page 07722page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de finances pour 2000. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7723).

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

DISCUSSION DES ARTICLES DE LA PREMIÈRE PARTIE (p. 7726)

Article 1er (p. 7726)

MM. Philippe Auberger, le secrétaire d'Etat, Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances.

Amendement no 263 de M. Méhaignerie : MM. Pierre Méhaignerie, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Gilles Carrez, Gilbert Gantier. - Rejet.

Adoption de l'article 1er

Suspension et reprise de la séance (p. 7729)

Rappel au règlement (p. 7729)

MM. Gilbert Gantier, le président.

Reprise de la discussion (p. 7729)

Article 2 (p. 7729)

MM. Jean-Pierre Brard, le secrétaire d'Etat.

Amendements nos 151 de M. d'Aubert, 264 de M. de Courson et 101 de M. Auberger : MM. François d'Aubert, Jean-Jacques Jégou, Philippe Auberger, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Pierre Brard. - Rejets.

Amendement no 153 de M. Gantier, amendements identiques nos 102 de M. Auberger, 69 corrigé de M. Carrez et 496 de M. Douste-Blazy, et amendements nos 266 de M. de Courson et 133 de M. Baguet : MM. Gilbert Gantier, Philippe Auberger, Gilles Carrez, Germain Gengenwin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Michel Bouvard. - Rejets.

2. Aménagement de l'ordre du jour prioritaire (p. 7738).

3. Loi de finances pour 2000 (première partie). - Reprise de la discussion d'un projet de loi (p. 7738).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 7738)

Article 2 (suite) (p. 7738)

Amendement 27 de la commission des finances : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Gilles Carrez, Gilbert Gantier. - Adoption de l'amendement no 27 modifié.

Amendement no 103 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendements nos 70 de M. Carrez et 154 de M. Gantier, et amendements identiques nos 265 de Mme Idrac et 497 de M. Douste-Blazy : MM. Gilles Carrez, Gilbert Gantier, Germain Gengenwin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendement no 152 de M. d'Aubert : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Adoption de l'article 2.

Après l'article 2 (p. 7741)

Amendement no 177 de M. Gantier, amendements identiques nos 299 corrigé de M. Poignant et 512 corrigé de M. Michel Bouvard, et amendement no 359 de M. de Courson : MM. Michel Bouvard, Germain Gengenwin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejets.

Amendement no 354 de M. de Courson : MM. Germain Gengenwin, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat,

Mme Béatrice Marre. - Rejet.

Amendement no 76 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

A mendement no 524, deuxième rectification, de M. Hollande : MM. François Hollande, le rapporteur général, Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat, Jean-Pierre Brard, Philippe Auberger, Maurice Adevah-Poeuf.

Sous-amendement no 547 de M. Adevah-Poeuf : MM. le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Maurice AdevahPoeuf. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement no 524, deuxième rectification.

Amendement no 74 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 75 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 72 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Amendement no 78 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Gilbert Gantier, le président. - Rejet.

Amendement no 476 de M. Baert : MM. Dominique Baert, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat, Jean-Jacques Jégou. - Retrait.

Amendement no 476 repris par M. Jégou : MM. Gilbert Gantier, le secrétaire d'Etat, Jean-Jacques Jégou. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 7753).


page précédente page 07723page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quinze.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

PREMIÈRE PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, il me revient de répondre aux nombreux orateurs qui sont intervenus, le plus souvent de manière constructive, dans la discussion générale.

J e commencerai, dans l'ordre chronologique, par

M. Michel Bouvard. Il a certes employé un ton modéré, mais a néanmoins émis sur un certain nombre de points des avis qui ne correspondent pas à la réalité. Je concentrerai mes commentaires sur le traitement de l'investissement dans le budget 2000, question qui a été évoquée également par M. Hériaud et M. Barrot.

Les capacités d'investissement de l'Etat augmentent dans le budget 2000, notamment parce que nous avons procédé à des économies sur les dépenses de fonctionnement et les crédits d'intervention.

La capacité totale d'investissement de l'Etat passera de 82,8 milliards de francs en 1998 à 84,6 milliards en 2000. Nous sommes donc bien, tous financements confondus, dans une phase de redressement de l'investissement public, alors que celui-ci, Dominique StraussKahn l'a rappelé hier, avait été sacrifié durant la période 1993-1997.

Ces investissements ne sont pas dispersés uniformément. Ainsi, puisque M. Jégou a fait allusion aux travaux de la mission d'évaluation et de contrôle sur la police nationale, les crédits d'investissements de la police nationale progresseront de 38 %. Cet investissement est attendu et aura des effets concrets, car il servira pour l'essentiel à installer ou à mieux équiper la police dans un certain nombre de zones difficiles.

Les crédits d'investissement du budget de l'équipement et des transports auront connu, de 1997 à 2000, une progression de 19 %, passant de 12,9 milliards de francs à 15,3 milliards. Je vous signale, monsieur Bouvard, puisque, comme d'autres parlementaires, vous portez une attention particulière aux routes, que les crédits qui leur sont consacrés augmenteront de 6 % entre 1999 et 2000.

Plusieurs d'entre vous ont fait référence aux contrats de plan. Je vous rappelle qu'en 1998 et en 1999, nous avons abondé de 4 milliards de francs les crédits de paiement routiers car le gouvernement précédent avait ouvert les chantiers et dégagé des autorisations de programme sans prévoir les crédits correspondants. J'ajoute que le gouvernement précédent, n'arrivant pas à exécuter les contrats de plan sur la période normalement prévue, les avait prolongés d'un an.

M. Feurtet, qui a concentré son intervention sur les collectivités locales, a bien montré à quel point, si le Gouvernement et la majorité nouvelle avaient prolongé le pacte de stabilité de la période 1996-1998, toutes les communes, et particulièrement les plus faibles, auraient été pénalisées puisque cela aurait coûté près de 3 mil liards de francs aux collectivités locales.

Il a bien montré le contraste entre ce qu'il a appelé la glaciation du pacte de stabilité, la période 1996-1998, et la démarche contractuelle et dynamique retenue par le Gouvernement.

Il a bien souligné la progression de l'indexation sur la croissance : 20 % du taux de croissance en 1999, 25 % en l'an 2000, 33 % en 2001. Il pense que c'est insuffisant et souhaite que l'on parvienne à 50 %.

M. Jean-Pierre Brard.

Pourrait mieux faire ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'ai bien entendu son souhait. L'évolution en tout cas est claire.

Il a parlé de l'indexation de la compensation pour la taxe professionnelle, et M. Bonrepaux a également évoqué cette question. Vous verrez que, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, le Gouvernement est à l'écoute de la majorité puisque, alors que pèsent lourdement sur la dotation globale de fonctionnement en l'an 2000 la régularisation négative au titre de 1998 et ce que l'on appelle maintenant d'un nom célèbre l'amendement Auberger, la compensation de taxe professionnelle, comme la commission des finances, son président et son rapporteur général l'ont proposé, suivra l'évolution de la DGF sans cette correction héritée.

Vous avez évoqué, monsieur Feurtet, le cas de France Télécom. Comme le Gouvernement s'y était engagé, un groupe de travail a été constitué avec France Télécom pour que cette grande entreprise nous fournisse les bases, c'est-à-dire l'implantation de ses équipements dans les différentes communes. Le travail est en cours et nous informerons la commission des finances au fur et à mesure que France Télécom fournira les bases nécessaires.

Vous avez mentionné la taxe d'habitation sur les foyers modestes. C'est encore un point sur lequel le Gouvernement écoutera sa majorité et les votes de la commission des finances.

J e passerai plus brièvement sur l'intervention de M. de Courson, qui m'excusera d'être un peu laconique dans mon commentaire. Nous avons assisté à un crépite-


page précédente page 07724page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

ment de calculs abscons qui ont eu le mérite de réjouir l'opposition. Par sa démonstration saccadée et brillante, il n'a pas, me semble-t-il, fait véritablement progresser le débat, accumulant les chiffres, faute de pouvoir enchaîner un raisonnement totalement convaincant.

M. Charasse, comme plusieurs d'entre vous, a évoqué le secteur de la restauration, soumis, chacun le sait, à un taux de TVA de 20,6 %, alors que les ventes à emporter sont soumises à un taux de 5,5 %, et souhaité que l'on adopte un taux intermédiaire de 14,6 %. Le Gouvernement, comme les orateurs qui se sont exprimés sur tous les bancs, considère que la restauration traditionnelle, et le mot « traditionnelle » en l'espèce est flatteur...

M. Jean-Pierre Brard.

Cela sent la bonne cuisine française du terroir ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mais oui, monsieur Brard !

M. Michel Bouvard.

Ce n'est pas du fromage synthétique fondu sur un steak !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ce secteur traditionnel est parfaitement respectable par sa contribution à notre culture et à la qualité de la vie. Il joue un rôle dans le tourisme, et c'est un secteur important dans le domaine de l'emploi.

Cela dit, il fallait commencer par un secteur et l'Assemblée, dans son ensemble, a voté une résolution demandant que le Gouvernement se batte sur les travaux d'entretien du bâtiment, combat remporté, grâce à l'appui de la représentation nationale, auprès de nos partenaires européens qui étaient particulièrement réticents.

S'agissant de la restauration, en dépit des grands efforts de Dominique Strauss-Kahn au conseil économique et financier du 8 octobre, nos partenaires, notamment notre partenaire d'outre-Rhin, sont beaucoup plus réticents.

M. Jean-Pierre Brard.

Cela ne métonne pas, c'est la

« mal-bouffe » !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Gantier a estimé et c'est son droit, que notre budget était terne. Mon sentiment, c'est que nous avons redonné des couleurs à la croissance, à l'emploi et à la solidarité.

Il a fait référence à notre très mauvaise position au sein de la Communauté européenne s'agissant de la dette. Or on peut lire dans un article du Figaro du 12 octobre, journal qu'il ne peut sûrement pas réfuter, que, dans huit pays et non des moindres, le pourcentage de la dette par rapport à la production intérieure brute est supérieur à celui de la France. Dans cette longue liste que je vous épargnerai, on trouve l'Allemagne, l'Espagne, les PaysBas, la Suisse et l'Italie.

Edmond Hervé a souligné le rôle essentiel des collectivités locales dans l'équipement économique et social de notre pays et le succès des emplois-jeunes. Sur tous ces points, évidemment, le Gouvernement le rejoint entièrement.

Il a posé une question qui, était, je crois, rhétorique : notre pays souhaite-t-il garder un système de fiscalité locale qui, depuis 1982, le distingue des autres pays ? La réponse est évidemment affirmative. C'est un principe fondamental d'autonomie des collectivités locales qui a été inscrit dans les lois de décentralisation, et le Gouvernement, quels que soient les avocats anciens ou nouveaux de la décentralisation, ne compte pas y déroger. Lorsque nous avons réformé tous ensemble la taxe professionnelle, la part des ressources des collectivités locales apportée par l'Etat est passée de 30 à 36 %, ce qui montre bien que l'essentiel des ressources des collectivités locales vient toujours de la fiscalité locale.

Edmond Hervé a aussi parlé de la réforme future de la taxe d'habitation. Je souhaite que sa grande compétence en la matière, qui a été prouvée une nouvelle fois par le rapport qu'il a remis l'an dernier, contribue aux réflexions que nous mènerons ensemble l'an prochain.

Il a évoqué la CNRACL en expliquant que nous devions en débattre. Rien ne s'oppose à ce que nous en parlions. Vu la situation de crise que connaît cet organisme, un groupe de travail a été réuni au cours du printemps, et le Gouvernement a accepté le principe d'un effort partagé. Il s'est engagé à faire passer la surcompensation de 38 % à 34 % en 2000, puis à 30 % en 2001.

L'effort financier de l'Etat, qui représentera 1 milliard de francs l'an prochain et 2 milliards de francs en 2001, accompagnera l'effort parallèle des collectivités locales. Un tel partage de l'effort a été préconisé par les élus locaux et accepté par le président de la commission.

M. Vila a souhaité à juste titre que l'on évalue mieux l'efficacité des aides aux entreprises en se fondant sur le critère de l'emploi. Il a fait des propositions intéressantes pour mieux mobiliser les aides pour l'emploi au niveau régional.

M. Deniaud a évoqué les investissements routiers, j'ai répondu sur ce point après l'intervention liminaire de M. Bouvard.

M. Barrau a légitimement souhaité que le Gouvernement donne acte, ce que je fais bien volontiers, à l'Assemblée, et particulièrement à sa délégation pour l'Union européenne, de sa résolution courageuse - et contagieuse, puisqu'elle a entraîné la conviction de nos partenaires européens - de baisser la TVA sur les travaux d'entretien du logement.

M. de Gaulle est intervenu à propos de la TVA sur la restauration. Il a parlé de double langage. La réalité est tout autre. Le Gouvernement, Dominique Strauss-Kahn en particulier, s'est battu le 8 octobre pour arracher de nos partenaires réticents une décision en ce domaine.

M. Michel Bouvard.

Pas en juillet !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Peut-être nous aiderez-vous à passer à la règle de la majorité, mais vous savez que, en matière de fiscalité, la règle de l'unanimité est très contraignante.

M. Jean-Pierre Brard a placé son intervention sous le haut patronage de la Déclaration des droits de l'homme.

M. Germain Gengenwin.

Pour ça, il est fort !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il est important que ce texte fondateur soit cité aussi souvent que possible dans cette assemblée.

Il a évoqué des propositions très concrètes, qui résultent de son travail sérieux, minutieux et imaginatif en ce qui concerne la lutte contre la fraude.

M. Jean-Jacques Jégou.

On ne va plus pouvoir le tenir, après ce que vous avez dit ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il a évoqué aussi l'hypothèse d'un impôt négatif. M. Brard sait à quel point le Gouvernement est attentif à toutes ses réflexions.

(Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Barrot a insisté sur le fait - mais j'ai déjà répondu à cet égard hier soir à M. Jégou - que le débat sur le projet de loi de finances et celui relatif au financement de


page précédente page 07725page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

la sécurité sociale étaient trop disjoints. Nous avons les bases d'un débat intéressant dans le rapport économique, social et financier. Le rapporteur général s'est engagé à faire des propositions concrètes au sein de la commission des finances pour mieux articuler ces deux textes fondamentaux pour les finances publiques. Nous avons tous la volonté de débattre le plus clairement possible de ces deux textes importants et effectivement articulés entre eux.

M. Barrot nous a reproché d'avoir créé un fonds particulier, un établissement public, pour réunir les sommes visant à alléger les cotisations sociales des entreprises.

C'est là un acte de transparence et je lui répondrai courtoisement que le fonds de solidarité vieillesse qui a été créé en 1994 relève de la même logique. Heureusement, il a fort bien résisté au gouvernement qui a succédé à celui de M. Balladur.

M. Bapt a évoqué, dans le cadre du budget de l'emploi, la question du crédit d'impôt-emploi, sur lequel la mission d'évaluation et de contrôle s'est penchée. J'ai déjà indiqué que le Gouvernement serait sensible au raisonnement que la mission d'évaluation et de contrôle a eu sur ce point, raisonnement qui a été repris par la commission des finances.

M. Baroin a évoqué le poids écrasant de la dette publique en 1999. Je ne peux pas m'empêcher de citer certains chiffres pour relativiser son diagnostic. Entre 1994 et 1997...

M. Gilbert Gantier.

Pourquoi pas entre 1981 et 1985 ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'ai pris 1994 à dessein,...

M. Philippe Auberger.

Au hasard !

M. Michel Bouvard.

Vous avez la mémoire sélective !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et pas du tout au hasard, afin que vous ne me disiez pas que 1993 était une année dont la responsabilité était partagée.

De 1994 à 1997, la dette publique est passée de 3 640 milliards de francs à 4 935 milliards de francs, soit environ 1 300 milliards de francs de plus.

Prenons maintenant une nouvelle période de trois ans, la période 1997-2000. La dette publique passe de 4 935 milliards à 5 492 milliards, soit une progression de 557 milliards de francs, c'est-à-dire les deux cinquièmes de la progression de 1994 à 1997. Comme Dominique Strauss-Kahn l'a rappelé, le Gouvernement avait pris en 1997 l'engagement de stabiliser la dette publique en pourcentage du produit intérieur brut, et vous savez que cette promesse sera tenue en 2000.

M. Moutoussamy a évoqué, avec des mots forts, le problème du développement des départements d'outremer. Il a posé des questions essentielles. Je suis sûr que le Premier ministre, qui va se rendre prochainement sur place, saura répondre à son attente.

M. Estrosi a repris l'expression « rendez-vous manqué », que j'ai retrouvée dans plusieurs interventions de l'opposition. Je pense que la majorité s'est trouvée au rendez-vous avec la jeunesse, les familles modestes, les artisans, les petites et moyennes entreprises, les créateurs d'entreprises.

Nous avons été au-devant des attentes du pays et nous continuerons à le faire jusqu'à la fin de cette législature.

M. Douyère a évoqué les impôts directs en remarquant fort justement que, au-delà de l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation et la contribution sociale généralisée étaient des impôts directs qui pesaient très lourdement sur les ménages modestes. Il est clair que, lors des réflexions que nous mènerons au début de l'an prochain, nous devrons inclure l'ensemble des impôts directs dans les travaux préparatoires du budget pour 2001 et 2002.

Il a participé, avec le talent qu'on lui connaît, au débat sur les stock-options et sur la taxe Tobin, débat que nous aurons à nouveau lors de l'examen des amendements correspondants.

M. Guillaume nous a accusés d'avoir de la chance. Je ferai d'abord remarquer qu'avoir de la chance n'est pas infamant et je lui répondrai par une image agricole qu'il appréciera, je pense. Si la récolte est bonne, est-ce grâce à la météorologie ou grâce à l'agriculteur ? La météorologie qui nous vient de l'étranger a un certain rôle...

M. Jean-Jacques Jégou.

Pourquoi de l'étranger ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... mais je crois qu'une part de mérite revient à l'agriculteur et que, en ce qui concerne tant le renouveau de la croissance que la création d'un million d'emplois entre 1997 et 2000, de nombreux « agriculteurs » ont participé à l'amélioration : les consommateurs, les entreprises, mais aussi le Gouvernement, qui, appuyé par sa majorité, n'a pas peu contribué à cette évolution.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est une belle allégorie ! On pourrait envoyer le carton à Aubusson ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Merci, monsieur Brard. Je sais qu'à Montreuil, il y a un mur des pêches...

M. Jean-Pierre Brard.

Plusieurs !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... et que vous vous y connaissez en agriculture.

Mme Bricq a souligné l'importance de la répartition.

J'attire son attention sur la page 185 du rapport économique et financier, qui montre que la part des salaires dans la valeur ajoutée - c'est un indicateur important, qui traduit en quelque sorte le partage entre les salaires et les profits - s'est stabilisée après une chute continue, depuis 1997. Un observateur très attentif pourrait même remarquer une légère progression, qui n'est pas encore très significative, entre 1998 et 2000.

M. Quentin a fait plusieurs comparaisons internationales en défaveur de la France. Je lui signale que je rentre d'une mission officielle au Japon et que les Japonais sont impressionnés par le fait que notre pays aura, au sein des pays du G8, qui se réuniront au Japon l'an prochain, médaille d'or de la croissance si l'on en croit le Fonds monétaire international. On peut certes chercher à l'étranger de quoi dénigrer notre pays, mais on peut aussi y trouver des motifs de fierté.

M. Le Guen a porté un excellent diagnostic sur la bonne santé de notre économie et sur les dérèglements du métabolisme mondial, et il a fait un certain nombre de suggestions qui seront certainement précieuses.

M. Dray a insisté sur le fait que notre volonté d'agir pour que la croissance s'accélère ne doit pas s'accompagner d'un accroissement des inégalités. Dominique Strauss-Kahn a longuement répondu sur ce point, en insistant sur le fait que les études de l'INSEE s'arrêtent à 1996, mais nous pouvons être d'accord avec M. Dray sur le fait que nous devons à la fois renforcer la croissance et éviter le mouvement spontané d'accroissement des inégalités qu'on observe aux Etats-Unis.

Il a également évoqué la taxe Tobin, mais nous reviendrons sur ce point.


page précédente page 07726page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. Besson est intervenu sur le problème des créations d'entreprises, et l'excellent rapport qu'il a rédigé à ce sujet montre qu'il a beaucoup refléchi à cette question. Non seulement le projet de loi de finances qui vous est proposé contient des mesures fiscales en faveur des créateurs d'entreprises, mais le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie veut mettre en place, d'ici à 2003, ce que nous appelons un interlocuteur développement unique, afin qu'un responsable d'entreprise, notamment un créateur d'entreprise, puisse trouver auprès d'un seul fonctionnaire toutes les informations dont il a besoin pour l'éclairer.

M. Besson a fait allusion aux chambres de commerce.

Certaines sont dynamiques, d'autres le sont moins. Les chambres de commerce dynamiques seront associées à ce travail en réseau afin d'appuyer les créateurs d'entreprises, que nous devons à l'évidence encourager, et que nous encourageons plus aujourd'hui qu'on ne l'a fait hier.

Je lui annonce que Marylise Lebranchu et Dominique Strauss-Kahn vont réunir des assises nationales de la création d'entreprises au mois de décembre prochain. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) C'est une information dont je vous donne la primeur.

M. Germain Gengenwin.

Bravo ! Encore faut-il qu'il y ait des créateurs d'entreprises !

M. Michel Bouvard.

Pour une fois, nous n'apprendrons pas cela en lisant la presse, Le Monde , par exemple !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je me réjouis, monsieur Gengenwin, que vous approuviez cette excellente initiative.

M. Rodet a souligné, avec des arguments particulièrement convaincants, à quel point la baisse de la TVA sur les travaux d'entretien du bâtiment améliorerait la qualité de la vie, ainsi que l'activité de centaines de milliers d'entreprises artisanales. C'est une mesure dont il n'est pas besoin de vanter à nouveau les mérites : les Français l'ont compris dès le 15 septembre.

Telles sont les réponses que je voulais apporter aux riches interventions qui ont été faites dans le débat général. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion des articles de la première partie

M. le président.

J'appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000.

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er :

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES I. - Impôts et revenus autorisés A. - Dispositions antérieures

« Art. 1er . - I. - La perception des impôts, produits affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année 2000 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances.

« II. - Sous réserve de dispositions contraires, la loi de finances s'applique :

«

1. L'impôt sur le revenu dû au titre de 1999 et des années suivantes ;

«

2. L'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 1999.

«

3. A compter du 1er janvier 2000 pour les autres dispositions fiscales. »

La parole est à M. Philippe Auberger, inscrit sur l'article.

M. Philippe Auberger.

Au moment où nous entamons la discussion, article par article, de cette loi de finances, il y a un point extrêmement important sur lequel nous devons revenir puisque, jusqu'à présent, aucune explication précise ne nous a été donnée.

On nous dit : « Ce budget est formidable, jamais budget n'a été aussi sincère ni aussi transparent ». Etant donné que c'est le troisième budget présenté par l'actuel gouvernement, je me demande comment étaient les deux précédents...

Cela dit, chacun a pu constater, notamment lorsqu'a été publié l'état des recettes fiscales à la fin du mois d'août 1999, il y a quelques jours, la formidable progression de ces recettes, et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a lui-même parlé de « dérive t endancielle ». Je pense que, au-delà de ces mots magiques et sans doute un peu pédants, nos concitoyens, eux, veulent savoir de combien vont augmenter les recettes fiscales en 1999, et sur quelle base exacte a été préparé le budget de l'an 2000. C'est une exigence démocratique et il faut une réponse précise sur ce point.

Or que constatons-nous ? Que les recettes pour les huit premiers mois de 1999 ont augmenté de 75,2 milliards de francs par rapport à la même période de 1998.

L'augmentation prévue dans le budget de 1999 était de 5,7 % pour les recettes mais, actuellement, l'augmentation réelle est de 8,1 %. Que donnerait cette évolution tendancielle jusqu'à la fin de l'année ? Certainement pas seulement 12 milliards de francs de plus-values fiscales, comme l'indique le Gouvernement dans son projet de loi de finances, mais plutôt entre 30 et 40 milliards de francs. Quelles sont les prévisions exactes de recettes fiscales d'ici à la fin de l'année et quelle est l'augmentation par rapport à la loi de finances initiale de 1999 ? Les Français ont le droit de savoir. Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que le budget de l'an 2000 a été établi sur des bases sincères, mais, la prévision ré visée des recettes pour 1999 n'est pas sincère, je me demande comment le budget de l'an 2000 peut l'être.

Je vous demande donc de nous indiquer très clairement, sur l'honneur (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) , quelles seront les plusvalues de recettes par rapport à la loi de finances initiale pour 1999. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Auberger m'interroge, sur un ton bien solennel, à propos des plusvalues fiscales de l'année 1999. Nous aurons l'occasion de débattre à nouveau de cette question lors de l'examen du collectif, à la fin de l'année. Nous aurons alors des infor-


page précédente page 07727page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

mations encore plus précises que celles dont nous disposons aujourd'hui. Pour l'instant, vous le savez, nous attendons une plus-value de recettes de 12 milliards de francs, dont la moitié sera consacrée à la mise en oeuvre, dès le 15 septembe 1999, des mesures d'allégement fiscal, d'une part sur la TVA relative aux travaux d'entretien du logerment, et d'autre part, sur les droits de mutation.

Nous parlerons de l'affectation des 6 milliards de francs restants lors de l'examen du collectif budgétaire.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Je ne peux laisser passer l'intervention de Philippe Auberger, tout simplement parce qu'il a été mon prédécesseur...

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'est effectivement pas une raison pour dire n'importe quoi !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... au poste de rapporteur général de la commission des finances. Il sait donc parfaitement comment le rapporteur général et la commission des finances travaillent, en fonction des documents qui leur sont remis par le Gouvernement.

Je répète que tout le travail réalisé dans le cadre du rapport général témoigne de la sincérité des comptes présentés par le Gouvernement, d'une plus grande transparence encore que par le passé et d'une plus grande sincérité encore, car la quête de la transparence et de la sincérité est permanente pour l'Assemblée nationale. Des rebudgétisations ont été effectuées et des clarifications ont été apportées, même si elles peuvent paraître insuffisantes.

Hier, à l'occasion des travaux de la MEC, nous avons parlé du FITTVN, et nous reviendrons peut-être sur ce sujet, en faisant d'ailleurs des propositions. La progression est donc permanente, et je répète que ceux qui se donnent la peine de bien regarder les chiffres et de les chercher là où ils sont n'ont aucune difficulté pour s'y retrouver.

M. le président.

MM. Méhaignerie, Jégou, de Courson, Mme Idrac, MM. Hériaud, Loos et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 263, ainsi rédigé :

« Compléter le I de l'article 1er par l'alinéa suivant :

« La perception de la taxe sur les activités polluantes affectée à l'Etat continue d'être effectuée pendant l'année 2000, conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances. »

La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie.

Monsieur le rapporteur, cette année, lorsque les Français ont reçu leur avis d'imposition, ils ont eu des surprises qui n'étaient pas du tout prévues.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Elles étaient dans mon rapport !

M. Pierre Méhaignerie.

Ils auront, et les parlementaires aussi, les mêmes surprises l'année prochaine.

J'estime que le contrôle parlementaire est devenu de plus en plus difficile car nous ne parlons pas du même budget. Tout au cours de la discussion en commission des finances, nous avons assisté en permanence à des renvois de balles entre le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Le leitmotiv de l'opposition dans le présent débat budgétaire a consisté à regretter que le Gouvernement ne se donnait pas les moyens d'une croissance saine et durable, du fait tant du poids du déficit en phase haute de cycle, que du niveau élevé des dépenses publiques, dans la perspective d'un budget consolidé.

Ainsi que le dénonçait hier M. Jégou, nous assistons à des tours de passe-passe et nous nous heurtons à une incompréhension permanente, les uns affirmant que le budget augmente de 0,9 % et les autres de 3,5 %. C'est la raison pour laquelle nous proposons de continuer d'affecter les ressources de la taxe générale sur les activités polluantes au budget général de l'Etat.

Cette année, nous sommes confrontés à un véritable démantèlement du budget de l'Etat et l'on refuse de nous dire clairement quelle est l'évolution des dépenses.

Quand on constate que l'évolution des dépenses de personnels de l'Etat augmente de plus de 3 %, on peut se demander comment on peut arriver à ce 0,9 % que j'évoquais à l'instant. La raison en est simple : des transferts de budget à budget ont été opérés.

Nous défendons cet amendement, qui doit permettre un meilleur contrôle des finances publiques et éviter le démantèlement du budget de l'Etat.

M. Germain Gengenwin et M. Jean-Jacques Jégou.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

M. Pierre Méhaignerie a fait preuve d'une lucidité éclatante en reconnaissant qu'il n'arrêterait pas de se répéter. C'est en effet ce que nous constatons depuis hier.

M. Jean-Jacques Jégou.

C'est aussi votre cas !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je lui rappellerai ce que nous lui avions dit l'année dernière : répéter plusieurs fois une erreur n'en fait pas une vérité. (Sourires.)

La commission des finances ne partage pas le sentiment de Pierre Méhaignerie. Adopter son amendement, reviendrait à remettre en cause le dispositif qui est proposé par le Gouvernement et qui a fait l'objet de l'accord de la commission. Je propose donc à notre assemblée de le rejeter.

Puisque j'ai la parole, monsieur le président, j'en profiterai pour demander, au nom de la commission des finances, une brève suspension de séance puisque la conférence des présidents doit se réunir à dix heures et que son ordre du jour concerne la suite de nos travaux.

M. le président.

Monsieur le rapporteur général, je suspendrai la séance après le vote sur l'article 1er

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 263 ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Méhaignerie, comme vient de le dire le rapporteur général, répétition n'est pas raison. Nous pourrons avoir le débat que nous avons engagé depuis deux jours autant de fois que vous le voudrez, le budget, à structure constante, marque une progression des dépenses de 0,9 %, et ce n'est qu'en faisant des doubles comptes et des opérations que vous avez vous-même qualifiées de tours de passepasse que l'on peut arriver à un chiffre différent.

J'en viens au fond de l'amendement.

Il n'y a pas « renvois de balle », pour reprendre votre expression, entre les membres du Gouvernement : il y a envois de recettes.


page précédente page 07728page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Nous avons décidé de créer un fonds pour financer la réforme des cotisations sociales de la sécurité sociale -, objectif que vous partagez, me semble-t-il -, en y transférant un certain nombre de recettes fiscales permanentes, telles que les droits sur le tabac pour près de 40 milliards de francs, et la fameuse taxe générale sur les activités polluantes, qui est l'objet de votre amendement.

Pourquoi avons-nous procédé ainsi ? Pour apporter des recettes pérennes à une action que nous considérons, comme vous peut-être, comme importante.

En créant un fonds, nous avons voulu que les choses soient transparentes et lisibles.

J'ajoute qu'en l'occurrence nous faisons preuvre de très peu d'imagination puisque nous reproduisons un dispositif que votre majorité avait mis en place en 1993 avec le fonds de solidarité vieillesse, sur lequel je n'ai personnellement rien à redire. Vous n'ignorez pas que ce fonds finance un certain nombre d'avantages non contributifs à partir de recettes fiscales, venant notamment de la contribution sociale généralisée et de la fiscalité sur les alcools.

Il y a donc un parallélisme absolu des deux institut ions. Je ne comprends donc pas pourquoi, ayant approuvé la création du fonds de solidarité vieillesse, vous reprochez aujourd'hui au Gouvernement une action dont vous approuvez l'objectif, à savoir l'allégement des cotisations sociales concernant les travailleurs peu ou moyennement qualifiés.

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez, pour répondre au Gouvernement.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le sécrétaire d'Etat, Pierre Méhaignerie a d'autant plus raison de plaider pour le rattachement de la TGAP au budget de l'Etat que, constitutionnellement, cette taxe devrait continuer de figurer dans votre budget.

Il n'y a pas d'article d'affectation de la TGAP au budget de la sécurité sociale...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Si ! Il y en a un !

M. Gilles Carrez.

Il n'y en a pas !

Mme Nicole Bricq.

Nous l'avons voté en commission, mais vous n'étiez pas présent !

M. Gilles Carrez.

Ainsi que je l'ai relevé en soutenant l'exception d'irrecevabilité, tant que nous n'aurons pas d'article d'affectation, nous n'aurons pas de support juridique au sens de l'ordonnance du 2 janvier 1959 pour affecter cet impôt dont je rappelle qu'il n'est pas nouveau. Le ministre l'a d'ailleurs admis. S'il s'était agi d'un impôt nouveau, on aurait très bien pu le greffer directement sur la loi de financement de la sécurité sociale.

Faute d'article d'affectation, la TGAP reste affectée au budget de l'Etat. Cet article a peut-être été ajouté au dernier moment en commission des finances, alors que je n'étais pas présent je siégeais dans l'hémicycle. Vous auriez alors suivi ma suggestion.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour répondre à la commission.

M. Gilbert Gantier.

Le rapporteur général et le secrétaire d'Etat sont peut-être des sophistes de talent, mais ils sont des sophistes quand même.

Une des conquêtes de la démocratie est le contrôle du budget de l'Etat. Quand la sécurité sociale a été créée, on lui a affecté des recettes : les cotisations des patrons et des salariés. Le système était cohérent. Mais maintenant, on détourne des recettes de l'Etat vers la sécurité sociale, alors que nous avons tous appris, quand nous étions sur les bancs de l'école maternelle, qu'un Etat démocratique est un Etat dont le budget est clair et unique : celui-ci prévoit toutes les dépenses de l'Etat et il n'y a pas de détournement des recettes de l'Etat vers d'autres budgets.

Or, avec la création de fonds divers, et alors même qu'il y a eu des précédents regrettables, vous accentuez le détournement.

M. Méhaignerie a eu quant à lui parfaitement raison de parler de « démantèlement », car c'est bien d'un démantèlement du budget de l'Etat qu'il s'agit. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.).

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il semble avoir échappé à M. Carrez que le Gouvernement a déposé un amendement pour rassurer totalement la commission des finances et notre assemblée.

M. Michel Bouvard.

Pour éviter la censure !

M. Gilles Carrez.

C'est moi qui l'avais proposé, monsieur le rapporteur général ! Je me félicite d'avoir été suivi !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Monsieur Carrez, vous savez bien que vous avez repris une observation que le président de la commission des finances et moi-même avions faite lors de la première audition du ministre de l'économie...

M. Gilles Carrez.

Dans mon sillage !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Non ! Vous avez suivi le nôtre et fait écho aux préoccupations que nous exprimions. Et à ces préoccupations, le Gouvernement a apporté une réponse. Cette réponse est définitive et le débat doit en conséquence être clos.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je ferai trois brefs rappels.

D'abord, le budget de l'Etat n'a pas vocation à retracer les recettes et les dépenses de la sécurité sociale.

M. Gilbert Gantier.

Certes !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Gantier, que le Parlement examine le budget de la sécurité sociale est un progrès pour la démocratie, et vous ne devriez pas le regretter.

M. Michel Bouvard.

On n'a pas toujours entendu ce discours !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Ensuite, nous avons décidé d'affecter la taxe générale sur les activités polluantes à la sécurité sociale.

Enfin, je ferai observer à M. Carrez qu'il n'y a pas un article d'affectation, mais deux : l'un figure dans le projet de loi sur le financement de la sécurité sociale et l'autre figurera, à la demande de la commission des finances, dans le projet de loi de finances en discussion.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 263.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er

(L'article 1er est adopté.)

M. le président.

A la demande de la commission des finances, je vais suspendre la séance durant la réunion de la conférence des présidents.


page précédente page 07729page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures, est reprise à dix heures vingt-cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour un rappel au règlement.

M. Gilbert Gantier.

M. le rapporteur général nous a dit tout à l'heure qu'il devait assister à la conférence des présidents pour savoir comment nous allions organiser la suite de nos travaux. Pourrait-on savoir quelle décision a été prise ? Nous sommes jeudi, il est dix heures et demie, et nous n'avons examiné qu'un article et un seul amendement. Je crois savoir qu'il en reste 480 ou 500. Nous avons besoin d'être éclairés pour nous organiser.

M. le président.

Monsieur Gantier, je vais vous répondre, car j'ai assisté à la conférence des présidents.

Elle vient effectivement de décider que nos travaux reprendraient lundi à seize heures.

M. Christian Cuvilliez.

Le cas échéant !

M. Gilbert Gantier.

Monsieur le président, je voudrais émettre une protestation.

M. le président.

Brièvement, monsieur Gantier !

M. Gilbert Gantier.

Je serai très bref. Ce n'est pas la première discussion budgétaire à laquelle je participe, mais je constate chaque année une détérioration de nos conditions de travail depuis que ce Gouvernement est au pouvoir. Pendant vingt-quatre ans, nous avons toujours terminé l'examen de la première partie du projet de budget peut-être pas le vendredi soir - il fallait certes prolonger un peu dans la nuit -, mais en tout cas le samedi au petit jour entre deux et sept heures du matin. L'année dernière, nous avons déjà dû siéger toute la journée du samedi et, cette fois, des séances sont prévues lundi. Les parlementaires ont beaucoup de mal à organiser leur travail, à remplir leurs obligations dans leur circonscription...

M. Michel Bouvard.

Tout à fait ! Surtout lorsqu'ils sont provinciaux !

M. Gilbert Gantier.

... lorsque de telles perturbations affectent l'examen d'un texte aussi important que le projet de loi de finances. C'est tout à fait inadmissible et j'émets une protestation.

M. le président.

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Gantier. Je transmettrai vos observations à M. le président de l'Assemblée nationale, ainsi qu'à M. le ministre des relations avec le Parlement.

Article 2

M. le président.

Je donne lecture de l'article 2 : B. Mesures fiscales

« Art. 2. I. Les dispositions du I de l'article 197 du code général des impôts sont ainsi modifiées :

« 1o Le 1 est ainsi rédigé :

«

1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 230 F le taux de :

« 10,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 F et inférieure ou égale à 51 600 F ;

« 24 % pour la fraction supérieure à 51 600 F et inférieure ou égale à 90 820 F ;

« 33 % pour la fraction supérieure à 90 820 F et inférieure ou égale à 147 050 F ;

« 43 % pour la fraction supérieure à 147 050 F et inférieure ou égale à 239 270 F ;

« 48 % pour la fraction supérieure à 239 270 F et inférieure ou égale à 295 070 F ;

« 54 % pour la fraction supérieure à 295 070 F ; ».

« 2o Au 2, les sommes de "11 000 F" et "20 270 F"s ont remplacées respectivement par les sommes de "11 060 F" et "20 370 F" ;

« 3o Au 4, la somme de "3 330 F" est remplacée par la somme de "3 350 F".

« II. Le montant de l'abattement prévu au deuxième alinéa de l'article 196 B du même code est fixé à 20 480 F. »

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, inscrit sur l'article.

M. Jean-Pierre Brard.

Notre collègue Gilbert Gantier trouve que les Français ne travaillent pas assez quand on discute des 35 heures, mais il pense que les députés travaillent trop. Il y a là un petit problème de cohérence.

L'article 2 de la loi de finances, qui n'a pas le mérite de la nouveauté puisqu'il nous revient tous les ans, est celui qui exprime au mieux le principe posé en 1789 par la Déclaration des droits de l'homme, à savoir que chacun doit contribuer en raison de ses facultés. Or, dans notre législation fiscale, seul l'impôt sur le revenu est progressif, et non pas proportionnel comme avait voulu l'imposer, avec de premières mesures, le gouvernement précédent. Pour le reste - TVA, taxe d'habitation, taxe sur le foncier bâti - notre fiscalité est horriblement injuste, car elle pèse essentiellement sur les plus modestes, alors qu'il y a de multiples avantages discrets, que l'opinion publique ne connaît pas, pour les revenus non salariaux, comme vient d'en témoigner l'affaire Jaffré, après l'affaire Lagardère et bien d'autres dans le passé.

Il est donc clair, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut engager une réforme de fond pour une fiscalité plus juste, plus équitable, plus transparente, plus lisible pour les citoyens, et pour une fiscalité pérenne. A cet égard, je ferai trois observations, auxquelles je ne doute pas que vous répondrez.

Certes, vous avez été très élogieux tout à l'heure, mais à mon avis trop général. J'aurais souhaité des réponses plus concrètes à nos questions, en particulier sur le foncier bâti, sujet à propos duquel vous avez été plus qu'elliptique puisque vous ne l'avez même pas évoqué. Vous connaissez les préoccupations du groupe des députés communistes et apparentés en ce qui concerne le foncier bâti. Ils considèrent que c'est le modèle même de l'impôt injuste qui pèse également sur tous, que vous soyez pauvre ou riche, et qui pèse même davantage sur les plus pauvres, puisque ce sont les collectivités les moins fortunées...

M. Michel Bouvard.

Ce n'est pas le cas de Montreuil !

M. Jean-Pierre Brard.

... qui, pour mener à bien leur politique de justice sociale, doivent faire contribuer le plus les citoyens.


page précédente page 07730page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Nos deux amendements sur le foncier bâti ayant été

« retoqués », j'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelle est la position du Gouvernement à cet égard et comment il envisage l'évolution de nos débats jusqu'au vote sur la première partie du budget.

Deuxièmement, où en est la réflexion sur l'impôt négatif ? Vous vous êtes contenté de répondre en substance que le sujet était intéressant. Pour ma part, j'avais proposé que le Gouvernement et la commission des finances mettent à profit l'année qui est devant nous pour travailler ensemble, dans l'esprit qui préside aux travaux la MEC, par exemple, c'est-à-dire en coopération, quoi qu'en disent nos collègues de l'opposition. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, définir plus précisément la méthode de travail que vous entendez suivre pour répondre à nos préoccupations, tant il est vrai que cet impôt négatif à la française contribuerait, en attendant une refonte de la fiscalité, à une redistribution allant vers plus de justice fiscale ?

M. Michel Inchauspé.

Bonne idée !

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Monsieur Brard, vous me demandez de répondre de façon plus précise sur deux sujets : le foncier bâti et l'impôt négatif.

Sur le premier point, le Gouvernement a montré à propos de la taxe d'habitation à quel point il était soucieux que les foyers modestes ne soient pas soumis à une fiscalité locale excessive. Evidemment, les deux impôts sont de nature très différente puisque la taxe d'habitation est payée par les locataires et le foncier bâti par les propriétaires.

M. Michel Bouvard.

Il y a aussi de petits propriétaires !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mais vous avez déposé des amendements sur le foncier bâti et nous aurons l'occasion d'en débattre le moment venu.

S'agissant de l'impôt négatif, vous posez un véritable problème. Des travaux scientifiques l'ont montré : la progression de la fiscalité, en particulier l'assujettissement à la taxe d'habitation, et la perte de diverses prestations sociales qui accompagnent l'augmentation nominale de revenus liée, par exemple, au passage du RMI à un revenu d'activité, rendent difficile, pour certains de nos concitoyens, ce passage de la solidarité à l'activité. C'est pour cette raison que le Premier ministre a suggéré que l'exonération de la taxe d'habitation dont bénéficient les titulaires du RMI soit maintenue après le retour à l'emploi. Mais le problème est plus général. L'impôt négatif serait une manière simple et peut-être fructueuse de le résoudre.

C omment allons-nous procéder ? L'an passé, en matière de fiscalité locale et de fiscalité du patrimoine, nous avons déjà travaillé ensemble. Je pense que nous trouverons avec la commission des finances le moyen de réfléchir conjointement à la mise au point d'un dispositif qui permette que le passage de la solidarité à l'activité s'effectue le mieux possible en remédiant aux éléments de découragement qui existent actuellement dans notre système fiscal et notre système social.

Le Gouvernement, monsieur Brard, est donc tout à fait ouvert à une réflexion commune. Depuis juin 1997, il a pour tradition de travailler avec les groupes de la majorité plurielle et tous les parlementaires qui le souhaitent pour chercher et trouver de bonnes solutions conciliant l'efficacité et la solidarité.

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 151, 264 et 101, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 151, présenté par MM. d'Aubert, Delattre, Dominati, Gantier, Laffineur et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi le 1o du I de l'article 2 :

« 1o Le 1 est ainsi rédigé :

«

1. L'impôt sur le revenu est calculé en appliquant à la fraction de chaque revenu qui excède 35 000 F, les taux de :

« 15 % pour la fraction supérieure à 35 000 F et inférieure à 100 000 F ;

« 30 % pour la fraction supérieure à 100 000 F et inférieure à 250 000 F ;

« 35 % pour la fraction supérieure à 200 000 F et inférieure à 290 000 F ;

« 40 % pour la fraction supérieure à 290 000 F ».

« II. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création de t axes additionnelles sur les droits prévus aux articles 403 et 403 A, le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et le relèvement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers prévue au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes. »

L'amendement no 264, présenté par MM. de Courson, Méhaignerie, Jégou, Hériaud, Mme Idrac, MM. Loos, Ligot et les membres du groupe de l'Union Démocratie française-Alliance, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi les sept derniers alinéas du 1o du I de l'article 2 :

«

1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 25 610 F les taux de :

« 7 % pour la fraction supérieure à 40 190 F et inférieure ou égale à 50 380 F ;

« 20 % pour la fraction supérieure à 50 380 F et inférieure ou égale à 88 670 F ;

« 28 % pour la fraction supérieure à 88 670 F et inférieure ou égale à 101 000 F ;

« 35 % pour la fraction supérieure à 101 000 F et inférieure ou égale à 143 580 F ;

« 41 % pour la fraction supérieure à 143 580 F et inférieure ou égale à 233 620 F ;

« 47 % pour la fraction supérieure à 233 620 F.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et aux articles 265 et suivants du code des douanes. »

L'amendement no 101, présenté par M. Auberger et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République, est ainsi libellé :

« I. Rédiger ainsi le 1 du I de l'article 2 :

«

1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 26 230 F le taux de :

« 9,5 % pour la fraction supérieure à 26 230 F et inférieure ou égale à 51 600 F ;

« 23 % pour la fraction supérieure à 51 600 F et inférieure ou égale à 90 820 F ;


page précédente page 07731page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

« 32 % pour la fraction supérieure à 90 820 F et inférieure ou égale à 147 050 F ;

« 41 % pour la fraction supérieure à 147 050 F et inférieure ou égale à 239 270 F ;

« 46 % pour la fraction supérieure à 239 270 F et inférieure ou égale à 295 070 F ;

« 52 % pour la fraction supérieure à 295 070 F.

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte des recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. François d'Aubert pour soutenir l'amendement no 151.

M. François d'Aubert.

Cet amendement propose une refonte de l'impôt sur le revenu. Cette refonte engagée par le précédent Gouvernement, mais que vous avez, hélas ! abandonnée, avait à la fois pour objet de simplifier le barème en réduisant le nombre de tranches et de diminuer l'imposition aux deux extrémités du barème. Nous en reprenons le principe dans notre amendement.

Le relèvement de la tranche la plus basse a pour objet de remédier à la fameuse « trappe à pauvreté » dont sont victimes tout particulièrement les personnes qui se voient assujetties à l'impôt sur le revenu quand elles passent d'un revenu de solidarité, tel que le RMI, à un revenu d'activité.

En ce qui concerne la tranche supérieure, nous proposons de ramener le taux marginal de 54 % à 40 %. Ce taux est en effet l'un des plus élevés d'Europe. De plus, il présente l'inconvénient de décourager bon nombre de personnes, qui préfèrent aller exercer leur activité à l'étranger, en Angleterre notamment, voire aux EtatsUnis. Si ces personnes ne présentaient pas un grand intérêt pour l'économie, nous pourrions en faire notre deuil, mais ce sont généralement des entrepreneurs ou des cadres de haut niveau.

M. le ministre de l'économie nous vante en toute occasion, et à juste titre, les mérites des entreprises innovantes de haute technologie, notamment celles créées à partir d'Internet. Mais les créateurs d'entreprise font des comparaisons de charges, en particulier fiscales, et ils sont souvent tentés d'aller faire fortune ailleurs. D'autant qu'une autre disposition du projet de loi de finances prévoit de taxer encore davantage les stock-options, ce qui n'est évidemment pas un très bon signal pour tous ceux qui pourraient en profiter.

Notre amendement vise à réduire l'impôt sur le revenu. C'est une nécessité, car il a rapporté en 1999 presque 20 milliards de francs de plus qu'en 1998. Ce surplus considérable de recettes vous a d'ailleurs obligé à réviser à la hausse vos évaluations pour 1999. Mine de rien, les réformes de l'impôt sur le revenu mises en oeuvre depuis trois ans ont eu des effets négatifs pour les épargnants et surtout pour les familles. Et l'on s'aperçoit curieusement que les évaluations initiales, effectuées au moment de la présentation de la mesure, par exemple lors de l'abaissement du plafond du quotient familial, ont toujours été sous-estimées. Est-ce la DGI qui se trompe ? Est-ce vous qui minorez encore ses estimations ? Je n'en sais rien. Toujours est-il que l'on a constamment sousévalué ce que ces réformes allaient rapporter au budget de l'Etat. Et cette année encore, pour le budget de l'an 2000, le coût du plafonnement du quotient familial pour les familles, déjà estimé à 4 milliards de francs, sera probablement plus élevé.

Vous n'avez pas mesuré non plus - est-ce de bonne foi ? est-ce seulement de la myopie politique ou intellectuelle ? - les répercussions sur la taxe d'habitation de ces mesures modifiant l'impôt sur le revenu, en particulier la diminution des avantages octroyés aux contribuables ayant des personnes à charge, notamment des personnes âgées. L'autre jour est sorti un communiqué du ministère des finances indiquant qu'il n'y avait pas de lien entre les modifications à la hausse de l'impôt sur le revenu : changement du système des parts et extension du revenu de référence, et la cotisation payée par le contribuable local.

Eh bien, je peux vous dire, monsieur le sécrétaire d'Etat, que c'est faux. Prenez la peine d'examiner la feuille d'impôt d'un contribuable local ou plutôt la vôtre puisque vous n'êtes pas maire et vous constaterez qu'il y a un lien très étroit entre le régime de l'impôt sur le revenu nombre de parts, revenu de référence, imposition minimum, plafonnements, abattements - et celui de la fiscalité locale. L'aggravation de ce régime se traduit par des cotisations supplémentaires pour le contribuable local, même dans les mairies - c'est le cas de Laval et de beaucoup d'autres - où le taux de la taxe d'habitation a été diminué de 1 % pour compenser l'augmentation des valeurs locatives de 1 % décidée par le Parlement. Donc la cotisation de 1999 aurait dû être strictement égale à celle de 1998, mais cela n'a pas été le cas.

M. François Goulard et M. Gilbert Gantier.

Très bien !

M. le président.

Je rappelle aux intervenants qu'ils ne disposent que de cinq minutes pour présenter les amendements.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 264.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je vais essayer d'être bref, monsieur le président.

L'amendement du groupe UDF concernant le barème de l'IRPP reprend tout simplement la réforme prévue par le précédent gouvernement dans la loi de finances pour 1997. Moins d'un Français sur deux, je le rappelle, paie l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, il faut considérer que c'est un impôt directement prélevé sur le travail et je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous êtes sensible à cet aspect des choses.

La majorité plurielle est elle-même en pleine réflexion puisqu'elle nous annonce une réforme pour 2001. Mais vous auriez pu dès cette année, d'autant que vous avez omis de mentionner un certain nombre de recettes, faire un geste pour les Français qui paient des impôts sur leur travail. Nous pensons, au groupe UDF, que les recettes abondantes du budget 2000 permettraient de revenir à une réforme qui était progressive et n'avait rien d'exagéré, surtout pour les tranches des catégories moyennes.

M. le président.

Souhaitez-vous soutenir l'amendement no 101, monsieur Auberger ?

M. Philippe Auberger.

Et même avec vigueur, monsieur le président, ne serait-ce qu'en raison de l'heure encore matinale. (Exclamations sur de nombreux bancs.)

M. Jean Vila.

Il n'a pas l'habitude de se lever tôt, celui-là !

M. Michel Bouvard.

On voit bien qu'il n'est pas berger dans les alpages ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Votre intervention, monsieur le secrétaire d'Etat, ne m'a pas apporté d'informations nouvelles en ce qui concerne le produit de l'impôt sur le revenu. D'après mes sources, les revenus progressent


page précédente page 07732page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

globalement de 4 % par an - on le constate notamment dans la loi de financement de la sécurité sociale - tandis que le produit de l'impôt sur le revenu augmente de 7 % à 8 %. C'est pourquoi le ministre des finances parle d'une progression tendancielle. C'est pourquoi aussi, quand on calcule la dérivée des deux courbes, on constate qu'elles divergent de plus en plus.

En trois ans - 1998, 1999 et prévision 2000 - le produit de l'impôt sur le revenu aura augmenté de 40 milliards de francs. Manifestement, les revenus n'ont pas progressé à due proportion, d'où le malaise de nos concitoyens. Au moment où on leur annonce des baisses d'impôt, ils reçoivent leur feuille d'impôt sur le revenu - du moins les 15 millions de contribuables qui l'acquittent et ils s'aperçoivent que leur cotisation progresse nettement plus vite que leurs revenus. Cette divergence va d'ailleurs, s'accentuer avec les 35 heures, puisque les accords signés jusqu'à présent prévoient une stabilisation des salaires. Dans ces conditions, l'impôt sur le revenu pèsera de plus en plus lourdement sur des revenus de moins en moins progressifs. C'est un problème sérieux que l'on ne saurait différer indéfiniment et qu'il faut traiter dès cette année.

Nous proposons deux mesures.

La première est une diminution proportionnelle du taux d'imposition pour chaque tranche. C'est la méthode la plus juste. Hier, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a estimé que la réforme de 1997 n'était pas juste. Certes, elle ne concernait que les 15 millions de redevables de l'impôt sur le revenu, mais l'allègement de la TVA sur les travaux à domicile que vous nous proposez en concerne au mieux 10 millions. Qu'est-ce qui est plus juste ? Une réforme à 10 millions de contribuables ou une réforme à 15 millions de contribuables ? J'ai la faiblesse de penser que c'est la seconde, quoi que vous en disiez.

En outre, et c'est l'objet de la deuxième mesure que je propose, la réforme de 1997 présentait l'avantage d'intégrer progressivement la décote au barème, donc d'aligner la situation des personnes mariées ou des couples qui font une seule déclaration d'impôt sur celles des couples qui en font deux. C'est une mesure de justice familiale absolument indispensable. Le régime actuel de l'impôt sur le revenu ne respecte pas cet impératif et doit être corrigé en ce sens.

Il s'agit donc, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'un amendement essentiel.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements en discussion commune ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission les a rejetés pour plusieurs raisons.

Sur le plan de la méthode, d'abord, ils relèvent, ne serait-ce qu'en raison de leur coût, d'un débat qui vient à peine d'être lancé et qui aura lieu l'an prochain dans le cadre d'une réflexion de fond consacrée non seulement à l'impôt sur le revenu, mais à l'ensemble des prélèvements directs. Il va de soi, monsieur Brard, que la commission des finances devra y être associée.

Nous nous sommes déjà longuement exprimés sur les réformes de l'impôt sur le revenu envisagées dans le passé, mais la répétition est inhérente à l'art de la pédagogie.

Celle que vous proposiez, mes chers collègues, privilégiait plutôt les hauts revenus et n'était pas financée...

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas vrai !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... d'où les problèmes que vous avez connus en 1997.

Sur le fond, nous considérons que ces amendements privilégient de façon trop importante une réduction générale du barème alors que la réforme de l'impôt sur le revenu peut faire l'objet d'autres modalités.

Par ailleurs, s'agissant de l'amendement no 151 du groupe Démocratie libérale et Indépendants, j'observe qu'il représenterait un coût de 93 milliards. Chacun conviendra donc que son adoption, même dans le cadre d'une conjoncture favorable, s'avérerait périlleuse pour l'équilibre des finances publiques. De plus, l'abaissement du taux marginal maximum à 40 % relève d'une philosophie très spécifique et d'une préoccupation très particulière que nous ne partageons pas avec la même acuité.

Donc rejet des trois amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je voudrais d'abord répondre à M. d'Aubert que je ne vois pas le lien entre la trappe de pauvreté, qu'il a évoquée, et son souhait de ramener la tranche supérieure du barème de 54 % à 40 %. Un député du groupe socialiste.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je voudrais ensuite rappeler, après le rapporteur général, que le Gouvernement arrivé à l'été 1997 a honoré la parole de l'Etat en finançant - cela a coûté 25 milliards de francs - l'étape de diminution de l'impôt sur le revenu qui avait été décidée et votée par le gouvernement et l'Assemblée précédents.

Trois raisons expliquent que les contribuables aient pu constater une hausse de leur impôt à l'échéance du 15 septembre. La première - et c'est très bien - c'est que les ménages français ont eu, grâce à la croissance et au redémarrage de l'emploi, plus de revenus en 1998 qu'antérieurement.

La deuxième tient au quotient familial, que vous avez évoqué. S'il a été rétabli pour un coût de 4 milliards de francs, c'était afin de redonner des prestations familiales aux ménages disposant de plus de 25 000 francs de revenu mensuel imposable. Pour ces ménages, relativement aisés et parfaitement respectables, les prestations familiales sont « tombées », si je puis dire, chaque mois depuis le début de l'année et, effectivement, le montant de leur feuille d'impôt a progressé. Mais disons que, pour la majeure partie de ces familles, cette progression a été pour partie compensée.

Troisième raison, enfin, nous avons, dans un souci de, simplification, incorporé sur la feuille d'impôt sur le revenu le droit de bail qui est supporté par les ménages, ce qui représente environ 6 milliards de francs. Si l'impôt sur le revenu a progressé de 7 % en 1999, parallèlement à une progression des revenus de l'ordre de 4 %, l'écart n'est donc pas imputable à une majoration du barème.

L'échéance du 15 septembre a simplement été alourdie par le paiement du droit au bail qui ne sera pas payé deux fois.

J'ajouterai, puisque M. Jégou a évoqué ce point, qu'en matière de justice fiscale, nous avons fait un choix différent du vôtre. Vous proposez, quant à vous, une réduction du barème qui n'est pas égale et qui concerne plus particulièrement les ménages les plus aisés. Je donnerai simplement deux chiffres pour expliquer pourquoi nous avons procédé autrement : les familles dont le revenu est supérieur à 500 000 francs par an représentent 1,5 % de la population des contribuables. Or, dans les amendements défendus par M. Auberger et par M. Jégou, et a fortiori dans celui proposé par M. d'Aubert, ils auraient bénéficié de 19 % de l'avantage fiscal.


page précédente page 07733page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Nous avons donc fait en sorte que les allégements d'impôts bénéficient non pas aux 10 % de ménages disposant des revenus les plus élevés, qui ont effectivement payé 4 milliards de francs de plus, mais aux autres, c'està-dire l'immense majorité de la population. Par le biais de l'abaissement de la TVA, du droit de bail et d'autres mesures, 90 % des ménages verront donc leurs impôts allégés de 28 milliards de francs.

Pour toutes ces raisons, je demande le rejet des trois amendements.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, contre les amendements.

M. Jean-Pierre Brard.

Sous un habillage discret, les propositions de nos collègues ne manquent pas d'audace.

Ainsi, M. Auberger nous a proposé une baisse proportionnelle. Le mot « proportionnel » est sympathique à l'oreille mais il faut toujours garder à l'esprit qu'il s'oppose à « progressif ». Et tout ce qui est proportionnel revient à faire moins payer les plus riches, au détriment des plus pauvres. M. d'Aubert, quant à lui, n'y va pas avec le dos de la louche puisque, pour les plus riches, il propose carrément de réduire l'impôt d'un quart. On fera payer ce cadeau offert aux plus riches par ceux qui n'ont rien ! Mais la madrerie de Philippe Auberger, qui résulte certainement de son implantation dans le terroir bourguignon (Sourires) , est beaucoup plus subtile. Il nous parle, par exemple, de justice familiale. Mais tout cela n'est que rhétorique. Je vais préciser les conséquences qu'aurait l'adoption de l'amendement de M. Auberger, q ui est plus délicatement construit que celui de M. d'Aubert.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il est plus fin !

M. Jean-Pierre Brard.

Si nous le suivions, la réduction serait de 262 francs pour la fraction supérieure à 26 230 francs et de 5 940 francs pour la fraction supérieure à 295 070 francs. Eh oui, mes chers collègues, Philippe Auberger aime trente fois mieux les plus riches que les plus pauvres !

M. le président.

La parole est à M. François d'Aubert, pour répondre au Gouvernement.

M. François d'Aubert.

Très franchement, nous pouvons faire un constat évident : le rendement de l'impôt sur le revenu s'accroît, droit au bail ou pas. Certes, tel était déjà le cas avant, mais il augmente encore plus vite depuis que vous êtes au pouvoir. Alors, vous nous expliquez qu'il n'augmente que pour les riches. Or ce raisonnement qui ne tient pas. En effet, en voulant ponctionner les riches, vous prenez au passage davantage d'argent à tout le monde. Les pauvres sont tout aussi brimés que les riches.

J'aimerais également revenir sur les propos de M. Brard.

On peut mettre de la progressivité partout. Personnellement, je trouve qu'il y en a déjà beaucoup. Pour l'impôt sur le revenu, c'est une tradition, mais on voit désormais apparaître, dans la majorité plurielle, le désir de manipuler la CSG pour la transformer en impôt progressif. En effet, les abattements proposés à la base de la CSG représentent bien le début d'une construction progressive de la CSG.

De même, on voit bien ce que vous avez en tête avec la taxe d'habitation. Les obsédés de la progressivité que vous êtes reprochent en fait à la taxe d'habitation, qui a certes beaucoup de défauts, de ne pas être progressive.

D'où l'idée de la transformer aussi en impôt progressif.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est bien expliqué !

M. François d'Aubert.

Quatre impôts deviendraient ainsi professifs : l'impôt sur le revenu, la CSG, la CRDS et la taxe d'habitation. Vous savez, à force de tout vouloir rendre progressif, on peut en arriver à des absurdités.

Pourquoi ne pas imaginer, monsieur Brard, que ceux qui roulent en Mercedes - je précise que je n'en ai pas (Sourires) ...

M. Jean-Pierre Brard.

Vous n'avez qu'une Rolls !

M. François d'Aubert.

... devront payer leur essence plus chère que les propriétaires de cylindrée inférieure ?

M. Jean-Pierre Brard.

Cela mérite examen ! (Sourires.)

M. François d'Aubert.

On peut prévoir de la progressivité à tous les niveaux. Le problème c'est que ce n'est pas avec de la progressivité qu'on construit la justice sociale.

En effet, et toutes les études sérieuses sur les revenus le montrent, la justice sociale passe par la redistribution des revenus et des allocations et beaucoup moins par la fiscalité. Croire que la justice fiscale est un outil efficace de rectification des injustices sociales est une illusion.

M. Jérôme Cahuzac.

C'est rassurant de voir que la gauche et la droite ce n'est pas pareil !

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger pour répondre à la commission.

M. Philippe Auberger.

Juste deux mots pour relever deux sophismes. Premièrement, on me reproche d'avoir prévu une diminution du barème proportionnel qui avantagerait prétendument les riches.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Pas prétendument » !

M. Jean-Pierre Brard.

Eh oui, il faut assumer ses idées !

M. Philippe Auberger.

Je maintiens le prétendument ! Je me sens autant le fils de Joseph Caillaux que vous !

M. Jean-Pierre Brard.

Moi, je suis le fils de Robespierre !

M. Philippe Auberger.

C'est Joseph Caillaux qui a institué l'impôt sur le revenu tel qu'il est, et il n'est pas dans mon idée de remettre en cause sa progressivité. Du fait même de cette progressivité, les riches paient actuellement plus que les pauvres, naturellement à raison de leur revenu. Comme toute diminution ne peut être que proportionnelle, elle aura pour conséquence, en valeur absolue, d'alléger plus les riches que les pauvres. Mais cet allégement sera proportionnel à ce qui est payé par le contribuable, chacun bénéficiera du même allégement.

C'est la seule façon d'alléger correctement l'impôt sur le revenu. Procéder autrement reviendrait à remettre en cause la progressivité en l'accentuant, ce qui, à mon sens, ne doit pas être le cas d'une bonne réforme de l'impôt sur le revenu.

Second sophisme, c'est celui du secrétaire d'Etat au budget s'agissant de la baisse de la TVA sur les travaux.

Les études de consommation sont très éclairantes en la matière. Elles montrent d'abord qu'on est davantage propriétaire que locataire dans les couches de revenus élevés.

Or, chacun le sait, cette baisse de la TVA avantagera plus les propriétaires que les locataires. En outre, on fait plus appel à des entreprises extérieures pour refaire son appartement quand on a quelques moyens. L'allégement de la TVA pour travaux va donc favoriser nettement plus les revenus élevés que les autres.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Donc vous êtes contre ?

M. Philippe Auberger.

Dans ces conditions, cette disposition n'est pas plus juste que celle que je propose en matière d'impôt sur le revenu.


page précédente page 07734page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Si !

M. Philippe Auberger.

Non, ce n'est pas vrai ! Dès lors qu'une réforme s'attaque à une proportionnalité, elle avantagera plus les riches que les pauvres, que ce soit en termes de revenus ou de consommation.

M. Jean-Pierre Brard.

Tout cela est très clair ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Auberger me donne l'occasion de répondre à l'un de ses arguments que j'avais oublié.

La mesure d'allégement de la TVA sur les travaux d'entretien va concerner effectivement dix millions de ménages, mais dix millions de ménages par an. Bien sûr, tous les Français ne font pas tous des travaux dans leur logement chaque année. Au bout de trois ans, toutefois, l'ensemble des familles françaises aura grosso modo bénéficié de cette disposition.

Par contre, avec votre amendement, qui concerne quinze millions de contribuables,...

M. Philippe Auberger.

49 % des Français !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... ce sont les mêmes qui chaque année tireront un bénéfice.

Il y a donc une différence bien nette entre la proposition gouvernementale, soutenue par la majorité, qui intéressera à terme l'ensemble de nos concitoyens, et la vôtre qui vise seulement la moitié d'entre eux.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 264.

(L'amendement n'est pas adopté.).

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de six amendement, nos 153, 102, 69 corrigé, 496, 266 et 133, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 153, présenté par MM. Gantier, d'Aubert, Laffineur, Delattre, Dominati, et les membres du groupe Démocratie libérale et Indépendants, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi le 2o du I l'article 2 :

« 2o Les sommes de "11 000 F" et "20 270 F" sont respectivement remplacées par les sommes "16 636 F" et "20 370 F".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Les amendements nos 102, 69 corrigé et 496 sont identiques.

L'amendement no 102 est présenté par M. Auberger et les membres du groupe du Rassemblement pour la République ; l'amendement no 69 corrigé est présenté par

M. Carrez ; l'amendement no 496 est présenté par MM. Douste-Blazy, Rossi, Debré et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. - Dans le 2o du I de l'article 2, substituer à la somme : "11 060 F", la somme : "16 600 F".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 266, présenté par M. de Courson,

Mme Idrac, MM. Jégou, Méhaignerie, Hériaud, Loos, Barrot, Ligot et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi rédigé :

« I. - Dans le 2o du I de l'article 2, substituer à la somme : "11 060 F", la somme : "16 380 F".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 133, présenté par M. Baguet est ainsi rédigé :

« I. Dans le 2o du I de l'article 2, substituer à la somme : "11 060 F", la somme : "16 300 F".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement no 153.

M. Gilbert Gantier.

Je commencerai par verser une larme sur la Chambre des députés du Front populaire de 1936 (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et sur les gouvernements de 1938 et 1939. Ils avaient pris la mesure de la grave crise démographique dont souffrait la France, et avaient institué le code de la famille, qui prévoyait notamment les allocations familiales et le quotient familial.

M. Michel Bouvard.

C'était avant Aubry !

M. Gilbert Gantier.

Aujourd'hui, nous assistons à l'évolution inverse. Le Gouvernement et la majorité plurielle ne cessent de taper sur la famille.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yann Galut.

N'importe quoi !

M. Gilbert Gantier.

Ainsi, le plafond du quotient familial a été abaissé...

M. Michel Bouvard.

Aubry n'aime pas les familles !

M. Gilbert Gantier.

... et les allocations familiales ne sont plus réservées qu'à certains.

M. Jean-Pierre Brard.

Aux plus modestes !

M. Jean-Yves Caullet.

Et aux RMistes !

M. Gilbert Gantier.

Je sais, monsieur Brard, que vous voulez toujours taper sur les riches !

M. Jean-Yves Caullet.

C'est une bonne chose, en effet !

M. Gilbert Gantier.

Mais on a vu ce que cela donnaite n Union soviétique : une économie complètement exsangue et une nomenklatura qui jouissait de privilèges - des datchas, des voyages à l'étranger, etc.


page précédente page 07735page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. Jean-Pierre Brard.

Les barons rouges sont vos alliés !

M. Gilbert Gantier.

Votre rengaine sur les riches finit par être lassante. Nous avons trop entendu votre disque.

M. Jean-Pierre Brard.

Le vôtre est rayé !

M. Gilbert Gantier.

Ce qui importe, c'est de prendre des dispositions qui favorisent le développement de l'économie française et qui soient bonnes pour les citoyens français, quels qu'ils soient.

J'en reviens à mon amendement. Le Gouvernement se fécilite d'avoir rétabli le versement des allocations familiales pour tout le monde, sans conditions de ressources.

Quelle générosité ! Mais il en a profité pour abaisser le plafond du quotient familial. Eh ! bien, mes chers collègues, croyez-en un homme qui a élevé quatre enfants, habiller, nourrir, payer des vacances,...

M. Raymond Douyère.

Surtout avec le RMI, c'est très dur !

M. Gilbert Gantier.

... et faire faire du sport à des enfants coûte cher.

M. Jean-Pierre Brard.

Les enfants français ne partent pas tous en vacances !

M. Gilbert Gantier.

Peut-être que certains d'entre vous l'ignorent ou s'en moquent complètement, considérant que ce n'est pas leur affaire. Moi, j'estime qu'il est ridicule d'abaisser le plafond du quotient familial. Mon amendement vise donc à revenir au montant initial.

Croyez-moi, il n'avait rien d'excessif.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour soutenir l'amendement no 102.

M. Philippe Auberger.

Effectivement, le plafond du quotient familial a été abaissé l'année dernière et de faç on exagérée, à mon sens.

D'abord, la diminution opérée n'est pas en rapport avec les ressources et les dépenses des familles. En effet, celles-ci ont été évaluées. Si l'on se réfère à ce que les spécialistes appellent l'échelle de Cambridge, on voit qu'on a manifestement et exagérément surimposé les familles qui ont deux, trois et quatre enfants au regard de la réalité de leurs dépenses. Alors que nous nous honorons de ces dispositions relatives au quotient familial dans la structure de l'impôt sur le revenu, il était anormal d'en limiter les effets dans de telles proportions.

Cela a d'ailleurs conduit à une remise en cause de la progressivité de l'impôt pour ces familles qui se sont retrouvées imposées à des taux plus élevés. Or cela me semble très grave. Il n'y a absolument aucune raison d'aggraver la charge fiscale relative des familles par rapport aux autres catégories de Français. Elles sont tout aussi dignes d'intérêt que les autres, et même plus dignes encore compte tenu de notre situation démographique.

M. Michel Bouvard.

Très bien ! Enfin, les évaluations qui nous ont été données l'année dernière concernant les effets de cette mesure sont, semble-t-il, exagérées. De ce fait, le rendement de l'impôt sur le revenu perçu cette année sera plus fort que prévu.

M. Germain Gengenwin.

Exactement !

M. Philippe Auberger.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes généralement très avare sur ce type d'indications...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Mais non ! (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

... mais pourriez-vous me confirmer ou non ces informations et m'indiquer comment on en est arrivé à des évaluations aussi inexactes.

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez pour défendre l'amendement no 69 corrigé.

M. Gilles Carrez.

Je compléterai l'excellent propos de notre collègue Philippe Auberger en rappelant que vous aviez évalué à près de 3,9 milliards le gain fiscal de la mesure d'abaissement du plafond du quotient familial au titre de l'année 1999. Je vous demande donc, moi aussi, quel est le chiffre exact, parce qu'il semble qu'il soit nettement plus élevé et contribue à l'envolée des recettes, même si on tient compte de la recette de droit de bail, de l'impôt sur le revenu plus 5 % en 1999, plus 4 % en 2000.

M. Michel Bouvard.

Pour ceux qui ont des enfants !

M. Gilles Carrez.

Puisqu'on me répondra probablement que ce sont avant tout les familles très aisées qui profitent de l'avantage du quotient familial, je rappelerai que 1 % des foyers fiscaux acquittent 29 % de l'impôt sur le revenu. On a donc dans notre pays une progressivité très supérieure au mécanisme d'impôt sur le revenu qu'on constate ailleurs.

Permettez-moi aussi de dire que cette politique de sanction à l'égard de la famille s'étend également au projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous évoquons depuis quelques jours. Je me suis en effet penché sur ce projet afin de connaître votre philosophie en matière de politique de la famille. Celle-ci se résume au démantèlement de la politique familiale. En deux ans, vous avez divisé par deux la réduction d'impôt pour emplois familiaux puisqu'on est passé de 90 000 à 45 000 francs et diminué l'AGED. Et voici que vous allez dépouiller la Caisse nationale d'allocations familiales pour financer la CMU. Elle sera donc ainsi dans l'impossibilité de conduire la politique d'accueil de la petite enfance sur laquelle la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, Mme Gillot, avait voulu mettre l'accent.

Or on connaît, en particulier en région parisienne, les difficultés en matière de financement et d'accueil de la petite enfance.

Autre exemple : de combien seront réévaluées les prestations familiales dans la loi de financement de la sécurité sociale en 2000 ? Seulement de 0,5 % ! En analysant les deux textes, on s'aperçoit qu'il y a donc un véritable arsenal de sanctions contre la famille. Il serait donc convenable que l'Assemblée adopte ces amendements visant à revenir au plafond initial, d'autant que cela vous rendrait un autre service d'ordre plus général en modérant quelque peu la progression des prélèvements obligatoires qui augmentent sans cesse, contrairement à vos promesses. Se tromper une fois, cela peut passer ; se tromper une deuxième fois, c'est encore admissible, mais se tromper une troisième fois - et ce sera le cas à nouveau en l'an 2000 puisque les prélèvements obligatoires augmenteront -, c'est impardonnable !

M. Jean-Jacques Jégou et M. Michel Bouvard Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Un peu facile !

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin, pour soutenir l'amendement no 496, ainsi les deux suivants, nos 266 et 133, qui émanent également de son groupe.


page précédente page 07736page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. Germain Gengenwin.

Je tiens à signaler que l'amendement no 496 est présenté par les trois présidents des groupes de l'opposition et ce, afin de souligner que c'est bien toute l'opposition qui propose de revenir sur la modification du plafond du quotient familial.

Monsieur le secrétaire d'Etat, beaucoup de familles ne se sont aperçues de cette mesure restrictive qu'au moment où elles ont reçu leur feuille d'impôt. C'est à ce moment-là qu'elles ont véritablement reçu un coup de masse.

Si nous prenons une famille normalement constituée, à Paris...

M. Yann Galut.

C'est quoi ?

M. Michel Bouvard.

Un homme et une femme avec enfants ! Ça vous convient comme réponse ?

M. Yann Galut.

Ça peut être une femme seule avec des enfants !

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Germain Gengenwin.

Je prends donc l'exemple d'un homme et d'une femme ayant deux ou trois enfants et qui habitent Paris ou la banlieue parisienne. Connaissez-vous le montant du loyer qu'ils doivent payer ? Savezvous au moins ce que coûte un logement correct dans la région parisienne ? entre 8 000 et 10 000 francs ! S'ils ont des enfants, ils doivent recourir à une aide à domicile ou les mettre à la crèche, ou bien la mère doitr enoncer à travailler. Avez-vous seulement imaginé combien il faudrait qu'un couple gagne pour avoir des enfants et payer un loyer ! Il est donc vraiment injuste de pénaliser ces familles et de leur dire qu'elles sont riches parce qu'elles gagnent entre 20 000 et 25 000 francs par mois, ou un peu plus.

Monsieur le président de la commission des finances, il leur faut plus de 20 000 francs pour payer le loyer et la garde de leurs enfants. Et vous avez diminué l'AGED de moitié. Ces familles, ce sont de jeunes couples qui entreprennent, investissent et prennent des initiatives, c'est-àdire la génération à laquelle on demande de faire marcher l'économie. Ce ne sont pas les familles qui, malheureusement, sont au niveau du SMIC.

Pour toutes ces raisons, il est normal et logique de revoir le quotient familial. Je n'ose vous proposer, monsieur le secrétaire d'Etat, de moduler éventuellement cette aide en fonction du montant du loyer ou de la renforcer en cas de remboursement d'emprunt pour acquisition d'un appartement.

Il ne faut pas que votre mesure ait pour effet d'empêcher les jeunes couples d'acquérir leur logement. C'est la raison pour laquelle les trois groupes de l'opposition ont signé l'amendement no 496. Tous nos collègues de l'Union pour la démocratie française-Alliance membres de la commission des finances vous proposent d'ailleurs à peu près la même chose.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur ces six amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a retenu aucun de ces amendements.

Je voudrais d'abord remercier notre collègue Gilbert Gantier, qui a rappelé ce que le Front populaire a fait en faveur des familles.

M. Gilbert Gantier.

Vous le défaites !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il a d'une certaine façon rappelé que la gauche a toujours exprimé une préoccupation constante pour la famille.

M. Gilbert Gantier.

Plus maintenant !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Si, mon cher collègue, et nous ne pouvons pas vous laisser dire que, depuis juin 1997, des mesures ont été prises contre la famille.

M. Gilbert Gantier.

C'est pourtant la vérité !

M. Gilles Carrez.

La stricte vérité !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Non, vous savez bien qu'un certain nombre de mesures ont été prises.

(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Philippe Auberger.

C'est de l'incantation ! Revenons au sujet.

M me Nicole Bricq.

Les associations familiales ne tiennent pas le même discours que l'opposition !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je vous rappelle quelques-unes de ces mesures : nous avons très sensiblement augmenté l'allocation de rentrée scolaire. Or tous les problèmes touchant à l'éducation des enfants font partie intégrante d'une politique de la famille.

M. Philippe Auberger.

C'est du bidon, tout ça !

M. Germain Gengenwin.

Cela n'a rien à voir !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous avons cette année pérennisé cette disposition. Nous avons rétabli la réduction d'impôts pour frais de scolarité, que vous aviez supprimée.

Aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi de finances, nous proposons la suppression des frais relatifs aux droits d'examen. Là aussi, les familles sont concernées.

Mme Nicole Bricq.

Et les allocations familiales jusqu'à vingt et un ans !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Et aucun gouvernement n'a fait autant d'efforts en faveur du logement que celui-ci, depuis deux ans et demi. C'est bien en direction des familles, parce qu'elles sont directement concernées.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas vrai ! Les PLA ne sont pas consommés !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Nous avons pris un certain nombre de mesures en faveur des jeunes et je peux vous dire que la situation de nombreuses familles a été très sensiblement améliorée, notamment lorsque l'un des enfants a pu bénéficier d'un emploi-jeune.

Mme Nicole Bricq.

C'est évident !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cette politique en faveur de la famille, notamment des plus modestes, a été accentuée depuis juin 1997, mais elle doit s'apprécier dans sa globalité et non pas mesure par mesure. Le Gouvernement, M. le secrétaire d'Etat au budget le dira dans un instant, a souhaité que l'aide publique à l'enfant soit modulée en fonction du revenu. Je ne sais si cela doit être qualifié d'obsession, comme l'a dit tout à l'heure François d'Aubert, mais nous avons effectivement l'obsession tout à fait légitime de la justice fiscale. (« Très bien ! », sur les bancs du groupe socialiste, du groupe

communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

En ce qui concerne le quotient familial, la commission a tout simplement jugé qu'il ne fallait pas revenir sur une mesure décidée en connaissance de cause l'année dernière


page précédente page 07737page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

et acceptée par l'ensemble des partenaires et des associations familiales dans le cadre de la conférence sur la famille du 12 juin 1998. La réforme du quotient familial est venue en contrepartie du rétablissement de l'universalité des allocations familiales qui avait été souhaitée par la conférence de la famille.

M. Jérôme Cahuzac.

Très bien !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela aussi, on doit le répéter sans cesse puisque vous feignez de ne pas l'entendre.

Sur le fond, chacun s'accordera pour dire que la loi fiscale doit avoir une certaine stabilité d'une année sur l'autre. De ce fait, les amendements proposés manquent de crédibilité.

Cela dit, une remise à plat de l'impôt sur le revenu sera proposée l'année prochaine.

M. Germain Gengenwin.

L'année prochaine !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Peut-être déciderons-nous d'ailleurs de revenir sur le plafond du quotient familial, ou tout au moins procéderons-nous à son ajustement, notamment s'il apparaît que la réforme a été moins coûteuse qu'il n'était apparu l'année dernière d'après les calculs du Gouvernement. Ayant ainsi rappelé l'ensemble des efforts faits par la majorité plurielle en faveur de la famille, je souhaite, au nom de la commission, que l'on s'en tienne pour le moment aux amendements et aux articles qui ont été votés l'année dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces six amendements ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le rapporteur ayant retracé avec talent tout ce que le Gouvernement et la majorité qui l'appuie ont fait en faveur de la famille depuis maintenant deux ans et demi, je m'en tiendrai au quotient familial.

Premièrement, chacun sait - et le rapporteur général l'a répété avec force - que sa diminution résulte d'une concertation avec les associations familiales.

M. Philippe Auberger.

Certaines d'entre elles !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous ne pouvez pas prétendre défendre les familles mieux que les associations qui les représentent, monsieur Auberger.

Deuxièmement, M. Gengenwin, qui a montré qu'il fréquentait peu les HLM de la région parisienne en évoquant des loyers situés entre 8 000 et 10 000 francs par mois - beaucoup d'entre eux n'en ont pas les moyens estime qu'il faut au moins 20 000 francs de revenu par mois pour vivre en région parisienne. Or cette diminution du quotient familial que vous critiquez ne touche que les familles qui déclarent plus de 36 485 francs de revenu par mois.

M. Jérôme Cahuzac.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

La mesure va donc dans le bon sens.

Troisièmement, M. Auberger m'interroge sur le coût de la mesure. Les documents qui vous ont été remis font effectivement apparaître que, s'il était estimé initialement à 3,9 milliards de francs, il est maintenant évalué à 4,2 milliards de francs.

M. Gilles Carrez.

Cela fait un écart de 300 millions de francs.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Cela signifie que l'an dernier son coût a été sous-estimé de 300 millions de francs, ce qui représente une marge d'incertitude raisonnable. Mais je vous en donne acte. Et nous avons réévalué en toute transparence le produit de cette mesure à 4,2 milliards de francs. De plus, monsieur Carrez, monsieur Auberger, il faut mettre en regard de ces 4,2 milliards de francs résultant de l'abaissement du quotient familial, les 4,7 milliards de francs de prestations familiales supplémentaires.

M. Gilles Carrez.

Que vous aviez supprimées !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Dans l'ensemble, les familles ont donc plutôt gagné.

M. Philippe Auberger.

Elles ont moins perdu !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Si les familles aisées - qui sont, ainsi que je l'ai démontré, les seules concernées - paient 4,2 milliards de plus d'impôt sur le revenu, elles touchent par ailleurs 4,7 milliards de francs d'allocations familiales en plus.

Donc, même pour les familles que vous défendez exclusivement, la mesure est favorable.

Je demande donc le rejet des six amendements.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour répondre au Gouvernement.

M. Michel Bouvard. Nous avons bien entendu vos arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, après ceux du rapporteur. Mais faire votre argumentation ne tient pas.

D'abord, s'agissant de la politique familiale, c'est notamment à partir du deuxième, et surtout du troisième enfant, que les charges des familles s'accroissent. Celles-ci doivent en effet souvent changer d'appartement ou de voiture, ce qui génère des dépenses supplémentaires. Et si, dans le même temps - c'est ce qui s'est passé avec la réforme du quotient familial - on enlève à ces familles une partie de leur revenu disponible, on modifie la règle à un moment où elles ont souvent emprunté pour faire face à l'arrivée du troisième enfant. Et nombreuses sont ces familles, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous convenons tous qu'elles sont plus aisées qu'une mère célibataire avec un seul enfant, mais à la suite de votre réforme, nombre d'entre elles se sont retrouvées cette année dans une situation réellement difficile et ont subi une perte de revenu à un moment où leurs charges familiales sont les plus élevées, notamment avec l'arrivée d'un nouvel enfant, un déménagement, etc. Le système est donc injuste.

A l'instant, vous parliez de la nécessaire stabilité de la fiscalité : oui, il faut une stabilité des règles. Mais, en l'occurrence, ce principe n'a pas été respecté.

Vous nous rétorquez que les associations familiales ont accepté la mesure. Mais dans quelles conditions ? On commence par supprimer l'universalité des allocations familiales et, ensuite, on dit aux associations familiales que, si elles y tiennent réellement, on veut bien la rétablir, mais contre la réforme du barème du quotient familial. C'est léonin ! On finirait presque par croire à vous entendre que ce sont les associations familiales...

M. Philippe Auberger. Qui ont réclamé.

M. Michel Bouvard. ... qui, un matin, sont parties en délégation rencontrer le délégué interministériel à la famille pour mettre fin à une injustice : « Nous, associations familiales, nous demandons la réforme du quotient familial. »

Enfin, vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il fallait apprécier les choses dans leur ensemble. Gilles Carrez a donc eu raison de se pencher sur la loi de financement de


page précédente page 07738page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

la sécurité sociale. Globalement, on ne peut pas dire que la politique en faveur de la famille a progressé depuis deux ans et demi. C'est grave, compte tenu de notre situation démographique, sans parler des conséquences économiques dont les responsables du budget du pays ne peuvent pas se désintéresser. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 153.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 102, 69 corrigé et 496.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 266.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

2 AMÉNAGEMENT DE L'ORDRE DU JOUR PRIORITAIRE

M. le président.

Au cours de la conférence des présidents qui s'est réunie ce matin, le Gouvernement a fait savoir qu'il inscrivait, le mardi 26 octobre, matin, une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la préparation de la conférence ministérielle de l'OMC à Seattle, aux lieu et place de la proposition de résolution précédemment inscrite à l'ordre du jour prioritaire de cette séance.

Par ailleurs, l'Assemblée tiendra séance, s'il y a lieu, lundi à seize heures et à vingt et une heures pour la suite de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000.

L'ordre du jour prioritaire est ainsi aménagé.

3 LOI DE FINANCES POUR 2000

PREMIÈRE PARTIE Reprise de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

Nous reprenons la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

Discussion des articles (suite) Article 2 (suite)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 250 et 27, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 250, présenté par M. Rigal, est ainsi rédigé :

« I. - Compléter l'avant-dernier alinéa (2o ) du I de l'article 2 par les mots : " ; l'avant-dernier alinéa est supprimé et le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Cette réduction d'impôt ne s'applique pas aux contribuables qui bénéficient des a, b et c de l'article 195, pour l'imposition des années postérieures à l'année du vingt-sixième anniversaire de la naissance du dernier enfant".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recette, pour l'Etat, est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 27, présenté par M. Migaud, rapporteur général, est ainsi rédigé :

« I. - Compléter l'avant-dernier alinéa (2o ) du I de l'article 2 par les mots : ", et les sommes : "6 100 F" et "5 380 F" sont remplacées respectivement par les sommes : "6 130 F" et 5 410 F". »

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée par la majoration, à due concurrence, des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 250 n'est pas soutenu.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan pour défendre l'amendement no

27.

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

L'amendement no 27 n'a strictement rien à voir avec l'amendement no 250.

M. le président.

Il ne s'agit pas d'amendements identiques, monsieur le rapporteur général. Ils sont simplement en discussion commune.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cela est un peu curieux.

Cet amendement vise à réévaluer, selon les mêmes modalités que pour les autres seuils, les plafonds spécifiques relatifs aux demi-parts additionnelles de quotient familiale dont bénéficient les contribuables célibataires, divorcés ou veufs ainsi que certaines catégories d'invalides et d'anciens combattants. Il s'agit d'un amendement de coordination qui tend à corriger un oubli.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Cet oubli est tout de même curieux !

M. le président.

La parole est M. le secrétaire d'Etat au budget pour donner l'avis du Gouvernement.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget.

Effectivement, cet amendement répare un oubli. J'y suis favorable et je lève le gage.

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agissait effectivement d'un oubli fâcheux.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est pourquoi nous le corrigeons !

M. Philippe Auberger.

Tous les oublis du Gouvernement sont fâcheux !


page précédente page 07739page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. Gilles Carrez.

Je me demande cependant s'il n'a pas été délibéré.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) A cet égard, je veux reprendre ce qu'a fort bien écrit le rapporteur général, car je suis toujours un lecteur attentif de ses excellents rapports.

M. Didier Migaud.

rapporteur général.

Merci !

M. Gilles Carrez.

Il a donc indiqué : « On ne saurait, bien sûr, imaginer qu'il y eût quelque lien entre la nature parlementaire de l'initiative ayant présidé à ces deux mesures favorables au contribuable et le fait que leur indexation a été "oubliée" dans le présent projet de loi. »

Or nous connaissons l'appétit fiscal, pour ne pas dire la rapacité, dont vous faites preuve.

M. Philippe Auberger.

La voracité !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Vous affaiblissez votre raisonnement !

M. Michel Bouvard.

Les voraces et les coriaces !

M. Gilles Carrez.

Vous nous en avez donné la démonstration à propos des familles. Cela vous a conduit à oublier les invalides, les anciens combattants, les célibataires, les divorcés, les veufs. Je constate que vous réparez cet oubli. L'affaire est donc close. Je souhaiterais cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous évitiez ce genre d'oublis qui sont vraiment fâcheux.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Comme chacun sait, M. Carrez est parfait !

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je tiens à saluer avec toute la solennité qui convient cet amendement qui porte de 6 100 à 6 130 francs les déductions pour les demi-parts additionnelles de quotient familial. C'est d'une générosité absolument considérable. Je remercie le Gouvernement d'avoir bien voulu lever le gage et je lui demande, par la même occasion, ce que coûtera cette considérable augmentation.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Quarante millions, monsieur Gantier.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 27, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Il est voté à l'unanimité !

M. le président.

Absolument ! M. Auberger et les membres du groupe du Rassemblement pour la République ont présenté un amendement, no 103, ainsi rédigé :

« I. A la fin du 3o du I de l'article 2, substituer à la somme : "3 350 F", la somme : "2 580 F".

« II. Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte des recettes est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Cet amendement se situe dans la logique du dispositif que j'ai présenté tout à l'heure sur l'évolution du barème de l'impôt sur le revenu.

Ainsi que je l'ai déjà souligné, en effet, il subsiste une grave anomalie dans notre système puisque les couples mariés ou non mariés qui établissent une seule déclaration sont défavorisés, lorsqu'ils ont des revenus modestes, par rapport aux couples qui font des déclarations séparées. Puisque le Gouvernement se montre extrêmement ouvert aux demandes des familles, je lui rappelle que cette anomalie est dénoncée depuis longtemps par ces dernières.

Une première étape avait été franchie en 1997, mais depuis, rien n'a été fait. Il est donc urgent d'intervenir de nouveau comme le propose cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il sera logique avec le refus opposé à l'amendement qu'a défendu précédemment notre collègue.

Le chantier de l'impôt sur le revenu sera ouvert l'année prochaine. C'est dans ce cadre que nous étudierons les modifications à apporter au système de la décote. Donc avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il est également défavorable, bien que l'amendement de M. Auberger, ce qui est rare, procurerait à l'Etat des ressources supplémentaires. En effet, il entraînerait une ponction de plus de 2 milliards de francs sur 2 700 000 contribuables modestes. Vous comprendrez que, dans ces conditions, j'en demande le rejet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 103.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de quatre amendements, nos 70, 154, 265 et 497, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 70, présenté par M. Carrez et les m embres du groupe du Rassemblement pour la République, est ainsi rédigé :

« I. - A la fin du II de l'article 2, substituer à la somme : "20 480 F" la somme : "30 330 F".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 154, présenté par MM. Gantier, d'Aubert, Laffineur, Delattre, Dominati, est ainsi rédigé :

« I. - Dans le II de l'article 2, substituer à la somme : "20 480 F" la somme : "30 330 F".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Les amendements nos 265 et 497 sont identiques.

L'amendement no 265 est présenté par Mme Idrac, MM. de Courson, Jégou, Méhaignerie, Hériaud, Loos, Barrot, Ligot et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ; l'amendement no 497 est présenté par MM. Douste-Blazy, Debré, Rossi et les membres des groupes de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du Rassemblement pour la République et Démocratie libérale et Indépendants.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. - A la fin du II de l'article 2, substituer à la somme : "20 480 F", la somme : "30 330 F".


page précédente page 07740page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement tend à rétablir l'ancien plafond d'abattement sur le revenu imposable accordé aux contribuables qui rattachent à leur foyer fiscal un enfant marié ou qui versent des pensions alimentaires à des enfants majeurs.

Même si la situation de l'emploi s'est améliorée, n otamment chez les jeunes, de sérieuses difficultés demeurent. En effet, nombre de jeunes n'ont trouvé du travail qu'avec des contrats à durée limitée et leurs familles les ont souvent conservés dans le foyer fiscal.

C'est pourquoi nous demandons le retour à l'ancien plafond.

En outre, la réduction opérée a eu des effets pervers sur la taxe d'habitation en 1999, quoi qu'en ait dit le communiqué du ministère des finances publié il y a quelques semaines pour affirmer qu'il n'existait aucun lien entre les réformes de l'impôt sur le revenu adoptées pour 1999 et la taxe d'habitation.

En effet, si le quotient familial est calculé en aval, puisqu'il joue en réduction d'impôt, cet abattement a une incidence directe sur le revenu imposable qui est pris en compte dans les différentes tranches d'exonération ou d'écrêtement de la taxe d'habitation. Ainsi, chacun a pu constater dans sa commune - François d'Aubert en a parlé pour Laval - que des ménages ne disposant que de ressources peu élevées avaient subi des hausses importantes de leur taxe d'habitation.

J'ai relevé, dans ma propre commune, des augmentations de 10 à 25 %, clairement liées à des accroissements du revenu imposable qui empêchent les contribuables concernés de bénéficier de l'écrêtement de la taxe d'habitation. Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous une évaluation précise de ce phénomène ? Combien de foyers sont intéressés ? Quel montant cela représente-t-il au titre de la taxe d'habitation ?

Tous les maires de cette assemblée sont concernés, car les questions qui leur sont posées à ce sujet mettent en cause leur responsabilité de maire. Ils ont beau expliquer qu'il s'agit de l'incidence d'une mesure nationale concernant l'impôt sur le revenu, il leur est difficile de se faire croire. Nous avons donc besoin d'explications sur ce sujet important qui a d'ailleurs fait l'objet d'une polémique entre vous-même et vos propres services.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier pour soutenir l'amendement no 154.

M. Gilbert Gantier.

La précédente majorité avait un programme de réduction de l'impôt sur le revenu ayant pour corrolaire la réduction d'avantages particuliers qui pouvait se comprendre dans ce contexte.

Comme la majorité actuelle a renoncé à cette politique, la diminution du plafond de l'abattement pour rattachement d'enfant marié n'a plus de sens. C'est la raison pour laquelle cet amendement propose de substituer la somme de 30 330 francs à celle de 20 480 francs prévue dans le projet de loi.

Par ailleurs, je partage entièrement la remarque formulée par mon excellent collègue Gilles Carrez quant aux effets pervers de cette mesure en matière de taxe d'habitation. Nous savons, en effet, que 200 000 foyers environ ont été concernés par des hausses de taxe d'habitation résultant du régime du revenu imposable de référence.

C'est une injustice inadmissible.

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin pour soutenir les amendements identiques nos 265 et 497.

M. Germain Gengenwin.

L'amendement no 265 présenté par les membres du groupe de l'UDF et l'amendement no 497 cosigné par les présidents des trois groupes de l'opposition proposent effectivement la même mesure.

La déduction fiscale pour rattachement au foyer fiscal des parents n'est qu'une façon d'aider les parents à soutenir les jeunes couples qui viennent de s'installer. Très souvent, en effet, ces derniers habitent avec eux. Dans la mesure où ils se lancent dans la vie, il est tout à fait normal que les parents qui les aident soient encouragés.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ces quatre amendements n'ont pas été adoptés par la commission. La somme de 20 480 francs prévue dans la loi de finances correspond en effet à celle retenue pour le plafond du quotient familial. Elle est aussi celle du plafond de la déductibilité d'une pension alimentaire versée à un enfant majeur. Il est logique que ces trois plafonds soient établis par référence les uns avec les autres, car si tel n'était pas le cas, les contribuables imposés au taux marginal de 54 % pourraient contourner, pour leurs enfants majeurs, la réduction du plafond du quotient familial en procédant à leur détachement et au versement d'une pension alimentaire. Ils pourraient faire de même pour leurs enfants majeurs mariés ou ayant eux-mêmes des enfants à charge.

Cela étant, il est exact que la disposition en cause a eu des incidences, dont Gilles Carrez a parlé, sur la taxe d'habitation.

M. Gilbert Gantier.

Eh oui !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Reste à savoir si elles sont vraiment liées au plafonnement de la taxe d'habitation.

Tel n'est sûrement pas le cas pour les deux premiers plafonnements, à 1 500 et à 2 100 francs.

M. Gilles Carrez.

Non, seulement pour le dernier !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

En effet, on ne voit pas comment des contribuables modestes pourraient verser des pensions supérieures à 20 000 francs.

M. Gilles Carrez.

La difficulté apparaît pour le troisième plafonnement !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Effectivement, le problème peut se poser à ce niveau.

M. Gilles Carrez.

Il s'agit des classes moyennes !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il conviendra d'étudier la situation de près avec les services de Bercy.

En tout cas, j'insiste sur la nécessité de retenir le plafond de 20 480 francs, afin d'éviter des tentations de fraude fiscale.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je vais développer deux types de considérations.

Les premières seront très brèves parce qu'elles portent sur un sujet que le rapporteur général a fort bien exposé : la nécessité d'assurer la cohérence entre la mesure que


page précédente page 07741page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

nous avons prise à propos du quotient familial, celle relative au rattachement au foyer fiscal d'enfants mariés ou célibataires, et celle concernant le plafond des pensions alimentaires versées aux enfants majeurs.

Ensuite, vous avez été nombreux à appeler l'attention sur d'éventuels effets de cette mesure sur les impôts locaux.

Je laisse de côté le cas du rattachement d'un enfant majeur marié ou ayant des enfants à charge, parce que 5 000 contribuables seulement sont dans cette situation.

Pour ce qui est des familles qui versent une pension alimentaire au profit d'un enfant majeur, je vais donner une illustration très claire sur le cas général. Il me paraît difficile d'imaginer - c'est un calcul un peu théorique qu'un contribuable qui perçoit un revenu maximal de 25 200 francs, puisque c'est le cas général en matière d'exonération de taxe d'habitation, puisse verser une pension alimentaire supérieure à 20 370 francs. On imagine mal qu'un contribuable puisse consacrer 80 % de son revenu à la pension alimentaire d'un enfant majeur.

Il est néanmoins des cas particuliers dans lesquels les plafonds sont un peu supérieurs. Le rapporteur général, avec sa clarté et son esprit de synthèse habituels l'a bien expliqué. J'indique donc aux députés qui ont déposé ces amendements que, s'il n'est pas niable que cela peut intéresser quelques milliers de contribuables, il ne s'agit certainement pas de 200 000 familles comme l'ont prétendu certaines organisations syndicales, chiffre qui a été repris par des orateurs de l'opposition.

Après avoir donné ces précisions, je demande le rejet des quatre amendements.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

70. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 265 et 497.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

MM. d'Aubert, Dominati, Gantier et Laffineur ont présenté un amendement, no 152, ainsi libellé :

« I. Compléter l'article 2 par les paragraphes suivants :

« III. Le II de l'article 156 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 12o Les sommes versées au titre de l'emploi d'un salarié à domicile travaillant, en France, à la résidence du contribuable sont retenues dans la limite de 90 000 F. »

« IV. En conséquence, l'article 199 sexdecies du code général des impôts est supprimé.

« II. La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier. Cet amendement vise à remplacer le seuil de réduction d'impôt par un seuil d'abattement à la base pour l'emploi d'un salarié à domicile. Les salaires seront de ce fait, comme les charges, déductibles du revenu global imposable, ce qui revient à assimiler le particulier à un employeur.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable pour deux raisons.

D'abord, la transformation d'une réduction d'impôt en déduction du revenu imposable va à l'encontre de tout ce qui a été fait depuis plusieurs années par l'ensemble des gouvernements, quelles que soient leurs orientations : la tendance est en effet à remplacer les déductions du revenu imposable par des réductions d'impôts, car les premières procurent un avantage fiscal d'autant plus important que le revenu est élevé, alors que les secondes sont plus justes puisque l'avantage fiscal est d'un même montant pour une même dépense, quel que soit le revenu du contribuable.

Ensuite, cet amendement vise à rétablir l'ancien plafond de 90 000 francs que nous avons abaissé il y a deux ans. Là réside toute la différence entre une incitation fiscale et un privilège fiscal. En mettant la barre à 45 000 francs, nous instaurons une incitation qui a des effets positifs dans la lutte contre le travail au noir. A 90 000 francs cela devient un privilège fiscal inadmissible, parce que cela revient à faire payer son employé de maison par la République.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Même avis !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no 27 modifié.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

Je suis saisi de cinq amendements, nos 177, 299 corrigé, 512 corrigé, 359 et 381, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 177, présenté par M. Gantier et M. Bussereau, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Le 5o de l'article 8 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 5o Des associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. »

« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Les amendements nos 299 corrigé et 512 corrigé sont identiques.

L'amendement no 299 corrigé, est présenté par M. Poignant ; l'amendement no 512 corrigé est présenté par

M. Michel Bouvard.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Le 5o de l'article 8 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 5o Des associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. »

« II. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »


page précédente page 07742page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

L'amendement no 359, présenté par MM. de Courson, Sauvadet, Dutreil, Gengenwin et Perrut, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Le 5o de l'article 8 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 5o Des associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. »

« II. - L'éventuelle perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 381, présenté par MM. Bascou, Patriat et Perez, est ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Le 5o de l'article 8 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 5o Des associés d'une exploitation agricole à responsabilité limitée. »

« II. - La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 177 est-il défendu ?

M. Gilbert Gantier.

Il est défendu.

M. le président.

L'amendement no 299 corrigé est-il défendu ?

M. Michel Bouvard.

Je le défendrai en même temps que l'amendement no 512 corrigé, monsieur le président.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter les amendements nos 299 corrigé et 512 corrigé.

M. Michel Bouvard.

Un certain nombre de députés de la majorité comme de l'opposition ont été amenés à déposer des amendements qui anticipent sur la réforme de la fiscalité agricole, tant attendue par les professionnels, qui est annoncée... et qui viendra en son temps !

M. Jean-Jacques Jégou.

Au printemps prochain !

M. Michel Bouvard.

Il nous a en effet semblé que nous pouvions, sans attendre, adopter certaines mesures permettant de favoriser la pérennité des exploitations agricoles et leur transmission. Deux des problèmes qui se posent aujourd'hui dans les exploitations agricoles sont le renforcement des fonds propres et la clarification de la législation fiscale concernant, d'une part, ce que l'agriculteur ou ses partenaires apportent eux-mêmes à l'exploitation et, d'autre part, les résultats de l'entreprise.

Les amendements que je défends sont des amendements de clarification.

En l'état actuel de la réglementation, les entreprises agricoles à responsabilité limitée constituées d'un seul associé ou des membres d'une même famille relèvent de l'impôt sur le revenu. En revanche, lorsque l'EARL est composée de plusieurs associés non parents, elle est assujettie de plein droit à l'impôt sur les sociétés.

Nous vous proposons une mesure de simplification consistant à assujettir toutes les EARL, quelle que soit leur composition, à l'impôt sur le revenu. Cela nous paraît meilleur et de nature à drainer des capitaux vers les EARL, ce qui permettra à ces entreprises de disposer de fonds propres plus importants et donc de pouvoir faire face aux aléas.

Quand on pense aux entreprises agricoles, on pense en effet immédiatement aux aléas climatiques, d'où l'importance des fonds propres pour passer les caps difficiles et éviter de souscrire des emprunts parfois coûteux auprès des organismes bancaires, voire de solliciter l'Etat en cas de calamités agricoles.

M.

le président.

L'amendement no 359 est-il défendu ?

M. Germain Gengenwin.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 381 n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable, monsieur le président.

Nous avons pu constater que de nombreux amendements relatifs à la fiscalité agricole ont été présentés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2000.

M. Philippe Auberger.

Evidemment, puisque celle-ci est inadaptée !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Sans porter de jugement sur le fond, la commission des finances a estimé que ces propositions étaient prématurées. La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, dont notre collègue François Patriat était le rapporteur,...

M. Michel Bouvard.

Il a très bien travaillé !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est justement parce qu'il a bien travaillé qu'il faut plutôt suivre ses conclusions.

M. Michel Bouvard.

Cela n'empêche pas !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, disais-je, dispose dans son article 141 que le Gouvernement présentera au Parlement avant le 1er avril 2000 - c'est une date symbolique - un rapport sur les adaptations à apporter à la fiscalité des exploitants agricoles et au mode de calcul de leurs cotisations sociales.

La majorité de notre Assemblée a souhaité un travail de fond plutôt que des mesures au coup par coup.

M. Michel Vergnier.

Tout à fait !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le Premier ministre a chargé Mme Béatrice Marre, pour la fiscalité (« Ah ! » sur divers bancs) et M. Jérôme Cahuzac, pour les cotisations sociales, d'une mission sur ces sujets importants. Dès lors, il serait contraire à l'esprit de la loi d'orientation agricole elle-même, et à nos propres propositions et peu respectueux de la réflexion qui débute sous la houlette de nos deux collègues,...

M. Michel Bouvard.

Il faut respecter Mme Marre !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... d'adopter dès aujourd'hui des mesures en matière de fiscalité agricole.

D'ailleurs le nombre des amendements déposés suffit à démontrer le besoin d'une certaine mise en cohérence.

C'est pourquoi la commission des finances a rejeté l'ensemble de ces propositions.

M. Michel Vergnier.

C'est cohérent !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'avis du Gouvernement est défavorable pour les raisons de fond qui ont été rapidement énumérées par le rapporteur général.

Le Gouvernement, comme l'ensemble de l'Assemblée, attend avec sérénité, mais aussi impatience, le résultat des travaux qui vont être menés par Mme Béatrice Marre.

Sauf exception, nous devrions pouvoir parler de la fiscalité agricole à partir d'un examen parlementaire qui aura le mérite d'être exhaustif et de dégager des priorités claires.

Je demande donc le rejet de ces amendements.


page précédente page 07743page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 299 corrigé et 512 corrigé.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 359.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. de Courson, Sauvadet, Gengenwin, Dutreil et Perrut ont présenté un amendement, no 354, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. L'article 41 du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« III. 1.

En cas de transmission à titre gratuit avec ou sans soulte d'éléments d'actif immobilisé affectés à l'exercice de la profession à un ou plusieurs héritiers ou successibles possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus, les plusvalues constatées sont exonérées à hauteur de 75 % si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement de ne pas céder ces biens à titre onéreux avant l'expiration d'un délai de dix ans et s'il utilise les biens dans l'exercice de son activité professionnelle.

«

2. Lorsque le bénéficiaire de la transmission n'est pas un héritier ou un successible possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus mais a le statut de jeune agriculteur, le taux de l'exonération est ramené à 25 % dans la limite de 3 millions de francs. Un décret fixe les modalités d'application du présent alinéa.

«

3. En cas de cession à titre onéreux dans le délai de dix ans, les plus-values exonérées en vertu des paragraphes 1 et 2 sont réintégrées dans les bénéfices de l'exercice en cours. »

« II. Après le deuxième alinéa du 3 de l'article 201 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de transmission à titre gratuit avec ou sans soulte, les stocks sont évalués conformément aux dispositions du 3 de l'article 38. »

« III. Le II de l'article 151 nonies du code général des impôts est ainsi rédigé :

« II. 1.

En cas de transmission à titre gratuit avec ou sans soulte de droits sociaux considérés, en application du I, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, au profit d'un ou plusieurs héritiers ou successibles possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus, les plusvalues constatées sont exonérées à hauteur de 75 % dans la limite de 3 millions de francs si le bénéficiaire de la transmission prend l'engagement de ne pas céder ces droits à titre onéreux avant l'expiration d'un délai de dix ans et s'il exerce son activité professionnelle dans la société.

«

2. Lorsque le bénéficiaire de la transmission n'est pas un héritier ou un successible possédant un lien de parenté jusqu'au troisième degré inclus mais a le statut de jeune agriculteur, le taux de l'exonération est ramené à 25 % dans la limite de 3 millions de francs. Un décret fixe les modalités d'application du présent alinéa.

«

3. En cas de cession à titre onéreux dans le délai de dix ans, les plus-values exonérées en vertu des paragraphes 1 et 2 sont réintégrées dans les bénéfices de l'exercice en cours.

« IV. La perte de recettes pour l'Etat est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Je pourrais me contenter de la réponse de M. le secrétaire d'Etat et attendre, comme il nous y invite, les résultats des travaux confiés à

Mme Marre.

Mais c'est un refrain que nous avons souvent entendu : on charge quelqu'un d'étudier le dossier. En termes sportifs, monsieur le secrétaire d'Etat, on appelle cela...

M. Michel Bouvard.

Botter en touche !

M. Germain Gengenwin.

... botter en touche et je ne sais pas quand la balle reviendra dans notre camp !

Mme Béatrice Marre.

Je vous remercie pour l'expression, monsieur Gengenwin. Il n'est pas très agréable de se faire traiter de touche ! (Sourires.)

M. Germain Gengenwin.

Vous avez tous remarqué que le premier signataire de l'amendement no 354 est absent.

Mais, rassurez-vous, il va venir ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Jacques Jégou.

La majorité l'attend !

M. Germain Gengenwin.

Je regrette son absence car il saurait beaucoup mieux que moi vous le présenter.

L'amendement no 354 a pour objet d'exonérer les plusvalues en cas de transmissions d'entreprises dans le cadre de la famille. Cette mesure est tout à fait logique.

La profession agricole est la seule qui soit obligée de racheter à chaque génération l'outil de production.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait !

M. Germain Gengenwin.

Dans aucune autre profession, on ne peut imaginer une soulte à payer aux enfants.

Tous les exploitants agricoles ne sont pas des viticulteurs en Champagne !

M. Michel Bouvard.

Il y a aussi les éleveurs de moutons !

M. Germain Gengenwin.

Très souvent, celui qui reprend l'exploitation familiale se voit contraint de verser une montagne de droits de transmission qui l'obligent à mettre la clé sous le paillasson. C'est souvent à ce moment-là d'ailleurs que beaucoup d'exploitations, malheureusement, cessent leur activité.

Voilà pourquoi nous proposons, d'exonérer les plusvalues en cas de transmission familiale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Même raisonnement que tout à l'heure.

J'ajouterai que cet amendement comme ceux, identiques, qui seront examinés ultérieurement, sont présentés comme ayant pour objectif essentiel de faciliter la transmission des exploitations agricoles. C'est la raison pour laquelle, la commission a estimé préférable, compte tenu de la mission confiée à Mme Marre sur la fiscalité agricole, d'examiner les adaptations qui seront nécessaires à la lumière des propositions qu'elle fera, en particulier pour faciliter l'installation des jeunes agriculteurs.


page précédente page 07744page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

En outre, s'agissant des droits de mutation à titre gratuit, je présenterai un amendement, no 543, qui a été adopté à l'unanimité par la commission des finances.

M. Germain Gengenwin.

Vous reprenez l'idée à votre bénéfice !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Gengenwin a employé l'expression « botter en touche ». Je lui répondrai - puisque l'actualité nous y invite - que je suis persuadé que Mme Marre marquera un essai que le Gouvernement saura transformer.

(Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Si aucune pénalité n'a été sifflée avant !

M. le président.

Me permettez-vous d'arbitrer le débat, monsieur le secrétaire d'Etat ? (Sourires.)

M. Didier Migaud, rapporteur.

L'arbitre doit se faire discret !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le Gouvernement est hostile à votre amendement, monsieur Gengenwin, car il conduirait à une exonération définitive de la majorité des plus-values constatées à l'occasion de la transmission à titre gratuit d'entreprises exploitées directement ou par des sociétés de personnes.

M. le président.

La parole est à Mme Béatrice Marre.

Mme Béatrice Marre.

Je fais tout d'abord remarquer, en souriant, qu'il n'est pas très agréable de s'entendre qualifier de touche.

Sans reprendre ce qui a été dit par M. le rapporteur général et par M. le secrétaire d'Etat, je dirai simplement que les quelques amendements qui viennent d'être présentés montrent bien déjà la complexité du problème.

Tout au long de la discussion sur la loi d'orientation agricole, des divergences se sont fait jour. Selon certains, il faut aller vers un statut fiscal de l'entreprise agricole et, selon d'autres, il faut revenir à un statut très familial. Sur le problème des transmissions, les points de vue divergent aussi.

Je réponds donc à mes collègues de l'opposition comme de la majorité qui ont déposé des amendements que ces derniers feront partie intégrante de l'analyse que je suis chargée de faire et que j'ai déjà commencé à faire, laquelle s'articulera autour de l'axe central défini par le Premier ministre : à savoir que la première priorité est de favoriser l'installation des jeunes. Nous étudierons de très près le problème des successions, dans cette optique - qui ne correspondra peut-être pas à celle que vous souhaitez, monsieur Gengenwin - et dans celle de maintenir l'emploi et d'encourager la pluriactivité.

Telles sont les précisions que je voulais apporter à ce stade du débat.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 354.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Carrez et les membres du groupe du Rassemblement pour la République ont présenté un amendement, no 76, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 80 quinquies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont exonérées les prestations en espèces versées, dans le cadre de l'assurance maternité, aux femmes bénéficiant d'un congé de maternité. »

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement est symbolique. Il tend en effet à exonérer de l'impôt sur le revenu les indemnités de maternité.

Celles-ci y avaient été assujetties par la loi de finances de 1997, qui visait à diminuer fortement l'impôt sur le revenu et comportait tout un ensemble de dispositions favorables à la famille. Non seulement vous avez interrompu cette excellente réforme, la seule comportant une véritable baisse de la fiscalité, mais, en plus, vous multipliez depuis deux ans, les dispositions à caractère fiscal, dans votre budget, ou à caractère social, dans le budget de votre collègue Mme Aubry, antifamille.

Or, il est tout à fait anormal et injuste de fiscaliser les indemnités de maternité. En effet, l'arrivée d'un bébé dans une famille occasionne des dépenses importantes qu'il convient de prendre en compte. L'exonération de cette indemnité, par rapport à ce qu'était auparavant le revenu professionnel, permet de prendre en charge ce surcroît de dépenses auxquelles doit faire face le foyer.

En toile de fond à cet amendement, il y a le fait qu'il n'y a pas, comme vous le savez, un renouvellement suffisant des générations dans notre pays. Nous devons donc absolument favoriser la maternité.

Je souhaiterais donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, dans cet océan de mesures anti famille (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) émerge un îlot, fût-il le seul, qui montre de manière emblématique, votre attachement à la maternité.

M. Michel Bouvard Très bien !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

M. Carrez supplée Mme Boutin !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Non, c'est Robinson Crusoé !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Combien de fois faudra-t-il répéter que, si nous sommes revenus sur la réforme de l'impôt sur le revenu, qui avait été engagé en juin 1997 par la majorité précédente, avec le succès que l'on sait,...

M. Michel Bouvard.

Vous êtes injuste monsieur le rapporteur général. Elle n'a pas eu le temps de s'appliquer !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... c'est à la fois pour des raisons de fond et pour des raisons budgétaires.

Pour des raisons de fond, tout d'abord : cette réforme ne nous apparaissait pas reposer sur des principes de justice fiscale. Pour des raisons budgétaires ensuite : cette réforme n'était pas financée.

M. Philippe Auberger.

Ce n'est pas vrai !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il est quand même peu honnête de présenter des réformes dont le financement n'est pas prévu.

Vous nous accusez de prendre des dispositions antifamilles. Nous avons déjà eu un débat à ce sujet tout à l'heure. C'est totalement contraire à la vérité, et vous le savez.

D'ailleurs, à chaque fois que vous reprenez cet argument, je vous vois toujours sourire, ce qui montre bien


page précédente page 07745page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

que vous n'y croyez pas vous-même. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)

M. Gilles Carrez.

Les mesures d'encouragement pour la famille me réjouissent toujours !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je comprends que, pour des raisons politiques, vous soyez contraints der eprendre sans cesse cette antienne, mais vous ne convaincrez jamais la grande majorité de nos concitoyens qui savent bien qu'une politique doit se juger globalement.

M. Germain Gengenwin.

Les familles, elles aussi, la jugent globalement !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Depuis juin 1997, beaucoup de dispositions ont été prises en faveur de la famille.

M. Gilles Carrez et M. Michel Bouvard.

Lesquelles ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

J'en ai déjà cité quelques-unes toute à l'heure. Et, si vous le voulez, je suis tout à fait prêt à avoir avec vous un débat de fond à ce sujet mais à partir d'éléments objectifs et, surtout, de chiffres précis.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances a rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

M. Carrez a le droit de changer d'avis : la mesure dont il parle, c'est-à-dire l'imposition des indemnités de repos des femmes en congé de maternité, résulte d'une décision de la loi de finances pour 1997... qu'il a, je n'en doute pas, adoptée.

M. Gilles Carrez.

C'est ce que je vous ai expliqué moimême, monsieur le secrétaire d'Etat. Ce n'était pas le même contexte !

M. Michel Bouvard.

Cette mesure était une contrepartie des mesures prises en faveur de la famille dans la loi de finances de 1997. Si vous supprimez les secondes, il faut supprimer également la première !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Nous avons déjà longuement débattu de ce point. Les indemnités de repos versées aux femmes en congé de maternité sont des revenus de substitution. Leur caractère de revenus est clairement affirmé. Il me paraît donc légitime qu'ils soient en tant que tels imposés.

Vous dénigrez parfois la fonction publique.

(Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Gilles Carrez.

Mais non ! Je suis un fonctionnaire en détachement, monsieur le secrétaire d'Etat !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Vous êtes fonctionnaire comme moi ! Vous n'êtes donc pas sans savoir que les indemnités de repos des femmes fonctionnaires ont toujours été taxées.

Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sinon je demanderais son rejet.

M. le président.

Entendez-vous l'appel du Gouvernement, monsieur Carrez ?

M. Gilles Carrez.

Pas sur un sujet aussi emblématique !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Il reste sur son île !

M. Michel Bouvard.

Méfiez-vous des récifs, monsieur le secrétaire d'Etat. Parfois on s'y échoue !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

76. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Hollande, Bonrepaux, Migaud et Idiart ont présenté un amendement, no 524, deuxième rectification, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Il est inséré dans le code général des impôts un article 80 duodecies ainsi rédigé :

« Art. 80 duodecies 1.

Sous réserve de l'exonération prévue au 22o de l'article 81, constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de départ volontaire versées d ans le cadre d'un plan social au sens des articles L.

321-4 et 321-4-1 du code du travail des indemnités mentionnées à l'article 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.

« La fraction des indemnités de licenciement exonérée en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U.

«

2. Constitue également une rémunération imposable toute indemnité versée, à l'occasion de la cessation de leurs fonctions, aux mandataires sociaux, dirigeants et personnes visés à l'article 80 ter . Toutefois, en cas de cessation forcée des fonctions, notamment de révocation, seule la fraction des indemnités qui excède les montants définis au deuxième alinéa du 1 est imposable.

« II. A la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L.

122-14-13 du code du travail, les mots : "fiscal et" sont supprimés. »

La parole est à M. François Hollande.

M. François Hollande.

Cet amendement vise à clarifier le régime fiscal des indemnités de rupture de contrat de travail ou de mandat social.

Il a deux objectifs.

Le premier est de renforcer la sécurité juridique des salariés puisqu'il y subsiste des incertitudes dans la jurisprudence quant au régime fiscal exact applicable aux indemnités de départ ou de licenciement. D'où l'idée d'exonérer de l'impôt sur le revenu, de façon claire et définitive, les indemnités correspondant aux conventions collectives ou les indemnités de départ liées à un plan social.

En revanche, il serait bon de considérer qu'il peut y avoir prélèvement au titre de l'impôt sur le revenu lorsqu'il y a indemnité de licenciement au-delà d'un certain montant.

Le second objectif est de mettre fin à certains abus, concernant notamment les indemnités de rupture de mandat social. Nous connaissons tous des exemples.

Nous proposons donc de soumettre à l'impôt sur le revenu, au-delà d'un certain montant que nous avons fixé à la moitié de la première tranche du barème de l'ISF - soit 2,35 millions de francs - les indemnités de départ ou de rupture de mandat social.


page précédente page 07746page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Par cet amendement, nous entendons donc à la fois renforcer la sécurité des salariés et mettre fin à un certain nombre d'abus à l'occasion de ruptures de mandats sociaux qui ont scandalisé nos concitoyens.

J'ajoute, pour terminer, que cet amendement n'empêchera pas d'examiner les dispositions à prendre concernant le régime fiscal des stock options. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a adopté une version antérieure de l'amendement que vient d'exposer notre collègue François Hollande qui correspondait tout à fait au même esprit.

Je voudrais développer plusieurs points qui sont apparus essentiels aux yeux de la commission.

Actuellement, le régime fiscal des indemnités versées en cas de cessation d'activité des salariés est fixé essentiellement par la doctrine de l'administration et la jurisprudence, sur la base du principe selon lequel la fraction des indemnités de licenciement constitutive de dommages et intérêts, car tendant à réparer un préjudice distinct de la perte de revenus, bénéficie d'une exonération au titre de l'impôt sur le revenu. Les indemnités de départs volontaires sont, elles, en revanche, imposables.

Le régime fiscal des indemnités de cessation forcée d'activité ou de licenciement est donc relativement flou.

En pratique, l'administration considère que l'indemnité correspondant au maximun fixé par la convention collective de branche par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi, n'est pas ainsi imposable.

Lorsqu'une indemnité plus élevée est versée en vertu d'un accord particulier, dans le cadre d'un contrat de travail ou d'une transaction, ou encore d'une décision unilatérale de l'employeur, le surplus est imposable sauf s'il est établi qu'il répare un préjudice autre que la perte de salaire.

En pratique, peu d'indemnités sont déclarées et imposées à l'impôt sur le revenu. Il en résulte une situation peu tolérable lorsque les indemnités versées à des dirigeants de société atteignent des sommes vertigineuses, et l'on constate dans ce domaine d'importances dérives.

Certaines, en tout cas, nous viennent à l'esprit.

Une intervention du législateur est ainsi nécessaire. Le problème est cependant délicat car les mêmes règles s'appliquent aux dirigeants de sociétés assimilés à des salariés sur le plan fiscal et aux salariés de droit commun. Il a donc été décidé de procéder avec méthode.

Cet amendement a deux objectifs. Le 1 du texte proposé pour l'article 80 duodecies du code général des impôts vise à clarifier le régime des indemnités de rupture du contrat de travail, applicable à l'ensemble des salariés, sur la base des principes doctrinaux et jurisprudentiels actuels qui sont ainsi transposés dans la loi fiscale.

Il dispose ainsi que, si toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail est imposable a priori , en revanche, les indemnités conventionnelles ou prévues par la loi en cas de licenciement ou de départ assimilé sont exonérées d'impôt sur le revenu, de même que les indemnités de départ volontaire versées à l'occasion d'un plan social, ce qui clarifie les choses, et les indemnités versées en cas d'inobservation de la procédure de licenciement ou en cas d'absence de cause réelle et sérieuse.

Il prévoit également, afin d'assurer des garanties fortes au contribuable qui recevrait plus que le minimum légal ou conventionnel, que, si le versement va au-delà de l'indemnité légale ou conventionnelle, laquelle sera toujours exonérée, la somme reçue par le salarié sera toujours exonérée d'impôt sur le revenu à concurrence soit de l'équivalent de deux années de revenu brut, soit de la moitié de ce montant total reçu.

Ainsi, le surplus versé au-delà de l'indemnité légale ou de l'indemnité conventionnelle de licenciement, dans un cadre contractuel ou transactionnel, sera systématiquement exonéré d'impôt sur le revenu tant que la plus élevée de ces deux limites ne sera pas atteinte.

En pratique, comme ces planchers d'exonération sont assez larges, la totalité des salariés ne connaîtront pas, dans le cadre d'effets collatéraux qui seraient désastreux pour eux, d'aggravation de leur situation fiscale.

A l'inverse, et pour mettre fin aux dérives évoquées par François Hollande s'agissant des dirigeants de société ou de certains salariés assimilés, l'amendement prévoit que cette exonération du surplus versé au-delà des indemnités conventionnelles ou des indemnités prévues par la loi ne s'appliquera que dans la limite de la moitié de la limite d e la première tranche du tarif de l'ISF, soit 2 350 000 francs en l'état actuel de la législation.

Le point 2 précise que ces règles s'appliquent bien aux dirigeants d'entreprise soumis au régime des salariés. C'est important, car ce sont eux, en pratique, qui seront concernés par le dispositif.

L'amendement prévoit d'abord que l'ensemble des indemnités versées à l'occasion de la cessation de leurs fonctions constituent des rémunérations imposables, par principe.

Il dispose ensuite, par exception, que seule la fraction des indemnités qui n'excède pas les montants mentionnés dans le cadre du régime applicable à l'ensemble des salariés, à savoir 50 % du montant total des indemnités versées ou 200 % de la rémunération annuelle brute perçue, dans la limite de la moitié de la première tranche du tarif de l'ISF, n'est pas imposable.

Cet amendement répond donc à la fois à un souci de clarification pour la quasi-totalité des situations et à un souci de justice pour éviter que l'on profite du flou pour se livrer à des abus inadmissibles. Il a bien sûr été adopté par la commission des finances.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Mes chers collègues, nous avons été nombreux dans la discussion générale à déplorer l'aggravation des inégalités mise en lumière par un récent rapport de l'INSEE et même si, depuis 1997, la tendance s'est inversée, nous sommes également nombreux à regretter que cela n'aille pas assez vite.

Il nous faut aller plus loin et nous pouvons le faire de deux façons : en clarifiant la fiscalité, comme nous le faisons, et en réprimant les abus. Je remercie donc François Hollande d'avoir déposé cet amendement qui va permettre immédiatement de réprimer les abus et de moraliser un dispositif contre lequel tout le monde, je crois, peut s'élever.

Cet amendement a également l'avantage de clarifier la fiscalité pour l'ensemble des salariés. Certains d'entre eux sont poursuivis parce qu'ils ont bénéficié d'indemnités.


page précédente page 07747page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Cet amendement a le mérite de souligner qu'il est normal de recevoir des indemnités dans des proportions raisonnables mais qu'au-delà d'un certain niveau, ce sont des abus qu'il faut réprimer.

Il a un autre avantage, celui d'introduire un peu plus de transparence dans les indemnités qui sont versées. A partir du moment où elles seront déclarables, elles seront connues, et cela incitera peut-être à faire preuve d'une certaine modération.

Bien sûr, ce débat n'exclut pas les autres. Nous en aurons d'autres et nous trouverons à chaque fois la solution appropriée. Il faut penser à ceux qui doivent bénéficier de la redistribution, c'est-à-dire aux plus modestes.

Nous faisons des propositions concernant la taxe d'habitation. Il faut, ensemble, aller plus loin, parce que c'est pour cela qu'on nous a fait confiance, pour introduire un peu plus de justice fiscale. Cet amendement traduit notre volonté de réaliser cette justice fiscale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

C'est un amendement très important parce qu'il règle enfin une situation qui était opaque, et chacun sait que l'opacité est source d'insécurité fiscale pour la grande majorité des salariés et d'abus pour une poignée d'individus.

Comme cela a été très bien expliqué par M. Hollande et repris par le rapporteur général et le président, cet amendement a deux objets dont le premier, sur lequel je vais insister tout d'abord, est au moins aussi important que le second.

L'amendement propose d'exonérer d'impôt sur le revenu les indemnités versées dans le cadre de licenciements collectifs pour motif économique. Il s'agit là d'une v éritable avancée pour des salariés qui, chacun le comprend, ont subi un traumatisme considérable au moment d'un licenciement et qui doivent parfois faire face à des rappels d'impôts dont ils ne comprennent pas la signification. Maintenant, les choses sont claires : les indemnités versées après un licenciement collectif sont exonérées d'impôt sur le revenu.

Les règles concernant les licenciements individuels étaient floues également et l'insécurité fiscale régnait. Les conventions collectives sont la référence pour évaluer le montant des dommages et intérêts et elles ne sont pas les mêmes d'une branche à l'autre. L'amendement prévoit que le montant exonéré ne peut être inférieur ni à deux ans de salaire ni à la moitié des indemnités versées, dans la limite d'un plafond fixé à la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune, soit 2 350 000 francs en 1999.

C'est donc un effort de clarté et de solidarité à l'égard de ceux, nombreux hélas !, qui sont victimes de licenciements individuels ou collectifs.

J'en viens au second objet de l'amendement, les indemnités versées aux dirigeants d'entreprise ou aux mandataires sociaux. On ne voit pas pourquoi ces personnes seraient placées dans une situation différente de celle des salariés qui ont été licenciées lorsque leur dépar t de l'entreprise résulte d'une cessation forcée de leur fonction ou de leur révocation. Il y a une volonté de parallélisme. Par contre, il n'y a aucune raison qu'un certain nombre de situations particulièrement choquantes se pérennisent et que des sommes versées lors du départ volontaires des intéressés, dont Dominique Strauss-Kahn a dit qu'elles dépassaient parfois l'entendement, soient traitées comme des dommages et intérêts et totalement exonérées d'impôts.

Nous savons tous, je l'espère en tout cas, que l'opacité fiscale profite aux puissants. Cet amendement est un amendement de transparence et d'équité, que le Gouvernement soutient chaleureusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Monsieur le président...

M. le président.

Vous voulez la parole, monsieur Brard ? Je ne pense pas que ce soit contre l'amendement ?

M. Jean-Pierre Brard.

Je loue votre perspicacité, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président.

Vous avez la parole, pour répondre au Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard.

Le groupe des députés communistes et apparentés soutient cet amendement parce qu'il correspond aux valeurs qui fondent notre engagement.

Nous avons bien entendu ce que disait François Hollande, c'est-à-dire que cela ne clôt pas la discussion.

Ce n'est pas fromage ou dessert mais fromage et dessert, si j'ose dire ! (Sourires.)

M. Yann Galut.

Avec le café !

M. Jean-Pierre Brard.

Si les mesures prises sont indispensables, il faut les considérer comme une étape vers une remise à plat plus globale et une nouvelle conception de la fiscalité dans ce domaine qui en a besoin puisque, pour l'instant, c'est l'opacité.

On sait à quel point il est dramatique d'être licencié, mais, pour certains, dont ceux qui partent volontairement, c'est une aubaine providentielle, plus encore que de gagner à la Loterie nationale puisqu'il n'est même pas n écessaire d'acheter des tickets à gratter. (Sourires.)

L'affaire Jaffré n'est d'ailleurs pas une première. Il y eut Lagardère et quelques autres.

Il est temps de mettre un terme à de tels abus et de conjuguer politique et éthique, d'autant plus que, dans nos cités, de petits voyous s'appuient sur une sorte de concensus global qui nourrit de telles anomalies, et développent leurs turpitudes parce qu'il existe des choses scandaleuses. Quand il n'y a pas de règle sociale lisible, reposant sur l'éthique, la loi elle-même devient illégitime puisque, légalement, on peut rouler carrosse sans travailler, et la transgression devient acceptable.

A cela il faut mettre un terme. C'est une des conditions de la reconstitution du ciment social que de remettre ainsi les choses à leur place. Ainsi, la majorité plurielle se retrouve sur des valeurs essentielles qui peuvent contribuer, avec d'autres mesures qui viendront, à réhabiliter le politique, en montrant qu'on est capable de faire ce qu'on dit qu'il faut faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Auberger, pour répondre à la commission.

M. Philippe Auberger.

D'abord, monsieur le président de la commission, je ne peux pas m'associer à ce que vous avez dit sur l'évolution des inégalités. Il est vrai que l'étude de l'INSEE s'arrête en 1996, parce qu'on ne dispose pas encore de certaines statistiques, émanant notamment de l'administration des impôts, mais il est faux de dire que les inégalités se sont réduites depuis 1997. La démonstration tentée à cet égard dans le rapport économique, social et financier ne vaut rien, je le répète, et je ne suis pas le seul à l'avoir observé. D'autres dont la pensée est beaucoup plus largement diffusée que la mienne l'ont dit avant moi, avec beaucoup de solennité.


page précédente page 07748page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

Je conçois effectivement que la majorité, mais c'est également le cas, j'imagine, de la plupart des membres de l'opposition, soit choquée comme vous par le montant d'indemnités versées à l'occasion du départ d'une entreprise, et il ne viendrait à l'idée de personne de ne pas stigmatiser certains cas. De là à...

M. Jean-Pierre Brard.

Passer à l'acte !

M. Philippe Auberger.

... légiférer à chaud et dans des conditions incertaines,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est un amendement qui a été travaillé !

M. Philippe Auberger.

... c'est tout de même assez hasardeux.

Vous estimez que la seule façon de réprimer ces abus est d'utiliser l'impôt sur le revenu,...

M. Daniel Feurtet.

C'est une façon !

M. Philippe Auberger.

... mais c'est voir les choses par le petit bout de la lorgnette, car d'autres aspects très importants et préoccupants n'ont pas été pris en compte.

Le premier aspect préoccupant concerne les cotisations sociales. Il est absolument choquant que ces indemnités ne donnent pas lieu au versement de cotisations sociales puisque ce sont en fait des revenus déguisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Or ce problème n'est pas traité par cet amendement.

M. Jean-Pierre Brard et M. Dominique Baert.

Sousamendez !

M. Philippe Auberger.

Autre problème extrêmement important, ces indemnités doivent-elles être considérées comme des charges normales de l'entreprise, et donc figurer dans le compte des charges, ou s'agit-il d'une distribution ? Dans ces conditions, puisque ce sont en général des entreprises sous forme sociétaire qui en distribuent, avant de considérer leur régime en matière d'impôt sur le revenu, il faut d'abord penser à l'impôt sur les sociétés.

Le problème n'est pas réglé non plus.

La solution adoptée jusqu'à présent, qui est incertaine, je le reconnais, celle dégagée par la jurisprudence, était donc mieux à même de régler le problème que ce seul amendement, puisqu'elle le considérait dans sa globalité : charges sociales, déductibilité ou non des résultats des entreprises et impôt sur le revenu.

Le travail législatif n'est pas achevé parce que, pour satisfaire l'opinion publique et lui donner des noms en pâture, vous voulez régler le problème à chaud.

En fait, comme nous le verrons plus tard lorsque nous parlerons des stock-options, le problème que vous stigmatisez ici est ce qu'on appelle, peut-être de façon i mpropre, le gouvernement d'entreprise. Un certain nombre de personnes y ont d'ailleurs déjà réfléchi et des avancées ont été obtenues. Par exemple, les entreprises cotées doivent faire connaître la rémunération des dix personnes les mieux rémunérées dans l'entreprise, et, personnellement, cela ne me choque pas du tout.

Il faudrait également, comme l'a proposé d'ailleurs M. Vienot, publier le nom des dix personnes détenant le plus de stock-options dans l'entreprise et expliquer le mode de répartition.

M. Julien Dray.

Paroles !

M. Philippe Auberger.

C'est un élément de transparence absolument indispensable.

De même, une entreprise qui se sépare de certains salariés pour une raison x ou y doit faire connaître les indemnités qui leur ont été versées. Cela ressort du droit des sociétés et cela ne me paraît pas du tout incompatible avec le bon fonctionnement des entreprises et la transparence de notre démocratie.

M. Julien Dray.

Conclusion ? Il est pour ou il est contre ?

M. Philippe Auberger.

Cet amendement est donc nécessaire, mais pas suffisant. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Raymond Douyère.

Complétez-le !

M. Philippe Auberger.

Il faut aller plus loin dans la transparence et la clarté.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Sous-amendez !

M. Michel Bouvard.

Il faut réserver l'amendement et y travailler ensemble !

M. le président.

Sur l'amendement no 524, deuxième rectification, je suis saisi d'un sous-amendement, no 547, présenté par M. Adevah-Poeuf, ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 524, deuxième rectification, par le paragraphe suivant :

« III. Les présentes dispositions sont applicables à compter du 15 septembre 1999. »

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf. Ce sous-amendement vise à rendre ces dispositions fiscales applicables de manière rétroactive au 15 septembre 1999.

Monsieur Auberger, vos arguments sont très intéressants et, effectivement, nous légiférons dans l'urgence.

Mais cette urgence est justifiée par divers scandales qui ont eu lieu et choquent tout citoyen normalement constitué. Or les députés que nous sommes sont aussi des citoyens. La sécurité juridique et la cessation du scandale nécessitaient une disposition, à moins que l'on ne me réponde que, l'amendement s'appliquant à la loi de finances pour 2000, affirmer le principe de sa rétroactivité est inutile, auquel cas je retirerai mon sousamendement.

M. François Hollande. Cela va de soi !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce sous-amendem ent est complètement superfétatoire, l'amendement s'appliquant obligatoirement à l'ensemble des revenus de 1999. Le sous-amendement de notre collègue AdevahPoeuf irait même à l'encontre de son objectif puisqu'il ne viserait que les seuls abus constatés entre le 15 septembre et le 31 septembre et éliminerait les autres. En tout état de cause, il doit être retiré.

M. Philippe Auberger.

Bien vu ! Touché !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Philippe Auberger a suggéré des propositions d'amélioration qu'il présentera soit lors de l'examen de ce projet de loi de finances, soit lors de l'examen d'autres textes. Mais le débat sur les stock-options, que nous aurons ultérieurement, n'a strictement rien à voir avec celui concernant les indemnités de départ.

Les cotisations sociales intéressent le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si un collègue de la majorité plurielle ou de l'opposition souhaite compléter le


page précédente page 07749page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

dispositif dans le cadre de l'examen de ce texte, je suis persuadé que la commission des finances comme le Gouvernement examineront ces propositions avec une grande attention.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'amendement no 524 deuxième rectification porte bien, comme M. Migaud vient de le souligner, sur les revenus de 1999, à compter du 1er janvier. On ne peut parler de rétroactivité et il s'agit d'un amendement classique en matière d'impôt sur le revenu.

M. le président.

Monsieur Adevah-Poeuf, maintenezvous votre sous-amendement ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Non, je le retire, car j'ai été convaincu par les arguments de M. le rapporteur général et de M. le ministre d'Etat.

Je profite de l'occasion pour féliciter les hauts fonctionnaires qui siègent derrière M. le secrétaire d'Etat de ne pas courir le risque de tomber sous le coup de l'amendement de M. Hollande.

(Sourires.)

Fidèles à leur idée du service de l'Etat, ils n'ont pas utilisé leurs relations pour partir gérer, parfois bien, parfois moins bien, les grands groupes à capitaux publics, et bénéficier ainsi de conditions de départ auxquelles aucun haut fonctionnaire ne peut prétendre.

M. le président.

Le sous-amendement no 547 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no 524, deuxième rectification.

(L'amendement est adopté. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

M. Carrez a présenté un amendement, no 74, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Le quatrième alinéa du 3o de l'article 83 du code général des impôts est supprimé.

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

L'amendement no 74 propose de maintenir les déductions forfaitaires pour frais professionnels de certaines professions.

Je rappelle que le Gouvernement a arrêté la réforme de l'impôt sur le revenu, qui visait à réduire d'un quart, c'est-à-dire de 75 milliards de francs sur cinq ans, le montant de cet impôt. Dans ce cadre, il avait été décidé de supprimer progressivement la déduction forfaitaire.

Celle-ci devait passer de 30 000 francs au titre des revenus de 1998 à 20 000 francs en 1999, à 10 000 francs en 2000, et disparaître totalement en 2001.

On note par ailleurs que les recettes de l'impôt sur le revenu augmentent considérablement depuis deux ans.

Anticipant sur la réforme que vous préparez pour l'an prochain, je propose le rétablissement de la déduction forfaitaire pour frais professionnels.

M. le président.

Quel l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Je rappelle que, si nous sommes revenus sur la réforme de l'impôt sur le revenu, c'est parce qu'elle ne correspondait pas à ce que nous souhaitions et qu'elle n'était pas financée. La question a été tranchée l'année dernière et aucun élément nouveau ne justifie que l'Assemblée se déjuge.

Je propose donc à l'Assemblée de repousser cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Rejet.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

74. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Carrez a présenté un amendement, no 75, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Le VI de l'article 83 ter du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Le présent article s'applique aux sociétés nouvelles créées à compter du 1er janvier 1992.

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement a pour objet de pérenniser la déduction des intérêts d'emprunt dont bénéficient les salariés qui reprennent une entreprise dans le cadre des RES, dont le statut a été mis en place par la loi de 1984. Une loi de 1992 a instauré, mais temporairement, une déduction d'emprunt dont bénéficient les salariés qui créent une société jusqu'au 1er décembe 1996 et pour les souscriptions prises jusqu'au 31 décembre 1999. Ce régime, extrêmement intéressant, expire donc à la fin de l'année.

Il vise à aider les salariés qui empruntent pour souscrire au capital de leur entreprise afin de la reprendre. Le bilan de ce dispositif est extrêmement positif. Cette mesure est au coeur du problème du statut de l'actionnariat salarié, et on ne peut être que tenté de la rapprocher du système des stock-options.

Dans ce dernier système, la catégorie limitée des dirigeants s'attribue une part du capital de l'entreprise, en général une entreprise prospère, ce qui donne lieu à des plus-values, et nous en reparlerons tout à l'heure à propos de leur assujettissement à l'impôt.

Mais le cas visé par cet amendement est totalement d ifférent. Il s'agit d'entreprises qui, en général, connaissent des problèmes de transmission. Or si cette transmission ne s'effectue pas correctement, l'entreprise risque de disparaître et les salariés de se retrouver au chômage. Le législateur a, en 1984 comme en 1992, souhaité encourager les salariés qui sont prêts à prendre un risque personnel en empruntant, parfois en offrant des garanties sur leurs propres biens, pour procéder à cette reprise, afin de permettre à l'entreprise de se maintenir et d'assurer une transmission convenable, le législateur a permis en quelque sorte à ces salariés de sauver leur outil de travail.

L'observation des différentes RES qui ont eu lieu ces dernières années montre bien que de nombreux salariés souscrivent au capital. Il ne s'agit pas seulement de quelques dirigeants, comme pour les stock-options, souvent, c'est l'ensemble des salariés qui se mobilisent, même pour de petites sommes. Et l'on voit des salariés très modestes ne pas hésiter à emprunter pour participer au sauvetage de leur entreprise. Le bilan de ce système est donc, je le répète, extrêmement positif.

Mon amendement vise tout simplement, conformément au souci que nous avons tous d'encourager et d'élargir l'actionnariat salarié, à pérenniser le système mis en place en 1992, qui vient à expiration à la fin de l'année 1999 et a montré ses avantages, tant du point de vue de l'efficacité économique que du point de vue social.


page précédente page 07750page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a repoussé cet amendement.

M. Gilles Carrez.

C'est dommage !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Ce régime a eu en fait un succès assez limité et aucune demande de maintien ou de remise en application de ce dispositif n'a été présenté depuis 1997, année à partir de laquelle il n'a plus été possible de le mettre en oeuvre. C'est d'ailleurs sous un gouvernement précédent qu'il a été décidé de ne pas le reconduire.

J'ajoute que plusieurs dispositifs fiscaux, comme le régime de la réduction d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital des sociétés non cotées ou le régime d'intégration fiscale des groupes, ainsi que d'autres dispositifs non fiscaux, sont venus prendre le relais de cette mesure, qui est ainsi tombée en désuétude.

Enfin, une mission a été confiée à notre collègue JeanPierre Balligand et à Jean-Baptiste de Foucauld. Je leur suggère de réfléchir en ce sens.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable également.

Ce système, dont on n'a pas demandé le maintien, a été remplacé par d'autres dispositifs apparemment plus porteurs, tels le régime de l'intégration fiscale des sociétés ou la réduction d'impôt lorsqu'on souscrit au capital initial ou aux augmentations de capital des PME. C'est l'article 199 terdecies 0 A, bien connu, du code général des impôts.

Je demande le retrait de cet amendement, qui part certainement d'une bonne intention mais correspond à une situation dépassée.

M. le président.

Maintenez-vous votre amendement, monsieur Carres ?

M. Gilles Carrez.

Je suis tout à fait prêt à le retirer mais, comme la réflexion sur l'actionnariat salarié reprend aujourd'hui, je souhaiterais que cette piste soit à nouveau explorée dans le cadre du rapport qui a été confié à notre collègue Balligand.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

75. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Les amendements nos 479, 357 et 248 ne sont pas défendus.

M. Carrez a présenté un amendement, no 72, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. - Dans les I et II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, les mots : "pour la fraction affectée en application du IV de l'article L. 136-8 du code de la sécurité sociale au financement des régimes obligatoires d'assurance maladie", sont supprimés.

« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement vise à rendre la CSG totalement déductible, pour des raisons de simplification, mais surtout pour des raisons d'équité et de compréhension. Nos concitoyens ne parviennent pas à comprendre qu'ils puissent payer de l'impôt sur de l'impôt, des impôts sur des revenus qu'ils ne perçoivent pas.

Cette question devra être évoquée dans le cadre de la réflexion générale sur l'aménagement de l'impôt sur le revenu, mais je souhaite la soulever dès à présent par le biais de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Notre collègue reconnaît lui-même que ce problème doit être à nouveau examiné...

M. Gilles Carrez.

Je veux vous encourager !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... et il a fait référence au chantier qui a été ouvert sur l'ensemble des prélèvements directs.

La commission a repoussé cet amendement. Cette proposition mérite réflexion, même si le fait de rendre la CSG totalement non déductible n'a pas les mêmes conséquences en ce qui concerne la progressivité de l'impôt.

Si cette question mérite d'être approfondie, il serait totalement prématuré de le faire cette année. Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable également, mais avec d'autres arguments.

Un argument juridique d'abord. M. Carrez n'ignore pas que le Conseil constitutionnel a explicitement dit que la contribution sociale généralisée était une imposition de toute nature, et non pas une cotisation sociale ; ce premier argument me semble fort.

En second lieu, M. Carrez dit qu'il est choquant de payer l'impôt sur l'impôt. Mais les Français paient l'impôt sur le revenu sur l'impôt sur le revenu lui-même, sur la TVA, sur les taxes pétrolières et sur les impôts locaux.

La deuxième partie de son argumentation n'est donc pas véritablement fondée.

Je demande par conséquent le rejet de cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

72. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Carrez a présenté un amendement, no 78, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. La deuxième phrase du deuxième alinéa du a du 5 de l'article 158 du code général des impôtse st ainsi rédigée : "Cet abattement est fixé à 31 900 francs pour l'imposition des revenus perçus à compter du 1er janvier 1999". »

« II. Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Cet amendement vise à rétablir le plafond de l'abattement de 10 % au titre des pensions.

La remise en cause de ce plafond avait été envisagée dans le cadre d'un allégement massif de l'impôt sur le revenu. Dès lors que cette réforme est abandonnée par le Gouvernement, il est tout à fait légitime de revenir aux anciens plafonds afin de soutenir le pouvoir d'achat des retraités, dont nous savons tous qu'il s'amenuise d'année en année, ce qui cause des préoccupations croissantes aux retraités.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?


page précédente page 07751page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Chacun a en mémoire notre débat de l'année dernière. Comme vous le savez, à la suite d'une discussion approfondie avec le Gouvernement,...

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Et confiante !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... nous avons fixé le plafond à 20 000 francs.

Ce dispositif est très équilibré et la commission des finances a par conséquent rejeté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable également.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Pour une question d'ordre, monsieur le président ! J'ai peut-être mal suivi le déroulement du débat, mais, au vu de la feuille jaune, je pensais que nous allions examiner les amendements nos 479 de M. Perrut, 357 de M. de Courson et 248 de M. Nicolin, alors que nous sommes passés directement aux amendements nos 72 et 78.

M. le président.

Monsieur Gantier, vous n'étiez pas signataire de ces amendements.

M. Gilbert Gantier.

Ils n'ont pas été appelés.

M. le président.

Leurs signataires n'étaient pas présents.

M. Jean-Pierre Brard.

Voilà un président qui préside !

M. le président.

Merci, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous ne l'oublierez pas ! (Rires).

M. le président.

Je ne demande pas un satisfecit de l'Assemblée, mais simplement que nous poursuivions le débat et que nous nous prononcions sur l'amendement en discussion.

Je mets aux voix l'amendement no

78. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Baert a présenté un amendement, no 476, ainsi rédigé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

« I. Dans la première ligne du tableau du I de l'article 194 du code général des impôts, le nombre "1" est remplacé par le nombre "1,2".

« II. Les pertes de recettes sont compensées, à due concurrence, par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert.

Cet amendement pose le problème lancinant de la situation inéquitable dans laquelle notre système fiscal place les personnes seules, qu'elles soient célibataires, veuves ou divorcées, sans enfant à charge. Les contribuables concernés sont nombreux.

Quel est exactement le problème ? Je connais, monsieur le secrétaire d'Etat, votre goût des mathématiques mais, en ce domaine, deux divisé par deux, cela ne fait pas un ! (Sourires.)

En effet, une personne qui vit seule, qu'elle ait voulu ou subi cette situation, acquitte un volant de dépenses fixes proportionnellement fortes. De nombreuses étudess tatistiques sur les habitudes des consommateurs montrent très bien les économies d'échelle réalisées quand il y a partage de biens à usage collectif. Le logement est bien entendu l'exemple le plus évident, mais on peut y ajouter l'automobile et l'équipement ménager. Du fait de ces consommations fixes et incompressibles, la personne seule ressent d'autant plus la dépense supplémentaire, et donc son imposition.

L'échelle d'Oxford, bien connue des statisticiens, a traité la question. Selon cette échelle, si un adulte seul consomme une unité, un couple sans enfant consomme 1,7 unité. Les enquêtes les plus récentes de l'INSEE confirment ces chiffres.

La réalité est qu'avec un nombre de parts égal à un, la personne seule a souvent le sentiment d'être surtaxée, ce qu'elle est de fait, comme le prouvent vos études internes.

Pour la personne seule qui acquitte l'impôt sur le revenu, ce dernier peut devenir rapidement confiscatoire.

Poser le problème, c'est contribuer à le résoudre, au moins en perspective. Je propose ainsi de porter la part de la personne seule de 1 à 1,2. Je reconnais cependant que, d'un premier geste, on aurait pu placer le curseur à 1,1.

Une idée fondamentale sous-tend mon amendement.

Avec un nombre de parts de 1,2 pour une personne seule, et de 2 pour un couple, on serait, s'agissant du nombre de parts fiscales, dans le même rapport de consommation que celui de 1 à 1,7 entre la personne seule et le couple sans enfant. On mettrait ainsi en rapport les conditions de vie de nos concitoyens avec leurs capacités fiscales.

En un mot, l'amendement tend à fiscaliser vrai pour fiscaliser juste.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Il est vrai que les mathématiques modernes permettent des démonstrations c omme celle à laquelle a procédé notre collègue Dominique Baert.

(Sourires.)

Le sujet est effectivement sensible et mérite réflexion.

L'échelle d'Oxford, comme la dernière échelle d'équivalence de l'INSEE, montre que le quotient familial ne reflète pas toujours exactement la réalité du budget des ménages. Cela dit, il faut se montrer prudent en la matière car il ne faudrait pas que ce type de proposition puisse interpeller l'opinion en lui envoyant un message qui pourrait être mal compris sur le régime fiscal des couples mariés, sur celui des personnes ayant conclu un PACS...

Mme Nicole Bricq.

Après ça, on nous dira que nous n'aimons pas les familles !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

... ou encore sur celui des célibataires ayant un enfant à charge, qui, avec deux parts, bénéficient d'un régime qui ne leur est pas défavorable.

La commission des finances a, avec votre rapporteur général, considéré que la question soulevée par Dominique Baert méritait réflexion et que, dans le cadre du chantier ouvert sur l'impôt sur le revenu, la situation des célibataires pourrait être examinée avec attention.

Mme Nicole Bricq.

Comme celle des divorcés !

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais en l'état actuel de la réflexion, la commission a souhaité que l'amendement soit repoussé.

M. Jean-Louis Dumont.

C'est bien dommage !


page précédente page 07752page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'interprète l'amendement déposé par M. Baert comme un amendement d'appel...

M. Jean-Jacques Jégou.

D'appel au secours !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

... à la réflexion.

M. Baert a avancé un certain nombre d'arguments scientifiques, comme cela est normal de sa part, pour prouver que la consommation d'un célibataire n'est pas la moitié de la consommation d'un couple marié car il y a des frais fixes, notamment de logement.

La réflexion qu'il a développée sur la situation fiscale des célibataires pourrait fort bien s'inscrire dans la réflexion d'ensemble, que nous allons mener collectivement au cours des mois à venir, sur tous les impôts directs.

J'ai pris note de l'intérêt de l'amendement et des arguments de son auteur.

Ayant été entendu par le Gouvernement et par l'Assemblée, M. Baert pourrait, me semble-t-il, retirer son amendement.

M. le président.

A son tour, le Gouvernement vous lance un appel, monsieur Baert...

Mme Nicole Bricq.

Ils n'aiment pas les célibataires, à Bercy !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je demande la parole !

M. Dominique Baert.

Je laisse la parole à M. Jégou, monsieur le président.

M. le président.

J'apprécie votre courtoisie, mon cher collègue.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Personnellement, j'ai toujours été fâché avec les mathématiques modernes. (Sourires.)

Bien que M. Baert soit parti d'une affirmation qui pouvait être peu compréhensible, je soutiendrai son amendement.

Je suis un élu d'Ile-de-France, maire depuis près de dix-huit ans. Je sais que, pour des célibataires, qu'ils soient hommes ou femmes, vivre dans cette région - c'est peut-être aussi le cas ailleurs, mais je parle de ce que je connais -, même avec un salaire relativement élevé n'est pas sans difficultés.

Je souhaiterais d'ailleurs qu'on ne plaisante pas trop sur le sujet car, à l'occasion du dernier recensement, nous devrions constater que, principalement dans la région Ilede-France, mais pas seulement, les gens vivent seuls, qu'il est très difficile pour eux de contracter un emprunt ou simplement de vivre normalement au quotidien, même lorsqu'ils touchent un salaire de cadre moyen.

L'amendement de M. Baert ne me paraît pas seulement être un amendement d'appel : la représentation nationale est capable de prendre une décision, monsieur le secrétaire d'Etat ! Que l'on me permettre de revenir sur mon discours d'hier concernant mes états d'âme et ma réaction face au manque de travail de la commission des finances. Je pense qu'il y a là un problème. Depuis ce matin, je bois à cet égard du petit lait, comme on dit, car on apporte de l'eau à mon moulin. Mme Marre est très sollicitée dès que nous parlons des choses agricoles, M. Besson... l'est quant à lui dès qu'il s'agit de l'entreprise,...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

A la demande de l'Assemblée !

M. Jean-Jacques Jégou.

... et qui sais-je encore ? Il en est de même de mon excellent collègue et ami Jean-Pierre Balligand et de M. de Foucauld. Très bien ! Mais nous sommes en train de discuter le projet de loi de finances pour 2000 et nous sommes en mesure de prendre des mesures, surtout si vos services, dont les représentants sont nombreux derrière vous, monsieur le secrétaire d'Etat, sont capables de nous préciser le coût réel de la mesure et donc de nous dire si nous pouvons ou non, dans la situation économique que nous connaissons, adopter l'amendement.

La majorité plurielle a déjà fait évoluer l'équilibre financier de telle façon que nous pourrions, j'en suis sûr, le voter.

M. le président.

Pour répondre à ces appels conjugués, mais visiblement non concertés, sera-ce M. Baert qui retirera son amendement ou le Gouvernement qui donnera satisfaction à M. Jégou ? La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert.

Répondant à M. le secrétaire d'Etat, je ferai observer que, lorsqu'on reçoit un appel, on peut décrocher le combiné : on n'est pas obligé de laisser sonner le téléphone. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

M. le secrétaire d'Etat est un homme de communication !

M. le président.

Evitez les interférences, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. Dominique Baert.

C'était une interférence téléphonique, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)

Cela dit, mon amendement est un amendement de réalité, et pour toute la France, cher collègue Jégou. Je comprends votre préoccupation pour ce qui touche à la région parisienne, mais la réalité dont je parle nous est à tous connue dans nos régions respectives.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez parlé que des célibataires. Mais l'amendement vise aussi les personnes seules, veuves ou divorcées, qu'elles aient voulu ou subi cette situation. On ne doit donc pas limiter sa portée à une seule catégorie.

Il s'agit là d'un problème lourd, qui concerne les conditions de vie de beaucoup de personnes, dans la réalité de tous les jours.

J'ai bien entendu votre appel, comme les remarques de M. le rapporteur général.

Vous avez affirmé que le Gouvernement ferait de l'impôt sur le revenu son chantier dans le cadre de la loi de finances pour 2001. La majorité plurielle le souhaite également. Dans ces conditions, je reçois votre message comme j'ai reçu celui de M. le rapporteur général, et je suis disposé à retirer l'amendement.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je le reprends !

M. Dominique Baert.

Mais je voudrais que l'on prenne en considération la réalité de la vie quotidienne de toutes les personnes concernées afin que le problème puisse être traité en temps utile, là où c'est nécessaire et, je le souhaite, dès 2001.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Béatrice Marre et Mme Nicole Bricq.

Très bien !

M. le président.

L'amendement no 476, retiré, a été repris par M. Jégou.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je suis moi aussi très intéressé par l'amendement de M. Baert.


page précédente page 07753

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1999

On a beaucoup parlé des riches, des gens qui ont trop d'argent. Mais dans ma permanence, je reçois des gens qui sont isolés, qui ne sont pas chômeurs et qui ont un tout petit salaire...

M. Jean-Pierre Brard.

Des archiduchesses privées d'archiducs, sans doute !

M. Gilbert Gantier.

Ils m'ont montré leur feuille d'impôt et j'ai été très étonné de voir ce qu'ils devaient pa yer, alors qu'à Paris les loyers sont élevés et la vie est chère.

Comme M. Jégou, je trouve que l'amendement qu'a défendu M. Baert est de bon sens. Pour ma part, je le soutiens.

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

J'ai considéré, et M. Baert a bien voulu le comprendre, que l'amendement no 476 était un amendement d'appel. Mais puisque cet amendement a été repris par M. Jégou, j'avancerai deux arguments de fond qui m'obligeront à demander son rejet.

Premier argument : le coût de la mesure, que je ne peux chiffrer de façon précise, dépasserait les 30 milliards de francs.

M. Gilbert Gantier.

Oh !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Avant le déjeuner, cet amendement apparaît comme relativement coûteux...

M. Jean-Jacques Jégou.

Vous dites cela pour nous couper l'appétit ! Ce n'est pas sérieux !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Second argument : si la disposition, qui procède d'une intention généreuse, était adoptée deux concubins auraient 1,2 part plus 1,2 part, soit 2,4 parts, c'est-à-dire nettement plus qu'un couple marié. Je vous invite, monsieur Jégou, à en débattre avec M. de Courson.

Il faut réfléchir et prendre le temps de la réflexion. Je demande en conséquence à l'Assemblée de rejeter l'amendement, qui procède d'une excellente intention mais qui mérite une analyse collective. En l'état actuel des choses, il me semble improvisé.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, que j'invite à être bref.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je serai très bref, monsieur le président.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne faut pas nous prendre pour des idiots ! J'ignore quel serait le coût exact d'une telle disposition, mais il ne serait certainement pas de 30 milliards !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Je vous démontrerai le contraire !

M. Jean-Jacques Jégou.

On reconnaît bien là les méthodes de Bercy ! J'en suis à ma quatorzième loi de finances et j'observe que lorsque le Gouvernement, quel qu'il soit, n'a pas envie d'accepter un amendement, il affirme qu'il coûtera trop cher.

Que l'amendement que j'ai repris soit adopté ou non, je vous demanderai d'en donner à la représentation nationale le coût exact.

Quant aux 1,2 part plus 1,2 part qui font 2,4 parts, je veux bien. Mais en vous écoutant, je me disais que j'étais décidément fâché avec les mathématiques, qu'elles soient anciennes ou modernes. En tout cas, vous pourriez accepter, lors de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances, l'amendement que je présente depuis plus de trois ans et qui concerne les concubins. Les célibataires qui vivent ensemble pourront alors être parfaitement débusqués...

Mme Nicole Bricq.

Ils pourront se « pacser » !

M. Jean-Jacques Jégou.

... par les services des finances.

Que vous vouliez nous couper l'appétit, soit ! Mais pas avec de tels arguments, à presque treize heures cinq ! L'amendement no 476 pourrait être voté en l'état et vous pourriez, lors de la prochaine lecture, nous faire état d'un calcul beaucoup plus sérieux qu'une déclaration à l'emporte-pièce !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 476.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Discussion de l'article 35 du projet de loi de finances pour 2000 (évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'Etat au titre de la participation de la France au budget des Communautés européennes) : M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 2 au rapport no 1861) ; Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (avis no 1863, tome I) ; Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT