bonne partie du code du travail


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

70 % - n'était pas appliquée. Il en sera évidemment de même avec cette loi. Mais peut-être finira-t-elle par devenir applicable le jour où la plupart de nos cadres auront quitté notre territoire... Permettez-moi de vous en donner un exemple.

Je me suis récemment rendu à Dublin en compagnie de M. Sueur, dont vous avez dû entendre parler et qui aurait pu être assis à la place de l'un de vous. M. Sueur et moi-même avons donc constaté qu'une entreprise étrangère importante dans l'informatique, dont le nom commence par I et finit par M je n'en dirai pas plus (Sourires.) avait quitté la France pour un autre pays européen : les coûts y étaient de 30 % inférieurs. Bien entendu, les cadres ont suivi l'entreprise. Vous aurez beau considérer qu'ils travailleront là-bas quarante heures et que c'est injuste alors qu'on travaillera trente-cinq heures en France et que ce sera juste, toujours est-il que cette entreprise est partie à l'étranger avec ses cadres. Notre territoire national est en train de se vider de sa matière grise et de personnes de qualité. Exemple excessif ? Peut-être.

Mais entre vos excès et nos exemples, on peut trouver un juste milieu. Or vous n'acceptez pas que l'on vous propose un juste milieu en réponse à vos propositions.

M. le président.

Je mets aux voix par un même vote les amendements nos 279 et 541.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 678, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 5 :

« Les dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux cadres supérieurs. »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Cet amendement se situe dans la droite ligne de ce que j'ai dit. Je propose que ces dispositions ne soient pas applicables aux cadres supérieurs.

Même si la définition de cette catégorie peut être sujette à remarque, l'intention des auteurs de cet amendement est parfaitement claire.

J'ai bien entendu les propos, intelligents, évidemment, du président Le Garrec sur le malaise des cadres. Au fil des évolutions économiques récentes, bon nombre d'entre eux se sont sentis dépossédés du statut dont ils jouissaient antérieurement ; certains ont de surcroît été déstabilisés lorsqu'ils ont été frappés par un chômage auquel ils n'étaient pas accoutumés. Mais là où je ne suis plus son raisonnement, c'est que je ne vois pas en quoi vos dispositions de réduction du temps de travail, à mon avis largement inopérantes, seraient de nature à régler ces problèmes inhérents à l'évolution de la société, de l'éco nomie des entreprises. C'est à ce niveau-là seulement qu'ils trouveront leur solution : car s'il est des entités que leur intérêt propre pousse à réagir, ce sont bien les entreprises.

Elles ne sauraient laisser perdurer des situations de malaise des cadres qui, de ce fait, deviendraient moins productifs et moins efficaces.

Votre analyse sur le mal-être des cadres n'est donc sûrement pas fausse ; c'est la réponse que je conteste. La diminution imposée par la loi, selon des modalités particulières, certes, mais néanmoins imposées ne remédiera pas à leur malaise. Les cadres souffrent beaucoup plus de voir, par exemple, une fiscalité excessive rogner leurs revenus, malgré des salaires élevés, alors qu'ils voient les plusvalues en capital enrichir considérablement, et c'est bien normal, les créateurs d'entreprise.

N'allez pas faire croire que, au motif qu'ils auront été traités dans la loi à peu près comme les autres salariés, les cadres verront tous leurs problèmes réglés, bien au contraire. Je maintiens que vous ne pourrez pas appliquer des règles à des gens qui ne veulent pas les appliquer. De surcroît, les cadres supérieurs sont en général en mesure de négocier leur statut. Ils négocient leur salaire au moment de l'embauche et le renégocient régulièrement avec leur employeur. Pourquoi ne pas leur laisser le soin de négocier aussi leur temps de travail et leurs jours de congé ? Les en croyez-vous incapables, alors même que leur qualité et leurs qualifications leur donnent le choix entre plusieurs employeurs ? Pourquoi vouloir imposer une loi inopérante à des individus parfaitement capables de se défendre eux-mêmes ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

L'avis de la commission est défavorable, monsieur le président. Je m'arrêterai quelques instants sur la doctrine exprimée par l'opposition, à propos de cet article en particulier.

M. Bernard Accoyer.

Avant, il se cramponnait à ses papiers ; maintenant, il brandit l'anathème !

M. le président.

Monsieur le rapporteur, ne vous laissez pas interrompre !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Monsieur Accoyer, je m'adresse à vous en toute sérénité. Vous venez de prendre à partie le président de la commission et faites parfois preuve de quelque véhémence. Je ne suis pas certain que ce soit le ton le plus approprié à nos échanges.

Même si vous ne la partagez pas, vous me permettrez d'exprimer mon opinion et de porter un jugement sur les positions que vous défendez. Je crois y lire une ligne directrice qui m'ennuie un peu, car c'est manifestement celle de la déréglementation. Au motif d'éviter l'excès de règles et de contraintes, non seulement vous refusez d'apporter des garanties aux salariés, mais vous ne voulez même pas maintenir des règles qui jusqu'alors les protégeaient.

Nous avons eu ce débat sur les heures supplémentaires, vous avez remis en cause la notion de contingent ou de majoration. On vous a même vu proposer dans un amendement que la modulation puisse être appliquée sans accord. Aujourd'hui, vous voudriez que tous les cadres soient définis comme des cadres dirigeants et se retrouvent de ce fait exclus de la protection du droit du travail.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Quelle caricature !

M. François Goulard.

Ils n'ont pas lu l'amendement !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Il ne resterait plus aux cadres que les deux protections auxquelles peuvent prétendre les cadres dirigeants : les congés payés et les congés pour les femmes en couches. Elles ne sont pas négligeables, certes, mais vous admettrez que l'on puisse imaginer faire bénéficier l'ensemble des cadres de protections plus larges.

A lire donc vos propositions, nous avons vraiment le sentiment que vous suivez la ligne de la déréglementation : n'appliquons aucune règle, ne protégeons personne, considérons les garanties comme superflues, allégeons notre droit du travail. Ce sentiment, je le retrouve en lisant d'autres amendements. Vous proposez, par exemple, que les cadres dirigeants soient définis d'une m anière conventionnelle ; on pourrait ainsi ranger l'ensemble des cadres dans la catégorie des cadres dirigeants, sans aucune protection au regard du temps de travail.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

Cette conception, pardonnez-nous, n'est pas la nôtre.

Nous, nous considérons qu'il faut traiter le problème des cadres. Vous mêmes le soulevez, mais sans apporter de solutions.

M. François Goulard.

Mais non !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Chaque fois, nous proposons des solutions. Vous les jugez inappropriées. Mais vous récusez toute autre proposition, sauf s'il s'agit de déréglementation. Ce n'est pas notre philosophie, ce n'est pas notre conception de la société, ce n'est pas notre conception du droit du temps de travail. Pour ces raisons, parmi d'autres, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement de M. Goulard.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 678.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE L.

212-15-1 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président.

M. Accoyer et M. Mariani ont présenté un amendement no 542, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé pour l'article L.

21215-1 du code du travail. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Malgré nos efforts, le Gouvernement et son rapporteur n'ont pas voulu entendre nos arguments. Nous considérons que les distinctions des cadres en trois catégories ne reflètent pas la problématique spécifique des cadres en France, essentiellement liée à la confiscation du produit de leur travail. Les cadres forment la substance même de notre tissu économique, car ils sont la substance même de l'entreprise. Compte tenu du poids de notre fiscalité, d'un coût du travail qui pousse à les faire se dépenser toujours plus sans être directement intéressés aux résultats de l'entreprise, ils ne peuvent que se fatiguer, s'épuiser dans l'effort. Les solutions proposées, qui consistent à réduire uniformément le temps de travail des cadres, ne leur permettront en rien d'accéder à un meilleur statut ni à une meilleure garantie sociale complémentaire, en matière de protection maladie et plus encore de retraite. On sait ce qu'il en est des caisses de retraite et de leur avenir. Et voilà pourquoi nous proposons la suppression du texte proposé pour l'article L.

212-15-1 du code du travail.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 542.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 886, présenté par M. Barrot et M. Morin, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article

L. 212-15-1 du code du travail :

« Les cadres dirigeants et autres personnels disposant d'un pouvoir de décision autonome auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une large indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ne sont pas soumis aux dispositions du titre I et aux chapitres préliminaires, I et II du titre II du livre II. Il en est de même des personnels disposant statutairement ou fonctionnellement de l'indépendance technique. »

L'amendement no 471 rectifié, présenté par M. Gorce, rapporteur, M. Rome, M. Terrier et les commissaires membres du groupe socialiste est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article

L. 212-15-1 du code du travail :

« Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions du titre I et aux chapitres préliminaires, I et II du titre II du livre II. Sont considérés comme ayant la qualité de cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou leur établissement. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour soutenir l'amendement no 886.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Il m'a semblé à plusieurs reprises dans ce débat que l'on souhaitait s'inspirer des directives européennes. Cela me paraît une excellente démarche et notre amendement va dans ce sens.

L'expression « cadres dirigeants » est trop restrictive en France. Elle semble réduire le champ de cet article aux mandataires sociaux, alors que dans la directive européenne, que ces dispositions transposent, il est question des « employés dirigeants », ce qui permet un champ beaucoup plus large.

Voilà pourquoi nous proposons une autre rédaction de l 'article L.

212-15-1 dans laquelle serait ajouté aux

« cadres dirigeants » les « autres personnels disposant d'un pouvoir de décision autonome » et, à la fin de l'article, les

« personnels disposant statutairement ou fonctionnellement de l'indépendance technique ».

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 471 rectifié.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Nous avons le souci de définir de la manière la plus précise possible la notion de cadre dirigeant, pour les raisons que j'ai indiquées, à savoir que ceux-ci sont soumis, en ce qui concerne la réglementation du temps de travail, à un régime extrêmement limitatif, congés payés et congés pour femmes en couche.

Nous avons le sentiment que cette définition devrait être la plus claire, la plus simple et la plus limitative possible. C'est pourquoi nous avons estimé nécessaire d'ajouter aux critères indiqués par le Gouvernement la notion de niveau de rémunération, lequel doit naturellement être élevé, et celle d'un pouvoir de décision autonome.

Et je répondrai à Mme Bachelot, qui a évoqué cette question tout à l'heure, que les quatre critères sont cumulatifs - qu'il ne faut donc pas, bien sûr, les opposer entre eux -, ce qui permet de définir très précisément ce qu'est un cadre dirigeant.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis favorable à l'amendement no 471 rectifié et défavorable à l'amendement no 886.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 886.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 471 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 186 de M. Pélissard, 726 de M. Doligé, 345 de M. Goulard, 875 de M. Morin, 55 de M. Mariani, 617 de M. Philippe Martin, 694 de M. Galard, 314 de M. Gremetz, 187 de M. Pélissard et 58 de M. Mariani n'ont plus d'objet.

ARTICLE L. 212-15-2 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 346, ainsi rédigé :

« Supprimer le texte proposé pour l'article L.

21215-2 du code du travail. »

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Amendement défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 346.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement no 56 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 695 par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L.

212-15-2 du code du travail :

« Art. L.

212-15-2. - Les salariés occupés selon l'horaire collectif et pour lesquels les contraintes de leur activité nécessitent un dépassement régulier de celui-ci sont soumis aux dispositions des chapitres II et III du titre I et du titre II du livre II du code du travail.

« Toutefois, le paiement des heures supplémentaires régulières peut être intégré dans leur rémunération. »

L'amendement no 315, présenté par MM. Gremetz, Outin, Dutin, Patrick Leroy, Malavieille, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste et apparentés, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article

L. 212-15-2 du code du travail :

« Les cadres, à l'exception de ceux visés à l'article L.

212-15-1, bénéficient des dispositions relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés des chapitres II et III du titre I et à celles du titre II du livre II du code du travail. »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l'amendement no

56.

M. Bernard Accoyer.

Amendement défendu.

M. le président.

Cette réponse vaut pour l'amendement no 695.

M. Bernard Accoyer.

Défendu également.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission les a rejetés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 56 et 695.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul pour soutenir l'amendement no 315.

M. Daniel Paul.

Il s'agit d'un amendement de cohérence qui intègre la dimension de la rémunération dans la réduction du temps de travail pour les cadres, en fixant le seuil excluant les mieux payés au niveau déjà évoqué.

Les autres cadres, conformément au droit actuel, bénéficient des mêmes droits que les autres salariés. Toutes les enquêtes d'opinion, tous les contacts avec les cadres et leurs syndicats montrent que c'est ce qu'ils souhaitent dans leur immense majorité. Ils en ont assez des journées qui n'en finissent plus. Ils ne veulent pas être les oubliés de la réduction du temps de travail. C'est ce que nous ont dit toutes les organisations de personnels d'encadrement.

Soyons attentifs à ces revendications qui, si elles n'étaient pas prises en compte, contribueraient certainement à diviser cadres et autres employés alors que nous avons tous intérêt, au contraire, nous le savons bien, à donner à leurs attentes, qui sont les mêmes que celles des autres personnels, des réponses convergentes.

M. Bernard Accoyer.

Ce n'est plus vraiment la lutte des classes ! (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 315.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 910 est présenté par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ; l'amendement no 944 par M. Accoyer. Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le texte proposé pour l'article L.

212-15-2 du code du travail, après le mot : "branche", insérer les mots : "ou de l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947". »

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 910.

M. François Goulard.

Défendu.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer pour soutenir l'amendement no 944.

M. Bernard Accoyer.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur - et je m'adresse également par la voie des ondes au président de la commission qui est absent...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est mesquin ! Plusieurs députés du groupe socialiste.

Et en plus il est là !

M. Bernard Accoyer.

Pas à sa place ! Et comme il a l'habitude d'aller négocier nuitamment, et en urgence, avec M. Gremetz ou avec les Verts...

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz.

C'est de la délation !

M. le président.

Revenez à votre argumentation, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

L'amendement no 944 est un amendement particulièrement sérieux.

M. Yves Rome.

C'est un aveu !

M. Bernard Accoyer.

Non que les autres ne le soient pas ! Il concerne un grand nombre de cadres qui pourraient subir, si d'aventure vous n'écoutiez pas ma supplique, madame la ministre, des inconvénients fort préjudiciables.

Il s'agit de prendre en compte les cadres des entreprises dont le lien avec une convention de branche n'est pas clairement établi. De nombreuses entreprises ne sont pas dans le champ d'application d'une convention collective de branche et risquent, de ce fait, d'être exclues des dispositions prévues par l'article 5 du projet, donc des articles du code du travail qu'il rédige, L.

212-15-2 et

L. 212-15-3.

La référence à l'article 4 de la convention collective de 1947, relative au régime de retraite complémentaire des cadres, remédierait à cette exclusion, tout en offrant les mêmes garanties que les classifications des conventions collectives de branche. En effet, cette convention collective a été négociée et signée par les grandes organisations syndicales représentatives, comme le sont les conventions collectives de branche.

Par ailleurs, l'article 4 de cette convention définit les cadres d'après les fonctions qu'ils exercent réellement et tient compte de la formation acquise, de l'exercice d'une délégation de pouvoirs de l'employeur ou de l'exercice de fonctions impliquant initiative et responsabilités, tout comme le font les systèmes de classification des conventions collectives de branche. Cet article 4 se distingue de l'article 4 bis de la même convention qui, lui, vise les employés, les techniciens et les agents de maîtrise.

Enfin, la référence à l'article 4 de la convention de 1947 ne risque pas d'entraîner l'extension à d'autres catégories que les cadres exerçant effectivement une telle fonction.

De très nombreux cadres sont concernés, notamment dans le secteur bancaire, et je vous demande, madame la ministre, de prêter la plus grande attention à cet amendement, en espérant que vous les entendrez par ma voix.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La réaction de la commission sera aussi brève que la démonstration de M. Accoyer fut dense : la commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable car cet amendement n'apporte pas grand-chose.

Finalement, l'accord du 14 mars 1947 ne fait que renvoyer aux classifications des branches.

Cela dit, je comprends qu'il traduit le souci d'améliorer le texte et j'en remercie ses auteurs, tout en lui donnant un avis défavorable.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Nous comprenons bien que certains de nos amendements, parce qu'ils exposent des vues totalement opposées à celles de la majorité, fassent l'objet d'un refus catégorique de la part du rapporteur et de Mme la ministre. C'est dans l'ordre des choses.

En l'occurrence, il s'agit d'un amendement purement technique qui nous a été suggéré par des organisations syndicales. De plus, nous avons procédé à une étude, qui n'a certainement pas la qualité de celles dont vous pouvez disposer, madame la ministre, grâce à la compétence de vos services, mais qui montre qu'il existe une difficulté réelle. La rédaction que nous proposons améliorerait le texte et apporterait des garanties qui sont plutôt en accord avec vos objectifs.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur Goulard, je suis tout à fait prête à vérifier, d'ici à la seconde lecture, la véracité de vos affirmations. Je note simplement que l'article 4 de la convention nationale du 14 mars 1947 ne dit rien d'autre que ce que nous disons, nous, puisqu'il renvoie aux accords de branche nationaux ou régionaux ou aux arrêtés de mise en ordre des salaires.

M. Bernard Accoyer.

Mais en l'absence d'accord de branche ou de convention ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Heureusement, il reste très peu de vides conventionnels aujourd'hui : il y a dix ans, trois millions de salariés environ n'étaient pas couverts par les conventions collectives ; aujourd'hui, ils sont entre 200 000 et 300 000. Certains vides sont en passe d'être comblés, je pense à la convention collective du téléphone ou à celle des sports qui sont en cours de négociation. Le vide conventionnel est donc rare.

De toute façon, s'il n'y a pas de convention collective, il sera extrêmement difficile d'appliquer le texte, puisque celui-ci doit donner lieu à un accord.

Je le répète, je ne suis pas sûre que votre amendement change les choses, mais je suis prête à l'examiner d'ici à la deuxième lecture.

M. François Goulard et M. Bernard Accoyer.

Nous vous en remercions !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 910 et 944.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Mattei et M. Goulard ont présenté un amendement, no 917, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article L.

212-15-2 du code du travail, substituer aux mots : "occupés selon", le mot : "pratiquant". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Il s'agit encore d'un amendement de précision qui nous a été suggéré, à mon collègue Ma ttei et à moi-même, par des organisations professionnelles.

Nous pensons que le mot « pratiquant » permet de mieux cerner les catégories concernées que le mot « occupés ».


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission est restée perplexe, et dans le doute, a préféré repousser l'amendement de M. Goulard.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis négatif.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 917.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Doligé a présenté un amendement, no 727, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article L. 212-15-2 du code du travail, après le mot : "prédéterminée,", insérer les mots : "compte tenu qu'ils ne disposent d'aucune autonomie,". »

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

S'il est un amendement à adopter, c'est bien celui-là ! - amendement de précision technique et d'amélioration du texte, comme d'ailleurs les deux précédents, ceux-ci très près d'être reconnus comme adoptables, mais pense qu'ils le seront à la deuxième lecture.

Il me paraît important, en effet, de prendre bien en compte cette catégorie de cadres visée ici pour qu'ils puissent bénéficier de l'ensemble des textes qui leur sont applicables.

Par ailleurs, madame la ministre, j'ai pu me procurer le discours de Strasbourg que vous ne semblez pas connaître à la perfection...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pourtant, je l'ai appris par coeur !

M. Eric Doligé.

... car vous avez fait une erreur d'interprétation sur cette phrase : « Un projet de loi sera proposé à cet effet - c'est-à-dire contre la précarité - afin d'être voté avant la fin de la session. » Vous nous avez

dit : avant la fin de l'année. Pourrions-nous avoir des précisions afin de pouvoir, nous aussi, nous préparer ? Si vous pouviez à la fois accepter mon amendement et m'apporter cette précision, j'en serais très heureux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Je crains que M. Doligé ne doive se contenter de la précision ! La commission a repoussé son amendement car la définition qu'il donne reviendrait à réduire la catégorie des cadres qui peuvent relever d'un horaire collectif, ce qui ne correspond pas à notre démarche. Nous souhaitons que le maximum de cadres soumis à l'horaire collectif puisse bénéficier d'une réduction du temps de travail dans des conditions normales, sans relever des conditions de forfait.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

J'espère trouver d'autres raisons de rendre heureux M. Doligé, (Sourires) car je ne me sens pas tout à fait en accord avec son amendement.

J'ai compris, quant à moi, des discussions que j'ai eues avec le Premier ministre qu'il souhaitait que le texte sur le travail précaire passe avant la fin de l'année, sous la forme soit d'un projet de loi, soit d'une proposition. Dès que la décision sera prise, je ne manquerai pas d'en informer l'Assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 727.

(L'amendement n'est pas adopté.)

ARTICLE L.

212-15-3 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 654, présenté par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article

L. 212-15-3 du code du travail :

« Art. L.

212-15-3. - Les salariés dont le contrat de travail stipule qu'ils ne sont pas soumis à l'horaire collectif ou dont la nature des fonctions ne p ermet pas qu'ils puissent être occupés selon l'horaire collectif doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée du travail. Cette réduction, organisée par convention ou accord collectif étendu ou par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement, peut prendre la forme d'une diminution de la durée hebdomadaire, mensuelle ou annuelle de travail ou être organisée par l'attribution de jours de repos.

« Lorsque la convention ou l'accord organise la réduction de la durée du travail par la diminution du nombre d'heures travaillées sur la semaine, le mois ou l'année, la convention ou l'accord doit fixer la durée hebdomadaire, mensuelle ou annuelle du travail. La convention ou l'accord peut prévoir la conclusion d'une convention écrite de forfait hebdomadaire, mensuel ou annuel, en heures, sans préjudice du respect des dispositions des articles L.

2121-1 et L.

611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. La convention doit préciser la rémunération afférente au forfait qui doit être au moins égale à la rémunération que le salarié recevrait compte tenu du salaire minimum conventionnel applicable dans l'entreprise et des majorations prévues à l'article L.

212-5. La convention ou l'accord, sous réserve du respect des dispositions des articles

L. 220-1, L.

221-2 et L.

221-4, peut déroger aux articles L.

212-5-1 et L.

212-6 et déterminer des limites journalières et hebdomadaires se substituant à celles prévues aux articles L.

212-1, deuxième alinéa, et L.

212-7, deuxième alinéa.

« Lorsque la convention ou l'accord organise la réduction de la durée du travail par l'attribution de jours de repos, elle doit fixer le nombre de jours travaillés au plus à deux cent vingt-deux jours ou réduire de cinq jours au moins les jours travaillés par rapport au nombre de jours résultant de clauses conventionnelles ou contractuelles applicables antérieurement à la réduction. La convention ou l'accord définit les catégories de salariés concernés ainsi que les modalités de décompte des jours travaillés et de prise des journées ou demi-journées de repos. Il détermine les conditions de suivi de travail des salariés concernés. L'accord peut en outre prévoir que, dans la limite de la moitié de la réduction annuelle du nombre de jours travaillés, des jours de repos peuvent être affectés sur un compte épargne-temps dans les conditions définies par l'article L.

227-1. Il peut également préciser que la réduction du travail en jours est applicable aux salariés itinérants quelle que soit leur classification. Les salariés concernés par la convention ou l'accord prévoyant la réduction de la durée du travail sous forme de jours ne sont pass oumis aux dispositions des articles L.

212-1 deuxième alinéa, et L.

212-7, deuxième alinéa. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

L'amendement no 316, présenté par MM. Gremetz, Outin, Dutin, Patrick Leroy, Malavieille, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste et apparentés, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 212-15-3 du code du travail :

« Art. L. 212-15-3. - Les salariés ayant la qualité de cadres au sens des conventions collectives de branche bénéficient d'une réduction du temps de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Lorsque ces conventions de forfait en heures sont établies sur l'année, leur conclusion doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendus ou un accord d'entreprise ou d'établissement.

« Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année, l'accord collectif doit fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi, sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. L'accord collectif doit préciser les catégories de salariés concernés. »

L'amendement no 317, présenté par MM. Gremetz, Outin, Dutin, Patrick Leroy, Malavieille, Mme Jacquaint et les membres du groupe communiste et apparentés, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l'article L. 212-15-3 du code du travail :

« Art. L. 212-15-3. - Les salariés ayant la qualité de cadres au sens des conventions collectives de branche bénéficient d'une réduction du temps de travail. Leur durée de travail peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Lorsque ces conventions de forfait en heures sont établies sur l'année, leur conclusion doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendus ou un accord d'entreprise ou d'établissement.

« Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année, l'accord collectif doit fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi, sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. L'accord collectif doit préciser les catégories de salariés concernés. »

« La convention ou l'accord peut déterminer, pour les cadres itinérants, une limite journalière allant jusqu'à douze heures comprenant les temps consacrés aux transports et repas professionnels.

« La durée annuelle déterminée par l'accord ne peut être supérieure à :

« Pour l'année 2000 : 2 100 heures.

« Pour l'année 2001 : 2 000 heures.

« Pour l'année 2002 : 1 900 heures.

« Pour l'année 2003 : 1 800 heures.

« Pour l'année 2004 : 1 684 heures ».

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 654.

M. François Goulard.

Par cet amendement, nous démontrons que nous sommes capables de faire des concessions et de nous inscrire dans l'esprit du texte tout en essayant d'y introduire la souplesse - c'est notre manie et on nous la reproche, mais la souplesse nous paraît nécessaire en l'occurrence. L'amendement est assez long mais M. le rapporteur et Mme la ministre ont eu tout loisir de l'étudier en détail et ils vont nous donner leur avis.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

L'étude en détail à laquelle nous avons procédé n'empêche pas d'émettre un avis général négatif sur la disposition que vous proposez, monsieur Goulard.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable. Cet amendement reviendrait à ne plus appliquer aucune clause aux cadres. Ce n'est pas notre souhait.

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Je demande de nouveau à Mme la ministre une réponse à la question que je lui ai posée, et que m'ont posée de nombreux juristes. Que se passera-t-il pour tous les cadres au forfait qui, à cause de certaines circonstances, dépasseront le 217e jour de travail ? Que sera le traitement du 218e jour ? Comment s'effectuera le décompte des heures ? S'agira-t-il d'un décompte journalier ? Comment s'effectuera le paiement des cadres qui auront dépassé les 217 jours du forfait ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je suis surprise que des juristes posent cette question, car la réponse m'apparaît assez claire. Il s'agit d'une durée maximale, qui ne peut donc, par définition, être dépassée. Les cadres ne peuvent, même s'ils le choisissent, même si un accord sur la baisse annuelle du temps de travail par le biais de jours de congé intervient, travailler plus de 217 jours, sauf si, à la demande du salarié, quelques jours de congés sont reportés, sans toutefois être perdus.

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint pour défendre les amendements nos 316 et 317.

Mme Muguette Jacquaint.

L'amendement no 316 vise à encadrer le forfait horaire des cadres. Le texte du projet établit, comme le rappelle la commission, que, « sans même que l'accord ait à le préciser, la contrepartie du forfait jours est que les maxima journaliers et hebdomadaires ne s'appliquent plus. La seule règle explicitement citée est celle des onze heures consécutives de repos journalier. » Ajoutons que la loi prévoit un maximum de

217 jours travaillés pour les cadres.

Si la loi était votée en l'état, il serait possible de travailler 13 heures par jour et 78 heures par semaine, le total pour l'année pouvant ainsi atteindre 2 821 heures, corresp ondant à 13 heures quotidiennes sur 217 jours.

M. Cochet a d'ailleurs fait à ce propos une excellente démonstration, que je reprends à mon compte. Nous sommes très loin des 1 600 heures, même si on leur ajoute le contingent de 130 heures supplémentaires, soit u n total annuel, pour les salariés non-cadres, de 1 730 heures.

On voit bien que le décompte en jours est une construction abstraite...

M. François Goulard.

C'est vrai !

Mme Muguette Jacquaint.

... car il est immédiatement traduisible en heures. Il s'agit en fait d'un artifice qui permet de perpétuer la situation actuelle, caractérisée par


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

de fortes durées de travail pour les ingénieurs, cadrestechniciens et agents de maîtrise. Le non-paiement des heures supplémentaires à ces catégories rapporte des sommes considérables aux auteurs de délits de travail dissimulé. Je ne reprendrai pas l'exemple de mon collègue Daniel Paul, ni ne citerai l'entreprise fautive : il s'agissait quand même d'un coquet surprofit de 150 millions par an. Le décompte en jours sans référence horaire permet le maintien de durées de travail excessives, alors que la baisse réelle du temps de travail des ingénieurs et cadres conduirait à l'embauche de dizaines de milliers de personnes : une part importante du travail gratuit - gratuit car non rémunéré - fourni par les cadres est consacré à l'exécution de tâches qui pourraient être effectuées par d'autres.

Le décompte en jours sans référence horaire, qui permet une durée de travail quotidienne illimitée, est contraire à la directive européenne relative au temps de travail, laquelle n'est pourtant pas un modèle de droit social. Elle fixe le maximum hebdomadaire à 48 heures, et prévoit, certes, des dérogations, mais soumises à condition. Ainsi, des périodes équivalentes de repos compensateur doivent être ménagées. Or la durée européenne maximale est de 2 304 heures. La durée française passerait à 2 821 heures et la directive ne serait pas respectée sur ce point.

Les dérogations doivent aussi respecter les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des salariés. Or il n'est pas contestable que tel ne serait pas le cas avec des durées illimitées, par exemple dans le cas d'un technicien de maintenance rentrant chez lui en voiture après une journée de 18 heures.

Notre amendement tend donc à appliquer les maxima même en cas de forfait horaire et à soumettre leur mise en place à la conclusion d'un accord.

Par ailleurs, des procès ont révélé les millions d'heures de travail clandestin effectuées par les cadres, ainsi que la façon délibérée dont certains employeurs font exécuter ce travail illégal. Le malaise des cadres, dont nous parlions, vient aussi de leurs conditions de travail. Ils aspirent, comme tous les salariés, à profiter de la croissance et des richesses.

M. François Goulard.

Ils en profitent pas mal ! Ils ont tout de même leur salaire !

Mme Muguette Jacquaint.

Car si certains cadres touchent des sommes rondelettes, d'autres ne perçoivent pas une juste rémunération pour le travail qu'ils effectuent.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé ces amendements. L'architecture du texte et les modifications introduites par la commission feront évoluer la situation juridique des cadres. Nous savons que, pour l'essentiel, c'est aujourd'hui une situation de nondroit, la plupart des cadres étant soumis à des régimes de forfait qui ne sont pas réellement formalisés et n'étant pas rémunérés pour les heures supplémentaires qu'ils effectuent. Cette situation, qui se traduit, pour les cadres, par une charge de travail très importante, n'est pas acceptable.

Le dispositif présenté consiste à distinguer les cadres dirigeants, soumis à des règles spécifiques et restrictives, des autres catégories de cadres. Mme la ministre l'a indiqué, la majorité des cadres relèvera du droit commun, c'est-à-dire de l'ensemble des dispositions que nous avons votées par ailleurs, et d'une réduction du temps de travail mesurable en heures sur 35 heures. Les autres catégories de cadres, qui seront donc la minorité, seront soumises à des systèmes de forfaits, forfait horaire ou forfait jours.

Le véritable débat, me semble-t-il, porte sur deux points. Le premier touche à l'encadrement conventionnel.

Il importe que les mécanismes de forfait dès lors qu'ils entraînent certaines adaptations par rapport au droit commun, ne puissent être mis en place que dans le cadre de la négociation. Il importe également que ne puissent pas bénéficier de ces dispositifs les salariés qui ne seraient pas cadres, qui n'occuperaient pas des postes de responsabilité ou de commandement, mais qu'on essaierait de faire entrer dans cette catégorie, pour déroger au droit du travail. C'est pourquoi le texte prévoit que la définition de la fonction de cadre ne pourra être librement formulée par chaque entreprise, mais devra l'être dans les conventions collectives, qui détermineront également les catégories de cadres soumis au régime du forfait horaire ou à celui du forfait jours.

Il est vrai, néanmoins, que ces forfaits, notamment les forfaits jours, soulèvent quelques difficultés. Si la formule du décompte en jours a été retenue, c'est qu'il était difficile d'assurer un contrôle horaire du travail des cadres - parfois, ceux-ci ne le souhaitaient pas - mais qu'il fallait toutefois qu'ils puissent bénéficier d'une réduction du temps de travail.

Le régime des forfaits jours est naturellement soumis à la discussion et mon collègue Gérard Terrier aura ainsi l'occasion de présenter des amendements visant à mieux préciser les garanties de la minorité de salariés qui relèveront de ce système.

Mais ce dispositif me paraît équilibré, qui fixe la part de la loi et celle de la négociation, qui établit les règles fondamentales et s'efforce d'apporter aux cadres des garanties conventionnelles. J'insiste sur ce point, quir eprésente un enjeu important pour les partenaires sociaux et les syndicats : nous sommes aujourd'hui dans un système de gré à gré, dans lequel le rapport de forces est manifestement très déséquilibré et auquel nous voulons substituer un encadrement conventionnel tenant compte de la réalité du terrain et de la situation des cadres, mais permettant aussi à ces derniers d'avoir une expression collective et, à travers elle, de faire valoir leurs droits, comme les autres salariés, à la réduction effective du temps de travail.

M. Jean Le Garrec, président de la commission. Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Je crois que le théâtre d'ombres dont nous sommes les acteurs n'aura jamais été aussi éloigné de la réalité qu'en cet instant.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Parlez pour l'opposition, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

Mme la ministre nous parle de la limite maximale des jours ouvrés pour les cadres, mais n'entend pas s'exprimer sur le sort du jour ou des jours qui seraient travaillés en plus, puisque, par définition, la limite étant maximale, ces jours travaillés supplémentaires n'existeraient pas.

Mais pouvez-vous tout de même envisager, madame la ministre, que cela se produise ? La durée légale du travail des cadres n'est-elle pas dépassée tous les jours ? Le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

nombre de jours de congés qu'ils prennent n'est-il pas inférieur à ce que leur accorde la loi ? Pouvez-vous imaginer que la réalité ne cadre pas avec la loi que vous êtes en train de faire ? C'est pourtant bien ce qui se passera, nous le savons. Et les heures de discours que nous consacrons à ce sujet sont totalement vaines, car nous savons que la réalité ne sera pas conforme à vos souhaits.

Mme Jacquaint, reprenant ce que M. Gremetz ou un autre membre de son groupe disait tout à l'heure, nous parle des heures supplémentaires qui sont volées aux cadres en raison des dépassements d'horaires. Mme Jacquaint ne s'est-elle jamais demandé si la rémunération des cadres qui, elle l'admettra, est généralement supérieure à celle des autres salariés...

Mme Muguette Jacquaint.

Et alors ?

M. François Goulard.

...ne prend pas en compte, de manière forfaitaire, quoique assez peu juridique, les dépassements d'horaire qu'un cadre accepte d'effectuer ? Le décompte auquel vous vous livrez n'est-il pas totalement abstrait ? S'il fallait payer les heures supplémentaires des cadres, leur salaire de base ne devrait-il pas être revu à la baisse ?

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Je connais d'autant mieux le sort qui sera réservé à l'amendement no 316 que l'amendement no 317, que je n'ai pas défendu, est un amendement de repli.

M. le président.

Je vous avais demandé de présenter les deux amendements en même temps.

Mme Muguette Jacquaint.

J'ai défendu l'amendement no 316, mais pas le no 317.

M. Eric Doligé.

C'est qu'il est indéfendable !

Mme Muguette Jacquaint.

Il me paraît bien normal, étant donné les responsabilités qui pèsent sur eux, que les cadres aient les salaires qu'ils ont. Je dirai même plus, certains ne touchent pas un salaire correspondant à leurs responsabilités dans l'entreprise. Qu'on ne vienne donc pas me dire que je n'écoute pas les cadres ! D'ailleurs, eux-mêmes réclament de ne pas être les oubliés de la loi sur la réduction du temps de travail.

Quant aux heures supplémentaires qui ne sont pas rémunérées, comment les considérer, si ce n'est comme du travail volé, gratuit ? C'est pourquoi les cadres demandent aujourd'hui à être reconnus et veulent obtenir des avantages correspondant à l'époque dans laquelle nous vivons.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 654.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 316.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 317.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

L'amendement no 543 de M. Bernard Accoyer n'est pas défendu.

MM. Proriol, Goulard, Dord et Perrut ont présenté un amendement, no 445, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du I du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail, après les mots : « de branche », insérer les mots : « ou d'entreprise ».

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 445.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 909, 945 et 1028, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 909 et 945 sont identiques.

L'amendement no 909 est présenté par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ; l'amendement no 945 est présenté par M. Accoyer. Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la première phrase du premier alinéa du I du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail, après le mot : « branche », insérer les mots : « ou de l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947. »

L'amendement no 1028, présenté par M. Gengenwin, est ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du I du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail, après le mot : « branche », insérer les mots : « ou des accords collectifs interprofessionnels ».

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 909.

M. François Goulard.

Nous en revenons à un sujet sur lequel nous avons déjà attiré l'attention de Mme la ministre. L'amendement no 909, que je défends, et l'amendement no 945, présenté par mon collègue Bernard Accoyer, ont pour objet de mieux cerner la catégorie des cadres en se référant à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance du 14 mars 1947. Je suppose que la réponse sera identique.

M. le président.

Vous avez défendu les deux premiers amendements, et je vous en remercie.

La parole est à Mme Christine Boutin, pour soutenir l'amendement no 1028.

Mme Christine Boutin.

L'article 5 du projet de loi distingue trois catégories de cadres : les cadres dirigeants, les cadres occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'unité de travail et dont la durée du travail peut être prédéterminée, et les autres cadres.

Or, l'article L.

212-15-3 prévoit que cette troisième catégorie de cadres, au sens des conventions collectives de branche, doit bénéficier d'une réduction effective de la durée du travail, et il précise les modalités de décompte de leur temps de travail.

Il serait souhaitable d'ouvrir cette disposition aux cadres au sens des accords collectifs interprofessionnels.

Par souci d'harmonisation, cette définition devrait être également retenue dans l'article L.

212-15-2.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission les a repoussés.


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M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements identiques nos 909 et 945.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1028.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gorce a présenté un amendement, no 1053, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du I du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail, substituer à la référence : «L.

212-5-2 » la référence :

« L. 212-15-2 ».

La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1053.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement no 60 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 347 par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier. Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la première phrase du I du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail, substituer au mot : « doivent », le mot : « peuvent ».

La parole est à M. Eric Doligé, pour soutenir ces deux amendements.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

M. Doligé n'en est pas signataire !

M. le président.

Je sais que certains ne l'acceptent pas, mais un amendement peut être repris.

M. Yves Rome.

Voilà c'est un président libéral !

M. Eric Doligé.

C'est un amendement extrêmement court, qui ne devrait donc pas trop perturber M. le rapporteur. Nous pensons qu'il faut davantage de souplesse dans l'approbation des 35 heures, afin de permettre aux cadres, dans le cadre des 35 heures, de retrouver un peu de liberté.

Je répondrai également à Mme Jacquaint. Certains députés étaient cadres dans une vie antérieure ou le sont encore, et il a pu leur arriver mais peut-être ne faut-il pas le dire - de dépasser leurs horaires, parce qu'ils n'y avaient pas prêté attention. Quoi qu'il en soit, lorsque je me suis trouvé dans ce cas, je n'ai jamais eu le sentiment d'être volé ou de voler. Je considère que, lorsque l'on a des responsabilités et que l'on a envie d'aller au bout de son travail, on peut, certaines semaines, y consacrer 40 heures, 45 heures ou plus, sans pour autant se croire obligé d'aller réclamer. Il faut compter, dans la vie, avec la passion pour le travail, l'envie de travailler, d'évoluer, de découvrir, de monter dans la hiérarchie.

Mme Muguette Jacquaint.

Vous ne parlez que de ce qui est librement consenti, pas de ce qui est imposé !

M. Eric Doligé.

Je sais que c'est inconcevable pour certains. Je vois pourtant, derrière Mme la ministre, quelques cadres de l'administration...

M. Alfred Recours.

Ils sont tous partis ! (Sourires.)

M. Yves Rome.

Ils se sont mis en grève ! (Sourires.)

M. Eric Doligé.

... qui doivent certainement dépasser leurs horaires, et je ne pense pas qu'ils reprochent en permanence à Mme la ministre de les voler. L'endroit où l'on respecte le moins la loi, c'est certainement cet hémicycle, et il serait souhaitable que nous arrêtions de traiter les uns et les autres de voleurs. Il y a des gens qui peuvent travailler plus...

Mme Muguette Jacquaint.

Est-ce toujours librement consenti ?

M. le président.

Mme Jacquaint, vous n'avez pas la parole.

M. Alfred Recours. Ce que dit Mme Jacquaint est pourtant très intéressant ! M. Eric Doligé. Que Mme Jacquaint accepte donc de reconnaître que l'on peut consentir de travailler un peu plus sans s'estimer victime d'un vol ! Mme Muguette Jacquaint. On le peut de moins en moins !

M. le président.

Monsieur Goulard, considérez-vous que votre amendement est défendu ? M. François Goulard. Oui, je n'ai rien d'autre à ajouter.

Cela dit, je me réjouis de voir le groupe communiste évoluer : hier, M. Gremetz a renié la dictature du prolétariat ; aujourd'hui, Mme Jacquaint admet que l'on peut volontairement travailler au-delà de ce que prévoient les règles. C'est une avancée conceptuelle importante !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Ces deux amendements ne visent à changer qu'un mot, mais, finalement, ils changent tout,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais oui !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... puisqu'ils visent à priver les cadres de la réduction du temps de travail. Ces amendements présentés par M. Doligé et M. Goulard permettront de juger qui souhaite traiter réellement de la situation des cadres et qui a, au contraire, le souci de les maintenir dans une situation qu'ils n'approuvent pas.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

En effet, chacun a reconnu sur ces bancs qu'il y a un vrai malaise des cadres et que celui-ci tient sans doute, pour une part, au fait que la réglementation sur le temps de travail ne leur est pas applicable.

Ces amendements traduisent très clairement l'état d'esprit qui est le vôtre sur ces questions et ils confirment certaines de vos propositions antérieures.

M. Alfred Recours. Tout à fait !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

A ce propos, je vous assure, monsieur Doligé, que je suis sensible à la continuité d'inspiration dont témoignent les amendements que vous présentez ou que vous défendez. Toujours moins de


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réglementation, toujours moins de garanties pour les salariés dans le cas présent, il s'agit des cadres : telle est votre philosophie. En tout cas, ce n'est pas la nôtre. Mais je suis heureux que vous puissiez l'afficher clairement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je partage l'avis du rapporteur dont je salue l'excellente intervention.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 60 et 347.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Mattei et M. Goulard ont présenté un amendement, no 918, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la deuxième phrase du I du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail : "leur durée de travail peut être fixée par des statuts conventionnels définis par convention ou accord de branche étendu ou par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établis sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. Il va peut-être paraître étonnant que nous proposions d'ajouter dans le I du texte proposé pour l'article 212-15-3 la possibilité de définir la durée du travail par un statut conventionnel là où le texte du Gouvernement n'envisage qu'une convention individuelle de forfait. On pourrait penser que nous sommes là, d'une certaine façon, à contre-emploi. Et si le rapporteur a raison sur l'essentiel il est vrai que nous souhaitons moins de réglementation et vous davantage -, je souhaiterais infirmer le propos qu'il a tenu à l'instant.

Par cet amendement, nous entendons simplifier l'application de la loi dans les grandes structures où, pour des raisons pratiques, il sera extrêmement difficile, dans les premiers moments de l'application du texte, de conclure des conventions individuelles de forfait. Je pense notamment aux secteurs économiques qui emploient une importante proportion de cadres. Pour ces secteurs, il serait préférable d'offrir la possibilité de le faire par le biais d'un statut conventionnel, c'est-à-dire d'un statut résultant d'une convention collective ou d'un accord de branche étendu, donc validé par le ministre du travail.

Cet ajout ne devrait pas vous effrayer, bien au contraire, car il aura d'heureuses conséquences sur la mise en oeuvre de votre loi. Que pouvez-vous demander de plus ?

M. le président.

Que demandez-vous de plus, monsieur le rapporteur ? Quel est votre avis sur cet amendement ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Je suis ennuyé que M. Goulard soit à contre-emploi, c'est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

(Sourires.)

M. François Goulard.

C'est désespérant !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 918.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Mariani a présenté un amendement, no 61, ainsi rédigé :

« Supprimer la dernière phrase du I du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail. »

La parole est à M. Eric Doligé, pour soutenir cet amendement.

M. Eric Doligé.

Si je me permettais une comparaison avec le patinage artistique, monsieur le rapporteur, je dirais que nous sommes plutôt pour les figures libres, et vous pour les figures imposées !

M. Hervé Morin.

Et qu'en pense M. Calmat ? M. Eric Doligé. En général, les Français sont meilleurs dans la première discipline que dans la seconde. Je tenais à faire cette comparaison, car, malheureusement, il en va de même en matière économique.

M. Alfred Recours.

Calmat était bon en figures libres !

M. le président.

Mes chers collègues, évitez de faire déraper le débat !

M. Eric Doligé.

Il est vrai que le terrain est quelque peu glissant !

M. Alfred Recours.

Doligé patine ! Doligé en tutu ! (Rires.)

M. Eric Doligé.

Cet amendement tend à permettre un accès direct à la modulation du temps de travail pour les cadres. Cela correspond à notre philosophie selon laquelle il faut un peu moins d'encadrement et un peu plus de liberté.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Défavorable. En parlant de déréglementation, j'ai touché l'opposition, qui, maintenant, cherche à se justifier en nous indiquant qu'il s'agit de défendre la liberté. Cette défense de la liberté, nous la partageons. Seulement, nous, nous voulons faire progresser un certain nombre de choses en associant loi et négociation. M. Goulard répète toujours les mêmes arguments. Qu'il me permette d'en faire autant pour que l'on se comprenne bien.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

61. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Terrier, Rome et les membres d u groupe socialiste ont présenté un amendement, no 1018, ainsi rédigé :

« Substituer à la dernière phrase du I du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail les deux phrases suivantes :

« La conclusion de ces conventions de forfait doit être prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui détermine les catégories de cadres susceptibles de bénéficier de ces conventions individuelles de forfait ainsi que les modalités et les caractéristiques principales des conventions de forfait susceptibles d'être conclues. A défaut de convention ou d'accord collectif étendu ou de convention ou d'accord d'entreprise ou d'établissement des conventions de forfait peuvent être établies sur une base mensuelle. »

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Cet amendement démontre à nos collègues de l'opposition, s'ils en doutaient encore, que nous voulons non corseter les entreprises, mais donner toute sa dimension à la négociation.


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Ainsi, il prévoit que la détermination des catégories de cadres qui peuvent être concernés par des conventions individuelles de forfait ainsi que les caractéristiques principales de ces conventions font l'objet, préalablement à toute conclusion, avec le salarié, d'un accord collectif de branche ou d'entreprise ou d'établissement. Il est donc impératif d'avoir des négociations et de les conduire à leur terme.

A défaut d'accord de branche ou d'entreprise, les conventions de forfait ne peuvent être établies que sur une base mensuelle. La justification de cette restriction a été donnée tout à l'heure, par Mme la ministre. Pour ce type de forfait, il y aura des limites horaires qui ne pourront pas être dépassées.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Favorable. La commission approuve cet amendement qui vise à améliorer l'encadrement conventionnel de la mise en place des forfaits. C'est tout à fait conforme à ce que nous souhaitions.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui relève du même esprit que le texte. Je souhaite simplement que l'on n'oublie pas les forfaits établis sur une base hebdomadaire, qui sont aussi protecteurs pour les salariés et peut-être même plus facilement contrôlables.

Je propose de corriger l'amendement en ce sens pour que, à défaut d'accord de branche ou d'entreprise, des conventions de forfait puissent être établies « sur une base hebdomadaire ou mensuelle ». La modification ne retirera rien à la force de l'amendement.

M. le président.

Monsieur Terrier, acceptez-vous cette correction qui tend à insérer les termes : « hebdomadaire ou », après les mots : « sur une base » ?

M. Gérard Terrier.

Oui, monsieur le président. J'allais d'ailleurs le proposer moi-même.

M. le président.

Qu'en pense la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

D'accord.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1018 tel qu'il vient d'être corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 446 de M. Proriol et 751 de M. Goulard tombent.

MM. Proriol, Dord et Goulard ont présenté un amendement, no 447, ainsi rédigé :

« Compléter le I du texte proposé pour l'article

L. 212-15-3 du code du travail par la phrase suivante : "Une convention ou un accord collectif étendus ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut également prévoir que la durée du travail des cadres visés au présent article est décomptée en jours". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Cet amendement relève du même esprit que mon amendement no 751 qui vient malheureusement de tomber.

Depuis quelque temps, on parle beaucoup de la baisse du moral des cadres. Il y a aussi une vraie baisse du moral de l'opposition. (Sourires.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On l'avait remarqué !

M. François Goulard.

Quand nos amendements heurtent vos principes, il est après tout normal qu'ils soient écartés soit par des discours enflammés, soit d'un simple revers de main. Mais il arrive aussi qu'ils proposent des améliorations strictement techniques du texte.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Lesquelles ?

M. François Goulard.

Généralement, il y a à l'origine de ces amendements des réflexions des organisations syndicales ou professionnelles. Nous essayons, nous comme vous, de nous mettre à leur service quand les remarques qui nous sont présentées nous paraissent judicieuses.

Sur l'amendement no 918, je pensais pouvoir obtenir sinon satisfaction, tout au moins une réponse plus argumentée du rapporteur, qui s'est contenté de dire qu'il n'en voulait pas, alors même que je lui avais expliqué que, dans beaucoup de branches où les effectifs de cadres étaient nombreux, la conclusion de forfaits individuels allait rencontrer des obstacles pratiques non négligeables.

C'est pourquoi j'avais suggéré d'ajouter un membre de phrase pourque la durée du travail puisse être fixée par un statut conventionnel. Peut-être ai-je tort, car je ne suis pas, comme le rapporteur, un grand spécialiste du droit du travail. Mais quand nous avançons des arguments techniques, qu'on nous fournisse au moins des réponses qui le soient aussi un tant soit peu, qu'on ne se contente pas de nous opposer un refus uniquement motivé par le fait que l'amendement émane de l'opposition.

Cela dit, l'amendement no 447 est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

M. Goulard a mis tant d'insistance à obtenir une réponse de fond que je préfère que ce soit Mme la ministre qui la lui donne. Cette réponse sera plus complète et elle sera de nature à le satisfaire davantage.

Quant à l'amendement no 447, j'y suis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je voudrais d'abord signaler à M. Goulard que, comme d'habitude, nous examinons l'ensemble de ses amendements avec une grande attention.

L'amendement no 918 ne proposait pas une simple modification technique dans la mesure où il tendait bel et bien à modifier l'état du droit. Car, ce que vous proposiez finalement, monsieur Goulard, c'est que lorsqu'une convention collective prévoit un forfait pour les cadres, il ne puisse pas y avoir d'adhésion individuelle par le biais d'un accord individuel. Or, à cet égard, la jurisprudence de la Cour de cassation est constante : pour que le forfait soit valable, il doit être accepté par le salarié, l'accord de celui-ci ne se présumant pas.

L'amendement en question n'était donc pas technique ; c'était un retour en arrière par rapport à une pratique protectrice pour les cadres. C'est la raison pour laquelle nous ne l'avons pas accepté.

Pour ce qui est de l'amendement no 447, le Gouvernement y est défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 447.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

L'amendement no 348 est présenté par MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ; l'amendement no 876 par

Mme Boisseau, MM. Blessig, Gengenwin, Weber et Bur.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le II du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail ».

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 348.

M. François Goulard.

Amendement défendu.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau, pour soutenir l'amendement no 876.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 348 et 876.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Pélissard a présenté un amendement, no 184, ainsi rédigé :

« Dans le II du texte proposé pour l'article

L. 212-15-3 du code du travail, substituer aux mots : "sans préjudice du respect", les mots : "dans le respect des durées maximales prévus au I du présent article et". »

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour soutenir cet amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Dans le texte initial, aucune limitation haute du forfait annuel en heure n'est proposée, pas plus qu'une définition des populations concernées par les deux formes de forfait. En outre, l'absence d'un référentiel en heures au forfait jour conduit ce dernier à devenir un deuxième forfait sans référence horaire, ce que nous ont fait remarquer de nombreuses organisations syndicales auditionnées par la commission.

C'est pourquoi nous proposons une nouvelle rédaction qui permet de définir les salariés visés par l'un ou l'autre forfait. Le salarié dont il est possible de décompter le temps de travail en heures ne peut, par définition, être le même que celui à qui on le décompte en jours. L'interchangeabilité prévue par la loi risque de voir les entreprises privilégier le forfait jour dans la mesure où celui-ci échappe à toute limitation ou contrôle. La seule garantie prévue par la loi pour l'utilisation de ce forfait reste insuffisante.

Il convient par ailleurs d'établir que le forfait en jours doit correspondre à une équivalence annuelle horaire similaire aux forfaits en heures de l'entreprise, le nombre de jours retenus pouvant alors varier en fonction de l'estimation de la durée de travail théorique moyenne effectuée par les salariés concernés par ce forfait.

Madame la ministre, j'ai le sentiment que cet amendement excellent pourrait recueillir votre approbation car il va dans le sens que vous souhaitez.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé l'amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Sans motif ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je vais, madame Bachelot, vous donner un motif de refuser l'amendement.

La réduction proposée laisse supposer que l'amendement tend à instaurer un plafond. Or celui-ci existe déjà : il est de 1 600 heures, plus 130, c'est-à-dire 1 730 heures.

L'amendement laissant à penser que ce plafond n'existe déjà, je ne peux pas l'approuver.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gorce, rapporteur, MM. Rome, Terrier, les commissaires membres du groupe socialiste et M. Cochet, ont présenté un amendement, no 473, ainsi rédigé :

« Supprimer la deuxième phrase du II du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail. »

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Amendement de coordination avec l'amendement no 1018 corrigé.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 473.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 954, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du II du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail :

« La convention ou l'accord doit respecter les dispositions des articles L.

220-1, L.

221-2 et L.

221-4 ainsi que celles prévues au deuxième alinéa des articles L.

212-1 et L.

212-7. »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

L'argumentaire présenté tout à l'heure par Mme Jacquaint vaut pour cet amendement.

La dernière phrase du II du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 dispose que les maxima horaires prévus par l'article L.

212-1 du code du travail ainsi que les maxima hebdomadaires prévus par l'article L.

212-7 du même code ne sont pas applicables pour les cadres au forfait annuel en heures. C'est assez dangereux et je propose de réécrire cette phrase car les cadres qui dépendent de conventions de forfait en heures sur l'année doivent pouvoir bénéficier, comme les autres, de limites horaires quotidiennes et hebdomadaires pour éviter les surcharges de travail et le stress.

A titre d'exemple, je citerai un accord qui a été signé par quatre syndicats, dont la CFDT et la CGT, et qui concerne une filiale de Thomson Multimédia, entreprise qui, il y a encore trois ans ou quatre ans, ne valait pas plus d'un franc pour certains, mais qui maintenant vaut


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

beaucoup plus. Dans cette filiale, qui s'appelle Thomson Broadcast System, une entreprise multinationale qui fabrique des images numériques aussi belles que celles des films américains et qui vit donc dans un système concurrentiel, un accord a été passé qui prévoit que les horaires des cadres en situation de forfait horaire sont limités par les deux articles du code du travail que j'ai cités.

M. François Goulard.

Cet accord est-il respecté ?

M. Yves Cochet.

Il l'est. Cet accord a été signé à Rennes en juin dernier, et il marche très bien.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement, notamment parce qu'elle a adopté un peu plus loin dans le texte un autre amendement que présentera M. Terrier pour préciser les conditions dans lesquelles le contrôle de l'application de ces nouveaux maxima conventionnels fixés peut être assuré. Ce sera l'amendement no 474.

C ela dit, M. Cochet, comme tout à l'heure Mme Bachelot-Narquin - je ne lui ai pas répondu directement, mais il n'empêche que j'avais beaucoup de considérations pour l'argument qu'elle développait - a posé le problème du respect des maxima s'agissant des forfaits horaires. C'est un débat qu'il est tout à fait normal d'ouvrir. La protection conventionnelle doit être précisée.

L'amendement no 474 tendra à répondre à ce souci.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le texte précise clairement que des conventions ou des accords collectifs étendus peuvent prévoir des maxima.

De plus, la commission a déposé un amendement qui tend à préciser la façon dont le respect de ces maxima pourra être contrôlé. Avis défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 954.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Delnatte a présenté un amendement, no 763 corrigé, ainsi rédigé :

« A la fin de la dernière phrase du II du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail, substituer aux mots : "des articles L.

212-1 et

L. 212-7", les mots : "de l'article L.

212-1". »

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin pour soutenir cet amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

A l'occasion de cet amendement, je vais vous lire une lettre qui nous a été adressée par les cadres CFE CGC du groupe Nestlé.

« Vous ne serez certainement pas surpris que ce projet ne fasse pas, loin s'en faut, l'unanimité, et que, dans la plupart des cas, il engendre des réactions très hostiles chez les cadres. Certains vont jusqu'à estimer : "Une fois de plus, et peut-être plus que jamais, les cadres et l'encadrement vont être les dindons de la farce." Pour illustrer leurs dires, il font référence à la disposition suivante : "Les salariés concernés par l'accord prévoyant la réduction du temps de travail sous forme de jours ne sont pas admis aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail".

« Accepter cette loi en l'état, c'est officialiser la position selon laquelle les cadres et l'encadrement seraient plus corvéables que jamais, et les soumettre sans contrôle aux dirigeants d'entreprise, en toute légalité. C'est ce que le nouveau président de la CFE CGC, M. Jean-Luc Cazettes a appelé "la loi de l'arbitraire". »

J'ai cité cette lettre in extenso parce qu'elle me semble très importante. Elle justifie le malaise et les manifestations des cadres ces derniers jours dans la rue et correspond tout à fait à ce que nous avaient dit les syndicats de cadres lorsque la commission les a auditionnés.

L'amendement propose de réintroduire la limitation de quarante-huit heures par semaine dans ce texte car il est absolument inadmissible que les cadres ne bénéficient pas de la limitation qui vaut pour les non-cadres.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

Comme je l'ai déjà indiqué, un amendement vous proposera ultérieurement de préciser un peu les choses en ce domaine. C'est vrai qu'il y a une interrogation - dont je me suis fait l'écho - concernant les maxima.

Je tiens à préciser que les dispositions qui vous sont présentées sont beaucoup plus protectrices car, dans la réalité, les maxima sont rarement respectés. Le forfait horaire sur l'année permettra un maximum d'heures travaillées, si l'on prend la base de 1 600 heures plus les heures supplémentaires, de 1 730 heures pour les cadres concernés, les maxima s'appliquant à eux sauf dérogation conventionnelle.

La question qu'on peut se poser, madame la ministre, est de savoir quelles seront les limites à ces dérogations conventionnelles ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

Madame Bachelot-Narquin, si les cadres manifestent et je me réjouis qu'il soutiennent la réduction de la durée du travail -, je pense qu'ils seraient encore plus nombreux dans la rue si nous avions adopté les amendements de l'opposition qui visaient à les exclure de la réduction de la durée du travail.

Il faudrait tout de même conserver une certaine cohérence dans le débat et ne pas oublier tous ces amendements qui proposent de remplacer le verbe devoir par le verbe pouvoir pour la réduction de la durée du travail.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

On nous répond toujours, comme pour le dépassement des 1 600 heures, que, finalement, très peu de salariés sont concernés. Mais justement, le but de la loi est de protéger des excès, à la marge. On sait que la plupart des cadres ne travaillent pas plus de 48 heures par semaine, néanmoins, de telles situations existent. Et c'est pour régler ces cas à la marge qu'il est important de légiférer ; je ne comprends donc absolument pas, chers collègues de la majorité, pourquoi vous refusez cet amendement qui devrait nous réunir.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 763 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gorce, rapporteur, Mme Génisson, MM. Rome, Terrier et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 474, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase du II du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail


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par les mots : ", à condition de prévoir des modalités de contrôle de l'application de ces nouveaux maxima conventionnels et de déterminer les conditions de suivi de l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés". »

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Cet amendement présente plusieurs vertus.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il faut dire du bien de soi !

M. Gérard Terrier.

Madame Bachelot, je suis frappé par le fait que votre défense des amendements est à géométrie variable. Certains députés de l'opposition nous disent :

« Ne fixez plus de contraintes, laissez les cadres travailler autant qu'ils le souhaitent, leur situation le commande ».

Mais, deux amendements plus loin, vous proposez d'imposer une limite de 48 heures par semaine.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à fait !

M. Gérard Terrier.

Je ne vous comprends donc plus bien que toutes les positions soient respectables, madame Bachelot. Certes, nous ne partageons pas la vôtre, mais nous ne pouvons pas vous suivre lorsque vous adoptez successivement des attitudes contradictoires.

M. Eric Doligé.

Vous êtes de mauvaise foi !

M. Gérard Terrier.

Non : il vous suffit de lire le Journal officiel et vous verrez que ce que je dis est vrai.

Monsieur Goulard, vous êtes précisément un de ceux qui préconisent un libéralisme outrancier mais, si l'on suivait vos propositions, les cadres seraient dans la rue. Il faut donc faire attention à ce qu'on dit.

Il y a un problème réel, madame la ministre, sur lequel j'ai appelé votre attention et auquel cet amendement essaie de porter remède. Sa première vertu est de donner plus de force à la négociation au sein des entreprises, ce qui a été notre préoccupation constante tout au long de la discussion.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument.

M. Gérard Terrier.

Il faut le souligner car cela contredit les arguments de ceux qui prétendent que nous sommes trop rigoureux et que nous corsetons les entreprises. Non, ce n'est pas vrai : la négociation a une place prépondérante dans ce projet de loi, et les amendements que nous présentons vont dans le même sens.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Très bien !

M. Gérard Terrier.

En second lieu, le problème des forfaits horaires et des forfaits hebdomadaires est réglé dans le code du travail, et la durée maximale annuelle du travail est de 1 600 plus 130, soit 1 730 heures. Nous ne pouvons pas échapper à cette règle mais il serait superfétatoire d'aller plus loin. J'ai demandé tout à l'heure, et cela a été accepté, qu'un amendement laisse à la négociation le soin de fixer le contenu et le détail des forfaits annuels. La loi est muette sur ce point et il pourrait effectivement y avoir des dépassements, comme l'ont souligné les confédérations de cadres. Nous voulons éviter des dérives en adoptant un amendement qui instaurera un contrôle de l'application des horaires, afin d'assurer que les cadres ne seront pas soumis à des horaires abusifs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Bien évidemment favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, très bien présenté par M. Terrier.

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il faut être clair : on oppose, à mon avis stupidement, la nécessaire négociation et le droit du travail.

Bien évidemment, nous sommes pour l'existence d'un droit du travail, pour la fixation de certaines limites. Mais d'un côté, vous abaissez de façon autoritaire la durée du travail à 35 heures, alors que cela ne correspond pas à la réalité des entreprises françaises, interdisant le recours aux heures supplémentaires dans des conditions normales et, de l'autre, votre texte, avec le décompte du forfait annuel en jours, et en l'état actuel du droit du travail, avec le repos de onze heures, permet en fait toutes les dérives.

C'est ce qui nous oppose. Nous voulons, nous, un droit du travail qui protège des vrais abus - et travailler plus de 48 heures par semaine, c'est un vrai abus ! - mais qui permette aussi, dans des limites raisonnables, une véritable négociation et une véritable souplesse. Parce que, entre 35 et 48 heures par semaine, il y a un véritable champ pour la négociation mais aussi pour la fixation de limites visant à préserver la santé des salariés.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 474.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Goulard, Dord, Nicolin et Forissier ont présenté un amendement, no 349, ainsi rédigé :

« Supprimer le III du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail ».

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

La rédaction de ce projet de loi est particulièrement touffue, très peu compréhensible, et très peu compréhensive à l'égard des situations concrètes.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 349.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Proriol, Goulard et Dord ont présenté un amendement, no 448, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du III du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail, substituer aux mots : "la conclusion de conventions de forfaits", les mots : "l'accord collectif". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

L'amendement est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 448.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement no 62 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 618 par M. Philippe Martin.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. Compléter la première phrase du premier alinéa du III du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail par les mots : « ou le nombre de jours de congés supplémentaires accordés.

« II. En conséquence, au début de la deuxième phrase du III de cet article, après le mot : "Ce", insérer le mot : "premier". »

L'amendement no 929, présenté par MM. Nicolin, Goulard et Forissier, est ainsi rédigé :

« Compléter la première phrase du premier alinéa du III du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail par les mots : « ou le nombre de jours de repos supplémentaires accordés aux salariés concernés ».

M. Eric Doligé.

L'amendement no 62 est défendu.

M. François Goulard.

L'amendement no 618 également.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard, pour soutenir l'amendement no 929.

M. François Goulard.

Je m'étonne qu'une disposition qui existait dans l'avant-projet de loi, et qui ne nous semblait pas dénuée de fondement, ait été supprimée. Nous en proposons le rétablissement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a rejeté les trois amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 62 et 618.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 929.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements i dentiques ; l'amendement no 63 est présenté par M. Mariani ; l'amendement no 619 par M. Philippe Martin ; l'amendement no 725 par M. Doligé.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer la deuxième phrase du III du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail ».

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Les trois amendements tendent à supprimer la phrase : « Les conventions ou accords prévoyant la conclusion de forfaits en jours doivent pouvoir déterminer le nombre de jours travaillés, et ceci sans limite maximale légale. »

Cette suppression sera difficile à accepter par M. le rapporteur et Mme la ministre mais, contrairement à ce que l'on pense, les cadres, lorsqu'ils travaillent plus de 35 heures par semaine ou plus de 217 jours par an, ne sont pas forcément malheureux.

J'ai regardé le visage des cadres qui vous entourent, madame la ministre et, bien qu'ayant dépassé l'horaire, ils ont cependant l'air heureux. Ça me fait plaisir, ils sourient même !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, ils ne sourient pas !

M. Eric Doligé.

Cela prouve qu'on peut fort bien travailller au-delà de certaines limites dès lors que l'on est passionné par son travail, cela prouve que les textes rigides ne collent jamais à la réalité et qu'ils sont toujours particulièrement difficiles à appliquer.

M. le président.

Merci, monsieur Doligé, pour ces arguments bien cadrés.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur La commission a refusé ces trois amendements après avoir insisté sur la nécessité de maintenir certains maxima, M. Doligé propose maintenant de supprimer les maxima concernant les jours. J'ai parfois du mal à comprendre la démarche de l'opposition, même si j'écoute toujours très attentivement ses orateurs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avis défavorable.

M. Eric Doligé.

Ce sont des amendements de repli !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais contradictoires !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Tout à l'heure, certains ont prétendu que ce n'était pas vrai, mais je viens de prendre l'opposition en flagrant délit, car ses amendements sont bien contradictoires. Je ne pouvais pas laisser passer une telle occasion !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 63, 619 et 725.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Gorce, rapporteur, MM. Rome, Terrier et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 475, ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du premier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, après le mot : "dépasser", insérer les mots : "le plafond de". »

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

Cet amendement précise que les 217 jours doivent être considérés comme un plafond qui ne peut être dépassé.

M. le président.

L'avis de la commission est forcément favorable.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 475.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 955, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand est ainsi rédigé :

« A la fin de la deuxième phrase du premier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, substituer au nombre : "deux cent dix-sept", le nombre : "deux cent sept". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

L'amendement no 192 corrigé, présenté par M. Pontier,

M me Robin-Rodrigo, MM. Charasse, Charles, Defontaine, Franzoni, Honde, Nunzi, Rebillard, Rigal, Schwartzenberg, Tourret et Vernaudon, est ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du III du texte pour l'article L. 212-15-3 du code du travail, substituer au nombre : "deux cent dix-sept", le nombre : "deux cent douze". »

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement no 955.

M. Yves Cochet.

M. Terrier vient de préciser que les 217 jours représentaient un plafond. On pourrait abaisser ce plafond. Mme la ministre a rappelé que les cadres travaillaient souvent 233 jours par an. J'avais quant à moi retenu le chiffre de 230. Une diminution de 10 % conduirait à 207 heures. Mais si on retient le chiffre de 233, le même pourcentage de diminution conduit à 210 heures.

Il convient en tout état de cause que le plafond de 217 heures soit abaissé. C'est le souhait des cadres que j'ai rencontrés et des représentants de la CGC que la commission a auditionnées il y a trois semaines.

M. le président.

L'amendement no 192 a été retiré par ses auteurs.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 955 ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission a repoussé. Elle considère en effet que le plafond de 217 jours est satisfaisant. La négociation peut naturellement toujours descendre en dessous mais nous estimons que les dispositions du texte sont suffisantes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Même avis.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 955.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gorce, rapporteur, MM. Rome, Terrier et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 476, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la quatrième phrase du premier alinéa du III du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail :

« Il détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Cet amendement vise à compléter le dispositif de protection des forfaits jours puisqu'il précise que les conditions de contrôle de son application et les modalités de suivi de l'organisation et de la charge de travail des cadres doivent figurer dans l'accord, c'est-à-dire que la réduction en jours ne doit pas se traduire par une augmentation de la charge de travail des salariés. Ceux-ci, les cadres notamment, doivent pouvoir faire référence aux dispositions figurant dans l'accord pour éventuellement refuser une charge de travail qui serait trop importante. C'est une garantie supplémentaire que nous souhaitons apporter dans un dispositif souple.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

On voit très bien le caractère profondément inapplicable de ce genre de disposition.

Dans certains cas, vous pourrez l'appliquer et M. Cochet a dit que les cadres de Thomson avaient demandé la pointeuse, mais je demande à voir.

Comment voulez-vous contrôler la durée de travail de quelqu'un qui rentre chez lui avec son micro-ordinateur ? Pouvez-vous me dire comment vous allez vérifier ? Vous allez mettre une puce dans tous les micro-ordinateurs pour savoir s'ils sont utilisés en dehors des locaux de l'entreprise ? Tout cela est profondément absurde !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne peux pas accepter que les amendements déposés par Mme Bachelot soient considérés comme absurdes par M. Goulard (Sourires) : votre collègue a, en effet, proposé que nous fixions des durées maximales qui soient contrôlées.

Je n'accepte pas qu'on attaque Mme Bachelot dans cet hémicycle !

M. le président.

Mme Bachelot est sensible au fait que vous la défendiez.

Je mets aux voix l'amendement no 476.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 956, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail :

« Les salariés concernés sont soumis aux dispositions prévues au deuxième alinéa des articles L.

212-1e t L.

212-7, ainsi qu'aux dispositions des articles L.

220-1, L.

221-2 et L.

221-4. »

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

C'est l'équivalent pour le paragraphe III de ce que j'avais proposé au paragraphe II.

Si Mme Bachelot veut s'associer à cet amendement, je l'y autoriserai bien volontiers. (Sourires.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Défavorable.

La commission propose d'ailleurs de rétablir, dans un amendement ultérieur, un certain nombre de dispositions que M. Cochet souhaitait introduire, concernant notamment le repos de onze heures, les vingt-quatre heures hebdomadaires et les six jours consécutifs au maximum sur la semaine.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 956.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Delalande a présenté un amendement, no 942, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article L.

212-15-3 du code du travail, supprimer les mots : "de l'article L.

212-1 et". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour soutenir cet amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

J'ai évoqué déjà le maximum hebdomadaire, en appelant à la rescousse les cadres de Nestlé. Là, je souhaite vous faire part du mécontentement des cadres de la fédération de la métallurgie, selon qui « le projet de loi, tel qu'il est rédigé à ce jour, offre la possibilité pour une large partie de l'encadrement d'un décompte en jours sans autre précision. Il ouvre ainsi la porte à une extension de fait des formules de forfait sans référence horaire et à la poursuite des mêmes abus qu'aujourd'hui ».

Je vous ai proposé précédemment une limitation haute de la durée du travail hebdomadaire, afin que celle-ci s'applique aussi aux cadres. Cet amendement de mon collègue M. Delalande vise à ce que les cadres ne soient pas exclus du champ de la durée maximale quotidienne du travail. Je signale, madame la ministre, monsieur le rapporteur, que ces dispositions maximales ne sont pas du tout en contradiction avec la nécessaire négociation et le respect du dialogue social. Nous devrions donc tous nous retrouver sur cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Effectuer un contrôle horaire alors que l'on raisonne sur un décompte en jours pose des problèmes très difficiles à résoudre.

J'avais cru comprendre que l'opposition souhaitait des règles simples. Or je m'aperçois qu'elle veut complexifier le dispositif... (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance) même si l'intention est intéressante.

Avis défavorable !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous n'êtes pas cohérent !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 942.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gorce, rapporteur, MM. Rome, Terrier et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 477, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 212-15-3 d u code du travail : "Les dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4 leur sont applicables." » La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Cet amendement tend à introduire dans les dispositions concernant les cadres soumis au forfait jours, les dispositions relatives au repos journalier de onze heures, au repos hebdomadaire du dimanche et au maximum de six jours de travail par semaine, qui nous paraissent correspondre aux caractéristiques de ce forfait.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 477.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Gorce, rapporteur, Mme Génisson, MM. Rome, Terrier et les commissaires membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 478, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa du III du texte proposé pour l'article L. 212-15-3 du code du travail par la phrase suivante : "La convention ou l'accord doit déterminer les modalités concrètes d'application de ces dernières dispositions". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La commission souhaite faire en sorte que les dispositions que nous allons adopter soient effectivement mises en oeuvre. L'application du forfait jours ne doit donc pas pénaliser les cadres : un certain nombre de dispositions du code du travail doivent continuer à être respectées.

En l'occurrence, la convention ou l'accord doivent préciser les modalités concrètes selon lesquelles les dispositions dont il s'agit seront mises en oeuvre.

Nous avons le souci de fixer des garanties tout en offrant à la négociation des entreprises le soin de les adapter de la manière la plus concrète possible à la situation de travail des cadres.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Il me paraît aller de soi que la convention ou l'accord prévoient les modalités d'application. Mais je bute sur le mot « concret ». Le contraire de

« concret » est « abstrait », et je n'ai jamais vu de modalités « abstraites » d'application de dispositions. Le mot

« concret » me paraît donc pour le moins superflu, ce qui me paraît être une raison suffisante pour ne pas voter l'amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 478.

(L'amendement est adopté.)

ARTICLE L. 212-15-4 DU CODE DU TRAVAIL

M. le président.

M. Pélissard a présenté un amendement, no 173, ainsi rédigé :

« Au début du texte proposé pour l'article L. 21215-4 du code du travail, après les mots : "en heures", insérer les mots : "ou en jours". »

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, pour soutenir cet amendement.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Il s'agit pratiquement d'un amendement rédactionnel, qui tend à réparer ce que je pense être un oubli.

Le forfait en jours ne figure pas dans le texte proposé pour l'article L. 212-15-4. L'amendement tend donc à ce que la garantie de rémunération s'applique à chaque type de forfait, y compris au forfait en jours.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Il est difficile d'appliquer aux jours ce que l'on fait pour les heures. La commission a rejeté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Défavorable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 173.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Sur le vote de l'article 5 du projet de loi, je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

....................................................................

M. le président.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

42 Nombre de suffrages exprimés .................

42 Majorité absolue .......................................

22 Pour l'adoption .........................

28 Contre .......................................

14 L'Assemblée nationale a adopté.

A la demande de la commission, nous allons maintenant interrompre nos travaux.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3 SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président.

J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant qu'en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au pacte civil de solidarité.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, no 1786 rectifié, relatif à la réduction négociée du temps de travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, (rapport no 1826).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix).

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 2e séance du jeudi 14 octobre 1999 SCRUTIN (no 189) sur l'article 5 du projet de loi relatif à la réduction négocié e du temps de travail (réglementation du temps de travail appliquée aux cadres et aux itinérants).

Nombre de votants .....................................

42 Nombre de suffrages exprimés ....................

42 Majorité absolue ..........................................

22 Pour l'adoption ...................

28 Contre ..................................

14 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (252) : Pour : 24 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe R.P.R. (136) : Contre : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-votant : M. Patrick Ollier (président de séance) Groupe U.D.F. (70) : Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe communiste (35) : Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.

Non-inscrits (7).