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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PHILIPPE

HOUILLON

1. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7603).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 7603)

E xception d'irrecevabilité de M. Jean-Louis Debré : MM. Gilles Carrez, Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Daniel F eurtet, Laurent Dominati, Gérard Fuchs, Philippe Auberger, Charles de Courson. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 7618)

Question préalable de M. José Rossi : MM. Marc Laffineur, le ministre, Mme Béatrice Marre, MM. Gilles Carrez, Christian Cuvilliez, Pierre Hériaud. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance (p. 7629)

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 7629)

MM. Michel Bouvard, Daniel Feurtet, Charles de Courson, Gérard Charasse, Gilbert Gantier.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 7640).

3. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 7640).

4. Dépôt d'un avis (p. 7640).

5. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7640).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRE SIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000 Suite de la discution d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4 du règlement.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Christian Cuvilliez.

Qui va prêcher dans le désert ! Parce qu'il n'y a guère de monde sur les bancs de droite.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avant d'examiner sur le fond ce projet de loi de finances pour 2000 et d'évoquer les motifs d'inconstitutionnalité qui le frappent, je commencerai par des observations de méthode qui mettent en cause les relations entre le Gouvernement et l'Assemblée nationale.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Rien que ça !

M. Gilles Carrez.

Voici un an, le président de l'Assemblée, en posant une question judicieuse - comment dépenser mieux pour prélever moins ? -, a mis en évidence la nécessité d'un meilleur contrôle et d'une meilleure évaluation des dépenses et des recettes publiques par les parlementaires.

La mission d'évaluation et de contrôle, la MEC, a été créée. Elle a été présidée à tour de rôle par notre collègue Augustin Bonrepaux et par Philippe Auberger. Elle a travaillé, comme l'a souligné cet après-midi le rapporteur général, sérieusement, dans un climat constructif, pendant tout le premier semestre, et elle a fait un certain nombre de propositions.

Première question : quel bilan, quelles conséquences peut-on tirer de ce travail en ce qui concerne le projet de budget pour 2000 ? Le premier constat est général : au lieu de dépenser mieux pour prélever moins, votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, prélève d'avantage pour dépenser plus.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

C'est totalement faux, et vous le savez ! Heureusement que vous souriez en disant cela !

M. Gilles Carrez.

Je reviendrai longuement sur ce point ultérieurement.

Quant à la méthode et à la prise en considération du travail des députés, le bilan est pour le moins mitigé, sinon négatif. Le souci de l'objectivité me conduit à dire que quelques efforts sont faits cette année dans le déroulement de la procédure budgétaire, puisque cinq budgets particuliers seront étudiés au fond par les cinq commissions compétentes. J'espère que le Gouvernement jouera le jeu et qu'il dégagera le temps nécessaire à cet examen approfondi en commission.

Je salue aussi le fait - vous voyez, mon objectivité est totale -...

M.Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Pour l'instant !

M. Gilles Carrez.

... que le projet de loi de règlement pour 1998 ait été communiqué au Parlement au moment où s'engageait la procédure budgétaire pour 2000.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il fallait le dire !

M. Gilles Carrez.

Je l'ai dit, monsieur le secrétaire d'Etat.

Cependant, nous sommes tous conscients des limites des évolutions possibles de la procédure budgétaire tant que n'aura pas été réformée l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous y travaillons !

M. Gilles Carrez.

C'est à cela que nous jugerons la volonté réelle du Gouvernement d'associer les parlementaires au contrôle et à l'évaluation de la dépense et de la recette publiques.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Commençons par affirmer une volonté !

M. Gilles Carrez.

Mais, au-delà des questions de procédure, les travaux de fond conduits par la mission d'évaluation et de contrôle sont-ils pris en compte dans ce budget ? Quatre domaines ont été étudiés : le financement des autoroutes, les moyens de la police, les crédits de la formation professionnelle et les aides à l'emploi. Autant dire d'emblée que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances parlementaires.

En ce qui concerne les autoroutes, l'article 33 du projet propose de relever la taxe due par les concessionnaires d'autoroutes, ce qui est exactement contraire auxr ecommandations de la mission d'évaluation et de contrôle et de son rapporteur, Jean-Louis Idiart.

En effet, nous avons tous constaté, dans le cadre de cette mission, l'endettement excessif des sociétés autoroutières, le poids anormal de la fiscalité qui les frappe et


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l a nécessité d'alléger celle-ci. Les parlementaires, à commencer par ceux de la majorité plurielle, ne peuvent que constater le peu de cas que vous faites de leurs recommandations.

En ce qui concerne les personnels de police, ensuite, là où les députés vous proposent de procéder par redéploiement de crédits ou de postes budgétaires dans le souci d'une meilleure efficacité, vous vous contentez d'augmenter les crédits. Le rapporteur sur ce sujet, Toni Dreyfus, appréciera certainement. Il en va de même pour la formation professionnelle, avec l'augmentation des dotations à l'AFPA.

Quatrième domaine étudié, les aides à l'emploi. Nous v errons, demain ou après-demain, si vous acceptez l'amendement présenté par Gérard Bapt relatif au crédit d'impôt pour création d'emplois.

Vu la faible traduction des propositions de la MEC dans le budget, je me demande vraiment où est la culture de résultat, qui doit, si l'on vous en croit, monsieur le secrétaire d'Etat, remplacer la culture de dépense, selon ce que vous avez dit.

En résumé, le bilan est très maigre, pour ne pas dire nul. Plus grave encore, la revendication légitime d'une meilleure transparence, d'une meilleure lisibilité du budget, qui est au coeur des préoccupations du président de l'Assemblée et de la mission d'évaluation et de contrôle, est plus que jamais compromise par ce projet de budget pour 2000. C'est d'autant plus regrettable que vous aviez fait, je le reconnais, un effort dans le budget de 1999, en réintégrant un certain nombre de fonds de concours, ou de dépenses.

Jamais - je dis bien jamais - le démantèlement du budget de l'Etat, la débudgétisation, n'a pris de telles proportions.

Je prendrai l'exemple du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale : 110 milliards de dépense à terme. On ne sait d'ailleurs trop quand : est-ce en 2001, en 2002, en 2003 ? Toutes les conjectures sont permises. Mais 110 milliards, assurément, ça n'est pas une bagatelle ! Vous nous répondrez sans doute que le montage de ce fonds ne relève pas de votre secteur de compétence, mais de celui de votre collègue Mme Aubry, puisqu'il est rattaché au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mais ce n'est pas une excuse, car l'existence de ce fonds contredit totalement votre discours sur la sincérité du budget.

En ce qui concerne la débudgétisation des recettes fiscales, les droits sur le tabac sont arbitrairement soustraits du budget de l'Etat pour être affectés au fonds ; ainsi, 42,5 milliards disparaissent du budget ; c'est un montant jamais égalé !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous n'avez pas fait la même chose pour les droits sur l'alcool ?

M. Gilles Carrez.

Pour des montants qui n'ont rien à voir ! Il s'agissait alors de quelques milliards, et là de plusieurs dizaines de milliards !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Pas du tout : il s'agissait de vingt milliards !

M. Gilles Carrez.

L'énormité de ce prélèvement remet en cause les principes d'unité et d'universalité budgétaires, posés par l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Et même si l'utilisation de ces 42,5 milliards est retracée ailleurs - le rapporteur général s'en est extasié -, je fais remarquer que c'est la moindre des choses ! Il est cependant surprenant, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, que le ministère des finances se prête au jeu de la minoration artificielle des dépenses et des recettes fiscales. C'est très exactement ce que vous avez fait lors de la présentation du budget à la commission des finances, le mois dernier.

Il est encore plus grave que vous ouvriez ainsi la voie à une dispersion de la gestion financière de l'Etat. Du passage à Bercy de Dominique Strauss-Kahn et de vousmême, monsieur le secrétaire d'Etat, l'histoire retiendra peut-être d'abord ce basculement brutal de la responsabilité budgétaire.

J'appelle votre attention sur un effet pervers qui vous a probablement échappé. En pleine explosion des recettes fiscales de l'Etat grâce à la croissance, les recettes fiscales nettes diminuent cependant, en raison du changement de périmètre. Et comme les dotations aux collectivités locales sont indexées sur les recettes fiscales nettes, les dotations aux collectivités locales baissent artificiellement ; c'est un des multiples effets de la non-sincérité de votre budget.

J'évoquerai ensuite la création de nouveaux impôts et leur affection au fonds. Est-ce par soulagement, pour mieux vous targuer de baisser ou de supprimer des impôts, que vous laissez à votre collègue Martine Aubry le soin d'accroître la pression fiscale et de multiplier à l'envi les nouveaux impôts, ou est-ce par impuissance face à des arbitrages de Matignon qui vous sont systématiquement défavorables - majorité plurielle oblige ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est du roman pur !

M. Gilles Carrez.

Non, monsieur le secrétaire d'Etat, et voici pourquoi. Quand vous supprimez la taxe sur les jeux de boules et de quilles, soit 200 000 francs, votre collègue Martine Aubry invente la taxe sur les lessives et les assouplissants, soit plusieurs centaines de millions de francs.

Quand vous supprimez la taxe sur l'examen du baccalauréat, excellente mesure au demeurant, votre collègue se déchaîne sur les granulats minéraux de moins de 125 millimètres de diamètre. Quelques centaines de milliers de francs d'un côté, à nouveau quelques centaines de millions de francs de l'autre.

Quand vous décidez de ne plus taxer les spectacles sportifs, ce sont les produits antiparasitaires à usage agricole qui viennent à la rescousse d'une fiscalité socialiste globale dévorante.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ah !

M. Gilles Carrez.

J'arrête là la litanie, parce qu'elle est accablante.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Faute de souffle, plutôt !

M. Gilles Carrez.

Au double langage sur la fiscalité, vous avez substitué le langage à deux. A vous l'apparente vertu de la baisse des impôts, à votre collègue Martine Aubry la multiplication des taxes sur fonds de débudgétisation, de comptes spéciaux, de fonds particuliers dans lesquels l'expert le plus averti ne pourrait retrouver ses petits.

Ce dépeçage de la loi de finances de l'Etat est-il constitutionnel ? Certainement pas ! L'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 dispose : « Il est fait recette du montant intégral des produits sans contraction entre les recettes et les dépenses. » L'affectation excep-

tionnelle de certaines recettes à certaines dépenses, dès


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lors qu'elles sont définitives, ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, donc d'une initiative gouvernementale.

La loi de financement de la sécurité sociale est-elle habilitée à dépouiller l'Etat de la fiscalité sur l'environnement, de cette écotaxe dont vous claironnez partout que l'Europe nous l'impose, qu'elle est la fiscalité de l'avenir, mais que, pourtant, vous abandonnez sans états d'âme au gouffre sans fond du financement des 35 heures ? Avec la règle constitutionnelle, permettez-moi de dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'est aussi votre crédibilité personnelle qui est pervertie.

Quand, à l'automne 1997, vous avez créé la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés, vous avez pris un engagement solennel à l'égard des entreprises. Il fallait satisfaire aux critères de Maastricht et, en contrepartie, vous instauriez une surtaxe de 15 % pour 1997, de 10 % en 1999, celle-ci étant supprimée en 2000.

Les chefs d'entreprise ont cru en votre parole. Pour ma part, à l'époque, j'avais démontré que les finances de l'Etat léguées par votre prédécesseur étaient parfaitement saines, et que des économies normales sur les dépenses, 15 milliards au-delà des 10 milliards qui avaient déjà été économisés en juin 1997, suffisaient largement à passer le cap. C'étaient d'ailleurs les conclusions sans appel du rapport de MM. Bonnet et Nasse, que vous aviez vousmêmes désignés.

V ous avez préféré augmenter temporairement les impôts, et les contribuables vous ont cru.

Pourtant, en 2000, vous n'allez pas tenir parole puisque vous créez une nouvelle contribution sur les bénéfices, la contribution sociale, pour 4,3 milliards, et, dans deux ans, pour 12,5 milliards. Cela représente une surtaxe de 5 % qui viendra s'ajouter au taux de l'IS, qui est de 33 1/3, alors que tous nos concurrents européent abaissent le taux de l'impôt sur les sociétés afin de favoriser la croissance et l'emploi.

M. Charles de Courson.

C'est l'exception française !

M. Gilles Carrez.

Vous avez tout à fait raison ! On aboutit ainsi à une désarticulation volontaire du projet de loi de finances, du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la loi sur les 35 heures. D'ailleurs, je mets au défi tous nos collègues ici présents d'établir un tableau clair des mouvements financiers, en dépenses ou en recettes, retraçant la loi de finances de l'Etat, la loi de financement de la sécurité sociale et le fonds de financement de la réduction du temps de travail.

M. Charles de Courson.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous vous y êtes perdu vous-même, car on ne peut pas retrouver dans votre budget la contribution budgétaire à la réforme Aubry.

Certes, et je prends cet exemple à dessein, il y a bien 7 milliards de francs, qui sont d'ailleurs présentés de la façon la plus elliptique possible dans le budget du ministère du travail, mais ils sont consacrés au financement des accords Robien et à la première loi Aubry sur l'incitation à la réduction du temps de travail, et en aucun cas au financement définitif, en régime de croisière, du fonds.

Où sont donc passés les 5 milliards de francs qu'espère Mme Aubry du budget de l'Etat pour alimenter son fonds de financement des 35 heures ? Bercy serait-il aussi réticent que les reponsables de l'UNEDIC, de la sécurité sociale ou des caisses de retraite, qui sont mis à contribution et ne veulent pas, à juste titre, alimenter ce fonds ?

M. François Guillaume.

M. Carrez a raison !

M. Gilles Carrez.

Avez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, confiance dans votre collègue chargé des affaires sociales ?

M. Jean-Louis Idiart.

Bien sûr !

M. Gilles Carrez.

Je passe sur la taxe sur les heures supplémentaires. Dites-moi simplement où figure cette taxe : dans votre budget ou dans celui de la sécurité sociale ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je vous le dirai !

M. Charles de Courson.

Elle n'est nulle part !

M. Gilles Carrez.

Vous évoquez une recette de 7 à 8 milliards de francs. Mais je vous mets au défi de nous dire où elle se trouve dans vos différents documents ! Nous ne trouvons nulle part l'origine juridique de cette taxe.

V otre budget est totalement insincère, et je le démontre, exemples à la clé.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous saurez tout mardi !

M. Charles de Courson.

Seulement mardi ? C'est d'un pratique !

M. Gilles Carrez.

Dans cet imbroglio, dans cette confusion extrême, bien des doutes pèsent donc sur la recevabilité et la sincérité de votre projet de loi. Jamais nous n'avons été, mes chers collègues, aussi éloignés du souci de clarté, de transparence et de consolidation des comptes publics, auquel, comme le président de notre assemblée, nous sommes tous profondément attachés.

M. Jean-Louis Idiart.

Ce n'est pas bon, mais c'est beau !

M. Gilles Carrez.

Ayant évoqué la méthode, j'en viens au fond du projet de loi de finances. Celui-ci permettrat-il de dépenser mieux pour prélever moins ? A l'évidence, vous ne vous posez pas la question en ces termes.

M. François Guillaume.

Ils ne savent pas faire !

M. Gilles Carrez.

Pour vous, l'interrogation est plutôt la suivante : comment continuer à dépenser tout en réduisant un peu le déficit et en donnant beaucoup l'illusion de prélever moins ? Il s'agit là d'un tel tour de force que votre habileté ne peut y suffire, même si plusieurs journaux ont attribué récemment à Dominique Strauss-Kahn le titre de « roi des illusionnistes de la finance ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles de Courson.

Ce n'était pas méchant !

M. Gilles Carrez.

Mais votre talent à persuader se fracasse sur deux écueils : les faits d'abord, et le vécu, le ressenti fiscal douloureux de nos concitoyens, ensuite.

Les faits, c'est que les prélèvements obligatoires mesurés par rapport à notre produit national continuent d'augmenter dans notre pays.

A la fin de 1997, grâce aux mesures d'urgence à caractère fiscal et financier, plus de 23 milliards de francs d'impôts supplémentaires avaient été votés, qui ont fait passer les prélèvements obligatoires, selon l'ancienne nomenclature, de 45,7 à 46,1 % du PIB. A l'époque, je dois le reconnaître, vous l'aviez expliqué, mais vous aviez


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aussitôt ajouté - nous nous en souvenons tous et vos propos figurent au Journal officiel - que, certes, si les prélèvements obligatoires augmentaient en 1997, c'était pour diminuer en 1998. Vous annonciez même - je rectifie : ce n'était pas vous, mais Dominique Strauss-Kahn...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est pareil !

M. Gilles Carrez.

... qu'ils baisseraient de 0,2 point en 1998. Or cette année-là, ils n'ont pas baissé.

Pourtant, mes chers collègues, le Gouvernement a tout fait pour minorer les recettes fiscales en rattachant un maximum de dégrèvements et de remboursements d'impôts à l'exercice.

Nous avons eu droit au même refrain l'année dernière.

L'année dernière, à pareille époque, Dominique Strauss-Kahn nous annonçait de nouveau que les prélèvem ents obligatoires baisseraient de 0,2 point. Et M. Strauss-Kahn de préciser : « C'est promis ! J'en fais une affaire personnelle ! »

M. Charles de Courson.

On a été gâtés !

M. Gilles Carrez.

Au contraire, les prélèvements obligatoires vont augmenter en 1999 pour atteindre le record historique, selon la nouvelle nomenclature de l'INSEE, de 45,3 %. Et si j'en crois le rapporteur général, qui déclarait récemment à la presse nationale qu'au-delà de vos chiffres de recettes recalés pour 1999 il y avait une marge de manoeuvre - une cagnotte, en quelque sorte - de 15 ou 20 milliards de francs,...

M. Philippe Auberger.

Une cassette !

M. Gilles Carrez.

... et si j'en juge par le dynamisme de la CSG ou de l'IS, les rentrées fiscales et sociales de l'année 1999 augmentent, une fois de plus, plus vite que le produit intérieur brut, ce qui signifie en clair une aggravation de la pression fiscale que subissent les Français.

M. Philippe Briand.

Incroyable !

M. Gilles Carrez.

Peut-être nous expliquerez-vous tout à l'heure que la surestimation de l'inflation minore l'évolution réelle du PIB, ce qui justifierait l'absence de baisse des prélèvements.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Mais ce devrait être aussi le cas des impôts. Nous attendons tous vos explications, et j'espère qu'elles seront un peu plus convaincantes que celles que nous a données cet après-midi Dominique Strauss-Kahn, en s'embrouillant avec le numérateur et le dénominateur.

Bref, en faisant en sorte que les Français ne puissent rien comprendre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Tout le monde a compris, sauf vous !

M. Gilles Carrez.

Comme on dit, monsieur le ministre, les faits sont têtus : quand les prélèvements obligatoires augmentent, ils augmentent et, quelles que soient vos arguties, vous ne pouvez que le constater.

Forts de l'expérience des années 1998 et 1999, parlons de l'année 2000.

Il est évident que, malgré le recalage des recettes de 1999,...

M. Philippe Auberger.

Léger recalage !

M. Gilles Carrez.

... vos prévisions de recettes fiscales pour 2000 sont non seulement prudentes, mais très certainement minorées. Nous sommes sortis assez rapidement, je le reconnais, du « trou d'air », et vous êtes en train de constituer une « cagnotte » pour les années 20012002. Je laisse le soin à chacun de deviner l'objectif de la manoeuvre.

M. Jean Ueberschlag.

C'est pour les élections, puisqu'il n'y a que ça qui les intéresse !

M. Philippe Auberger.

Ils se font une cassette électorale !

M. Gilles Carrez.

Le vécu fiscal de nos compatriotes correspond parfaitement à cette absence de baisse globale des prélèvements obligatoires. En septembre, au moment où vous annonciez les baisses d'impôts, et où Bercy lançait une grande campagne de communication à ce sujet, nos compatriotes recevaient leur avis d'imposition sur le revenu.

M. Philippe Auberger.

Ça a fait flop !

M. Gilles Carrez.

Ils reçoivent en ce moment leur avis de CSG. Ils viennent de recevoir leur avis de taxe d'habitation. Bref ! Ils constatent que les impôts augmentent et leur déception, et parfois même - on le voit dans nos permanences et sur le terrain - leur colère, sont grandes de voir autant de promesses qui ne sont pas tenues par le Gouvernement.

Dans le projet de budget pour 2000 figurent plusieurs baisses d'impôts. Mais aucune n'est forte, massive, générale,...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ah bon ?

M. Philippe Auberger.

Ils ne sont pas généreux !

M. Gilles Carrez.

... comme la baisse de l'impôt sur le revenu qu'avait décidée le précédent gouvernement,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Qui avait juste oublié de financer la mesure !

M. Gilles Carrez.

... qu'avait votée la précédente majorité et que vous avez malheureusement interrompue.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Auberger.

Il fallait le rappeler !

M. Gilles Carrez.

Je vais prendre l'exemple de vos deux mesures phares de baisses d'impôts supposées dans le budget de 2000 : pour les ménages, la réduction du taux de TVA sur les travaux d'entretien dans le logement...

M. Jean-Louis Idiart.

Ça, c'est bien !

M. Gilles Carrez.

... et, pour les entreprises, la poursuite de la réforme de la taxe professionnelle.

M. Alain Barrau.

Vous avez été le premier à ne pas voter la mesure l'année dernière !

M. Gilles Carrez.

La baisse de la TVA sur les travaux d'entretien est une bonne mesure, que nous voterons, mon cher collègue.

M. Alain Barrau.

Très bien ! Voilà qui est mieux que l'an dernier !

M. Gilles Carrez.

Elle a le triple avantage d'améliorer les logements, de lutter contre le travail au noir et de f avoriser essentiellement l'économie nationale. Mais p eut-on, monsieur le secrétaire d'Etat, accorder la moindre confiance au chiffrage par votre ministère à 19 milliards de francs de la baisse d'impôt correspondante ?

M. François Guillaume.

Sûrement pas !


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M. Gilles Carrez.

Ce montant est manifestement surestimé car il ne prend pas en compte les recettes à attendre d'un surcroît probable de travaux confié à des professionnels.

M. Philippe Auberger.

Ils ont dit qu'il y aurait des créations d'emplois !

M. Gilles Carrez.

Une étude très intéressante de l'INSEE sur les travaux réalisés par les Français dans leur logement en 1997 démontre en effet que 60 % des ménages ont réalisé en 1997 des travaux inférieurs à 10 000 francs. Cela veut dire, contrairement à ce qu'affirmait cet après-midi Dominique Strauss-Kahn à cette tribune, que, pour eux, le crédit d'impôt était plus avantageux que la baisse de TVA. Selon la même étude, moins de 5 % des ménages ont réalisé des travaux supérieurs à 100 000 francs. En 1997 toujours, moins des deux tiers du montant total des travaux, qui s'est établi à 176 milliards, a été effectué par des professionnels. Il est intéressant de noter que ce sont les ménages les plus aisés ou les plus âgés qui recourent à des professionnels. Ainsi, les trois quarts de la dépense pour les plus aisés et les quatre cinquièmes pour les plus âgés sont confiés à des professionnels.

Cela signifie, d'une part, que le coût fiscal pour l'Etat de 19 milliards est manifestement surestimé et que, d'autre part, la baisse de TVA réservée aux travaux confiés à des professionnels profitera d'abord aux ménages les plus aisés et aux ménages les plus âgés, les deux ensembles se recoupant parfois.

Aussi vous poserai-je la question suivante, monsieur le secrétaire d'Etat : au moment où le Premier ministre s'intéresse aux classes moyennes, cette mesure fiscale est-elle du point de vue de la justice fiscale, plus favorable que la réforme Juppé de l'impôt sur le revenu ?

M. Philippe Auberger.

Non !

M. Gilles Carrez.

A l'évidence, non ! Second exemple : la réforme de la taxe professionnelle.

La baisse réelle de l'impôt pour les entreprises est encore plus limitée puisque - c'est dans le rapport -, le coût fiscal net supplémentaire pour l'Etat en 2000 ne sera que de 2 milliards de francs. Vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre : avec l'augmentation de la cotisation minimale à la valeur ajoutée, vous reprenez 2 milliards de francs ; avec l'accroissement de la cotisation nationale de péréquation, 1,5 milliard ; avec la suppression de la réduction pour embauche et investissement, 2 milliards ; avec les économies sur l'écrêtement à la valeur ajoutée, 2 milliards ; enfin, avec le surcroît d'impôt sur les bénéfices, du fait de la déductibilité de la taxe professionnelle, 2,7 milliards. Soit au total 10 milliards ! Dans les prochaines semaines, bien des entreprises auront, quand elles recevront leur avis d'imposition à la taxe professionnelle, une grosse, une énorme surprise : elles verront que, malgré tout ce que vous leur avez annoncé, elles paieront davantage de taxe professionnelle qu'auparavant.

S'agissant des baisses d'impôts, on a donc 2 milliards de francs concernant la taxe professionnelle. Mais regardons ailleurs, et notamment dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour savoir ce que sera l'alourdissement de la fiscalité pour les entreprises : 4,3 milliards au titre de la cotisation Aubry sur les bénéfices ; 4,2 milliards pour l'augmentation de la quote-part pour frais et charges à intégrer au produit des participations des sociétés mères - c'est dans votre projet de loi ; 1,5 milliard au titre de la réduction de 45 à 40 % de l'avoir fiscal des entreprises - la mesure a été votée par la commission des finances.

M. Charles de Courson.

Olé !

M. Gilles Carrez.

Ainsi, malgré les 2 milliards d'économie sur la taxe professionnelle, il y a pour 10 milliards d'impôts de plus pour les entreprises. Et je ne compte pas l'extension de l'éco-taxe, qui est elle aussi prévue dans le budget de la sécurité sociale, ni la future taxe sur les heures supplémentaires.

A près les entreprises, les familles. Pour elles, l'année 2000 ne sera pas non plus une année faste. La commission des finances a refusé tous nos amendements concernant les familles.

M. Michel Bouvard.

C'est scandaleux !

M. Gilles Carrez.

Elle a refusé de revenir à un plafonnement équitable du quotient familial ou encore à la réduction d'impôt pour emplois familiaux. Elle a même refusé - tenez-vous bien ! - l'exonération fiscale des indemnités de maternité ! Décidément, vous et votre majorité, monsieur le secrétaire d'Etat, n'aimez pas la famille. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Auberger.

C'est sûr !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est grotesque !

M. François Guillaume.

Il n'y a qu'à voir le PACS !

M. Gilles Carrez.

Il n'y a donc pas - vous arrivez à point, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - de baisses d'impôts à l'horizon ! La raison en est simple : la dépense publique et en particulier les frais généraux de l'Etat ne sont pas maîtrisés.

M. Gérard Fuchs.

Ils le sont plus qu'avec vous !

M. Gilles Carrez.

Rappelons vos performances depuis que vous êtes au pouvoir.

Après la diminution des dépenses de l'Etat enregistrée en 1997 - vous le notez, monsieur Migaud, dans votre propre rapport - grâce au précédent gouvernement, l'inflexion à la hausse des dépenses de l'Etat a repris dès 1998. Dans son rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1998, la Cour des comptes souligne qu'on a assisté à un dérapage d'un demi-point alors qu'une stabilisation en volume des dépenses était prévue. En 1999, le dérapage s'est amplifié. Vous avez cherché à le masquer l'an dernier en majorant délibérément la prévision d'inflation à 1,3 %, ce qui, avec une enveloppe de dépenses en hausse de 2,3 %, laissait supposer que l'augmentation en volume serait tenue à 1 %. Mais l'inflation est bien inférieure : autour de 0,5 ou de 0,7 %. La dérive de nos dépenses ne va donc pas être de 1 %, mais de 1,7, de 1,8 ou de 2 % en volume.

Je vous donne rendez-vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, pour le collectif de fin d'année : nous pourrons alors ensemble dresser le constat...

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Chiche !

M. le secrétaire d'Etat.

Ce sera un plaisir, monsieur le député !

M. Gilles Carrez.

Je vous ai écoutés avec attention tout à l'heure : aucun de vous deux n'a évoqué les fameux contrats de gestion, dont vous nous parliez au mois de juin lors du débat d'orientation budgétaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ils sont faits !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous n'en avons pas parlé parce qu'ils sont réussis !

M. Gilles Carrez.

Avec 54 % de notre PIB consacrés à la dépense publique, la France bat tous les records des pays développés. Malgré tout, votre gouvernement, l'oeil rivé sur les échéances électorales, reste le seul en Europe à refuser de maîtriser la dépense.

Vous sacrifiez l'avenir au présent, comme le démontre un budget d'investissement en berne, le seul à baisser constamment depuis que vous êtes au pouvoir : moins de 80 milliards de francs pour l'investissement civil sont prévus en 2000, à peine 160 milliards de francs si l'on ajoute le militaire.

En revanche, aucune mesure n'est prise pour juguler les dépenses les plus rigides. Par exemple, l'accord salarial de la fonction publique de 1998 coûte au budget de l'Etat - je me réfère toujours à l'excellent rapport de M. Migaud - 23 milliards supplémentaire en 2000. Il n'y a aucune réflexion prospective sur l'évolution des effectifs des fonctionnaires de l'Etat alors que, dans les dix années qui viennent, la moitié de ceux-ci partiront en retraite selon une moyenne de 85 000 par an. Et si l'on examine de près les « bleus » budgétaires, on se rend compte que, contrairement à votre affirmation, les effectifs de la fonction publique ne diminuent pas : ils continuent d'augmenter, ce que j'aurai l'occasion de vous démontrer lors de l'examen du budget de la fonction publique au mois de novembre.

Ce manque de courage à tirer parti du retour de la croissance pour engager des réformes de structure réforme de l'Etat, réforme des retraites, baisse des prélèvements obligatoires - ressemble à s'y méprendre à votre inconscience de la fin des années 80, qui a précipité le pays dans les abîmes financiers de 1993.

M. François Vannson.

Absolument.

M. Gilles Carrez.

Triste souvenir ! Et votre manque de rigueur dans la gestion budgétaire de l'Etat a pour conséquence la croissance de l'endettement public.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Quoi ?

M. Gilles Carrez.

Oui, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, la croissance de l'endettement public. Là aussi, la France se singularise.

En raison de l'arbitrage en faveur de l'augmentation des dépenses, contre la réduction rapide du déficit, la dette brute de l'Etat a continué de croître en 1998. Ecoutez bien le chiffre, je le tire également d'excellente source : elle atteint 4 250 milliards de francs, soit une augmentation de 8,1 % par rappport à 1997. Vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre, l'équilibre primaire du budget, qui permet de ne pas augmenter l'endettement, ne sera atteint que cette année.

M. Charles de Courson.

Grâce au collectif budgétaire.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Quand vous étiez aux affaires, il n'a jamais été atteint !

M. Gilles Carrez.

La commission européenne, à commencer par le commissaire Pascal Lamy, ancien directeur de cabinet de Jacques Delors,...

M. Philippe Briand.

Rendez-nous le père...

M. Michel Bouvard.

Mais reprenez la fille ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

... s'inquiète de cette réduction trop lente des déficits publics.

Comment croire à une stabilisation de la progression des dépenses à 1 % en volume sur les trois années 2000, 2001 et 2002, quand le dérapage atteindra près de 2 % sur la seule année 1999 ? A force de préférer la dépense à court terme à l'assainissement financier,...

M. François Baroin.

Le socialisme n'est pas mort !

M. Gilles Carrez.

... de renvoyer à plus tard, par d'hypothétiques engagements, la maîtrise des crédits, vous ne saisissez pas votre chance ; vous gaspillez les marges de manoeuvre que procure la croissance mondiale. Et en cas de retournement de la conjoncture internationale, vous aurez mis en difficulté vos successeurs, ou vous-mêmes cela ne serait que justice.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous voulez dire que nous nous succéderons à nous-mêmes ?

M. Gérard Fuchs.

Nous essaierons !

M. Gilles Carrez.

La droite est fatiguée...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est vrai, elle est bien fatiguée ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Gilles Carrez.

... de découvrir des abîmes financiers lorsqu'elle reprend le pouvoir. Les ministres sourient. Je vais donc être obligé de faire un rappel.

M. François Guillaume.

En 1993, 300 milliards de déficit !

M. André Angot.

Et la sécu !

M. Charles de Courson.

Ils sont amnésiques !

M. Gilles Carrez.

En 1993, quand nous sommes revenus au gouvernement, nous avons hérité d'un déficit du budget de l'Etat sous-estimé à 170 milliards de francs, d'un déficit cumulé de la sécurité sociale de 100 milliards de francs et d'un déficit de l'UNEDIC de 40 milliards de francs.

M. Michel Bouvard.

Et encore, c'était seulement sur onze mois !

M. Gilles Carrez.

Au total, près de 500 milliards de déficit...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pourquoi pas 1 000 milliards, pendant que vous y êtes ?

M. Gilles Carrez.

Tous les records historiques avaient été battus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Auberger.

6 % du PIB !

M. Philippe Briand.

Eh oui, ce n'était peut-être pas vous, mais c'était les vôtres !

M. Gilles Carrez.

Nous serions vraiment très déçus de retrouver une situation analogue en 2002.

M. Philippe Briand.

Peut-être même avant 2002 !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous ne retrouverez que vos fantasmes !

M. Gilles Carrez.

D'ailleurs, pour nourrir nos inquiétudes, le projet de budget 2000 parle de lui-même dès lors qu'on le corrige des débudgétisations dont il est victime.

M. Jean-Louis Idiart.

Allez chercher Edouard !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Gilles Carrez.

Ainsi, la consolidation des trois fonds - réforme des cotisations liée aux 35 heures, caisse nationale d'assurance maladie avec la CMU, retraite anticipée des travailleurs de l'amiante - par le budget général fait apparaître une augmentation des dépenses supérieure au taux de 0,9 % annoncé : en réalité, elle est, légèrement supérieure à 3 %. N'est-ce pas, mon cher collègue de Courson ?

M. Charles de Courson.

Je le démontrerai tout à l'heure en détail ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Idiart.

La bible administrative est arrivée !

M. Gilles Carrez.

Personne ne peut mettre en doute les compétences budgétaires de notre collègue de Courson.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Personne !

M. Jean-Louis Idiart.

Pas même les Corses !

M. Gilles Carrez.

En vérité, les seules dépenses freinées avec la plus grande sévérité, ce sont les dotations de l'Etat aux collectivités locales. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.

) Ce sont pourtant les dépenses les plus légitimes et les plus utiles, car les collectivités locales sont aux côtés de l'Etat et du Gouvernement dans le combat pour l'emploi et dans la bataille de l'investissement pour la croissance.

M. Thierry Carcenac.

Il est vrai qu'avec le pacte de stabilité...

M. Gilles Carrez.

Rarement un budget aura été aussi mauvais pour les communes, les départements et les régions.

Mme Béatrice Marre.

Vous ne le croyez pas vousmême !

M. Gilles Carrez.

Ma chère collègue, je n'avance rien que je ne démontre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Daniel.

Affirmer, ce n'est pas démontrer !

M. Gilles Carrez.

Premier point de désaccord, la prise en compte du recensement général de la population. Les deux millions de Français supplémentaires, en tant que consommateurs et en tant que producteurs, rapportent des recettes à l'Etat, en payant la taxe sur la valeur ajoutée, par exemple. Ils crééent aussi des charges, pour l'Etat, mais également pour les collectivités locales. Il est donc légitime, après chaque recensement général, que la dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat, soit abondée des sommes nécessaires.

M. François Guillaume.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

C'est d'ailleurs ce que prévoit expressément la loi de 1993 : la DGF doit être majorée, pour chaque commune, au prorata de la moitié de la population nouvelle. Il faudrait donc dégager 1,5 milliard supplémentaire. Or contre toute équité, vous avez décidé de ne pas appliquer la loi et d'étaler sur trois ans la majoration de la DGF : au lieu de 1,5 milliard, le budget 2000 ne retient que 200 millions.

Mme Béatrice Marre.

Mais non !

M. Gilles Carrez.

Et le 5 ou 6 novembre prochain, mes chers collègues, nous examinerons un projet de loi qui vise à modifier la loi de 1993, afin que la majoration de la DGF liée à la population nouvelle ne soit surtout pas versée aux communes, qui en ont pourtant besoin.

M. François Vannson.

Le Gouvernement fera tout pour ne rien verser !

M. Philippe Briand.

C'est scandaleux !

M. Gilles Carrez.

Je n'osais pas le dire, mais vous avez raison, mon cher collègue : c'est scandaleux !

M. André Angot.

C'est du vol !

M. Philippe Auberger.

On nous plume !

M. Gilles Carrez.

C'est un premier coup dur pour les collectivités locales. Mais peut-être la ville de Sarcelles estelle un peu trop loin dans vos souvenirs, monsieur le ministre. A moins que sa population ne diminue ? Quoi qu'il en soit, croyez-moi, quand l'Etat ne respecte pas la règle du jeu, cela donne bien du souci au maire d'une commune dont la population augmente.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Rassurez-vous, je respecte la règle du jeu. Et les ressources d'Etat augmentent !

M. Gilles Carrez.

Vous sanctionnez les collectivités locales une deuxième fois en ne revalorisant que de 0,8 % - moins que l'inflation - la première dotation de compensation de la taxe professionnelle, apparue en 1999 dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle.

Dès cet été, j'ai soulevé le problème. Cet arbitrage budgétaire est presque déloyal eu égard aux relations entre l'Etat et les collectivités locales, qui doivent être confiantes. En effet, le Gouvernement tient compte d'uner égularisation négative de la DGF au titre de l'année 1998, année antérieure à la réforme de la taxe professionnelle. Avec le groupe RPR, j'ai donc déposé un amendement, et nous avons constaté avec plaisir, tant il est légitime, que le rapporteur général et le président de la commission des finances l'avaient repris et fait adopter par la commission.

M. François Vannson.

Bravo !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Vous faites comme si les travaux de la commission des finances n'avaient pas eu lieu !

M. Gilles Carrez.

J'espère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement ne s'opposera pas à ce que la dotation soit indexée sur l'inflation et la moitié de la croissance,...

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

C'est déjà fait !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous ne vous avons pas attendu, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez.

... soit un peu plus de 2 %, au lieu de 0,8 %. Au demeurant, cela resterait très inférieur à l'évolution de la masse salariale prévue dans le projet de financement de la sécurité sociale, puisqu'elle dépasse 4 %. Tel est le marché de dupes que les collectivités locales ont conclu s'agissant de la réforme de la taxe professionnelle.

D'ailleurs, vous êtes tellement gênés, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat,...

M. Alain Barrau.

Ils en ont l'air ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilles Carrez.

... que vous avez fourni aux parlementaires, la semaine dernière, un rapport sur la taxe professionnelle, rapport qui ne souffle pas un mot du problème d'indexation, ...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il n'y a pas de problème !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le rapport porte sur l'exercice 1999 !

M. Gilles Carrez.

... comme si vous en aviez honte ou comme si vous estimiez les parlementaires incapables de comprendre quoi que ce soit.

M. Jean Ueberschlag.

Ils nous prennent pour des imbéciles !

M. Gilles Carrez.

Vous avez affirmé tout à l'heure que j'étais incapable de comprendre ce qu'étaient un numérateur et un dénominateur, monsieur le ministre, de votre part, rien ne peut donc plus me surprendre.

M. Jean Ueberschlag.

M. le ministre a la science infuse !

M. Gilles Carrez.

La réforme de la taxe professionnelle, dans l'esprit où elle est appliquée par l'Etat, illustre le véritable piège financier et fiscal tendu aux collectivités locales. L'article 72 de la Constitution, qui prévoit la libre administration des collectivités territoriales, est susceptible d'être remis en cause.

En effet, le pouvoir fiscal autonome des communes, départements et régions est progressivement remplacé par des dotations d'Etat, dont l'évolution relève davantage des contraintes budgétaires de l'Etat que d'un partage équitable des fruits de la croissance - votre maladresse concernant la taxe professionnelle le confirme.

Les élus locaux reconnaissent volontiers que la fiscalité locale est archaïque - vous ne parlez d'ailleurs plus de la révision des valeurs locatives -, antiéconomique, avec par exemple la taxe professionnelle ou les droits de mutation, ou encore injuste, avec notamment la taxe d'habitation.

Plutôt que de réformer au coup par coup, en exonérant là où l'impôt local fait mal, et de multiplier ainsi les compensations budgétaires de l'Etat, qui réduisent les libertés locales, ne faudrait-il pas ouvrir le chantier d'un juste partage de la fiscalité moderne - TVA, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés - entre l'Etat et les collectivités locales ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous faites peu de cas de la liberté des communes, monsieur Carrez !

M. Gilles Carrez.

La liberté des communes serait probablement mieux respectée si le partage de la fiscalité était fixé clairement et garanti par la Constitution.

Voilà l'un des défis majeurs que soulève la relance de la décentralisation, voulue par le Premier ministre : des impôts justes, modernes et dynamiques pour permettre aux collectivités locales d'assumer pleinement et librement les responsabilités que leur réserve la Constitution.

M. Gérard Saumade.

Vous parlez comme un livre !

M. Gilles Carrez.

Pour terminer, je reviendrai sur les différents motifs d'inconstitutionnalité qui frappent le projet de loi de finances pour 2000.

M. Jean-Louis Idiart.

Cela va être dur !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'introduction était un peu longue. (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

Le principal motif d'inconstitutionnalité est le suivant : le budget général ne retrace pas l'ensemble des recettes et des dépenses de l'Etat, comme il le devrait, selon les termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances - laquelle compte, je vous le rappelle, parmi les normes de valeur constitutionnelle. Je disais d'ailleurs, avant que vous arriviez, monsieur le ministre, que, de votre passage à Bercy, l'histoire ne retiendra peutêtre qu'une seule chose : vous aurez été le premier à aliéner une aussi grande part de votre responsabilité budgétaire.

M. Christian Cuvilliez.

C'est traumatisant !

M. Gilles Carrez.

En effet, les recettes tirées de la taxe g énérale sur les activités polluantes sont désormais comptabilisées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans qu'aucune disposition d'affectation ne soit prévue dans le projet de loi de finances. Or écoutez bien, car ce point est très important - cette taxe figurait l'an dernier dans le budget général, puisque nous en avions décidé ainsi dans le cadre de la loi de finances pour 1999.

M. Laurent Dominati.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Vous ne sauriez donc prétendre aujourd'hui que l'extension de son assiette lui confère le caractère d'impôt nouveau.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Gilles Carrez.

La taxe générale sur les activités polluantes, dans sa version 2000, n'est pas un impôt nouveau. Avec la bagatelle de 1,5 milliard de francs supplémentaires, ce n'est qu'un alourdissement de la taxe de 1999, qui figurait au budget de l'Etat.

M. Laurent Dominati.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Par conséquent, pour que la taxe figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, une disposition d'affectation devait impérativement être inscrite en loi de finances, comme vous l'avez fait d'ailleurs à l'article 29, s'agissant des droits de consommation sur le tabac - je le reconnais, ce qui prouve mon objectivité.

A cet égard, l'article 18 de l'ordonnance de 1959 est formel : « L'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de la loi de finances, d'initiative gouvernementale. »

Et la jurisprudence constitutionnelle est tout aussi formelle. La décision rendue par le Conseil constitutionnel le 16 décembre 1993 est claire : « En prévoyant d'affecter u ne partie des recettes tirées des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts pour compenser une charge supportée par des caisses de sécurité sociale, sans que cette affectation entre dans le cadre d'une des exceptions visées par l'article 18, le législateur a méconnu le principe de l'université budgétaire. »

Sur cette base, le Conseil avait déclaré l'article contraire à la Constitution.

Alors que vous n'avez prévu aucune disposition d'affectation des 3,2 milliards de francs que vous attendez l'année prochaine de la TGAP, le produit de cet impôt constitue par défaut une recette de l'Etat, qui devrait donc être inscrite au budget général. Par voie de conséquence, le compte unique intitulé « budget général » n'est pas exact. Ainsi, monsieur le ministre, ni votre article d'équilibre ni votre budget ne sont sincères - et je remarque que vos collaborateurs font circuler beaucoup de papiers. (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

C'est un peu tard !

M. Jean-Louis Idiart.

C'est autorisé ! Le surveillant général est là !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Gilles Carrez.

Autre motif d'inconstitutionnalité, plus accessoire mais non moins valable, celui tiré de l'article 60, figurant en deuxième partie du projet de loi.

En effet, celui-ci prévoit un montant de cession unique de 50 000 francs par an et par foyer fiscal, s'agissant du régime d'imposition des plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux. Ce montant ne prend pas en considération la situation familiale des contribuables concernés. En appliquant ainsi un montant de cession unique à des situations différentes, vous méconnaissez l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen,...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Rien que cela !

M. Jean-Louis Idiart.

Ah bon ?

M. Gilles Carrez.

... selon laquelle - écoutez bien, mon cher collègue Idiart - la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

M. Jean-Louis Idiart.

L'article est beau, mais dans ce cas précis, il n'est pas applicable.

M. Gilles Carrez.

On ne peut aussi que s'interroger sur la constitutionnalité de la budgétisation du compte spécial FARIF, fonds d'aménagement de la région Ile-deFrance. Ce fonds est en effet alimenté par une recette, la taxe sur les bureaux et locaux d'activités, dont l'assiette est exclusivement locale, puisqu'elle est limitée à l'Ile-deFrance. Il s'agit donc de l'appropriation par l'Etat d'une taxe d'essence locale,...

M. Charles de Courson.

Encore une taxe sur l'essence ? (Sourires.)

M. Gilles Carrez.

... même si une quote-part est versée à la région.

D'ailleurs, dans la négociation que le Gouvernement est en train de mener, il n'hésite pas sur le contrat de Plan à proposer de majorer ses crédits budgétaires, qui sont insuffisants, grâce au produit de cette taxe.

Enfin, troisième motif, je l'ai déjà évoqué, l'ampleur prise par les dotations d'Etat en compensation des exonérations ou suppressions d'impôts locaux remet en cause l'article 72 de la Constitution, relatif à la libre administration des collectivités locales.

En examinant la loi de finances pour 1999, le Conseil constitutionnel a certes estimé que le législateur était habilité à modifier les règles relatives aux ressources des collectivités et que la compensation des pertes de recettes en résultant n'était pas de nature à entraver leur libre administration. Mais je soulève le problème de l'ampleur extrême de la substitution entre impôt local et subvention d'Etat et celui de l'évolution insuffisante de ces dotations qui, en 2000, ne seront indexées que sur le quart de la croissance.

M. Christian Cuvilliez.

A moins que vous n'amendiez le texte.

M. Gilles Carrez.

Nul ne peut contester que sans liberté fiscale et financière, il n'est de liberté locale que formelle.

Telles sont, mes chers collègues, les différentes raisons pour lesquelles j'ai l'honneur, au nom du groupe du RPR, de vous demander d'adopter l'exception d'irrecevabilité et de refuser ainsi d'examiner en l'état le projet de loi de finances pour 2000. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Très bien !

M. le président.

Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, souhaitez-vous intervenir ?

M. André Angot.

Non, il n'a rien à dire, il n'a rien compris ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je prie simplement M. Carrez de m'excuser d'avoir manqué le début de son intervention.

M. Gilles Carrez.

Vous êtes pardonné, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Merci monsieur Carrez. Je n'ajouterai rien, d'autant que, d'après ce que m'ont dit mes collaborateurs, la fin reprenait le début. Je dispose donc de tous les éléments nécessaires, et je répondrai à M. Carrez en même temps qu'à l'ensemble des orateurs.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Philippe Briand.

M. Carrez a pensé qu'il était prudent de répéter !

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Daniel Feurtet, pour le groupe communiste.

M. Daniel Feurtet.

Je serai bref, car il est temps d'aborder le fond du débat. Je dirai simplement à notre ami Gilles Carrez que la nation a besoin de son budget et qu'il nous faut donc en débattre sérieusement.

M. François Baroin.

Pas de celui-là !

M. Daniel Feurtet.

M. Carrez a emprunté un chemin difficile en tentant de prouver l'irrecevabilité de ce budget et je pense qu'il n'a pas su s'arrêter au bon tableau. Nous ne voterons donc pas cette motion de procédure.

M. le président.

Pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants, la parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Pour ma part, j'ai trouvé la démonstration de Gilles Carrez éclairante, à tel point d'ailleur que le ministre doit retrouver ses esprits pour lui répondre, à moins que son silence ne soit un signe d'ironie, marque de sa supériorité naturelle dont il fait si volontiers don à l'Assemblée nationale, comme nous l'avons vu cet après-midi.

En observant les ministres au banc du Gouvernement pendant l'intervention de notre ami Gilles Carrez, je me demandais : sont-ils à ce point réjouis d'une démonstration éclairante ou est-ce un signe d'autosatisfaction devant cet argent qui rentre si rapidement et à si grands flots qu'il faille le cacher ici et là pour que les députés socialistes ne le dilapident pas trop vite et afin de constituer des réserves en vue des élections ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Louis Idiart.

C'est une obsession chez vous !

M. Laurent Dominati.

A moins que cela ne soit tout simplement, la marque du plaisir éprouvé par ceux qui trouvent une satisfaction à tromper (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste), car ce qui vous a été dit à la tribune était rigoureusement exact et a même été confirmé par le rapporteur général : ce budget n'est pas bon.

Je parle bien de plaisir à tromper, tel celui éprouvé par le joueur de bonneteau : voyez le financement des 35 heures ! Est-il ici ? Non, il est là ! Le voilà et, hop, il est dans ma poche ! (Rires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Jean-Claude Daniel.

Il sait manipuler !

M. Laurent Dominati.

Voilà à peu près la méthode du Gouvernement. Il nous annonce une baisse des prélèvements obligatoires et quel est le résultat ? Ils atteignent un niveau historique, battent un record ! Formidable ! Vous dites ensuite : les impôts vont baisser. Mais, quand on fait les comptes en détail on s'aperçoit que l'impôt sur le revenu augmente, que l'impôt sur les sociétés augmente, que la TVA augmente. Bref, tous les impôts augmentent et on arrive à une augmentation d'impôts de 33 milliards de francs au moins au total. Ce n'est d'ailleurs même pas exact car en réalité, comme l'a indiqué Gilles Carrez, vous avez caché une partie des taxes et des contributions qui pèseront sur l'économie française dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinerons dans quinze jours. Gilles Carrez a donc parfaitement raison : ce budget n'est pas exact, ce budget est un faux budget ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Si au moins vous aviez stabilisé les dépenses ! Mais même pas ! Loin de stagner, loin d'être stabilisées par la rigueur d'un ministère aussi bien représenté ce soir, elles augmentent de près de 3 % ! C'est là un budget d'occasions manquées, le signe d'un manque de courage, d'une tromperie des Français et des parlementaires qui les représentent. C'est aussi le mauvais exemple européen, puisque nous sommes le pays en Europe où les déficits budgétaires et les impôts baissent le moins, messieurs les ministres ! Lorsque vous rencontrez vos homologues socialistes ou travaillistes à Bruxelles ou ailleurs, vous devriez leur demander quelques recettes.

Prenez donc exemple sur eux, voilà qui nous ferait enfin plaisir ! Nous verrions à ce moment-là un budget sérieux avec de vraies baisses d'impôt, une véritable baisse du déficit ! Un député du groupe socialiste.

Comme en 1998 !

M. Laurent Dominati.

La réalité, c'est que vous avez bien senti que les Français ne vous croient déjà plus.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Eh oui déjà ! Ça vient vite ! Vous nous dites sans cesse :

« Mais vous aussi, vous aviez augmenté les impôts ! » Dans chacune de ses réponses aux questions d'actualité, M. Strauss-Kahn nous dit : « Je ne parlerai pas - pour en parler bien sûr, vieux procédé rhétorique - de cette hausse de TVA. » Eh bien, si vous ne voulez pas en par-

ler, monsieur le ministre, si elle vous déplaît tant que ça, baissez-là, cette TVA ! Qu'est-ce que vous attendez ? Cela va faire deux ans et demi que vous êtes là ! Si vous avez trop d'argent, rendez-le ! Voilà ce que nous vous demandons et voilà ce que nous proposerions dans un budget sincère, un budget vrai. Mais cela ne vous ferait pas autant plaisir, voilà pourquoi vous ne le faites pas.

Les députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants ne peuvent pas rejeter cette motion, tout simplement parce que ce qu'a dit Gilles Carrez est juste : ce budget est mensonger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Gérard Fuchs.

M. Gérard Fuchs.

Monsieur Carrez, vous avez eu, je le crains, quelques phrases excessives.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Ça c'est sûr !

M. Gérard Fuchs.

Il en est une qui m'a particulièrement frappé. Sauf erreur de ma part, je vous ai entendu d ire : « La majorité de l'époque - il s'agissait de l'année 1997 - vous a légué, à vous, majorité d'aujourd'hui, des finances saines. »

M. Gilles Carrez.

Je le maintiens !

M. Gérard Fuchs.

Il est assez extraordinaire d'entendre un tel commentaire, quand on sait quelle était l'atmosphère politique dans vos rangs au mois de mai de cette année-là !

M. Philippe Auberger.

Qu'est-ce que vous en savez ! Vous n'étiez même pas parlementaire !

M. Jean Ueberschlag.

Et quel rapport avec le budget ?

M. Gérard Fuchs.

Vous vous en souvenez très bien ! C'était la panique : « Nous devons atteindre l'objectif de réduction du déficit public à 3 % pour qualifier la France pour l'euro. Nous n'allons pas y arriver, sauf à prendre des mesures extrêmement dures contre les ménages. Nous ne pouvons pas faire cela un an avant les élections, donc il faut dissoudre d'abord et prendre les mesures ensuite ! » Si les finances de votre majorité de l'époque avaient été si saines que vous le prétendez, auriez-vous décidé de dissoudre ? Nous avons chacun nos souvenirs ! (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je vous ai ensuite entendu parler de débudgétisation, monsieur Carrez. Mais enfin, chers collègues de l'opposition, si nous discutons aujourd'hui d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale ce n'est pas sans rapport avec la réforme proposée par M. Juppé, premier ministre à votre époque. (Sourires.)

M. Michel Bouvard. Abolissez-là si elle n'est pas bonne !

M. Gérard Fuchs.

En conséquence, l'Assemblée est désormais conduite à examiner non plus seulement le budget de l'Etat, mais également celui de la sécurité sociale.

M. Michel Bouvard.

Respectez la loi ou changez-la !

M. Gérard Fuchs.

Y a-t-il de nouveaux impôts ?

M. Philippe Briand.

Oui !

M. Laurent Dominati.

Il n'y a que ça !

M. Gérard Fuchs.

Même si c'était vrai, ce n'est pas anticonstitutionnel ! Mais de toute façon ce n'est pas vrai, et vous le savez bien. Que faisons-nous ?

M. Laurent Dominati.

Rien !

M. Gérard Fuchs.

Nous changeons l'assiette des charges sociales patronales pour qu'elles pèsent non plus exclusivement sur les salaires, donc sur l'emploi, mais aussi sur les bénéfices des entreprises et sur certaines activités polluantes. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Je crois que c'est un plus pour l'emploi non qualifié.

M. Philippe Briand.

Les impôts payés par Aerospatiale en Hollande servent à alimenter les réserves !

M. Gérard Fuchs.

Mon cher collègue, dans tous les pays d'Europe, d'ici à quelques années, il y aura l'équivalent de la TGAP, et j'en suis ravi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Philippe Briand.

Mais il n'y aura pas les 35 heures !

M. Gérard Fuchs.

Vous le savez bien, ce projet de changement d'assiette est fiscalement neutre.

M. Gilles Carrez.

Non, il n'y a aucune neutralité ! Le coût du travail augmente !

M. Gérard Fuchs.

Il n'y a pas de charge supplémentaire sur la masse des entreprises.

Vous avez par ailleurs fait un rappel que j'apprécie, monsieur Carrez, car il donne tout son sens au débat politique qui nous amène parfois à nous opposer des deux côtés de cet hémicycle. Vous avez dit : « La seule baisse d'impôt qui serait sincère et véritable, ce serait une baisse de l'impôt sur le revenu des Français. » Eh bien,

vous l'avez fait et les Français vous ont jugé. Pourquoi ? Vous semblez l'avoir oublié. Qui paie aujourd'hui en France l'impôt sur le revenu ? Un Français sur deux. Et lorsque vous diminuez l'impôt sur le revenu, vous améliorez la situation de la moitié des Français, les plus favorisés, et d'eux seuls. C'est un choix politique. C'était le vôtre et vous en avez subi les conséquences. (Protestationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

N'importe quoi !

M. Michel Bouvard.

Les Français qui paient l'impôt sur le revenu sont des privilégiés, c'est bien connu !

M. Gérard Fuchs.

Ne vous énervez pas ! Je comprends que ce rappel vous soit douloureux, mais il n'en est pas moins réel ! Vous avez fait le choix de la baisse de l'impôt sur le revenu, nous faisons celui de la baisse de la TVA.

M. Laurent Dominati.

Faites-le vraiment ! Combien d'augmentation ?

M. Gérard Fuchs.

Nous en sommes à 30 milliards de francs depuis 1997, ce qui est beaucoup. Nous allons faire 20 milliards de francs cette seule année. M. Carrez nous dit que c'est surestimé, nous verrons bien !

M. Laurent Dominati.

Mais taisez-vous, vous ne savez pas de quoi vous parlez !

M. Gérard Fuchs.

Il est exact que nous escomptons de cette baisse la disparition d'une partie du travail au noir.

Nous ferons les comptes à la fin de cette année, mais je pense que nous ne serons pas loin des 20 milliards de francs.

Vous avez parlé du sort malheureux des entreprises, mais elles voient l'assiette de leur cotisation patronale changer globalement, ni plus ni moins,...

M. Michel Bouvard.

Et elles voient la montée de l'écotaxe !

M. Gérard Fuchs.

... et la taxe professionnelle diminuer. Ce que vous avez dit est exact. Le solde net est de l'ordre de 3 milliards de francs, et non de 9 milliards, mais 90 % des entreprises, en commençant pas les plus petites, verront progressivement diminuer de près d'un tiers leur cotisation de taxe professionnelle.

M. Gilles Carrez.

Le coût du travail va augmenter avec les 35 heures !

M. Gérard Fuchs.

C'est bon pour l'emploi, donc c'est bon pour la France.

Sur la baisse du déficit, nos ministres ont déjà répondu tout à l'heure.

En conclusion, quelques mots sur la fonction publique, qui est toujours l'une de vos cibles privilégiées mais, après tout, pourquoi pas ? C'est votre choix. Vous vous vantiez en 1997 d'avoir réduit de 5 000 le nombre de fonctionnaires. Je me rappelle avoir fait campagne sur ce thème dans ma circonscription. Qu'avez-vous voulu réduire ? Le nombre d'instituteurs, d'aides-ménagères, d'infirmières, de policiers ?

M. Philippe Briand.

Et la rentrée scolaire ? Les lycéens sont encore dans la rue !

M. Gérard Fuchs.

Les Français se rendent bien compte que la fonction publique rend un service public à notre pays. Je sais bien que les tenants du « tout marché » que vous êtes n'aiment pas l'intervention de l'Etat, la politique macro-économique, qu'ils n'aiment ni la fonction publique ni le service public.

M. Philippe Briand.

Caricature !

M. Gérard Fuchs.

Ce n'est pas notre cas. Le budget qui nous est présenté est sincère et raisonnable, comme nous vous l'expliquons depuis des semaines.

M. Jean Ueberschlag.

Ah, vous croyez !

M. Gérard Fuchs.

Les fruits de la croissance sont partagés en trois : un tiers pour la réduction de la dette ; un tiers pour les baisses d'impôts - 39 milliards, ce n'est pas rien ! ; un tiers pour les priorités du Gouvernement.

C'est un budget de réforme. C'est un budget favorable à l'emploi pour toutes les raisons que j'ai indiquées. Ce n'est pas un budget inconstitutionnel pour toutes les raisons que j'ai indiquées aussi. C'est pourquoi le groupe socialiste rejettera l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Nous ne sommes pas là pour ouvrir un débat sur le budget. Nous sommes en train de discuter une exception d'irrecevabilité et, parmi les différents arguments qui ont été excellemment développés par notre collègue Gilles Carrez, j'en retiens un et un seul, mais il est de poids : une atteinte est indiscutablement portée au principe de l'universalité budgétaire, qui est l'un des principes fondamentaux de notre droit des finances publiques. J'en veux pour illustration le fonds d'allégement des charges sociales sur les bas salaires, dans le cadre des 35 heures. Cet allégement des charges sociales a été décidé par le gouvernement précédent et avait été inscrit dans le budget par ce même gouvernement. Vous avez ensuite repris cette dépense dans le cadre des différents budgets que vous nous avez présentés en 1998 et 1999. Nous ne voyons donc pas pour quelles raisons, brutalement, pour l'an 2000, vous créez un établissement public administratif spécial à l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour loger ces allégements de charges sociales.

M. Laurent Dominati.

En effet !

M. Philippe Auberger.

Aucune raison de droit ou de fond ne justifie un tel démembrement de l'administration publique par rapport à ce qui avait été fait précédemment et qui avait d'ailleurs été validé par le Conseil constitutionnel. En effet, les lois de finances de 1997, 1998 et 1999 ont été soumises au Conseil constitutionnel qui a ratifié cette procédure d'inscription budgétaire des allégements de charges sociales sur les bas salaires. Ce démembrement est donc absolument injustifié en droit. Bien


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qu'un certain flou subsiste, j'observe d'ailleurs que, outre une subvention de l'Etat de 4,3 milliards, ce fonds sera essentiellement, alimenté par des ressources fiscales, pour plus des trois quarts. Or il n'y a absolument aucune raison de procéder à un démembrement de l'administration uniquement pour gérer des ressources fiscales. C'est une entorse extrêmement grave à nos principes budgétaires.

J'observe également qu'il n'y a absolument aucun lien entre les ressources et les dépenses et que cette affectation de certaines ressources fiscales - si je me souviens bien, il y en a cinq au titre de l'allégement des charges sur les bas salaires n'est absolument pas justifiée. Pour qu'une affectation soit justifiée en droit budgétaire, il faut qu'il y ait un lien entre la recette et la dépense. Quelqu'un dans cet hémicycle peut-il me dire s'il y a un lien entre l'impôt sur le tabac et l'allégement des charges sur les bas salaires ? Il n'y en a absolument aucun ! Cette affectation est donc parfaitement irrégulière en droit puisqu'elle n'est absolument pas justifiée, pas même d'ailleurs par l'article de la loi de finances qui la prévoit ou par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et ce que je dis pour l'impôt sur le tabac vaut également pour la TGAP.

Il n'y a aucun lien entre la taxe sur les lessives et adoucissants et l'allégement des charges sur les bas salaires. C'est absurde. Et ce qui l'est plus encore, c'est que Mme Aubry s'était opposée à l'allégement des charges sur les bas salaires décidé autrefois par M. Juppé, sous prétexte qu'il était financé par une imposition sur les ménages. L'impôt sur le tabac n'est-il pas, aussi, une imposition sur les ménages ? Qui, en dehors des ménages, va le payer ? Je vous le demande. Et la taxe générale sur les activités polluantes, lessives et adoucissants, est-elle autre chose qu'un impôt sur les ménages ? Cette argumentation ne vaut donc absolument rien.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

Pourquoi ce démembrement ? C'est clair. Au lieu d'inscrire des dépenses, qui contribueraient naturellement à l'augmentation générale des dépenses budgétaires, le Gouvernement préfère recourir à un prélèvement sur recettes. La Cour des comptes a déjà dénoncé plusieurs fois les prélèvements sur recettes destinés à alimenter le budget européen et les budgets des collectivités locales.

Celui destiné à alimenter cet établissement public à caractère administratif n'a pas plus de justification.

En outre, je note que le compte qui nous a été présenté par Mme Aubry s'agissant de ce fonds d'affectation, que l'on pourrait qualifier d'affectation spéciale bien que cela soit tout à fait abusif, n'a pas été présenté en équ ilibre. Par ailleurs, ce fonds doit être alimenté par une taxe sur les heures supplémentaires. Or il n'existe pas la moindre évaluation des recettes qui proviendront de cette taxe, ni dans le budget de l'Etat ni dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est pourtant bien une ressource fiscale personne ne peut le contester -, elle devrait donc figurer soit au budget de l'Etat, soit dans la loi de financement de la sécurité sociale. Voilà encore une grave anomalie qui est manifeste et qui justifie cette exception d'irrecevabilité.

M. Philippe Briand.

Très bien !

M. Philippe Auberger.

J'en viens au deuxième cas de démembrement tout à fait inadmissible avec le fonds qui va servir à financer la couverture médicale universelle. En effet, quelles sont ses ressources ? Ce sont, pour une faible part, un subvention de l'Etat - 1,4 milliard, si mes souvenirs sont exacts, donc très peu -, et, pour l'essentiel, des ressources provenant des départements, à concurrence de plus de 5 milliards de francs, qui sont financées sous forme d'un prélèvement sur recettes en faisant jouer la dotation globale de décentralisation. Encore une anomalie ! Enfin, autre ressource du fonds : une contribution des mutuelles et autres organismes de prévoyance. Toutes ces recettes devraient figurer au budget de l'Etat...

M. Philippe Briand.

Tout à fait !

M. Philippe Auberger.

... de même que les dépenses de la couverture médicale universelle doivent y figurer, et non dans un fonds spécial.

J'ajoute qu'aucune prévision de recettes ou de dépenses n'a été présentée, ni dans le cadre du budget de l'Etat ni dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, s'agissant de ce compte pour la couverture médicale universelle et que les chiffres les plus fantaisistes courent - entre 10 et 20 milliards de francs de coût par an pour une dépense qui n'existait pas avant et qui ne figure pas dans l'évaluation de l'évolution des dépenses. Il y a donc là également une très grave anomalie au regard de l'universalité du budget de l'Etat.

Voilà qui montre, mes chers collègues, que ce budget n'est pas rigoureux au regard de nos règles en matière de finances publiques, de droit budgétaire. En conséquence de quoi nous devons adopter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, la parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, je vous expliquerai tout à l'heure, au nom du groupe UDF, le détail de notre position sur le budget. Mais comme le rappelait Philippe Auberger, nous n'en sommes qu'à l'exception d'irrecevabilité.

Il y a deux grandes raisons de voter celle-ci.

La première, c'est la débudgétisation anticonstitutionnelle proposée dans ce budget. Or elle ne porte pas sur des petites sommes : 65 milliards, en l'an 2000 ! Et après on ne sait pas très bien. On parle de 105, 110, 115 milliards, deux ans plus tard. En fait, personne ne le sait...

Plusieurs des orateurs précédents l'ont fait remarquer : on ne s'est pas contenté de monter une usine à gaz ; on a monté un système tel que le ministre lui-même est incapable, aujourd'hui, de nous expliquer le financement des 65 milliards. Mme Aubry l'a d'ailleurs reconnu. A une question qui lui avait été posée, elle a répondu : « Jeunes gens, on verra ça mardi prochain ! » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais de qui se moque-t-on, messieurs les ministres ?

M. Philippe Briand.

Avec Mme Aubry, tout est possible !

M. Charles de Courson.

On commence à discuter de la loi de financement de la sécurité sociale en commission, de la loi de finances initiale en commission et maintenant en séance publique. Et on s'entend dire, comme si nous étions des enfants : « Chers amis, allez ailleurs ! On vous expliquera plus tard parce que nous ne savons pas nousmêmes encore comment financer cela ! »

M. Philippe Briand.

Scandaleux !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Charles de Courson.

Avouez, mes chers collègues, qu'au regard du principe de la souveraineté de la nation qui s'exprime à travers le Parlement, c'est là une claque incroyable ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Bouvard.

Quel mépris pour le Parlement !

M. Charles de Courson.

Comme le rappelait Phil ippe Auberger, l'absence d'évaluation préalable est incompatible avec la loi organique ; d'ailleurs, vous ne pouvez pas évaluer puisque vous ne savez même pas ce que vous allez mettre.

A ceux qui ont lu la loi de financement de la sécurité sociale, je fais remarquer que Mme Aubry a réinventé une catégorie d'Ancien Régime des finances publiques : le don gratuit ! Vous vous en souvenez ? Plusieurs députés du groupe communiste.

On n'était pas là !

M. Charles de Courson.

Moi non plus, mais vous pouvez lire l'histoire...

Eh bien, quand le royaume était en faillite, on allait

« taper » l'Eglise de France en lui disant : « Donnez de l'argent au royaume ! » Et on négociait un don dans les coulisses. De temps en temps, l'Eglise de France répondait : « Pas un rotin pour le roi et pour le royaume ! » et on créait alors... un impôt !

M. Patrick Lemasle.

C'est le royaume des cieux !

M. Charles de Courson.

Ainsi, Mme Aubry a réinventé une catégorie juridique d'Ancien Régime. Il faut dire que la majorité n'est pas à un archaïsme près ! Seulement, mes chers collègues, du point de vue constitutionnel, on peut se demander si le don gratuit est compatible avec une démocratie. Je vous dis : non ! Mme Aubry a tenté trois hold-up. Le premier, sur le régime général, hold-up annoncé et programmé, portait sur 5,5 milliards de francs. Le conseil d'administration de l'Unedic ayant refusé, elle a été obligée d'y renoncer.

Mais si vous lisez l'exposé des motifs de la loi de financement de la sécurité sociale, vous constaterez que ces 5,5 milliards y figurent.

Le deuxième hold-up - ou plutôt don gratuit - consistait à prélever 1,5 milliard sur l'AGIRC et l'ARRCO.

Alors là, c'est très fort ! Envisager un prélèvement sur ces organismes dont les perspectives à moyen et long termes sont très mauvaises, il faut le faire ! Les deux conseils d'administration ont refusé et, semble-t-il, Mme Aubry n'insiste plus.

Reste le troisième hold-up qui porte sur 6 milliards, aux dernières nouvelles. Là, Mme Aubry fait pression, menace de prendre des sanctions. C'est la reine de France qui, s'adressant à l'Eglise de France, dit : « Tu dois payer, sinon je t'aurai au tournant ! » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mes chers collègues, nous sommes en pleine résurrection de l'Ancien Régime ! (Rires et applaudissements sur tous les bancs.) Et je constate que les Républicains sont de ce côté-ci de l'hémicycle, alors que ceux qui veulent revenir au royaume de France et aux dons gratuits sont de ce côté-là ! (Nouveaux rires.)

Vous avouerez qu'avec cette majorité on aura tout vu ! J'en viens au deuxième argument de nature constitutionnelle, avancé par Gilles Carrez.

La libre administration des collectivités territoriales estelle respectée dans ce budget ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - « Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) La réponse est clairement : non ! Gilles Carrez en a évoqué la raison.

Mes chers collègues, et là je m'adresse à l'ensemble de la représentation nationale sans aucun esprit de parti (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe c ommuniste), qu'est-ce qu'une démocratie locale ? Qu'est-ce que la libre administration des collectivités territoriales ? C'est un système dans lequel les assemblées locales élues ont la capacité de lever l'impôt.

Or, que fait ce gouvernement année après année ? Il accélère un mouvement de suppression de l'autonomie fiscale locale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Certains d'entre vous, qui sont de vrais défenseurs de la démocratie locale, n'osent pas le dire en public. Mais en privé, on en discute ! Où va le financement des collectivités locales, mes chers collègues ? La taxe professionnelle ? Un tiers est nationalisé ! Sans compter qu'elle évolue comme la DGF, puisque ses bases seront réévaluées, grosso modo, de 1 %, et non de 4 %.

M. Patrick Lemasle.

Vous n'êtes pas sérieux !

M. Charles de Courson.

Les droits de mutation ? Ils ont beaucoup augmenté. Vous les avez réduits en compensant la perte correspondante pour les collectivités locales. Il n'empêche qu'en deux ans l'ensemble des collectivités locales a perdu plus du tiers d'autonomie fiscale en ce domaine.

Mes chers collègues, vous êtes-vous demandé si cette p olitique menée par le Gouvernement était juste ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - « Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mais non ! Car, une nouvelle fois, les dispendieux sont récompensés et les rigoureux sanctionnés. C'est un principe socialiste de base ! Il faut taxer les entreprenants, il faut taxer les créateurs de richesses, il faut décourager ceux qui prennent des initiatives, décourager les familles et encourager ceux qui font l'inverse.

Dans ces conditions, vous ne vous étonnerez pas que le groupe UDF vote l'exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Gilles Carrez.

Il a retrouvé ses esprits ?

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Rien à voir ! Il est normal que je prenne la parole maintenant. Car je ne pense pas que j'aurais été capable de répondre aux remarques qui m'étaient adressées avant de les avoir entendues.

(Sourires.)

M. Carrez a abordé de nombreux sujets, au-delà des questions qui touchent à l'exception d'irrecevabilité. Je vais en dire un mot.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

D'abord, de la transparence. Christian Sautter l'a évoqué dans son intervention liminaire. Lorsqu'un gouvernement rebudgétise quarante fonds de concours, supprime quatre comptes spéciaux du Trésor, suite à une démarche de même nature, engagée l'année dernière...

M. Gilles Carrez.

Je l'ai dit ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Certes ! Mais on peut difficilement en tirer à la conclusion qu'il n'y a pas de transparence ! Qu'il y ait encore à faire, c'est probable. Il ne reste plus à ma connaissance que neuf comptes spéciaux du Trésor, mais le mouvement doit pouvoir encore s'accélérer. Toute simplification de cet ordre est la bienvenue. Cela dit, quarante fonds de concours supprimés cette année, ce n'est pas rien !

M. Charles de Courson.

Cela représente 9 milliards...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

De nombreux orateurs ont abordé le principe des transferts de ressources. Il est vrai qu'en 1994 je n'étais plus député, à mon corps défendant d'ailleurs.

Mais je ne me souviens pas qu'à l'époque, quand M. Balladur a transféré les droits sur les alcools à la sécurité sociale, les remarques de l'actuelle opposition aient été aussi véhémentes qu'elles le sont aujourd'hui, lorsque nous transférons les droits sur les tabacs. Or entre les droits sur les alcools et les droits sur les tabacs, la distinction, constitutionnellement parlant, n'est pas grande...

M. Jean Ueberschlag.

Vous critiquiez à l'époque ce que vous faites aujourd'hui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais justement, je vous remercie de me tendre cette perche ! Si j'ai précisé que je n'étais pas député, c'est pour faire comprendre que je n'avais pas émis de critiques.

M. Charles de Courson.

Mais vos amis l'ont fait !

M. Jean Ueberschlag.

Ce qui est la même chose.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour ce qui est de la dérive des dépenses, vous avez dit, monsieur Carrez, qu'elle ne serait pas de 1 % parce que l'inflation était plus faible. Vous auriez raison si la dépense en valeur était celle qui a été prévue.

Or, elle ne sera pas celle prévue et la dépense en volume sera de 1 % seulement, comme nous l'avons dit.

Vous nous avez donné rendez-vous au collectif. Soit, mais je vous confirme aujourd'hui que la dépense en volume sera bel et bien de 1 %. Et critiquez maintenant parce que, quand vous aurez les chiffres, vous ne pourrez plus le faire...

M. Gilles Carrez.

La Cour des comptes a constaté le contraire pour 1998 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais vous parlez des comptes pour 1999, que la Cour des comptes n'a pas faits ! Vous avez évoqué la dette. Nous reviendrons plusieurs fois sur la dette en pourcentage du PIB. Mais, je résiste mal au plaisir de citer les chiffres : de 1993 à 1997, ce pourcentage est passé de 45 à 60 %...

M. Jean Ueberschlag.

Toujours le passé ! Parlez un peu de votre budget ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais je parle de mon budget, monsieur le député ! car le passé explique assez souvent le présent.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

Et en 1989 ?

M. François Vannson.

Et en 1990 !

M. Jean Ueberschlag.

Et en 1992 ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vais demander les chiffres, puisque vous y tenez. Ils sont d'ailleurs dans le rapport économique et financier. Ce qui est sûr, c'est que le pourcentage de la dette publique par rapport au PIB est passé de 45,6 % à 60 %, en nouvelles bases, de 1993 à 1997. Alors qu'il commencera à baisser un peu en dessous de 60 % cette année. Chacun le reconnaît.

M. Philippe Auberger.

On ne le reconnaît pas, ce n'est pas vrai ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Si même les statistiques sont contestées... Cela vient sans doute d'une confession que M. Carrez nous a faite quand il a dit que la droite était fatiguée. A votre place, je le serais aussi...

M. Jean Ueberschlag.

Ce n'est pas sérieux ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce n'est pas sérieux ? Mais est-ce que vous croyez honnêtement que nombre de vos remarques le sont ?

M. Jean Ueberschlag.

Vous n'êtes pas au spectacle, monsieur le ministre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'essaie, sans toujours y parvenir, d'adapter mes réponses au niveau des questions que vous me posez.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Si vous vouliez bien me laisser parler, monsieur Ueberschlag, je vous en serais reconnaissant. Le bruit ne change rien à l'affaire et ne sert pas d'argumentation.

Sur les collectivités locales, je citerai un chiffre dont la représentation nationale n'a peut-être eu connaissance et qui me semble mettre fin à beaucoup de débats : si on avait poursuivi jusqu'en 2000 le pacte de stabilité mis en place par M. Juppé, ce sont 3,774 milliards de moins que recevraient les collectivités locales.

M. Alfred Recours.

Et toc ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et jusqu'en 2001, ce serait 4,604 milliards de moins.

M. Alfred Recours.

Et re-toc ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le niveau de transfert aux collectivités locales est donc supérieur de 3,7 milliards à ce qu'il aurait été si l'on avait poursuivi votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Gilbert Meyer.

Heureusement que vous pouvez utiliser le conditionnel ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

A partir de là, tout le reste n'est que littérature ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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M. Jean Ueberschlag.

Ce sont des pirouettes ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous abordons maintenant des sujets qui touchent plus directement à la constitutionnalité. J'évoquerai l'autonomie fiscale des communes, question reprise par M. de Courson, qui citait d'ailleurs M. Carrez.

D'une part, mais je ne veux pas m'étendre trop longtemps là-dessus, vous prétendez que les réformes que nous proposons font perdre de leur liberté aux communes puisqu'elles diminuent l'importance de la part sur laquelle elles gardent un certain pouvoir.

D'autre part, vous préconisez une sorte de partage, prévu à l'avance, d'impôts comme la TVA, l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés.

M. Charles de Courson.

Pas moi ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

Pas vous, monsieur de Courson, mais

M. Carrez si.

M. Gilles Carrez.

C'est prévu par la Constitution ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Soit. Mais où est passée l'autonomie fiscale des communes quand il s'agit de leur affecter 2 %, 3 % ou 5 % de la TVA ? On peut difficilement soutenir deux positions aussi contradictoires.

Monsieur Carrez, vous ne pouvez pas regretter que nosr éformes fassent perdre de l'autonomie fiscale aux communes et, dans le même temps, en proposer une qui, si elle peut avoir des avantages par ailleurs et exister dans d'autres pays, ne donne à ces communes aucune autonomie. Il y a là une légère contradiction, c'est le moins qu'on puisse dire !

M. Gilles Carrez.

Le système dans lequel vous nous embarquez est le pire de tous ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Par définition, puisque nous sommes au pouvoir ! J'en viens à la TGAP, point important, sur lequel il convient que le Gouvernement réponde précisément.

L'article 1 de l'ordonnance, auquel vous vous êtes référé, ne dispose nullement que le budget de l'Etat doive retracer les recettes de la sécurité sociale. Or, la TGAP devient une recette de la sécurité sociale. Dans ces conditions, il est tout à fait normal qu'elle ne soit pas retracée dans le budget.

Son article 18 précise qu'une disposition doit figurer dans la loi de finances quand une part d'une recette fiscale est transférée. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'une part, mais de la totalité d'un impôt. Il n'est donc pas nécessaire de l'évoquer dans la loi de finances.

M. Gilles Carrez.

Bien sûr que si ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais comme nous ne voulons pas avoir de débat là-dessus, le Gouvernement déposera un amendement afin que cette recette soit retracée.

M. Gilles Carrez.

Votre raisonnement est paradoxal ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne veux pas discuter des heures là-dessus, monsieur Carrez. Je vous assure que le texte est totalement respecté. Vous nous dites que cela vous angoisse ? U n amendement gouvernemental viendra lever vos inquiétudes.

M. Laurent Dominati.

C'est bien de le faire !

M. Gilles Carrez.

Remerciez-moi plutôt ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il n'y a pas de quoi...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Vous avez parlé une heure, laissez le ministre répondre !

M. Gilles Carrez.

C'est le ministre qui déteint sur moi ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne crois pas vous avoir autant interrompu, monsieur Carrez ! Quoi qu'il en soit, vous avez cité un autre exemple : celui de la taxe sur les bureaux. Il vous a échappé, me semble-t-il, que la taxe sur les bureaux est déjà une recette d'Etat. Ce n'est pas une recette de collectivité locale, mais une recette d'Etat affectée.

M. Gilles Carrez.

Dans un fonds ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Dorénavant, elle ne sera plus affectée.

M. Gilles Carrez.

C'est bien cela le problème ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le compte d'affectation correspondant figure au nombre de ceux dont j'ai dit qu'ils étaient supprimés.

Par ailleurs, une part croissante de cette recette d'Etat sera transférée à la région. Il n'y a rien là-dedans qui pose le moindre problème constitutionnel. Aucun.

Inutile d'y revenir : c'était déjà un impôt d'Etat, cela reste un impôt d'Etat ; il était affecté, il n'est plus affecté.

Tout cela ne pose aucun problème constitutionnel.

M. Laurent Dominati.

Si, ça change ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Dominati, pourquoi faut-il toujours que vous traitiez de noms d'oiseaux la majorité, le Gouvernement, et tout spécialement moi-même ?

M. Laurent Dominati.

C'est que vous m'inspirez ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'y vois un signe d'attention qui me réjouit.

Mais il ne suffit pas de taxer les gens de supériorité supposée pour masquer l'infériorité de son propre discours.

Honnêtement, vous ne vous en sortirez pas si court.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Laurent Dominati.

Vous me donnez raison ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Auberger, vous avez abordé la question de l'établissement public. A ce propos, je voudrais essayer de lever une confusion.

Il est très fréquent que des recettes fiscales alimentent un établissement public. C'est le cas du fonds de solidarité vieillesse créé par M. Balladur et qui, aujourd'hui, reçoit 60 milliards de ces recettes. C'est un établissement dédié à la sécurité sociale, couramment alimenté de recettes fiscales, qui ne me semble pas vous poser de problème particulier.

Cette fois, nous créons un établissement public. Nous le faisons pour bien identifier le fait que cette opération se fait à prélèvements constants et que les recettes qui y sont affectées sont redonnées en termes de baisse de charges. C'est une question de transparence. Une telle justification nous paraît suffisante. Vous dites que c'est inutile ? Quand bien même ce le serait, ce ne serait pas inconstitutionnel.

Vous parlez d'un prélèvement sur recettes. Non, monsieur le député, en aucun cas. Un prélèvement sur recettes est une opération bien particulière et bien spéci-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

fiée. Nous sommes en présence d'un transfert de recettes, de l'Etat à la sécurité sociale. Le transfert des droits sur les alcools auquel s'est livré M. Balladur était exactement de même nature.

Vous raisonnez comme s'il s'agissait d'un compte d'affectation spéciale de l'Etat. Il ne s'agit pas de cela, il s'agit d'un établissement public, côté sécurité sociale. De ce fait, la TGAP, par exemple, devient une recette de la sécurité sociale.

M. Charles de Courson.

Mais non ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En ce sens, il n'y a strictement aucun problème, sauf, éventuellement, un débat sans fin sur : « une part » d'un impôt ou « la totalité » d'un impôt... Selon le texte, il s'agit d'« une part ». Mais un amendement viendra couper court à la discussion.

Le fait que des recettes fiscales servent à la sécurité sociale est un phénomène très ancien. 350 milliards le sont déjà au titre de la CSG ! Cela ne pose aucun problème.

S'il s'agissait d'un compte d'affectation spéciale de l'Etat, votre raisonnement serait juste. Mais ce n'est pas le cas. Je le répète, il s'agit d'un établissement public créé à des fins de transparence, pour le transfert intégral d'une recette qui, jusqu'à maintenant, était une recette de l'Etat et qui devient une recette de la sécurité sociale. Il n'y a pas l'ombre d'un problème de constitutionnalité.

Vous demandez par ailleurs pourquoi la CMU n'est pas retracée dans le budget de l'Etat. Honnêtement, je ne vois pas très bien pourquoi la CMU, qui est une dépense de sécurité sociale, devrait apparaître dans le budget de l'Etat.

Monsieur de Courson, je ne m'appesantirai pas sur l'autonomie fiscale des communes car j'en ai dit un mot.

Je remarque seulement que la liberté des communes, qui existe dans bien d'autres pays que le nôtre, s'analyse généralement chez les spécialistes des questions des collectivités locales comme la liberté des dépenses. De ce point de vue, les communes européennes ayant la plus grande liberté sont les communes néerlandaises. Et pourtant, elles n'ont aucune recette fiscale propre ; toutes leurs recettes proviennent d'un transfert de ressources de l'Etat.

Nous avons tendance à considérer que la fiscalité levée par les communes fait partie de leurs libertés. Mais dire pour autant que la diminution de la taxe professionnelle porte atteinte à la liberté des communes, je trouve que c'est un peu exagéré. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Enfin, monsieur de Courson, vous avez dénoncé des relations que vous jugez complexes entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est critiquer injustement un système mis en place par M. Juppé. Mais il vous est loisible de le faire...

Ce qui est sûr, c'est que vous ne pouvez pas, dans le cadre d'une explication de vote sur une exception d'irrecevabilité du projet de loi de finances, passer la moitié de votre temps à critiquer le projet de loi de financement de la sécurité sociale - et, au passage, ma collègue Martine Aubry. Cela n'a pas de rapport. Il y a un projet de loi de finances...

M. Charles de Courson.

Vous transférez ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais le transfert, monsieur de Courson, ne pose pas de problème de constitutionnalité. Il a été fait avant nous, et je pense qu'il continuera d'être fait, pour d'autres raisons, après nous.

M. Charles de Courson.

Cela n'a pas de lien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il n'y a aucun lien ! Les droits sur les alcools ont-ils un lien avec ce qu'ils sont censés financer ?

M. Charles de Courson.

Rebudgétisons l'ensemble ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais non ! Pourquoi ce qui était bon quand M. Balladur le décidait ne vaudrait-il plus quand cela est proposé par un gouvernement qui n'appartient pas à votre camp ? Quant aux références que vous avez faites sur le retour de l'Ancien régime, avec un talent que je salue, je n'en dirai rien car vous êtes plus compétent que moi en la matière ! (Sourires.)

M. Guy Lengagne.

Très bien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je me résume. Sur ces questions, il est des éléments complexes que nous n'avons sans doute pas suffisamment expliqués, ce qui justifie que des questions soient posées à leur égard. En revanche le Gouvernement estime que ne se pose aucun problème de constitutionnalité, qu'il s'agisse du transfert d'une ressource à la sécurité sociale, de la création d'un établissement public pour retracer l'évolution de ces recettes et de ces dépenses, de la création de la taxe sur les bureaux que vous avez évoquée, ou de la disparition du compte d'affectation spéciale. Aucun des arguments que vous avez avancés pour justifier l'inconstitutionnalité du projet de budget ne me semble tenir.

J'invite donc la majorité à rejeter cette motion de procédure, comme elle l'a fait dans le passé à juste raison, d'autant que, à aucun moment, le Conseil d'Etat ne s'est prononcé en ce sens, ni en 1998 ni en 1999. Je suis d'ailleurs persuadé que le Conseil constitutionnel ne suivra pas les arguments de l'opposition. Je vous invite donc à repousser cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. José Rossi et des membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants u ne question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Messieurs les ministres, les titres de la presse sont instructifs sur votre projet et, loin de votre présentation habile, ils en disent long sur la façon dont la presse, mais aussi les économistes, les observateurs attentifs, les syndicats et, plus largement, l'ensemble de nos concitoyens perçoivent votre budget pour l'an 2000.

« Ce budget manifeste-t-il un projet politique ? », s'interroge L'Evénement du Jeudi du 16 septembre, qui conclut, comme Libération, à votre immobilisme.


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« Le budget 2000 oublie le financement des 35 heures » et « Facture opaque, sans financement assuré », titrait La Tribune du 16 septembre.

Ce même jour, Le Figaro considérait que vous présentiez un budget sans audace.

Ce matin encore, Le Parisien titrait : « TVA, les ratés de la baisse » et, ce soir, Le Monde indiquait : « Pourquoi les impôts continuent d'augmenter ».

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous lisez beaucoup la presse !

M. Marc Laffineur.

Oui, on s'instruit ! Décidément, votre projet appelle un constat : encore une fois, ce budget isole la France, toujours un peu plus. Il pénalise les entreprises, augmente les prélèvements, ne maîtrise pas la dépense publique. Plus grave, ce budget est tronqué, puisque vous avez débudgétisé massivement des crédits et des taxes vers un fonds de la sécurité sociale.

Au final, ce budget laisse un sentiment de gâchis et de profondes inquiétudes pour un futur qu'il ne prépare pas du tout. Pourtant, vous aviez de telles marges de manoeuvre que vous auriez pu faire beaucoup.

Avec ce budget, la France est donc de plus en plus isolée.

A ce propos évoquons brièvement la conjoncture dont on constate qu'elle reste favorable.

L'économie européenne profite de la faiblesse de l'euro pour doper ses exportations et les taux d'intérêts très bas favorisent l'activité. La crise asiatique n'a que peu touché notre pays du fait de sa faible ouverture à cette zone et l'éclatement de la bulle spéculative a même permis aux entreprises occidentales de s'y installer, notamment par le rachat à bas prix de concurrents affaiblis.

Aujourd'hui, les Etats-Unis tirent la conjoncture mondiale. Ils entrent dans leur neuvième année de croissance, avec quelques inquiétudes quant à une chute des cours à Wall Street, mais avec un taux d'inflation faible, un taux de chômage revenu à 4,3 % et des excédents budgétaires c onsidérables. Dans ces conditions, l'environnement économique apparaît globalement positif pour la France.

Néanmoins, alors que les autres pays de la zone euroo u même de l'OCDE s'appuient sur cette bonne conjoncture pour assainir leurs finances, vous prenez un autre chemin et vous isolez de plus en plus notre pays par la politique que vous menez. Il n'est, pour s'en convaincre, qu'à se pencher sur les réactions que votre projet et votre politique suscitent autour de nous.

Déjà en février dernier, l'OCDE indiquait pour notre pays : « Des risques existent. Ils sont liés non seulement à l'évolution de l'environnement international, mais aussi aux politiques menées en France, tant dans le domaine budgétaire que pour ce qui concerne les réformes structurelles. » Cette seule déclaration éloquente s'inscrit dans

un ensemble de déclarations concordantes.

Les économistes de l'OCDE, mais pas eux seulement, constatent ainsi que la France a relâché ses efforts pour réduire son déficit public en 1998 et 1999. Ils révèlent que rien n'a été fait en matière de réforme, ni pour les retraites ni pour l'assurance maladie, malgré une situation conjoncturelle exceptionnelle et une croissance de 3 % en 1998, de 2,5 % en 1999 et, vraisemblablement, de près de 3 % à nouveau pour l'an 2000.

Il y a quinze jours, le ministre hollandais des finances a critiqué ouvertement votre budget. Gerrit Zalm a souligné son manque de rigueur et son manque d'ambition.

De plus, bien que ministre d'un pays qui pratique la baisse du temps de travail, Gerrit Zalm semble émettre plus que des réserves sur la façon d'imposer cette baisse en France, puiqu'il ne cache pas ses craintes quant aux conséquences de cette mesure sur nos finances.

Si suivre les avis de nos partenaires ne vous semblait pas souhaitable, du moins auriez-vous pu prêter l'oreille aux observations de la Banque de France qui réclamait un retour à la sagesse de votre part en matière de dépenses publiques. Jean-Claude Trichet a, en effet, rappelé que les é conomies nationales conservaient de considérables marges de manoeuvre pour leur gestion et que ces marges, afin d'obtenir et de pérenniser la prospérité économique, devaient se traduire « par une réduction de la dépense publique, une réduction des déficits et une réforme de ce qui doit l'être ».

On ne peut que constater le décalage grandissant entre la France et ses partenaires quant à l'assainissement des finances publiques. En effet, à l'inverse de nous, tous nos partenaires ont adopté des politiques de maîtrise drastique des dépenses publiques avec l'objectif avoué de parvenir à un équilibre des comptes publics à l'orée du troisième millénaire.

Les autres gouvernements socialistes d'Europe ont compris que les périodes de croissance doivent servir à réduire les déficits et que le bon sens, comme la prudence, exige de ne pas engager de dépenses publiques nouvelles tant que les comptes ne sont pas assainis en profitant d'une embellie qui peut se révéler éphémère. Le g ouvernement de Lionel Jospin fait exactement le contraire et il recommence la politique menée par celui de Michel Rocard, il y a dix ans, en gaspillant les fruits de la croissance et en gageant des dépenses structurelles importantes et nouvelles sur des recettes conjoncturelles, temporaires et incertaines.

Mme Béatrice Marre.

Quel panorama !

M. Marc Laffineur.

L'absence de maîtrise des dépenses est la voie sur laquelle le gouvernement de la gauche plurielle conduit la France. La hausse affichée des dépenses publiques pour 2000 est de 0,9 %, ce qui représente près du double de l'inflation. Cette absence de maîtrise des dépenses publiques et, surtout, cette absence de volonté de maîtrise illustre votre manque de capacité de réforme de l'Etat. Déjà, l'an dernier, vous aviez fait fort, puisque les dépenses ont augmenté presque trois fois plus que l'inflation, aggravant le retard que nous avons déjà dans ce domaine par rapport à tous nos partenaires.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais non ! Et la croissance ?

M. Marc Laffineur.

Vous suivez toujours la même voie : l'augmentation des dépenses, monsieur le ministe.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La croissance en volume est une chose, l'inflation en est une autre !

M. Marc Laffineur.

En tout état de cause, il convient de revenir sur le chiffre annoncé pour l'année 2000, car si vous présentez une progression de 0,9 % des dépenses, vous le faites alors que la réduction de l'inflation et des taux d'intérêt aura permis de réduire la charge de la dette de 2,5 milliards de francs cette année. Ce contexte aurait dû vous inciter à faire mieux en matière de dépenses.

Je relève surtout que votre présentation cache des opérations hors budget dont la réintégration ferait apparaître une progression réelle des dépenses de 2,7 %, soit 48 milliards de francs.

M. Gilles Carrez.

Très juste !


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M. Marc Laffineur.

Tel est le véritable résultat sincère, quand on ajoute à vos 0,9 % les sommes débudgétisées au profit de la sécurité sociale ou résultant des prélèvements sur recettes.

La progression très forte de la dépense publique menace ainsi directement notre équilibre budgétaire car elle vient grever durablement le budget de notre pays, pourtant dans une période de conjoncture favorable. Je n'ose imaginer les conséquences de votre politique si cette bonne tenue de la conjoncture venait à s'estomper.

Vous ne consacrez qu'une part modeste des ressources supplémentaires à la réduction du déficit budgétaire. Avec 216 milliards de francs, il restera le plus élevé de la zone euro. Cette situation risque malheureusement de se poursuivre puisqu'il diminue moins vite que celui de nos partenaires. Encore, l'amélioration que nous connaissons n'est-elle rendue possible que grâce au gonflement de nos recettes et non à la maîtrise de nos dépenses.

C'est pourtant en diminuant vigoureusement le déficit et la dépense publique que l'on prépare l'avenir en se dégageant des sources d'économies structurelles. L'avenir se prépare aussi en diminuant la pression fiscale qui étouffe nos concitoyens. Dans ce domaine, vous n'avez pas été avare de déclarations fracassantes, mais vous semblez moins prodigue quand il s'agit de transformer les paroles en actes.

M. Gilles Carrez.

Toujours des promesses !

M. Marc Laffineur.

La France est également asphyxiée par les prélèvements obligatoires.

Le Premier ministre, lors de son discours d'investiture, avait dit devant cette assemblée : « Si la croissance le permet, mon objectif est de diminuer les prélèvements obligatoires. » Il avait déclaré «

vouloir moins taxer les revenus du travail » et baisser le taux normal de TVA. Or vous me permettrez de constater que si la croissance est là, les promesses, elles, restent lettre morte et nous ne voyons rien venir.

Où est passée la diminution du taux normal de la TVA annoncée ? Où est passée la baisse des taxes sur le travail ? Ni l'impôt sur le revenu, ni la contribution sur les salaires, ni même les charges sociales n'ont baissé avec votre Gouvernement. Ce que vous avez donné d'une main, vous l'avez toujours repris de l'autre.

Non seulement aucun engagement du candidat Jospin n'a été tenu, mais nous sommes loin du compte puisque les prélèvements obligatoires se sont nettement accrus. Les chiffres n'ont pas l'habileté des méthodes et des techniques affûtées de communication du Gouvernement ; ils parlent vrai, sans détour et avec simplicité. Or que disent-ils ? Ils montrent d'abord que les prélèvements obligatoires seront passés de 3 848 milliards de francs en 1998 à 4 112 milliards de francs dans votre projet pour l'an 2000.

Telle est la réalité : 264 milliards de francs de plus depuis votre arrivée au pouvoir, 264 milliards supplémentaires prélevés sur les ménages et les entreprises pendant que vos discours répétaient le contraire.

Vous-même, monsieur le ministre, avez récemment écrit dans une tribune publiée par le journal Libération en date du 26 août : « Il faut baisser les impôts et les charges sur le travail pour donner de l'air à la nouvelle croissance et faire bénéficier les Français du fruit de leurs efforts. »

Hélas, ni les impôts ni les charges ne suivent, dans les faits, la direction que vous souhaitiez leur voir prendre.

S'agit-il d'une déclaration d'intention pour apaiser les contribuables au moment où ils recevaient leur feuille d'impôt ou d'une volonté politique réelle contrecarrée par les rivalités, les guerres intestines au sein de votre majorité plurielle ou de votre gouvernement disparate ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

On l'a vu sur les 35 heures !

M. Marc Laffineur.

Toujours est-il que les effets d'annonce, là encore, ont remplacé les actes.

Le président de notre assemblée, avec une constance remarquée, a multiplié les signes en direction du Gouvernement sur ce même sujet. « La gauche moderne doit savoir baisser les impôts et les charges », disait Laurent Fabius il y a un an. Même discours cette année au moment des orientations budgétaires et même absence de réponse concrète de votre part.

Je serais tenté, à la lumière de ces déclarations, de considérer que, décidément, la gauche française est bien loin des autres partis socialistes d'Europe.

Le mois dernier Laurent Fabius toujours, poursuivant son analyse rejetait, par avance, tous les arguments qui pourraient justifier un nouveau délai dans l'application d'une baisse significative des impôts en insistant sur le fait qu'il s'agit « d'une affaire de choix politique et de d étermination réformatrice ». Nous prenons acte, là encore, de la force de votre détermination.

L'an dernier, monsieur le ministre, à la même époque, en répondant à la demande de renvoi en commission du projet de loi de finances que j'avais défendue, vous aviez proposé de remplacer la tapisserie représentant l'Ecole d'Athènes, derrière le siège du président, par la courbe des prélèvements obligatoires de notre pays. Dans un accès de lyrisme, sans doute inspiré par cette représentation, vous aviez affirmé que nous pourrions alors constater que cette courbe montait lorsque la droite était au pouvoir et descendait lorsque la gauche y était.

M. Raymond Douyère.

C'est vrai, sur une longue période !

M. Marc Laffineur.

Vous qui aimez à rappeler à l'opposition ces déclarations passées, permettez-moi de pointer celle-là, tant elle est en contradiction avec les faits et les chiffres.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non !

M. Marc Laffineur.

Lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, le taux des prélèvements obligatoires était de 44,8 % par rapport au PIB. Vous avez réussi, en 1999, à établir un nouveau record à 45,3 %. Bien sûr, vous promettez une baisse de ce taux pour l'année 2000, mais vous l'aviez déjà annoncée l'an dernier, avec le résultat que les Français constatent aujourd'hui.

Vous sous-estimez les recettes attendues pour pouvoir vous réjouir d'une heureuse surprise en milieu d'année.

Pourtant cette « heureuse surprise » pour Bercy, est loin d'en être une pour les Français car elle résulte du fait que vous avez trop augmenté les impôts. Puisque vous avez utilisé la même technique pour cet exercice budgétaire, nul doute que nous aurons droit au même scénario l'an prochain. Et quand bien même le taux serait-il conforme à vos prévisions, cela donnerait simplement la preuve que vous absorbez allègrement les fruits de la croissance sans redonner aux Français les richesses supplémentaires que leur travail a générées.

Quand donc comprendrez-vous que la conjoncture vous offre l'opportunité de faire diminuer significativement les prélèvements obligatoires dans notre pays, ou leur taux est plus élevé que dans tous les pays dévelop-


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pés ? Quand donc comprendrez-vous que jouer sur le dénominateur ne suffit pas et qu'un Etat moderne doit s'attacher à réduire ses dépenses ?

M. Christian Cuvilliez.

Vous n'avez que ce mot à la bouche : réduire !

M. Marc Laffineur.

J'en viens aux prétendues baisses d'impôts.

L'an dernier, vous nous aviez expliqué que les impôts n'augmenteraient pas. Quand la conjoncture a créé des plus-values et des revenus fiscaux nouveaux, vous nous avez encore affirmé que les Français allaient profiter de la croissance, mais vous avez pris 40 des 60 milliards de francs qu'elle a générés cette année.

Malgré vos discours, la facture est arrivée : feuille d'impôts en hausse pour les familles avec une forte augmentation de l'impôt sur le revenu, effet direct de la baisse du plafond du quotient familial de 16 000 à 11 000 francs et de la baisse de deux autres plafonds d'abattement : le premier pour le rattachement des enfants à charge, le second sur les pensions alimentaires.

Cette hausse de l'impôt sur le revenu a même eu des conséquences sur le montant de la taxe d'habitation.

Ainsi certains ménages, qui n'étaient pas assujettis à l'impôt sur le revenu, ont franchi d'un coup deux paliers fiscaux : d'une part en payant cet impôt, d'autre part en ne bénéficiant plus du dégrèvement de leur taxe d'habitation. Bel exemple de justice fiscale et de diminution des impôts et des charges ! En dévoilant ce projet de loi de finances, vous avez affiché, avec beaucoup d'autosatisfaction, des baisses d'impôts prétendument historiques. Parlons-en ! Vous annoncez 38 milliards de baisse mais 25 seulement correspondent à des mesures nouvelles. Surtout, vous avancez un chiffre brut, sans mettre en regard les hausses d'impôts pour 2000 : augmentation de la TIPP, écotaxe et création d'une contribution sociale sur les b énéfices. Les baisses de prélèvements annoncées pour 2000 s'appuient donc sur une illusion d'optique, puisque vous misez seulement sur une croissance du PIB plus rapide que celle des impôts.

Autrement dit vous espérez une baisse relative, malgré une hausse des prélèvements bien réelle.

Monsieur le ministre, tout cela manque d'autant plus de sincérité...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Et vous manquez de conviction !

M. Marc Laffineur.

... que vous débudgétisez des dépenses et des recettes nouvelles, notamment sur les comptes de la sécurité sociale. En procédant ainsi, vous m asquez de nouveaux prélèvements obligatoires qui servent à financer vos 35 heures. Nous y reviendrons.

En attendant, rentrons un peu dans le détail de vos mesures.

D'abord votre mesure phare : la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien.

M. Alain Néri.

Ça, personne ne s'en plaint !

M. Marc Laffineur.

Toute baisse d'impôt est à saluer. Je salue donc celle-là.

M. Alain Néri.

Enfin une bonne parole !

M. Marc Laffineur.

Mais je n'accepte pas la communication que vous faites autour.

M. Alain Néri.

Il fallait supprimer la TVA ?

M. Marc Laffineur.

Il fallait diminuer la TVA sur le taux normal ! D'abord, la très grande complexité de la mesure et son opacité sont des freins à son application. C'est bien pour cette raison que Le Parisien titrait ce matin « TVA, les ratés de la baisse. »

M. Alain Néri.

Ce n'est pas la Bible, Le Parisien ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Heureusement que les journaux sont là pour vous informer !

M. Marc Laffineur.

Ensuite, pour vous conformer aux directives de Bruxelles, vous mettez en place cette diminution pour trois ans. Mais vous supprimez en contrepartie des avantages en matière de crédits d'impôt, avantages qui disparaîtront, eux, sans limitation dans le temps,...

Mme Nicole Bricq.

Vous ne les aviez pas votés l'année dernière. Vous ne pouvez pas les réclamer aujourd'hui !

M. Marc Laffineur.

... ce qui veut dire que nous pourrions, avec votre mécanisme, nous retrouver en 2003 avec une fiscalité sur le logement nettement moins favorable qu'aujourd'hui.

Toujours dans le même ordre d'esprit, certains contribuables vont perdre au change au bout du compte. Certaines baisses de réductions d'impôt ne seront pas compensées par celle de la TVA, notamment sur les travaux d'entretien et d'amélioration, dont les montants sont inférieurs aux plafonds mis en place.

Enfin, sur les installations de gros équipements, l'avantage fiscal va diminuer également, ce qui, pour des travaux importants, désavantagera certains propriétaires.

Alors, quand vous annoncez des baisses d'impôts, les Français ont raison de se méfier. Votre bilan plaide dans ce sens. Depuis votre arrivée au pouvoir, les prélèvements ont augmenté de 30 milliards de francs au titre de l'impôt sur le revenu, de 36 milliards au titre de l'impôt sur les sociétés, alors que vous imposez dans le même temps à ces dernières de passer aux trente-cinq heures, de 14 milliards sous forme de nouveaux impôts sur l'essence, de 49 milliards sous forme de TVA, de 4 milliards du fait de l'instauration de l'écotaxe, dont il est prévu qu'elle rapporte 12,5 dès 2003. Si l'on ajoute à cela la nouvelle contribution sur les bénéfices, qui sera de 12,5 milliards à terme, on se rend compte que l'addition finale représente tout de même 145,5 milliards de nouveaux prélèvements depuis que vous êtes au pouvoir.

M. Alain Néri.

C'est parce que l'économie marche bien !

M. Marc Laffineur.

Et encore, c'est sans compter avec les corrections de votre majorité parlementaire, qui a aggravé de 2,6 milliards de francs la facture des entreprises en supprimant le crédit d'impôt d'IS pour création d'emplois et qui a réduit le taux d'avoir fiscal sur la taxation des dividendes.

M. Alain Néri.

Ce sont de bonnes mesures !

M. Marc Laffineur.

L'avenir n'est pas préparé. Les collectivités locales sont mises à contribution.

En refusant de maîtriser les dépenses de fonctionnement qui s'emballent, en tournant le dos à une réforme de l'Etat et de ses services, vous avez été contraints, pour bâtir ce budget sans trop déraper, de rogner sur les investissements et sur les concours aux collectivités locales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Plutôt que de rechercher des sources d'économie, vous avez continué à pénaliser le secteur de notre défense et vous faites reculer de 3,6 % les crédits d'équipement militaires, tout comme vous diminuez les investissements civils de l'Etat.

De surcroît, vous diminuez vos concours auprès des collectivités locales. La DGF que vous leur versez ne progressera que de 0,8 %, alors que leurs masses salariales progressent de 3,5 % par an en raison du GVT et de la revalorisation du point.

Qui plus est, cette baisse des dotations va peser sur les investissements publics, puique ces mêmes collectivités réalisent 75 % de ces investissements.

Par là-même, vous revenez sur votre promesse de compenser intégralement les effets de votre réforme de la taxe professionnelle, ce qui revient à leur faire payer le prix d'une mesure dont vous vous attribuez le seul bénéfice. C'est ni plus ni moins une nouvelle débudgétisation qui cache son nom. Vous pourrez ainsi demain montrer du doigt les élus locaux en les accusant d'augmenter les impôts et en leur donnant en exemple la vertu affichée et prétendue de votre politique fiscale.

Le recensement a fait apparaître 2 millions d'habitants supplémentaires. Pourtant, vous n'allez les prendre en compte que sur trois ans pour réévaluer les dotations auxquelles les collectivités ont droit. Mais, pour ces dernières, ces nouveaux habitants se traduisent déjà par des charges nouvelles qui, elles, n'attendent pas trois ans. Au passage, vous pénalisez une fois de plus les collectivités locales.

M. Gilles Carrez.

C'est vrai.

M. Marc Laffineur.

Alors que vous plongez les collectivités dans de nouvelles difficultés, vous réfléchissez cependant à la manière d'étendre les trente-cinq heures à la fonction publique dans son entier, fonction publique territoriale incluse, ce qui ne manquera pas de soulever de nouveaux problèmes financiers.

Enfin, après que l'Etat, toutes majorités confondues, eut pris dans la caisse de retraite des agents des collectivités territoriales les excédents qui provenaient des versements des collectivités, vous allez demain les faire contribuer à nouveau pour éponger le trou qui a été creusé. Il suffit pourtant de supprimer les compensations pour revenir à l'équilibre et pour garantir l'avenir de cette caisse.

Cette mesure, c'est non seulement le bon sens qui la dicte, mais aussi la conception que l'on doit se faire de l'autonomie des collectivités territoriales et du respect de leur autonomie.

L'essentiel pour la critique de votre budget est dans la débudgétisation massive à laquelle vous procédez et dans la lourde menace que vous faites peser sur les finances de notre pays.

Votre budget, c'est la menace fantôme : des sources de dépenses considérables à terme, qui aujourd'hui ne sont pas encore arrivées à maturité mais qui progressent beaucoup plus vite que nos ressources.

Car vos grands projets socialistes nécessitent des financements très lourds. Les emploi-jeunes, c'est à terme pour le contribuable 35 milliards de francs par an. De la même manière, les trente-cinq heures, ce sera 70 milliards de francs par an, quand la réduction du temps de travail sera parvenue à sa « vitesse de croisière », si j'ose dire, car, pour certaines entreprises, ce sera plutôt la « vitesse de galère » et, dans certains secteurs, la « vitesse de la jonque » si les entreprises ne peuvent plus supporter la concurrence sans se délocaliser.

Non seulement vous avez créé des sources de dépenses publiques qui risquent d'être des gouffres et qui n'ont pas les effets escomptés, mais en plus, vous l'avez fait sans avoir les moyens de votre politique puisque vous allez devoir créer ou augmenter des impôts pour financer ces dispositifs.

Bien sûr, nimbé et paré de toutes les vertus, vous jouez les vierges effarouchées quand on vous rappelle cette réalité. Mais les Français ne seront pas dupes longtemps.

Votre amie Martine Aubry a, cette année, monté une vaste opération de camouflage, mais c'est bien tout le Gouvernement qui en porte la responsabilité. Pour habiller la facture des trente-cinq heures, vous avez mis en place un dispositif pour ne pas avoir à vous en expliquer.

Eh bien non ! Votre méthode n'est pas acceptable. On ne change pas les règles à chaque tour : cela s'appelle tricher ! Vous débudgétisez à tour de bras pour ne pas charger la barque de votre projet de loi de finances mais, au bout du compte, ce sont toujours les mêmes qui règlent la facture... Et les contribuables apprécieront.

M. Christian Cabal.

Très bien !

M. Marc Laffineur.

C'est une atteinte à la sincérité de votre projet de loi de finances, c'est une atteinte à l'équilibre de votre budget, c'est une atteinte, enfin, à l'honnêteté intellectuelle.

Avec Martine Aubry, vous allez donc créer, à côté du budget de l'Etat, un fonds de 110 milliards de francs qui financera des dépenses à caractère pourtant budgétaire.

Ce fonds vous sert à brouiller les cartes puisque vous y mélangez l'Etat, l'UNEDIC, les entreprises et la Sécurité sociale. Vous mélangez aussi les recettes de ce fonds pour masquer votre politique derrière un écran de fumée, mais aussi, plus prosaïquement, pour satisfaire vos besoins financiers.

Alors, on retrouvera, pêle-mêle, des recettes sur le tabac, des taxes sur les entreprises avec l'écotaxe, le produit de la nouvelle contribution sur les bénéfices et le produit de la taxation des heures supplémentaires. Tout cela agrémenté d'un zeste de cotisations sociales...

Ce qui ressort de tout cela, en plus du procédé qui porte atteinte à la sincérité de ce budget et en fausse la présentation, c'est que vous allez pénaliser une nouvelle fois les entreprises. Vous allez même les pénaliser doublement.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez déjà dit ça.

M. Marc Laffineur.

Vous les pénalisez une première fois à travers votre loi autoritaire qui décrète la réduction du temps de trvail sans tenir compte des situations particulières.

M. Alain Néri.

Non, ça c'est une loi de précaution !

M. Christian Cabal.

Mais non, monsieur Néri !

M. Marc Laffineur.

Mais vous pénalisez une deuxième fois les entreprises par votre politique fiscale.

En 1997, l'impôt sur les sociétés était un impôt compétitif. Son taux était modéré, et l'avoir fiscal évitait la double taxation des dividendes. Par les surtaxes progressives que vous avez instaurées et par la baisse du taux de l'avoir fiscal, vous avez mis fin à cette situation plutôt favorable, alors que nos partenaires européens, eux, baissaient dans le même temps leurs impôts sur les sociétés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

La double imposition des dividendes dans le cadre de l'IS et de l'IRPP a été réintroduite par la baisse de l'avoir fiscal en 1999. Et si l'amendement communiste qui propose de le réduire encore devait être adopté cette année,...

M. Christian Cuvilliez.

Il le sera ! Il faut qu'il le soit !

M. Christian Cabal.

C'est scandaleux !

M. Marc Laffineur.

... que dire du décalage entre notre législation fiscale et celle de nos voisins ? L'écotaxe et la contribution sur les bénéfices renforcent un dispositif déjà contraignant et lourd. Ils illustrent les charges supplémentaires que vous imposez aux entreprises françaises, et les 50 milliards que vous en attendez à terme constituent un nouveau péril pour notre économie.

La mise en place d'une taxe de 10 % sur les heures supplémentaires pour financer votre projet va toujours dans le même sens : celui d'une politique qui contraint et qui taxe au lieu de favoriser et d'aider la création d'activités.

Monsieur le ministre, cette politique n'est pas raisonnable. Elle décourage les initiatives et multiplie les freins au développement de notre tissu industriel.

M. Christian Cabal.

Tout à fait !

M. Marc Laffineur.

Ce sont les entreprises qui créent l'emploi dans les pays développés, pas les Etats.

M. Christian Cabal.

Mais oui !

M. Marc Laffineur.

Ce sont elles qu'il faut soutenir.

M. Christian Cabal.

Eh oui !

M. Marc Laffineur.

Ce n'est pas à elles de soutenir les administrations. Votre politique ne fait qu'accentuer le contraste déjà grand entre notre pays et nombre de ses voisins. Elle ne fera qu'augmenter les départs de nos forces créatrices vers d'autres cieux fiscaux, plus cléments, et au final, c'est l'emploi qui sera pénalisé.

A l'aune de ces considérations, le projet de loi de finances que vous nous présentez porte bien en germe une « menace fantôme ». Il se caractérise par une absence de réformes de fond, notamment en ce qui concerne les retraites.

C'est d'autant plus vrai que, non content d'avoir créé des pôles et des sources de dépenses considérables, vous n'avez rien fait pour traiter les grands dossiers qui nous attendent et qui nous menacent avec de plus en plus d'acuité.

Le constat est simple : la France est sur le point d'entamer sa troisième année consécutive de croissance soutenue.

Mme Nicole Bricq.

Ah, vous le reconnaissez ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N'est-ce pas en contradiction avec ce que vous avez dit avant ?

M. Marc Laffineur.

Cette croissance assure spontanément à notre pays des rentrées fiscales abondantes. Malgré cela, aucune réforme de fond n'a été engagée. Pire, la majorité a abandonné les réformes et amorcées, notamment celle des retraites, dont chacun sait pourtant à quel point elle est nécessaire et urgente.

Avec la même insouciance, elle a interrompu la réforme de baisse des impôts préparée par le gouvernement précédent.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Et non financée !

M. Marc Laffineur.

Vous portez, ici, une lourde responsabilité pour votre passivité et pour votre manque de courage politique.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

N'en jetez plus !

M. Marc Laffineur.

Ce devrait être aujourd'hui la priorité absolue du Gouvernement que de réformer notre système de retraites. Ce devrait être une priorité, ne serait-ce que pour sauver ce qui existe.

M. Christian Cabal.

Oui, c'est vrai !

M. Marc Laffineur.

Mais cette priorité, cette responsabilité, vous refusez de l'assumer pour des questions d'ambitions personnelles, et ici, déjà, le visage du candidat perce sous celui du Premier ministre.

M. Alain Barrau.

Ça, c'est sévère !

M. Marc Laffineur.

Il y a néanmoins des besoins que l'on prévoit, que l'on connaît et que vous refusez d'anticiper autrement que par la rédaction de rapports. Demain, pourtant, il faudra mettre en place des fonds de pension,...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ah !

M. Marc Laffineur.

... pas comme système exclusif, mais en complément et en renfort de notre système par répartition. Si rien n'est fait dans ce sens, ce sont plusieurs centaines de milliards qui seront nécessaires pour colmater le régime général et les régimes spéciaux dès 2010.

J'ajoute que la création de fonds de pension français serait un atout aussi pour notre économie et pour nos entreprises. Car, pour le moment, ce sont les fonds de p ension étrangers, et notamment américains, qui contrôlent nos grands groupes par leurs participations, et qui peuvent en infléchir les décisions ou en racheter les actifs.

Récemment, nous avons appris que l'ancien siège du Crédit Lyonnais venait d'être racheté pour 1 milliard de francs par un fonds de pension américain.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il ne risque pas de déménager !

M. Marc Laffineur.

Nous devons, pour sauver nos retraites et renforcer nos entreprises, mettre en place des fonds de pension dans notre pays.

Demain, aussi, il faudra bien se pencher sur les disparités qui existent entre la situation des retraités du privé et celle des pensionnés de la fonction publique. Du fait de la pyramide des âges et de l'absence de réforme des cotisations, à la différence du secteur privé, on sait que le surcoût des retraites des agents publics sera, par rapport à aujourd'hui, de 100 milliards de francs par an dès 2015.

Refuser cette évolution, ce serait refuser de préparer l'avenir des actifs de notre pays. Dans ce domaine, notre retard s'accumule, et ce retard que vous prenez rendra demain ces évolutions nécessaires plus douloureuses et plus périlleuses.

Tous ces faits, tous ces chiffres, mettent en lumière les nombreuses incertitudes auxquelles le budget actuel ne répond pas. Ils soulignent les difficultés auxquelles il ne nous prépare pas. Le projet de loi de finances pour 2000 ne fait que gérer le quotidien, le très court terme,...

M. Christian Cabal.

Et encore !

M. Marc Laffineur.

... sans s'inscrire dans la durée, sans préparer l'avenir, sans réformer notre pays.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avec vous, côté durée, on est servi !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Marc Laffineur.

Quelles sont, dans ces conditions, les propositions que nous formulons ?

Mme Nicole Bricq.

Ah, des propositions !

M. Marc Laffineur.

Le Gouvernement nous propose - on l'a vu - de fausses baisses d'impôt et n'envisage aucune mesure concrète en faveur de l'innovation et de la création d'entreprises.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous l'avez regardé, le budget, monsieur Laffineur, avant d'écrire votre discours ?

M. Marc Laffineur.

Mais oui, monsieur le ministre.

Vous avez toujours le même discours ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est plutôt vous !

M. Christian Cuvilliez.

C'est comme à France Info.

M. Laffineur dit toujours la même chose.

M. Marc Laffineur.

Nous pensons que la situation économique permet d'envoyer des signaux forts à nos compatriotes en baissant fortement les impôts. Le préalable est logique : pour baisser les impôts, il faut baisser d'abord la dépense.

Aussi, dans un premier temps, il faut adopter un plan de maîtrise des dépenses publiques avec un objectif clair de diminution de 1 % par an à tenir. C'est la première proposition sur laquelle je ne reviens pas puisque j'ai déjà souligné tout à l'heure votre absence de maîtrise de ces dépenses.

M. Alain Barrau.

Plus de profit et un peu moins d'Etat !

M. Marc Laffineur.

Une fois ces économies dégagées, il convient d'abord d'entamer une profonde baisse de l'impôt sur le revenu afin d'encourager l'initiative et de nous positionner par rapport à une réforme de cet impôt que nos partenaires européens ont tous entrepris.

Cette réforme avait été entamée par la majorité précédente, mais abandonnée par le Gouvernement Jospin, dès son arrivée en juin 1997.

M. Christian Cabal.

C'est dommage !

M. Marc Laffineur.

Désormais, avec un impôt sur le revenu archaïque, totalement concentré, - puisque 50 % des foyers fiscaux en sont exonérés - et compliqué, l'impôt sur le revenu n'est absolument pas progressif et ne fait que pénaliser les classes moyennes.

Ces deux dernières années, le Gouvernement a accentué sa pression fiscale sur les ménages, les familles et les retraités. La diminution du plafond du quotient familial a ainsi pénalisé l'année dernière 280 000 familles.

Les retraités ont également été touchés par la diminution du plafond de 10 % sur les pensions et par l'augmentation de la CSG.

De nombreux salariés ont perdu des abattements spéciaux, sans qu'ils puissent bénéficier - comme cela a été prévu dans la réforme adoptée par l'ancienne majorité d'une baisse des taux du barème.

Conscients de cette situation, Laurent Fabius, et Didier Migaud d'ailleurs, comme d'autres, se sont prononcés pour une diminution du taux marginal et le Gouvernement serait bien inspiré de les écouter ou de prendre exemple sur les mesures des travaillistes britanniques.

Tony Blair a ainsi ramené le premier taux du barème de 23 % à 10 %, alors que le taux marginal supérieur se monte à 40 %. Réformer l'impôt sur le revenu, oui, mais pas seulement ! J'ai cité un peu plus haut ce que disait Lionel Jospin dans son discours d'investiture et nous serions très attachés de le voir tenir la promesse qu'il avait alors faite aux Français en baissant, cette année, déjà d'un point le taux normal de TVA.

M. Daniel Feurtet.

Oh !

M. Marc Laffineur.

Bien sûr, on nous présente cette baisse aujourd'hui comme impossible, alors que la croissance est revenue et que la France s'est qualifiée pour l'euro. Mais ces réponses ne résistent pas à l'analyse. Ce qui manque, c'est la volonté. A la place, le Gouvernement s'est lancé dans des baisses sectorielles de TVA qui contrarient le droit communautaire alors qu'il aurait été plus facile de réduire le taux normal l'un des plus élevés d'Europe - sans s'opposer au droit communautaire.

Les plus-values fiscales de 1999 vous donnaient les marges de manoeuvre pour le faire. La baisse du taux normal coûtait 35 milliards et c'est près de 60 milliards que vous avez « trop perçus » cette année.

La différence avec la baisse sectorielle sur les travaux ne représente que 15 milliards.

Toutefois, la baisse de la TVA sur les travaux a, au moins, le mérite d'exister et certains secteurs devraient pouvoir bénéficier des mêmes mesures d'application du taux réduit.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Enfin un propos sensé !

M. Marc Laffineur.

J'en retiendrai deux : le secteur sportif, d'une part,...

M. Christian Cabal.

Très bien !

M. Marc Laffineur.

...et le secteur de la restauration, d'autre part.

Mme Béatrice Marre.

Nous sommes tous d'accord !

M. Marc Laffineur.

Pour ces deux secteurs, il existe des distorsions de concurrence. Le sport est le seul loisir taxé encore à 20,6 % et la restauration souffre de la concurrence des fast food qui bénéficient d'un volume de vente à emporter plus important, lequel n'est taxé qu'à 5,5 %.

Vous avez d'ailleurs fait volte-face sur cette question puisque vous vous étiez déclaré sensibilisé aux difficultés de ce secteur l'an dernier et que vous n'avez pris aucune mesure pour leur venir en aide.

S'il faut baisser les dépenses et les impôts, il faut également permettre et favoriser la création d'entreprises par des mesures d'incitation fiscale. La pérennité d'une croissance soutenue et durable, axée sur les nouvelles technologies de l'information, tient aux petites structures d ynamiques, flexibles et très innovantes. Ces PME tendent à devenir la clé d'une nouvelle croissance. Mais, en France, rien n'est fait pour favoriser leur lancement.

Même l'extension du dispositif de bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, pourtant présente dans l'article 10 de votre projet de loi de finances, a été supprimée par votre majorité plurielle, apparemment peu soucieuse de vous suivre, monsieur le ministre, sur le terrain de la création d'entreprises et de la véritable création d'emplois.

Nous proposons également, et nous défendrons plusieurs amendements dans ce sens, de lancer l'épargne de proximité, les investissements informels, sans intermédiaire bancaire afin que l'évaluation du risque lié à l'inno-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

vation ne soit pas exclusivement tributaire des choix bancaires, par des incitations fiscales dans le cadre de l'impôt sur le revenu comme dans celui de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, nous souhaitons un véritable développement de l'actionnariat salarié auquel aspirent de nombreux salariés français...

M. Christian Cabal.

Très bien !

M. Marc Laffineur.

... mais qui rencontre l'opposition d'une partie de votre majorité disparate.

M. Christian Cuvilliez.

Et comment fait-on pour l'actionnariat des chômeurs ?

M. Marc Laffineur.

Des mesures fortes en direction de l'actionnariat nous paraissent indispensables : possibilité de créer de vrais bons de croissances dans toutes les entreprises, cotées ou non, harmonisation du droit fiscal, du droit des sociétés et du droit de la sécurité sociale pour simplifier les dispositifs existants, allégement de la fiscalité de droit commun pour la décote et les plusvalues de cessions, incitations pour les entreprises cotées à ouvrir leur capital à leurs salariés - jusqu'à présent, le bénéfice de l'actionnariat salarié a surtout été réservé aux salariés des entreprises privatisées -, mise en place enfin de mécanismes de transparence au sein des entreprises elles-mêmes pour éviter les excès de certains dirigeants.

Voilà quelques-unes des pistes à partir desquelles nous aurions pu bâtir un vrai projet pour la France.

V otre budget, vous l'aurez compris, monsieur le ministre, ne nous satisfait pas. C'est pourquoi, au nom de l'ensemble des députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants, nous demandons à l'Assemblée nationale d'adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Alain Barrau.

Les démocrates libéraux sont vraiment indépendants !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je ne pourrai pas répondre sur tous les points, tant il y en avait (Sourires) , mais il en est quelques-uns que je ne peux laisser passer.

Pour commencer, M. Laffineur a longuement développé l'idée d'un « isolement » de la France. N'est-ce pas un peu ridicule ? Quand la presse internationale loue la France pour son taux de croissance supérieur à tous ses voisins, parler de l'isolement de la France n'a honnêtement pas de sens.

M. Marc Laffineur.

C'est pourtant la France qui a le déficit le plus important ! Tous les autres pays ont réduit leur déficit ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais nous aussi, et plus que les autres ! Vous pourriez me répondre que c'est parce que nous partons de plus haut. Auquel cas votre remarque serait fondée ; mais il n'en reste pas moins que nous le réduisons plus que les autres. Sur les quinze pays de l'Union,...

M. Marc Laffineur.

C'est la France qui a le déficit le plus élevé ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... c'est en France que la baisse du déficit depuis juin 1997 est la plus forte, monsieur Laffineur. Ne dites pas de contrevérités.

M. Marc Laffineur.

Et le déficit aussi ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous partons de plus loin, c'est exact. Mais je ne me sens responsable que de l'évolution depuis 1997, monsieur Laffineur, et non depuis le départ.

M. Alain Barrau.

C'est la tendance qui compte !

M. Marc Laffineur.

Cela fait trois ans qu'on en est là !

M. Christian Cabal.

Et avant, il y avait eu Bérégovoy ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il faut ne fréquenter aucun forum international, ne se rendre à aucune réunion à Londres, à New York, à Berlin ou à Bruxelles pour prétendre que la France est isolée. En toute honnêteté, cela n'a guère de sens.

Nous ne faisons pas assez d'efforts en matière de dépenses publiques, dites-vous. Chacun est évidemment libre de ses appréciations. Je note seulement que ceux-là mêmes qui demandent plus d'efforts sur les dépenses publiques sont les premiers à réclamer que les contrats de plan soient plus largement financés ou, comme on l'a entendu à l'instant, à critiquer les réductions opérées sur la défense ou les collectivités locales... La contradiction vous apparaît sans doute, sans qu'elle vous gêne pour autant. Vous ne pouvez tout à la fois demander plus de maîtrise des dépenses publiques et reprocher au Gouvernement de n'en pas faire assez sitôt que dans un budget une dépense n'augmente pas suffisamment à votre goût ! Il faut bien en revenir à des chiffres et à des moyennes.

Au total, de 1993 à 1997, la dépense publique d'Etat a augmenté de 1,5 % par an en moyenne. Vous ne pouvez contester ce chiffre. Or, depuis que ce gouvernement est en place, elle ne s'est plus élevée que de 0,3 % par an

M. Marc Laffineur et M. Christian Cabal.

C'est trop ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

On peut toujours donner des leçons ; encore faut-il savoir se retourner sur ce que l'on a fait et éventuellement se promettre qu'on ne le refera plus si l'on revient au pouvoir... Reconnaissez qu'en matière de maîtrise des dépenses vous n'avez pas beaucoup de leçons à nous donner ! Pour critiquer le Premier ministre et les engagements qu'il a pris, vous évoquez les variations des prélèvements obligatoires à coup de milliards. Cela n'a aucun sens.

M. Marc Laffineur.

C'est pourtant ce que paient les Français ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Evidemment ! Mais aucun élève de première année de licence de sciences économiques ne ferait une chose pareille, parce qu'il sait qu'il faut tenir compte de la croissance économique ! Même si cette assemblée ne changeait strictement rien d'une année sur l'autre à la législation fiscale, le seul fait qu'il y ait plus de croissance ferait rentrer plus d'impôts. C'est un phénomène parfaitement normal. Et si les Français devaient payer de plus en plus d'impôts à mesure que leurs revenus s'élèvent, qu'ils deviennent de plus en plus riches du fait de la croissance, ils ne pourraient que s'en trouver heureux...

M. Marc Laffineur.

Ceux qui ont reçu leur feuille d'impôt en septembre apprécieront ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est donc la part des impôts dans cette richesse qu'il faut considérer. Aligner des milliards les uns derrière les autres n'a strictement aucun sens.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Là en revanche où vous avez marqué un point, j'ai d'ailleurs été le premier à l'avoir souligné devant la commission des finances, c'est sur le taux de prélèvements obligatoires en 1999. Il a augmenté, c'est vrai, alors que nous ne l'avions pas prévu. L'explication est simple, claire et connue de chacun...

M. Charles de Courson.

Il a augmenté en 1999, comme les deux années précédentes !

M. Marc Laffineur.

C'est ici qu'il faudra mettre votre tableau ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je suis bien de votre avis. Si l'on montre le tableau ici, on verra qu'entre le début et la fin de votre législature, le taux a augmenté, alors qu'il aura diminué entre le début et la fin de la nôtre. Vous pourrez peutêtre invoquer pour votre défense le fait que vous n'avez pas pu finir votre législature jusqu'au bout comme vous l'auriez souhaité,...

M. Marc Laffineur.

Eh oui ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... mais reconnaissez que cet argument reste somme toute secondaire !

M. Charles de Courson.

Vous êtes au-dessus du niveau que nous avions atteint ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce n'est pas exact. A la fin de cette législature et même dès l'an 2000, nous serons en dessous du niveau de prélèvements obligatoires de 1996.

M. Marc Laffineur.

Vous l'aviez déjà dit l'an dernier !

M. Yves Deniaud et M. Charles de Courson.

Cela fait trois ans que vous promettez une baisse ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non, cela fait trois fois que je dis que nous le stabiliserons. Il s'est produit cette année, c'est vrai, un accident que chacun comprend pour peu qu'il regarde les chiffres. Mais le taux s'était bel et bien stabilisé.

M. Charles de Courson.

Alors que vous aviez promis une baisse de 0,2 % ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour l'an prochain, les 39 milliards de baisse que nous organisons seront à l'origine d'une baisse des prélèvements obligatoires. En attendant, vous avez marqué un point, je le reconnais. C'est le seul sur lequel vous pouvez dire quelque chose.

Mme Béatrice Marre.

Heureusement pour eux ! Ils s'impatientent ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour 2000, aucun taux d'imposition des ménages n'augmente. Ou bien ils restent identiques, ou bien ils baissent, ou bien encore ils sont strictement calés sur l'inflation, telle la TIPP.

M. Christian Cabal.

Demain, on rase gratis !

M. Charles de Courson.

Et la TGAP ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

La TGAP n'est pas un taux d'imposition

« ménages », monsieur de Courson, au cas où cela vous aurait échappé !

M. Charles de Courson.

Cela revient au même. Les Français la paient indirectement.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous avez décidément une tendance spontanée à toujours répondre à côté de la question... Le fait qu'un impôt sur les entreprises soit répercuté dans les prix peut entraîner une hausse de prix, mais pas une hausse de fiscalité. Il n'y a aucun impôt sur les ménages dont le taux augmente...

M. Charles de Courson.

Ah bon ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et vous serez bien en mal de nous prouver le contraire. Moyennant quoi, vous me brandissez la TGAP. Pas de chance, ce n'est pas un impôt sur les ménages !

M. Charles de Courson.

Si, c'est un impôt, ça s'appelle la répercussion ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pas la répercussion, monsieur de Courson : cela s'appelle l'incidence. Et l'incidence ne donne pas lieu à une augmentation d'impôt, mais à une augmentation de prix.

Vous nous avez ensuite donné quelques informations sur les investissements civils. A ce propos, je me permettrai de vous rappeler les chiffres officiels du rapport économique et financier : lorsque l'on tient compte de l'ensemble budget et comptes spéciaux...

M. Christian Cabal.

Et de la TIPP ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je viens de vous dire que la TIPP est ajustée sur les prix. Mais vous n'écoutez pas ! En prenant en compte l'ensemble budget et comptes spéciaux, disais-je, on constate que la baisse sur les investissements civils, dont vous vous plaignez, a atteint 13 % entre 1993 et 1997 ; de 1997 à 2000, ceux-ci enregistrent une hausse de 10 %.

M. Marc Laffineur.

On s'en plaignait déjà avant.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Peut-être, et vous aviez raison. Mais passer de moins 13 % de 1993 à 1997 à plus 10 % de 1997 à 2000 ne devrait pas donner lieu à tant de critiques...

En résumé, monsieur Laffineur, tout ce que vous nous dites là, vous l'avez déjà dit il y a deux ans : nous augmentons la dépense ou nous ne la diminuons pas assez, nous accroissons les impôts, nous décourageons les entreprises...

M. Marc Laffineur.

Mais les prélèvements avaient diminué, vous-même l'aviez reconnu ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... et si les gens pouvaient éventuellement penser il y a deux ans que vous aviez raison, ils sont depuis obligés de constater que, en dépit de votre ton de Cassandre, notre économie fonctionne comme jamais elle n'a fonctionné au cours de la décennie quatre-vingt-dix.

Vous avez beau persister dans vos litanies, ou bien vous vous trompez quant vous dites que nous n'avons pas la bonne politique - c'est mon sentiment -, ou bien tout ce que vous nous avez répété pendant des années est faux.

Car si la croissance est là, pour la première fois depuis dix ans, alors que les impôts, la pression sur les entreprises, et les contraintes augmentent autant que vous le dites, c'est toute votre théorie libérale qui ne tient plus.

Ce qui signifierait qu'on peut retrouver la croissance avec des hausses d'impôt, plus de dépenses et plus de contraintes sur les entreprises !

M. Marc Laffineur.

Mais la croissance est internationale.

M. Christian Cabal.

Volens nolens, on la subit !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est faux : nous avons plus d'un point de croissance que nos voisins allemands, italiens, anglais, alors que l'environnement international est le même pour tous.

M. Yves Deniaud.

Et plus de chômage aussi ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je reviendrai dans mon commentaire général sur ce qu'on fort bien dit à ce propos le rapporteur général et le président de la commission des finances.

Je me résume : vous nous sortez, et c'est peut-être inévitable, un discours que nous avons déjà entendu l'année dernière et déjà l'année d'avant : votre discours général du moins d'Etat. La réalité, c'est qu'en dépit de vos critiques, la croissance est revenue dans notre pays : un million d'emplois ont été créés. Vous nous répétez que les entreprises sont découragées - à ceci près qu'elles n'ont jamais créé un million d'emplois en trois ans et demi depuis les années soixante ! Il faudrait savoir : ou elles sont découragées, ou elles créent des emplois. Vous nous accusez de museler les initiatives. Or le tableau de bord que le Gouvernement publie avec l'INSEE sur les technologies de l'information montre une explosion jamais vue de créations d'entreprises dans ce secteur depuis deux ans.

M. Marc Laffineur.

Beaucoup moins que les autres pays ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Non. Et si nous sommes en retard sur les autres pays, c'est parce que vous n'aviez rien fait avant.

Mme Béatrice Marre.

Exact ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais aujourd'hui, le mouvement est plus rapide chez nous que dans bien d'autres pays.

Vous dites qu'il faudrait diminuer de 1 % les dépenses publiques. Nous voilà dans la dérive libérale la plus totale ! Je ne connais pas de pays qui s'y soit aventuré, et c'est heureux, ni de majorité de droite qui s'y soit risquée ici même lorsqu'elle était au pouvoir, et c'est encore plus heureux, car notre pays serait alors dans un état bien pire que nous ne l'avons trouvé en 1997. Encore une chance que vous ne faites pas lorsque vous êtes au pouvoir ce que vous conseillez de faire au Gouvernement lorsque vous n'y êtes plus ! A vrai dire, je crois avoir fini par comprendre le fond de votre démarche : elle consiste à nous donner des conseils que vous savez mauvais - j'en veux pour preuve le fait que vous ne les suivez pas lorsque vous êtes au pouvoir - afin que nous allions dans le mur...

Mme Béatrice Marre.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais je veux rassurer la majorité : le Gouvernement ne suivra pas la politique que prône M. Laffineur.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Ouf !

M. Yves Deniaud.

Vous êtes déjà allés dans le mur en 1993 avec la même politique ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ainsi, le Président de la République n'aura pas besoin de dissoudre un an avant la fin de la législature, au motif que le prochain budget sera impossible...

Nous pourrons aller jusqu'au bout et notre politique donnera les résultats que les Français commencent à constater : créations d'emplois, hausse du pouvoir d'achat, baisse du chômage.

C'est pour cela que nous sommes là, monsieur Laffineur, et non pour répondre à je ne sais quel présupposé idéologique qui tendrait, par nature, à diminuer l'Etat, alors que l'Etat tel que nous le gérons aujourd'hui obtient dans l'économie des résultats dont jamais vous n'avez pu vous prévaloir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Béatrice Marre, pour le groupe socialiste.

Mme Béatrice Marre.

Aux termes de l'article 91 de notre règlement, une question préalable a pour objet de démontrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Mais à entendre M. Laffineur décrire ce qu'il faudrait faire ou ne pas faire selon que l'on est au pouvoir ou que l'on n'y est pas, nous sommes tout en droit de penser le contraire...

Une motion de procédure, chacun le sait, n'est souvent que l'occasion d'un temps de parole.

Et pourtant, monsieur Laffineur, je ne suis pas certaine que, fondamentalement, vous n'adhériez pas à l'idée même qu'il n'y a pas à délibérer. En effet, votre conception de l'économie ne repose-t-elle pas sur la théorie du libéralisme, selon laquelle la confiance dans le marché doit tout naturellement conduire à considérer que la bonne politique économique est celle qui n'existe pas et que, par voie de conséquence, un bon budget doit être tout à la fois le plus faible et le plus neutre possible, celui dans lequel l'Etat intervient le moins !

M. Michel Bouvard.

C'est ce que Delors recommandait à Bruxelles !

Mme Béatrice Marre.

J'ai toutefois noté que vous alliez déposer un certain nombre d'amendements ; preuve que, finalement, vous avez quelques raisons de vouloir intervenir.

En même temps, vous avouez votre impuissance face aux règles internationales de l'économie ou aux règles nationales tout court. Telle n'est pas, vous le savez, la conception de la majorté de gauche. Comme cela a été abondamment dit cette soirée, nous pensons, nous, qu'une politique économique peut, à défaut de forcément créer la croissance, tout au moins l'accompagner et l'aider à s'amplifier, à se consolider et à atteindre les objectifs que nous lui assignons, en particulier celui d'intensifier la lutte contre le chômage et contre les inégalités dans notre pays.

De l'autre côté, nous sommes engagés dans une économie mondialisée. Vous prétendez que la France est isolée.

A vous écouter, serait-ce seulement un hasard si, au moment où la croissance économique mondiale est ce qu'elle est, la France resterait le seul pays qui n'y soit pour rien ? Mais pourquoi ce hasard serait-il plus spécialement attaché à vous faire mentir ? J'ai du mal à le comprendre...

Dans quelques semaines vont s'ouvrir des négociations internationales très importantes, celles de l'Organisation mondiale du commerce. Chacun sait que le fond du problème, c'est le rapport de force entre des économies. Je n'entrerai pas dans les mesures d'accompagnement de la croissance que propose ce budget. MM. les ministres, notre rapporteur et le président de la commission des finances l'ont déjà fait, et de manière admirable. Ce qui est clair en tout cas, et les indicateurs internationaux le


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confirment, c'est que la croissance française se consolide d'année en année. Elle consolide aussi l'Union européenne et l'euro.

Nous aurons un débat sur ce sujet la semaine prochaine mais, d'ores et déjà, je crois important que la France, quatrième puissance économique mondiale et seconde puissance exportatrice dans nombre de domaines et non des moindres, comme l'agriculture, grâce à une croissance confortée et une économie solide, puisse contribuer avec l'Union européenne à créer un rapport de forces capable de faire évoluer l'échange international dans le sens que nous souhaitons, c'est-à-dire vers plus de régulation, plus d'équité entre nations riches et nations pauvres et au sein même de chaque pays.

Le début de votre intervention m'a paru imprégné d'une sorte de fascination à l'égard de nos amis américains. Personne évidemment ne conteste leur croissance, bien que les prévisions pour l'an prochain permettent finalement d'envisager pour la France et l'Union européenne une place qui finalement n'est pas à dédaigner.

Mais vous me permettrez de penser, monsieur Laffineur, que la façon dont nous essayons, par ce budget, d'utiliser cette croissance pour lutter contre les inégalités me paraît plus conforme au modèle européen de croissance qu'à ce qui se passe aux Etats-Unis. La politique économique, cela existe, cela se traduit dans un budget aux lignes politiques claires. Et c'est la raison pour laquelle je demande au nom du groupe socialiste de repousser cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

Pour le groupe RPR, la parole est à

M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Mes chers collègues, notre collègue Marc Laffineur vient de prononcer un réquisitoire implacable contre le budget 2000.

(Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Du reste, le ministre en a été si gêné que sa réponse est restée bien courte et qu'il nous quitte à l'instant !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Après la rhubarbe, passez le séné !

M. Gilles Carrez.

Avec la rigueur et le sérieux qui le caractérisent, notre collègue a évoqué les dépenses, les recettes fiscales, le déficit, l'endettement, avant d'émettre plusieurs propositions intéressantes.

S'agissant des dépenses, il a cité la Commission europ éenne, qui constate elle-même que nos dépenses publiques dérivent beaucoup plus rapidement que l'inflation. Vous affichez par exemple un objectif de 0,9 % pour l'an 2000. C'est plutôt 2,5 % ou 3 % qu'il faudrait p révoir. Notre collègue aurait pu citer la Cour des comptes, qui dit exactement la même chose que la Commission européenne. Elle l'a constaté pour les comptes de 1998.

D ominique Strauss-Kahn nous explique que les dépenses ont augmenté plus vite dans les années 19931997. Il est tout à fait normal que la dépense publique augmente plus rapidement en période de difficultés économiques qu'en période de forte croissance. Vous savez bien qu'une dépense publique doit être contracyclique, vous l'avez vous-même enseigné dans différents colloques, monsieur le secrétaire d'Etat.

Quant aux recettes, c'est vraiment la litanie des promesses de baisses d'impôts qui ne sont jamais tenues, et M. Laffineur a eu raison de montrer que les prélèvements obligatoires ne font qu'augmenter.

Il a d'ailleurs puisé son inspiration à de très bonnes sources, et d'abord au perchoir, puisque Laurent Fabius ne rate pas une occasion de nous rappeler que les prélèvements obligatoires sont beaucoup trop élevés dans notre pays. Il a aussi contemplé la fameuse tapisserie de l'école d'Athènes que Dominique Strauss-Kahn voulait remplacer par la courbe des prélèvements obligatoires. L'an dernier, il prévoyait une baisse de 0,2 %, mais les prélèvements ont augmenté. Alors, quand remplacerons-nous cette belle tapisserie ? Il a mis en évidence ce talent d'illusion, ce trompel'oeil permanent sur des baisses d'impôts qui ne viennent jamais ! Autre évidence que Marc Laffineur a tout à fait raison de souligner, notre pays est isolé dans sa politique de lutte contre les déficits. Nous sommes le plus mauvais élève de la classe euro.

Mme Béatrice Marre.

Non ! Regardez la Belgique et les Pays-Bas !

M. Gilles Carrez.

C'est chez nous que le déficit public diminue le plus lentement. Le résultat mécanique, c'est que la France est également le pays dans lequel l'endettement public de l'Etat continue de s'accroître, avec une hausse de 8,1 % entre la fin de 1997 et la fin de 1998.

M. Laffineur avait donc totalement raison ! Quand il explique que vous sacrifiez l'avenir au présent, il exprime là une préoccupation essentielle. Il est vrai que le budget 2000 va à nouveau sacrifier l'avenir au présent.

Il a également évoqué un certain nombre de sujets.

J'en retiendrai un seul qui est la baisse de l'impôt sur le revenu. Il a fait de vraies propositions en la matière. Vous aviez malheureusement annulé la grande réforme, cette grande ambition fiscale qu'était la réforme Juppé (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste),...

M. Alain Néri.

La TVA à 20,6 % !

M. Michel Bouvard.

Vous n'avez pas modifié le taux !

M. Gilles Carrez.

... avec une baisse de 25 milliards de francs dès l'année 1997. Que représente à côté la baisse de quelque 15 milliards que vous prévoyez ?

M. Jean-Louis Idiart.

Nous réparons les erreurs petit à petit, pour ne pas déstabiliser le pays !

M. Gilles Carrez.

Pour toutes ces raisons, ce réquisitoire, le fait que vous ne vouliez pas suivre nos propositions, le groupe RPR votera sans hésiter la question préal able. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez pour le groupe communiste.

M. Christian Cuvilliez.

Ce n'est pas la faute de M. Laffineur mais cet exercice rituel des motions préalables a quelque chose d'exaspérant. On y trouve, en effet, tous les poncifs de la pensée libérale...

M. Gilles Carrez.

C'est très intéressant !

M. Christian Cuvilliez.

... rassemblés les uns avec les autres, et procéder par accumulation ne laisse aucune place dans le discours à ce qui pourrait être l'amorce d'un débat. Il y a là toute une série de griefs possibles et imaginables, et c'est la négation du débat.

En procédant de la sorte, M. Laffineur nous a donné une sorte de leçon de « thatchérisme » à la française avec les trois axes majeurs de la pensée politique libérale :


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réduire à tout prix les déficits, réduire à tout prix les dépenses publiques, c'est-à-dire les dépenses sociales, et réduire les impôts en même temps, appliquer à l'Etat la logique comptable des entreprises et, si possible, le faire disparaître de la gestion générale de l'activité économique.

Ce n'est évidemment pas recevable et nous rejetterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Pour le groupe UDF, la parole est à

M. Pierre Hériaud.

M. Pierre Hériaud.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Lafineur a défendu la question préalable avec conviction et force démonstration. Il a montré comment la présentation tronquée du projet en rendait la lecture complexe, la compréhension difficile et ajoutait encore à la confusion.

Après avoir disséqué les recettes et les dépenses, montré la croissance de l'endettement et toutes ses conséquences, il a souligné le rôle des collectivités locales dans la réduction du déficit, qui nous a permis, grâce à leur capacité de financement de 0,3 % de respecter le 1er janvier 1998 les critères de convergence de Maastricht. Et elles continuent tous les ans d'investir bien que les dotations de l'Etat, et je pense à la DGF, n'augmentent pas autant que le PIB. Leur rôle est donc extrêmement important.

M. Laffineur a évoqué les marges de manoeuvre que nous donne la croissance que nous connaissons heureusement. Elles sont mal utilisées et, notamment, ne sont pas affectées à la réduction du déficit budgétaire, comme nous le préconisons. C'est pourquoi le groupe UDF votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ? Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

M. le président.

Mes chers collègues, avant la discussion générale, je vais suspendre la séance quelques instants.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

L'examen du projet de loi de finances pour l'année 2000 a lieu, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, dans un contexte de croissance confortée : 2,3 % en 1999, 2,8 l'an prochain.

Cette croissance a-t-elle son origine dans l'action du Gouvernement, dans la baisse durable des taux d'intérêt engagée et obtenue par vos prédécesseurs, dans le dynamisme des entreprises et du commerce extérieur aujourd'hui relayé par une démarche intérieure appuyée sur la confiance des ménages dans l'avenir ? Je n'aurai pas la prétention d'arbitrer entre ces différents facteurs...

M. Alain Barrau.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

... tant les équilibres économiques complexes qui régissent notre monde doivent inciter à la modestie par rapport à des prévisions qui peuvent toujours être contredites par tel événement international en provenance d'Amérique ou d'Asie notamment, nous l'avons vu dans le passé.

M. Alain Barrau.

Voilà une position modérée, monsieur Carrez !

M. Michel Bouvard.

L'essentiel, aujourd'hui, n'est pas tant de savoir qui peut s'attribuer le mérite de la situation présente que de savoir comment notre pays peut utiliser au mieux cette croissance qui assure à l'Etat en 1998 et en 1999 un niveau de recettes rarement atteint, aboutissant aussi, il est vrai, à une hausse mécanique dans certains cas des prélèvements obligatoires.

Pour notre part, compte tenu des excédents dégagés - environ 200 milliards de francs au cours des deux exercices - et de l'hypothèse retenue pour la croissance en 2000, il nous semble que le projet de budget qui nous est présenté aurait pu être plus audacieux.

Plus audacieux sur les baisses d'impôt afin de restituer à nos concitoyens une partie des sommes prélevées et de conforter la demande intérieure, plus audacieux sur les allégements de charges sur les entreprises notamment, plus audacieux sur le budget d'investissement, qui assure l'avenir, plus audacieux, enfin, sur les baisses d'impôts.

Vous affichez la baisse d'impôts la plus forte depuis dix ans, avec 30 milliards d'allégements, dont 24 milliards en direction des ménages.

C'est bien, mais ce n'est pas suffisant dès lors que, comme M. Strauss-Kahn l'a dit encore cet après-midi devant la représentation nationale, la croissance génère un efet mécanique de hausse des prélèvements. C'est bien mais ce n'est pas suffisant dès lors qu'il a fallu - pourquoi le nier ? - demander un effort à nos concitoyens dans une période de moindre croissance pour obtenir la qualification à l'euro, et vous savez quel était mon sentiment sur la rigidité des critères de convergence.

Aujourd'hui, les Français doivent bénéficier eux aussi de cette croissance retrouvée, et notamment les classes moyennes qui ont porté une large part de l'accroissement des charges. C'est la raison pour laquelle le groupe RPR propose, par plusieurs amendements, d'engager une nouvelle tranche de réduction de l'impôt sur le revenu, dont vous avez interrompu le processus en 1997.

M. Gilles Carrez.

C'est dommage !

M. Michel Bouvard.

C'est la raison pour laquelle nous proposons également de ne pas pénaliser plus durablement les familles en réajustant le plafonnement du quotient familial,...

M. Gilles Carrez et M. Christian Cabal.

Très bien !

M. Michel Bouvard.

... la modification intervenue n'étant pas pour rien dans la hausse des prélèvements que nous constaterons pour l'année 1999.

Nous avons enfin, comme vous, le souci de maintenir l'activité et l'emploi par des baisses de TVA ciblées puisque nous avons bien compris que vous ne souhaitiez pas remettre en cause la hausse de 2 % appliquée par votre prédécesseur.

M. Alain Barrau.

Ah ! Vous êtes responsables !


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M. Michel Bouvard.

Nous sommes heureux d'avoir été entendus en ce qui concerne la diminution de la TVA sur les travaux, et nous avions d'ailleurs appuyé cette démarche lors de la discussion de la résolution TVA, discutée ici même au mois de juin.

Nous estimons cependant qu'il est grand temps, puisque la croissance le permet, de mettre un terme aux aberrations existant dans notre barème. La TVA sur la restauration figure au nombre de celles-ci, et j'aurai l'occasion de revenir sur ce point lors de la discussion des amendements.

Pourquoi attendre plus longtemps pour mettre un terme à la distorsion de concurrence entre restauration traditionnelle et fast-food, pour améliorer la compétitivité du tourisme français par rapport à ses principaux concurrents étrangers, pour permettre aux salariés - qui ne bénéficient pas de structures de restauration collective les plus nombreux - d'améliorer leurs repas quotidiens ? Cette mesure, de plus, serait, vous le savez, créatrice d'emplois, et l'activité induite n'alourdirait sans doute pas, comme ce sera le cas pour la TVA sur les travaux, le coût budgétaire évalué aujourd'hui.

M. Gilles Carrez.

C'est probable !

M. Michel Bouvard.

Nous attendons sur ce point, messieurs les ministres, suite au conseil Ecofin, et conformément aux engagements que vous avez pris à plusieurs reprises dans le passé, une initiative forte. Va-t-on encore refuser aux restaurateurs français ce que le Gouvernement soutient en faveur des restaurateurs portugais ? Il en va de même de la TVA sur les équipements sportifs, pour laquelle nous proposons aussi un amendement.

Il s'agit de mettre fin à une anomalie qui fait que seuls ces équipements et les pompes funèbres sont maintenus au taux plein parmi les secteurs inscrits dans la directive 92-77 de l'Union européenne. La discrimination appliquée au sport par rapport aux autres formes de loisirs se justifie d'autant moins que vous conviendrez qu'il s'agit aussi, en accroissant la fréquentation des équipements sportifs, d'améliorer la santé publique.

Je ne détaillerai pas davantage ces propositions, qui concernent également la TVA sur le chocolat ou sur d'autres activités que nous évoquerons lors de l'examen des amendements.

Alléger les charges sur les entreprises, et évidemment sur ce qui est le plus important pour l'avenir, la recherche et l'innovation, tel est le sens de plusieurs amendements que nous proposons. Nous voulons également consolider les jeunes entreprises en améliorant leurs fonds propres, car leur mortalité est, selon vos propres services, messieurs les ministres, trop élevé.

Certes, le budget prévoit des dispositions visant à alléger les charges des entreprises, mais elles se limitent surtout à mettre fin à la majoration exceptionnelle de l'impôt sur les sociétés, que vous avez demandée dans le MUF, au nom de l'équilibre budgétaire, il y a maintenant un certain temps.

Je dois à ce stade faire part de ma très vive préoccupation quant aux conséquences de certains dispositifs du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Certes, vous me répondrez qu'il ne s'agit pas du projet de loi de finances, mais ce sont les mêmes entreprises qui sont concernées.

Le budget de financement de la sécurité sociale alourdit les charges sur les entreprises, qui devront déjà supporter l'effet des 35 heures dans une situation de concurrence internationale de plus en plus vive.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce n'est pas vrai !

M. Michel Bouvard.

Puisque vous me dites que ce n'est pas vrai, j'insisterai sur les conséquence dramatiques que pourrait avoir la mise en oeuvre de l'écotaxe sur toutes les activités consommant beaucoup d'énergie, comme l'électrométallurgie, la production d'aluminium ou d'aciers spéciaux. En renchérissant de plusieurs dizaines de millions de francs les coûts des sites de production français je tiens à votre disposition les chiffres, unité de production par unité de production - ne condamne-t-on pas à terme ces unités et les emplois qu'elles ont créés, eu égard au fait que certains dirigeants, souvent étrangers, sont très attentifs à la rentabilité des capitaux engagés, et que certain actionnaires sont non moins exigeants quant aux rendement des fonds de pension ? Ces derniers nécessiteraient d'ailleurs qu'un débat s'ouvre dans notre pays.

Je souhaite que des précisions nous soient apportées sur ce point, compte tenu de l'impact de l'écotaxe sur l'activité économique d'un certain nombre de secteurs.

J'en viens enfin au budget d'investissement. Les budgets d'investissement dans le projet de loi de finances pour 2000 régressent de 164,8 milliards de francs à 161,5 milliards de francs, soit une baisse de près de 2 % sur les crédits des titres V et VI.

Cette baisse est encore plus accentuée sur les équipements et infrastructures du pays puisque le secteur des routes enregistre une diminution de 12 % hors FITTVN.

Il ne m'est pas possible de passer sous silence la hausse proposée de la taxe autoroutière au profit du FITTVN, qui devient d'ailleurs, année après année - et j'ai observé que le rapporteur spécial est d'accord sur ce point - un instrument de débudgétisation de plus en plus affirmé, que j'ai dénoncé en son temps, à une époque où ses crédits n'avaient pas encore atteint ce niveau.

Outre ce mécanisme, qui détourne le FITTVN de ce pour quoi il a été créé, je relève que l'accroissement de cette taxe, qui gèle les possibilités de relèvement des prix des sociétés autoroutières, est en complète contradiction avec les conclusions de la mission d'évaluation et de contrôle créée par notre assemblée. Je souhaite savoir, sur ce point comme sur d'autres, comment le Gouvernement entend prendre en compte les recommandations de la MEC dans les choix et les orientations budgétaires ? Car si le Parlement n'a pas de pouvoir de contrôle et si les missions qu'il crée n'ont pas d'utilité, il faut que l'on nous le dise clairement.

Cette insuffisance des budgets d'investissement se traduit aussi dans l'insatisfaction générale exprimée par tous les présidents d'exécutifs régionaux, quelle que soit leur sensibilité politique, en ce qui concerne les volumes budgétaires des contrats de plan pour la période 2000-2006.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Dépenser plus !

M. Michel Bouvard.

Il s'agit là d'un enjeu important pour les besoins d'équipement du pays et la politique d'aménagement du territoire. S'il y a une croissance optique des crédits de 80,264 milliards de francs sur la période 1994-1999 à 86,485 milliards, plus la deuxième part,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Quand même !

M. Michel Bouvard.

... sur la période 2000-2006, celle-ci mérite cependant d'être corrigée de l'allongement de la durée du contrat de plan et de l'inflation, fussentelles minimes.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il faudrait une petite rallonge !


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M. Michel Bouvard.

La vérité est que vos priorités budgétaires, qui consistent à laisser s'accroître les dépenses de fonctionnement courant et à transférer certaines recettes au bénéfice du financement de la sécurité sociale et des 35 heures, privent le pays de capacités d'investissement créatrices d'emplois durables et répondant au nécessaire renforcement de l'attractivité de notre pays pour les investissements étrangers en vue d'améliorer notre compétitivité.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'accroissement de la dette publique, comme l'a excellemment expliqué Gilles Carrez tout à l'heure, grève aussi nos capacités d'investissement futures. Et l'on voit bien que les budgets d'investissement, dont il faut reconnaître qu'ils n'ont pas été ménagés non plus par la mise en oeuvre des critères de convergence de l'euro au cours des années écoulées, sous le gouvernement précédent et sous le vôtre, ne retrouvent pas la capacité de progression qui devrait être la leur au regard des recettes budgétaires engrangées.

Je souhaite que la discussion qui va s'engager, notamment par le biais des amendements, permette, au-delà de nos désaccords de fond sur les orientations budgétaires - désaccords normaux dans le fonctionnement d'une démocratie -, au Gouvernement et à la majorité de prendre en compte les préoccupations que nous exprimons dans le seul souci de l'intérêt de notre pays, qui doit tirer avantage de cette croissance pour consolider son économie et assurer la création d'emplois durables.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs les députés, pendant les trois années d'application du pacte du précédent gouvernement, « véritable plan de régression », selon les propres termes de l'association des maires de France, qui est présidée par un homme que vous connaissez bien, messieurs du RPR, et qui regroupe des élus de toutes sensibilités politiques, les collectivités locales ont subi une perte de recettes de 7 milliards de francs.

M. Michel Bouvard.

Eh oui !

M. Daniel Feurtet.

Si le pacte dit de stabilité n'avait pas été supprimé, leurs recettes auraient été amputées d'un peu plus de 3,7 milliards de francs supplémentaires.

Partant de cette réalité, nous n'avons pu que nous féliciter du contrat de croissance et de solidarité adopté par notre assemblée lors de la discussion de la loi de finances pour 1999. Nous avons pris acte avec satisfaction du fait que l'enveloppe normée, réservée aux collectivités locales, progresse non seulement en fonction du taux de l'inflation, mais aussi, pour une part, en fonction du taux de croissance du produit intérieur brut.

Faire profiter les collectivités locales d'une partie de la croissance, c'est reconnaître leur rôle économique et social pour une société de plein emploi, en leur donnant les moyens d'assumer leurs missions et leurs nouvelles responsabilités, notamment dans la mise en oeuvre des grands chantiers gouvernementaux, je pense en particulier aux emplois-jeunes. Mais c'est aussi sortir de la conception ancienne et passéiste qui veut que l'Etat décide, que les collectivités appliquent et que les citoyens paient.

Incontestablement, ce contrat de croissance et de solidarité a représenté une bouffée d'oxygène pour les collectivités locales. En effet, marquée par un effort sans précédent en termes de péréquation, la loi de finances pour 1999 a permis de garantir aux collectivités locales un minimum de recettes. Par ailleurs, elles ont pu bénéficier, compte tenu de la conjoncture, d'un réaménagement de leur dette et de conditions favorables pour les emprunts récents.

Je ne dirai pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, comme on pourrait le croire à la lecture du rapport de l'observatoire des finances locales présenté par notre collègue sénateur Joël Bourdin, mais il ne faut pas nier que le gouvernement issu de la majorité plurielle ait fait des collectivités locales une de ses priorités.

Dans le projet de loi de finances pour 2000 qui nous réunit aujourd'hui, ces efforts semblent poursuivis. Les engagements prévus dans le contrat de croissance et de solidarité sont tenus : le projet de loi pour 2000 intègre les majorations exceptionnelles prévues pour trois ans en loi de finances initiale 1999, à savoir la majoration de 500 millions de francs de dotation de solidarité urbaine et la majoration de 150 millions de francs du fonds national de péréquation. En outre, l'enveloppe normée sera indexée sur 25 % de la croissance.

Un effort supplémentaire est réalisé pour faciliter la prise en compte du recensement. Les communes qui connaissent une diminution de leur population ne sont pas pénalisées pour l'instant, elles bénéficient du même montant de dotation forfaitaire qu'en 1999 et la dotation d'aménagement est abondée de 200 millions de francs.

En outre, monsieur le ministre, vous venez de confirmer l'abondement de 500 millions de francs de la dotation de solidarité urbaine, mesure que M. le Premier ministre avait annoncée lors des journées parlementaires du groupe socialiste.

M. Charles de Courson.

C'est un remake !

M. Daniel Feurtet.

Un projet de loi sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales, destiné à atténuer les effets d u recensement, doit être par ailleurs examiné le 5 novembre prochain à l'Assemblée nationale. Un prélèvement de 500 millions de francs sur les recettes de l'Etat est prévu dans le projet de loi afin de favoriser la mise en place de coopérations intercommunales.

Si l'on ne peut que se féliciter de ces mesures, il n'en demeure pas moins que les collectivités locales restent marquées par une certaine fragilité et sont confrontées à des difficultés budgétaires en raison des investissements qu'elles doivent consentir, par exemple pour les travaux d'eau et d'assainissement ainsi que pour l'élimination des déchets, le souci de la protection de l'environnement entraînant en particulier de coûteuses mises aux normes.

Bien qu'elle soit en hausse, l'enveloppe normée subit à nouveau l'impact d'une régularisation négative de la dotat ion globale de fonctionnement, d'un montant de 680 millions de francs. Je rappelle que cette mesure a été instaurée par l'amendement Auberger, lors de la mise en place du pacte de stabilité. L'effort que le Gouvernement souhaite faire en faveur des collectivités territoriales est neutralisé par la politique engagée par nos prédécesseurs.

Pourquoi, monsieur le ministre, maintenir un tel dispositif, en totale contradiction avec l'idée de solidarité entre l'Etat et les collectivités locales qui est inscrite dans le contrat de croissance et de solidarité ? Une loi peut faire, mais elle peut aussi défaire.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

C'est peut-être encore plus choquant au moment où l'on annonce officiellement des pourcentages de croissance importants et des indicateurs économiques très positifs : les recettes de l'Etat sont en hausse de 4,4 % par rapport à 1999.

Les députés communistes et apparentés préconisent que, dans le calcul de l'enveloppe normée, on ne prenne pas en compte 25 % du produit intérieur brut comme il est prévu, mais 50 %, afin de permettre aux collectivités locales qui connaissent une hausse de population de répondre aux besoins supplémentaires.

Si un tel effort paraît aujourd'hui insurmontable, ne pourrait-on d'ores et déjà, pour la loi de finances pour 2001, qui marquera la fin du contrat de croissance et de solidarité, imaginer que l'ensemble des dotations de l'enveloppe normée bénéficieront de 50 % de la croissance, comme c'est déjà le cas pour la dotation globale de fonctionnement ? Selon la direction générale des collectivités locales, le surcoût engendré par l'augmentation de la population correspond à plus de 1,5 milliard de francs. Il pourrait être également financé par une majoration plus import ante de la dotation d'aménagement. Les députés c ommunistes et apparentés défendront d'ailleurs un amendement allant dans ce sens.

En outre, l'évolution de la dotation globale de fonctionnement est la base de calcul de l'actualisation de la compensation salaire dans les bases de la taxe professionnelle.

Pour l'année 2000, il est prévu d'actualiser cette compensation à hauteur de 0,82 %, en application de l'article 44.2 de la loi de finances initiale pour 1999. Cet indice est la rectification des indices économiques produit intérieur brut plus inflation retenus pour la dotation globale de fonctionnement de 2000 après régularisation n égative de la dotation globale de fonctionnement de 1998 et 1999.

En aucune façon l'actualisation de la compensation salaire ne doit reposer sur des indices économiques de 1998 et 1999, puisqu'elle n'était pas instaurée. En ce sens, nous demandons que, pour la première année, soit retenu comme indice la moitié du produit intérieur brut plus l'inflation, soit 2,05 %. Il est d'ailleurs plus que jamais nécessaire de réalimenter la taxe professionnelle en élargissant son assiette aux actifs financiers, c'est-à-dire au stock d'argent placé par les entreprises : titres du marché monétaire ou obligations.

La simple suppression progressive de l'élément salaire, que nous avons soutenue, peut produire des effets contraires à ceux recherchés, le surplus de profits induit par cette suppression pouvant être affecté à des placements financiers au détriment des actifs physiques et matériels. Le souhait du Gouvernement n'est-il pas, d'ailleurs, d'adapter la fiscalité aux évolutions mauvaises de la société ? L'intégration des actifs financiers dans les bases de la taxe professionnelle, préconisée par de nombreux parlementaires de sensibilités différentes, a un triple objectif : d'une part, elle permettrait de réalimenter le produit de cette taxe et inciterait les entreprises à prioriser les investissements productifs ; d'autre part, elle allégerait le budget de l'Etat dans sa compensation aux collectivités locales ; enfin, elle favoriserait le volume de péréquation nationale de cette même taxe.

Je me permets, concernant la taxe professionnelle, d'ouvrir une parenthèse sur la situation des communes qui ont sur leur territoire des établissements hospitaliers.

Ces établissements, non redevables de cet impôt, paient la taxe sur les salaires, dont le produit est versé au budget général. Ne serait-il pas légitime, d'une part, de faire bénéficier ces communes d'une partie de ce produit et, d'autre part, d'alimenter le fonds national de péréquation ? J'attire également votre attention, monsieur le ministre, sur la situation de France-Télécom. Les élus locaux contestent la non-application du droit commun fiscal.

M. Christian Cabal.

Très bien !

M. Daniel Feurtet.

Dans l'intérêt de cette entreprise face à la concurrence des autres opérateurs privés, ainsi que dans celui des collectivités locales, il est nécessaire que soit mis un terme à cette situation, et nous souhaitons que, dès cette année, un premier pas soit fait dans ce sens.

M. Christian Cabal.

Cela fait trois ans que ça dure !

M. Daniel Feurtet.

Une autre question fait également l'unanimité : l'arrêt de la surcompensation au titre de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

Même si le Gouvernement fait un geste en faisant passer le taux de la surcompensation de 38 % à 34 % en 2000 et de 34 % à 30 % en 2001, la CNRACL ne pourra pas jouer plus longtemps le rôle de pivot qui lui a été dévolu dans le financement des régimes spéciaux.

Pour ce qui est la fiscalité locale, nous restons dans l'attente d'une réforme annoncée, au coeur de laquelle les députés communistes et apparentés souhaitent être associés, prenant essentiellement pour base l'ensemble des revenus et faisant jouer en fonction des situations les éléments d'exonération et de seuil.

Dès aujourd'hui, il est possible et nécessaire d'améliorer le dispositif visant à corriger l'injustice du mode de calcul de la taxe d'habitation en baissant, comme nous le p roposons, le montant minimal de cette taxe de 1 500 francs à 1 200 francs, et en maintenant, en cas de retour à l'emploi, le bénéfice du dégrèvement la première année.

Dès aujourd'hui, il est possible et nécessaire d'exonérer de la taxe foncière sur les propriétés bâties les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de solidarité spécifique et de l'allocation de parent isolé. Les assujettis à cette taxe sont certes propriétaires : il n'en demeure pas moins que certains d'entre eux n'ont comme seule ressource qu'un minimum social, bien que peu nombreux et difficilement décelables si l'on en croit les renseignements que nous avons pris auprès de personnes que nous connaissons dans les différentes directions des services fiscaux.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi de 1982 a posé fortement le principe de l'autonomie des collectivités territoriales. Pour que celle-ci soit effective, il faut donner un nouvel élan à la décentralisation...

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Daniel Feurtet.

... permettant aux collectivités locales de disposer des moyens financiers correspondant à leur champ de compétences et aux nombreuses coopérations qu'elles souhaitent développer, ainsi qu'au rôle qu'elles peuvent jouer pour contribuer au soutien de la consommation et de l'investissement, facteurs d'enrichissement de la croissance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Michel Bouvard.

Très bien !

M. Daniel Feurtet.

Cet élan peut, par exemple, consister à permettre aux collectivités locales de déterminer indépendamment chaque taux d'imposition appliqué aux quatre taxes locales.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Daniel Feurtet.

L'actuel gouvernement, contrairement au précédent, souhaite par un ensemble de mesures, faire des collectivités locales des éléments décisifs de l'harmonie du territoire.

M. Christian Cabal.

N'importe quoi ! Retournez à Moscou !

M. Michel Bouvard.

Cela avait pourtant bien commencé !

M. Daniel Feurtet.

On doit donc se donner les moyens de faire du contrat de croissance et de solidarité un véritable outil du « progrès solidaire pour une croissance partagée ».

C'est en ce sens, messieurs les ministres, que les députés communistes prendront toute leur place, cette année encore, de manière constructive et responsable, dans le débat budgétaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, qu'est-ce qu'une bonne politique des finances publiques pour la France ? C'est une politique qui vise à atteindre trois objectifs : une réduction rapide du déficit des finances publiques pour le ramener, dans un premier temps, à un niveau du même ordre de grandeur que celui de nos partenaires européens et, dans un second temps, à zéro, conformément à nos engagements européens ; une réduction significative des taux des prélèvements obligatoires qui le rapproche des taux de nos partenaires européens ; enfin, une stagnation des dépenses publiques en valeur doublée d'un effort réel de redéploiement des moyens.

Au regard de ces trois objectifs, il est clair que non seulement la politique proposée de gestion des finances publiques est mauvaise, mais qu'elle est dans la droite ligne de la politique menée depuis mai 1997 par l'actuel gouvernement. En effet, le déficit des finances publiques, avec une diminution de 1,8 % du PIB en l'an 2000, ne se réduit que deux fois moins vite que sous l'ancienne majorité et il est plus élevé que chez nos grands partenaires alors même que la situation économique est chez eux beaucoup plus favorable.

Quels sont les chiffres ? J'aime toujours rappeler des chiffres simples.

Quelle était la situation des finances publiques en mai 1993, mes chers collègues ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Cela ne vous intéresse pas parce que vous voulez oublier votre lourd passé...

M. Christian Cabal.

C'est pourtant essentiel : Bérégovoy !

M. Charles de Courson.

Les déficits publics atteig naient 6,3 % du PIB, taux le plus élevé depuis trente ans. Au mois de mai 1997, lors du changement de majorité, que représentaient-ils ? Ils représentaient 3,3 % du PIB. En quatre ans, nous les avions réduits de 3 points.

La nouvelle majorité, entre mai 1997 et décembre 2000, aura ramené les déficits publics de 3,3 à 1,8 %, soit 1,5 point de baisse,...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et la soulte de France Télécom ?

M. Charles de Courson.

... alors que la conjoncture était bonne. Telle est la dure vérité ! Mais même en tenant compte de France Télécom...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Votre 3,3 % devient 2,5 % !

M. Charles de Courson.

Non, monsieur le ministre : mon 3,3 % devient 2,8 % et votre 3,3 % devient 2 %.

Vous apparaissez donc encore plus mauvais...

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

En deux ans et demi !

M. Charles de Courson.

Non, en quatre ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Nous n'en sommes pas encore à quatre ans !

M. Charles de Courson.

Je compte le budget de 2000, et cela fait bien quatre ans puisque vous êtes arrivés au mois de mai 1997 ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cela ne fait que trois budgets !

M. Charles de Courson.

Cela fait trois ans et trois quarts ! Vous avez donc réduit les déficits moitié moins vite que les deux précédents gouvernements.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Vous oubliez la soulte de France Télécom !

M. Charles de Courson.

Regardez les chiffres ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Oui, et les vôtres sont faux !

M. Charles de Courson.

Assurément pas ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

Vous oubliez France Télécom et vous comptez quatre budgets !

M. Charles de Courson.

Même si vous rajoutez France Télécom, vous devez admettre que vous avez réduit beaucoup moins vite le déficit budgétaire que l'ancienne majorité alors même que vous bénéficiiez d'une conjoncture économique favorable. C'est incontestable ! Même la Commission européenne vous le dit, tout comme certains de vos amis sociaux-démocrates. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. Germain Gengenwin.

C'est clair !

M. Charles de Courson.

Votre argument est de vous comparer non pas à vos prédécesseurs, parce que vous savez que vous n'en tirerez pas avantage,...

M. Jean-Louis Idiart.

Cela dépend !

M. Charles de Courson.

... mais à vos collègues étrangers. Eh bien, en l'an 2000, la Grande-Bretagne...

M. Jean-Louis Idiart.

Ce n'est pas une référence ! M. Charles de Courson ... aura un excédent de ses finances publiques égal à 1 % de son PIB, les Etats-Unis de l'ordre de 2 % et la zone euro un déficit de 0,8 %. La France, avec ses 1,8 %, est mal placée. Vous ne pouvez guère la comparer qu'aux moins bons de la classe, c'est-à-dire à l'Italie, avec 2,2 %, et l'Allemagne, avec 2 %.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

D'où nous avez-vous fait partir ?

M. Charles de Courson.

L'un des indicateurs de l'excès de déficit est le montant croissant de la dette publique, qui a dépassé les 60 % du PIB depuis 1998, avec 60,3 %, et qui progresse en 1999 avec 60,5 %. En l'an 2000, de combien sera-t-elle ? C'est bizarre : d'après vos prévisions de 59,9 %. Est-ce crédible ? Non ! Mes chers collègues, 60,5 % du PIB en 1999 et 59,9 % du PIB en 2000 correspondent respectivement à une dette publique de 5 333 milliards de francs et 5 492 milliards de francs. Selon les chiffres du REF, le rapport économique et financier, la croissance nette prévue est donc de 159 milliards.

M. Christian Cabal.

C'est irréfutable !

M. Charles de Courson.

Or le déficit de l'Etat atteindra 215 milliards et l'on sait que la dette publique s'accroît au minimum du montant du déficit budgétaire.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Parce qu'il n'y a pas d'emprunt qui arrive à maturité ?

M. Charles de Courson.

Je suis désolé, monsieur le ministre, mais on refinance la variation du stock de la dette, c'est-à-dire le montant du déficit.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mais non !

M. Charles de Courson.

Vous affirmez dans le REF que la différence de 66 milliards s'explique tout simplement par la réduction de l'endettement des collectivités locales. Mais cela ne tient pas debout car les collectivités locales ne vont pas se désendetter en net de 66 milliards.

De plus, comme vous n'avez pas encore atteint l'équilibre en matière de sécurité sociale, qui connaît encore un léger endettement, la vérité, telle qu'elle ressort des chiffres qui figurent dans le REF, est simple : vous êtes en fait audessus de 60 % mais vous voulez faire semblant de revenir en-dessous.

J'ajouterai que, comme l'année dernière, une partie de la dette publique est dissimulée. Aurez-vous le courage de nous dire que la dette de RFF - on parle de 160 ou de 170 milliards - n'est pas une partie de la dette publique ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'était le cas l'année dernière aussi !

M. Charles de Courson.

Oui, mais il y a tout de même eu un progrès : le nouveau système de comptabilité nationale intègre dans la dette publique les structures de cantonnement dont le Crédit lyonnais et le Comptoir des entrepreneurs. Il devrait aussi y avoir RFF et les Charbonnages de France qui, à eux deux, dépassent les 200 milliards.

En réalité, la dette publique française représentera donc plutôt 62 % du PIB ! Deuxièmement, les prélèvements obligatoires sont trop élevés : ils n'ont cessé de s'accroître depuis 1997 et ils ne baisseront pas en l'an 2000.

En mai 1997, lors de votre arrivée au pouvoir, les prélèvements obligatoires représentaient 44,9 % du PIB.

Votre première décision fiscale a été, en novembre 1997, d'accroître, à la faveur de mesures d'urgence, de plus de 23 milliards l'impôt sur les sociétés au prétexe que les prévisions de recettes étaient sous-évaluées dans le projet de loi de finances pour 1997. La loi de règlement a montré qu'il n'en était rien. Ainsi, vous avez accru les prélèvements obligatoires de 0,3 % du PIB au titre de 1997.

Pour 1998, vous nous aviez annoncé - j'ai repris votre dossier de presse - que les prélèvements obligatoires hors la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales baisseraient de 0,2 point. Pour être précis, ils devaient être ramenés de 45,3 % en 1997 à 45,1 %. Quel a été le résultat ? Officiellement, pas de baisse. Mais il y a eu en fait une hausse de 0,2 point, que vous avez dissimulée en accélérant les remboursements de TVA à hauteur d'une quinzaine de milliards, comme l'a suggéré la Cour des comptes dans son rapport sur la loi de règlement de 1998.

Avec 1999, on atteint des sommets ! Vous avez à nouveau annoncé une baisse des prélèvements obligatoires de 0,2 point du PIB, toujours hors la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales : 45 % en 1999 contre 45,2 % en 1998, aviez-vous dit. Mais vous avez été pris une seconde fois les doigts dans le pot de confiture ! Il vous a fallu avouer une nouvelle hausse de 0,4 point du PIB, soit plus de 35 milliards de pression fiscale, avec le record de 45,3 % de PIB.

Cette estimation, mes chers collègues, est probablement sous-estimée de 0,10 point de PIB car les recettes fiscales et sociales sont plus élevées que prévu dans les estimations révisées - au moins de 9 milliards, et certains parlent même de 10 ou de 15 ...

M. Jean-Jacques Weber.

Excellent !

M. Germain Gengenwin.

Très belle démonstration !

M. Charles de Courson.

... alors que la croissance du PIB en valeur est tombée de 3,8 % dans vos prévisions initiales à 2,9 % dans vos prévisions révisées. Ce seul élé ment représente 0,4 point de hausse des prélèvements.

Monsieur le ministre, cette explication, que j'appelle ironiquement « basiste », me conduit à vous poser une question : qui fixe les prévisions relatives au PIB ? C'est bien vous ! Et cela fait deux ans que vous nous expliquez que ce n'est pas votre faute si les taux de prélèvements obligatoires ne baissent pas, voire augmentent fortement, parce que le dénominateur n'a pas été conforme à ce que vous avez prévu.

Reportez-vous donc à ce que j'ai déclaré à cette tribune l'année dernière ! Je vous ai dit que jamais vous n'auriez une inflation de 1,2 % puisque les prix implicites du PIB, tels que nous les avez exposés, étaient de 1,2 %. Or vous avez fini à 0,5 %. Vous nous avez annoncé 2,8 % de PIB en volume, mais vous avez fini avec 2,3 %. Cela est gênant, monsieur le ministre, car il en va de votre responsabilité ! En fait, votre jeu est très simple : vous surestimez systématiquement la croissance du PIB en valeur, parfois même d'ailleurs en volume, pour faire semblant d'afficher une baisse des taux de prélèvements obligatoires. Et que constate-t-on a posteriori ? Une hausse.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Sauf en 1998, où c'est exactement l'inverse de ce que vous dites qui s'est passé puisque la croissance du PIB a été supérieure aux prévisions !

M. Charles de Courson.

Non, monsieur le ministre ! En 1998, il n'y a eu que 0,10 point d'écart entre vos prévisions et les réalisations car il y a eu moins d'inflation que vous ne l'aviez prévu, mais plus de croissance en volume. En valeur, vous étiez à 0,10 point. Vous n'avez pas tenu votre engagement de baisse de 0,2 point.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ce raisonnement en valeur est un raisonnement de comptable !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

M. Charles de Courson.

Pas du tout ! Et c'est vous qui faites les prévisions ! La vérité est simple, monsieur le ministre : vous êtes très gêné...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ah bon ? Il n'en a pas l'air !

M. Charles de Courson.

... parce que tout ce que vous dites depuis deux ans et demi est dénoncé par les faits et les chiffres. Je comprends donc que vous ne soyez pas très à l'aise quand on vous rappelle ce que vous avez dit pour 1997, pour 1998 et pour 1999.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

On est parfaitement à l'aise quand on a la plus forte croissance et la plus forte création d'emplois !

M. Charles de Courson.

Tout ce que vous avez dit ne tient pas. D'ailleurs, alors que vous avez affirmé que ce que vous aviez déclaré n'était vrai que pour 1997, ce que vous avez dit pour 1998 était tout aussi inexact que ce que vous avez dit pour 1999.

M. Germain Gengenwin.

Belle démonstration ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Ces affirmations sont fausses !

M. Charles de Courson.

Ainsi, en près de trois ans, nous avons connu trois promesses non tenues et une aggravation cumulée de 0,7 point des prélèvements obligatoires, alors que vous aviez promis une base cumulée de 0,4 point, puisque la deuxième promesse de 0,2 point en 1999 s'additionnait à la première.

L'écart entre les promesses strauss-kahniennes et la réalité, c'est 1,10 point de PIB, soit, mes chers collègues, 100 milliards.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N'importe quoi !

M. Charles de Courson.

Cela veut dire, mes chers collègues, qu'en 1999 il y a 100 milliards de prélèvements obligatoires de plus que ce qu'avait prévu et promis

M. Strauss-Kahn.

M. Germain Gengenwin.

Ecrasant !

M. Christian Cabal.

Stupéfiant !

M. Charles de Courson.

Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner de voir la montée de l'insatisfaction dans ce pays : il y a un ras-le-bol fiscal.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

A tel point que, même au sein de la gauche, on commence à se dire qu'on est probablement allé un peu plus loin.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Briand et M. Germain Gengenwin.

C'est vrai !

M. Charles de Courson.

Pour l'année 2000, après trois promesses du ministre démenties, la quatrième a-t-elle une chance d'être tenue : une baisse de 0,5 point du taux des prélèvements obligatoires ? La réponse est négative pour quatre raisons.

Pour ce qui concerne, tout d'abord, les collectivités locales, je vous rappelle ce qu'a prévu le Gouvernement : une baisse de leurs prélèvements obligatoires de 5,7 % en 1997, de 5,8 % en 1998, de 5,5 % en 1999 et 5,3 % en 2000. C'est tout à fait surestimé. Pourquoi ? De 1993 à 1998, les taux de prélèvements obligatoires des collectivités locales ont constamment augmenté de 0,10 point de PIB par an, soit de 9 milliards par an.

M. Jean-Louis Idiart.

Un décodeur, s'il vous plaît ! (Rires.)

M. Charles de Courson.

En 1999, vous aviez prévu, monsieur le ministre, une baisse de 0,3 point, ainsi que vous l'avez consigné dans le REF. Mais cela est impossible car les réductions fiscales que vous avez fait voter dans le budget de 1999 représentent 18 milliards - grosso modo 13 sur la taxe professionnelle et 5 sur les droits de mutation - soit 0,2 point de PIB. Comment donc s'expliquerait le 0,10 supplémentaire ? Cela voudrait dire que les impôts locaux ont baissé. Or cela serait tout à fait faux.

Lisez les statistiques de votre collègue du ministère de l'intérieur : la croissance des recettes fiscales des collectivités locales dépassera en 1999 un peu les 4 % - 4,1 % ou 4,2 % - ce qui représentera une nouvelle aggravation de l'ordre de 0,10 point du PIB, dans la continuité de ce qu'on a constaté les années précédentes.

M. Christian Cabal.

Exactement ! Où est la différence ?

M. Jean-Jacques Weber.

C'est dur à entendre !

M. Charles de Courson.

Ainsi, en 1999, la baisse ne sera pas de 0,3 point, mais de 0,1 point, peut-être de 0,2, mais certainement pas de 0,3 ! En 2000, vous prévoyez de nouveau une baisse de 0,2 point de PIB. Mais les deux mesures fiscales concernant la taxe professionnelle, pour 9 milliards, et les droits de mutation, pour près de 5 milliards, représentent près de 14 milliards, soit 0,15 point de PIB.

M. Christian Cuvilliez.

C'est une véritable caisse enregistreuse ! (Rires.)

M. Charles de Courson.

Vous prévoyez donc que la fiscalité locale augmentera d'environ 2 %,...

M. Christian Cuvilliez.

Arrêtez-le !

M. Charles de Courson.

... soit moins vite que la croissance du PIB qui, selon vos prévisions, est estimée à 4 %, car vous espérez que les futures élections municipales vous le dites - freineront la hausse des prélèvements fiscaux des collectivités territoriales.

Tout cela, monsieur le ministre, ne tient pas. Car, avec une croissance très faible, de l'ordre de 1 %, des contributions financières de l'Etat aux collectivités locales et la substitution à des recettes fiscales dynamiques des contributions de l'Etat évoluant moins vite que la richesse nationale, les collectivités locales devront augmenter une nouvelle fois leurs impôts. D'ailleurs, vous dites dans le REF que les dépenses locales augmenteront de 3,2 %. Ce que vous annoncez se révèle donc impossible ! De plus, la hausse annoncée des cotisations patronales de la CNRACL en 2000 - de nouveau de 0,5 point -, n'est même pas comptabilisée dans vos prévisions budgétaires.

« (Oh ! » sur divers bancs. - Rires.)

Ainsi, vous avez surestimé d'au moins 0,1 point de PIB, voire de 0,2, la pression fiscale locale.

M. Philippe Briand.

C'est pourtant simple !

M. Michel Bouvard.

Cela mérite un débat public !

M. Christian Cabal.

Suspension de séance !

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, souvenezvous de 1998 ! M. Strauss-Kahn avait dit que le taux de pression fiscale des collectivités locales baisserait de 0,10 point cette année-là. Je lui ai fait valoir que cela ne serait pas possible, mais il a balayé mes objections d'un revers de main, comme à chaque fois qu'il est coincé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Savez-vous quel a été le résultat ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Plus 0,10 point ! (Rires et exclamations sur divers bancs.)

J'en viens à la deuxième raison de la non-baisse de 0,5 point en 2000.

Monsieur le ministre, pour ce qui concerne les impôts de l'Etat et ceux levés par l'Etat pour financer la protection sociale - et c'est là que se situe la grande manipulation budgétaire -,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oh !

M. Charles de Courson.

... vous prévoyez une baisse.

M. Jean Vila.

C'est le tube de l'été !

M. Charles de Courson.

Mais cette baisse dissimule en fait une hausse, et je vais m'en expliquer.

En effet, après une hausse de 16,8 % du PIB en 1998 à 17,1 % en 1999 de la fiscalité d'Etat, soit 0,3 point de plus, vous prévoyez pour 2000 une baisse à 16,5 %, soit 0,6 point de PIB. Mais il faut rajouter la fiscalité affectée à la sécurité sociale et en particulier aux deux fameux fonds.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Et dans ces conditions, savez-vous de combien est l'augmentation ? C'est formidable : on passe de 4,8 % du PIB en 1999 à 5,4 %, soit moins 0,6 point en apparence pour ce qui concerne l'Etat, mais plus 0,6 point de fiscalité transférée à la sécurité sociale.

En d'autres termes, si je voulais plaisanter (Rires et exclamations sur divers bancs) je dirais : Dominique baisse de 0,6, mais Martine augmente de 0,6 ! C'est pas moi, c'est elle !

M. Philippe Briand.

Cela ne nous étonne pas !

M. Charles de Courson.

En fait, c'est vous, et c'est la responsabilité de l'ensemble du Gouvernement !

M. le président.

Monsieur de Courson, il faudrait vous acheminer vers votre conclusion ! (« Non, non ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Philippe Briand.

Pas de censure, monsieur le président !

M. Charles de Courson.

Je pourrais parler des cotisations sociales, dont la baisse affichée est de 0,20 point.

Cette baisse n'est pas impossible compte tenu de la prise en charge qui a été décidée.

Il y a aussi l'effet base.

(« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Alors là, mes chers collègues, c'est formidable ! Pour ce qui concerne l'année 1998, je vous ai expliqué la « manip » : comment la baisse de 0,2 point s'était transformée en zéro et en fait en une augmentation de 0,2 point. Pour 1999, vous expliquez comment le moins 0,2 point s'est transformé en plus 0,4 point. Merci, monsieur Strauss-Kahn ! Mais qu'en sera-t-il pour l'année 2000 ? Vos prévisions de croissance du PIB s'établissent à 4 %. En volume, ce n'est pas déraisonnable mais, en valeur, ce n'est pas raisonnable.

M. Jean Vila.

Que faut-il faire pour l'arrêter ?

M. Charles de Courson.

En effet, 1,2 % de croissance des prix du PIB, est-ce réaliste ? On en est à 0,5 % cette année et, il n'y a pas de forte remontée des prix. De plus, la concurrence est très dure. Si nous n'avons qu'un décrochement de 0,2 point sur les prix, c'est-à-dire 1 % au lieu de 1,2 %, nous allons nous en prendre pour 0,10 point de pression fiscale supplémentaire ! (Rires et exclamations sur divers bancs.)

Quand on fait la somme de ces quatre facteurs, on n'arrive pas à moins 0,5, mais à zéro ou moins 0,10, et encore !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est le bogue de l'an 2000 !

M. Jean Vila.

Stop !

M. Charles de Courson.

Et heureusement que le système de comptabilité nationale a été modifié, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), sans quoi les prélèvements obligatoires auraient augmenté de 0,25 point de PIB supplémentaire. En effet, dans le nouveau système de comptabilité nationale, les allégements de charges sociales ne sont plus intégrés aux prélèvements obligatoires.

M. Christian Cabal.

Un trucage de plus !

M. Charles de Courson.

Très rapidement, le troisième point...

M. le président.

Monsieur de Courson, vous avez déjà largement dépassé votre temps de parole sans que je ne dise rien ! Je vous prie de terminer votre intervention.

M. Jean Vila.

Il faut l'arrêter !

M. Philippe Briand.

Censure !

M. Christian Cabal.

Laissons la vérité s'exprimer !

M. Charles de Courson.

Je vais conclure. Les dépenses de l'Etat, démembrements compris, progressent de 70 milliards. Mais je ne détaillerai pas, car nous en avons déjà longuement parlé.

Le projet de budget 2000 ne respecte donc aucun des trois critères que je rappelais en introduction : prélèvements obligatoires excessifs et qui ne baissent pas ; déficits excessifs, qui pourraient être réduits à un rythme deux fois plus rapide ; charges publiques qui croissent trop vite et pénalisent toujours les plus humbles et les plus entreprenants, aggravant les inégalités sociales.

M. Germain Gengenwin.

Le projet de budget est hallucinant !

M. Charles de Courson.

Au fond, c'est un budget à la p etite semaine, un budget politicien destiné à ne mécontenter personne et à préparer les futures élections législatives et présidentielle. Ainsi, la France cultive son exception en persévérant dans le vice budgétaire. C'est pourquoi le groupe de l'UDF votera contre le projet de budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Christian Cuvilliez.

La fin était prévisible.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Charasse.

M. Gérard Charasse.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour la troisième fois depuis l'avènement de la nouvelle majorité, nous sommes soumis à l'exercice de l'examen du projet de loi de finances.

Pour nous, radicaux de gauche, ce n'est pas uniquement un exercice de style. C'est l'occasion de montrer notre attachement à la majorité plurielle en soutenant,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

certes, les orientations choisies par le Gouvernement pour l'emploi et la justice sociale, mais en le rappelant aussi, s'il était besoin, à ses racines sociales et humanistes, dont il doit savoir ne pas s'éloigner.

Les radicaux de gauche ont compris que ce budget s'inscrivait dans une double continuité : d'une part, le soutien au programme en faveur de l'emploi et de la justice sociale dont la majorité et le Gouvernement ont fait le dessein central de leur mandat ; d'autre part, et nous pouvons vous en rendre hommage, monsieur le ministre, vous avez su garder à l'esprit l'objectif de réduction des déficits publics et des prélèvements obligatoires.

Pour donner une forme encore plus offensive à ces deux objectifs, les radicaux de gauche vous proposeront, à coût constant pour les finances publiques, d'ajouter quelques dispositifs de nature à renforcer encore cette politique.

Sans doute le temps est-il également venu, grâce aux résultats obtenus ces trois dernières années en matière de réduction du chômage, de renforcement de la croissance et d'amélioration de sa structure, d'ouvrir un débat sur une réforme de fond des finances publiques.

Les radicaux se félicitent que la politique en faveur de l'emploi et de la justice sociale soit, encore une fois, la priorité du budget, parce que ce choix est le gage de résultats incontestables : le taux de chômage a été ramené de 13 % en 1996 à 11 % en juillet 1999 ; le taux de croissance est passé de 1,2 % en 1996 à 3,4 % en 1998 ; enfin, depuis deux exercices budgétaires déjà, le déficit s'est réduit.

L'année dernière, sur l'ensemble de ces objectifs, nous avions, à cette tribune, entendu des Cassandre : la croissance ne serait pas au rendez-vous, le chômage allait augm enter, le déficit se creuser. Peut-on sérieusement reprendre le même discours quand le projet de loi de finances affiche la création de 300 000 postes dans le sect eur marchand ? Peut-on sincèrement, cette année, contester la prévision de croissance comprise entre 2,6 % et 3 % ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Bien dit !

M. Gérard Charasse.

Peut-on sérieusement dire, ou plutôt redire, que ces performances sont obtenues au détriment de la performance budgétaire, alors que nous réduirons le déficit de 21,2 milliards de francs, que les dépenses évolueront au rythme de l'augmentation prévisionnelle des prix hors tabacs et que 39 milliards de francs d'impôts seront supprimés ? Nous avons été nombreux à réclamer des allégements d'impôts. C'est parce que nous ne méconnaissons pas l'importance de la recette publique et son rôle déterminant dans la vie d'une nation que nous avons voulu que les allégements portent là où l'impôt frappait directement les ménages les plus fragilisés. L'application du taux réduit de TVA à la rénovation de l'habitat et aux services d'aide à la personne, la baisse des droits de mutation et la suppression du droit de bail sont autant d'exemples frappants.

Il est des domaines où l'élan ne doit pas être coupé.

Les radicaux de gauche ont ainsi déposé un amendement visant à appliquer un taux réduit de TVA à la restauration, à coût constant. Nous proposons de ramener la taxation de l'ensemble de la filière au taux réduit de 14,6 %.

M. Christian Cuvilliez.

Ah non !

M. Gérard Charasse.

Le secteur de l'hôtellerie-restauration est d'abord caractérisé par un rapport élevé entre le nombre de postes de travail mobilisés et le chiffre d'affaires. La recherche de la productivité a atteint ses limites et il est peu probable que la profession puisse absorber une demande en hausse, provenant d'une baisse sensible des prix, sans procéder à des embauches importantes.

Dans ce secteur, comme dans le bâtiment ou la teinturerie-nettoyage à sec, l'action de l'Etat en matière de baisse du taux de TVA peut se traduire par un gain sensible sur le marché de l'emploi.

La restauration rapide fait partie de ce secteur. En prétextant de son activité de simple délivrance de plats préparés, elle a pu négocier un taux de TVA intermédiaire.

Mais il n'y a pas pour autant deux tarifications distinctes.

Ainsi, le consommateur qui emporte son plat règle une partie de la taxe imputable dans l'absolu à celui qui consomme sur place.

Ce mécanisme se traduit par des prix affichés trop favorables aux établissements de restauration rapide. Cela a pu faire croire qu'ils avaient une vocation sociale, puisqu'ils offrent une prestation bon marché et accessible à un public large. Pourtant, depuis quelques années, on constate une baisse constante du coût des prestations de base offertes par les établissements classiques. L'écart de prix sur ce type de prestation, et par conséquent le caractère social de la restauration rapide, est principalement imputable à la différence de taxation.

C'est dans cette double perspective qu'il nous est apparu indispensable d'unifier les taux de TVA applicables dans ce secteur. Je souhaite sincèrement, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette proposition soit examinée avec la plus grande attention et c'est à cette fin que je me suis permis de la développer un peu longuement.

Dans le même ordre d'idée, nous déposerons un amendement sur la redevance télévision, trop pesante pour les ménages en difficulté et finalement mal recouvrée. Il serait possible, par exemple, de modifier le mode de déclaration en prévoyant, sur le formulaire de déclaration d'impôts, une case destinée à savoir si le contribuable est assujetti à la redevance.

Dans l'optique de vos récentes décisions en matière de dette fiscale des ménages surendettés, il nous paraît aussi indispensable d'encadrer plus strictement les taux d'intérêt des prêts à la consommation, qui sont souvent usuraires.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, les radicaux de gauche examineront avec attention vos propositions avant de voter la loi de finances. J'ajoute que votre politique, soutenue par notre majorité plurielle, a permis de dégager de nouvelles marges de manoeuvre et que nous sommes sans aucun doute à l'orée d'une période plus favorable.

L'histoire nous enseigne que ces périodes, au sens mathématique, sont courtes, et que les cycles économiques se compriment. L'histoire a également enseigné à la gauche qu'il faut saisir l'occasion, ne pas attendre. C'est donc maintenant qu'il nous faut engager une réforme fiscale de fond. En la matière, les radicaux de gauche apprécieraient que vous ne vous contentiez pas de donner un signe.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2000 est celui des occasions manquées. Le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

Gouvernement a opté pour la politique budgétaire la plus terne, au moment où la croissance lui aurait permis de bâtir un projet quelque peu ambitieux.

Vous en avez tellement conscience, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez déjà annoncé, comme pour vous racheter, de grandes réformes pour 2001 : réforme de l'impôt sur le revenu, réforme de la taxe d'habitation.

Mais, comme on le sait, les promesses n'engagent que ceux qui les croient.

Le budget 2000, comme celui de 1999, va donc à contre-courant de l'action menée par tous nos partenaires européens, à contre-courant du monde moderne, qui exige de plus en plus de souplesse, de décentralisation, d'investissements.

Le Gouvernement n'en finit pas de s'autoféliciter - nous l'avons entendu cet après-midi dans ce registre. Il n'y a malheureusement pas de quoi car, malgré le retour de la croissance, la France accumule les contre-performances.

En matière de déficit, la France se situe en queue de classe. Avec un déficit public de 1,8 % du PIB, nous sommes à des années-lumière des Américains, qui, eux, enregistrent un excédent de 1,8 %. Nous sommes loin aussi derrière le petit Danemark : 1,9 % du PIB d'excédent. Mais nous sommes également derrière l'Espagne, dont le déficit a été ramené à 1,4 % du PIB, et beaucoup plus loin encore du Royaume-Uni, dont le déficit n'est plus que de 0,4 % du PIB.

Tous nos partenaires ont décidé depuis plusieurs années de réduire fortement le poids des dépenses publiques. Or, et on ne peut que le déplorer, vous continuez de dépenser sans compter. Alors que le poids des dépenses publiques s'est réduit de 18 % du PIB en Irlande, de 12,5 % aux Pays-Bas, de 11 % en Suède, de 6 % au Royaume-Uni et de 4 % en Allemagne, chez nous, les dépenses continuent à croître : de 0,9 % concédez-vous.

Ce n'est pas un exploit. Mais surtout, ce taux est inexact, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous le savez mieux que moi. En effet, pour avoir une idée précise de la progression des dépenses, il convient de retirer la charge de la dette, qui fluctue en fonction des taux d'intérêt, et d'ajouter les prélèvements sur recettes. Si l'on retient cette définition, la progression des dépenses de l'Etat passe de 15 milliards à 33 milliards de francs, c'està-dire de 0,9 % à 1,9 % du PIB ; ce n'est plus tout à fait la même chose.

Mais ce n'est pas tout. Le Gouvernement s'est aussi lancé dans le bricolage budgétaire en multipliant les fonds de gestion. En moins de deux ans, il a créé un fonds pour la CMU, un fonds pour les victimes de l'amiante, un fonds de réserve des retraites et, récemment, tout un fonds pour les 35 heures.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ce n'est pas un fonds.

M. Gilbert Gantier.

Et ce n'est sans doute pas fini.

Avec ce démantèlement des comptes de l'Etat on ne sait plus qui est responsable de quoi : l'Etat ? la sécurité sociale ? les deux ? personne ? Une seule chose est certaine : les comptes de l'Etat et de la sécurité sociale sont de plus en plus illisibles. La multiplication des transferts croisés imposerait la présentation de comptes consolidés, afin que les contribuables puissent avoir une vision globale, aussi claire que possible, de la comptabilité publique. Oserai-je dire que cela ne vous arrangerait pas du tout ? En effet, par exemple, si on réintègre les trois fonds dont j'ai parlé dans les dépenses de l'Etat, celles-ci augmentent non plus de 0,9 % ni même de 1,9 %, mais de 3,5 % du PIB.

Ce laxisme augure mal de la réduction de la dette publique qui, à plus de 5 000 milliards de francs, dépasse 60 % du PIB. En 1981, le taux de dette publique de la France était l'un des plus faibles de l'OCDE. C'est désormais le contraire : aux Etats-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suède, le taux est inférieur. Et, à la différence de la France, tous nos grands partenaires ont réussi à réduire le poids relatif de la dette par rapport au PIB.

Grâce à la croissance et aux recettes de privatisation, le Gouvernement aurait eu les moyens d'arrêter la progression diabolique de la dette publique. Il est inadmissible que nous ne puissions pas envisager de la réduire à néant, comme les Etats-Unis s'y sont engagés pour l'an 2015, car nous savons qu'elle pèsera sur les jeunes générations, et celles-ci ne manqueront pas, à juste titre, de nous en faire reproche.

De toute façon, on ne peut guère espérer réduire la dette publique tant que l'Etat n'y verra pas clair luimême dans ses comptes et qu'il ne disposera pas d'une comptabilité patrimoniale. En 1991, il y a plus de huit ans, j'avais fait adopter par l'Assemblée nationale un amendement proposant l'élaboration d'un rapport sur ce sujet. Malgré l'opposition du rapporteur général de l'époque, cet amendement avait été accepté par le ministre sous réserve de certains aménagements et il était devenu l'article 81 de la loi de finances pour 1992. Mais les gouvernements successifs se sont assis sur l'obligation de déposer un rapport relatif au patrimoine de l'Etat.

Je ne peux donc que me réjouir qu'après tant d'années perdues, le rapport de Jean-Jacques François, remis en juin dernier, ait permis d'éclairer quelque peu le sujet.

Selon ce rapport, l'Etat devra faire face à une crise financière grave d'ici trois à cinq ans. Des bombes à retardement s'amoncellent : retraite des fonctionnaires, dettes des sociétés d'autoroutes, entretien du patrimoine, démantèlement des centrales nucléaires, et j'en passe. Et vous savez aussi bien que moi, monsieur le secrétaire d'Etat, que les sinistres à venir sont évalués à plusieurs centaines de milliards de francs. Mais on ne fait rien pour s'y préparer.

Cette situation résulte du caractère archaïque des techniques de gestion publique. Il est en effet anormal que l'Etat n'établisse aucun bilan comptable et qu'il n'amortisse pas ses investissements. Que dirait-on d'une entreprise qui se conduirait de la sorte ? Le rapport de M. Jean-Jacques François mentionne qu'en l'état actuel des choses, il est fort difficile, c'est le moins qu'on puisse dire, d'établir une cartographie des actifs de l'Etat. La seule chose à peu près certaine, c'est que, depuis 1986, l'Etat a vendu environ 400 milliards de francs d'actions d'entreprises publiques ; depuis 1997, le Gouvernement de Lionel Jospin a ainsi récupéré 90 milliards de francs. Or ces recettes exceptionnelles n'ont été utilisées ni pour engager le désendettement, ni pour assurer le financement des retraites dans les prochaines années. On ne peut que le déplorer.

En matière de prélèvements comme en matière de dépenses, vous êtes devenus des spécialistes de ce que l'on appelle en peinture le trompe-l'oeil.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Oh !

M. Gilbert Gantier.

Depuis 1997, chaque année, le Gouvernement nous annonce que les prélèvements baisseront l'année suivante ; malheureusement, ils augmentent à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

chaque fois ! De 1998 à 1999, le taux de prélèvements obligatoires est ainsi passé de 44,9 à 45,2 %. Et M. le ministre a lui-même concédé cet après-midi, de cette tribune, qu'il va encore augmenter.

Certes, le ministre de l'économie rend public, à grands coups de trompette, un grand plan de baisse d'impôt - le plus important, a-t-il déclaré, depuis des années. Mais audelà des artifices de présentation, soyons objectifs, les impôts augmentent. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner les impôts les uns après les autres. En 2000, les recettes de l'impôt sur le revenu augmenteront de 4,1 % : quatre fois plus vite que l'inflation, deux foix plus vite que le PIB. Vous ne pouvez donc pas prétendre que les impôts baissent ! Le produit de l'impôt sur les sociétés augmentera de 4,3 %, celui de la TVA de 3,1 %, malgré la baisse sur les travaux d'entretien, et celui de la TIPP de 3,2 %. De 1997 à 2000, le produit des recettes fiscales aura ainsi augmenté de plus de 130 milliards de francs.

En matière d'impôt, vous faites comme pour les dépenses : vous bricolez. Le problème c'est que vous êtes de mauvais bricoleurs.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Oh !

M. Gilbert Gantier.

Le Gouvernement annonce une baisse des impôts de 39 milliards de francs, mais il oublie de préciser qu'il accroît la TIPP sur le gazole, qu'il réduit le crédit d'impôt sur les dépenses d'entretien, qu'il élargit l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est faux !

M. Gilbert Gantier.

... qu'il institue une contribution supplémentaire sur les bénéfices, qu'il augmente la quotepart pour frais et charges due par les entreprises dans le cadre du régime des filiales.

La majorité de gauche de la commission des finances annonce aussi sa contribution au toujours plus d'impôts en proposant la diminution de l'avoir fiscal, la suppression du crédit d'impôt emploi, l'aggravation de la taxation des stock-options et la non-actualisation de l'ISF.

Au-delà du discours raisonnable, c'est un virage à gauche toute.

Le Gouvernement, comme pour les dépenses, masque ses véritables intentions. Ainsi, l'écotaxe est affectée au financement des trente-cinq heures ; elle sort donc du budget de l'Etat et n'est pas prise en compte dans les prélèvements obligatoires. Je me demande quel est le rapport entre l'écotaxe et les trente-cinq heures. A mon avis, il n'y en a pas, mais je suis sûr d'une chose : il faudra bien que quelqu'un la paie.

Le Gouvernement trompe également l'opinion en éclatant les importantes recettes issues des droits sur les tabacs entre le fonds pour les trente-cinq heures, la caisse nationale d'assurance-maladie et le fonds pour l'indemnisation des victimes de l'amiante. Après la CSG, c'est le deuxième impôt à être ainsi découpé en tranches.

Vous avez, certes, décidé d'abaisser le taux de TVA sur les travaux d'entretien réalisés par des professionnels.

Mais on peut s'interroger sur l'opportunité de retenir tel ou tel secteur d'activité. Je suis heureux pour le bâtiment, mais pourquoi ne pas retenir aussi le secteur de la restauration, qui souffre d'importantes distorsions de concurrence, tant à l'intérieur de nos frontières qu'à l'extérieur ? Comment évitera-t-on, par exemple, qu'un particulier négocie avec un artisan du matériel à un taux de TVA de 5,5 % afin de ne pas le payer dans un magasin à 20,6 % ? Ces mesures sectorielles sont une source de fraude extrêmement regrettable.

N'aurait-il pas mieux valu procéder à une diminution du taux normal et réduire ainsi l'écart excessif qui existe avec le taux réduit ? C'était une de vos promesses de 1997. Ce n'est pas la peine de répéter à longueur de journée que c'est la faute de l'ancienne majorité si le taux normal est à 20,6 %, ...

M. Jean-Louis Idiart.

C'est pourtant vrai !

M. Gilbert Gantier.

... car en deux ans, avec un taux de croissance inespéré, vous aviez largement la possibilité de le diminuer. Le rapport économique et financier souligne que les recettes de l'Etat augmenteront de plus de 85 milliards de francs en 2000, ce qui aurait permis largement de financer une baisse de deux points de la TVA.

Mais vous vous êtes surpassé avec l'impôt sur le revenu. En abaissant, l'année dernière, le plafond du quotient familial, vous avez alourdi l'impôt sur le revenu de plus de 280 000 familles. Certes, vous avouez vos fautes en annonçant pour l'année prochaine une réforme de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation. Une nouvelle promesse ! Comment ne pas s'en méfier lorsque l'on sait que vos promesses aboutissent à des augmentations d'impôts ou à des mesures contre les familles ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais non !

M. Gilbert Gantier.

Ainsi la commission des finances a-t-elle relancé, à propos de la taxe d'habitation, l'idée de l'introduction d'un troisième impôt sur le revenu, après l'IRPP et la CSG. Cette proposition rappelle le projet avorté de taxe départementale sur le revenu, lancé par le groupe socialiste et qui avait été, au dernier moment, abandonné du fait des transferts de charges qu'il occasionnait.

Alors que nous allons changer de siècle et même de millénaire, la majorité plurielle entend nous faire entrer dans l'avenir à reculons. On cherche en vain dans ce budget la moindre réforme de structures. On cherche en vain des mesures en faveur de l'innovation, de l'investissement, en faveur des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Le retard que la France accumule en matière de création d'entreprise provient, vous le savez aussi bien que moi, de la combinaison diabolique entre l'impôt sur le revenu, les droits de succession et l'impôt sur la fortune.

Avec ces trois impôts, il est impossible à une petite entreprise de devenir grande sans passer dans le giron d'une multinationale ce qui - hélas ! - n'arrive que trop souvent. Ce n'est pas le fruit du hasard si la France n'a pas des entreprises similaires à Microsoft, Yahoo ou Amazon, qui, en quelques années, sont passées du stade de PME à celui de multinationales.

En perpétuant des méthodes qui ont échoué dans le passé, le projet de loi de finances pour 2000 ne prépare aucunement notre pays à ce nouveau système. C'est pourquoi, sans le moindre état d'âme, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera contre.

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 19 OCTOBRE 1999

2 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 19 octobre 1999, de M. Georges Sarre et plusieurs de ses collègues une proposition de résolution sur la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne la possibilité d'appliquer à titre expérimental un taux de TVA réduit sur les services à forte intensité de main-d'oeuvre (COM [99] 62 final/no E 1236), déposée en application de l'article 151-1 du règlement.

Cette proposition de résolution, no 1874, est renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

3 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 19 octobre 1999, de M. le Premier ministre, en application de l'article 22 de la loi de finances pour 1999 (no 98-1266 du 30 décembre 1998), un rapport de la commission mixte chargée de formuler des propositions relatives au régime fiscal spécifique applicable en Corse et aux dispositions destinées à faciliter la sortie de l'indivision.

4 DÉPÔT D'UN AVIS

M. le président.

J'ai reçu, le 19 octobre 1999, de M. Jérôme Cahuzac un avis, no 1873, présenté au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (no 1835).

5

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion générale et discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 21 octobre 1999, à une heure cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 15 octobre 1999 No E 1314. Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (COM [99] 348 final).

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 18 octobre 1999 No E 1315. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.