page 08192page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8193).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 8193)

Mme Jacqueline Fraysse,

MM. Jean-Pierre Foucher, Georges Sarre, Bernard Perrut, Pascal Terrasse, Thierry Mariani, Mme Muguette Jacquaint,

MM. Charles de Courson, André Aschieri, Georges Tron, Mme Hélène Mignon,

MM. Maxime Gremetz, Gilles Carrez, Jean-Paul Bacquet, Mme Marisol Touraine,

M.

Patrick Delnatte, Mme Paulette Guinchard-Kunstler,

M.

Philippe Nauche, Mmes Odette Grzegrzulka, Sylvie Andrieux,

M.

Michel Destot, Mme Yvette Benayoun-Nakache,

MM. Daniel Marcovitch, Jean-Pierre Blazy, Mmes Odette Trupin, Françoise Imbert,

M.

Yves Tavernier.

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 8228).


page précédente page 08193page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (nos 1835, 1876).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

M me Jacqueline Fraysse.

Monsieur le président, madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, mes chers collègues, nous abordons l'examen en séance du troisième projet de loi de financement de la sécurité sociale proposé par le gouvernement de la gauche issu des élections de 1997.

Ce projet de loi traite de questions essentielles aux yeux de nos concitoyens, celles de leur protection sociale, de leur accès aux soins, de la politique familiale, des retraites, de la santé au travail. Sur tous ces sujets, nous le savons, les préoccupations, pour ne pas dire les inquiétudes, sont vives et ne datent pas d'aujourd'hui.

Tout le monde se souvient à quel point le rejet du plan Juppé, dans sa forme comme dans son contenu, a précipité le changement de majorité. C'est dire combien l es attentes de changement étaient fortes dans ce domaine. Cela souligne en retour l'importance des responsabilités de la gauche pour y répondre.

Nous étions, je le disais l'an dernier, face à un immense chantier, avec le devoir de tout faire pour réussir. Des objectifs ont été proposés puis adoptés au titre Ier

Je constate que beaucoup sont restés lettre morte alors que l'attente d'actes concrets est de plus en plus forte. J'y reviendrai.

La question centrale est celle du financement de la sécurité sociale, qui fait l'objet des articles 2, 3 et 4. Elle mérite d'être examinée à la lumière des engagements pris, à plusieurs reprises, par le Gouvernement.

Je me permets de citer le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le 17 juin 1997. « Pour favoriser l'emploi et la justice sociale disait-il -, il faut moins taxer les revenus du travail et supprimer les privilèges indus dont bénéficient d'autres catégories de revenus. Nous transférerons progressivement les cotisations salariales d'assurance maladie sur une contribution sociale élargie à l'ensemble des revenus, y compris financiers. »

Martine Aubry avait annoncé, pour sa part, en présentant le projet de loi pour 1998 : « Il convient de rééquilibrer les revenus du capital et du travail... Le financement de notre système de sécurité sociale est trop exclusivement concentré sur les revenus du travail... La question de l'assiette des cotisations employeur est posée. Nous nous sommes fixé pour objectif d'étudier une réforme de l'assiette des cotisations patronales qui la rende plus favorable à l'emploi... »

Nous ne pouvions qu'approuver ces orientations, dont nous avons regretté qu'elles tardent à être examinées.

La réforme des cotisations figure, enfin, dans ce texte.

Mais en quoi consiste-t-elle ? Elle consiste, d'abord, en un allégement massif des cotisations salariales employeur, puisque, désormais, 85 % des salaires versés dans ce pays seront concernés par l'allégement de la cotisation patronale à la sécurité sociale, sans aucune proposition nouvelle visant à asseoir durablement la cotisation des entreprises à la protection sociale.

Elle consiste, ensuite, en des compensations diverses, sur lesquelles nous reviendrons, mais dont on peut dire qu'elles sont pour le moins aléatoires, disparates, voire contestables.

Concernant l'allégement des charges sociales salariales, tout d'abord, vous nous dites vouloir favoriser l'emploi.

Nous répondons quant à nous que cette « recette » qui commence maintenant à être un peu ancienne, bien expérimentée par les gouvernements précédents, n'a pas fait la preuve incontestable qu'elle aboutissait à des créations d'emplois. Malheureusement, l'expérience des années passées a plutôt montré que le chômage et les exonérations de cotisations avaient grandi ensemble.

Par contre - et ça c'est une certitude - elle tire les salaires vers le bas. Dans la situation actuelle, elle invite le patronat à ne pas payer ses salariés plus de 1,3 fois le SMIC, soit 7 000 francs par mois.

Votre texte propose de passer à 1,8 fois le SMIC, ce qui est effectivement mieux, puique vous invitez le patronat à ne pas payer ses salariés plus de 10 000 francs par mois au lieu de 7 000. Mais vous avez maintenu la dégressivité de la ristourne. L'aide accordée sera donc d'autant plus importante que les salaires seront bas.

Est-ce vraiment le rôle du Gouvernement ? Est-ce vraiment notre rôle ? Je ne le crois pas.

Vous avez d'ailleurs vous-même, à juste titre, dénoncé la « ristourne Juppé » quand elle a été instaurée comme coûteuse et inefficace.

Restant dans la même logique, vous la maintenez et l'amplifiez.


page précédente page 08194page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Si encore ces allégements de cotisations sociales, au bénéfice des entreprises étaient modulés en fonction de la situation financière de ces derniers et de leur politique de l'emploi, cela pourrait être examiné. Mais cette mesure étant appliquée indistinctement à la petite entreprise et à une entreprise commune la Société générale dont la valeur ajoutée en 1997 s'élevait à 26,7 milliards, en progression de plus de 5 milliards en deux ans, il y a lieu de s'interroger sur son véritable objet.

Elle ne nous paraît pas une mesure utile puisqu'elle n'est pas incitative : c'est un chèque-cadeau, dont le montant manquera bien entendu dans les caisses de la sécurité sociale, et qu'il faudra donc prélever ailleurs. De l'ordre de 65 milliards cette année, ce sera 100 à 110 milliards de francs à terme de manque à gagner qu'il restera à compenser par les organismes de protection sociale.

En dehors de cette mesure d'exonération des charges salariales patronales, que proposez-vous ? Le rééquilibrage des revenus du capital et du travail annoncé ? Nous ne l'avons pas trouvé dans ce texte, ni dans la fraction des taxes sur le tabac, ni dans la taxe sur les activités polluantes, qui, l'une et l'autre, seront finalement payées par les consommateurs, les contribuables.

Nous ne l'avons pas davantage trouvé dans la taxe sur les heures supplémentaires, particulièrement injuste, puisqu'elle conduit à priver d'une partie de leur rémunération les salariés qui ne bénéficieront pas de la réduction du temps de travail, et devront faire des heures supplémentaires.

Nous l'aurions encore moins trouvé dans la contribution de l'UNEDIC ou de la sécurité sociale, tellement inacceptable que l'ensemble des partenaires sociaux s'y sont fermement opposés, au point que le Gouvernement a dû faire marche arrière, et c'est bien.

Faut-il alors chercher ce rééquilibrage dans la contribution sur les bénéfices appliquée aux sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs, et dont le bénéfice est supérieur à 5 millions de francs ? Vous la chiffrez à 4,3 milliards sur les 65 milliards d'exon érations de charges salariales à compenser pour l'année 2000. Pardonnez-moi, mais on a envie de dire :

« Peut mieux faire ! », surtout si l'on ajoute le fait que, dans le même temps, est supprimée la surtaxe sur les bénéfices pour un montant de 1,5 milliard, et abaissée de 2 milliards la taxe professionnelle.

Lors des journées parlementaires des élus socialistes à Strasbourg, le Premier ministre annonçait : « Nous poursuivons, avec la réforme des cotisations patronales qui allège le coût du travail sur les bas salaires et instaure en contrepartie une fiscalité écologique et une contribution sur les profits des sociétés. » Eh bien, si les 3,3

% étaient appliqués à tous les profits, ce que l'on appelle l'excédent brut d'exploitation, et non à quelque 130 milliards de bénéfices, selon des conditions très restrictives - je n'insiste pas sur les techniques financières qui permettent d'ailleurs aux sociétés de réduire artificiellement leurs bénéfices nets - ce n'est pas 4,3 milliards, mais 70 qui iraient dans les caisses de la sécurité sociale, ce qui permettrait à l'évidence de prendre quelques dispositions a mbitieuses en matière de protection sociale : par exemple, améliorer certains remboursements dont on parle tant, sur tous les bancs de cette assemblée.

Rééquilibrer la contribution des revenus du capital et du travail, ce serait faire cotiser les premiers au même taux que les seconds. Il faut donc au moins, dès maintenant, commencer à faire cotiser les premiers. Car si la contribution sur les revenus du travail s'élève au total à plus de 45 % du salaire brut, salariés et employeurs, les placements financiers, eux, ne cotisent pas du tout.

Pourquoi refusez-vous obstinément d'y toucher ? Ces revenus n'ont cessé de croître, passant de 306 milliards de francs en 1995 à 341 milliards de francs en 1998 et près de 400 milliards de francs cette année, selon les prévisions de l'INSEE. Il s'agit bien des revenus de la propriété des entreprises non financières - intérêts et d ividendes - tels qu'on peut les trouver dans la comptabilité nationale. Ils sont différents des revenus des placements des ménages déjà soumis, eux, à la CSG.

C'est d'ailleurs parce que cette distinction est bien réelle que vous proposiez, madame la ministre, en 1997 de rééquilibrer les revenus du capital et du travail alors que la CSG était déjà étendue aux revenus des ménages.

Une cotisation sur les revenus de ces placements au même taux que sur les revenus du travail dès lors que, pour l'essentiel, ils ne sont pas utilisés pour la production, compenserait largement le coût de la réduction du temps de travail pour l'année 2000. Surtout, cette démarche s'inscrit dans une volonté de justice et d'efficacité tant du point de vue social qu'économique. Elle favoriserait, en effet, la réorientation de sommes énormes et sans cesse croissantes, détournées vers les marchés financiers au détriment de l'investissement productif et donc de l'emploi, ce qui préparerait une véritable réforme d e l'assiette des cotisations patronales favorables à l'emploi.

Car, pour être favorable à l'emploi, l'assiette des cotisations employeur doit être modulée en faisant intervenir dans son calcul la part des salaires dans la valeur ajoutée, ce qui pénaliserait les entreprises qui réduisent cette part en recourant massivement à la précarité, aux bas salaires, voire aux licenciements, comme des exemples récents nous l'ont montré.

Le groupe communiste souhaite que l'on discute sérieusement de ces mesures et que l'on ne se réfugie pas derrière des arguments techniques. Je me félicite d'ailleurs à ce propos que M. le Premier ministre ait annoncé à Strasbourg qu'il voulait « instaurer un lien entre le montant des cotisations à la charge des entreprises et leur comportement en matière de licenciement économique ».

Mme Muguette Jacquaint.

Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse.

« Pourquoi - poursuivait-il ne pas s'inspirer du mécanisme très ancien qui prévaut en matière d'accidents du travail et qui, par la modulation d es cotisations, responsabilise les entreprises et les branches ? » Ce qui lui semble possible pour l'UNEDIC doit l'être pour les cotisations employeurs à la sécurité sociale. Je pense que c'est non seulement possible, mais indispensable si l'on veut répondre aux besoins de nos concitoyens en matière de protection sociale.

Force est de constater que les dispositions figurant dans ce texte ne vont pas rééquilibrer les contributions des revenus du capital et de ceux du travail. Elles feront, une fois de plus, supporter l'essentiel de la charge par les ménages. De surcroît, elles ne permettront pas d'augmenter les ressources de la sécurité sociale.

Dans une telle logique, faute d'accroître ces ressources, il n'y a pas d'autre solution que de faire pression sur les dépenses pour atteindre l'équilibre des comptes.

Ainsi, en ce qui concerne la famille, vous vous en tenez à quelques mesures, certes positives mais très limitées, et surtout très en deçà des engagements pris, notamment


page précédente page 08195page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

lors de la Conférence de la famille. Muguette Jacquant reviendra, dans la discussion générale, sur la politique familiale.

En ce qui concerne la branche vieillesse, dont Maxime Gremetz parlera plus en détail, ce troisième projet de loi de financement ne prévoit toujours pas de concrétiser l'engagement d'indexer les pensions de retraite sur les salaires. Si nous approuvons le fait que les décisions importantes dans ce domaine fassent l'objet d'une large consultation, il n'est pas acceptable de revaloriser les pensions à un niveau inférieur à l'inflation - 0,5 % - comme il est proposé.

Il en est de même pour les prestations familiales. Dans les deux cas, nous souhaitons au moins le maintien du pouvoir d'achat.

En ce qui concerne la branche maladie, je note, en premier lieu, que les objectifs proposés sont calculés par rapport aux dépenses prévisionnelles, et non pas rapport aux objectifs précédents, d'ailleurs jamais atteints. Je me félicite de cette évolution, qui illustre au passage combien il est difficile de contenir les besoins dans un cadre comptable rigide tant ils sont criants.

Mais - hélas ! - cette prise en compte de la réalité des besoins ne débouche pas sur une remise en cause de la logique strictement comptable qui sous-tend l'essentiel des propositions pour cette branche - une logique directement liée au refus de rééquilibrer les modalités de financement. On ne peut pas faire sans moyens.

En ce qui concerne l'hôpital, l'évolution proposée correspond à peu près à ce que les professionnels estimaient nécessaire pour une simple reconduction. Seulement, il s'agissait d'une évaluation hors missions nouvelles, alors que ces mission ne cessent de s'élargir. De plus, comment mettre en place la réduction du temps de travail sans moyens nouveaux ? La situation est déjà très tendue. Elle ne s'est évidemment pas améliorée depuis l'an dernier, au contraire. Les problèmes de prise de congés, de remplacement, de surcharge de travail, de précarisation demeurent et s'amplifient.

Nous avions proposé, pour desserrer l'étau financier qui pèse sur les hôpitaux publics, de ramener à 5,5 % le taux de la TVA sur les travaux et de les exonérer de la taxe sur les salaires. Ces propositions ont été rejetées : « à regret », certes, comme l'a dit le rapporteur de la commission des inances, mais rejetées quand même.

La maîtrise des dépenses de médecine de ville est confiée à la CNAM dans le cadre d'une enveloppe opposable. Nous ne sommes pas hostiles a priori à une telle mesure, au contraire. Nous préférons une gestion par les caisses, à l'étatisation de plus en plus marquée que vous mettez progressivement en place, et qui s'est encore accentuée avec le fonds créé à l'article 2, par exemple.

Nos préoccupations sont de deux ordres. Sur le plan de la démocratie d'abord : les conseils d'administration actuels des caisses sont toujours ceux issus des ordonnances Juppé. Aussi proposons-nous d'organiser des élections des administrateurs des caisses. Nous avons déposé un amendement dans ce sens.

Sur le plan des moyens ensuite : la CNAM vient de proposer un plan de réduction drastique des dépenses.

Va-t-elle jouer avec les médecins de la carotte et du bâton, alternant reversements - ou leurs variantes déguisées que sont les lettres-clés flottantes - et intéressement financier pour ceux qui accepteraient de réduire les prestations ? Où irions-nous ? Nous préférons un véritable dialogue. A cet égard, la reconnaissance des centres de santé à l'article 16, qui découle d'une réelle concertation, mérite d'être saluée : elle constitue une nette amélioration du texte envisagé l'an dernier.

Nous avions alors souligné que si nous partagions bien des objectifs proposés par le texte, ceux-ci ne pourraient être atteints sans accroître le financement de la sécurité sociale. C'est hélas ce qui se confirme. Le rapport que nous avions approuvé l'an dernier prévoyait de maintenir, voire d'accroître dans la mesure du possible, les niveaux de remboursement de l'ensemble de la population, par exemple en prenant mieux en charge la compensation du handicap auditif.

Force est de constater que la situation actuelle n'est pas à cet égard satisfaisante, qu'il s'agisse des lunettes, des prothèses dentaires ou des prothèses auditives. Non seulement les inégalités demeurent mais elles se creusent. Un gouvernement de gauche, parvenu à la moitié de son mandat, ne saurait s'en satisfaire.

Un mot sur cette campagne qui cite à dénoncer les médicaments inutiles pour aboutir à leur déremboursement. Il faut certes régulièrement revisiter la pharmacopée au regard de l'évolution des connaissances scientifiques. Si des médicaments sont dépassés, il n'y a aucune raison de les maintenir sur le marché et de les rembourser. Mais, dès lors, plusieurs questions se posent. Qui leur a attribué le label de médicament et sur quels critères ? Comment se fait-il, a contrario, que des molécules nouvelles mises sur le marché, dont l'efficacité est reconnue, ne soient pas remboursées et se voient de ce fait réservées à ceux qui peuvent se les offrir ? Nous sommes dans le peloton de queue des pays européens pour le remboursement des dépenses de santé. Tant que cette situation ne s'améliorera pas, il n'y aura pas de véritable accès aux soins pour tous, notamment en ce qui concerne le taux de prise en charge trop faible, ou le forfait hospitalier. C'est ce qu'il faut améliorer d'urgence. Ce qui suppose d'y consacrer les moyens nécessaires.

Il est clair que, pour être atteints, ces objectifs, comme tous ceux qui figurent dans le titre premier, appellent des mesures plus ambitieuses et plus déterminées en termes de financement. En 1997 et en 1998, nous avions souligné que, malgré des avancées, les budgets restaient dans une logique de compression des dépenses, faute de dispositions volontaristes et ambitieuses. Des engagements avaient été pris, dont nous espérions une autre concrétisation à plus forte raison en période de croissance. Nous voulons croire que cette année, le débat permettra d'enclencher une véritable rupture avec la logique précédente. C'est ce à quoi nous contribuerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Foucher.

M. Jean-Pierre Foucher.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de financement de la sécurité sociale pour 2000 me conduit à exprimer d'emblée une crainte majeure, celle d'un détournement pur et simple par le Gouvernement de l'objectif initial de ce projet de loi annuel. Rappelons que l'objectif était, à l'origine, de donner au Parlement le contrôle du financement de la sécurité sociale et la mission d'assurer la transparence de la gestion des différentes branches. Loin de définir une politique de santé ambitieuse et, à long terme, une politique familiale encourageante et un moyen de concertation avec les professions médicales, ce texte n'est plus finalement qu'un


page précédente page 08196page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

instrument de gestion des finances publiques, puisqu'il inclut de nouveaux impôts et des dépenses sociales relevant normalement du budget de l'Etat.

Quel est en effet l'objectif de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Il faut le dire nettement : c'est une pure maîtrise comptable et administrative des dépenses sociales et tout particulièrement des dépenses de santé. Ce détournement, déjà dénoncé par plusieurs d'entre nous, est accentué par le fait que le Gouvernement a voulu utiliser le PLFSS pour financer, laborieusement, un autre projet de loi, celui des 35 heures qui crée de nouvelles et lourdes charges. Je pense même que c'est parce que vous aviez besoin de trouver le financement des 35 heures que vous réduisez la santé à une logique strictement comptable. On peut donc s'inquiéter grandement pour l'avenir : plus l'application des 35 heures coûtera cher, moins la santé des Français sera prise en considération, puisqu'il faudra en baisser le coût et donc la brider.

L'ouverture d'une telle brèche amène à penser que le Gouvernement n'hésitera pas, bientôt, à financer de la même manière tel ou tel projet n'ayant aucun rapport avec la sécurité sociale.

Les conditions dans lesquelles le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été élaboré et présent é au Parlement sont scandaleuses. Pour commencer, le financement des 35 heures restait jusqu'à avant-hier, veille de l'examen du texte par notre assemblée, totalement opaque. Nous savons déjà qu'il faudra 65 milliards de francs pour 2000,...

M. Pascal Terrasse.

Vous le reconnaissez tout de même !

M. Jean-Pierre Foucher.

... et au moins 110 milliards à terme.

On ne peut jongler ainsi avec des sommes aussi considérables. Vous voulez maintenant augmenter la taxe sur les tabacs, non au profit de la santé mais, en majeure partie, pour financer les 35 heures. Et comme vous renoncez à faire contribuer la sécurité sociale pour les 5,6 milliards de francs prévus, après le refus en force des partenaires sociaux dont nous ne pouvons que nous féliciter, nous voilà amenés à nous prononcer sur un texte incomplet et plein d'incertitudes. Rappelons qu'il s'agit d'un budget de plus de 1 800 milliards de francs, plus important que le budget de l'Etat. Les Français apprécieront la manière dont vous gérez ces sommes,...

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

En effet !

M. Jean-Pierre Foucher.

... et dont vous considérez le Parlement.

Sur le reste du projet de loi, les critiques peuvent être très nombreuses. Les réformes mises en place en 1994 et 1996 instauraient une gestion séparée des branches, mais contrôlée par le Parlement. Aujourd'hui, vous remettez en cause cette architecture. Ainsi, la branche famille que l'on peut dire oubliée par votre projet est excédentaire ; malheureusement, cette situation ne lui profite pas.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'était encore moins le cas avec vos 15 milliards de déficit !

M. Jean-Pierre Foucher.

Il y a pourtant beaucoup à faire en ce domaine. Les deux seules mesures que vous proposez - prolongation du versement des aides au logement et du complément familial jusqu'à ce que les enfants aient atteint vingt et un ans et augmentation de 0,5 % des allocations familiales - sont loin de répondre aux besoins.

En ce qui concerne la branche maladie, vous séparez le système de soins hospitaliers qui relèvera du seul Gouvernement - le Parlement aura par voie de conséquence bien du mal à y exercer son contrôle - et la médecine de ville, laissée à la gestion de la CNAM dont on peut craindre qu'elle ne fasse un usage abusif des lettres-clés flotantes.

Les caisses étant autorisées à prendre « toute mesure nécessaire » au respect de l'objectif de dépenses de soins de ville, où et quand la concertation tant prônée par le Gouvernement jouera-t-elle ? Vous renvoyez les professions de santé face aux caisses et non plus face au Gouvernement. Pourtant, en cas de désaccord complet sur les règles fixées unilatéralement par les caisses, n'est-ce pas le Gouvernement qui aura le dernier mot ? C'est la disparition du partenariat et le passage d'un système décisionnaire horizontal à un système vertical.

Les articles 18 et 19 permettent au médecin conseil des caisses de juger de l'utilité thérapeutique du traitement prescrit et du plan de soins, puisque le praticien sera obligé de se justifier. Le choix entre les soins appropriés et les soins remboursés est un choix de société. On ne peut dire aux assurés sociaux que le principal souci est d'assurer le meilleur accès aux soins possible et en même temps établir une gestion tellement comptable que les soins prescrits seront forcement limités, voire critiqués si nécessaires. Et comment imaginer que des administratifs, loin du terrain et de la pratique médicale, puissent juger du bien-fondé des traitements prescrits par des praticiens en exercice confrontés, eux, à la réalité du terrain ? N'oublions pas enfin le problème du secret médical, mis à mal par cette surveillance des caisses. La levée du secret médical est non seulement inadmissible, mais dangereuse pour la liberté de prescription à laquelle les Français sont attachés.

Ainsi que l'a prouvé tout récemment la manifestation des professionnels de santé, ceux-ci risquent d'être rapidement démobilisés...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On l'a bien vu !

M. Jean-Pierre Foucher.

... puisqu'il ne peut y avoir de climat de confiance. Or la réduction des dépenses de santé ne peut se concevoir à coup de décisions arbitraires : il faut une concertation, une prise de conscience de l'ensemble des partenaires et une confiance mutuelle.

Etrangement, vous affirmez dans le rapport annexe que la modernisation de notre système de santé passe par un partenariat actif entre les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé, tant au niveau national qu'au niveau local. Ce n'est pas le sentiment que donne l'examen des articles. Si le système de reversement a bien disparu de vos projets, celui des lettres-clés flottantes demeure, qui a pour seul but le respect de l'objectif et instaure bel et bien une maîtrise comptable et collective sans tenir compte de la pratique. Les lettres-clés flottantes rétablissent un système de sanction collective qui décourage les meilleurs des praticiens sans pour autant encourager les autres ! Avec la loi Juppé, les instruments étaient là ; il aurait fallu les exploiter et les améliorer, et non remettre en cause l'ensemble des principes. Les professions de santé avaient commencé dès 1994 à mettre en place des structures internes permettant de sanctionner les mauvaises pratiques médicales ; la situation actuelle ne serait pas telle qu'elle est si vous aviez laissé le temps aux professionnels de finaliser leur projet.

Si l'article 21 marque nettement la réalité d'une régulation purement administrative, l'article 22, quant à lui, pose un vrai problème de justice. Pour commencer, il


page précédente page 08197page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

semble bien que, non contents de ne pas rembourser aux laboratoires une taxe jugée incompatible avec le droit communautaire, vous en profitiez pour en élaborer une nouvelle, plus rentable encore... Je ne sais s'il s'agit d'un sens spécial de la justice ! Du reste, le mot « remboursement » n'apparaît pas dans le libellé de l'article. Par ailleurs cette nouvelle taxe ne fait pas de différence d'assiette entre le chiffre d'affaires réalisé sur les produits destinés aux hôpitaux qui font l'objet, vous le savez, de marges minorées, et celui réalisé sur les produits publics. Cela crée incontestablement une inégalité entre laboratoires selon qu'ils réalisent leur chiffre d'affaires avec les produits hospitaliers ou les produits publics. Enfin, vous le savez, les procédures de remboursement viennent seulement d'être mises en place puisque la décision est très récente. Ne peut-on imaginer que les laboratoires ne payent la nouvelle contribution que lorsqu'ils auront été remboursés de la première ? Je voudrais également souligner l'importance que doit prendre l'automédication, qui, elle, ne coûte rien à l'assurance maladie. Je pense qu'en utilisant l'une des missions des pharmaciens d'officine qui est la mission de conseil, cette automédication peut être développée. L'automédication reste en France relativement faible : elle n'a connu, par rapport à l'année dernière, qu'une progression de 1 %, pour les dix laboratoires les plus concernés qui représentent plus de 13 milliards de francs de ventes. Rappelons que l'automédication concerne les médicaments adaptés à une utilisation sans prescription ni surveillance médicale particulières, correspondant à une indication thérapeutique, une composition, une présentation et une information adaptées aux affections bénignes, mais aussi aux affections chroniques. Ces médicaments sont parfois utiles à la prise en charge d'urgence et sont considérés comme une aide à la santé publique ; c'est notamment le cas pour la désaccoutumance au tabac.

L'implication du pharmacien doit être active et claire, et corrélativement accompagnée d'une information claire d u patient. Malheureusement, l'automédication, bien qu'elle permette de décharger l'assurance maladie, est mal perçue en France, en raison notamment de la confusion très répandue qui existe entre remboursement et valeur thérapeutique. J'avais d'ailleurs attiré votre attention, l'année dernière, madame la ministre, sur la nécessité de ne pas confondre les deux notions, la manière dont s'opèrent les déremboursements dans notre pays laissant souvent planer un doute sur l'efficacité des médicaments concernés.

A ce propos, j'aborderai le cas spécifique des substituts nicotiniques qui devraient être autorisés à la vente libre en début d'année prochaine. Ne pourrait-on organiser un système permettant soit la prise en charge directe pour les femmes enceintes et certaines populations particulièrement touchées comme les bénéficiaires du RMI ou de la CMU, soit, comme cela se fait en Grande-Bretagne, accepter la prise en charge directe pour la première semaine de traitement, ce qui permettrait aux patients d'économiser de quoi payer la deuxième semaine ? Cette solution permettrait « d'amorcer la pompe », si je peux me permettre une telle expression, pour un traitement de longue haleine.

Ces observations, jointes à celles de mes collègues UDF Yves Bur et Jean-Luc Préel, vous expliquent, madame la ministre, que votre projet de loi de financement ne peut nous satisfaire. Il aurait plutôt tout pour nous inquiéter.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'exprimerai tout d'abord des regrets sur la manque de clarté dans la présentation des financements.

Rien en effet, tant au niveau des recettes qu'au niveau des dépenses, ne permet de distinguer ce qui relève des effets de la croissance économique et de l'amélioration de l'emploi, de l'évolution démographique, de ce qui relève des mesures correctrices destinées à lutter contre les dérapages de certaines professions. Ces trois facteurs sont certes étroitement liés, mais il est cependant possible d'en distinguer les effets principaux. J'aurais aimé que cela fût fait pour juger de l'efficacité intrinsèque des mesures prises pour assurer l'équilibre du budget social.

Je trouve également regrettable que les recettes attachées aux prélèvements sur les bénéfices des sociétés définis par l'article 3 et aux pénalités prévisibles ou supposées que devraient payer les sociétés par le biais de la TGAP n'aient pas été clairement dissociées des dépenses correspondant à l'allégement des cotisations patronales. Le financement net du budget social résultant de ces trois opérations est exposé seul, sans que l'on sache vraiment ce qui revient à chacune d'elles.

Je relèverai enfin le mode de calcul du financement de l'assurance maladie. D'une manière inhabituelle, pour établir le budget prochain, le taux d'évolution prévu de 2,5 % n'est pas appliqué au budget prévu pour l'année a ctuelle, mais aux dépenses réellement effectuées.

L'accroissement des dépenses de l'assurance maladie prévu pour l'an prochain sera donc de l'ordre de 4 %. On peut s'en réjouir : chacun sait que les progrès techniques de la médecine et l'augmentation de la longévité accroissent régulièrement les besoins de la population et par voie de conséquence les coûts. Il convient de remarquer toutefois que le « glissement » de 1,5 % sera définitivement acquis et se reportera mécaniquement sur le budget des années suivantes, établissant ainsi une créance que devra rembourser l'ACOSS avec d'éventuels excédents ultérieurs. Si ce mode de prévision budgétaire se pérennise, il entraînera une croissance des dépenses difficilement contrôlable.

Reste la bonne nouvelle : le Gouvernement a renoncé à ponctionner les organismes sociaux pour financer la réduction du temps de travail, grâce notamment au transfert d'une partie des droits sur les consommations d'alcool du FSV. A ceux qui se languissent de voir un jour le Gouvernement trébucher, nous pouvons affirmer aujourd'hui que les 35 heures sont bel et bien financées et que les régimes sociaux n'en seront en rien fragilisés.

La rénovation de la politique familiale a reçu un nouvel élan et je m'en réjouis. L'aide apportée par le Gouvernement aux familles, afin que celles-ci puissent pleinement assumer leur rôle dans l'éducation des enfants et dans la cohésion sociale, mérite d'être soutenue. L'attention particulière apportée aux familles ayant en charge de jeunes adultes est la bienvenue.

Je voudrais vous inviter, madame la ministre, à vous pencher sur les conditions d'existence des jeunes adultes qui quittent le foyer familial ou qui en sont renvoyés, car cela arrive, j'ai pu le constater à Paris même, quand j'ai passé la nuit avec les responsables du SAMU social, notamment M. Xavier Emmanuelli. Ne serait-il pas souhaitable que les aides que leur supposée présence au foyer familial apporte aux revenus de leurs parents leur soient directement versées ? Car ils n'ont aucune aide, même pas le RMI. Etre à Paris sans un centime est une situation


page précédente page 08198page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

qui ne peut que pousser très vite ces jeunes à la primodélinquance. Nous devrions y réfléchir et prendre les décisions qui s'imposent pour ne pas les laisser ainsi à la rue sans le moindre moyen.

Le rééquilibrage des comptes des retraites est réalisé et un excédent est même annoncé. Face au défi de l'évolution démographique, la pérennité des régimes par répartition est assurée dans le souci de l'équité entre régimes et entre générations. La constitution d'un fonds de réserve préserve l'avenir. Les sommes qui lui sont destinées, 8 milliards cette année, restent encore modestes mais les excédents de recettes prévues devraient accélérer son abondement.

Le Gouvernement veille, par ailleurs, à l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées.

Restera à avancer sur le dossier de la dépendance. Les personnes âgées attendent avec impatience la création d'une allocation dépendance sans condition de ressources, et sans différences liées à des critères budgétaires régi onaux. Elle permettrait le prolongement du maintien à domicile, et soulagerait d'autant les organismes institutionnels d'hospitalisation.

Dans le domaine de la santé, le projet de loi répond aux priorités de santé publique définies par la conférence nationale de la santé et place au coeur de celles-ci les impératifs de la prévention et de l'évaluation.

Les mesures prises en ce qui concerne les cliniques tendent à plus de cohérence dans la poursuite des objectifs.

Toutefois, le retard apporté à la nécessaire modernisation parallèle de la gestion de l'hospitalisation publique risque de mettre en difficulté des établissements dont l'activité est de plus en plus dissociée de celle des autres intervenants. Au motif de mieux répartir les responsabilités, le Gouvernement renforce, en effet, le cloisonnement entre la médecine de ville et l'hôpital en se réservant la gestion hospitalière tandis qu'il confie aux caisses d'assurance maladie et aux professionnels de santé la régulation de la médecine de ville. La maîtrise médicalisée de la prescription en sera heureusement renforcée et les partenaires sociaux disposeront d'instruments puissants pour améliorer la pratique médicale, mais l'hospitalisation en sera d'autant plus isolée.

La mise en ordre du prix des médicaments, dans sa première étape, et la réévaluation de l'efficacité thérap eutique de l'ensemble des spécialités étaient des mesures attendues.

L'amélioration de la prise en charge des diabétiques, de la grossesse et de la périnalité, des urgences, du saturnisme et de l'asbestose, ainsi que celle de la douleur, le renforcement de la sécurité de l'anesthésie, correspondant à une approche médicalisée du contrôle des soins, mais il est souhaitable que cette approche s'étende au-delà de quelques domaines budgétaires.

Il conviendrait que le Parlement puisse se prononcer sur une loi quinquennale d'orientation sanitaire. J'en ai déjà, dans cette enceinte, exprimé la nécessité. Eclairé par les travaux du Haut Comité de la santé publique et de la conférence nationale de la santé, le Parlement opérerait les choix que suppose la politique de la santé et qui n'appartiennent qu'à lui : des choix de politique économique et sociale qui jouent un rôle déterminant sur le niveau de la santé de la population, des choix relevant de diverses fonctions collectives financées et contrôlées par l'Etat, comme l'éducation et l'environnement, des choix propres aux secteurs de la santé où le Parlement ne peut accepter les pratiques du fait acompli. La mise en cohérence des décisions financières annuelles avec les orientations de la politique sanitaire et sociale pourrait alors être assurée.

D'importantes mesures ont été prises et des efforts ont été faits pour aller vers une meilleure maîtrise médicalisée ; le déficit des comptes sociaux n'est plus que de 4 milliards de francs, somme indignifiante au regard du budget global. L'équilibre sera atteint l'an prochain. Des dysfonctionnements et des insuffisances persistent cependant. Je pense que le Gouvernement a la charge de les corriger. C'est donc avec impatience mais avec confiance que j'attends les propositions de la loi de modernisation de la santé annoncée pour le printemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi de financement de la sécurité sociale avait pour objectif initial de donner au Parlement le contrôle du financement de cet important secteur, d'assurer la transparence de la gestion des différentes branches et de débattre ici-même d'un politique globale de la santé et de la protection sociale.

Mais le texte que vous nous proposez aujourd'hui élude nombre de questions et n'a pas d'ambition marquée. Il apparaît, avant tout, comme un instrument de gestion des finances publiques incluant des dépenses qui relèvent du budget de l'Etat et levant même des impôts nouveaux.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Bernard Perrut.

Avant même d'évoquer la maladie, la vieillesse ou la famille, votre texte, madame la ministre, utilise les opportunités du moment et nous entraîne, dès ses premiers articles, vers le financement des 35 heures, la modification du code des impôts, voire de celui des douanes, à travers les lessives, les adoucissants et autres produits. On se croirait dans un catalogue de produits ménagers, voire dans un supermarché.

M. Marc Laffineur.

Très bien !

M. Bernard Perrut.

Soyez sérieux me répondrez-vous ! Mais le Gouvernement l'est peu. Vous vouliez, madame la ministre, faire supporter aux régimes sociaux et à l'UNEDIC le poids de votre politique de l'emploi. Notre groupe, par la voix de notre collègue Goulard, a dénoncé ce paradoxe qui consistait à faire financer par des prélèvements sur les entreprises les allégements de cotisations censés leur profiter. Le Gouvernement a battu en retraite face à l'opposition de cette assemblée, des organisations syndicales et patronales.

M. Marc Laffineur.

Eh oui !

M. Bernard Perrut.

Et il a bien fait ! Mais notre inquiétude et celle de nos concitoyens est très grande. Comment allez-vous, madame la ministre, couvrir le coût annoncé des 35 heures, 65 milliards de francs en 2000 et 110 à terme ? Vous n'apportez pas aujourd'hui de réponse claire à cette question. Pour y contribuer, vous taxez les bénéfices des sociétés. Vous taxez les heures supplémentaires dans les entreprises restant à 39 heures au détriment des salariés - ils apprécieront. La taxe sur les tabacs, loin de tout objectif de santé et de prévention, comme les droits sur l'alcool, financeront eux aussi les 35 heures.

Comment pensez-vous expliquer aux mères de famille, qu'elles achèteront la lessive plus cher parce qu'il faut financer les 35 heures par le biais d'une taxe, la TGAP, qui a pour but de lutter contre les activités polluantes ?


page précédente page 08199page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. Marc Laffineur.

Exactement !

M. Bernard Perrut.

Tout cela sent le bricolage et l'improvisation.

M. Jean-Pierre Foucher.

Eh oui !

M. Bernard Perrut.

En tout cas l'apparente euphorie que vous manifestez ne peut cacher la réalité : votre projet ne répond pas à nos attentes. Il n'enraye en rien le dérapage des dépenses maladie. On ne peut que constater leur emballement en 1998 et 1999. Sans les fruits de la croissance et les rentrées de la CSG qui frappe l'ensemble des revenus et pénalise particulièrement les petits épargnants, le déficit aurait explosé.

Par ailleurs on ne peut que déplorer l'absence d'une véritable politique de santé publique. Malgré l'effet d'affichage de l'institution d'une délégation de gestion des soins de ville à la CNAM, on constate une dérive vers l'étatisation. Mes collègues se sont déjà exprimés sur ce point. Pour ma part, je pense que le niveau régional peut être un bon niveau de planification, de régulation financière et d'évaluation du système de soins en France.

S ur les retraites, vous pratiquez la politique de l'autruche, mais cela ne nous surprend plus.

Pouvez-vous ignorer que l'espérance de vie s'accroît de trois mois chaque année ?

M. Marc Laffineur.

Très bien !

M. Bernard Perrut.

Pouvez-vous ignorer qu'en 2040, un tiers des Français auront plus de soixante ans ? Mais comme seule réponse à cet immense défi, vous vous contentez d'instituer un fonds, qui n'a été identifié qu'hier au Journal officiel et que vous voulez doter de quinze à vingt milliards en 2001, alors qu'il en faudrait dix à quinze fois plus.

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Bernard Perrut.

Les vraies réformes attendent et aucune décision courageuse ne sera prise avant 2002. Et pourtant si rien n'était fait, les perspectives d'ici à 2020 seraient effrayantes, tant pour les salariés du privé que p our les fonctionnaires. Est-il concevable, madame la ministre, que les jeunes diplômés des années 90, arrivant à l'âge de la retraite, perçoivent moins de 40 % de leur dernier salaire, parce que vous n'auriez pas eu le courage de réaliser les réformes nécessaires ?

M. Bernard Accoyer.

Ce sera pourtant le cas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Parce que vous, vous avez eu du courage ?

M. Bernard Perrut.

Il faut en finir avec les querelles idéologiques artificielles et cesser d'opposer les retraites par capitalisation et par répartition. Si notre objectif est de sauvegarder le régime par répartition, on ne peut différer davantage l'introduction des fonds de pension. Il y a urgence.

Mes chers collègues, la place des retraités ne doit pas d'ailleurs se limiter à cette seule préoccupation pour l'avenir. Nous devrions également nous interroger sur l'évolution du pouvoir d'achat des retraités et il est regrettable que la revalorisation des retraites ne prenne en compte que la hausse des prix et non celle des loyers.

Il faut évoquer aussi le défi de la vieillesse dépendante, qui nécessitera des moyens financiers de plus en plus importants pour l'humanisation de l'accueil des personnes âgées. Les problèmes de la prestation spécifique dépendance et de la tarification des établissements ne sont pas réglés non plus.

Quant au problème plus spécifique des veuves, quelle réponse apportez-vous, madame la ministre, pour améliorer leur situation ?

M me Marie-Françoise Clergeau, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour la famille.

Qu'est ce que vous avez fait, vous ?

M. Bernard Perrut.

Qu'en est-il du pourcentage de réversion, du plafond de cumul, de la prise en compte de la majoration pour enfant ? Les veuves ne demandent pas l'assistance, mais une juste part de solidarité nationale et les moyens de se réinsérer dans la société.

S'agissant de la famille, on peut regretter la timidité de la revalorisation des prestations familiales, mais surtout déplorer que les mesures relatives à la branche famille marquent un recul par rapport à la loi de juillet 1994, q ui prévoyait que toutes les prestations familiales devraient être prolongées jusqu'à vingt-deux ans au 1er janvier 2000 ; vous prévoyez un prolongement de trois allocations seulement, et seulement jusqu'à vingt et un ans. Cet abandon fait d'ailleurs suite à certaines mesures que vous avez déjà prises : la diminution des aides pour la garde d'enfant à domicile, la suppression des aides au travail partiel et la baisse du plafond du quotient familial, dont on connaît tous ici les conséquences, tant sur l'impôt sur le revenu que sur les impôts locaux. D'ailleurs, beaucoup de Français qui ont reçu leur avis de taxe d'habitation pourraient en témoigner aussi bien que nous.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

C'est faux pour les impôts locaux !

M. Bernard Perrut.

Alors que la branche famille est bénéficiaire, votre absence de volonté politique en faveur des familles est très claire. Les Français souhaitent pourtant que l'Etat aide davantage les familles : 80 % d'entre eux, selon une enquête récente, pensent que les prestations familiales sont insuffisantes pour les grands jeunes.

Quelque 600 000 familles espéraient, au 1er janvier 2000, le versement jusqu'à vingt-deux ans des prestations familiales. Sachez qu'ils sont déçus. C'est peu, trop peu quand on sait la charge que représentent de grands enfants, qu'ils soient logés chez leurs parents ou à l'extérieur, souvent dans des conditions difficiles.

Je conclurai en évoquant les difficultés des personnes handicapées, qu'il s'agisse de leurs ressources ou de leur prise en charge. Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale se succèdent, sans améliorer autant qu'il le faudrait leur situation. Je sais que des efforts sont faits, mais les besoins sont immenses. On estime aujourd'hui à 10 000 places, voire plus, le déficit en structures adaptées à l'éducation, aux soins ou au travail des enfants et des adultes handicapés.

Et j'insisterai sur un point qui dépend peut-être plus du ministre de l'enseignement scolaire : la scolarisation des enfants et des adolescents. Quelle réponse concrète apportez-vous, madame la ministre, aux demandes des associations de handicapés qui vous sollicitent...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous les avons reçues lundi !

M. Bernard Perrut.

... pour obtenir la prise en charge des affections de longue durée, car tous les traitements ne sont pas remboursables, l'amélioration de l'aide à domicile trop réduite aujourd'hui, et un meilleur remboursement du matériel médical nécessaire à leurs besoins quotidiens tel un fauteuil roulant, pour obtenir le maintien de l'allocation adulte handicapé en cas d'hospitalisation ou


page précédente page 08200page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

encore le bénéfice de l'assurance vieillesse obligatoire pour l'époux faisant office de tierce personne auprès de son conjoint handicapé.

Les handicapés attendent aussi avec impatience la révision de la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales.

Madame la ministre, mes chers collègues, sur tous les points évoqués nous devons atteindre l'an 2000 en ayant l'assurance que nous ne laisserons pas au bord du chemin ceux qui ont besoin d'un accueil, d'une insertion, ou d'un travail.

Ne pourrions-nous pas d'ailleurs y parvenir tous ensemble, au-delà de nos clivages ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Avec un tel discours, c'est mal parti !

M. Bernard Perrut.

Aujourd'hui, à travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est la famille, ce sont les retraités, les handicapés, les enfants qui sont au coeur de nos préoccupations ; c'est pour eux que nous devons relever le défi. C'est une exigence morale et politique, et nous souhaiterions que vous puissiez y répondre.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en juin 1997 notre gouvernement s'était engagé à redresser durablement les comptes sociaux.

M. Bernard Charles.

Eh oui !

M. Pascal Terrasse.

Il y a seulement deux ans, qui aurait pensé que le déficit des comptes de la sécurité sociale serait divisé par sept en 1999 et présenté excédentaire en l'an 2000 ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Oui, en effet ! Qui l'aurait pensé ? L'opposition est gênée, alors elle s'en va !

M. Pascal Terrasse.

Faut-il rappeler que le plan de redressement engagé par la majorité de l'époque prévoyait un excédent de 12 milliards en 1997 ? Qu'avons-nous trouvé malgré le plan Juppé ? Un déficit de 35 milliards ! Il fallait le rappeler.

Il était donc urgent de réformer de manière durable la sécurité sociale si nous ne voulions pas voir disparaître ce à quoi les Français sont le plus attachés : leur système de protection sociale.

Nos concitoyens, comme d'ailleurs l'ensemble des acteurs du champ social, ont compris que la réduction du déficit ne pouvait s'effectuer au détriment des prestations fournies. Le redressement des comptes sociaux a été obtenu sans augmentation des prélèvements et des cotisations, ni baisse des prestations, bien au contraire ; j'aurai l'occasion de revenir sur les avancées obtenues.

Ce résultat est d'abord le fruit d'une politique volontariste, d'un dispositif cohérent, visant à redresser de manière structurelle les comptes sociaux. Bien entendu, la c roissance a contribué à améliorer sensiblement les comptes, mais elle-même n'est pas le fruit du hasard. Elle est surtout le fruit d'une politique voulue par le Premier ministre, celle de la relance de la consommation. Dans le même temps, celle-ci a ouvert la voie à une baisse sensible du chômage, car le nombre important de nos concitoyens retrouvant le chemin du travail résulte bien de votre politique, madame la ministre. Faut-il rappeler les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail et la relance du pouvoir d'achat ? Enfin, la relance du financement de la sécurité sociale par la substitution à des cotisations sur le travail d'un prélèvement plus juste assis sur l'ensemble des revenus a contribué fortement au redressement des comptes sociaux.

Tout cela n'est pas le fruit du hasard...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, c'est vrai !

M. Pascal Terrasse.

... mais la volonté d'une politique globale et conforme à nos engagements.

Lors du précédent débat budgétaire, vous vous étiez engagée devant la représentation nationale, madame la ministre, à compléter le dispositif actuel par une réforme des cotisations patronales. Nous savons tous ici que les entreprises à forte main-d'oeuvre sont pénalisées en raison des modes de calcul des cotisations sociales. A l'inverse, ce sont les entreprises qui ont la plus faible masse salariale qui dégagent souvent les plus importantes plusvalues, et en tout cas toujours les plus gros bénéfices.

Je salue l'arrivée de notre collègue Mariani, car l'opposition semble préférer la salle des Quatre colonnes à l'hémicycle ! Combien sommes-nous à être confrontés à des plans sociaux, qui souvent se traduisent par une hausse des valeurs boursières ? Et combien de temps pourrons-nous continuer à laisser se dérouler de tels scénarios écrits aux dépens des salariés ? Nous ne pouvons plus jouer les actionnaires contre les salariés.

C'est pourquoi la création d'un dispositif d'allégement des cotisations patronales, qui était d'ailleurs demandé par la droite encore l'année passée, complété cette année et équilibré par un dispositif mettant à contribution les grosses entreprises au titre d'une contribution sociale sur les bénéfices et le développement d'une fiscalité sur les activités polluantes, répondent parfaitement à un besoin profond de réformes en matière de cotisations patronales.

En résumé, nous avons fait le choix du travail, plutôt que celui des placements financiers. En cela, nous nous rapprochons des politiques fiscales de nos partenaires européens.

Après avoir réformé les comptes sociaux à travers les cotisations sociales, après avoir engagé une réforme en faveur des familles et pris des mesures dès cette année pour les jeunes majeurs, après avoir ouvert l'accès aux soins à plus de 6 millions de personnes à travers la mise en place de la couverture maladie universelle et engagé une politique volontariste et concertée en direction du secteur sanitaire, d'autres chantiers restent à ouvrir.

Et je pense en premier lieu aux politiques en direction des retraités et des personnes âgées.

Nous aurons prochainement à débattre de l'avenir de nos systèmes de retraites, comme nous y a invité le Premier ministre. Pour autant, et comme vous l'avez dit, madame la ministre, ce débat ne doit pas se limiter à l'avenir des pensions de retraite. Certes leur montant, comme d'ailleurs la durée des cotisations, préoccupent très largement les Français. Mais pas seulement ! Les réponses que nous devrons être capables de donner aux futurs retraités doivent tenir compte de l'évolution de la société. Je pense naturellement à l'allongement de la durée de vie sans incapacité, qui place la France au premier rang de la longévité.


page précédente page 08201page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Il nous faudra réfléchir à la place des personnes âgées dans la société. Demain, les plus de soixante ans seront plus nombreux que les moins de vingt ans. Il faudra veiller à prévenir toute dérive vers des conflits entre générations, qui pourraient être lourds de conséquences.

Par ailleurs, le triptyque classique formation, activité, retraite, dans l'espace d'une vie, doit pouvoir évoluer vers un système du temps choisi.

Enfin, la notion de grande dépendance, d'incapacité et d'accompagnement en fin de vie doit être mieux prise en compte.

Notre champ de réflexion devra dépasser les mécaniques financières permettant d'assurer une pension de retraite, ou de consolider les régimes par répartition auxquels est attachée une grande partie de la population de notre pays.

Je suis convaincu que, à côté du diagnostic qui a été posé et du dialogue qui s'est engagé avec les partenaires sociaux, les voies de la réforme nécessaire ne pourront être trouvées qu'au travers d'un large consensus. S'il y a réforme, elle doit être durable et reposer sur des aménagements à long terme. C'est d'ailleurs le sens de la création d'un fonds de garantie des retraites, institué par la loi de financement de la sécurité sociale de 1999. Il s'agit d'un outil permettant de provisionner pour l'avenir sans compromettre le présent.

Madame la ministre, comme l'année dernière je réitère mon souhait de voir le financement de ce fonds de garantie pérennisé par un mécanisme d'abondement automatique, et souhaite voir ce fonds doté d'une certaine a utonomie, distincte d'une gestion confondue dans le FSV.

Outre qu'il consolide ce fonds de garantie des retraites, votre projet de loi tient très largement compte des besoins des personnes âgées. En effet, avec une revalorisation des pensions de 0,5 % au 1er janvier prochain, le pouvoir d'achat des retraités est garanti. Cette évolution est d'ailleurs supérieure à ce qu'elle aurait pu être si l'on avait retenu les modalités de calcul instaurées par le gouvernement Balladur en 1994. J'indique à M. Perrut que, si nous nous en étions tenus au mécanisme de 1994 - mécanisme qu'il avait voté - la revalorisation aurait été de 0,2 % pour l'an 2000.

Cependant, cette avancée ne doit pas nous faire oublier la situation des pensionnés les plus précaires, tributaires d'une retraite trop modeste. Peut-on espérer, madame la ministre, un « coup de pouce » complémentaire en leur faveur au 1er janvier prochain - je pense ici à celles et à ceux qui bénéficient du minimum vieillesse.

Ce projet de loi tient compte des besoins des personnes âgées et des handicapés, dites-vous. Le groupe socialiste accueille donc avec satisfaction l'évolution des dépenses du secteur social et médico-social.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Très bien !

M. Pascal Terrasse.

Vous nous proposez une augmentation de près de 5 % de l'enveloppe médico-sociale au sein de l'ONDAM. Cette forte augmentation va se traduire par un budget de l'ordre de 46 milliards, chiffre jamais atteint. A la lecture détaillée de l'enveloppe médico-sociale, on constate que cette progression tient compte de l'évolution naturelle de ce secteur. Elle tient compte également des mesures contractualisées : je pense ici aux soins infirmiers à domicile, à la résorption du plan de section de cures médicales autorisées, aux places de CAT ou de MAS. M. Perrut aurait dû lire le projet de loi ! Cette enveloppe permet aussi des actions nouvelles en direction des populations les plus fragiles : polyhandicapés, autistes ou traumatisés crâniens.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Pascal Terrasse.

En outre, on ne peut que saluer la volonté affichée du Gouvernement qui entend encourager toutes les initiatives favorisant l'intégration des handicapés en milieu ordinaire. La création de CAMSP et de SESSAD ne doit pas rester un effet d'annonce, car ces services font l'objet d'une demande pressante sur le terrain.

Toutes ces mesures ne doivent pas pour autant nous faire oublier les attentes des acteurs du champ social, qui demandent une réorganisation de la loi sociale de 1975, laquelle après vingt-cinq ans d'existence, appelle une révision nécessaire. Je souhaite donc appeler l'attention du Gouvernement sur l'urgence qui s'attache à la rénovation en profondeur de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales.

En effet, si cette loi a représenté une étape décisive p our conforter l'organisation de l'action sociale et médico-sociale de notre pays, il n'en demeure pas moins que ce dispositif législatif a considérablement vieilli, et ce pour trois raisons principales : D'abord, la place des usagers et de leur famille est insuffisamment prise en compte, tant il est vrai que la loi est pratiquement muette sur ce point ; Ensuite, il faut mieux tenir compte de l'évolution considérable des pratiques, dépassant la stricte notion d'hébergement à temps complet.

Enfin, cette loi, malgré diverses modifications intervenues en 1985, en 1986 et en 1991, a très insuffisamment pris en compte l'impact de la décentralisation, laquelle a été particulièrement étendue dans le champ de l'action sociale.

Par ailleurs, l'élu local que je suis connaît bien le secteur social et médico-social et n'ignore pas que ce dernier constitue une composante essentielle de la politique d'aménagement du territoire, tant il est vrai que ce secteur reste et restera créateur d'emplois, notamment d'emplois de proximité, aussi bien dans les zones rurales à revitaliser que dans les sites prioritaires de développement urbain.

C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande si, au vu de tous ces éléments, on peut espérer une modification des textes actuels l'année prochaine.

J'en viens aux réformes attendues. On ne peut ignorer les dysfonctionnements des mécanismes de la prestation spécifique dépendance. Je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut sortir du faux débat entre prestation sociale et cinquième risque. Le seul et réel problème des personnes âgées en situation de dépendance réside dans leur propre solvabilité, qui doit leur permettre de retrouver une autonomie nécessaire.

De simples mécanismes, contenus d'ailleurs dans le rapport de notre collègue Paulette Guinchard-Kunstler, doivent désormais être envisagés. Je pense notamment à l'augmentation du montant de récupération sur donations et successions comme cela a été annoncé par Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale il y a quelques jours. Je pense aussi qu'il faudrait s'appuyer sur le dispositif législatif voté l'année dernière pour fixer une enveloppe minimum opposable à tous les départements.

Je pense enfin qu'on pourrait permettre au GIR 4 de la grille AGIR de bénéficier d'une prestation d'institution.


page précédente page 08202page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Voilà quelques mécanismes très simples qui permettraient de répondre à l'attente du plus grand nombre.

De la même manière, la réforme de la tarification des institutions pour personnes âgées doit faire l'objet d'améliorations. Cette réforme est très attendue et nécessaire mais elle ne doit pas aboutir à une augmentation du prix de journée pour les personnes en perte d'autonomie. Des correctifs sont nécessaires, nous en avons parlé lors de l'examen du projet de loi en commission des affaires sociales. Je sais qu'une mission d'appui a été confiée à M. Brunetière. J'espère qu'il n'en sortira que de bonnes choses.

On le voit, le vieillissement de la population et ses conséquences sociales et humaines ne concernent pas seulement les retraites.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Pascal Terrasse.

Ce qui est en question, c'est bien la cohérence d'un dispositif prenant en compte la globalité du problème de ce que certains appellent la « révolution de la longévité ».

Le projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté permet d'ouvrir la voie. A chacun de nous d'en saisir l'opportunité pour faire avancer le débat. Le groupe socialiste souhaite contribuer à cette démarche. A nous maintenant de faire évoluer positivement le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, chaque année, les discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale se suivent et se ressemblent.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Non !

M. Thierry Mariani.

Chaque année, mes chers collègues, nous travaillons dans des conditions indignes puisque, une fois encore, nous n'avons pu disposer du rapport de la commission des affaires sociales qu'hier.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Non !

M. Thierry Mariani.

Si, monsieur le président, comme l'année dernière, nous n'avons pu disposer du rapport que le jour même du début de la discussion. Ce n'est vraiment pas une méthode sérieuse pour légiférer. Dois-je rappeler que le budget de la sécurité sociale dépasse, de loin, celui de l'Etat ? Chaque année, en ce qui concerne la branche vieillesse, vous reportez à plus tard les décisions qui permettraient d'assurer la pérennité de notre système de retraites, et le projet de loi financement de la sécurité sociale pour 2000 n'échappe pas à cette règle ! Je commencerai mon intervention par un bref rappel historique en citant les rapports annexés aux trois derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Dans le rapport annexé à la loi de financement pour 1998, vous nous précisiez, madame la ministre :

« La situation financière de la branche vieillesse reste déséquilibrée. Cette situation devrait perdurer dans les années à venir à législation constante, sans connaître une aggravation significative jusqu'en 2005. Cette situation appelle une réflexion approfondie sur l'évolution des ressources des systèmes de retraites que le Gouvernement entend conduire en prenant en compte l'évolution des conditions du vieillissement, de la durée et du mode de vie. »

L'an passé, dans le rapport annexé au projet de loi de financement pour 1999, il était écrit : « La situation financière de nos régimes de retraite est déséquilibrée... » - tiens donc ! comme en 1997 - « ... ceux-ci devront faire face, à partir de 2005, à l'arrivée à l'âge de la retr aite des générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale. » C'est là une information de premier ordre

! Comme si nous ne le savions pas !

M. Pascal Terrasse.

On le sait depuis 1947 !

M. Thierry Mariani.

Je poursuis ma citation : « Le Gouvernement entend aborder les évolutions nécessaires de nos régimes de retraite sur la base d'un diagnostic précis des problèmes auxquels ils sont confrontés. » A ce stade,

n ous sommes rassurés, le Gouvernement va s'en occuper... mais plus tard ! Et vous avez confié ce diagnostic, madame la ministre, au Commissariat général au Plan, qui vous a rendu un rapport.

Cette année, vous nous dites : « Le Gouvernement entend assurer la pérennité de nos régimes par répartition dans la concertation et dans le souci de l'équité entre générations et entre les régimes. » Cela, vous nous l'aviez

déjà dit les deux années passées. Et vous ajoutez : « Le commissariat général au Plan a établi un diagnostic... Il montre les charges croissantes auxquelles nos régimes devront faire face après 2005 du fait de l'arrivée à l'âge d e la retraite des générations nombreuses nées après 1945. » Il fallait bien un rapport de plus pour arri-

ver à ce scoop ! N'avez-vous pas l'impression, madame la ministre, que le Gouvernement radote d'une année sur l'autre ? Croyezvous qu'il était nécessaire de commander un énième rapport pour confirmer le fait que en 2005, nos régimes de retraite par répartition ne pourront plus faire face à l'évolution démographique de notre pays ? Combien de rapports, combien de colloques, combien de tables rondes v ous faudra-t-il encore avant que vous ne preniez conscience de l'urgence qu'il y a à légiférer sur cette question ? Et, de grâce ! ne nous répondez pas que vous avez créé l'an passé un fonds de réserves pour les retraites, chargé de venir en complément de nos régimes par répartition.

Vous avez publié hier le décret qui crée officiellement votre fameux fonds, c'est-à-dire deux jours avant la discussion du projet de loi de financement. Avouez qu'il était temps.

De plus, vous deviez doter ce fonds de 2 milliards de francs en 1999. Celui-ci n'ayant été créé qu'hier, ils n'ont pu jusqu'à présent être versés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est fait ! Il devait être doté en 1999 : nous sommes en 1999.

M. Thierry Mariani.

C'était un peu juste. Le décret est paru hier.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les crédits devaient être versés avant décembre ; or nous sommes encore au mois d'octobre !

M. Thierry Mariani.

A quarante-huit heures près !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non ! A deux mois près !

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, vous savez très bien que ce ne sont pas deux, dix ou même cent milliards de francs qu'il faudrait pour consolider nos régimes


page précédente page 08203page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

par répartition ! Selon les estimations du rapport Charpin, ce sont bien 400 milliards de francs qui manqueront à terme !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et vous, qu'avez-vous fait ? Rien !

M. Thierry Mariani.

De même, ne nous répondez pas en nous affirmant que vous comptez affecter au fonds les

« excédents » de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés. Même si la commission des comptes de la sécurité sociale a prévu un excédent de 4,3 milliards de francs en 1999 et de 6,5 milliards en l'an 2000, ces excédents ne sont aujourd'hui que virtuels et hypothétiques ! Et même s'ils devaient se réaliser, vous conviendrez avec moi que les quelque 15 milliards que vous entendez provisionner restent dans le domaine du symbole comparés aux 400 milliards qui seraient nécessaires.

Alors, c'est avec gravité que nous vous demandons solennellement d'arrêter de reporter, pour des raisons politiciennes qui ne nous échappent pas, les décisions qui s'imposent pour consolider notre système de retraite.

En résumé, madame la ministre, nous vous demandons de prendre enfin vos responsabilités sur ce dossier.

Les solutions existent et elles sont connues de tous.

En effet, seule l'instauration d'un régime de retraite par capitalisation venant renforcer le régime de base par répartition permettra d'assurer la pérennité de ce dernier.

Même si le mot vous fait peur, même si, enfermée dans une idéologie, vous refusez de voir la réalité en face, ce n'est qu'en instaurant des fonds de pension à la française...

M. Jean-Pierre Blazy.

Quelle horreur !

M. Thierry Mariani.

... que nous nous assurerons ensemble un revenu suffisant pour les générations issues du baby boom.

A ce stade de notre discussion, je ne peux que vous encourager à faire enfin preuve du même courage et de la même volonté que les gouvernements d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé qui, en 1993 et 1995, ont mis en place sans tarder une réforme complète de nos régimes de retraites.

Bien sûr, je le sais, cela risque de vous rendre moins populaire. Bien entendu, il vous faudra faire preuve de persuasion et de pédagogie à l'égard de nos concitoyens.

Mais chacun sait que c'est le seul choix responsable qui reste pour sauver nos retraites.

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est faux !

M. Thierry Mariani.

Quand nous vous pressons d'instaurer de tels fonds de pension, quand la Haute Assemblée, dans sa sagesse, adopte une proposition de loi allant dans ce sens, vous nous répondez que le système par capitalisation n'est pas équitable. Laissez-moi une fois de plus vous démontrez le contraire.

Où sera l'équité, madame la ministre, où sera la justice sociale quand en 2005 ou en 2010, alors que vous n'aurez rien fait, nos concitoyens les moins aisés, les plus vulnérables, ne toucheront que des pensions misérables, ne leur permettant pas de vivre dignement, tandis que les plus riches, les plus prudents, auront capitalisé par euxmêmes des sommes suffisantes pour leur permettre de bénéficier de revenus corrects ? En ne faisant rien, comme c'est le cas actuellement, vous instaurez en fait à terme une retraite pour les pauvres et les classes moyennes. Ces derniers n'auront droit qu'à un minimum vieillesse leur permettant tout juste de survivre ! Alors, cessez de parler de justice sociale quand l'inact ion et l'irresponsabilité du Gouvernement nous conduisent vers le contraire !

M. Jean-Pierre Blazy.

C'est du radotage libéral !

M. Thierry Mariani.

Vous devriez plutôt avoir une vision pragmatique de la situation au lieu de vous enfermer une nouvelle fois dans votre idéologie, celle-là même qui vous a fait adopter en son temps la retraite à soixante ans avec les conséquences que l'on connaît aujourd'hui ! De la même manière, vous refusez de prendre toute décision concernant les régimes spéciaux. Pourtant, vous savez bien qu'un des noeuds du problème se situe à ce niveau. Le rapport Charpin, que vous avez vite fait d'enterrer, le démontre bien. Et déjà en 1991, le Livre blanc avait mis l'accent sur ce problème.

Or vous refusez toujours de prendre toute initiative au prétexte que parler des régimes spéciaux reviendrait à montrer du doigt leurs bénéficiaires, et en particulier les fonctionnaires. Il n'en est rien. Chacun sait que le besoin de financement du régime des fonctionnaires de l'Etat s'élèverait, à législation inchangée, à vingt points de c otisations supplémentaires à l'horizon 2015. Ce besoin de financement atteindrait trente points de cotisations supplémentaires pour le régime des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, toujours à l'horizon 2015.

Ne pas se préoccuper de cette situation et se masquer la face comme vous le faites, c'est aller contre l'intérêt des bénéficiaires de ces régimes. Ces derniers ne resteront pas à l'abri des évolutions démographiques qui nous attendent, et ils le savent fort bien ! Enfin, il convient de s'interroger tout de même sur ces régimes spéciaux en termes d'équité.

Comment, en effet, concevoir le statu quo qui préside en la matière, alors que les assurés des régimes spéciaux bénéficient pour la plupart d'un statut nettement plus favorable que ceux du régime général ? Comment concevoir que les efforts consentis par les salariés du privé ne pourraient pas être suivis d'un effort équivalent fourni, cette fois, par les personnels du secteur public ? Est-il juste que les salariés du privé aient vu s'accroître de façon importante tant la période de détermination du salaire de référence que le nombre d'années de cotisation, tandis que les personnels du secteur public continuent de percevoir les mêmes avantages qu'antan ? Nous pensons qu'il est temps de rétablir l'équité.

Ne pas oser aborder cette importante question, c'est faire preuve de bien peu de considération envers les fonctionnaires.

Le problème des retraites n'est pas un problème catégoriel, il intéresse toute la nation. Et, à ce titre, je suis intimement convaincu que chacun de nos concitoyens est en mesure de comprendre et d'accepter certaines réformes pour préserver l'intérêt général. Cela ne sera possible, bien entendu, que dans la mesure où les politiques que nous sommes acceptent de parler franchement et sans démagogie de ces questions.

Or ce projet de loi de financement de la sécurité sociale botte en touche une nouvelle fois sur ce point et nous fait perdre un temps précieux.

Enfin, que dire des retraites agricoles, dont le niveau est, comme vous savez, particulièrement en deçà de ce qu'il devrait être pour assurer une vie décente à leurs bénéficiaires. Sur ce point encore, vous ne faites rien !


page précédente page 08204page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. Pascal Terrasse.

Ça, c'est la BAPSA, c'est un autre débat !

M. Thierry Mariani.

Voilà, madame la ministre, dans le cadre de cette discussion générale, ce que je souhaitais vous dire sur la branche vieillesse de votre projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Celui-ci se caractérise par une double tromperie.

Tromperie sur le financement de votre fonds, qui n'est q u'un financement virtuel sans aucune application concrète. Tromperie sur vos intentions : vous nous dites depuis trois ans maintenant que vous allez prendre des mesures, mais vous ne faites rien de tangible et de significatif.

Ce gouvernement ne gouverne que par le verbe. Oh, certes, cela peut marcher un certain temps, vous pourrez abuser nos concitoyens pendant quelques années, mais je pense que, à l'heure des comptes, ceux-ci ouvriront les yeux.

Toutes vos réformes, tous vos prétendus grands projets sont bâtis sur des fondations de papier.

Le PACS : aucun financement n'est prévu pour les abattements fiscaux.

M. Jean-Pierre Blazy.

Il y a longtemps que vous n'en aviez pas parlé !

M. Thierry Mariani.

La CMU : on s'aperçoit maintenant qu'il s'agit d'un gouffre financier qu'il sera quasiment impossible d'assumer à terme.

Les emplois-jeunes : il y a une incertitude quant à leur pérennité à compter de 2002.

Les 35 heures : il va manquer des milliards, et les partenaires sociaux refusent fort légitimement votre tentative de hold-up.

Madame la ministre, mes chers collègues de la majorité, ce ne sont plus des bombes à retardements mais de véritables catatrophes financières en chaîne que vous semez actuellement. Même les symboles ont un coût ! Les vôtres coûteront cher aux classes moyennes et aux retraités. Le problème, c'est que vous les aurez déjà tellement fiscalement matraqué qu'il ne leur restera plus rien ! Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles le groupe du RPR s'opposera de toutes ses forces à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 en ce qui concerne sa branche vieillesse. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, le moment fort de la politique familiale de 1999 fut la mise en oeuvre effective du rétablissement du versement des allocations familiales sans condition de ressources, ce qui était demandé avec force par les associations familiales au cours des années précédentes. Par ailleurs, la réforme du quotient familial pour l'impôt sur le revenu est rentrée dans les faits. Enfin, l'élargissement des conditions d'ouverture des droits à certaines prestations fut le dernier élément essentiel de la politique familiale.

Ces trois propositions ont permis le retour d'une certaine équité quant aux droits de l'enfant. Toutefois, ces droits nouveaux doivent faire l'objet d'une information particulière, car il apparaît que leur méconnaissance entrave l'obtention des prestations par les familles. Par exemple, en Seine-Saint-Denis, seules quelques centaines de familles d'un enfant ont perçu l'ARS.

Un autre moment fort fut la conférence de la famille, le 7 juillet, où, après consultation des associations, de nombreuses orientations de travail furent annoncées par le Premier ministre. Naturellement, nous serons vigilants quant à leurs conclusions et à leurs concrétisations parlementaires.

Aujourd'hui, le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et de sa branche famille s'engage.

Les dépenses prévisionnelles atteignent 265 milliards de francs. Ce simple chiffre démontre le poids très important de la CNAF dans la politique familiale, sans aucune comparaison possible avec les moyens propres du Gouvernement et de son outil : le budget de l'Etat. Les mesures prises en ce qui concerne l'allocation de parent isolé et le fonds d'action sociale vont dans le bon sens et permettront de corriger la situation.

Toutefois, on ne peut omettre que de nombreux enfants et familles soient écartés du droit aux allocations familiales. Les familles d'un seul enfant n'ont pas droit à cette prestation. L'universalité est donc rompue. Le versement des allocations dès le premier enfant, et tant qu'un enfant est à charge, est une revendication légitime. Sa mise en place serait un pas essentiel pour le respect des droits de l'enfant. C'est pourquoi le groupe communiste a déposé, une fois encore, un amendement sur l'universalité, qui a été rejeté au nom de l'article 40. Or son financement n'est pas insurmontable. Son coût, près de 14 milliards de francs, est à mettre en parallèle avec les nombreux transferts de charges non compensés et aux charges indues décidée par l'Etat.

Une autre question primordiale de la politique familiale est celle de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.

La forte activité dans le monde du travail des femmes, l'évolution de la famille, notamment l'augmentation des familles monoparentales, sont des caractéristiques de la société française. Il est donc indispensable, dans le cadre de ces transformations, de mettre en oeuvre une véritable politique de l'accueil du petit enfant au-delà des structures et des moyens actuels. Sous de très nombreux gouvernements, des déclarations d'intention ont été faites, parfois en citant le nombre de places en crèche à créer, des dispositifs ont été élaborés contrat enfance, contrat crèche -, mais ils sont de fait insuffisants. Aujourd'hui, il faut passer un cap. Le Gouvernement doit prendre à bras-le-corps cette question. Des orientations doivent être décidées, des objectifs fixés, des moyens débloqués.

Face à ce problème, l'allocation parentale d'éducation ne peut être considérée comme la solution. Elle pèse d'un poids très important dans les dépenses de la CNAF, mais elle est souvent un pis-aller pour les familles qui n'ont pas d'autre choix. Et surtout, elle a pour conséquence d'écarter du monde du travail un très grand nombre de femmes et les empêche souvent de retrouver un emploi.

Enfin, les articles du projet de loi concernant la famille sont très contrastés. En effet, on ne peut partager la philosophie de l'article 7, qui se traduira en l'an 2000 par une baisse du pouvoir d'achat des prestations familiales de 0,4 %. Intégrer un dispositif permettant une baisse ne peut être admissible, d'autant plus que toutes et tous


page précédente page 08205page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

r econnaissent la nécessité d'augmenter leur pouvoir d'achat, notamment en indexant les prestations sur le taux d'évolution des salaires moyens.

D'autre part, pour la deuxième année consécutive, il y a une modification favorable avec le recueil de l'âge d'ouverture des droits jusqu'à vingt et un ans pour les aides au logement et le complément familial. Mais elle est en retrait par rapport à l'année passée, où l'ensemble des prestations étaient concernées. Cette question démontre avec plus de force la nécessité de résoudre les problèmes qui se posent concernant l'autonomie économique des jeunes adultes.

Enfin, le troisième article concerne la garantie de ressources de la CNAF, liées à l'évolution du PIB. Cette méthode permet une meilleure planification pour cette caisse, sans toutefois être suffisante pour répondre à l'ensemble de ses missions, qui ont beaucoup évolué, et de ses objectifs.

D'un point de vue général, il est nécessaire d'engager une remise à plat et une simplification des prestations.

Les caisses, leurs personnels, les services sociaux, ainsi que les assurés sont aujourd'hui face à vingt-cinq prestations, qui nécessitent 15 000 règles différentes et près de 170 imprimés. De surcroît, les modifications continuelles rendent difficiles l'application et l'ouverture des droits pour tous les bénéficiaires.

Autre problème très particulier : afin d'éviter les risques liés au bogue de l'an 2000, certaines caisses, dont celle de Seine-Saint-Denis, demandent la possibilité de verser aux allocataires l'ensemble des prestations prévues le 5 janvier 2000 avant le 30 décembre 1999. Madame la ministre, peut-on satisfaire cette demande ? T outes les questions abordées et développées démontrent l'utilité d'un grand débat sur la politique familiale. La Conférence de la famille de juillet 1999 a ouvert plusieurs chantiers qui rendent nécessaire la concrétisation de cette initiative. L'évolution de la famille dans la société d'aujourd'hui le rend indispensable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Madame la ministre, mes chers collègues, le PLFSS, y compris les fonds associés, va-t-il se traduire par une modération des dépenses, une baisse des prélèvements obligatoires, et une amélioration du solde des administrations de sécurité sociale ? La réponse à ces trois questions est claire, mais ne va pas dans le bon sens. Tout d'abord, je voudrais vous montrer que le PLFSS 2000 contribue à la hausse continue des prélèvements obligatoires.

D'après le rapport économique et financier, on constate une hausse continue des prélèvements obligatoires finançant les administrations de sécurité sociale de 0,9 % entre 1997 et 2000. A partir du taux de 20,4 % en 1997, on passe à 20,6 % en 1998, puis à 20,9 % en 1999, pour atteindre 21,3 % en 2000 : la hausse de la pression des prélèvements sociaux est donc bien de 0,9 %, soit de 83 milliards.

Cette évolution est d'ailleurs quelque peu sous-évaluée, car les 7 milliards de la taxe sur les heures supplémentaires ne sont pas, semble-t-il, intégrés dans vos prévisions de prélèvements obligatoires. On sera donc plutôt à 0,5 % de hausse en 2000 des prélèvements sociaux. De plus, le PLFSS ne prend pas en compte deux décisions : celle relative au financement de la CNRACL, qui représenterait de l'ordre de 2 milliards en 2000, puis encore 2 milliards supplémentaires en 2001 ; et celle, toute récente, qui est la poursuite de la revalorisation des retraites agricoles de 1,2 milliard en l'an 2000, dont le financement est prévu par un prélèvement supplémentaire sur les excédents de la C 3 S, ce qui réduira par voie de conséquence le solde du FSV.

Fait plus grave, la tendance va se poursuivre dans les quatre années qui viennent, car entre 2000 et 2004, il faudra trouver encore de 41 à 46 milliards supplém entaires, d'après vos prévisions, pour financer les 35 heures, soit encore 0,5 % de PIB supplémentaire. Et la non-réforme des retraites va coûter de l'ordre de 13 milliards chaque année, si l'on en croit le rapport Charpin, soit une cinquantaine de milliards en quatre ans.

Ces deux factures vont donc représenter environ un point supplémentaire sur la période 2000-2004, soit à peu près, d'ailleurs, la même hausse qu'entre 1997 et 2000.

D'autre part, heureusement que l'on a changé le système de comptabilité nationale, qui permet de limiter la hausse apparente.

M. Georges Tron.

Bien sûr !

M. Charles de Courson.

En effet, dans le nouveau système, dit SEC 95, les cotisations sociales sont plus faibles que dans l'ancien système, car elles sont désormais évaluées nettes des allégements de charges. Ainsi en 2000, le taux de prélèvements obligatoires sera allégé - dans la comptabilité, mais pas dans la réalité ! - de 24 à 25 milliards, soit 0,28 % de PIB. Et en l'an 2004, c'est-à-dire à l'issue de la réforme des 35 heures, la moindre hausse sera de 0,8 %, soit de 65 milliards. Mais il faut rappeler que, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, prélever des impôts sur les entreprises et sur les ménages pour financer des allégements de charges contribue à la h ausse des prélèvements obligatoires. Car ceux sur lesquels on prélève ne sont pas les mêmes que ceux qui bénéficient des allégements de charges ! Si l'on suivait ce raisonnement, mes chers collègues, on pourrait aussi prétendre qu'il n'y aurait pratiquement pas de prélèvementso bligatoires en France ! On pourrait, par exemple, déduire les bourses de l'impôt sur le revenu, et toutes les aides aux entreprises du montant de l'impôt sur les sociétés, pour prouver qu'en fait il n'y a pas de hausse ! Deuxième point que je voudrais développer : le PLFSS ne contribuera pas à modérer les dépenses sociales.

En 1999, le rapport économique et financier fait état d'un important dérapage des dépenses sociales, puisque les prestations sociales, toutes catégories confondues, vont augmenter plus vite en volume que le PIB : 2,7 % contre 2 ,3 %. Il en est de même de l'augmentation de l'ONDAM : 2,6 % contre 2,3 %. Or vos prévisions en volume, madame la ministre, dans le PLFSS de cette année, étaient de 1,3 % pour les prestations et de 1,4 % pour l'ONDAM. La dérive est donc de 1,4 % pour les prestations et de 1,2 % pour l'ONDAM.

En 2000, vous prévoyez 3,1 % de croissance en valeur pour les prestations et de 2,5 % pour l'ONDAM. En fait, l'ONDAM 2000 est en croissance de 4,5 % par rapport à celui de 1999 : 658,3 milliards en 2000 contre 629,8 milliards en 1999. Là encore, la croissance est plus rapide que celle du PIB en valeur, évaluée à 4 % pour l'année 2000.

Quant aux prestations, la hausse atteint 3,1 %, malgré une revalorisation extrêmement faible des retraites, de 0,5 %.


page précédente page 08206page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

En fait, si l'on retire l'effet négatif sur 2000 de la surévaluation de l'indice de revalorisation de 1999, ramené de 0,7 % à 0,4 %, on voit que l'on s'approche de la croissance en valeur du PIB et qu'une inflation plus faible que prévu, comme en 1999 et en 1998, entraînera une hausse mécanique du poids des dépenses sociales dans la richesse nationale.

Enfin, le déficit des finances publiques va se réduire moins vite que prévu. Le besoin de financement des administrations publiques, toutes catégories confondues, devait se réduire de 2,2 % en 1999 à 1,8 % en l'an 2000.

Cette amélioration de 0,4 %, qui est très faible - 37 milliards -, s'explique pour 0,15 %, c'est-à-dire pour 19 milliards, soit près de 40 %, par l'accroissement de l'excédent du financement de la sécurité sociale, qui passerait de 0,10 % en 1999 à 0,25 % en l'an 2000.

Or, le seul bouclage du financement des 35 heures va réduire de 5,6 milliards le solde du FSV, évalué à 8,5 milliards en 2000, dont 4,2 milliards étaient d'ailleurs dus au versement d'une partie de la C3S. A ces 5,6 milliards, on doit ajouter 1 milliard pour financer la revalorisation des retraites agricoles, qui n'est pas non plus budgétée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Plus généralement, le dérapage des dépenses risque de réduire encore l'excédent prévu.

En conclusion, ce PLFSS comporte les trois vices de la politique sociale du Gouvernement : les dépenses s'accroissent, et durablement, plus vite que la richesse nationale ; les prélèvements sociaux aggravent la pression des prélèvements obligatoires à hauteur de près de 0,3 % de PIB chaque année ; l'excédent du besoin de financement ne progressera pas comme le prévoit le Gouvernement.

Dans ces conditions, on ne peut que repousser un tel projet de loi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. André Aschieri.

M. André Aschieri.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, la réforme de la sécurité sociale engagée il y a deux ans va dans le bon sens, mais la volonté qui a été manifestée à ce moment-là n'était qu'une étape. Il faut donc la poursuivre. Il est important de réaffirmer ici un certain nombre de principes qui, me semble-t-il, ont été un peu oubliés.

Il faut replacer le malade au coeur de la protection sociale. Pour cela, il faut réorganiser un système de santé qui réponde à la demande de soins des malades mais aussi aux besoins de santé de la population. Un système qui ne serait pas sûr au plan médical ne sera pas véritablement compétitif. Il doit être économe des deniers publics, et surtout accessible à tous.

La loi de financement de la sécurité sociale doit être construite à partir des besoins de la population et non uniquement en fonction de considérations budgétaires. Je m'interroge par exemple sur les restrictions de crédits qui touchent les observatoires régionaux de santé. Ces ORS sont des dispositifs de santé publique très bien insérés au niveau de chacune des régions, et jouent un rôle important que l'on ne saurait ignorer.

Contre le pouvoir des industries pharmaceutiques, qui poussent souvent à la surprescription des médicaments et à l'accroissement des coûts de la santé, nous devons humaniser les soins, développer la prévention et surtout sortir de la logique marchande qui prévaut actuellement.

Ne faut-il pas instaurer en matière de santé une démarche démocratique permanente, plutôt que de se contenter des états généraux de la santé, qui ont certes été, il faut le reconnaître, une réussite ? Cette démarche permettrait de rester à l'écoute des malades, et de ne pas rester prisonniers de décisions technocratiques ou arbitraires.

Nous devons développer l'information de l'usager, lui redonner la parole, organiser le système de soins, décloisonner le sanitaire et le social, pour permettre la prise en charge pluridisciplinaire et personnalisée.

Placer le malade au coeur du système de santé, c'est être proche de lui. C'est ce que vous avez fait, madame la ministre, en octobre 1998 en participant à la manifestation des victimes de l'amiante. C'est ce que vous avez fait en les écoutant, en vous engageant à les aider et en respectant votre engagement. Les mesures prises l'an dernier étaient indispensables, mais il faut les compléter.

Je tiens à souligner ici les difficultés que rencontrent les victimes de maladies professionnelles et d'accidents du travail. Ces personnes, touchées dans leur chair, doivent se battre pendant des mois, voire des années pour obtenir l'indemnité qu'elles méritent.

Savez-vous par exemple qu'en 1996, année pour laquelle nous disposons des derniers chiffres publiés, sur 8 000 cancers d'origine professionnelle, seuls 308, dont seulement la moitié liés à l'amiante, ont été indemnisés ? Or l'amiante tue aujourd'hui 2 000 personnes par an, et entraînera en 2015 la mort de 5 000 personnes.

A l'occasion d'une mission parlementaire, j'ai rencontré des dizaines de victimes de l'amiante, qui m'ont fait part de leur souffrance, de leur désespoir et de leur colère.

Nous sommes responsables.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai.

M. André Aschieri.

Avec mes collègues du groupe Radical, Citoyen et Vert, nous avons pu modifier par amendement l'indemnisation pour les accidents du travail successifs. Cette situation était particulièrement injuste et durait depuis de nombreuses années. Mais il faut bien dire que la modification obtenue est bien dérisoire au regard de ce que nous devrions faire aujourd'hui.

Je tiens à dénoncer, mais je crois que tout le monde l'a fait, le refus qui nous est systématiquement opposé en commission au nom de l'article 40. Je sais bien que ce refus est conforme à la Constitution. Mais, mesdames les ministres, lorsque la cause est juste, il est toujours possible de trouver des moyens. D'ailleurs, vous avez vousmêmes fait adopter un certain nombre de mesures utiles et onéreuses. Nous opposer toujours l'article 40 ne me paraît pas être la solution. Et cela annule évidemment une grosse partie du travail effectué par les députés.

Mme Jacqueline Fraysse et M. Maxime Gremetz.

C'est vrai !

M. André Aschieri.

Que répondrons-nous demain aux victimes qui feront d'autres manifestations, lorsqu'ils demanderont une juste indemnisation ? Qu'on ne peut rien faire à cause de l'article 40 ? Il faudra trouver d'autres solutions.

La législation concernant les accidents et maladies du travail date de plus d'un siècle. Elle est maintenant tout à fait inadaptée. Le législateur a essayé de répondre, année après année, aux nouvelles situations qui se présentaient par une accumulation de textes de loi. C'est de façon globale qu'il faut aujourd'hui repenser la santé au travail.

L'occasion nous en sera peut-être donnée au printemps prochain, lorsque nous travaillerons à nouveau sur la santé.


page précédente page 08207page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Les députés Verts insistent sur la nécessité d'une véritable loi d'indemnisation assurant la réparation intégrale et rapide des préjudices subis par toutes les victimes de l'amiante, quelles que soient les circonstances de leur exposition : fabrication, transformation, transport ou utilisation. Vous savez aussi que, dans le bâtiment, certains métiers qui n'avaient rien à voir avec l'amiante - je pense aux plombiers et aux électriciens qui travaillent dans les faux plafonds - ont aujourd'hui des cancers liés à l'amiante. J'ai même connu un coiffeur qui a été atteint du mésothélium. Après de nombreuses recherches dans les faux plafonds, on s'est aperçu que c'était tout simplement le sèche-cheveux qui en était la cause. Voilà encore une maladie professionnelle qui a été oubliée. Il est vrai qu'il était difficile d'y penser.

Il est donc juste que l'Etat, qui est responsable, assure une réparation au mieux des intérêts des victimes. Le problème de l'amiante doit nous amener à nous interroger sur la façon d'évaluer et de gérer tous les risques sanitaires professionnels.

L'an dernier, un grand progrès a été accompli avec la mise en place de deux agences sanitaires et d'un Institut de veille sanitaire. Mais pour que le système sanitaire soit efficace, il faut lui donner tous les moyens de fonctionner. Je regrette, par exemple, que l'Institut de veille sanitaire, et plus particulièrement l'unité santé-travail qui vient d'être créée il y a quelques mois, ne puisse pas développer toutes ses activités faute de moyens.

La loi du 1er juillet 1998 mettait en place des organismes indépendants. Vous l'avez voulu et je crois que c'était une bonne solution. Mais s'il ne leur est pas possible d'exercer pleinement leur rôle, de détecter tous les risques, de surveiller l'état de santé de toute la population, nous subirons à l'infini des crises sanitaires. C'est pourquoi, madame la ministre, j'insiste une nouvelle fois sur la nécessité de compléter rapidement le dispositif qui a été mis en place par une troisième agence - santé et environnement - qui permettra d'éviter tous les problèmes futurs liés aux perturbations de l'environnement.

Sa création a d'ailleurs été annoncée par le Premier ministre le 30 juin dernier lors des états généraux de la santé.

D'une situation où les pathologies constituaient des atteintes majeures et explosives, nous sommes aujourd'hui passés à des formes plus insidieuses de maladie. C'est l'effet d'apparitions tardives de maladies professionnelles.

C'est l'effet des faibles doses de produits chimiques dont on ne connaît pas la mortalité à long terme. C'est l'effet de temps d'exposition très longs - on ne connaît pas le temps d'exposition qui peut conduire à un cancer. C'est l'effet, plus grave encore, de synergies entre plusieurs produits. Tous ces problèmes nouveaux qui apparaissent dans le monde moderne doivent nous inviter à beaucoup plus d'attention pour pouvoir remédier aux massacres causés par ces produits dans le monde de l'industrie, dans le monde agricole, dans toutes les zones, en fait, où ceux qui travaillent sont soumis à une exposition constante.

Sont insidieux aussi les dégâts causés par des maladies qui ne sont pas toujours identifiables. Je pense, par exemple, au vieillissement prématuré dû à l'exposition aux vapeurs de solvants. Les crises sanitaires que nous pressentons aujourd'hui ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Bientôt, les métaux lourds, les produits toxiques, dont nous ne connaissons pas les effets à long terme, auront des conséquences dramatiques sur la santé de l'homme. Il faut éviter de se retrouver dans la même situation que celle de l'amiante en considérant des produits comme irremplaçables parce qu'ils ont des propriétés particulières et en laissant les industriels les commercialiser largement. Nous risquons, en en permettant l'utilisation, de compromettre notre santé. Le contrôle de ces produits devient alors difficilement maîtrisable. Il est fondamental de développer les études épidémiologiques pour assurer une veille permanente quant à leurs conséquences sur la santé et une veille environnementale qui permette une détection bien avant la maladie, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Je me souviens, madame la ministre, avoir interrogé le Gouvernement sur la question des éthers de glycol. Je n'ai pas encore obtenu de réponse satisfaisante. Nous allons pourtant assister, là encore, à l'émergence d'une nouvelle maladie.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les mesures ont été prises.

M. André Aschieri.

Devrons-nous à chaque fois attendre qu'éclate une nouvelle crise de santé publique avant de prendre les mesures qui s'imposent ? C'est pourquoi il est nécessaire de mettre en place un véritable système de protection, fondé sur le principe de précaution. Cette approche est essentielle à nos yeux. Elle nous évitera, à l'avenir, d'avoir à soigner, et d'accroître peut-être ainsi le déficit de la sécurité sociale. Nous avons fait une erreur fondamentale par le passé en refusant d'appréhender la santé dans son ensemble, en privilégiant la médecine curative par rapport à la médecine préventive. Aujourd'hui, il faut changer de démarche et voir que les deux sont complémentaires.

Quant aux centres de santé, nous apprécions, madame la ministre, l'effort qui a été fait pour reconnaître leur rôle et leur mission au service de la population. Nous nous félicitons particulièrement d'avoir pu faire adopter en commission quelques amendements que nous avions déposés pour redéfinir leur rôle social, éducatif, préven tif, ainsi que pour le maintien du tiers payant. Toutefois, une inquiétude majeure demeure : leur financement. Vous n'ignorez pas que des centres ont des difficultés et que certains ont même fermé. Il nous faut les aider parce qu'ils jouent un rôle majeur.

Enfin, il est urgent de bâtir un dispositif complet pour répondre aux besoins multiples découlant de la perte d'autonomie des personnes âgées. Celles-ci ressentent cette perte de façon dramatique, même si elles restent entourées par leur famille. Concrètement, la prise en charge doit être réorganisée en simplifiant les procédures et en prenant en compte l'apport des familles afin de développer le maintien à domicile qui est pour les personnes âgées un facteur d'équilibre. Il est nécessaire d'adapter les institutions d'accueil aux exigences de qualité et de dignité que méritent ces personnes à la fin de leur vie.

Vous venez de recevoir le rapport de Mme GuinchardKunstler, qui énonce un certain nombre de mesures.

J'espère que vous nous proposerez rapidement les réformes en profondeur que nous attendons dans ce domaine.

Madame la ministre, madame la secrétaire d'Etat, les députés Verts attendent des réponses positives sur l'évolution de la santé au travail, sur l'indemnisation des victimes et sur une politique de prévention sanitaire efficace.

Ils souhaitent que le débat puisse enrichir le projet de loi de nos propositions.

Mme Hélène Mignon.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Georges Tron.


page précédente page 08208page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. Georges Tron.

Monsieur le président, mesdames les ministres, certains l'ont dit avant moi et d'autres le répéteront après, rarement l'Assemblée aura travaillé sur un texte aussi confus que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Dans un premier temps, on aurait même pu se demander si cette confusion n'était pas en quelque sorte organisée. En effet, le projet de loi de finances pour 2000, dont le volet « recettes » a été voté hier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi sur les 35 heures ont été rédigés de telle façon qu'aucun d'entre eux ne contient à lui seul toutes les informations que nous serions en droit d'y trouver, chacun renvoyant aux deux autres.

Une évidence s'impose pourtant : un examen rapide du projet de loi de financement de la sécurité sociale permet de comprendre que ce texte, sans doute jugé à tort moins exposé que le budget lui-même, est en quelque sorte le réceptacle de tous les mauvais coups portés par le Gouvernement à notre économie, 35 heures obligent.

S'agit-il de la maîtrise de la dépense publique ? Le Gouvernement annonce sagement une augmentation de celle-ci calée sur le chiffre de l'inflation dans le projet de loi de finances initial, mais il renvoie à un fonds spécifique hors budget inclus dans le PLFSS le financement de l'allégement des charges prévu dans le cadre des 35 heures.

En réalité, en tenant compte d'autres opérations de même nature - je pense au fonds de financement de la CMU -, auxquelles s'ajoutent des sous-estimations manifestes de crédits telles que celles qui concernent le RMI et l es allocations sociales, par exemple, les dépenses publiques augmenteront de 3 %, ce qui est considérable et nettement plus que ce qu'il faudrait.

S'agit-il de la baisse des impôts, qui n'ont jamais été aussi lourds en France que cette année ? On a quelque malice à regarder M. Strauss-Kahn nous expliquer avec des circonvolutions compliquées de quelle façon le mode de calcul des prélèvements obligatoires, qu'il nous reprochait entre autres choses il y a deux ans, le dessert aujourd'hui.

Ce ne sont pas les ménages qui s'y retrouveront puisque nous savons depuis deux jours que près de 80 % de l'allégement des charges sur les bas salaires vont être financés par l'impôt sur les tabacs et les alcools, qui repose pour une très grande part sur les ménages. C'est d'ailleurs - ironie du sort - l'un des arguments que vousmême, madame la ministre, aviez mis en avant il y a deux ans pour fustiger la politique de baisse des charges.

Là encore, c'est le PLFSS qui apporte la bonne nouvelle à l'égard des ménages, comme au demeurant il l'apportera aux entreprises qui, au titre de la nouvelle contribution sociale sur les bénéfices, de l'écotaxe et de la nouvelle taxation sur les heures supplémentaires, seront ponctionnées de plus de 15 milliards de francs.

Il n'est même plus original, mes chers collègues, de souligner de nouveau que la taxation toujours plus lourde des entreprises va dans la direction exactement inverse de celle empruntée par tous nos concurrents et qu'elle se traduira inéluctablement, à un moment ou à un autre, en termes de chômage.

Ainsi, si l'on comprend bien en quoi la réduction du temps de travail telle que vous l'avez présentée, madame la ministre, ne pouvait conduire qu'à accentuer les faiblesses de notre économie, on demeure étonné par la méthode que vous avez utilisée pour élaborer le projet de loi que nous étudions aujourd'hui.

S'agit-il du dialogue social ? Tout le monde - je dis bien : tout le monde - savait que le financement du fonds de réforme des cotisations patronales de l'article 2 servirait in fine au financement de la réduction du temps de travail. Mais tous les partenaires sociaux, y compris parmi les défenseurs des 35 heures, affirmaient leur refus des prélèvements sur les caisses de sécurité sociale pour financer le projet, dont le Conseil d'Etat lui-même avait évoqué l'inconstitutionnalité. Mais vous ne les avez pas entendus. Pour cette raison, depuis deux jours, dans des conditions que M. Mariani a très justement évoquées au début de son propos, nous sommes conduits à étudier un financement du fonds bien différent de celui qui nous avait été initialement présenté.

S'agit-il de la lisibilité des mesures de financement ? Les 7 à 8 milliards de francs que devait verser l'UNEDIC proviendront de la taxation des heures supplémentaires dans les entreprises restant à 39 heures. Il s'agit de la mise en place d'un système de contrôle sur la vie des entreprises désormais d'autant plus rigoureux que le financement d'un projet aussi lourd que celui des 35 heures en dépendra. Nos partenaires préparent leurs entreprises à affronter la compétitivité, mais nous avons un gouvernement qui obligera nos entreprises à affronter les contraintes administratives. A chacun sa façon de préparer la concurrence, mais je ne suis pas certain que, avec cette matière de procéder, nous soyons gagnants.

Par ailleurs, les 5 à 6 milliards que devait verser la sécurité sociale vont provenir d'une fraction des droits sur les alcools actuellement versés au fonds de solidaritévieillesse, dont les excédents devaient alimenter le fonds de réserve des retraites, ce fameux fonds dont M. de Courson parlait tout à l'heure.

C'est donc la sécurité sociale elle-même qui, dorénavant, devrait alimenter ce fonds. Cependant, lorsque l'on constate l'absence évidente de maîtrise des dépenses de santé que seule la bonne conjoncture actuelle permet de masquer, on trouve matière à s'inquiéter de l'abondement du fonds sur les retraites au moindre retournement de notre économie.

Quant à la taxe générale sur les activités polluantes, son élargissement servira à financer des baisses de charges plutôt que des mesures pour protéger l'environnement, au nom de la fameuse théorie, chère à quelques-uns des responsables écologistes, du « double dividende ».

Cette remise en cause du principe « pollueur-payeur » ne contribuera sans doute pas à convaincre les entreprises que le Gouvernement érige la protection de l'environnement en priorité puisqu'il n'y consacrera pas les sommes prélevées à ce titre, contrairement à ce qui est souhaitable.

Vous vous souvenez tous des protestations qui avaient, l'année dernière, accueilli la façon dont la taxe sur l'eau était budgétée et sortie de son affectation initiale. Cela aurait dû servir de leçon !

Quoi qu'il en soit, grâce à une réforme du mode de calcul des exonérations de charges, la nouvelle affectation de la TGAP pourrait laisser penser qu'elle n'augmentera pas les prélèvements obligatoires l'année prochaine. Mais ce n'est, et M. de Courson en a parlé, qu'un artifice comptable dont on voit bien comment il peut servir le Gouvernement. Cependant, il ne masque en rien la réalité de l'augmentation de nos prélèvements obligatoires.

Madame la ministre, à défaut d'autre chose, on attendait de votre projet de loi qu'il manifeste de la part du Gouvernement une volonté de renforcer la famille, de


page précédente page 08209page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

maîtriser enfin les dépenses de santé ou d'engager la vraie réforme des retraites, que les rapports, les uns après les autres, jugent inéluctable. Or il n'en est rien.

Plusieurs de mes collègues ont parlé plus particulièrement de la maladie et de la retraite. Quant à moi, je dirai quelques mots de la famille.

Pour ce qui concerne la famille, votre projet de loi abroge l'article 22 de la loi du 4 juillet 1994, qui prévoyait à compter du 1er janvier 2000 la prolongation des prestations familiales jusqu'aux vingt-deux ans de l'enfant.

Sans doute la majorité votre majorité va-t-elle présenter comme une grande avancée le prolongement jusqu'à vingt et un ans et non plus jusqu'à vingt-deux ans de l'allocation de logement familial, de l'aide personnalisée au logement et du complément familial, soit de trois allocations sur vingt-quatre.

La loi votée en 1994 prévoyait l'augmentation de vingt-quatre allocations sur vingt-quatre avant le 1er janvier 2000. Finalement, il ne s'agira que de trois sur vingtquatre, et non pas jusqu'aux vingt-deux ans de l'enfant mais jusqu'à ses vingt et un ans. C'est, je crois, quelque chose que les Français condamneront rapidement, d'autant plus qu'interrogés par le CREDOC ils ont répondu que l'Etat devrait consentir un effort plus particulier en faveur des familles, et notamment pour ce que l'on appelle « les grands jeunes ».

Au 1er janvier 2000, sur 580 000 familles qui attendaient le versement des prestations familiales jusqu'à vingt-deux ans, les deux tiers n'auront rien et un tiers de ces familles n'auront pas la moitié de ce qu'elles comptaient percevoir.

Le coût de l'extension jusqu'aux vingt-deux ans de l'enfant est de 7 milliards de francs. Votre projet de loi ne consacre aux « jeunes », dont je répète qu'ils sont, de l'avis même des Français consultés à ce sujet, une des priorités de la politique familiale,...

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Vous, vous ne leur avez rien consacré du tout !

Mme Odette Grzegrzulka.

Mauvaise foi !

M. Georges Tron.

... que 1,3 milliard ! Si la loi de 1994 avait été respectée, ce ne sont pas trois allocations sur vingt-quatre, mais vingt-quatre qui auraient été augmentées !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Vous ne l'avez pas respectée vous-mêmes ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Les mesures n'étaient pas financées !

M. Georges Tron.

Je répète qu'il s'agit là de l'une des demandes récurrentes des Français consultés sur le sujet par le CREDOC.

Le projet de loi prévoit par ailleurs d'indexer les ressources de la branche famille sur le PIB. Là encore - pardon de le dire -, l'intention était sans doute très louable, mais elle n'a pas été respectée dans les faits...

M. Thierry Mariani.

C'est vrai !

M. Georges Tron.

... dans la mesure où la précédente garantie de ressources inscrite à l'article 34 de la loi du 25 juillet 1994 n'a pas été respectée non plus. La perte de recettes pour la CNAF est évaluée à 1,2 milliard de francs.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

En 1995 comme en 1996, vous n'avez rien fait !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Quelle mauvaise foi !

M. Georges Tron.

Sur ce sujet comme sur le précédent, au risque de vous déplaire, mesdames - mais j'en accepte volontiers l'augure -, je persiste à penser que la loi de 1994 appliquée aurait été une excellente formule.

Mme Odette Grzegrzulka.

Propagande ! Désinformation !

M. Georges Tron.

Quant à la prise en charge par la branche famille de la majoration de l'ARS, soit plus de 6 milliards de francs, votre projet de loi ne prévoit pas de recettes supplémentaires pour la CNAF, si ce n'est qu'il prévoit de la décharger du FASTF à hauteur de 1 milliard.

Tout cela va donc se faire au détriment de la politique familiale.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Pas du tout ! Il faut lire les rapports !

M. Georges Tron.

En ce qui concerne la branche maladie, mes collègues s'exprimeront plus longuement que moi. Je relèverai cependant que le mode de calcul de progression de l'ONDAM, non à partir de l'objectif précédent, mais sur la base des dépenses réelles, fausse évidemment les approches sur l'évolution des dépenses et atteste que la situation vous échappe.

Sans doute, madame la ministre, avez-vous raison quand vous affirmez, comme vous l'avez fait en commission des finances l'autre jour, qu' « afficher des objectifs dont on sait pertinemment qu'ils ne seront pas tenus n'a aucun sens ». Mais c'est aussi, il faut le prendre comme cela, un aveu d'échec.

Pour ce qui concerne la branche vieillesse, dont M. Mariani a abondamment parlé tout à l'heure, et à juste titre, je me contenterai de dire, faute de temps, que le projet de loi n'apporte pas le moindre commencement de solution.

Aussi, madame la ministre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale apparaît-il aujourd'hui comme un texte de circonstance, dont on comprend très bien à quels objectifs politiques il correspond mais dont on déplore qu'il engage notre pays à contre-courant de ses partenaires sur le plan économique et dans le sens inverse d'une stabilisation et, a fortiori, d'un redressement de nos comptes sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne répondrai pas aux dernières accusations car je pense que Mme la ministre le fera mieux que je ne pourrais le faire.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Elle n'est pas là !

M. Yves Durand.

Quel manque de galanterie !

Mme Hélène Mignon.

Mme Gillot est au banc du Gouvernement et je suis persuadée qu'elle est tout à fait apte à répondre aux questions que vous avez posées, certes de mauvaise foi, sur le budget de la famille.

M. Jean Bardet.

Voilà qui commence mal !

Mme Hélène Mignon.

Cela ne peut que très mal commencer après ce que je viens d'entendre !

M. le président.

Mes chers collègues, n'entamez pas de dialogue !


page précédente page 08210page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Mme Hélène Mignon.

Les évolutions économiques de ces dernières décennies, auxquelles se sont ajoutées des évolutions d'ordre démographique et technologique, ont conduit à des modifications dans le fonctionnement de notre société, et la famille n'y a pas échappé. Il nous faut en effet porter un regard lucide et non passéiste sur celle-ci. Rien ne sert de pleurer, de vouloir sacraliser le mariage, de se crisper sur une image stéréotypée. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Excusez-nous !

Mme Hélène Mignon.

Il y a aujourd'hui, en France, plus d'un million de familles monoparentales et la parenté homosexuelle existe. Les enquêtes des sociologues le montrent. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Mais ce qui doit nous interpeller plus particulièrement, c'est le cas de ces très jeunes adolescentes qui assument une grossesse non désirée. Quel drame pour la plupart d'entre elles ! Quels repères aura cet enfant dont la mère est à peine sortie de l'enfance et dont le père, souvent adolescent lui-même, fuit toute responsabilité ?

M. Georges Tron.

C'est du Zola !

Mme Hélène Mignon.

Lionel Jospin le déclarait lors de la dernière conférence de la famille, qui s'est tenue le 7 juillet dernier : « Etre parent est une vraie mission, difficile et délicate. » Mais face à cette mission, nous ne

sommes pas tous égaux : la structure familiale dans laquelle nous évoluons, ou son absence, le milieu socioprofessionnel dans lequel nous baignons, ou au contraire le chômage, l'isolement que nous connaissons jouent un rôle sur la personnalité des uns et des autres, donnent ou pas des armes pour supporter les difficultés, procurent ou pas des soutiens.

Nous devons simplement apporter, par solidarité, notre aide à tous ceux qui en ont besoin, avant de parler de démission des parents.

Sauf cas pathologique, on n'est pas mauvais parent, mais on ne sait pas faire, ou on ne peut pas et, quel que soit l'amour qu'on porte à ses enfants, en bas âge ou adolescents, cela ne suffit pas à aplanir les difficultés familiales et sociales.

C'est très tôt que nous devons, par solidarité d'abord et par nécessité ensuite, pour ne pas les voir s'enfoncer dans la très grave exclusion et, parfois, dans la délinquance, apporter notre soutien à ces familles, pour lesquelles la précarité de l'emploi, ou même l'absence de toute perspective professionnelle, les difficultés de logement, les conflits conjugaux, le poids trop lourd de ces handicaps pour les femmes seules, entraînent repli sur soi, perte de repères et inquiétude.

Nous n'oublierons pas les difficultés supplémentaires qui marquent la vie des familles d'origine étrangère.

Les aides financières, si elles sont la plupart du temps indispensables, ne sont pas suffisantes. Il s'agit de mettre en place autour des familles des partenaires qui sachent écouter, comprendre, conseiller. Les crédits pour leur création et leur fonctionnement sont inscrits dans le budget, et il faut qu'ils soient utilisés.

Près de quatre-vingts centres d'accueil existent déjà. Il importe d'élargir leur champ d'action et de faire en sorte que les trois partenaires que sont les services de l'Etat, la Caisse nationale d'allocations familiales et les associations familiales les fassent connaître, les rendent opérationnels, sans qu'il y ait de désir de tutelle des uns sur les autres.

Lors d'une récente émission télévisée, nous avons pu voir combien ces personnes en difficulté préfèrent s'adresser à des associations plutôt qu'à des travailleurs sociaux, dont elles ont quelque part un peu peur.

Ces lieux de rencontre et d'écoute sont peut-être déjà une réponse à la violence dans la famille, l'école et la rue.

Lieux de resocialisation de la famille, ils doivent permettre la réimmersion des parents et des enfants dans la vie sociale et constituer une passerelle vers tous ceux qui, à un moment ou à un autre, s'occupent des enfants.

Face aux difficultés rencontrées par ces familles, les propos qui stigmatisent l'abaissement du plafond du quotient familial paraissent bien dérisoires, d'autant plus que toutes les familles ayant un revenu mensuel net inférieur à 38 600 francs et celles de trois enfants dont le revenu mensuel est de 48 000 francs ont vu leurs ressources s'accroître après cette réforme.

M. Gilles Carrez et M. Georges Tron.

C'est faux ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est vrai !

Mme Hélène Mignon.

Il faut voir le public qui s'entasse dans les locaux des caisses d'allocations familiales pour comprendre à quel point nos compatriotes en difficulté attendent leurs prestations, ces prestations qui sont parfois amputées sans qu'ils y comprennent quoi que ce soit, du fait de la récupération d'indus.

La pérennisation de l'allocation de rentrée scolaire et son extension dès le premier enfant sont à rappeler, tout comme l'extension aux bénéfiaires du RMI des majorations pour âge des allocations familiales. Ces décisions ont été fortement appréciées. Elles sont rassurantes et justes, même si elles sont insuffisantes, en particulier pour les grands enfants, dont les dépenses scolaires sont importantes.

Aujourd'hui, dans notre pays, 80 % des femmes travaillent. A la fois facteur d'autonomie et d'intégration, le travail peut être aussi un facteur de déstabilisation quand arrive un enfant. La déstructuration de la vie familiale touche toujours les plus fragiles, les plus précaires. C'est le cas de toutes celles et tous ceux qui travaillent dans la grande distribution et dans le secteur des emplois de service les moins qualifiés. Nous espérons que la mise en place de la réduction du temps de travail comme le temps partiel choisi et non imposé leur permettront de mieux organiser leur vie personnelle et familiale.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'éducation sociale.

En effet !

Mme Hélène Mignon.

Cependant, les modes de garde des jeunes enfants doivent être plus nombreux, plus diversifiés, pour mieux répondre aux besoins, d'horaires et de zones géographiques. Je relève avec plaisir la ligne budgétaire qui leur est consacrée à travers le fonds d'action sociale de la CNAF, lequel sera augmenté pour l'année 2000 de 700 millions de francs. Encore faut-il qu'il soit utilisé.

Mme Jacquaint l'a rappelé tout à l'heure, il existe une foule de prestations sociales, et une foule d'imprimés à remplir. La présidente de la CNAF nous expliquait dernièrement que, pour former un salarié capable de répondre correctement aux demandes des allocataires, il fallait presque un an ! Madame la secrétaire d'Etat, il faut un toilettage, un dépoussiérage, une mise à plat complète du système.

A mon sens, une question reste d'actualité : l'âge d'entrée à l'école maternelle, qui est indiscutablement un lieu de socialisation. Mais pour certains enfants, deux ans


page précédente page 08211page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

et demi, n'est-ce pas trop précoce ? La demande des parents ne correspond-elle pas essentiellement à une préoccupation économique ? Nous n'avons pas non plus de réponse à apporter quand un enfant quitte la garderie ou la crèche, en cours d'année, à l'âge de trois ans ; dans ce cas, il ne peut pas intégrer immédiatement le milieu scolaire. Que font les parents entre le jour de ses trois ans et la rentrée scolaire suivante ? Il y a trente ans, la plupart des jeunes étaient mariés eto ccupaient un emploi stable avant vingt-cinq ans.

Aujourd'hui, entre la fin du lycée et l'entrée dans la vie adulte, la période intermédiaire est de plus en plus longue, et elle est vécue différemment suivant les catégories sociales. Nous le savons bien, à vingt ans, trois jeunes sur quatre habitent encore chez leurs parents ; l'âge médian du premier emploi est de vingt-trois ans. Il est donc satisfaisant que le Gouvernement, sensible aux problèmes rencontrés par les familles ayant en charge de jeunes adultes, ait prolongé le bénéfice des prestations familiales jusqu'à vingt ans dès le mois de janvier 1999.

En outre, afin d'éviter une suppression brutale de toutes les prestations dès qu'un jeune atteint son vingtième anniversaire, l'âge pris en compte pour les allocations logement et le complément familial est porté à vingt et un ans au 1er janvier 2000.

M. Thierry Mariani et M. Georges Tron.

Pas à vingtdeux ans !

Mme Hélène Mignon.

Toutefois, le prolongement indéfini des allocations familiales ne constitue pas une réponse satisfaisante, même si nous sommes tout à fait conscients des difficultés des familles.

Au-delà de l'aide financière, il faut conforter l'action sociale. Pour tous les jeunes, il faut repérer de façon précoce les troubles du comportement, prévenir l'apparition des fragilités, des carences affectives, susceptibles de conduire à des comportements asociaux ou violents, à des dépressions, à des suicides, ou encore à la toxicomanie et à l'alcoolisme, qui peuvent entraîner l'errance des adolescents.

Au-delà des prestations, le choix du Gouvernement, et je m'en félicite, est d'accompagner les jeunes vers l'autonomie, de les aider à s'insérer sur le marché du travail, de leur permettre d'accéder à un logement. Le programme

« nouveaux services, nouveaux emplois » et le programme T RACE sont des réponses efficaces : en 1999, 40 000 jeunes devraient être concernés par le programme TRACE, et, au total, plus de 200 000 ont réussi leur insertion dans le monde du travail grâce au programme

« nouveaux services, nouveaux emplois ». Globalement, en ce qui concerne TRACE, le public visé est bien atteint. Il se répartit de façon équilibrée entre hommes et femmes.

Néanmoins, on ne peut que souhaiter que les jeunes des zones rurales constituent l'une des cibles de ce programme. Surtout, il faut encourager l'entrée dans le dispositif des jeunes en très grande difficulté.

Pour l'autonomie des jeunes, faut-il aller plus loin ? Peut-on réfléchir au versement d'une allocation dans l'attente d'une formation ou d'un emploi ? Imaginer un prêt remboursable au moment de l'intégration professionnelle ? Intégrer dans l'indemnisation du chômage la formation et la poursuite d'un dispositif d'aide ? Autant de questions qui nous ont été posées, madame le secrétaire d'Etat.

Je tiens à souligner que l'action en faveur des familles ne se limite pas au volet « famille » de la loi de financement de la sécurité sociale. Dire que nous ne prenons pas en compte la place de la famille dans la société, c'est soit faire preuve de mauvaise foi, soit méconnaître ce qui se passe sur le terrain.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Ou les deux à la fois...

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est ça !

Mme Hélène Mignon.

Beaucoup des aides, qu'elles soient financières ou sociales, sont apportées grâce à d'autres ministères, par exemple le ministère de l'éducation nationale, et grâce au monde associatif - je pense en particulier aux mouvements d'éducation populaire. Les contrats de ville constituent aussi le moyen de privilégier les actions de socialisation et les compétences diverses pour l'accompagnement de la scolarisation, l'accès aux soins, aux activités culturelles ou sportives.

La loi contre les exclusions nous offre aussi la possibilité de développer toutes les actions entreprises. Et, à ce moment de la discussion, nous n'oublierons pas le rôle joué par toutes les collectivités territoriales.

Nous nous félicitons que la conférence sur la famille se tienne régulièrement et qu'une délégation interministérielle à la famille permette d'évaluer la cohérence des actions engagées et à venir. Votre rapport reste pour nous une référence.

M. Georges Tron.

Eh bien !

Mme Hélène Mignon.

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d'Etat, le groupe socialiste vous apportera tout son soutien au cours de la discussion et votera le budget qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Durand.

Voilà un discours de gauche !

M. Gilles Carrez.

Un discours cohérent avec la disparition de la famille !

M. Georges Tron.

C'est tragique ! Pas un mot sur la loi de 1994 !

M. le président.

Mes chers collègues, un peu de silence, s'il vous plaît ! La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'avenir de notre système de retraite et la préservation de ce droit pour tous sont des enjeux fondamentaux, puisqu'ils constituent des choix de civilisation et de société. Ces questions d'importance doivent faire l'objet d'un large débat pour rassurer les actuels retraités, mais également les générations à venir.

Pour répondre à ce défi, une question doit prévaloir : voulons-nous maintenir et consolider un système de retraite reposant sur la solidarité inter-générationnelle ou développer l'individualisme caractérisé par la capitalisation sous toutes ses formes, en particulier sous celle des fonds de pension ? Les parlementaires communistes font le choix de la première voie. En effet, nous sommes de ceux qui pensent que notre système par répartition est juste, fonctionne et atteint ses objectifs de solidarité et d'universalité. Cependant, au vu de l'évolution de la société, il convient de le consolider et de renforcer son financement. Aussi, comme le précise le rapport annexé au projet de loi de financement, nous entendons également assurer la pérennité des régimes par répartition, dans la concertation et dans le souci de l'équité entre les générations, sans remettre en cause les régimes spéciaux.


page précédente page 08212page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Pour faire face au vieillissement de la population et donc répondre au défi qui nous est lancé, le Gouvernement a chargé M. Charpin, commissaire général au Plan, de lui remettre un rapport afin de l'orienter vers les mesures à prendre. Les conclusions de ce rapport ont suscité une vive et légitime émotion dans notre pays. En effet, ses prévisions comme ses conclusions sont contestables.

En prévoyant un taux de chômage de 9 % pour les années à venir, il suppose que la mondialisation de l'économie, la précarité de l'emploi et surtout l'impossibilité de parvenir à la société de plein emploi sont inéluctables. Ce n'est pas recevable.

Comme nous adhérons à la volonté, exprimée par M. le Premier ministre, de réunir les conditions pour arriver à la société de plein emploi, nous ne pouvons pas être favorables à un allongement de la durée de cotisation, contrairement à M. Charpin et à vos amis du MEDEF, mesdames et messieurs les députés de droite, qui proposent respectivement de passer à quarante-deux ans et demi et à quarante-cinq ans. Retenir cette proposition constituerait un grave recul de civilisation, dont le gouvernement de gauche, à notre sens, ne peut être porteur.

De même que l'allongement de la durée de cotisation ne peut être une solution, le recours à la capitalisation et autres fonds de pension et la remise en cause des régimes spéciaux ne peuvent guider notre réflexion.

D'ailleurs, réside ici une contradiction certaine. Les partisans des fonds de pension s'alarment également des dangers qui guettent les régimes spéciaux si on ne les aligne pas sur le privé. Or les régimes publics ont eu recours à une forme de fonds de pensions. En ce sens, la capitalisation n'est pas une solution ; au contraire, elle met en péril les salariés qui opteraient pour elle.

D'autre part, les fonds de pensions freinent l'investissement productif et nuisent à la création d'emplois. Nous en avons des exemples tous les jours - je pense évidemment à Michelin et à bien d'autres entreprises encore.

Je pourrais citer des ouvrages très intéressants sur les fonds de pension, qui ont été publiés non pas en France il y en a tellement peu - mais à l'étranger, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Pour les salariés, c'est la catastrophe !

M. Georges Tron.

Vous délirez !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

C'est absolument faux !

M. Maxime Gremetz.

Pour notre part, nous ne voulons pas d'une société qui privilégie la financiarisation au détriment du développement humain. Telles sont les raisons qui nous ont conduits à demander et à obtenir l'abrogation de la loi Thomas, au grand dam de la droite.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Au grand dam de la droite. Absolument !

M. Maxime Gremetz.

J'espère que Mme la ministre nous confirmera, comme elle l'a fait lors de son audition par la commission, que la loi Thomas sera bien abrogée et que les décrets seront publiés.

Nous estimons juste que le Gouvernement n'ait pas pris de décisions à la lumière des recommandations du rapport Charpin, d'autant qu'il est toujours mauvais de retenir une base de réflexion unique. Nous jugeons utile que le Gouvernement ait engagé une seconde phase de concertation avec les partenaires sociaux. Mais je le dis et je le répète au Gouvernement : il faut écouter et entendre. C'est cela, l'efficacité de la concertation.

Nous contribuerons au débat en mettant en discussion nos propositions, comme l'indexation des pensions de retraite sur les salaires, le calcul sur les dix meilleures années, l'ouverture du droit à la retraite dès trentesept annuités et demi de cotisation et à l'âge de cinquante-cinq ans pour les salariés ayant occupé des travaux pénibles ainsi que pour les femmes. Nous souhaitons que soient examinées les éventuelles modalités de prise en compte dans le calcul des années d'apprentissage ou des périodes d'études universitaires.

M. Georges Tron.

Nous vivons dans un monde à part.

En dehors de l'Assemblée, personne ne tient des propos pareils !

M. Maxime Gremetz.

Nous restons persuadés que le système par répartition est le plus juste et le plus efficace pour répondre au défi du vieillissement de la population ainsi qu'à l'augmentation du nombre de retraités. Le plus juste et le plus efficace car il repose sur le facteur le plus juste qui soit : le travail des générations actuelles et à venir.

M ais nous devrons adapter le financement pour répondre à la grande question : « Oh ! là, là ! en 2040, quelle catastrophe ! il va falloir trouver de l'argent ! » Nous pourrions évidemment mettre à contribution les revenus financiers des entreprises - la question reviendra régulièrement dans le débat.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Georges Tron.

Vous avez raison : c'est ce qu'il faut faire ! (Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Mme Muguette Jacquaint.

Mais oui !

M. Maxime Gremetz.

Et nous avons d'autres propositions. La modulation des cotisations patronales - vous ne voulez pas en entendre parler, je le comprends -, incitant à la création d'emplois, créera de nouveaux cotisants, capables de financer les pensions des actuels retraités bénéficiant du système par répartition.

M. Georges Tron.

Quelle cohérence !

M. Maxime Gremetz.

L'enjeu, pour ceux qui sont actuellement retraités et ceux qui le deviendront, est de consolider les acquis,...

M. Georges Tron.

Absolument.

M. Maxime Gremetz.

... de préserver la solidarité entre les générations, ce qui renforcera la cohésion sociale et nationale. C'est bien dans ce sens que nous ferons des propositions constructives.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Georges Tron.

Il suffit de trouver 600 milliards ! C'est tout !

M. Maxime Gremetz.

Je les trouverai vite fait !

M. le président.

Monsieur Gremetz, vous n'allez pas reprendre la parole...

M. Maxime Gremetz.

Vous voulez que je donne les chiffres ? Ce matin, Les Echos , journal du grand patronat, évaluent la capitalisation boursière à 6 894 milliards de francs !

M. Georges Tron.

Je lirai l'article !

M. le président.

Monsieur Gremetz, monsieur Tron, je vous en prie. Je vous propose de poursuivre cette conversation ailleurs.

La parole est à M. Gilles Carrez.


page précédente page 08213page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. Gilles Carrez.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, hier après-midi, lors des questions d'actualité, Elisabeth Guigou a déclaré que ce gouvernement ne présenterait jamais au Parlement une réforme qui ne serait pas financée.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

C'est la vérité.

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est ainsi que nous travaillons.

M. Gilles Carrez.

« Plus c'est gros, plus cela a des chances de passer », aurait dit notre collègue Georges Marchais s'il avait été encore parmi nous.

M. Maxime Gremetz.

Laissez les morts tranquilles, parlons du présent ! Et soyez au moins respectueux !

M. Gilles Carrez.

Eh bien non ! madame la secrétaire d'Etat, cela ne passe pas ! Couverture maladie universelle, réduction du temps de travail, politique familiale, vos réformes ne sont pas financées dans le projet de loi de financement que vous défendez aujourd'hui.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Bien sûr que si !

M. Gilles Carrez.

D'ailleurs, vous auriez mieux fait de l'appeler « projet de loi d'improvisation financière sur la sécurité sociale ». (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Georges Tron.

Parfaitement !

M. Jean-Pierre Blazy.

Quel humour...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est d'une finesse !

M. Gilles Carrez.

Premier exemple : la couverture maladie universelle. On retrouve bien dans le budget de l'Etat, en net, un petit milliard supplémentaire. La dotation globale de décentralisation versée aux départements est réduite et une partie de la somme est compensée dans le budget des affaires sociales. Mais aucun financement n'est prévu dans votre texte, en particulier pour la couverture complémentaire.

Hier après-midi, souvenez-vous, notre excellent collègue Philippe Auberger...

M. Maxime Gremetz.

M. Auberger ? Excellent ? On a du mal à y croire !

M. Gilles Carrez.

... a interrogé le Gouvernement sur ce point, et Mme Aubry, dans sa réponse, n'a été capable de ne citer qu'un seul financement : le prélèvement sur le chiffre d'affaires des organismes dits « mutualistes ». C'est totalement insuffisant pour financer le coût de la couverture complémentaire, qui devrait atteindre 1 500 francs par assuré - et encore, chacun sait que ce montant est sous-évalué.

M. Jean Bardet et M. Georges Tron.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Deuxième exemple : la politique familiale.

M. Jean Bardet.

Il n'y a plus de politique familiale !

M. Gilles Carrez.

J'y viens, mon cher collègue. Ne soyez pas impatient. Sous couvert d'une prétendue garantie de ressources jusqu'en 2002, l'article 9 du projet de loi de financement revient à dépouiller la caisse nationale des allocations familiales de tous ses excédents futurs.

M. Georges Tron.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Elle sera ainsi dans l'incapacité d'acc ompagner les communes dans leurs actions pour l'accueil de la petite enfance, alors que les besoins de places en crèches en région parisienne par exemple, restent très importants.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il faudrait peut-être que les communes s'y mettent !

M. Georges Tron.

Elles s'y mettent, madame. Mais je ne sais pas si vous êtes maire...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

J'ai parlé de partenariat : il faut que les commune se mobilisent !

M. Gilles Carrez.

Rappelez-vous, il y une quinzaine de jours, tant devant la commission des affaires sociales que devant la commission des finances, Mme Gillot a fait des promesses très précises sur l'extension, grâce au concours de la caisse nationale d'allocations familiales, de la politique d'accueil de la petite enfance.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Madame la secrétaire d'Etat, vos promesses ne seront pas tenues.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Et pourquoi ?

M. Gilles Carrez.

Parce qu'elles ne sont pas financées !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Si ! Elles le sont !

M. Gilles Carrez.

Cela aggrave le démantèlement de la politique familiale auquel se livre méthodiquement le Gouvernement depuis 1997.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il ne suffit pas d'élever le ton pour avoir raison !

M. Gilles Carrez.

Je n'élève pas le ton, madame la secrétaire d'Etat.

La semaine dernière, lors du débat sur la première partie du projet de loi de finances, pas un seul amendement de l'opposition visant à rétablir la politique familiale n'a été accepté par le Gouvernement.

M. Maxime Gremetz.

C'est parce qu'ils étaient mauvais ! (Sourires.)

M. Georges Tron.

Trouvez donc les 600 milliards de francs qui manquent, monsieur Gremetz ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

La politique familiale n'a pas besoin d'être rétablie ! Elle n'a pas été supprimée !

M. Gilles Carrez.

Le plafond du quotient familial ne sera pas réévalué. La réduction d'impôt pour emplois familiaux restera au même niveau.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Et même les allocations versées au titre des congés pour maternité resteront soumises à l'impôt. Et ce n'est pas la revalorisation des prestations familiales, limitée à 0,5 % en 2000, qui va améliorer la situation des familles. Décidément, le Gouvernement et sa majorité n'aiment pas la famille ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Georges Tron.

Très bien !


page précédente page 08214page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Vous n'avez rien prouvé, monsieur Carrez !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Il n'y a pas que les prestations familiales !

M. Gilles Carrez.

Troisième impasse financière : les 35 heures. Je commencerai par mettre en évidence la partialité du raisonnement du Gouvernement sur les entreprises. En substance, les nouveaux impôts que les entrep rises vont subir - contribution sur les bénéfices, écotaxe - ne feront que compenser la baisse des cotisations patronales au titre de la réduction du temps de travail, et cela sera neutre du point de vue des prélèvements obligatoires.

M. Maxime Gremetz.

C'est quarante fois moins !

M. Gilles Carrez.

C'est complètement faux !

M. Maxime Gremetz.

Faites les comptes !

M. Gilles Carrez.

Monsieur Gremetz, ce n'est en affirmant des contre-vérités que vous réussirez à persuader qui que ce soit.

Mme Odette Grzegrzulka.

Vous non plus !

M. Maxime Gremetz.

105 milliards !

M. Georges Tron.

600 milliards manquent sur les retraites, et pas un mot dessus !

M. le président.

Un peu de calme, s'il vous plaît ! Si vous voulez que le débat soit à peu près compréhensible, évitez les interruptions.

Monsieur Carrez, poursuivez votre propos.

M. Gilles Carrez.

En vérité, mes chers collègues, la réduction du temps de travail est comme la valse, elle se joue en trois temps.

M. Maxime Gremetz.

J'ai déjà lu cela quelque part...

Vous reprenez un article de journal !

M. Gilles Carrez.

Premier temps : les 35 heures, payées 39, augmentent de 11 % les charges de l'entreprise. Deuxième temps : pour compenser - et encore, partiellement - ce surcoût, les cotisations patronales sont allégées. Troisième temps : pour financer la baisse des cotisations, vous créez de nouveaux impôts sur les entreprises.

Peut-être que les prélèvements obligatoires ne seront pas, du moins au départ, bouleversés. En revanche, les charges des entreprises seront alourdies. Par exemple, la taxation des heures supplémentaires va peser sur l'entreprise. Mais elle ne sera pas prise en compte dans le calcul des prélèvements obligatoires. On retrouve là toute l'habileté de Dominique Strauss-Kahn et ses talents d'illusionniste ! Première recette de ce nouveau fonds de réforme des cotisations patronales de sécurité sociale : les droits sur le tabac qui lui rapporteront 39,5 milliards, sur un total de 42,5 milliards. C'est une débudgétisation sans précédent...

M. Georges Tron.

En effet !

M. Gilles Carrez.

... qui vide de toute substance le discours de Dominique Strauss-Kahn sur la sincérité et la transparence des comptes de l'Etat. Mais ce n'est certainement pas le problème de Mme Aubry...

Deuxième recette : la contribution sociale sur les bénéfices : 3,3 % en 2000, 10 % plus tard quand elle aura atteint le régime de croisière de 12,5 milliards. C'est la négation même des engagements pris par le Gouvernement en 1997 lorsqu'il a mis en place la surtaxe.

M. Georges Tron.

Absolument !

M. Gilles Carrez.

Car la suppression de cette surtaxe a été votée, dès 1997, pour l'année 2000. Une fois de plus, une promesse n'est pas tenue ! Troisième recette : la taxe générale sur les activités polluantes. Et là, madame Aubry, vous devez remercier l'opposition. Sans l'opposition, vous ne pourriez pas disposer de cette taxe. En effet, Dominique Strauss-Kahn avait tout simplement oublié, la semaine dernière, l'article d'affectation de la recette. Et c'est en défendant l'exception d'irrecevabilité que je le lui ai signalé. Dès le lendemain, le Gouvernement a comblé cette omission en déposant un amendement.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Miracle !

M. Yves Tavernier.

Ce n'est pas vous qui l'avez déposé le premier !

M. Gilles Carrez.

Mais si, monsieur Tavernier. Vous avez été muet en commission des finances. C'est moi qui ai évoqué, ici même, mardi soir, la semaine dernière, ce problème !

M. Yves Tavernier.

C'est faux !

M. Georges Tron.

C'est la vérité ! Et 8 milliards, c'est tout de même un gros oubli !

M. le président.

Un peu de calme !

M. Gilles Carrez.

Reprenez les comptes rendus de la commission des finances, monsieur Tavernier !

M. Yves Tavernier.

Reprenez le rapport de la commission des finances !

M. Gilles Carrez.

Je ne parle pas du rapport de la commission des finances sur la TGAP, qui n'a aucune valeur juridique. Je vous parle de la loi de finances.

M. Georges Tron.

Même Dominique Strauss-Kahn a reconnu cette lacune et a rendu hommage à M. Carrez !

M. le président.

Laissez M. Carrez achever son propos !

M. Gilles Carrez.

Troisième recette, la TGAP. En la matière, le double langage du Gouvernement est stupéfiant ! Dominique Strauss-Khan se vantait, la semaine dernière, de supprimer des impôts. Cette semaine, c'est vous qui en créez de nouveaux. Lui supprime l'impôt sur les jeux de quilles et de boules et vous, vous taxez les lessives et les assouplissants. Lui annule le droit d'inscription au baccalauréat, et vous, vous vous acharnez sur les granulats naturels de plus de 125 millimètres de diamètre.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est une mesure contre la pollution !

M. Gilles Carrez.

Plus grave encore : en 2001, 2002, 2003, quand le fonds aura besoin de 110 milliards et que la TGAP devra rapporter 12,5 milliards, ce sont les consommations intermédiaires d'énergie qui seront taxées.

Et la boucle sera bouclée.

Pour financer les 35 heures, certaines entreprises seront obligées de fermer ou de se délocaliser. Et pour créer d'hypothétiques emplois nouveaux, on supprimera de façon certaine des emplois existants. Je connais une entreprise qui va durement souffrir de la taxe sur les lessives.

Elle est située dans la circonscription du président de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius.

(Murmures.)

Ce n'est vraiment pas charitable pour lui...


page précédente page 08215page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il convient de faire la différence entre une politique globale et la défense d'intérêts particuliers !

M. Gilles Carrez.

... car cette entreprise sera probablement conduite à supprimer des emplois.

J'en viens, pour conclure, à l'impasse financière de ce fonds. Depuis que vous avez renoncé, sous la pression unanime des partenaires sociaux et de l'opposition, à faire contribuer l'UNEDIC, la sécurité sociale, les régimes complémentaires de retraite, nous sommes entrés dans une période de bricolage et d'improvisation.

La taxe de 10 % sur les heures supplémentaires devait servir à alimenter le fonds de roulement du futur fonds pour l'emploi. C'est ce que vous avez affirmé devant la commission des finances. Et voilà cette recette provisoire promue en recette définitive, alors qu'elle aura disparu dans deux ou trois ans. Etes-vous bien sûre, d'ailleurs, madame la secrétaire d'Etat et je demande à notre collègue Tavernier de redoubler d'attention que cette taxe sur les salaires, dont la création n'est prévue dans aucun article ni de la loi de finances de l'Etat, ni de la loi de financement de la sécurité sociale, satisfait à l'article 18 de la loi organique du 2 janvier 1959 ? Si, demain, vous devez déposer un amendement pour corriger cette situation, vous pourrez dire que c'est une fois de plus grâce à l'opposition que vous aurez fait rentrer votre projet de loi dans les clous de la constitutionnalité.

M. Georges Tron.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Quant à l'affectation pour le solde des droits sur l'alcool, elle relève de la technique du sapeur Camember. On bouche le trou des 35 heures, mais en déshabillant le fonds de solidarité vieillesse. On creuse plus encore le trou du financement des retraites par capitalisation. Or vous nous aviez également affirmé, devant la commission des affaires sociales et la commission des finances, que l'alimentation du fonds de réserve pour les retraites constituait la priorité absolue du Gouvernement. A nouveau double langage, à nouveau promesses non tenues ! Et seulement quinze jours auront séparé la promesse de la réalité. Jamais, je le répète, le bricolage et l'improvisation n'avaient pris de telles proportions, pour des montants aussi importants.

Vous avez dû revoir votre copie pour 2000, mais rien n'est résolu, ni pour 2001, ni pour les années ultérieures.

A l'heure des comptes, la vérité s'impose : les 35 heures obligatoires coûteront cher aux contribuables, coûteront cher aux salariés et pénaliseront nos entreprises. Il est à l'évidence impossible, pour le groupe RPR, d'adopter un tel texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la sécurité sociale préoccupe les Français, qui manifestent régulièrement à son égard un attachement viscéral. Mais elle était aussi devenue, pour chacun d'eux, synonyme d'un déficit catastrophique, effrayant, effarant, impressionnant, vertigineux, qui se creusait d'année en année.

Le trou de la sécurité sociale était en 1995 de 67,5 milliards de francs ; en 1996 de 53,2 ; en 1997 de 33,8 ; en 1998 de 16,5 ; en 1999 de 4 milliards environ. Pour 2000, pouvons envisager sereinement l'équilibre, voire un excédent de 6 milliards.

Vous comprendrez, mes chers collègues, qu'avec de tels résultats, il est plus facile et plus agréable de parler du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Voilà !

M. Jean-Paul Bacquet.

Certains considéreront ces résultats comme faciles et évidents. Pourquoi ne les avaient-ils pas obtenus auparavant ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Certains même les contestent !

M. Jean-Paul Bacquet.

Mais il n'y a là rien d'évident.

Il y a eu une augmentation de la croissance qui a apporté des recettes supplémentaires ; une diminution du chômage grâce à une véritable volonté politique en matière d'emploi ; la volonté de réformer le financement de la sécurité sociale. Il y a eu aussi des mesures correctrices qui, dans la majorité des cas, ont été prises dans la plus grande concertation avec les organisations professionnelles.

Aujourd'hui, nous discutons du troisième plan de financement de la sécurité sociale. Je ne manquerai pas de rendre hommage à Alain Juppé qui a permis au Parlement de discuter du budget de la sécurité sociale. Car il ne serait pas acceptable qu'un budget de 1 800 milliards de francs puisse passer sans contrôle du Parlement.

M. Patrick Delnatte.

Très bien !

M. Jean-Paul Bacquet.

Si ce n'est que ces derniers jours, la grande majorité des discussions ont achoppé sur les quelque 7,5 milliards d'ajustements sans prendre en considération tout ce qui a été fait précédemment. N'oublions pas pourtant la baisse des charges patronales et la volonté de parvenir à l'équilibre. Celui-ci, d'ailleurs, n'est pas un objectif en soi, mais le moyen de garantir la pérennisation de la sécurité sociale fondée sur la solidarité nationale.

Pour la première fois, nous discutons d'un projet de loi dans un contexte totalement différent : pas de diminution de remboursements à l'horizon ; pas d'augmentation de cotisations ; pas de reversements ; pas de pénalités ; pas de contraintes négatives, comme les références médicales obligatoires lorsqu'elles ont été mises en place ; pas de nouveaux CMR, rejetés par toutes les organisations syndicales.

Mme la ministre a choisi de refuser courageusement la facilité, de refuser le plan Johannet. En effet, pourquoi imposer 30 milliards d'économies sur l'hôpital lorsque l'hôpital est « dans les clous » ? Pourquoi supprimer les cures thermales lorsqu'on sait qu'elles ont un intérêt thérapeutique...

M. Jean Bardet.

Etes-vous déjà allé dans un hôpital ? Y avez-vous constaté le manque de médecins et de personnels ?

M. Jean-Paul Bacquet.

J'y ai pratiqué autant que vous, et je suis au moins autant respectable dans mes pratiques ! Nous connaissons parfaitement l'intérêt thérapeutique, mais aussi les retombées économiques des cures thermales... Vous avez refusé, madame la ministre, une médecine ambulatoire encadrée, la recertification, le convent ionnement sélectif, l'absence de liberté individuelle d'installation. Vous avez refusé la maîtrise médicalisée et comptable, qui aboutirait à une médecine autoritaire et à une médecine de caisse.


page précédente page 08216page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

A la provocation, vous avez préféré la sagesse. Vous avez choisi l'objectivité des résultats et la concertation, privilégiant le partenariat, le volontarisme et la détermination.

Vous avez refusé les discours alarmistes parce que les déficits ont baissé et parce que les objectifs ont été tenus, même s'ils ne l'ont pas été partout, en particulier au niveau de l'hôpital et des honoraires.

V ous avez manifesté une volonté d'apaisement.

L'ONDAM augmente de 2,5 % - augmentation fondée sur les résultats réels et non sur des hypothèses.

Vous avez choisi une loi volontariste en défendant l'hôpital public et les ARH, que vous n'avez pas créées.

M. Jean Bardet.

Que vous n'avez pas votées !

M. Jean-Paul Bacquet.

Celles-ci ont été créées par d'autres, précisément pour renforcer le contrôle de l'Etat - et non celui des caisses - sur l'hôpital.

M. Jean Bardet.

Vous n'avez rien voté et vous vous enveloppez d'un manteau qui ne vous appartient pas !

M. Jean-Paul Bacquet.

Traitement des inégalités régionales ; évaluations ; accréditations pour un meilleur fonctionnement de l'hôpital ; défense de la politique conventionnelle au travers d'un partenariat associant les caisses les syndicats, le Gouvernement apportant un intéressement et responsabilisant les acteurs ; affirmation de la solidarité grâce à la mise en place de la CMU pour corriger les inégalités d'accès aux soins ; choix de la qualité à travers l'évaluation, la définition des bonnes pratiques, l'engagement et l'optimisation à moindre coût ; définition d'objectifs de santé publique avec la mise en place de réseaux : soins palliatifs, cancérologie, périnatalité, alcoolisme, toxicomanie, suicide, etc., ce sont des choix responsables, et c'est pour cela que vous allez réussir.

En matière d'honoraires, les objectifs ont été tenus. Ils ont augmenté de 1,2 % au cours des huit derniers mois.

Mais, parallèlement, plusieurs dérapages sont à déplorer.

Les médicaments ont augmenté de 8 % en 1998 et de 5,6 % au cours des huit derniers mois. Vous avez donc choisi le système de substitution par les médicaments génériques - qui, à terme, devraient représenter 30 % du total. Vous avez choisi aussi de réévaluer l'efficacité du médicament qui, avant d'être une valeur marchande, doit d'abord être un moyen thérapeutique.

Vous avez choisi de veiller à certaines dérives - augmentation de 8 % sur les transports et de 7 % sur les indemnités journalières - et d'analyser les pratiques des gros consommateurs de soins, non pas dans un quelconque esprit de « flicage » et de suspicion mais dans le souci de mieux connaître et d'améliorer les pratiques. En la matière, l'analyse qualitative de la pratique doit passer avant les préoccupations comptables et l'action coercitive.

Pour cela, il y a des objectifs.

Tout d'abord, la préservation du secret professionnel est inévitable. La responsabilité des intervenants, qu'ils soient libéraux ou praticiens conseils, doit être très clairement définie. En cas de manquement, les pénalités doivent être mises en place. Et à la responsabilité pénale s'ajoute la responsabilité civile. A partir du moment où deux intervenants décident, ou du moins conseillent, une pratique thérapeutique, ils doivent en partager la responsabilité et les éventuelles conséquences.

Il convient donc de préserver la qualité des soins et, si possible, d'obtenir des résultats comptables. Ne confondons pas cependant l'analyse médicale avec des objectifs de meilleure pratique, et la gestion d'un plan de carrière, comme dans le cas - malheureusement de ce médecin conseil national qui, au nom d'une maîtrise dite médicalisée, demandait à des médecins-conseils de multiplier par trois le nombre de saisines du conseil de l'ordre.

Evitons les cooptations du Haut Comité. La hiérarchie de ce service s'est construite davantage grâce aux copinages que sur la valeur professionnelle. Evitons l'humiliation des professionnels de santé dans les CMR, comme nous l'avons vécu dernièrement.

Vous avez choisi de valoriser les praticiens. Vous refusez le terme de « déviants potentiels » qui a été malheureusement utilisé trop souvent. Vous considérez, avec raison, que les praticiens ne sont pas responsables de tous les maux, de toutes les dérives.

Démotivée, cette profession doit faire face à une véritable crise de confiance. Pour leur faire retrouver leur crédibilité, pour que leur disponibilité, leurs compétences, leur sens de la responsabilité en matière de diagnostic et en matière thérapeutique soient reconnus, vous avez choisi l'intéressement sur des contrats de bonne pratique, librement consentis.

Vous avez également choisi une analyse périodique des objectifs. Je ne sais si la fréquence prévue - tous les quatre mois - pourra être tenue ou s'il faudra passer à six mois. Mais ce qu'il faudra surtout éviter, c'est que ces réunions soient l'occasion de concertations et de négociations permanentes sur le devenir des honoraires. Elles doivent aboutir à une appréciation objective des pratiques et du respect des objectifs définis.

Il est indispensable, pour réussir, que les caisses respectent les directives et que les caisses primaires soient en parfaite harmonie avec les décisions de la caisse nationale.

Madame la secrétaire d'Etat, cette loi est réaliste et c'est pourquoi je la soutiens.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Très bien !

M. Jean-Paul Bacquet.

Elle est réaliste d'abord parce qu'elle s'appuie sur un objectif d'équilibre - qui sera, j'en suis persuadé, un excédent.

Elle est réaliste ensuite parce qu'elle n'envisage pas de rationnement des soins, ni d'augmentation de cotisations ni de baisse de remboursements.

Elle est réaliste enfin parce que vous avez privilégié la démarche qualitative, la démarche partenariale, parce que vous avez choisi la valorisation des acteurs de santé et parce que vous avez défini des priorités de santé publique.

Je suis persuadé, dans un tel contexte, que vous réussirez et que, l'année prochaine, le déficit sera de l'histoire ancienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Marisol Touraine.

M me Marisol Touraine.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'instauration de la sécurité sociale, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, incarnait la volonté de renforcer notre démocratie politique par la création d'un pilier social fort. Il fallait réaffirmer, pour ne pas dire réinventer, le principe d'égalité auquel nous sommes attachés par le biais d'une protection sociale à la fois universelle et solidaire.

Les principes alors posés restent d'actualité. Les risques, cependant - et c'est une évidence - ont évolué. Nous vivons plus vieux, et c'est une bonne chose, car nous vivons aussi en meilleure santé. Cela pose de nouveaux


page précédente page 08217page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

problèmes quant à l'équilibre du système des retraites. Les jeunes, qui rencontrent souvent des difficultés pour entrer dans la vie active, sont amenés à rester parfois contre leur gré plus longtemps au domicile de leurs parents, ce qui constitue une charge accrue pour les familles.

Ainsi, dans les domaines de la santé, des retraites, de la famille, des changements importants sont intervenus, qui appellent la définition de nouveaux objectifs politiques.

Faut-il pour autant renoncer au principe même de la protection sociale et passer, pour reprendre la formule d'un des vice-présidents du MEDEF, de l'Etat providence aux entrepreneurs sociaux et à la responsabilisation des familles ? Bien évidemment, je n'en suis pas convaincue pour deux raisons au moins. Tout d'abord, seuls des organismes collectifs peuvent assurer l'universalité des garanties. Ensuite, et surtout, la protection sociale ne se résume pas à des garanties financières. Elle constitue un contrat que la société passe avec les individus, la famille, les retraités. Ce contrat, nous y tenons, même si nous devons en faire évoluer certains des termes.

C'est tout l'enjeu du texte présenté aujourd'hui et de la politique engagée par le Gouvernement depuis deux ans dans ce domaine. Il s'agit bien, en effet, de réaffirmer les principes fondateurs de notre protection sociale, d'en garantir l'effectivité et la pérennité - nous ne pouvons, en effet, nous contenter de seuls principes - par le biais de la régulation des dépenses engagées et d'en adapter les mécanismes aux situations et aux risques nouveaux de notre société. La politique engagée constitue donc un équilibre qui fait passer les évolutions de structures nécessaires par la responsabilisation des acteurs de santé.

Déjà, les résultats sont là, puisque l'équilibre financier est en vue. Surtout, les lignes directrices d'une nouvelle politique de santé apparaissent.

Je voudrais mettre en avant très rapidement trois orientations parmi toutes celles que vous présentez.

La première concerne la volonté de réduire les inégalités. Il ne s'agit pas seulement d'un slogan, comme l'a prouvé la création de la couverture maladie universelle.

M. Gilles Carrez.

Non financée !

Mme Marisol Touraine.

Le dérapage des dépenses se fait au détriment des plus faibles, car il a toujours dans le passé abouti à l'alourdissement des cotisations et des prélèvements, aux déremboursements de certaines prestations, au renforcement des inégalités entre établissements.

Le développement des réseaux, l'orientation par un médecin référent, l'évaluation médicale des médicaments remboursés, le rapprochement des règles applicables aux cliniques privées, de celles en vigueur pour les hôpitaux publics sont des mesures fortes, qui donnent, parmi d'autres, les outils d'une plus grande équité sanitaire.

Cette équité sanitaire doit, bien évidemment, s'appliquer aux différences sociales et professionnelles, mais aussi aux différences liées à l'âge et aux inégalités territori ales, qui demeurent très importantes dans notre pays. Je pense, en particulier, aux zones rurales, confrontées à des problèmes sanitaires particuliers.

La deuxième orientation consiste à mieux coordonner la politique de la santé et celle du financement. La maîtrise des dépenses, indispensable, ne saurait être un objectif exclusivement financier, même s'il faut aussi équilibrer les comptes.

Mais, surtout, les priorités de santé publique doivent être mieux servies et mieux affirmées, la prévention et les choix sanitaires et sociaux renforcés.

Le projet de loi que nous commençons à discuter opère d'ores et déjà des choix : par exemple, l'élargissement des missions des centres de dépistage anonyme et gratuit, la prise en charge par l'assurance maladie des dépenses liées aux cures de désintoxication des personnes toxicomanes ou la fixation à un niveau plus élevé des objectifs de dépenses concernant les personnes âgées et les personnes handicapées.

Enfin, la troisième et dernière orientation qui me paraît importante cherche à mieux établir la démocratie sanitaire. Bien sûr, le droit des usagers, en particulier celui des malades, reste à construire. C'est l'un des objets de la future loi de modernisation de la santé. Mais la démocratie sanitaire ne se limite pas à cela. Comme pour la démocratie en général, les acteurs compétents doivent être précisément désignés, leur rôle et leurs missions cl arifiés, leur mode de fonctionnement défini et contrôlé.

Certains de ces éléments figurent déjà dans la loi, et c'est une transformation essentielle. Je crois que la clarification des compétences respectives de la CNAM et de l'Etat constitue, à elle seule, une petite révolution. Car, en donnant un vrai pouvoir contractuel à la CNAM, elle renforce le paritarisme dont on nous parle tant actuellement et l'occasion à ceux qui s'en prévalent, et ils ont raison, de lui donner consistance.

Ainsi, ce texte engage avec sérénité les grandes réformes de fond dont notre protection sociale et notre politique de santé ont besoin, et le Gouvernement peut compter sur le soutien des députés socialistes pour l'appuyer dans cette démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Madame la ministre, mes chers collègues, trois articles sur trente et un pour la branche famille, trois articles de mesures dites nouvelles, c'est dire la modestie des initiatives contenues dans ce budget prévisionnel de la branche famille pour l'an 2000. Elles sont réduites à la portion congrue et on ne peut que constater l'absence d'une volonté de mener une véritable politique familiale. Il est vrai que nous n'en avons pas la même définition que le Gouvernement. J'y reviendrai par la suite.

L'essentiel de ce minimum de mesures consiste, d'une part, à mettre en oeuvre les décisions, elles aussi très modestes, issues de la conférence de la famille de juillet dernier et, d'autre part, à vous exempter des obligations contenues dans la loi quinquennale sur la famille de juillet 1994.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Encore !

M. Patrick Delnatte.

Aussi, vous pensez réaliser une avancée significative sur le problème des jeunes adultes à charge en prolongeant trois allocations sur vingt-quatre et seulement jusqu'à vingt et un ans. Vous abrogez donc les dispositions de la loi du 5 juillet 1994 qui allaient beaucoup plus loin en prolongeant toutes les allocations jusq u'à vingt-deux ans, mesure attendue par quelque 580 000 foyers.

Vous oubliez au passage que le parti socialiste et le parti communiste avaient, en 1994, approuvé l'extension du droit aux prestations familiales jusqu'à vingt-deux ans.

Lors des débats, Mme Jacquaint était allée jusqu'à affirmer qu'il s'agissait là d'une revendication de longue date du parti communiste. Revendication bien oubliée !

M. Gilles Carrez.

En effet !


page précédente page 08218page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M. Patrick Delnatte.

Sur le million et demi de jeunes de vingt à vingt-deux ans, une très grande majorité font encore des études ou sont en situation de chômage. Ils coûtent bien plus cher à leurs parents que lorsqu'ils étaient plus jeunes. Nous savons aussi que l'Etat n'a pas les moyens financiers pour encourager leur autonomie...

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Ce n'est pas vrai !

M. Patrick Delnatte.

... alors qu'un coup de pouce aux familles, naturellement portées vers la solidarité, corrigerait bien des inégalités.

Je sais bien que le précédent Gouvernement, confronté au déficit des comptes sociaux, dans une conjoncture économique défavorable, avait dû geler certaines initiatives prévues par la loi de 1994. Mais geler est une chose, supprimer en est une autre.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Geler ? Ça peut durer longtemps !

M. Patrick Delnatte.

Autant je comprends qu'il soit nécessaire d'étaler dans le temps des mesures dont l'impact financier aurait pu être sous-estimé, mais annuler purement et simplement comme vous le faites, c'est retirer toute espérance d'une amélioration de la situation des familles avec jeunes adultes à charge et nier les réalités actuelles de l'évolution du fait familial.

La branche famille est aujourd'hui bénéficiaire. Dès lors, pourquoi refusez-vous d'appliquer la loi de 1994 ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

On a d'autres priorités.

M. Patrick Delnatte.

En ce qui concerne l'évolution de la garantie de ressources de la branche famille, l'expérience montre que l'indexation sur les prix ne donne pas satisfaction. Elle n'a pas toujours été respectée et elle est source de désaccords persistants : en période d'inflation, elle est impraticable et en période de stabilité des prix, voire de déflation, elle est injuste puisqu'elle prive les familles des fruits de la croissance.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Il n'a même pas lu le texte !

M. Patrick Delnatte.

La référence au PIB est donc en soi bien préférable.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

C'est ça !

M. Patrick Delnatte.

Mais le dispositif complexe proposé par le Gouvernement, par son absence de précisions et le flou de son financement relève de l'effet d'affichage.

Rien ne vient préciser d'où viendra le versement différentiel en faveur de la CNAF en cas de baisse des ressources.

En revanche, pour l'évolution des allocations familiales, vous maintenez la référence à l'indice des prix, ce qui n'est pas juste même si, après un savant calcul en plus ou en moins, vous introduisez un zeste de PIB. Toujours est-il que nous sommes bien loin du compte.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Il mélange tout ! M. Patrick Delnatte. Je dois aussi exprimer notre déception de ne voir figurer aucune véritable avancée dans la conciliation vie familiale et vie professionnelle. La loi sur les 35 heures propose quelques rares initiatives, totalement annihilées par la suppression de l'avantage financier lié au temps partiel.

Nous vous proposons, dans ce domaine, d'accepter le principe du congé de solidarité familiale pour aider à résoudre les problèmes qui tiennent à la vie des enfants, du couple et des parents âgés. Dans le même esprit, nous vous proposons par l'augmentaion du droit à congé parental, d'inciter les pères à s'impliquer davantage dans la vie familiale et l'éducation des enfants.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Très bien !

M. Patrick Delnatte.

Enfin, dernière remarque sur l'état des finances de la branche famille : la loi de 1994 avait consacré l'autonomie de cette branche et l'interdiction des vases communicants entre excédents et déficits des différentes branches de la protection sociale.

Malgré tout, l'Etat contourne ce principe en transférant aux régimes sociaux des charges du budget de l'Etat, sans contreparties équivalentes. C'est un moyen habile de diminuer le déficit de l'Etat.

C'est ce que vous faites avec la prise en charge progressive de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire sans recettes équivalentes, même si une partie de la dépense est très partiellement couverte par la prise en charge du financement du FASTIF.

L'autonomie des branches n'est plus respectée avec la mise en place de ces financements croisés qui masquent toute lisibilité et sincérité des comptes. Cet exemple illustre la nécessité, une fois pour toutes, d'établir l'inventaire précis des dépenses indûment mises à la charge de la branche famille, notamment la gestion du RMI, de l'allocation logement destinée aux adultes, de l'allocation vieillesse des parents au foyer, de l'allocation adulte handicapé, du fonds d'action sociale des travailleurs immigrés et de leur famille. Certains évoquent ainsi la somme de 34 milliards de francs.

Mettons progressivement en place les mécanismes de rééquilibrage. Alors, madame la ministre, la branche famille aura les moyens de répondre aux attentes légitimes des familles et on pourra vraiment parler de justice et de solidarité.

Je vous cite, « Le Gouvernement a entrepris une rénovation en profondeur de la politique familiale dont la c onférence de la famille, réunie annuellement depuis 1998, marque les étapes. » Belles étapes en effet

que la mise sous conditions de ressources des allocations familiales,...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

En substitution.

M. Patrick Delnatte.

... l'abaissement du quotient familial, la diminution de l'allocation de garde d'enfant à domicile, la réduction de la déduction fiscale pour l'emploi d'une personne à domicile, le plafonnement de la demi-part accordée aux personnes ayant élevé seules un ou plusieurs enfants, la diminution du montant déductible de la pension alimentaire versée aux enfants majeurs ou encore la baisse du montant de l'abattement accordé par enfant marié rattaché.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Et la généralisation de l'ARS ?

M. Patrick Delnatte.

A se remémorer ainsi le matraquage fiscal dont ont été victimes les familles et à constater la modestie, pour ne pas dire l'insignifiance, de vos propositions, il est bien clair que la réalité contredit l'affichage de vos intentions.

Dans le domaine de la politique familiale, la gauche a un problème conceptuel tenace qui l'a conduit à de graves erreurs.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

On ne touche pas les mêmes familles.


page précédente page 08219page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Eh non !

M. Patrick Delnatte.

Vouloir de plus en plus séparer la vie de couple de la vie parentale, comme l'a démontré le débat sur le PACS, va dans le sens d'une véritable régression de l'institution familiale comme de l'intérêt commun des enfants.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

On considère la place de l'enfant.

M. Patrick Delnatte.

Enfin, beaucoup des déclarations de Mme Aubry ont montré que, pour vous, la politique familiale est conçue comme une politique de redistribution en fonction de la situation des familles. Cette conception s'avère beaucoup trop réductrice.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

C'est la solidarité.

M. Patrick Delnatte.

La politique familiale doit non seulement aider les familles, elle doit aussi aider l'enfant...

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Tout à fait.

M. Patrick Delnatte.

... et être ainsi au service de l'institution familiale. La famille est à la fois universelle et diverse. Prendre en compte cette dualité, c'est la meilleure façon d'assurer la justice sociale et l'avenir de la société.

La modicité de vos interventions ne vous permet pas de répondre. Votre politique familiale, c'est la famille délaissée. Cela, le groupe RPR et toute l'opposition ne l'acceptent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, il est toujours difficile de s'exprimer, en cinq minutes, sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui aborde des problèmes de fonds des gens dans la société, tels que la santé, le handicap, les difficultés, et qui pose par là même le problème de leur financement. De plus, je me demande pour quel domaine intervenir. Dois-je intervenir dans le cadre de la sécurité sociale ? du financement des collectivités ? de la fiscalité ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Sur l'ensemble !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler.

J'interviendrai sur la vieillesse parce que, actuellement, tout est parcellisé.

Les lieux de décisions, les acteurs, les financeurs, les décideurs sont partout présents. En même temps, je l'ai souvent entendu hier soir et ce matin, nos sociétés modernes sont confrontées à un phénomène de vieillissement d'une ampleur qu'elles n'ont jamais connue.

Cette situation nous interpelle. Nous devons accepter de la considérer sous trois angles : les retraites et leur financement, la prise en charge des personnes âgées dépendantes et - ce point me semble essentiel - la place de la personne âgée dans nos sociétés. Ces trois problématiques sont intimement liées. Celle du financement des retraites ayant été longuement évoquée, je n'y reviendrai pas. Je me limiterai à dire : soyons vigilants sur les revenus des pensions : plus les revenus sont faibles, plus il y a risque d'entrer dans la dépendance parce qu'il y a risque de repli sur soi, d'isolement, faute d'avoir les moyens d'aller voir ses enfants, sa famille et ses amis.

Le Gouvernement propose, et c'est essentiel, la mise en place d'un fonds de réserve. Outre le problème du financement des retraites, nous aurons à faire face à l'augmentation du nombre des personnes âgées dépendantes.

Il me semble dès à présent nécessaire d'envisager que ce fonds de réserve soit attribué non seulement aux retraites et aux pensions mais aussi au financement de la dépendance.

Par ailleurs, nous savons que la perte d'autonomie et la dépendance sont insuffisamment prises en charge financièrement mais aussi insuffisamment organisées. Tout le monde s'accorde à adresser des critiques à la PSD, critiques, me semble-t-il, pour la plupart justifiées. Les dispositions que vous nous avez annoncées doivent être prises rapidement, et je sais qu'elles le seront, mais il me semble que nous devons aussi nous pencher sur ce que l'on dénomme dans le jargon des spécialistes la dépendance moyenne, celle qui touche les gens qui ne peuvent bénéficier que de l'aide à domicile des caisses de retraite.

Cette situation génère des disparités énormes. Dans le cadre de la mise en place d'une prestation unique dépendance, nous devrons être très attentifs à la prise en compte de cette dépendance moyenne, car elle est sûrement un moyen d'éviter l'entrée dans la dépendance lourde.

J'aimerais insister sur un point qui me semble essentiel.

Vous avez tous beaucoup parlé de la famille et de son rôle d'éducateur et de lieu d'épanouissement de l'enfant.

Or, nous sommes confrontés à une évolution profonde de la famille.

La famille continue, et continuera très longtemps, je l'espère - et nous la soutiendrons en cela - à jouer son rôle d'éducateur et à être le lieu d'épanouissement de l'enfant. Mais elle a, actuellement, également en charge les personnes âgées dépendantes et gère les difficultés des parents des deux conjoints : 80 % des personnes âgées dépendantes sont prises en charge par leur famille et 50 % le sont par leur famille seule. Nous devons tenir compte dans notre politique de la famille du fait que, actuellement, non seulement celle-ci s'occupe de l'éducation de l'enfant, mais est aussi le pivot, le socle de l'accompagnement des parents âgés dépendants.

C'est pourquoi vous avez proposé, et c'est essentiel, la mise en place d'un lieu de coordination et d'information qui s'adressera aussi bien aux personnes âgées qu'aux familles. Très souvent, les familles sont seules avec leurs parents pour prendre les décisions ou sont soumises aux conseils souvent différents du médecin, de l'infirmière à domicile, de l'équipe médico-sociale de la caisse de retraite ou de la prestation spécifique dépendance. Il est nécessaire, et vous l'avez reconnu, madame la ministre, de

« mailler », comme on dit en Franche-Comté, le territoire français de lieux d'information et de conseil à l'intention des familles, qu'elles aient ou non droit à des aides, pour s'occuper de leurs personnes âgées dépendantes, comme nous l'avons fait dans les années cinquante-soixante avec les centre de PMI pour dispenser des conseils médicaux, psychologiques et d'éducation aux mères.

L'enjeu est essentiel. Vous l'avez reconnu. Vous avez prévu le financement de dispositifs expérimentaux. Il faudra en faire très rapidement le bilan pour étendre au plus vite le dispositif à tout le territoire et reconnaître ainsi le rôle joué par les familles en ce domaine.

Je terminerai en évoquant la place des personnes âgées dans la société. Une vieille dame sénile - c'est le problème majeur des personnes âgées dépendantes - disait à un soignant dernièrement : « A quoi sert-on quand on ne sert pas ? » Toute politique en faveur des personnes âgées


page précédente page 08220page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

devra tenir compte, plus encore que du niveau des pensions ou du handicap, de la place qu'elles occupent dans la société, parce que ne plus savoir à quoi l'on sert, ne plus savoir à quoi l'on est utile est source de difficultés de comportement et fait rapidement tomber dans la dépendance. Toute politique de la vieillesse doit allier ces trois problématiques. Il faut que tous ensemble, - et je connais votre attachement à ce problème - nous soyons capables de redonner un sens à la vie des personnes âgées qu'elles soient en bonne santé ou en difficulté. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Philippe Nauche.

M. Philippe Nauche.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le premier élément remarquable de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'an 2000 est à mon sens la situation générale qui l'entoure. Rappelons-nous la discussion en 1997 du projet de loi de financement pour 1998 : il se déroulait dans de tout autres conditions et dans une ambiance différente. L'état du déficit des comptes sociaux était de nature à inciter certains à remettre en cause l'existence même de notre système de protection sociale et à rêver même d'une privatisation.

Aujourd'hui, l'assainissement budgétaire sans diminution des remboursements ni augmentation des cotisations - je le rappelle, 4 milliards de déficit sur 1 800 milliards, soit moins d'une journée de fonctionnement -, les réformes de structure engagées en profondeur, l'universalité de la protection sociale au travers de la CMU ont abouti à ce qu'en 1999 plus personne de raisonnable n'ose remettre en cause la pérennité de notre système de protection sociale.

Concernant plus particulièrement l'assurance maladie, je limiterai mon propos à trois points.

Je relève, tout d'abord, l'autonomie plus large, en matière conventionnelle, des caisses d'assurance maladie.

C'est un outil de plus de responsabilisation des professions de santé et des partenaires sociaux dans la voie de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et je suis convaincu, pour ma part, de la bonne volonté de l'immense majorité des professionnels de santé de terrain.

Je note aussi la prise en compte nécessaire qui a été faite de la consolidation des conditions de fonctionnement des centres de santé. La commission des affaires familiales, culturelles et sociales a voté un amendement clarifiant, pour ces centres de santé, l'évidence du système du tiers payant.

Concernant la politique du médicament, je ne rappellerai pas ce qui a été fait en détail - génériques, impli cations des pharmaciens, des industriels, prise en compte, enfin, du service médical rendu - mais j'insisterai simplement sur la nécessité, lors des textes de modernisation du printemps, de nous pencher sur la distribution du médicament. Il y a là une véritable mission de service public, notamment pour les zones rurales, dans le cadre d'un égal accès aux soins de nos concitoyens qu'il importe de clarifier.

Je rappelle aussi que les caisses d'assurance maladie ont aussi à faire évoluer leurs systèmes de connaissance de l'activité. Car, comme le souligne le dernier rapport de la Cour des comptes, il n'y a pas eu de réelle politique de gestion du risque de la part des caisses, qui sont demeurées essentiellement des payeurs un peu aveugles. Le codage des actes, le codage des pathologies, l'informatisation sont à mettre en oeuvre et à développer rapidement.

Le deuxième point sur lequel je veux intervenir concerne l'hôpital.

L'hôpital public se rénove, se transforme en respectant ses enveloppes financières. L'objectif aujourd'hui est de concilier qualité et sécurité avec une proximité raisonnable. C'est la personne malade et son entourage qui sont placés au coeur du système de soins.

Les SROS, schémas régionaux d'organisation sanitaire, de deuxième génération sont les outils de cette cohérence car c'est bien le niveau régional qui est le plus pertinent.

Les hôpitaux et leur corps médical doivent accepter l'évolution des structures en fonction des besoins de la population. En effet, le défi qui se présente à l'hôpital est lié en grande partie au vieillissement de la population et donc à l'évolution des besoins de cette population en tenant compte de l'environnement hospitalier privé et ambulatoire.

Dans le secteur hospitalier public ou privé, la transformation des règles d'allocation budgétaire est très attendue, en particulier l'évolution permise vers la tarification à la pathologie. La clarification des règles budgétaires des établissements privés et la création d'un fonds de modernisation de ces derniers sont également très attendus.

Enfin, et c'est une attente réelle des usagers, le besoin de transparence au travers de l'évaluation et de l'accréditation commence à être satisfait avec la montée en puissance de la démarche d'accréditation.

Le troisième point de mon intervention concerne - et beaucoup en ont parlé avant moi - la régionalisation en matière de soins et de santé que nous appelons de nos voeux.

En effet, on s'aperçoit que c'est là l'échelon pertinent à la fois de l'organisation sanitaire d'une planification fondée sur l'analyse des besoins, de l'organisation ciblée de la prévention. C'est à ce niveau que doivent se traiter les problèmes de fongibilité des enveloppes sanitaires hospitalières, ambulatoires et médicosociales.

C'est aussi à cet échelon à taille humaine que doit s'exprimer pleinement une démocratie sanitaire présente à la fois au niveau de la décision mais aussi au niveau élémentaire du bassin de vie et d'expression des besoins.

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 est réaliste et réalisabl e, car basé sur la réalité de 1999 et non pas sur des hypothèses. Bien entendu, nous le soutenons et nous attendons avec confiance son prolongement naturel, c'est-àdire le texte de modernisation sanitaire et d'instauration d'un droit des malades correspondant à l'évolution de notre société et à l'attente de celle-ci au printemps prochain.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Odette Grzegrzulka.

Mme Odette Grzegrzulka.

A la fin de cette discussion générale et après avoir entendu les exposés détaillés de Mme la ministre, de Mme la secrétaire d'Etat et de nos cinq rapporteurs et les interventions de mes collègues, j'ai à coeur de dire que je voterai avec enthousiasme ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et que j'en salue les principales mesures et en particulier les réformes de structures qui vont permettre une association plus étroite des professionnels de la santé à la maîtrise médicalisée des dépenses. J'apprécie en particulier celles qui portent sur la gestion de la médecine de ville et des honoraires des professionnels de santé par la Caisse nationale d'assurance maladie. Ces réformes sont salutaires. Je me rejouis également des avancées qui figurent dans ce texte concernant les maladies professionnelles, les retraites et les prestations familiales.


page précédente page 08221page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Comme j'ai eu l'honneur d'être choisie par mes collègues de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour assurer le suivi et la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle, c'est sur ce point très particulier que je souhaiterais vous interroger, madame la secrétaire d'Etat.

En effet, depuis quelques jours circulent des affirmations qui, si elles se révélaient exactes, nourriraient l'inquiétude des 6 millions de bénéficiaires potentiels de la CMU comme celle des parlementaires qui ont voté cette disposition, encore que la majorité n'en ait aucune.

Curieusement - ou plutôt, comme il est habituel - des rumeurs soupçonneuses sont lancées par la droite et la presse qui lui est proche. Et sans vouloir faire de la publicité à un journal du patronat, Les Echos, je souhaite me faire l'écho (Sourires) de ces insinuations pour que vous nous apportiez des clarifications.

Cette désinformation caricaturale a été véhiculée hier par la bouche de M. Auberger sous la forme d'une question d'actualité et, il y a quelques instants, par celle de notre collègue Carrez sous la forme de questions.

C'est pourquoi je souhaiterais savoir, madame la secrétaire d'Etat, si, contrairement à ce qu'insinue la droite, le financement de la couverture maladie universelle est bien inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous allons voter.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Bien sûr !

M. Jean Bardet.

Vous allez gêner Mme la secrétaire d'Etat par de telles questions ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Pas du tout !

Mme Odette Grzegrzulka.

J'ai cru le lire dans le projet de loi.

M. Jean Bardet.

Ah, vous aviez cru seulement ?

Mme Odette Grzegrzulka.

J'avais donc bien lu ! Ce qui métonne c'est que l'ancien rapporteur général du budget sous l'ancienne majorité n'ait pas été capable de le lire dans notre budget, si tant est qu'il ait lu ce texte d'ailleurs.

M. Jean Bardet.

Pas d'attaques personnelles, madame.

Notre collègue est absent !

Mme Odette Grzegrzulka.

M. Carrez, grand spécialiste du financement, ne l'a pas plus vu.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Il faut croire que la droite ne comprend rien !

Mme Odette Grzegrzulka.

Non seulement la droite ne comprend rien, mais j'ai l'impression, qu'une fois de plus, la droite projette sur nous ses propres turpitudes, ses propres incuries et le mode de fonctionnement du gouvernement qu'elle soutenait.

M. Jean-Pierre Foucher.

Ce n'est pas possible d'entendre ça. Un peu de tenue !

M. Jean Bardet.

Vous n'êtes pas dans une réunion électorale ! Nous débattons aujourd'hui du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Vous non plus, monsieur Bardet, n'êtes pas dans une réunion électorale. Calmez-vous !

Mme Odette Grzegrzulka.

La deuxième question qui me préoccupe concerne l'état d'avancement des décrets d'application, sans lesquels la loi n'est rien.

Madame la secrétaire d'Etat, où en sont les décrets d'application ? Le Conseil d'Etat a-t-il donné son avis ? Quand seront-ils publiés ?

M. Jean Bardet.

Dans un an, dans deux ans ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Non, dans une semaine, ou dans un mois, au plus tard monsieur le député !

M. Jean-Pierre Foucher.

Pourquoi posez-vous la question, si vous avez la réponse ? Mme. la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Pour que la réponse soit dite publiquement !

Mme Odette Grzegrzulka.

Le sujet est grave, il ne justifie aucune dérision, même de la part de ceux qui ont voté contre ce dispositif ! Madame la secrétaire d'Etat, je souhaiteris que vous tordiez le cou définitivement à la rumeur selon laquelle le seuil des ressources à partir desquelles les bénéficiaires de la CMU pourront être assurés sociaux ne serait plus de 3 500 francs, contrairement à ce qu'on nous avait dit au cours du débat parlementaire, mais de 3 200 francs.

Notre plus grande préoccupation concerne les déclarations que j'ai lues récemment, toujours dans le journal patronal, Les Echos, de la part des acteurs sociaux de la CMU. Selon ce journal, les assurances, les mutuelles mais aussi la Caisse nationale d'assurance maladie osent déjà parler de gouffres financiers pour la mise en oeuvre de la CMU. Si cela était vrai d'ailleurs, cela tendrait à démontrer qu'il y avait urgence à soigner et à prévenir les maladies des plus démunis, et donc que votre loi, que les mêmes détracteurs n'ont pas souhaité voter, était nécessaire. Mais si ces derniers sont étouffés par les contradictions, ce n'est pas mon problème.

Madame la secrétaire d'Etat, confirmez-vous votre souhait de favoriser la gratuité totale de l'accès aux soins des bénéficiaires de la CMU ? Que se passera-t-il si ce que l'on appelle trivialement le « panier de soins », et qui concerne essentiellement la lunetterie et la dentisterie, ne doit pas excéder un plafond de 1 500 francs ? Votre réponse à cette question est très attendue.

Enfin, dernière question : compte tenu de l'immense besoin, reconnu par tous, d'immatriculation et de l'effort fait par le Gouvernement l'année dernière en rendant gratuites les cartes nationales d'identité - ce qui a donné lieu à des engorgements historiques de nos sous-préfectures -, je voudrais savoir quels moyens supplémentaires vous comptez donner à la CNAM pour qu'elle puisse, dans des délais aussi rapides que possible, instruire toutes les demandes de ces futurs assurés sociaux de manière à ne pas retarder le bénéfice de l'accès aux soins.

Je voterai donc avec enthousiasme et fierté ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Bardet.

On avait cru le comprendre !

Mme Odette Grzegrzulka.

Mais avant de le voter, je veux redire publiquement combien je salue la nouvelle répartition de la dotation régionale hospitalière et l'effort historique qui sera fait cette année pour la Picardie, dont l'état sanitaire laisse à désirer.

M. Jean Bardet.

Quelles bases avez-vous pour juger ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Mes bases sont les observatoires régionaux de la santé, monsieur ! Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Bravo !


page précédente page 08222page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce sont toutes les études qui ont été faites par le CREDOC, c'est ce que me disent les médecins, ce que savent les élus, ce dont témoignent les gens que nous recevons dans nos permanences.

M. Jean Bardet.

C'est une plaidoirie pro domo.

Mme Odette Grzegrzulka.

La Picardie, malheureusement, n'est pas fière de l'état sanitaire de sa population.

Il était temps que l'Etat accorde des moyens complémentaires significatifs pour qu'ils soient abondés par ceux des collectivités locales.

M. Jean Bardet.

Les copains aident les copains !

Mme Odette Grzegrzulka.

Décidément, comme l'a dit Mme la ministre dans son introduction, la sécurité sociale est un formidable édifice.

En votant cette loi, nous voterons pour la consolidation de la sécurité sociale, à laquelle je souhaite une bonne et longue vie.

Je terminerai, en disant à M. Bardet...

M. le président.

Ma chère collègue, pouvez-vous conclure définitivement ?

Mme Odette Grzegrzulka.

... que, s'il croit que le président de la région Picardie, M. Charles Baur, est le

« copain » de Mme Aubry ou le mien, alors que c'est ma fierté de l'avoir battu, il se trompe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Yves Tavernier.

Vive la Picardie !

M. Jean Bardet.

Et les Picards !

Mme Odette Grzegrzulka.

Et les Picardes ! N'oubliez pas !

M. le président.

La parole est à Mme Sylvie Andrieux,

Mme Sylvie Andrieux.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion du PLFSS est toujours un moment privilégié de la vie de notre pays, car non seulement le budget de la protection sociale s'élève à 1 800 milliards de francs, mais de plus il intervient dans la vie de chacun de nos concitoyens.

Quand on pense que, chaque année, chaque Français dépense en moyenne 4 359 francs à l'hôpital, 1 563 francs d'honoraires médicaux, 560 francs chez son généraliste, 920 francs en actes de spécialiste, 2 346 francs en médicaments, 1 148 francs en frais de clinique et 168 francs en transport, on mesure la nécessité d'une politique sociale basée sur la solidarité et une maîtrise des dépenses, non pour rationner les soins, mais pour les rationaliser en fonction des besoins.

Vous avez engagé, madame la ministre, une véritable politique d'évaluation des besoins et des pratiques,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Il était temps !

Mme Sylvie Andrieux.

... une demande d'accréditation et une demande partenariale avec les différents acteurs du système de santé. Nous pouvons sereinement en attendre des résultats porteurs.

Nous pouvons en attendre des résultats porteurs en matière d'équilibre financier, tout d'abord, puisque, pour la première fois, en 2000, non seulement l'équilibre, mais l'excédent est à notre portée, après plus de dix ans de déficits successifs, le triste record étant d'ailleurs atteint en 1995 avec 67,3 milliards de francs. N'oublions pas d'ailleurs que c'est par la recherche de l'équilibre que nous sauvons la sécurité sociale à laquelle les Français sont si attachés.

Nous pouvons en attendre des résultats porteurs en matière de santé publique, ensuite, avec la définition d'objectifs prioritaires, mais aussi d'une volonté politique de lutter contre les inégalités, qu'elles soient sociales, régionales ou sociétales.

Comment ne pas se réjouir de votre décision de maintenir à 1 600 francs l'allocation de rentrée scolaire, dont la majoration est désormais pérennisée, de la prolongation de vingt à vingt et un ans de l'âge ouvrant droit au complément familial et aux aides au logement et de la garantie d'évolution des ressources de la branche famille comme l'évolution de la richesse nationale ? Comment ne pas se réjouir encore que l'ONDAM soit cette année fixée sur les dépenses réelles de 1999 et non pas sur les objectifs précédents ? Comment ne pas se réjouir de votre volonté de défendre l'hôpital public, même si, dans ce domaine, il reste encore tant à faire ? Comment ne pas se réjouir de voir, en 2000, la mise en place de la CMU, qui apportera une vraie réponse à l'inégalité d'accès aux soins ? Je ne peux qu'adhérer à votre projet de loi, et même si les recettes dues à la croissance et à la diminution du chômage favorisent l'équilibre, il ne faut surtout pas oublier que cette reprise de la croissance et cette baisse du chômage sont le résultat d'une politique volontariste en matière d'emploi et de lutte contre les exclusions. Je souligne d'ailleurs, au titre de la solidarité, certains points forts de votre projet : une priorité pour le médico-social, afin de permettre de développer de nouvelles capacités d'accueil ; la création de places dans les maisons d'accueil spécialisées et de foyers à double tarification ; l'engagement de doter chaque département d'un centre d'action médico-social et de créer des places supplémentaires de soins infirmiers à domicile indispensables pour le maintien des personnes âgées dépendantes dans leur lieu d'habitation ; des choix de santé publique prioritaire comme la lutte contre la douleur ou l'organisation des soins palliatifs ; le développement dans les régions déficitaires des capacités d'accueil en cancérologie et en cardiologie ; la rationalisation des services d'urgence en tenant compte de l'évolution des techniques ainsi que des exigences de sécurité ; la mise en place de réseaux entre établissements, en particulier en matière de périnatalité et de cancérologie ; et l'objectif d'une politique de prévention en ce qui concerne la toxicomanie, l'alcoolisme, le suicide et la sécurité sanitaire.

Mais quelle que soit votre volonté, votre ténacité et vos engagements en faveur de la réduction des inégalités en matière de santé, madame la ministre, il n'en demeure pas moins que, pour être crédible, une politique doit être totalement lisible. Comment un allocataire peut-il percevoir l'ampleur des avancées sociales que vous proposez si les conditions d'allocations familiales, comme on l'a dit à plusieurs reprises, ne sont pas améliorées ? Ces caisses qui ne s'occupaient voilà quelques années que de la famille traitent désormais en majorité l'exclusion et la solidarité nationale. Or plus de 15 000 textes de loi régissent ces domaines et il est regrettable que leur développement et leurs difficultés d'application conduisent souvent à aggraver la détresse sociale. Il faudra rapidement prévoir des moyens supplémentaires pour faciliter l'accueil dans les caisses d'allocations familiales et très largement simplifier la législation dans le domaine de la protection sociale. De la même façon, comment peut-on se rendre compte des efforts réalisés dans l'équipement de services d'urgence lorsque l'insécurité s'y développe, comme nous venons de le constater dernièrement à Marseille ?


page précédente page 08223page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

Insécurité dans les accueils des caisses d'allocations familiales, insécurité dans les services d'urgence : autant de conséquences d'un mal sociétal auquel nous devons répondre en coordination avec le ministre de la ville si nous voulons que les allocataires ou les assurés sociaux prennent la pleine mesure des choix courageux que vous nous proposez par cette loi.

De la même façon, vos choix prioritaires dans le domaine de la prévention ne seront compris que si la population prend conscience des risques. Ma ville a le triste privilège de détenir le record de France en matière de mortalité ou de traumatismes par accidents chez les jeunes. La situation sur le plan de la toxicomanie, voire la simple survie, y est aussi très difficile.

Madame la ministre, la population pourra pleinement apprécier vos efforts pour peu qu'ils soient accompagnés d'une politique de la ville concrète et perceptible au quotidien. Je soutiens sans réserve votre projet de loi car il lutte réellement pour réduire les inégalités. Encore faut-il, pour qu'il réussisse pleinement, associer étroitement la politique de la santé et de la sécurité sociale à la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Destot.

M. Michel Destot.

Cela a déjà été dit, mais je me plais à le redire : de 1997 à 1999, le déficit de la sécurité sociale a été divisé par sept. Le projet de loi de financem ent que vous présentez aujourd'hui, madame la ministre, devrait non seulement permettre de rétablir les comptes et de retrouver l'équilibre, mais aussi de dégager un excédent de près de 2 milliards de francs. Le redressement durable des comptes ne s'opère pas pour autant au détriment de la continuité des actions de proximité et de solidarité, comme le prouvent les expériences novatrices telles que celles des centres de santé, sur lesquels je voudrais retenir quelques instants votre attention.

Les centres de santé permettent une pratique médicosociale adaptée aux besoins de proximité des populations dans la diversité de leur expression. Ils représentent un atout important pour la réduction des inégalités dans l'accès aux soins pour tous en remplissant une mission de solidarité, d'éducation à la santé et même de prévention.

Dans la seule ville de Grenoble, qui m'est chère, plus de 20 000 familles fréquentent cinq centres de santé situés dans plusieurs quartiers populaires. Avec soixantedouze employées, ces centres pratiquent un travail en réseau avec d'autres institutions médicales et sociales et assurent un rôle de cohésion sociale en direction de populations en situation de plus en plus précaire. Leur démarche permet à ces publics en difficulté de rester dans un dispositif de droit commun ou d'en retrouver le chemin de manière à ne pas aggraver la ségrégation sociale.

Leur travail de prévention à partir du soin est, d'ailleurs, particulièrement marqué dans les domaines de la lutte contre la toxicomanie ou le sida.

C'est peu de dire que la cessation de leurs activités aurait des conséquences sociales dramatiques, inenvisageables à l'heure où la loi contre les exclusions est mise en oeuvre, et au moment où la politique de la ville - cela vient d'être rappelé - s'oriente vers le développement d'actions dans le domaine de la santé.

Je me félicite donc vivement que nous discutions aujourd'hui, à l'occasion de l'article 16 du projet de loi, de la mise en place, après une longue phase de concertation, d'un dispositif conventionnel entre les centres de santé et les organismes gérant l'assurance maladie. Même si ce texte peut être amélioré - il peut toujours l'être , il constitue d'ores et déjà un résultat satisfaisant qui a obtenu l'approbation de l'ensemble des partenaires, représentants des centres de santé, élus locaux et Gouvernement.

Je ne peux donc que me réjouir des dispositions inscrites dans ce projet de loi qui reconnaît, dans le code de la santé publique, les missions spécifiques des centres de santé, notamment en matière de prévention et d'éducation pour la santé, qui limite la possibilité d'ouverture de ces centres aux seuls organismes à but non lucratif et aux collectivités locales, qui dote enfin les centres de santé d'un dispositif conventionnel reposant sur la négociation d'un accord national passé avec les organisations représentatives de ces centres et la Caisse nationale d'assurance maladie, leur permettant de bénéficier des dispositions des conventions passées avec les professionnels de la médecine de ville.

Tout cela n'empêche pas, madame la ministre, de vous suggérer de pousser davantage encore les feux, en inscrivant par exemple dans le code de la sécurité sociale le tiers payant comme principe de fonctionnement des centres de santé. C'est d'ailleurs ce que propose un judicieux amendement de la commission des affaires sociales que j'invite à l'Assemblée nationale à adopter.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Merci de votre soutien, monsieur Destot !

M. Michel Destot.

En l'absence d'accord national, il me paraît indispensable que l'existence d'un règlement conventionnel minimal soit mentionnée dans la loi.

Il y a urgence à aboutir. L'accord qui se dessine aujourd'hui évitera de mettre gravement en cause le fonctionnement de certaines structures déjà bien fragilisées. Il faudra donc, permettez-moi d'y insister, sortir les décrets d'application sans tarder après l'approbation de la loi.

Je voudrais enfin remercier tous les acteurs concernés qui ont permis d'obtenir ce beau résultat, au premier rang desquels je tenais à saluer Mme la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner cet important projet de loi de financement de la sécurité sociale. J'aimerais à cette occasion, madame la secrétaire d'Etat, appeler votre attention, ainsi que celle de cette honorable assemblée, sur plusieurs points précis, la discussion générale ayant déjà permis d'en développer largement les grandes lignes.

Tout d'abord, nous présenterons avec M. Rogemont un amendement visant à permettre à l'ensemble des pratic iens adjoints contractuels, et particulièrement aux 1 500 candidats ayant satisfait toutes les épreuves certifiant de leurs compétences et de leurs qualités, d'exercer dans le milieu hospitalier, aux postes conformes à leurs qualifications. Il est essentiel de reconsidérer le statut d'une catégorie dont le travail est unanimement reconnu comme essentiel au bon fonctionnement des hôpitaux publics. Les PAC assument, en effet, la plus grande part des services de garde de nuit dans les hôpitaux, sans avoir de repos.

Par ailleurs, dans la future loi sur la modernisation du système de santé, annoncée par le Premier ministre Lionel Jospin aux journées parlementaires de Strasbourg et par Mme la ministre, ne pourrait-on pas envisager la mise en place, dans un but d'humanisation des services, et plus particulièrement dans ceux chargés de l'accueil, de médecins référents hospitaliers par spécialité ? Il pourrait être


page précédente page 08224page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

possible de faire appel à des médecins à la retraite désireux de faire oeuvre de solidarité - j'en ai rencontré - et d'aider les personnels confrontés à la lourde tâche de l'accueil dans les hôpitaux publics.

J'espère aussi, madame la secrétaire d'Etat, que cette loi très attendue offrira l'occasion de traiter les problèmes soulevés par la prise en charge des victimes de l'hépatite C ou des autistes, auxquels je vous sais particulièrement attentive.

De même, nous connaissons tous les disparités qui existent dans le domaine de l'offre de soins, notamment dans les dispensaires anti-vénériens et les centres d'information de dépistage anonyme et gratuit, comme dans le domaine des prestations liées à la dépendance. Il conviendrait de rechercher les moyens d'harmoniser ces prestations sur l'ensemble du territoire, afin de respecter les principes inhérents à un véritable service public.

J'ai également été interpellée, comme d'autres, sur la situation des enfants et adolescents handicapés mentaux, de plus en plus fréquemment insoluble, sur le devenir des personnes handicapées mentales vieillissantes et âgées, mais cela a déjà été évoqué, et sur la réalisation des programmes pluriannuels de création de places en CAT et en MAS, sur la persistance enfin des difficultés d'intégration, comme l'a démontré l'affaire d'Air France il y a encore quelques mois.

De même restent toujours posées les questions liées à l'indemnisation des victimes d'accident du travail et de maladies professionnelles, ainsi que de leurs ayants droit, à l'assurance vieillesse et dépendance, celle de l'assiette de la CSG et, enfin, de son application aux revenus de remplacement.

Je souhaiterais enfin, non sans quelque chauvinisme, je l'avoue, revenir sur la dotation budgétaire des hôpitaux.

Ma région Midi-Pyrénées, considérée comme surdotée - tant comme l'Ile-de-France -, a connu cette année, du fait du système de péréquation, de sérieuses difficultés.

Celles-ci ont conduit à la mise en place d'un comité de défense de l'hôpital public, composé de l'ensemble des syndicats hospitaliers et autres organisations politiques. Je me suis moi-même fait l'écho, ici même, à travers une question posée le 22 juin dernier à votre prédécesseur que je salue, M. Bernard Kouchner, des conséquences de l'effondrement du taux directeur à 1,1 %. La faiblesse de la dotation en vient à mettre en cause le bon accomplissement des missions d'accueil et de soins aux malades.

Même si les établissements toulousains figurent en bonne place dans le palmarès des hôpitaux en 1998, il n'en reste pas moins que quatre-vingts emplois ont déjà été supprimés ; pour cette année, on annonce 140 nouvelles suppressions.

M. Jean Bardet.

Chacun voit midi à sa porte !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Nous avons également le devoir de nous faire les relais des difficultés de nos circonscriptions ! Le nombre de lits a été réduit alors que la demande reste inchangée. Des demandes d'hospitalisation auxquelles le service public ne pouvait répondre ont dû plus d'une fois être dirigées vers le privé.

Et puisque nous évoquons le secteur privé et le financement de la santé publique, j'aimerais que l'on parle également du problème posé par l'activité privée au sein des hôpitaux publics. Celle-ci ne devrait pas échapper à notre volonté de rationaliser et de mieux organiser les soins au sein de l'hôpital public. Il serait bon d'examiner le coût que constitue la multiplication de ces activités pour le service public qui se retrouve à mettre personnels et matériels à disposition du secteur privé, et de ne pas l'écarter de la nécessaire réorganisation du système de santé publique.

A toutes ces interrogations et ces inquiétudes, madame la secrétaire d'Etat, je souhaiterais que l'on apporte quelques éclaircissements à l'occasion de l'examen de ce projet de loi. D'avance, je vous en remercie, tout comme je salue le travail et l'énergie que vous déployez pour préserver l'équilibre de notre système de santé et de soins.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marcovitch.

M. Daniel Marcovitch.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est avec un certain plaisir que j'interviens ce jour devant vous pour innover et parler d'environnement dans le cadre du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Certes, nous aurions pu y songer depuis longtemps, considérant que bon nombre de pollutions, par le fait même qu'elles altèrent la santé de nos concitoyens, mériteraient d'être évoquées à l'occasion du budget de la sécurité sociale, ne serait-ce qu'à titre de réparation pour les dommages causés non à l'environnement, mais à nos enfants, par exemple, dont 30 % sont atteints de bronchiolite dans les villes.

Dans le cas qui nous intéresse, si la TGAP est intégrée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce n'est pas seulement en vertu du principe pollueurpayeur, mais en application d'une vision autrement plus large que vous et que nous partageons depuis longtemps.

Les cotisations sociales ne peuvent ni ne doivent être uniquement assises sur les revenus du travail ou les retraites : elles doivent couvrir un champ beaucoup plus vaste.

C'est ce que vous avez commencé à faire en élargissant dans un premier temps la CSG à tous les revenus, y compris à ceux du capital ; c'est ce que nous faisons aujourd'hui en intégrant au budget de la sécurité sociale une partie des ressources liées aux activités polluantes.

A l'opposition, qui feint de s'étonner en découvrant ce projet, rappelons que ce principe en avait été défini depuis plus d'un an sous le nom de deuxième dividende dans le but d'alléger les charges patronales. Il s'agit ainsi, à prélèvement constant, de favoriser l'embauche par les entreprises créatrices d'emplois face à celles qui portent atteinte à l'environnement et à la santé. Son rendement global est estimé à 3,2 milliards de francs. Ce nouveau type d'affectation de la TGAP présente un intérêt particulier dans la mesure où l'on ne cherche plus à asseoir la taxation sur la valeur de réparation du dommage causé, mais bien à réprimer la pollution en tant qu'élément négatif pour notre société.

En 1999, le Gouvernement franchissait une première étape dans sa volonté de mettre sur pied une véritable fiscalité écologique non directement affectée. Aujourd'hui, c'est à la seconde étape que nous passons en élargissant le c hamp d'application de la TGAP à de nouveaux domaines, dont celui de l'eau, et en l'affectant non plus au budget général de la nation, mais au budget de la sécurité sociale.

Qu'il me soit permis d'analyser devant vous certains de c es nouveaux domaines d'application de la TGAP.

Commençons par les grains minéraux naturels, les fameux granulats si souvent utilisés dans le BTP, qu'ils soient issus des lits de rivières, où leur extraction modifie le régime des eaux en accroissant les risques d'inondation, ou qu'ils soient extraits des carrières sans jamais être renouvelés. Les rentrées prévues sont de 200 millions de


page précédente page 08225page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

francs pour un taux unique de soixante centimes par tonne, quelle qu'en soit l'origine. Cela ne nous semble pas suffisamment dissuasif pour inciter, voire obliger les entreprises de BTP à utiliser les matériaux de récupération lorsque cela s'avère possible.

Les pollutions liées à l'usage des pesticides agricoles ensuite posent un problème crucial : 45 % des habitants du bassin Loire-Bretagne, par exemple, 72 % des habitants de la Bretagne doivent se satisfaire d'une eau dont la teneur en résidus de traitements phytosanitaires est supérieure au seuil de détection. Rappelons que plusieurs dizaines de produits phytosanitaires ne sont pas taxés, car classés non polluants ; voilà qui devrait inciter les agriculteurs à y recourir. Mais rien n'est moins sûr dans la mesure où on peut aisément imaginer que ceux-ci intégreront la taxe dans leurs coûts de production et donc leurs prix de vente : auquel cas, ce sera encore et toujours le consommateur qui paiera en bout de chaîne.

Certes, le montant des taxes varie selon le degré de toxicité du produit considéré. Mais la véritable dissuasion devrait venir des consommateurs eux-mêmes, pour peu qu'ils soient informés en toute transparence sur les aliments qu'ils achètent, en particulier sur la présence de produits taxés, leur catégorie et leur taux de taxation. Les lois du marché feront le reste.

Les phosphates enfin constituent la première source d'eutrophisation, c'est-à-dire d'invasion des algues dans les cours d'eau. Ils représentent le type même de la pollution domestique puisqu'ils proviennent principalement, sinon exclusivement, des lessives. Là encore, ce sont de véritables campagnes d'information qu'il faut mener auprès des consommateurs dans le choix de leurs achats.

Cela ne doit pas pour autant nous dispenser d'appliquer à ces produits une taxe proportionnelle à leur teneur en phosphore. Et le risque de voir le surcoût une fois encore répercuté sur le consommateur ne doit pas nous conduire à la vider progressivement de son contenu en abaissant inconsidérément les taux ; faute de quoi ce serait tout le système de la TGAP qui se réduirait comme peau de chagrin.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, les pollutions, d'où qu'elles viennent, sont le plus souvent les signes d'un repli sur soi et d'un mépris de l'autre. Quelle plus belle innovation pouvions-nous rêver que de voir les taxes de l'égoïsme abonder les budgets de la solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention concerne la situation de plus en plus difficile de l'hôpital public en Ile-de-France, et notamment des hôpitaux ne relevant pas de l'assistance publique, trois ans après la mise en oeuvre des premières mesures de restructuration hospitalière.

Je ne veux pas entrer ici dans une confrontation entre l'Ile-de-France et le reste du pays. Certaines régions connaissent, nous le savons, de graves difficultés, et il ne s'agit pas, dans mon esprit, d'opposer la région-capitale à la province. J'ai bien compris que la Picardie connaissait, cela a été dit tout à l'heure, de grandes difficultés.

Je ne veux pas non plus opposer Paris au reste de la région Ile-de-France, car même à l'assistance publique, il semble que des difficultés et des disparités puissent apparaître.

Cependant, je crois que nous pourrons tous nous accorder sur les réalités démographiques et sociales, et constater que la population de la capitale a tendance à stagner, et que c'est en petite et surtout en grande couronne que se concentrent la population et les besoins.

Madame la secrétaire d'Etat, je sais votre attachement à l'hôpital public. Nous avons dénoncé ensemble la vision comptable de la politique de santé du précédent gouvernement.

Mais depuis trois ans, que constatons-nous ? Par rapport à la base 1997, alors que l'ONDAM a progressé de 4,7 %, le taux d'évolution de la dotation régionale francilienne a vu sa progression s'établir à 1,02 %, soit un rapport de un à cinq. C'est dire l'importance de la contribution de l'Ile-de-France à l'effort de solidarité avec les autres régions.

Dans le même temps, les fortes disparités internes à lar égion Ile-de-France n'ont pas été corrigées. Elles commencent seulement à l'être cette année, de façon marginale.

Les résultats sur le terrain sont les suivants, et je prends, pour être précis, l'exemple du centre hospitalier dont je préside le conseil d'administration, qui est situé en grande couronne, dans le Val-d'Oise. Il correspond à un bassin de vie dont les caractéristiques sociodémographiques justifieraient des choix budgétaires différents de ceux qui ont été faits.

Pour l'année 1999, alors que l'ONDAM progressait de 2,6 %, les hôpitaux de l'assistance publique connaissaient une progression de 1 %, les autres établissements de l'Ilede-France une progression de 1,3 % et l'hôpital de Gonesse de seulement 0,67 %.

L a valeur du point ISA régional est passé de 17,67 francs, à 14,48 francs entre 1996 et 1998. A Gonesse, le point ISA a régressé fortement, passant de 17,05 francs à 14,07 francs.

J'aurais pu prendre comme autre exemple, dans le Vald'Oise, le centre hospitalier d'Argenteuil, situé au coeur d'un grand projet urbain et qui attend depuis de nombreuses années la possibilité de réaliser l'extension du service des urgences. Je partage l'avis de Mme Sylvie Andrieux qu'il faut que la politique de la santé et la politique de la ville se rejoignent, pour favoriser les quartiers, les villes et les banlieues qui en ont le plus grand besoin.

Dans le même temps, le schéma régional d'organisation sanitaire de l'Ile-de-France 1999-2004, le SROS II, détermine les objectifs à atteindre pour les cinq années à venir, qui traduisent une ambition nécessaire pour le système hospitalier francilien.

Si des économies et des restructurations ont pu être réalisées, aujourd'hui, l'importance de la redistribution des crédits de l'Ile-de-France vers la province - 1,5 milliard de francs en trois ans - ne peut plus continuer à ce rythme. Les suppressions et gels d'emplois réellement constatés, et tels qu'ils résultent de l'étude des bilans sociaux sont déjà de 3 500 personnes.

Si peu de grèves sont constatées aujourd'hui, le découragement et l'absentéisme augmentent. La pénibilité du travail s'est accrue et c'est la qualité du service public qui risque d'être mise en cause.

On ne peut plus demander à l'Ile-de-France, et en particulier aux hôpitaux hors assistance publique, à la fois de poursuivre leur contribution à la solidarité extra-régionale, d'appliquer le SROS II, de restructurer avec des moyens budgétaires insuffisants et de faire face à leur propre déficit en équipement de psychiatrie et en soins de suite. Les


page précédente page 08226page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

s eules variables d'ajustement dans un budget d'exploitation hospitalier, qui comprend 71 % de personnels, sont l'emploi d'une part, les fermetures et les transferts d'activités d'autre part.

Madame la secrétaire d'Etat, tout cela a été fait.

Aujourd'hui, il est indispensable pour l'Ile-de-France de décider à la fois d'une pause dans le processus de péréquation nationale, de mettre en oeuvre un réel redéploiement entre le centre et la périphérie de la région Ile-deFrance et de donner aux établissements la visibilité nécessaire en favorisant la signature, avec l'agence régionale, de contrats d'objectifs et de moyens, permettant la mise en oeuvre du SROS II.

Dans son intervention, Mme Aubry a annoncé, et cela pour la première fois, la fourchette des dotations régionalisées. Pour l'Ile-de-France le taux de 1,25 % pour 2000 n'est que légèrement supérieur à celui de 1999. Il ne peut, en aucun cas, permettre de répondre à la double nécessité dont je viens de parler. Selon certaines estimations, il eût fallu un taux de 2,31 %. On est loin du compte ! Vous allez me répondre que la solution est dans la réduction des inégalités infra-régionales. Oui très certaine ment ; mais comment allez-vous faire sachant qu'en 1999, avec 1,17 % de progression pour l'Ile-de-France, l'écart entre l'assistance publique et l'UHRIF a seulement été de 0,3 point ? Il faudra pour 2000 que cet écart soit n ettement supérieur pour permettre le rééquilibrage attendu, et que vous souhaitez entre le centre et la périphérie, en faveur des banlieues.

Madame la secrétaire d'Etat, on ne peut demander aux députés de voter un ONDAM quelque peu opaque puisque le législateur n'a ensuite aucun contrôle ni sur la péréquation des enveloppes, ni sur les choix qui seront faits en matière de répartition régionale s'agissant de l'enveloppe de l'hôpital public, ni enfin sur les choix opérés par les directeurs des agences régionales. Le député vote l'ONDAM et peut se retrouver ensuite, à la table de son conseil d'administration, avec un taux qui n'a plus rien à voir avec ce qu'il a voté à l'Assemblée nationale.

M. Jean Bardet.

Seriez-vous passé dans l'opposition ?

M. Jean-Pierre Blazy.

Je vous demande donc, madame la secrétaire d'Etat, plus de transparence.

M. Jean Bardet.

Il y a de très bonne choses dans votre intervention, monsieur Blazy !

M. Jean-Pierre Blazy.

Monsieur Bardet, c'est M. Juppé qui a créé le dispositif !

M. Jean Bardet.

Je vous faisais un compliment !

M. Jean-Pierre Blazy.

Aujourd'hui, précisément, le moment est venu de donner plus de transparence au dispositif de l'ONDAM. Certes, je le reconnais, un pas vient d'être fait dans ce sens. Mais il convient désormais d'apporter les aménagements nécessaires pour y parvenir.

En dépit des risques d'inconstitutionnalité qui pourraient ê tre soulevés, la réflexion ne pourrait-elle pas être conduite dans le cadre du projet de loi consacré à la santé et aux droits des malades que le Gouvernement présentera au début de l'année prochaine ?

M. le président.

Mon cher collègue, veuillez conclure !

M. Jean-Pierre Blazy.

En Ile-de-France comme en province, des besoins et une attente considérable émanent de la population, des médecins et des personnels sur le terrain. Je vous remercie des réponses précises, politiques et budgétaires, que vous pourrez leur apporter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Odette Turpin.

Mme Odette Trupin.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, j'interviens dans ce débat au nom des députés du groupe de travail « développement rural », au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, sur le devenir des hôpitaux publics sur les territoires que l'on qualifie parfois péjorativement de « ruraux », ou des « hôpitaux de proximité ».

Ce pourrait être un plaidoyer pro domo , même si je veux m'en défendre. Je crois ici prendre la parole au nom de tous ceux qui vivent loin des CHU, loin des pôles d'excellence, loin des universitaires, probablement au bout du monde.

Le problème est qu'il y a encore du monde dans ces zones rurales et que ces personnes-là exigent naturellement de bénéficier de la même qualité de soins dans les délais opportuns - ce qu'exige cette « démocratie sanitaire » dont parlait hier Mme Aubry.

Mais cette exigence d'un service hospitalier sur tous les points du territoire ne fait pas bon ménage avec les rigueurs budgétaires.

Je sais, madame la secrétaire d'Etat, quelles difficultés vous devez affronter pour rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale, calmer les appétits des uns et apaiser les craintes des autres. Mais je sais aussi les inquiétudes provoquées par les déperditions verticales entre l'ONDAM à 2,4 % et le 1 % pour les hôpitaux sur le terrain. Il y a bien des raisons objectives liées à des particularismes locaux, à des manques d'ambition sur les contrats d'objectifs et de moyens ou à de l'insuffisance des moyens délivrés par les agences régionales d'hospitalisation.

Tout le monde s'accorde à estimer que l'être humain doit « être au coeur » du dispositif sanitaire. Pour les décideurs, être au coeur, cela veut dire la mise en réseau au profit des plateaux techniques élaborés selon des cartes médico-géographiques. Pour les patients de zones excentrées, être au coeur du dispositif signifie pouvoir disposer d'un service de proximité, avec l'insouciance non praticienne de quelqu'un qui ne trouve pas indispensable d'exiger un scanner, mais juge confortable de trouver un lit de court séjour non loin de chez soi et plus important, de bénéficier d'un service d'urgence proche de l'accident dans un secteur où il ne faut surtout pas confondre nombre de kilomètres et temps de trajet.

Pourtant, nombre d'habitants de ces zones sensibles et nombre de personnels hospitaliers ont l'impression - c'est du moins ce qu'ils viennent nous dire dans nos permanences - que les mises en réseau risquent de cacher des coupes sombres réglées par les tutelles. Et, là, les contraintes financières ne sont jamais loin.

Nous pensons qu'il est indispensable de tenir compte de l'aménagement du territoire et de l'emploi lorsque l'on parle de santé et de sécurité. Confrontés à ce problème dans les zones rurales, nous avons eu souvent l'impression et l'occasion de dire publiquement qu'aménagement du territoire et emploi ne pèsent pas suffisamment dans l'organisation des soins.

Il ne serait pas acceptable que les tutelles ne tiennent pas compte de ces éléments. Ce serait, madame la secrétaire d'Etat, au-delà des contingences financières, une volonté politique d'équilibrer des soins de qualité sur l'ensemble du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Françoise Imbert.


page précédente page 08227page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

M me Françoise Imbert.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, chers collègues, le Premier ministre, dans son discours d'ouverture de la conférence de la famille, en juillet dernier, a bien précisé comment il concevait la politique familiale : répondre aux besoins des familles, c'est-à-dire faciliter leur vie, en particulier l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle et l'accès au logement, apporter un appui aux parents dans l'exercice de leur fonction de parents.

L'accueil des jeunes enfants constitue une préoccupation majeure pour les familles. Le développement de l'activité des femmes - 80 % d'entre elles entre vingtcinq et cinquante ans sont actives - crée une situation nouvelle. L'engagement des femmes dans une activité professionnelle salariée est maintenant irréversible. Elle constitue un fait majoritaire obligeant à penser la famille autrement.

De ce point de vue, et on peut s'en réjouir, madame la secrétaire d'Etat, la politique familiale et la politique d'égalité professionnelle se rejoignent.

La moitié des jeunes enfants, de la naissance à trois ans, sont gardés par un parent au foyer, et il faut le dire, le plus souvent par la mère. Parmi ces familles, plus de 50 % bénéficient de l'allocation parentale d'éducation à partir du deuxième enfant. Mais cette allocation n'est-elle pas parfois la réponse à un manque de places dans des structures de garde collective ou familiale ? Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Bien sûr !

Mme Françoise Imbert.

Un tiers des bénéficiaires de cette aide se trouve au chômage avant de la percevoir et, ensuite, rencontrent des difficultés pour trouver un travail. Il importe donc d'offrir à ces personnes une formation qualifiante quand elles désirent travailler ou retravailler. Le Gouvernement a engagé à cet égard un effort particulier, et je m'en réjouis.

Entre les congés de maternité - dix semaines après la naissance quand on a un ou deux enfants, c'est bien court ! - et l'APE qui, trop souvent, éloigne du marché du travail durant trois ans, ne faut-il pas réfléchir à des formules intermédiaires qui, à la fois, reconnaîtraient le temps d'accueil de l'enfant et favoriseraient la reprise d'activité professionnelle ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteur.

Très bien !

Mme Françoise Imbert.

Cette question ne concerne pas seulement la mère. L'accueil de l'enfant, c'est aussi le problème du père : les trois jours de congés légaux inscrits dans le code du travail suffisent-ils ? Madame la secrétaire d'Etat, dans cette réflexion, n'oublions pas les artisans, les commerçants, les professions libérales qui n'ont pas les mêmes conditions d'accès au congé de maternité.

Faciliter la vie quotidienne des familles, cela implique aussi de développer et de diversifier les modes de garde des jeunes enfants tout en respectant le choix des parents.

On ne peut que se féliciter, à cet égard, dans le budget 2000, de l'augmentation de 700 millions de francs du fonds national d'action sociale de la Caisse nationale des allocations familiales. Il me paraît primordial que cette augmentation puisse permettre, en particulier aux collectivités locales les moins riches de développer leurs capacités d'accueil des jeunes enfants.

Depuis quelques années - et le dernier recensement le confirme - des communes périurbaines voient leur population se développer, sans pouvoir, pour autant, offrir aux jeunes ménages des solutions de garde satisfaisantes en nombre et répondant aux besoins réels.

Au-delà de ce qui est fait cette année, nous attendons beaucoup du travail de remise à plat des aides à la petite enfance que le Premier ministre a demandé au délégué interministériel de la famille. Ce sera, j'en suis sûre, l'occasion d'avancer pour mieux articuler les temps familiaux et les temps professionnels, développer les services, mettre de la cohérence dans les financements de l'Etat, des caisses d'allocations familiales et des collectivités locales vis-à-vis des différents modes de garde.

Il sera nécessaire aussi de lier l'effort demandé aux familles à leurs capacités contributives et au temps d'utilisation d'un mode de garde. Nous en verrons, je pense, la concrétisation lors du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin, la réduction du temps de travail et le travail à temps partiel choisi permettront, je le souhaite, aux salariés et aux responsables d'entreprises de définir, ensemble, des systèmes de gestion du temps de travail favorables à une meilleure organisation du temps de vie. En effet, la famille est la cellule indispensable à l'équilibre et à la construction de la cohésion sociale. Nous devons tout faire pour accompagner ses mutations et la conforter dans son rôle irremplaçable.

Je sais, madame la secrétaire d'Etat, que nous sommes sur le bon chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Tavernier, dernier orateur inscrit.

M. Yves Tavernier.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est bien ingrat d'être le dernier intervenant après un aussi long débat ! Madame la secrétaire d'Etat, vous avez fait de l'égalité dans l'accès aux soins l'une des priorités de la politique hospitalière. J'approuve pleinement cet objectif. L'hôpital, en effet, doit être un élément essentiel de la démocratie sociale.

Si je soutiens l'exigence de solidarité interrégionale, je m'interroge et je veux vous interroger sur les modalités de sa mise en oeuvre. Ainsi, l'application de ce principe a fait subir aux hôpitaux de l'Ile-de-France, ces trois dernières années, une saignée budgétaire de plus de 1,5 milliard de francs, soit l'équivalent de 7 000 emplois ou encore la disparition de trois gros centres hospitaliers. Une telle ponction provoque nécessairement des traumatismes sur l'organisme qui la subit.

Pour remplir sa mission de service public, l'hôpital a besoin d'être compris, aidé, soutenu. Il ne peut croire en son destin que si l'Etat croit en lui. C'est pourquoi il est de mon devoir de vous dire que la situation matérielle et morale d'un certain nombre d'établissements pose désormais un problème crucial.

Je dois attirer votre attention sur le grand écart auquel les hôpitaux de la couronne parisienne sont condamnés : répondre au double objectif d'amélioration des normes de sécurité et d'avancée statutaire légitime pour le personnel, avec des moyens financiers en réduction.

Les chefs d'établissement et les conseils d'administration soumis à un tel exercice ont pour seule issue le gel des postes et le non-remplacement des personnes en arrêts de maladie.


page précédente page 08228

ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1999

L'outil de mesures retenu pour imposer les redéploiements, le PMSI, a ses avantages, mais il a aussi ses limites. Il minimise le contexte social dans lequel s'inscrit l'hôpital. Il ne prend pas suffisamment en compte la spécificité de l'Ile-de-France, région où les missions de l'hôpital public sont aux confins du sanitaire et du social.

Nous espérions une pause. Elle n'est pas au rendezvous. La situation est d'autant plus préoccupante que les disparités au sein de l'Ile-de-France sont au moins aussi grandes que celles qui existent entre l'Ile-de-France et la province. Les hôpitaux les plus touchés sont ceux de la banlieue, ceux des villes qui ont le plus de problèmes et le moins de moyens. Ainsi, celui dont je préside le conseil d'administration, à Dourdan, a un point ISA nettement inférieur à la moyenne nationale, et il continue pourtant à subir une réduction dramatique de ses moyens.

L'Ile-de-France, vous le savez, est dans une situation d'autant plus délicate qu'une partie de ses hôpitaux relèvent du statut dérogatoire de l'Assistance publique.

Ne serait-il pas légitime, madame la secrétaire d'Etat, que cette région qui regroupe plus du sixième de la population française soit traitée en deux entités différentes dans le cadre des dotations régionalisées, l'une pour les hôpitaux qui relèvent de l'Union régionale d'Ile-de-France - situés pour l'essentiel dans la grande banlieue - et l'autre pour ceux qui relèvent de l'Assistance publique Hôpitaux de Paris ? Je vous soumets cette suggestion dans un souci de clarté et de transparence.

Je veux enfin appeler votre attention sur le développement du secteur lucratif en région parisienne. Ne connaissant pas les mêmes contraintes, il s'épanouit au détriment du service public. On assiste à un remarquable développement des cliniques privées, par disparition des plus petites et sous l'égide des grands groupes financiers.

Si nous n'y prenons garde, elles contrôleront bientôt les secteurs les plus lucratifs : la chirurgie, la cardiologie ou la cancérologie. Si nous continuons ainsi, il restera au secteur public tout ce qui, dans le domaine sanitaire, relève du social.

Madame la secrétaire d'Etat, je suis pleinement solidaire de la politique sociale que vous conduisez. Mais en ma qualité de président de l'Union hospitalière de l'Ilede-France, qui représente 150 hôpitaux et établissements médico-sociaux, il est aussi de mon devoir d'attirer votre attention sur la nécessité de donner aux hôpitaux les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés par le schéma régional de l'organisation sanitaire, deuxième génération. Les moyens qui nous sont donnés actuellement et ceux qui sont prévus ne permettront pas la mise en oeuvre du SROS II. Il est de ma responsabilité de vous le dire. La région parisienne, c'est aussi 9 millions de banlieusards. Je demande avec insistance, vous l'avez compris, que les exigences de solidarité et d'équité s'appliquent pleinement à l'ensemble de l'Ilede-France. Je compte sur vous.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La suite de la discusion du projet de loi de financement de la sécurité sociale est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion du projet de loi, no 1835, de financement de la sécurité sociale pour 2000.

MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1876, tomes I à V), M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis no 1873).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT