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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Questions au Gouvernement (p. 8719).

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE (p. 8719)

M. Pascal Clément, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE (p. 8720)

MM. Roland Garrigues, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

FISCALITÉ DES ASSOCIATIONS (p. 8721)

M M. Gilbert Maurer, Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

ANCIENS COMBATTANTS (p. 8722)

MM. Alain Néri, Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.

TÉLÉPHONES PORTABLES (p. 8722)

M. Gabriel Montcharmont, Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE (p. 8723)

MM. Félix Leyzour, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

MNEF (p. 8724)

MM. Patrick Ollier, Lionel Jospin, Premier ministre.

MUTATION D'UN MAGISTRAT (p. 8725)

M. Michel Hunault, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE (p. 8726)

MM. Eric Doligé, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

ALSTOM (p. 8727)

Mme Gilberte Marin-Moskovitz, M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

AGENCE FRANCE-PRESSE (p. 8727)

M. Noël Mamère, Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE (p. 8728)

M. Rudy Salles, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Suspension et reprise de la séance (p. 8729)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET

2. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8729).

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT ET DÉCENTRALISATION M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois.

MM. Dominique Paillé, Gilles Carrez, Patrice Carvalho, Mme Claudine Ledoux,

M.

Dominique Bussereau.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Réponses de M. le ministre aux questions de : MM. Maurice Ligot, Eric Doligé, Bernard Schreiner.

Les crédits de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation seront appelés après l'examen des crédits de la communication.

APRE S L'ARTICLE 72 (p. 8749)

A mendement no 57 corrigé de M. de Courson : MM. Charles de Courson, Jean-Paul Fuchs, suppléant M. Jean Vila, rapporteur spécial ; le ministre, René Dosière. - Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Convocation du Parlement en congrès (p. 8752).

DÉCRET DU 2 NOVEMBRE 1999 TENDANT À SOUMETTRE DEUX

PROJETS DE LOI CONSTITUTIONNELLE AU PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS

4. Cumul des mandats. Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 8754).

5. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8754).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE

M. le président.

La parole est à M. Pascal Clément.

M. Pascal Clément.

Madame la garde des sceaux, depuis deux ans et demi que vous êtes au Gouvernement, vous vous faites le champion de la morale, de la transparence et de l'indépendance de la justice (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants), à tel point, du reste, que vous souhaitez sceller cette attitude et cette volonté politique par une réforme de la Constitution qui prévoit l'indépendance des magistrats du parquet.

Vous y tenez d'ailleurs tellement que personne n'ignore en France qu'à la suite de votre insistance et de celle du Premier ministre auprès de M. le Président de la République, nous serons réunis au mois de janvier pour une réforme de la Constitution.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il était temps !

M. Pascal Clément.

On peut se demander si cette réforme n'a pas été brutalement menacée à la fois par le comportement d'un certain nombre de magistrats et par vos déclarations d'hier. Vous n'ignorez pas qu'un grand nombre de parlementaires, que ce soit ici même ou dans la Haute Assemblée, n'ont voté l'indépendance du parquet que du bout des lèvres, si je peux m'exprimer ainsi (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), et ce qui vient de se passer ne les incite pas à confirmer ce vote.

Hier, à notre collègue Henri Plagnol, vous avez répondu - et j'admire votre culot - que Mme Anne-José Fulgeras, chef de section des affaires financières du parquet de Paris, qui a été brutalement dessaisie de ses responsabilités, souhaitait une mobilité professionnelle, dont vous avez vanté les mérites. Or, ce matin, la presse nous apprend qu'elle est profondément affectée, troublée de cette sanction.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il faut lui donner du Prozac !

M. Didier Boulaud.

Ce n'est pas la presse, c'est Le Figaro !

M. Pascal Clément.

Pour parler comme l'un de mes électeurs qui m'a appelé à ce sujet au téléphone, elle a é té proprement virée. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Un peu de silence !

M. Pascal Clément.

Comment peut-on parler d'indépendance de la justice, alors que vous avez fait nommer un procureur ami, ancien directeur de cabinet du garde des sceaux Henri Nallet, qui, d'une seconde à l'autre, peut dessaisir l'un des responsables qui a l'une des tâches les plus difficiles, délicates qu'il y ait en France au niveau de la justice et que, jusqu'à preuve du contraire, Mme Fulgeras n'a aucune affectation ? On ne parle pas de mobilité, elle n'a rien à faire. A-t-on déjà vu un tel précédent ? Plusieurs députés du groupe socialiste.

Oui !

M. Pascal Clément.

A ma connaissance, nous n'en avons jamais vu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme Fulgeras est aujourd'hui l'illustration de l'interventionnisme politique dont, à travers vos proches, vous êtes capable de faire preuve au niveau du ministère de la justice, tout cela en vous habillant du plus bel apanage de la vertu et de la morale.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Clément.

M. Pascal Clément.

Je pense, madame la garde des sceaux, que le voile de l'hypocrisie se déchire.

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Pascal Clément.

Vous voulez une indépendance formelle, une indépendance hypocrite du parquet, et vous comptez sur vos procureurs, très solidement tenus, pour faire le ménage quand il le faut. Le départ de Mme Fulgeras tombait tout de même bien à pic, au coeur même de l'affaire de la MNEF, qui concerne tant de vos amis politiques ! Ma question est simple : comment pouvez-vous mettre en accord vos déclarations et vos actes ? Il y va de la crédibilité de votre gouvernement sur un sujet aussi sensible, celui de la morale, qui, jusqu'à preuve du contraire, soutenait politiquement le gouvernement de M. Jospin auquel vous appartenez. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur de nomb reux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Madame la garde des sceaux, M. Clément ayant utilisé presque tout le temps de parole dont dispose son groupe, il va vous falloir répondre brièvement, comme vous savez le faire.

Vous avez la parole.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Je serai brève, en effet.

D'abord, monsieur Clément, cela fait un an que la réorganisation du parquet de Paris est en cours, et celle-ci a même fait l'objet d'une conférence de presse au mois de mai dernier.

Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

Et alors ?

Mme la garde des sceaux.

L'objectif de cette réorganisation, dont j'ai approuvé les principes, est de faire en sorte qu'il n'y ait pas seulement des sections verticales au parquet de Paris mais également des sections...

M. Jean-Louis Debré.

Horizontales ! Couchées !

Mme la garde des sceaux.

... territoriales, pour que le parquet de Paris soit mieux articulé avec la police judiciaire qui vient de territorialiser ses actions. Si nous voulons être plus efficaces dans la lutte contre la délinquance, qui empoisonne la vie quotidienne de nos concitoyens, il faut que le parquet de Paris, en liaison avec la police judiciaire, soit plus efficace dans son action de terrain.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

En vertu de cette réforme dont j'ai approuvé les principes, ont eu lieu des changements de personnes que je n'avais pas à approuver puisque c'est la responsabilité du chef de juridiction, je l'ai dit hier. (Exclamations sur plu-s ieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vingt magistrats ont quitté le parquet de Paris.

Sur onze chefs de section, quatre ont changé. Cette réforme s'est faite en concertation avec les personnels concernés (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et toutes les personnes qui changent d'affectation recevront, bien entendu, des propositions correspondant à leurs talents. L'on me dit d'ailleurs que quatre d'entre elles, depuis le mois de mai dernier, se sont mises en disponibilité pour assurer des fonctions dans le secteur privé. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Par ailleurs, vous n'êtes certainement pas le mieux placé pour parler de la réforme de la justice et de la réforme constitutionnelle. Le groupe Démocratie libérale est, en effet, le seul groupe de l'Assemblée qui ait voté contre la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert),...

M. Jacques Blanc.

Eh oui !

Mme la garde des sceaux.

... contre cette réforme voulue par le Président de la République, et que les autres groupes de l'opposition se sont bien gardés de désapprouver.

M. Jacques Godfrain.

C'est faux !

Mme la garde des sceaux.

Quant à savoir s'il y a eu un précédent, je vous signale que le directeur de cabinet d e mon prédécesseur, M. Toubon, a été nommé directement, sans même un sas de quelques années, à l'un des plus hauts postes de la magistrature en France et qu'il occupe toujours ce poste. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) En réalité, vous êtes tout simplement embarrassés. Le ministre des finances a démissionné parce qu'il était mis en cause par la justice, et cette décision l'honore. Vous ne savez pas comment attaquer le Gouvernement, qui respecte l'impartialité de la justice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), et vous vous rabattez sur de petites manoeuvres qui n'abuseront aucun de ceux qui nous écoutent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe socialiste.

EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. le président.

La parole est à M. Roland Garrigues.

M. Roland Garrigues.

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, Jean Glavany.

(Exclamations sur d ivers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mes chers collègues, la démission d'un ministre n'est pas un acte contraire à la morale, que je sache.

Depuis quelques jours, monsieur le ministre, la presse anglaise appelle à boycotter les produits français pour protester contre le refus de notre pays de lever l'embargo sur le boeuf britannique.

Cette campagne prend chaque jour plus d'ampleur et ses effets se font déjà ressentir. Plusieurs chaînes de supermarchés ont annoncé le boycott de tous les produits emblématiques tels que le vin, le fromage, le pain, mais aussi de tous les fruits assortis de l'étiquette made in France

Il faut rappeler que le Royaume-Uni est le quatrième client de l'agroalimentaire français. L'ensemble des exportations agroalimentaires vers le Royaume-Uni ont représenté 25,4 milliards de francs en 1998, en augmentation de 5,6 % par rapport à l'année précédente. Les producteurs de pommes sont préoccupés par cette situation, la conjoncture sur le marché leur étant déjà particulièrement défavorable. Une guerre commerciale entre les deux pays serait lourde de conséquences.

Après le rejet, vendredi dernier, par les scientifiques européens des arguments justifiant le refus de la France de lever l'embargo, notre pays doit-il redéfinir sa position ? Vous avez rencontré hier votre homologue britannique, Nick Brown. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez décidé ensemble ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je me suis effectivement rendu hier soir à Bruxelles avec ma collègue Dominique Gillot,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

secrétaire d'Etat à la santé, pour rencontrer le commissaire européen M. David Byrne, et le ministre anglais de l'agriculture, M. Nick Brown.

Nous sommes allés leur expliquer tranquillement, sereinement, que la France n'était guidée depuis le début que par des considérations de santé publique et que seules celles-ci guideraient notre action.

Nous avons donc dit aux représentants du gouvernement britannique que nous ne comprenions pas l'ire dont avait été l'objet la France, ni les menaces de boycott, d'autant plus que nous ne sommes pas les seuls à maintenir cet embargo. L'Allemagne fait de même. Au total, quarante-sept pays l'ont maintenu, dont les Etats-Unis, le meilleur ami de l'Angleterre, l'Australie et de nombreux pays du Commonwealth.

Autant nous ne comprenons pas cette colère, leur a vons-nous expliqué, autant nous sommes prêts à comprendre, ô combien ! les difficultés dans lesquelles sont plongés le Gouvernement et les éleveurs bovins britanniques qui, depuis des années, vivent avec cette crise qui les a obligés à dépenser des milliards de livres et à abattre des millions de bovins.

Nous leur avons dit que la France était tout à fait disposée à rechercher une issue positive à cette crise sur la base de préoccupations de santé publique, et nous avons donc proposé que des discussions s'ouvrent dès cette semaine sur un certain nombre de points délicats - traçabilité des cheptels, mise en place de tests, mise en oeuvre de contrôles plus fréquents et plus rigoureux, traçabilité des produits dérivés de viande bovine fabriqués en Angleterre et étiquetage - pour rapprocher nos points de vue et essayer d'obtenir de meilleures garanties de façon que nous puissions lever l'embargo.

La France, je le répète, n'a pas souhaité cette crise, elle ne s'y complaît pas et souhaite en sortir le plus vite possible, nous le disons à nos amis britanniques, mais elle ne peut pas le faire à n'importe quel prix, et notamment pas au détriment de la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

FISCALITÉ DES ASSOCIATIONS

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Maurer.

M. Gilbert Maurer.

Ma question s'adresse à M. Christian Sautter, ministre de l'économie et des finances.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Monsieur le ministre, il y a quelques mois, j'ai appelé votre attention sur le projet de fiscalisation des associations. Je suis convaincu du bien-fondé de cette mesure pour contrôler les activités commerciales de certains clubs, activités qui, par leur ampleur, n'ont plus rien d'associatif. Pour les associations plus petites, nous nous interrogeons sur la somme de 250 000 francs au-delà de laquelle elles risquent d'être fiscalisées, surtout si c'est le chiffre d'affaires qui doit être pris en compte. Ce montant est atteint par de nombreux petits clubs, sportifs, culturels, ou autres.

Ces associations respectent la loi. Elles sont véritablement à but non lucratif et reposent sur le bénévolat.

Leurs activités comme l'organisation de kermesses ou de soirées culturelles ou récréatives ou la vente de calend riers servent à assurer leur fonctionnement et garantissent l'animation des petites communes ou des quartiers urbains. Ne risquent-elles pas, selon le principe énoncé dans l'instruction du 15 septembre 1998, d'être considérées comme faisant concurrence à des sociétés privées et donc d'être assujetties à l'impôt ? Si tel était le cas, le seuil de 250 000 francs n'est-il pas trop bas ? De telles mesures appliquées aveuglément signifieraient le désengagement des bénévoles et, à terme, la fragilisation et la disparition des associations à but non lucratif alors que la vie de ces clubs est un gage de dynamisme pour les collectivités, en particulier en milieu rural, et un gage de la cohésion sociale en général.

Le monde associatif est inquiet. Pouvez-vous le rassurer ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le député, vous attirez l'attention du Gouvernement sur le rôle essentiel du monde associatif pour rendre notre société plus humaine, aussi bien en ville qu'en milieu rural.

Lorsque le Gouvernement a été formé en 1997, nous avons trouvé un milieu associatif perturbé par des contrôles fiscaux (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste) qui tombaient apparemment au hasard et qui étaient dus au fait que la loi de 1901 méritait d'être actualisée.

Le Premier ministre a confié un rapport à un auditeur du Conseil d'Etat, des assises nationales de la vie associative se sont réunies, et je pense que le principe fondamental de la loi de 1901, c'est-à-dire que les associations à but non lucratif sont exonérées d'impôts commerciaux sauf lorsqu'elles entrent en concurrence avec des entreprises, a été clairement affirmé.

Certaines associations, et pas seulement en milieu rural, organisent des kermesses ou des buvettes pour permettre, par exemple, à une équipe de sports de se déplacer.

Lors de l'examen du projet de loi de finances, la majorité d'entre vous, heureusement, a adopté deux dispositions en faveur des associations.

D'abord, lorsque les activités commerciales accessoires ne dépassent pas 250 000 francs - non pas l'activité d'ensemble de l'association mais uniquement la partie commerciale qui fait vivre l'association (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert), c'est un point important -, il n'y a pas d'imposition, alors que, dans le système antérieur, elles étaient frappées au premier franc.

Par ailleurs, à la demande de la majorité, vous avez allégé la taxe sur les salaires qui pèse sur les associations.

Ce sont, me semble-t-il, deux messages très positifs que le Parlement et le Gouvernement ont adressés au monde associatif qui, avec ses 700 000 associations, 1,3 million de salariés, 9 millions de bénévoles, est au coeur de notre modèle de société.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ANCIENS COMBATTANTS

M. le président.

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Cette année, monsieur le secrétaire d'Etat, deux événements majeurs ont marqué le monde combattant.

M. Charles Cova.

La diminution du budget !

M. Alain Néri.

Tout d'abord, votre secrétariat d'Etat a été rattaché au ministère de la défense.

Vous connaissez l'attachement des anciens combattants à leur département ministériel. Certains ont d'ailleurs manifesté quelques inquiétudes quant à sa pérennité.

Aujourd'hui, ces inquiétudes semblent apaisées, mais pouvez-vous nous confirmer que les anciens combattants continueront à bénéficier au Gouvernement d'un interlocuteur particulier et d'un budget autonome qui permettront de poursuivre la mise en oeuvre de l'imprescriptible droit à réparation et le devoir de mémoire et qui privilégieront l'ONAC et ses services de proximité dans nos départements.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale tout d'abord, le 10 juin, le Sénat ensuite, le 5 octobre, ont adopté à l'unanimité la proposition de loi qui reconnaît enfin officiellement la guerre d'Algérie, rétablissant ainsi la vérité historique.

Cette loi rend ainsi justice à toute une génération - la troisième génération du feu - et rétablit l'unité du monde combattant.

Aujourd'hui, on envisage d'ériger un mémorial national de la guerre d'Algérie. De la sorte, nous allons rendre hommage aux anciens combattants de la guerre d'Algérie, qui ont fait leur devoir à l'appel du pays, et plus particulièrement, à ceux qui, malheureusement, n'en sont pas revenus.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous faire le point sur ce dossier et, en particulier, nous indiquer le lieu précis où il est envisagé de construire ce mémorial national (« A Marseille ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République), lieu qui doit être hautement symbolique ? Pouvons-nous espérer qu'il soit réalisé en 2002, date du quarantième anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.

M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense, chargé des anciens combattants.

Monsieur le député, votre question est double.

D'abord, en ce qui concerne le rattachement du secrétariat d'Etat des anciens combattants au ministère de la défense, il s'est fait en concertation étroite avec le monde combattant. Il s'agissait tout simplement de créer une structure administrative capable de gérer dans la durée les intérêts moraux et matériels du monde combattant. Cela s'est fait, je le répète, en étroite concertation avec le monde combattant, avec son acceptation et sa participation, selon des conditions que vous avez évoquées.

Un membre du Gouvernement est responsable de cette question : c'est moi. C'est mon boulot, si vous me permettez cette expression.

Comme vous le verrez ce soir, le droit à réparation du monde combattant est intégralement respecté dans le budget pour 2000, comme il l'a été dans le budget de 1999 et comme il le sera dans les prochains budgets. Il y a un budget autonome.

J'en profite pour dire à l'opposition que la concertation de ce gouvernement avec le monde combattant est bien meilleure qu'elle ne l'était dans le passé.

(« Non ! », sur les

bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Nous allons continuer dans cette voie, je vous le garantis. Vous le constaterez ce soir au moment de l'examen du budget des anciens combattants.

J'en viens à la deuxième partie de votre question, laquelle est relative au mémorial et au devoir de mémoire que nous devons tous à l'endroit de celles et de ceux qui ont répondu à l'appel de la nation au moment de la guerre d'Algérie.

L'Assemblée nationale et le Sénat ont voté à l'unanimité la proposition de loi reconnaissant officiellement la guerre d'Algérie. C'était une nécessité pour notre pays de regarder cette période de notre histoire avec toute la lucidité nécessaire.

Vous avez parlé d'un mémorial national.

(« A Marseille ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Il vous sera proposé ce soir d'en voter les crédits d'études. Je souhaite que ce mémorial soit érigé dans la capitale.

M. Renaud Muselier.

Non ! A Marseille ! Sa place n'est pas à Paris !

M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants.

Nous avons entamé des discussions avec la ville de Paris, celle-ci se déroulent bien. J'espère que nous pourrons inaugurer ce mémorial en 2002. Ce sera le témoignage de la reconnaissance de la nation envers cette génération qui mérite autant que les autres le respect et la reconnaissance de tout le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

TÉLÉPHONES PORTABLES

M. le président.

La parole est à M. Gabriel Montcharmont.

M. Gabriel Montcharmont.

Madame la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, les médias se sont récemment fait l'écho des inquiétudes suscitées par certaines études scientifiques évoquant la possibilité de tumeurs cancéreuses causées par l'utilisation de téléphones portables. Lors d'un colloque à Toronto, le compte rendu d'une expérience conduite par une équipe de l'université suédoise de Lund, qui avait exposé des rats à des microondes d'une fréquence comparable à celle des mobiles, a révélé des résultats préoccupants.

En France, un programme de recherche interministériel intitulé COMOBIO, vient d'être lancé. Il vise à préciser les effets biologiques et sanitaires éventuels des téléphones portables.

Alors que plus d'une personne sur quatre, en France, possède un téléphone portable, et que cette proportion ne cesse de croître rapidement, pouvez-vous nous dire


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quelles mesures seront prises pour répondre aux inquiétudes nées de ces expériences ? Si la dangerosité du téléphone portable était avérée, quelles dispositions techniques et réglementaires permettraient-elles de l'utiliser sans danger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mme la secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, tous les députés attendent avec intérêt votre réponse, qui devra néanmoins être courte.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.

Monsieur le député, vous n'allez pas devoir jeter votre portable immédiatement, car les effets sur la santé humaine des champs magnétiques engendrés par les micro-ondes et les radiofréquences ont donné lieu depuis les années 60 à de nombreuses études dont les résultats ne sont pas toujours convergents.

Deux effets ont bien été individualisés lors de l'exposition aiguë à des installations de forte puissance. Il s'agit des effets thermiques et de la circulation de courants induits dans les organismes exposés.

Récemment a été publiée une recommandation européenne qui fixe des valeurs limites d'exposition. La France s'en inspirera afin de protéger la santé humaine.

Différents effets biologiques liés aux radiofréquences sont également connus depuis longtemps, mais ils sont généralement transitoires. Aucun effet sanitaire de l'exposition aux radiofréquences à long terme n'a encore été prouvé.

Effectivement, la fréquence des cancers du cerveau augmente, mais elle n'est pas liée à l'utilisation du téléphone portable, puisqu'elle remonte à une période où ce type de téléphone n'existait pas. De plus, ce sont essentiellement des populations âgées de plus de soixante ans ou des jeunes enfants qui sont frappés.

Il est légitime de se poser des questions sur l'innocuité d'une technologie qui touche autant de personnes, puisqu'un Français sur quatre est possesseur d'un téléphone portable. C'est pourquoi l'OMS a déjà engagé une étude longitudinale ; les résultats en seront connus en 2003.

La France elle-même a, comme vous l'avez indiqué, lancé un programme de recherches intitulé COMOBIO, qui durera deux ans. Il associe treize équipes de recherche et vise à évaluer les effets biologiques et sanitaires de l'utilisation des téléphones portables. Par ailleurs, différentes expériences sont menées par le conseil général des téléc ommunications, la commission de surveillance des consommateurs et la délégation interministérielle. Tout le monde se penche sur cette question, mais le risque avéré n'est pas prouvé aujourd'hui.

En fait, à ce jour, un seul risque est avéré : celui découlant de l'utilisation d'un téléphone portable en même temps que l'on conduit. Dans ce cas, le risque d'accident est multiplié par quatre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons à une question du groupe communiste.

EMBARGO SUR LA VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. le président.

La parole est à M. Félix Leyzour.

M. Félix Leyzour.

Monsieur le ministre de l'agriculture, à mon tour, je vous interroge sur l'embargo sur la viande de boeuf britannique.

Je commencerai par un bref rappel. Chacun se souvient comment, après les développements qu'a connus ce que l'on a appelé « la maladie de la vache folle », cet embargo avait été décidé au mois de mars 1996. Demandée par le gouvernement britannique dès la même année, la levée de l'embargo a été votée par les ministres européens de l'agriculture le 23 novembre 1998, pour entrer en vigueur le 1er août 1999. Suivant les recommandations d'un collège d'experts français de l'AFSA qui ont exprimé des doutes sur la situation actuelle en Grande-Bretagne, le Gouvernement, s'inspirant du principe de précaution, a décidé de maintenir l'embargo. Puis, les experts européens - parmi lesquels ne figure aucun spécialiste du prion - ayant contesté cette décision, des négociations se sont ouvertes à Bruxelles pour trouver une issue à la crise actuelle.

Quelques heures avant que la commission d'enquête parlementaire sur la sécurité alimentaire que j'ai l'honneur de présider ne reçoive l'ambassadeur de GrandeBretagne pour un échange de vues, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous rappeliez devant la représentation nationale les bases sur lesquelles a été conclu l'accord de Bruxelles.

Ce dossier, comme vous le savez, est suivi avec beaucoup d'attention par les consommateurs, attachés qu'ils sont à la transparence en matière de sécurité alimentaire et au principe de précaution. Ils considérent qu'il s'agit d'un problème majeur de santé publique.

Cette affaire est également suivie avec beaucoup d'attention par nos éleveurs, qui sont toujours les premières victimes des crises de mévente provoquées par le nonrespect des règles élémentaires de sécurité, alors qu'ils font des efforts en matière de qualité et de traçabilité.

M a question est donc la suivante, monsieur le ministre : par rapport au principe de précaution auquel nous sommes tous très attachés, l'accord intervenu à Bruxelles marque-t-il un recul pour l'interprétation française ou bien constitue-t-il une avancée réelle dans le domaine de la sécurité alimentaire au plan européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, pour une réponse courte, comme il sait le faire.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, que les choses soient claires entre nous : il n'y a pas eu d'accord hier soir à Bruxelles.

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblem ent pour la République.) Nous avons simplement exprimé une volonté commune de travailler ensemble pour rechercher si possible une sortie à cette crise. Et j'ai dit dans quelles conditions la France était prête à envisager la levée de l'embargo.

Nous nous sommes mis au travail hier soir avec les représentants du gouvernement britannique et ceux de la Commission européenne sur les cinq points que j'ai énoncés tout à l'heure, de façon à rechercher les meilleures garanties possibles. Sur ces cinq points, l'avis des experts français a été unanime, tandis que celui des experts européens du groupe ad hoc a été partagé. Quant au comité scientifique directeur, il a pris la position que vous avez évoquée, même si ses membres ont des avis partagés. Il n'y a pas eu d'accord, mais nous sommes sortis d'une logique d'affrontement pour entrer dans une logique de travail en commun. De ce point de vue, c'est une avancée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Par ailleurs, je voudrais le dire avec insistance : il n'y a pas eu de victoire. Il faut vraiment, surtout si vous rencontrez le représentant de l'Etat britannique tout à l'heure, sortir de cette logique de victoire, de défaite, de camouflet ou de revers. Il ne s'agit pas de sauver la face ; il s'agit de la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Je vais vous répéter ce que j'ai dit hier au ministre de l'agriculture britannique en toute amitié : s'il s'agit de vous laisser la victoire, nous vous la laissons volontiers, mais nous, nous formons le voeu que vous ne la payiez pas au prix de centaines ou de milliers de morts dans quelques années. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Car c'est bien cela qui est en jeu, compte tenu des zones d'ombre qui entourent la maladie du prion ! Je ne considère pas, je vous le dis franchement, que ce qui est intervenu hier est une victoire pour la France, pas plus que je ne pense que l'avis du comité scientifique de vendredi dernier n'a été une défaite pour notre pays.

C'est le débat d'idées entre scientifiques qui s'est poursuivi. Désormais, la gestion de ce risque, ainsi évalué, relève de la responsabilité des politiques. C'est ce que nous allons faire dans le cadre du groupe de travail.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

MNEF

M. le président.

La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier.

Monsieur le Premier ministre, l'affaire de la Mutuelle nationale des étudiants de France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) a conduit hier à la démission du ministre de l'économie et des finances. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Au-delà des soupçons qui pèsent sur M. Strauss-Kahn et sur lesquels nous n'avons aucun commentaire à faire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), étant attachés autant que vous à la présomption d'innocence et à la libre action de la justice.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

Non !

M. Jacques Desallangre.

Et pour M. Tiberi ?

M. Patrick Ollier.

Nous nous interrogeons néanmoins sur les liens véritables qui ont pu exister entre le parti socialiste et les dirigeants de la MNEF.

On nous assure, ici et là, que cette affaire se limiterait à quelques dérapages individuels, mais aucune hypothèse contraire ne peut pour autant être écartée. Alors, mes questions seront simples, monsieur le Premier ministre.

Pouvez-vous apporter l'assurance que l'argent des étudiants, car il s'agit bien des étudiants, collecté par la MNEF n'a pas été utilisé à d'autres fins que celles de son objet social durant la période où vous étiez associé à la direction du parti socialiste, soit en tant que premier secrétaire, soit en tant que haut responsable ? Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Très bien !

M. Patrick Ollier.

Pouvez-vous apporter à la représentation nationale la garantie que, lorsque vous étiez dirigeant du PS, la MNEF n'a pas servi à financer des campagnes électorales de candidats de cette formation (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ou à offrir un refuge à certains de vos amis ? (Mêmes mouvements.)

P ouvez-vous, monsieur le Premier ministre, à la lumière de votre expérience d'ancien dirigeant du parti socialiste, nous apporter l'assurance que la nature des relations entre le parti socialiste et la MNEF échappe à tout reproche ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Balayez devant votre porte !

M. Christian Bataille.

Parlez-nous de Chirac, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier.

Enfin, pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous garantir que vous ignoriez l'étroitesse des liens et l'enchevêtrement des intérêts qui unissaient les responsables socialistes et les dirigeants de la MNEF ?

M. Christian Bataille.

Parlez-nous de Chirac !

M. Patrick Ollier.

Ou alors en avez-vous pris connaissance, comme nous, dans la presse la semaine dernière ?

Mme Martine David.

Parlez-nous des affaires du RPR !

M. Patrick Ollier.

Ou alors en étiez-vous informé de longue date, vous qui avez été non seulement responsable du parti socialiste, mais aussi longtemps ministre de l'éducation nationale ? Plusieurs députés du groupe socialiste.

Demandez à M. Chirac !

Mme Martine David.

Où en sont les affaires du RPR ?

M. Patrick Ollier.

Nous attendons vos éclaircissements, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Je vais vous répondre, monsieur Ollier, avec d'autant plus d'intérêt qu'il paraît que vous êtes quelques-uns à faire lire vos questions avant de les poser ici, afin, j'imagine, de vous assurer de leur parfaite correction grammaticale.

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Un peu de silence, s'il vous plaît ! Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

C'est petit !

M. Lucien Degauchy.

Ce n'est pas digne !

M. le Premier ministre.

Depuis deux ans et demi, mesdames et messieurs les députés, comme Premier ministre ou comme responsable politique, je me suis interdit de prononcer le moindre jugement sur des affaires en général...

M. Jacques Godfrain.

Ce ne sont pas « des affaires », ce sont les vôtres !

M. le Premier ministre.

... et de mettre en cause des personnes en particulier.

M. Jean Auclair.

Ce n'est pas ce qu'on vous demande !

M. le Premier ministre.

Je me suis tenu à cette attitude constamment. Cela, vous l'imaginez bien, ne signifie pas que je peux me prêter passivement à un jeu unilatéral


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

dans lequel vous tenteriez de façon fausse et infondée de me mettre en cause personnellement ou comme responsable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) En ce qui concerne M. Dominique Strauss-Kahn, je constate que, face à la situation qui était créée, avant même d'ailleurs que des actes judiciaires le mettant en cause aient été prononcés, il a, comme vous y avez fait allusion, démissionné.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean Auclair.

Ce n'est pas la question !

M. le Premier ministre.

Je constate également qu'il a eu peu de prédécesseurs pour prendre la même décision alors qu'ils étaient mis en cause.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

J'entends parler de système, d'organisation, de mise en cause générale.

(« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Je peux vous dire que, pour ce qui me concerne, mon seul rapport avec la MNEF remonte à quarante ans, à l'époque où je payais mes cotisations étudiantes ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Vous ne trouverez rien d'autre me concernant ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Y a-t-il un système à la MNEF ? Je n'en sais rien ! (Mêmes mouvements.)

J'ai été responsable du parti socialiste. Je n'ai eu aucune responsabilité à la MNEF.

(Mêmes mouvements.)

Et la distinction, j'y reviendrai pour finir, est importante. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Y a-t-il eu un financement politique du parti socialiste par la MNEF ? Ma réponse est catégoriquement « non » ! (« Oui ! » sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

C'était le cas quand j'étais premier secrétaire du parti socialiste. C'est le cas maintenant qu'il y a un nouveau premier secrétaire du parti socialiste. Cela a été le cas dans l'intervalle. D'ailleurs aucune procédure judiciaire n'a le moins du monde mis en cause un type de financement politique.

M. Charles Cova.

Pas encore !

M. Christian Bataille.

Ce n'est pas comme au RPR !

M. le Premier ministre.

Donc, je suis à cet égard formel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Y a-t-il eu des irrégularités ? Y a-t-il des personnalités, dont certaines seraient socialistes, qui peuvent être mises en cause ? C'est effectivement ce qui est dit, ce sont effectivement les accusations qui sont portées. Il sera de la responsabilité de ces personnes d'expliquer leur situation, comme il est normal.

Je répète à nouveau que personnellement, politiquement, fonctionnellement, je suis totalement étranger à la MNEF.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.- Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Si vous cherchez un système organisé où fonctionnement institutionnel et fonctionnement partisan, où gestion d'une structure et avantages personnels ont été intimement liés pendant vingt ans (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ne regardez pas de mon côté ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement. Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

MUTATION D'UN MAGISTRAT

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Monsieur le président, comme mon collègue Pascal Clément, je voudrais revenir sur l'éviction de Mme Fulgeras.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) L'éviction du chef de la section financière du parquet de Paris est une affaire trop grave, madame la garde des sceaux, pour que nous puissions nous contenter de votre réponse.

Contrairement à ce que vous avez déclaré hier, Mme Fulgeras n'a déposé aucune demande officielle de mutation. Elle est aujourd'hui très marquée et très affectée par l'annonce brutale de sa mutation, et elle se considère comme déchargée de ses fonctions sans l'avoir demandé.

Vous savez très bien que le télescopage de son éviction avec l'affaire de la MNEF est dans tous les esprits. Faut-il y voir une sanction suite au réquisitoire supplétif concernant l'ancien ministre de l'économie et des finances ? La représentation nationale a droit à des explications plus sérieuses que celles que vous venez de fournir à

M. Clément.

D ois-je vous rappeler que, voici quinze jours, Mme Fulgeras était auditionnée par la mission d'information créée au sein même de cette assemblée pour étudier les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière ? Qu'elle devait, le mois prochain, à vos côtés, représenter le parquet de Paris à une conférence sur les problèmes de délinquance financière ? La représentation nationale a droit, je le répète, à des explications plus convaincantes que celles que vous avez données. Indiquez-nous les raisons de son éviction.

(Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le député, je vous remercie pour la sollicitude dont vous faites preuve à l'égard d'une magistrate du parquet de Paris. Soyez assuré que cette magistrate, qui a d'ailleurs été consultée, se verra offrir des fonctions


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en rapport avec ses grandes capacités (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), qui ne sont absolument pas en cause.

Je rappelle que le parquet est un et indivisible, que ce n'est pas Mme Fulgeras qui est chargée de l'affaire de la MNEF mais deux juges d'instruction, M. Riberolles et Mme Néher, et que c'est l'ensemble du parquet de Paris qui suit l'ensemble des affaires de délinquance économique et financière, comme l'ensemble des affaires de délinquance. Il faut avoir cela en tête : le parquet effectue un travail d'équipe.

J'observe, pour finir, que vous avez vraiment du mal à renouveler vos questions. J'aimerais qu'elles soient un peu plus convaincantes.

M. Jean-Michel Ferrand.

Nous en attendons autant de vos réponses !

Mme la garde des sceaux.

Peut-être, alors, pourrai-je vous apporter des réponses correspondant à l'attente de l'Assemblée et de celles et ceux qui nous écoutent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

M. le président.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité et traite d'un autre sujet.

Séance après séance, jour après jour, vous n'avez de cesse de proclamer que l'Etat socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) est impartial. Je ne résiste pas à la possibilité qui m'est offerte de vous prendre à nouveau en défaut.

Vendredi dernier, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vos amis sont venus, en force et de nuit, défendre un amendement allant contre le texte initial du Gouvernement et visant à réduire la taxe sur les lessives phosphatées, chère à

Mme Voynet mais aussi à M. Dominique Strauss-Kahn.

Ce fait pourrait paraître anodin si l'objectif caché n'était de soustraire à cette taxe deux usines implantées dans deux villes chères à deux personnalités du parti socialiste.

Je cite un journal du soir : « La plus importante usine de lessive phosphatée en France, Rhodia, filiale de Rhône-Poulenc, se situe en effet au Grand-Quevilly, dont le maire n'est autre que M. Laurent Fabius. »

(Exclamations sur les bancs du groupe pour le Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Tiens, tiens !

M. Eric Doligé.

« L'annonce d'une taxation trop brutale serait, selon l'entourage du président de l'Assemblée, le coup de grâce pour cette entreprise de 300 salariés connaissant des difficultés. L'autre usine se situe dans l'agglomération de Lille, ville promise, dit-on, à

Mme Martine Aubry. »

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Au travers de cet épisode, vous reconnaissez au moins l'effet négatif de la TGAP sur l'emploi, au moins dans vos communes, et confirmez son peu d'efficacité réelle sur l'environnement.

Deuxième exemple d'impartialité de l'Etat socialiste : toujours la semaine dernière, vous avez décidé de délocaliser à Lille l'Agence française du sang. Fin 1998, l'agence avait trouvé des locaux à Issy-les-Moulineaux. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance), ville dont l'élu ne fait pas partie de la majorité.

Veto de votre part, au prétexte que la ville est trop éloignée de Paris. (« Oh ! » sur les mêmes bancs.)

Aujourd'hui, au mépris des souhaits des salariés de l'agence, dont beaucoup sont de jeunes femmes ayant des enfants en bas âge, vous décidez que tous doivent aller à Lille. Sous-entendu : si certains refusent de suivre, cela permettra de créer autant d'emplois à Lille. Chacun sait que Lille est plus proche de Paris qu'Issy-les-Moulineaux.

(Sourires.)

Qu'un ministre socialiste déshabille Pierre pour habiller Paul - en l'occurrence, déshabille André (Sourires) pour habiller Martine - afin de favoriser ses desseins, nous y sommes malheureusement habitués.

Ma question est simple, madame la ministre : votre conception de l'impartialité vous conduit-elle à vous soucier plus des intérêts particuliers du parti socialiste que de l'intérêt général ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, je ne comprends vraiment pas le sens de votre question. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Didier Boulaud et M. Michel Lefait.

Nous non plus !

M. le ministre délégué à la ville.

Lorsque le Gouvernement accorde une attention particulière au débat qui a lieu à l'Assemblée nationale et tient compte des amendements qui sont déposés à cette occasion, vous semblez nous en vouloir et le critiquer.

Je ferai une seconde remarque car, véritablement, les bras m'en tombent. Il est généralement entendu dans cette assemblée qu'il faut en finir avec les localisations trop concentrées sur la région parisienne et avoir une véritable politique d'aménagement du territoire. Mais, pour une fois que nous vous proposons une décision qui va dans ce sens, vous la critiquez.

Je finirai par une simple observation. Lorsque je vois les actions qui ont pu être entreprises dans le passé, en particulier en ce qui concerne les zones franches, dont la plus importante avait été créée à Bordeaux, et la deuxième à Marseille, je me dis que, sur ce dossier non plus, nous n'avons pas de leçons à recevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe Radical, Citoyen et Vert.

ALSTOM

M. le président.

La parole est à Mme Gilberte MarinMoskovitz.

Mme Gilberte Marin-Moskovitz.

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le 1er juillet 1999, Alstom et le groupe helvéticosuédois ABB donnaient naissance au nouveau leader mondial de la production d'énergie, ABB Alstom Power.

Le 7 septembre 1999, lors de l'assemblée générale des actionnaires d'Alstom, le PDG expliquait : « Il est également nécessaire que nous adaptions en permanence notre outil de production à l'évolution de la demande et aux exigences de la productivité. Chez Alstom, nous n'avons pas l'habitude d'annoncer publiquement des programmes globaux de réduction d'effectifs. Notre démarche consiste à analyser en permanence la situation, unité par unité, à prendre les mesures appropriées à ce niveau et à les discuter à l'avance avec les représentants des salariés, en conformité avec la législation et les usages. »

Or, le 19 octobre 1999, un quotidien national révélait l'existence de ce que la direction d'ABB Alstom Power appelle un document de travail. Ce document confidentiel prévoit la suppression de 1 900 postes dans le groupe, dont environ 400 sur le site de Belfort. Cette révélation a suscité de vives inquiétudes chez les salariés et leurs représentants. Interpellée, la direction aurait fait savoir que des études étaient effectivement en cours mais qu'aucun scénario n'était retenu et validé à ce jour.

Cette réponse, vous l'imaginez, ne rassure pas les salariés ni leurs représentants. Monsieur le secrétaire d'Etat, q u'entendez-vous faire pour que les salariés d'ABB Alstom Power et leurs représentants aient droit rapidement à une information précise sur l'avenir de leur entreprise et leur propre devenir ? Qu'entend faire le Gouvernement pour que le groupe maintienne sur le site de Belfort un potentiel industriel, technologique et humain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Madame la députée, nous sommes très attentifs à la situation de l'emploi chez ABB Alstom Power, qui résulte de la fusion de deux géants du secteur. J'affirme d'emblée et de la manière la plus claire que, même s'il s'agit d'une entreprise privée, nous ne sommes pas dépourvus de moyens d'action. Les pouvoirs publics entendent être réactifs et agir avec détermination. Ils comptent intervenir en amont des problèmes, de manière à éviter au maximum les allégements d'effectifs que vous craignez, mais il faut souligner que ceux-ci n'ont pas été confirmés par la direction générale de l'entreprise.

La semaine dernière, j'ai demandé à mon cabinet de recevoir les représentants des salariés, à la suite des rumeurs dont vous avez fait état. J'ai par ailleurs indiqué que l'entreprise, comme toutes les entreprises du même type ayant la même situation économique et sociale, devait, préalablement à toute réorganisation économique ayant des incidences sur l'emploi, informer sur la réalité de l'entreprise et être ouverte à la discussion et la modification des plans prévus, non seulement avec les organisations syndicales, mais également avec les élus locaux et nationaux. Je recevrai très prochainement M. Darmon, président de l'entreprise.

Le poids d'Alstom dans l'économie belfortaine est tel que l'entreprise ne saurait s'exonérer des efforts de diversification qu'a commencé à définir le dernier comité interministériel d'aménagement du territoire. Nous en suivrons très précisément, avec vous, l'évolution, en ayant la volonté de se battre pour l'emploi, à Belfort comme ailleurs.

Je rappelle que, très récemment, cent locomotives ont été commandées par l'Iran (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), dont vingt seront fabriquées à Belfort. Je me propose de multiplier les contacts avec les pays susceptibles de commander un matériel d'une excellente qualité, qui témoigne de l'avance de la technologie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) AGENCE FRANCE-PRESSE

M. le président.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère.

Madame la ministre de la communication et de la culture, ma question concerne l'Agence France-Presse et l'avant-projet présenté par son présidentdirecteur général, intitulé plan stratégique de développement pour cinq ans, qui prévoit un partenariat global, et notamment l'entrée de partenaires privés dans le capital de l'Agence France-Presse, ce qui va conduire à modifier le statut de 1957.

Je rappelle que l'Agence France-Presse n'est pas une agence comme les autres : c'est la troisième agence mondiale face à deux grandes agences anglo-saxonnes, AP et Reuter, et que, depuis sa fondation, en 1944, c'est un outil indispensable de rayonnement de la francophonie et de la diversité culturelle. Il est important de le préciser au moment où notre gouvernement s'apprête à défendre l'exception culturelle au sommet de Seattle, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

Chacun sait qu'il faut adapter le statut de 1957 aux nécessités des techniques modernes de l'information et de la communication, mais qu'il ne peut pas y avoir de réforme de ce statut sans que le Parlement en soit saisi, puisqu'il s'agit de modifier la loi de 1957.

Or, jusqu'à nouvel ordre, nous n'avons reçu aucune garantie formelle et précise quant à l'indépendance de l'Agence France-Presse, aussi bien de votre part, madame la ministre, que de celle du président de l'Agence France-Presse. L'opinion publique, les parlementaires et les journalistes sont en droit de s'inquiéter devant ce que l'on pourrait appeler la privatisation rampante d'un patrimoine collectif.

Comment comptez-vous vous y prendre pour que la discussion sur l'avenir de l'Agence France-Presse ne soit pas déterminée par la rentabilité et la concurrence ? Pour que la discussion sorte du cénacle très fermé du conseil d'administration, des syndicats et des journalistes de l'Agence France-Presse ? Comment comptez-vous faire venir ce débat devant le Parlement et quelles garanties pouvez-vous nous donner, ici et maintenant (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), sur l'indépendance


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

de l'Agence France-Presse car, jusqu'à présent, nous n'avons eu que des informations orales et informelles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le député, ma réponse sera brève car j'ai eu l'occasion d'exposer la semaine dernière, à la suite de la question qui m'a été posée par M. Michel Françaix, la position du Gouvernement.

Non, il n'est pas question de procéder à la privatisation de l'AFP, je l'ai affirmé avec force la semaine passée. Il s'agit de trouver, grâce à un plan de développement et à une transformation de la structure de l'AFP, les moyens susceptibles d'assurer son avenir, en répondant à quatre conditions.

La première : assurer à l'AFP, troisième agence mondiale, la fiabilité de son information.

La deuxième : assurer la pérennité de son activité, essentielle pour préserver le pluralisme dans un monde où nous défendons la diversité culturelle.

La troisième : garantir sont indépendance, qui est inscrite dans la loi, et qui doit continuer à l'être quel que soit le statut que retiendra le Parlement.

Quatrième condition : l'intégration de l'AFP dans la société de l'information.

Oui, monsieur le député, le sort de l'AFP est une cause nationale, que je pense partagée par l'ensemble des députés et des sénateurs. L'enjeu est une information de qualité, fiable, essentielle aussi pour le monde de la francophonie et pour que nos concitoyens aient accès à une information pluraliste.

C'est la raison pour laquelle le Parlement sera nécessairement associé à la concertation qui est en cours, à la suite des propositions qui ont été faites par le président de l'agence et qui concernent l'ensemble des partenaires : Gouvernement, Parlement, personnel de l'AFP, collègepresse, et tous ceux qui peuvent être intéressés à l'avenir de l'AFP.

Je recevrai dans quelques jours les syndicats représentatifs du personnel de l'AFP. Je veillerai, dans ce processus de concertation, à ce que les parlementaires soient constamment tenus informés et participent à la réflexion sur cette importante réforme.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ensuite, le Gouvernement saisira le Parlement d'un projet de réforme concernant le statut, les modalités de transformation, les garanties d'indépendance et les missions fondamentales de l'AFP. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

INDE

PENDANCE DE LA JUSTICE

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, avant de commencer mon propos, et afin de détendre l'atmosphère, j'indique à M. le Premier ministre, qui a donné tout à l'heure des leçons de grammaire à notre ami Patrick Ollier, que je tiens à sa disposition le fac-similé d'un manuscrit qu'il a distribué à la presse lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale, lors du congrès de Rennes, et qui ne compte pas moins de cinq fautes d'orthographe.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Salles, ce n'est pas ce qu'on a retenu pour l'essentiel du congrès de Rennes.

(Sourires.)

Veuillez poser votre question.

M. Rudy Salles.

En tout cas, monsieur le Premier ministre, le groupe RPR pourra assurer la correction de vos écrits...

Madame la garde des sceaux, je reviendrai sur une question essentielle, abordée par plusieurs de mes collègues mais à laquelle vous n'avez pas apporté de réponse suffisamment claire pour être convaincante : je veux parler de votre rôle de garde des sceaux à l'égard d'événements récents qui alimentent abondamment la presse aujourd'hui.

J'évoquerai le cas de Mme Anne-José Fulgeras.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Elle était chef de la section financière du parquet de Paris. Son changement de poste aussi brutal qu'inattendu, dans un contexte fort peu opportun, reconnaissez-le, ne manque pas de semer le trouble.

D'autant qu'il semble, d'après les informations publiées aujourd'hui dans la presse, que Mme Fulgeras, très affectée par cette mesure, n'avait ni demandé ni souhaité ce changement. Il s'agit donc bien d'une mise à l'écart.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) On ne peut en effet pas parler de promotion : elle ne sait pas elle-même le poste qu'elle va occuper.

Vous avez d'ailleurs dit, dans votre réponse à notre collègue Pascal Clément, qu'il y avait un classement vertical et un classement territorial des magistrats. Mme Fulgeras a donc été victime d'un classement vertical ! On ne peut pas non plus invoquer la mobilité nécessaire. Nous avons tous en tête les noms de magistrats instructeurs qui exercent leur mission dans la même section depuis longtemps. Avez-vous un avis du Conseil supérieur de la magistrature sur ce sujet ? Cette question est, elle aussi, restée sans réponse.

En tout cas, cette procédure contrevient totalement et fâcheusement aux usages et aux traditions concernant le remplacement de titulaires de postes sensibles. Où est donc passée l'indépendance des magistrats, qui figure sans cesse dans vos discours mais qui s'évapore dans vos actes ? Nous vous avons demandé quelle signification pouvait revêtir un tel changement ? Nous n'avons évidemment pas reçu de réponse acceptable.

Je voudrais aussi revenir sur les réactions qui ont été les vôtres ces dernières quarante-huit heures, depuis la démission de votre collègue Dominique Strauss-Khan.

Quand on vous entend dire que l'affaire n'est en aucun cas une affaire de financement d'un parti politique, alors même que nombre de responsables socialistes sont impliqués, faut-il conclure, si l'on vous suit, que les personnes mises en cause le sont pour des raisons d'enrichissement personnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Je conçois très bien la sympathie que vous pouvez éprouver à l'égard de votre ancien collègue. Mais comment accepter que le garde des sceaux aille jusqu'à clamer sur les plateaux de télévision l'innocence d'un témoin impliqué dans une affaire judiciaire ? Il y a là une nouvelle atteinte à l'indépendance de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Madame la garde des sceaux, quand allez-vous enfin apporter à la représentation nationale, c'est-à-dire aux Français, des réponses claires en forme d'actes et non de simples discours, à ces questions fondamentales, pour nous permettre de croire encore à l'indépendance de la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la j ustice. Monsieur le député, le Premier ministre a répondu sur la MNEF, et je crois qu'il n'y a rien à ajouter à sa réponse. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Quant à Dominique Strauss-Kahn, s'il est mis en cause par la justice, il est présumé innocent. Je tiens à redire ici, en tant que garde des sceaux, qu'il a le droit, comme chacun d'entre nous, à la présomption d'innocence.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Quant au reste, je ferai appel, puisque vous avez commencé votre propos en faisant référence à des règles grammaticales et à des fautes d'orthographe, à vos souvenirs de collégien et peut-être de latiniste, en vous répondant : bis repetita non placent.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Yves Cochet.)

PRÉSIDENCE DE M. YVES COCHET,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

2 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

FONCTION PUBLIQUE, RÉFORME DE L'ÉTAT ET DÉCENTRALISATION

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, mes chers collègues, face à l'objectif prioritaire défendu aujourd'hui et auquel je souscris pleinement, tendant à l'adaptation de l'Etat à l'évolution de la société et à la rénovation du service public, il est apparu nécessaire à votre rapporteur de se pencher, au-delà de l'examen du budget présenté par M. le ministre, sur l'ensemble de la politique menée en direction de la fonction publique française qui, aujourd'hui encore, est une institution que nous envient de nombreux pays.

Son attachement à la notion de service public pour tous, son professionnalisme, sa transparence, son désintéressement et sa capacité d'adaptation à l'évolution des besoins sont particulièrement remarqués.

Nous ne nous lassons pas de rappeler ces grands principes qui marquent l'originalité du service public et du statut des fonctionnaires. Pas plus, nous ne pourrions accepter leur mise en cause sous prétexte de directives venues d'ailleurs. C'est dans cet esprit que s'inscrit votre rapporteur pour penser l'efficacité et la modernisation de la fonction publique et du service public.

Force est de constater que le projet de loi de finances pour 2000 n'apparaît pas à la hauteur des ambitions que l'on devrait avoir pour la fonction publique, édifice solide et précieux, qui joue un rôle éminent dans la politique du pays en matière d'efficacité économique et de cohésion sociale.

En effet, il ne rompt pas franchement avec le dogme du gel de l'emploi public alors que la réduction du temps de travail et la résorption de l'emploi précaire supposeraient un accroissement plus substantiel des emplois budgétaires. En outre, les crédits de rémunérations sont calculés sur la base d'une absence de mesures générales des traitements en 2000. Enfin, deux dispositions importantes du dernier accord salarial - enveloppe exceptionnelle d'action sociale et congé de fin d'activité - ne sont pas reconduites.

S'agissant de l'évolution des dépenses de personnel de l'Etat, les dépenses des trois premières parties du titre III pour l'ensemble des budgets civils et militaires constituent


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une bonne approche des dépenses de personnel de l'Etat, même si le budget de celui-ci comporte d'autres dépenses qui sont, par nature, des dépenses de personnel et dont l'évolution est parallèle à celle des charges directes : subventions à l'enseignement privé, pensions et allocations aux anciens combattants et victimes de guerre, charges de personnel des budgets annexes...

Les crédits inscrits aux trois premières parties du titre III atteindront 675 milliards de francs en 2000, ce qui correspond à une progression de 3,46 % par rapport à 1999 - de 22,6 milliards de francs.

Cette évolution s'explique d'abord par la poursuite de l'effort, engagé l'année dernière, de budgétisation des d épenses de rémunérations qui transitaient jusqu'à présent par des fonds de concours. Ce processus de rebudgétisation se traduit par l'inscription de 8,6 milliards de francs de dépenses supplémentaires et de 9,4 milliards de francs de recettes.

Le second facteur essentiel d'évolution des crédits de personnel pour 2000 réside naturellement dans les conséquences de la mise en oeuvre de l'accord salarial du 10 février 1998.

En 2000, le seul report des revalorisations du point fonction publique intervenues - ou à intervenir - en 1999 induit un coût supplémentaire de 5,8 milliards de f rancs, dont environ 1,7 pour les pensions. Pour l'ensemble des autres mesures, le coût supplémentaire n'est que de 2,7 milliards de francs, dont 0,5 pour les pensions.

Le projet de loi de finances pour 2000 est élaboré sous l'hypothèse d'une stabilité de la valeur du point d'indice de la fonction publique. En effet, la valeur retenue pour l'évaluation des crédits de rémunération correspond à la valeur atteinte au 31 décembre 1999, après intervention de la dernière revalorisation prévue par l'accord, soit 334,19 francs, au lieu de 331,16 francs en 1999 - ce qui correspond à une augmentation de 0,85 %.

Les crédits nécessaires pour financer l'extension, en année pleine, des mesures prises en 1999 ont été normalement inscrits dans les différentes sections ministérielles au titre des mesures acquises.

En outre, 230 millions de francs ont été inscrits au chapitre 31-94 du budget des charges communes, à titre de provision destinée à couvrir les ajustements complémentaires de rémunérations publiques pouvant intervenir en 2000.

Votre rapporteur ne peut que regretter que le projet de budget ne provisionne pas le résultat des futures négociations salariales dans la fonction publique, qui devront prendre la suite d'un accord qui s'achève à la fin de cette année. Qui plus est, le projet de budget peut faire douter de l'existence même de telles négociations.

S'agissant de l'évolution des effectifs, le projet de loi de finances prévoit la création de 366 emplois budgétaires au sein des ministères civils. Ce solde est le résultat de la création de 9 430 emplois, compensés par la suppression de 9 064 autres. Pour mémoire, la loi de finances de l'année 1999 prévoyait un gel strict des emplois budgétaires.

Dans le cadre de la professionnalisation des emplois militaires, les emplois de la défense augmenteront de 2 240 unités, soit de 0,5 %, tandis que ceux d'appelés et volontaires diminueront globalement de 32 081, soit de 29,1 %.

Les ministères qui bénéficient le plus de ces créations de postes sont ceux qui correspondent aux priorités affichées par le Gouvernement : la justice, 1 237 créations n ettes ; l'environnement, 140 créations ; l'emploi, 130 créations ; la santé et la solidarité, 100 créations ; la culture et la communication, 100 créations également.

En revanche, quatre secteurs sont principalement mis à contribution, comme l'année dernière, pour gager des créations d'emplois : l'économie, les finances et l'industrie, 654 suppressions nettes ; l'équipement, 385 suppressions ; les anciens combattants, 172 suppressions ; l'agriculture, 162 suppressions.

Ces suppressions d'emplois, concentrées depuis quelques années sur les services de l'équipement et les services financiers, ne laissent pas d'inquiéter tant elles ne semblent pas résulter d'une analyse concertée de l'évolution des besoins au regard des missions, anciennes ou nouvelles, confiées à ces services.

Le solde positif entre les suppressions et les créations de postes, tel qu'il est prévu par le projet de loi de finances, est trop faible pour avoir une quelconque signification et pour témoigner d'un éventuel changement de cap. Ce n'est pas avec une telle évolution des effectifs que l'on pourra préparer la mise en oeuvre des 35 heures - dont l'une des justifications essentielles, y compris dans la fonction publique, est la création d'emplois -, ni permettre la relance indispensable de la résorption de l'emploi précaire dans des conditions ne conduisant pas à une perte de substance du service public, pas plus que la pérennisation, à l'issue des contrats de cinq ans, des emplois-jeunes.

Votre rapporteur souhaite que la résorption de l'emploi précaire existant dans la fonction publique soit accélérée.

Celle-ci a toujours constitué, à juste titre, une préoccupation des organisations syndicales de fonctionnaires et ce, d'autant plus que les efforts menés à certaines périodes pour réduire le recours aux non-titulaires et organiser leur titularisation n'ont jamais totalement atteint leurs objectifs.

L'ampleur du phénomène est difficile à appréhender.

En effet, le recrutement d'agents non titulaires, quelle que soit leur dénomination - auxiliaires, vacataires, c ontractuels - s'effectue à un niveau souvent très déconcentré et sur des supports budgétaires variables : emplois budgétaires de contractuels, crédits gagés par des emplois de titulaires, crédits de vacation, voire crédits de fonctionnement.

Ainsi, lorsque le Gouvernement a entrepris un plan de résorption de l'emploi précaire, la première difficulté qu'il a rencontrée a été de dénombrer les agents susceptibles de faire partie du champ de la négociation. C'est l'exploitation des fichiers de paie qui permet à l'INSEE d'estimer le nombre d'agents non titulaires au 31 décembre de chaque année paire. D'après les informations fournies à votre rapporteur et au-delà des incertitudes statistiques, c'est l'importance du phénomène qui frappe : environ 180 000 personnes.

Votre rapporteur ne saurait nier les efforts qui sont entrepris par l'administration pour mettre en oeuvre le plan de résorption de l'emploi précaire. Cependant, forcee st de constater que les intégrations « normales » - concours externes ou internes - jouent un rôle aussi important que les concours réservés. De plus, certains ministères, même parmi ceux qui emploient des agents non titulaires remplissant les conditions requises, n'en ont encore organisé aucun.

Par ailleurs, les statistiques établies sur le nombre d'agents non titulaires ne laissent pas d'inquiéter. Si entre 1992 et 1996, celui-ci a effectivement diminué de 7 %, les chiffres de 1997, encore provisoires, indiquent une


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aggravation de la situation. Le nombre d'agents non titulaires a augmenté de 4,1 % - soit de 7 500 agents -, comblant ainsi plus du tiers du chemin parcouru entre 1992 et 1996.

Enfin, la résorption de l'emploi précaire ne reste guère concevable dans un contexte de stabilisation de l'emploi public. En effet, si la titularisation d'agents déjà présents s'effectue à nombre d'emplois budgétaires stables, elle aboutit à réduire la substance du service public.

Une des préoccupations de votre rapporteur concerne la pérennisation du congé de fin d'activité. L'année dernière, je plaidais pour la pérennisation d'un dispositif apprécié et favorable à l'emploi des jeunes. Le fait que le projet de loi de finances ne contienne aucune disposition en ce sens - ni d'ailleurs une nouvelle prolongation d'une année - illustre les hésitations du Gouvernement en ce domaine.

L'un des premiers arguments avancés est l'incertitude qui porte sur le renouvellement du dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, actuellement en discussion entre les partenaires sociaux. Cet argument n'est guère recevable, car il n'est pas concevable que la politique menée dans la fonction publique soit conditionnée aux résultats de négociations concernant le secteur privé.

Les crédits de l'action sociale interministérielle passeront de 905 millions de francs en 1999 à 760 millions de francs en 2000, soit une diminution de 16 %. En effet, l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs, inscrite en 1998 et en 1999 en vertu de l'accord salarial, n'est que partiellement reconduite.

Les mesures portant revalorisation des prestations interministérielles à réglementation commune ou relèvement du plafond d'attribution de la prestation repas, ayant un effet pérenne, les crédits nécessaires au paiement de ces dépenses sont inscrits au budget de chaque ministère. De même, les crédits consacrés aux sections régionales interministérielles d'action sociale - 10 millions de francs - et à l'insertion des personnes handicapées - 15 millions de francs - sont reconduits. En fait, la non-reconduction de l'enveloppe exceptionnelle touchera essentiellement les crédits consacrés aux actions immobilières - construction et rénovation des restaurants interadministratifs et réservation de logements en Ile-de-France et en province.

Les subventions aux écoles - ENA, Institut international d'administration publique, IRA - atteindront près de 366,9 millions de francs, en progression de 7,1 %.

Les crédits d'études et de communication sur la gestion publique sont reconduits à leur niveau de 1999, soit 13,8 millions de francs. Il en va de même pour les crédits consacrés aux actions de formation, de perfectionnement, d'insertion et de modernisation des administrations.

Comme en 1999, les chapitres budgétaires relatifs aux dépenses liées aux réimplantations d'administrations ne sont pas dotés pour 2000, les crédits restant disponibles devant permettre de faire face aux actions engagées.

Votre rapporteur a entendu, dans le cadre de la préparation de son rapport, l'ensemble des organisations syndicales de la fonction publique. Comme elles, il ne peut accepter que, dans la négociation qui va s'ouvrir sur la réduction du temps de travail, la question de l'emploi ne soit pas au centre, et soit reléguée au rang de simple résultante.

De plus, il souhaite que des négociations salariales soient engagées rapidement, puisque l'accord vient à échéance à la fin de cette année. En effet, la politique salariale dans la fonction publique ne peut continuer à alterner mesures unilatérales de l'administration et accords collectifs.

Enfin, il ne saurait accepter ni la reconduction de l'enveloppe exceptionnelle pour l'action sociale interministérielle, ni l'absence - à l'heure actuelle - de toute disposition relative à la pérennisation, ou à tout le moins la prolongation, du congé de fin d'activité.

Sur nombre de ces questions, monsieur le ministre, vous nous dites ne pouvoir répondre à la représentation nationale qu'après la réunion que vous tiendrez le 18 novembre prochain avec les organisations syndicales, conformément aux clauses contenues dans l'accord salarial.

Si nous nous félicitons de cette continuité du dialogue social entre votre ministère et les salariés, je me dois de rappeler que nous votons le budget aujourd'hui et que des réponses positives aux revendications auraient nécessité, au minimum, une gestion prévisionnelle en termes d'effectifs et de crédits.

Pour conclure, je me permettrai de dire que, d'une manière générale, nous attendions de ce budget qu'il traduise une dynamique enthousiasmante, capable de mettre à profit, pour notre pays, les atouts extraordinaires de la fonction publique française au service de la modernisation du service public.

Ce manque de lisibilité, monsieur le ministre, me conduit, cette année encore - et croyez bien que je le regrette - à ne pas voter ce budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec un oeil neuf que j'ai examiné ce projet de budget, étant pour la première année désigné comme rapporteur pour avis par la commission des lois. Et c'est avec une satisfaction sans mélange que je vais vous faire part de mes observations.

En ce qui concerne, tout d'abord, les crédits de la fonction publique, quel ministre peut être aussi heureux que vous, monsieur le ministre ? L'accord salarial de 1998 a été souligné par tous comme exceptionnel,...

M. Dominique Bussereau.

C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

... par les syndicats, par la droite - que je vois rugir en la personne de M. Bussereau -, par tout le monde ! Cet accord a satisfait l'ensemble des fonctionnaires. Il est vrai que, pour l'an 2000, son incidence sur les salaires s'élève à 8,5 milliards de francs. Etant le ministre des fonctionnaires, on peut comprendre que ces derniers soient contents de vous ! D'autant plus que ce sont les catégories les plus basses qui ont essentiellement bénéficié de cet accord.

Pour la première fois depuis deux ans, les courbes retraçant l'évolution du salaire des fonctionnaires se dissocient totalement de celle du SMIC. Cela me semble très intéressant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Quel sera l'avenir du congé de fin d'activité ? Mon prédécesseur vient d'en dire quelques mots. Pendant deux ans, ce congé a été appliqué. Il doit faire l'objet de nouvelles négociations. Il vous appartiendra, monsieur le ministre, de les mener à bien.

M. le Premier ministre vous a confié une mission sur la présence des services publics dans les quartiers urbains défavorisés. Nous ne pouvons pas laisser ces quartiers dans la situation où ils se trouvent actuellement. Ils ont besoin d'une présence plus spécifique de l'Etat et vous devez trouver les moyens de l'assurer. Toutefois, je ne voudrais pas que ce soit au détriment des zones rurales, où la présence de l'Etat est également indispensable. Je suis moi-même député d'une circonscription très rurale et je sais que nous avons la même vision du rôle des services publics ruraux.

Les effectifs connaissent une quasi-stabilité. Je note cependant une certaine amélioration dans trois ministères difficiles : la justice, les affaires sociales et l'environnement. Ce sont, à mon sens, de bons choix.

Parmi les actions spécifiques qui devront faire l'objet d'un effort de votre part, j'insisterai sur la nécessité de recruter des personnes handicapées. La proportion normale est de 6 % des effectifs et nous en sommes très loin puisque, sur les 1 600 000 fonctionnaires d'Etat, entre 3 et 3,5 % seulement sont des handicapés. Vous avez tenu en commission un discours volontariste. Nous attendons que des mesures soient prises.

C'est dans le cadre de cette quasi-stabilité ou très légère progression des effectifs que vous aurez à traiter deux grands problèmes des années à venir : les départs à la retraite et le passage aux 35 heures.

D'ici à 2010, 750 000 fonctionnaires seront mis à la retraite. Vous avez indiqué fort justement que l'on ne devrait pas procéder à des remplacements fonctionnaire pour fonctionnaire. Bien évidemment, et c'est là une chance extraordinaire de modernisation de la fonction publique d'Etat. Cela devra se faire dans le cadre d'une grande concertation, mais nous devons saisir cette chance dès maintenant, pour que notre fonction publique ainsi rénovée puisse répondre aux défis du troisième millénaire

Quant aux 35 heures, monsieur le ministre, nous n'y sommes pas encore dans ce budget. Vous avez dit que le passage aux 35 heures ou la réduction du temps de travail - encore faudra-t-il préciser s'il s'agit de l'un ou de l'autre, car ce n'est pas pareil - n'aura pas pour vocation essentielle de créer des emplois, dès lors que la fonction publique n'appartient pas au secteur marchand. C'est un langage qui se tient mais qui devra être très largement expliqué, car beaucoup vous attendent au coin du bois.

La crédibilité de l'Etat est en jeu, car on ne pourra pas admettre que l'on diminue encore le temps de travail de ceux qui travaillent déjà moins que les autres. En tout cas, cette action devra également être guidée par la volonté de moderniser la fonction publique et vous devez, avant de l'entreprendre, répondre à deux questions essentielles : combien d'heures complémentaires sont réellement effectuées ? combien de jours de travail sont réellement effectués ? Ces deux questions, je les ai posées à votre ministère qui a été dans l'incapacité d'y répondre.

Je tenais à le rappeler.

La modernisation de l'Etat suppose que l'on progresse vers la nécessaire parité de la haute fonction publique, dont la tentative de féminisation est un échec total. Vous n'en êtes pas responsable puisque vous avez fait progresser de 6 % à 8 % la proportion des femmes hauts fonctionnaires, mais quand on sait que e taux de féminisation est de 56 % pour l'ensemble de la fonction publique d'Etat, on se dit que quelque chose ne va pas.

Le rapport que vous a remis Mme Colmou à ce sujet est très convaincant. Il vous appartient, monsieur le ministre, de mettre en oeuvre les nombreuses propositions qu'il contient. Des plans pluriannuels devront être élaborés à cette fin avec l'ensemble des ministères.

Ne serait-il pas possible, par exemple, d'avancer le concours de l'ENA au mois de juin ? Tout le monde reconnaît en effet que devoir le présenter en septembre est un handicap pour les jeunes femmes qui ont dû passer l'été à s'occuper de leurs enfants.

Ne serait-il pas possible également de dédoubler les postes de la haute fonction publique, comme cela se fait dans un certain nombre de pays.

Enfin ne devrait-on pas envisager de respecter effectivement la parité pour les nominations au tour extérieur, qui sont effectuées par les hauts responsables de l'Etat, et d'abord par le Premier ministre.

Ouvrir l'administration sur l'Europe et sur le monde, parfaire sa mobilité, est un objectif essentiel. Le programme phare, le programme Carolus, tend à faire de l'ENA un des outils essentiels de la francophonie. Le problème de la double implantation est à peu près réglé et nous pouvons aussi nous appuyer sur l'amicale des anciens élèves de l'ENA, si forte à l'étranger.

Et puis rénovons l'éthique, monsieur le ministre. Il ne peut pas y avoir de véritable fonction publique, celle que nous souhaitons ardemment, celle qui fait l'honneur de la France à l'étranger, sans une éthique. Et cette éthique, il faudrait la faire progresser dans trois domaines.

Premièrement, vis-à-vis de la discipline. Qu'on le veuille ou non, la révocation, les mesures disciplinaires doivent exister.

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

Or je constate, année après année, dans les chiffres qui nous sont fournis, u ne quasi-disparition des mesures disciplinaires. Au moment où l'on nous parle de la responsabilité des magistrats, j'avoue que cette évolution m'interpelle. Comment dire à des fonctionnaires qu'ils seront plus indépendants, plus déconcentrés, plus décentralisés et, parallèlement, moins responsables ? Le deuxième problème d'ordre éthique est le cumul des activités et des rémunérations. La double rémunération est, à mon sens, très difficilement compatible avec le statut de fonctionnaire. Il faut avoir le courage de prendre des mesures législatives en s'inspirant du rapport publié par le Conseil d'Etat au mois de mai dernier. Je ne peux pas admettre que des professeurs d'université, même si ce n'est pas la majorité, aient en même temps un cabinet d'avocat ou exercent d'autres activités qui, selon le Conseil d'Etat, occupent l'essentiel de leur temps et représentent l'essentiel de leur rémunération.

Enfin, il faudra également avoir le courage de lancer une réflexion sur la situation des agents publics exerçant un mandat politique.

M. Dominique Bussereau.

Très bien !

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis.

Il a fallu attendre le rapport du cinquantenaire de l'ENA pour que le sujet soit abordé. Nous ne sommes pas tout à fait sur la même ligne quant aux solutions, mais vous admettez que le problème se pose. Il reste à le résoudre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Une dernière question pour conclure : quelle fonction publique et quels fonctionnaires souhaitons-nous pour la France de l'an 2000 ? La fonction publique a besoin d'un discours fort au plus haut niveau de l'Etat. Il vous appartient, monsieur le ministre, mais il appartient surtout au Président de la République et au Premier ministre de dire ce qu'ils attendent de la fonction publique, dont le rôle, en l'an 2000, n'est plus le même qu'en 1950, avec la mondialisation, avec les nouvelles techniques, avec l'Europe.

Face à ces nouveaux défis, il faut faire entendre aux fonctionnaires un langage fort, car servir l'Etat, aujourd'hui comme demain, reste une tâche exaltante.

M. Dominique Bussereau et M. Dominique Paillé.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Dominique Paillé, premier orateur inscrit.

M. Dominique Paillé.

Monsieur le ministre, après le remarquable rapport de M. Tourret, je vous ferai part des observations de mon groupe sur votre projet de budget.

L'UDF constate que, pour la fonction publique comme dans un grand nombre d'autres domaines, le Gouvernement privilégie le court terme et emprunte la voie de la facilité, au lieu d'engager des réformes structurelles qui nous apparaissent pourtant - comme à Alain Tourret réellement indispensables. A l'appui de cette affirmation, je souhaiterais mettre l'accent sur quatre points.

Tout d'abord, la France a besoin d'une réforme globale portant sur l'ensemble de la gestion des agents de l'Etat.

Le véritable enjeu est de remédier à cette situation paradoxale où coexistent des phénomènes de suradministration, notamment liés à la persistance de doublons entre l'Etat et les collectivités locales, et une réelle insuffisance de moyens qui, assortie d'une inquiétante dégradation des conditions de travail, affecte des missions essentielles de service public, en particulier la sécurité et l'éducation.

Pour y parvenir, il faut effectuer une évaluation de l'efficacité et de l'efficience des dépenses au regard des réelles priorités, afin de procéder aux redéploiements indispensables.

L'amélioration des services rendus aux usagers citoyens ne passe pas par la création d'emplois budgétaires, en tout cas pas au-delà des 5,1 millions de fonctionnaires en activité. Elle ne passe pas davantage par le recours à l'emploi précaire, qui représente 1,4 million de nontitulaires dans les trois fonctions publiques, ni par les emplois-jeunes. Cela ne ferait qu'entretenir l'exception française de l'emploi public qui a été, de tout temps, développé au détriment du secteur privé.

Il faut au contraire, selon nous, moderniser concrètement la gestion des ressources humaines dans la fonction publique et aller bien au-delà des affirmations de principe, dont relève, par exemple, l'annonce d'une charte consacrée à ce sujet. Il convient de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois, de promouvoir la mobilité, d'assurer une meilleure formation initiale et continue, et d'organiser une évaluation des carrières.

Le départ de 700 000 fonctionnaires à la retraite d'ici à 2010 représente une chance historique de moderniser la fonction publique à effectifs constants, à condition bien sûr que la politique de recrutement ne se contente pas d'un remplacement poste par poste, sans évaluation des besoins à moyen terme au regard des missions essentielles de l'Etat. Mais, en dehors de la création envisagée d'un observatoire de l'emploi dans la fonction publique, vous n'êtes pas véritablement à même de vous engager sur cette voie.

Le deuxième aspect que je souhaiterais mettre en exergue, c'est le caractère pour partie fictif de ce budget qui ne provisionne pas le résultat des futures négociations salariales dans la fonction publique.

Le projet de loi de finances pour 2000 ne comprend que 230 millions de francs inscrits au budget des charges communes à titre de provision pour couvrir les ajustements complémentaires des rémunérations publiques pouvant intervenir courant 2000. Aux dires mêmes du rapporteur spécial, M. Vila, cette provision n'a guère de sens : étant donné qu'une revalorisation de 1 % de la valeur du point d'indice engendre un coût d'environ 6,3 milliards de francs pour le budget de l'Etat, elle permettrait de faire face en 2000 à une hausse de seulement 0,04 %. Je me permets de vous rappeler que le coût de l'accord salarial du 10 février 1998, qui prévoyait une revalorisation des traitements de 1,3 % en 1998 et en 1999, est évalué à 8,5 milliards de francs pour 2000 après avoir été de 9,5 milliards en 1999. Les insuffisances dans ce domaine sont donc incontestables.

Troisième aspect sur lequel je voudrais m'appesantir un instant : ce budget révèle que l'Etat employeur ne s'applique pas les mêmes contraintes que celles qu'il impose aux acteurs du secteur privé, qui sont les principaux moteurs de la croissance et de l'emploi, qu'il s'agisse de la réduction et de l'aménagement du temps de travail, du financement des retraites ou de l'insertion des handicapés.

Sur le premier point, nous n'avons que des incertitudes. Selon vos propres termes, monsieur le ministre, l'objectif de l'accord-cadre inter-fonctions publiques n'est p as d'apporter une réponse quelconque en matière d'emplois, mais de promouvoir une amélioration des conditions de vie et une avancée sociale. Or les négociations s'avèrent pour le moins très difficiles.

L'incertitude qui règne est aggravée par le manque de visibilité sur le temps de travail effectif dans la fonction publique. Le rapporteur pour avis, Alain Tourret, s'est heurté à l'impossibilité de connaître le nombre d'heures complémentaires ou de jours travaillés par catégorie de fonctionnaires. Faute de réponse, il n'a pas évoqué les 35 heures dans son rapport.

Une de vos rares précisions, monsieur le ministre, porte sur l'absence d'aides spécifiques en matière de réduction du temps de travail. Or, dans la fonction publique territoriale, des disparités entre les communes se feront certainement un jour, les plus petites se heurtant à des difficultés pour appliquer la réduction du temps de travail. Vous avez fait remarquer que des disparités entre collectivités locales en matière de statut des fonctionnaires existaient déjà et que les marges de manoeuvre pour y remédier étaient étroites, compte tenu du principe de libre administration des collectivités. C'est désormais pour vous un principe à géométrie variable, derrière lequel vous vous réfugiez pour l'application des 35 heures, mais que vous évoquez avec beaucoup moins d'empressement quand il s'agit de définir les moyens de ces collectivités.

S'agissant des retraites, les perspectives sont inquiétantes. Une grande incertitude entoure les mesures qui devraient permettre de faire face au départ massif à la retraite, d'ici à 2010, de 700 000 agents titulaires des services civils de l'Etat, soit 43 % des effectifs. Le problème du financement des retraites n'est pas traité. C'est d'autant plus préoccupant qu'il y a déjà 4,2 millions de retraités de la fonction publique et surtout que les charges de pensions ont tendance à augmenter encore plus rapidement que les autres dépenses de personnel. Il faut notamment signaler que le financement de la retraite des agents des collectivités locales est loin d'être assuré. Le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Gouvernement devra donc une nouvelle fois se tourner vers les contribuables en leur prélevant au moins 6 milliards pour les deux années à venir. De plus, la question de l'avenir des régimes spéciaux n'a été ni résolue ni même abordée.

Quant à l'accueil des handicapés dans la fonction publique, il est manifestement insuffisant. Un chiffre, un seul, mérite d'être cité : les handicapés ne représentent que 3 % des effectifs, alors qu'en ce domaine l'Etat devrait se montrer exemplaire.

Enfin, monsieur le ministre, le dernier des quatre points que j'ai retenus pour justifier que l'UDF ne vote point votre budget, c'est que vous n'entamez ni de près ni de loin - mais l'inverse nous aurait surpris - une réflexion sur la déontologie des fonctionnaires.

En ce qui concerne le cumul des activités publiques et privées, vous vous êtes déclaré conscient de l'insuffisance du dispositif législatif et réglementaire, qui remonte à 1936. L'étude demandée au Conseil d'Etat devrait aboutir à un projet de réforme concernant les trois fonctions publiques, qui pourrait - je dis bien « qui pourrait » être présenté au premier trimestre de l'année 2000. Il aurait été déjà intéressant de connaître les suites que v ous entendez donner à ce rapport de M. Prada, afin de prévenir le pantouflage des cadres supérieurs de la fonction publique, par exemple.

La question de l'inégalité de traitement entre fonctionnaires et salariés du secteur privé en matière de candidature à des fonctions publiques électives doit aussi être rapidement abordée et traitée. La diversification du profil des candidats aux élections est en effet un enjeu essentiel pour la démocratie. Sans aller jusqu'à adopter les dispositions rigoureuses appliquées par un certain nombre de pays étrangers, notamment européens - je pense au Royaume-Uni -, il faudrait revoir le régime du détachement, qui confère aux fonctionnaires élus des avantages exorbitants par rapport à la situation des acteurs du privé.

Je parle en connaissance de cause.

Par ailleurs, la récente circulaire relative aux régimes indemnitaires des fonctionnaires laisse craindre que des recours ne soient intentés contre plusieurs de ces régimes en raison de leur défaut de base juridique.

Enfin, le petit nombre et la légèreté des sanctions prononcées traduisent l'absence d'un véritable pouvoir disciplinaire. Cette situation porte atteinte à la crédibilité même de la fonction publique. Quelques chiffres sont éloquents. En 1998 notamment, il n'y a eu que 285 révocations, dont 90 pour détournement et conservation de fonds. Il ne faut pas, en ce domaine, se contenter de l'existant.

J'aurais pu, monsieur le ministre, évoquer d'autres aspects que vous évitez soigneusement de traiter, par exemple les suites que vous souhaitez donner au rapport de Mme Colmou sur la parité dans la haute fonction publique. Les femmes n'y représentent que 8 % des emplois, ce qui est, comme l'a souligné fort justement Alain Tourret, une situation proprement scandaleuse.

J'aurais pu également parler de l'ouverture de la fonction p ublique sur l'étranger et prioritairement, pour le groupe UDF, sur l'Europe. A cet égard, vous n'avez rien amorcé et, pire encore, rien envisagé.

Mais je ne tiens pas à charger la barque. Les quelques raisons que je viens d'évoquer suffisent, monsieur le ministre, à démontrer que l'UDF ne peut pas vous suivre sur ce projet de budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'évolution de la fonction publique est au coeur de la réforme de l'Etat. Mais, faute de courage politique, le Gouvernement diffère sans cesse l es indispensables réformes relatives à la fonction publique. Aussi la réforme de l'Etat reste-t-elle au stade des intentions, malgré quelques initiatives intéressantes de la nouvelle délégation.

Réformer l'Etat, c'est d'abord chercher à « dépenser mieux pour prélever moins » - je reprends là l'expression du président de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, lorsqu'il a mis en place la mission d'évaluation et de contrôle.

Or jamais les charges de personnel de l'Etat n'ont été aussi élevées. En 2000, elles atteindront 675 milliards de francs et dépasseront 40 % du budget de l'Etat. Depuis que le gouvernement Jospin a pris ses fonctions, la dérive de ces dépenses, un instant interrompue par le précédent gouvernement, a repris de plus belle : plus 6,7 % en 1999, soit trois fois plus que la prévision pour l'ensemble des dépenses du budget de l'Etat, et en 2000, l'augmentation est de 3,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1999.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Dites-le à vos amis, monsieur Carrez !

M. Patrice Carvalho.

Ce n'est pas assez par rapport aux besoins !

M. Gilles Carrez.

C'est là l'exemple le plus frappant de l'absence des maîtrise de la dépense publique par l'actuel gouvernement.

Cette évolution accélérée a plusieurs causes. En premier lieu, on peut noter l'accord salarial du 10 février 1998, qui porte votre nom. Ses effets en année pleine vont se faire totalement sentir en 2000. Le surcoût est de 8,5 milliards de francs par rapport à 1999, mais, surtout, il est de 23 milliards par rapport à la situation initiale. Et cet accord s'applique aussi à la fonction publique locale et à la formation publique hospitalière.

Au total, et je reprends là les chiffres qui angoissaient le rapporteur général du budget, Didier Migaud, lors du débat sur la première partie de la loi de finances, cet accord conduit à un alourdissement de 41 milliards de la dépense publique en 2000, soit 0,5 point de PIB. Or, avec 54 % de son PIB consacré à la dépense publique, la France bat, hélas ! tous les records dans ce domaine.

En faisant ces rappels, monsieur le ministre, je ne conteste aucunement la nécessité de rémunérer correctement les fonctionnaires, car le service public, qu'il soit d'Etat ou local, joue un rôle irremplaçable dans notre pays, qu'il s'agisse d'assurer les missions régaliennes, d'améliorer l'égalité entre les citoyens ou de préserver la cohésion sociale.

Mais, comme en 1988-1989, avec les revalorisations au bénéfice des enseignants décidées par Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale - revalorisations au demeurant nécessaire -, l'accord salarial de 1998 n'est assorti d'aucune condition ou conrepartie, d'aucun effort de recherche d'un service public de meilleure qualité, rendu à un coût mieux maîtrisé, par respect du citoyen contribuable.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Ainsi, l'Etat continue de méconnaître le nombre de ses fonctionnaires. La seule information dont dispose le Parlement est, à l'occasion de chaque loi de finances, l'évolution des effectifs budgétaires. Un tableau, extrêmement sommaire, nous est simplement communiqué. Il fait apparaître que, après la création de 490 emplois en 1998, la stabilisation par redéploiement, en 1999, le budget 2000 annonce le création de 247 emplois.

Mais chacun connaît le caractère largement fictif de cette comptabilité. Ainsi, dans l'éducation nationale, certains emplois créés n'entrent pas dans ces comptes puisqu'ils sont gagés sur des crédits d'heures supplémentaires.

Globalement, une comptabilité qui reprend l'ensemble des chiffres des « bleus » budgétaires traduit, contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement, une hausse constante et importante des effectifs réels de la fonction publique, personnels titulaires et non titulaires.

De surcroît, l'Etat est incapable de suivre avec précision ses agents, mis à disposition, ou placés en détachement ou en disponibilité dans différents organismes. Pour m'être efforcé de tenir une comptabilité des effectifs, lorsque j'étais rapporteur spécial du budget de l'éducation nationale, je puis vous assurer que c'est extraordinairement difficile. Après avoir obtenu différents chiffres, avec la complicité de Bercy, on s'apercevait, en effet, qu'ils dépassaient l'entendement puisqu'ils s'élevaient à des dizaines de milliers pour la seule éducation nationale.

D'ailleurs, cette expérience de rapporteur spécial est loin d'être unique. Ainsi, comme le premier président de la Cour des comptes l'écrivait récemment au ministre de l'emploi et de la solidarité, la Cour a relevé, en 1998, que

« les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale ». Il indiquait qu'une « amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs était indispensable ». Au coeur de la réforme de l'Etat figure la nécessité de mettre en place une véritable gestion du personnel. La qualité du travail des fonctionnaires, leur mérite, leur capacité à atteindre les objectifs qui leur sont fixés doivent être davantage reconnus et pris en compte dans leur rémunération.

Dans un environnement dont l'évolution est de plus en plus rapide, la formation et la mobilité des fonctionnaires doivent être favorisées. Tel est l'enjeu d'un service public de meilleure qualité, rendu à un coût moindre, auquel le groupe du Rassemblement pour la République est profondément attaché.

M. Arthur Dehaine.

Très bien !

M. Gilles Carrez.

Les années qui viennent vont être décisives à cet égard. En effet, d'ici à 2010, plus de 40 % des fonctionnaires partiront à la retraite. Ces départs en retraite doivent être l'occasion de mettre en place un Etat moins lourd, mais plus efficace.

Les redéploiements d'effectifs entre administrations, avec pour but de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, doivent être accentués. Dans le domaine social, dans celui de la sécurité, et plus généralement dans les missions régaliennes de l'Etat, les besoins demeurent importants. Mais il ne s'agit pas, comme vous l'avez trop fait jusqu'à présent, d'augmenter de façon indifférenciée le nombre de fonctionnaires. Monsieur le ministre, il faut avoir le courage politique de renforcer l'Etat là où son rôle s'avère indispensable et de l'alléger là où ses missions ont évolué.

De plus, la mise en oeuvre des techniques modernes de gestion, informatique, communication, par exemple, permet aujourd'hui de limiter le poids des administrations, en particulier des administrations centrales. Là aussi, il s'agit avant tout de faire preuve d'une volonté politique, que l'actuel gouvernement a trop tendance à différer.

Ainsi, l'indispensable mouvement de déconcentration, tant des décisions que des fonctionnaires eux-mêmes, est actuellement interrompu. Une impulsion avait été donnée par le Gouvernement en 1991. Elle avait été poursuivie par les gouvernements suivants. Aujourd'hui, et c'est un paradoxe, alors que le Premier ministre a décidé d'engager une relance de la décentralisation, son indispensable corollaire, la déconcentration de l'Etat, est en panne.

Les retraites des fonctionnaires posent aussi un problème redoutable. Le rapport Charpin a clairement défini les enjeux, et pourtant, depuis sa remise, il ne se passe plus rien. Les régimes spéciaux seront en grave difficulté d'ici à quatre ou cinq ans. Déjà, en 2000, il va falloir augmenter la cotisation employeur du régime spécial le plus sain, celui de la CNRACL. Mais, en dehors de ces mesures classiques d'augmentation de cotisations, aucune réforme de structure n'est envisagée.

Quel contraste, mes chers collègues, avec la réforme courageuse de 1993, qui concerne les salariés du secteur privé ! Mais aussi, quelle injustice que de voir se creuser l'écart entre les régimes de retraite du privé et les régimes spéciaux des agents publics ! Là aussi, le diagnostic est posé, par vous-même d'ailleurs, monsieur le ministre. Mais la solution qui s'impose doit-elle être conditionnée par les seules échéances électorales ?

M. Arthur Dehaine.

Certainement pas !

M. Gilles Carrez.

Ce n'est en tout cas pas l'idée que se fait le groupe gaulliste de l'intérêt général.

En terminant ce propos, je souhaite aborder deux autres sujets de préoccupation, qui sont au coeur des promesses électorales que vous avez faites en 1997. Il s'agit des emplois-jeunes et des 35 heures.

S'agissant des emplois-jeunes, les interrogations portent avant tout sur les emplois d'Etat, en particulier dans l'éducation nationale. En effet, beaucoup de collectivités locales, de gauche comme de droite, ont avec sagesse recruté des emplois-jeunes avec le souci de bien les former et de pouvoir les intégrer lorsqu'ils le souhaiteraient.

Elles ont donc été très attentives, dans leur démarche, à l'évolution de la pyramide des âges à cinq ans. Ce n'est pas le cas de l'Etat.

M. Dominique Bussereau.

Tout à fait !

M. Gilles Carrez.

Que deviendront ces dizaines de milliers d'emplois de l'éducation nationale dont une partie importante n'offre ni formation ni perspectives ? N'est-ce pas là une véritable bombe à retardement pour les futurs gouvernements ?

M. Eric Doligé.

Eh oui !

M. Gilles Carrez.

Les 35 heures dans la fonction publique sont aussi un véritable défi, notamment du point de vue de l'égalité et de la justice entre les Français.

Le rapport Roché, qui vous a été remis en février dernier, rappelle que la durée du travail dans la fonction publique est très « contrasté ». Il relève une véritable dérive dans un certain nombre de services où la durée effective du travail n'atteint pas 30 heures, voire 25.

Comment le Gouvernement envisage-t-il l'application des 35 heures dans la fonction publique ? Accepte-t-il par avance le surcoût considérable qui sera imposé à nos concitoyens déjà accablés d'impôts ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Ou bien, monsieur le ministre, allez-vous utiliser les négociations sur les 35 heures comme une occasion de remettre à plat l'organisation du temps de travail dans la fonction publique, comme une occasion aussi de moderniser notre administration, d'améliorer ses relations avec le public et d'accroître son efficacité et sa motivation ? En tout cas, nous ne pouvons nous satisfaire du vague des réponses actuelles du Gouvernement et parfois même de leur hypocrisie. J'espère que, tout à l'heure, vous nous apporterez des éclaircissements.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, le groupe gaulliste est habité par une profonde confiance dans le service public. La Ve République a prouvé magnifiquement, dans ses dix premières années d'existence, à quel point elle savait s'appuyer sur ses administrations pour mener à bien l'oeuvre de redressement national.

Même si le monde a changé, même si la concurrence et la mondialisation tentent d'imposer leurs règles, nous pensons, nous gaullistes, que l'Etat, et plus généralement la collectivité publique, conservent un rôle éminent.

Ce rôle doit évoluer, il doit s'adapter et se moderniser.

Voilà quarante ans, les défis n'étaient pas moins difficiles à relever. Mais le courage politique et le sens de l'intérêt général guidaient la ligne de conduite.

Aujourd'hui, malgré des analyses convergentes, malgré un diagnostic incontestable, le Gouvernement n'agit pas.

C'est la raison pour laquelle, avec tristesse, le groupe du Rassemblement pour la République ne peut que voter contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est à partir des première lignes de l'excellent rapport de Jean Vila que je souhaite informer l'Assemblée des observations qu'inspirent aux députés communistes les crédits proposés pour la fonction publique, la réforme de l'Etat et la décentralisation.

Ainsi, je lis page 5 ce que nous avons tous en tête :

« Le projet de loi de finances pour 2000 n'apparaît pas à la hauteur de la place essentielle qu'occupe la fonction publique au sein de l'économie nationale et de l'instrument irremplaçable de cohésion et donc d'efficacité économique qu'elle représente. »

Si je me suis permis ce rappel, c'est que je suis convaincu que c'est au travers de la signification que ces termes recouvrent que nous pouvons et devons apprécier le budget qui nous est soumis.

Quelle fonction publique pour quel service public dans la France de demain ? C'est bien sur la lisibilité de la politique menée en direction de la fonction publique et du service public que nous devons nous exprimer.

Il y a, en effet, confrontation entre, d'une part, la conception républicaine exprimée dans la Constitution,

« La France est une république indivisible », avec pour conséquence une fonction publique affirmant son unité, et, d'autre part, une conception clientéliste de la fonction publique qui implique que, travailler dans la fonction publique, c'est exercer un métier comme un autre pour lequel l'administration recrute ses agents en vue d'occuper des postes répondant à des caractéristiques fonctionnelles définies, comme le fait une entreprise privée.

En France, personne ne semble vouloir le contester officiellement, nous sommes attachés à une certaine conception de la fonction publique, qui est celle de la carrière publique couvrant toute une vie professionnelle.

Elle correspond à la reconnaissance d'une fonction sociale qui répond aux exigences du service public, dans la diversité des activités et des tâches professionnelles qu'il englobe.

On ne sert pas l'Etat et les collectivités territoriales qui composent la République comme on sert une société privée. L'exercice d'un métier organisé par référence à l'in térêt général et au service public est bien la caractéristique essentielle du fonctionnaire.

C'est dire combien sont importantes les modalités spécifiques de recrutement, de gestion, de formation, de définition de la déontologie de la fonction qui fassent prévaloir en toute circonstance le service public sur toute autre considération.

Concilier la neutralité du service public pour l'usager et la reconnaissance de la pleine citoyenneté du fonctionnaire, sur la base du pluralisme, n'est pas chose aisée.

Mais je crois que la France a su travailler à l'application de ces principes et fait reconnaître à de nombreux autres pays, notamment en Europe, l'intégrité et la qualité de notre fonction publique.

Qu'on le veuille ou non, la fonction publique est une réalité dans la société française qui ne peut se satisfaire de certains comportements ou discours à son encontre.

On dénonce le fameux statut de « privilégié » des fonctionnaires. Mais faut-il rappeler qu'ils entrent dans la fonction publique par concours et qu'ils doivent leur situation à leur mérite ? On oublie aussi de souligner l'ampleur du phénomène de précarité existant, dû au recrutement massif d'agents non titulaires, qu'ils soient auxiliaires, vacataires, contractuels ou sous contrat de droit privé.

Quant aux effectifs, trop élevés selon certains, ce qui avait conduit à la suppression nette de 5 600 emplois civils en 1996, il suffit d'écouter les lycéens, les infirmières ou les personnels des finances, de l'équipement, de la sécurité, pour savoir ce qu'il en est. Monsieur le ministre, le percepteur est venu ce matin dans mon bureau pour m'indiquer qu'il n'avait pas pu assurer la paie des employés de la ville, par manque d'effectifs.

Voilà la réalité ! A-t-on entendu l'un de nos concitoyens regretter qu'il y ait trop de service public en France ? Trop de personnel pour l'assumer ? Pourtant, les campagnes de presse ou autres déclarations sous-entendant que l'application des 35 heures dans la fonction publique ne saurait être à l'ordre du jour, ou remettant en cause les acquis, - nous venons d'en avoir un exemple à l'instant -, se multiplient. On prétend que la grande majorité des fonctionnaires travailleraient moins de 39 heures, voire pour certains déjà moins de 35 heures, sans parler d'un absentéisme abusif.

M. Pierre Lequiller.

C'est Allègre qui a dit tout cela !

M. Patrice Carvalho.

Nous ne pouvons que déplorer ces critiques qui ne permettent pas d'aborder la question de la réduction du temps de travail en toute quiétude,...

M. Dominique Bussereau.

Que les fonctionnaires commencent par faire 35 heures !

M. Patrice Carvalho.

... dans des rapports de responsabilité entre l'Etat employeur, les personnels et leurs organisations syndicales.

Au regard des quelques observations que je viens brièvement de formuler, au regard de votre attachement non dissimulé, monsieur le ministre, au service public, à la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

conception française de l'Etat républicain et à ses principes qui fondent le lien social, les personnels, leurs organisations syndicales, les usagers, les élus, l'ensemble de la population française attendent de la politique gouvernementale des orientations claires qui tendent à garantir et à accroître le rôle essentiel du service public en confirmant la conception française de la fonction publique liée à l'intérêt général, et qui proposent des moyens capables de répondre à ces objectifs.

En clair, nous attendions de ce projet de budget qu'il marque un changement de cap indispensable de la politique gouvernementale en ce domaine. Force est de constater qu'il condamne, au contraire, notre pays au respect de critères décidés ailleurs. Ceux-ci le plongent dans une administration conforme aux exigences de Maastricht et d'Amsterdam peu soucieux de la cohésion sociale et de l'efficacité économique dont est porteur le service public.

Bien que les crédits gérés spécifiquement par le ministère que vous dirigez, monsieur le ministre, ne permettent pas, à notre avis, d'appréhender la totalité de la politique de la fonction publique, il est à noter malgré tout que ces dotations s'élèveront à 1 357 millions de francs contre 1 452 millions en 1999, soit une diminution importante de 6,5 %. Cette baisse, nous explique-t-on, est due à la non-reconduction totale de l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs consacrée à l'action sociale interministérielle accordée en 1998 et reconduite en 1999, conformément à l'accord salarial du 10 février 1998.

Sachant combien ces crédits ont contribué à relancer la politique d'action sociale au profit des agents de l'Etat, nous avions demandé, lors de l'examen du budget pour 1999, que cette disposition soit pérennisée. Nous regrettons de n'avoir pas été entendus.

En ce qui concerne l'évolution des effectifs, le solde légèrement positif entre les suppressions et les créations de postes ne correspond qu'à une stabilisation par rapport à 1998.

Les ministères qui bénéficient de créations, justifiées selon nous, sont ceux dont l'action a été jugée prioritaire par le Gouvernement. En revanche, nous inquiètent encore fortement, d'une part, une nouvelle réduction des effectifs des services des finances et de l'équipement - par transfert, pour ce dernier, de certaines missions aux collectivités locales, notamment aux départements, partition oblige - et, d'autre part, le fait que certains ministères n'obtiennent aucune création.

Dans ces conditions comment pourra-t-on répondre concrètement aux besoins criants dans les collèges, dans les lycées, dans les hôpitaux, dans les commissariats de police, dans les collectivités ? Comment pourra-t-on promouvoir le développement de services de proximité ? Comment sera-t-il possible de redynamiser la politique de résorption de l'emploi précaire ? De même on ne pourra pas lever la menace qui pèse sur les retraites des fonctionnaires sans nouveaux cotisants, sans crédits supplémentaires, alors que le nombre de départs sera en forte croissance : 43 % des fonctionnaires seront partis en retraite en 2010. Comment d'ailleurs engager sérieusement la réduction du temps de travail dans la fonction publique, sans moyens humains nouveaux, sans créations de postes à la hauteur des ambitions ? Je n'ai pas évoqué dans cette liste les emplois-jeunes mais vous savez, monsieur le ministre, que, depuis qu'ils ont été créés, nous prônons leur pérennisation. Seront-ils ou non intégrés dans la fonction publique, et sous quel statut ? Il ne faudrait pas que l'application de la loi s'inscrive dans une logique de substitution.

Pour ce qui est du congé de fin d'activité qui répond, depuis que le dispositif a été mis en place, à une aspiration légitime des personnes concernées, nous souhaitons que votre réponse, monsieur le ministre, nous apporte pleine satisfaction. Il faut, en effet, non seulement prévoir la reconduction du CFA pour 2000 mais aussi sa pérennisation.

Après avoir été bloquées en 1996 et 1997, les rémunérations des fonctionnaires auront bénéficié d'un rattrapage dans le cadre de l'accord salarial de 1998. Nous nous en félicitons, même si - personne ne le contestera - nous sommes encore loin d'une revalorisation significative du pouvoir d'achat de ceux-là même qui n'ont pas été épargnés par la rigueur prônée durant de trop nombreuses années.

Néanmoins, nous partageons l'inquiétude des organisations syndicales quant à l'inexistence de marges de disponibilités pour des négociations salariales en 2000. Pouvezvous, monsieur le ministre, nous donner des précisons en ce domaine ? Les députés communistes auraient aimé déceler dans ce projet de budget des signes concrets pour une dynamique de développement du service public dans des secteurs où le besoin s'en fait tellement sentir. Le moins grave que le pire n'est pas un objectif enthousiasmant. Ce projet ne permettra pas au service public de jouer le rôle moteur de cohésion sociale et d'efficacité économique qui manque à notre pays. C'est pourquoi, soucieux que soient concrétisées les aspirations de nos concitoyens, des personnels de la fonction publique et des élus, les députés communistes s'abstiendront.

Attention, monsieur le ministre, de régression en régression, vous risquez un jour de conduire les députés communistes à voter contre votre budget. Personnellement, je suis prêt à le faire.

M. le président.

La parole est à Mme Claudine Ledoux.

M. René Dutin.

Très bien !

Mme Claudine Ledoux.

Monsieur le ministre, pour la troisième année consécutive vous nous présentez un budget qui contribue à la nécessaire remise en état de l'administration et des services publics. En effet, le gouvernement auquel vous appartenez a rompu avec la politique de démantèlement menée par le passé et tient la fonction publique pour l'un des acteurs déterminants de la vie sociale et économique du pays.

M. Dominique Bussereau.

Et des urnes !

Mme Claudine Ledoux.

L'action que vous menez depuis 1997 le prouve. Qu'il s'agisse du niveau des effectifs, des salaires, de l'action sociale interministérielle, la logique, par rapport à la période antérieure à 1997, a été inversée.

Depuis trois ans, les effectifs sont en hausse ; les rémunérations principales des agents ont été revalorisées de sorte que plus aucun salaire dans la fonction publique n'est inférieur au SMIC ; et les crédits sociaux ont connu une croissance de près de 40 %.

Le changement d'attitude du Gouvernement à l'égard des services a permis non seulement de rendre à l'administration la place qui doit être la sienne dans une république moderne et sociale, mais également de renouer avec les agents un dialogue serein et constructif. Il s'agit d'un sujet capital pour nous, élus de gauche.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

En effet, depuis votre arrivée, la fonction publique a repris le chemin de la négociation et du dialogue. La contractualisation des relations entre votre ministère et les agents publics est assurément à ranger au nombre des plus grandes réussites de votre action. Ce retour au dialogue avec la fonction publique a porté ses fruits une première fois avec la signature, le 10 février 1998, de l'accord salarial, dans un climat apaisé grâce aux premières décisions du Gouvernement en 1997.

La non-reconduction pour 2000 de la dotation exceptionnelle, de 230 millions de francs affectée, aux crédits sociaux interministériels entraîne un léger ralentissement du budget de votre ministère. Si l'on tient compte de cette non-reconduction, connue dès la signature des accords du 10 février, le budget est en baisse de 6,7 %.

En revanche, si l'on exclut cette dotation exceptionnelle, il enregiste une augmentation significative puisque les crédits sociaux ordinaires connaîtront une progression de 17 %. Au titre des acquis, il convient également d'évoq uer les effectifs qui connaîtront un solde positif en 2000.

Alors que les dotations exceptionnelles avaient permis une relance significative des prestations sociales offertes aux agents, l'augmentation pour 2000 illustre une volonté sans faille de maintenir le cap de la politique sociale engagée. Cette dernière est concentrée, cette année encore, sur l'amélioration de l'insertion des agents handicapés pour un montant de 80 millions de francs et, surtout, sur la prestation « chèque-vacances », l'une de celles auxquelles les agents sont le plus attachés.

En effet, depuis sa création, en 1984, elle n'a cessé de croître en crédits budgétaires et en popularité. En 2000, elle s'élèvera à 270 millions de francs, soit une augmentation de 10,2 %. Mesure de régulation des inégalités par excellence, son caractère social est renforcé par votre circulaire du 15 mai 1998 qui en fixe les nouvelles conditions d'attribution. Cette mesure prend aujourd'hui toute sa signification et un relief particulier puisqu'elle s'adresse prioritairement aux agents des catégories les moins rémunérées et présentant les quotients familiaux les plus forts.

Monsieur le ministre, nous le savons, vous n'êtes pas investi de la gestion des crédits affectés à la rémunération principale des agents. Par conséquent les créations de postes budgétaires relèvent du budget de chacun des départements ministériels dépensiers. Cependant, l'observation de la progression des effectifs reste un point fondamental pour avoir une vue d'ensemble de l'action du Gouvernement en faveur de la fonction publique. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité évoquer ce sujet. Nous comptons d'ailleurs sur vous pour être notre meilleur relais sur cette question qui nous tient à coeur.

Nous avons condamné sans aucune réserve et avec fermeté la politique de suppression systématique et programmée des postes budgétaires, stoppée par bonheur dès votre arrivée. Faut-il rappeler qu'en 1997, sous l'action de l'ancien gouvernement, 5 599 postes budgétaires avaient été supprimés ? Les chiffres indiquent clairement votre volonté de préserver à leur niveau actuel les emplois, notamment au sein des services mobilisés par les axes prioritaires de la politique gouvernementale.

Après une augmentation de 490 postes en 1998 et une neutralisation en 1999, 2000 verra une nouvelle progression de 366 postes budgétaires. Des créations de postes interviendront au ministère de la justice, au ministère de l'emploi et de la solidarité et au ministère de l'environnement.

Les opérations de redéploiement témoignent également de la volonté de rationaliser la gestion des effectifs et de définir des priorités. Il convient cependant de souligner le sacrifice consenti par les services de l'équipement qui ont enregistré, depuis trois années consécutives, des suppressions de postes très importantes.

M. René Dosière.

C'est un vrai problème !

Mme Claudine Ledoux.

L'année passée je vous avais déjà fait part de ma préoccupation sur ce sujet. Nous ne méconnaissons pas la nécessité d'opérer des choix et l'expérience quotidienne montre que ces derniers s'imposent lorsque le souci prioritaire de préserver le service public doit se conjuguer avec la question de la maîtrise des dépenses budgétaires. Cependant, si cette dernière est importante, elle ne saurait faire perdre de vue la nécessité absolue d'assurer la permanence de l'action de ce ministère sur l'ensemble du territoire.

En effet les services de l'équipement jouent un rôle de toute première importance pour les administrés, tant sur le terrain avec l'entretien de la voirie, en période hivernale par exemple, que sur le plan administratif avec l'inst ruction des dossiers de demandes de permis de construire. Si l'on considère la pénibilité du travail dans ces services, le maintien d'un effectif minimum est tout à fait justifié.

Cela vaut également pour d'autres services. Ainsi il n'est pas possible de taire l'émotion ressentie, il y a quelques semaines, lorsqu'un haut responsable de l'assurance maladie a publiquement déclaré que 50 000 emplois pourraient être supprimés dans la fonction publique hospitalière. La fréquentation de l'hôpital permet à tout un chacun de constater que la charge de travail et les responsabilités y sont écrasantes et de relever que la compétence et le dévouement des agents sont à la hauteur de la mission qui leur est confiée.

Nous, élus de gauche, comme l'ensemble des usagers, sommes profondément attachés au service public et repoussons vigoureusement les discours sur la situation prétenduement privilégiée des agents publics. A la veille de la reprise des négociations et au moment de la poursuite des discussions sur les 35 heures, l'état des effectifs de la fonction publique est un sujet très délicat. Les partenaires sociaux, malgré les réserves que je viens d'exposer, ne peuvent qu'être sensibles au résultat positif du t ableau des créations et des suppressions d'emplois pour 2000.

La période qui s'ouvre verra se dérouler une négociation salariale dont le principe a été arrêté dans les accords du 10 février 1998, ainsi que la négociation importante relative aux 35 heures.

Vivement souhaitée par les agents et leurs organisations syndicales, la réduction du temps de travail dans la fonction publique n'a cessé d'être évoquée et revendiquée depuis l'arrivée du nouveau gouvernement en 1997. La réunion, le 14 octobre de cette même année, du conseil supérieur de la fonction publique d'Etat vous a donné l'occasion, monsieur le ministre, d'annoncer la commande d'un rapport permettant de dresser l'état des lieux de la durée du travail dans les trois fonctions publiques.

La diversité tant des métiers exercés, que de l'organisat ion des services rendaient impossible l'engagement immédiat d'une négociation sur la base de données synthétiques. Le rapport Rochet qui vous a été remis en début d'année fait apparaître des situations contrastées


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selon les services et les administrations. La négociation, déjà engagée, devra prendre en compte ces différentes données.

L'accord salarial du 10 février 1998 a été tenu et a marqué une sérieuse inversion de tendance en matière de politique des rémunérations. Les accords Durafour de 1990 avaient été littéralement foulés au pied par la décision unilatérale du gouvernement en 1996 de geler tous les salaires des agents de la fonction publique.

M. René Dosière.

Ils ont déjà oublié !

M me Claudine Ledoux.

Nous avons sincèrement l'espoir que les différents budgets que vous nous avez présentés ainsi que le respect par l'Etat de ses engagements contribueront à l'instauration d'un dialogue constructif.

Le congé de fin d'activité sera l'un des sujets qui devra être évoqué lors des discussions à venir.

M. René Dosière.

Absolument !

Mme Claudine Ledoux.

Je ne saurais trop vous dire, monsieur le ministre, combien cette mesure sociale est importante pour les agents et combien sa pérennisation est attendue par eux.

M. René Dosière.

Oh oui !

Mme Claudine Ledoux.

Cette mesure, qui concerne les agents ayant cotisé quarante années au titre de l'assurance vieillesse, dont quinze en qualité d'agent public, et atteint l'âge de cinquante-six ans, a un double caractère social.

D'abord, elle permet a ceux qui sont entrés tôt dans la vie active, le plus souvent dans l'industrie - je pense par exemple aux professeurs de l'enseignement technique - de prendre leur retraite plus rapidement. Ensuite, elle favorise l'emploi, puisque les agents ainsi admis à la retraite sont remplacés automatiquement par des agents titulaires.

M. René Dosière.

Tout à fait !

Mme Claudine Ledoux.

Monsieur le ministre, il n'est nul besoin de vous exprimer une nouvelle fois notre soutien dans votre action et les espoirs que nous avons pour la fonction publique.

M. Dominique Bussereau.

Nous l'avions compris !

M. François Goulard.

C'est touchant !

Mme Claudine Ledoux.

Nous lui sommes en effet très attachés, non tant pour elle-même, que parce qu'elle constitue un outil irremplaçable pour la mise en oeuvre de la cohésion sociale,...

M. Dominique Bussereau.

Et un réservoir d'électeurs !

Mme Claudine Ledoux.

... de la solidarité et de l'égalité des droits, pour lesquels votre gouvernement combat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Monsieur le ministre, j'ai la tristesse de devoir répéter ce que j'ai déjà dit, devant la commission des lois : votre budget est sans projet et sans souffle. J'ajoute qu'il se préoccupe surtout du monde urbain et qu'il se désintéresse beaucoup de la ruralité.

Votre budget rappelle aussi le livre de François de Closets : Toujours plus ! A cet égard, deux réponses aux questions de la commission des lois et de notre excellent rapporteur sont significatives.

Interrogé sur l'inégalité de traitement entre fonctionnaires et salariés en matière de candidature aux élections, vous ne répondez pas qu'il faut y remédier, mais vous déclarez qu'il convient de le résoudre « par le haut, c'està-dire par la transposition des dispositions applicables dans le secteur public au secteur privé ». Toujours plus !

M. René Dosière.

Avec vous, c'est toujours moins !

M. Dominique Bussereau.

A une autre question vous avez répondu : « L'objectif ne saurait être de retirer aux fonctionnaires certains avantages dont ils peuvent disposer, mais bien d'essayer, dans la mesure du possible, d'en faire bénéficier un nombre sans cesse croissant de citoyens. » Donc, toujours plus d'avantages et toujours

moins de devoirs.

Mme Claudine Ledoux.

Toujours mieux !

M. Dominique Bussereau.

En commission des lois, j'ai souligné - plusieurs orateurs l'ont rappelé - que, avec l'accord salarial de janvier 1998, vous aviez, d'une certaine manière, acheté la paix sociale et, ce faisant, accru les inégalités entre le secteur public et le secteur privé.

J'ai rappelé à la commission des lois le coût inutile, remarqué par la Cour des comptes, de la délocalisation de l'ENA. Or vous ne voulez pas revenir sur cette mesure, alors que vous savez très bien qu'elle est mauvaise, à la fois pour le cursus des élèves de l'Ecole nationale d'administration et pour le budget public. En la matière aussi le conservatisme l'emporte.

J'ai relevé, devant la commission des lois - et je le rappelle ici -, le fait qu'aucune réponse n'avait été apportée au rapport Prada en ce qui concerne la revalorisation des salaires de la haute fonction publique. Elle serait pourtant nécessaire pour éviter le pantouflage.

J'ai également souligné les très faibles résultats de la commission de déontologie, qui ne remplit pas pleinement le rôle que le législateur avait souhaité lui confier.

Ainsi qu'Alain Tourret l'a souligné dans son excellent rapport, vous avez évoqué, monsieur le ministre, l'inégalité de traitement pour les candidatures aux élections entre les collègues issus de la fonction publique et ceux venant du secteur privé. En la matière non plus vous n'apportez pas de réponse.

Hier, deux députés de votre formation politique, Mme Bello et M. Hoarau, constataient avec tristesse, au cours d'une conférence de presse, que M. le Premier ministre, lors de son fameux déplacement aux Antilles, n'avait pas, à l'évidence, souhaité traiter le problème de la surrémunération des fonctionnaires outre-mer. Il faudra pourtant bien se poser la question et lui trouver une réponse, comme l'a d'ailleurs recommandé une mission récente de la commission des lois, sur le terrain dont faisaient partie des collègues issus de la majorité plurielle. La vôtre et celle du Premier ministre qui consiste à dire qu'il ne faut surtout pas en parler montre, une fois de plus, que votre politique n'a ni projet ni ambition.

M. François Goulard.

Vous avez raison !

M. Dominique Bussereau.

Dans un autre domaine non plus, le Gouvernement n'apporte nulle réponse, Dominique Paillé et Gilles Carrez l'ont rappelé à juste titre, celui des retraites de la fonction publique. Vous savez très bien quelle est l'ampleur du problème mais vous ne prenez aucune mesure pour le régler, en laissant le soin à ceux qui vous succéderont après les prochaines élections législatives et présidentielle. Voilà encore un reproche à vous faire.

J'aurais aimé tenir des propos plus aimables à propos de votre budget.

M. René Dosière.

Vous auriez surtout pu être plus sérieux !


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M. Dominique Bussereau.

Malheureusement, je constate qu'aucun des grands problèmes que posent le service public et la fonction publique n'est réglé par votre budget - et - je sais bien qu'il n'inclut pas les rémunérations et ne traite que de fonctionnement et de formation la raison en est claire, c'est que vous souhaitez cogérer le système avec les organisations syndicales, pour sauvegarder la paix politique et la paix sociale.

M. René Dosière.

C'est mieux que de faire descendre les gens dans la rue !

M. Dominique Bussereau.

Non, monsieur Dosière, il vaut mieux régler les problèmes, quitte à ce que les gens descendent dans la rue !

M. René Dosière.

Et après, on recule !

M. Dominique Bussereau.

Quand M. Juppé prenait des mesures impopulaires, au moins il réglait des problèmes.

M. René Dosière.

M. Juppé réglait les problèmes ?

M. Dominique Bussereau.

Quand M. Balladur s'efforçait d'améliorer la situation des retraites du secteur privé, il réglait les problèmes,...

M. François Goulard.

C'est vrai !

M. Dominique Bussereau.

... alors que vous n'en réglez aucun ! Monsieur le ministre, un homme de progrès comme vous devrait avoir des projets et des ambitions. Au contraire, vous faites preuve du conservatisme le plus afféré. Pour ces raisons, et avec tristesse car vous êtes un homme sympathique, nous ne voterons pas votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. René Dosière.

On va enfin entendre des choses sérieuses !

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Bigre ! Quelle verve ! Mesdames, messieurs les députés, je me réjouis que M. Bussereau soit encore là pour entendre ce que je vais essayer de lui répondre, car je crains d'être condamné à ne faire qu'évoquer, comme en une séance de spiritisme, M. Paillé et M. Carrez puisque, après m'avoir criblé de questions aussi incisives que nombreuses et définitives, ils se sont volatilisés !

M. Pierre Lequiller.

On leur répétera !

M. François Goulard.

Vos amis ne sont guère plus présents ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Selon M. Bussereau, le Gouvernement ne résoudrait aucun problème et devrait bien prendre exemple sur le gouvernement de M. Juppé, qui, lui, s'y était attaqué courageusement... et n'en avait résolu aucun non plus ! Il me semble pourtant que si les grandes et brillantes initiatives qu'il a prises dans le domaine des retraites n'ont pas fait beaucoup avancer les choses, elles ont, en revanche, entraîné des mouvements politiques.

M. François Goulard.

Politiques, le mot est juste ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Oui, au sens noble du terme. Des mouvements que je ne trouve pas tous regrettables, d'ailleurs.

Reprenant le fil de mon propos, je répondrai à chacun des intervenants à mesure que j'aborderai les sujets sur lesquels ils m'ont interrogé.

Le budget de la fonction publique, on l'a dit, s'élève à 1,3 milliard de francs, ce qui n'est pas vraiment représentatif de sa problématique, j'y reviendrai.

L'occasion m'est donnée aujourd'hui de dresser le bilan et de mettre en perspective l'action engagée depuis près de deux ans dans les trois domaines de compétences dont j'ai la charge, à savoir la fonction publique proprement dite, la réforme de l'Etat et la décentralisation.

L'objectif premier de mon action est de progresser dans l'adaptation de l'Etat à l'évolution de notre société et d'engager de manière déterminée la rénovation du service public.

Dire que la réforme de l'Etat est ma priorité essentielle n'est pas contradictoire avec un attachement pour le statut de la fonction publique, que je partage avec vous, monsieur Vila. C'est dire que je veux mettre les fonctionnaires au coeur de la réforme de l'Etat. Elle ne va pas se faire contre eux, mais avec eux.

Mme Christine Boutin.

Pour eux !

M. Gérard Charasse.

Jalouse ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Et par eux ! N'étalez donc pas vos craintes ou, plutôt, vos fantasmes ! Les fonctionnaires trouvent dans l'évolution du service public non seulement un message fort - une perspective, monsieur Tourret - mais également l'affirmation de leur légitimité car, il faut le dire, la fonction publique a droit au respect. Elle a droit aux protections que lui donne son statut. Mais elle a le devoir de servir toujours mieux le public et de s'adapter aux évolutions techniques et à l'évolution des besoins de notre société.

Un premier thème de la réforme de l'Etat est de mettre concrètement en oeuvre le principe selon lequel l'usager est au centre de la rénovation des services publics.

Le projet de loi DCRA, droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, et le projet de loi d'habilit ation sur la codification qui seront examinés en deuxième lecture ici-même le 23 novembre prochain, ont pour ambition de répondre à la demande exprimée par les citoyens d'une administration plus accessible, de démarches facilitées et de procédures simplifiées dans tous les services publics administratifs.

Je ne citerai ici que quelques-unes des mesures en cause.

La codification des textes en vigueur dans des codes thématiques rendra la réglementation plus lisible, plus accessible et compatible avec les nouvelles technologies de l'information - comment pourrait-on travailler la manière législative et réglementaire par Internet si elle n'était pas mise sous forme de code ? L'anonymat dans le traitement des dossiers sera supprimé.

La transparence des comptes des organismes, même privés, fonctionnant grâce à un apport notable de fonds publics, sera assurée.

L'accès aux documents administratifs sera étendu et facilité, etc.


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Associer les usagers à la concertation est un autre thème de la réforme de l'Etat. La commission de modernisation des services publics a vu sa composition modifiée pour renforcer la place des usagers et fournir les visions diverses dont l'administration a besoin pour mieux s'adapter à ces divers publics que sont les familles, les entreprises, les consommateurs, les élus locaux.

Le second axe de la réforme de l'Etat consiste en l'adaptation de l'organisation des services à l'évolution des missions de l'Etat.

S'agissant de la réforme de l'administration déconcentrée, je dois rappeler à certains amnésiques qui se sont exprimés ici que le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 13 juillet dernier a consacré le principe d'une profonde rénovation de l'administration territoriale de l'Etat, et les décrets qui ont été pris en conseil des ministres le 20 octobre dernier permettent de franchir une étape essentielle de déconcentration. Ils vont donner aux préfets les pouvoirs de coordonner l'action de l'ensemble des services déconcentrés de l'Etat au service des grandes politiques.

M. Dominique Bussereau.

Voilà qui va changer la vie ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ce n'est, certes, pas spectaculaire, et sortant le 20 octobre du conseil des ministres, j'ai trouvé une presse généralement plus attentive aux derniers développements de l'affaire des paillotes qu'à une révolution tranquille - car c'est de cela qu'il s'agit - qui n'en marquera pas moins le fonctionnement des services de l'Etat.

M. Dominique Bussereau.

C'est la décentralisation des préfets ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

On m'a appelé à revoir l'organisation des administrations centrales. Mais toutes, depuis deux ans, ont revu leurs organigrammes dans le sens de la simplification. Arrêtez de faire croire à nos concitoyens que les administrations centrales renferment des myriades de fonctionnaires tous moins utiles les uns que les autres ! Vous savez très bien que 96 % des f onctionnaires d'Etat travaillent dans les services déconcentrés. Il faut cesser d'agiter de pareils fantasmes ! Quant à la déconcentration des décisions, on en a beaucoup parlé, mais c'est ce gouvernement qui l'a faite ! L'an dernier, une étape très importante a été franchie avec la déconcentration de plusieurs centaines de catégories de décisions.

Enfin, toujours à propos de la déconcentration, je signale le rôle nouveau, supplémentaire, donné au préfet s'agissant de la concertation locale menée lors de tout projet de fermeture ou de réorganisation d'ensemble de services publics. Désormais, il pourra, lorsque plusieursr éorganisations ou suppressions de services publics concerneront la même ville, demander la suspension des mesures pour un nouvel examen.

L'adaptation de l'administration aux exigences de la politique de la ville constitue également un enjeu décisif des années à venir.

Le Premier ministre m'a chargé, il y a quelques jours, d'élaborer des mesures de nature à favoriser l'accès des habitants des quartiers en difficulté aux services publics, à garantir la présence dans ces quartiers de fonctionnaires expérimentés et motivés, à mieux intégrer les populations issues de ces quartiers dans la fonction publique. Je ferai des propositions en ce sens avant la fin de l'année.

Troisième axe de la réforme de l'Etat, la mise en oeuvre des programmes pluriannuels de modernisation.

Ces programmes, désormais élaborés et d'ailleurs accessibles sur les sites Internet de chaque ministère, définissent les principaux axes de progrès en matière de management, de procédures de travail, d'organisation des services, de gestion des ressources humaines, d'outils et de méthodes de gestion publique et d'emploi des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Ces plans feront l'objet, dans chaque ministère, d'un bilan annuel de mise en oeuvre. Ils pourront également déboucher sur une contractualisation pluriannuelle sur les moyens et les effectifs des ministères concernés. Voilà un progrès essentiel qui est maintenant à portée de main pour améliorer la gestion. Les ministères des finances et de l'intérieur sont d'ores et déjà engagés dans cette voie.

J'évoquerai de quelques mots la gestion des effectifs.

J'écoutais avec un peu de stupeur M. Carrez qui reprochait à ce Gouvernement de ne rien faire pour les maîtriser. Je lui répondrai - c'est une découverte assez étonnante que j'ai faite là - que les gouvernements qui ont dirigé la France entre 1993 et 1997 avaient une bien curieuse manière de cumuler les inconvénients.

M. René Dosière.

Sombre période ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Proclamant à qui voulait l'entendre qu'il fallait absolument diminuer les effectifs de la fonction publique, ils désignaient les fonctionn aires comme des bouches inutiles, des charges superflues, bref, la mauvaise graisse du pays. Le mal était fait, et c'était tout à fait regrettable.

(Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M me Christine Boutin.

Mais qui donc a voulu

« dégraisser le mammouth » ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Mais ce qui l'est davantage encore, c'est que, au bout du compte, les effectifs - qui devaient être si bien maîtrisés - ont augmenté ! Les chiffres sont à votre disposition.

M. Pierre Lequiller.

Qu'a dit Allègre ?

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

Vous les avez touchés ! Continuez, monsieur le ministre ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Il ne sert à rien de faire des moulinets et de jeter le discrédit sur la fonction publique si une mauvaise gestion aboutit à une augmentation rampante des effectifs.

Mme Christine Boutin.

Reconnaissez donc que vous avez été maladroit ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Si les effectifs de la fonction publique étaient, en 1994, de 1 814 000, ils étaient, en 1995, de 1 827 000. Certes, l'augmentation n'a que l'épaisseur d'un trait mais elle est réelle, et l'année suivante, ils avaient encore augmenté de 12 000 à 13 000 fonctionnaires.

Je n'en prends pas le deuil. Je dis simplement qu'on est assez mal placé du côté droit de l'hémicycle pour nous donner des leçons de rigueur de gestion.

Vous avez tout faux !

M. Pierre Lequiller.

Pas d'effets de manche, il n'y a personne à gauche pour vous écouter !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Hypocrisie pour hypocrisie, puisque le terme a été utilisé, il paraît que, faute de promettre l'intégration dans la fonction publique à tous les emplois-jeunes, nous serions en train de constituer une bombe à retardement.

M. Dominique Bussereau.

Ils n'ont pas dit cela ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

C'est bien le terme qui a été utilisé ! Ne faites pas semblant de ne pas comprendre. Jamais il n'a été dit que les emplois-jeunes étaient tous destinés à la fonction publique. Certains y entreront parce qu'ils a uront passé des concours. D'autres emprunteront d'autres voies parce que les emplois-jeunes servent aussi à faire émerger des besoins nouveaux qui ne relèvent pas nécessairement du secteur public.

Et en fait de bombes à retardement, je considère que nous en avons désamorcé 500 000 : le nombre des chômeurs qui ont trouvé un emploi ces deux dernières années.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Doyère.

Très juste ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Réformer l'Etat, c'est aussi se doter des méthodes de gestion plus efficaces.

L e Gouvernement a modifié, par décret du 18 novembre 1998, le dispositif d'évaluation des politiques publiques - que le gouvernement précédent avait laissé complètement choir. Ce dispositif est maintenant opérationnel. Le CIRE, Comité interministériel pour la réforme de l'Etat, a d'ores et déjà arrêté le programme interministériel d'évaluation. Six politiques seront évaluées dans l'année, dont la lutte contre le sida, le logement social dans les DOM et les aides à l'emploi marchand.

Enfin, l'administration française, conformément au programme d'action du Gouvernement, est résolument entrée dans la société de l'information. A cet égard, je dois vous dire qu'une étude européenne la classe parmi les plus avancées des administrations de la Communauté, alors que nous étions, il y a peu, en queue de peloton.

C'est au reste pure modestie de ma part : nous sommes les premiers, tout simplement.

C'est évidemment vis-à-vis des usagers que les nouvelles technologies auront un impact déterminant, via la mise en ligne des formulaires et le développement des téléprocédures, mais cet impact sera aussi décisif dans le fonctionnement interne des services : une messagerie unique - Intranet - reliant tous les départements ministériels et ouverte également aux services déconcentrés permettra avant la fin de l'année la plus large circulation des informations et des données.

Des systèmes d'information territoriaux, les SIT, seront mis en place dans chaque département et région. Ils permettront aux services déconcentrés et aux préfectures de fonctionner en réseau et de gérer plus facilement les dossiers interministériels.

Ayant parlé de la réforme de l'Etat, qui me fournissait la meilleure introduction possible, j'en viens à la fonction publique elle-même.

C orollaire indispensable des actions engagées en matière d'organisation et de structures, il convient de rénover la gestion des ressources humaines dans le respect des principes qui fondent notre fonction publique.

C'est dans cette perspective que s'inscrivent les orientations arrêtées en matière d'encadrement supérieur au printemps dernier et dont je m'attacherai à assurer la mise oeuvre effective - elle est commencée, bien sûr d'ici à la fin de l'an 2000.

Alors, monsieur Bussereau, n'évoquez pas sur un ton de reproche le rapport Prada, qui date de 1993, et dont les gouvernements que vous souteniez n'ont rien tiré ! Je m'attacherai à assurer la mise en oeuvre effective de ces orientations dans tous les domaines : développement de l'évaluation, de la gestion prévisionnelle, de la formation continue, décloisonnement des viviers d'accès aux emplois de direction, limitation de la durée d'occupation de ces emplois.

C'est dans la même optique que j'ai engagé une réforme visant à diversifier le recrutement de l'ENA et à moderniser la formation qui y est dispensée de manière à mieux répondre aux besoins nouveaux des administrations. Il conviendra, dès 2001, de veiller aux résultats concrets de cette réforme. Le décret réorganisant le concours d'accès à l'ENA, signé par le Premier ministre et moi-même, est paru au Journal officiel du 15 octobre dernier.

Certains parlent de révolutionner l'ENA, voire de la supprimer. Le Gouvernement et moi-même, nous la faisons évoluer dans le sens d'une plus grande ouverture.

Nous voulons en améliorer l'égalité d'accès et moderniser la formation qu'elle dispense pour l'adapter aux problèmes de la fonction publique de demain.

M. René Dosière.

Elle en a besoin ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

J'agis en ce sens.

Quant à la bilocalisation, je dis ici qu'elle est une chance pour l'ENA !

M. Dominique Bussereau.

Vous savez que c'est faux ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

En tout cas, c'est mon opinion ! Et ce n'est pas par renonciation ou conservatisme que je suis favorable à ce qu'elle perdure !

M. Dominique Bussereau.

Tenez compte du rapport de la Cour des comptes ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

La Cour des comptes a mis en lumière des surcoûts, à hauteur de 7 millions de francs. Ils sont en voie de résorption,...

M. Dominique Bussereau.

Ce n'est pas vrai ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... et ils sont largement - et de plus en plus - justifiés par les synergies qui apparaissent, à Strasbourg, entre l'antenne de l'ENA et les autres organismes de formation qui y sont implantés.

M. Louis Mexandeau. C'est certain ! M. Dominique Bussereau. C'est du pipeau ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Mieux gérer les ressources humaines dans l'administration, c'est aussi faire évoluer, de manière transparente mais volontariste, la représentation des femmes dans l'encadrement. Cette démarche, fondée notamment sur l'élaboration, dans chaque ministère, de plans d'objectifs pluriannuels, devra être suivie avec vigilance, comme le préconise le rapport Colmou, que j'ai commencé à mettre en oeuvre.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Mieux gérer, c'est aussi assurer la transparence des règles du jeu, notamment en matière de rémunération.

Monsieur Tourret, la circulaire sur la publication des textes indemnitaires et indiciaires parue au Journal officiel du 20 octobre 1999 est venue clarifier l'état du droit en la matière. L'effort doit être résolument poursuivi pour que ce principe de transparence s'applique intégralement.

M. le rapporteur de la commission des lois a beaucoup parlé de l'éthique. Je lui en donne acte volontiers.

S'agissant de la discipline, 5 000 sanctions sont prises par an dans la fonction publique de l'Etat. On peut trouver que c'est beaucoup ou que c'est peu, mais je ne suis pas de ceux qui disent que les fonctionnaires sont des gens intouchables qui devraient échapper à toute sanction. Encore faut-il que ces santions soient prises selon des procédures qui leur assurent la protection nécessaire et, si j'ose dire aujourd'hui, la présomption d'innocence.

Je me suis longuement entretenu avec M. Roson, qui préside la commission de recours de la fonction publique de l'Etat. Je sais qu'il fait un gros travail dans le but d'harmoniser la jurisprudence sur l'ensemble du territoire, afin d'avoir une meilleure lisibilité.

Quant au problème du cumul, sur lequel vous avez insisté, nous avions en effet pris les devants et je m'engage à tirer très rapidement les conséquences du rapport sur ce sujet remis par le Conseil d'Etat en juin dernier.

Je voudrais, enfin, souligner mes priorités à venir.

S'agissant de la gestion des ressources humaines proprement dite, l'élaboration d'une charte de la gestion des ressources humaines pour chaque ministère est en cours.

Elle devra dégager et faire partager les principes de base d'une véritable gestion des ressources humaines : transparence, mobilité, formation, évaluation. Elle constituera un outil cohérent et concerté de gestion, tant pour les gestionnaires que pour les personnels.

La modernisation de la gestion des ressources humaines implique également une plus grande rigueur dans la gestion des personnels non statutaires ou précaires. Au-delà des engagements pris dans le cadre du protocole de 1996, qui seront respectés, et je remercie M. Vila d'avoir donné acte qu'on avait avancé dans ce domaine, j'ai engagé, parallèlement à la concertation sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, une consultation des administrations et des organisations syndicales sur les voies et moyens d'une véritable prévention de pratiques que l'Etat employeur ne peut cautionner.

A utre axe, le dialogue social, et je remercie Mme Ledoux de m'avoir donné acte de ce qui avait été fait dans ce domaine.

L'accord salarial du 10 février 1998 arrivera à échéance à la fin de l'année. J'ai bien entendu toutes les appréciations divergente et contradictoires, certains le trouvant trop lâche, d'autres trop serré, ce qui me donne à penser que c'est un bon accord. Une clause de revoyure prévoit un nouveau rendez-vous dans quelques jours. Nous verrons comment poursuivre avec les organisations syndicales le dialogue social ainsi renoué. Nous examinerons à cette occasion, après avoir fait un bilan, les questions portant, par exemple, sur le congé de fin d'activité ou les dispositions salariales pour l'exercice 2000.

Monsieur Vila, il n'y a pas le feu. Je rappelle que la mise en oeuvre de l'accord de février 1998 prévoit une majoration de 0,8 % au 1er décembre prochain. Nous verrons. Les discussions ne sont pas closes avant d'avoir commencé.

M. Tourret a souligné la qualité de l'accord et je l'en remercie.

M. Bussereau trouve que les fonctionnaires sont toujours trop payés.

M. Dominique Bussereau.

Je n'ai pas dit ça ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

M. Vila et M. Carvalho ont tendance à penser que l'on pourrait faire encore mieux. Entre les deux, je crois que je suis dans la bonne mesure.

M. Dominique Bussereau.

Mais M. Vila et M. Carvalho sont dans la majorité, eux. C'est ça le problème ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je leur reconnais le droit de souhaiter toujours davantage ou mieux pour les fonctionnaires.

M. Dominique Bussereau.

Toujours plus ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Cela dit, le Gouvernement doit entendre à la fois sa majorité et son opposition.

M. Dominique Bussereau.

Merci, monsieur le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Puis il prend ses responsabilités, ce qu'il a fait.

J'ai tendance à penser que cet accord est bon. Il a donné des éléments de satisfaction aux fonctionnaires qui avaient été maltraités auparavant. Nous avons renoué le dialogue social, et nous n'avons pas, que je sache, mis en péril les finances publiques.

Au-delà des revalorisations salariales, la concertation a permis d'avancer sur d'autres sujets.

Ainsi, les pensions d'invalidité. L'on rencontrait de réelles situations de détresse, les prestations du régime des fonctionnaires étant souvent inférieures aux minima du régime général. Le Parlement a été saisi de mesures d'amélioration dans le cadre du projet de loi DCRA que vous examinerez en deuxième lecture le 23 novembre prochain.

S'agissant des handicapés, on a du retard, c'est incontestable. Il est moins important que les chiffres ne le donneraient à penser. Entre les 6 % qui sont la règle et les 3,5 % qui sont la réalité, il y a un écart. Sachez cependant que, lorsque ces fonctionnaires sont placés dans des postes normaux, ce qui est la meilleure chose que l'on puisse leur souhaiter, ils ne souhaitent plus être décomptés dans les handicapés.

Autre sujet sur lequel nous avons avancé, les frais de déplacement. Inadaptées à la situation rencontrée par les agents, la gestion et l'indemnisation des frais de déplacement ont été améliorées. Quant au CFA, nous trancherons après le bilan que nous ferons dans le cadre de la clause de revoyure prévue à l'accord salarial.

J'en viens à la réduction du temps de travail.

La première étape de la concertation avec les partenaires sociaux s'est achevée le 7 octobre. J'ai reçu les organisations syndicales et l'ensemble des associations d'élus locaux. Il en est ressorti une convergence de vue sur plusieurs points essentiels.

Sur les objectifs tout d'abord : oui, l'objectif, c'est de faire bénéficier les fonctionnaires de l'avancée sociale que constitue la réduction du temps de travail.

M. René Dosière.

Très bien ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Celle-ci doit être également l'occasion d'améliorer la qualité du service public,


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puisqu'il va bien falloir se remettre un peu en cause. La question des effectifs, je le répète, ne sera qu'une conséquence éventuelle. L'objectif de départ n'est pas la création d'emplois, c'est l'avancée sociale. Il n'y aurait aucune raison que les fonctionnaires en soient écartés.

Evidemment, certains souhaiteraient que l'on fasse de l'augmentation des effectifs dans la fonction publique le principe de départ. Je rappelle que ceux-ci ont augmenté de 20 % depuis 1983-1984. La décentralisation est aussi passée par là, mais le secteur public a payé sa contribution à la lutte contre le chômage.

Les partenaires sociaux se sont accordés ensuite sur la nécessité d'un accord concernant les trois fonctions publiques : Etat, hôpitaux et collectivités locales. Cet accord devra être suffisamment souple pour permettre d'encadrer les négociations déconcentrées en évitant d'aggraver les disparités existantes entre fonctions publiques, sans pour autant interdire des marges de négociation au niveau local.

C'est dans le cadre de ces négociations par fonction publique ou par ministère, puis au niveau déconcentré, qui interviendront après l'accord global, que nous espérons avoir conclu au tout début de l'an 2000, que les questions d'effectif seront abordées. Encore une fois, ce sera une conséquence, et il faudra toujours tenir compte des possibilités financières de la structure porteuse, que ce soit l'Etat, les hôpitaux, avec le budget social de la nation, ou les collectivités.

Puis sera ouvert un chantier de la réglementation, puisque l'accord-cadre que nous aurons discuté avec les partenaires sociaux devra se traduire par un certain nombre de textes législatifs ou réglementaires.

On peut donc penser raisonnablement que ce processus de négociation sera achevé à la fin de 2001 ou au début de 2002.

Passons à la décentralisation.

Au-delà du débat engagé sur l'avenir de la décentralisation et la création de la commission présidée par Pierre Mauroy, le projet de loi modifiant le régime juridique des interventions économiques des collectivités territoriales et des sociétés d'économie mixte locales vient d'être examiné par la Commission de Bruxelles.

Ce texte, je le rappelle, résulte d'une triple nécessité : mettre en harmonie les textes et la réalité ; mieux prendre en compte la dimension communautaire ; sécuriser les élus en remplacant un ensemble de textes devenu inutilement complexe et juridiquement dangereux pour eux par un dispositif clair et mieux adapté. Vous devriez l'examiner au cours de la présente session.

S'agissant de la fonction publique territoriale, la démarche retenue est avant tout pragmatique, comme le souhaitent les élus et les organisations syndicales. L'objectif n'est pas de bouleverser le cadre statutaire et institutionnel en vigueur, au demeurant récent, mais de le corriger de manière significative pour faire disparaître les dysfonctionnements observés et progresser la fonction publique territoriale.

Trois mesures prioritaires ont été retenues par le Gouvernement à la suite du rapport remis par M. Schwartz.

Les quotas de promotion interne et d'avancement de grade ont été assouplis. C'est notamment l'objet du décret du 26 octobre 1999.

L'adaptation des seuils démographiques, inchangés depuis trente ans, est désormais indispensable. Le système des seuils encadrant l'accès aux grades et emplois supérieurs est nécessaire pour garantir les niveaux de recrutement et assurer des perspectives de carrière, mais des évol utions sont indispensables, pour tenir compte, notamment, du développement de l'intercommunalité.

Parallèlement, une concertation est en cours avec les élus et les syndicats pour améliorer la transparence dans les conditions d'accès aux emplois supérieurs de la fonction publique territoriale. On parlait de la gestion de l'encadrement supérieur de l'Etat. Celle de l'encadrement supérieur territorial mérite les mêmes soins, en particulier si nous voulons que puisse s'établir un jour une meilleure mobilité entre ces deux secteurs.

M. René Dosière.

Tout à fait ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

J'en viens maintenant au budget de mon ministère.

Le total des crédits de la fonction publique s'établit à 1 316 millions de francs, contre 1 182 millions de francs en 1999, soit une hausse de 11,3 %. M. Carvalho considère que ces crédits sont en baisse parce que l'enveloppe exceptionnelle de crédits sociaux prévue dans l'accord salarial pour 1998 et 1999 n'a pas été reconduite. C'était u ne enveloppe exceptionnelle ! Pourquoi feindre de s'étonner de sa disparition ? Il n'y a jamais eu de tromperie à ce sujet : 230 millions ont été donnés deux fois pour relancer l'action sociale interministérielle. Les syndicats l'avaient parfaitement compris et ils ont signé l'accord. On peut donc jeter un oeil optimiste sur ce budget.

Les crédits d'action sociale augmentent sensiblement, d'environ 10 %, ce qui correspond pour l'essentiel à la hausse de l'enveloppe consacrée au chèque-vacances et à la pérennisation du fonds en faveur de l'insertion des handicapées.

Les autres postes ne présentent pas de changement notable.

L es opérations interministérielles de formation déconcentrées voient leurs dotations augmenter de plus de 10 %. Elles seront donc poursuivies.

Les subventions de fonctionnement aux établissements de formation - ENA, IRA, IIAP, CEES - progressent sensiblement pour tenir compte de l'augmentation du nombre des élèves ou des stagiaires.

Le fonds pour la réforme de l'Etat est stabilisé à 109 millions de francs. L'évolution de la répartition des financements traduit clairement l'option forte en faveur de la déconcentration.

Ces dotations sont consacrées principalement à l'amélioration du service rendu à l'usager, avec notamment 43 % des crédits pour les maisons de services publics.

Mesdames et messieurs les députés, j'en arrive à ma conclusion.

Vous aurez constaté que mon propos et mes préoccupations dépassent largement le seul budget de mon ministère. Le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation a avant tout un rôle d'impulsion et de coordination.

Il faut garder sans cesse une exigence de rigueur et de qualité pour un emploi plus efficace des fonds publics.

L'évaluation des politiques trouve, dans ce contexte, sa pleine justification.

J'entends bien les critiques émises ici ou là sur la nécessité d'avancer encore dans la réforme de l'Etat, et je m'y emploie. La charte de la réforme de l'Etat que j'ai p résentée au conseil des ministres au mois de novembre 1997 a été scrupuleusement mise en oeuvre selon le rythme annoncé à l'époque.


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Cette action n'est pas toujours visible pour l'usager et, bien entendu, elle ne sera jamais achevée, mais la politique de la ville, l'évaluation des politiques publiques, le souci de mieux utiliser les deniers publics sont des chantiers permanents. Soyez convaincus que ce gouvernement veut faire évoluer les choses et poursuivra ses efforts pour qu'il en soit ainsi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions.

Chacun d'entre vous dispose de deux minutes pour poser sa question et la réponse, monsieur le ministre, ne doit pas être trop longue.

Nous commençons par le groupe UDF.

La parole est à Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

Monsieur le ministre, vous avez été très bref sur la décentralisation, quelques minutes sur environ une demi-heure, et j'aimerais y revenir.

La décentralisation n'est pas très bien engagée. Prenez l'exemple de la réforme de la taxe professionnelle. Les entreprises y gagnent mais les collectivités locales y perdent.

M. René Dosière.

Non !

M. Maurice Ligot.

Elles perdent d'abord des ressources.

Le comité des finances locales a eu à en délibérer récemment et cela a déjà fait l'objet de protestations des élus.

Par ailleurs, elles perdent un pouvoir financier de décision s'agissant des impôts, pour ce qui concerne la part salariale. Voilà un premier exemple qui montre que la décentralisation est en perte de vitesse.

Autre exemple, la gestion des fonds structurels européens. Cette gestion est assurée par les préfets de région.

Bien sûr, c'est un avantage pour les collectivités ou les entreprises bénéficiaires, mais cela réintroduit de facto un contrôle a priori des actes des collectivités territoriales sur des masses financières considérables, ce qui est contraire aux lois de décentralisation. Les contreparties dites nationales sont en fait des ressources des collectivités locales, mais c'est l'Etat central qui contrôle.

Où sont les progrès de la décentralisation ? J'en arrive maintenant à votre projet de loi relatif à la politique économique des collectivités locales. Cela fait longtemps que l'on en parle. Il a été annoncé en même temps que les textes Voynet et Chevènement, mais il est toujours sur votre bureau. On peut d'ailleurs se demander s'il faut se hâter parce que, dans sa rédaction actuelle, il présente un certain nombre de dangers.

Ainsi, l'article 1er affirme que le pouvoir de mener la politique économique appartient à l'Etat. Néanmoins - ce

« néanmoins » est redoutable -, les collectivités territoriales peuvent y participer. On le dit du bout des lèvres, alors que l'Etat, notamment par la prime d'aménagement du territoire, dispose de très peu de moyens. Ce sont les collectivités locales qui en consacrent beaucoup à la politique économique.

Autre exemple, les collectivités sont autorisées à accorder des aides mais selon des contraintes et des plafonds très précis. Il y a les contraintes européennes, mais aussi, à l'article 2 du chapitre II, l'obligation pour toute entreprise demandant une aide à la collectivité territoriale de faire une déclaration au préfet. Là encore, où est la décentralisation ? Aucune aide ne peut être accordée par une collectivité territoriale à une entreprise autre qu'une PME, sauf s'il y a une convention avec l'Etat créant le cadre de cette aide. Où sont la liberté et l'autonomie des collectivités locales pour conduire leur politique d'aide aux entreprises, c'est-à-dire leur politique en faveur de l'emploi ? Il s'agit d'une sorte de recentralisation rampante.

Etes-vous, monsieur le ministre, le gardien de la décentralisation ou êtes-vous, au contraire, le ministre qui favorise une recentralisation rampante ?

M. Eric Doligé.

Ça, c'est une vraie question !

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je suis un peu inquiet, monsieur le président, car, selon le règlement de l'Assemblée, je ne dispose que de deux minutes pour répondre à d es questions aussi vastes. Cela étant, je remercie

M.

Ligot de me les avoir posées. Je considère que c'est un geste bienveillant à mon égard car cela va me permettre de dissiper ce qui me paraît être un produit de l'imagination de certains, qui parlent, ici ou là, notamment dans une autre enceinte, de « recentralisation rampante », ce qui ne correspond absolument pas à la réalité.

Je suis ravi, en tout cas, de voir que la décentralisation, qui ne faisait pas l'unanimité à l'origine, en 1982, emporte désormais, l'adhésion, au point même que d'aucuns veillent sur sa pérennité et son développement avec un soin jaloux, voire sourcilleux, pour ne pas dire méfiant.

Bref, au milieu de l'immense tâche qui est la sienne, ce gouvernement a tout de même fait voter plusieurs textes de décentralisation essentiels. C'est le cas de la loi d'aménagement du territoire - la LOADT -, qui va permettre aux régions de jouer un rôle important dans bien des domaines, en particulier en matière de schémas d'aménagement.

C'est aussi le cas de la loi sur l'intercommunalité. Qui peut prétendre qu'avec 36 000 communes, dont 34 000 de moins de 3 000 habitants, on puisse aller plus loin dans la décentralisation si l'on n'organise pas un réseau d'intercommunalité fort ? Vous avez évoqué les ressources des collectivités, et mis l'accent sur la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, avec compensation. Je sais que les élus sont méfiants à l'égard de cette compensation...

M. René Dosière.

Pour l'instant, elle est bonne, mais, dans deux ou trois ans, ce sera moins sûr ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Pour l'instant, oui.

Mais les élus doivent toujours être vigilants.

On me fait observer, à juste titre, que les ressources des collectivités passent de plus en plus par le budget de l'Etat, qui fonctionne comme une sorte de pompe aspirante et refoulante.

M. René Dosière.

Hélas ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Mais des Etats considérés comme peu centralisateurs - les Pays-Bas, par exemple - fonctionnent de cette manière...

M. René Dosière.

C'est le seul exemple en Europe ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... sans que l'on parle pour autant de recentralisation rampante. Nous n'en sommes pas là, heureusement ! Je suis néanmoins obligé de vous signaler que si l'on veut aller plus loin dans la décentralisation, tout en préservant le principe républicain de l'égalité des chances, il


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faudra en « rajouter une couche » dans le domaine de la péréquation des ressources. Plus vous voudrez aller loin dans ce domaine, afin de réduire les inégalités de ressources et de richesses, plus vous serez obligés d'admettre que le passage par la pompe aspirante et refoulante n'est pas inutile.

En ce qui concerne les fonds structurels européens, il semblerait, c'est vrai, que le passage des crédits européens par la comptabilité de l'Etat entraîne des délais. Deux solutions sont possibles. La première consiste à mettre l'Etat entre parenthèses et à donner à la région une sorte de pouvoir de tutelle sur les autres collectivités. Après en avoir délibéré, le Gouvernement a écarté cette solution.

L'autre solution consiste à faire passer les crédits européens par la comptabilité de l'Etat. C'est celle qui a été retenue. En revanche, le ministère des finances a pris des engagements pour que les collectivités maîtresses d'ouvrage ne jouent pas les banquiers et ne fassent pas trop longtemps l'avance des crédits européens.

S'agissant du futur texte sur les interventions économiques, il ne vise pas à rétablir la tutelle. Il contient peut-être un article maladroit - celui qui prévoit que toutes les aides doivent être signaléesau préfet - mais la discussion parlementaire permettra de le supprimer par voie d'amendement.

En fait, par cet article, nous voulions dépister les

« chasseurs » de primes, c'est-à-dire ceux qui cherchent à gruger les collectivités. La centralisation paraissait le meilleur moyen pour le faire. La déclaration au préfet n'avait pas d'autre but que d'établir un registre. Toutefois, cette mesure a soulevé un torrent d'imprécations et suscité de craintes. Elle sera donc réexaminée et nous essaierons de trouver une autre façon de dépister les chasseurs de primes.

Pour ce qui est de restriction, que vous semblez regretter, des possibilités d'intervention des régions, je dois vous indiquer que le projet en la matière a pris un peu de retard car la Commission européenne, occupée à la résolution d'autres problèmes, a mis du temps pour l'examiner. Ce projet a suscité des réactions, les présidents de région craignant qu'on ne cherche à briser le leadership des régions dans le domaine de l'intervention économique des collectivités.

Je le dis tout net, ce n'est pas l'intention de ce texte et ce n'est pas le danger qu'il fera courir à la décentralisation. Actuellement, les deux tiers des interventions économiques des collectivités sont réalisés par les départements et les communes, les régions n'en faisant qu'un tiers alors que, depuis dix-sept ans, elles sont censées assumer un leadership total en ce domaine ! Les communes et les départements interviennent sur le plan économique malgré les risques juridiques qu'ils peuvent encourir. Ils le font parce qu'ils sont animés de bonnes intentions et parce qu'ils y sont obligés. Car, quand il y a du chômage, c'est le maire ou le conseiller général qu'on va « enguirlander ». Pour autant, la région reste, par excellence, la collectivité chargée des interventions économiques. Ce que je ne veux pas, c'est qu'un maire soit poursuivi parce qu'il aura, pour faciliter la survie d'un artisan dans sa commune, autorisé un rabais sur un loyer d'un terrain ou d'un immeuble.

En 1968, on écrivait il est interdit d'interdire. Mais plutôt que d'interdire, car une interdiction irréaliste fait courir un risque juridique à ceux qui sont obligés de la contourner, nous préférons « contingenter » pour que les collectivités, dont la vocation première n'est pas d'intervenir, sur le plan économique, puissent le faire sans mettre leurs finances en péril - c'est le cas des communes et des départements. Les régions, quant à elles, ont évidemment les moyens quantitatifs d'intervenir largement.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

Je suis sûr, monsieur Zuccarelli, que, en tant que ministre de la fonction publique, le sort des fonctionnaires vous intéresse particulièrement. C'est aussi le cas pour l'opposition, qui l'a démontré amplement cet après-midi.

J'aimerais vous faire part d'une dépêche de l'agence Reuter qui vient de tomber et qui concerne un fonctionnaire. Comme l'AFP ne l'a pas encore reprise, je souhaiterais que vous nous confirmiez l'exactitude de son contenu. Sous le titre « Délai de grâce pour le chef du parquet financier », elle annonce : « Le chef de la section des affaires financières du parquet de Paris, AnneJosé Fulgeras, pourra finalement rester en poste jusqu'à la fin de l'année afin d'organiser sa reconversion, a-t-on appris mercredi au bureau du procureur. »

M. René Dosière.

C'est hors sujet !

M. Eric Doligé.

Finalement, l'action de l'opposition permet peut-être à certains fonctionnaires de rester en poste et d'avoir le temps de se retourner.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, me confirmez si le contenu de cette dépêche est exact, car ce n'est pas le sentiment que j'avais eu cet après-midi après avoir entendu ce qui a été dit lors de la séance de questions au Gouvernement ? J'en viens à ma question.

Vous avez apporté un certain nombre de réponses à mes interrogations, monsieur le ministre, mais j'aimerais, là aussi, que vous puissiez les confirmer. Vous nous avez annoncé un accord-cadre début 2000, une négociation par fonction publique à compter de l'été prochain, et, après cela, une intervention législative qui durera jusqu'à 2002, date à laquelle les 35 heures s'appliqueront dans l'ensemble des entreprises.

Vous comprendrez donc que les fonctionnaires de la fonction publique d'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction hospitalière, ainsi que les responsables des collectivités aient quelques difficultés pour gérer ce dossier. Je vais me faire le porte-parole de ces derniers pour vous faire part de leurs soucis, de leurs inquiétudes et de leurs souhaits.

Ils souhaiteraient que, dans le cadre de l'accord-cadre et de la loi-cadre que vous proposerez, vous reconnaissiez aux collectivités locales la qualité d'employeur à part entière et que vous confirmiez le principe de la libre administration des collectivités locales.

Tout à l'heure, il a été rappelé que certains parlaient de recentralisation rampante. A cet égard, je voudrais faire état d'une circulaire du ministère des affaires sociales concernant le bogue de l'an 2000 et que tous les maires de mon département ont reçue. Il y est écrit : « Vous voudrez bien me rendre compte pour le 15 novembre des décisions que vous avez prises ». Désormais, nous devons rendre compte à la préfecture et au ministère ! En tant que maire, je suis choqué. Et je pense que vous le serez aussi ! J'espère que vous améliorerez les conditions de mobilité au sein de la fonction publique territoriale, mais aussi entre toutes les fonctions publiques. Je considère que les


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fonctionnaires doivent pouvoir passer d'un système à un autre sans problèmes, aucune fonction publique ne devant être « supérieure » à une autre.

Avez-vous l'intention d'élaborer rapidement une loicadre qui définisse des normes homogènes applicables à toutes les fonctions publiques ? Pouvez-vous nous confirmer que la loi-cadre portera non seulement sur la réduction du temps de travail, mais également sur l'aménagement de celui-ci afin de favoriser la modernisation du service public de proximité rendu à l'usager ? Enfin, avez-vous l'intention d'appliquer également ce texte aux établissements publics rattachés ? Vous savez que des établissements publics rattachés à certaines collectivités posent des problèmes. Nous aimerions savoir si l'on va créer une quatrième fonction publique.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Il me sera difficile de répondre à toutes ces questions en deux minutes.

Quoi qu'il en soit, je ne répondrai pas à la première.

Tout à l'heure, Mme la garde des sceaux a dit bis repetita non placent. Alors, a fortiori, je dirai ter repetita non placent !

M. Charles de Courson.

Nemo auditur propriam turpitunemi allegans ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Quoi d'anormal à ce qu'un ministère puisse envoyer des circulaires aux élus. Il y a peu encore, j'étais maire et il m'arrivait de recevoir des circulaires du préfet attirant mon attention sur certains problèmes, surtout lorsqu'il y avait des risques de danger collectif. Il m'était demandé quelles mesures je comptais prendre pour parer à tel ou tel danger auxquels les pouvoirs publics peuvent être collectivement confrontés. Ce n'est pas pour autant que j'en tirai la conclusion que je devais rendre des comptes au préfet.

Comme vous, je suis attaché au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Lorsque j'ai mené, jusqu'au 7 octobre, la concertation avec les organisations syndicales - elles sont, bien entendu, assez favorables à un accord-cadre , car, philosophiquement, elles sont attachées à l'unité de la fonction publique -, j'ai été agréablement surpris de constater que les organisations d'élus, qu'il s'agisse des élus municipaux, départementaux ou régionaux, étaient très favorables à la conclusion d'un tel accord. En effet, les élus sont conscients que, dans une opération aussi complexe que l'application des 35 heures dans la fonction publique, il est nécessaire d'établir des repères.

Il est vrai que le rapport Roché était indispensable pour éviter que, dans cette opération, ne se produisent des phénomènes de divergence là où il faut plutôt essayer de trouver des points de convergence, sans pour autant nier les différences qui peuvent exister d'une localité à l'autre, d'un métier à l'autre.

J'ai été heureux de voir que ce souci était partagé, non seulement par les syndicats, mais également par les collectivités. Nous allons donc continuer dans ce sens.

Une dernière précision en ce qui concerne le calendrier de mise en application. L'accord-cadre, par lequel nous allons commencer, va surtout être l'occasion de mettre au point de nombreuses définitions. On a bien vu, à l'occasion de la discussion des lois Aubry, qu'il était nécessaire, pour les salariés du secteur marchand, de définir ce qu'était le temps de travail. Pourquoi une pareille définition ne serait-elle pas tout aussi nécessaire, voire indispensable, dans la fonction publique ? C'est pourquoi nous allons entamer un parcours de clarification, de définition, de transposition de certains éléments du droit communautaire dans notre droit.

Puis, lorsque nous aurons conclu cet accord-cadre - si nous y parvenons, ce que je souhaite de tout coeur -, c'est-à-dire probablement au mois de janvier 2000, les discussions pourront commencer. Elles seront menées par grands secteurs : dans chaque ministère, dans le secteur hospitalier et dans la fonction publique territoriale en général.

Cela impliquera des travaux supplémentaires avec les représentants des employeurs, même s'ils ne sont pas faciles à rencontrer : il n'est en effet pas aisé de faire parler d'une même voix les 40 ou 50 000 employeurs que sont les collectivités. Mais nous allons essayer.

Enfin, chacun ira à sa vitesse et selon sa vocation.

Compte tenu des temps de discussions prévisibles, notamment en ce qui concerne les services de l'Etat, je situe approximativement l'achèvement total du parcours vers fin 2001, début 2002. Je n'irai pas plus loin dans la précision, qui me paraît suffisante à ce stade.

M. le président.

La parole est à M. Bernard Schreiner.

M. Bernard Schreiner.

Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur les effectifs de la fonction publique, question qui me paraît tout à fait primordiale, ne serait-ce qu'au regard du contexte de négociation salariale, dont les effets, je le souligne, n'apparaissent pas dans le projet de budget.

Il semblerait que, contrairement à n'importe quel employeur, l'Etat ne connaisse avec précision ni le nombre de ses fonctionnaires, ni leur position statutaire.

Ce n'est pas moi qui le dit, mais la Cour des comptes et le Sénat.

Pour preuve, dans une lettre du 28 juillet 1998 adressée à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, le Premier président de la Cour des comptes écrivait : « La Cour a relevé que les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale. » Il poursuivait

: « La description des effectifs qui figure en loi de finances initiale, seule information dont dispose la représentation nationale en la matière, ne correspond pas à la réalité. » Il concluait en

appelant vivement de ses voeux « une amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs ».

Ne croyez-vous pas que la représentation nationale ainsi que nos concitoyens, qui sont tous des contribuables ô combien sollicités ! ont le droit d'obtenir une réponse claire à cette question ?

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Ma réponse sera aussi claire qu'elle peut l'être. J'ai déjà dit à M. Carrez que la question des effectifs était extrêmement complexe.

Nul ne peut se poser en donneur de leçons et j'ai fait observer qu'un gouvernement récent, qui avait fait de lar éduction volontariste des effectifs de la fonction publique son drapeau, a vu ceux-ci augmenter. Cela illustre la difficulté des choix en ce domaine.

Comment, par exemple, additionner les emplois à temps partiel pour avoir l'équivalent en postes budgétaires ? M. de Courson, qui est un spécialiste, connaît


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ce problème mieux que moi, mais je crois qu'il faut manifester un peu d'humilité dans ce domaine très complexe.

Je connais une mairie qui emploie environ 700 personnes, mais ce nombre n'est pas le même deux jours de suite : des gens partent, on décide de recruter pour les remplacer, l'affaire traîne. Et l'effectif oscille : plus ou moins 2 % ou 3 % selon les saisons.

M. René Dosière.

Dans certaines mairies, il y a des emplois fictifs !

M. Charles de Courson.

Dans certaines mutuelles aussi ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

On ne comptabilise pas de la même façon les effectifs humains, au jour le jour, et les effectifs budgétaires, vous le savez aussi bien que moi, et il ne faut donc pas s'offusquer qu'il puisse y avoir des différences.

M. le président.

La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé.

La question que je vous pose avec mon collègue Pierre Lasbordes a pour objet l'évolution des traitements de la fonction publique.

L'accord salarial de février 1998 prévoit que vous devez rencontrer les syndicats dans la seconde quinzaine du mois de novembre afin de tirer le bilan de cet accord et d'évoquer les perspectives d'évolution des rémunérations dans la fonction publique à compter de l'année 2000.

Parallèlement, lors des premières consultations sur les 35 heures, au printemps dernier, vous aviez insisté sur la nécessité d'une modération salariale.

Aussi, quelles mesures envisagez-vous en matière de politique salariale pour l'an 2000 ? Pouvez-vous nous dire si l'on s'achemine vers une année de gel salarial ou bien de reconduction de la politique contractuelle ? Cette question est d'autant plus importante que rien ne semble avoir été prévu dans le budget dans la perspective des négociations salariales.

I l est nécessaire pour les collectivités locales de connaître la règle du jeu parce qu'il y a forcément un lien entre les différentes fonctions publiques.

Je profite de l'occasion pour rappeler à mes collègues et amis communistes, qui n'étaient pas là tout à l'heure pour vous écouter, monsieur le ministre, que vous avez dit une nouvelle fois que la finalité première de la réduction du temps de travail dans la fonction publique, n'était pas la création d'emplois.

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je n'ai pas compris, monsieur Doligé, si vous estimiez que l'accord salarial de février 1998 était trop lâche ou trop strict. Vous avez posé une question, mais j'aurais aimé que vous puissiez vous mouiller un peu de ce point de vue.

Une augmentation de 0,8 % est d'ores et déjà programmée pour le 1er décembre 1999, et l'accord conclu avec les organisations syndicales signataires comporte une clause de « revoyure », ce qui ne m'interdit pas de revoir ensuite les autres organisations, même non signataires, pour discuter de ces questions. Nous devons nous revoir le 18 novembre pour dresser le bilan de l'application de l'accord. Je ne peux donc rien vous dire avant cette date, mais soyez sûr que l'Assemblée sera informée dès que possible.

En ce qui concerne les effectifs, j'ai dit un jour, ce qui a fait rire un journaliste d'un hebdomadaire qui m'a trouvé un peu trop étatiste, pas assez libéral à son goût, car je défendais trop la fonction publique, ce qui me flatte, que les besoins du service public étaient illimités.

Ils le sont, en effet. On pourrait doubler le nombre des professeurs, tripler celui des magistrats, des infirmières, des médecins, des policiers, et notre pays serait sûrement bien géré. Mais l'hebdomadaire n'a pas mentionné que j'avais souligné, aussitôt après, que, malheureusement, les moyens du service public, eux, n'étaient pas illimités.

Mais les moyens qui lui sont affectés résultent d'un choix politique que le gouvernement fait en fonction de l'ensemble des paramètres et des problèmes qui se posent à la nation.

Or le choix qui a été fait pour les exercices 1998, 1999 et 2000, c'est celui de la stabilité des effectifs. Pour les a nnées ultérieures, nous verrons. Mais, en ce qui concerne l'application des 35 heures dans la fonction publique, je ne pars pas, en effet, avec l'idée qu'il faut augmenter les effectifs, parce que ceux-ci ont augmenté dans la fonction publique et que ce secteur a payé son tribut à la lutte contre le chômage. Je ne dis pas non plus que les effectifs ne bougeront plus. Mais ce sera une conséquence de la réduction du temps de travail, qui vise à faire bénéficier les fonctionnaires d'un progrès social.

J'affirme que ceux-ci y ont droit comme les autres catégories de Français.

(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Ce n'est pas moi qui tiendrai des propos diffamatoires sur les fonctionnaires, sur leur manière de servir et le temps qu'ils travaillent. Si j'ai demandé un rapport à M. Roché, c'était précisément pour faire la lumière sur ce point.

Ce rapport a montré une diversité des situations. Tout le monde ne travaille pas strictement le même temps ni, surtout, selon les mêmes cadences. Certains ont plus de congés, d'autres davantage d'heures par semaine, d'autres encore bénéficient de récupérations. Mais, s'il y a une g rande diversité entre les fonctionnaires, dans leur immense majorité ceux-ci travaillent autant que n'importe quelle autre catégorie socioprofessionnelle, je tiens à le répéter.

M. Jean Vila, rapporteur spécial.

C'est exact ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Si les 35 heures deviennent la norme dans notre pays, il n'y a aucune raison pour que les fonctionnaires n'en bénéficient pas.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Eric Doligé.

Vous ne vous êtes pas beaucoup mouillé en ce qui concerne les salaires !

M. le président.

La parole est à M. Bernard Schreiner, pour la dernière question.

M. Bernard Schreiner.

Quand on examine les orientations du Gouvernement concernant la réforme de l'Etat, on ne peut que déplorer qu'il s'agisse essentiellement de déclarations d'intention trop nombreuses, peu claires et, surtout, non suivies d'actes. Les textes parus jusqu'à présent sont peu opérationnels ; bref, la réforme de l'Etat est en panne.

Pourquoi affichez-vous de multiples priorités alors qu'il serait nécessaire de ne définir qu'un nombre limité d'axes et d'orientations ? On se demande si votre méthode ne consiste pas, finalement, à éviter délibérément d'aborder les questions essentielles. En d'autres termes, voulez-vous vraiment engager les réformes absolument nécessaires ?


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M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Monsieur Schreiner, cette dernière question est essentielle : qu'est-ce que la réforme de l'Etat ? J'ai le sentiment que nous ne proposons pas du tout la même réponse.

Pour vous, la réforme de l'Etat, je le sais, consiste à aller vers un Etat plus modeste.

M. Charles de Courson.

Oui ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Pour moi, la réforme de l'Etat, c'est aller vers un Etat plus...

M. Charles de Courson.

Gros ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... moderne, plus efficace. Je n'ai pas d' a priori . Je ne dis pas qu'il doit perdre un kilo ou en prendre un. Je veux simplement que, pour le même prix, il en donne plus.

M. Charles de Courson.

Ça s'appelle la productivité ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Chacun fait son choix.

On peut en donner plus pour un prix plus élevé, ou plus pour le même prix, ou moins avec un prix inférieur.

Dans ce domaine, votre choix n'est pas le mien. Quant à moi, je ne veux pas un Etat plus maigre, je veux un Etat plus moderne.

Mais la modernisation peut emprunter plusieurs voies.

Il y a beaucoup de problèmes mais vous n'en avez pas résolu beaucoup ! Vous nous reprochez de ne pas avoir changé grand-chose, mais vous, qu'avez-vous fait ?

M. Dominique Baert.

Ils ont supprimé des crédits ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Lorsque nous sommes arrivés, il n'y avait que 4 % de femmes dans l'encadrement supérieur et vous n'aviez pas beaucoup modifié la situation. Ce pourcentage était de 6 % l'an dernier, il est de 8 % aujourd'hui et il va continuer à croître.

Les choses bougent, mais pas tout d'un coup.

Le discours d'Hourtin sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, a été prononcé sous ce gouvernement. L'administration française n'a pas été au rendez-vous de l'informatisation. Elle y avait de bons informaticiens mais elle n'a pas profité de cette nouvelle technologie il y a vingt-cinq ou trente ans pour faire évoluer ses structures. Je l'affirme : non seulement l'administration française sera au rendez-vous des nouvelles technologies mais elle sera le moteur pour faire entrer la société française dans cette nouvelle ère et pour faire changer les structures.

Je ne dis pas qu'il y aura moins de fonctionnaires ni qu'ils seront moins payés, mais que les fonctionnaires seront encore plus efficaces, au service des citoyens. Ils seront bien dans leur peau. La gestion prévisionnelle adaptera les formations et donnera des perspectives, car c'est peut-être ce qui manque le plus aujourd'hui aux fonctionnaires.

L'administration de la fonction publique fonctionne bien du point de vue juridique, les directions du personnel des ministères appliquent correctement les règles de la fonction publique et il n'y a pas de reproche à leur faire, mais il faut que cette gestion, bonne au niveau collectif, le soit également au niveau individuel, afin que chaque fonctionnaire soit suivi en permanence pour se sentir bien dans sa peau. Il faut qu'à chaque instant on prenne en compte ses attentes, ses possibilités de progression, ses besoins de formation, de mobilité, d'évolution. C'est en cela que consiste la gestion des ressources humaines. C'est cette conception que le Gouvernement veut faire progresser dans la fonction publique. Elle n'est pas incompatible avec le statut, au contraire. Elle vise à faire en sorte que la fonction publique soit parfaitement dans son rôle et améliore le service public pour la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat seront appelés à la suite de l'examen des crédits de la communication.

En accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement de M. de Courson tendant à insérer un article additionnel après l'article 72.

Après l'article 72

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 57 corrigé, ainsi libellé :

« Après l'article 72, insérer l'article suivant :

« Après l'article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un article L. 61-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 61-1. Pour les fonctionnaires civils, à compter du 1er janvier 2001, le taux de retenue pour pension afférent à un exercice donné est égal à 7,85 %, multiplié par un coefficient correcteur obtenu par une division dont le numérateur est constitué par le rapport entre le produit des retenues pour pension afférent à l'exercice 2000 et le montant des pensions versées au titre du même exercice et dont le dénominateur résulte du rapport entre le montant du produit prévisionnel des retenues pour pension attendu au titre de l'exercice considéré, calculé sur la base d'un taux de 7,85 %, et le montant prévisionnel des pensions civiles à verser au cours du même exercice. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Mes chers collègues, cela fait des années que je dépose un tel amendement, y compris lorsque l'opposition était au pouvoir.

M. Maxime Gremetz.

On ne se renouvelle pas beaucoup, Charles-Amédée !

M. Charles de Courson.

Les documents budgétaires montrent que le montant des pensions passera de 180 milliards de francs en 1999 à 192 milliards en 2000, soit 12 milliards de plus. Cette évolution n'est pas due à la forte réévaluation des retraites, puisque celles-ci sont indexées sur le point de la fonction publique, elle est due à l'évolution du rapport démographique, qui se détériore constamment et représente grosso modo 6 ou 7 milliards de plus chaque année.

Si l'on s'attache aux recettes, le montant des retenues pour pension passera de 27,2 milliards en 1999 à 28 milliards en l'an 2000, soit 0,8 milliard de plus. Ainsi, la p roportion des retenues pour pension diminue constamment dans le financement des retraites de la fonction publique de l'Etat. Nous sommes à 15 % mais ce pourcentage diminue chaque année, mécaniquement.


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Pourquoi ? Parce qu'on maintient le taux de 7,85 % inchangé depuis de nombreuses années, mis à part une modification au début des années 80 puis une deuxième à la fin des années 80.

Est-ce juste socialement ? Non. Il faut rappeler que l'ancienne majorité a eu beaucoup de courage en 1993 et qu'elle a réformé le régime général. Que n'avons-nous alors entendu sur les bancs de la gauche ! Mais, revenus au pouvoir, vous n'avez pas touché à une virgule de notre réforme ! Pourtant, je vous rappelle que, dans votre programme électoral de 1997, vous vous étiez engagés devant le peuple français à modifier, si vous étiez élus, l'indexation des retraites du régime général.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Dosière.

La législature n'est pas terminée !

M. Charles de Courson.

Vous êtes au pouvoir depuis deux ans et demi ! Ne soyez pas hypocrite ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Vous savez parfaitement que vous ne modifierez pas le dispositif ! Je vous parie une bouteille de champagne ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Dominique Baert.

Vous l'avez gratuit !

M. Charles de Courson.

Quel est le problème ? Les gouvernements, de gauche comme de droite, ont, depuis le début des années 80, bloqué les cotisations sociales patronales du régime général pour éviter une dérive. Et le poids de la dérive a été supporté par l'augmentation des cotisations salariés et la réforme des prestations de 1993.

Or dans le régime spécial de la fonction publique d'Etat - mais le problème est le même dans la fonction publique territoriale -, c'est exactement l'inverse qui s'est produit : le coût de la dérive a été supporté par l'Etat patron ou les collectivités locales patronnes, c'est-à-dire par le contribuable national pour les fonctionnaires de l'Etat, par le contribuable local pour les fonctionnaires territoriaux, par le cotisant social pour les fonctionnaires hospitaliers.

M. Bernard Schreiner.

C'est le même !

M. Charles de Courson.

Cela pose un problème fondamental d'égalité des citoyens devant la retraite. Pouvonsnous continuer à repousser la réforme des régimes spéciaux alors que l'ancienne majorité avait eu le courage de réformer le régime général ? J'ai été le seul à appeler l'attention sur ce point à la fin de 1993 à cette tribune et j'ai critiqué le gouvernement de l'époque de ne pas réformer tous les régimes, y compris les régimes spéciaux.

Mais, deux ans plus tard, malheureusement, nous ne sommes pas allés jusqu'au au bout. Et vous, chers collègues de la majorité, où étiez-vous ? Je le dis sans aigreur : avec les manifestants, alors que vous saviez parfaitement que cette évolution était inéluctable.

Je ne crois pas que ce soit l'intérêt de notre démocratie de continuer à séparer le régime public du régime privé.

Car nous continuons, pour le régime privé, à augmenter la durée de cotisations ouvrant droit à une retraite pleine, alors que nous n'avons pas touché aux 37,5 annuités de cotisations du régime des fonctionnaires de la fonction publique territoriale et de la fonction publique d'Etat.

Dans l'attente de cette réforme inéluctable, vous voulez faire croire à la représentation nationale qu'on peut attendre 2005. Non ! La meilleure preuve est donnée par la CNRACL. Vous vous êtes engagés à augmenter de nouveau de 0,5 point le taux des cotisations patronales dès cette année, et de 0,5 point à nouveau l'année prochaine,...

M. René Dosière.

Mais nous diminuons en même temps la surcompensation !

M. Charles de Courson.

... sans aucune contributions upplémentaire des fonctionnaires territoriaux. C'est l'exemple même de la démagogie ! Je propose de stabiliser au moins la part des retraites des fonctionnaires de l'Etat financée par les retenues pour pension. Tel est le sens de cet amendement, qui s'appliquerait à compter du 1er janvier 2001.

J'ai fait le calcul comme s'il était applicable au 1er janvier 2000 : le taux de la retenue pour pension passerait de 7,85 % à 8,17 %, soit une augmentation de 0,32 point.

M. René Dosière.

Vous êtes trop modeste !

M. Charles de Courson.

C'est le minimum pour maintenir la part du financement par les retenues pour pension. Je rappelle que les retraites sont actuellement financées à 15 % par les retenues pour pension et à 85 % par le contribuable national. Or, dans le régime général, qui couvre 65 % de la population, plus de 40 % sont à la charge du salarié et 56 % à la charge de l'employeur. Et la part incombant au salarié augmente constamment depuis le début des années 80, que ce soit pour la retraite de base ou pour la retraite complémentaire.

M. le président.

Monsieur de Courson, je vous propose de conclure.

M. René Dosière.

C'est un peu long !

M. Charles de Courson.

J'en ai terminé, monsieur le président.

Cessons d'aggraver l'écart en attendant la réforme des régimes spéciaux ! Tel est le sens de mon amendement qui, s'il était adopté, dégagerait grosso modo 1 milliard de recettes supplémentaires en 2001. Et il faudrait continuer à l'appliquer pendant plusieurs années pour parvenir à une stabilisation.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? M. Gérard Fuchs, suppléant M. Jean Vila, rapporteur spécial. M. Vila, qui a dû quitter l'hémicycle, m'a demandé de le suppléer, ce que je fais volontiers.

M. de Courson nous a rappelé qu'il déposait le même amendement depuis plusieurs années, ce qui est incontestable. (Sourires.)

Mais il doit sans doute un peu se lasser car, cette année, il a oublié de le déposer dans les délais sur le bureau de la commission des finances.

M. Charles de Courson.

Non ! M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial suppléant.

Or il s'agit tout de même d'un amendement qui, au-delà de son caractère quelque peu abscons, voire obscur,...

M. Eric Doligé.

Nous l'avons pourtant tous compris ! M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial suppléant.

... remet en cause d'une façon assez radicale le régime des pensions civiles et militaires. Je pense par conséquent qu'il ne serait pas raisonnable, à cette heure et dans ces conditions, de se lancer dans une discussion.

M. Charles de Courson.

C'est indigne !

M. Hubert Grimault.

C'est trop facile ! M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial suppléant. J'invite notre assemblée à rejeter l'amendement, dont nous discuterons, monsieur de Courson, en commission des finances. Nous échangerons alors les arguments techniques et politiques qu'il appelle et nous verrons bien s'il


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connaît un sort différent de celui qu'il a connu les années précédentes. Pour l'instant, je propose que nous en restions là.

M. René Dosière.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je partage la remarque de M. Fuchs : si cet amendement, qu'il propose chaque année,...

M. Louis Mexandeau.

C'est un maniaque ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... tenait vraiment à coeur à M. de Courson, sa vigilance n'aurait pas dû être prise en défaut.

M. Charles de Courson.

Je vais vous répondre sur ce point ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Quoi qu'il en soit, il ne me paraîtrait pas raisonnable de proposer à l'Assemblée de le voter, à la sauvette, sans qu'une commission l'ait examiné.

M. Charles de Courson.

Je ne l'ai pas déposé à la sauvette ! Vos propos sont indignes ! Parlez plutôt du fond ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Pour m'en tenir à l'aspect symbolique de la démarche, monsieur de Courson, je dirai que vous partez d'un a priori : les fonctionnaires seraient d'éternels privilégiés. Mais vous oubliez une chose : les taux de remplacement pour la retraite sont, dans le secteur public et dans le secteur privé, très proches.

Nous aurons l'occasion de revenir sur les retraites tranquillement, comme le Gouvernement l'a annoncé, et cela renvoie à une question de méthode.

Personne ne nie que l'allongement de la vie pose un problème pour ce qui concerne les retraites. Mais la façon d'aborder le problème qui consiste à prendre, avant toute concertation, des mesures, n'est pas la bonne car on risque ainsi d'aller dans le mur, et sans avoir apporté de solution.

M. Charles de Courson.

Et en avril 1993, cela n'a pas été fait, peut-être ? Vous, vous étiez de l'autre côté, dans la rue, et irresponsables ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Pour les régimes spéciaux, la méthode utilisée était mauvaise car elle ne prévoyait pas de concertation.

La méthode du Gouvernement se décline ainsi : diagnostic, concertation, proposition, dialogue. Je n'irai pas plus loin...

Plusieurs députés du groupe communiste.

Ce n'est pas la peine ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

... car, je le répète, ce n'est ni le lieu ni le moment de discuter du problème des retraites.

M. Charles de Courson.

Ce n'est pas un « problème » ! M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

Je voudrais cependant ajouter quelques mots sur le congé de fin d'activité.

Il pourrait paraître paradoxal que, au moment où l'on se dit que l'on sera conduit à examiner les régimes de retraite, on continue, et c'est ce que signifierait la prorogation du CFA, à faire partir des gens tôt à la retraite pour embaucher des jeunes. Mais le chômage, en particulier celui des jeunes, est à l'heure actuelle tellement prégnant qu'il pourrait paraître opportun - beaucoup sur ces b ancs, notamment à gauche de l'hémicycle, l'ont demandé - de proroger le CFA en l'an 2000.

J'ai déjà dit que nous ne nous prononcerions pas sur la question avant d'avoir revu les partenaires sociaux. Mais nous l'examinerons avec beaucoup d'attention.

Avis défavorable à l'amendement.

M. le président.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière.

M. de Courson est toujours brillant...

M. Charles de Courson.

Et constant !

M. René Dosière.

... mais aussi, il faut le dire, compliqué.

Pourtant, les idées qui sous-tendent son discours sont simples. Selon l'une d'entre elles, les fonctionnaires sont des privilégiés et il importe par conséquent de réduire régulièrement leurs privilèges.

M. Charles de Courson.

Pas du tout !

M. René Dosière.

Ce n'est naturellement pas la position du parti socialiste, et nous voterons en conséquence contre son amendement.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Mon cher collègue Fuchs, je vous répondrai d'abord sur la forme.

Si vous voulez tout savoir, c'est volontairement que j'ai déposé cet amendement subtil en proposant qu'il s'applique au 1er janvier 2001, car je voulais qu'il soit appelé en deuxième partie du projet de loi de finances et qu'il soit ainsi rattaché à la discussion des crédits de la fonction publique.

Si je l'avais déposé en première partie, comme les fois précédentes, nous n'aurions pas eu la discussion que nous commençons d'avoir.

M. René Dosière.

Voilà qui est fait ! M. Gérard Fuchs, rapporteur spécial suppléant.

Vous oubliez la discussion en commission !

M. Charles de Courson.

J'ai donc agi en pleine conscience, mon cher collègue. Et s'il n'a pas été imprimé alors qu'il avait été déposé depuis un certain temps, c'est qu'il y a eu des discussions sur sa recevabilité, laquelle n'a jamais posé aucun problème.

Dans ces conditions, je m'étonne comme vous, monsieur le ministre, que cet amendement ne figure pas sur notre feuille jaune de séance. J'ai d'ailleurs posé tout à l'heure la question : comment se fait-il qu'il n'y figure pas ? Voilà la réponse sur la forme que je voulais vous faire, monsieur Dosière. Elle n'a aucun intérêt, mais je tenais à vous dire que j'ai agi sciemment pour que l'amendement soit discuté lors de l'examen des crédits de la fonction publique.

M. René Dosière.

Cela ne change rien au sort qu'on va lui faire !

M. Charles de Courson.

J'en viens maintenant au fond.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

Si vous m'aviez écouté au lieu de vous en tenir à des a priori, vous ne m'auriez pas prêté les propos que vous m'avez prêtés.

M. René Dosière.

J'ai décodé votre discours !

M. Charles de Courson.

Je dis simplement que, lorsqu'on défend non pas des catégories, mais l'intérêt général, on doit poser le problème en termes relatifs. On ne peut donc pas continuer d'augmenter la part des retraites du privé financée sur les cotisations des salariés alors même que, dans le secteur public, la part des retenues pour pensions baisse constamment - et pas simplement pour la fonction publique de l'Etat, mais également pour la fonction publique territoriale - car cela est contraire à la justice sociale.

J'en viens aux arguments du ministre...

M. René Dosière.

Ah non ! On ne va pas recommencer la discussion !

M. Charles de Courson.

Monsieur le ministre, je n'ai pas dit que le taux de remplacement était, selon les cas, plus ou moins avantageux. Vous ne m'avez pas écouté...

M. le président.

Monsieur de Courson, il vous faut conclure !

M. Charles de Courson.

La vérité, c'est que le taux de remplacement est meilleur pour les salaires petits et moyens de la fonction publique, mais qu'il est bien moins bon pour les cadres, en particulier pour les cadres supérieurs...

M. René Dosière.

Y compris pour les membres de la Cour des comptes ?

M. Charles de Courson.

... car il est calculé sur le salaire indiciaire hors primes. Ainsi, les hauts fonctionnaires qui reçoivent des primes, y compris d'activité, représentant jusqu'à 100 % de leur salaire partent avec à peine 50 %, parfois même avec 45 % de leur salaire.

Je connais très bien la question car j'y ai travaillé. Vous ne m'avez jamais entendu dire le genre d'âneries que vous m'avez prêté, et je me permets de vous demander de m'en donner acte.

Le problème que je pose est beaucoup plus grave : il résulte de l'écart croissant entre le financement et l'évolution des prestations pour ce qui concerne, d'une part, les deux tiers des Français, relevant du régime général privé, qui a été réformé et auquel vous n'avez rien touché contrairement à vos promesses électorales, et le secteur public, d'autre part, qui devait être réformé mais qui ne l'a pas été, notamment à cause de votre action politique, ce que je regrette personnellement beaucoup. Or une telle réforme est inéluctable.

Sur cette question, monsieur le ministre, vous n'êtes pas très à l'aise, non plus que vos amis.

M. René Dosière.

Mais si !

M. Charles de Courson.

Et si vous m'avez écouté dans un silence quasiment religieux (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...

M. René Dosière.

Ne faites pas comme Mme Boutin ! Ne mettez pas la religion partout !

M. Charles de Courson.

... c'est que vous savez parfaitement que la justice sociale,...

M. le président.

Monsieur de Courson, vous devez conclure !

M. Charles de Courson.

... c'est la réforme !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 57 corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

CONVOCATION DU PARLEMENT EN CONGRÈS

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :

« Paris, le 2 novembre 1999.

« Monsieur le président,

« Les projets de loi constitutionnelle suivants :

« projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

« projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie,

« ont été votés en termes identiques respectivement par l'Assemblée nationale le 6 octobre 1998 et le 10 juin 1999 et par le Sénat le 18 novembre 1998 et le 12 octobre 1999.

« Comme je vous l'ai indiqué lors de notre entretien du 27 octobre dernier, j'ai décidé de soumettre ces projets au Congrès en vue de leur approbation définitive dans les conditions prévues par l'article 89 de la Constitution.

« Je vous adresse, ci-joint, avant sa publication au Journal officiel , le décret de convocation du Congrès auquel sont annexés les textes des projets de loi constitutionnelle que cette assemblée aura à examiner, sous votre présidence, le 24 janvier 2000.

« Veuillez croire, Monsieur le président, à l'assurance de ma haute considération.

« Signé : J ACQUES C

HIRAC »

Je donne lecture de ce décret et des projets de loi annexés : DÉCRET DU 2 NOVEMBRE 1999 TENDANT À SOUMETTRE DEUX PROJETS DE LOI CONSTITUTIONNELLE AU P ARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS

« Le Président de la République,

« Sur le rapport du Premier ministre,

« Vu l'article 89 de la Constitution,

« Décrète :

« Art. 1er Le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature, voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 6 octobre 1998 et par le Sénat le 18 novembre 1998, et le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 10 juin 1999 et par le Sénat le 12 octobre 1999, et dont les textes sont annexés au présent décret, sont soumis au Parlement convoqué en Congrès le 24 janvier 2000.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

« Art. 2. L'ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu'il suit :

«

1. Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

«

2. Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.

« Art. 3. Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait à Paris, le 2 novembre 1999.

« Signé : J ACQUES C

HIRAC »

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,

« Signé : L

IONEL J

OSPIN »

A N N E X E

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE RELATIF AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE

« Article 1er

« Dans l'article 19 de la Constitution, les mots : "et 61" sont remplacés par les mots : " , 61 et 65" ».

« Article 2

« L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 65. Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la République. Le ministre de la justice en est le vice-président de droit. Il peut suppléer le Président de la République.

« Le Conseil supérieur de la magistrature comprend, outre le Président de la République et le ministre de la justice, cinq magistrats du siège et cinq magistrats du parquet élus, un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat et dix personnalités n'appartenant ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif. Le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désignent chacun deux personnalités. Le vice-président du Conseil d'Etat, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes désignent conjointement quatre personnalités.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est composée, outre le Président de la République et le ministre de la justice, des cinq magistrats du siège et de l'un des magistrats du parquet, du conseiller d'Etat et de six personnalités.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est composée, outre le Président de la République et le ministre de la justice, des cinq magistrats du parquet et de l'un des magistrats du siège, du conseiller d'Etat et de six des personnalités.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, des premiers présidents des cours d'appel et des présidents des tribunaux de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.

« Les magistrats du parquet sont nommés sur l'avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège et la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statuent respectivement comme conseil de discipline des magistrats du siège et des magistrats du parquet. Elles sont alors présidées respectivement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour.

« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République.

« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »

« Article 3

« I. Il est rétabli, dans la Constitution, un titre et un article ainsi rédigés :

«

TITRE

XVII

«

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

« Art. 90. Jusqu'à sa première réunion dans la composition issue de la loi constitutionnelle no du , le Conseil supérieur de la magistrature exerce les compétences qui lui sont conférées par l'article 65 de la Constitution dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle no 93-952 du 27 juillet 1993. »

« II. L'article 90 de la Constitution est abrogé à la date de la première réunion du Conseil supérieur de la magistrature dans la composition issue de la présente loi. »

PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE RELATIF À LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ET À LA NOUVELLE-CALÉDONIE

« Article 1er

« Il est inséré, avant le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution, un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, le tableau auquel se réfère l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à cet article. »

« Article 2

« Les titres XIV, XV et XVI de la Constitution deviennent respectivement les titres XV, XVI et XVII.

« Article 3

« Le titre XIV de la Constitution est rétabli et intitulé :

« Dispositions relatives à la Polynésie française ».

« Article 4

« Dans le titre XIV de la Constitution, il est rétabli un article 78 ainsi rédigé :

« Art. 78 La Polynésie française se gouverne librement et démocratiquement au sein de la République. Son autonomie et ses intérêts propres de pays d'outre-mer sont garantis par un statut que définit la loi organique après avis de l'assemblée de la Polynésie française ; ce statut détermine les compétences de l'Etat qui sont transférées aux institutions de la Polynésie française, l'échelonnement et les modalités de ces transferts ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1999

« Ces transferts ne peuvent porter, sous réserve des compétences déjà exercées en ces matières par la Polynésie française, sur la nationalité, les garanties des libertés publiques, les droits civiques, le droit électoral, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, les relations extérieures, la défense, le maintien de l'ordre, la monnaie, le crédit et les changes.

« La loi organique définit également :

« les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Polynésie française, et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante, ayant le caractère de lois du pays, pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;

« les conditions dans lesquelles le délégué du Gouvernement a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois ;

« les règles relatives à la citoyenneté polynésienne et aux effets de celle-ci en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité économique et d'accession à la propriété foncière ;

« les conditions dans lesquelles la Polynésie française peut, par dérogation au deuxième alinéa, être membre d'une organisation internationale, disposer d'une représentation auprès des Etats du Pacifique et négocier avec ceux-ci, dans son domaine de compétence, des accords dont la signature et l'approbation ou la ratification sont soumises aux applications des articles 52 et 53. »

4

CUMUL DES MANDATS Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 27 octobre 1999.

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux incompatibilités entre mandats électoraux et fonctions électives.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (no 1805) : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861) ; Anciens combattants ; articles 65 et 66 : M. Jean-Pierre Kucheida, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 8 au rapport no 1861) ; M. Maxime Gremetz, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome II).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures dix.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT