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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 7555).

2. Questions au Gouvernement (p. 7555).

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE (p. 7555)

Mmes Muguette Jacquaint, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

EADS (p. 7556)

MM. Claude Billard, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE (p. 7557)

M

M. Philippe Douste-Blazy, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

FINANCEMENT DE LA RÉFORME D ES COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITÉ SOCIALE (p. 7558)

M. Jean-Jacques Jégou, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

EADS (p. 7558)

MM. Paul Quilès, Lionel Jospin, Premier ministre.

CONSEIL EUROPÉEN DE TAMPERE (p. 7560)

MM. Alain Barrau, Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

DETTES FISCALES DES MÉNAGES SURENDETTÉS (p. 7561)

MM. Serge Janquin, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE (p. 7561)

MM. Michel Suchod, Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS CHEZ NISSAN (p. 7562)

MM. Philippe Houillon, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

BAISSE DES IMPÔTS (p. 7563)

MM. Gilles Carrez, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

PROJET SOLEIL (p. 7565)

M. Pierre Lasbordes, Claudes Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

3. Réduction négociée du temps de travail. - Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi (p. 7566).

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 7569)

M.

Yves Rome, Mme Roselyne Bachelot-Narquin,

MM. Maxime Gremetz, Hervé Morin, Yves Cochet, François Goulard.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 7576)

Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 7576)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

4. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 7576).

5. Loi de finances pour 2000. - Discussion d'un projet de loi (p. 7576).

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

M. Augustin Bonnepaux, président de la commission des finances.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

6. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7596).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous indique dès à présent qu'à l'issue des questions au Gouvernement, je ne suspendrai pas la séance et que nous passerons immédiatement aux explications de vote et au vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je souhaite, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par le docteur Charaf Eddine Abazah, rapporteur de la commission des affaires arabes et étrangères du Conseil du Peuple syrien.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.) 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

N ous commençons par les questions du groupe communiste.

COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le 30 juin dernier, nous avons voté une loi d'une grande portée sociale tendant à résorber les inégalités en matière d'accès aux soins. Comme bon nombre d'associations qui oeuvrent pour lutter contre les exclusions, nous attendions cette loi qui doit permettre l'accès aux soins à six millions de personnes.

Cependant, de nombreuses interrogations émanent des associations, des professionnels de santé et des partenaires sociaux. La couverture maladie universelle doit entrer en vigueur dès le 1er janvier 2000. Mais aujourd'hui tous les décrets d'application ne sont pas parus.

D'autre part, des inquiétudes sérieuses émanent des caisses primaires d'assurance maladie, concernant les moyens qui leur seront accordés pour mener à bien l'application de la loi. Si les personnels ne sont pas présents en nombre suffisant dans les caisses, la transition entre l'extinction de l'aide médicale et la mise en oeuvre de la CMU risque fortement de mettre bon nombre de personnes en difficulté certaine pour se soigner.

Madame la ministre, dans quel délai paraîtront les décrets nécessaires à l'application effective de la loi ? Quelles mesures comptez-vous prendre afin que le personnel des caisses soit en nombre suffisant pour traiter les dossiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, la couverture maladie universelle constitue à la fois une première et un progrès considérable puisqu'à partir du 1er janvier 2000 - et je vous confirme la date - six millions de personnes seront soignées gratuitement selon les mêmes modalités que nos autres concitoyens, c'est-à-dire en ayant le choix de leur médecin, de leur hôpital ou de leur clinique et en pouvant opter pour une mutuelle, une assurance, une institution de prévoyance ou la caisse primaire d'assurance maladie.

Les décrets d'application, comme auparavant la loi ellemême, ont donné lieu à une consultation très large. Les principaux, ceux qui fixent les conditions de ressources et de stabilité de la résidence, sont déjà au Conseil d'Etat et doivent être signés dans quelques jours. Les autres, notamment ceux relatifs au fonds de financement de la couverture maladie universelle, sont prêts ; nous terminons actuellement la consultation des organismes complémentaires, des associations et des caisses. En tout état de cause, l'ensemble des décrets seront soumis au Conseil d'Etat avant la fin octobre et paraîtront dans les délais.

Je vous rappelle, par ailleurs, que les personnes bénéficiaires de l'aide médicale gratuite n'auront pas à se réinscrire et passeront directement sous le régime de la couverture maladie universelle. Elles auront trois mois, au début de l'année 2001, pour choisir leur organisme complémentaire. Les autres bénéficiaires de la CMU seront accueillis dès le début décembre dans les caisses primaires, mais aussi dans un grand nombre d'organismes et d'associations qui les aideront à s'inscrire et à faire leur choix.

Avec la caisse nationale d'assurance maladie, nous nous sommes mis d'accord sur 1 400 embauches complémentaires pour permettre d'assurer dans les meilleures conditions la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle.

Pour moi, aujourd'hui, le problème essentiel est l'information de l'ensemble des personnes qui ont droit à la couverture maladie universelle. Aussi avons-nous entrepris une campagne de communication à laquelle s'associeront, je l'espère, les élus locaux et les caisses, mais aussi les CCAS, les CLI et les associations, pour nous aider à faire en sorte que chaque bénéficiaire soit informé de ses droits


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et puisse s'inscrire dans les délais s'il ne relève pas déjà de l'aide médicale gratuite. Je recevrai les associations à ce sujet dans quelques jours. Par ailleurs, les préfets ont été chargés de mettre en place un groupe de pilotage dans chaque département avec l'ensemble des acteurs pour que l'information circule le mieux possible.

Je peux donc vous rassurer, madame la députée : ce texte majeur qui constitue une avancée considérable pour un grand nombre de nos concitoyens sera appliqué le 1er janvier 2000, comme le Parlement l'a voté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

EADS

M. le président.

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, jeudi dernier, l'annonce, en présence du Premier ministre et du chancelier allemand, de la constitution de EADS, troisième groupe mondial d'aéronautique, sur la base d'un accord d'association d'activités entre Aérospatiale, Matra et DASA, a connu un grand retentissement.

Cette fusion est présentée comme une chance inespérée pour l'industrie aéronautique française, une relance de la coopération franco-allemande ayant écarté le danger d'un isolement de notre pays dans ce secteur et la menace d'un rachat de DASA par les Américains. Je pense, pour ma part, que cette vision idyllique doit être sérieusement nuancée et que l'on peut au contraire éprouver certaines craintes. Je regrette d'ailleurs que la représentation nationale n'ait pas eu à débattre de restructurations aussi importantes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

De cette fusion, je retiens principalement la réduction considérable de la participation publique française, donc de son influence et de sa maîtrise sur ce nouvel ensemble.

Une société unique, à dominante privée écrasante, va regrouper l'essentiel des capacités françaises et allemandes, qu'il s'agisse des missiles, des avions et des hélicoptères de combat, de l'électronique de défense ou surtout de l'aviation civile. Cela signifie concrètement qu'Airbus Industrie, en changeant de statut, sera majoritairement dirigé par cette nouvelle entité.

Le risque majeur est donc que les intérêts financiers à court terme prennent le pas sur les enjeux stratégiques, les projets industriels et l'emploi. La coopération en ce domaine est une impérieuse nécessité, mais il n'y a aucune raison qu'elle aboutisse à la mise sous tutelle du secteur par les capitaux privés et la logique financière. A l'heure où le Premier ministre affirme la nécessité d'une régulation exercée par les Etats pour faire pièce à la pression des marchés financiers, les modalités de la fusion apparaissent contradictoires avec cette volonté affichée. Il est regrettable qu'une solution accentuant la domination des marchés sur l'industrie aéronautique et spatiale française ait été choisie.

Quelle place réelle et quels pouvoirs l'accord entre les actionnaires de cette fusion donne-t-il à l'actionnaire public français ? Son droit de veto en matière d'acquisitions, d'alliances stratégiques et d'augmentation du capital vous semble-t-il suffisant, monsieur le ministre, pour influer véritablement sur les solutions industrielles à venir ? Enfin, quel sera, du côté français, le sort réservé à l'emploi dans les inévitables restructurations qui seront à opérer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une réponse courte.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, le groupe EADS, créé il y a quelques jours, est dorénavant le troisième constructeur aéronautique mondial, le premier européen, le premier pour l'espace, le premier pour les hélicoptères et le deuxième pour les avions, avec Airbus.

Cette fusion répond à un choix stratégique. L'aéronautique française pouvait-elle rester isolée, comme on l'a craint à un certain moment ? Je me souviens des questions posées par l'opposition il y a un an, à l'époque où DASA se rapprochait du groupe anglais BAe, et des critiques qu'elle formulait à propos de la situation française, où elle voyait le risque d'un isolement d'Aérospatiale.

Aujourd'hui, la situation est retournée et l'aéronautique française, avec l'aéronautique allemande, a constitué ce pôle de dimension mondiale.

Cela prouve quoi ? Que l'Etat actionnaire est capable, lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts nationaux et la construction européenne, de favoriser les coopérations que vous-même jugez nécessaires. C'est le cas dans ce domaine, cela a été le cas dans d'autres secteurs, pour Thomson Multimédia, par exemple, dont on connaît la valeur aujourd'hui par rapport à celle que l'on estimait il n'y a pas si longtemps.

M. Arnaud Lepercq.

Grâce à l'argent de l'Etat ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous m'interrogez sur les pouvoirs réels de l'Etat français. L'Etat avait auparavant 50 %, un peu moins, du contrôle de l'entreprise Aérospatiale-Matra. Il aura 25 % du contrôle d'une entreprise deux fois plus grosse. Si ce pouvoir se réduit à 25 %, c'est précisément parce que l'entreprise a doublé de taille.

Est-ce que cela suffit ? Non. C'est pourquoi existent les différents droits de veto auxquels vous faisiez allusion : sur toutes les opérations stratégiques, sur toutes les grandes orientations, l'Etat français aura la possibilité de faire entendre sa voix.

Est-ce que cela suffit ? Pas encore. C'est pourquoi il est prévu que les sièges opérationnels seront l'un à Munich, l'autre à Paris. Par conséquent, la parité franco-allemande sera respectée de haut en bas.

Quant à votre crainte de voir les intérêts financiers prendre le devant, elle semble exagérée. Contrairement à beaucoup d'autres fusions dont nous avons entendu parler ces derniers jours, il n'y a pas, en l'occurrence, de création de valeur pour les actionnaires. Il s'agit là d'une logique industrielle et européenne : créer un pôle européen capable de résister aux géants mondiaux que sont Boeing ou Lockheed-Martin aux Etats-Unis.

E nfin, cette réunion d'entreprises sera créatrice d'emplois. Car il ne sert à rien de se réunir si ce n'est pas pour lancer des projets. Ces projets, nous les avons tous en tête, avec Jean-Claude Gayssot et Alain Richard qui ont participé à cette négociation. La réalisation de l'A3XX est devant nous. Et c'est bien dans la création d'emplois et le développement de l'activité que nous voulons faire vivre EADS.


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Je tiens donc, mesdames, messieurs les députés, à vous rassurer entièrement. Nous avons, en franchissant ce pas, fait avancer l'aéronautique européenne et l'aéronautique française. Les craintes que vous exprimiez légitimement, monsieur Billard, doivent, je l'espère, être maintenant apaisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-alliance.

PLANS D'ÉPARGNE RETRAITE

M. le président.

La parole est à M. Philippe DousteBlazy.

M. Philippe Douste-Blazy.

Monsieur le Premier ministre, hier soir, en commission des finances, un député appartenant à votre majorité a déposé un amendement tendant à abroger la loi de mars 1997, la loi Thomas, portant sur les plans d'épargne retraite (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), dispositif qui intéresse les millions de Français appelés, demain, à prendre leur retraite.

Je voudrais, à ce sujet, vous poser des questions qui portent à la fois sur la forme et le fond.

Sur la forme, comment peut-on vouloir abroger une loi d'une telle portée (Exclamations sur les mêmes bancs) par un simple amendement à un projet de loi de finances, sans que la représentation natinale en ait été informée et ait pu en débattre ? Sur le fond, surtout, avez-vous décidé d'isoler définitivement notre pays (« Oh ! » sur les mêmes bancs), dans la mesure où les plans d'épargne retraite existent non seulement aux Etats-Unis et au Japon, mais aussi dans presque tous les pays de l'Union européenne ? Avez-vous décidé de renoncer définitivement à cet outil de modernisation de notre économie et de nos - je dis bien nos - systèmes de retraite ? Enfin, avez-vous décidé de faire de toutes les entreprises française les proies idéales des fonds de pension anglo-saxons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sur la forme, monsieur le député, la loi à laquelle vous faites allusion, dite loi Thomas, n'est jamais entrée dans les faits, car la majorité que vous constituiez alors n'a jamais sorti les décrets d'application. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste. Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Rudy Salles.

C'est vous qui n'avez pas voulu les sortir ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je comprends votre émoi puisqu'une des raisons pour lesquelles vous n'avez pas publié les décrets d'application, c'est qu'entre-temps vous avez été dissous.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Il reste que lorsque l'administration veut agir vite, elle le peut : s'agissant de la réforme de la TVA que nous allons mettre en oeuvre - ensemble, je l'espère - dans le budget, l'instruction fiscale est sortie le jour même du passage au conseil des ministres. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)

M. François Goulard.

C'est illégal puisque la loi n'est pas votée ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'année dernière, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée, Mme Aubry et moi-même avions annoncé ensemble que le Gouvernement avait l'intention d'abroger la loi Thomas. Et puis, pour ne pas faire perdre de temps à la représentation nationale (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Lucien Degauchy.

Hypocrite ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... nous nous sommes dispensés de l'abroger.

Mais des sénaeurs de l'opposition m'ont fait remarquer, il y a quelques jours, qu'il aurait mieux valu le faire.

M. Patrick Ollier.

Quel cynisme ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Alors, quand un député de la majorité propose un amendement dont c'est l'objet, je ne comprends pas pourquoi vous protestez, pourquoi vous êtes à ce point en désaccord avec vos collègues sénateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Sur le fond, qu'il y ait des procédures pour favoriser ceux qui épargnent en vue de leur retraite, c'est souhaitable, nous l'avons toujours dit. Mais celles que prévoyait la loi Thomas n'étaient pas bonnes, notamment parce qu'elles organisaient un contournement syndical et en raison de l'absence de cotisations sociales, ce qui mettait à mal le régime de répartition.

Le Premier ministre a confié une mission à M. JeanPierre Balligand et à M. Jean-Baptiste de Foucauld. Ils rendront leur rapport au mois de janvier, après avoir fait le tour de l'ensemble des questions qui touchent à l'épargne salariale et à ses motivations, la principale étant, on le sait, la retraite.

Nous sommes tout aussi conscients que vous de la nécessité d'organiser la façon dont les Français, notamment les salariés, épargnent pour leur retraite. Mais il faut le faire bien différemment de ce que vous aviez prévu avec la loi Thomas. Si, d'ailleurs, comme vous sembliez l'indiquer à la fin de votre intervention, le problème touche véritablement à la propriété des entreprises françaises, menacées par les fonds de pension américains, alors sont immensément critiquables ceux qui, au cours des années 60 et 70, quand ils étaient au pouvoir, n'ont pas mis en place les fonds de pension français auxquels vous faites allusion. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La réalité est différente. Nous traiterons le problème de l'épargne retraite dans le cadre du texte qui découlera du rapport de M. Balligand. J'espère que vous aurez à coeur de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socia-


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liste, du groupe Radical Citoyen et Vert, et sur plusieurs bancs du groupe communiste. - « Nul ! Zéro ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

FINANCEMENT DE LA RÉFORME

DES COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITE

SOCIALE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Décidément, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, il se passe beaucoup de choses à la commission des finances (« La nuit ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance), la nuit de préférence. Ainsi, le rapporteur pour avis de la loi de financement de la sécurité sociale a fait voter un certain nombre d'amendements, dont un relatif au fonds de financement de la réforme des cotisat ions patronales, qui a pour objet de compléter l'article L.

131-8-2 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé : « Les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. »

Rien à dire ! Mais il faut lire l'exposé des motifs, car on y retrouve tous les arguments que l'ensemble des élus de l'opposition font valoir auprès de vous depuis quelques semaines, par exemple : « Certaines des ressources retenues pour le fonds de financement de la réforme des c otisations patronales sont entachées d'incertitude. »

(« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Ou encore : « Quant à la contribution sociale sur les bénéfices, son assiette apparaît irrégulière et imprévisible, comme le montre l'évolution du produit de l'impôt sur les sociétés. »

Alors, madame la ministre, je voudrais vous poser de vraies questions. Etes-vous aussi sûre que vous l'avez paru jusqu'à présent de vos recettes dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Etes-vous sûre, en utilisant la TGAP et les ressources des entreprises transformées en vaches à lait, de défendre l'emploi dans ce pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le député, je pense que le rapporteur pour avis de la commission des finances, vu son talent et sa prudence, a souhaité poser un principe de précaution auquel, bien évidemment, je ne peux que me rallier.

Mais permettez-moi de vous dire que je suis un peu étonnée par votre question, car, quand on m'a confié le portefeuille de l'emploi et de la solidarité, j'ai trouvé un fonds pour payer la ristourne Juppé et Balladur auquel il manquait 5 milliards, et je n'ai eu que deux mois pour les financer ! J'ai trouvé une loi sur la famille votée en 1994 avec un déficit de la branche famille de 14 milliards, dont 11 milliards non encore financés, et elle sera en excédent dès cette année ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

C'est du bluff !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Donc, je pense que nous avons, sur ce terrain-là, assez peu de leçons à recevoir de vous. Comme nous n'appliquons pas l es mêmes principes, lorsque nous annonçons une réforme, nous tentons, nous, de la financer. J'ai passé beaucoup de temps la semaine dernière avec certains de vos amis, et cela a été pour moi un grand plaisir, pour leur expliquer à sept ou huit reprises comment nous souhaitons financer la baisse des charges sociales. Nous disposons des 40 milliards qui étaient prévus pour le financement de la ristourne Juppé ; 25 milliards viendront de la taxe sur les bénéfices et de la taxe sur les activités polluantes - le ministre de l'économie et des finances vous a indiqué à plusieurs reprises quelles seraient les assiettes de ces deux taxes ; enfin, nous avons prévu un apport de l'Etat et de la sécurité sociale pour compenser l'allègement structurel lié à la réduction de la durée du travail.

Un seul point reste actuellement en suspens : nous attendons le résultat des négociations avec l'UNEDIC. Mais la réponse sera donnée mardi prochain, comme le Gouvernement s'y est engagé.

V ous le voyez, monsieur le député - mais je comprends très bien que vous vous posiez des questions nous ne nous contentons pas d'annoncer des réformes, nous indiquons aussi comment nous allons les financer.

Cela étant, je suis pour le moins étonnée, au moment où nous nous apprêtons à réduire les charges sociales de 105 à 110 milliards sur les cinq ans qui viennent (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), que vous disiez que les entreprises sont des vaches à lait. Mais il est vrai que faire financer les entreprises qui créent de l'emploi, les entreprises de main-d'oeuvre, les PME, les entreprises innovantes, le commerce et l'artisanat par les grandes entreprises qui font des profits ou qui ont choisi de substituer le capital au travail est un choix, et manifestement ce n'est pas le vôtre. En tout cas, c'est le nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe socialiste.

EADS

M. le président.

La parole est à M. Paul Quilès.

M. Paul Quilès.

Monsieur le Premier ministre, il faut saluer à son juste niveau la constitution du nouveau groupe aéronautique EADS.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Parlez-en au groupe communiste !

M. Paul Quilès.

Les avancées que permet cette fusion sont en effet considérables. D'abord, EADS sera le troisième groupe mondial d'aéronautique et de défense.

Ensuite, il s'agit de la première création d'une société transnationale en Europe dans ce domaine. Enfin et surtout, c'est là une manifestation concrète d'une Europe de la défense conforme à la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement du 9 décembre 1997.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Consternation sur les bancs communistes !

M. Paul Quilès.

L'émergence de l'Europe comme puissance politique nécessitait effectivement ces regroupements. Après la mise en ordre de nos entreprises au


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niveau national - je pense au rapprochement Thomson CSF-Alcatel, à la fusion entre Aérospatiale et Matra -, vous avez su avec notre partenaire allemand poser la première pierre de l'édifice européen dans l'industrie d'armement.

Ayant souligné ces points positifs, je souhaiterais, monsieur le Premier ministre, que vous nous éclairiez sur trois aspects importants, à mes yeux.

D'abord, quels bénéfices industriels peut-on attendre de la constitution de EADS, notamment pour la France ? Ensuite, comment inscrivez-vous cette fusion dans le processus qui mène à l'édification d'une Europe de la défense et de l'armement et quelle place le partenaire britannique va-t-il y occuper ? Enfin, comment pensez-vous qu'il sera possible de garantir le nécessaire équilibre entre, d'une part, les intérêts financiers et la rentabilité à court terme, et, d'autre p art, l'ambition stratégique à long terme dans un domaine dont les Etats ne peuvent à l'évidence se désintéresser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le député, comme vous l'avez souligné justement (« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), la fusion Aérospatiale Matra-DASA est un événements industriel considérable et aussi un projet politique pour l'Europe digne des objectifs que s'était fixés ce Gouvernement.

Dès 1997, en arrivant aux responsabilités, nous avons été convaincus que, pour résister aux grands groupes américains, dans ce domaine particulier de l'aéronautique et de l'espace civils et de défense, et pour préserver notre potentiel national industriel, il nous fallait effectivement construire des groupes européens. Tel était le sens de ma d éclaration de politique générale, dans laquelle j'ai commencé à aborder ces questions. Et, quelques jours après, au salon aéronautique du Bourget, j'ai indiqué quelle était l'orientation du Gouvernement en la matière.

Le 9 décembre 1997, dans une déclaration tripartite signée par les trois Premiers ministres, britannique, allemand, français et, du côté français, par le Président de la République lui-même, nous avons manifesté la volonté politique de construire cet ensemble industriel européen.

S'efforcer de réunir les dimensions civile et militaire était une idée française. (« Oh ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

Notre Premier ministre est génial ! (Rires sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le Premier ministre.

En juillet 1998, nous avons facilité la fusion d'Aérospatiale et de Matra haute technologie, car il nous semblait qu'il fallait d'abord rassembler les forces françaises pour en faire un vecteur de ce regroupement européen.

M. Dominique Dord.

Qu'est-ce qu'il est fort ! (Mêmes mouvements.)

M. le Premier ministre.

Le 20 janvier 1999, répondant à une question d'actualité posée ici même à propos de la tentative de rapprochement entre DASA - déjà ! - Daimler-Chrysler et BAe, British Aerospace, et voulant apaiser les inquiétudes d'un député de l'opposition, j'avais indiqué que nous ne pensions pas que la France se trouverait dans une position d'isolement et que le Gouvernement manifesterait, avec les entreprises, sa volonté d'agir, en particulier pour relancer une perspective entre la France et l'Allemagne.

Depuis plusieurs mois, les chefs d'entreprise du secteur, mais aussi l'Etat actionnaire, par l'intermédiaire notamment des trois ministres qui ont préparé ce projet et des négociations conduites par Dominique Strauss-Kahn, se sont efforcés de concrétiser cette perspective. Nous pouvons donc nous réjouir que les discours débouchent sur des décisions industrielles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Jeudi dernier, à Strasbourg, en présence du chancelier Schrder et de moi-même, les industriels concernés ont effectivement signé cet accord, qui constitue une avancée industrielle majeure : le premier groupe aéronautique européen sera le troisième groupe mondial.

M. Christian Bataille.

Très bien !

M. Pierre Lellouche.

Dites que vous avez dû privatiser, monsieur le Premier ministre !

M. le Premier ministre.

Il sera durablement ancré en Europe alors que, chacun le sait, le risque existait qu'une partie de ces entreprises puisse être acquise par des entreprises américaines ; elles auraient été prêtes à offrir beaucoup pour pouvoir entrer dans le capital de ces ensembles.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

C'est la meilleure garantie du développement d'Airbus.

C'est un succès industriel, c'est également un acquis pour l'Etat actionnaire. Contrairement, en effet, à ce qui était demandé dans les prémices de la discussion, à savoir que l'Etat actionnaire renonce à sa présence dans l'entreprise, nous avons précisé que nous ne posions pas de conditions idéologiques et que nous ne voulions que l'on nous en pose.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) L'Etat actionnaire peut trouver sa place ; il représentera 15 % de l'ensemble. En même temps, aucune décision stratégique ne pourra être prise sans son accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Pierre Lellouche.

Dites-le que vous avez dû capituler !

M. le président.

S'il vous plaît, messieurs !

M. le Premier ministre.

Il est curieux que ce qui a été salué par l'ensemble des observateurs et par le Président de la République lui-même (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) ne recueille pas votre adhésion, monsieur Lellouche. Nous avons fait exactement ce que vous nous demandiez ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Regardez plutôt les communistes !

M. le président.

S'il vous plaît ! Un peu de correction !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. le Premier ministre.

Evidemment, cela vous gêne quand on avance ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Bataille.

Souvenez-vous de Thomson, messieurs !

M. le Premier ministre.

C'est un succès pour la coopération franco-allemande, au service de la construction européenne. Alors que l'Europe progresse en matière d'emplois et dans le domaine social, qu'elle a à affronter les problèmes de l'élargissement et doit se battre pour défendre ses intérêts dans la négociation de l'Organisation mondiale du commerce, il n'était pas possible que des secteurs aussi stratégiques que l'aéronautique et l'espace ne fassent pas l'objet de construction et d'intégration européennes.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Très bien !

M. le Premier ministre.

Ce sera un atout pour l'Europe de la sécurité et de la défense que nous voulons construire et dont la mise en oeuvre a été réclamée sur nombre de ces bancs lors du conflit du Kosovo.

Cette orientation s'inscrit pleinement dans les discussions que nous avons commencé à nouer avec nos partenaires britanniques et allemands. En outre, cette alliance nouvelle s'ouvre à des coopérations avec d'autres entreprises européennes, que j'ai d'ailleurs invitées à participer à ce processus.

Enfin, je crois que cette fusion est une chance pour le développement et pour l'emploi.

M. Philippe Briand.

En Hollande !

M. le Premier ministre.

Nous sommes dans un secteur économiquement porteur, où Airbus taille des croupières au géant Boeing dans la compétition internationale.

Mme Yvette Roudy.

Très bien !

M. le Premier ministre.

Nous sommes dans un secteur où les coopérations sont possibles et où les doubles emplois n'existent pas. Par conséquent, les restructurations créeront non pas une réfraction de l'activité économique, mais les bases nouvelles pour un développement accru et notamment pour le lancement du grand projet aéronautique que représente pour nous l'A3XX.

Mesdames, messieurs les députés, c'est donc avec le souci de l'intérêt national, de l'intérêt du secteur et de la création d'emplois que le Gouvernement a développé une vraie visée stratégique, qui est mise en oeuvre dans le secteur de l'aéronautique et de l'espace.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CONSEIL EUROPÉEN DE TAMPERE

M. le président.

La parole est à M. Alain Barrau.

M. Alain Barrau.

Monsieur le Premier ministre, vous étiez le week-end dernier aux côtés du Président de la République (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) au Conseil européen de Tampere, où a progressé une dimension européenne qui nous préoccupe tous, celle de l'Europe des citoyens.

Quelle évaluation le Gouvernement fait-il des progrès réalisés en matière de politique d'asile et d'immigration ? Où en est-on sur l'espace judiciaire européen - vous savez que l'Assemblée a adopté un texte sur ce sujet ? Sur la lutte contre la grande criminalité et les paradis fiscaux.

Ce point mobilise aussi bien la commission des finances qu'une mission spécialement créée pour traiter ces questions.

Par ailleurs, comment pensez-vous pouvoir intégrer tous ces différents aspects dans le cadre de la préparation de la présidence française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Monsieur le député, le Conseil européen de Tampere a été le premier Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement consacré aux problèmes de justice, de sécurité et de liberté. La présidence finlandaise l'a abordé avec un ordre du jour ambitieux, incluant l'immigration et l'asile, l'espace judiciaire européen et la lutte contre le crime organisé transfrontières.

Notre évaluation de ce sommet est plutôt bonne dans la mesure où la plupart des positions défendues par le Président de la République et le Premier ministre ont fait l'objet d'un consensus de la part des Européens.

Ainsi, concernant l'immigration, l'Europe a développé une approche globale qui reprend notamment notre souci de conclure des partenariats avec les pays d'origine à travers le co-développement. Cette approche met aussi l'accent sur le rapprochement des droits des immigrés en situation légale, incluant, par exemple, l'accès à la nationalité, à terme. Enfin, l'Europe a souligné la nécessité de c ombattre l'immigration clandestine, la traite des humains et leur exploitation économique.

M. Thierry Mariani.

Et les sans-papiers ? M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

En matière d'asile, c'est - dans la logique française, d'ailleurs - une logique d'harmonisation des systèmes d'asile plutôt qu'un système d'asile unique qui a été retenue. Nours procéderons donc à partir de la convention de Genève.

S'agissant de l'espace judiciaire européen, Tampere représente un pas important, avec notamment le souci de marquer la reconnaissance des jugements en matière civile et pénale comme la pierre angulaire de cet espace de justice. C'est très important, notamment pour le droit de la famille et le droit des créances.

Enfin, à propos de la lutte contre la criminalité organisée et contre le blanchiment de l'argent sale, nous avons souligné le rôle d'Europol et décidé la création d'Eurojust qui regroupera des magistrats et des procureurs travaillant ensemble dans le respect des procédures nationales. Nous avons également mis l'accent sur une définition uniforme des infractions et sur la possibilité d'avoir accès aux informations. Cela signifie en clair la levée du secret bancaire dans les enquêtes concernant le blanchiment de l'argent sale.

Alors, vous me demandez ce que nous allons pouvoir faire de tout cela dans le cadre de la présidence française.

Il n'y a pas à proprement parler de calendrier. Un tableau de bord va être cependant établi par la Commission et un échéancier sera observé. A cet égard, je voudrais signaler trois dates : avant la fin 2000, mise en oeuvre des dispositions très contraignantes pour lutter contre l'immigration clandestine ; toujours avant la fin 2000, prise des mesures destinées à la reconnaissance mutuelle des jugements ; enfin, d'ici à 2001, création de Eurojust.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Comme vous, je crois donc, monsieur le député, qu'à côté des progrès de l'Europe économique dont on vient de parler, Tampere a représenté un progrès pour l'Europe des citoyens et des hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

DETTES FISCALES DES MÉNAGES SURENDETTÉS

M. le président.

La parole est à M. Serge Janquin.

M. Serge Janquin.

Monsieur le secrétaire d'Etat au budget, le Premier ministre a annoncé à Strasbourg l'effacement des dettes fiscales des ménages surendettés et touchés par le chômage. Cette mesure a été particulièrement bien accueillie par les associations qui oeuvrent contre l'exclusion. Or il semblerait que cette disposition soit aujourd'hui présentée comme exceptionnelle à l'occasion de l'an 2000 et encadrée de conditions de délai et de procédure telles qu'elle pourait être vidée de sa substance.

Pouvez-vous rassurer la représentation nationale et les associations en confirmant que l'annulation de la dette fiscale ne sera pas réduite à la portion congrue du fait des conditions de recevabilité de la demande, mais produira son plein effet, conformément à l'esprit dans lequel le Premier ministre l'a annoncé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le député, comme vous l'avez dit, le Premier ministre a annoncé, le 27 septembre, que les dettes fiscales seraient effacées pour les famille touchées par le chômage et le surendettement. Je veux vous rassurer, et avec vous la représentation nationale, cette mesure exceptionnelle, en effet, puisqu'elle vise les demandes qui seront présentées avant le 1er janvier de l'an 2000, sera mise en oeuvre avec rapidité et générosité.

Rapidité puisqu'il suffira aux chômeurs d'adresser une demande sur papier libre à leur centre des impôts en ne justifiant que de leur situation de chômeur, et que les services ont reçu depuis le 14 octobre une circulaire pour traiter cette question.

Générosité parce que tous les impôts payés par les ménages sont concernés : l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, l'impôt foncier, la redevance audiovisuelle, plus les pénalités éventuelles. Il s'agit d'un effacement total dans le cas où l'un des époux est au chômage et où la commission de surendettement a été purement et simplement saisie.

Vous le voyez, monsieur le député, nous avons donc cherché, dans l'esprit défini par le Premier ministre, à faire vite, à faire simple et à faire généreux pour ces Français qui sont en grande difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous passons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE

M. le président.

La parole est à M. Michel Suchod.

M. Michel Suchod.

Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux et porte principalement sur l'affaire Papon, mais, avant de la formuler, je tiens à souligner combien l'opinion s'inquiète de voir que notre justice, qui a pourtant choisi le symbole de Thémis, la balance, comme logo, dirait-on aujourd'hui, a parfois plusieurs poids et plusieurs mesures.

A ce titre, une affaire pendante devant le tribunal correctionnel d'Evry est exemplaire, car l'on est en droit de s'inquiéter de voir, jour après jour, la tournure judiciaromédiatique que peuvent prendre certaines affaires. Tel est le cas de celle pour laquelle comparaît actuellement

Mme Xavière Tiberi.

Déjà, il y a trois ans, chacun avait pu lire dans Le Monde des extraits de son journal intime (« Oh ! » sur de nombreux bancs) pourtant saisi par la magistrature, mais découpé à la lame de rasoir, ce qui en dit long sur ce qu'est devenu le secret de l'instruction, d'autant que ces pièces ont été présentées au public trente-six heures après avoir été saisies ! On assiste aujourd'hui à un acharnement qui me paraît fort éloigné de ce que devrait être la sérénité judiciaire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Par conséquent, c'est très légitimement que l'on peut s'interroger sur la manière dont se déroule ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Papon. Déjà, en octobre 1997, l'opinion avait été si déroutée que Mme la garde des sceaux avait dû faire, devant notre assemblée, des promesses de réforme de la procédure, la cour d'assises de la Gironde - fait absolument exceptionnel - ayant remis M. Maurice Papon en liberté après quarante-huit heures d'incarcération, afin qu'il puisse assister en prévenu libre à son procès.

Aujourd'hui, l'opinion est encore déroutée par le fait que, condamné à dix ans de réclusion le 2 avril 1998 pour complicité de crime contre l'humanité, M. Papon ait pu rester en liberté alors que le recours en cassation qu'il avait déposé n'est pas suspensif. Cela la choque d'autant plus qu'elle est malheureusement presque habituée au délai de dix-huit mois nécessaire à la chambre criminelle de la Cour de cassation pour examiner un pourvoi. Cela a été le cas pour celui de M. Papon. Elle reste cependant sidérée qu'un complice de crime contre l'humanité puisse aller et venir librement, arborant toujours à la boutonnière nos plus hautes décorations nationales.

M. Pierre Lellouche.

Très bien !

M. Michel Suchod.

J'ajoute que l'opinion est désormais inquiète, parce qu'elle sait que M. Papon a tenté d'obtenir, il y a quelques jours, de la cour d'assises de la Gironde puis de la chambre d'accusation ce qu'aucun Français n'a jamais obtenu : le droit de ne pas se constituer prisonnier alors que son pourvoi sera examiné aprèsdemain.

D'ailleurs, M. Papon a disparu de son domicile depuis plusieurs jours.

Cette sidération s'est transformée en stupeur, au constat qu'aucun contrôle judiciaire ne lui avait été imposé pendant ces longs mois de liberté.

Mes chers collègues, la loi doit être égale pour tous. Il ne saurait y avoir deux poids, deux mesures. Dans l'affaire Papon, nous avons vécu un procès exemplaire ; nous avons connu une sentence exemplaire. Le peuple français, au nom duquel se rend la justice, pourra-t-il se sentir légitimement fier d'elle ou aura-t-il le sentiment d'avoir été floué par une mécanique habilement utilisée pour soustraire l'intéressé à sa sentence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste, du groupe communiste et sur divers bancs du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre des relations avec le Parlement.

M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le Parlement.

Monsieur le député, Mme Guigou, qui a accompagné Jean-Pierre Chevènement au G8 à Moscou, m'a demandé de répondre à votre question. Je ne traiterai évid emment que de sa partie relative au dossier de M. Papon.

Ce dernier ne fait l'objet de la part des autorités judiciaires compétentes d'aucune mesure de contrainte : ni d'un mandat de dépôt, ni d'un contrôle judiciaire. Il est libre jusqu'à l'évocation de son pourvoi par la Cour de cassation. En effet, lors de sa comparution devant la cour d'assises, cette juridiction a mis M. Papon en liberté.

Cette décision est tout à fait exceptionnelle car les prévenus qui comparaissent devant les assises sont habituellement maintenus en détention.

M. Jean-Louis Debré.

Habituellement !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Dès lors qu'une telle décision est prise par une cour d'assises, a ucun texte ne permet le contrôle judiciaire d'un condamné. Cette possibilité existe pourtant devant le tribunal correctionnel qui peut placer en détention une personne ayant comparu libre mais qu'il vient de condamner à une peine supérieure à un an d'emprisonnement.

M. Pierre Lellouche.

Personne ne repart jamais libre après avoir été condamné par une cour d'assises ! C'est incroyable !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Cette affaire a mis en lumière une lacune que le Gouvernement souhaite combler. Une réflexion est actuellement en cours pour aller dans ce sens.

Si la condamnation prononcée contre M. Maurice Papon devient définitive, soit parce que la Cour de cassation ne reçoit pas son pourvoi, soit parce qu'il est déchu de celui-ci, toutes les dispositions seront prises pour s'assurer de sa personne, de manière qu'il soit conduit dans un établissement pénitentiaire pour purger sa peine.

Mme la garde des sceaux donnera des instructions en ce sens au procureur général de Bordeaux afin qu'il mette à exécution sans délai la décision de la cour d'assises comme il s'apprête à le faire. En l'occurrence, il s'agit non pas d'une instruction individuelle (Murmures) de nature à modifier le cours de l'action de la justice, mais d'une instruction pour permettre l'exécution d'une décision de justice définitive. Il faut que l'action de la justice, rendue au nom du peuple français, aille jusqu'à son terme.

M. Pierre Lellouche.

Il aurait fallu intervenir avant !

M. le ministre des relations avec le Parlement.

Il est de notre devoir de faire exécuter les décisions de justice, et personne ne peut aujourd'hui se dispenser de le faire.

(Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Colonna !

M. le président.

Nous passons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

SUPPRESSIONS D'EMPLOIS CHEZ NISSAN

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Monsieur le Premier ministre, depuis le 27 septembre 1999, votre majorité se réfère comme aux tables de la loi à votre discours de Strasbourg dans lequel vous avez développé vos convictions et les orientations données à votre gouvernement. Vous y avez notamment déclaré, à propos des suppressions massives d'emplois liées à des restructurations, que la mondialisation ne rendait pas les Etats impuissants et qu'ils pouvaient avoir un impact fort sur les évolutions économiques, ajoutant que l'Etat devait, à cet égard, exercer pleinement son rôle d'actionnaire au sein des entreprises dans lesquelles il détient tout ou partie du capital. Vous venez encore de le rappeler.

Nous pouvons nous réjouir d'un tel discours, mais nous apprenons aujourd'hui que le numéro deux de Renault, affecté maintenant comme véritable patron opérationnel de Nissan à la suite de l'acquisition pour Renault d'une importante partie du capital de Nissan, a décidé de supprimer 21 000 postes à travers le monde, ce qui aura un impact de près de 2 milliards de francs sur les comptes de Renault dont l'Etat français est, de loin, le premier actionnaire. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Vous me répondrez peut-être, de manière superficielle, que la situation de Renault et de Nissan n'est pas celle de Michelin. Ce serait oublier que, compte tenu de la situation prospère de Renault, ce dont nous nous félicitons, les comptes consolidés de Renault et de Nissan sont largement bénéficiaires.

Déjà pour le site de Vilvoorde, le Premier ministre avait renié le candidat qu'il était. Aujourd'hui, le Premier ministre réclame aux autres ce qu'il n'exige pas de luimême et laisse prendre des décisions contraires à la politique qu'il inspire.

M. Alain Madelin.

Très bien !

M. Philippe Houillon.

Combien y a-t-il de méthodes et comment sont-elles déterminées ? Où trouver des repères et une cohérence ? Quelle position l'Etat, principal actionnaire de Renault, a-t-il soutenu au sujet de ces 21 000 licenciements ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

A-t-il envisagé d'autres solutions, comme d'imposer les 35 heures chez Nissan ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Enfin, monsieur le Premier ministre, envisagez-vous d'apporter votre soutien aux 21 000 salariés licenciés et, dans l'affirmative, selon quelles modalités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. Pierre Lellouche.

Nissan, Michelin, même combat !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Monsieur le député, lorsque Renault a acquis une part importante du capital de Nissan, la nécessité du redressement de cette société était connue. En effet, le groupe japonais


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

était endetté après avoir connu, au cours des dernières années, des pertes importantes. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Pierre Lellouche.

Comme Michelin !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Sa productivité était faible par rapport à celle des groupes automobiles de même taille et la réduction des coûts en interne, notamment par une autre politique d'achat, s'imposait à hauteur de 20 % sur trois ans. La réorganisation commerc iale était également indispensable, tout comme la diminution du nombe de plates-formes de véhicules (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Houillon.

Les 35 heures !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Toutefois, aux yeux des spécialistes de l'automobile comme pour le Gouvernement, l'acquisition de ces titres par Renault présentait plusieurs avantages décisifs dans le cadre d'une vraie politique industrielle pour l'automobile. (Rires et exclamations continues sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Ainsi, il existe des complémentarités géographiques entre les deux constructeurs et des complémentarités de gammes. L'union des deux entreprises peut leur permettre d'atteindre la taille critique mondiale avec la production de plus de 4 millions de véhicules, avec la possibilité de mettre en oeuvre des plates-formes communes, notamment pour les plus petits véhicules des deux gammes, et avec des synergies fortes en matière de recherche et développement, de technologie, de sous-ensembles et de soustraitances communs. (Exclamations et huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'est la raison pour laquelle lorsque Renault a décidé de procéder à cette opération, le Gouvernement n'y a pas mis d'obstacle. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Au contraire, il y a vu une perspective de développement du grand constructeur dans lequel l'Etat est actionnaire. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mais, mesdames, messieurs les députés, Nissan, c'est Nissan et Renault, c'est Renault. (Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe D émocratie libérale et Indépendants ; claquements de pupitres.)

A insi que l'a récemment souligné son président, M. Schweitzer, Renault a été informée, avant que la décision ne soit rendue publique par Nissan, des conditions de la restructuration de ce groupe. Et le Gouvernement, qui est actionnaire de Renault, n'est qu'un actionnaire de l'actionnaire de Nissan. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Par conséquent, s'il participe pleinement aux orientations stratégiques de Renault (Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), il ne participe pas à la mise en oeuvre des décisions d'une entreprise dans laquelle Renault est actionnaire. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Nous ferons d'ailleurs en sorte que ce qui se passe chez Nissan, au Japon, n'ait pas d'influence défavorable, en particulier pour l'emploi, sur ce qui se passe chez Renault en France.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je peux vous donner l'assurance que notre politique industrielle est claire et que notre action en faveur de l'emploi est ferme. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Cette opérat ion n'aura pas de conséquences négatives chez le constructeur français, chez nous en France. (Vives protestations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

BAISSE DES IMPÔTS

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le ministre de l'économie et des finances, au moment où s'engage la discussion du budget, vous continuez de promettre des baisses d'impôts, cette fois, bien entendu, pour l'an 2000, pour le troisième millénaire.

M. Patrick Ollier.

Baisse virtuelle !

M. Gilles Carrez.

Or toutes ces promesses sont contredites par les faits.

M. Dominique Dord.

Exact !

M. Gilles Carrez.

Ainsi, les statistiques internationales, établies de façon objective, démontrent que les prélèvements obligatoires continuent d'augmenter en France et que notre pays détient tous les records dans ce domaine.

Le président de notre assemblée, Laurent Fabius, ne manque pas une occasion de vous le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il a d'ailleurs dû convaincre les journalistes du journal Le Monde qui titre à la une de son édition de ce soir :

« Pourquoi les impôts continuent d'augmenter. »

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quant aux Français, nos concitoyens, ils ne sont pas dupes. Ils se sont bien rendu compte, avec l'avis d'imposition sur le revenu qu'ils ont reçu en septembre, avec l'avis de CSG, la contribution sociale généralisée, qu'ils reçoivent ces jours-ci, que, depuis que le gouvernement socialiste est au pouvoir, les impôts ne cessent d'augmenter, malgré toutes les promesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Pourtant, le Gouvernement bénéficie d'une situation économique favorable qui remplit les caisses de l'Etat.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Mais, au lieu de rendre leur argent aux Français en abaissant leurs impôts, le Gouvernement préfère augmenter les dépenses publiques et le train de vie de l'Etat. Il préfère aussi, il faut le dire, se constituer une cagnotte, en vue des prochaines élections. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Quand le Gouvernement décidera-t-il enfin de passer des promesses non tenues aux actes et de diminuer les impôts, alors que la conjoncture le permet ? Monsieur le ministre, ne nous dites pas que la baisse est pour l'année prochaine. Plus personne ne vous croit. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Vous savez que, de ce fauteuil, je ne peux pas vous répondre...

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous avez la parole.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, si j'ai bien compris votre question - sinon vous me corrigerez -, vous avez dit que les prélèvements obligatoires augmentaient et, pourtant, que les recettes étaient plus importantes que prévu. Or il me semble que ce raisonnement manque de logique. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

En effet, si les prélèvements auront un peu augmenté cette année, c'est justement parce que les recettes auront été plus importantes que prévu. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

En disant vous-même, monsieur le député, que les prélèvements augmentent parce que les recettes sont plus importantes que prévu, vous exonérez la majorité et le Gouvernement.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En effet, que se passe-t-il ? A cet égard, vous devriez lire l'article du Monde dont vous n'avez cité que le titre. Si vous l'aviez lu, vous auriez eu la réponse à votre question et vous n'auriez pas eu besoin de me la poser. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Comme il est bon que nos concitoyens, qui ne lisent pas tous ce journal du soir, aient aussi cette réponse, je vais reprendre le contenu de ses colonnes.

Il y a deux raisons pour lesquelles, en 1999, le taux des prélèvements obligatoires aura été élevé. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La première tient au fait que l'inflation est plus faible que prévue.

M. Yves Nicolin.

Et alors ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En conséquence, pardonnez-moi cette explication technique, le dénominateur de la fraction qui donne le taux des prélèvements obligatoires est donc plus faible que prévu.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Parler de dénominateur est peutêtre un langage technocratique dans cette assemblée.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Néanmoins, il me semble que vous pouvez aller jusque-là.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

La deuxième raison, monsieur le député, est que l'impôt sur les bénéfices va rapporter en 1999 plus que prévu. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une découverte puisque de hauts personnages de l'Etat l'ont annoncé aux Français dès le mois de juillet ; le 14, si je me souviens bien.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Il est vrai que mon ministère avait donné cette information dès le mois de janvier, mais il a fallu un certain temps pour la vérifier avant de la rendre publique.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

Les entreprises françaises ayant réalisé en 1998 plus de bénéfices que prévu, vont donc payer, en 1999, plus d'impôts que prévu. Cela engendrera, comme je l'ai indiqué dans les documents qui vous ont été remis il y a plus d'un mois, un excédent de recettes à la fin de l'année.

Avec cet excédent de recettes d'une dizaine de milliards et ce dénominateur de la fraction plus petit à cause d'une plus faible inflation, le taux des prélèvements obligatoires sera plus élevé que prévu.

Je sais combien vous taraude comme un regret cette hausse formidable du taux des prélèvements obligatoires de 1996. Je n'y reviens pas. C'est une vieille question qui vous concerne, vous et votre gouvernement de l'époque.

Enfin, monsieur le député, vous voulez savoir quand le Gouvernement fera baisser les impôts.

(« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

La réponse est extrêmement simple. Si vous nous faites l'honneur, après les questions au Gouvernement, d'assister au début de la discussion budgétaire, vous aurez l'information. En effet, le budget que vous allez voter, je l'espère, prévoit la plus forte baisse d'impôt dans notre pays depuis dix ans.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Le fait que vous protestiez à ce point alors que les Français montrent clairement qu'ils en sont conscients (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. le président.

S'il vous plaît, mes chers collègues ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... montre bien votre déception. C'est en effet la gauche, mais sur les impôts qu'elle a choisis, notamment la TVA, qui aura le plus fortement réduit les impôts dans les années 90.

M. Philippe Auberger.

C'est faux !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vos électeurs le savent. Sans doute, vous le reprochent-ils, ce qui explique votre question.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

PROJET SOLEIL

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lasbordes.

M. Pierre Lasbordes.

Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous interpeller sur la décision prise par votre ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie pendant la période estivale. En effet, il a décidé, contre l'avis unanime de la communauté scientifique française et de tous les élus locaux de toutes sensibilités politiques, y compris certains membres de votre Gouvernement, de renoncer au projet Soleil en s'appuyant, semble-t-il, sur un rapport curieusement tenu secret, qualifié de bâclé, imprécis et en partie faux.

Cet abandon très courageusement annoncé par un bref communiqué de presse le 2 août au profit d'une simple participation minoritaire française à une installation en Angleterre, dite Diamond, a surpris beaucoup de monde, en particulier vos amis socialistes M. Jean-Paul Huchon, président du conseil régional d'Ile-de-France et M. Michel Berson, président du conseil général de l'Essonne, qui n'ont pas été avertis en décembre 1998, malgré ce que semble affirmer M. Claude Allègre dans sa note du 20 septembre dernier. Cette décision met en péril la recherche française qui, je tiens à le souligner, n'a jamais été opposée à une coopération européenne.

Face à la colère de la communauté scientifique française et des élus locaux, M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a ressenti le besoin de justifier sa position en adressant aux parlementaires, principalement, une note le 20 septembre dans laquelle il présente sa politique en matière de recherche.

Si l'on ne peut qu'être d'accord sur les deux principaux axes de votre politique en matière de recherche, monsieur le ministre, à savoir redonner à la recherche française une place de premier plan dans tous les domaines et faire de la recherche un moteur de l'essor de l'économie et de la lutte contre le chômage, il n'en demeure pas moins que l'exemple du projet Soleil va à l'opposé de ces deux objectifs. Je ne vois pas comment, en participant à la réalisation en Grande-Bretagne d'un équipement synchrotron de troisième génération, on va favoriser l'économie et l'emploi en France. Que penser ensuite du futur de la plupart des PME-PMI qui s'étaient spécialisées dans les équipements pour le LURE et qui vont perdre une partie de leur marché ? Que penser de l'éloignement entre la recherche publique et l'industrie qui ne manquera pas d'être induit par cette décision alors que ce rapprochement a toujours été considéré comme une nécessité ? En outre, la décision prise cet été est techniquement et économiquement mauvaise. Techniquement, la solution retenue ne répond pas à la demande exprimée par les chercheurs britanniques et français, sachant que dans ce domaine, on a toujours sous-estimé les demandes. Economiquement, la solution Diamond est sous-estimée. Pourquoi avoir oublié les coûts des lignes et des stations expérimentales et le coût du personnel français installé en Grande-Bretagne ? Monsieur le Premier ministre, Soleil est d'une importance telle pour la France que le Président de la République lui-même l'a défendu devant le comité 2000 de l'Académie des sciences, je le cite : « Le projet Soleil est très certainement le plus bel équipement scientifique que la France peut, dans les années à venir, réaliser avec sa communauté scientifique pour la recherche et le progrès, notamment dans les domaines de la santé et de l'industrie. »

Monsieur le Premier ministre, face à tous ces faits, il apparaît évident que la solution retenue ne convient pas.

Dès lors, quelle réponse allez-vous apporter aux chercheurs français, dont le prix Nobel anglais Max Perutz a reconnu qu'ils étaient la référence en Europe dans leur discipline, pour les aider à faire progresser la France dans les domaines de la santé et de l'industrie, permettant ainsi à notre pays de conserver une place de premier plan, ce que simplement nous souhaitons tous ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Monsieur le député, le Gouvernement a fait connaître, lors de deux comités interministériels de la recherche, quelles étaient ses priorités en matière de recherche scientifique : le recrutement de chercheurs, l'innovation, les transferts de technologie et le rétablissement des crédits des équipes.

L'analyse du budget a fait apparaître une dérive graduelle dans notre pays au profit des gros investissements et au détriment des crédits de laboratoire.

Voici des chiffres qui le montrent. Les crédits du CNRS sont actuellement consacrés pour 86 % aux salaires et pour seulement 15 % au travail (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - je veux parler des crédits de fonctionnement ! En extrapolant, cela signifie qu'en 2015, il n'y aurait plus d'argent pour le fonctionnement. (Mêmes mouvements.)

M. le président.

Un peu de silence, mes chers collègues !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Autres chiffres : tandis que les crédits finançant de gros équipements s'élèvent à 4,5 milliards, les crédits alloués au fonctionnement des laboratoires ne représentent que 1,5 milliard.

Nous avons par conséquent décidé, après avis du Conseil national de la science, que tous les gros équipements seraient désormais européens, cela afin de ne pas priver la communauté française d'équipements qu'elle ne pouvait pas se payer.

Je reviens du CERN, qui est un exemple magnifique de la coopération européenne en matière de grands équipements.

Le projet Soleil représentait deux milliards d'investissement. Nous allons investir au cours du plan quelque cinq milliards pour la recherche. Etait-il raisonnable de consacrer deux milliards sur cinq à un seul projet, alors que la France est déjà le pays du monde qui dépense le plus pour le rayonnement Synchrotron - 300 millions par an ? En outre, le projet qui était présenté n'était pas européen et n'impliquait pas les industriels. Nous risquions donc de n'avoir pas du tout de projet Synchrotron - car personne n'aurait pu arbitrer en sa faveur et, d'ailleurs, les gouvernements précédents n'y avaient pas mis un centime. (« Ce n'est pas vrai ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Le projet de coopération avec les Britanniques est une chance exceptionnelle pour la France et pour l'Europe. Il nous permet de participer au projet Diamond. N'oublions pas que les Britanniques sont les meilleurs du monde dans ce domaine où ils ont huit prix Nobel.

M. Yves Fromion.

Ils vous ont roulé dans la farine !

M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Nous y sommes associés pleinement. D'ailleurs, la première réunion se tiendra à Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A u surplus, mesdames, messieurs les députés, la construction de l'Europe, à laquelle ce gouvernement est a ttaché, et de l'Europe scientifique, en particulier, implique la réalisation de projets communs. Le projet du Synchrotron européen est localisé à Grenoble, de même que celui de la pile à neutrons ; l'ESA est en France. Il est bien normal, dans un esprit de coopération scientifique, que les Britanniques, dont nous voulons qu'ils participent pleinement à l'Europe, disposent aussi d'un équipement européen sur leur sol. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

3 RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public de l'ensemble du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous sommes arrivés au terme de la première lecture de la loi sur la réduction négociée du temps de travail.

Je souhaite, en cet instant, adresser, tout d'abord, mes remerciements les plus chaleureux au président de la commission des affaires sociales, M. Jean Le Garrec, qui a, une fois de plus, honoré cette assemblée par l'énergie qui le caractérise, et surtout par la qualité de sa réflexion, laquelle a contribué largement à enrichir notre texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je voudrais saluer aussi votre rapporteur, M. Gaëtan Gorce, qui, depuis son vote, a accompagné l'application de la première loi sur la durée du travail par ses deux rapports et a beaucoup contribué à l'élaboration de la présente loi. Il a aussi, avec son président, mené les débats que l'on sait au sein de la commission des affaires sociales.

Merci, enfin, à Yves Rome et Gérard Terrier, pour leur implication personnelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), mais aussi à tous ceux, dans la majorité, qui ont participé au débat pour enrichir le texte.

M. Dominique Dord.

Maxime Gremetz !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

M. Maxime Gremetz, bien sûr, Yves Cochet, Georges Sarre et Jacques Rebillard. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je vois, monsieur Dord, que vous appréciez, avec moi, les nombreux talents que nous avons dans la majorité plurielle. (Sourires.)

Aux membres de l'opposition, je tiens à dire combien j'ai apprécié que nos débats se déroulent dans un climat serein. J'ai eu l'impression que, si les modalités d'application de la réduction de la durée du travail ne convenaient pas à tous - et je l'ai bien compris - nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, n'en contestent pas le principe. Peutêtre parce que les Français la souhaitent, pour créer des emplois et pour vivre mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je ne souhaitais pas vous placer en contradiction avec les Français, mais vous le faites vous-mêmes.

M. Yves Nicolin.

Rassurez-vous, ils sont plus lucides que vous ne le pensez !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Peutê tre aussi les Français savent-ils, grâce aux 130 000 emplois créés et aux 16 000 accords de réduction de la durée du travail,...

M. Yves Nicolin.

Baratin !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... que celle-ci crée des emplois.

M. Dominique Dord.

Mensonge !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Depuis deux ans, à cette tribune, nous avons tous rappelé que notre priorité, c'était l'emploi.

Aucune piste ne doit être négligée pour satisfaire l'objectif d'un retour au plein emploi. Une telle cible ne peut être atteinte, nous le savons, qu'avec l'adhésion et la mobilisation de l'ensemble des acteurs économiques et sociaux.

M. Dominique Dord.

C'est mal parti !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous verrons ! Le chômage ébranle les fondements mêmes de notre société. Nous sommes convaincus que sa réduction est non seulement une nécessité sociale mais aussi une condition du développement économique. C'est la confiance revenue, grâce à la baisse du chômage, qui est à l'origine de la croissance dans notre pays, une croissance saluée par l'ensemble des organismes internationaux comme étant une des plus fortes du monde industrialisé.

Il n'y a pas d'un côté, je l'affirme, ceux qui contribuent à la réduction du chômage et de l'autre, ceux qui le créent. Il faut que chacun prenne sa part dans la lutte contre ce chômage qui, depuis des années, met en danger jusqu'à notre démocratie, afin qu'il recule de manière significative. Et si les entreprises ont, certes, en charge la création des richesses, cela ne signifie pas que l'Etat ait seul la responsabilité de la solidarité et donc de la prise en charge des plus démunis. Chacun, je le répète, doit prendre sa part dans la lutte contre le chômage et dans la réalisation d'une croissance qui soit plus riche en emplois.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Les entreprises ont, à l'évidence, un rôle majeur à jouer par une meilleure mobilisation du capital humain, par la préparation des salariés à l'avenir mais aussi par l'amélioration de leur compétitivité pour créer des emplois aujourd'hui et demain.

Aussi ferme qu'est notre détermination à impliquer les entreprises dans cette lutte contre le chômage, est claire notre volonté que cette loi ne soit pas une loi contre les entreprises. D'ailleurs, depuis deux ans, nous avons voulu faire de la réduction du temps de travail un outil majeur pour réduire le chômage mais aussi pour améliorer les conditions de vie et de travail de nos concitoyens et renforcer les performances de nos entreprises.

Pour cela, nous avons fixé une seule méthode : la négociation. C'est celle qui a porté ses fruits, c'est celle que nous avons maintenue pour ce projet de loi.

Je voudrais dire ici ma satisfaction de voir combien, sur ce texte, la majorité plurielle a fonctionné comme une vraie majorité politique, partageant des débats - c'est cela faire de la politique - sans tabou ni calcul. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Et loin de la cacophonie qu'on annonçait, elle a finalement mis en musique une seule et unique partition.

M. Yves Fromion.

Vous nous faites rire !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je sais que cela vous gêne car l'harmonie qui règne chez nous n'est peut-être pas présente sur tous les bancs. Il vaut mieux débattre sur le fond des questions que sur les personnes ! C'est en tout cas ce que nous faisons.

M. Yves Fromion.

Vous êtes un peu agressive, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je ne fais que répondre à quelques réflexions ! Au surplus, je me suis réjouie tout à l'heure que le débat avec l'opposition se soit déroulé dans un climat extrêmement serein, et je l'en ai remerciée.

Il s'agit là d'un projet sur lequel l'ensemble des composantes de la majorité a investi en temps, en réflexion et en propositions. Il en sort conforté dans son objectif emploi et dans sa méthode, la négociation.

Nous l'avons dit depuis le début, et Jean Le Garrec l'a confirmé, il faut faire confiance aux salariés et aux chefs d'entreprise. C'est de la négociation qu'émergent les solutions équilibrées, ainsi qu'en témoignent depuis plus d'un an des milliers d'accords sur mesure.

M. Yves Nicolin.

Vous n'en tenez pas compte !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Voilà comme nous avons réussi. Voilà comme il faut continuer ! Il faut du temps pour la négociation, d'où la période d'adaptation indispensable à la réussite du passage aux 35 heures.

Il faut respecter les accords, et ils le sont totalement.

Tout le monde le sait d'ailleurs puisque, hormis un seul d'entre eux, tous les accords de branche qui ont été conclus entrent dans le champ d'application de la présente loi et pourront donc être appliqués. Telle est la réalité d'un texte qui a été fondé sur la négociation.

Vous le savez bien, le point d'équilibre et de réussite des 35 heures tient à une bonne articulation entre la loi et la négociation. Vous avez, lors de vos débats, enrichi encore les espaces laissés à la négociation. Je pense particulièrement à l'amendement adopté à l'initiative d'Odile Saugues, repris par l'ensemble de la commission des affaires sociales et des groupes de la majorité, obligeant désormais toute entreprise à engager des négociations sur la durée du travail ou à conclure sur les 35 heures avant de déposer un plan social.

Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut, en effet, tout faire pour prévenir les licenciements ou, lorsqu'ils sont sur le point d'arriver, tout faire pour les éviter. De nombreuses entreprises ont déjà utilisé cette démarche. Il était temps maintenant de la généraliser. C'est ce que vous avez voulu avec le vote de cet amendement.

De la même manière, vous avez souhaité enrichir la négociation en permettant aux salariés signataires d'un accord et aux chefs d'entreprise de prévoir une consultation du personnel non seulement après la signature mais aussi avant s'ils le souhaitent.

Non seulement la négociation sort confortée de vos débats mais l'objectif emploi a été consolidé.

Je l'ai dit à plusieurs reprises, cette loi n'est pas une loi pour plaire ou pour déplaire, mais pour réussir les 35 heures. C'est une loi pour l'emploi, pour l'amélioration des conditions de vie et le renforcement de la compétitivité des entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Pour l'emploi, sûrement pas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le premier objectif, c'est l'emploi. Et il fallait le rappeler - à ce jour 130 000 emplois ont été créés ou préservés -, et nous l'avons fait à l'initiative du groupe communiste, en particulier de M. Maxime Gremetz et de Mme Muguette Jacquaint, en affirmant clairement en préambule que chaque accord devra s'engager à créer ou à préserver des emplois et que les embauches prévues devront avoir lieu au cours de l'année.

Nous avons prévu aussi les modalités de suspension des allégements de charges, au cas où la réduction de la durée du travail et la création ou la préservation d'emplois ne seraient pas effectives.

Par ailleurs, le groupe communiste y insiste depuis des mois avec juste raison et a été rejoint par tous les partis de la majorité, nous devons bien utiliser les fonds publics.

C'est une exigence démocratique. Aussi le Gouvernement s'est-il engagé dans la présente loi à réaliser un bilan qui sera remis à la commission nationale de la négociation collective. Il sera contradictoire puisque le patronat et les syndicats pourront donner leur avis. Ensuite, il sera transmis au Conseil de surveillance du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, ainsi évidemment qu'au Parlement puisque c'est lui qui vote les crédits et décide de la création des fonds.

Enfin, cette loi apporte des garanties supplémentaires pour les salariés.

Elle donne toute sa place à la négociation, elle conforte notre objectif emploi...

M. Dominique Dord.

Ce n'est pas vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

... mais elle définit aussi l'ordre public social et, pour ce faire, elle doit s'assurer qu'aucun salarié ne reste à l'écart.

C'est ce que vous avez fait, dans l'esprit du projet de loi, en confortant encore les garanties apportées aux salariés. Je pense bien sûr aux amendements de la commission des affaires sociales et de votre rapporteur qui encadrent plus efficacement le travail à temps partiel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Nous devons trouver le bon équilibre entre ceux qui le subissent et ont le sentiment qu'il les précarise et ceux qui veulent vraiment un temps choisi.

C'est pourquoi ce projet de loi encadre désormais plus efficacement le temps partiel en renforçant les droits des salariés, en encadrant mieux les heures complémentaires, en permettant aux salariés de refuser une modification de la répartition des horaires, notamment pour des raisons familiales. J'insiste là sur l'importance de l'entrée pour la première fois dans la loi et dans les accords de la vie hors de l'entreprise, la vie familiale, et particulièrement, bien sûr, celle des femmes à la suite du rapport déposé par Catherine Génisson.

Cette seconde loi a par ailleurs trouvé des solutions à un problème que, il y a encore un an, nous considérions comme insoluble dans notre pays, celui des cadres.

Le projet de loi s'appuyait sur la négociation pour reconnaître à la fois les catégories et les modalités de la réduction du temps de travail. Vous l'avez conforté en adoptant un amendement de votre commission précisant à juste titre la définition des cadres dirigeants.

Vos débats ont permis de renforcer les garanties offertes aux salariés, grâce à des amendements de la commission appuyés par l'ensemble des groupes de la majorité : définition du travail effectif, réduction de la durée maximale du travail à 44 heures sur douze semaines, majoration à 50 % des heures supplémentaires à partir de 43 heures au lieu de 47. Vous avez par ailleurs fixé le repos hebdomadaire minimum à 35 heures en application d'une directive européenne qui est dorénavant inscrite dans notre législation, et clarifié à juste raison le régime des astreintes et des équivalences.

Enfin, et c'est un acquis essentiel de nos discussions, toute nouvelle entreprise aura droit aux aides incitatives prévues dans la première loi dès lors qu'elle fera bénéficier ses salariés payés au SMIC de la garantie salariale prévue par la loi. Nous poussons ainsi les nouvelles entreprises à appliquer cette garantie mais nous les incitons aussi à se créer en réduisant leurs charges.

Enfin, nos débats rendent ce projet de loi plus incitatif en faveur de la réduction de la durée de travail.

Vous avez souhaité, tous ensemble, que les accords négociés soient des accords sur mesure. Vous avez simplifié et assoupli les conditions d'accès à l'aide incitative pour les petites et moyennes entreprises. Cette avancée doit beaucoup à Jean Pontier et à Jacques Rebillard, députés radicaux de gauche.

En outre, concernant le temps de travail des postés les allégements de charges sont conditionnés au passage à 33 heures et 36 minutes, c'est-à-dire au passage à cinq équipes.

De plus, nous sommes tombés d'accord, à l'initiative d'Yves Cochet, pour majorer les allégements de charges en cas de passage à 32 heures et pour supprimer l'abattement temps partiel pour les nouveaux contrats un an après la baisse de la durée légale du travail afin de favoriser le temps partiel choisi.

A la fin de ce débat en première lecture, nous sommes arrivés à un texte équilibré et cohérent.

Pendant plusieurs jours, en effet, nous avons déplacé le débat sur la réduction du temps de travail du terrain des slogans à celui de la réalité concrète que souhaitent vivre dorénavant les Français. Nous n'avons pas tenté d'opposer l'intérêt des uns à celui des autres. Nous avons essayé de trouver des solutions qui permettent à la fois aux salariés d'avoir des garanties et aux entreprises de fonctionner avec une plus grande souplesse. Nous avons concilié l'impératif de compétitivité et la nécessaire sécurité que chaque salarié requiert à juste titre dans notre pays.

Nous l'avons fait d'autant plus facilement que nous nous sommes appuyés sur les 50 000 chefs d'entreprise et syndicalistes qui ont d'ores et déjà participé à une négociation et qui ont su nous montrer qu'il y avait des solutions innovantes et pragmatiques pour créer le plus grand nombre d'emplois en réduisant la durée du travail.

M. Lucien Degauchy.

Il ne faut pas rêver !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous croyez peut-être rêver, mais c'est maintenant une réalité.

M. Jean Auclair.

On en reparlera !

M. Lucien Degauchy.

J'ai les pieds sur terre. Je suis chef d'entreprise.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous réalisons avec cette loi une avancée considérable, une avancée pour l'emploi, pour les conditions de vie de nos concitoyens, une avancée pour la négociation sociale, mais aussi pour la réorganisation du travail dans les entreprises.

Si nous arrivons tous ensemble à réduire le chômage, à réconcilier, comme nous le faisons dans ce texte, l'économique et le social, nous aurons répondu aux craintes les plus intenses de nos concitoyens.

Ce progrès social que nous réalisons par cette loi, nous le devons d'abord au fait que la majorité a voulu le réaliser unie. Nous savons, en effet, que nous ne sommes forts que lorsque nous sommes unis autour de nos convictions et de nos valeurs.

M. Dominique Dord.

L'union fait la force !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je sais que vous en rêvez, mais nous, nous le faisons ! Unis, nous pouvons, grâce aux 35 heures, faire reculer le chômage.

Unis, nous allons, grâce aux 35 heures, changer les conditions de vie des Français comme ils l'attendent de nous, et ils savent qu'ils peuvent compter sur nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Comme l'a indiqué Mme la ministre, je crois que nous sommes nombreux sur ces bancs à avoir la conviction forte que progrès économique et progrès social doivent aller de concert.

Opposer l'un à l'autre, ce serait nier les enseignements des décennies depuis la Libération qui ont montré que l'un se développe avec l'autre.

Comment imaginer une société dans laquelle le développement économique serait uniquement synonyme de plus de précarité, plus de flexibilité, plus de marginalité sociale ? Quelle en serait la justification ? Qu'est-ce qui donnerait un sens ? Qu'est-ce qui garantirait sa cohésion ? Et, au fond, quelle serait la motivation des salariés privés de perspectives, livrés à l'incertitude de l'avenir ? L'économie moderne demande toujours plus de compétences, de disponibilité et de qualifications, et la concurrence se fait souvent désormais autant sur ces qualités que sur les coûts. Le projet de loi que nous avons débattu, que nous allons voter, répond à cette double exigence : un progrès économique et un progrès social.


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Le progrès économique parce que c'est l'occasion pour l'ensemble de nos entreprises de mettre à plat leur organisation, leurs effectifs, leur niveau hiérarchique, leur façon de travailler par la négociation.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Lucien Degauchy.

Pour être à plat, on va être à plat !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Le progrès social, c'est la plus forte réduction du temps de travail jamais acquise par les salariés depuis la loi instituant les 40 heures.

Le projet qui nous est présenté, nous avons, au cours des débats qui se sont déroulés, eu le souci de l'enrichir sur de nombreux points tout en en préservant l'équilibre.

Nous l'avons enrichi en précisant mieux l'objectif de création d'emplois qui nous était commun dès l'origine du débat, en faisant en sorte qu'aucune catégorie de salariés ne soit tenue à l'écart, notamment les cadres,...

M. Arnaud Lepercq.

Et le service public ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... en garantissant mieux les droits des salariés, s'agissant en particulier de la modulation ou du temps partiel. Nous l'avons enrichi aussi en assurant peut-être mieux encore le maintien et la progression du pouvoir d'achat des salariés payés au SMIC, et je pourrais aborder d'autres sujets comme le souci partagé par M. Cochet de faire en sorte que ce processus de réduction se prolonge - pourquoi pas ? - vers les 32 heures.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Dominique Dord.

28 !

M. François Goulard.

26 !

M. Yves Nicolin.

20 !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Nous avons eu, je crois, un débat sérieux et de qualité. Nous ne nous sommes pas retrouvés dans les propos apocalyptiques entendus parfois à la porte de Versailles la veille de l'examen du texte.

L'opposition l'a d'ailleurs bien compris, qui a renoncé à toute forme d'obstruction parlementaire. Le débat s'est déroulé dans des conditions intéressantes et nous avons pu échanger des arguments. Je pense que chacun a biens enti que l'opinion publique était acquise à cette réforme...

M. Lucien Degauchy.

Ça, c'est faux !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... dont elle attendait progrès social et progrès économique !

M. Yves Nicolin.

Vous fantasmez encore !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Je crois que nul ne peut aujourd'hui contester la volonté de ce gouvernement et de cette majorité de faire reculer le chômage, mais nul ne peut prétendre que nous voulons y parvenir en mettant en cause la négociation qui a, au contraire, été relancée par la première loi...

M. Yves Nicolin.

Et arrêtée par la seconde !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... et qui pourra se déployer à travers la seconde tout au long des mois qui viennent.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est faux !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Le contresens ou l'archaïsme, ce n'est pas d'inviter le législateur à prendre l'initiative d'un nouveau dialogue social riche en emplois, c'est, au contraire, d'opposer l'entreprise à ses salariés, la performance économique à l'emploi, et l'on ne peut que regretter que certains représentants des entreprises aient préféré se tenir à l'écart d'un mouvement et d'un changement comme ils l'ont parfois fait dans d'autres circonstances.

M. Arnaud Lepercq.

Il n'y a plus de frontières.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Tant qu'il en sera ainsi, c'est au législateur, soucieux de l'intérêt général, qu'il reviendra d'initier le changement et de faire en sorte que de grands mouvements comme ceux que nous engageons à travers ce texte se produisent.

Je forme le voeu qu'à travers ce texte, nous sachions aussi enclencher dans toutes les entreprises de ce pays un mouvement profond de négociation qui change profondément notre système de relations sociales.

M. Arnaud Lepercq.

Et le service public ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Au moment d'en terminer (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , je ne peux résister à l'envie d'évoquer celui qui fut le rapporteur de la loi instituant les 40 heures, les 11 et 12 juin 1936, André Philip (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) , non pas par nostalgie, mais pour souligner le lien qui unit, par-delà les décennies et les générations (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République) , celles et ceux qui ont toujours le souci de poser les jalons du progrès social.

M. Yves Nicolin.

Comme Mauroy avec les nationalisations !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

A cette époque, le progrès social, c'était d'arracher le droit élémentaire à la dignité.

M. Lucien Degauchy.

Ce n'était pas le même contexte !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Aujourd'hui, il s'agit toujours de faire progresser les droits nouveaux. Je me réjouis que la majorité de ce Parlement ait choisi d'y contribuer ! Enfin, je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui nous ont permis d'accomplir le travail effectué au cours de ces quinze jours, naturellement les administrateurs,...

M. Arnaud Lepercq.

Ils ont travaillé plus de 35 heures !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

... les responsables du groupe, l'ensemble des collègues avec lesquels nous avons pu travailler, sur les bancs de l'opposition comme sur ceux de la majorité, Jean Le Garrec et, naturellement, Martine Aubry. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. Lucien Degauchy.

Quel baratin ! Explications de vote

M. le président.

Nous passons aux explications de vote.

Je rappelle que chaque groupe dispose au plus de cinq minutes et que l'orateur ne sera pas sanctionné s'il n'utilise pas tout son temps. (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, l'adoption de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail constituera un temps fort de cette législature qui s'est fixé pour ambition de changer d'avenir. Cette loi fera date également dans l'histoire de notre pays car elle est profondément novatrice, tant par son contenu que par son mode d'élaboration.

En résumé, au travers de ce texte, nous aurons impulsé une conquête sociale de première ampleur tout en empruntant des voies jusqu'à présent inusitées, celle de l'expérimentation sur le terrain et celle du dialogue permanent entre les partenaires sociaux et entre les différentes formations politiques.

Après l'adoption de la première loi d'incitation à la réduction du temps de travail, le 13 juin 1998, le vote de ce second texte marquera, me semble-t-il, une véritable volonté de rationaliser les choix politiques et sociaux. En effet, la méthode retenue pour parvenir à la réduction du temps de travail, loin d'être autoritaire comme on l'a trop souvent entendu, a privilégié une véritable interaction entre la loi et la négociation collective, d'une part, entre l'expérimentation et la réglementation, d'autre part.

Trop souvent, et parfois à juste titre, il avait été reproché à l'Etat de procéder de façon trop rigide et de vouloir changer la société par décret. Tel n'est certainement pas le cas aujourd'hui.

M. Arnaud Lepercq.

Là, ce sont des usines de gaz !

M. Yves Rome.

En effet, la loi elle-même a combiné de façon nouvelle et enrichissante la négociation et la législation, l'une se nourrissant de l'autre.

Certes, l'accusation d'autoritarisme continue à prévaloir dans certains milieux du patronat et de l'opposition nationale. Elle n'est ni sérieuse ni crédible, masquant le plus souvent une véritable incapacité chronique à avancer les éléments d'un projet alternatif.

Le président du MEDEF a invité ses adhérents à s'insurger contre tout ce qui vient gêner, contraindre, réglementer le métier de patron...

M. Arnaud Lepercq.

Vous ne savez pas ce que c'est !

M. Yves Rome.

... et affirmé que l'adaptation des entreprises ne devait pas se faire par la loi.

M. Lucien Degauchy.

Vous ne savez pas ce que c'est qu'une entreprise !

M. Alain Néri.

Venez dans la mine !

M. Yves Rome.

En ce sens, le patron des patrons incarne bien l'exception française, celle d'un certain archaïsme social qui s'appuie sur le blocage de la négociation entre les partenaires sociaux.

Contrairement à de nombreux pays développés, la France a connu depuis 1982 une totale stagnation sur le plan de la réduction du temps de travail, à l'exception notable de la loi Robien.

M. Charles de Courson.

Et alors ?

M. Yves Rome.

Preuve était faite que seule la loi pouvait, en France, lever les blocages, les crispations, et réimpulser le dialogue dans l'entreprise.

Les deux lois de Mme Aubry ne sont pas la preuve de l'incorrigible autoritarisme de l'Etat. Elles sont au contraire le remède nécessaire au mutisme social et le levier du changement et de la modernité. La dynamique de la négociation, c'est nous qui l'avons impulsée puis concrétisée.

M. Arnaud Lepercq.

Quelle négociation ?

M. Yves Rome.

L'engagement pris devant les Français en mai 1997 a été tenu et il est en passe d'être totalement réalisé aujourd'hui, mais, surtout, les espoirs qui ont été placés dans la réduction du temps de travail n'ont pas été déçus, tant sur le plan de l'emploi que sur celui de l'amélioration des conditions de vie.

Ces appréciations convergentes des salariés et des patrons soulignent l'intérêt économique autant que social des 35 heures et plaident pour leur généralisation. Elles démontrent enfin que les postures partisanes des responsables du MEDEF et de l'opposition sont largement formelles et convenues, totalement déconnectées des attentes de la société et de celles des vrais entrepreneurs.

M. Arnaud Lepercq.

Il n'a jamais mis les pieds dans une entreprise !

M. Yves Rome.

La loi du 13 juin 1998 a bien mis en place un cercle vertueux au sein duquel les salariés comme les entreprises trouvent leur compte. L'enjeu de cette seconde loi était bien de préserver ce délicat équilibre par lequel passe le succès de cette grande réforme.

Sans conteste, le projet de loi y est parvenu. Il offre des garanties nouvelles aux salariés. Sans être ni rigide ni pesant, il est facteur de souplesse tout en assurant une plus grande sécurité juridique aux partenaires sociaux.

A l'issue de nos débats intenses et passionnés, ce cercle vertueux a été préservé, voire renforcé, sous l'autorité bienveillante et vigilante de Jean Le Garrec. De nombreux amendements ont permis d'apporter de la simplification là où le code du travail était complexe et d'offrir des garanties là où la flexibilité, le chômage et la précari té avaient effacé les repères.

A cet égard, plusieurs avancées méritent d'être soulignées, en même temps que la qualité du travail parlementaire des groupes de la majorité plurielle en appui au talentueux rapporteur, Gaëtan Gorce.

Tout d'abord, une inquiétude a été levée concernant le niveau des rémunérations et le SMIC. Il est désormais acquis que la réduction de travail se fera à rémunération constante pour les salariés payés au SMIC, qu'ils soient à temps plein ou à temps partiel, nouveaux embauchés, voire salariés d'une entreprise nouvelle bénéficiant d'allégements de charges. Ainsi, le principe « à travail égal, salaire égal », sera pleinement respecté, alors même que la réduction du temps de travail, par ses effets sur les créations d'emplois, permettra à un plus grand nombre de nos concitoyens de se prévaloir de ce principe en retrouvant les chemins de l'activité. C'est bien sûr à eux aussi que nous devons penser.

L'autre aspect extrêmement positif des travaux parlementaires concerne les garanties nouvelles apportées aux salariés, quel que soit d'ailleurs leur niveau dans la hiérarchie de l'entreprise.

M. Lucien Degauchy.

Quel baratin !

M. Yves Rome.

La définition plus explicite du temps de travail effectif, incluant les pauses, les temps nécessaires à la restauration, à l'habillage et au déshabillage, ne menace certainement pas les performances des entreprises françaises. Elle contribue, en revanche, à y détendre le climat social et à promouvoir des accords selon la logique gagnant-gagnant.

D ans le même esprit, les règles applicables aux astreintes et aux heures d'équivalence sont clarifiées.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Gilbert Meyer.

Cinq minutes !

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Rome.

M. Yves Rome.

De même, la simplification du régime de la modulation et de la définition des limites impératives à la durée annuelle du travail concilie réellement les contraintes économiques et les exigences d'une vie familiale harmonieuse.

M. Lucien Degauchy.

C'est un moulin à paroles !

M. Yves Rome.

Logiquement, le projet de loi a étendu aux salariés à temps partiel les garanties communes, auxquelles s'ajoutent des garanties spécifiques qui visent à promouvoir le temps choisi au détriment du temps subi.

M. Richard Cazenave.

Pour l'instant, c'est nous qui subissons !

M. Yves Rome.

En ce sens, l'abattement de la suppres-s ion spécifique temps partiel constitue une mesure d'équité qui rétablit une certaine transparence du marché du travail.

Le groupe socialiste apporte son entier soutien à ce projet de loi, qui est un texte foncièrement équilibré.

Nous nous félicitons d'avoir répondu de façon harmonieuse à une double exigence, la préservation de la compétitivité des entreprises mais aussi une meilleure répartition des fruits de la croissance et de l'emploi. Là est l'équilibre de ce texte.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Ça suffit !

M. Yves Rome.

Nous sommes fiers d'avoir, peut-être pour la première fois en France, réussi ce mariage entre la loi et la négociation sociale, sous le régime, pour employer une image, de la participation aux acquêts. En effet, la loi s'enrichit des acquis de la négociation alors que les discussions entre partenaires sociaux pourront désormais s'appuyer sur les acquis et les garanties offertes par cette seconde loi. Là est encore l'équilibre de ce texte.

Enfin, nous sommes heureux de constater que l'esprit de responsabilité et d'ouverture a prévalu tout au long de ces débats au sein de la majorité de gauche et dans le dialogue avec le Gouvernement. Là aussi est l'équilibre de ce texte.

Cette seconde loi constitue donc un excellent compromis social, économique et politique. Elle met en oeuvre immédiatement toutes les mesures du possible dans le contexte actuel, mais prétend aussi constituer un point d'appui fort pour cheminer plus avant dans la direction du souhaitable. Là est enfin l'équilibre de ce texte.

Par ce projet de loi, la majorité a rendu possible une avancée sociale majeure, mais, dans le même temps, elle a dessiné les perspectives nouvelles d'organisation de notre société...

M. Lucien Degauchy.

On en reparlera !

M. Yves Rome.

... et a confié aux partenaires sociaux le soin de définir ce qu'ils attendent et ce qu'ils souhaitent de l'avenir.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Trop long !

M. Yves Rome.

Le groupe socialiste votera donc ce texte qui s'inscrit parfaitement dans l'action conduite depuis deux ans par la gauche et le gouvernement de Lionel Jospin pour l'emploi, la solidarité et la modernisation de notre démocratie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Lucien Degauchy.

Il n'y a pas quoi être fier !

M. le président.

Pour le groupe RPR, la parole est à

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Vous venez de rappeler, madame la ministre, les buts que vous vous étiez fixés avec la réduction de la durée légale hebdomadaire du travail.

M. Arnaud Lepercq.

Le travail à temps partiel pour tout le monde !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

D'une part, créer des emplois, d'autre part, améliorer les conditions de vie des salariés. Pour ce qui est de votre premier pari, vous l'avez d'ores et déjà perdu. En effet, afin de pouvoir présenter un bilan acceptable de la phase transitoire de la loi, vous avez tout mélangé : les effets d'aubaine, les emplois sauvegardés, les postes créés dans le secteur public...

Mieux, vous avez même considéré comme des emplois créés des emplois virtuels simplement décidés sur le papier. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Autant dire que le Gouvernement a abandonné ses vues romantiques et irréalistes. Et de lutte contre le chômage, il n'est plus question. Nous vous l'avions d'ailleurs dit l'année dernière, madame la ministre, on ne peut pas corréler temps de travail et taux de chômage. Nous avons vu dans notre pays, depuis des années, la durée du travail baisser régulièrement, et pour autant le chômage de masse augmentait tout aussi régulièrement.

M. Gilbert Meyer et M. Pierre Lellouche.

Très juste !

M. Lucien Degauchy.

Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Nous le savons, seules la croissance et l'innovation créent des emplois, et en aucun cas le partage de la pénurie. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Vous vous êtes donc rabattue sur le deuxième volet, l'amélioration de la situation des travailleurs déjà munis d'un emploi. Il est vrai que la réduction du temps de travail peut en effet contribuer à cette amélioration, mais à une triple condition. D'abord, qu'elle ne s'accompagne pas d'un gel, voire d'une réduction, des rémunérations.

Ensuite, que la flexibilité ne vienne pas perturber la vie familiale et personnelle des salariés. Enfin, que le durcissement des conditions de travail n'altère pas la santé des travailleurs. A cet égard, le bilan de la première loi est fort intéressant, ou plutôt il l'est fort peu pour les salariés, puisque 80 % d'entre eux ont vu baisser leur pouvoir d'achat par la suppression des heures supplémentaires.

M. Lucien Degauchy.

Tout à fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Quant au texte qui est aujourd'hui soumis à notre vote, il se moque du dialogue social, ne règle pas les difficultés que vous prétendiez résoudre et sème la pagaille dans les entreprises.

D'abord, il bafoue le dialogue social, car, après son entrée en vigueur, aucun des accords qui ont été signés, et dont certains avaient pourtant reçu votre bénédiction, ne sera applicable. Et vous ne donnez à leurs signataires qu'un an pour s'adapter.

Ensuite, les difficultés que vous prétendiez résoudre ne sont pas résolues par ce texte. Prenons l'exemple du temps de travail des cadres. Notre débat à ce sujet a été intéressant, je l'ai dit. Mais vous avez trouvé le moyen


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

d'élaborer un système qui réussit l'exploit de voir se dresser contre lui l'ensemble des syndicats représentant les cadres. Autre exemple : le SMIC. Je vous avais dit l'année dernière, madame la ministre, que vous n'arriveriez pas à vous sortir du guêpier du SMIC. La réalité le confirme.

Dans une même entreprise, et pour le même travail, deux salariés peuvent toucher deux salaires horaires différents : 40,70 francs pour l'un, 45,20 francs pour l'autre. J'avais dit qu'il reviendrait à la gauche de dynamiter le SMIC.

Eh bien voilà, c'est fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Lucien Degauchy.

C'est cela, la justice sociale ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Enfin, ce dispositif est d'une complexité incroyable. Voyez, par exemple, le régime des heures supplémentaires : deux périodes transitoires - de nature et de durée différentes -, trois modes de paiement et quatre taux de majoration ! Et au gré des amendements concoctés ou négociés par telle ou telle tendance de la majorité plurielle, sous la houlette madrée du président de la commission des affaires sociales, on a rigidifié, on a alourdi, on a contraint.

Et, cerise sur le gâteau, si j'ose dire, tout cela va coûter 110 milliards. Ce qui nous donne : des impôts, des contributions,...

M. Lucien Degauchy.

Et ça fait rire Mme la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

... des ponctions.

Ecotaxe, taxation des heures supplémentaires, racket sur les caisses de l'UNEDIC et de la sécurité sociale, prélèvements sur les bénéfices des sociétés, suppression des allégements de charges sur le travail à temps partiel. Et ce ne sont pas les allégements de charges que vous nous promettez qui compenseront l'alourdissement des prélèvements.

M. Lucien Degauchy.

Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

A terme, ce sont les salariés et les contribuables qui paieront la facture. Et il en sera des 35 heures comme il en a été des nationalisations, que vous nous aviez présentées, il y a dix-huit ans, comme un grand progrès social, alors que maintenant vous privatisez à tour de bras. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Vous comprendrez donc que le groupe du Rassemblement pour la République ne votera pas un texte autoritaire, complexe et rigide, qui, à terme, aggravera le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Ces derniers jours, le débat que nous avons mené, au sein de cet hémicycle, nous a conduits à discuter de ce véritable enjeu de société et de civilisation que constitue la réduction du temps de travail.

Celle-ci est, depuis des années, une aspiration du mouvement progressiste. Trop de gens manquent de travail pendant que d'autres s'épuisent d'en avoir trop. Notre pays a besoin de toutes ses forces vives pour faire face aux défis de notre temps.

Les enjeux sociaux, économiques et sociétaux de la réduction du temps de travail sont indissociables. C'est pourquoi le groupe communiste, tout au long de son histoire, a toujours été partie prenante du combat pour cette grande aspiration de notre temps.

M. Guy Teissier.

Surtout à Moscou !

M. Maxime Gremetz.

La mise en oeuvre de la réduction du temps de travail revêt pour nous trois objectifs principaux.

D'abord, libérer du temps pour s'éduquer, se former, se distraire, participer à la vie associative, se cultiver, être avec sa famille, exercer pleinement sa citoyenneté.

Ensuite, lutter contre le chômage en créant des emplois stables et correctement rémunérés.

M. Pierre Lellouche.

Il ne faut pas rêver !

M. Maxime Gremetz.

Enfin, réorganiser le travail dans le but de lutter contre la précarité, contre la flexibilité, donner la parole et des droits nouveaux aux salariés.

M. Lucien Degauchy.

La précarité, il y en aura de plus en plus, à cause de cette loi !

M. Maxime Gremetz.

C'est pourquoi, vous le savez, messieurs de la droite,...

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Et madame !

M. Maxime Gremetz.

Et madame, en effet. Excusezmoi, madame Bachelot, mais je voulais vous épargner, parce que vous êtes un peu moins réactionnaire que les autres. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

C'est vrai, souvenons-nous du PACS ! Mme Bachelot voit tout en rose. (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

C'est pourquoi, disais-je, en 1993, nous avons résolument combattu la loi quinquennale de M. Balladur, dont la droite voulait encore aggraver les effets.

M. Jean-Luc Reitzer.

C'était une excellente loi !

M. Maxime Gremetz.

Nous avons abordé ce débat sur la réduction du temps de travail avec la volonté de répondre le mieux possible aux aspirations du mouvement social et des salariés. Nous sommes parvenus à des avancées significatives, mais il reste encore des questions importantes à résoudre.

M. Guy Teissier.

Oui, celle du Goulag, par exemple !

M. Maxime Gremetz.

Ce genre de remarque, ça ne vole pas haut ! Je pense en particulier au chapitre concernant les cadres, contre lequel nous avons voté.

M. Jean-Luc Reitzer.

Ces pauvres cadres sont floués, une fois de plus !

M. Maxime Gremetz.

Nous disons au Gouvernement qu'il doit écouter l'ensemble des organisations syndicales de cadres et bien étudier leurs propositions.

La question du prélèvement de 10 % sur les heures supplémentaires, qui est anormal, doit également trouver une solution.

M. Guy Teissier.

Bien sûr !

M. Maxime Gremetz.

Nous regrettons, d'autre part, que les différentes fonctions publiques ne soient pas concernées par la loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Quant au débat fondamental du financement des 35 heures, nous allons le poursuivre, vous le savez, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale.

Nous réaffirmons que nous sommes pour une autre assiette des cotisations - mettant à contribution les revenus du capital et les revenus financiers - et contre les prélèvements sur la sécurité sociale et l'UNEDIC.

M. Pierre Lellouche.

Il faudra organiser une autre manif !

M. Maxime Gremetz.

Nous avons dit et répété, vous le savez, que, dans son état initial, le projet n'était pas votable.

M. Pierre Lellouche.

Vous l'avez dit, répété... et manifesté !

M. Maxime Gremetz.

Pour deux raisons majeures et fondamentales : les exonérations et les aides financières n'étaient plus conditionnées à la création ou la préservation d'emplois, et le contrôle efficace de l'utilisation des fonds publics n'était pas assuré.

Nous nous réjouissons que, grâce aux échos de la grande manifestation unitaire du 16 octobre (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et au travail sérieux accompli avec le Gouvernement, une réponse ait pu être apportée à ces deux préoccupations.

M. Pierre Lellouche.

Si je comprends bien, manifester, c'est gouverner !

M. Maxime Gremetz.

Plusieurs de nos amendements significatifs ont été adoptés, dont la portée est indéniable

C'est le cas de cette disposition générale, introduite à l'article 11, précisant que l'aide financière est subordonnée à un accord collectif sur la réduction du temps de travail et sur la création ou la préservation d'emplois.

Nous avons renforcé, dans le contenu des accords, l'obligation de préciser le nombre d'emplois créés ou préservés, lesquels devront l'être dans un délai d'un an. Nous donnons aux syndicats des moyens de faire respecter les accords, en précisant que la convention ou l'accord de branche doit prévoir les conditions dans lesquelles est assuré un suivi paritaire de l'impact de la réduction du temps de travail. De plus, un droit d'alerte est donné aux syndicats et aux représentants du personnel, permettant la suspension ou la suppression des aides financières au cas où les engagements de l'accord ne seraient pas respectés.

Concernant le contrôle de l'utilisation des fonds publics, un bilan annuel sera remis au Parlement, comme l'a rappelé Mme la ministre, pour examiner leur impact sur l'emploi. Le comité d'entreprise sera informé sur les aides à l'emploi dont bénéficie l'entreprise. Une instance paritaire de suivi sera mise en place dans chaque entreprise. La portée de toutes ces mesures sera encore renforcée par l'examen de la proposition de loi déposée par Robert Hue sur l'utilisation, de façon plus générale, de tous les fonds publics destinés à l'emploi.

Concernant les droits nouveaux pour les salariés et leurs représentants, ce qui a toujours été, pour nous, communistes, une question importante, qui relève de la justice sociale, le principe majoritaire, qui implique la signature des accords par un ou plusieurs syndicats représentant la majorité des salariés aux élections professionnelles - principe dont nous avions demandé l'application lors du débat sur la première loi - est rendu obligatoire au niveau de l'entreprise. C'est un progrès considérable pour la démocratie et pour les droits des salariés. C'est un point d'appui fort pour les organisations syndicales dans la conduite des négociations.

Par ailleurs, d'autres améliorations ont pu être apportées, notamment sur la définition de la durée du temps de travail effectif, qui inclut les temps de pause et les temps d'habillage quand une tenue est imposée. Le travail posté est fixé à un maximum de 33 heures 36. Le travail dominical est mieux encadré, et le repos hebdomadaire mieux protégé. La réduction du temps de travail doit être négociée avant tout plan social de licenciement.

Le niveau du SMIC est préservé pour tous les salariés.

Dans le même sens, l'abattement de 30 % sur les cotisations sociales pour le temps partiel est supprimé, et le Gouvernement s'est engagé à taxer le recours abusif aux contrats précaires.

Evidemment, pendant toute la durée des débats, la droite a tenté d'aggraver la flexibilité, de faire sauter tous les garde-fous sur les garanties données aux salariés.

M. Francis Delattre.

Non. Simplement, nous ne nous sommes pas couchés !

M. Guy Teissier.

Nous ne sommes pas allés à la soupe !

M. Maxime Gremetz.

Toutes les revendications du MEDEF ont été portées par la droite au sein de l'Assemblée nationale. Le mouvement social et la détermination des députés communistes ont permis de les contrer. Mes chers collègues, vous devez savoir que nous nous sommes fait traiter, après l'adoption de nos amendements, de « criminels » par M. Goulard, qui nous a accusés de vouloir assassiner toutes les entreprises. N'est-cepas, monsieur Goulard ? Vous le confirmez.

Chers collègues, le groupe communiste va voter cette grande loi de civilisation (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) qui s'inscrit dans un processus historique. Nous allons en même temps continuer à oeuvrer pour son amélioration, en liaison avec le mouvement social. En émettant ce vote positif, nous pensons également à tous les salariés, les chômeurs, les exclus,...

M. Lucien Degauchy.

Ils seront encore plus nombreux !

M. Maxime Gremetz.

... qui, partout en Europe, expriment de façon diverse la même aspiration. Ce sera sans nul doute un encouragement dans leur propre combat et c ontribuera au développement d'actions menées en commun par tous les peuples européens.

Tel est, mes chers collègues, le sens de notre vote.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre délégué, mesdames les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, le texte, que la majorité de l'Assemblée s'apprête à voter fera en effet date dans l'histoire. La France, seule dans le monde, seule en Europe, a décidé de réduire de façon généralisée la durée du travail.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

En 1789 aussi, elle était la seule à faire la Révolution !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Hervé Morin.

Cette politique solitaire est d'autant plus anachronique que nous avons fait le choix de l'Europe. Notre pays ne détenant plus, désormais, le pouvoir monétaire et voyant son pouvoir budgétaire encadré, il lui sera bien difficile de compenser les effets négatifs d'un tel projet et de redresser la compétitivité de ses entreprises et de son économie.

Si le Gouvernement semble ignorer que la France fait partie de l'Europe, les Français et les entreprises savent, eux, qu'ils vivent dans un ensemble économique unifié, avec une monnaie unique, dans lequel aucun autre pays n'a décidé une réduction généralisée du temps de travail.

Pouvons-nous avoir raison, mes chers collègues, contre tout le monde ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Dominique Dord.

Ils aiment la dictature !

M. Hervé Morin.

Si nous pensions que la réduction autoritaire du temps de travail suffisait à créer 500 000 à 700 000 emplois, comme vous l'avez annoncé, nous aurions voté ce texte.

(« Non ! » sur les mêmes bancs.)

Nous pensons au contraire que l'emploi ne se divise pas, mais qu'il se multiplie, qu'il se gagne.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous n'avez rien compris.

M. Hervé Morin.

Nous pensons que les fruits de la croissance permettaient une réduction massive des charges sociales, notamment sur les bas salaires et le travail non qualifié, ce qui aurait dopé l'emploi, augmenté le salaire direct et incité ainsi à la reprise du travail par l'accroissement de la différence entre salaire minimum et revenu issu de la redistribution.

Vous avez fait au contraire le choix de prélever 70 à 80 milliards de francs supplémentaires sur l'économie, sur les Français, sur l'UNEDIC, sur les caisses de sécurité sociale, comme si notre pays ne souffrait pas déjà de prélèvements obligatoires trop élevés. Tout cela pour financer une mesure qui, au mieux, ne créera pas d'emplois.

M. Lucien Degauchy.

Eh oui !

M. Hervé Morin.

L'UDF, elle, aurait souhaité que lar éduction du temps de travail s'inscrive dans une démarche décentralisée, faisant confiance aux corps intermédiaires pour trouver des solutions adaptées à chacun.

Nous, à l'UDF, nous étions prêts à faire le pari des hommes (« Et des femmes ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), de leur capacité à négocier avec intelligence des accords équilibrés, à concevoir les principes d'une organisation qui soit la meilleure pour eux et qui associe réduction collective et réduction individuelle du temps de travail, branche par branche, entreprise par entreprise.

Le Gouvernement et, par différents amendements, sa majorité, ont enfermé les partenaires des négociations dans un carcan de règles détaillées, montrant par là même leur méfiance à l'égard des syndicats, à l'égard de celles e t ceux qui, au quotidien, sont concernés par l'organisation du travail.

M. Alain Néri.

Surtout à l'égard du MEDEF !

M. Hervé Morin.

La vérité, c'est que vous avez installé les partenaires sociaux à la table des négociations dans un état de liberté surveillée.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est plus prudent !

M. Hervé Morin.

Vous dites instaurer des protections, vous placez en réalité des verrous. Vous croyez mettre en place des garde-fous, vous posez des cadenas empêchant le développement d'une démocratie sociale qui manque tant à la France. La réduction du temps de travail pouvait être l'occasion d'une vraie pédagogie sociale. Cette occasion a été manquée.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maxime Gremetz.

Votre « démocratie sociale », c'est le patron de droit divin !

M. Hervé Morin.

Par votre vision centralisée et autoritaire, vous empêcherez que la réduction du temps de travail soit un facteur de progrès social, comme nous n'avons cessé de vous l'expliquer durant tous ces débats.

Pour les salariés, nombreux seront les dégâts collatéraux : sur leur pouvoir d'achat - gelé -, sur les rythmes de travail, sur l'intensité au travail, sur le salaire minimum, ou encore sur le temps partiel, que vous avez condamné.

Nous prenons date aujourd'hui : le texte que vous vous apprêtez à voter est déjà un texte du passé car il ne s'attaque pas à ce qui est l'un des maux majeurs de notre pays, le décalage entre la formation dispensée et les besoins de l'économie. Alors que notre taux de chômage demeure élevé, alors qu'il se réduit à un des rythmes les plus lents du monde occidental, certains pans de notre économie connaissent déjà des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée. La réduction du temps de travail accentuera brutalement ce phénomène.

Enfin et surtout, le Parlement sera amené à revoir, d'une façon ou d'une autre, la durée du travail car il y a une contradiction fondamentale entre la réduction hebdomadaire du temps de travail et le financement de nos régimes de retraite, dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'ils seront fortement déséquilibrés à partir de 2005.

Comment peut-on dire aux Français, sans leur mentir, qu'ils vont travailler moins, alors qu'ils devront travailler plus longtemps pour pourvoir au financement d'un nombre croissant de retraités ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Au total, ce texte promis pendant la campagne législative annonce déjà la campagne présidentielle de M. Jospin.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Compte tenu du régime des heures supplémentaires et de la nonapplication de la loi aux entreprises de moins de vingt salariés, tout le monde a conscience que l'application effective des 35 heures et ses conséquences pour notre pays ne seront réellement sensibles qu'après 2002. Il sera alors toujours temps pour vous de reprendre d'une main ce que vous aurez donné de l'autre. Vous l'avez déjà fait en 1984, après avoir distribué en 1981.

C'est pourquoi le groupe UDF votera contre ce projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Yves Cochet.

Je voudrais d'abord répondre d'une certaine manière à l'opposition en lui posant une question. Diriez-vous aujourd'hui, mes chers collègues, et direz-vous plus tard que, si jamais vous reveniez un jour au pouvoir - ce que je ne souhaite pas -, vous reviendriez aux 39 heures hebdomadaires ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du


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groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Charles Ehrmann.

Ce que nous voulons c'est la liberté !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

La liberté conventionnelle !

M. Yves Cochet.

Le processus séculaire de réduction du temps de travail va connaître aujourd'hui une avancée décisive, comme il n'en a pas connu depuis plus de cinquante ans. Vous savez que nous avons toujours été favorables, voire enthousiastes parfois, envers le processus de réduction du temps de travail, car nous considérons que c'est un outil privilégié non seulement pour lutter contre le chômage mais aussi pour ouvrir la perspective d'une société du temps libéré, d'une société plus solidaire, puisque l'objectif numéro un de la loi, c'est l'emploi.

Je remarque que la colonne vertébrale de cette loi est la confiance dans la négociation.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cela constitue une avancée démocratique supplémentaire par rapport à la première loi de l'an dernier, dans la mesure où, désormais, un accord, pour être valide, devra être voté majoritairement par les syndicats ou, à défaut, par une majorité de salariés. Il s'agit là d'une grande avancée pour la démocratie dans l'entreprise, qu'il faut saluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.) Néanmoins, vous le savez, madame la ministre, il subsiste encore quelques imperfections, quelques lacunes, quelques incertitudes qu'il faudra sans doute lever, et le texte devra être amélioré sur certains points en seconde lecture ; je veux parler, bien sûr, du problème des cadres, de l'annualisation, de la sécurisation juridique, des autorisations d'absence pour maladie grave, voire du travail de nuit, car il faudra transposer la directive européenne de 1993.

Nous avons cependant observé qu'au cours du débat parlementaire plusieurs avancées décisives avaient été réalisées à l'initiative de tous les groupes de la majorité plurielle, et je reviendrai sur trois d'entre elles.

La première concernait le centre, au moins formel, du projet, puisqu'il s'agissait de préciser quel était le temps de travail effectif. Vous vous souvenez, monsieur Gremetz, que nous avions obtenu l'an dernier une définition générale du temps de travail effectif, mais des incertitudes subsistaient, dont nous avons vu les conséquences négatives dans certains des seize mille accords qui ont été conclus, car certains patrons, peut-être réactionnaires, ont estimé que les pauses coutumières, les temps d'habillage et de déshabillage, ainsi que de restauration, n'étaient pas du temps de travail effectif.

Ainsi, Michelin a refusé d'engager la négociation au prétexte que le personnel travaillait déjà 35 heures, les pauses, les temps de restauration, d'habillage et de déshabillage étant exclus. Il fallait donc préciser les choses et supprimer le deuxième alinéa, qui datait de 1942. Avec nos collègues de la majorité plurielle, nous avons proposé deux autres alinéas : le premier précise que les pauses, les temps de restauration, d'habillage et de déshabillage font partie du temps de travail effectif ; le deuxième, aussi important, prévoit que les régimes d'équivalence ne pourront désormais être fixés que par décret et non plus par les accords d'entreprise, car cela avait donné lieu à des dérives.

La deuxième avancée est particulièrement importante pour les femmes, qui représentent 85 % des contrats à temps partiel : il s'agit de la suppression de l'abattement de 30 % sur les cotisations patronales visant à encourager le temps partiel. Cette disposition avait elle aussi donné lieu à des dérives, car il était plus avantageux d'engager deux personnes à temps partiel plutôt qu'une à temps plein. A la fin de 2001, cet avantage prendra fin : c'est une grande avancée pour le mouvement féministe en France.

Troisième avancée, qui ouvre une perspective sociétale : l'allégement majoré des charges pour les entreprises qui signent des accords majoritaires en vue de passer aux 32 heures.

Il ne s'agit pas simplement d'une loi sociale, d'une loi qui affirme que chacun a droit à un emploi - l'emploi étant l'objectif no 1 du texte -, mais aussi d'une loi qui précise que chacun a le droit d'avoir une vie personnelle hors de son emploi ; on peut s'épanouir dans le travail, mais on peut aussi beaucoup s'épanouir hors de l'emploi.

Pour toutes ces raisons, les députés Verts et l'ensemble du groupe Radical, Citoyen et Vert voteront en faveur de cette loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Avant de donner la parole au dernier orateur inscrit pour les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin, de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François Goulard, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. François Goulard.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, M. Cochet vient d'interpeller l'opposition. Celle-ci a déjà répondu à sa question. Nous avons affirmé notre préférence pour la négociation collective, pour la convention, pour l'accord, qui doivent, comme dans les autres pays développés, avoir enfin la primauté sur la réglementation tatillonne qui est votre loi générale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Nous estimons pour notre part que cette loi de réduction imposée du temps de travail est profondément nuisible pour notre pays, ses salariés et ses entreprises. Notre conviction est que les 35 heures ne sont pas favorables, contrairement à ce que vous prétendez, au développement de l'emploi, mais bien défavorables. Nous relevons d'ailleurs, madame la ministre, que vous êtes beaucoup moins prompte qu'il y a deux ans à annoncer des chiffres mirobolants de créations d'emplois. En fait, vous vous êtes bornée à présenter un bilan grossièrement truqué, où 30 000 emplois réels deviennent comme par magie 130 000.

(Applaudissements sur les mêmes bancs), ...

M. Lucien Degauchy.

C'est du tripatouillage !

M. François Goulard.

... en omettant, bien entendu, de parler des emplois délocalisés, bref des emplois perdus du fait de ce texte.

Mais pour ceux qui doutent encore que les 35 heures ne soient pas un moyen de lutter contre le chômage, il suffit de regarder un instant au-delà de nos frontières pour constater que personne, y compris chez nos amis britanniques ou allemands, ne songe une seconde à lutter


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contre le chômage en imposant une réduction de la durée du travail. Si vous vous livriez à cet exercice, mes chers collègues, vous verriez que, en dépit des bilans triomphants du Gouvernement, depuis 1997, à l'exception de l'Allemagne et de l'Italie, la France est le pays de l'OCDE qui a le moins bien réussi dans la lutte contre le chômage.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous contestons fondamentalement le choix que vous faites à la place des Français. Vous leur imposez moins de travail et moins de revenus, parce que personne ne pense sérieusement qu'on puisse à la fois travailler moins et gagner autant. Or, s'il y a des Français qui souhaitent moins travailler - et c'est leur droit le plus strict -, il y en a aussi beaucoup qui aspirent à gagner davantage, et non à travailler moins.

Vous créez, avec cette loi, une situation paradoxale qui sera marquée par une augmentation de 11,4 % des coûts salariaux des entreprises, sans que les Français en tirent aucun bénéfice en termes de revenu, bien au contraire.

Au-delà, vous introduisez dans notre droit du travail, dont tout le monde s'accorde à penser qu'il est d'une complexité inouïe, des dispositions illisibles, incompréhensibles, ingérables. Personne ne comprend, madame la ministre, comment tous les salariés payés au SMIC vont conserver leur rémunération et travailler 10 % de moins sans que le SMIC horaire augmente. La vérité, c'est que vous créez plusieurs SMIC, qui coexisteront.

Et que dire du régime des heures supplémentaires, qui changera chaque année pendant quatre ans ? Que dire des trois catégories de cadres, dans lesquelles ceux-ci devront se couler au mépris de la réalité de leur situation ? Comment croyez-vous que nos PME se retrouveront dans ce maquis ? Comment croyez-vous qu'elles pourront absorber à la fois la hausse des coûts salariaux et la baisse de leurs capacités de production ? Nos entreprises ontelles besoin de cela aujourd'hui ? Pensez-vous sérieusement que cela ne va pas détériorer leur situation, et donc agir contre l'emploi ? Et ne nous dites pas que le gigantesque mécanisme dit d'allégement des cotisations sociales compensera les charges nouvelles qui pèseront sur les entreprises. C'est un tour de passe-passe, une partie de bonneteau, au terme de laquelle ce que vous donnez d'une main, vous le reprendrez de l'autre. Car toutes les entreprises paieront pour des allégements qui ne profiteront qu'à certaines d'entre elles, sous le contrôle vétilleux de votre administration.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) Mais, madame la ministre, ce qui nous choque le plus c'est que, pour des raisons strictement politiciennes, vous légifériez, non dans le sens de ce que vous croyez être l'intérêt du pays, mais, en réalité, pour donner des gages à la partie la plus irresponsable de votre majorité.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance).

Au-delà des divergences qui nous séparent et qui sont inhérentes à toute démocratie, c'est aussi contre ce comportement politique, politicien, que nous entendons voter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été cou plés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

....................................................................

M. le président.

Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin : Nombre de votants ...................................

572 Nombre de suffrages exprimés .................

570 Majorité absolue .......................................

286 Pour l'adoption .........................

315 Contre .......................................

255 L'Assemblée nationale a adopté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Patrick Ollier.)

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

4

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 5 novembre 1999 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

5 LOI DE FINANCES POUR 2000 Discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous allons commencer la discussion de ce projet de budget pour l'an 2000...

M. Jean-Pierre Brard.

L'avenir n'intéresse pas la droite ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Brard, ne commencez pas ! (Sourires.)

M. le président.

Monsieur Brard, ne commencez pas à interrompre le ministre !

M. Philippe Briand.

Ce ne sont pas les hommes du passé qui vont nous parler de l'avenir, quand même ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je remarque en effet, à l'instar de M. le député de Montreuil, qu'il y a plus de monde lorsqu'il s'agit de faire des critiques, pas toujours fondées, que lorsqu'il s'agit de discuter au fond. Mais cela vaut sans doute pour tous les groupes !

M. Philippe Briand.

Comptez le nombre de députés sur vos bancs ! Vous n'avez pas de quoi être fier non plus ! On ne peut pas parler de mobilisation générale ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela me semble quand même plus que proportionnel !

M. Jean-Pierre Brard.

Il y a les sentinelles, c'est l'essentiel ! (Sourires.)

M. Philippe Briand.

Vous êtes expert en la matière ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je voudrais commencer par remercier M. le rapporteur général pour son excellent rapport qui nous servira beaucoup au cours de cette discussion. J'introduirai ce débat en rappelant trois changements dans le contexte.

D'abord, c'est la première fois, mesdames, messieurs les députés, que vous aurez à discuter un budget faisant apparaître une baisse du ratio de la dette publique sur le PIB. Je souligne ce point, qui peut sembler technique à beaucoup d'entre vous, d'abord parce que cela fait vingt ans que cela n'est pas arrivé, ensuite parce que le Gouvernement avait annoncé cette évolution dès 1997 en s'engageant à ce que l'an 2000 voie baisser ce ratio qui traduit la façon dont nous nous reposons sur les générations futures, dont nous reportons le financement de nos dépenses actuelles sur nos enfants. Il convenait donc de faire diminuer ce ratio. Ce sera le cas en 2000 grâce à la succession des baisses de déficit qui a été organisée. En outre, d'après les plus récents documents du Fonds monétaire international, notre déficit structurel passe en dessous de 1 % et nous savons bien qu'il faut poursuivre dans ce sens et ne pas se limiter aux effets des mouvements de la conjoncture.

Le deuxième changement de contexte - je sais qu'il est contesté ; il l'a encore été tout à l'heure à l'occasion de la séance de questions au Gouvernement - c'est que ce budget organise une baisse d'impôts massive (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)...

M. Marc Laffineur.

On l'a vu l'année dernière ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... principalement au travers de la TVA.

L'année dernière, monsieur Laffineur, je n'avais pas dit que le budget organisait une baisse massive des impôts. Je le dis cette année et je crois que les Français ne s'y trompent pas, car les sondages, si tant est que l'on puisse s'y référer, montrent clairement que nos concitoyens sont conscients de l'importance de la baisse d'impôts engagée.

J'ai même été surpris d'une novation dans notre vie politique, que vous avez constatée comme moi : pour la première fois les Français semblent faire plus confiance à la gauche qu'à la droite pour organiser les baisses d'impôts.

Le troisième changement de contexte est de nature plus économique. C'est la création d'emplois. En effet, la période qui s'est ouverte avec l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement en juin 1997 et qui se terminera à la fin d u projet de budget que nous discutons, le 31 décembre 2000, verra la création d'un million d'emplois marchands - je ne parle pas des emploisjeunes ; il s'agit des emplois dans les entreprises -, évolution que nous n'avons pas connue depuis bien longtemps puisque ce rythme annuel représente deux fois le rythme moyen des années soixante, cinq fois celui des années soixante-dix et six fois celui des années quatre-vingt.

A ces changements de contexte correspond un environnement particulier, surtout lorsque l'on compare la préparation de ce budget avec celle du budget précédent.

Premier changement d'environnement : la confiance des Français. Il est très frappant de voir que le niveau de confiance de nos concitoyens en l'avenir atteint son niveau le plus élevé depuis quinze ans - tous les indicateurs le montrent -, et même si ces indicateurs peuvent fluctuer d'une saisie à l'autre, la courbe progresse mois après mois vers des sommets que l'on avait pas vus depuis bien longtemps. Cette confiance des Francais concerne autant les particuliers, les consommateurs que les chefs d'entreprise pris dans leur ensemble et cela traduit la façon dont ils ressentent notre environnement économique.

Le deuxième changement d'environnement a trait à la majorité parlementaire. Plus encore que les années précédentes, ce budget a donné lieu à une concertation importante au sein de la majorité.

M. Philippe Auberger.

Pas pour les stock-options ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est notamment le cas pour la principale mesure fiscale, que j'évoquais tout à l'heure, relative à la TVA. En effet, une fois n'est pas coutume, une résolution a été votée dans cette assemblée par la majorité et même, si mes renseignements sont exacts, par une partie de l'opposition, pour demander au Gouvernement d'obtenir de l'Union européenne l'autorisation d'organiser une baisse de TVA sur les travaux dans le bâtiment. Cela a été fait et cette baisse est maintenant mise en oeuvre dans le budget. Ce travail de longue haleine engagé avec la majorité donne aujourd'hui ses fruits.

Le troisième élément d'environnement a trait à l'opposition qui, il faut bien le dire, avait raillé le budget de 1999 avec une unanimité d'autant plus remarquable qu'elle est assez rare...

M. Jean-Pierre Brard.

Ça, c'est bien vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et qui se retrouve aujourd'hui dans la situation de l'arroseur arrosé. Je le dis sans polémique.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Provocateur !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non, monsieur Auberger, ne voyez là aucune provocation, mais rappelez-vous ce que disait l'opposition, en octobre dernier, du projet de budget pour 1999 ! Qu'il était « irréaliste », « vicié » !

M. Jean-Pierre Brard.

Qu'il n'était pas sincère ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En mars, selon Démocratie libérale, les indicateurs viraient au rouge. Tout le monde peut se tromper ! Et, en mars, toujours, le RPR disait : « Vous avez cassé la croissance ! »

M. Gilles Carrez.

Où est la diminution des prélèvements ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour l'instant, nous parlons de la croissance, nous évoquerons les prélèvements plus tard ! L'opposition avait d'ailleurs fait à l'époque ses propres prévisions et annonçait un déficit supérieur à 3 %, contrairement à ce que prévoyait le Gouvernement. Il sera inférieur à 2,3 % ! Selon l'opposition toujours, il devait y avoir un collectif en janvier pour augmenter les impôts et un gel des dépenses. Toutes choses qui ne se sont évidemment pas produites ! La prime revient, d'ailleurs, non pas à un membre de l'opposition parlementaire, mais au président du MEDEF (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) ,...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il est hors concours ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... que je ne confonds pas avec l'opposition parlementaire (Rires sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)...

M. Philippe Auberger.

Il ne manquerait plus que ça ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et qui disait, il y a un an, à propos du budget que nous sommes en train de réaliser : « A partir de 2,3 %, on ne crée plus d'emplois et le budget ne s'exécute plus. » Si l'on doit juger les déclarations d'au-

jourd'hui à l'aune de la compétence qui caractérisait celles d'hier, nous avons de bonnes chances de voir la loi que vous venez de voter sur les 35 heures créer les centaines de milliers d'emplois que nous attendons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Quelles ont été les erreurs faites par ceux qui ne croyaient pas au budget de 1999 ?

M. Jean-Pierre Brard.

Ecoutez la leçon ! (Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous me faites rougir, monsieur le député !

M. Jean-Pierre Brard.

Ne soyez pas trop modeste !

M. Yves Deniaud.

Ça, ça ne risque pas ! (Rires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce n'est en rien une leçon, je n'ai pas qualité pour en donner. C'est juste un constat. Je ne veux pas critiquer, je veux simplement corriger.

Première erreur, l'opposition a dit que la croissance ne serait pas au rendez-vous, qu'elle serait inférieure à 2 %. Il est vrai qu'on annonçait 2,7 %. C'était avant que la crise russe ne se déclenche et quand elle est apparue, chacun a pensé qu'elle aurait une influence.

M. Philippe Auberger.

Vous auriez dû en tenir compte ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Auberger, vous êtes trop expert pour ne pas savoir que le Gouvernement arrête sa prévision de croissance au mois d'août et que la crise russe date du 15 septembre ! Cela dit, il était raisonnable de penser qu'elle aurait une influence. Selon vous, la croissance ne devait pas être au rendez-vous ; elle devait être inférieure à 2 % ; tout devait s'écrouler. Le Gouvernement avait alors répondu que la crise russe aurait certes une influence, mais qu'elle ne causerait qu'un « trou d'air » - c'est l'expression que j'ai employée -, que nous retrouverions assez vite le rythme de croissance et que, au total, l'influence sur le taux de croissance ne serait pas aussi forte que ce que vous prétendiez. Aujourd'hui, je pense que la croissance moyenne de 1999 sera de 2,3 % - 2,4 % selon l'INSEE. J'en accepte l'augure. Nous ne sommes pas très loin des 2,7 %. La crise russe n'a donc bel et bien provoqué qu'un trou d'air. Il y avait là visiblement une première erreur de prévision de votre part, messieurs de l'opposition, mais la prévision est un art difficile, surtout quand on parle de l'avenir. (Rires.)

Votre seconde erreur a été d'affirmer que si la croissance n'était pas au rendez-vous, comme vous le pensiez, nous n'aurions pas les recettes fiscales attendues. Vous nous disiez alors : « Le budget ne pourra pas s'exécuter ; il faudra voter de nouveaux impôts, geler les dépenses et le déficit explosera ! » La croissance est en effet un peu moins forte que prévu - c'est le « trou d'air » -, mais les recettes, loin de ne pas être au rendez-vous, sont excédentaires. Vous devrez donc revoir vos propres analyses pour comprendre pourquoi vous prévoyiez, il y a un an, qu'avec moins de croissance, on aurait moins de recettes, alors qu'avec moins de croissance, on a plus de recettes !

M. Michel Hunault.

Baissez les impôts alors ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ces deux erreurs d'appréciation vous placent aujourd'hui dans une situation plus délicate - je le reconnais, donc je ne vous en veux pas ! (Sourires) - pour commenter le projet de budget pour l'an 2000. C'est d'ailleurs sans doute pourquoi j'ai noté dans la bouche de certains d'entre vous - leurs propos ont certes été traduits par les journalistes, donc j'émets les réserves habituelles sur ce genre de commentaires -, que j'ai connus plus calmes et plus pondérés, un vocabulaire à ce point excessif qu'il devient dérisoire dans le commentaire qu'ils ont fait de ce projet de budget pour l'an 2000. Chacun peut faire des erreurs. Nous en avons fait - et nous en ferons encore -, par exemple croire que l'inflation serait de 1 % en 1999 et que le taux des prélèvements obligatoires baisserait. Nous avons fait une erreur. L'inflation est plus faible, comme on l'a remarqué tout à l'heure, et nous ne connaissons pas de baisse du taux des prélèvements obligatoires.

M. Philippe Auberger.

Il n'y a pas que cela ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je reconnais mes erreurs, sachez élégamment reconnaître les vôtres, même si elles sont parfois plus graves ! Dans ces conditions, gardons pour cette discussion le ton que vous avez su adopter les années précédentes. L'erreur ne doit pas vous rendre acariâtres.

Sur quels résultats se fonde le projet de budget pour l'an 2000 ? Loin de moi, loin de la majorité l'idée de faire de l'autosatisfaction. Le chômage reste très important : plus de 2,8 millions de nos compatriotres sont touchés. Les déficits publics dans leur ensemble - Etat plus sécurité sociale - s'élèvent à plus de 200 milliards de francs, ce qui rend d'ailleurs un peu ridicules les propos


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de certains parlant d'« excédents ». Il n'y a pas d'excédents publics avec 200 milliards de déficit. Le niveau d'impôts est considéré par nos concitoyens, sans doute à juste raison, comme excessif. Enfin, s'agissant des politiques structurelles - je pense en particulier à l'innovation - nous sommes encore loin d'avoir rattrapé notre retard.

Il n'y a donc aucune raison de faire de l'autosatisfaction.

Pour autant, nous avons quelques motifs de satisfaction. Le premier est que l'économie française est maintenant entrée dans un cercle vertueux où la consommation alimente la croissance, celle-ci alimentant le pouvoir d'achat et le pouvoir d'achat permettant de retrouver la consommation. J'en veux pour preuve ce que dit le FMI, qui n'est pourtant généralement pas tendre. Ce n'est pas ma référence habituelle et je suis plutôt critique à l'égard des positions qu'il prend sur la France, mais là je dois être honnête et rendre au FMI ce qui lui appartient.

Lorsqu'il dit : « Le cercle vertueux confiance-consommation-croissance semble être au coeur de la meilleure performance relative de la France comparée à celle de ses principaux partenaires européens », je ne peux qu'y souscrire et souhaiter pour notre pays que ce cercle vertueux confiance-consommation-croissance, auquel j'ajouterai la création d'emplois, se poursuive l'année prochaine.

Quelles sont les données ? En 1999, la France aura eu la plus forte croissance des trois grands pays de la zone euro et des quatre grands pays de l'Union européenne France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni. Certes, sa croissance est moins forte que celle de certains des petits pays connaissant un retard économique et qui nous rattrapent, mais comparativement aux grands pays, un tel résultat a rarement été atteint. De plus, selon les prévisions de l'OCDE et du FMI, la croissance de la France, en 2000, sera la plus forte du G 7, devant celle des Etats-Unis. On n'est pas mécontent de constater des résultats peu connus dans le passé.

Quand on constate par ailleurs que, depuis deux ans et demi - juin 1997 -, l'emploi salarié a progressé de 3 % en France contre 0 % en Allemagne et 1 % seulement en Italie, on se dit que notre économie manifeste une capacité de développement et de production que l'on n'a pas beaucoup connue dans le passé.

Lorsqu'on voit que le chômage, qui reste infiniment trop élevé, a baissé de 1,3 point pendant cette période en France, et de 0,8 point seulement en Allemagne ou de 0,4 point en Italie, on se dit qu'on est loin du compte mais que, finalement, notre performance relative, comme dit le FMI, n'est quand même pas si mauvaise.

Lorsque l'on regarde les déficits - où l'on est, aussi, loin du compte - on constate que, sur la même période, la baisse des déficits a été de 1,7 en France alors qu'elle n'a été que de 1,5 en Allemagne ou de 1,2 en Italie, on se dit aussi que notre pays n'a pas à avoir honte de ce qu'il a réalisé depuis deux ans et demi en matière économique.

Personne ne peut contester ces résultats ; d'ailleurs, à ma connaissance, personne ne les conteste.

Seulement, le débat politique doit bien exister, et les résultats de la politique économique du Gouvernement lui retirent un peu de matière. Ne pouvant critiquer ces résultats, vous avez donc choisi une autre piste, qui consiste à dire : « Certes, la France a de bons résultats, m ais le Gouvernement n'y est pour rien ! » (« Au contraire ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Au contraire, peut-être, diraient même certains qui ne craignent pas d'exagérer...

(Sourires.)

M. Pierre Méhaignerie.

C'était vrai en 1981, 1988 et 1989 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Méhaignerie, tout de même, rappelez-vous : il y a un an, la croissance « ne pouvait pas être au rendez-vous à cause de la crise internationale ».

Aujourd'hui, la croissance forte ne peut pas être le résultat de l'action du Gouvernement, elle s'explique par la

« puissance de l'économie internationale ». On ne peut pas dire deux choses aussi contradictoires à quelques mois d'intervalle ! La vérité, c'est que l'économie internationale nous aide.

Nous bénéficions de sa reprise. Mais tous nos voisins, européens notamment, en bénéficient aussi. Notre performance relative, comparée au Royaume-Uni, à l'Allemagne, à l'Italie, traduit bien la réalité d'une politique économique qui est propre à la France.

M. Pierre Forgues.

Eh oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette affirmation selon laquelle la politique du Gouvernement n'y est pour rien deviendra de moins en moins crédible. Vous pourrez de moins en moins vous y accrocher à mesure que le temps passera et que les années de croissance succéderont aux années de croissancce.

En 1998, qui était la meilleure année de la décennie, avec 3,2 % de croissance, vous avez dit : « C'est de la chance, le Gouvernement n'y est pour rien. » En 1999,

qui était la meilleure année vis-à-vis de l'Europe, certains d'entre vous disent peut-être encore que le Gouvernement n'y est pour rien. En 2000, les organismes internationaux prévoient que ce sera la meilleure performance du G7. Direz-vous encore que le Gouvernement n'y est pour rien ? Et en 2001 ? Et en 2002 ? Si, comme je l'espère, nous continuons à garder la tête de la croissance européenne, oserez-vous encore dire que la politique n'y est pour rien ? Dans ce cas, mesdames et messieurs de l'opposition, vous ne ferez que traduire une vraie diffrence qui existe entre vous et nous : nombre d'entre vous ne croient pas à la politique économique. Affirmer que le Gouvernement n'y est pour rien, c'est exprimer une position théorique, voire idéologique, forte, qui consiste à penser qu'en réalité, on ne peut rien faire sur l'économie : les marchés dirigent, les entreprises font ce qu'elles veulent, le Gouvernement ne peut rien faire. Donc, s'il ne peut rien faire, quand ça réussit, il n'y est pour rien !

M. Philippe Auberger.

C'est Jospin qui a dit cela ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il est de bonne guerre de souligner ce point.

Mais lorsque le Premier ministre dit qu'il n'appartient pas à l'Etat, dans n'importe quelle circonstance, d'intervenir sur une entreprise privée, c'est une chose ; et lorsqu'il dit que la politique économique doit être mise en oeuvre de telle ou telle manière, c'en est une autre.

Il vous est loisible de considérer que la politique économique est de nul effet, ce qui vous amène à dire que le Gouvernement n'y est pour rien. Mais, dans ce cas, on peut se demander ce que les représentants du peuple que vous êtes entendent faire ici.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Cuvilliez.

On se le demande ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Car, au bout du compte, nous n'avons de justification à exercer le pouvoir que si nous considérons les


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uns ou les autres - même si c'est de façon certes différente - que nous pouvons influer sur la réalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Ceux qui sont de vrais libéraux, et ils ont le droit de l'être, doivent aller au bout de leur logique et renoncer à vouloir influer sur la situation économique. Seulement, notre pays n'est pas fait que de libéraux. Il est fait aussi d'interventionnistes, y compris dans l'opposition. Et les i nterventionnistes conservateurs, sans doute dans la grande tradition gaulliste, savent bien que la politique économique a un effet. On peut la rater ou on peut la réussir. La gauche en a raté, et en a réussi. La droite aussi.

Aujourd'hui, la politique économique du Gouvernement réussit. Il vous suffira de consulter les jugements que porte sur notre pays la presse internationale, qui n'est généralement pas tendre avec la France - surtout la presse anglo-saxonne -, pour vous en convaincre. Je pense qu'au fond de vous-mêmes, en Français que vous êtes, vous serez heureux...

M. Jean-Pierre Brard.

Et fiers ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... de constater que, pour la première fois depuis longtemps, notre pays est plutôt porté aux nues que voué aux gémonies. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Dans ce contexte, dont il n'y a pas lieu de trop se réjouir, car il reste encore beaucoup à faire, le budget que Christian Sautter et moi-même nous vous présentons est-il trop prudent ? L'économie va bien, disent certains observateurs, il faudrait donc un budget plus ambitieux.

Je ne crois pas qu'il soit trop prudent. Ou plutôt, je préfère qu'on critique sa prudence plutôt que sa témérité.

Pourquoi ce budget ne m'apparaît-il pas trop prudent ? D'abord parce que les risques financiers, internationaux notamment, auxquels nous sommes confrontés n'ont pas disparu comme par enchantement. D'importantes crises financières ont éclaté au cours des années qui viennent de s'écouler. Certes, l'euro nous en protège en grande partie, mais pas totalement. Contrairement à ce que certains auraient pu croire, la Banque centrale européenne mène une politique très adaptée aux situations, même s'il peut arriver qu'un jour ou l'autre elle soit amenée à remonter les taux si elle le juge bon. Nos taux d'intérêt sont très bas, et nous évoluons donc dans un contexte monétaire qui nous protège des crises qui peuvent exploser, en Amérique latine, en Russie, en Asie ou ailleurs. Pour autant, nous ne sommes pas totalement à l'abri.

Dans ce monde, les mouvements de capitaux à court terme sont encore loin d'être régulés, même si, notamment sous la pression de la France, les organismes internationaux commencent à réfléchir à la manière d'y parvenir.

M. Philippe Auberger.

Il serait temps ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'ai d'ailleurs bon espoir que, dans les années qui viennent, des procédures nouvelles commencent à se développer, comme ce fut déjà le cas avec la facilité qui vient d'être mise en oeuvre par le FMI.

Pour autant, malgré les progrès réalisés, force est de reconnaître que les risques internationaux n'ont pas disparu. Nous devons donc, de ce point de vue, continuer d'être prudents.

C'est d'autant plus nécessaire que l'économie américaine est en train de réaliser une performance dont personne ne peut dire combien de temps elle va durer. Les cycles de l'économie américaine étaient généralement de trois, quatre ou cinq ans. Or voilà maintenant plus de sept ans que celle-ci connaît une forte croissance. Chaque année, on prévoit - et j'ai pu moi-même avoir cette opinion - un ralentissement ; et puis ce ralentissement n'a pas eu lieu et nous avons tous été démentis.

L'analyse des raisons pour lesquelles l'économie américaine est dans cette situation est très intéressante, car nous pouvons sans doute en tirer quelques exemples. Ce qui ne veut pas dire que nous devions copier l'économie américaine !

M. Jean-Pierre Brard.

Heureusement ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais les éléments qui font que les Etats-Unis ont réussi à avoir une croissance longue, qui, pour le moment, ne se dément pas, méritent sans doute d'être pris en considération.

Quoi qu'il en soit, les Américains eux-mêmes pensent que l'année 2000 risque, pour eux, d'être un peu moins bonne que les précédentes. C'est la raison pour laquelle le G7 fait apparaître que la croissance française serait la première des grands pays industriels.

Ce risque de ralentissement de l'économie américaine ne doit pas être sous-estimé. Par les canaux que nous connaissons - financiers, boursiers, commerciaux -, non seulement la France, mais l'Europe dans son ensemble pourraient être touchées. Nous devons donc en tenir compte.

Dans le budget que Christian Sautter et moi-même vous présentons, nous avons « provisionné » une baisse de la croissance américaine. Nous avons fondé notre prévision de croissance sur une croissance américaine de 2,1 %, qui semble plutôt prudente. Nous avons de bonnes chances que la croissance américaine soit plus forte que cela, mais ce n'est pas vraiment sûr.

Ainsi, je vois pour 2000 un environnement international de bonne qualité. Bien sûr, une crise est toujours possible, à un bout ou l'autre du monde, mais, a priori, je ne la vois pas poindre. Je vois pour 2000 une demande interne particulièrement vigoureuse, qu'il s'agisse de la consommation des ménages, du logement - que la politique du Gouvernement soutient fortement - ou de l'investissement, qui est maintenant bel et bien reparti.

Rappelez-vous qu'il y a un an exactement je vous avais fait remarquer que le problème de notre économie tenait au fait que si la consommation était bien répartie, et tirait la demande, l'investissement n'était pas encore là et n'avait donc pas pris le relais.

Le « trou d'air » avait retardé le processus. Mais depuis qu'il est terminé, c'est-à-dire depuis les mois d'avril, mai ou juin, l'investissement a pris le relais et il croît aujourd'hui à des taux particulièrement importants. Si bien que l'économie française ne tourne plus sur un seul moteur ou sur un moteur à un seul cylindre, mais sur un moteur à deux cylindres. Je pense donc que nous avons toutes les raisons d'espérer une bonne croissance pour 2000...

M. Yves Deniaud.

Deux cylindres, cela ne va pas vite ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

On voit que vous n'avez jamais fait de moto ! Car certains moteurs de moto à deux cylindres sont au moins aussi puissants que des moteurs à quatre cylindres, qui sont beaucoup plus mous ! (Sourires.)


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M. Yves Deniaud.

Oui, mais la carcasse des 35 heures est lourde ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En conséquence de ces incertitudes, j'ai résolu de vous présenter une fourchette de croissance, même si le budget est calé sur une valeur unique - car il faut bien une valeur pour faire les calculs.

J'évalue la croissance potentielle, dont l'incertitude est plus importante que dans les années passées, entre 2,6 % et 3 %. Le budget est calé sur le milieu : 2,8 %. Il n'est pas du tout exclu que nous atteignions ces 3 %, mais il n'est pas exclu non plus qu'un ralentissement inopiné, de l'économie américaine notamment, nous fasse « tangenter » le bas de la fourchette ; j'ai cependant confiance et je pense que l'année réservera plus de bonnes surprises que de mauvaises et que la croissance sera plutôt supérieure à ces 2,8 %. A partir de là le budget, dont Christian Sautter vous donnera tout à l'heure des éléments plus détaillés, met-il en oeuvre les bons équilibres, ceux qui permettent de soutenir au mieux la croissance tout en assainissant nos finances publiques et en entraînant les réformes structurelles dont nous avons besoin.

Pour 1999, nous avions choisi une logique des trois tiers. Les ressources supplémentaires de l'Etat étaient partagées en trois : un tiers d'augmentation de la dépense, entraînée par des programmes qui arrivaient à maturité emplois-jeunes par exemple -, un tiers de baisse d'impôts et un tiers de baisse du déficit.

Pour 2000, le choix est différent. Nous avons opté pour une croissance zéro de la dépense publique - en termes réels, s'entend. Ainsi l'intégralité des suppléments de recettes attendus pour 2000 pourront-ils être partagés entre les baisses d'impôts, qui vous seront détaillées plus avant tout à l'heure, et la baisse du déficit : 21 milliards de baisse du déficit et 39 milliards de baisse d'impôts.

Reprenons chacun de ces éléments.

Concernant la dépense, nous aurons à débattre. L'opposition a affûté ses arguments pour démontrer que la dépense publique n'était pas au niveau zéro en termes réels. Je souhaite pouvoir confronter ses arguments aux nôtres. Nous verrons à la fin du débat qui avait raison.

Ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'en prévoyant 0 % de croissance en termes réels de la dépense publique, tout en finançant les priorités qui sont celles du Gouvernement, nous faisons mieux qu'avant. En effet, de 1993 à 1996, la dépense publique a crû, en moyenne, par an, en termes réels, de 1,5 % ; et de 1997 à 2000, elle aura crû, en moyenne, par an, de 0,3 %. Nous faisons aussi mieux qu'ailleurs. Car cette diminution de la dépense publique en pourcentage du PIB, qui est signalée dans les documents qui vous ont été remis et qui découle des calculs réalisés par les organismes internationaux, est la plus forte des cinq grands pays de l'Union européenne - même si elle est peut-être encore insuffisante.

Nous faisons enfin mieux que prévu. En effet, nous serons au bas de la fourchette de notre programmation triennale. Nous avions prévu 1 % de croissance de la dépense publique ; c'est le pourcentage qui a été transmis à nos partenaires européens et dont vous avez eu connaissance il y a un an. Nous serons en fait à 0 %. Concernant le déficit, il faut bien entendu laisser jouer les stabilisateurs automatiques. C'est la position que l'ensemble de mes collègues et moi-même avons prise au sein de l'Euro 11. Mais, bien sûr, ces stabilisateurs automatiques doivent jouer dans les deux sens. En conséquence, nous vous présentons un budget avec un déficit de 1,8 % du PIB pour l'an 2000, parfaitement en ligne avec notre projection triennale.

Plus intéressant pour les experts que vous êtes, l'excédent primaire, qui avait disparu dans les années 90 dans notre pays, réapparaîtra. Nous l'avons ramené à zéro pour 1999 ; il sera transformé en un excédent de 20 milliards pour l'année 2000.

Concernant les impôts, la baisse organisée de 39 milliards repose, pour près de 20 milliards, sur la baisse de TVA sur les travaux faits dans le bâtiment. Je n'ai nul besoin d'expliquer à des parlementaires l'écho que cette mesure a dans le pays. Je suppose que, dans vos propres permanences, vous avez dû rencontrer des citoyens venus vous saluer et vous remercier d'avoir contribué à cette baisse d'impôts.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Des artisans comblés ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sans doute cela ne sera-t-il pas totalement imputé au Gouvernement et à la majorité. Sans doute, mesdames et messieurs de l'opposition, en tirerez-vous aussi un bénéfice. Car nos concitoyens ne savent pas toujours que, quand nous prenons des mesures, vous votez contre ! Mais que voulez-vous, j'en prends mon parti ; je préfère faire ce qui est bon pour notre pays, même si vous devez en tirer un bénéfice indu.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Au-delà de ces 20 milliards de baisse de TVA, la baisse des droits de mutation sera poursuivie. Vous savez combien elle a été importante dans sa première phase ; la seconde phase, qui nous mettra à la moyenne européenne, est engagée cette année. Elle a permis la relance du bâtiment, que chacun constate aujourd'hui.

M. Philippe Briard.

Grâce à la loi Périssol ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Troisième élément, la disparition du droit de bail. Il est exact que la diminution des droits de mutation touche une catégorie de la population qui a quelque chose à vendre, qui est donc propriétaire et qui n'est pas la catégorie la moins aisée.

M. Yves Deniaud.

C'est surtout celle qui achète qui est concernée ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il était normal que quelque chose soit fait - à l'initiative de Jean-Claude Gayssot - pour assurer un équilibre social et couvrir l'ensemble de la distribution des revenus : d'où la disparition du droit de bail, pour plus de 80 % des locataires cette année ; et pour les 20 % les plus fortunés l'année prochaine.

Tous ces éléments - TVA dans le bâtiment, droits de mutation, droit de bail - constituent un ensemble cohérent qui va permettre de soutenir fortement l'activité du bâtiment en 2000, comme elle l'a été en 1999. Un tel soutien n'a pas été pour rien dans la croissance que nous connaissons - ce qui nous ramène au débat précédent concernant le rôle de la politique du Gouvernement dans la croissance obtenue.


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Bien entendu, il y a beaucoup d'autres mesures que je ne veux pas détailler : Christian Sautter reviendra sur certaines d'entre elles. Nous aurons l'occasion d'en reparler à l'occasion du débat, article par article. Chacun notera, tout de même, qu'à l'occasion de ce projet de loi de finances nous vous proposons la suppression de cinquante impôts, certes pas tous importants, pour certains obsolètes,...

M. Philippe Auberger.

Et confidentiels ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... mais s'ils sont obsolètes depuis longtemps et confidentiels depuis longtemps, on peut se demander pourquoi vous ne les avez pas supprimés !

M. Philippe Auberger.

Et vous ? Vous aviez le temps de le faire depuis 1981. Un peu de modestie ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Eh bien ! nous le faisons.

Cinquante de nos impôts qui ne servent à rien vont donc effectivement disparaître. Or certains d'entre eux ne comptent pas pour rien. Je pense en particulier aux droits d'examen dans le secondaire. Le Gouvernement a considéré en effet que, dans un pays où l'école est publique, il était anormal que les examens ne soient pas gratuits. Les différents droits pour passer BEP, CAP, etc. disparaîtront donc l'année prochaine. Quant aux autres suppressions, je concède qu'elles sont plus anecdotiques.

Cette baisse d'impôt, la plus forte depuis dix ans, même si vous la contestez - c'est de bonne guerre ! - nos concitoyens savent la voir.

Tout à l'heure, un député de l'opposition, M. Carrez, me demandait : « Quand allez-vous enfin mettre en oeuvre la baisse d'impôt ? ».

M. Gilles Carrez.

Oui, tous les Français s'interrogent ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais les Français ne s'interrogent plus ! La baisse de la TVA est appliquée depuis le 15 septembre. Nombreux sont ceux que je rencontre dans la rue - vous aussi, j'en suis sûr, ...

M. Jean-Pierre Brard.

Au Perreux, ils ne travaillent pas de leurs mains ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'ind ustrie.

... mais je ne vous demande pas de le reconnaître - qui me disent : « J'ai engagé des travaux depuis le 15 septembre et je bénéficie de cette baisse de TVA. » Ils m'en remercient

! Je vous sais gré, monsieur Carrez, de me transmettre aussi leurs remerciements.

(Sourires.)

M. Gilles Carrez.

On en reparlera, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Brard.

M. Carrez est un ingrat ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Au bout du compte, une question demeure. La politique mise en oeuvre par le Gouvernement depuis juin 1997 réduit-elle ou augmente-t-elle les inégalités ?

M. Philippe Auberger.

C'est une bonne question ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il ne suffit pas, pour ce Gouvernement et cette majorité, de relancer la croissance, de faire baisser le chômage - certes insuffisamment - de distribuer du pouvoir d'achat. Encore faut-il que les inégalités diminuent.

Certes, la plus grande des inégalités, nous l'avons tous assez dit, c'est le chômage. Créer un million d'emplois en trois ans et demi, c'est certainement lutter contre les inégalités. Mais, au-delà, comment évoluent les inégalités d'ordre pécuniaire, celles qui distinguent les plus riches des plus mal lotis dans notre société ? Un récent rapport de l'INSEE faisait état d'une augmentation des inégalités sur la période étudiée - qui all ait jusqu'en 1996. Et il est vrai que, au niveau économique et mondial, ces inégalités semblent plutôt augmenter.

C'est le cas aux Etats-Unis, c'est le cas au Royaume-Uni.

Il n'est pas surprenant que cela ait été le cas en France.

Ce que nous voulons, c'est la baisse du chômage, mais sans les inégalités. Cette seule phrase résume le pari et l'objectif de la majorité. Car les méthodes utilisées dans d'autres pays ont certes donné des résultats sur le chômage mais ont immensément accru les inégalités entre les différentes catégories de la population. Nous voulons - est-ce trop demander ? - réduire le chômage et, dans le même temps, faire régresser les inégalités.

C'est l'objectif que le Premier ministre se fixe lorsqu'il déclare : « Nous pouvons avoir pour ligne de mire, dans dix ans, le plein emploi ». Ce n'est pas une idée qu'il faut perdre, ce n'est pas un objectif qu'il faut abandonner.

Nous avons vécu plus de quinze ans, peut-être vingt, avec l'idée que le plein emploi était hors de portée. Le premier ministre dit : « Non ! nous pouvons y tendre ». Bien entendu, chacun le comprend, le plein emploi, c'est un taux de chômage de 3 à 5 %, ce chômage frictionnel qui existe dans toute économie.

La politique conduite en matière budgétaire depuis deux ans et demi et que la majorité, année après année, a bien voulu voter à la demande du Gouvernement, en l'amendant souvent fortement, cette politique a-t-elle conduit à une réduction des inégalités ? Les chiffres que vous trouverez dans le rapport économique et financier qui vous a été remis le montrent.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

S'agissant des entreprises, la pression fiscale n'aura pratiquement pas bougé de 1997 à 2000 : 1,7 milliard de baisse. Mais une grosse différence apparaît dans la structure : cette fiscalité frappe beaucoup plus les profits, les mouvements de capitaux, les activités spéculatives, et beaucoup moins l'emploi. Le déplacement est de l'ordre d'une vingtaine de milliards. Ce n'est pas rien ! S'agissant des ménages, les calculs très fins effectués par nos organismes de statistiques font apparaître un transfert important, lié à la fiscalité, à la CSG, à l'ensemble des prélèvements, entre les neuf premiers déciles, c'est-à-dire 90 % de la population à partir des revenus les plus faibles, et le dernier décile, constitué par les 10 % de la population qui perçoivent les revenus les plus élevés. Les neuf premiers déciles ont bénéficié d'une baisse de 28 milliards quand le dixième décile a pâti d'une hausse de fiscalité de 24 milliards. Autrement dit, nous avons opéré un transfert substantiel sur les détenteurs des plus forts revenus au profit de l'ensemble des autres couches. J'emploie cette expression pour ne pas tomber dans ce débat qui, pour moi, n'a pas grand sens, où l'on voudrait à tout p rix distinguer les couches populaires des couches moyennes. C'est l'ensemble de cette population qui a bénéficié de notre politique fiscale, tandis que les 10 % les plus aisés en ont pâti.

Voilà les quelques éléments de contexte du débat budgétaire que je souhaitais vous présenter. Je ne doute pas que l'opposition, c'est son rôle, y trouve beaucoup à redire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Ce que le Gouvernement attend de ce débat, ce sont d'abord des échanges d'explications car, lors des précédents budgets, ils ont été très enrichissants, tant avec la majorité qu'avec l'opposition. Mais il en attend aussi des décisions car, il faut bien le reconnaître, nombre de propositions qui figurent déjà dans le budget sont d'origine parlementaire et d'autres encore peuvent émaner des groupes de la majorité, voire de l'opposition : il ne lui est pas interdit de présenter des suggestions qui s'insèrent dans la logique du budget.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ce ne sera pas facile ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette discussion sera donc l'occasion, pour nous tous d'approfondir les différents sujets que je viens d'évoquer, pour l'opposition, et éventuellement pour la majorité, de formuler des critiques, et pour le Gouvernement de leur fournir des réponses, afin que la représentation nationale soit correctement informée du contenu du projet de loi de finances et puisse, sur certains points, améliorer ce que nous avons construit ensemble, Christian Sautter et moi-même. Je ne doute pas que, comme à l'occasion des débats sur les deux budgets précédents, pour 1998 et 1999, nous nous retrouvions au bout du compte avec une loi de finances pour l'année à venir meilleure lorsqu'elle sortira de l'Assemblée nationale que lorsqu'elle y est entrée.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je proposerai volontiers à Christian Sautter de présenter maintenant quelques aspects plus précis de ce budget. Nous poursuivrons ensuite la discussion générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Auberger.

La chute n'était pas terrible !

M. le président.

Et si vous me le permettez, monsieur le ministre, c'est moi qui donnerai la parole à M. Sautter.

Je vous en prie, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, comme le ministre des finances, de l'économie et de l'industrie vient de l'indiquer, le projet de budget pour 2000 exprime une triple volonté : stimuler la croissance, baisser les impôts, réformer la dépense publique.

Stimuler la croissance consiste à conforter la croissance mondiale en dotant les marchés de règles communes ; à soutenir la croissance européenne en coordonnant les politiques budgétaires au sein de la zone euro et en les articulant avec une politique monétaire qui préserve la stabilité des prix et favorise le développement de l'activité ; à donner un grand dynamisme à la demande intérieure, celle des consommateurs, celle des acquéreurs de logements, celle des entreprises, qui ont enfin retrouvé leur rythme soutenu d'investissement productif. Il faut aussi jouer résolument toutes les cartes de la nouvelle croissance engendrée par les technologies de l'information et par l'apparition de nouvelles entreprises particulièrement innovantes.

La volonté de baisser les impôts, surtout ceux qui pèsent sur l'activité et sur l'emploi, accompagne logiquement la volonté de croissance. Avec 40 milliards de francs d'allègements, les baisses d'impôts proposées sont les plus importantes depuis au moins dix ans.

Il est clair que des marges de manoeuvre supplémentaires pour baisser les impôts ont pu être dégagées grâce à la volonté de réformer la dépense publique, qui constitue la troisième caractéristique de ce projet de budget. L'Etat entend moderniser sa gestion, selon une démarche qui rejoint celle du Parlement, et plus particulièrement celle de la Mission d'évaluation et de contrôle.

M. Pierre Méhaignerie.

Elle n'a servi à rien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'Etat entend simp lifier l'impôt, monsieur Méhaignerie, au-delà des grandes réformes étalées sur la durée de la législature.

L'Etat, enfin, entend concentrer ses dépenses sur les budgets prioritaires en calculant au plus juste les moyens nécessaires pour atteindre des résultats précis.

Ces objectifs que le Gouvernement et sa majorité partagent doivent s'inscrire dans la durée ; le projet de loi de finances pour 2000 est le premier de notre programmation pluriannuelle des finances publiques.

Je voudrais maintenant vous présenter les grands axes de ce budget en insistant sur deux points : d'une part, il réalise la plus forte baisse d'impôts depuis dix ans au service de l'emploi et de la justice sociale ; d'autre part, il assure la maîtrise de la dépense publique et opère une modernisation des méthodes de gestion qui permet de dépenser mieux au service de nos priorités.

Parmi les baisses d'impôts, dont Dominique StraussKahn a rappelé qu'elles atteignaient 39 milliards de francs au total, certaines ont été déjà programmées dans le budget précédent.

Il s'agit d'abord de la suppression progressive de la part salariale de la taxe professionnelle. L'an prochain, un million d'établissements, c'est-à-dire près de 90 % des redevables, verront cet impôt local diminuer d'un tiers en moyenne. Dans le rapport que le Parlement avait souhaité obtenir sur les effets de la baisse de la taxe professionnelle, il apparaît que cette réforme importante n'a pas pénalisé les collectivités locales, comme cela avait été redouté par certains d'entre vous, mais a, au contraire, plutôt joué en leur faveur : en 1999, les recettes auront été supérieures à ce qu'elles auraient été en l'absence de réforme, et ce en raison, notamment, de la suppression sur deux ans de la réduction pour embauche et investissement. Par ailleurs, la baisse du coût du travail liée à cette réforme devrait entraîner un accroissement durable des effectifs représentant 18 000 à 25 000 emplois.

Il s'agit ensuite de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, créée en 1997 pour qualifier la France pour l'euro et qui sera supprimée.

M. Jean-Jacques Jégou.

Non, remplacée !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Certains - vous en êtes, monsieur Jégou - prétendent que cette suppression n'est pas complète puisque nous allons mettre en place une contribution de solidarité sur les bénéfices. Ils oublient deux choses. Premièrement, le montant de cette contribution ne sera pas équivalent...

M. Philippe Auberger.

A terme, si !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... puisque son taux sera de 3,3 % au lieu de 10 % et qu'elle ne concernera que les 4 000 entreprises dont l'impôt sur les sociétés excède 5 millions de francs.

M. Jean-Jacques Jégou.

Après les 200 familles, voici les 4 000 entreprises !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Pour plus de 20 000 entreprises, monsieur Jégou, le taux de l'impôt sur le bénéfice des sociétés baissera de 40 % à 36,6 % en 2000.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Deuxièmement, cette contribution financera un allègement de cotisations sociales qui en compensera l'effet si l'on considère l'ensemble des entreprises. Au total, pour les entreprises, le gain net sera donc bien celui de la suppression de la surtaxe de 10 %. P armi les mesures nouvelles, j'insisterai sur trois mesures qui permettent d'alléger la fiscalité du logement.

La première est la baisse de 20,6 % à 5,5 % de la TVA sur les travaux d'entretien dans les logements, pour un coût de 20 milliards de francs. Cette mesure, qui traduit une volonté du Parlement, est plus large que certains ont bien voulu le dire. Plus large par le nombre de personnes concernées : environ 10 millions de ménages, chaque année, en tireront bénéfice, et par le nombre d'entreprises i ntéressées : 263 000 entreprises employant plus de 1,1 million de salariés. Plus large également par ses modalités d'application, aussi bien pour la définition des travaux concernés - nous avons voulu faire simple en limitant très strictement la liste des matériels échappant au taux général de 5,5 % - que pour l'articulation entre ce nouveau dispositif et les crédits d'impôt qui existaient antérieurement.

Dès la date d'application, je le rappelle à mon tour, l'instruction finale détaillant la mesure a été publiée. Et l'on peut dire que l'ensemble de la profession, qui avait été associée à l'élaboration du dispositif, en a été s atisfaite, même si, ici ou là, ont pu apparaître des difficultés de compréhension.

Cette mesure est importante, elle devrait permettre de lutter contre l'économie souterraine et le travail au noir, et conduire à la création de 30 000 emplois supplémentaires.

Parallèlement, la baisse de la TVA sur les services à domicile devrait aider à mieux exploiter les gisements d'emplois qui existent dans le secteur des services au sens large, afin d'accélérer la réduction du chômage.

La deuxième mesure en faveur du logement est la suppression, en deux ans, du droit de bail pour les locataires, impôt de 2,5 % sur les loyers qui remontait au

XVIIIe siècle. Dès 2000, cette taxe va disparaître des quittances de loyer dont le montant est inférieur à 2 500 francs par mois. Comme Dominique Strauss-Kahn l'a indiqué, cette disposition concerne plus de 80 % des locataires et environ 90 % des logements sociaux.

M. Jean-Louis Dumont.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au buget.

Pour l'ensemble des locataires, le droit de bail disparaîtra le 1er janvier 2001.

Les modalités de la suppression de la déclaration de droit de bail opérée l'an passé avaient fait l'objet de critiques. Elles ont été entendues puisque deux millions de petits propriétaires se verront rembourser, en 2000, le droit de bail qu'ils avaient acquitté au cours des neuf premiers mois de l'année 1998.

M. Philippe Auberger.

Heureusement que nous étions là !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ce remboursement sera automatique puisque le droit de bail aura été supprimé, au moins jusqu'à 2 500 francs de loyer.

La troisième mesure est la baisse de ce que l'on appelle familièrement les « frais de notaire », qui placera les droits de mutation au même niveau pour les particuliers que pour les entreprises. Cette mesure de justice permettra à de nombreux jeunes ménages d'accéder plus rapidement à la propriété.

Par ailleurs, à la demande du Premier ministre, nous avons voulu que la fiscalité n'entrave pas le retour à l'emploi. Le Gouvernement vous proposera donc un amendement visant à maintenir, au moment de leur retour à l'emploi, le dégrèvement d'office de la taxe d'habitation dont bénéficient les titulaires du revenu minimum d'insertion.

Je mentionnerai aussi des réductions d'impôts en faveur des petites entreprises : la suppression des impôts d'Etat qui pénalisaient jusqu'à présent la création d'entreprise ; la baisse des droits de mutation sur les fonds de commerce, qui seront ramenés de 11,4 % à 4,8 %, mesure dont on a peu parlé mais qui devrait favoriser les transmissions d'entreprises ; enfin, la suppression de l'imp osition forfaitaire annuelle de 5 000 francs pour 1 80 000 petites entreprises qui font moins de 500 000 francs de chiffre d'affaires.

Des mesures fiscales sont également proposées en faveur du développement durable. Nous poursuivons le mouvement, engagé l'an dernier, vers une fiscalité écologique. Le rattrapage sur sept ans de la fiscalité du gazole par rapport à celle des carburants sans plomb se traduira, l'an prochain, par un relèvement de 7 centimes. Nous souhaitons parvenir au même écart que celui qui existe, en moyenne, en Europe. La taxe générale sur les activités polluantes, désormais incluse dans le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale, monte en puissance...

M. Philippe Auberger.

C'est le mot juste !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... pour favoriser des allègements de cotisations en faveur des bas salaires. C'est un mouvement que suivent désormais la plupart de nos partenaires européens.

Alors que les taxes sur le super sans plomb avaient augmenté, entre 1993 et 1997, de près de 1 franc par litre - je vous le rappelle, monsieur Auberger -, elles ne vont pas augmenter d'un centime en l'an 2000, comme en 1999.

M. Philippe Auberger.

Le cours du brut était beaucoup plus bas et vous vous rattrapez avec la TVA !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

La France est l'un des rares pays de l'Union européenne à ne pas avoir relevé sa fiscalité sur les carburants propres ces dernières années. Le poids de la fiscalité pétrolière est donc en réduction relative.

Enfin, nous simplifions la fiscalité.

Dominique Strauss-Kahn a évoqué les 49 impôts et taxes et les 5 millions de déclarations qui seront supprimés l'an prochain. Je soulignerai en particulier la suppression des droits d'examen, mesure très importante dont bénéficieront plus de 1,5 million d'élèves et leurs familles.

Le Gouvernement se réjouit également de la démarche de la commission des finances, qui a d'elle-même proposé la suppression du droit de timbre sur les cartes de séjour.

D'autres mesures de simplification ont pour but de réduire ce que l'on appelle l'« impôt papier ». Ainsi, nous vous proposons d'améliorer le régime du micro-foncier pour les petits propriétaires bailleurs, d'unifier et de simplifier les régimes d'imposition des plus-values sur valeurs mobilières réalisées par les ménages et de supprimer complètement l'obligation de fournir un certificat de scolarité afin d'obtenir une réduction d'impôt pour les enfants.

L'effort quantitatif très substantiel en faveur de la fiscalité s'accompagne donc d'un effort qualitatif pour une fiscalité plus juste, plus simple et plus propice à l'emploi.


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J'en viens maintenant à la dépense publique. Celle-ci est maîtrisée afin de mieux réduire les impôts et le déficit

A cet égard, je soulignerai un certain nombre d'aspects de la modernisation de la gestion publique qui se trouve au coeur de ce projet de budget.

Les dépenses de l'Etat sont stabilisées en volume. Elles évolueront donc de 0,9 % en l'an 2000, au même rythme que l'inflation. Cet objectif s'inscrit dans le cadre d'une stratégie pluriannuelle. Mais, surtout et contrairement à ce que certains d'entre vous ont pu affirmer, ces dépenses sont stabilisées en volume à périmètre constant. Elles passeront de 1 670 milliards à 1 685 milliards en l'an 2000 à structure constante, ce qui donne bien une hausse de 0,9 %. Certes, un certain nombre de dépenses sortent du budget de l'Etat. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

C'est tout le problème !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ainsi, la « ristourne dégressive », qui allège les charges sociales entre 1 et 1,3 SMIC, passe dans le budget de la sécurité sociale avec un montant équivalent de droits sur le tabac.

M. Philippe Auberger.

Pourquoi sortir cette dépense !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

D'autres mouvements s'opèrent en sens inverse, certaines dépenses qui figuraient par exemple dans des fonds de concours reviennent dans le budget de l'Etat.

M. Philippe Auberger.

Pourquoi ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

La conjonction de la progression des dépenses à structure constante - 15 milliards - et des transferts de dépenses à d'autres administrations - 25 milliards - conduit à une baisse de 10 milliards à périmètre variable, ce qui n'a toutefois pas grande signification, je vous l'accorde.

Le Gouvernement s'est efforcé d'apporter à l'Assemblée nationale et au Parlement le maximum d'informations sur ce point. Votre rapporteur général a d'ailleurs souligné dans son excellent rapport « l'effort de lisibilité des ressources et des dépenses dans le projet de loi de finances 2000 ». (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Marc Laffineur.

Personne n'y comprend rien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je vous encourage à lire en détail son rapport, dont un des chapitres important porte cet intitulé.

M. Jean-Pierre Brard.

Apparemment, l'opposition a besoin d'un décodeur ! C'est comme pour Canal Plus ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

C'est tellement lisible qu'il faut en faire des tartines !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je voudrais maintenant, monsieur l'ancien rapporteur général, développer un certain nombre d'aspects de la modernisation de la gestion publique.

Le double impératif que constitue pour nous la maîtrise de la dépense publique et l'amélioration du service public signifie que, contrairement à ce qu'a pu se faire à d'autres époques, il n'était pas question de procéder à des coupes sombres au hasard ou de façon forfaitaire. Nous avons au contraire cherché à promouvoir ce que l'on pourrait appeler une culture de résultats. De ce point de vue, le Gouvernement se réjouit que l'Assemblée nationale suive une démarche parallèle au sein de la mission d'évaluation et de contrôle. J'y reviendrai.

S'agissant de la modernisation de la gestion, chacun a fait en son temps la critique d'un certain nombre d'« administrations dépensières » qui se précipitent en fin d'année pour consommer des reliquats de crédits afin d'éviter leur annulation et, plus grave, d'éviter que les crédits de l'année suivante soient amputés. En l'espèce, passer d'une culture de moyens, ou de dépenses, à une culture de résultats suppose trois conditions dont aucune ne peut être négligée : il faut définir des objectifs clairs ; il faut donner des responsabilités aux gestionnaires de fonds publics ; il faut enfin suivre les résultats obtenus à travers un système d'informations adéquat. Sur ces trois plans, le Gouvernement a progressé et je vais le montrer.

D'abord, la définition d'objectifs clairs. Le point est un peu technique mais il est important pour le contrôle démocratique. Pour un tiers des budgets, les politiques sont désormais présentées sous forme d'agrégats budgétaires. Et chaque agrégat budgétaire est assorti d'indicateurs de performances qui permettent de mesurer, comme la MEC l'a souhaité, à la fois la pertinence des politiques publiques et l'efficacité de la gestion administrative. C'est un premier pas. Nous voulons étendre cette démarche en 2001.

Ensuite, la responsabilisation des acteurs. Il faut que les gestionnaires de fonds publics aient davantage de liberté de gestion mais, en même temps, plus de responsabilité.

Je donnerai deux exemples concrets.

Premièrement, au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons demandé à toutes les directions de ce ministère, qui compte 192 000 agents, d'engager avec la direction du budget une démarche de contractualisation de leurs objectifs et de leurs moyens sur une période de trois ans.

Deuxième exemple, le contrat passé avec un ministère très important pour les élus de terrain que vous êtes, à savoir le ministère de l'intérieur, fixe l'évolution des moyens de l'administration préfectorale sur la période 2000 à 2002, tant en matière de crédits que d'emplois, prévoit le report automatique des crédits non consommés et met en oeuvre dans quatre préfectures une globalisation des crédits de personnel et de fonctionnement.

Ces exemples montrent que l'on s'éloigne rapidement mais peut-être pas encore assez - du pointillisme budgétaire qui prévalait antérieurement.

Enfin, le suivi des résultats. Celui-ci est obtenu par la mise en place d'un nouveau progiciel, ACCORD, qui permettra de parvenir à une comptabilité analytique de l'Etat et à un véritable contrôle de gestion dans les ministères. Une comptabilité en « droits constatés » - certains d'entre vous y sont attachés - se substituera progressivement à la comptabilité de caisse actuelle. Il sera ainsi possible de réaliser par ministère des « comptes de charges » qui retraceront, par grandes catégories, les dépenses et favoriseront les comparaisons de coûts par rapport aux résultats atteints et l'appréciation des performances.

Dans le même esprit et à la suite des recommandations faites par M. Jean-Jacques François, agent comptable central du Trésor, nous avons mis en place une mission perm anente de modernisation du système financier et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

comptable de l'Etat au sein de notre ministère de façon à mieux prendre en compte les phénomènes patrimoniaux, sur lesquels certains d'entre vous insistent.

Je peux d'ores et déjà annoncer quelques progrès concrets pour 1999. Ainsi, le « compte général de l'administration des finances », qui sera disponible en avril 2000, comportera un calcul de la charge de la dette en droits constatés, une nouvelle présentation sous forme d'annexe hors bilan des risques et des charges de l'Etat, et la c onstatation d'une provision pour dépréciation des créances fiscales.

J'en viens maintenant, pour la saluer, à l'action du Parlement visant à moderniser la gestion publique. Je citerai à cet égard, non pour mémoire mais pour souligner leur importance, deux initiatives prises en la matière.

D'une part, la nouvelle procédure budgétaire mise en place de façon expérimentale pour cinq budgets devrait permettre de débattre véritablement en commission de c ertains aspects particuliers des politiques qui sont menées, notamment grâce à l'audition des ministres concernés, et de centrer la discussion en séance publique sur les grands enjeux de politique publique.

M. Philippe Auberger.

On verra ça !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

D'autre part, la Mission d'évaluation et de contrôle créée au début de l'année constitue également un puissant instrument d'évaluation des politiques publiques et devrait permettre en France, comme c'est le cas à l'étranger, de maîtriser et d'améliorer la dépense publique.

M. Philippe Auberger.

Puissant ? Il faudrait lui donner du Viagra ! (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'en viens maintenant aux marges de manoeuvre qui ont été dégagées par la modernisation de la gestion publique. J'exposerai rapidement quels emplois en ont été faits.

Pour le budget de 2000, elles s'élèvent à 34 milliards.

C'est un peu plus qu'en 1998 et 1999, où elles se situaient aux alentours de 30 milliards. Cette progression est due en particulier à l'effet bénéfique de la réduction des déficits et de la baisse des taux d'intérêt. Cela allège les charges financières de l'Etat de 4 milliards, dont 2,5 milliards pour la charge de la dette proprement dite et 1,5 milliard au titre de diverses modifications. Les autres redéploiements, pour un total de 30 milliards, sont le fruit de notre politique de réexamen, au franc le franc, de l'ensemble des dépenses.

Je voudrais, sans vous lasser, en donner quelques exemples. Concernant les dépenses de fonctionnement, 7 milliards d'économie ont été opérés. Mais celles-ci n'ont pas été faites au hasard. Ainsi, le budget de fonctionnement de la justice progressera de 5 %, tout comme celui de la police nationale.

De même, s'agissant des emplois budgétaires, des redéploiements importants permettent à la fois de respecter l'objectif de stabilité des effectifs civils de l'Etat, qui a été posé par le Premier ministre, et de renforcer un certain nombre de secteurs prioritaires...

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est un vrai miracle !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... comme la justice, monsieur Jégou, où 1 237 emplois nouveaux sont créés.

Voilà une démarche qui va dans le sens de la recherche d'économies.

Enfin, et c'est un point de méthode, la modernisation de la gestion publique concerne la totalité des dépenses de l'Etat. Nous avons donc procédé à des redéploiements de dépenses entre budgets, mais également à l'intérieur d'un même budget. Je prendrai pour exemple le budget de l'emploi, à l'intérieur duquel, j'en dirai un mot tout à l'heure, 10 milliards de francs ont pu être redéployés en l'an 2000. Sur les trois années de la période 1998-2000, nous avons pu affecter 30 milliards aux emplois-jeunes et à la politique de réduction du temps de travail, alors que le budget n'a progressé en net que de 10 milliards.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est bien la preuve que, pour les deux tiers, ces politiques importantes ont été financées par redéploiement.

Alors, qu'est-il advenu de ces marges de redéploiement ? En moyenne, la progression des budgets prioritaires de l'Etat sera quatre fois plus forte que celle du budget dans son ensemble.

Les priorités du Gouvernement n'ont pas changé depuis trois ans. Il s'agit de l'emploi et de la solidarité, de l'éducation, de la justice et de la sécurité, de l'environnement et de la culture. Ces budgets, pris tous ensemble, progresseront l'an prochain de 3,6 %, soit nettement plus que le budget de l'Etat, qui progresse de 0,9 %. Si l'on prend un peu de recul, puisque, maintenant, nous avons la possibilité d'établir des comparaisons sur trois ans, entre 1997 et 2000, c'est près de 80 milliards de francs, c'est-à-dire 11 % de plus, qui ont été consacrés à ces politiques prioritaires.

P assons très rapidement en revue ces différents budgets.

La priorité numéro un reste la politique de l'emploi et la justice sociale. Pour la première fois, le budget de l'emploi et de la solidarité, à hauteur de 254 milliards, devient le deuxième budget de l'Etat, derrière celui de l'éducation nationale. Cela permettra de financer 100 000 emplois-jeunes supplémentaires en l'an 2000 et d'atteindre ainsi l'objectif de 350 000 emplois-jeunes fixé par le Premier ministre. Cela permettra aussi de consacrer 7 milliards - je parle de la part de l'Etat - à la réduction du temps de travail. Cela permettra encore à l'Agence nationale pour l'emploi de procéder à un million d'entretiens pour donner un nouveau départ à des chômeurs de longue durée.

Concernant la solidarité, budget de 91 milliards de francs, une étape importante est franchie pour la première fois en l'an 2000, avec la mise en place de la couverture maladie universelle. Celle-ci apportera une couverture maladie de base à plus de 150 000 personnes qui étaient aujourd'hui dépourvues de protection sociale et une couverture complémentaire à plus de trois millions de personnes. Cela signifie un budget supplémentaire de 7 milliards.

Le budget de la politique de la ville progresse, pour sa part, de 26 %, marquant ainsi l'importance particulière que le Gouvernement entend consacrer aux contrats de ville 2000-2006, pour le renouveau des villes et des agglomérations. Je soulignerai au passage que, comme le Premier ministre l'a annoncé le 27 septembre dernier à Strasbourg, un abondement supplémentaire de 500 millions sera apporté à la dotation de solidarité urbaine...

M. Christian Cuvilliez.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... par un amendement du Gouvernement. Cela viendra s'ajouter à ce qui figure déjà dans le projet de loi de finances.

En ce qui concerne l'accès à l'éducation, le budget de l'éducation nationale progresse de 3,3 %. Le premier budget de l'Etat s'élèvera donc à 361 milliards. Grâce à


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des redéploiements internes autorisés par la baisse des effectifs scolarisés, nous avons créé, à la rentrée 1999, 3 300 emplois d'enseignants du second degré et 1 000 emplois de personnels non enseignants, afin notamment de mettre en oeuvre la réforme des collèges et des lycées et de mieux prévenir les phénomènes de violence dans les établissements sensibles.

Dans l'enseignement supérieur, et selon la même démarche, 1 200 emplois budgétaires d'enseignants-chercheurs seront créés à la rentrée 2000. En outre, la montée en charge du « plan social étudiant » sera poursuivie grâce à une augmentation de près de 10 % des crédits consacrés aux bourses de l'enseignement supérieur. Enfin, le plan « Université du troisième millénaire » mobilisera près d e 3,3 milliards d'autorisations de programme dès l'an 2000, dont 600 millions pour le désamiantage et la mise en sécurité du campus de Jussieu. On le voit, la priorité à l'éducation s'inscrit clairement et massivement dans ce budget.

Le budget de la justice, quant à lui, progressera de 4 % pour s'élever à 27 milliards de francs. Ainsi que je l'ai déjà mentionné, 1 237 emplois sont créés et les moyens de fonctionnement augmentent de plus de 5 %. Tout cela permettra de poursuivre le plan de réforme de la justice.

M. Jean-Jacques Jégou.

Et tout cela ne fait que 0,9 % d'augmentation !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous disposez de tous les documents qui le montrent, monsieur Jégou !

M. le président.

Monsieur Jégou, laissez s'exprimer M. le secrétaire d'Etat !

M. Pierre Méhaignerie.

C'est miraculeux !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Méhaignerie, le fait que huit budgets soient classés prioritaires implique que tous ne le sont pas. Et il est normal que je centre mes commentaires sur les budgets prioritaires.

V ous avez tous les documents qui attestent que l'ensemble des dépenses du budget général progresse de 0,9 % à périmètre constant.

M. Pierre Méhaignerie.

Constant mais élastique !

M. Jean-Pierre Brard.

M. Méhaignerie est jaloux ! (Sourires sur les bancs du groupe communiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'en reviens au budget de la justice, qui vous intéresse particulièrement, monsieur Méhaignerie. Nous souhaitons raccourcir les délais de jugement, faire entrer des professionnels dans les tribunaux de commerce...

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien ! Cela va apporter un peu d'air pur !

M. Philippe Auberger.

Ça va surtout coûter cher !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et mettre en oeuvre les réformes adoptées par le Parlement, en particulier la création du juge de la détention.

Par ailleurs, et j'y insiste, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse augmenteront de près de 14 % et ceux de l'administration pénitentiaire de près de 6 %. Sachez encore, car vous vous intéressez évidemment au budget de la sécurité, que les crédits affectés pour l'an 2000 permettront la mise en place d'une police de proximité. C'est ainsi que 4 150 adjoints de sécurité supplémentaires seront recrutés, de façon à porter leur nombre à 20 000. Quant aux crédits de fonctionnement de la police, ils progresseront de 5 % ...

M. Jean-Jacques Jégou.

En accord avec la MEC !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et seront affectés à la formation. Il y aura également des redéploiements le ministre de l'intérieur vous le précisera -, conformément à l'analyse qui a été faite par la MEC du budget de la police. Enfin, les crédits de paiement augmenteront de 38 % pour accélérer la construction ou la rénovation de certains commissariats, ce dont nul ne saurait se plaindre.

Le budget de l'environnement progressera de 8,6 %. Cela permettra de mieux protéger la nature et de prévenir les risques, grâce à l'augmentation des moyens du fonds de gestion des milieux naturels.

Un effort particulier est consenti en faveur de la prévention des risques par une hausse des capacités d'investissement de l'ADEME - 8 % - à laquelle vous êtes attachés, et de l'INERIS, à hauteur de 24 %. En outre, 140 emplois budgétaires supplémentaires permettront, notamment, de créer, au sein du ministère de l'environnement, une nouvelle direction d'expertise environnementale.

J'en termine en mentionnant le budget de la culture et la réforme de la télévision publique.

Conformément aux engagements du Gouvernement, ce budget connaîtra une nouvelle progression pour approcher l'objectif de 1 % des dépenses budgétaires fixé par le Premier ministre puisqu'il atteindra 0,98 % du budget de l'Etat en 2000, en dépassant les 16 milliards de francs.

De même, le projet de loi de finances met en place les moyens d'une réforme ambitieuse de l'audiovisuel public puisque, dès le 1er janvier 2000, la durée maximale de la publicité sera réduite à dix minutes alors qu'elle est de douze minutes aujourd'hui, et la longueur des écrans publicitaires sera plafonnée à quatre minutes. Les pertes d e recettes publicitaires subies seront intégralement compensées par des ressources publiques.

Le budget du secteur public audiovisuel, de l'ordre de 19,4 milliards de francs, sera en progression de 4,8 % par rapport à l'année antérieure et, au sein de ce budget, les concours publics, à eux seuls, progresseront de 12 %. Enfin, la progression des barèmes de la redevance sera limitée à l'évolution des prix, soit à 0,9 %.

En conclusion, je souhaite dépasser la multiplicité des chiffres et la complexité des sujets budgétaires pour vous faire partager quelques convictions simples du Gouvernement.

La première est que le service public est au coeur de notre modèle social. Il nourrit la croissance en formant les hommes, en développant les infrastructures, en assurant le respect de règles claires. Le service public garantit l'égalité des chances au départ de la vie. Il redonne espoir à ceux qui trébuchent en chemin.

M. Christian Cuvilliez.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il apporte à tous une sécurité sociale qui est à l'opposé du chacun pour soi que d'aucuns préconisent. (Murmures.)

M. Jean-Pierre Brard.

Voilà qui est clair.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

La deuxième est que l'Etat est au coeur du service public. Attaquer l'Etat, comme certains le font, vouloir à toute force dépenser moins sans jamais dire ni où ni comment, c'est attaquer le service public et saper un fondement de notre République.

M. Philippe Briard.

Qui a attaqué l'Etat ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Enfin, la réforme doit être au coeur de l'Etat. Un Etat immobile serait un

Etat en péril. Parce que les usagers deviennent de plus en plus exigeants, parce que les technologies évoluent, parce qu'il n'est pas possible de dépenser plus mais, au contraire, parce qu'il faut alléger les impôts, il est essentiel de dépenser mieux. Or dépenser mieux, c'est l'esprit même du projet de budget soumis à votre approbation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie et du Plan.

M. Didier Migaud.

rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, résumer quinze cents pages de rapport et plusieurs semaines de travaux n'est pas une chose aisée. Je vais faire le maximum pour y parvenir sans, je l'espère, vous lasser.

Engagée dans un contexte assombri par l'ombre portée de la crise asiatique, de la crise russe et de la débâcle des m archés à terme américains à l'automne 1998, l'année 1999 aurait pu être celle de tous les dangers. Les enquêtes de conjoncture montraient un fort contraste entre l'optimisme persistant des ménages et la dégradation des perspectives des industriels. Au printemps dernier, la plupart des conjoncturistes s'interrogeaient sur le sens dans lequel ce décalage pourrait se résorber.

En fait, le scénario du « trou d'air » évoqué par le Gouvernement s'est trouvé largement vérifié. Après la progression de 3,2 % du PIB en 1998, l'année 1999 serait marquée par une croissance de 2,3 %, selon les dernières prévisions présentées par le Gouvernement. Je relève que le Fonds monétaire international envisage, pour sa part, une croissance de 2,5 % et que les prévisions des principaux instituts de conjoncture sont au moins égales, sinon supérieures, à l'évaluation gouvernementale.

La stratégie économique mise en oeuvre par le Gouvernement au début de la législature a donc porté ses fruits.

Fidèle à sa tradition historique comme à ses engagements électoraux du printemps 1997, la gauche plurielle a défini une politique de croissance solidaire et s'est donné les moyens de la voir réussir.

Faisant le pari que l'offre répondrait nécessairement aux stimulations de la demande, le Gouvernement a orienté son action vers une amélioration des conditions de vie des Français, notamment des plus modestes et des plus fragiles d'entre eux. Le pouvoir d'achat des salaires a été accru - de 6 % pour le SMIC - et les jeunes exclus du marché du travail se sont vu offrir une nouvelle chance grâce aux emplois-jeunes. Ainsi, la consommation a retrouvé un dynamisme qui avait été brisé en 19951996 par une politique économique et fiscale brutale et inadaptée.

Les entreprises françaises ont saisi la chance que leur offrait la croissance retrouvée et ont enfin relancé l'investissement. La situation de l'emploi s'est retournée : 325 000 emplois ont été créés en 1998 et près de 220 000 devraient l'être en 1999. Le taux de chômage s'est inscrit à la baisse, de façon quasi continue depuis l'automne 1997.

Ce dynamisme vivifiant, fondé sur la vigueur de la demande interne, a protégé notre économie des turbulences extérieures et épargné à la France l'alanguissement qui a frappé certains de nos partenaires européens.

M. Philippe Auberger.

Eh oui !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cette bonne résistance aux vents contraires est aussi la conséquence de la compétitivité de nos entreprises, ce qui relativise quelque peu les discours volontairement alarmistes tenus ici ou là - plutôt ici que là, d'ailleurs - sur le prétendu

« matraquage » dont elles seraient les victimes. La France devrait donc profiter, comme ses partenaires, de la reprise mondiale amorcée à la fin du printemps 1999 et qui devrait perdurer l'année prochaine.

L'horizon international est plus dégagé aujourd'hui, pour 2000, qu'il ne l'était l'an dernier, à la même époque, pour 1999. La croissance mondiale serait plus équilibrée, l'accélération en Europe et en Asie compensant une décélération aux Etats-Unis. L'économie américaine pourrait, en effet, connaître un ralentissement sensib le, sous l'effet de l'affaiblissement du cycle d'investissement et d'une remontée du taux d'épargne des ménages. Il est vrai que cet atterrissage en douceur, annoncé depuis plusieurs semestres, a régulièrement été démenti par les faits.

La vigueur de la croissance américaine reste à bien des égards quelque peu énigmatique et le chapitre du Rapport économique et financier annexé au projet de loi de finances observe qu'il subsiste, en la matière, plus de questions qu'il n'existe de réponses. Le ralentissement est donc probable, mais incertain quant à son moment et à ses modalités.

E n Asie, le Japon ne devrait pas profiter dès l'année 2000 de la purge sévère que subit le secteur financier. En revanche, les pays émergents d'Asie, dans le sillage de la Corée du Sud, renouent avec la croissance plus rapidement que prévu.

Pour sa part, la zone euro devrait connaître, en 2000, une réduction progressive des écarts de conjoncture entre l es Etats membres, la croissance progressant, pour l'ensemble, entre 1999 et 2000.

Malgré une légère augmentation de l'inflation, due pour l'essentiel à la hausse des prix du pétrole observée depuis le début de 1999, celle-ci devrait rester modérée : 1,1 % en 1999 et 1,6 % en 2000, en moyenne annuelle.

De ce fait, les conditions monétaires devraient rester accommodantes, tout au moins le souhaitons-nous.

Quels sont les risques qui pèsent sur cette prévision ? Hors zone euro, l'éventualité d'une correction boursière violente aux Etats-Unis ne peut être écartée. Cependant, ses conséquences potentielles sur la croissance américaine ne sont pas facilement quantifiables. Il ne suffit pas d'évoquer la disparition de l'effet de richesse dont bénéficient jusqu'ici les ménages grâce aux plus-values boursières. Il faut aussi la chiffrer, ce qui renvoie à une explication plus complète des mécanismes de la croissance aux Etats-Unis. On a vu qu'une telle explication restait difficile aujourd'hui.

En Europe, l'Allemagne est le principal point d'incertitude. Le redémarrage du secteur de la construction reste incertain, tandis que le moteur de la demande interne peine à s'amorcer. Le compte prévisionnel présenté par la direction de la prévision table d'ailleurs sur une diminution de l'emploi de 0,2 % en 2000. Avec un taux de croissance du PIB en Allemagne égal à 2,4 % en 2000, la prévision présentée par le Gouvernement Schrder est, semble-t-il, sensiblement plus prudente que celle des instituts de conjoncture et des institutions financières participant aux travaux du groupe technique de la commission des comptes de la nation, lesquels retiennent en moyenne un taux de croissance de 2,7 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

En tout état de cause, la fourchette retenue par le Gouvernement pour l'évaluation de la croissance du PIB en France - 2,6 % à 3 % - provisionne en grande partie ces aléas. Les ressorts généraux de l'année 2000 devraient être identiques à ceux de 1999.

La demande intérieure devrait continuer de tirer la croissance.

En effet, la consommation bénéficie de l'augmentation de l'emploi total et de l'emploi salarié, ainsi que de la croissance du pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages, même si l'on n'observera vraisemblablement pas en 2000 les gains de pouvoir d'achat non anticipés de 1998 dus à la forte désinflation. Elle bénéficie surtout du maintien de la confiance, à laquelle le Gouvernement a très largement contribué, grâce au réglage macro-économique pertinent qu'il a mis en oeuvre.

Certains de ses prédécesseurs avaient peut-être un peu vite oublié que l'économie n'est pas qu'une affaire de chiffres et de taux, mais qu'elle est faite pour les hommes et qu'elle doit être mise au service d'une certaine conception de la société. Dans ce domaine, les Français ont vu que le Gouvernement savait tenir ses engagements : ils le lui rendent en montrant leur confiance dans l'avenir.

D'ailleurs, la situation de l'emploi continuerait de s'améliorer.

Ainsi, près de 300 000 emplois seront créés en 2000, dont un peu moins du tiers dû à la réduction du temps de travail, selon la direction de la prévision, et les deux tiers grâce au dynamisme de l'activité. Le cercle vertueux qui unit croissance de l'emploi, croissance du revenu, dynamisme de la consommation, soutien de l'activité et accroissement des capacités de production devrait à nouveau fonctionner l'an prochain. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

L'investissement des entreprises devrait rester soutenu.

En effet, il bénéficierait toujours de conditions de financement favorables et de la vigueur de la consommation.

Enfin, il semble que les investissements dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication commencent à s'inscrire dans un mouvement plus autonome et apportent une contribution croissante au renforcement de la compétitivité de nos entreprises.

Les échanges extérieurs seraient neutres pour la croissance, après avoir apporté une contribution négative en 1999.

Cela marque, une fois encore, la bonne santé de notre système productif, n'en déplaise à ceux qui, jouant éternellement les Cassandre, préfèrent privilégier la politique du pire en annonçant régulièrement, sans souci de vérité, que la catastrophe est pour demain.

En définitive, la prévision de croissance du Gouvernement paraît assise sur des fondements solides. Il semble même qu'elle soit inspirée par la prudence plus que par un parti pris d'optimisme, forcément plus risqué. Je note, à cet égard, que le consensus des économistes chiffre la croissance pour 2000 à 3 % en moyenne, certains organismes prévoyant même des taux de croissance de 3,5 %. C'est d'ailleurs pour cela, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous vous proposerons un rendez-vous à la fin du premier trimestre 2000.

Pour autant, le mouvement économique est par nature fragile et nécessite un pilotage fin de la politique économique, notamment de la politique budgétaire.

Comment l'équation budgétaire pour 2000 se présentet-elle ? En 1999, la nécessité de soutenir la croissance dans un contexte économique général assombri avait amené le Gouvernement à répartir les marges de manoeuvre en trois parts à peu près équivalentes : 16 milliards de francs pour l'augmentation des dépenses de 1 % en volume, 21 milliards de francs pour la réduction du déficit et 16 milliards de francs pour la diminution des prélèvements obligatoires.

Pour l'année 2000, les marges de manoeuvre procurées p ar la croissance et par l'assainissement budgétaire conduit avec succès s'élèveraient également à près de 60 milliards de francs. Le Gouvernement a choisi de les affecter, à hauteur de 21 milliards de francs, à la réduction du déficit et, à hauteur du solde, soit environ 39 milliards de francs, à des baisses d'impôts. Les dépenses du budget général seraient stabilisées en volume.

Cet arbitrage paraît équilibré. En effet, la réduction du déficit budgétaire ramène le besoin de financement de l'Etat à 2,4 % du PIB environ, tandis que celui de l'ensemble des administrations publiques serait réduit à 1,8 % du PIB. On mesure le chemin parcouru depuis ces jours terribles de 1997 où l'on s'inquiétait, à juste titre, d'une éventuelle disqualification de la France pour l'entrée dans l'euro.

Le pacte de stabilité et de croissance adopté au Conseil européen d'Amsterdam n'a pas sacrifié son volet croissance au profit exclusif de son volet stabilité. La croissance ne s'est pas faite au détriment de l'assainissement des comptes publics.

La maîtrise des dépenses de l'Etat s'inscrit dans les perspectives à moyen terme dressées, l'hiver dernier, par le programme de stabilité soumis par la France à ses partenaires européens. Elle avait été parfois programmée par la précédente majorité, notamment en 1997, mais les résultats avaient alors été bien loin des intentions affichées.

La maîtrise des dépenses se traduit, au premier chef, par la stabilité en volume des crédits du budget général, soit une augmentation de 0,9 % en valeur, qui correspond à 15 milliards de francs environ. Sous l'effet des changements nombreux qui affectent le périmètre du budget de l'Etat, la réalité de cette stabilité a pu être contestée. Des chiffres assez fantaisistes ont circulé, colportés par ceux qui croient encore que des artifices de présentation sont nécessaires pour faire croire à la vertu budgétaire du Gouvernement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Philippe Auberger.

C'est ce que vous faites !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le rapport général devrait aider les lecteurs de bonne foi - mais seulement ceux-là - à porter un jugement éclairé sur ce projet de budget.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il est vrai que la multiplication des relations entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'améliore pas la lisibilité du travail législatif.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Quand même !

M. Philippe Auberger.

Je dirai même plus : ça l'assombrit !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Une meilleure articulation devrait être trouvée pour faciliter le travail des parlementaires.

M. Philippe Auberger.

Eh oui !

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est une litote !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Dans le cadre de la mission qui m'a été confiée par la conférence des présidents, je compte présenter plusieurs propositions sur ce sujet en début d'année prochaine.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

Nous le demandons !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cependant, il est faux de dire que ces imbrications croissantes n'ont pour but que de masquer d'éventuelles turpitudes.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.).

M. Philippe Auberger.

Nous n'avons jamais dit cela !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le rôle du Parlement est justement, au-delà de la technique législative qui, je vous le concède, peut emprunter des chemins compliqués et nécessiter une certaine gymnastique intellectuelle pour s'y retrouver -, d'éclaircir les enjeux et de débattre des choix politiques. Je ne crois pas qu'en la matière l'Assemblée nationale manque à sa tâche, grâce aux interventions des membres de sa majorité, comme de ceux de l'opposition.

M. Philippe Auberger.

Merci !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Quels sont les principaux changements de structure qui affectent l'évolution des crédits du budget général ?

M. Jean-Jacques Jégou.

Parlons-en !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oui, parlons-en ! On observera d'abord que la suppression de quatre comptes d'affectation spéciale et le transfert de leurs crédits vers le budget général conduit à majorer le volume de ce dernier sans pour autant représenter un quelconque expansionnisme budgétaire. Cet effet porte sur un peu plus d'un milliard de francs.

La suppression de divers fonds de concours et comptes de tiers conduit à inscrire les crédits concernés dès la loi de finances initiale à hauteur de 8,6 milliards de francs, sans que cela conduise à modifier le niveau de la dépense en exécution.

Le transfert des compensations de charges sociales au titre de la ristourne dégressive vers le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, dont la création est prévue par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, minore les crédits du budget général de 39,5 milliards de francs.

La prise en charge par l'Etat de l'abaissement de la part départementale des droits de mutation à titre onéreux représente une charge de 4,6 milliards de francs inscrite au budget du ministère de l'Intérieur.

Enfin, la suppression de diverses taxes parafiscales et l eur compensation par l'Etat majorent les crédits de 254 millions de francs.

Au total, les changements de structures minorent les crédits du budget général de près de 25 milliards de francs. Il convient donc d'ajouter cette somme au montant des crédits inscrits au tableau d'équilibre pour juger de l'évolution réelle du budget général.

Après prise en compte des recettes d'ordre venant en atténuation de la charge de la dette, soit 16 milliards de francs en 1999 et 17,2 milliards de francs en 2000, l'évol ution des crédits du budget général, à périmètre constant, monsieur le président Méhaignerie, montre une progression de 0,90 %, à la deuxième décimale près. La prévision d'inflation associée au présent projet de loi de finances étant elle-même égale à 0,9 %, on constate effectivement une stabilité en volume du budget général, à moins que, comme nos collègues de l'opposition, l'on compte plusieurs fois les mêmes dépenses.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

CQFD !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Comme l'année précédente, le Gouvernement a identifié certaines priorités, sur lesquelles des efforts significatifs ont été consentis, et a procédé à des redéploiements importants, à hauteur de 28,3 milliards de francs. Ces redéploiements, détaillés dans le rapport général, infligent un démenti cinglant à ceux qui prétendent que l'Etat est condamné à l'immobilisme et que la rigidité de la dépense publique ne peut être surmontée. Cette rigidité existe, je n'en disconviens pas, mais une action résolue peut mettre à profit les marges procurées par la croissance et en créer de nouvelles.

Dans le même esprit, la Mission d'évaluation et de contrôle - la MEC -, créée au sein de la commision des finances en février 1999, a engagé un travail de fond considérable. Plusieurs rapporteurs ont consacré du temps et de l'énergie à étudier la politique autoroutière, la gestion des effectifs et des moyens de la police nationale, les aides à l'emploi et l'usage des fonds de la formation professionnelle.

M. Gilles Carrez.

Quel en est le résultat ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Chacun a salué l'esprit très constructif...

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est vrai !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... qui a présidé aux travaux de la MEC. En particulier, je me réjouis que ses membres aient su faire si souvent abstraction de leur étiquette politique.

M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela montre que les critiques éventuelles formulées par le Parlement à l'encontre de l'administration ne revêtent pas systématiquement le caractère d'une contestation stérile et partisane de l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Peut-on dire que ce travail a été payé de retour (« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et que le Gouvernement s'en est inspiré pour bâtir son projet de loi de finances ? (« Non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Même si le bilan de la MEC doit être établi dans la durée, d'aucuns affirment d'ores et déjà le contraire.

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous bottez en touche !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce n'est pas mon sentiment, mais je suis certain, en tout état de cause, de traduire le sentiment de mes collègues qui s'y sont inves-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

tis ces derniers mois en disant que la MEC doit acquérir plus d'influence et que nous devons poursuivre notre travail avec opiniâtreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Les crédits pour l'emploi s'affichent en diminution de 0,3 % à structure constante, c'est-à-dire hors transfert des crédits relatifs à la « ristourne dégressive ». La consolidation de dispositifs comme les contrats initiative-emploi, sous l'effet de la décrue des effectifs et d'un recentrage sur les publics les plus en difficulté, s'effectue au profit des emplois-jeunes qui ont vocation à remplacer certains d ispositifs plus anciens. Cent mille emplois-jeunes devraient être créés en 2000, portant leur nombre total vous l'avez dit, monsieur le ministre - à 350 000 en fin d'année. Pris dans son ensemble, le budget de l'emploi et de la solidarité progressera de 4,3 % à périmètre constant, toujours en 2000.

L'école et l'université s'affirment également comme les lieux privilégiés de l'intégration sociale et de la formation de l'esprit citoyen. Des moyens complémentaires sont dégagés pour la poursuite du plan social étudiant, grâce à l'augmentation des bourses de l'enseignement supérieur.

Le combat historique de la gauche pour le progrès et la justice sociale passe aussi par la suppression de la ségrégation par l'argent : tous doivent pouvoir accéder au savoir, sur la seule base de leurs capacités et de leur mérite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Les budgets de l'éducation nationale, en augmentation globale de 3,3 %, s'appuient notamment sur des redéploiements d'emplois budgétaires pour améliorer l'encadrement pédagogique et administratif des élèves.

Les fonctions régaliennes de l'Etat bénéficient également d'un traitement privilégié. Le budget de la justice, en particulier, reste l'une des toutes premières priorités du Gouvernement. Près de 1 250 emplois sont créés, dont 212 emplois de magistrats ; 2 000 « agents de justice », dans le cadre de contrats « emplois-jeunes », viend ront épauler les effectifs titulaires pour améliorer l'accueil du public et rendre ainsi la justice plus proche des citoyens.

Les moyens de la sécurité publique, à laquelle sont légitimement attachés nos concitoyens, augmentent de 3 %, tout en amorçant, dans le sens des recommandations de la MEC, certains redéploiements permettant d'avoir davantage de policiers sur le terrain.

Je pourrais citer également les budgets de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de la culture, qui connaissent une progression plus rapide que celle du budget général.

Globalement, le projet de loi de finances pour 2000 garde le cap défini en début de législature, qui consiste à placer la France sur une trajectoire de croissance solide et équilibrée, plus respectueuse des aspirations des hommes et plus porteuse de solidarité et de justice. Les arbitrages rendus dans le volume et la répartition des crédits en portent témoignage.

Le deuxième temps fort de ce projet de budget est la poursuite de la diminution des déficits. Certains ont fait la fine bouche devant les 21,2 milliards de francs consacrés par le Gouvernement à cette réduction. « Trop peu ! Trop lent ! » disent-ils en choeur.

En agitant ainsi les chimères d'une réduction plus rapide du déficit, ils ont peut-être la nostalgie de la politique d'austérité, conduite à marche forcée pendant la précédente législature, qui n'a abouti qu'à étouffer la croissance et à plonger un plus grand nombre encore de nos concitoyens dans le chômage.

Le poids de la dette publique dans le PIB devrait diminuer en 2000, après avoir culminé à 60,5 % en 1999, dans le nouveau système de comptabilité nationale dit

« SEC 95 ». La diminution de l'endettement des collectivités locales, ainsi que celle des structures de défaisance, apporte, bien entendu, une contribution bienvenue à ce p rocessus de désendettement des administrations publiques. Cependant, l'Etat y prend toute sa part, grâce à la réduction du déficit budgétaire.

En 1999, le budget devrait être en équilibre primaire, c'est-à-dire hors charge de la dette, ce qui n'a pas été le cas depuis 1991. En 2000, l'excédent primaire devrait être d'environ 23 milliards de francs. L'objectif fixé l'an dernier, stabiliser le ratio d'endettement en 2000, sera tenu. Selon les calculs de la direction de la prévision, le solde des administrations publiques nécessaire pour stabiliser le ratio d'endettement serait égal en 2000 à moins 2,3 % du PIB. En fait, le déficit effectif des administrations publiques en 2000 sera inférieur, puisqu'il devrait être réduit à 1,8 % du PIB. Ce n'est donc pas une simple stabilisation du ratio d'endettement qui sera observée en 2000, mais une diminution : le ratio d'endettement reviendra à 59,9 %.

En réduisant peu à peu les déficits publics et en contenant la charge de la dette, le Gouvernement libère des marges de manoeuvre pour la politique budgétaire. Le redéploiement des dépenses au détriment des intérêts de la dette et au profit des dépenses actives traduit un rééquilibrage de l'intervention étatique et de ses effets redistributeurs.

Comment justifier, en effet, que sur le long terme une petite catégorie de privilégiés - ceux qui peuvent prêter à l'Etat - accapare le bénéfice de la rente et détourne une partie de plus en plus importante de la richesse nationale à son profit ?

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Bien peu prêtent, mais tous remboursent ! La réduction des déficits publics conduite par l'actuel Gouvernement, avec des méthodes bien différentes de ses prédécesseurs, n'est pas une concession à de médiocres « orthodoxies », mais une importante mesure de redistribution en faveur de ceux pour qui l'épargne est un luxe.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Grâce à la vigueur de la croissance et à la réduction des déficits, qui a favorisé la modération des taux d'intérêt, le Gouvernement est en passe de réussir ce que ses prédécesseurs n'avaient fait que désirer : l'étau de la dette se desserre, les dépenses de l'Etat peuvent se faire plus actives.

Il reste à transformer l'essai - pour prendre une métaphore sportive directement liée à l'actualité - et à traduire dans les faits l'engagement du Gouvernement de diminuer les prélèvements obligatoires. On a déjà amplement commenté le fait que le retournement, prévu pour 1999, ne devrait pas se produire cette année, sous l'effet d'une évolution atypique et imprévue de certaines grandeurs macro-économiques.

D'aucuns en tirent argument pour assurer que l'engagement du Gouvernement ne sera toujours pas tenu en 2000. Laissons ces honorables prévisionnistes contempler le décalage entre leurs prédictions passées et les réalisations du Gouvernement, par exemple au regard du taux de croissance du PIB sur les deux derniers exercices !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Les mesures fiscales incluses dans le présent projet de loi de finances, ainsi que certains des amendements adoptés par votre commission des finances concourent à alléger la charge des impôts. L'ensemble des modifications fiscales qui sont proposées à l'Assemblée s'inscrit dans la démarche fixée par le Gouvernement en début de législature. Le rééquilibrage entre fiscalité du travail et fiscalité du capital a été engagé. L'allégement des charges pesant sur les ménages, notamment les plus modestes, doit être poursuivi.

M. Christian Cuvilliez.

Absolument !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

L'assujettissement au taux réduit de TVA des travaux portant sur des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans illustre, comme un cas d'école, les vertus du travail commun entre un Gouvernement et sa majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert).

S'appuyant sur une résolution votée par l'Assemblée nationale, sur proposition de la commission des finances, le Gouvernement a oeuvré au sein des instances communautaires pour faire aboutir, lors du Conseil du 8 octobre 1999, les négociations sur la directive relative aux services à forte intensité de main-d'oeuvre.

C ette mesure importante soutiendra l'activité et l'emploi, et contribuera à lutter contre le travail au noir.

Elle s'accompagne de la suppression de la réduction d'impôt pour grosses réparations. Cependant, un nouveau crédit d'impôt de 15 % est mis en place pour certains équipements qui, en raison des termes de l'accord conclu au niveau communautaire, ne bénéficieront pas de la baisse des taux de la TVA, et le crédit d'impôt pour travaux d'entretien est maintenu à hauteur de 5 % des dépenses sans modification des plafonds.

L'effet de la mesure serait un allégement de la charge fiscale pesant sur quelque 10 millions de ménages concernés : 5 milliards de francs sur l'exercice 1999, puisque la mesure est applicable dès le 15 septembre de cette année ; 19,7 milliards de francs en 2000 et 17,3 milliards de francs en 2001, en considérant l'effet net de l'abaissement du taux de TVA et de la modification des dispositions relatives à l'impôt sur le revenu.

La directive précitée a également autorisé les Etats membres de l'Union européenne à soumettre au taux réduit de TVA les services d'aide à la personne, à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2002.

Le législateur devra, en tout état de cause, messieurs les ministres, rester vigilant face au risque de banalisation du régime des associations, qui pourrait affecter, à terme, la pérennité des prestations offertes aux publics en difficulté.

Les mesures TVA relatives aux travaux dans les logements et aux services à la personne n'épuisent pas le sujet de la TVA.

M. Jean-Pierre Brard.

Tout à fait ! Une fois qu'on a un taux, il faut une assiette !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Beaucoup a déjà été fait, puisque le total des baisses ciblées mises en oeuvre depuis la loi de finances initiale pour 1998 est désormais supérieur à 30 milliards de francs. Certains secteurs pourraient être assujettis au taux réduit sur la base du droit communautaire existant.

Par ailleurs, malgré les obstacles juridiques qui s'opposent encore à une extension du taux réduit de TVA à la restauration, on doit convenir - et vous l'avez fait, monsieur le ministre - que son régime fiscal n'est pas satisfaisant et que ce secteur demeure une priorité à moyen terme.

Le Gouvernement propose également de poursuivre la baisse des droits de mutation à titre onéreux, engagée dans la loi de finances initiale pour 1999. Parallèlement, la gestion de l'impôt serait simplifiée puisqu'un même taux serait applicable aux cessions, sans tenir compte de l'affectation, professionnelle ou d'habitation, des immeubles concernés. La compensation des pertes de recettes pour les départements se fait selon les règles propres au régime de la fiscalité transférée défini par la loi du 7 janvier 1983.

Pour autant, on a certainement trop recours aujourd'hui à des mécanismes automatiques de compensation qui ne tiennent pas compte des inégalités de richesse.

Comme l'an dernier, je dois donc appeler de mes voeux une extension des mécanismes de péréquation, c'est aussi le souhait de la commission des finances.

Celle-ci a adopté un amendement tendant à permettre une réfaction d'assiette de 50 % pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit sur les parts et actions de sociétés que leurs propriétaires se sont engagés à conserver pendant au moins huit ans, sous conditions, parfois même seize ans.

M. Philippe Auberger.

C'est ce que nous avions voté en 1995 et que vous avez démoli !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cette mesure tend à inciter à la constitution et au maintien à long terme d'un actionnariat stratégique dans l'entreprise. Elle part du constat - et vous ne pouvez, messieurs les ministres, qu'y être sensibles - qu'il existe aujourd'hui un écart défavorable entre la France et ses principaux partenaires au regards des droits de mutation à titre gratuit. Le dispositif adopté à l'unanimité par la commission des finances vise à assurer la pérennité de la structure de détention du capital des sociétés favorisant le maintien en France des décisions et des fonctions stratégiques des entreprises. Il est équilibré, en ce sens qu'il garantit une proportionnalité entre les engagements à prendre et les avantages consentis.

M. Jean-Jacques Jégou.

Y aurait-il un problème, monsieur le rapporteur général ?

M. Philippe Auberger.

Vous en seriez-vous enfin rendu compte ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La charge fiscale pesant sur les ménages serait également allégée grâce à l a suppression de la contribution annuelle représentative du droit de bail. Cette suppression bénéficierait, en 2000, à 80 % des locataires et à plus de 90 % des locataires d'HLM. En deux ans, tous les locataires seront concernés par cette suppression proposée par M. Gayssot. La commission des finances a d'ailleurs adopté un amendement, issu de la majorité plurielle, tendant à relever à 36 000 francs par an le plafond de loyer annuel ouvrant droit, dès 2000, à l'exonération de la contribution représentative du droit de bail. C'est une taxe sur les loyers de 2,5 % qui disparaît ainsi et procure un supplément de revenu disponible appréciable pour les ménages les plus modestes, ceux qui consacrent une part plus importante de leur revenu à un besoin élémentaire : le logement. Il n'est pas étonnant que la proposition vienne du ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Sans passer en revue le détail de l'ensemble des mesures fiscales que nous allons devoir examiner, je souligne l'intérêt pour les familles concernées de la suppres-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

sion du droit d'inscription au baccalauréat et aux princip aux examens. Cette mesure rejoint les arbitrages précédemment évoqués à propos des crédits de l'éducation nationale.

De même, sous réserve de l'ajustement programmé des taxes sur le diesel, la TIPP restera stable pour la deuxième année consécutive.

M. Jean-Louis Dumont.

C'est exceptionnel !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il reste que votre commission appelle le Gouvernement à la vigilance, s'agissant des mécanismes de formation des prix à la pompe. Autant les distributeurs ont été lents à répercuter la baisse des prix du brut, autant ils sont, aujourd'hui, bien prompts à répercuter les hausses. J'invite le Gouvernement à inciter les industriels concernés à prendre davantage en compte le consommateur.

M. Jean-Louis Dumont.

Voilà qui est bien parlé !

M. Philippe Auberger.

Ce sont des paroles, il faut des actes !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Concernant, enfin, les ménages, le président Bonrepaux reviendra dans un instant sur une proposition concernant les stockoptions.

M. Philippe Auberger.

Oh là là, ça chauffe !

M. Jean-Jacques Jégou.

Morceau de bravoure !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cette proposition n'est pas, dans notre esprit, incompatible avec la remise à plat de ce dispositif, que vous appelez de vos voeux monsieur le ministre, et que nous souhaitons également extrêmement rapide.

Je me réjouis également des mesures favorables qui seront soumises au vote de notre assemblée concernant les associations.

La première, à l'initiative du Gouvernement, propose que les organismes constitués sous forme associative dont la gestion est désintéressée puissent exercer des activités lucratives accessoires tout en restant exonérés des impôts commerciaux, sous certaines conditions et limitations.

Cette disposition traduit la volonté du Gouvernement de poursuivre son travail de clarification du régime fiscal des associations, tout en prenant en compte la spécificité de leur action au service de la collectivité nationale.

La seconde, à l'initiative de la commission des finances, tend à relever le montant de l'abattement de taxe sur les salaires dont bénéficient, notamment, les associations.

La commission des finances a également manifesté son intention qu'une réforme ambitieuse de la taxe d'habitation soit entreprise au plus tôt. Le caractère injuste de cette taxe a maintes fois été dénoncé. Bien sûr, une réforme globale est difficile à mettre en oeuvre, ne serait-ce que parce que la révision des valeurs cadastrales, constamment repoussée, se traduirait par des hausses significatives de la taxe d'habitation pour certains contribuables modestes et qu'elle pourrait accroître les dégrèvements pris en charge par l'Etat.

Cependant, le contexte financier est aujourd'hui plus favorable. D'ailleurs, le Gouvernement a indiqué que le projet de loi de finances pour 2001 serait l'occasion d'une réforme des prélèvements directs. Nul doute, alors, qu'une place importante sera faite aux propositions émanant de la représentation nationale. Nul doute, en tout cas, que celle-ci saura rappeler, le moment venu, les orientations qu'elle entend imprimer à cette réforme annoncée, à l'occasion, notamment, du rendez-vous que nous vous fixons dès le premier semestre 2000 pour a pprécier si des réductions supplémentaires d'impôt peuvent être décidées en fonction de la croissance.

M. Jean-Pierre Brard.

Parfait !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Pour l'heure, la commission des finances a décidé d'aller au-delà de la proposition du Gouvernement tendant à maintenir pendant un an l'exonération de taxe d'habitation dont bénéficient les RMIstes lorsqu'ils retrouvent un emploi. Elle vous propose de réduire de 1 500 à 1 200 francs le montant maximum de la taxe d'habitation supportée par les plus modestes. Bien évidemmment, cette mesure doit être entendue comme un premier pas et non comme un aboutissement.

Je salue enfin l'effort de simplification fiscale qui amène le Gouvernement à proposer de supprimer une cinquantaine d'impôts et taxes. Ceux-ci se caractérisaient plus par leur archaïsme que par leur efficacité redistributive ou leur rendement budgétaire. La modernisation de l'administration passe aussi par la simplification des tâches qui lui sont demandées, et je ne doute pas que la suppression de la taxe sur les jeux de boule et de quilles dont on a déjà parlé et, plus sérieusement, que les autres mesures de simplification seront dûment intégrées par les administrations concernées dans leur projet de service.

Contrairement à ce que l'on a parfois prétendu, les entreprises ne sont pas « matraquées » : le Rapport économique et financier montre, à cet égard, que les mesures prises en faveur des entreprises permettent de neutraliser en 1999 et 2000 les alourdissements temporaires décidés en 1997 et 1998, ...

M. Philippe Auberger.

Personne n'y croit !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... y compris avec les mesures adoptées par votre commission sur l'avoir fiscal et le crédit d'impôt emploi. Ces propositions nous paraissent tout à fait supportables.

L'extinction de la surtaxe temporaire de l'impôt sur les sociétés et le relèvement à 300 000 francs de l'abattement par établissement de la part « salaires » de l'assiette de la taxe professionnelle ainsi que le volume croissant des aides accordées dans le cadre de la réduction du temps de travail constituent les principales mesures de rééquilibrage.

La commission des finances a enfin souhaité que le Gouvernement engage, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, une réflexion sur les moyens de limiter les mouvements internationaux de capitaux à caractère spéculatif et de lutter contre la fraude fiscale internationale, et qu'il fasse des propositions, car, en la matière, la réflexion ne saurait suffire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

S'agissant des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, l'année 2000 constituera la deuxième année d'application du « contrat de croissance et de solidarité ».

Ce dernier sera donc indexé sur l'évolution des prix mais également sur 25 % du PIB.

La dotation globale de fonctionnement ne devrait augmenter que de 0,8 %, compte tenu notamment de la régularisation négative au titre de 1998. Cependant, le projet de loi propose de majorer de 200 millions de francs la dotation d'aménagement de la DGF, afin de préserver la DSU et la DSR. Mieux, un amendement du Gouvernement abonde, aux termes d'un engagement du


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Premier ministre, de 500 millions de francs supplémentaires la DSU, qui progresserait ainsi de 60 % entre 1998 et 2000.

La commission a également souhaité majorer la fraction « bourgs-centres » de la DSR de 150 millions de francs et reconduire le dispositif voté l'an dernier pour compenser la baisse de dotation de compensation de la taxe professionnelle des collectivités défavorisées.

Par ailleurs, elle a adopté un amendement permettant d'indexer la compensation de la réforme de la taxe professionnelle sur l'évolution de la DGF hors recalage et régularisation. Cette compensation devrait ainsi progresser de 2,05 % au lieu de 0,8 %. Le présent projet de loi de finances confirme le choix majeur de l'emploi, qui est au coeur de la politique gouvernementale conduite depuis 1997. La continuité de la politique économique et budgétaire est la meilleure garante de son succès. Elle a permis à notre pays de renouer avec la croissance, de faire reculer le chômage, même si nous avons encore beaucoup de progrès à faire, et de rétablir le lien social.

La commission des finances vous propose d'adopter ce projet de loi de finances, qui répond aux besoins de notre société, sous réserve des amendements qu'elle a adoptés et q ui confortent les orientations du Gouvernement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de finances est un moment fort dans la vie de notre assemblée. Il est l'occasion de dresser le bilan de la politique économique du Gouvernement et de décider des orientations que nous souhaitons donner à notre pays.

Cet exercice, rituel, peut paraître routinier. Il est tout de même la traduction concrète de la capacité des citoyens à infléchir, par l'intermédiaire de leurs représentants, le destin de notre pays.

A l'heure de la mondialisation et des discours sur la perte d'influence du politique, les lois de finances et les débats souvent animés qui les entourent démontrent que, en dépit des contraintes, il existe encore une capacité d'action démocratique, qu'une politique de droite diffère d'une politique de gauche tant dans ses modalités que dans ses résultats.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Pour les résultats, les faits parlent d'eux-mêmes : depuis juin 1997, notre pays se porte mieux.

M. Pierre Méhaignerie.

Depuis 1981 ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Bien sûr, nous n'avons pas encore apporté toutes les solutions à la misère et à la détresse d'un beaucoup trop grand nombre de nos compatriotes, mais la France va mieux.

Je pourrais égrener la liste des indicateurs favorables le PIB, la croissance des salaires, le dynamisme des entreprises -, mais je souhaite n'en retenir qu'un : en deux ans et demi, nous avons plus qu'effacé la hausse du chômage provoquée par plus de quatre années de politique de droite. Il y a aujourd'hui moins de chômeurs qu'au début de l'année 1993.

Ce résultat n'est pas l'effet du hasard, ou d'une heureuse conjoncture dont n'auraient pas bénéficié nos prédécesseurs. Entre 1993 et 1997, nous avons fait moins bien que nos principaux partenaires européens. Depuis 1997, nous avons connu des performances économiques supérieures. Reconnaissons que le mérite en revient à ce gouvernement, et en particulier au ministre de l'économie et des finances, qui a su gérer avec brio (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance)...

M. Jean-Jacques Jégou.

Il a quelque chose à se faire pardonner, le président ! (Sourires.)

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

... les désordres économiques mondiaux qui ont agité notre planète pendant près de deux ans. Je n'aurai d'ailleurs pas la cruauté de rappeler à certains de mes collègues de l'opposition combien les prévisions les plus apocalyptiques qu'ils formulaient sur ces mêmes bancs l'an dernier, et qu'ils ne manqueront pas de renouveler certainement aujourd'hui, se sont révélés fausses... pour le plus grand bien de notre pays.

Ce bilan ne doit cependant pas nous enfermer dans l'autosatisfaction...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Oh non !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

... car la misère, l'exclusion, le chômage restent malheureusement le lot quotidien de plusieurs millions de personnes. Il nous faut au contraire persévérer et garder le cap.

Nous avons un objectif, gagner le pari du retour au plein emploi, et une méthode : créer des emplois grâce à u ne croissance soutenue par la consommation des ménages et la modernisation de notre système productif.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

La loi de finances qui nous est proposée cette année s'inscrit pleinement dans cette perspective, et je m'en tiendrai ici à son volet recettes. La fiscalité n'est qu'un des aspects du budget mais, par ses choix, elle permet de favoriser l'emploi en soutenant des secteurs essentiels et de réduire les inégalités.

La création d'emplois est au coeur des réformes fiscales proposées par le Gouvernement. Elle sera fortement stimulée cette année par la baisse des impôts indirects, qui avaient fortement crû sous la précédente législature.

Plutôt que de saupoudrer des baisses d'impôts sur de multiples secteurs avec des résultats incertains, nous avons choisi une solution simple et claire qui concilie au mieux la création d'emplois et la baisse des prélèvements, en concentrant nos efforts sur le secteur du bâtiment-travaux publics et du logement.

Plusieurs mesures sont prises en ce sens : la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien et de rénovation des logements, la baisse des « frais de notaire », la suppression du droit de bail pour les locataires, la montée en charge de l'amortissement Besson, la poursuite de la baisse de la taxe professionnelle, qui favorise en priorité les entreprises artisanales intensives en main-d'oeuvre.

Au total, ces mesures représentent plus de 30 milliards de francs, dont 20 milliards consacrés à la baisse de la TVA.

Le choix du bâtiment n'est pas neutre. Il s'agit d'un secteur particulièrement entraînant dans notre économie, qui a connu une hémorragie d'emplois ces dernières


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

années. De plus, les employés de ce secteur sont essentiellement des travailleurs peu qualifiés, qui sont la catégorie la plus touchée par le chômage.

Grâce à la baisse de la TVA, près de 30 000 emplois seront créés dans le secteur. Sur le terrain, on constate que l'entrée en vigueur de la mesure au 15 septembre a déjà donné un coup de fouet aux commandes des entreprises. Charge à elles maintenant de répondre à la demande en créant des emplois plutôt qu'en augmentant les prix ou les délais de réalisation des travaux.

Cette baisse des impôts indirects a été voulue par notre assemblée et obtenue grâce à la ténacité du Gouvernement pour convaincre ses partenaires européens. Bien sûr, nous aurions aimé aller plus loin tant la hausse de la TVA de deux points décidée par le gouvernement précédent a pénalisé de nombreux secteurs. La restauration traditionnelle, en particulier, a été mise à mal par l'écart grandissant avec la TVA applicable à la restauration chez nos voisins, en Italie, en Espagne et au Portugal.

Sur ce point, il faut être clair. Nous sommes tous entièrement convaincus de l'importance de soutenir la restauration traditionnelle face à ce que d'aucuns ont appelé la « mal-bouffe », mais la question de la TVA ne saurait résumer à elle seule cet enjeu d'ordre culturel, même si elle en est un élément important.

La négociation européenne n'a pas permis d'avancer sur la TVA à taux réduit autant que nous l'aurions souhaité. Pour autant, le sujet n'est pas clos et je ne doute pas que le Gouvernement continue de faire oeuvre de conviction pour résoudre ce problème. L'idéal serait d'obtenir la création d'un taux intermédiaire qui nous permettrait d'abaisser progressivement, par étapes, le taux maximal. Lorsque cette étape sera franchie, et je suis certain qu'elle le sera, nous prendrons nos responsabilités.

En tout cas, la meilleure garantie de baisses d'impôts futures réside dans le prolongement du succès de la politique gouvernementale, qui permet de dégager des marges de manoeuvre budgétaire pour baisser les impôts sans altérer le bon fonctionnement des missions de l'Etat.

Mais la baisse des impôts indirects ne pourra à l'avenir être notre seule priorité. Nous devrons en tout premier lieu engager l'an prochain une réforme des impôts directs pour alléger la charge fiscale des Français les plus modestes.

Par impôts directs, il faut bien savoir ce que l'on entend. Bien sûr, il y a l'impôt sur le revenu et la taxe d'habitation. Permettez-moi d'ajouter la contribution sociale généralisée. Il faudrait penser d'abord à la CSG, ensuite à la taxe d'habitation et, enfin, à l'impôt sur le revenu. C'est l'ordre des priorités si nous voulons réaliser une véritable redistribution.

M. Jean-Pierre Brard.

Très juste !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Pour la taxe d'habitation, la commission propose dès cette année un geste pour les plus modestes en baissant la cotisation minimale de 1 500 à 1 200 francs.

Pour la CSG, j'ai proposé un allégement pour les détenteurs de petits revenus. Cela sera examiné dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il faut souligner l'importance que nous attachons à une telle mesure, qui doit avoir des prolongements l'an prochain. Il faut un peu plus de progressivité dans ce que certains appellent une contribution mais qui est en réalité un impôt.

Avec l'emploi, la redistribution est le deuxième objectif de cette loi de finances.

Depuis juin 1997, la politique fiscale a eu un véritable impact redistributif, mais nous sommes encore bien loin d'avoir corrigé les errements passés, notamment l'augmentation des impôts indirects, de la TIPP ou de la TVA entre 1993 et 1997. Nous avons baissé de 53,3 milliards les impôts en faveur de l'activité et augmenté de 28,9 milliards ceux qui pèsent sur les revenus du capital. Au total, par rapport à juin 1997 et en incluant les dispositions de la loi de finances initiale pour 2000, 90 % des ménages connaîtront une baisse d'impôt de l'ordre de 28 milliards de francs, et seuls 10 % des ménages, ayant les revenus les plus élevés, seront pénalisés par une hausse d'impôt de 2,8 milliards de francs.

Ces mesures non seulement soutiennent le pouvoir d'achat des salariés, et donc la croissance, mais elles combattent réellement les inégalités.

Ces dernières se sont nettement accrues au cours des trente dernières années entre une infime minorité dont les revenus se sont envolés et la quasi-totalité des autres dont le pouvoir d'achat a crû modestement chaque année. L'INSEE soulignait d'ailleurs dans un rapport récent que les inégalités ont recommencé à croître dans les années 90.

Que l'on ne se méprenne pas ! Les 10 % les plus riches n'ont pas été appauvris par les mesures fiscales prises depuis 1997, ils ont tout simplement un peu plus partagé les fruits de la progression très rapide de leurs revenus.

Quand on sait que cette minorité concentre l'essentiel des actions détenues par les ménages et que la valeur de celles-ci augmente à un rythme de plus de 20 % par an, on peut légitimement penser qu'il y a encore des marges pour redistribuer sans provoquer l'exode de nos élites vers des contrées plus clémentes, dans le domaine fiscal tout au moins.

La loi de finances pour 2000 s'inscrit dans le prolongement de la lutte contre les inégalités mise en oeuvre par les précédentes lois de finances. Pourtant, il me semble qu'elle insiste davantage sur le volet de l'emploi que sur l'aspect de la redistribution. De ce point de vue, je pense que le débat budgétaire permettra d'améliorer encore le projet.

J'ai déjà mentionné nos propositions sur la taxe d'habitation et sur la CSG, j'y ajoute l'amendement de la commission des finances sur les stock-options.

Tout citoyen normalement constitué n'a pu qu'être effaré par la révélation des plus-values que réalisent certains dirigeants.

M. Christian Cuvilliez.

Scandaleux !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Les cas les plus médiatiques et emblématiques sont bien connus. Les plus-values sur stock-options et les primes de départ dépassent la centaine de millions de francs. Dans ma circonscription, certains pensent que ce sont des centimes. Mais non, ce sont des francs ! Vous même, monsieur le ministre, vous avez rappelé à juste titre que ces sommes dépassaient l'entendement, surtout lorsque l'on sait que la moitié des ménages français ont un patrimoine inférieur à 450 000 francs et les trois quarts des ménages un patrimoine inférieur à 1 million de francs. On comprendra qu'on soit effaré quand des plus-values dépassent des centaines de millions de francs.

La régulation en ce domaine est plus que nécessaire.

S'il faut indéniablement accroître la transparence pour faire reculer les abus, il est aussi nécessaire de marquer


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

par la fiscalité que, passé un certain seuil, ces plus-values ne ressortent plus du cadre de l'intéressement aux résultats de l'entreprise...

M. Christian Cuvilliez.

C'est le pillage de l'entreprise.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

... et doivent être taxées à un taux proche du taux marginal de l'impôt sur le revenu. Cette démarche est loin d'être révolutionnaire, puisque les Etats-Unis l'ont adoptée, avec des seuils encore plus drastiques que ceux que je propose. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans le débat.

Je voudrais évoquer cet autre cadeau qu'on appelle

« indemnités de licenciement », termes qui me semblent peu appropriés quand on fait référence à un pactole de quelques dizaines de millions.

Ce cadeau de millions de francs au PDG en place pour qu'il quitte l'entreprise est appelé par les Anglo-Saxons un

« parachute doré ». L'expression correspond bien aux cas que nous connaissons. Le PDG, pilote de l'entreprise, non seulement abandonne ses salariés à leur sort, échoue dans le projet pour lequel il a été mandaté et quitte l'avion avec un parachute fait de millions de francs, pour une part non négligeable en franchise d'impôt. Cette pratique me paraît inacceptable et contraire à la morale publique, à l'intérêt des salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert) et j'ajouterai, une fois n'est pas coutume, à celui des actionnaires. On peut donc plus que s'interroger sur la justification de l'exonération fiscale de ces parachutes dorés.

La redistribution ne s'arrête pas aux seuls prélèvements sur les ménages. La cohésion de notre pays passe par l'action des collectivités locales, qui ont une action essentielle envers les publics défavorisés.

Le Premier ministre a annoncé une majoration de la DSU. Cela constitue une avancée considérable, qui permettra de régler une bonne partie des problèmes. Par ailleurs, la commission des finances propose d'augmenter la dotation de solidarité « bourgs-centres » de 150 millions car les zones rurales, souvent stigmatisées, sont aussi confrontées à de grosses difficultés. De cette façon, la solidarité s'exprimera à la fois vis-à-vis des zones urbaines et des zones rurales.

M. Christian Cuvilliez.

C'est une mesure de justice !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Le renforcement des aides aux collectivités locales en difficulté n'est pas une mesure destinée à satisfaire les élus locaux que nous sommes, mais une mesure essentielle de lutte contre les inégalités territoriales, qui recouvrent le plus souvent les inégalités sociales.

Un dernier mot sur un thème qui nous préoccupe au plus haut point, même s'il n'est pas du seul ressort de la loi de finances.

La libéralisation des marchés de capitaux a considérablement accru l'instabilité de nos économies, encouragé la spéculation et, parfois, réduit l'autonomie des gouvernements démocratiquement élus. L'instauration d'une taxe sur les opérations de change, dite taxe Tobin, permettrait de freiner les mouvements de capitaux spéculatifs de court terme et réduirait la vulnérabilité de nos économies vis-à-vis des marchés financiers.

Cette taxe n'est bien évidemment qu'un des éléments de réponse aux dysfonctionnements des marchés financiers et doit s'articuler avec des mesures fortes en matière de lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux ou d'harmonisation de la fiscalité des revenus de l'épargne en Europe.

Si je suis favorable à l'instauration d'une taxe Tobin, il me semble que, pour avoir un impact effectif, elle devrait être appliquée sur une zone géographique large. C'est le sens de la motion adoptée par la Chambre des communes du Canada l'hiver dernier : « Que, de l'avis de la Chambre, le Gouvernement devrait décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec la communauté internationale. »

Sans attendre un accord du G 7 ou du FMI sur ce point, l'Europe pourrait être la zone minimale d'application de la taxe Tobin, comme le rappelait récemment le président d'Attac, M. Bernard Cassen : « C'est au sein de l'Union européenne que le combat pour la taxe Tobin peut actuellement avoir le plus d'impact. La zone euro pourrait techniquement se constituer sans difficulté en "zone Tobin". »

La commission des finances a adopté un amendement afin que le Gouvernement mette la question de la taxe Tobin et de la lutte contre les paradis fiscaux à l'ordre du jour du Conseil européen, dont la France assurera la présidence l'an prochain.

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

En quelques mots, j'ai ainsi rappelé la qualité du travail accompli par le Gouvernement et la justesse des orientations économiques que ce projet de loi de finances nous invite à approfondir. Enrichie par le débat et les propositions du Parlement, je suis persuadé que la loi de finances constituera un outil fondamental dans la reconquête de l'emploi et l'affermissement de la cohésion sociale de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (no 1805) : M. Didier Migaud, raporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

A N N E X E

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 19 octobre 1999) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 19 octobre 1999 au vendredi 5 novembre 1999 inclus a été ainsi fixé :


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Mardi 19 octobre 1999, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 1786 rectifié et 1826).

Discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861, 1862 à 1866).

Mercredi 20 octobre 1999, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures, jeudi 21 octobre 1999, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, et vendredi 22 octobre 1999, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, et, éventuellement, lundi 25 octobre 1999, le soir, à 21 heures : Suite de la discussion générale et de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861, 1862 à 1866).

(Le débat sur le prélèvement au bénéfice des Communauté s européennes aura lieu le jeudi 21 octobre 1999, à 15 heures.) Mardi 26 octobre 1999 : Le matin, à 9 heures : Discussion de la proposition de résolution de Mme Béatrice Marre sur la préparation de la conférence ministérielle de l'OMC à Seattle (no E 1285) (nos 1825 et 1834).

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur la première partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861, 1862 à 1866).

Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (no 1835).

Mercredi 27 octobre 1999, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures, jeudi 28 octobre 1999, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures, et, éventuellement, vendredi 29 octobre 1999, le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (no 1835).

Mardi 2 novembre 1999 : Le matin, à 10 heures : Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861, 1862 à 1866) : services du Premier ministre : services généraux, SGDN, Conseil économique et social, Plan, Journaux officiels ; enseignement supérieur, recherche et technologie.

L'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (no 1835).

Suite de l'ordre du jour du matin.

Mercredi 3 novembre 1999, l'après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 21 heures : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861, 1862 à 1866) : fonction publique, réforme de l'Etat et décentralisation ; anciens combattants.

Jeudi 4 novembre 1999, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : équipement et transports.

Vendredi 5 novembre 1999, le matin, à 9 heures, l'aprèsmidi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures : culture ; intérieur.

Discussion du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (no 1809).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL de la 1re séance du mardi 19 octobre 1999 SCRUTIN (no 192) sur l'ensemble du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

Nombre de votants .....................................

572 Nombre de suffrages exprimés ....................

570 Majorité absolue ..........................................

286 Pour l'adoption ...................

315 Contre ..................................

255 L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN Groupe socialiste (252) : Pour : 251. - MM. Yvon Abiven , Maurice Adevah-Poeuf , Stéphane Alaize , Damien Alary , Mme Sylvie Andrieux ,

M M. Léo Andy , Jean-Marie Aubron , Jean-Marc Ayrault , Jean-Paul Bacquet , Dominique Baert , JeanPierre Baeumler , Jean-Pierre Balduyck , Jean-Pierre Balligand , Gérard Bapt , Alain Barrau , Jacques Bascou , Christian Bataille , Jean-Claude Bateux , Jean-Claude B eauchaud , Mme Yvette Benayoun-Nakache , MM. Henri Bertholet , Eric Besson , Jean-Louis Bianco , A ndré Billardon , Jean-Pierre Blazy , Serge Blisko , Patrick Bloche , Jean-Marie Bockel , Jean-Claude Bois , Daniel Boisserie , Maxime Bono , Augustin Bonrepaux , André Borel , Jean-Michel Boucheron , Jean-Claude Boulard , Didier Boulaud , Pierre Bourguignon , Christian Bourquin , Mme Danielle Bousquet , MM. Jean-Pierre Braine , Pierre Brana , Mme Frédérique Bredin , M. JeanPaul Bret , Mme Nicole Bricq , MM. François Brottes , Vincent Burroni , Marcel Cabiddu , Alain Cacheux , Jérôme Cahuzac , Alain Calmat , Jean-Christophe Cambadelis , André Capet , Thierry Carcenac , Christophe Caresche , Mmes Véronique Carrion-Bastok , Odette Casanova , MM. Laurent Cathala , Jean-Yves Caullet , Bernard Cazeneuve , Jean-Paul Chanteguet , Guy-Michel C hauveau , Jean-Claude Chazal , Daniel Chevallier , Didier Chouat , Alain Claeys , Mme Marie-Françoise Clergeau , MM. Jean Codognès , Pierre Cohen , François Colcombet , Mme Monique Collange , MM. François Cuillandre , Jean-Claude Daniel , Jacky Darne , Camille Darsières , Michel Dasseux , Yves Dauge , Mme Martine David , MM. Bernard Davoine , Philippe Decaudin , Marcel Dehoux , Jean Delobel , François Deluga , JeanJacques Denis , Mme Monique Denise , MM. Bernard D erosier , Claude Desbons , Michel Destot , Paul Dhaille , Marc Dolez , François Dosé , René Dosière , Mme Brigitte Douay , MM. Raymond Douyère , Julien Dray , Tony Dreyfus , Pierre Ducout , Jean-Pierre Dufau , Mme Laurence Dumont , MM. Jean-Louis Dumont , Dominique Dupilet , Jean-Paul Dupré , Yves Durand , Jean-Paul Durieux , Philippe Duron , Jean Espilondo , C laude Evin , Alain Fabre-Pujol , Albert Facon , Mme Nicole Feidt , MM. Jean-Jacques Filleul , Jacques Fleury , Jacques Floch , Pierre Forgues , Raymond Forni , Jean-Louis Fousseret , Michel Françaix , Christian Franqueville , Georges Frêche , Gérard Fuchs , Robert Gaïa , Yann Galut , Roland Garrigues , Jean-Yves Gateaud , Jean G aubert , Mme Catherine Génisson , MM. André Godin , Gaëtan Gorce , Alain Gouriou , Gérard Gouzes , Joël Goyheneix , Bernard Grasset , Michel Grégoire , Mmes Odette Grzegrzulka , Paulette Guinchard-Kunst ler , MM. Jacques Guyard , Francis Hammel , Mme Cécile Helle , MM. Edmond Hervé , Jacques Heuclin , François Hollande , Jean-Louis Idiart , Mme Françoise Imbert , MM. Claude Jacquot , Serge Janquin , Jacky Jaulneau , Armand Jung , Jean-Noël Kerdraon , Bertrand Kern , Jean-Pierre Kucheida , André Labarrère , Mme Conchita Lacuey , MM. Jérôme Lambert , François L amy , Pierre-Claude Lanfranca , Jack Lang , Jean Launay , Mmes Jacqueline Lazard , Christine Lazerges , MM. Gilbert Le Bris , Jean-Yves Le Déaut , Mme Claudine Ledoux , MM. Jean-Yves Le Drian , Michel Lefait , Jean Le Garrec , Jean-Marie Le Guen , Patrick Lemasle , Georges Lemoine , Bruno Le Roux , René Leroux , Mme Raymonde Le Texier , MM. Alain Le Vern ,

M ichel Liebgott , Mme Martine Lignières-Cassou ,

M M. Gérard Lindeperg , François Loncle , Bernard Madrelle , René Mangin , Jean-Pierre Marché , Daniel Marcovitch , Jean-Paul Mariot , Mme Béatrice Marre , MM. Daniel Marsin , Marius Masse , Didier Mathus , Gilbert Maurer , Guy Menut , Louis Mermaz , Roland Metzinger , Louis Mexandeau , Jean Michel , Didier Migaud , Mme Hélène Mignon , MM. Gilbert Mitterrand , Yvon Montané , Gabriel Montcharmont , Arnaud Montebourg , Philippe Nauche , Bernard Nayral , Henri Nayrou , Mme Véronique Neiertz , MM. Alain Néri , Michel Pajon , Joseph Parrenin , François Patriat , Christian Paul , Vincent Peillon , Germinal Peiro , Jean-Claude Perez , Jean-Pierre Pernot , Mmes Marie-Françoise PérolDumont , Geneviève Perrin-Gaillard , Annette PeulvastBergeal , Catherine Picard , MM. Paul Quilès , Alfred Recours , Gérard Revol , Mme Marie-Line Reynaud , M. Patrick Rimbert , Mme Michèle Rivasi , MM. Alain Rodet , Marcel Rogemont , Bernard Roman , Yves Rome , Gilbert Roseau , Mme Yvette Roudy , MM. Jean Rouger , R ené Rouquet , Michel Sainte-Marie , Mme Odile Saugues , MM. Bernard Seux , Patrick Sève , Henri Sicre , Michel Tamaya , Mmes Catherine Tasca , Christiane Taubira-Delannon , MM. Yves Tavernier , Pascal Terrasse , Gérard Terrier , Mmes Marisol Touraine , Odette Trupin , MM. Joseph Tyrode , Daniel Vachez , André Vallini , André Vauchez , Michel Vauzelle , Michel Vergnier , Alain Veyret , Alain Vidalies , Jean-Claude Viollet , Philippe Vuilque et Kofi Yamgnane

Non-votant : M. Laurent Fabius (président de l'Assemblée nationale).

Groupe RPR (136) : C ontre : 135. - MM. Jean-Claude Abrioux , Bernard Accoyer , Mme Michèle Alliot-Marie , MM. René André , André Angot , Philippe Auberger , Pierre Aubry , Jean Auclair , Gautier Audinot , Mmes Martine Aurillac , Roselyne Bachelot-Narquin , MM. Edouard Balladur , Jean Bardet , François Baroin , Jacques Baumel , Christian Bergelin , André Berthol , Léon Bertrand , Jean-Yves Besselat , Jean Besson , Franck Borotra , Bruno Bourg-Broc ,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Michel Bouvard , Victor Brial , Philippe Briand , Michel Buillard , Christian Cabal , Gilles Carrez , Mme Nicole Catala , MM. Jean-Charles Cavaillé , Richard Cazenave , Henry Chabert , Jean-Paul Charié , Jean Charroppin , Philippe Chaulet , Jean-Marc Chavanne , Olivier de Chazeaux , François Cornut-Gentille , Alain Cousin , JeanMichel Couve , Charles Cova , Henri Cuq , Jean-Louis Debré , Lucien Degauchy , Arthur Dehaine , Jean-Pierre D elalande , Patrick Delnatte , Jean-Marie Demange , Xavier Deniau , Yves Deniaud , Eric Doligé , Guy Drut , Jean-Michel Dubernard , Jean-Pierre Dupont , Nicolas D upont-Aignan , Christian Estrosi , Jean-Claude Etienne , Jean Falala , Jean-Michel Ferrand , François Fillon , Roland Francisci , Pierre Frogier , Yves Fromion , Robert Galley , René Galy-Dejean , Henri de Gastines , Jean de Gaulle , Hervé Gaymard , Jean-Pierre Giran , Michel Giraud , Jacques Godfrain , Louis Guédon , JeanClaude Guibal , Lucien Guichon , François Guillaume , Gérard Hamel , Michel Hunault , Michel Inchauspé , Christian Jacob , Didier Julia , Alain Juppé , Jacques Kos-s owski , Jacques Lafleur , Robert Lamy , Pierre Lasbordes , Thierry Lazaro , Pierre Lellouche , JeanClaude Lemoine , Arnaud Lepercq , Jacques Limouzy , Thierry Mariani , Alain Marleix , Franck Marlin , Jean Marsaudon , Philippe Martin , Patrice Martin-Lalande , Jacques Masdeu-Arus , Mme Jacqueline Mathieu-Obadia , MM. Gilbert Meyer , Jean-Claude Mignon , Charles Miossec , Pierre Morange , Renaud Muselier , Jacques Myard , Jean-Marc Nudant , Patrick Ollier , Mme Françoise de Panafieu , MM. Robert Pandraud , Jacques Pélissard , Dominique Perben , Pierre Petit , Etienne Pinte , Serge Poignant , Bernard Pons , Robert Poujade , Didier Quentin , Jean-Bernard Raimond , Jean-Luc Reitzer , Nicolas Sarkozy , André Schneider , Bernard Schreiner , Philippe Séguin , Frantz Taittinger , Michel Terrot , Jean-Claude Thomas , Jean Tiberi , Georges Tron , Anicet Turinay , Jean Ueberschlag , Léon Vachet , Jean Valleix , François Vannson , Roland Vuillaume , Jean-Luc Warsmann et Mme Marie-Jo Zimmermann

Groupe UDF (70) : Contre : 68. - MM. Jean-Pierre Abelin , Pierre Albertini , Pierre-Christophe Baguet , Raymond Barre , Jacques Barrot , Dominique Baudis , François Bayrou , Jean-Louis Bernard , Claude Birraux , Emile Blessig , Mme MarieThérèse Boisseau , MM. Jean-Louis Borloo , Bernard Bosson , Mme Christine Boutin , MM. Loïc Bouvard , Jean Briane , Yves Bur , Dominique Caillaud , Hervé de Charette , Jean-François Chossy , René Couanau , Charles de Courson , Yves Coussain , Marc-Philippe D aubresse , Jean-Claude Decagny , Léonce Deprez , Renaud Donnedieu de Vabres , Philippe Douste-Blazy , R enaud Dutreil , Alain Ferry , Jean-Pierre Foucher , Claude Gaillard , Germain Gengenwin , Valéry Giscard d'Estaing , Gérard Grignon , Hubert Grimault , Pierre Hériaud , Patrick Herr , Mmes Anne-Marie Idrac , Bernadette Isaac-Sibille , MM. Henry Jean-Baptiste , JeanJ acques Jégou , Christian Kert , Edouard Landrain , Jacques Le Nay , Jean-Antoine Leonetti , François Léotard , Maurice Leroy , Roger Lestas , Maurice Ligot , François Loos , Christian Martin , Pierre Méhaignerie , Pierre Micaux , Mme Louise Moreau , MM. Hervé Morin , Jean-Marie Morisset , Arthur Paecht , Dominique Paillé , Henri Plagnol , Jean-Luc Préel , Gilles de Robien , François Rochebloine , Rudy Salles , André Santini , François Sauvadet , Michel Voisin et Pierre-André Wiltzer

Groupe Démocratie libérale et Indépendants (44) : Contre : 44. - Mme Nicole Ameline , M. François d' Aubert , Mme Sylvia Bassot , MM. Jacques Blanc , Roland Blum , Dominique Bussereau , Pierre Cardo , Antoine Carré , Pascal Clément , Georges Colombier , Bernard Deflesselles , Francis Delattre , Franck Dhersin , Laurent Dominati , Dominique Dord , Charles Ehrmann , Nicolas Forissier , Gilbert Gantier , Claude Gatignol , Claude Goasguen , François Goulard , Pierre Hellier , Michel Herbillon , Philippe Houillon , Denis Jacquat , Aimé Kerguéris , Marc Laffineur , Jean-Claude Lenoir , Pierre Lequiller , Alain Madelin , Jean-François Mattei , Michel Meylan , Alain Moyne-Bressand , Yves Nicolin , Paul Patriarche , Bernard Perrut , Jean Proriol , Jean Rigaud , Jean Roatta , José Rossi , Joël Sarlot , Guy Teissier , Philippe Vasseur et Gérard Voisin.

Groupe communiste (35) : Pour : 32. - MM. François Asensi , Gilbert Biessy , Claude B illard , Bernard Birsinger , Alain Bocquet , Patrick Braouezec , Jean-Pierre Brard , Jacques Brunhes , Alain Clary , Christian Cuvilliez , René Dutin , Daniel Feurtet , Mme Jacqueline Fraysse , MM. André Gerin , Pierre Goldberg , Maxime Gremetz , Guy Hermier , Robert H ue , Mmes Muguette Jacquaint , Janine Jambu , MM. André Lajoinie , Patrick Leroy , Félix Leyzour , François Liberti , Patrick Malavieille , Roger Meï , Ernest

M outoussamy , Bernard Outin , Daniel Paul , JeanClaude Sandrier , Michel Vaxès et Jean Vila

Contre : 2. - MM. Patrice Carvalho et Georges Hage

Abstention : 1. - M. Jean-Claude Lefort

Groupe Radical, Citoyen et Vert (33) : Pour : 32. - M. André Aschieri , Mmes Marie-Hélène Aubert , Huguette Bello , MM. Pierre Carassus , Roland C arraz , Gérard Charasse , Bernard Charles , Yves Cochet , Jean-Pierre Defontaine , Roger Franzoni , Guy Hascoët , Claude Hoarau , Elie Hoarau , Robert Honde , Guy Lengagne , Noël Mamère , Jean-Michel Marchand , Alfred Marie-Jeanne , Mme Gilberte Marin-Moskovitz , MM. Jean-Pierre Michel , Jean-Paul Nunzi , Jean Pont ier , Jacques Rebillard , Jean Rigal , Mme Chantal Robin-Rodrigo , MM. Georges Sarre , Gérard Saumade , Roger-Gérard Schwartzenberg , Michel Suchod , Alain Tourret , Emile Vernaudon et Aloyse Warhouver

Abstention : 1. - M. Jacques Desallangre

Non-inscrits (7).

Contre : 6. - MM. Marc Dumoulin , Jean-Jacques Guillet , Lionnel Luca , Charles Millon , Jean-Pierre Soisson et Philippe de Villiers .