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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

1. Loi de finances pour 2000 (première partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 7889).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 7889)

Article 10 (p. 7889)

MM. Maurice Adevah-Poeuf, Jean-Jacques Jégou, Georges Sarre, Christian Cuvilliez, Mme Nicole Bricq, MM. Gilb ert Gantier, Raymond Douyère, Jean-Pierre Brard, Daniel Feurtet.

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Suspension et reprise de la séance (p. 7896)

Rappel au règlement (p. 7896)

M. Michel Bouvard, Mme la présidente.

Reprise de la discussion (p. 7896)

Amendement de suppression no 436 de M. Cuvilliez : MM. Christian Cuvilliez, Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre.

- Rejet.

Amendements identiques nos 40 de la commission des finances et 333 de M. Cochet : MM. le rapporteur général, Yves Cochet, le ministre, Jean-Jacques Jégou, Philippe Auberger. - Adoption.

Amendement no 230 de M. d'Aubert : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 10 modifié.

Après l'article 10 (p. 7900)

Amendement no 398 de M. Bouvard : MM. Michel Bouvard, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 145 de M. d'Aubert et 283 de M. Jégou : MM. Gilbert Gantier, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre, Michel Bouvard. - Rejets.

Amendement no 232 de M. Jégou : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 146 de M. Gantier et 349 de M. Dutreil : MM. Gilbert Gantier, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejets.

Amendement no 149 de M. Gantier : MM. Gilbert Gantier, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 282 de M. Jégou : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 285 de M. Méhaignerie : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 286 de M. Méhaignerie : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 280 de M. Barrot : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendement no 281 de M. Barrot : MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 144 de M. d'Aubert, 278 et 279 de M. Jégou et 216 de M. Gengenwin : MM. Gilbert Gant ier, Jean-Jacques Jégou, le rapporteur général, le ministre. - Rejets.

Amendement no 110 de M. Auberger : MM. Philippe Auberger, le rapporteur général, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 231 et 211 de M. d'Aubert (précédemment réservés) , 334, deuxième rectification, de M. Cochet, 41 de la commission et 91 corrigé de M. Sarre : MM. Gilbert Gantier, Yves Cochet, Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances ; Claude Hoarau, le rapporteur général, le ministre, Philippe Auberger, Julien Dray, Jean-Jacques Jégou, Gilles Carrez, Michel Bouvard, Maurice Adevah-Poeuf, Christian Cuvilliez. - Retrait de l'amendement no

41. MM. Christian Cuvilliez, Gilbert Gantier. - Retrait des amendements nos 231 et 211.

M. Yves Cochet. - Retrait de l'amendement no 334, deuxième rectification.

M. Claude Hoarau. - Retrait de l'amendement no 91 corrigé.

Amendement no 41 repris par MM. Cuvilliez, Cochet et Claude Hoarau. - Rejet.

A mendement no 210 de M. d'Aubert (précédemment réservé) : M. Gilbert Gantier. - Retrait.

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

Amendement no 461 de M. Claude Hoarau : MM. Claude Hoarau, le rapporteur général, Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. - Retrait.

Amendements nos 308 et 309 de M. Jégou : MM. JeanJacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejets.

Amendement no 469 rectifié de M. Jégou : MM. JeanJacques Jégou, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. Rejet.

Amendement no 384 de M. Besson : MM. Eric Besson, le rapporteur général, le secrétaire d'Etat. - Retrait.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 7922).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

PREMIÈRE PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente.

Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles de la première partie et s'est arrêtée à l'article 10.

Article 10

Mme la présidente.

« Art. 10. - I. - Au premier alinéa du 1 de l'article 92 B decies du code général des impôts et au II de l'article 160 du même code, les mots : "réalisée du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999" sont supprimés.

« II. L'article 163 bis G du code général des impôts est ainsi modifié :

« Au 1 du II, les mots : "exercer une activité autre que celles mentionnées au deuxième alinéa du 2 du I de l'article 44 sexies et" sont supprimés.

« B. Le V est supprimé. »

« III. A. Il est inséré, au code général des impôts, un article 810 bis ainsi rédigé :

« Art. 810 bis. - Les apports réalisés lors de la constitution de sociétés sont exonérés des droits fixes de 1 500 francs prévus au I bis de l'article 809 et à l'article 810. »

« B. Au dernier alinéa du III de l'article 810 du code général des impôts, les mots : "ou ont supporté le droit fixe prévu au troisième alinéa" sont remplacés par les mots : "ou qui ont supporté le droit fixe prévu au troisième alinéa ou en ont été exonérés en application de l'article 810 bis. »

« IV. Les dispositions du II s'appliquent à compter du 1er janvier 2000. »

Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le secrétaire d'Etat au budget, l'article 10 porte, entre autres mais principalement, sur les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise, que l'on me permettra, pour la facilité du propos, d'appeler désormais « les bons ».

Cet article, dans sa configuration actuelle, suscite de ma part plusieurs interrogations dont je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, qui touchent tout à la fois à la nature même de ces bons et aux dispositions que vous préconisez pour en étendre les effets en termes de durée - que vous proposez de rendre pérenne - comme en termes de champ d'application. Je m'efforcerai de les mettre en perspective avec plusieurs autres mesures de nature fiscale, que je n'ose qualifier de disparates, certaines étant issues de lois de finances, d'autres apparues, un peu tard à mon goût, dans la loi du 12 juillet 1999 relative à l'innovation et à la recherche.

Cette mise en perspective suscite, de ma part en tout cas, une vive préoccupation. Je n'irai pas jusqu'à parler d'inquiétude, car je ne doute pas que vous saurez me rassurer ; quoi qu'il en soit, la question mérite d'être soulevée.

P our commencer, quelques rappels simples. Ces fameux bons, créés par la loi de finances pour 1998, répondaient à une nécessité en permettant à de petites entreprises en création, dites valeurs de croissance, montées par des gens intelligents, actifs, dynamiques, mais dépourvus de capitaux, de recruter des cadres ou de se payer eux-mêmes par le biais d'un différé, en l'occurrence lesdits BSPCE.

La nature juridique de ces bons n'est pas fondamentalement différente de celle des stock-options qui alimentent la chronique depuis quelques semaines, à partir d'un cas que je ne citerai pas. Nous ne sommes pas là pour instruire des procès ; il existe d'autres enceintes pour cela.

Un député du groupe du Rassemblement pour la République.

Et les cas ne manquent pas !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Nous n'en manquons pas, je vous l'accorde. Néanmoins, ce n'est pas parce qu'un individu se trouve subitement placé sous les feux de l'actualité que cela le distingue ; le problème des stockoptions est assez général.

Deux mots d'abord sur les stock-options pour recadrer la discussion. Il s'agit, tout comme les bons, de rémunérations différées, à cette différence près que personne ne sait ce qu'elles rémunèrent. Chez nous, la pratique est simple : on rémunère un travail, une prise de risque, un capital, bref, toutes choses de ce genre. Mais avec les stock-options, on ne rémunère rien du tout, ni prise de risque ni travail temporaire. C'est donc de l'argent facilement gagné - à terme certes. Mais financé par qui ? Premièrement, par le contribuable : le régime fiscal est tout d e même assez avantageux. Secondement, par les


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actionnaires, puisque le régime des stock-options aboutit, de facto, à diluer et le capital et les dividendes, pour une contrepartie qui reste mystérieuse.

La première chose que nous avons à faire, c'est d'éviter que ces fameux bons ne dérivent et se transforment purement et simplement en stock-options. Or la feuille de papier qui les sépare est très mince et plusieurs dispositions découlant soit de l'actuelle rédaction de votre article 10, soit de l'article 4 de la loi du 12 juillet 1999, suscitent à cet égard de grandes inquiétudes.

En premier lieu, vous proposez dans votre article de rendre ces bons pérennes, alors que, jusqu'à présent, le dispositif restait limité au 31 décembre 2001.

En second lieu, vous ouvrez totalement le champ des entreprises innovantes en allant jusqu'à y inclure les établissements financiers, bancaires, d'assurance ou immobiliers. Or, pour ne prendre que l'exemple des établissements financiers, l'innovation qui consiste à spéculer sur des produits dérivés ne me paraît pas requérir les efforts des contribuables pour gagner - ou perdre - facilement de l'argent.

La loi du 12 juillet 1999 a totalement modifié le régime des bons et en a de surcroît largement ouvert les conditions en acceptant notamment que les sociétés cotées sur le nouveau marché émettent des bons ou en ramenant de 75 à 25 % la part obligatoirement détenue, directement ou indirectement, par des personnes physiques. Plus grave encore, elle a bouleversé le droit des sociétés en élargissant totalement le champ de création des sociétés par actions simplifiées, sociétés bizarres appa rues dans une loi de 1994. Je n'en méconnais certes pas la nécessité : la SAS peut apporter certaines souplesses à des groupes importants lors de regroupements ou de filialisations. C'était du reste l'esprit de la loi de 1994, mais celle-ci avait assorti leur création de conditions d'encadrement très strictes.

M. Michel Bouvard.

Merci de le rappeler !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

La loi de 1999 est venue balayer toutes ces précautions...

M. Michel Bouvard.

Est-ce à dire que celle de 1994 n'était pas si mal ?

M. Maurice Adevah-Poeuf.

... et plus aucune condition n'est désormais exigée.

Or je voudrais appeler l'attention de l'ensemble de l'Assemblée sur le fait que les sociétés par actions simplifiées sont des sociétés tout à fait originales en droit commercial français, dans la mesure où elles ne reposent que sur la notion de contrat. La loi de 1996 ne leur est donc applicable dans l'ensemble de ses règles que pour autant que les associés ou les actionnaires y consentent.

La seule obligation pour une SAS est d'avoir un président et un commissaire aux comptes. Il n'est même pas besoin de conseil d'administration.

Mme la présidente.

Monsieur Adevah-Poeuf, votre temps de parole est expiré.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je vous prie de bien vouloir me laisser conclure, madame la présidente.

Mme la présidente.

Rapidement !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Monsieur le ministre, il me paraît tout à fait souhaitable que, pour commencer, l'Assemblée vote l'amendement à l'article 10, qui ramène à sa dimension d'origine le champ d'application des bons.

Je vous demande ensuite, pour ce qui concerne les stockoptions - un sujet sur lequel nous aurons l'occasion de revenir -, de faire appliquer l'article 174-20 du code des sociétés. Celui-ci oblige à l'information annuelle de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires sur le nombre, le prix et les bénéficiaires des options souscrites.

Je voudrais savoir enfin si tout cela est le fait du hasard et si vous avez l'intention, dans le cadre d'une loi spécifique ou d'un DDOEF, de remettre à plat l'ensemble de notre droit des sociétés. Faute de quoi, nous serions un certain nombre dans cette assemblée - une majorité, je le pense - à ne pas souscrire à une évolution qui pourrait conduire à multiplier des activités lucratives plus opaques et scandaleuses encore, que l'actuel régime des stockoptions.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Contrairement à notre collègue Adevah-Poeuf, je ne ferai pas dire à cet article 10 plus qu'il n'en dit et j'entends en rester à son strict objet.

Permettez-moi d'abord, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'intéresser à la première ligne de l'exposé des motifs : « Afin de favoriser la création d'entreprises... » En fait, quel est le problème de ce pays

? C'est de manquer de culture d'entreprise et d'entrepreneurs, c'est d'avoir donné le sentiment, sous tous les gouvernements depuis la Libération, que tous les créateurs d'entreprise étaient des forbans et des fraudeurs.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Mais non !

M. Jean-Jacques Jégou.

J'avais cru comprendre, mon cher collègue, qu'une grande majorité des membres du groupe socialiste avait conscience, et je l'ai encore entendu hier soir de la façon la plus claire,...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Et ce matin !

M. Jean-Jacques Jégou.

... que l'entreprise est un lieu de création de richesses. Ne prenez pas cette mine contrite sitôt que je parle des chefs d'entreprise...

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Mais pas du tout !

M. Jean-Jacques Jégou.

... considérés comme des fraudeurs et des bandits, et ce, reconnaissons-le clairement, sous tous les gouvernements.

Messieurs les ministres, ne nous détournons pas de l'objet même de cette loi de finances en passant à côté, prenant prétexte de quelques cas que vous avez d'ores et déjà politiquement réglés, des indispensables aménagements auxquels nous devons procéder tous ensemble et non les uns contre les autres, afin que notre pays, dans le contexte d'internationalisation qui nous entoure, ait plus d'entreprises et que ces lieux de richesse puissent profiter à l'ensemble de nos concitoyens.

M. Yann Galut.

Encore faudrait-il qu'elle soit partagée, votre richesse !

M. Jean-Jacques Jégou.

Mon cher collègue, voilà justement un sujet dont nous nous occupons beaucoup dans cette loi de finances et qui donne lieu à des discussions tout à fait intéressantes.

Messieurs les ministres, je sais que la politique de notre pays se fait désormais à travers les médias. Très souvent, nous l'apprenons plus dans les journaux que durant les heures que nous passons ici. Je sais que l'article 10 donne lieu à force batailles. Les communistes n'en veulent pas et bon nombre de députés de la majorité socialiste souhaitent l'aménager. Je crois que votre article 10 est en danger. Or, il ne me semble pas que vous l'ayez rédigé dans le seul but de faire bien. Je le tiens comme le signe


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de la volonté du Gouvernement d'inciter notre pays à se tourner davantage vers les créateurs d'entreprises. Pour ce faire, nous devons pour le moins nous mettre dans une situation au minimum égale à celle de nos partenaires de l'Union européenne d'abord, mais également d'un monde anglo-saxon qui n'est pas le nôtre, j'en conviens, mais dont nous devons tenir compte pour nous battre à armes égales.

Dans toute cette discussion, messieurs les ministres, nous serons aux côtés du Gouvernement lorsqu'il poursuivra sa politique de développement de nos entreprises et de leur attractivité, particulièrement chez les PME les plus innovantes. Je regrette que M. Allègre ait parfois tenu des propos quelque peu hâtifs...

M. Christian Cuvilliez.

Imprudents ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.

Non, hâtifs seulement ! ... pour qualifier les entreprises innovantes et s'y intéresser, en employant le mot de start-up et autres termes anglo-saxons...

M. Christian Cuvilliez.

Et les business angels, les anges des affaires !

M. Jean-Jacques Jégou.

On trouve aussi dans le tissu français des entreprises qui, sans pour autant avoir droit à la qualification d'innovantes ou de start-up , n'en créent pas moins des emplois. Après tout, mes chers collègues de la majorité plurielle, qu'est-ce qui vous intéresse ? Que ce pays soit plus créateur d'emplois,...

M. Yves Cochet.

Absolument !

M. Jean-Jacques Jégou.

... qu'il y ait moins de demandeurs d'emplois, que nous puissions donner du travail à tous nos concitoyens. C'est généralement la première des fiertés.

M. Yves Cochet.

Et des richesses !

M. Jean-Jacques Jégou.

Et des richesses. C'est pourquoi nous soutiendrons tout ce qui sera fait dans ce sens par le biais de l'article 10. Le groupe UDF a pris soin de déposer un amendement après l'article 10 au cas où il arriverait à celui-ci des choses désagréables.

Monsieur le secrétaire d'Etat, notre groupe est tout à fait disposé à travailler ensemble, comme nous l'avons fait ce matin, pour aider à accroître le nombre de nos entreprises tout comme leurs chances de réussite.

Mme la présidente.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Madame la présidente, messieurs les ministres, le projet du Gouvernement d'étendre le régime des BSPCE à l'occasion de la loi de finances pour 2000 m'incite à évoquer la question plus spéciale de ces mécanismes spéciaux de rémunération que l'on appelle les stock-options. Les BSCPE sont régis par le même principe que les stock-options, mais ne concernent qu'un certain type d'activité.

Il serait dommage de ne pouvoir se saisir de cette occasion pour mettre à plat, dès maintenant, un système dont certains faits récents ont illustré le caractère abusif. Tout dans le système de rémunération est dérogatoire : son fonctionnement général, les critères d'attribution des titres, la taxation des plus-values. Nulle part ne subsiste le droit commun.

En face de l'exigence de justice sociale, grande aspiration de nos concitoyens, confrontés aux menaces de la mondialisation sauvage et à ses conséquences, il est temps de mettre un terme à l'opacité des pratiques et à l'injustice des principes.

C'est pourquoi, avec mes collègues députés du Mouvement des citoyens, je propose un article additionnel destiné à compléter utilement les dispositions contenues dans l'article 10 et qui limite son champ aux BSPCE.

Il faut d'urgence remettre à plat le système des stockoptions car de toute évidence il accumule les tares.

Son premier défaut majeur réside dans l'étroitesse de la p opulation concernée : quelques centaines de hauts cadres, la plupart du temps dans des groupes employant jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de salariés. Il n'est pas normal que, dans notre pays, comme l'indiquait dans u ne enquête récente le magazine L'Expansion , 28 000 cadres supérieurs des principales sociétés cotées puissent empocher en toute légalité quelque 45 milliards de plus-values potentielles grâce aux stock-options. Rien ne justifie de tels privilièges quand partout menacent la précarité, le chômage, l'exclusion.

Deuxièmement, les critères et le mode d'attribution : c'est un comité des rémunérations, sous-ensemble du conseil d'administration, qui distribue les options. Dans ce mécanisme, il n'y a que l'opacité qui fasse des progrès.

Troisième vice de constitution, la taxation. Celle-ci, aux termes du code général des impôts, est essentiellement dérogatoire puisque le bénéficiaire a le choix entre l'imposition sur le revenu et une imposition à un taux de 40 % actuellement, y compris les prélèvements sociaux, au moment de la levée de l'option, de ce qu'on appelle la p lus-value d'acquisition. Naturellement, le choix du détenteur est vite fait.

Alourdir cette taxation va dans la bonne direction mais c'est laisser subsister un système qui marche sur la tête.

C'est le fonctionnement même des stock-options qu'il faut réformer pour le rendre plus juste, car il ne faut pas oublier que le système est en lui-même dérogatoire. Se voir attribuer le droit de recevoir un actif, dont la valeur a parfois quadruplé par rapport à un prix fixé à l'avance, ce n'est rien d'autre qu'obtenir un sursalaire.

C'est pourquoi je défendrai un amendement dont l'objectif est de remettre le système à l'endroit en soumettant les plus-values d'acquisition à l'IRPP et le bénéfice de l'imposition dérogatoire à un certain nombre de conditions.

Il s'agit tout simplement, pour les députés du Mouvement des citoyens, d'en finir avec la dérogation à la dérogation. (Applaudissement sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. Yanne Galut.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Avec cette question des stockoptions, nous n'abordons pas un débat à caractère budgétaire et fiscal mais un problème de civilisation, qui concerne le type de société que nous voulons au siècle prochain. La manifestation du 16 octobre dernier a révélé des attentes, des témoignages, des espérances, des contradictions. Il faut savoir si le spectre de la société duale, comportant d'un côté, ce qu'on appelle en Amérique les

« winners » et, de l'autre, les « losers »...

Mme Nicole Bricq.

Bref, les gagnants et les perdants !

M. Christian Cuvilliez.

... avec toutes les catégories intermédiaires, va se préciser et envelopper de son ombre portée les négociations de l'OMC à Seattle, le mois prochain, et celles du Millenary Round.

Un choix de société pèse évidemment sur la politique d'un gouvernement de gauche, non pas comme un couvercle qui l'enfermerait dans des décisions contraires à ses


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valeurs fondatrices, mais comme une offre d'alternative, comme la recherche d'espaces pour un développement nouveau et interactif entre l'économie et le social. Nous l'avons montré ce matin. Certains signes étonnent l'opposition ; ce sont des signes de progrès et de réconciliation entre les deux camps.

Mais nous sommes ici face à un problème crucial. Il faut mettre en balance, d'une part, le débat que nous avons sur la réduction du temps de travail, celui que nous engageons sur le financement de la sécurité sociale, tout ce qui recouvre le champ d'une conception du travail, de la protection des travailleurs, de la valeur intrinsèque du travail, à laquelle les communistes sont très attachés, et, d'autre part, ce développement surréaliste des nouveaux conquérants de la fortune, des aventuriers modernes, des conquistadores, des condottieri, de ces modèles de réussite par l'argent, qui n'ont rien à voir, ni de près ni de loin, avec la qualité d'un projet d'entreprise, d'un sujet de recherche fondamentale ou appliqué, d'une réflexion sur le devenir de l'humanité dans le prochain siècle et le prochain millénaire.

Dans ce contexte, la question des stock-options est un révélateur. Elle nous pose un problème déontologique, mais aussi un problème de civilisation. Comment la grande masse des habitants de notre pays, pour ne nous en tenir qu'à eux, et comment nos électeurs, qui se recrutent dans les mouvements d'inspiration progressiste ou dans les mouvements de revendication sociale, pourraient-ils se reconnaître dans un projet comme celui des stock-options ? Comment pourraient-ils admettre que l'on confisque à la valeur ajoutée supposée des entreprises des masses de dividendes pour les réserver à une poignée de dirigeants décideurs autocrates s'arrogeant des privilèges exorbitants, sinon au regard du droit commun, du moins au regard de l'usage commun ? Je rappelle les chiffres cités par la revue dont M. Sarre vient de faire état, L'Expansion : 1 % des salariés de toutes les sociétés du CAC bénéficient d'un plan de stockoptions . On avait recensé 337 plans de stock-options à la f in de l'année dernière ; ils portaient sur 164 218 393 options attribuées à 28 013 bénéficiaires, pour - Georges Sarre le disait - 45 milliards de plusvalues potentielles. Les cas Jaffré et Lévy-Lang qui font l'objet d'une agitation médiatique, plus parisienne que française, sont les arbres qui cachent la forêt.

La question est bel et bien : faut-il confier le pilotage de l'économie à des patrons, propriétaires ou dirigeants d'entreprise, qui agiraient sur la seule motivation non plus seulement du profit des entreprises mais de leur profit personnel ? Ou bien faut-il placer les perspectives de développement dans une perspective large d'appréciation des besoins des Français et de l'humanité, avec mobilisation des moyens technologiques et financiers ? Comment le travail, le mérite, la créativité vont-ils être évalués et normalement rémunérés, au moment où nous définissons ensemble, avec la loi sur les 35 heures, des éléments qui définissent ce que le travail coûte, ce que le travail vaut, ce que le travail mérite - ce qui nous a valu bien des commentaires mesquins sur les bancs d'en face ? Comment peut-il exister déjà des formes de rétribution arbitraires, exorbitantes, même si elles sont légales, toujours auto-attribuées dans la plus parfaite opacité, tributaires des aléas de la conjoncture d'ailleurs et inscrites, à mon avis, dans une dimension anti-économique, je dirai même parasitaire, avec le risque de ce que L'Expansion appelle « une bulle financière du troisième type ».

Voilà, le débat est posé. Nous y reviendrons à la faveur de l'article 10 dont nous demanderons la suppression. Et si M. Augustin Bonrepaux retire son amendement, nous le reprendrons afin de pouvoir continuer à affirmer le sens que nous donnons à cette réflexion générale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Je ne veux pas intervenir dans le débat concernant la fiscalité des BSPCE ou des options d'achat d'actions parce que je crois que c'est un choix de conséquence, et non un choix causal. En effet, on peut moduler la fiscalité en fonction de la prise de risques, de la durée et du montant des options.

Je n'irai pas jusqu'à dire, comme M. Cuvilliez, que nous menons, cet après-midi, un débat de civilisation. En revanche, je pense que c'est un vrai débat politique.

Faisons un petit rappel historique. Quand ces options d'achat d'actions ont-elles été créées ? En 1970, sur une initiative parlementaire, du reste, et dans la foulée des ordonnances de 1967 du général de Gaulle qui instituait notamment la participation et l'intéressement. Il s'agissait bien, à l'époque des Trente Glorieuses, de faire participer les salariés à l'expansion économique et à la croissance de leur entreprise d'une manière un peu différente de celle - linéaire - de l'intéressement et de la participation. J'en veux pour preuve que, à l'origine, les mandataires sociaux étaient exclus du dispositif.

Trente ans après, c'est évident, on ne peut que constater que le système a été dévoyé au profit d'une élite, à l'exception notable, il faut tout de même le dire, des jeunes entreprises en croissance dans les secteurs porteurs d'emploi et de valeur ajoutée.

Je l'ai dit pendant la discussion générale : un siècle après la grande révolution industrielle, le capitalisme a profondément évolué. Nous sommes désormais dans une économie de croissance patrimoniale. Et c'est donc bien aujourd'hui qu'il faut s'interroger sur la place et le rôle du salariat dans la régulation de ce nouveau capitalisme.

Et pardonnez-moi, chers collègues de l'opposition, mais il me semble que c'est davantage l'affaire de la gauche - son histoire le montre - que celui de la droite.

M. Philippe Auberger.

Le général de Gaulle était-il de gauche ? L'intéressement ? La participation ? C'est de la captation d'héritage !

Mme Nicole Bricq.

Il est donc souhaitable d'encourager l'épargne à risque. C'est ce que fait le Gouvernement depuis deux ans. Et il est nécessaire de relier le problème de ce que je préfère appeler les bons de croissance plutôt que les stock-options à la question d'ensemble de l'actionnariat salarié.

Il faut envisager le développement d'un actionnariat salarié ayant vocation à s'inscrire dans la longue durée et respectueux de la division des risques qui vaut pour tout épargnant. La réflexion doit porter sur la détention directe d'actions par les salariés et sur leur représentation en tant qu'actionnaires salariés.

M. Philippe Auberger.

Tout à fait !

Mme Nicole Bricq.

A court terme, les bons de croissance peuvent donner - c'est leur intérêt - un signal aux salariés qui contribuent à la croissance patrimoniale sans bénéficier d'un juste retour, et qui par ailleurs financent la solidarité.

Il s'agit effectivement d'un transfert de la richesse du capital vers le travail. C'est ce que je voudrais que l'on comprenne bien. Il faut réaliser ce tranfert au nom de


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trois principes - nous en sommes tous d'accord - la transparence, la démocratie et l'équité des prélèvements fiscaux et sociaux, car il ne faudrait pas oublier ces derniers en route.

Il faut s'attacher au fond du débat et je remercie le président Bonrepaux d'avoir perdu...

(Rires.)

M. Yann Galut.

Quel lapsus !

Mme Nicole Bricq.

... d'avoir permis qu'il ait lieu. Je lui sais gré d'avoir empêché que la question soit enterrée.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai voulu travailler sur ce sujet cet été auprès du rapporteur général : pour éviter que ne soit enterré un débat que je considère de nature politique.

Je suis d'accord avec M. Brard, dont j'ai lu avec attention l'interview qu'il a donnée avant-hier à un journal économique. On ne doit pas prendre de décisions circonstancielles. Et j'aime bien sa formule : « Il faut travailler à fabriquer du consensus afin de faire adhérer nos concitoyens à une fiscalité légitime et équitable. » Nous

disposons d'un peu de temps pour le faire, nous pouvons y arriver. C'est même notre devoir.

Nicole Notat a raison quand elle explique que le fait que les salariés participent à la croissance patrimoniale et à ce nouveau capitalisme, en le régulant, rend plus complexes les relations entre le capital et le travail mais ne supprime pas pour autant la division capital-travail.

En tout cas, cela doit exiger de nous, à gauche, davantage de clarté et de volonté d'agir dans le sens du progrès social. C'est le travail même de Marx quand il recherchait, à l'époque, où s'accumulait le capital.

Aujourd'hui, nous savons que l'accumulation du capital s'est profondément modifiée dans notre société. Dès lors, nous devons nous demander, nous qui sommes des représentants, quelle est la place du salariat dans cette nouvelle forme d'accumulation du capital.

Mme la présidente.

Vous avez épuisé votre temps de parole, madame Bricq.

Mme Nicole Bricq.

Je termine. Le débat d'aujourd'hui nous en donne l'occasion et nous le poursuivrons autour de la mission Balligand de Foucauld.

Mme la présidente.

J'invite les orateurs à respecter leur temps de parole.

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

J'ai écouté avec attention les différentes interventions. Mme Bricq a rouvert le débat que M. Cuvilliez et M. Brard avaient fermé, en demandant la suppression de l'article.

Mais qu'est-ce donc que cet article ? Il s'intitule :

« Mesures en faveur de la création d'entreprises ». Quoi de plus normal que d'encourager les entreprises quand on sait que ce sont elles qui créent des emplois ? Et en quoi consistent ces mesures ? Selon l'exposé des motifs, il s'agit de pérenniser le dispositif de report d'imposition des plus-values de cession de titres dont le produit est réinvesti dans l'entreprise,...

M. Christian Cuvilliez.

Dans quelle entreprise M. Jaffré a-t-il donc réinvesti ?

M. Gilbert Gantier.

... de pérenniser le dispositif des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise et d'exonérer du droit d'apport les apports effectués lors de la constitution de sociétés. Je ne vois rien là qui justifie l'indignation. Pourtant, à entendre M. Cuvilliez, on a l'impression que la foudre est tombée sur le pays !

M. Christian Cuvilliez.

C'est plutôt la lecture des journaux qui donne cette impression !

M. Gilbert Gantier.

M. le ministre de l'économie et des finances évoque souvent le maintien d'une croissance à un niveau élevé et parle de transposer en France le modèle de croissance américain, croissance dont je fais observer qu'elle est ininterrompue depuis près d'une dizaine d'années. Mais aucune réforme de structure n'a vu le jour dans notre pays pour corroborer ce bel enthousiasme.

La « nouvelle économie », pour reprendre la terminologie du ministre de l'économie, visant à mettre en place une période de croissance durable à partir des nouvelles technologies de l'information et des biotechnologies, est handicapée dans notre pays par des entraves fiscales et réglementaires, placées sur la route de l'entrepreneur innovant, je l'ai dit plusieurs fois au cours de ce débat.

Un obstacle majeur à la constitution de nouvelles entreprises de croissance est l'absence de pensée cohérente sur le capitalisme d'entreprise - et je remercie Mme Bricq d'avoir soulevé avec pertinence ce problème.

Le retard français dans le recours aux stock-options, puisque c'est de cela qu'il s'agit, est à cet égard tout à fait symptomatique.

M. Christian Cuvilliez.

Ce n'est pas du retard, c'est de l'avance !

M. Gilbert Gantier.

Il est vrai qu'une fiscalité partic ulièrement pénalisante en décourage trop souvent l'emploi.

Ecartelé entre une vision passéiste de la participation et une approche beaucoup trop ciblée des entreprises innovantes, le capitalisme d'entreprise ne connaît pas à l'heure actuelle de dispositif incitatif qui soit à la fois cohérent et efficace. La réglementation actuelle constitue une véritable m osaïque, multipliant les dispositifs éclatés, ce qui montre encore que le capitalisme salarié n'a pas encore été complètement appréhendé comme le vecteur de l'innovation qu'il doit être.

Aujourd'hui coexistent plusieurs mécanismes d'actionnariat des salariés mais avec des objectifs qui ne sont pas identiques.

D'un côté, l'actionnariat des salariés dépend de la politique interne de l'entreprise ; de l'autre, les stock-options restent un avantage octroyé à un trop petit nombre.

Quand aux bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, ils ne concernent que les entreprises de croissance de moins de quinze ans. Ces carences pénalisent à la fois les salariés, les entreprises, et l'intégration du capital humain dans le processus d'innovation.

La majorité actuelle a toujours été opposée à l'allégement de la fiscalité des stock-options et à la généralisation de l'emploi de ces dernières au sein de l'entreprise.

Mme Nicole Bricq.

C'est vous qui avez augmenté la fiscalité !

M. Gilbert Gantier.

Réduits à un complément de rémunération très lucratif pour les cadres dirigeants, ces avantages réservés aux salariés ne sont pas perçus comme le soutien indispensable de l'innovation qu'ils doivent être. Pourtant, deux Français sur trois se déclarent aujourd'hui intéressés par la détention de stock-options.

M. Yves Cochet.

Ils rêvent !

M. Christian Cuvilliez.

Ils ne savent même pas ce que c'est !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

M. Gilbert Gantier.

Le deuxième obstacle - idéologique également - tient à la vision dépassée de l'entreprise qui serait, à entendre nos collègues, le théâtre permanent du conflit social. Opposer profits et salaires, actionnaires et salariés est une vision négative qui interdit toute rénovation d'un capitalisme d'entreprise et qui interdit au salarié la voie de l'actionnariat.

Troisième et dernier obstacle : l'inefficacité des dispositifs existants car trop restrictifs et trop ciblés. Le mécanisme des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise, créé par la loi de finances pour 1998, est limité aux entreprises de moins de quinze ans et n'est pas même encore définitif, un peu comme si les entreprises de croissance étaient regardées d'un oeil soupçonneux.

On peut également déplorer la vision restrictive de l'entreprise de croissance, uniquement définie par une cotation au nouveau marché.

Or l'outil des stock-options, loin de se voir cantonné à un complément de rémunération pour les dirigeants, doit être diffusé à l'ensemble des salariés. L'association des salariés à la réussite des entreprises est une des clés de fonctionnement de la nouvelle entreprises. En effet, les stock-options sont l'instrument privilégié de l'innovation.

Ils permettent la constitution d'un capital humain de valeur, indispensable à la diffusion de l'innovation dans les entreprises. D'un côté, les entreprises cotées fidélisent un capital humain de valeur, tandis que, de l'autre, les PME innovantes se positionnent sur le marché du recrutement.

C'est pourquoi, il convient de mettre au point un dispositif qui permette de regrouper et donc de simplifier les mécanismes d'actionnariat salarié existants. Les nouveaux

« bons de croissance » devraient permettre de fusionner le mécanisme de stock-options existant avec celui des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise. Tel sera l'objet des amendements que j'aurai l'honneur de défendre.

Mme la présidente.

La parole est à M. Raymond Douyère.

M. Raymond Douyère.

A l'occasion de l'affaire Jaffré - l'attribution à l'ancien PDG d'Elf « d'un certain stock de stock-options » -, la question s'est posée de la rémunération d'un certain nombre de dirigeants d'entreprise.

Cela dit, chacun se rend bien compte, ici comme à l'extérieur de l'Assemblée, que ce sont les entreprises qui créent les richesses. Et si l'on peut concevoir que, au siècle dernier, l'attribution des bénéfices de l'entreprise fut de droit divin, car chaque attributaire avait investi dans celle-ci la totalité de son capital, il est normal que, aujourd'hui, étant donné la diversité des sources de financement servant à la création des entreprises, il y ait une demande de partage des bénéfices réalisés.

Ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire dans mon intervention générale, la question qui se pose à nous est d'ordre philosophique. Il s'agit de savoir si les plus-values générées par l'entreprise appartiennent uniquement à ceux qui l'ont créée ou à l'ensemble de ceux qui concourent à sa bonne marche, c'est-à-dire l'ensemble des travailleurs.

Et, dans ce dernier cas, il faut rechercher quel type de rémunération ou quelle forme d'appropriation il convient d'accorder à ceux qui concourent à la création de la richesse dans l'entreprise.

Une première réponse avait été apportée en son temps par l'intéressement et la participation. Toutefois, les ordonnances de l'époque laissaient en suspens la question de l'ensemble de l'autofinancement, aucune disposition fiscale ou législative n'ayant été prise pour en fixer l'attribution. Selon moi, la part d'autofinancement appartient au moins à égalité aux apporteurs de capitaux et à ceux qui, par leur travail, contribuent à la richesse de l'entreprise.

C'est pourquoi, quand nous voyons qu'il est possible pour certains, dans telle ou telle entreprise, de capter l'ensemble ou une partie des plus-values potentielles qu'elle peut dégager grâce à des mécanismes opaques, échappant à tout contrôle et bénéficiant d'une fiscalité dérogatoire, nous devons être incités à trouver les moyens permettant de remédier à une telle situation.

J'ai peut-être une vision un peu iconoclaste, y compris au sein de mon propre parti politique, mais j'estime que la création d'entreprise peut se faire par le biais de sommes qui peuvent être aussi des contreparties d'actions.

Aussi faudrait-il revoir la fiscalité sur les actions afin qu'elle soit beaucoup plus incitative que celle relative aux placements en obligations. Une telle modification contribuerait à pousser les Français à placer leur épargne dans la création d'entreprise.

Par ailleurs, faut-il ou non taxer les bénéfices retirés d'un partage ? Et si oui, comment ? Sur ce point, je crois que le MEDEF est d'accord avec moi et qu'il souhaite, lui aussi, la transparence et la distribution des plus-values potentielles à l'ensemble des travailleurs de l'entreprise.

En cas de distribution, faut-il ou non prévoir une fiscalité dérogatoire ou faut-il mettre en oeuvre une fiscalité s'appuyant sur une réflexion profonde ? Si les bénéfices ne sont pas distribués, ils sont assujettis à l'impôt sur les sociétés. Par conséquent, s'il y a partage , j'estime qu'il convient d'appliquer une fiscalité identique à celle applicable aux sociétés, et nous éviterons ainsi tous les psychodrames auxquels nous assistons.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous nous accusez, monsieur Gantier, de manifester une absence de cohérence dans la pensée. Non. En tout cas, pour ce qui vous concerne, votre pensée est parfaitement cohérente : vous êtes ici le porte-voix du libéralisme échevelé. Si, dans certains pays d'Europe, on accole l'adjectif « social » au mot « libéralisme », cela ne moralise pas pour autant ce qui est pervers.

Quand vous dites qu'il faut faire bénéficier l'ensemble des salariés des stock-options, je ne sais pas si vous mesurez à quel point votre propos est incongru pour ceux qui ne touchent que le SMIC par exemple. Je vous écoute toujours avec intérêt, et quand vous parlez de préserver un capital humain de valeur, j'imagine - mais c'était certainement implicite dans votre raisonnement - que vous pensiez à Michelin et à son cortège de licenciements !

M. Gilbert Gantier.

Non, je pensais plutôt à l'Union soviétique !

M. Jean-Pierre Brard.

Cela dit, il y a un vrai problème.

Les modèles anciens se sont effondrés, comme en témoigne l'histoire de ces dernières années. Depuis un certain temps déjà, on règle les problèmes à la petite semaine : on ouvre le capital d'Air France et celui d'Aérospatiale, on privatise France Télécom. Voyons les choses comme elles sont : les actions s'achètent massivement, mais elles ne restent pas entre les mains de ceux qui les ont acquises, et, ça aussi, ça pose problème.

L'alternative est-elle entre le libéralisme échevelé et l'économie administrée ? A cette question, nous sommes n ombreux à répondre négativement. Mais, soyons


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

lucides : un nouveau modèle, de nouveaux concepts restent à élaborer. Notre responsabilité est grande en la matière et elle est d'autant plus grande d'ailleurs que nous n'avons rien fait jusqu'à présent - et, de ce point de vue, il s'agit d'une responsabilité partagée.

Il nous faut élaborer un nouveau modèle qui intègre notre histoire avec sa tradition sociale, un nouveau modèle qui soit un levier pour le développement économique, pour l'emploi, qui préserve - et là, je suis sûr, monsieur Gantier, que nos positions respectives sont aux antipodes - le capital productif et ne favorise pas le capital spéculatif.

Mme Nicole Bricq.

Et rentier !

M. Jean-Pierre Brard.

Et, bien sûr, le capital rentier cher à Guizot et à Louis-Philippe.

M. Gilbert Gantier.

Je n'ai jamais rien dit de ce genre !

M. Jean-Pierre Brard.

Vous n'avez pas besoin de le dire, cela rayonne.

(Rires sur les bancs du groupe communiste.) Il faut renouveler les concepts de maîtrise sociale. Nous devrions d'ailleurs nous demander pourquoi la privatisation des entreprises nationales du secteur concurrentiel n 'a pas été accompagnée de mouvements sociaux.

N'est-ce pas parce que c'est un capitalisme d'Etat qui gouvernait ces entreprises - certes, avec une législation sociale améliorée, en particulier chez Renault, qui a toujours été une « locomotive » en la matière ? Les travailleurs de ces entreprises avaient-ils véritablement la maîtrise des choix et avaient-ils un pouvoir d'influencer ceux-ci ? La réponse est non.

Il faut donc sortir des pratiques anciennes et inventer des concepts nouveaux...

M. Michel Bouvard.

La participation, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard.

... qui nous permettraient de définir un modèle excluant les vieux schémas et prenant en compte l'environnement dans lequel nous sommes, qu'il soit européen ou mondial. Nous avons une tradition forte : il faut la cultiver en la portant plus loin.

Vous avez parlé, monsieur Gantier, d'entrepreneurs innovants. Le problème, c'est que ce sont des ectoplasmes, mais qui ne sont pas tout à fait virtuels même si, souvent, ils n'ont pas de nom. Le « grand capital », comme nous disions jadis, mais qui est toujours grand et toujours aussi exploiteur, n'a pas forcément de nom, mais il procède toujours de la même logique : il continue de broyer. Et de cela, nous ne voulons pas. Voilà pourquoi il faut renouveler le concept social.

M. Gilbert Gantier.

Relisez-nous Le Capital !

M. Jean-Pierre Brard.

Je pense, messieurs les ministres, qu'il faut une remise à plat globale. Et pour ce faire, il faut prendre son temps.

M. Yves Cochet.

Ah bon ?

M. Jean-Pierre Brard.

Bien sûr qu'il faut prendre son temps ! S'il faut définir un nouveau modèle pour prendre en compte un monde qui bouge, cela ne dispense pas de prendre certaines mesures immédiates pour faire cesser les scandales comme celui de l'affaire Jaffré, dont je rappelle qu'elle n'était pas la première du genre.

Mme la présidente.

Monsieur Brard, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Jean-Pierre Brard.

Si vous le permettez, madame la présidente, j'ajouterai deux phrases supplémentaires avant de déférer à votre demande.

Mme la présidente.

Je ne sais pas si je vais vous le permettre ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard.

Je connais votre grande bonté, madame la présidente ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Vous avez consacré beaucoup de votre temps de parole à M. Gantier. Alors, maintenant, tempus defuit !

M. Jean-Pierre Brard.

Pour vous être agréable, madame la présidente, je termine.

Il faut définir un modèle original qui prenne en compte la réalité sans s'y soumettre. La définition de ce nouveau modèle implique d'accroître nos exigences vis-àvis de nous-mêmes pour renouveler la pensée politique et économique si nous voulons que la France garde dans le monde sa capacité de rayonnement et sa fonction motrice, conformément à son histoire depuis plus de deux siècles.

Mme Nicole Bricq.

Très belle conclusion !

Mme la présidente.

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

Ce débat essentiel, qui a lieu à l'occasion de l'examen d'un article d'une loi de finances, dépasse largement le cadre de ce texte.

Intervenant lors de la discussion d'une proposition de loi de M. Balladur et de M. Sarkozy sur l'actionnariat salarié, j'avais souligné, au nom du groupe communiste et apparentés, qu'il y avait certes dans ce texte une inventivité en matière d'actionnariat salarié mais que la participation à la vie de l'entreprise ne se limite pas à la possession d'actions - d'ailleurs, le capital n'est pas composé uniquement d'actions.

J'avais aussi indiqué qu'il était nécessaire d'élargir les droits et pas seulement ceux attachés au nombre de parts détenues au sein de la société. Cet élargissement devait également porter sur l'ensemble des droits : droits d'investigation, droits économiques, droits sociaux, droits en matière de choix de formation...

Il s'agissait de rechercher une nouvelle éthique de l'entreprise dans le cadre de ce que nous appelons le nouveau capitalisme, cette nouvelle éthique supposant de nouveaux mécanismes de régulation. L'économie se globalise et la concurrence sévit maintenant aussi bien sur les marchés financiers que sur celui des compétences, c'est-àdire le marché des cerveaux.

La réponse que fera M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne manquera donc pas de m'intéresser fortement. Comme nous l'avons dit hier, il ne s'agit pas simplement d'un débat socialo-socialiste, d'un débat portant sur le maintien ou non d'un amendement, il s'agit d'un débat plus profond sur le modèle de société que nous voulons mettre en place, lequel devra tenir compte de l'exception française en matière sociale.

Reste que le débat de fond sur le modèle économique et social ne doit pas nous faire oublier un problème plus immédiat. En effet, l'opinion publique et les plus hautes autorités de l'Etat - et cela dépasse les clivages politiques ont été choquées par l'affaire Michelin, c'est-à-dire par le comportement d'une société qui licencie alors qu'elle fait des bénéfices, et par le fait que des dirigeants puissent partir de leur entreprise en empochant un pactole dont le montant est particulièrement scandaleux. Ce problème doit être résolu, car il y va de notre crédibilité dans l'opinion publique.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des f inances et de l'industrie.

Les orateurs inscrits sur l'article 10 s'étant tous exprimés, je vous demande, madame la présidente, avant d'entamer l'examen des amendements, une suspension de séance d'un quart d'heure.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. Michel Bouvard.

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour un rappel au règlement.

M. Michel Bouvard.

Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 3, de notre règlement.

La séance a été suspendue pour un quart d'heure, à la demande du Gouvernement, ce qui est légitime. Ce quart d'heure est devenu une heure. Nous avions cru comprendre, au début de ce débat budgétaire, qu'une longue concertation avait eu lieu entre le Gouvernement et sa majorité, que tout allait bien, que tout était parfait et que jamais budget n'avait été aussi bon. Nous constatons pourtant que subsistent des points qui semblent nécessiter quelques discussions, lesquelles tiennent manifestement à l'actualité du moment.

Je tiens donc à rappeler que le groupe du Rassemblement pour la République avait déposé une proposition de loi, relative à l'actionnariat des salariés, dont le premier signataire était M. Edouard Balladur, qui a été discutée le 20 mai dernier. Cette proposition avait l'avantage de traiter l'ensemble du problème de l'actionnariat.

Mme Nicole Bricq.

Non !

M. Michel Bouvard.

A l'issue de la discussion générale, vous avez considéré qu'il n'y avait pas lieu à débattre,...

Mme Nicole Bricq.

Tout à fait !

M. Michel Bouvard.

... vous nous avez dit que ce prob lème n'était pas urgent, que sa solution pouvait attendre. Aujourd'hui, vous essayez de régler, dans la précipitation, des problèmes liés à l'actualité - il faut cepen dant reconnaître que le souci de les régler est justifié -, mais aussi, manifestement, des problèmes au sein de la majorité, qui justifie plus que jamais le qualificatif de plurielle.

Si nous avions, à l'époque, passé un peu de temps à une discussion sérieuse, nous n'en serions pas là aujourd'hui et les travaux de notre assemblée, madame la présidente, auraient pu se dérouler dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme la présidente.

Monsieur Bouvard, je prends acte de votre rappel au règlement. Quant à la présente séance, je ne pense pas qu'on puisse lui trouver beaucoup de précipitation. (Sourires.) Nous avons au contraire pris notre temps.

Reprise de la discussion

Mme la présidente.

MM. Cuvilliez, Bocquet, Brard, Feurtet, Vila et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 436, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 10. »

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

J'ai déjà exposé les principaux motifs pour lesquels nous proposions de supprimer l'article 10. Nous maintenons évidemment notre proposition, d'autant plus que, et M. le ministre le confirmera, aura lieu au printemps prochain un débat, dont la presse s'est fait abondamment l'écho, sur l'ensemble de l'épargne salariale, qu'il s'agisse de l'association aux revenus de l'entreprise, du développement de l'actionnariat participatif ou de l'intéressement, bref, de toutes les formes de participation imaginables. Ce débat portera probablement aussi sur la question de l'épargne-retraite, qui n'a pas encore été réglée.

Nous sommes tout à fait décidés à examiner l'ensemble de ces sujets dans un esprit constructif et avec la volonté d'aboutir, notre principale mission - chacun le sait, même si, parfois, on s'en étonne encore - étant dans cet hémicycle de défendre l'intérêt des salariés plutôt que celui des actionnaires. Cependant, il se trouve qu'aujourd'hui beaucoup de salariés sont actionnaires, ce qui fait que le problème devient plus compliqué.

M. Michel Bouvard.

C'est bien ce qu'on vous dit !

M. Christian Cuvilliez.

Nous nous efforcerons de concilier des contradictions nouvelles, et c'est d'ailleurs dans cette optique que nous avons examiné les stock-options qui posent un problème inédit, ou plutôt relativement inédit, car elles existent depuis longtemps. Venues chez nous d'outre-Atlantique en passant par les rivages de la Grande-Bretagne, elles sont apparues comme un puissant moyen de motivation des créateurs d'entreprise. Les opinions divergent, comme toujours, quant à l'usage que l'on en fait.

En nous présentant ici même son projet de loi relatif à l'innovation et à la recherche, Claude Allègre a inventé la notion de « bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise », ces bons de croissance qui donnent un aspect vertueux aux stock-options. On comprend que, pour un jeune créateur qui a besoin d'être encouragé, qui ne peut se rémunérer avec les produits de l'entreprise qu'il a créée et qui prend le pari de la réussite, cela soit intéressant. Cet aspect des choses ne peut être complètement évacué du débat. Mais dès l'instant où l'on dépasse les masses critiques de PME, de PMI, d'usines innovantes ou de laboratoires de recherche, on entre dans le champ spéculatif des professionnels de l'argent et de ceux qui sont plus experts dans la conduite des affaires financières de leur entreprise que dans les résultats de celle-ci, ce qui, d'ailleurs, peut leur apporter des déconvenues. Et quand les déconvenues en bourse se traduisent, pour certains d'entre eux, par des pactoles et des récompenses, cela devient inacceptable pour l'opinion publique.

C'est ce caractère inacceptable qu'avec notre proposition de suppression de l'article 10 nous avons voulu exprimer. Je le dis sans esprit de polémique, il fautr econsidérer le problème dans son ensemble, tout remettre à plat et faire en sorte que les actionnaires, qui sont parfois des salariés, prennent conscience, en France comme dans les autres pays développés, que le pouvoirs e concentre dans quelques mains, et que ceux q ui détiennent le pouvoir au sein des assemblées


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d'actionnaires sont ceux qui s'attribuent les stock-options, souvent dans un esprit qui n'est pas vraiment celui de la participation.

Le Gouvernement nous propose de revoir tout le système. Nous y sommes tout à fait prêts. Néanmoins, en proposant de supprimer l'article 10, nous voulons, l'opinion publique ayant besoin d'un signal fort, marquer notre volonté d'aller dans un sens qui tienne davantage compte de l'intérêt des salariés.

L'amendement Bonrepaux après l'article 10 est un signal, qui vaut ce qu'il vaut. Mais nous pouvons, dans l'attente du grand plan d'épargne qui nous sera proposé, et quitte, d'ailleurs, à le modifier, prendre à l'égard de ces gens qui méprisent la loi, qui méprisent l'environnement économique, qui méprisent l'ensemble de leurs collaborateurs, qui méprisent le travail des autres, des mesures immédiates et exemplaires.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas entièrement suivi le raisonnement de M. Cuvilliez car l'article 10 comporte des dispositions de nature différente. Il lui a semblé que le paragraphe I, relatif à la p érennisation d'un dispositif que nous avons tous ensemble voté, et le paragraphe III, prévoyant l'exonération du droit fixe de 1 500 francs pour les apports effectués lors de la constitution d'une société nouvelle, pouvaient ne pas soulever de difficultés. Ces deux mesures nous paraissent donc devoir être conservées.

La commission a rejeté l'amendement no 436, tout en étant sensible à une grande partie de l'argumentation de ses auteurs.

Cela dit, elle n'a pas souhaité que le régime existant soit étendu à d'autres entreprises ou sociétés. C'est pourquoi elle souhaite que soient supprimés les paragraphes II et IV, considérant qu'une remise à plat des règles applicables aux BSPCE et aux stock-options apparaissait, aux yeux d'un grand nombre, comme tout à fait nécessaire, tant sur le plan de la transparence que pour ce qui concerne le nombre des bénéficiaires et le dispositif fiscal qui leur est appliqué.

Compte tenu de son amendement qui tend à supprimer deux paragraphes seulement de l'article 10, la commission invite l'Assemblée à ne pas retenir l'amendement défendu par Christian Cuvilliez.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis que la commission.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 436.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement no 40 est présenté par M. Migaud, rapporteur général ; l'amendement no 333 par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« I. Supprimer le II de l'article 10.

« II. En conséquence, supprimer le IV de cet article. »

Monsieur le rapporteur général, puis-je considérer que l'amendement no 40 a déjà été défendu ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Oui, madame la présidente.

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement no 333.

M. Yves Cochet.

Puisque cet amendement est identique à celui de la commission, il a été défendu. Je n'ai rien à ajouter, pour l'instant...

M. Philippe Auberger.

Pour l'instant ?

Mme la présidente.

Sur cet amendement, l'avis de la commission est, par hypothèse, positif.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

A ce point du débat, je crois qu'il faut que certains reprennent leurs esprits. Nous devons savoir ce que nous voulons.

J'ai tout à l'heure défendu l'article 10 proposé par le Gouvernement et j'en ai exposé les raisons. Mais j'aimerais que le Gouvernement nous dise s'il s'était égaré en rédigeant cet article. J'ai cru comprendre que, le ministre s'en étant remis à la sagesse de l'Assemblée, l'amendement approuvé par la majorité de la commission des finances risquait d'être adopté au motif que, alors que nous discutons du projet de loi de finances en prenant des décisions importantes pour toute l'année 2000, on nous proposait pour le printemps prochain un débat sur l'épargne salariale.

Au passage, j'observe que la proposition de loi que nous avions tenté de discuter au mois de mai dernier est en grande partie reprise dans des amendements du groupe de l'UDF après l'article 10. Dans cette affaire, je regrette, sans parler de politique politicienne, que l'on joue avec l'avenir de notre pays pour ce qui concerne la création d'entreprises. Je crois fortement à ce que j'ai dit tout à l'heure, monsieur le président Bonrepaux. Et je n'y mets pas d'idéologie. Notre pays souffre gravement d'un manque d'entreprises. Il faut donc que nous prenions des dispositions au moins équivalentes à celles de nos partenaires, au sein de l'Union européenne comme à l'échelle mondiale.

Je veux bien que l'on discute de l'épargne salariale au printemps prochain, c'est-à-dire pratiquement dans quelque six mois. Mais même si la commission des finances emporte la décision sur la suppression de deux paragraphes de l'article 10, il importe que nous puissions pérenniser les BSPCE, conformément à ce que souhaitait le Gouvernement.

Messieurs les ministres, j'attends de vous une réaction qui corresponde à l'état d'esprit qui était le vôtre lorsque vous avez rédigé cet article.

J'appelle la partie responsable de la majorité plurielle...

M. Christian Cuvilliez.

Il ne faut quand même pas exagérer !

M. Jean-Jacques Jégou.

Je n'exagère pas : je dis ce que je pense, et je pense qu'une idéologie est en train de prendre le pas sur la réalité de notre économique.

M. Christian Cuvilliez.

Votre analyse est idéologique !

M. Jean-Jacques Jégou.

Certainement pas par rapport à la vôtre, mon cher collègue ! Dites-nous, messieurs les ministres, ce que vous entendez faire de l'article 10. Nous pourrons peut-être nous réunir sur le rapport de M. Besson et sur d'autres choses.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

Le printemps prochain me paraît loin et, après tout, nous sommes ici pour légiférer, pour prendre des décisions utiles à notre pays. Et c'est aujourd'hui que nous devons prendre ces décisions.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Jégou me demande des précisions sur des points dont je pensais qu'ils étaient clairs pour chacun. Je n'avais d'ailleurs l'intention d'intervenir, ce que je ferai de toute façon, sur la question générale de l'épargne salariale et sur les stock-options que lorsque les amendements correspondants viendraient en discussion - je pense en particulier à l'amendement no 41 de la commission des finances, qui reprend un texte proposé par Augustin Bonrepaux. Mais sans doute faut-il que je m'exprime dès maintenant.

L'article 10 concerne les BSPCE.

Les BSPCE sont ces sortes de stock-options, ou d'options d'achat - parlons français -, qui concernent les entreprises de moins de quinze ans, donc les entreprises

« en création ».

Si j'ai bien compris M. Cuvilliez, l'idée qu'il faille, d'une manière ou d'une autre, permettre aux jeunes entreprises de trouver un moyen de rémunérer ceux qui les ont fondées, dans l'hypothèse où elles réussissent, ce qui n'est pas toujours le cas, est, dans son principe, acceptée par tout le monde. Reste à établir les modalités.

Certaines ont été proposées par le Gouvernement dans le passé. Elles sont à l'oeuvre, si je puis dire, et elles ne sont pas pour rien, notamment dans le domaine des technologies de l'information comme dans bien d'autres, dans le regain de créations d'entreprises que l'on observe aujourd'hui. Sur ce point, il n'y a donc pas de difficultés entre nous.

Qu'est-il proposé dans l'article 10, en particulier dans les deux paragraphes que la commission souhaite supprimer ? De revenir sur ce qui était sans doute une maladresse : lorsque les BSPCE ont été créés, un certain nombre d'entreprises de services - pas toutes - ont été exclues de leur champ d'application. Le paradoxe des BSPCE, tels qu'ils existent, est le suivant : si vous créez demain matin, monsieur Jégou, vous qui êtes un chef d'entreprise, une boucherie dans votre ville, vous avez le droit de mettre en oeuvre, si cela vous chante, le dispositif des BSPCE ; mais si vous créez, sur Internet, une entreprise de location d'immobilier ou de trading, vous ne l'avez pas, ce qui est quand même un peu absurde.

L'article 10 ne fait qu'étendre le dispositif à toutes les entreprises, ce qui ne me semblait pas poser de problème majeur. Lorsqu'il a rédigé le projet de loi de finances, le Gouvernement a considéré que l'Assemblée le suivrait probablement sur ce sujet, puisque c'est elle qui avait mis en oeuvre les BSPCE.

M. Michel Bouvard.

En effet ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les BSPCE ont toutes les raisons de continuer d'exister pour les entreprises jeunes - je parlerai des stock-options en général plus tard - et leur extension à des entreprises de services plus volontiers « modernes », entre guillemets, que les entreprises traditionnelles pouvait aller de soi.

Mais au mois de septembre, un événement a défrayé la chronique. Il a suscité chez les Français, comme au sein du Gouvernement et de la majorité, et peut-être aussi, d'ailleurs, au sein de l'opposition,...

M. Michel Bouvard.

Bien sûr ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... un sentiment de surprise, puis un sentiment de révolte, traduisant la conviction qu'il se passait quelque chose de pas normal dans le royaume des stockoptions.

Que quelqu'un puisse, quels que soient ses mérites supposés ou réels, bénéficier de centaines de millions - je ne peux être plus précis car personne n'en sait trop rien au titre de stock-options attribuées à la faveur d'une opacité assez grande, choque. En tout cas, moi, cela me choque ! Dans ces conditions, le Gouvernement est disposé à ce que l'on revoie le sujet. Si l'on dit que l'on va revoir le sujet dans son ensemble à l'occasion du texte sur l'épargne salariale, lequel n'était pas destiné à l'origine à traiter aussi des stock-options - l'épargne salariale étant un problème beaucoup plus vaste -, on peut penser qu'il est de bonne méthode parlementaire de ne pas légiférer sur un sujet qui en est très proche, l'extension des BSPCE, et alors même que le Gouvernement proposera tout à l'heure, par ma voix, de suspendre tout ce que nous avons pu, les uns et les autres, prévoir en ce domaine, jusqu'à ce que la remise à plat se fasse.

C'est pourquoi j'ai dit que je partageais le sentiment de la commission des finances et que je m'en remettais à la sagesse de l'Assemblée pour suspendre l'ensemble des débats sur le sujet, y compris le petit point traité par le texte du Gouvernement et le grand point, beaucoup plus important, surgi récemment et abordé par nombre de parlementaires, dont le président Bonrepaux.

Je m'en expliquerai plus longuement bientôt et vous dirai, avec plus de détails, comment le Gouvernement entend avancer.

M. Alain Barrau.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Madame la présidente, je ne comprends pas cette discussion. A l'origine, elle était limitée aux bons de souscription. Certains, dans cet hémicycle, ont voulu l'étendre aux stock-options. Mais cette question doit être examinée après l'article 10. Pour le moment, nous devons en rester à l'article, sinon notre d iscussion deviendra confuse et, pour ce qui me concerne, je ne pourrai la suivre.

Avec cet article, le Gouvernement propose, d'une part, de pérenniser le système des BSPCE, ce que personne ne conteste, d'autre part, de l'étendre d'une façon très limitée, ou, plutôt, de remédier à une omission subsistant depuis la mise au point du système. Dans ces conditions, je ne comprends pas la position du Gouvernement de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée. Soit il avait conscience de ce qu'il faisait en rédigeant l'article 10, et il doit alors s'y tenir, soit il estime que le système des bons de souscription, bien qu'il n'ait rien à voir avec les stockoptions, doit être totalement revu. A ce moment-là, c'est l'article 10 dans son intégralité qu'il faut revoir et pas simplement une partie de son dispositif.

Puisque l'amendement de suppression a été refusé, je ne voterai pas l'amendement de la commission. Inutile de rendre plus confuse une discussion qui tend à devenir incompréhensible.

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Mais non, c'est clair pour celui qui veut comprendre !

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.


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M. Jean-Jacques Jégou.

D'accord en tous points avec ce que vient de dire Philippe Auberger.

Je fais remarquer très respectueusement au ministre que nous avons déposé après l'article 10 plusieurs amend ements. Au niveau médiatique, les choses étaient connues, nous avions à discuter de l'épargne salariale.

N ous souhaitons, au groupe UDF, maintenir l'article 10 en l'état mais aussi savoir si nous pouvons discuter des amendements régulièrement présentés - et pour la plupart, d'ailleurs, refusés - en commission des finances. Je l'ai déjà regretté dans mon intervention de mercredi soir : la représentation nationale, et surtout l'opposition, fût-elle modérée et constructive, ne peut pas débattre de certains sujets car on la renvoie toujours à des missions ou à des rapports qui seront examinés ultérieurement. Sans être vraiment au bord de l'épuisement, je commence à être fatigué, depuis mardi soir, et je me demande de plus en plus ce que nous faisons ici !

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Allons, monsieur Jégou !

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur Jégou, il y a bien d'autres choses dans la loi de finances que cet article 10. Je regrette d'ailleurs que les débats, tels qu'ils sont organisés, conduisent à parler beaucoup plus de cela que du reste. Mais peutêtre est-ce une stratégie assez fine de l'opposition ? (Sourires.) Reste que je vais répondre à votre question. De nombreux amendements ont effectivement été déposés et il est légitime que le Gouvernement s'exprime à leur propos.

Avant de vous expliquer ce que le Gouvernement entend faire - en termes de contenu -, je vous précise comment il entend procéder - en termes de méthode : il a confié à Jean-Pierre Balligand et à Jean-Baptiste de Foucauld une mission sur l'épargne salariale. Le rapport de cette mission doit être rendu à la fin du mois de janvier 2000. Il sera suivi, selon des modalités qui ne sont pas encore définies, d'un texte traitant de ces questions. Dans ces c onditions, le Gouvernement ne souhaite pas que l'Assemblée adopte, dans l'intervalle, des amendements touchant à l'épargne salariale, quand bien même ils pourraient se justifier sur le fond.

Vous me direz qu'on aurait pu vous le dire plus tôt.

D'un côté, ce n'est pas faux. Quand quand vous avez préparé vos amendements, le Gouvernement n'avait pas annoncé la mission sur l'épargne salariale et le texte qu'il a l'intention de présenter. D'un autre côté, cela fait partie de la vie politique, n'est-ce-pas ? Le Premier ministre s'est exprimé il y a un mois sur le sujet à Strasbourg. Mais vous n'êtes pas obligé, je le concède, d'être un expert en décryptage de la parole du Premier ministre. (Sourires.)

L'opposition a rédigé des amendements sur l'épargne salariale. Le Gouvernement n'entend en rien être désagréable avec l'opposition en les rejetant systématiquement, comme s'ils ne l'intéressaient pas. C'est simplement qu'il a choisi une méthode qui consiste à traiter le dossier globalement, et non pas à l'occasion d'amendements à la loi de finances : quelques-uns l'année dernière, quelquesuns cette année, voire l'année prochaine.

L'importance du sujet, que vous avez vous-même soulignée, comme M. Cuvilliez ou M. Brard, justifie qu'il soit traité de façon cohérente et globale.

Monsieur Jégou, le Gouvernement n'est pas opposé à l'idée que vous retiriez tous vos amendements pour éviter un échange qui n'aurait pas grande signification, le Gouvernement demandant systématiquement de voter contre pour renvoyer à quelques mois un débat qui réunira le Gouvernement, sa majorité et l'opposition sur ce sujet.

Si, néanmoins, vous souhaitiez défendre ces amendements, ce qui est parfaitement votre droit, sachez que le Gouvernement en demandera le rejet, ce qui ne signifie pas obligatoirement que, sur tel ou tel point, il ne serait pas d'accord.

Mme la présidente.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le ministre, j'ai bien compris la méthode. Malgré tout, j'aurais besoin d'un éclaircissement. La loi de finances doit être votée pour le 1er janvier 2000, avec application en 2000 sur les revenus de 1999. Si l'on reporte certains débats à l'année prochaine, à quels revenus ou à quelles plus-values les décisions éventuelles vont-elles s'appliquer ? Auront-elles un effet rétroactif ? On ne voit pas très bien pourquoi nous discuterions en ce moment de l'impôt sur les revenus de 1999 payables en 2000, si la donne est modifiée au cours de l'année prochaine ! Il y a vraiment là un problème de calendrier et j'aimerais comprendre de quoi nous parlons actuellement.

Mme la présidente.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je vais essayer de vous éclairer, monsieur Auberger. Après tout, c'est ma mission, dans cette assemblée, et je la remplis d'ailleurs avec plaisir.

La loi de finances a vocation à regrouper certains éléments de fiscalité, en dehors des parties de dépenses budgétaires. Mais, vous le savez, tout texte est susceptible de comprendre des éléments de fiscalité. Dans n'importe quel texte, au cours de l'année, il peut y avoir des éléments intéressant la fiscalité.

Le Gouvernement a décidé de traiter de l'épargne salariale maintenant. Il aurait pu attendre l'année prochaine, ou s'y prendre un peu plus tôt. Vous avez fait des allusions transparentes à des événements récents qui n'ont pas été un élément déterminant de sa décision. Lorsque nous parlerons de l'amendement de M. Bonrepaux et que le Gouvernement fera des propositions, il vous dira quel calendrier il entend suivre, qu'il s'agisse du débat ou de la mise en application des mesures.

Quoi qu'il en soit, la vie ne s'arrête jamais. Certaines mesures fiscales sont prises aujourd'hui, d'autres le seront plus tard, pendant l'année. C'est ainsi que se construit, petit à petit, notre système fiscal. Simplement, je ne souhaite pas, alors que nous allons discuter de ces questions de façon approfondie avec le Parlement dans quelques mois, que nous commencions un peu par la bande -, par le biais d'amendements déposés après un article relativement mineur de la loi de finances, à ouvrir un débat dont le cadrage général n'a pas encore eu lieu.

Mme la présidente.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 40 et 333.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme la présidente.

MM. d'Aubert, Gantier, Laffineur, Delattre ont présenté un amendement, no 230, ainsi rédigé :

« I. Compléter l'article 10 par le paragraphe suivant :

« V. Dans le premier alinéa du II de l'article 163 bis G du code général des impôts, après les mots : "à condition", les mots : "d'avoir été enregistrées au registre du commerce et des sociétés


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depuis moins de quinze ans", sont remplacés par les mots : "que leur cotation en Bourse date de moins de quinze ans". »

« II. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Cet amendement vise à modifier le point de départ du délai permettant à l'entreprise de bénéficier du régime des BSPCE. Il est proposé de faire courir le délai à partir de la première cotation en bourse, et non à partir de l'enregistrement de la société au registre du commerce.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 230.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par l'amendement no

40.

M. Christian Cuvilliez.

Le groupe communiste s'abstient ! (L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 10

Mme la présidente.

M. Michel Bouvard a présenté un amendement, no 398, ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Le 5o du 1 de l'article 39 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les provisions constituées par les entreprisese xploitantes de remontées mécaniques et de domaines skiables, en vue de faire face au risque de pertes et charges consécutives à un manque de neige ou aux intempéries, sont déductibles des résultats des exercices clos à compter du 1er janvier 2000 dans des conditions fixées par décret. »

« II. La perte de recettes résultant pour l'Etat est compensée à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code code général des impôts. »

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Cet amendement devrait poser moins de problèmes et donner lieu à moins de débats. Il s'agit de tenir compte de la situation particulière des sociétés exploitantes de remontées mécaniques et de domaines skiables, qui exercent une activité saisonnière.

Puisqu'elles sont soumises à de forts aléas climatiques, il est demandé que puissent être constituées de provisions dans les comptes de ces sociétés, en vue de faire face au risque de pertes et aux charges consécutives à un manque de neige ou aux intempéries.

Ceux qui suivent la loi de finances depuis quelques années savent que nous avons eu dans le passé un débat sur l'éventuelle institution d'un « Fonds neige », destiné justement à organiser une mécanique de solidarité au bénéfice de certains exploitants, notamment les plus fragiles, lorsqu'ils connaissent des difficultés.

Cet amendement est un moyen de régler en partie le problème du « Fonds neige ». Il se traduirait, pour l'Etat, non pas par une perte, mais par un décalage de certaines recettes.

Le dispositif proposé permettrait de lisser sur plusieurs années les problèmes climatiques. Et les exploitants de remontées mécaniques ne risqueraient plus de devoir remettre en cause leurs programmes d'investissements - investissements très lourds - à la suite de mauvaises années.

La mesure proposée conforterait l'activité touristique dans un secteur qui, représentant plus de quatre milliards de francs de chiffre d'affaires, est aujourd'hui le principal employeur de la montagne française.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission des finances s'est toujours montrée attentive à l'idée de mutualisation des risques et à la question du « fonds neige ».

M. Philippe Auberger.

Le Conseil constitutionnel aussi !

M. Didier Migaud, rapporteur général. Mais elle n'a pas pu suivre le raisonnement de notre collègue, et donc la proposition qu'il formule, la règle générale, en matière de provisions, étant que leur déductibilité fiscale est admise lorsque la charge est probable. Et cela ne peut pas être le cas avec le manque de neige ou les intempéries. Avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis.

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le ministre, je comprends bien qu'en droit la probabilité de la charge est nécessaire : mais on ne peut pas demander non plus aux entreprises d'être plus performantes que la météorologie nationale ! (Sourires.) De toute façon, sur un cycle d'une dizaine d'années, il y aura fatalement certaines années de déficit d'enneigement. Nous disposons de suffisamment d'éléments statistiques pour le montrer. La probabilité de la charge, liée à l'aléa climatique, existe, même si on ne peut pas préciser le moment.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 398.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 145, présenté par MM. d'Aubert, Gantier et Laffineur, est ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Dans la première phrase du premier alinéa du I de l'article 44 sexies du code général des impôts, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1994" sont supprimés. »

« II. Les deuxième, troisième, avant-dernier et dernier alinéas du I du même article sont supprimés. »

« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »


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L'amendement no 283, présenté par MM. Jégou, Méhaignerie, Hériaud, Mme Idrac, MM. de Courson, Loos, Barrot, Ligot, Blessig et Gengenwin est ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. L'article 44 sexies du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1o Dans la première phrase du premier alinéa du I, les mots : "jusqu'au 31 décembre 1994" sont supprimés.

« 2o Les deuxième, troisième, avant-dernier et dernier alinéas du I sont supprimés. »

« II. La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement no 145.

M. Gilbert Gantier.

Aujourd'hui, l'exonération d'impôt sur les bénéfices réalisés dans les vingt-trois premiers mois de la création d'une entreprise est réservée aux entreprises qui s'installent dans des zones spécifiques d'aménagement du territoire. Cet amendement vise à l'étendre à toutes les nouvelles entreprises.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour défendre l'amendement no 283.

M. Jean-Jacques Jégou.

Puisque ces amendements ne sont pas directement liés à l'épargne salariale, nous allons pouvoir avoir une discussion. Les premiers mois, voire les premières années sont souvent fatales à des entrepreneurs mal préparés. Nous aurons à traiter d'ailleurs, à d'autres articles, de la formation des chefs d'entreprise. Dans l'euphorie des premiers mois et malgré leur volonté de bien faire, les entreprises se heurtent à des difficultés.

Elles qui ont surtout besoin de s'organiser sont pénalisées par les charges qu'on leur impose - déclarations et paiement des charges financières, sociales et impositions diverses.

Voilà pourquoi nous souhaitons étendre à des zones normales, hors aménagement du territoire, l'exonération des bénéfices pour les premiers vingt-trois mois.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Cet amendement va à l'encontre d'une politique d'aménagement du territoire. La commission des finances, pour cette seule raison, a exprimé un avis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis, madame la présidente.

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

A titre personnel, je ne suis pas favorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que celles que vient d'indiquer Didier Migaud.

M. le secrétaire d'Etat au budget.

L'opposition se divise... (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

Dans la loi d'aménagement du territoire de 1995, nous avons souhaité instituer une discrimination fiscale positive en faveur des territoires les plus fragiles. Ce n'est pas pour rien : c'était justement pour rendre attractives les implantations d'entreprises dans ces territoires les plus fragiles.

Dès lors qu'on étendrait le dispositif à l'ensemble du territoire sans modifier la règle, c'est-à-dire sans proposer en contrepartie une nouvelle amélioration en faveur des zones les plus fragiles du territoire, on banaliserait le dispositif et on ferait perdre à ces territoires fragiles le peu de force d'attrait qu'ils peuvent avoir.

Etant l'un de ceux qui ont largement contribué à l'élaboration et au vote de la loi de 1995, je ne peux malheureusement souscrire à cette proposition.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 283.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Jégou a présenté un amendement, no 232, ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Avant l'article 150 A du code général des impôts, il est inséré les articles 150-0 A, 150-0 B, 150-0 D et 150-0 E ainsi rédigés :

« Art.

150-0 A. - I. 1.

Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l'article 150 A bis , les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1o de l'article 118 et aux 6o et 7o de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres, ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 50 000 francs par an.

« Toutefois, en cas d'intervention d'un événement exceptionnel dans la situation personnelle, familialeo u professionnelle des contribuables, le franchissement de la limite précitée de 50 000 francs est apprécié par référence à la moyenne des cessions de l'année considérée et des deux années précédentes.

Les événements exceptionnels doivent notamment s'entendre de la mise à la retraite, du chômage, du redressement ou de la liquidation judiciaires ainsi que de l'invalidité ou du décès du contribuable ou de l'un ou l'autre des époux soumis à une imposition commune ;

«

2. Le complément de prix reçu par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux par laquelle le cessionnaire s'engage à verser au cédant un complément de prix exclusivement déterminé en fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité de la société dont les titres sont l'objet du contrat, est imposable au titre de l'année au cours de laquelle il est reçu, quel que soit le montant des cessions au cours de cette année ;

«

3. Lorsque les droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années, la plusvalue réalisée lors de la cession de ces droits, pendant la durée de la société, à l'une des personnes mentionnées au présent alinéa, est exonérée si tout


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ou partie de ces droits sociaux n'est pas revendu à un tiers dans un délai de cinq ans. A défaut, la plusvalue est imposée au nom du premier cédant au titre de l'année de la revente des droits au tiers. »

« II. Les dispositions du I sont applicables :

«

1. Au gain net retiré des cessions d'actions acquises par le bénéficiaire d'une option accordée dans les conditions prévues aux articles 208-1 à 208-8-2 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales ;

«

2. Au gain net réalisé depuis l'ouverture du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D en cas de retrait de titres ou de liquidités ou de rachat avant l'expiration de la cinquième année dans les mêmes conditions. Pour l'appréciation de la limite de 50 000 francs mentionnée au 1 du I, la valeur liquidative du plan ou la valeur de rachat pour un contrat de capitalisation à la date de sa clôture est ajoutée au montant des cessions réalisées en dehors du plan au cours de la même année ;

«

3. Au gain net retiré des cessions de titres de sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie non cotées ;

«

4. Au gain net retiré des rachats d'actions de sociétés d'investissement à capital variable et au gain net résultant des rachats de parts de fonds communs de placement définis au 2 du III ou de la dissolution de tels fonds ;

«

5. Au gain net retiré des cessions de parts des fonds communs de créances dont la durée à l'émission est supérieure à cinq ans. »

« III. Les dispositions du I ne s'appliquent pas :

«

1. Aux cessions et aux rachats de parts de fonds communs de placement à risques mentionnées à l'article 163 quinquies B, réalisés par les porteurs de parts, remplissant les conditions fixées aux I et II de l'article précité, après l'expiration de la période mentionnée au I du même article. Cette disposition n'est pas applicable si, à la date de la cession ou du rachat, le fonds a cessé de remplir les conditions énumérées au 1o et 1o bis du II de l'article 163 quinquies B ;

«

2. Aux titres cédés dans le cadre de leur gestion par les autres fonds communs de placement sous réserve qu'aucune personne physique agissant directement ou par personne interposée ne possède plus de 10 % des parts du fonds ;

«

3. Aux titres cédés dans le cadre de leur gestion par les fonds communs de placement, constitués en application des législations sur la participation des salariés aux résultats des entreprises et les plans d'épargne d'entreprise ainsi qu'aux rachats de parts de tels fonds ;

«

4. A la cession des titres acquis dans le cadre de la législation sur la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et sur l'actionnariat des salariés, à la condition que ces titres revêtent la forme nominative et comportent la mention d'origine ;

«

5. A la cession de titres effectuée dans le cadre d'un engagement d'épargne à long terme lorsque les conditions fixées par l'article 163 bis A sont respectées ;

«

6. Aux profits réalisés dans le cadre des placements en report par les contribuables qui effectuent de tels placements. »

« Art. 150-0 B. Les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, de conversion, de division, ou de regroupement, réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés.

« Les échanges avec soulte demeurent soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus. »

« Art. 150-0

D. 1.

Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation.

«

2. Le prix d'acquisition des titres ou droits à retenir par le cessionnaire pour la détermination du gain net de cession des titres ou droits concernés est, le cas échéant, augmenté du complément de prix mentionné au 2 du I de l'article 150-0 A.

«

3. En cas de cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, le prix d'acquisition à retenir est la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres.

« Le détachement de droits de souscription ou d'attribution emporte les conséquences suivantes :

« a) Le prix d'acquisition des actions ou parts antérieurement détenues et permettant de participer à l'opération ne fait l'objet d'aucune modification ;

« b) Le prix d'acquisition des droits détachés est, s'ils font l'objet d'une cession, réputé nul ;

« c) Le prix d'acquisition des actions ou parts reçues à l'occasion de l'opération est réputé égal aux prix des droits acquis dans ce but à titre onéreux, augmenté, s'il y a lieu, de la somme versée par le souscripteur.

«

4. Pour l'ensemble des titres admis aux négociations sur un marché réglementé acquis avant le 1er janvier 1979, le contribuable peut retenir, comme prix d'acquisition, le cours au comptant le plus élevé de l'année 1978.

« Pour l'ensemble des valeurs françaises à revenu variable, il peut également retenir le cours moyen de c otation au comptant de ces titres pendant l'année 1972.

« Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la cession porte sur des droits sociaux qui, détenus directement ou indirectement dans les bénéfices sociaux par le cédant ou son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années. Pour ces droits, le contribuable peut substituer au prix d'acquisition, la valeur de ces droits au 1er janvier 1949 si elle est supérieure.

«

5. En cas de cession de titres après la clôture d'un plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D ou leur retrait au-delà de la huitième année, le prix d'acquisition est réputé égal à leur


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valeur à la date où le cédant a cessé de bénéficier, pour ces titres, des avantages prévus aux 5o bis et 5o ter de l'article 157 et au IV de l'article 163 quinquies

D.

«

6. Le gain net réalisé depuis l'ouverture du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D s'entend de la différence entre la valeur liquidative du plan ou la valeur de rachat pour les contrats de capitalisation à la date du retrait et le montant des versements effectués sur le plan depuis la date de son ouverture.

«

7. Le prix d'acquisition des titres acquis en vertu d'un engagement d'épargne à long terme est réputé égal au dernier cours coté au comptant de ces titres précédant l'expiration de cet engagement.

«

8. Le gain net mentionné au 1 du II de l'article 150-0 A est constitué par la différence entre le prix effectif de cession des actions, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et le prix de souscription ou d'achat.

« Le prix d'acquisition est, le cas échéant, augmenté du montant mentionné à l'article 80 bis imposé selon les règles prévues pour les traitements et salaires.

« Pour les actions acquises avant le 1er janvier 1990, le prix d'acquisition est réputé égal à la valeur de l'action à la date de la levée de l'option.

«

9. En cas de vente ultérieure de titres reçus à l'occasion d'une opération mentionnée à l'article 150-0 B, le gain net est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres échangés, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange.

«

10. En cas d'absorption d'une société d'investissement à capital variable par un fonds commun de placement réalisée conformément à la réglementation en vigueur, les gains nets résultant de la cession ou du rachat des parts reçues en échange ou de la dissolution du fonds absorbant sont réputés être constitués par la différence entre le prix effectif de cession ou de rachat des parts reçues en échange, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et le prix de souscription ou d'achat des actions de la société d'investissement à capital variable absorbée remises à l'échange.

«

11. Les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plusvalues de même nature réalisées au cours de la même année ou des cinq années suivantes.

«

12. Les pertes constatées en cas d'annulation de valeurs mobilières, de droits sociaux, ou de titres assimilés sont imputables, dans les conditions mentionnées au 11, à compter de l'année au cours de laquelle intervient soit la réduction du capital de la société, en exécution d'un plan de redressement mentionné aux articles 69 et suivants de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, soit la cession de l'entreprise ordonnée par le tribunal en application des articles 81 et suivants de la même loi, soit le jugement de clôture de la liquidation judiciaire.

« Ces dispositions ne s'appliquent pas :

« a) Aux pertes constatées afférentes à des valeurs mobilières ou des droits sociaux annulés détenus, dans le cadre d'engagements d'épargne à long terme définis à l'article 163 bis A, dans un plan d'épargne d'entreprise mentionné à l'article 163 bis B ou dans u n plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D ;

« b) Aux pertes constatées par les personnes à l'encontre desquelles le tribunal a prononcé au titre des sociétés en cause l'une des condamnations mentionnées aux articles 180, 181, 182, 188, 189, 190, 192, 197 ou 201 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 précitée.

«

13. L'imputation des pertes mentionnées au 12 est opérée dans la limite du prix effectif d'acquisition des titres par le cédant ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, de la valeur retenue pour l'assiette des droits de mutation. Lorsque les titres annulés ont été reçus, à compter du 1er janvier 2000, dans le cadre d'une opération d'échange dans les conditions prévues à l'article 150-0 B, le prix d'acquisition à retenir est celui des titres remis à l'échange, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange.

« La perte nette constatée est minorée, en tant qu'elle se rapporte aux titres annulés, du montant : a) Des apports remboursés ; b) De la déduction prévue à l'article 163 septdecies ; c) De la déduction opérée en application de l'article 163 octodecies A.

«

14. Par voie de réclamation présentée dans le délai prévu au livre des procédures fiscales en matière d'impôt sur le revenu, le prix de cession des titres ou des droits retenu pour la détermination des gains nets mentionnés au 1 du I de l'article 150-0 A est diminué du montant du versement effectué par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession par laquelle le cédant s'engage à reverser au cessionnaire tout ou partie du prix de cession en cas de révélation dans les comptes de la société dont les titres sont l'objet du contrat, d'une dette ayant son origine antérieurement à la cession ou d'une surestimation de valeurs d'actif figurant au bilan de cette même société à la date de la cession.

« Le montant des sommes reçues en exécution d'une telle clause de garantie de passif ou d'actif net diminue le prix d'acquisition des valeurs mobilières ou des droits sociaux à retenir par le cessionnaire pour la détermination du gain net de cession des titres concernés.

« Art. 150-0 E. - I. - Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A doivent être déclarés dans les conditions prévues au 1 de l'article 170. »

« II. Le code général des impôts est modifié comme suit :

«

1. L'article 92 B decies devient l'article 150-0 C et est ainsi modifié :

« a) Au premier alinéa du 1, les mots : "92 B" sont remplacés par les mots : "150-0 A" ;

« b) Le 6 est ainsi rédigé :

«

6. A compter du 1er janvier 2000, lorsque les titres reçus en contrepartie de l'apport font l'objet d'une opération d'échange dans les conditions du quatrième alinéa de l'article 150 A bis ou dans les conditions prévues à l'article 150-0 B, l'imposition de la plus-value antérieurement reportée en application du 1 est reportée de plein droit au moment où s'opérera la transmission, le rachat, le remboursement ou l'annulation des nouveaux titres reçus. »

;

« c) Le 7 est supprimé.


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«

2. Au premier alinéa de l'article 96 A, les mots : "et aux articles 92 B et 92 F" sont supprimés.

«

3. Au 6o de l'article 112, les mots : "92 B ou 160" sont remplacés par les mots : "150-0 A ou 150 A bis ".

«

4. Au premier alinéa de l'article 124 C, les mots : "aux 1 et 2 de l'article 94 A" sont remplacés par les mots : "aux 1 et 2 de l'article 150-0 D".

«

5. Au deuxième alinéa de l'article 150 quinquies, au 3 de l'article 150 nonies et au 3 de l'article 50 decies , les mots : "6 de l'article 94 A"s ont remplacés par les mots : "11 de l'article 150-0 D".

«

6. Au 2 de l'article 150 undecies, les mots : "aux 1 et 2 de l'article 94 A" sont remplacés par les mots : "aux 1 et 2 de l'article 150-0 D".

«

7. L'article 150 A bis est ainsi modifié :

« a) Au deuxième alinéa, les mots : "de l'article 92 C" sont remplacés par les mots : "du 3 du II de l'article 150-0 A" ;

« b) Au troisième alinéa, après les mots : "En cas d'échange de titres résultant d'une fusion, d'une scission ou d'un apport" sont insérés les mots : "réalisé antérieurement au 1er janvier 2000" ;

« c) Après le troisième alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« A compter du 1er janvier 2000, les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre d'une opération de fusion, de scission ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. Cette exception n'est pas applicable aux échanges avec soulte lorsque le mont ant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus.

« A compter du 1er janvier 2000, lorsque les titres reçus dans les cas prévus au troisième alinéa font l'objet d'une nouvelle opération d'échange dans les conditions du quatrième alinéa ou dans les conditions prévues à l'article 150-0 B, l'imposition de la plus-value antérieurement reportée est reportée de plein droit au moment où s'opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des nouveaux titres reçus.

«

8. Il est créé un article 150 H bis ainsi rédigé :

« Art. 150 H bis En cas de vente ultérieure de titres reçus à l'occasion d'une opération mentionnée au quatrième alinéa de l'article 150 A bis, la plusvalue imposable en application du premier alinéa du même article est calculée à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres échangés, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange.

«

9. A l'article 160 quater, les mots : "article 160" sont remplacés par les mots : "article 150-0 A lorsque ces actions ou parts sont détenues dans les conditions du f de l'article 164 B".

«

10. Au premier alinéa de l'article 161, il est ajouté la phrase suivante :

« Lorsque les droits ont été reçus, à compter du 1er janvier 2000, dans le cadre d'une opération d'échange dans les conditions prévues à l'article 150-0 B, le boni est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres ou droits remis à l'échange, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange.

«

11. Au premier alinéa de l'article 163 bis C, les mots : "92 B, 150 A bis ou 160" sont remplacés par les mots : "150-0 A ou 150 A bis".

«

12. Au deuxième alinéa de l'article 163 bis D, à l'article 163 bis E et à l'article 163 bis F, les mots : "94 A" sont remplacés par les mots : "150-0 D".

«

13. Au premier alinéa du I de l'article 163 bis G, les mots : "aux articles 92 B, 92 J ou 160," sont remplacés par les mots : "à l'article 150-0 A".

«

14. Au premier alinéa du 1 du II de l'article 163 quinquies D, les mots : "au 2o de l'article 92 D" sont remplacés par les mots : "au 3 du III de l'article 150-0 A".

«

15. Le f de l'article 164 B est ainsi rédigé :

« Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A et résultant de la cession de droits sociaux lorsque les droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des 5 dernières années.

«

16. Au 1 du I de l'article 167 bis, les mots : " l'article 160" sont remplacés par les mots : "l'article 150-0 A et détenus dans les conditions du f de l'article 164 B".

«

17. L'article 200 A est ainsi modifié :

« a) Au 2, les mots : "aux articles 92 B et 92 F" sont remplacés par les mots : "à l'article 150-0 A" ;

« b) Au 5, les mots : "à l'article 92 B ter " sontr emplacés par les mots : "au 2 du II de l'article 150-0 A" ;

« c) L'article est complété par un 7 ainsi rédigé :

«

7. Le taux prévu au 2 est réduit de 30 % dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion et de 40 % dans le département de l a Guyane pour les gains mentionnés à l'article 150-0 A résultant de la cession de droitss ociaux détenus dans les conditions du f de l'article 164-B. Les taux résultant de ces dispositions sont arrondis, s'il y a lieu, à l'unité inférieure.

«

18. A l'article 238 bis H K et à l'article 238 bis H S, les mots : "aux articles 92 B et 1 60" sont remplacés par les mots : "à l'article 150-0 A".

«

19. L'article 238 septies A est complété par un V ainsi rédigé :

« V. Lorsque les titres ou droits mentionnés au II et au III ont été reçus, à compter du 1er janvier 2000, dans le cadre d'une opération d'échange dans les conditions prévues à l'article 150-0 B, la prime de remboursement mentionnée au II est calculée à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres ou droits remis à l'échange, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée.

«

20. Le premier alinéa de l'article 244 bis B est ainsi rédigé :

« Les gains mentionnés à l'article 150-0 A résultant de la cession de droits sociaux détenus dans les conditions du f de l'article 164-B réalisés par des personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France au sens de l'article 4 B ou par des personnes morales ou organismes quelle qu'en soit la forme, ayant leur siège social hors de France, sont déterminés et imposés selon les modalités prévues aux articles 150-0 A à 150-0 E.


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«

21. Le premier alinéa de l'article 244 bis C est ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions de l'article 244 bis B, les dispositions de l'article 150-0 A ne s'appliquent pas aux plus-values réalisées à l'occasion de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux effectuées par les personnes qui ne sont pas f iscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B, ou dont le siège social est situé hors de France.

«

22. L'article 248 B est ainsi modifié :

« a) Au premier alinéa, les mots : ", 92 B et 160" sont remplacés par les mots : "et 150-0 A" ;

« b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« En cas de vente des titres reçus en échange, la plus ou moins-value est calculée à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres ayant ouvert droit à l'indemnisation.

«

23. L'article 248 F est ainsi modifié :

« a) Au premier alinéa, les mots : "des articles 92 Be t 160" sont remplacés par les mots : "de l'article 150-0 A » ;

« b) Au deuxième alinéa, l'avant-dernière phrase est supprimée.

« 24. A l'article 248 G, les mots : "les dispositions du II de l'article 92 B" sont remplacés par les mots : "les dispositions de l'article 150-0 B".

« 25. Au premier alinéa de l'article 1740 septies, les mots : "à l'article 92 B ter " sont remplacés par les mots : "au 2 du II de l'article 150-0 A".

« III. - Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

«

1. Au deuxième alinéa de l'article L. 16, après le mot : "impôts" sont insérés les mots : "ainsi que des gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux tels qu'ils sont définis aux articles 150-0 A à 150-0 E du même code".

«

2. Au 1o de l'article L. 66, les mots : "de l'article 150 S du code général des impôts, les plusvalues imposables qu'ils ont réalisées" sont remplacés par les mots : "des articles 150-0 E et 150 S du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés".

«

3. Avant le dernier alinéa de l'article L. 73, il est créé un 4o ainsi rédigé :

« 4o Les gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux des contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes de justifications mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 16. »

« IV. - Le II de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale et le II de l'article 16 de l'ordonnance no 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale sont ainsi modifiés :

« a) Au 8o , les mots : "à l'article 92 G" sont remp lacés par les mots : "au 1 du III de l'article 150-0 A" ;

« b) Au 9o , les mots : "5o de l'article 92 D" sont remplacés par les mots : "5 du III de l'article 150-0 A".

« V. - Les articles 92 B, 92 B bis, 92 B ter, 92 C, 92 D, 92 E, 92 F, 92 G, 92 H, 92 J, 92 K, 94 A et 160 du code général des impôts, sont abrogés. Ces articles, ainsi que l'article 96 A du même code dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeurent applicables aux plus-values en report d'imposition à la date du 1er janvier 2000. L'imposition de ces plusvalues est reportée de plein droit lorsque les titres reçus en échange font l'objet d'une nouvelle opérat ion d'échange dans les conditions prévues à l'article 150-0 B du code général des impôts.

« En cas de vente ultérieure de titres reçus avant le 1er janvier 2000 à l'occasion d'une opération de conversion, de division, ou de regroupement ainsi qu'en cas de vente ultérieure de titres reçus, avant le 1er janvier 1992, à l'occasion d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable, le gain net est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres échangés, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange.

« VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article et notamment les obligations déclaratives incombant aux contribuables, aux intermédiaires ainsi qu'aux personnes interposées.

« VII. - Les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 1er janvier 2000 ainsi qu'aux opérations réalisées antérieurement à cette date et faisant l'objet de recours contentieux devant les juridictions administratives à la date de promulgation de la présente loi et n'ayant pas acquis force de chose jugée.

« VIII. - La pertes de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

L'article 60 du projet de loi de finances a pour intitulé : « Fusion des régimes d'imposition des plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées par les particuliers et aménagement du régime de différé d'imposition des plus-values d'échange de ces mêmes titres ». Il crée un seuil d'imposition de 50 000 francs. L'exonération d'impôt sur le revenu en dessous de 50 000 francs transforme le régime classique du report d'imposition en sursis d'imposition.

Cette mesure va dans le bon sens, notamment parce qu'elle permettra de simplifier de nombreuses affaires actuellement en contentieux du fait de la complexité de la procédure. Vous avez d'ailleurs pu vous en rendre compte, mes chers collègues, à la lecture de cet amendement ou à celle de l'article lui-même.

Nous proposons de transférer de la deuxième partie à la première partie le dispositif proposé à l'article 60. Le Gouvernement a parfaitement perçu les difficultés que pouvaient rencontrer certaines personnes physiques engagées dans des contentieux qui peuvent leur être très dommageables. Il conviendrait de régler les affaires de la plus grande partie d'entre elles qui, n'ayant pas fauté, seraient dégagées de tout ennui grâce à l'adoption de l'article 60.

L'amendement no 232, en transférant l'article 60 en première partie, permettrait que le dispositif leur soit applicable dès le 1er janvier 2000.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission, qui n'a pas suivi le raisonnement de M. Jégou, appelle au rejet de l'amendement.

Un tel raccourcissement des délais poserait beaucoup de problèmes, car il faut tenir compte du temps nécessaire aux établissements payeurs pour s'adapter à la


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nouvelle réglementation. La commission a considéré que les éventuelles conséquences de cette réforme prévue à l'article 60 du projet de loi de finances, c'est-à-dire en deuxième partie, sur la situation des contribuables concernés pouvaient toujours être envisagées en respectant le calendrier de discussion et d'entrée en vigueur prévu.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Les arguments du rapporteur sur les délais ont convaincu le Gouvernement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 232.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 146, présenté par M. Gantier et M. Goasguen, est ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa de l'article 151 septies du code général des impôts, les mots : "le double de" sont remplacés par les mots : "deux fois et demie".

« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 349, présenté par M. Dutreil, est ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa de l'article 151 septies du code général des impôts, les mots "le double de" sont remplacés par les mots "deux fois et demie".

« II. - Les pertes de recettes sont compensées à due concurrence par l'élévation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement no 146.

M. Gilbert Gantier.

L'article 151 septies prévoit une exonération de taxation pour les plus-values professionnelles réalisées par des contribuables exerçant leur activité depuis plus de cinq ans. Mais les seuils de recettes en deçà desquels l'exonération est accordée ont été fixés en valeur absolue en 1988, voilà donc onze années et même douze pour l'exercice 2000. Ils n'ont jamais été réévalués. Il est proposé de les réévaluer d'un quart.

M me la présidente.

L'amendement no 349 est-il défendu ?

M. Michel Bouvard.

Oui, madame la présidente.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Défavorable également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 146.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 349.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Quatre amendements, nos 149, 297, 382 et 510 corrigé pourraient être soumis à une discussion commune, mais les trois derniers ne sont pas défendus.

L'amendement no 149, présenté par M. Gantier et M. Bussereau, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Après les mots "d'imposition", la fin du premier alinéa du I de l'article 151 octies du code général des impôts est ainsi rédigée : "d'éléments de l'actif immobilisé affectés à l'exercice d'une activité professionnelle, peuvent bénéficier des dispositions suivantes :".

« II. Les deux derniers alinéas du I du même article sont supprimés.

« III. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Cet amendement tend à faciliter l'évolution des structures juridiques des entreprises en simplifiant les dispositions extrêmement complexes de l'article 151 octies

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a estimé qu'un tel amendement comportait un sérieux risque d'évasion fiscale. Elle en propose donc le rejet.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Rejet.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 149.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Jégou, Mme Idrac, MM. Barrot, Hériaud, Loos, Ligot, Blessig et Gengenwin ont présenté un amendement no 282, ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Après l'article 151 octies du code général des impôts, il est inséré un article 151 octies A ainsi rédigé :

« Art. 151 octies A. Les plus-values réalisées à l'occasion de cession d'éléments d'actifs sont exonérées d'impôts dans la limite de 50 000 francs pour un contribuable célibataire divorcé ou veuf, et 100 000 francs pour un couple marié, lorsqu'elles sont réinvesties dans un délai de six mois et pour une durée minimale de cinq ans, dans des entreprises nouvelles telles que définies à l'article 44 sexies.

« II. La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

L'actuel régime de sursis d'imposition n'est pas assez incitatif et ne permet pas suffisamment d'investir dans les entreprises exerçant une activité industrielle, artisanale ou commerciale.

Pour inciter à investir dans les nouvelles entreprises, il est proposé d'exonérer d'impôts toute plus-value réinvestie dans un délai de six mois dans une entreprise de moins de cinq ans, et pour une durée d'au moins cinq ans.

Par ailleurs, pour limiter la dépense fiscale, il est proposé de créer un plafond de 50 000 francs pour les célibataires et de 100 000 francs pour les couples mariés.


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Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

Mme la présidente.

Et du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Défavorable également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 282.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Méhaignerie, Jégou, de Courson, Mme Idrac, MM. Hériaud, Loos, Ligot, Barrot, Blessig et Bur ont présenté un amendement, no 285, ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Dans le premier alinéa du II de l'article 163 bis G du code général des impôts, après les mots : "sur un marché réglementé", sont insérés les mots : "et les sociétés par actions dont les titres sont cotés sur le second marché".

« II. Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 1999.

« III. La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Ayant entendu les déclarations de M. le ministre, j'ai bien compris qu'il renvoie l'examen des propositions du groupe UDF à la discussion du printemps prochain. Je vais néanmoins exposer les motifs de nos amendements.

Actuellement, les dispositions relatives aux BSPCE sont réservées aux entreprises non cotées et aux marchés de valeurs de croissance. Afin d'améliorer l'environnement fiscal et financier de nouvelles entreprises, nous proposons, par l'amendement no 285, d'étendre ce dispositif aux entreprises du second marché, dont bon nombre sont de jeunes entreprises innovantes.

Nous sommes, si je puis dire, en plein débat différé ! (Sourires.)

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

Mme la présidente.

Et du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Avis défavorable également : je m'en suis expliqué.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 285.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Méhaignerie, Jégou, Barrot, de Courson, Ligot, Mme Idrac, MM. Hériaud, Loos et les membres du groupe UDF ont présenté un amendement, no 286, ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Dans le V de l'article 163 bis G du code général des impôts, les mots : "du 1er janvier 1998 et jusqu'au 31 décembre 1999" sont remplacés par les mots : "du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2008".

« II. La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Voilà une autre proposition dont j'espère que le Gouvernement reconnaîtra l'intérêt.

Il s'agit de prolonger le dispositif existant pour les BSPCE jusqu'en 2008.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Défavorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 286.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

MM. Barrot, Jégou, Méhaignerie, Hériaud, Mme Idrac, MM. de Courson, Loos, Ligot et Blessig ont présenté un amendement, no 280, ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Dans les deuxième et dernier alinéas du I de l'article 163 octodecies A du code général des impôts, la somme : "100 000 francs" est remplacée par la somme : "200 000 francs".

« II. La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensé à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Il est proposé de majorer le plafond de la déduction en cas de cessation de paiement de l'entreprise dans laquelle le particulier a investi, pour inciter davantage les contribuables à prendre des risques et permettre ainsi la création de nouvelles entreprises.

J'insiste sur cet amendement, messieurs les ministres, car on ne peut pas demander à ceux que l'on appelle les

« investisseurs providentiels » ou les « business angels », qui ont souvent eux-mêmes remarquablement réussi dans la création d'entreprise, d'investir à titre personnel si on ne leur accorde pas certaines garanties. Malheureusement, la création d'entreprise comporte des risques et, pour ne pas désespérer les investisseurs personnes physiques, il faut leur donner la possibilité, en cas d'échec, de déduire les pertes.

M. Christian Cuvilliez.

Ce sont des stock-options négatives !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

C'est un sujet qui pourrait être examiné, mais avis défavorable à l'amendement.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Défavorable parce que prématuré.

M me la présidente.

J'espère que cela consolera

M. Jégou...

Je mets aux voix l'amendement no 280.

(L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

Mme la présidente.

MM. Barrot, Jégou, Méhaignerie, Hériaud, Mme Idrac, MM. de Courson, Loos, Ligot et Blessig ont présenté un amendement, no 281, ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Dans les deuxième et dernier alinéas du I de l'article 163 octodecies A du code général des impôts, la somme : "100 000 francs" est remplacée par la somme : "150 000 francs".

« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je voudrais vous rassurer sur mon moral, madame la présidente. Les années passées ici vous blindent ! Et je prends les paroles du ministre comme un espoir. Nous en reparlerons au printemps prochain.

Par l'amendement no 281, nous proposons également de majorer le plafond de la déduction en cas de cessation de paiement de l'entreprise dans laquelle le particulier a investi, mais en le portant à 150 000 francs au lieu de 200 000 francs. C'est un amendement de repli.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Même avis que pour l'amendement précédent.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis également.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 281.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis saisie de quatre amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 144, présenté par MM. d'Aubert, Gantier et Laffineur, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Le II de l'article 199 terdecies O A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« II. - Les versements ouvrant droit à la réduction d'impôt mentionnée au I sont retenus dans la limite annuelle de 50 000 francs pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 100 000 francs pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.

« La réduction de l'impôt sur le revenu est égale à 50 % des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés non cotées.

« L'avantage fiscal ne s'applique que lorsque les conditions visées au I de cet article sont remplies. »

« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 278, présenté par MM. Jégou, Méhaignerie, Barrot, Hériaud, Mme Idrac, MM. de Courson, Loos, Ligot et les membres du groupe UDF, est ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 199 terdecies O A du code général des impôts est ainsi modifié :

«

1. Dans le premier alinéa du I, le taux : "25 %" est remplacé par le taux : "40 %".

«

2. Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les versements réalisés à compter du 1er janvier 1999, les limites mentionnées au premier alinéa sont portées respectivement à 50 000 francs et 100 000 francs. »

« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 279, présenté par MM. Jégou,

M éhaignerie, de Courson, Barrot, Mme Idrac, MM. Hériaud, Loos et Ligot, est ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa du I de l'article 199 terdecies O A du code général des impôts, le taux : "25 %" est remplacé par le taux : "40 %".

« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 216, présenté par MM. Gengenwin, Birraux et Mme Boisseau, est ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa du II de l'article 199 terdecies O A du code général des impôts, les sommes : "25 000 francs" et "50 000 francs" sontr espectivement remplacées par les sommes : "30 000 francs" et "60 000 francs".

« II. - La perte de recettes est compensée par le relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement no 144.

M. Gilbert Gantier.

L'article 199 terdecies O A prévoit une réduction de l'impôt sur le revenu pour les particuliers qui souscrivent au capital des PME. Cet article a été prorogé par la loi de finances pour 1999, donc par le gouvernement actuel, jusqu'au 31 décembre 2001. Néanmoins, les plafonds retenus pour l'application de la réduction d'impôt sont très bas. Il est proposé de les relever afin de favoriser le financement des PME.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour soutenir l'amendement no 278.

M. Jean-Jacques Jégou.

Je fais miens les arguments de Gilbert Gantier puisque nos amendements sont similaires.

Pour justifier leur rejet, M. le rapporteur général puis M. le ministre nous ont expliqué que les plafonds de la réduction d'impôt n'étaient pas atteints par les particuliers qui investissent dans les entreprises nouvelles.

L'argument que nous versons à votre dossier du printemps, monsieur le ministre, c'est que cet avantage n'est pas assez incitatif. Il faut qu'il soit plus substantiel si l'on veut que les investisseurs acceptent de prendre des risques.

Mme la présidente.

Les amendements nos 279 et 216 sont de repli, monsieur Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

En effet, madame la présidente, on peut considérer que je les ai défendus.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Rejet, ce qui ne veut pas dire que la commission n'accorde pas d'intérêt aux sociétés innovantes et au problème de la capitalisation des PME. Des amendements sur ces sujets seront


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

examinés en deuxième partie du budget. La réflexion reste donc ouverte mais, en son état actuel, il ne convient pas de trancher.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 144.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 278.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 279.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 216.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

M. Auberger a présenté un amendement, no 110, ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Le premier alinéa du 1 du I de l'article 199 terdecies A du code général des impôts est ainsi modifié :

« 1o Dans la première phrase, le taux "25 %" est remplacé par le taux "50 %".

« 2o Dans la deuxième phrase, la somme " 40 000 francs" est remplacée par la somme "50 000 francs" et la somme "80 000 francs" par la somme "100 000 francs".

« II. - Les pertes des recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Cet amendement est le frère jumeau de celui que M. Jégou a excellemment défendu.

Je m'étonne d'ailleurs qu'il soit appelé à sa suite, car il me paraît nettement plus éloigné des dispositions en vigueur. Il tend à porter de 25 à 50 % le taux de la réduction d'impôt, alors que l'amendement no 278 se contente de 40 %. Quant aux plafonds proposés, ils sont identiques.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

Mme la présidente.

Et du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même avis.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je suis maintenant saisie de cinq amendements, nos 231, 211, 334 deuxième rectification, 41 et 91 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 231 et 211 ont été précédemment réservés à la demande de la commission.

L'amendement no 231, présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier, Dellatre, Dominati et Laffineur, est ainsi libellé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« I. - Le I de l'article 163 bis G du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Les stock-options et les bons de souscription de p arts de créateurs d'entreprise sont désormais dénommés bons de croissance. Leurs dispositifs fusionnent. Ils permettent aux salariés d'obtenir une part des actions de leur société dans des conditions avantageuses, et d'obtenir une plus-value de cession à la levée et à la revente des options. Ils représentent l'effort consenti par les salariés à la réalisation des bénéfices de leur société. Ils constituent ainsi un soutien indispensable au lancement d'entreprises innovantes et à la pérennité des entreprises de croissance. Le régime des bons de croissance s'applique aux entreprises cotées et non cotées. »

« II. - Dans le premier alinéa du II de l'article 163 bis G, après le mot "peuvent", les mots "à condition d'avoir été enregistrées au registre du commerce et des sociétés depuis moins de quinze ans" sont supprimés.

« III. - Au b du 3 de l'article 92 B decies du même code, les mots : "d'une société créée depuis moins de quinze ans à la date de l'apport" sont supprimés.

« IV. - Les 2 et 3 du II de l'article 163 bis G du même code sont supprimés.

« V. - A la fin du premier alinéa du I de l'article 163 bis C du même code le mot : "cinq", est remplacé par le mot : "trois".

« VI. - Le 6 de l'article 200 A du même code est complété par les mots : "si les actions sont cédées moins d'un an après la date de levée de l'option".

« VII. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux droits prévus aux articles 403 et 403 A du code général des impôts et par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 211, présenté par MM. d'Aubert, Goulard, Gantier, Dominati et Laffineur, est ainsi rédigé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« I. - L'article 163 bis C du code général des impôts est abrogé.

« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 334, deuxième rectification, présenté par MM. Cochet, Aschieri, Mme Aubert, MM. Hascoët, Mamère et Marchand, est ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le 6 de l'article 200 A du code général des impôts, le taux 30 % est remplacé par le taux 40 %.

« II. - Les dispositions du I ci-dessus sont applic ables aux avantages mentionnés au I de l'article 163 bis E du même code et relatifs aux cessions intervenues à compter du 1er janvier 1999. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

L'amendement no 41, présenté par M. Migaud, rapporteur général et M. Bonrepaux, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« L'article 200 A du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 7. L'avantage mentionné au I de l'article 163 bis C est imposé au taux de 40 % lorsque le total des gains nets retiré des cessions d'actions acquises par le bénéficiaire d'options accordées dans les conditions prévues aux articles 208-1 et 208-2 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales atteint 500 000 francs par an. »

L'amendement no 91 corrigé, présenté par M. Sarre et M. Claude Hoarau, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 6. L'avantage mentionné au I de l'article 163 bis C est imposé à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires, ou sur option du bénéficiaire et dans la limite annuelle de 5 millions de francs au taux de 30 % lorsque cet avantage a été proposé à l'ensemble des salariés de la société et que le comité d'entreprise a été informé des conditions et conséquences de l'offre. »

La parole est à M. Gilbert Gantier, pour soutenir l'amendement no 231.

M. Gilbert Gantier.

Il s'agit de créer des bons de croissance. Le dispositif envisagé vise à regrouper les stockoptions et les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprise réservés aux entreprises de moins de quinze ans. Le régime fiscal proposé ramène le délai d'indisponibilité de cinq à trois ans et prévoit une taxation forfaitaire ultérieure calquée sur celle des plus-values mobilières, soit 16 %.

Mme la présidente.

Souhaitez-vous vous exprimer sur l'amendement no 211, monsieur Gantier ?

M. Gilbert Gantier.

Il est défendu.

Mme la présidente.

La parole est à M. Yves Cochet, pour soutenir l'amendement no 334, deuxième rectification.

M. Yves Cochet.

Sur le fond, je serai très bref puisque - peut-être certains s'en souviennent-ils - mercredi dernier, lors de la discussion générale, j'ai déjà exposé nos convictions en ce qui concerne les stock-options. Le problème, je le souligne, ne se limite pas au cas dont la presse s'est fait récemment l'écho, celui d'Elf et de M. Jaffré : il y a aussi les groupes Axa, l'Oréal, Vivendi, Promodès et bien d'autres.

Les Verts ont trois convictions essentielles, que je résume.

Premièrement, il y a une contradiction d'intérêts entre le salarié et l'actionnaire. Le fait qu'il se puisse que les salariés deviennent un jour actionnaires, comme certains le sont déjà - jamais majoritairement, notons-le -, ne supprime pas cette contradiction. Celle-ci se trouve simplement incorporée à l'individu, qui devient à la fois salarié et actionnaire : victime d'une sorte de schizophrénie économique, il ne parvient plus à savoir où se situe son intérêt. Je n'en dis pas davantage...

Deuxièmement, l'actionnariat salarié, c'est-à-dire la généralisation de l'épargne, même assorti comme dans d'autres pays, voire aux Etats-Unis, d'une volonté de transparence et de démocratisation, présenterait le risque que l'on se dispense ensuite de parler d'augmentation des salaires, ainsi que le risque d'une fragilisation de la protection sociale, en particulier des régimes de retraite.

Troisième conviction, enfin, je suis très lapidaire,...

Mme la présidente.

Pour ne pas excéder vos cinq minutes !

M. Yves Cochet.

Voilà ! Troisième conviction, il se pourrait qu'avec l'épargne salariale on en retourne à une vieille vision de la richesse, presque antérieure à Adam Smith, une vision un peu patrimoniale, alors que la grande innovation depuis un siècle, c'est ce que l'on peut appeler le « salaire socialisé ».

Cette innovation-là, j'y tiens beaucoup. Il ne faudrait pas que l'on en revienne à une conception qui pourrait rappeler le mercantilisme. Je ne le crois pas, mais le risque existe. Il faut donc en discuter.

Sur la méthode, j'ai bien compris que M. Strauss-Kahn, et je lui en sais gré, souhaitait que le débat sur les stockoptions soit replacé dans un cadre beaucoup plus général.

C'est en effet un problème compliqué, à la fois techniquement et politiquement. Le débat qui va s'engager maintenant, au moins dans la majorité et, espérons-le, dans le pays, devrait d'ailleurs permettre à chacun, selon ses convictions politiques, d'apporter sa pierre à la construction d'un édifice qui pourrait nous convenir à tous.

Cela étant, l'actualité a ses exigences et on ne peut faire le reproche ni à la commission des finances, ni au groupe socialiste, ni à M. Bonrepaux, d'avoir, par je ne sais quelle émotion non maîtrisée, rédigé hâtivement un amendement prématuré. Non, on peut supposer que les humains que nous sommes, êtres rationnels, voire calculateurs et égoïstes (Sourires) , ont agi en toute conscience.

Par conséquent cet amendement est justifié, comme l'était celui de M. Hollande que nous avons voté hier. Et il faut qu'un amendement de ce type, celui-ci ou un autre, soit adopté aujourd'hui par notre assemblée.

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de la commission, pour soutenir l'amendement no

41.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La présentation de cet amendement a été largement faite lors du débat qui a précédé l'article 10. Chacun de vous, dans cette majorité de gauche, avait marqué son exaspération et son irritation devant les abus qui nous avaient été rapportés.

D'autant que ces informations nous sont parvenues au moment même où paraissait un rapport qui montre que, depuis 1990, les inégalités n'ont cessé de s'aggraver.

Même si, depuis 1997, une inversion se dessine...

M. Philippe Auberger.

Personne ne vous croit !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

... il est vrai qu'elle est encore timide parce qu'elle est trop récente, et nous voudrions aller beaucoup plus rapidement.

De ce rapport je ne retiendrai qu'un chiffre : la moitié des Français ont, après une vie de travail, un patrimoine inférieur à 450 000 francs. Dix fois plus, cent fois plus, c'est ce que peuvent gagner un certain nombre de bénéficiaires de stock-options. Le comportement de ce petit nombre de dirigeants, souvent issus d'une grande administration des finances et qui s'arrogent ainsi des rémunérations sous forme de stock-options, pour des montants difficiles à imaginer, ne peut que provoquer la révolte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

Même au temps du capitalisme le plus dur, au

XIXe siècle, on n'a jamais vu une telle accumulation d'argent soumise à une fiscalité des plus favorables et dont les heureux bénéficiaires n'investissent pas un seul centime.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Imaginez le désarroi de nos concitoyens, de mes concitoyens d'Ariège,...

M. Jean-Jacques Jégou.

En Ariège, c'est sûr !

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

... salariés ou entrepreneurs, qui peinent à accumuler un petit capital au prix de sacrifices et de toute une vie de travail.

M. Michel Bouvard.

Il a raison !

M. Augustin Bonrepaux.

Il faut comparer avec le salaire moyen, qui n'atteint même pas 100 000 francs par an, ou même avec le revenu moyen d'un éleveur de montagne, qui atteint à peine 50 000 francs par an.

M. Michel Bouvard.

Tout à fait.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Les stock-options sont d'autant plus scandaleuses qu'elles supportent une fiscalité inférieure à celle de l'impôt sur le revenu. C'est pourquoi, au nom du groupe socialiste, j'ai proposé un amendement, adopté par la commission des finances.

Il s'agit d'abord de taxer ces plus-values gigantesques à 50 %, quelle que soit la date d'attribution des options, c'est-à-dire une taxation proche de l'impôt sur le revenu.

V ous avez compris que si j'ai choisi le seuil de 500 000 francs, c'est justement parce que, pour la moitié des Français, cette somme n'équivaut même pas à leur patrimoine.

Le second objectif est de décourager les comportements abusifs de certains dirigeants et de marquer la désapprobation de la puissance publique à l'égard d'agissements qui sabrent la cohésion sociale de notre pays. La hausse de la fiscalité ne vise donc pas à procurer de nouvelles ressources, elle est destinée, comme la fiscalité écologique, chère Nicole Bricq (Sourires) à faire évoluer les pratiques de personnes qui, fraîchement converties aux sirènes du secteur privé, en ont adopté les moeurs les plus condamnables.

Je crois, monsieur le ministre, que vous rejoignez ces préoccupations. Vous avez déclaré que la réforme des stock-options doit simultanément traiter de la transparence, de la diffusion et de la fiscalité, ce qui, il est vrai, n'est malheureusement pas possible dans le cadre d'une loi de finances. Mais il faut aller plus loin. Il faut moraliser ces excès et, au-delà d'un montant à déterminer, taxer ces revenus comme les autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Claude Hoarau, pour défendre l'amendement no 91 corrigé.

M. Claude Hoarau.

Je m'exprime aussi au nom de notre collègue Georges Sarre. L'amendement propose de mettre à plat le système des stock-options en réformant le mode de taxation de cette forme de sursalaire. Il s'agit concrètement d'imposer sur le revenu ce qui, jusqu'à preuve du contraire, n'est rien d'autre qu'un revenu.

Dans ce domaine, il est naturel que l'impôt soit socialement juste, donc progressif. Les dispositions actuelles du code général des impôts consacrent un mode de taxation d'exception sur choix du titulaire au moment de la levée de l'option. Le système étant déjà en lui-même dérogatoire à la façon traditionnelle de verser un salaire, rien ne justifie le maintien d'une exception à l'exception.

L'amendement no 91 corrigé propose donc l'inversion des polarités : l'impôt sur le revenu sera le droit commun, l'imposition à taux réduit sera soumise à conditions.

Ces conditions n'ont, du reste, rien de révolutionnaire.

Il s'agit simplement de fixer, pour les sommes ainsi taxées à taux réduit, un plafond à cinq millions. Les stockoptions devront avoir été proposées à l'ensemble du personnel, ce qui marque toute la différence entre un avantage et un privilège. Enfin, la démocratie ne s'arrêtant pas aux portes des entreprises, il sera obligatoire que les conditions et les conséquences de l'offre de stock-options soient communiquées au comité d'entreprise.

Ces conditions ne font que répondre aux aspirations des Français, pour qui les mots de transparence, de décence et d'égalité ont encore un sens.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission a adopté l'amendement no 41...

Mme la présidente.

Je le vois bien, mais on peut imaginer que vous souhaitiez fournir quelques explications sur les autres amendements en discussion commune...

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission, non sans quelque fierté d'auteur, trouve que son amendement est le meilleur !

Mme la présidente.

Désolée pour les auteurs des autres amendements. (Sourires.)

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, le moment est sans doute venu de débattre plus au fond de ces questions. Et si vous m'y autorisez, je repartirai volontiers de l'intervention générale de M. le député Julien Dray. Il a dit - je ne suis pas sûr de le citer verbatim - que le Gouvernement a réussi à remettre la croissance économique sur les rails. Contrairement à d'autres, il a eu l'amabilité, mais sans doute aussi la justesse, de reconnaître que, pour une large part, la politique économique du Gouvernement était à l'origine de cette situation.

Mais le problème, pour un ministre de l'économie et des finances de gauche, a-t-il fait remarquer, ce n'est pas tellement de faire cela,...

M. Julien Dray.

Oh si ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... - encore faut-il y arriver ! - que de définir la répartition des fruits de la croissance. Et vous avez ajouté, monsieur Dray, que beaucoup dans le passé s'y étaient cassé les dents. Je ne sais à qui vous pensiez... La réponse que vous avez apportée et que vous avez martelée, avec la conviction et le talent qu'on vous connaît,...

M. Julien Dray.

Là, je me méfie. (Sourires.)

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... se résume à un mot : la redistribution. Or là, je ne suis pas d'accord ou plutôt je ne suis que partiellement d'accord. Vous avez le sentiment que je m'éloigne de l'amendement no 41 et des autres qui s'y rattachent, mais j'y reviendrai rapidement.

Je ne suis que partiellement d'accord avec M. Dray, même si je crois la redistribution très importante. Une bonne part de la gauche d'ailleurs, en France comme


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dans les pays européens, a, depuis la dernière guerre, organisé son combat pour la redistribution - par le biais notamment de l'Etat-Providence, mais pas seulement. Je ne suis donc pas complètement d'accord, car la redistribution n'est pas qu'une redistribution financière.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Absolument ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Elle passe aussi par l'école, par la gratuité des services publics, par exemple.

M. Julien Dray.

Absolument.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Evidemment, loin de moi l'idée de penser que nous ne devons pas faire, en matière de redistribution, tout ce qui est possible. Après, il faut un débat concret pour savoir ce qui est possible à tel ou tel moment. Mais une part de notre mission consiste à faire de la redistribution, et c'est là qu'intervient le rôle de la fiscalité, qui n'en est d'ailleurs pas le seul instrument.

Là où je m'écarte quelque peu de la position de M. Julien Dray - mais nous aurons l'occasion de revenir sur ce débat avec le texte sur l'épargne salariale - c'est que je crois que notre mission ne s'arrête pas là. En disant avec force que la redistribution est au coeur de notre débat, il me semble qu'est occultée une autre partie, au moins aussi importante et, oserai-je le dire, pour moi plus importante, qui n'est pas la redistribution, mais la répartition du revenu primaire.

La question de la répartition du revenu primaire se pose avant celle de la redistribution, sauf à dire que la gauche, dans toute sa diversité ou sa pluralité, n'a pour mission que de laisser fonctionner l'économie de marché et le capitalisme puis de venir en panser les plaies par la redistribution. Certes, il faut panser ces plaies, il faut de la redistribution, mais avant cela, nous avons mission de faire en sorte de modifier le capitalisme dans lequel nous vivons et dont M. Brard reconnaissait que les modèles alternatifs n'ont pas vraiment démontré leur solidité.

Quand le Premier ministre parle de régulation, au plan national comme au plan international, c'est bien pour dire que nous devons mettre en place des règles qui courbent l'évolution naturelle du capitalisme, qui le fassent s'orienter dans un sens qui nous convient mieux, même si à l'arrivée, il ne nous convient pas parfaitement, c'est le moins que l'on puisse dire.

Or agir sur le capitalisme, le réguler, c'est justement toucher à la distribution du revenu primaire. Pourquoi accepterions-nous pour toujours que le salarié ne bénéficie que du salaire que l'on veut bien lui accorder sans référence à la richesse qu'il crée ? Pourquoi accepterionsnous a priori l'idée, comme c'était le cas au

XIXe siècle, avec le capitalisme naissant, que les prolétaires n'aient que leurs chaînes...

M. Christian Cuvilliez.

A garder ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l 'industrie.

... comme biens - cela fait moins de 450 000 francs -, qu'ils n'aient que leur force de travail à vendre et que, quels que soient les résultats de l'activité de l'entreprise, ils ne puissent pas en bénéficier après coup ? Nous n'avons aucune raison d'accepter cela, sauf à dire que c'est cela qui précipitera le capitalisme dans son explosion et, donc, dans la révolution. Mais voilà qui est bien lointain. Je fais partie de ceux qui ont toujours pensé que Keynes avait fait plus pour la classe ouvrière que Rosa Luxembourg.

M. Julien Dray.

Ce n'est pas sûr.

M. Christian Cuvilliez.

Ils n'ont pas payé le même prix ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Dans ces conditions, nous devons faire en sorte que les modifications que nous apportons au fonctionnement de l'économie de marché permettent d'améliorer la distribution du revenu primaire.

Une voie évidente passe par les salaires. Beaucoup ici, n otamment dans la majorité, mais pas seulement, insistent pour que la politique du Gouvernement permette des distributions de pouvoir d'achat plus importantes. De ce point de vue, nous n'avons pas à rougir de ce qui a été fait depuis deux ans et demi, puisque le pouvoir d'achat qui a été distribué est sans comparaison avec ce qu'il était au début de la décennie. Mais cela ne suffit pas. Nous sommes aujourd'hui entrés dans un monde où l'incertitude sur l'activité de l'entreprise est plus grande, notamment en raison de problèmes liés à la technologie qui rend la croissance et la profitabilité des entreprises plus incertaines. C'est la raison pour laquelle le salaire versé aux salariés ne définit pas, a priori, la productivité de son travail.

L'erreur a toujours existé par rapport à la théorie économique, mais elle est aujourd'hui plus grande qu'elle ne l'était dans le passé. Cela explique que nous trouvions aujourd'hui nombre d'entreprises dont on s'aperçoit, cinq ans, dix ans plus tard, qu'elles ont formidablement crû, qu'elles se sont formidablement développées parce que les salariés ont été payés moins qu'ils auraient dû l'être, c ar leur productivité a été supérieure à leur rémunération . La théorie voudrait que cette rémunération soit égale à la productivité du travail. Personne ne sait exactement la mesurer au moment qui convient. Sur la longue période, on peut essayer de l'estimer, mais quand tout change, alors c'est beaucoup plus difficile. Et je ne me résouds pas, pour ma part, et c'est sans doute ce qui fait une partie de mes convictions de socialiste, à ce que l'on dise au salarié que l'on achète sa force de travail à un certain prix qu'il accepte parce qu'il faut vivre et qu'ensuite, tout ce qui en découlera, ce sera pour les autres. Si ce qui en découle est massif, ce sera entièrement pour les autres.

J'en viens ainsi au thème de l'épargne salariale. Nous n'avons dans ce débat aucun lien avec la vieille association capital-travail que certains ont développée dans le passé. L'épargne salariale, c'est-à-dire l'épargne qui peut être fournie aux salariés, mais qui n'est pas obligatoirement constituée des actions de l'entreprise, est une part de ce surplus qui doit pouvoir, quand l'entreprise s'aperçoit après coup qu'elle a beaucoup plus profité qu'elle ne le pensait du travail de ses salariés, retourner en partie vers ses salariés.

C'est un sujet majeur de notre société, et pas un simple aménagement des circuits financiers ou des produits d'épargne. Majeur ce sujet l'a été pour les sociétés précédentes, mais il l'est plus encore aujourd'hui en raison même de l'incertitude qui s'attache à la productivité du travail, à sa modification par les technologies nouvelles, par exemple, par la mondialisation aussi.

Si nous ne nous intéressions qu'à la redistribution, nous manquerions une partie du sujet. J'ai eu l'occasion de me laisser dire que Marx avait écrit Le Capital , et pas

« la sécurité sociale ».

(Sourires.)

Et je crois en effet que ce qui caractérise le capitalisme, c'est la façon dont le revenu primaire est distribué. Je ne le dédaigne nullement. Je veux faire tout ce qui est possible en matière de redistribution. Mais on ne peut pas s'arrêter là ! Quand le Premier ministre nous a dit il y un


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an environ : « Je veux une société de travail et pas une société d'assistance », qu'y a-t-il derrrière ces paroles sinon ce que je suis en train d'exprimer ? A savoir que c'est bien au moment du travail, au moment où la richesse se créée dans le partage du revenu primaire que se définissent les conditions de l'inégalité - certains diraient de l'exploitation - et pas dans l'assistance à laquelle il faut évidemment procéder quand elle est nécessaire.

Réformer l'ensemble de nos dispositifs d'épargne salariale, permettre aux salariés qui sont dans des entreprises dans lesquelles les produits se révèlent après coup bien supérieurs à ce qui avait été anticipé, d'en récupérer une partie, c'est aussi notre mission. C'est modifier après coup le partage salaire-profit qui avait été défini ex-ante lorsque l'entreprise a embauché son salarié. Nous n'avons aucune raison de ne pas vouloir modifier le fonctionnement de cette économie de marché dans son fondement même et pas simplement en fonction des malheurs qu'elle créée en termes d'inégalités, ce pourquoi la redistribution peut être utile.

L'épargne salariale est donc au coeur de notre projet.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous puissions en débattre à partir d'un texte qui reprendra l'ensemble de ces questions. Certes, il y a aussi l'actionnariat salarié évoqué par l'un ou l'autre. Mais ça n'est pas la seule forme d'épargne salariale. Une entreprise peut cotiser à un plan d'épargne d'un salarié sans qu'il s'agisse d'un problème d'actionnariat. L'actionnariat salarié peut poser des problèmes spécifiques. M. Cochet a fait remarquer que le salarié pouvait devenir schizophrène en devenant actionnaire. Oui, si l'on veut. Encore que le salarié, quand il est actionnaire, ne s'exploite pas lui-même et n'est pas pour autant un capitaliste. Néanmoins, je vois bien ce qu'il voulait dire : plus il gagne en salaire, moins il aura de dividendes. Mais comme les dividendes sont faibles à côté de son salaire, il résout assez facilement sa propre contradiction.

Il reste qu'aujourd'hui et demain des millions de salariés disposeront d'actions d'entreprise, de leur entreprise ou d'une autre. Là aussi, nous n'avons aucune raison de ne pas regarder la réalité et de voir qu'il est normal qu'ils profitent de l'épargne qu'ils ont ainsi accumulée.

Donc, qu'il s'agisse d'actionnariat ou d'épargne sous la forme d'un plan d'épargne, le sujet pour nous est au coeur du fonctionnement de notre société, sauf à préférer que le salarié continue, jusqu'à la fin des temps, de ne toucher que son salaire naturel, celui qui lui permet de survivre, sans en aucune manière bénéficier de la richesse qu'il a pu créer.

L'épargne salariale sera donc pour nous un grand thème de débat. Cela valait bien que le Gouvernement confie à un député expérimenté et à un ancien commissaire au plan, Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld, une mission pour éclairer le débat, un débat connu, sur lequel beaucoup d'entre nous ont déjà écrit, mais qui mérite d'être repris, analysé et synthétisé, notamment en dialoguant avec les forces politiques, les syndicalistes et un certain nombre de personnes qui réfléchissent à ces questions. Ce rapport sera remis avant la fin du mois de janvier. A partir de là, le Gouvernement élaborera avec vous d'ailleurs - un texte qu'il vous soumettra sur l'ensemble des questions concernant l'épargne salariale.

Parmi celles-ci, il en est une qui a effectivement beaucoup de succès dans notre pays, depuis quelques jours, celle des stock-options. Ce qui s'est passé à la suite de la fusion de deux entreprises pétrolières m'a au moins autant choqué que M. Augustin Bonrepaux dont je pourrais partager chacun des points qu'il a évoqués dans son intervention.

On voit donc bien qu'il y a là des choses à faire, qu'on ne peut pas en rester à la situation actuelle en matière de stock-options. Celles-ci ne représente d'ailleurs qu'un petit bout du problème de l'épargne salariale mais, d'une certaine manière, le problème s'y raccroche. Le régime actuel des stock-options doit évidemment être transformé.

Pour ma part, j'ai souhaité le faire depuis un certain temps, car ce régime a des défauts dirimants.

Il est choquant parce qu'il conduit à distribuer des sommes qui dépassent l'entendement - je l'ai dit à Strasbourg, il y a un mois. Des centaines de millions, ce sont des chiffres que nous manions dans le débat budgétaire quand il s'agit de grandeurs macroéconomiques mais, dans le débat individuel, il est difficile de se représenter de telles sommes.

Au-delà du fait qu'il est choquant, ce régime est totalement opaque. Or il est absolument anormal qu'une quelconque forme de rémunération puisse être opaque dans l'entreprise vis-à-vis des salariés et vis-à-vis des actionnaires. Enfin, il est extrêmement injuste parce qu'il est réservé à un petit nombre. Tout ce qui a été dit, de ce point de vue, par M. Augustin Bonrepaux, je le reprends à mon compte.

Il faut donc mettre fin à ces excès. La mission qui a été confiée à Jean-Pierre Balligand et à Jean-Baptiste de Foucauld aidera le Gouvernement à travailler, notamment pour mieux associer les salariés aux décisions et à la croissance de leur entreprise - car ça va avec - et pour maintenir des centres de décisions en France. C'est à ces deux éléments que devons réfléchir. La question de l'association des salariés aux décisions qui les concernent a d'ailleurs été évoquée par M. Brard et M. Feurtet.

Dans cet esprit, le Gouvernement demande à la mission Balligand-de Foucauld de procéder à une remise à plat du régime des stock-options, et de procéder notamment à des comparaisons internationales. C'est à cela que je pensais en parlant du maintien des centres de décisions en France. Les conclusions de la mission seront remises au plus tard le 31 janvier 2000 et le Gouvernement, à partir de ce rapport, proposera au Parlement un nouveau dispositif législatif sur l'ensemble des questions posées par l'épargne salariale, dont ce problème des stock-options.

Ces dispositions seront applicables à partir du 1er janvier 2000 car il n'y a aucune difficulté à ce que nous votions, au cours de l'année, des dispositions dont nous déciderons qu'elles seront, si vous le décidez, applicables à partir du 1er janvier 2000. A quoi viseront-elles ? Ces dispositions visent trois objectifs. D'abord, établir la transparence dans l'attribution de ces options. Ensuite, assurer une diffusion plus large de ces instruments.

Enfin, moraliser le régime fiscal et social des stockoptions, le prélèvement total obtenu pouvant, en fonction du montant des plus-values, varier selon le risque encouru et différents paramètres. Il peut ainsi être modulé jusqu'à correspondre au taux du barème de l'impôt sur le revenu.

Telle est la formule que le Gouvernement se propose de mettre en oeuvre, à partir des éléments que fourniront les deux rapporteurs.

C ompte tenu de cette perspective d'une grande réforme sur l'ensemble de l'épargne salariale, j'invite l'Assemblée à ne pas légiférer, je ne dirai pas à la va-vite car cela serait injurieux, mais de façon partielle et insuffisante, sur une partie seulement de ce grand sujet.


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Nous avons quelques mois pour travailler sérieusement dans ce domaine. A ce propos, je me permets de rappeler à l'Assemblée qu'elle n'a jamais été déçue par le Gouvern ement au regard des promesses prodiguées. Ainsi lorsque, l'année dernière, à la même époque, des parlementaires avaient proposé des amendements concernant la TVA dans le secteur du bâtiment, le Gouvernement avait indiqué qu'il convenait de ne pas agir dans l'immédiat car le sujet était à l'étude et qu'il présenterait des propositions l'année prochaine. Il a été fidèle au rendezvous, en insérant, dans le projet de loi de finances en discussion, des dispositions relatives à la TVA dans le bâtiment dont j'ai le sentiment qu'elles ont satisfait l'Assemblée.

Au bénéfice de cet engagement que prend le Gouvernement de réformer l'ensemble du système des stockoptions dans des délais précis, avec des dates d'application bien définies, je demande à ceux qui ont déposé des amendements de bien vouloir les retirer. Nous pourrons reprendre le débat d'une manière globale au moment opportun, en développant nos arguments respectifs, avant de mettre en service une politique, qui ne sera d'ailleurs pas seulement fiscale en la matière puisque le problème de la transparence revêt un intérêt au moins aussi important. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Plusieurs députés souhaitent intervenir.

La parole est à M. Philippe Auberger.

M. Philippe Auberger.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas intervenu sur l'article 10, parce que je savais que le sujet serait abordé plus tard. Son importance est évidente et je considère que le ministre l'a traité avec une certaine hauteur de vue. En particulier, les propos qu'il a tenus sur la diffusion du capital, qu'il s'agisse de celui de l'entreprise ou d'autres formes d'épargne chez les salariés, montrent que, dans ce domaine, nos idées sont proches.

Contrairement à ce que certains peuvent penser, nous n'avons d'ailleurs absolument aucune leçon à recevoir dans ce domaine, puisque, avec l'ordonnance de 1959, avec celle de 1967, avec la diffusion des actions dans les entreprises privatisées en 1987, opération renouvelée en 1993, nous avons fait beaucoup en faveur de la détention des actions par les salariés.

Il est néanmoins un sujet essentiel que le ministre n'a pas évoqué et sur lequel il faut pourtant que la commission ad hoc s'interroge. Il s'agit de la place des salariés dans les organes dirigeants de l'entreprise. En effet, dès lors qu'ils possèdent des actions de l'entreprise, ils ne sauraient en être écartés même si, comme l'a justement souligné le ministre, il ne faut pas accorder une exclusivité à la participation fondée sur la détention d'actions de l'entreprise et même s'il convient - souvenons-nous de l'affaire Maxwell - de faire en sorte que les salariés ne soient pas trop liés à l'entreprise. Ce matin plusieurs éditorialistes ont fait d'excellentes analyses dans ce domaine.

Il n'en reste pas moins que se pose le problème de la place des salariés dans les organes dirigeants de l'entreprise. Cela est une conséquence inéluctable de leur participation au capital, notamment dans nos grandes entrep rises. La question était d'ailleurs traitée dans la proposition de loi présentée par notre groupe à l'instigation de M. Balladur, au mois de mai dernier, notamment pour régler plusieurs difficultés dont il a été question.

Je suis également d'accord avec le ministre pour reconnaître que subsistent des problèmes de transparence, de répartition et de régime fiscal et social de ces distributions.

Pour régler la question de la transparence, il faut que des salariés siègent au sein des conseils d'administration et participent, le cas échéant, au comité de rémunération puisqu'il appartiendra à ce dernier de déterminer les règles en matière tant de rémunération que de diffusion du capital auprès des salariés.

Ce comité devra également prévoir une diffusion beaucoup plus large des stock-options. Néanmoins, je ne suis pas persuadé, malgré les propos de M. Hollande, que tous les salariés aient forcément vocation à accéder aux stock-options. En revanche ils ont tous vocation à détenir une partie du capital de leur entreprise. En tout cas telle est la position que nous avons toujours défendue.

Des règles précises doivent donc être établies en la matière, mais elles ne peuvent être fixées que par les organes dirigeants. Pour que cela soit fait correctement, il faut que les salariés y soient associés.

A cet égard je constate que le deuxième rapport de M. Viénot sur le gouvernement d'entreprise comporte des propositions en ce sens.

Par ailleurs, je dois souligner que si l'on semble découvrir ce problème dans certaines entreprises, comme Elf, il n'est pas nouveau. Depuis plusieurs années, en effet, des cadres de ces entreprises disaient dans la presse et ailleurs que les modalités de répartition des stock-options dans ces entreprises n'étaient pas satisfaisantes. Je m'étonne donc que l'on considère qu'il s'agit d'un problème nouveau. Certes il vient d'être révélé au grand jour et avec une publicité quelque peu tapageuse, mais il existait déjà.

D'autres entreprises - Accor par exemple - ont décidé que tous les employés ayant la responsabilité d'une unité de gestion - près de 2 500 en l'occurrence - avaient vocation à obtenir des stock-options. Cela démontre que les procédures varient selon les entreprises.

Notre rôle doit donc être de pousser vers des formules qui ouvrent cette diffusion à l'ensemble des responsables.

Je suis tout à fait disposé à réexaminer le problème de la fiscalité. Actuellement, l'existence dans les revenus distribués d'une partie à caractère répétitif crée une confu sion, car elle constitue un véritable revenu déguisé. En revanche, il existe une autre partie qui correspond à une véritable épargne parce qu'elle implique un risque et parce qu'elle varie en fonction de certaines données, qu'il s'agisse de rentabilité des entreprises, d'évolution de leur valeur ou des résultats de leur chiffre d'affaires, de leur développement de façon plus générale.

Il est donc indispensable d'établir une distinction correcte entre ces deux éléments. Je ne suis d'ailleurs pas persuadé que l'on puisse obtenir ce résultat avec un texte trop général. Il demeure sans doute des problèmes d'application pratique. C'est pourquoi il convient de définir des règles extrêmement simples et sereines.

Mme la présidente.

Monsieur Auberger, il faudrait conclure !

M. Philippe Auberger.

Je conclus, madame la présidente.

La partie de ces revenus qui correspond à un salaire doit être traitée comme un salaire. A ce propos, je partage l'avis d'Augustin Bonrepaux.

En revanche, à partir du moment où ce revenu devient extrêmement fluctuant, dépend réellement des résultats de l'entreprise, il s'agit d'un profit financier. Il faut alors le


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traiter comme tel, non seulement du point de vue de la fiscalité, mais aussi au regard des cotisations sociales et de la déductibilité en matière d'impôt sur les sociétés.

M me la présidente.

Monsieur Auberger, il faut conclure.

M. Philippe Auberger.

Madame la présidente, j'aurais pu m'exprimer sur l'article 10, mais je me suis réservé pour intervenir à ce point du débat. Le problème me semble suffisamment important pour que vous nous permettiez d'exposer clairement nos positions.

Mme la présidente.

Le débat est effectivement important. J'invite néanmoins chacun à la concision.

M. Philippe Auberger.

Monsieur le ministre, je vous donne acte de vos positions relatives à la réflexion en la matière et au calendrier. J'observe tout de même - c'est pour cela que ma question n'était pas tout à fait innocente -...

Mme Nicole Bricq.

Nous l'avions compris !

M. Philippe Auberger.

... que les résultats de l'étude ne seront connus qu'en janvier ou en février, et que leur mise en oeuvre sera faite ultérieurement. Or si l'on veut toucher les opérations réalisées en 1999, ce qui serait tout à fait normal, qu'il s'agisse de revenus ou de profits financiers, il faudra donner au texte un caractère rétroactif. En l'occurrence, vous considérez que la rétroactivité est normale. Même si vous êtes pressés par le calendrier, je déplore malgré tout que l'on institutionnalise ainsi la rétroactivité, car cela ne me semble pas de bonne méthode.

M. Raymond Douyère.

Ce ne sera pas rétroactif !

Mme la présidente.

La parole est à M. Julien Dray.

M. Julien Dray.

Le débat est indéniablement important, comme en témoigne le fait que le ministre ait pris soin de répondre en détail et d'aller fort loin dans la recherche de sources pour justifier sa démarche.

Je tiens d'abord à formuler une remarque préliminaire en indiquant à M. le ministre que si Marx a écrit Le Capital et pas « La Sécurité sociale », c'est parce qu'il n'était pas déterministe. Il considérait effectivement que les hommes et les femmes faisaient leur histoire. Or la sécurité sociale est un produit de l'histoire et non d'une analyse critique du système. Lui faisait une analyse critique du système en écrivant Le Capital. Le reste est un autre débat.

M. Jean-Pierre Brard.

Ce n'était pas une analyse critique du système, mais une analyse tout court.

M. Christian Cuvilliez.

Misère de la philosophie !

M. Julien Dray.

Ou philosophie de misère !

M. Jean-Pierre Brard.

Ou philosophie de Prisunic !

M. Julien Dray.

A mon avis la question posée revêt deux dimensions.

Je suis d'abord heureux, car cela est raisonnable, qu'ait lieu un débat de fond et que le Gouvernement donne le temps nécessaire pour que tous les arguments puissent être échangés et entendus. En effet, la question de la répartition des revenus primaires pose inévitablement celle du pouvoir dans l'entreprise.

M. Philippe Auberger.

C'est ce que j'ai dit !

M. Julien Dray.

Il convient donc d'étudier ce qui se passe dans les divers modèles proposés. Sinon les actionnaires salariés seraient amenés, y compris dans un capitalisme qui se restructure si rapidement, à décider de leur propre licenciement, dans la mesure où ils devraient, au nom d'une valorisation maximale de ce revenu primaire, accepter une certaine logique de restructuration.

La question de savoir qui décide et qui dirige est donc bel et bien posée. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas vu de système qui donne un pouvoir aussi fort et aussi important aux salariés qu'il leur permette d'affronter les représentants du capital à armes égales.

La situation n'est pas aussi simple qu'il paraît. Certes, certains modèles auxquels nous pouvons nous référer, comme celui de la codétermination en Allemagne, laissent une certaine place à l'actionnariat syndical pour certaines décisions. Mais tel n'est pas le cas, aujourd'hui, dans la législation française. Nous devons donc demeurer très prudents.

Ce débat aura au moins permis d'aborder de grandes questions qui sont d'actualité. Je suis heureux qu'il ne soit pas encore tranché et que nous puissions faire valoir certains arguments.

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Comme mon collègue et ami Philippe Auberger, j'estime que nous avons vécu quelques minutes plus qu'intéressantes. Le niveau du débat, ceux qui sont depuis mardi soir dans cet hémicycle en conviendront, a montré qu'il était possible d'aller au fond des choses.

Monsieur le ministre, je ne vois pas grand-chose à redire à vos propos sur la redistribution et la répartition du revenu primaire ou aux propositions que vous voulez présenter au printemps prochain. Même si l'opposition ne peut pas être directement associée à vos projets parce que c'est l'habitude sous la Ve République, j'espère qu'elle pourra exprimer ses propositions et aider à faire avancer le débat pour que notre société moderne fonctionne mieux.

Bien que je me sente quelque peu handicapé face au professeur Strauss-Kahn (Murmures), je me permettrai d'ajouter un élément auquel je suis attaché, car je suis chef d'une petite entreprise que j'ai créée il y a plus de vingt ans.

Je tiens à insister sur le fait que, avant de penser à la répartition du revenu primaire, il faut assurer la création de la richesse. A cet égard je suis heureux de constater que, même au sein du principal parti de la majorité, le parti socialiste, vous êtes de plus en plus nombreux à reconnaître que l'entreprise est un lieu d'enrichissement pour tous. Si j'ai bien compris d'ailleurs, ce constat constituera l'une de nos bases de réflexion au printemps prochain.

Il ne faudrait donc pas oublier, monsieur le ministre, que chez tout salarié il y a un chef d'entreprise qui sommeille. Espérons simplement qu'il ne sommeille pas trop longtemps afin de participer rapidement au développement de la richesse du pays en créant des entreprises et des emplois.

Certes cette discussion n'a guère de rapport avec la question relative à l'épargne des salariés. Il conviendrait cependant - et je regrette que nous n'ayons pas suffisamment de temps pour en débattre dans le cadre de cette loi de finances - de s'attacher au système des business angels, qui fonctionne dans beaucoup de pays. En effet certains de ceux qui ont réussi leur entreprise puis l'ont vendue peuvent se mettre à la disposition de jeunes créateurs ou de salariés ayant démontré, par les qualités dont ils ont


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fait preuve dans l'entreprise, qu'ils étaient capables d'en créer une à leur tour. Afin de les y aider, il est indispensable d'instaurer un environnement fiscal adapté la création d'entreprises et d'emplois.

Les minutes que nous vivons montrent que nous pouvons être d'accord sur le fonctionnement de notre société et éviter les poncifs sur l'affrontement entre salariés et chefs d'entreprise. Grâce à ce que certains ont appelé le capitalisme populaire et qu'il faut peut-être transformer désormais en épargne populaire ou en plan d'épargne d'entreprise, de notables avancées ont été obtenues.

Aujourd'hui, notre société vit en bien meilleure harmonie qu'au

XIXe siècle ou même qu'au début des années 60. Je regrette simplement que, si l'on a pensé à la redistribution, on n'a pas imaginé que, dans les temps difficiles, il était nécessaire de créer l'esprit d'entreprendre.

Mme la présidente.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Si, comme M. Jégou, j'ai été frappé par la qualité de votre intervention, monsieur le ministre, je dois relever que vous n'avez parlé que de redistribution et de répartition. Or avant de redistribuer, avant de répartir, il faut créer. Il est bien de préférer Keynes à Rosa Luxembourg,...

M. Yves Cochet.

Ou Schumpeter !

M. Gilles Carrez.

... mais auparavant il faut savoir préf érer l'initiative et la création, préférer avant tout l'homme et ses qualités.

Certes nos sociétés modernes ont encore besoin de capitaux, et même en quantités de plus en plus importantes, mais les véritables créations de richesses passent toujours par les hommes et les femmes qui réussissent grâce à leur intelligence, à leur imagination, à leur engagement, à leur motivation. La croissance extraordinaire que l'on connaît de l'autre côté de l'Atlantique depuis une dizaine d'années, et qui se traduit par des créations d'emplois souvent peu qualifiés mais aussi parfois très qualifiés, est fondée sur l'intelligence des hommes et sur leur imagination.

Pourquoi tant d'entreprises, qui ont démarré avec aussi peu de fonds au départ, sont-elles, quelques années après rachetées à des montants colossaux, avec des rapports de un à cent, voire de un à plusieurs milliers ? Cela tient au fait que, derrière elles, il y a des hommes, des femmes...

M. Christian Cuvilliez.

Des cadavres !

M. Gilles Carrez.

... qui on su prendre des risques et se mobiliser, or nos jeunes sont de plus en plus nombreux à partir à l'étranger.

Je participais récemment à une réunion d'anciens élèves d'une école dont il se trouve que nous sommes tous deux issus. Il s'y est produit quelque chose qui m'a vraiment attristé : tous les jeunes présents étaient - à tort ou à raison, qu'importe - persuadés que leur avenir était non plus en France, mais en Grande-Bretagne, aux EtatsUnis. Je me suis fait le défenseur des thèses que vousmêmes défendez, citant des études en provenance de la maison Bercy montrant le caractère finalement marginal d u phénomène ; je me suis attaché à leur faire comprendre que tous les exemples, emblématiques, abondamment présentés sur les chaînes de télévision dans des émissions surprenamment prisées par nos concitoyens, n'étaient finalement pas si nombreux, que ces jeunes dont on parle tant ne sont en fait que des exceptions et finissent tous par revenir au pays.

Mais, je vous l'avoue, je n'étais moi-même qu'à moitié convaincu par ce que je disais. On sentait chez ces jeunes hommes et ces jeunes femmes une telle certitude qu'ils n'avaient aucune chance d'exprimer leur talent dans leur pays que l'on se sentait obligé d'écouter leurs arguments, à défaut de s'y rendre.

Je reviens à une considération plus générale : vous avez eu raison de placer le débat à un niveau très élevé.

Depuis deux ou trois jours que nous bataillons sur des amendements et des dispositions plus techniques les unes que les autres, nous avons besoin de nous poser des questions de fond.

Ces jeunes se rendent bien compte qu'ils vivent dans une société dans laquelle les prélèvements obligatoires ne cessent de s'accroître et de battre des records - vous-même l'avez reconnu il y a deux jours - et la dépense publique de grignoter peu à peu la richesse nationale produite : 54 % du produit intérieur brut !

M. Christian Cuvilliez.

On descend des hauteurs vers les profondeurs !

M. Gilles Carrez.

N'y voyez-vous pas un signal ? Comment peut-on mieux prendre la mesure du cantonnement de l'initiative privée que par ces deux critères : la part de la dépense publique et le taux des prélèvements obligatoires ? Je soumets ces points à votre réflexion. J'ajoute, prolongeant les propos de Philippe Auberger, que le mouvement gaulliste a toujours été profondément attaché à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise.

Qu'il s'agisse des ordonnances de 1959, des lois sur l'intéressement de 1966 ou sur la participation de 1967, nous avons toujours cherché à élargir le plus possible l'actionnariat, la participation, l'épargne populaire sous toutes ses formes, à faire en sorte que le plus grand nombre possible de salariés puissent eux aussi profiter des fruits du retour à la prospérité, de la capacité de progrès, de l'enrichissement de leur propre entreprise.

Aussi avons-nous été très attristés de vous voir balayer d'un revers de main, sans même daigner vouloir en discuter, la proposition de loi qu'Edouard Balladur avait présentée ici même voilà quelques mois...

Mme Nicole Bricq.

Elle n'était pas bonne !

M. Gilles Carrez.

... et qui répondait exactement à ces préoccupations.

Le champ est plus large, c'est vrai. Mais c'est en construisant pierre par pierre que, petit à petit, nous parviendrons à le couvrir...

Voilà un problème réel, où l'on comprend tout ce que peuvent avoir de choquant l'appropriation par quelquesuns de l'évolution, de l'enrichissement, du succès de l'entreprise, et le montant faramineux des sommes en jeu.

Mme la présidente.

Monsieur Carrez, je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Gilles Carrez.

Je ne peux que regretter que, pour une fois que nous pouvions élargir notre débat, vraiment poser la question et en débattre, vous vous contentiez pour toute proposition de renvoyer à plus tard, de demander à une commission d'étude de réfléchir et finalement de différer, une fois de plus, une question pourtant au coeur du problème que connaît notre société.

Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Bouvard, à qui je demande de respecter les cinq minutes réglementaires...

M. Michel Bouvard.

Je m'y efforcerai, madame la présidente. Mais le sujet mérite que l'on y consacre un peu de temps, même s'il nous faudra encore beaucoup de


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travail pour examiner les autres amendements. Après tout, les habitués des débats budgétaires le savent bien, nous n'avons pas si souvent l'occasion d'aller au fond des choses ; ce que, pour une fois, nous faisons depuis un moment.

Je n'aurai qu'un regret : que finalement nous y ayons été poussés par l'actualité, par un événement malheureux et choquant. Je partage à cet égard les propos d'Augustin Bonrepaux : tout comme lui, je suis l'élu d'une circonscription populaire où bien des gens n'imaginent même pas ce que peuvent représenter les sommes en jeu, où nombre d'élus locaux eux-mêmes ont du mal à se rendre compte de l'ampleur de montants qui dépassent de loin plusieurs années de budgets d'investissement communaux.

Ce qui s'est passé a effectivement quelque chose de très choquant et il est temps que la représentation nationale mette un terme à des excès insupportables pour nombre de nos concitoyens et qui, d'une certaine façon, contribuent à la déstabilisation de notre société. Tant il est vrai que, lorsque l'on est issu du peuple et qu'on voit de tels abus, on en vient à ne plus croire aux institutions de son propre pays ni à la capacité de la classe politique à le gérer correctement. De ce point de vue, l'amendement de la commission des finances, que j'ai moi-même voté, apparaît parfaitement justifié.

Nous touchons là au fond du problème, mes chers collègues : il nous revient d'arbitrer entre la question de la place des salariés dans les entreprises, celle de la distribution des richesses que celles-ci créent et celle de la maîtrise de leurs centres de décisions, et ce pour la société dans son ensemble, pour le pays tout entier.

Sur ce point, je partage ce qu'a dit à l'instant Gilles Carrez. Chacun sait qu'il existe des secteurs industriels traditionnels qui investissent massivement, à coup de centaines de millions, sans pour autant créer d'emplois. A côté, des emplois nouveaux se développent, qui n'existaient pas voilà dix ans, dans des métiers que l'on n'imaginait même pas. Peut-être les emplois-jeunes étaient-ils nécessaires ; il n'en reste pas moins que ce sont ces métiers encore à peine identifiés qui constituent l'emploi durable, l'emploi nécessaire, l'emploi qui demain portera la croissance. Et il est important que ceux qui sont capables de les créer par dizaines ou par centaines restent dans notre pays. Voilà qui nous oblige à réfléchir au moyen de récompenser leur créativité, leur imagination, leurs capacités de dirigeant, par une rémunération qui va au-delà du simple salaire d'un cadre d'entreprise.

C'est bien dans cette logique que devraient s'inscrire les stock-options. A l'heure de la mondialisation, il faut aussi nous attacher à conserver nos centres de décision et à garder la maîtrise d'une partie du capital des grands groupes issus de notre pays. Faute de quoi, nous risquons de voir demain les centres de décision s'éloigner et les arbitrages se rendre ailleurs.

Au point où nous en sommes, tout a été dit ; mais ce débat de fond, monsieur le ministre, mérite mieux que le traditionnel clivage droite-gauche. Ce débat...

M. Christian Cuvilliez.

Fait craindre le pire !

M. Michel Bouvard.

... est un débat de fond en ce qu'il porte sur l'avenir de la nation, sur la capacité de notre pays à préserver son rang à l'heure de la mondialisation.

Il doit susciter l'adhésion de l'ensemble des forces politiques. Et l'on sait que la conception des gaullistes, telle que l'ont expliquée Gilles Carrez et Philippe Auberger, est sur ce sujet partagée par bon nombre de Français.

Nombre d'aspirations peuvent se rejoindre dans un mode d'organisation de la société qui tient aussi à notre tradition européenne, aux racines profondes de ce pays. Il y a donc lieu de tout faire pour trouver des approches communes ; c'est ainsi que nous parviendrons à mobiliser nos concitoyens derrière un projet collectif. Et c'est un peu, me semble-t-il, le rôle de notre parlement.

Monsieur le ministre, c'est bien de confier des missions. Nous avons effectivement besoin d'experts, de parlementaires pour conduire le travail préalable, débroussailler le terrain et revenir ici avec un rapport. Ce travail, vous l'avez confié à un collègue dont nous sommes nombreux à reconnaître les mérites et les compétences...

Mme la présidente.

Monsieur Bouvard, je vous prie de conclure !

M. Michel Bouvard.

Mais, au-delà, il faut conduire un travail collectif en faisant appel à l'opposition et à la majorité, quasiment à parité, comme on sait le faire sur des sujets essentiels. Voyez les débats sur la bioéthique : nous avons été capables d'aller au fond des problèmes en dépassant les clivages politiques comme les convictions personnelles. Ce sujet-là aussi mérite que chacun y soit largement associé si nous voulons déboucher sur un projet porteur pour le pays. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

Décidément, personne ne respecte les cinq minutes réglementaires...

M. Michel Bouvard.

Pour une fois que l'on peut parler !

Mme la présidente.

La parole est à M. Maurice Adevah-Poeuf.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je m'efforcerai de m'y tenir, madame la présidente. Je suis le seul que vous ayez

« coupé » aux alentours de quinze heures quinze. Mais je n'ai pas eu trop mal. (Sourires.)

Messieurs les ministres, je ne chercherai pas à cette heure les réponses à la batterie de questions que je vous avais posées au début de cette séance. Les voilà quelque peu dépassées par le flot tumultueux d'un débat qui aura changé de cours, et c'est tant mieux.

M. Jean-Pierre Brard.

Au fait, au fait ! (Sourires.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je vous en prie, monsieur Brard. Vous ai-je parlé de Mme Bettencourt ou des murs de Montreuil ?

Mme la présidente.

Monsieur Adevah-Poeuf ! N'allez surtout pas citer Mme Bettencourt devant M. Brard ! (Sourires.)

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Nous avons, disais-je, tout lieu de nous réjouir du climat de cette discussion.

Mais venons-en au fond. Qu'allons-nous faire avec la réforme de l'épargne salariale ? Depuis quelques décennies, nous avons montré en France - je parle en nom collectif, sans faire le procès de personne -, une formidable capacité à inventer des choses extraordinaires, tel le capitalisme sans capitaux ni actionnaires ou ces dirigeants de grands groupes tous ou presque issus de la haute fonction publique, au parcours professionnel pour les uns remarquable, pour les autres moins,... (Sourires.)

M. Philippe Auberger.

C'est la vie !

M. Maurice Adevah-Poeuf.

... et tout cela grâce à leurs mérites et leurs compétences, mais également grâce aux quelques degrés de confiance et de proximité entretenus avec des ministres qui avaient la haute main sur les


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nominations ! Aujourd'hui encore, il suffit de regarder la composition des conseils d'administration des vingt-cinq plus grandes entreprises françaises ; vous constaterez que nous ne sommes pas encore totalement sortis de cette pratique ou de cette culture... L'autocontrôle garde encore quelque influence ! Mais tout cela est en train de bouger, d'évoluer dans le bon sens. Tant qu'à accepter le système capitaliste, en le corrigeant au besoin, autant le laisser fonctionner avec les éléments de régulation qui lui sont propres : actionnaires, capitaux, contrôle des assemblées générales, salariés pré sents dans les comités et comités centraux d'entreprise, avec leurs prérogatives et leurs moyens d'expertise. Sur ce point, nous sommes tous d'accord.

L'épargne salariale sera-t-elle une réforme de plus, serai-je tenté de dire ? Nous avons connu la participation, puis l'intéressement, puis les plans d'épargne entreprise, mille et une choses... Se limitera-t-on à une réforme fiscale ? Le souffle que vous avez réussi à faire passer dans votre intervention, monsieur le ministre, nous laisse espérer l'esquisse d'une amorce de projet de société, mais personne ne peut l'affirmer. Quoi qu'il en soit, si c'est une réforme, autant la faire bien. Et si elle doit conduire à quelque chose de plus important, à une redistribution des revenus, des patrimoines, des pouvoirs et des modes de fonctionnement dans les années qui viennent, nous n'aurons pas à en rougir. Cela dit, une réforme de cette nature devra forcément prendre en compte plusieurs préoccupations. M. Jégou rappelait tout à l'heure, reprenant mes propos de ce matin, que l'entreprise est d'abord le lieu où l'on crée la richesse. C'est là une évidence à ne pas oublier. On peut trouver des créateurs d'entreprises innovantes qui ont l'intelligence, la volonté, l'énergie, mais pas d'argent. Il faut leur donner le moyen, par le biais des BSPCE, de différer leurs revenus et ceux de leurs collaborateurs et de les lier aux résultats de l'entreprise. Celle-ci pourra, selon les cas, marcher de façon extraordinaire, médiocrement ou encore pas du tout. Ce que l'on rémunère, c'est le risque et je l'accepte tout à fait. Mais de là à pérenniser des rentes de situation, il y a un pas ! C'est ainsi que nous avons couvé ce monstre des stock-options qui, au départ, ne posaient aucune sorte de problème déontologique ; le monstre est né de l'évolution et de la pratique, et aussi du fait que la loi n'est pas toujours appliquée. C'est par exemple le cas dans un de nos plus beaux fleurons de l'industrie du luxe, monsieur le ministre : le manquement à l'obligation de communication du montant des dix plus importants salaires à l'assemblée générale ordinaire des actionnaires n'y a manifestement jamais été sanctionné.

Ainsi, dans notre droit positif comme dans notre pratique, des abus existent qui choquent tout le monde.

Quelle que soit la position que nous prendrons en matière de régime fiscal des stock-options, nous ne devrons plus accepter, le peuple français dont nous sommes ici l'expression au sens le plus fort, n'acceptera plus que des individus puissent gagner sur un « coup » plusieurs centaines de millions, voire plusieurs milliards sans la moindre contrepartie en termes de prise de risque, de travail particulier ou d'invention à la mesure d'une telle rémunération. Celle-ci n'est que le fruit d'un arrangement conclu à un moment donné, qui permet à un ancien de la direction du Trésor de se retrouver multimillionnaire - et le fait qu'il vienne d'ailleurs ne change rien à mes yeux.

Mme la présidente.

Monsieur Adevah-Poeuf, votre temps de parole est épuisé.

M. Maurice Adevah-Poeuf.

Je conclus, madame la présidente.

Si nous ne prenons pas en compte cette dimension, aucun projet, qu'il soit modeste ou très ambitieux, ne saura régler le grave problème de cohésion sociale auquel nous sommes confrontés. Certains dirigeants français, confinés dans un univers fait de limousines, sièges sociaux, avions privés et aéroports, ne vivent plus sur la même planète que les autres et en viennent à ignorer les préoccupations quotidiennes les plus élémentaires de l'immense majorité de leurs concitoyens.

Plein d'un enthousiasme potentiel (Sourires), je participerai à l'élaboration de cette réforme.

Mme la présidente.

La parole est à M. Christian Cuvilliez.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le ministre, comme je l'avais laissé entendre tout à l'heure, votre proposition nous convient. Engager un grand débat pour examiner la situation des travailleurs au regard de leur position dans l'entreprise, de la part qu'on les invite à prendre dans sa gestion et des lois que nous mettons en place en matière de réduction du temps de travail et de financement de la sécurité sociale, pour les poser en interlocuteurs face à ceux qui gèrent, conduisent les conseils d'administration et prennent les décisions, pour leur permettre de voir comment tout cela fonctionne, c'est là un beau dessein.

Nous y souscrivons et nous y participerons. Nous nous attacherons à nous y montrer les plus constructifs possible.

Malheureusement, ce beau débat me semble plutôt mal commencer. Les prémices auxquels nous assistons, où

« tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », contredisent parfaitement la réalité des discussions qui nous opposent par ailleurs sur les lois concrètes, les lois réelles, les lois qui touchent à la fiscalité, à la répartit ion de la richesse entre les salariés et les détenteurs de capitaux.

Il n'est que de reprendre les discussions que nous avons eues sur les neuf premiers articles ; il n'est que de s'imaginer celles que nous aurons sur les suivants. Nous retrouverons en face de nous M. Carrez, M. Auberger, qui reviendront à la charge avec leurs trois thèmes que nous connaissons par coeur : assez de déficit, non aux dépenses publiques, assez de prélèvements fiscaux...

Autant de thèmes contre les travailleurs, contre les salariés dont ils prétendent maintenant s'intéresser à la situation, pour mieux en fait les intégrer dans le système, neut raliser leurs défenses et leurs revendications, les envelopper et les embobiner bel et bien - dans un plan d'épargne ! Si cela part comme cela, autant le dire tout de suite, cela part mal ! A mes yeux, le cas que nous avons à traiter relève bel et bien de la chirurgie...

Les stock-options sont l'illustration présente d'un mode de fonctionnement du capitalisme - il faut employer les mots qui conviennent - conduisant à des excès et donc à des formes extrêmement perverses du système. Il faut y mettre fin, et nous le ferons par le plan que nous allons examiner l'année prochaine, mais il faut aussi, tout de suite, essayer d'empêcher les comportements les plus excessifs.

Songeons aux RMistes, aux chômeurs, à ceux qui, arrivés en fin de droits, n'ont plus que l'ASS. Quelle part pourront-ils prendre aux stock-options ? Ils ne sont pas dans l'entreprise, ils en sont exclus. Comment ce système pourrait-il fournir des réponses à ces gens-là ? Il ne le peut pas. Il faut donc chercher aussi au-delà d'une


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solution passant par les entreprises. Et c'est à quoi nous pensons quand nous parlons de la fiscalité, en suggérant de réduire la taxe d'habitation ou d'exonérer du foncier bâti les RMistes, par exemple. Ces questions méritent d'être examinées.

Certes, je suis d'accord avec M. le ministre, aborder le problème par le biais du droit fiscal, comme l'a fait M. Bonrepaux dans son amendement, n'est pas la solution. Il faut, c'est vrai, réformer le droit des sociétés et donner un statut légal différent aux stock-options. On a parlé de transparence, de mutualisation des fonds, de gestion assurée avec les salariés. Cette hypothèse a été qualifiée de révolutionnaire quand je l'ai évoquée. J'ai entendu

M. Auberger se réjouir de cette perspective. Nous devons, en effet, envisager une participation réelle des travailleurs à la gestion de leur entreprise à travers leurs syndicats ou bien grâce à un pacte d'actionnaires mais il convient de ne pas en écarter les syndicats car ce serait tomber dans un autre travers et aller au-devant de grandes difficultés.

Je le répète, il ne suffit pas de corriger le droit fiscal, il faut aussi corriger le droit des sociétés. Mais il y a urgence, et parce qu'il y a urgence, je me résous à voter l'amendement proposé. L'opinion publique s'est émue de situations scandaleuses. L'Expansion, qui n'est pas mon journal habituel, que je citais néanmoins ce matin, rapporte qu'il y a plus de 27 000 détenteurs de stock-options représentant une plus-value potentielle de plus de 45 milliards. Il est là le scandale ! Il n'est pas dans les seuls deux cas que l'on dénonce, il est dans le fonctionnement d'un tel système. Il faut donc le corriger.

Nos concitoyens attendent un signal fort. Donnons-leleur en votant l'amendement no 41 qui permettra, sans qu'il soit besoin d'effet rétroactif, dès la loi de finances de l'an 2000, de dire aux gens qui détiennent ou qui vont détenir des stock-options : attention, nous allons nous occuper de vous et, pour l'instant, il faut payer si vous dépassez les 500 000 francs.

Mme la présidente.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Augustin Bonrepaux, président de la commission.

Il faut savoir terminer un débat. Au-delà de tout ce qui a été dit, et surtout sur les bancs de la majorité, avec force, je veux retenir l'essentiel, c'est-à-dire les engagements que le Gouvernement a pris en réponse à mon amendement.

Reprenons-les pour en apprécier toute l'importance.

Le Gouvernement nous propose une réforme, et dans des délais très brefs, qui assure la transparence dans l'attribution des stock-options et la diffusion la plus large possible auprès des salariés mais surtout, et c'était le sens de mon amendement, qui moralise le régime fiscal et social, avec un prélèvement total, pouvant aller jusqu'au taux barème de l'impôt sur le revenu.

Vous pourriez m'objecter : pourquoi ne pas en décider tout de suite ? Vous avez entendu les arguments de M. le ministre. Le principal est que le projet qui nous sera soumis au printemps s'appliquera à la date du 1er janvier 2000, c'est-à-dire dans trois mois. En tout état de cause l'amendement de la commission des finances, s'il était voté, n'aurait pas une portée plus grande ; il ne s'appliquerait pas plus tôt, puisqu'il faudrait attendre que la loi de finances soit votée.

Sans doute cela choquera-t-il ceux qui sont contre la rétroactivité. Mais peut-on être choqué quand il est question de corriger les excès que nous avons tous dénoncés sur ces bancs ? Ce débat devait avoir lieu. Il fallait que le Gouvernement entende les orientations souhaitées par sa majorité.

Il fallait qu'il sache dans quel sens nous voulions qu'il prépare ce texte important sur l'épargne salariale.

Je crois que nous avons été entendus. Ses engagements correspondent à ce que nous souhaitions. C'est pourquoi, madame la présidente, je retire mon amendement.

M. Christian Cuvilliez.

Je le reprends, madame la présidente !

Mme la présidente.

L'amendement no 41 est repris par

M. Cuvilliez.

M onsieur Gantier, maintenez-vous l'amendement no 231 ?

M. Gilbert Gantier.

Je le retire.

Mme la présidente.

Et le 211 ?

M. Gilbert Gantier.

Je le retire également.

Mme la présidente.

Les amendements nos 231 et 211 sont retirés.

L'amendement no 334, deuxième rectification, est-il maintenu, monsieur Cochet ?

M. Yves Cochet.

Je retire mon amendement et je m'associe à M. Cuvilliez pour reprendre l'amendement no

41.

Mme la présidente.

L'amendement no 334 est retiré.

L'amendement 91 est-il maintenu ?

M. Claude Hoarau.

Il est retiré, et je m'associe à mes deux collègues pour reprendre l'amendement no

41.

Mme la présidente.

L'amendement no 91 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement no

41.

M. Philippe Auberger.

Le groupe Rassemblement pour la République s'abstient.

M. Michel Bouvard.

Compte tenu de l'engagement du Gouvernement !

M. Jean-Jacques Jégou.

Même chose pour le groupe Union pour la démocratie française-Alliance !

M. Gilbert Gantier.

... et pour le groupe Démocratie libérale ! (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Nous en revenons à l'amendement no 210, précédemment réservé à la demande de la commission.

MM. d'Aubert, Goulard, Gantier, Delattre, Dominati et Laffineur ont présenté un amendement, no 210, ainsi rédigé :

« Après l'article 8, insérer l'article suivant :

« I. L'article 80 bis du code général des impôts est abrogé. »

« II. La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier.

Je le retire.

Mme la présidente.

L'amendement no 210 est retiré.

(M. Yves Cochet remplace Mme Nicole Catala au fauteuil de la présidence.)


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PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

M. Claude Hoarau, Mme Bello et M. Elie Hoarau ont présenté un amendement, no 461, ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Le troisième alinéa du I de l'article 217 undecies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : "Pour ce dernier secteur, les investissements productifs s'entendent également des investissements incorporels constitués par des prises de participation dans les productions audiovisuelles et cinématographiques, à la condition que soient réalisés dans les départements définis ci-dessus les travaux nécessaires à cette production, à concurrence de 100 % des droits ainsi acquis et ayant ouvert droit à déduction".

« II. La perte des recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Cet amendement est quasi identique à celui que j'ai déposé lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1999, il y a donc un peu plus d'un an. Adopté en première lecture par notre assemblée, le 16 novembre, il a été éliminé à l'initiative du Gouvernement en seconde délibération, le 17 novembre. Présenté par M. Paul Vergès et M. Claude Lise au Sénat, il était adopté par le Haute Assemblée le 23 novembre 1998. Lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 15 décembre 1998, l'amendement du Sénat était supprimé par un amendement du rapporteur général.

Pourquoi un tel acharnement, me direz-vous ? Parce qu'il est essentiel pour le département de la Réunion de réussir dans la direction qui a été choisie il y a quelques années, lorsqu'une société d'économie mixte a été créée afin de lancer une filière de réalisation de dessins animés.

Cette filière a acquis aujourd'hui ses lettres de noblesse, puisque Animation World Magazine , publié à Hollywood, lui consacre cinq pages. Au moment où la technicité de cette société d'économie mixte est louée dans les hauts lieux du cinéma, il nous paraît dramatique de devoir envisager que le destin de cette filière s'interrompe. Dans un département où la jeunesse est très nombreuse, où le taux de chômage est très élevé, où les créneaux de dév eloppement sont rares, réussir un tel démarrage est prometteur. Il n'est pas envisageable que cette lumière puisse s'éteindre.

C'est pourquoi nous sommes si attachés non seulement à sauver ce qui a déjà été réalisé, mais aussi, et sur tout, à créer une vraie filière du dessin animé à l'île de la Réu nion. Vous le savez, nous souffrons de la distance et du coût d'approche des intrants. Il importe donc de se saisir de tous les créneaux qui se présentent, en particulier ceux qui font appel aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

M onsieur le secrétaire d'Etat, nous vous avions demandé l'an dernier que les productions confiées au studio Pipangaï, ou à tout autre studio qui serait créé à la Réunion, bénéficient des dispositions de la loi Pons. Vous nous aviez opposé un refus, qui a conduit aux péripéties que j'ai énumérées. Mais, à la fin de la discussion en deuxième lecture du projet de loi de finances l'an dernier, vous nous expliquiez que, si vous ne souhaitiez pas que la défiscalisation s'applique à des productions immatérielles, vous preniez l'engagement de nous proposer un dispositif alternatif dans l'année qui suivait notre discussion et qui s'achève aujourd'hui. Nous avons besoin de savoir. En déposant cet amendement, nous avons voulu vous montrer notre vigilance et notre volonté de défendre pied à pied la filière du dessin animé à la Réunion. De votre réponse dépendra le maintien ou non de notre amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas retenu cet amendement car il impliquerait l'extension du champ de la loi de défiscalisation.

Cela dit, l'année dernière, nous avions longuement débattu et nous avions bien compris le sens de l'intervention de notre collègue. Nous avions donc souhaité que le G ouvernement cherche une alternative. La solution SOFICA était envisagée.

Il serait bon, effectivement, que le ministre fasse le point sur ce dossier et apporte une réponse concrète aux attentes de notre collègue.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Le projet dont parle M. Hoarau est un projet important puisqu'il s'agit de p roduire des dessins animés dans les départements d'outre-mer en général, et à la Réunion en particulier.

Ces emplois exigent qualification et créativité, il faut le souligner.

J'avais pris, en effet, monsieur le député, il y a un an, l'engagement de faire expertiser un dispositif et de parvenir à une solution dans l'année. Nous avons travaillé, avec les futurs clients, avec les actionnaires, avec les établissements financiers, avec le Centre national du cinéma et avec vos collaborateurs. Nous sommes arrivés à la conclusion logique que le principal problème réside dans le fait que les producteurs concernés par ce projet ont du mal à réunir les financements nécessaires.

Nous sommes tous tombés d'accord sur un double dispositif : la création d'une Sofica, d'initiative locale dont les modalités précises ont été définies avec les professionnels concernés, et la création d'un fonds qui permettra d'alléger mais aussi de garantir les financements des prestations qui seront effectuées localement. Ce fonds sera financé par l'Etat et par la collectivité locale dans des proportions qui seront déterminées.

Je vous promets, monsieur le député, que ces deux dispositifs seront mis en place au plus tard fin novembre.

Voilà qui prouve que le Gouvernement sait traiter des sujets apparemment moins importants que celui dont nous avons débattu il y a un instant, mais des sujets qui, touchant à la vie quotidienne, sont de ce fait importants sur le terrain. Le Gouvernement sait tenir ses engagements sur ceux-ci comme sur ceux-là.

Vous pouvez, monsieur le député, retirer votre amendement qui était un rappel car votre appel initial a été entendu et ce projet important pourra être consolidé avant la fin de l'année.

M. Philippe Auberger.

Espérons que ce n'est pas du cinéma !

M. le président.

La parole est à M. Claude Hoarau.

M. Claude Hoarau.

Je voudrais vous donner acte, monsieur le secrétaire d'Etat, que la solution alternative que vous proposez se dessine. Selon les éléments que j'ai en ma possession, votre ministère semble bien avoir la volonté de faire en sorte que la filière de dessins animés à la Réunion non seulement ne disparaisse pas, mais qu'elle s'étende.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

Il reste cependant des zones d'ombre. La bonne volonté dont ont fait preuve vos services laisse penser que le débat qui va se poursuivre sera fructueux.

Je retire aujourd'hui mon amendement, comme vous me le demandez. Nous jugerons, à l'expérience, si votre solution alternative est satisfaisante pour le développement de la filière.

M. le président.

L'amendement no 461 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements pouvant faire l'objet d'une présentation commune. Tous deux sont présentés par MM. Jégou, Hériaud, de Courson, Mme Idrac, MM. Loos, Ligot, Gengenwin et Blessig.

L'amendement no 308 est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - 1o Le deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Pour les bénéfices inférieurs à 500 000 francs, le taux est de 15 %.

« Pour les bénéfices compris entre 500 000 francs et 1 million de francs, le taux est de 19 %.

« Pour les bénéfices compris entre 1 million de francs et 5 millions de francs, le taux est de 26 %.

« Pour les bénéfices supérieurs à 5 millions de francs, le taux est de 33 1/3 %. »

« 2o Les trois premiers taux mentionnés au 1o s'appliquent lorsque plus de 50 % des droits sociaux attachés aux actions ou aux parts de la société sont détenus directement, soit uniquement par des personnes physiques, soit par une ou plusieurs sociétés formées uniquement de personnes parentes en ligne d irecte ou entre frère et soeur ainsi qu'entre conjoints, ayant pour seul objet de détenir des participations dans une ou plusieurs sociétés répondant aux conditions du a et du b de l'article 199 terdecies O-A du code général des impôts.

« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 309 est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. - 1o Le deuxième alinéa du I de l'article 219 du code général des impôts est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour les bénéfices inférieurs à 1 million de francs, le taux est de 19 %.

« Pour les bénéfices compris entre 1 million de francs et 5 millions de francs, le taux est de 26 %.

« Pour les bénéfices supérieurs à 5 millions de francs, le taux est de 33 1/3 %. »

« 2o Les deux premiers taux mentionnés au 1o s'appliquent lorsque plus de 50 % des droits sociaux attachés aux actions ou aux parts de la société sont détenus directement, soit uniquement par des personnes physiques, soit par une ou plusieurs sociétés formées uniquement de personnes parentes en ligne d irecte ou entre frère et soeur ainsi qu'entre conjoints, ayant pour seul objet de détenir des participations dans une ou plusieurs sociétés répondant aux conditions du a et du b de l'article 199 terdecies O-A du code général des impôts.

« II. - La perte de recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ces amendements proposent d'instituer un impôt sur les sociétés différencié, avec quatre taux pour le premier, et trois pour le second. L'impôt sur les sociétés est inéquitable en France car il touche indifféremment toutes les entreprises au même taux, quel que soit le bénéfice dégagé. Ce système existe dans de très nombreux pays, à commencer par les Etats-Unis où il existe trois taux, 15 %, 25 % et 34 %, avec une surtaxe pour ceux qui atteignent un certain niveau de bénéfices.

De grands pays de l'Union européenne appliquent également un tel système : la Grande-Bretagne, où un taux minimum et un taux normal encadrent un barème progressif, l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne et la Finlande. Quant au Japon, il applique deux taux.

Bref, ce sont les grands pays industrialisés qui ont adopté un tel système. Or le nôtre est extrêmement pénalisant, surtout pour les petites et les jeunes entreprises, qui ont besoin d'investir plus que les autres.

Quant aux tranches du barème que proposent ces deux a mendements, elles ont été établies en prenant la moyenne de ce qui se pratique à l'étranger.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Le dispositif proposé paraît complexe et coûteux. Avis défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 308.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 309.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Jégou, Méhaignerie, DousteBlazy et les membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance ont présenté un amendement, no 469 rectifié, ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Dans le I de l'article 219 du code général des impôts, après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le taux est réduit à 15 % pour la part des bénéfices réinvestis dans le capital de l'entreprise lorsque au moins 10 % des titres sont cédés aux salariés. »

« II. Les dispositions du I sont applicables pour les dépenses engagées à compter du 1er janvier 1999.

« III. La perte des recettes pour le budget de l'Etat est compensée à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.

Une partie de cet amendement pourra être reprise lors de la discussion annoncée sur l'épargne salariale. Il s'agit de créer un taux réduit d'IS à 15 % pour les entreprises qui réinvestissent une part de leurs bénéfices dans leur capital, à condition qu'elles en réservent au moins 10 % aux salariés de l'entreprise. Cela permettrait en effet de développer l'épargne salariale qui, en France, est bridée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 22 OCTOBRE 1999

Par ailleurs, le système en vigueur, qui comporte un taux à 19 %, est limité à une fraction seulement du bénéfice pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs, dans la limite de 25 % et 200 000 francs du bénéfice comptable.

La disposition mise en place dans la loi de finances de 1997 doit donc être revue à la hausse. Du reste, elle ne concerne pas les salariés de l'entreprise.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

Défavorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 469 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Besson a présenté un amendement, no 384, ainsi rédigé :

« Après l'article 10, insérer l'article suivant :

« I. Le premier alinéa du 4 de l'article 238 bis du code général des impôts est complété par les mots : "ou à la reprise d'entreprises".

« II. La perte de recettes est compensée par la majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Eric Besson.

M. Eric Besson.

L'article 10, dont nous venons de discuter, traite des mesures en faveur de la création d'entreprises, même si ce n'a pas toujours été très évident cet après-midi. Cela dit, nous nous réjouissons de la suppression de la taxe de 1 500 francs sur les apports lors de la création d'une société. Cette mesure, proposée par le Gouvernement, est en effet nécessaire.

Nous devons par ailleurs renforcer l'accompagnement des créations et améliorer l'accès au financement pour les créateurs. L'année dernière, nous avons ensemble permis aux structures de type plate-forme d'initiatives locales, qui accordent des prêts aux créateurs, de recevoir des dons de contribuables ou d'entreprises, ces dons ouvrant droit à des avantages fiscaux.

Le présent amendement a pour objet d'ouvrir cet avantage non seulement aux organismes qui s'intéressent à la création, mais aussi à ceux qui traitent de la reprise. La reprise d'entreprises est en effet un sujet essentiel, dont on ne parle pas assez. Ses enjeux sont cruciaux, que ce soit d'un point de vue économique, en termes d'emplois, ou en matière d'aménagement du territoire, pour éviter des fermetures de commerces ou de petites entreprises dans les zones sensibles, urbaines ou rurales. De tels enjeux justifient l'amendement.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Didier Migaud, rapporteur général.

La commission n'a pas retenu cet amendement, même si elle a tenu à souligner la qualité du travail de notre collègue et la justesse de nombre de ses propositions relatives à la création ou à la reprise d'entreprises, ainsi qu'à l'innovation.

Si la commission a repoussé l'amendement, c'est davantage pour des raisons tenant à la rédaction de celui-ci et à l'imprécision de certaines notions qui y figurent. Son texte pourra être de nouveau déposé à l'occasion d'autres débats, d'autant que le Gouvernement nous a fixé un rendez-vous. Les initiatives devraient pouvoir se rencontrer à cette occasion.

L'objection de la commission porte donc non sur le fond, mais plutôt sur la forme. Je souhaite que la réponse de M. le secrétaire d'Etat à M. Besson incite ce dernier à retirer son amendement, sachant qu'il sera examiné ultérieurement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat au budget.

Cet amendement, qui s'inscrit dans le droit fil du rapport remarquable qu'il consacre à la création d'entreprises, part du diagnostic fort juste qu'il a posé : les entreprises les plus petites ne sont pas suffisamment nombreuses, ne sont pas assez soutenues et sont confrontées à des problèmes de développement. Toutefois, comme Dominique Strauss-Kahn et Marylise Lebranchu vont organiser, au mois de décembre prochain, des assises nationales de la création d'entreprises, je pense que ce cadre se prêtera mieux à l'examen des idées que M. Besson a développées en général, mais de celle-ci en particulier.

Dans l'attente d'un autre rendez-vous législatif, et dans la mesure où la proposition que vous faites pourra être examinée avec le plus grand profit lors de ces assises nationales de la création, je vous demande, monsieur Besson, de bien vouloir retirer l'amendement. Sinon je devrai en demander le rejet pour cause de prématurité. (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Eric Besson.

M. Eric Besson.

J'ai conscience que le retrait de cet amendement ne sera probablement pas l'acte le plus important que la chronique de cette assemblée retiendra cet après-midi.

(Sourires.)

M. Philippe Auberger.

Ah bon ? Quelle modestie !

M. Eric Besson.

Je le retire bien volontiers, compte tenu de ce que viennent d'indiquer à la fois M. le secrétaire d'Etat et M. le rapporteur.

J'en profite pour me réjouir de l'annonce que vous nous avez faite hier, monsieur Sautter, de la tenue d'assises nationales de la création d'entreprises. Elles sont attendues avec une relative impatience à la fois par les acteurs du développement local et par tous les réseaux d'accompagnement de la création d'entreprises.

M. le président.

L'amendement no 384 est retiré.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, à la demande du Gouvernement, à vingt et une heures trente.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique.

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT