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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. Dotations aux collectivités locales. Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi (p. 8907).

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 8909)

MM. Franck Dhersin, Jean-Yves Caullet, Gilles Carrez, Alain Clary, Rudy Salles.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES Article 1er (p. 8916)

M. Michel Bouvard.

Amendement no 9 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 14 de M. Billard : MM. Claude Billard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendements nos 10 et 11 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur, le ministre. - Rejets.

Amendement no 1 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le ministre, Gilles Carrez. - Adoption.

Amendement no 16 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 8 de M. Tiberi : Mme Martine Aurillac, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 12 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 17 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 7 de M. Meylan et 18 de M. Bouvard : MM. Michel Bouvard, le rapporteur, le ministre, Franck Dhersin. - Retraits.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2. - Adoption (p. 8923)

Après l'article 2 (p. 8923)

Amendement no 2 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article 3. - Adoption (p. 8923)

Article 4 (p. 8923)

Amendement no 3 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Après l'article 4 (p. 8924)

Amendement no 5 de M. Chouat : MM. Jean-Yves Caullet, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 6 de M. Chouat. - Rejet.

Amendement no 13 de M. Carrez : MM. Gilles Carrez, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Amendement no 4 de M. Bouvard : MM. Michel Bouvard, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 8926)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 8926)

2. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8926).

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances, pour la sécurité.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la police.

M. Renaud Dutreil, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances, pour les collectivités locales.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour les collectivités locales.

MM. Bruno Le Roux, Didier Quentin, Jean-Antoine Leonetti, Franck Dhersin, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur ; Jacques Brunhes.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Désignation de candidats à un organisme extraparlementaire (p. 8945).

4. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 8946).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

DOTATIONS AUX COLLECTIVITÉS LOCALES Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales (nos 1809, 1885).

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement vous propose de limiter l'impact négatif qu'aurait le dernier recensement général de la population, réalisé en mars-avril dernier, sur la dotation aux collectivités locales, et plus particulièrement sur la dotation d'aménagement.

La raison d'être du texte que je vous propose est simple : à législation constante, les quelque 2 millions d'habitants supplémentaires que nous devons prendre en compte pour répartir la dotation globale de fonctionnement pour l'année 2000 provoqueraient un effondrement de 20 à 25 % des dotations de solidarité, urbaine et rurale, DSU et DSR, contenues dans la dotation d'aménagement.

Le Gouvernement ne pouvait, sans réagir, laisser ainsi s'effondrer la péréquation financière entre les collectivités locales. C'eût été laisser la solidarité nationale ne jouer qu'en faveur des communes les plus riches ou les mieux portantes qui, de ce fait même, sont en état d'attirer de nouveaux habitants.

Le Gouvernement a jugé que cette situation laisserait les inégalités se creuser. Il a, en conséquence, décidé d'y porter remède, et c'est la raison de ce projet de loi. Je reviendrai dans un instant sur les modalités qu'il prévoit pour étaler les effets du recensement.

Je souhaite auparavant vous rappeler que vous avez adopté, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances pour 2000, un certain nombre de mesures qui vont permettre d'offrir l'an prochain aux collectivités locales de nouveaux moyens pour le développement de l'investissement public et de l'emploi. Chacun sait, en effet, le rôle important que jouent les collectivités locales puisqu'elles assurent plus de 70 % de l'investissement public civil.

Je ne veux pas anticiper sur les débats que nous aurons tout à l'heure lors de l'examen du budget du ministère de l'intérieur. Je voudrais simplement vous rappeler que l'enveloppe normée des concours de l'Etat aux collectivités locales doit augmenter, en 2000, de 2,4 milliards de francs et qu'en plus de ces enveloppes, l'Etat garantira aux collectivités locales un bonus supplémentaire de près de 2 milliards de francs.

La DSU augmentera de 500 millions de francs tandis que l'effort consenti en sa faveur en 1999 sera à nouveau reconduit, soit une mesure nouvelle en faveur de la DSU d'un montant de un milliard de francs ; 500 millions de francs seront réservés à la création de communautés d'agglomération ; 200 millions de francs viendront abonder la dotation d'aménagement au profit de la DSU et de la DSR et, en dehors de la DGF, 250 millions de francs environ viendront améliorer la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle.

L'index sera de 2,05 % et non pas de 0,82 % après la prise en compte de la régularisation négative.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Hélas !

M. le ministre de l'intérieur.

Non, monsieur le rapporteur, heureusement ! Mieux vaut être indexé sur 2,05 %, avant régularisation négative, que sur 0,82 % après !

M. Alain Clary.

Certes !

M. le ministre de l'intérieur.

A cet effort substantiel viendra s'ajouter l'augmentation de la dotation de solidarité rurale au profit des bourgs-centres, soit 150 millions de francs.

Au total, c'est donc un effort considérable que fait l'Etat en faveur des collectivités locales. J'ajoute que cet effort s'accompagnera d'une prise en compte des besoins de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, en raison de la dégradation prévisible de ses comptes au cours de ces deux prochaines années. L'Etat devra réduire, en effet, la surcompensation imposée à la caisse à hauteur d'un milliard de francs en 2000 et d'un autre milliard en 2001, soit deux milliards au total, tandis que les employeurs cotisant à cette caisse, collectivités locales et hôpitaux, devront acquitter u ne cotisation légèrement augmentée de 0,5 point en 2000, comme en 2001, soit un effort de 550 millions de francs pour les premières et de 450 millions de francs pour les seconds.

Comme vous le voyez, le Gouvernement a privilégié une approche tendant à augmenter les effets de la péréquation au détriment d'une croissance indifférenciée, s'agissant de la DGF. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter - c'est l'objet du projet de loi que nous examinons - un lissage sur trois ans, à la hausse comme à la baisse, des effets du recensement général de la population sur les dotations de l'Etat aux collectivités locales.


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Dans le même temps, afin de protéger les communes qui perdent de la population, le Gouvernement propose de maintenir pendant trois ans leur dotation forfaitaire au niveau atteint en 1999, partant de l'idée simple que leurs charges ne diminuent pas avec leur population.

Tel est l'objet principal, mesdames et messieurs les députés, du projet de loi qui vous est soumis. Le Gouvernement a fait le choix de retenir une durée d'étalement un peu plus importante que celle que préconisait le Comité des finances locales, consulté au mois de juillet dernier. Il lui est apparu, en effet, préférable de demander des efforts financiers à des communes qui en ont les moyens plutôt qu'à celles qui, éligibles à la DSU ou à la DSR, ou perdant de la population, bénéficient de ressources plus contraintes et de charges plus élevées.

Certains élus, m'a-t-on dit, caressent l'idée de ramener de trois à deux ans la durée du lissage. Ce serait à mon sens une erreur dommageable, dont les conséquences seraient supportées par les communes éligibles aux dotations de solidarité, au profit de l'ensemble des communes françaises, certes, mais de manière totalement indifférenciée. En outre, les pertes de population des communes en déclin démographique seraient imputées plus rapidement, aggravant ainsi pour nombre d'entre elles les handicaps financiers auxquels elles sont confrontées.

C'est la raison pour laquelle, outre l'impact d'ensemble sur la dotation d'aménagement qu'un lissage plus rapide ne manquerait pas d'avoir, je ne puis donner un avis favorable à une telle suggestion, si elle devait retenir l'attention de certains d'entre vous.

C'est dans le même esprit de préservation de la péréquation, que je vous propose d'adopter également une mesure tendant à corriger le potentiel fiscal retenu pour le prélèvement effectué en Ile-de-France au profit du fonds de solidarité des communes.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les principales dispositions que j'ai l'honneur, au nom du Gouvernement, de vous demander d'adopter. Par avance, je vous en remercie.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. René Dosière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le ministre, j'ai eu peur en vous entendant parler, au début de votre intervention, de l'« impact négatif » du recensement de la population. Dans toutes les collectivités, les recensements de population sont accueillis comme pain bénit car les élus locaux, les maires en particulier, sont persuadés que tout accroissement de population va s'accompagner de dotation supplémentaires de l'Etat.

La réalité est, malheureusement, un peu plus grise.

Pour bien comprendre le sens de votre texte, il faut savoir que, à l'heure actuelle, lorsqu'il y a augmentation de population, elle n'est prise en compte qu'à raison de la moitié pour le calcul de la partie forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement. C'est dire que son incidence est relativement faible.

Et si cette incidence est faible, c'est parce que la part de la DGF qui est distribuée au prorata de la population est minime - un peu moins de la moitié - et que ce phénomène est aujourd'hui oublié parce qu'il a été en quelque sorte cristallisé en 1993.

Quant aux communes qui voient leur population diminuer, elles ne perdent rien, tout au moins selon la législation actuelle, car cela n'a pas de conséquences négatives sur le montant de leur dotation forfaitaire.

Si l'impact des recensements de population sur le montant de la dotation est assez faible, dans d'autres circonstances, les variations de population jouent un rôle beaucoup plus important. C'est le cas pour l'éligibilité à des dotations de solidarité telles que la dotation de solidarité urbaine ou la dotation de solidarité rurale, ou pour le calcul du potentiel fiscal, puisque la population sert alors de dénominateur. Bref, pour toute une série de calculs, le facteur population joue davantage mais d'une manière naturellement plus difficile à apprécier.

Il faut également savoir qu'il s'agit d'une population

« virtuelle », dite « population DGF », qui comprend la population municipale, celle que tout le monde connaît et dont l'INSEE vient de donner les chiffres pour chaque c ommune, à laquelle il faut ajouter la population

« comptée à part », dont l'INSEE donnera prochainement les chiffres - la population totale attribuée à la fin de l'année à toutes les communes prendra en compte ces deux catégories - ainsi qu'un habitant par résidence secondaire. Le total ainsi obtenu est « gonflé » et peut varier, les élus ne doivent pas l'oublier.

Dans ces conditions, que propose le texte du Gouvernement ? Tout d'abord, de lisser, sur trois ans, la prise en compte de la population DGF pour l'ensemble des dotations - potentiel fiscal, éligibilité à la dotation de solidarité urbaine ou à la dotation de solidarité rurale - là où le chiffre de la population joue un rôle essentiel. Ce lissage peut jouer à la hausse ou à la baisse ; par exemple, si la population baisse, le potentiel fiscal aura tendance à augmenter et, si elle augmente, il aura tendance à diminuer, ce qui peut paraître un peu contradictoire.

Je n'ai entendu aucune critique sur cette disposition.

Ce qui s'explique fort bien car sans lissage on aurait des effets de seuil extraordinaires, ce qui aboutirait à dess ituations catastrophiques pour les communes. Par conséquent, ne pas lisser serait faire preuve d'irresponsabilité, ce qu'on ne saurait reprocher au Gouvernement. Personne ne conteste donc la nécessité d'étaler la prise en compte de la nouvelle « population DGF » sur trois ans.

En revanche, le calcul de la dotation forfaitaire de la DGF, pose problème puisque, ainsi que vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, le Gouvernement propose de faire en sorte que la moitié de la population ne soit prise en compte que sur trois ans, soit en gros 16 % par an, et que, pour les communes dont la population diminue, la dotation soit gelée. Ces dispositions ont suscité diverses critiques et, tout au moins au début, quelques réserves de la part du rapporteur pour ce qui concerne les communes dont la population diminue et qui se trouvent légèrement pénalisées. Ces réserves ont été levées après discussion avec le Gouvernement.

Celui-ci avait, en effet, deux possibilités.

La première consistait à appliquer strictement la loi et à prendre en compte les augmentations de population en une seule année, ou en deux, ce qui ne change guère les choses. Dès lors, toutes les communes auraient reçu une dotation forfaitaire un peu plus élevée - globalement 1,5 milliard de plus pour l'ensemble de la France - mais de façon mécanique, étant donné le mode de répartition de la DGF, les communes défavorisées, c'est-à-dire celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine ou de la dotation de solidarité rurale, auraient vu leur dotation spécifique diminuer dans de fortes proportions, de l'ordre


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de 20 à 30 % en l'absence de tout lissage, ou de l'ordre de 10 % si l'impact était étalé sur deux ans. Cela revenait à pénaliser les communes qui ont le plus de difficultés.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'a pas choisi cette option et je crois qu'il a eu raison. Il a choisi, au contraire, de faire en sorte que, dans la répartition de la DGF, les communes qui en ont besoin puissent continuer à recevoir davantage. Si bien que la dotation forfaitaire de l'ensemble des autres communes connaîtra une progression moindre que si l'on avait décidé de ne pas lisser du tout les effets des variations.

De ce choix, il résulte que la dotation de solidarité urbaine va augmenter de 500 millions de francs, soit de 16 % d'une année sur l'autre. Je note au passage que, sur les deux dernières années, de 1998 à 2000, la dotation de solidarité urbaine aura augmenté de 61 %, passant en gros de 2,3 à 3,7 milliards, ce qui n'est pas négligeable.

Quant à la dotation de solidarité rurale no 1, la DSR 1, celle qui concerne les bourgs-centres, elle va augmenter de 150 millions, soit de 26 %. Et la DSR 2, qui est fort i mproprement appelée « de péréquation » puisqu'elle concerne pratiquement toutes les communes, progresse de 1,3 %. C onséquence du choix du Gouvernement, les communes DSU connaîtront une augmentation de leur DGF quelle que soit d'ailleurs l'évolution de leur population. Et je vous signale que les communes éligibles à la DSU, ce sont 680 communes de plus de 10 000 habitants, soit 80 % des communes françaises de plus de 10 000 habitants, la majeure partie de ces communes ! Quant aux communes qui bénéficient de la dotation de solidarité rurale bourg-centre, elles connaîtront, elles, aussi une augmentation de leur DGF. Elles sont 4 077 et celles qui ont de 1 000 à 3 000 habitants représentent plus de la moitié des communes concernées. Celles dont la situation est, en principe, la plus favorable seront celles qui seraient en quelque sorte pénalisés par le projet du Gouvernement, à une ou deux exceptions près, sans doute, car il est difficile, quand on légifère, de régler tous les cas d'espèce.

Je souligne d'ailleurs que ces communes DSU et DSR vont en même temps profiter de dispositions qui figurent dans la loi de finances, qu'elles ne verront pas diminuer leur dotation de compensation de la taxe professionnelle et qu'elles bénéficieront d'un écrêtement pour la supression de leur contribution à l'aide sociale. Ces deux mesures s'ajoutent aux avantages de la DGF. En matière de solidarité, le Gouvernement a été, on le voit, très cohérent.

Bien entendu, quelques problèmes restent posés. Peutêtre pourra-t-on les régler dans le cadre de la DGF, mais plus tard, à l'expiration du contrat de croissance et de solidarité. On pourrait en effet réfléchir, alors, à une meilleure liaison entre l'attribution de la DGF et la population. On pourrait de même essayer de résoudre la difficulté qu'entraîne cette année la faible croissance de la DGF, en raison d'un dispositif très complexe de recalage et de reprise. Ces deux mesures ont d'ailleurs été votées sur les bancs de droite de notre hémicycle et font que la DGF n'augmente aujourd'hui que faiblement, de 0,80 %, alors que, sans elles, elle aurait augmenté de plus de 2 %.

On pourrait encore revoir la DSR2, dite de péréquation, qui profite plus ou moins à toutes les communes, et peut-être même la dotation impôts ménages des départements, puisque plus ceux-ci lèvent d'impôts ménages, plus ils reçoivent de DGF, et que ce mécanisme commence à dater. Mais nous reparlerons de tout cela lorsque nous discuterons d'une éventuelle modification de la DGF.

Le texte de loi comporte une autre disposition, qui n'est plus directement liée à la DGF : la correction du potentiel fiscal des communes de la région Ile-de-France.

Cette mesure technique a d'importantes conséquences, puisque le potentiel fiscal sert de mode de calcul pour le fonds de solidarité des communes d'Ile-de-France. Par la suppression des bases, la réforme de la taxe professionnelle entraîne une diminution mécanique du potentiel fiscal. Autrement dit, sans cette correction, la res-s ource alimentant la solidarité des communes d'Ile-de-France aurait automatiquement baissé de 100 millions de francs sur un total de 700. Le Gouvernement propose d'intégrer au calcul du potentiel fiscal le montant de la compensation, ce qui évitera la dispersion de cette ressource.

Votre rapporteur a eu l'idée d'étendre cette disposition à l'ensemble des communes françaises. Certes, le potentiel fiscal ne joue pas le même rôle partout, mais la réforme de la taxe professionnelle entraîne des distorsions dans le calcul de cette taxe et on risque d'assister à de grands bouleversements dans l'éligibilité des communes à certaines dotations.

Il subsistera un seul problème, celui du mode de calcul du potentiel fiscal des communes qui appartiennent à des groupements à taxe professionnelle unique. Mais nous en reparlerons au cours de la discussion des amendements.

Telles sont, mes chers collègues, les principales dispositions d'un texte d'apparence technique, mais qui est, en fait, très sensible du point de vue politique, puisqu'il intéresse des collectivités qui assurent les trois quarts de nos équipements publics - routes, stades, écoles, collèges, lycées - et qui, depuis une dizaine d'années, créent entre 15 000 et 20 000 emplois nets par an.

Il est donc essentiel que ces collectivités puissent bénéficier des moyens financiers qui leur permettent de poursuivre leur tâche.

La commission des lois, vous l'aurez compris, a émis un avis favorable à ce texte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Franck Dhersin.

M. Franck Dhersin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à l'avis optimiste de M. le rapporteur, j'estime que, sous couvert d'un aménagement technique, ce projet de loi trahit le peu de cas que le Gouvernement fait des collectivités locales.

M. Alain Clary.

Voilà qui est cocasse !

M. Franck Dhersin.

Il ne fait que confirmer l'ambiguïté des relations entre l'Etat et les collectivités locales, et les dérives que connaît aujourd'hui la décentralisation.

Ces deux dernières années, en dépit des appels répétés lancés par les dirigeants des grandes associations d'élus, toutes tendances confondues, le Gouvernement n'a pas jugé utile d'engager ne serait-ce qu'une réflexion sur le nouvel élan à donner à la décentralisation.

En septembre dernier, lors des journées parlementaires du Parti socialiste, M. Jospin s'est - enfin, ai-je envie de dire - interrogé sur la nécessité d'une nouvelle étape et a


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proposé la mise en place d'une commission. Selon ses propres termes, « de nouvelles étapes doivent être franchies afin que la décentralisation soit plus légitime, plus efficace, plus solidaire ».

Lionel Jospin a reconnu lui-même qu'il était nécessaire de clarifier les relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, et de réexaminer la question des transferts de compétences, pour mieux distinguer ce qui doit être attribué de façon exclusive et ce qui peut faire l'objet de délégations ou de coopérations.

Je n'aurais qu'à me féliciter de cette profession de foi, si elle n'était révélatrice des graves dysfonctionnements et des pratiques intolérables de l'Etat en la matière.

L'inquiétude est grande chez les élus locaux. La fiscalité locale constitue d'abord un véritable point noir. Comme l'a rappelé le président du Sénat, M. Poncelet, l'autonomie fiscale des collectivités locales est le fondement essentiel du principe constitutionnel de libre administration.

Or la fiscalité locale est vieillotte et ne répond plus aux besoins des collectivités locales. C'est vrai de la taxe professionnelle, malgré sa réforme, mais aussi de la taxe d'habitation ou de la taxe foncière.

D'autres inquiétudes sont provoquées par la pratique des contrats de plan, devenus de véritables alibis pour l'Etat, à qui ils permettent de se décharger financièrement sur les collectivités.

En même temps que les inquiétudes se font plus vives, les espoirs des élus locaux sont déçus. Ce projet de loi se situe dans la continuité directe du volet concernant les collectivités locales du budget 2000 de l'intérieur, budget jugé particulièrement pingre par les responsables locaux et nettement en deçà de l'acceptable.

En vérité, ce projet renforce le sentiment que l'Etat, toujours enthousiaste quand il s'agit de collaborer avec les collectivités territoriales - ce qui lui permet de se défausser de manière hypocrite sur elles -, devient particulièrement frileux quand il s'agit de leur fournir les moyens à la hauteur des charges qu'elles supportent.

L'évolution des principales dotations est très en deçà de ce que le Gouvernement peut et doit faire.

La France compte 2 millions d'habitants nouveaux, selon le recensement de 1999. En termes de DGF, la population atteint désormais 65 millions, soit 1,863 million de plus que l'an dernier.

M. René Dosière, rapporteur.

Certains de vos amis veulent encore l'augmenter !

M. Franck Dhersin.

Ce serait, en effet, une excellente chose ! Cet accroissement de population devrait se traduire, selon la loi du 31 décembre 1993, par un accroissement de la dotation forfaitaire des communes à hauteur de 1,5 milliard de francs, afin de leur permettre de faire face aux dépenses générées par cette nouvelle population.

Compte tenu des sommes en jeu, il paraît nécessaire d'étaler les conséquences du recensement. Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, et nous en convenons tous.

Hélas, si le projet de loi prévoit que les communes subissant une perte de population ne connaîtront pas de baisse de leur dotation forfaitaire, principal élément de la dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat, alors que celles dont la population a augmenté verront cet accroissement pris en compte sur trois ans, et seulement pour la moitié des nouveaux habitants.

Trois ans, c'est la moitié du mandat d'un maire. Comment veut-on, dans ces conditions, que ces communes puissent se montrer à la hauteur des tâches qui leur incombent ? Cela n'est pas acceptable, monsieur le ministre.

On est en droit d'attendre d'un projet de loi relatif à la prise en compte du recensement de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales qu'il permette l'application de la loi du 31 décembre 1993. Or la mesure de lissage qui est prévue sur une durée de trois ans est manifestement excessive et de nature à paralyser l'action des communes concernées.

Pour ces raisons, si l'étalement des effets du recensement est compréhensible, sa durée ne doit en aucun cas excéder deux ans, sous peine d'asphyxier les collectivités locales et de mettre gravement en péril la décentralisation.

En conséquence, l'effort que l'Etat consentir à cette année doit s'élever au minimum à 400 millions de francs, au lieu des 200 millions prévus pour permettre l'application de la loi, tout en préservant le financement de l'intercommunalité existante et en assurant une augmentation raisonnable des dotations de solidarité urbaine et rurale.

Une telle somme devrait être intégrée définitivement à la dotation globale de fonctionnement et complétée l'an prochain pour achever la prise en compte des résultats du recensement. Cet abondement se justifie par la nature même de la DGF inscrite au budget de l'Etat comme prélèvement sur recettes. Par ailleurs, il traduirait le partage nécessaire, entre l'Etat et les collectivités locales, des recettes fiscales induites par la consommation et la production de cette nouvelle population.

De plus, si la DGF augmente de 0,82 %, la faiblesse de l'enveloppe de dotation de solidarité urbaine versée aux communes abritant des quartiers difficiles est notable.

En effet, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale prévoit que la dotation par habitant de la nouvelle catégorie d'établissement public de coopération intercommunale, à savoir la communauté d'agglomération, s'élève à 250 francs. A ce titre, il est prévu un prélèvement sur recettes de l'Etat de 500 millions dans le PLF 2000.

Mais, à l'évidence, cet effort est insuffisant. Ce ne sont pas 500 millions de plus qu'il faut prévoir pour la dotation de solidarité urbaine, mais au moins 1 milliard. Et cela n'a rien d'excessif, car je tiens à rappeler le caractère primordial que revêtent les dotations de l'Etat en matière de décentralisation. M. Jospin aspire à une décentralisation plus efficace, n'empêchant pas les territoires d'être plus solidaires - et ce n'est certes pas moi qui le contredirai sur ce point. Mais le simple fait de devoir rappeler ces objectifs, qui tiennent à l'essence même de la décentralisation, témoigne de la difficulté qu'il y a à rendre cette dernière vivante et effective.

Derrière les faux-semblants et les déclarations d'intention, il y a les actes : il faut, un jour ou l'autre, toucher aux cordons de la bourse, et c'est d'ailleurs souvent lorsqu'il faut mettre la main à la poche que l'on peut juger de l'ampleur et de la solidité de la volonté politique. En lisant ce projet de loi, je ne peux donc que le constater : la décentralisation ne fait décidément pas partie de vos priorités, monsieur le ministre.

Par ailleurs, les mouvements de population ayant des effets directs non négligeables, comme nous l'avons vu, sur les charges et les recettes des collectivités locales, il est important de mener une réflexion sur la mise en place


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d'une nouvelle méthode de recensement. Elle devrait notamment permettre d'alléger la charge qui pèse sur les collectivités locales ou sur l'INSEE au moment de chaque dénombrement. La réactualisation des données serait en outre plus régulière et gagnerait en fiabilité. En outre, les c onséquences financières de chaque recensement se feraient moins sentir. Il conviendrait d'intégrer le plus rapidement possible les variations de population dans les critères, pour qu'ils soient plus proches de la réalité, pour qu'ils ne soient pas fictifs.

A l'évidence, ce projet de loi ne répond donc pas aux attentes des collectivités locales. Il se contente, sans enthousiasme, du strict minimum, sans prendre la mesure du souffle dont a besoin la décentralisation.

Pour toutes ces raisons, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera contre ce projet de loi.

M. Laurent Dominati. Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je ne résiste pas à l'envie de citer la phrase que notre rapporteur a excellement placée en tête de son rapport et qui est tirée de celui de la Cour des comptes de 1998 : « La mise en oeuvre des principes qui fondent les dotations, la recherche d'une distribution moins inégalitaire et la volonté de maintenir les avantages antérieurs s'associent difficilement. Aussi les textes sont-ils en modification quasi permanente. Il faut sans cesse réformer substantiellement telle dotation ou apporter les contrepoids nécessaires aux dispositions précédemment votées. [...] La durée de vie des dispositions est brève et, de régimes temporaires en dispositions transitoires, les dotations globales restent du domaine du provisoire. L'édifice est, dès lors, d'une extrême technicité. Les textes sont d'un abord ardu et rares sont les spécialistes qui peuvent traduire à simple lecture l'ensemble des dispositions. »

Si je fais cette citation, dont vous voudrez bien pardonner la longueur relative, c'est pour mieux remercier M. le ministre de l'intérieur et M. le rapporteur d'avoir résumé, en quelques mots très clairs, une situation qui p ourrait être présentée d'une manière passablement complexe. En fait, dans ce tableau, l'irruption des résultats du recensement constitue un événement nouveau et dont la fréquence est assez lâche, puisque ce type de mise au point ne se produit qu'une fois tous les dix ans. Pardonnez la métaphore horlogère : nous sommes devant un carillon au mécanisme complexe, qu'on voudrait mettre à l'heure en lui assenant un violent coup de marteau.

Apparemment, ce n'est pas la bonne méthode. Tout le monde, sur tous les bancs de cette assemblée, a compris que la périodicité de nos mises à jour issues du recensement nécessitait un lissage, compte tenu des impacts multiples que les critères de population ont sur les modalités de calcul des montants et sur la répartition des dotations de l'Etat.

A ffranchissons-nous des idées caricaturales, selon lesquelles les collectivités seraient menacées - ce que je ne crois pas - et qu'il faudrait les défendre, et remarquons que le débat porte principalement sur la durée de ce lissage. En effet, compte tenu de l'encadrement de l'enveloppe budgétaire globale, la durée plus ou moins longue de lissage produit ses effets de manière plus ou moins progressive sur les dotations de solidarité. En la matière, il y a bel et bien un choix politique. Le Gouvernement a fait celui d'un renforcement d'une politique volontariste en faveur de l'intercommunalité et de la solidarité entre collectivités. Cela me convient tout à fait.

Pour comprendre l'équilibre complet du dispositif, il faut, bien entendu, se reporter aux mesures prises, ou devant être prises, dans le cadre de la loi de finances.

Ainsi, une hausse de 850 millions de francs sera proposée afin de garantir, comme l'a excellemment précisé notre rapporteur, les ressources des communes qui en ont le plus besoin. C'est tout simple : en réduisant la durée, on réduit la marge qui nous reste pour affirmer ces politiques. De ce fait, on en réduit l'impact. Dès lors, ou bien on fond l'effort budgétaire dans une sorte de grisaille qui ne permet pas de dégager des priorités, ou bien on se lance dans le « toujours plus » budgétaire. C'est ce que j'ai cru, par moments, déceler dans les propos de l'orateur qui m'a précédé à la tribune et qui, je l'avoue, contraste quelque peu avec les propos que l'on entend d'habitude dans la bouche des représentants de la partie de l'hémicycle où il siège. En effet, quand il s'agit de parler de l'équilibre budgétaire en général, personne n'a de mots assez vifs pour demander des allégements d'impôts, des réductions de dépenses et autres suppressions de gaspillage.

M. Laurent Dominati.

L'Etat fort, pour la sécurité et contre le gâchis !

M. Jean-Yves Caullet.

C'est pourquoi le dispositif proposé dans le projet de loi, complété par les mesures qui seront adoptées dans le cadre de la loi de finances, me paraît tout à fait adapté à la situation. Il permet de lisser les effets mécaniques trop importants et trop brutaux en matière de critères d'éligibilité - les effets de seuil , et p ermet parallèlement de garantir les ressources des communes qui en ont le plus besoin, en répartissant l'effort entre celles dont la population augmente, et qui, pour la plupart, en sont satisfaites, et celles dont la population diminue et qui ne subissent aucune baisse de leur dotation forfaitaire.

Je souhaite que cet équilibre, qui résulte à la fois du projet de loi que nous examinons aujourd'hui et de diverses mesures budgétaires, puisse être maintenu. S'il était rompu, ce serait dommageable pour la cohérence du dispositif.

Un nouveau contrat de solidarité et de croissance est en chantier. D'ici à sa mise en place, il serait bon que le montant des dotations d'aménagement ne fasse pas l'objet d'une diminution, de telle sorte que cet équilibre soit maintenu. Toute assurance que vous pourriez nous donner en ce sens, monsieur le ministre, serait de nature à garantir la lisibilité du dispositif.

Pour répondre à des propos qui visent toujours à traduire des inquiétudes, voire à les renforcer, sinon à les susciter, je dirai que la complexité du dispositif, la périodicité très longue de la révision des bases qui le fondent et qui résultent d'un recensement effectué à peu près tous les dix ans, le nombre sans cesse croissant d'autres dispositifs, la multiplication des zonages, tout cela fait que les responsables de nos communes sont plongés très fréquemment dans un abîme de réflexion qui les conduit à se poser les questions suivantes : serons-nous retenus dans tel dispositif ? Bénéficierons-nous demain de telle ou telle dotation ? Serons-nous éligibles à tel dispositif européen ? Il faut bien convenir que le dispositif de la DGF est relativement complexe et que sa lisibilité n'est pas exceptionnelle.

Par conséquent, serait-il possible, dans le cadre de la réflexion engagée sur le nouveau contrat de croissance et de solidarité, de réfléchir à un système permettant de ne pas attendre dix ans pour orienter le dispositif ?

M. Alain Clary.

C'est tout à fait pertinent !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Yves Caullet.

Peut-on envisager d'avoir recours à un système moins coûteux qu'un recensement général - en raison de son coût, il ne peut pas être organisé plus fréquemment - et qui permette de rendre compte plus régulièrement de l'évolution de la population et évaluer son incidence ? Et comme nous sommes dans le domaine des voeux, monsieur le ministre, ne peut-on pas envisager une simplification du dispositif de la dotation globale de fonctionnement, afin de le rendre plus lisible pour les collectivités, de telle sorte qu'elles puissent orienter leurs politiques en connaissance de cause et que les dotations de l'Etat deviennent un des paramètres de leur gestion plus faciles à prévoir ? Toutefois, je conviens bien volontiers qu'il s'agit de quelque chose de fort difficile à mettre en place, car l'équité qui sied à ce genre de dispositif s'accommode mal du simplisme.

Telles sont mes réflexions sur le projet de loi et sur les mesures qui l'accompagnent. Nous avons là un dispositif équilibré. Je ne doute pas que, au-delà des critiques certes compréhensibles mais parfois caricaturales, chacun sur ces bancs convient que la vertu principale du dispositif est d'exister. L'adoption du présent projet de loi permettra que, dès l'année prochaine, les dotations soient versées conformément à un dispositif clair, tout retard étant fort préjudiciable en ce domaine si complexe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué, ainsi que l'excellent rapporteur M. Dosière, que, pour faire face au surcoût que les deux millions de Français supplémentaires risquent de provoquer en matière de dotation globale de fonctionnement, seules deux solutions sont possibles.

La première consiste à augmenter la dotation forfaitaire et, de ce fait, à diminuer la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale. Ce qui est parfaitement injuste sur le plan de la péréquation, je vous l'accorde bien volontiers.

La deuxième solution consiste à favoriser la DSU et la DSR, et, en revanche, à geler la dotation forfaitaire, ce qui n'est pas juste non plus.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est moins injuste !

M. Gilles Carrez.

Cela revient, en quelque sorte, à nous faire tomber de Charybde en Scylla.

Mes chers collègues, nous devons éviter cela, car il y a une troisième solution, et c'est pour elle que je vais plaider.

Elle consiste pour l'Etat à abonder la dotation globale de fonctionnement des crédits nécessaires, compte tenu de l'augmentation de la population.

M. Alain Clary.

C'est-à-dire l'inverse de ce qui s'est fait dans le pacte de stabilité, l'inverse de ce qu'a fait Juppé !

M. Gilles Carrez.

Cela n'a rien à voir !

M. le président.

Seul M. Carrez a la parole.

Poursuivez, monsieur Carrez.

M. Alain Clary.

D'autant que c'est un excellent plaidoyer !

M. Gilles Carrez.

Nombre de raisons plaident en faveur de cette solution.

Des raisons historiques d'abord. En effet, la dotation globale de fonctionnement, qui a été créée en 1979, est l'héritière du VRTS, lequel avait remplacé la taxe locale en 1967. Or cette dernière était une taxe sur la consommation, étroitement associée à l'évolution de la population. A l'époque, la notion de population était donc déjà au coeur du dispositif.

Au-delà de cet aspect historique, le principe qui fonde les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales est le partage le plus loyal possible des ressources et des dépenses, en fonction de la répartition des compétences. Depuis 1981, tous les textes relatifs à la décentralisation réaffirment ce principe du partage.

Or si deux millions d'habitants nouveaux engendrent d es charges, ils créent aussi des recettes, car ils consomment et produisent. Par conséquent, il serait tout à fait inéquitable que les recettes fiscales engendrées par ces deux millions d'habitants nouveaux soient en totalité accaparées par l'Etat, notamment par le biais de la taxe sur la valeur ajoutée, et que celui-ci n'accepte pas de partager avec les collectivités locales les charges créées par ceux-ci.

Du reste, la dotation globale de fonctionnement a pour objet principal de garantir aux collectivités locales des ressources leur permettant de faire face à des dépenses permanentes, notamment des dépenses de personnels, qui elles-mêmes sont étroitement liées à la taille de la population de la commune.

M es derniers arguments pour tenter de vous convaincre, monsieur le ministre, relèvent de la technique budgétaire.

Dans le budget de l'Etat, la dotation globale de fonctionnement est traitée, non comme une dépense, mais comme un prélèvement sur recettes, ce qui signifie qu'elle est articulée sur les recettes fiscales de l'Etat et que, en quelque sorte, ce dernier accepte de partager ses recettes, et donc ses surcroîts de recettes, avec les collectivités locales, en leur rendant une partie de celles-ci sous forme de dotation globale de fonctionnement. D'ailleurs, pendant longtemps, la DGF a été indexée sur l'évolution des recettes de TVA.

Il m'apparaît tout à fait légitime que l'Etat accroisse la dotation globale de fonctionnement lorsque la population d'une commune augmente. Cela a d'ailleurs été reconnu de façon explicite dans la loi de 1993 qui a réformé la dotation globale de fonctionnement, puisque ce texte prévoit que l'augmentation de population est prise en compte pour moitié dès l'année qui suit le recensement, qu'il soit complémentaire ou général.

En revanche, la DGF des communes dont la population diminue a été maintenue par la loi de 1993. Le législateur a été sage d'adopter une telle disposition. En effet, s'il avait prévu de réduire la DGF des communes dont la population diminue, il n'aurait fait qu'ajouter des difficultés aux difficultés. Une telle mesure est donc excellente du point de vue de l'aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, c'est précisément ce dispositif, inspiré par un grand souci de l'équilibre, que vous souhaitez profondément bouleverser, et ce pour quelques centaines de millions, pas plus. Vous qui êtes le défenseur des collectivités locales, leur ami, je voudrais vous convaincre de renoncer à ce projet et d'accepter ce que vous ont demandé les élus locaux dans leur quasiunanimité.

Le premier argument que j'avancerai est celui de la sagesse et de l'esprit de responsabilité des élus locaux. Dès avant l'été, lorsqu'il est apparu que les effets du recensement conduiraient à augmenter la dotation forfaitaire de 1,5 milliard en cas de prise en compte de ceux-ci dès 2000, tous les élus locaux se sont rendu compte que


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cet effort serait considérable pour l'Etat et probablement insupportable. Dans un souci de responsabilité, le Comité des finances locales, l'Association des maires de France et l'ensemble des associations d'élus ont donc plaidé en faveur d'un étalement sur deux ans.

A l'époque, vous nous aviez semblé réceptif à une telle idée. Il nous avait paru, sans doute à tort, que vous considériez ce geste comme une manifestation de responsabilité de la part de l'ensemble des élus locaux. Puis, vous avez changé d'avis, et vous proposez un étalement sur trois ans. C'est d'autant plus regrettable que je rappelle que ce recensement a été effectué avec deux ou trois ans de retard. Nous l'avons attendu pendant dix ans, ce recensement général ! Le second argument que j'avancerai dans mon plaidoyer en faveur de la proposition que vous ont faite les élus locaux, c'est que le chemin budgétaire qui reste à parcourir n'est plus très long. En effet, monsieur le ministre - et je n'hésite pas à le dire du haut de cette tribune -, vous nous avez bien défendu et vous avez remporté des succès lors de la discussion de la première partie de la loi de finances, le mois dernier : grâce à vous, la DSU a été majorée de 500 millions de plus et la DSR de 150 millions ; de plus, la fâcheuse disposition relative à l'indexation de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle a été révisée.

M. René Dosière, rapporteur.

Soit 200 millions !

M. Gilles Carrez.

Il semblerait donc que pour procéder à un lissage sur deux ans au lieu de trois, seuls 300 millions seraient nécessaires. J'ai déposé des amendements en ce sens dont le coût est de 500 millions. Mais il semble qu'il faudrait seulement 300 millions de plus en 2000 et 300 millions en 2001.

Vous nous dites que les communes non éligibles à la DSU sont des communes riches, des communes favorisées. Or aujourd'hui - et je tiens les chiffres à votre disposition, monsieur le ministre -, une centaine de villes de plus de 10 000 habitants ne perçoivent pas la dotation de solidarité urbaine uniquement parce que le nombre de leurs logements sociaux officiels est faible, ce qui ne les empêche pas d'avoir un parc social de fait souvent important. Pour autant, ces communes n'ont rien à voir avec celles des Hauts-de-Seine, comme Neuilly-sur-Seine ou Boulogne-Billancourt, dont on nous cite toujours les noms lorsque l'on parle des communes non éligibles à la DSU. Ce sont des communes dont le potentiel fiscal est inférieur à la moyenne de celles de la catégorie à laquelle elles appartiennent. Ce sont des communes objectivement pauvres, car ce sont des communes résidentielles dépourvues d'entreprises. Ces communes, qui ne touchent pas la DSU, vont devoir, si leur population a augmenté, attendre trois ans pour bénéficier pleinement de l'augmentation de la dotation forfaitaire. En 2000, elles vont de nouveau subir une baisse de 3,4 % de la dotation de compensation de taxe professionnelle. La solution que vous proposez, monsieur le ministre, et dont je reconnais le caractère équitable et la nécessité au titre de la péré quation DSU-DSR, va tout de même poser un énorme problème à ces communes pauvres qui ne perçoivent que la dotation forfaitaire.

Je ne sais pas si Belfort est dans ce cas-là...

M. René Dosière, rapporteur.

M. le ministre ne raisonne pas en fonction de cas particuliers !

M. Gilles Carrez.

Mon cher collègue, une centaine de communes de plus de 10 000 habitants, ça n'est pas rien ! Pour terminer, je citerai les chiffres de l'évolution, au cours des quatre dernières années, d'une part, de la dotation forfaitaire et, d'autre part, des dépenses de personnels à structures constantes : les progressions sont respectivement de 2 % et de 4,1 % en 1996 ; de 0,65 % et de 3,3 % en 1997 ; de 0,73 % et de 3,7 % en 1998 ; de 1,50 % et de 3,5 % en 1999. En l'espace de quatre ans, l'écart entre le taux d'évolution de la dotation forfaitaire et celui des dépenses de personnels est supérieur à 10 %. Cela devient absolument insupportable.

Mon intervention n'est absolument pas inspirée par un esprit de polémique. Je souhaiterais seulement, monsieur le ministre, que vous vous penchiez sur ces difficultés qui sont réelles. Je reconnais les efforts qui ont été accomplis au cours des dernières semaines dans le domaine des relations avec les collectivités locales. Je salue le travail remarquable du rapporteur,...

M. René Dosière, rapporteur.

Je vous remercie.

M. Gilles Carrez.

... qui a formé des générations de spécialistes de finances locales, dont je suis - je me suis formé en lisant les excellents manuels de M. Dosière il y a de cela une vingtaine d'années.

M. le président.

Il faudrait conclure, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez.

Je termine, monsieur le président.

Je souhaiterais que l'on se penche ensemble, non seulement sur le cas des communes éligibles à la DSU ou sur celui des communes éligibles à la DSR, mais aussi sur celui de ces communes qui ne perçoivent que la dotation forfaitaire et qui sont petit à petit étranglées. Je pense que l'équité des relations financières entre les collectivités et l'Etat impose que ce dernier s'intéresse à l'ensemble de nos 36 000 communes. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe d e l'Union pour la démocratie française-Alliance. M. Gérard Saumade applaudit également.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Clary.

M. Alain Clary.

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi que nous examinons vise à tirer les conséquences du recensement de la population sur les finances locales. A ce titre, il concerne donc directement les communes, mais aussi les départements.

Il était d'autant plus nécessaire de légiférer que le dernier recensement officiel remontait à 1990 et que l'impact des recensements complémentaires intervenus était sans commune mesure avec la variation enregistrée aujourd'hui.

Ainsi, le présent projet s'attache à prendre en compte les 2 millions d'habitants supplémentaires qui vivent sur notre territoire.

Les conséquences que pourraient avoir sur les finances locales ces variations de population - parfois considérables pour une commune - inquiètent légitimement les élus.

En effet, un recul démographique qui serait répercuté dès la première année dans le calcul des dotations de l'Etat aurait pour conséquence de déséquilibrer le budget, et donc de créer des difficultés de gestion inextricables pour nombre de collectivités.

Ces variations risquent également de modifier l'éligibilité des communes à la dotation de solidarité urbaine, ou à la dotation de solidarité rurale ou encore au fonds national de péréquation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

C'est pourquoi nous souscrivons à la disposition du projet de loi qui étale sur trois ans les effets du recensement afin de protéger les collectivités dont la population a baissé d'une réduction trop rapide de leurs ressources.

D'ailleurs, une application immédiate aurait-elle pu être envisagée quand on sait que le coût de l'absorption des résultats du recensement s'élèverait à 1 545 millions de francs ? Compte tenu de l'évolution particulièrement limitée cette année des dotations de l'Etat aux collectivités, notamment en ce qui concerne la DGF, notre rapporteur a fort bien expliqué que le dispositif n'aurait pas pu fonctionner.

Nous considérons pour notre part que, au-delà de la question des délais, la question essentielle est bien celle d'une réforme des dotations que l'Etat accorde aux collectivités locales. En effet, ces dotations sont, et ce de façon criante, très largement insuffisantes et ne permettent pas aux collectivités locales de répondre aux besoins et aux aspirations des habitants, ni de faire face aux transferts de charges, ni de s'inscrire dans la dynamique de l'efficacité économique.

Pour notre part, nous militons en faveur de la prise en compte de 50 % du taux de croissance du produit intérieur brut dans le calcul de la DGF, plutôt que des 25 % retenus, même si cela constitue une inversion de tendance par rapport au pacte de stabilité, ou plutôt de régression, de M. Juppé.

De la même manière, des dispositions spécifiques sont prévues pour geler la dotation forfaitaire des communes dont la population a baissé, et cela pendant trois ans. Ces dispositions peuvent sembler généreuses mais nous exprimons, avec le rapporteur, nos réserves sur l'économie de 127 millions de francs ainsi réalisée par l'Etat, alors qu'en vertu même de la loi cette dotation forfaitaire ne peut que progresser et qu'elle ne prend jamais en compte les baisses de population.

Par ailleurs, les villes et les localités dont la population a augmenté verront leur abondement étalé sur trois ans, à raison d'une prise en compte de 50 % de l'accroissement, ce qui constitue un handicap pour les communes concernées, qui ont pourtant à répondre à des besoins croissants.

Nous prenons cependant acte des majorations adoptées dans la loi de finances pour la dotation de solidarité urbaine et pour la dotation de solidarité rurale. Elles permettront aux communes dont la population baisse et qui bénéficient de ces dotations de connaître en 2000 une certaine progression de leur DGF globale. Cette disposition nous semble d'autant plus de bon sens que les communes concernées sont confrontées aux plus grandes difficultés.

Nous approuvons les mesures de sauvegarde proposées pour garantir l'enveloppe du fonds de solidarité de la région Ile-de-France, même si nous continuons à penser qu'il conviendrait de mieux prendre en compte, pour l'éligibilité au prélèvement comme pour la redistribution des fonds, les efforts entrepris par certaines municipalités, notamment dans le domaine social, de l'habitat, ou de l'hospitalisation.

Pour conclure, je crois pouvoir dire que le recensement général de 1999, qui a mis en évidence, d'une part, une augmentation du nombre des habitants et, d'autre part, certaines évolutions de la population française dans sa structure comme dans sa répartition entre les différentes collectivités, aurait dû nous permettre d'aller au-delà des mesures proposées, tant les enjeux financiers et humains sont cruciaux.

La nécessité de voir les collectivités locales bénéficier davantage des fruits de la croissance est incontournable.

Nous nous prononçons en faveur d'une grande réforme de la fiscalité locale, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir, en particulier pour ce qui concerne la taxe professionnelle - pas forcément dans le sens ultra-libéral proposé par ailleurs - et la taxe d'habitation. Et cela d'autant plus que la course sauvage à la rentabilité financière suscite de nombreuses questions et, de plus en plus souvent, une véritable indignation face aux gâchis économiques et humains qu'elle entraîne. Or nous savons que l es actifs financiers des entreprises ne participent aucunement à abonder la fiscalité locale : non seulement ils gonflent constamment aux dépens de l'investissement utile, du développement de l'emploi et des formations, mais ils n'apportent en outre aucune contribution à l'équipement des collectivités locales, ce qui stimulerait p ourtant l'activité économique réelle, créatrice de richesses et d'emplois. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point lors de la discussion budgétaire.

Monsieur le ministre, le groupe communiste, en votant le projet de loi, tient à vous exprimer sa disponibilité pour contribuer à faire avancer ces propositions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Monsieur le ministre, au-delà de leur apparence technique, les modalités de prise en compte des résultats du recensement de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales constituent une pièce essentielle du projet de loi de finances pour 2000 et de la politique de « décentralisation », ou plutôt de « re-centralisation », menée par le Gouvernement.

Les enjeux financiers, mais aussi humains, sont cruciaux pour les collectivités locales, au dire même du rapporteur, M. Dosière.

Il est effectivement indispensable de prévoir un mécanisme d'ajustement pour absorber le choc démographique du recensement général. Mais le dispositif prévu par le Gouvernement apparaît d'une complexité regrettable.

Surtout, son caractère insuffisant et incomplet, comme le manque d'assurance quant à sa pérennité l'inscrivent dans un mouvement latent de recentralisation, qui remet gravement en cause l'autonomie financière des collectivités locales, ainsi que leur sécurité juridique.

La nécessité d'un dispositif d'accompagnement pour lisser le choc que représente par l'intégration des résultats du recensement n'est pas contestable.

Les conséquences des résultats du recensement général de 1999 sur la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales se révèlent diverses. Ces résultats ne seront arrêtés qu'à la fin de l'année.

Les données actuellement disponibles font apparaître une augmentation du nombre d'habitants en France d'environ 2 millions. Elles vont affecter, à partir de 2000, la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales, mais aussi les mécanismes de péréquation, qui, pour la plupart, sont calculés en fonction d'un critère démographique. Or l'impact des variations de population, souvent considérables au niveau de chaque commune, pourrait, à droit constant, entraîner de fortes variations d'attributions susceptibles d'affecter l'équilibre des budgets locaux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

Mais la complexité du projet gouvernemental accroît encore l'opacité du dispositif.

La Cour des comptes, dans son rapport pour 1998, avait déjà souligné la modification quasi permanente des textes relatifs à la répartition des dotations de l'Etat, ainsi que l'extrême technicité de l'édifice, qui rend sa compréhension extrêmement ardue.

Cette observation semble pouvoir s'appliquer aux dispositions prévues par votre projet. M. Dosière a d'ailleurs souligné que l'objet de ce texte n'était pas de s'attaquer aux structures mêmes de cet édifice opaque, ce qui n'aurait pourtant pas été nécessairement une mauvaise chose dans la mesure où un réel effort de rationalisation n'a jamais été entrepris dans ce domaine.

M. René Dosière, rapporteur.

Cela viendra !

M. Rudy Salles.

Le rapporteur a de plus reconnu luimême que les mécanismes de prise en compte de la population dans le calcul des dotations se révèlent d'une

« grande sophistication », qui conduit d'ailleurs « à déconnecter de plus en plus la population réelle de la population prise en compte pour le calcul des dotations ».

Il a lui-même qualifié les populations prises en compte pour le calcul des dotations de « virtuelles ».

M. René Dosière, rapporteur.

Eh oui !

M. Rudy Salles.

Le lissage sur trois ans de la prise en compte des résultats du recensement ne permet pas aux collectivités territoriales d'absorber le choc démographique dans des conditions satisfaisantes.

Les conditions générales de prise en compte des résultats du recensement de 1999 établies par le projet gouvernemental prévoient une intégration des résultats du recensement de 1999 dans le calcul des dotations par tiers sur trois ans : un tiers en 2000 et deux tiers en 2001. Ces règles de lissage concernent le calcul de la DGF des départements et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ainsi que le calcul du potentiel fiscal de toutes les collectivités locales.

Ces mesures de lissage ne sont pas satisfaisantes.

Ainsi, les communes dont la population a diminué verront la part forfaitaire de leur dotation globale de fonctionnement maintenue en 2000, 2001 et 2002 au montant atteint en 1999. Pour ces communes, cela revient à la suppression, pendant trois ans, de leur garantie minimale de progression, ce qui risque de les confronter à une situation d'autant plus difficile que ces mesures doivent être combinées avec la suppression des contingents communaux d'aide sociale.

M. René Dosière, rapporteur.

Non !

M. Rudy Salles.

Rappelons que les élus du Comité des finances locales ont, le 14 septembre dernier, refusé que cet étalement se fasse sur cette période : ils demandaient une période de deux ans au maximum.

Le projet gouvernemental ne suffit pas à pallier les risques de paralysie des mécanismes de péréquation entre collectivités.

Les variations de population risquent de modifier trop brutalement l'éligibilité des communes à la dotation de solidarité urbaine, à la dotation de solidarité rurale et au fonds national de péréquation. Comme le recensement intervient au moment même de la réforme de la taxe professionnelle, l'addition des conséquences du choc démographique et de la baisse des bases risque de mettre en péril certains mécanismes de péréquation.

Or, concernant les fonds de solidarité, le projet du Gouvernement est pour le moins incomplet. Les seules dispositions particulières envisagées ont trait au fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France, alors que les fonds départementaux ou nationaux de péréquation de la taxe professionnelle ne sont pas évoqués.

Pour le fonds de solidarité de la région Ile-de-France, le projet prévoit de compenser, dans la définition du potentiel fiscal, la suppression progressive de la part

« salaires » des bases de la taxe professionnelle. La commission des lois a adopté un amendement étendant ce dispositif à toutes les collectivités : communes, départem ents, établissements publics de coopération intercommunale.

Simultanément, le projet de loi de finances pour 2000 prévoyait des mesures permettant de maintenir la dotation de solidarité rurale - fraction « bourgs-centre » - et la dotation de solidarité urbaine versées aux communes les moins favorisées : il s'agissait d'un gel en 2000 de ces deux dotations.

Le Gouvernement a, certes, été amené à prendre davantage en compte les besoins des collectivités locales et les nécessités de la péréquation entre elles lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2000. Ainsi, la dotation de solidarité urbaine augmentera de 16 % et la dotation de solidarité rurale de 8 %, alors que le projet initial prévoyait respectivement des réductions de 20 et 30 %.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est donc mieux que prévu !

M. Jean-Yves Caullet.

Oui ! Il semblerait qu'il y ait un progrès !

M. Rudy Salles.

Mais contrairement aux conclusions de notre rapporteur, ces mesures restent insuffisantes.

M. René Dosière, rapporteur.

Oh !

M. Rudy Salles.

De plus, aucune assurance n'est donnée quant à la consolidation de ces abondements de dotation, ce qui aggrave encore le manque de sécurité juridique des collectivités locales, ainsi confrontées à un manque de lisibilité qui remet en cause leur autonomie financière.

Fondamentalement, les collectivités locales apparaissent comme la variable d'ajustement du budget de l'Etat.

Le projet en discussion doit être replacé dans le contexte général de la politique menée par le Gouvernement à l'égard des collectivités locales et du projet de loi de finances pour 2000. On peut alors voir clairement que les collectivités locales tendent à être utilisées comme une variable d'ajustement du budget. Ces collectivités sont ainsi largement laissées en dehors du partage des fruits de la croissance, notamment en raison des règles de calcul de la DGF et du mouvement de suppression des impôts locaux, progressivement remplacés par des dotations budgétaires dont le rythme de progression et la pérennité ne manquent pas de susciter des inquiétudes.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les collectivités territoriales sont amenées à faire face à des charges dynamiques et que l'investissement local est crucial pour le soutien de l'activité économique.

Fondamentalement, tout cela relève d'un mouvement de recentralisation qui, pour être insidieux, n'en est pas moins réel.

Monsieur le ministre, nous allons voir comment les amendements déposés par l'opposition seront accueillis. Si un certain nombre de ses amendements n'étaient pas adoptés, le groupe de l'UDF s'apprêterait à voter contre le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord remercier votre rapporteur, M. René Dosière, pour son excellent travail ainsi que pour le soutien qu'au nom de sa commission il a apporté au projet du Gouvernement.

M. Dhersin s'est exprimé contre le texte au nom du groupe Démocratie libérale, chiffrant à 400 millions de francs l'effort qu'il faudrait réaliser en supplément à ce qui est déjà fait et qui n'est pourtant pas négligeable. A lui, comme à M. Salles et à M. Carrez, je rappellerai que 1,85 milliard vient abonder la DGF, qui a déjà augmenté de 2,4 milliards.

On ne peut vraiment pas dire que l'Etat n'a pas pris la mesure des besoins des collectivités locales ! Je souris quand j'entends M. Salles parler de « variable d'ajustement ». Beaucoup d'acteurs de la vie économique et sociale de notre pays aimeraient être traités comme le sont les collectivités locales.

M. Rudy Salles.

Ce n'est pas ce qu'elles disent !

M. le ministre de l'intérieur.

Après M. Dhersin, vous avez, monsieur Caullet, évoqué la question d'une plus grande régularité des recensements. Vous devez savoir que l'INSEE réfléchit actuellement aux modalités d'un recensement annuel, qui résoudrait le problème auquel vous avez fait allusion. Si un tel dispositif devant être retenu, ce serait par la loi, et l'Assemblée nationale aurait donc l'occasion d'en discuter.

Vous avez également parlé du prochain contrat de croissance et de solidarité. Il entrera en vigueur en 2002.

Nous avons donc le temps de voir venir. J'indique au passage à M. Clary, que l'indexation de 25 % de l'enveloppe normée tout entière se fera respectivement sur 25 % et 33 % de la croissance en 2000 et 2001. Pour ce qui concerne la DGF, l'indexation comprend non seulement l'inflation, mais aussi la moitié du taux de croissance du PIB. Il faut avoir à l'esprit ce genre d'éléments.

M. Carrez a parlé d'un dispositif « complexe ». Il a lui aussi déploré qu'il ait fallu attendre dix ans pour procéder à un nouveau recensement. Mais cela est, je le rappelle, conforme au rythme prévu.

Par ailleurs, à propos des conditions de la péréquation, je lui dirai que je connais, bien entendu, le problème du Perreux...

M. Gilles Carrez.

Il y en a bien d'autres !

M. le ministre de l'intérieur.

Certes ! Notre système mériterait une remise à plat, mais il me semble que cela ressortit au rôle de la commission sur la décentralisation, qui sera présidée par Pierre Mauroy, dont vous faites partie et qui sera installée le 17 novembre prochain. Vous aurez donc l'occasion de vous saisir du problème de la péréquation, que vous connaissez d'ailleurs bien, puisque vous présidez le groupe de travail sur la péréquation mis en place au sein du Comité des finances locales.

M. Clary a, lui aussi, évoqué les problèmes de l'indexation. J'ai déjà répondu sur ce point.

M. Salles s'est plaint à son tour de la complexité du dispositif. Il y a tout de même une contradiction dans son raisonnement puisqu'il a admis le principe de l'étalement sur deux ans. Or je ne vois pas en quoi un étalement sur trois ans serait plus complexe que l'étalement sur deux ans.

En réalité, monsieur M. Salles, vous êtes d'accord sur le mécanisme prévu dans le projet, votre divergence portant non pas sur la durée, mais sur un petit abondement qui représente en fait peu de chose puisque vous l'avez vous-même estimé à 200 ou 300 millions. N'oubliez pas que l'Etat fait déjà un effort considérable, que l'on peut chiffrer à 1,85 milliard. Soyons donc réalistes ! L'Etat fait donc un gros effort, ce que M. le rapporteur a bien voulu reconnaître.

Je suis partisan d'étudier les problèmes que vous avez posés, monsieur Carrez, notamment en ce qui concerne les communes à habitat pavillonnaire.

Peut-être faudrait-il prendre en compte le potentiel fiscal, mais cela mérite une étude approndie. C'est, encore une fois, la tâche de la commission Mauroy, où vous serez tous, directement ou indirectement, représentés.

Vous aurez l'occasion d'y mettre à plat des systèmes que vous jugez, quelquefois à bon droit, un peu complexes - je pense à la DGF et, plus globalement, à la fiscalité locale. Il n'est pas exact de dire que l'Etat veut mettre un terme à la responsabilité fiscale des collectivités locales.

Même si la part salariale sera progressivement prise en charge par une dotation de l'Etat, elle le sera au travers d'un mécanisme d'indexation sur la DGF et dans des conditions tout à fait convenables. Je vous rappelle, en effet, qu'en 2000 c'est la DGF avant régularisation négative qui sera prise en compte.

Il me semble que le Gouvernement a entendu les élus locaux. Je me souviens de la réunion du Comité des finances locales, qui s'est tenue au mois de juillet. M. Carrez s'en souvient également. Nous pouvons mesurer le chemin parcouru en l'espace de quelques mois.

Au total, je dirai que le bébé ne se porte pas trop mal.

On aurait pu avoir quelques craintes au début de l'été.

M. Gilles Carrez.

Ça s'est amélioré !

M. le ministre de l'intérieur.

Les collectivités locales font l'objet d'un traitement plutôt privilégié.

Outre l'abondement de la dotation globale de fonctionnement, certaines mesures ont été prises, s'agissant de la CNRACL, s'agissant de la dotation pour les communautés d'agglomération.

En conclusion, le Gouvernement fait un effort extrêm ement important pour permettre aux collectivités locales de relever les défis qui sont devant elles. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er . - I. - Il est ajouté à l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une diminution de la population d'une commune telle qu'elle est définie à l'alinéa précédent, seule une part de cette diminution est prise en


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compte, pendant deux ans, pour l'application des dispositions de la présente section. En 2000, cette part est égale au tiers de la diminution ; en 2001, elle est égale aux deux tiers de la diminution.

« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une augmentation de la population d'une commune telle qu'elle est définie au deuxième alinéa, seule une part de cette augmentation est prise en compte, pendant deux ans, pour l'application des dispositions de la présente section. En 2000, cette part est égale au tiers de l'augmentation ; en 2001, elle est égale aux deux tiers de l'augmentation.

« II. Il est ajouté à l'article L. 2334-9 du même code un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une diminution de la population d'une commune, la dotation forfaitaire revenant à cette commune en 2000, 2001 et 2002 demeure égale à celle qui lui a été attribuée en 1999. Si un recensement complémentaire est organisé en 2000 ou en 2001 dans cette commune, les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le recensement complémentaire fait apparaître une population supérieure à celle qui était prise en compte avant le recensement général de 1999.

Dans ce cas, seule est retenue l'augmentation entre la population prise en compte avant le recensement général de 1999 et celle constatée par le recensement complémentaire.

« III. Au 4o du l'article L. 2334-17 du même code, les mots : "calculé en prenant en compte la population qui résulte des recensements généraux ou complémentaires" sont remplacés par les mots : "calculé en prenant en compte la population définie au premier alinéa de l'article L. 2334-2 et, pour 2000 et 2001, aux troisième et quatrième alinéas du même article".

« IV. L'article L. 2531-13 du même code est modifié comme suit :

« 1o Il est ajouté au I un alinéa ainsi rédigé :

« Le potentiel fiscal à prendre en compte pour l'application du présent paragraphe est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi no 98-1266 du 30 décembre 1998. »

« 2o Au III, après les mots : "dans les conditions prévues à l'article R. 114-1 du code des communes", il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'une commune, cette variation est prise en compte dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2334-2. »

« V. L'article L. 2531-14 du même code est complété par un VII ainsi rédigé :

«

VII Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'une commune, cette variation est prise en compte, pour l'application des dispositions du présent article, dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2334-2. ». »

La parole est à M. Michel Bouvard, inscrit sur l'article.

M. Michel Bouvard.

La discussion de ce texte de loi concernant la DGF est pour moi l'occasion de plaider à nouveau, monsieur le ministre, le dossier de la dotation touristique pour laquelle, en tant que président de l'ANEM, avec mes collègues Didier Borotra, président de l'Association des maires des stations classées et communes touristiques, et Gérard Morand, qui préside l'Association des maires des stations de sports d'hiver, nous avons eu l'occasion de vous écrire au printemps, nos trois associations ayant engagé une travail commun sur ce dossier.

Depuis 1993, la distribution de plus de 1,1 milliard de francs s'effectue sans intégrer les évolutions effectives de capacités touristiques. Chaque année, de plus en plus de communes, théoriquement éligibles, demeurent exclues du système tandis que la cristallisation des critères de distribution profite à certaines communes - collectivités avec garanties - au détriment d'autres - collectivités écrêté es. Tout se passe donc comme si l'image de la France touristique s'était figée depuis le début de la décennie, comme si le versement de la dotation n'était qu'un héritage dont les fondements ne nécessitaient pas d'être actualisés, au risque de voir, à terme, cette dotation - dont nous avons obtenu, avec peine, qu'elle reste identifiée dans la DGF lors de la loi de 1993 - disparaître purement et simplement.

Aussi, dans un double souci de réalisme technique et de volontarisme politique - ce qui ne devrait pas vous déplaire, monsieur le ministre - je souhaite rappeler, comme rapporteur du budget du tourisme, que ce volume de 1,1 milliard de francs, qui représente le premier poste de dépenses touristiques du budget de l'Etat et plus de deux fois le budget du ministère du tourisme, correspond à une nécessité. En effet, les charges induites par les variations saisonnières de population sont des charges récurrentes appelant une réponse dans le cadre de l'aménagement des dotations de fonctionnement et non d'investissement.

Il convient aussi de préciser que notre priorité immédiate n'est pas de rechercher un accroissement des concours de l'Etat aux communes touristiques aux dépens des autres communes, mais qu'elle est de s'assurer que lar épartition des fonds ne soit pas plus longtemps déconnectée des contraintes liées à la fréquentation de populations non résidentes.

Un rapport, remis au mois d'avril, fait aujourd'hui le point sur la dotation touristique.

Il aura fallu toute la pugnacité de nos associations d'élus pour obtenir ce rapport, qui aurait dû être déposé au Parlement pour le mois de septembre 1996, à la suite de l'engagement que j'avais obtenu du gouvernement de l'époque, lors de la discussion d'un précédent texte relatif aux finances locales. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir fait en sorte, conformément à l'engagement que vous aviez pris lors de l'entretien que nous avons eu au ministère avec Augustin Bonrepaux et Didier Migaud, que ce rapport voie le jour. Je tiens aussi à en exprimer ma reconnaissance à Didier Lallement et à l'équipe de la DGCL.

Ce rapport confirme sans ambiguïté que la réalité des charges spécifiques supportées par les communes touristiques légitime l'existence de l'enveloppe de dotation touristique, étant souligné que : « Le présent rapport doit permettre de rechercher des solutions concertées avec les élus des communes touristiques. »

Un premier geste a été effectué lors de l'examen du projet de loi relatif au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale avec le vote d'un amendement qui prévoyait le versement direct de la dotation touristique à une communauté de communes s'étant substituée à un SIVOM originellement éligible à cette même dotation. Cet amendement, que j'avais défendu et que vous avez accepté, a permis de mettre fin à une anomalie puisque, dans les communautés de communes


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issues de SIVOM, c'est chaque commune qui aurait perçu la dotation initialement versée au niveau du SIVOM.

Mais il s'agit d'une simple disposition technique. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons nous attaquer au coeur du problème. Nous avons donc déposé, avec de nombreux collègues, des amendements visant à créer, dans le cadre de l'enveloppe affectée aux communes touristiques, un préciput financé par la croissance annuelle desdites dotations permettant de corriger progressivement les injustices les plus insupportables, dans l'attente d'une réforme plus complète de la dotation. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'attention que vous réserverez à ces amendements.

Je rappellerai brièvement la nécessité de conforter les maires de nos stations, véritables gestionnaires d'entreprises, dont les indemnités sont sans aucune mesure avec le travail accompli au service de la collectivité et qui, de plus en plus, se trouvent en situation d'être traduits devant les tribunaux pour tel accident sur les pistes de ski ou parce que telle personne se serait blessée en bord de plage. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la commission de décentralisation placée sous la présidence de Pierre Mauroy où sont représentées chacune des grandes familles politiques républicaines du pays. J'espère que ce mode de représentation, qu'on a voulu politique, n'empêchera pas certaines communes, notamment les communes de montagne, d'être entendues dans ce travail de réflexion qui est bien nécessaire.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

MM. Carrez, Bussereau et Dhersin ont présenté un amendement, no 9, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« Le I de l'article L. 2531-13 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le potentiel fiscal à prendre en compte pour l'application du présent paragraphe est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi no 98-1266 du 30 décembre 1998. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Il s'agit, par cet amendement, de maintenir applicables les dispositions de la loi de 1993 relatives à la prise en compte des recensements dans la dotation globale de fonctionnement, en y ajoutant la correction du potentiel fiscal, qui a été judicieusement introduite avec la réforme de la taxe professionnelle.

M onsieur le ministre, nous sommes parfaitement conscients que l'application en l'état des dispositions de la loi de 1993 conduirait à une diminution sensible de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale, ce qui ne serait pas acceptable. Cet amendement n'a donc de sens qu'avec l'amendement no 13 après l'article 4, qui vous propose d'abonder de 400 millions de francs la dotation globale de fonctionnement.

Monsieur le ministre, vous avez dit que vous aviez obtenu beaucoup depuis l'été dernier et que vous aviez pu, en particulier, relever de presque 1 milliard de francs la dotation globale de fonctionnement. Encore un petit effort ! Il n'y a plus que 300 ou 400 millions de francs à trouver. La solution serait satisfaisante à la fois pour la DSU, la DSR, la péréquation et pour la dotation forfaitaire. Tel est l'objet de cet amendement.

Si vous trouvez que 400 millions, c'est un peu trop et si vous pensez ne pouvoir obtenir un effort supplémentaire qu'à hauteur de 300 millions, nous retirerons cet amendement au profit de l'amendement no 10, qui propose un étalement sur deux ans.

M. Michel Bouvard et M. Franck Dhersin.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

L'amendement de M. Carrez vise à faire en sorte que l'application du recensement soit immédiate.

Je note que cet amendement est en contradiction avec ce qu'il a déclaré à la tribune. Il avait alors admis la nécessité d'un étalement, critiquant simplement la durée prévue pour celui-ci. Or l'amendement no 9 supprime tout étalement.

Vous avez d'ailleurs en même temps défendu l'amendement de repli.

Il eût été préférable de ne pas déposer cet amendement no 9 dont je souligne que l'adoption impliquerait une diminution mécanique des dotations de solidarité urbaine et des dotations de solidarité rurale dans des proportions allant de 20 à 30 %.

M. Gilles Carrez.

Je l'ai dit.

M. René Dosière, rapporteur.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission l'a repoussé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement n'est évidemment pas favorable à l'amendement de M. Carrez qui vise à supprimer de l'article 1er du projet de loi toutes les dispositions relatives aux modalités de lissage, sur trois ans, des effets du recensement de la population pour le calcul des dotations de l'Etat. C'est évidemment le contraire du projet de loi que je défends devant l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, M. Carrez propose d'abonder de 400 millions le budget des collectivités locales. L'effort qui a été fait est déjà considérable et il voudra bien comprendre que je ne puisse aller au-delà.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Billard et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Au début de l'article 1er , insérer le paragraphe suivant :

« Le deuxième alinéa de l'article L.

2334-2 du c ode général des collectivités territoriales est complété par les mots : "et d'un habitant par lit d'hôpital pour les établissements hospitaliers exonérés de la taxe professionnelle". »

La parole est à M. Claude Billard.

M. Claude Billard.

Notre amendement vise à permettre la reconnaissance des charges qui incombent aux villes possédant plusieurs hôpitaux sur leur territoire, au travers de la définition de la population prise en compte dans le calcul des dotations de l'Etat.

Les emplois des établissements hospitaliers sont bien évidemment une richesse pour le pays, mais ils sont aussi improductifs de tout revenu pour ces communes. Et dans le même temps, celles-ci doivent faire face aux dépenses liées directement ou indirectement à ces hôpitaux. Il en est ainsi par exemple de la voirie, de l'assainissement et, bien entendu, des dépenses ayant trait au logement et aux équipements pour les salariés et leurs enfants.


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Avant la réforme de la fiscalité locale, les communes bénéficiaient de la taxe sur les salaires due par l'ensemble des entreprises implantées sur leur territoire. La création de la taxe professionnelle, laquelle ne s'applique pas aux établissements hospitaliers, a privé les communes où ils sont implantés d'une partie importante de leurs revenus.

C'est l'Etat qui perçoit désormais la taxe sur les salaires, à laquelle les hôpitaux restent soumis.

De toute évidence, cela représente un manque à gagner pour les communes, tout particulièrement pour celles ayant un faible potentiel fiscal, qui doivent assumer des compétences de plus en plus étendues et faire face aux besoins croissants de leur population. C'est pourquoi n otre amendement propose de faire bénéficier les communes concernées d'une majoration de la population légale, sur la base suivante : un lit hospitalier égale un habitant.

Ce même principe s'appliquerait dans les communes accueillant des gens du voyage - un emplacement égale un habitant - dans les communes touristiques et thermales - une résidence secondaire égale un habitant - et dans les communes où se trouve un établissement pénitentiaire : un détenu égale un habitant.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

L'amendement de M. Billard est incontestablement intéressant.

M. Alain Clary.

Et pertinent !

M. René Dosière, rapporteur.

Cela dit, comme il vient de le dire lui-même, il susciterait immédiatement des demandes reconventionnelles. S'agissant des communes touristiques, je ne doute pas que M. Bouvard affirmerait : un habitant par résidence secondaire, ce n'est pas suffisant. Même chose pour les communes dotées d'emplacements pour les gens du voyage. De fil en aiguille, la population prise en compte pour le calcul de la DGF augmenterait rapidement, avec toutes les conséquences qui en découleraient.

Cet amendement aurait plutôt sa place dans une discussion sur une réforme de la DGF plutôt que dans une discussion sur la prise en compte des données du recensement. Sinon, nous n'en finirons plus.

Il serait donc préférable, monsieur Billard, que vous retiriez votre amendement. En tout état de cause, la commission n'a pas pu donner un avis favorable. Mais nous pourrons en débattre de nouveau le jour où la DGF sera mieux calquée sur la population, sans doute à l'issue du contrat de croissance et de stabilité.

M. le président.

Retirez-vous votre amendement, monsieur Billard ?

M. Claude Billard.

Je le maintiens.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

La dotation globale de fonctionnement est une dotation libre d'emploi, qui n'a pas vocation à compenser telle ou telle charge particulière. Et comme l'a dit M. Dosière, accepter votre amendement, monsieur Billard, nous entraînerait dans une série de demandes reconventionnelles dont on ne verrait pas la fin.

Il vaut mieux que le problème que vous posez et qui concerne les lits d'hôpitaux soit pris en compte par la commission de décentralisation et qu'on procède à une mise à plat du système de la DGF. Mais s'orienter aujourd'hui dans la voie que vous suggérez serait extrêmement périlleux et contre-productif, notamment pour toutes les communes qui bénéficient de la DSU et qui devraient, en définitive, payer cette augmentation de la DGF.

J'aurais donc souhaité que vous retiriez votre amendement mais, apparemment, vous refusez d'exaucer ce souhait.

M. Claude Billard.

Tout à fait !

M. le ministre de l'intérieur.

Je ne me fais pas d'illusion sur ma capacité de persuasion. Croyez que je le regrette... (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 10 et 11, présentés par MM. Carrez, Bussereau et D hersin, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.

L'amendement no 10 est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi la dernière phrase du deuxième alinéa du I de l'article 1er :

« En 2000 et 2001, cette part est égale à la moitié de la diminution. »

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

L'amendement no 11 est ainsi libellé :

« I. - Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'article 1er :

« En 2000 et 2001, cette part est égale à la moitié de l'augmentation. »

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Ces amendements de repli permettent un lissage sur deux ans. Comme vous l'avez vous-même précisé, monsieur le ministre, la proposition vous en a été soumise pendant l'été par le Comité des finances locales et par l'ensemble des associations d'élus locaux. En juillet, elle pouvait paraître assez coûteuse. Mais, grâce à vos efforts, nous avons obtenu, en octobre, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, des augmentations substantielles de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale, au point que le chemin qui reste à parcourir pour financer une telle proposition est maintenant très court.

Je ne doute pas, compte tenu de l'efficacité dont vous avez fait preuve ces dernières semaines, que vous réussirez à obtenir ces 200 ou 300 millions supplémentaires. Il serait préférable d'y parvenir dès aujourd'hui afin d'éviter tout nouveau repli en direction d'une autre assemblée...

Cette proposition de lissage est très raisonnable et répondrait à la demande de l'ensemble des élus locaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Monsieur Carrez, je relève une très légère confusion, due sans doute à la technicité du débat. Vos deux amendements nos 10 et 11 - l'un sur les populations en hausse et l'autre sur les


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populations en baisse - proposent un lissage sur deux ans. Mais ils affectent le potentiel fiscal et pas le montant de la dotation forfaitaire. C'est l'amendement no 12 qui viendra tout à l'heure, mais que vous avez en fait déjà défendu, qui affecte la dotation forfaitaire.

Les trois amendements sont sans doute cohérents. J'attire toutefois votre attention sur le fait que, si les amendements nos 10 et 11 étaient adoptés, le potentiel fiscal s'en trouverait affecté, avec de très importants risques de ressaut, que personne n'est d'ailleurs en mesure d'apprécier.

On peut être favorable au lissage de la dotation forfaitaire sur deux ans, même si ce n'est pas la position de la commission. En revanche, le lissage du potentiel fiscal sur deux ans aurait des conséquences que personne ne peut mesurer et jouerait tantôt au bénéfice de certaines communes, tantôt au détriment d'autres. De ce point de vue, on ne peut pas accepter vos amendements.

La commmission a donc repoussé les amendements nos 10 et 11.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Vous me prêtez, monsieur C arrez, une efficacité surnaturelle (Sourires) en me demandant d'ajouter à la manne déjà tombée une rations upplémentaire. Malheureusement, je ne suis qu'un homme tout terrestre et je ne puis absolument pas vous donner satisfaction. Le lissage sur deux ans entraînerait é videmment des charges supplémentaires. Considérez l'effort qui a été fait et tenez-vous en là !

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Un mot pour m'excuser auprès du rapporteur qui a tout à fait raison : les amendements nos 10 et 11 portent sur le potentiel fiscal, et je suis d'accord avec lui sur l'idée qu'il faut distinguer, d'une part, le lissage sur deux ans pour la dotation forfaitaire et, de l'autre, la nécessité d'étaler sur plusieurs années les effets sur le potentiel fiscal, sinon on assisterait à des bouleversements.

Sur le fond, j'ai bien noté que M. le ministre s'opposait au lissage sur deux ans pour la dotation forfaitaire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 1, ainsi libellé :

« Après le I de l'article 1er , insérer le paragraphe suivant :

« I. bis. - Le premier alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi no 98-1266 du 30 décembre 1998". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement vise à introduire dans la définition du potentiel fiscal la compensation actuellement versée aux communes au titre de la réforme de la taxe professionnelle. Ainsi, les potentiels fiscaux de toutes les communes retrouveraient en gros leur niveau de cette année puisque cette disposition n'est applicable qu'à partir de 2000.

Il s'agit, là encore, d'éviter des bouleversements car on a bien le sentiment, sans pouvoir en mesurer exactement les effets, que ne pas prendre en compte la compensation dans le calcul du potentiel fiscal aboutirait à modifier trop fortement les dotations des communes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Avis favorable.

M. le président.

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Je suis très favorable à cet amendement, mais je profite de son examen pour poser une question : quelle légitimité reste-t-il au potentiel fiscal si l'on renonce à la révision des valeurs locatives ? Vous avez raison de corriger le potentiel fiscal en fonction de la réforme de la taxe professionnelle, mais c'est insuffisant si ses autres éléments, notamment les valeurs locatives, ne sont pas révisés. Alors que ces éléments ont une importance énorme pour la répartition des dotations, ils sont de plus en plus obsolètes.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Monsieur Carrez, sauf pour la région Ile-de-France, le potentiel fiscal est utilisé non pas en valeur absolue, mais en valeur relative : ce sont les écarts qui comptent. Or la taxe professionnelle et la taxe sur le foncier bâti industriel, qui sont calculées de la même manière partout, représentent 80 % du potentiel fiscal, et donc l'essentiel des écarts. Autrement dit, s'il est exact que les valeurs locatives ont vieilli, leur influence sur le potentiel fiscal est relativement minime. Leur vieillissement a d'autres inconvénients, mais en matière de fiscalité. Nous en reparlerons.

M. Gilles Carrez.

Certes !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 16, ainsi libellé :

« Après le I de l'article 1er , insérer le paragraphe suivant :

« L'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le potentiel fiscal visé à l'alinéa précédent est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi no 98-1266 du 30 décembre 1998. Ce montant est réparti entre les communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale au prorata des diminutions de bases de taxe professionnelle dans chacune de ces communes qui donnent lieu à compensation. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement étend le dispositif du précédent aux communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Tiberi et Mme Aurillac ont présenté un amendement, no 8, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du II de l'article 1er :

« En cas de diminution de la population, le même taux de 50 % est appliqué en réduction. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Il s'agit d'aménager le système de répartition afin de le rendre moins pénalisant pour les communes qui subissent une diminution de population.

S'il paraît cohérent de prendre en compte les nouvelles données démographiques pour l'établissement des dotations aux collectivités, les modalités de calcul ne doivent pas être défavorables en cas de perte de population. En effet, les collectivités concernées se trouvent déjà en difficulté du fait d'une population réduite, alors que les charges afférentes, elles, ne sont pas nécessairement en régression. L'exposé des motifs du projet de loi indique d'ailleurs qu' « une perte de population n'entraîne pas corrélativement une perte de charges ». Et la réalité montre que les dépenses sociales des collectivités ne cessent de croître, du fait de besoins nouveaux des populations concernées et des politiques qui leur sont destinées : lutte contre l'exclusion, action en faveur des personnes âgées dépendantes, politique de la ville, etc.

Par ailleurs, le gel jusqu'en 2002, proposé à l'article 1er du projet, s'applique de manière indifférenciée, sans tenir compte de l'ampleur réelle de la perte de population, qui peut être très variable. La mesure de gel de la dotation forfaitaire, présentée par le Gouvernement comme une mesure de clémence, se révèle à l'analyse défavorable à l a quasi-totalité des communes connaissant un fléchissement démographique. Il serait plus logique et plus avantageux pour ces communes que soit appliqué, en cas de baisse démographique, le mécanisme prévu à l'article L. 2334-9 pour les augmentations de population, à savoir un montant de dotation affecté de 50 % de la variation démographique, lissée sur trois ans, auquel s'appliquerait bien entendu l'indice de progression de la dotation forfaitaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement qui apparaît un peu contradictoire.

Contrairement à la règle actuelle qui veut que les baisses démographiques n'aient pas de conséquence sur la DGF, il tend à prendre en compte la diminution de population à hauteur de 50 %, c'est-à-dire dans la même proportion que l'augmentation de population.

Ce mécanisme doit, dans certains cas - peut-être celui de la ville-capitale (Sourires) -, être plus favorable que la disposition du projet de loi qui consiste, elle, à geler la dotation forfaitaire. Mais il pénaliserait beaucoup d'autres communes.

De plus, madame Aurillac, le gel est, par nature, indifférencié quelle que soit l'ampleur de la baisse de population. Si l'on commence à faire des différences en fonction de l'amplitude de l'évolution de la population, on va encore compliquer un système qui l'est déjà bien assez.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Le Gouvernement partage l'avis de M. Dosière. Le dispositif proposé se révélerait très défavorable, madame la députée, pour une grande partie des 13 000 communes qui enregistrent une baisse de population, notamment dans le monde rural, auquel vous devez également penser.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Carrez, Bussereau et Dhersin ont présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« I. - Dans la première phrase du dernier alinéa du II de l'article 1er , substituer aux mots : ", 2001 et 2002", les mots : "et 2001".

« II. - Compléter cet article par le paragraphe suivant :

« La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez.

Déjà défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Contre, comme je l'ai annoncé. Et je vous précise, monsieur Carrez, que, si votre amendement était adopté, le Gouvernement devrait consentir un effort supplémentaire de 350 millions de francs.

M. Gilles Carrez.

C'est de l'ordre du possible.

M. René Dosière, rapporteur.

Peut-être. Mais, malgré cet effort supplémentaire, les effets mécaniques seraient les suivants : la DSU n'augmenterait que de 9 %, la DSR bourg-centre augmenterait de 19 % et, surtout, la DSR attribuée à 30 000 communes rurales diminuerait de 8 %. S ouhaitez-vous vraiment que ces 30 000 communes voient leur dotation dite de péréquation diminuer de 8 % ?

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Avis défavorable pour les raisons que j'ai déjà exposées.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du II de l'article 1er , après les mots : "est organisé en" insérer le mot : "1999,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement répare un oubli. Il prévoit que, pour les syndicats d'agglomération nouvelle, seront également pris en compte les recensements complémentaires qui ont pu avoir lieu en 1999.

Le texte de loi ne prévoyait que 2000 et 2001. Or, dans ces syndicats, un recensement complémentaire peut être effectué tous les ans.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 7 et 18.

L'amendement no 7 est présenté par M. Meylan et

M. Proriol ; l'amendement no 18 est présenté par

M. Michel Bouvard.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Après le V de l'article 1er , insérer le paragraphe suivant :

« Il est inséré, après l'article L. 2334-7-1 du même code, un article ainsi rédigé :

« Art. L. 2334-7-2. - Les attributions perçues par les communes et groupements de communes au titre de la dotation supplémentaire aux communes et groupements de communes touristiques ou ther-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

maux mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 2334-7 font l'objet en 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004 d'un prélèvement égal à la différence entre ce que ces communes et groupements auraient perçu au titre de chacune de ces années en vertu de l'application du deuxième alinéa de l'article L. 2334-7 précité et la dotation qu'ils ont perçue en 1999.

« Les attributions revenant aux communes et groupements de communes touristiques ou thermaux au titre de la dotation mentionnée au premier alinéa auxquelles il a été fait application en 1993 de l'écrêtement mentionné au neuvième alinéa de l'article L. 234-13 dans sa rédaction antérieure à la loi no 93-1436 du 31 décembre 1993, sont recalculées sans tenir compte de cet écrêtement. Elles sont majorées en proportion de l'écart entre la dotation reçue en 1999 et la dotation recalculée. Les sommes nécessaires à ces nouvelles attributions sont prélevées sur le préciput institué par le premier alinéa du présent article.

« Toutefois, ne bénéficient de ces attributions que les communes et groupements de communes mentionnés à l'alinéa précédent pour lesquels le rapport entre la dotation calculée en 1993 en application des dispositions prévues aux cinquième, sixième, septième et huitième alinéas de l'article L. 234-13 dans sa rédaction antérieure à la loi no 93-1436 du 31 décembre 1993 et la dotation reçue en application des dispositions mentionnées au dixième alinéa de ce même article est supérieur à 40 %.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine en tant que de besoin les modalités d'application de ces dispositions. »

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Après les longues explications que j'ai fournies tout à l'heure, je m'en tiendrai aux aspects techniques.

Ces amendements visent à créer, dans le cadre de l'enveloppe affectée aux communes à dotation touristique, un préciput financé par la croissance annuelle de la dotation touristique en 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004. Ce prélèvement permettrait de corriger progressivement les injustices que subissent les communes écrêtées, lesquelles sont précisément celles dont le développement relativement récent de l'activité touristique génère le plus de charges spécifiques induites par l'afflux de population saisonnière.

Certaines stations de sport d'hiver, créées il y a cinq ou six ans avec 1 000 ou 2 000 lits, en comptent maintenant 4 000 ou 5 000. Elles doivent financer des stations d'épuration à 1 500 mètres d'altitude, assurer le déneigement d'une voirie de plus en plus étendue, veiller à la sécurité des domaines skiables, qui est à la charge des collectivités et non des exploitants même, si la clé de répartition est souvent de 50-50. Il est totalement anormal que ces communes qui ont investi dans le développement touristique et qui ont à faire face, dans la première phase d'extension, à toute la charge des emprunts liés aux investissements, se retrouvent sans aucune compensation et sans aucune aide face aux dépenses de fonctionnement nouvelles qu'elles subissent du fait de l'afflux touristique.

Les amendements, monsieur le ministre, n'ont pas pour objet de refondre l'ensemble du système, mais simplement de l'ajuster en attendant la réflexion que nous appelons de nos voeux sur le calcul de la dotation touristique et sur la réactivation des mécanismes péréquateurs dont la cristallisation, en 1993, a abouti à cette situation d'injustice que le rapport de la DGCL reconnaît avec beaucoup de sincérité.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

M. Bouvard défend avec enthousiasme et conviction les communes touristiques et thermales, dont la situation, d'après lui, serait dramatique ou presque.

M. Michel Bouvard.

Tendue !

M. René Dosière, rapporteur.

Comme nous pourrons poursuivre ce débat en d'autres lieux, je lui indique simplement que si la population DGF a un caractère un peu virtuel, c'est précisément parce qu'elle prend en compte un habitant par résidence secondaire, situation évidemment bénéfique pour les communes touristiques. Les charges supplémentaires que les communes touristiques subissent sont donc pour partie compensées par la prise en compte d'un chiffre plus élevé de population.

Pour le reste, monsieur Bouvard, c'est votre majorité qui, en 1993, à l'occasion de la réforme de la DGF, a gelé la dotation des communes touristiques et thermales.

M. Michel Bouvard.

J'ai combattu cette mesure !

M. René Dosière, rapporteur.

A mon avis, c'est une heureuse mesure, mais c'est un point de vue tout à fait personnel. (Sourires.)

Quoi qu'il en soit, il n'est pas souhaitable de rouvrir ce débat, sauf à reposer l'ensemble des problèmes de la DGF. C'est pourquoi la commission a repoussé ces deux amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Je souhaite que M. Bouv ard retire son amendement. En effet, la loi du 31 décembre 1993, il le sait bien, a supprimé les concours particuliers versés aux communes et a institué une dotation forfaitaire pour faire fonctionner à nouveau l a péréquation, qui était devenue inopérante dans l'ancienne architecture de la DGF.

Je ne veux pas ajouter mes arguments à ceux de M. Dosière, mais il me semble que ces problèmes de péréquation méritent toujours qu'on s'y penche. Je vous p ropose donc, monsieur Bouvard, d'organiser une réflexion d'ensemble sur l'amélioration des mécanismes de péréquation au sein de la dotation forfaitaire. Un groupe de travail du Comité des finances locales y travaille déjà.

Le cas des communes touristiques s'insère naturellement d ans son champ d'étude, tout comme celui des communes hospitalières ou encore minières : il faudra prendre en compte l'ensemble des particularités.

Le Gouvernement pourra examiner plus particulièrement, avec les communes touristiques, les problèmes liés à leur évolution depuis la loi de 1993. Mais j'observe que le tourisme est un secteur qui se porte plutôt bien. J'ai déjà donné mon accord pour que vous poursuiviez cette réflexion avec la DGCL. Je propose que cette réunion soit fixée à brève échéance pour que nous puissions reprendre très rapidement ce débat, qui rejoint d'ailleurs ceux que ne manquera pas d'avoir la commission de décentralisation.

M. René Dosière, rapporteur.

Le ministre est très gentil !

M. Gilles Carrez.

Personne ne peut lui résister ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. Michel Bouvard.

Monsieur le ministre, je vous remercie de cette avancée et je vais, comme vous le souhaitez, retirer mon amendement, non sans avoir, au préalable, répondu à notre rapporteur.

Ce que vous avez indiqué, monsieur Dosière, sur le calcul de la population DGF est parfaitement exact. Mais il est vrai aussi - et c'était l'un des aspects de mon amendement - que certaines communes touristiques bénéficient d'un effet de rente. Ayant achevé leur développement, elles ont amorti les investissements, même si elles doivent toujours faire face aux charges de fonctionnement l iées à la population saisonnière. En revanche, les communes qui ont investi plus récemment dans le secteur du tourisme n'ont pas bénéficié du même accompagnement de l'Etat. C'est donc un peu une affaire de morale.

Je ne suis pas de ceux qui disent que les communes touristiques sont plus aisées que d'autres. Elles supportent des charges différentes, qui justifient d'ailleurs cette dotation.

Sous le bénéfice des propositions du ministre, et compte tenu du travail que nous allons pouvoir accomplir ensemble, je retire mon amendement. Et je pense que Jean Proriol et Michel Meylan auraient fait de même.

M. Franck Dhersin.

Certainement !

M. le président.

Les amendements nos 12 et 7 sont retirés.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.).

M. le président.

L'amendement no 15 de M. Alaize n'est pas défendu.

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Il est ajouté à l'article

L. 3334-2 du même code un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'un département telle qu'elle est définie à l'alinéa précéden t, cette variation est prise en compte dans les conditions p révues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L.

2334-2. »

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

M. le président.

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Après l'article 2, insérer l'article suivant :

«

« Le premier alinéa de l'article L.

3334-6 du c ode général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : "II est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi no 98-1266 du 30 décembre 1998". »

Le parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Cet amendement vise à compléter la définition du potentiel fiscal des départements, compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle. Je vous renvoie aux explications que j'ai fournies sur les deux amendements visant les communes et les EPCI.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - Après l'article L. 4332-8 du même code, il est ajouté un article L.

4332-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4332-8-1. - Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'une région, cette variation est prise en compte, pour l'application des dispositions de la présente section, dans les conditions p révues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L.

2334-2. »

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Après le V de l'article

L. 5211-30 du même code, il est ajouté un VI ainsi rédigé :

« VI. - Lorsque le recensement général de population de 1999 fait apparaître une variation de la population d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre, cette variation est prise en compte, pour l'application des dispositions de la présente sous-section, dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L.

2334-2. »

M. Dosière, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi libellé :

« Au début de l'article 4, insérer les paragraphes suivants :

« I. - Le premier alinéa du II de l'article

L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi no 98-1266 du 30 décembre 1998."

« II. - Le troisième alinéa du II de l'article

L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : "Il est majoré du montant, pour la dernière année connue, de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi no 98-1266 du 30 décembre 1998." » La parole est à M. le rapporteur.

M. René Dosière, rapporteur.

Il s'agit, cette fois, du potentiel fiscale des groupements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 3. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'article no 4, modifié par l'amendement no

3. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.).

Après l'article 4

M. le président.

M. Chouat a présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Le dernier alinéa de l'article L.

2334-4 du code général des collectivités territoriales est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour la détermination du potentiel fiscal de chaque commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale soumis de plein droit ou sur option aux dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, il est prodédé, en ce qui concerne la taxe professionnelle, à la ventilation, entre les communes membres, des bases de cette taxe selon les modalités suivantes :

« a) Pour la première année d'application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, les bases de taxe professionnelle de l'établissement public de coopération intercommunale sont réparties entre les communes membres au prorata des bases constatées pour chaque commune l'année précédente ;

« b) Pour les années suivantes, les bases de taxe professionnelle de chaque commune calculées l'année précédente sont augmentées, au prorata de la population des communes membres, du supplément de bases de taxe professionnelle constaté dans l'établissement public de coopération intercommunale, ou diminuées, le cas échéant, dans les mêmes conditions, des pertes constatées dans ledit établissement. »

Cet amendement est-il défendu ?

M. Jean-Yves Caullet.

oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière.

rapporteur.

La commission a repoussé l'amendement no 5 ainsi que l'amendement no 6 dont l'objet est très proche. Néanmoins ces deux amendements appellent quelques explications, en particulier de la part du Gouvernement.

Les communes qui font partie d'un groupement à taxe professionnelle unique - groupements qui devraient se multiplier, du moins nous l'espérons et c'est la raison pour laquelle ces amendements sont importants sont pénalisées en raison du mode de calcul un peu particulier du potentiel fiscal. Pour y remédier, l'amendement de M. Chouat prévoit de modifier ce mode de calcul. Je résume très schématiquement des données qui sont techniquement un peu compliquées. Et c'est justement pour cette raison que la commission a repoussé ces amendements. Nous sommes d'accord sur le principe, mais encore faut-il trouver le moyen de le mettre en oeuvre.

Je crois, monsieur le ministre que vos services travaillent à une amélioration du dispositif actuel. Nous espérons qu'ils aboutiront à une rédaction plus satisfaisante d'ici à la prochaine lecture.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

L'amendement de M. Chouat soulève le problème réel de la reconstitution d'un potentiel fiscal fictif lorsque les communes se regroupent dans un EPCI à TPU, et notamment de la répartition, entre les communes membres de l'EPCI, du produit de taxe professionnelle.

La mutualisation de cette taxe n'est pas, pour l'instant, prise en compte dans le calcul du potentiel fiscal des communes. La question qui se pose est donc celle des critères de répartition des bases de taxe professionnelle des EPCI.

Afin de calculer de façon plus juste cette répartition, on nous propose d'utiliser le critère de la population.

C'est une piste à explorer puisque ce critère reflète en principe les charges supportées par les communes. Mais nous avons besoin d'une expertise complémentaire car cette proposition aurait des effets importants sur les villescentres qui, par définition, sont souvent les communes les plus peuplées de l'EPCI et qui pourraient voir leur potentiel fiscal majoré.

Le Gouvernement est prêt à fournir à l'Assemblée nationale les simulations nécessaires et une discussion pourrait alors s'engager dans de meilleures conditions au moment de la deuxième lecture, je vous demande donc, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer cet amendement.

M. René Dosière, rapporteur.

Monsieur le ministre, je peux difficilement retirer un amendement dont je ne suis pas l'auteur. Il serait peut-être plus simple de le mettre aux voix.

M. le président.

Tout à fait.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Chouat a présenté un amendement no 6, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant ;

« Le dernier alinéa de l'article L.

2334-4 du code général des collectivités territoriales est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour la détermination du potentiel fiscal de chaque commune membre d'un établissement public de coopération intercommunale soumis de plein droit ou sur option aux dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, il est procédé, en ce qui concerne la taxe professionnelle, selon les modalités suivantes :

« a) Pour la première année d'application des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, les bases de taxe professionnelle de l'établissement public de coopération intercommunale sont réparties entre les communes membres au prorata des bases constatées pour chaque commune l'année précédente ;

« b) Pour les années suivantes, le potentiel fiscal de chaque commune membre intègre une quote-part déterminée en divisant la somme des attributions de compensation visées au V de l'article 1609 nonies C du code général des impôts et des dotations de solidarité communautaire prévues au VI dudit article par le taux de taxe professionnelle voté l'année précédente par l'établissement public de coopération intercommunale et, pour le produit de taxe professionnelle non reversé par cet établissement, une quote-part proportionnelle à la population de la commune, dans les bases d'imposition correspondant à ce produit. »

Cet amendement est défendu.

La commission et le Gouvernement ont donné leur avis.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

MM. Carrez, Bussereau et Dhersin ont présenté un amendement, no 13, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. - La dotation globale de fonctionnement est abondée de 400 millions de francs ».

« II. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le prélèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Monsieur Carrez, il me semble de que cet amendement devrait tomber compte tenu des votes intervenus à l'article 1er

M. Gilles Carrez.

Il est défendu, monsieur le président !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Contre !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

Pour les raisons que j'air appelées, je ne peux pas être favorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Michel Bouvard a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« I. - La perte de recettes résultant pour les collectivités locales de l'application de l'article 12 de la convention relative aux gares internationales de Modane et de Vintimille et aux sections de chemin de fer comprises entre ces gares et les frontières d'Italie et de France dont la ratification a été autorisée par la loi no 54-382 du 5 avril 1954, est compensée par l'Etat.

« II. - Le prélèvement sur les recettes de l'Etat institué par le II de l'article 21 de la loi no 91-1322 du 30 décembre 1991 (loi de finances pour 1992) est majoré à due concurrence de la compensation prévue au I du présent article.

« III. - La perte de recettes de l'Etat est compensée à due concurrence par une majoration de droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Monsieur le ministre, je n'ai pas pour habitude de défendre des amendements qui ne concernent qu'une seule commune, mais je veux revenir sur une situation d'exception que j'expose avec persévérance chaque année à l'occasion du budget.

Le dernier recensement a montré que la commune de Modane avait perdu 25 % de sa population, pour cause d'ouverture des frontières européennes, dans la nuit du 31 décembre 1992 au 1er janvier 1993. En effet, un grand nombre d'activités liées à la frontière ont disparu et les habitants qui les exerçaient sont, pour la plupart, partis.

Par ailleurs, en vertu de la convention franco-italienne du 29 janvier 1951, les ressortissants italiens sont exonérés d'impôts locaux. Or, compte tenu de l'importance de la communauté italienne - les cheminots italiens sont, en effet, très nombreux, puisque Modane est une gare internationale - c'est une perte de 400 000 à 500 000 francs d'impôts locaux qu'enregistre chaque année cette commune.

M. Alain Clary.

C'est le Liechtenstein des cheminots !

M. Michel Bouvard.

La réciproque est vraie pour les ressortissants français qui vivent à Vintimille.

Cette exonération ne donne lieu à aucune compensation pour la commune de Modane. Cet exemple est, je crois, unique en France.

Cet amendement a pour objet de réparer l'injustice que subit une commune qui n'a jamais démérité. Titulaire de la Croix de guerre pour faits de résistance, elle a été détruite à deux reprises : la première fois par un bombardement en 1944, la seconde fois par la grande crue de l'Arc de 1957.

La direction générale des collectivités locales connaît bien la situation financière de cette commune que le département de la Savoie, en grande partie, mais aussi les services de l'Etat, ont aidé à faire face à ses engagements financiers en lui permettant de renégocier la totalité des emprunts après le sinistre de l'ouverture des frontières communautaires de 1993.

Pour cette ville qui compte aujourd'hui moins de 4 000 habitants, cette perte de 500 000 francs représente près du quart de son budget d'investissement.

En adoptant cet amendement, nous mettrons fin à une injustice qui n'a que trop duré.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. René Dosière, rapporteur.

Le rapporteur ne peut que souligner l'à-propos de M. Bouvard qui, à la fin de cette discussion, dépose un amendement « terminus » ! (Sourires.)

M. Michel Bouvard.

La voie ferrée va plus loin !

M. René Dosière, rapporteur.

Sur le fond, il me semble que la loi est là pour régler des situations d'ordre général et non des situations particulières, aussi délicates soientelles.

Au demeurant, la solution se trouve plutôt dans la renégociation de la convention internationale. C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'intérieur.

M. Bouvard attire l'attention sur une situation très particulière, qui résulte d'un traité déjà ancien, puisqu'il date du 29 janvier 1951. La solution semble passer davantage par la suppression de cette anomalie que par sa compensation au bénéfice de la c ollectivité locale. C'est d'ailleurs la direction dans laquelle s'est engagé le ministère de l'économie et des finances, qui a noué avec l'Italie des conversations en ce sens. D'après ce qui m'a été rapporté, les discussions progressent de manière très encourageante.

M. Michel Bouvard.

Vraiment ?

M. le ministre de l'intérieur.

Cette situation qui est en effet assez exorbitante, bien qu'elle ait bénéficié à nos amis italiens et contribué sans doute au repeuplement de Modane (Sourires) devrait trouver un terme, à brève échéance.

Je vous demande par conséquent, monsieur Bouvard, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard.

Je ne suis pas sûr qu'une solution puisse être trouvée rapidement. C'est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement. Monsieur le


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

ministre, on ne peut pas toujours demander aux mêmes communes de faire des efforts. Actuellement, la ville de Modane, qui supporte la quasi-totalité du trafic de poids lourds de la France vers l'Italie, va devoir supporter, avec le département de la Savoie et le SDIS, des dépenses supplémentaires liées au renfort des services d'incendie du tunnel de Fréjus.

Le tunnel routier de Fréjus paie 3 millions d'impôts locaux à l'ensemble des collectivités alors que les dépenses supplémentaires pour la sécurité incendie qu'il faudra supporter s'élèvent à 8 millions. Nous nous trouvons donc dans la même situation que celle que dénonce le maire de Chamonix. Il y a des choses que nous, élus des zones frontalières, ne pouvons plus accepter.

Je comprends votre position, monsieur le ministre, mais, pour le principe, je vais maintenir mon amendement. Je ne crois pas que cette négociation internationale, que l'on nous promet depuis plusieurs années, aboutisse rapidement. Je ne doute pas de l'efficacité du ministre des finances, mais auparavant ils étaient deux ! Maintenant qu'il est seul, je suis plus réservé !

M. le président.

Cet amendement étant maintenu, je vais le mettre aux voix.

M. Michel Bouvard.

Allez, votez-le, chers collègues ! Le maire de Modane est socialiste !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président.

La séance est reprise.

2 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805,1861).

INTÉRIEUR

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'intérieur.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité.

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour la sécurité

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, il m'appartient de rapporter, au nom de la commission des finances, le projet de budget du ministère de l'intérieur soumis par le Gouvernement.

Sur le plan des idées, ce projet de budget traduit bien la réforme entreprise par le Gouvernement visant à transformer ou tout au moins à faire évoluer la notion de police. Ce qui est tenté aujourd'hui, c'est d'assurer un droit à la sécurité, pour tous et en tous lieux. Alors que, pendant très longtemps, seul était évoqué l'ordre public, c'est aujourd'hui la sécurité au quotidien de tous les citoyens qui est mise en avant.

Il est évident qu'une réforme de cette nature devait entraîner des conséquences budgétaires.

Devait-il y avoir une augmentation sensible du budget du ministère de l'intérieur ? Personne, sauf à être irresponsable, ne pouvait répondre à cette question par l'affirmative. Il fallait donc envisager certaines modifications.

C'est ce qui avait été tenté par la MEC, la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances, laquelle avait laissé entrevoir que des gisements de « productivité » existaient. Cette expression m'a, quant à moi, toujours laissé sceptique.

Le budget de la police étant à plus de 80 % un budget de rémunérations, on comprend qu'il soit difficile de le faire évoluer très rapidement.

La réforme s'incarne, pour une large part, dans la mise en place de la police de proximité. Je vais en parler très brièvement. En tant qu'élu de Paris, je le ferai sans doute moins mal qu'un autre parce que je constate tous les jours que le sentiment d'insécurité existe, même s'il n'y a pas nécessairement insécurité. Cela impose un élargissement des obligations des policiers. Chaque policier est transformé un peu en juge de paix, un peu en médiateur.

Dans le cas de Paris, cette évolution est une très bonne chose. Elle s'est traduite par la transformation non pas du statut mais de l'organisation de la préfecture de police le 18 avril dernier. Il est prématuré d'en dresser un bilan mais ce que l'on peut constater dans chacun des arrondissements est assez favorable. Il y a eu, d'une part, regroupement local et, d'autre part, attribution à chaque secteur d'une tâche spécifique : action judiciaire, sécurité, ordre public.

Cette réforme, monsieur le ministre, mes chers collègues, passe bien dans les esprits.

M. Rudy Salles.

Ah bon ?

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

J'ai entendu l'un des collègues du ministre de l'intérieur déclarer récemment que, s'il était mis en difficulté aux prochaines élections, ce serait parce que certaines personnes ne se sentaient pas en sécurité et que ce sentiment d'insécurité lui coûterait peut-être sa circonscription. Je crois qu'il a parlé trop vite.

Etant élu d'une circonscription assez difficile du centre de Paris, je peux vous dire que cette réforme de la préfecture de police, qui s'inscrit dans le cadre de l'évolution générale de l'organisation de la police, n'est pas mal perçue, même s'il y a un très gros effort de communication à faire.


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La formation et l'état d'esprit des policiers devront évoluer puisque nous abandonnons ces grandes cathédrales qui concentraient des policiers affectés à des tâches administratives au profit de structures de proximité qui redonnent aux policiers une mission d'hommes de terrain.

Le ministre de l'intérieur a donné l'exemple en s'engageant, à la suite du colloque de Villepinte, dans cette réforme de la police. Je crois que c'est une bonne chose.

M. Rudy Salles.

Tout cela est extrêmement théorique !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

Vous me fournissez, mon cher collègue, une excellente transition pour en venir aux chiffres (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) afin d'apprécier la marge de manoeuvre dont peut disposer le ministre de l'intérieur.

Le budget de la police nationale, en 2000, va s'accroître de 3,2 % pour s'établir à environ 30 milliards de francs, soit une augmentation de 880 millions.

Ce budget se caractérise traditionnellement par sa rigidité due au poids des dépenses de personnels, et celles-ci représenteront en l'an 2000 plus de 82 % des crédits.

Toutefois, les parlementaires ici présents noteront avec intérêt que, pour la première fois, l'augmentation des moyens de fonctionnement - qui sera de 4 % - est supérieure à celle des crédits de personnels, qui sera de 2,26 %. C'est un fait important et très apprécié de l'encadrement des policiers. Mais il ne faudrait pas que ce soit une simple parenthèse : l'effort devra être poursuivi pendant plusieurs années. L'accroissement des crédits de personnels résulte de l'application de l'accord salarial sur la fonction publique de 1998.

Les effectifs des personnels de police s'accroîtront en 2000 de 2 166, soit de 1,5 %. On constate cependant - ce qui est moins positif - que le recrutement des 5 000 fonctionnaires administratifs, techniques et scientifiques prévu par la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité n'a pas eu lieu.

Vous reconnaîtrez, mes chers collègues, l'objectivité de mon propos. Il ne s'agit pas de tout approuver, sans discernement. Il ne s'agit pas non plus de critiquer. Ce recrutement n'a pas pu être réalisé. Les crédits ont été affectés différemment. Toutefois, cela pose un problème.

L'augmentation des effectifs de la police de 2 166 personnes - au lieu de 3 288 en 1999 - porte l'effectif global à 148 000 personnes.

Le budget pour 2000 prévoit notamment la création de 4 150 emplois d'adjoints de sécurité, qui viendront s'ajouter aux 15 850 créés en 1998 et 1999, permettant ainsi d'atteindre l'objectif annoncé de 20 000 à la fin de 2000 ; la création de 100 emplois de personnels scientifiques ; la suppression de 2 075 emplois de policiers auxiliaires - c'est-à-dire les appelés - ramenant les effectifs budgétaires à 2 075 ; la transformation de 10 emplois d e commissaires et de 459 emplois d'officiers en 469 emplois de gardiens de la paix, ce qui constitue une diminution de coût.

L'évolution prévisionnelle des corps des services actifs pour les années à venir est cependant un peu inquiétante du fait de la pyramide des âges. Beaucoup de recrutements remontent aux années 1960-1970, de sorte que le nombre des départs en retraite augmente. De l'ordre de 2 000 à 3 000 actuellement, les départs en retraite atteindront 4 736 en 2000 et culmineront à 4 896 en 2001.

L'augmentation du nombre des départs à la retraite a plusieurs causes, la première étant, comme je l'ai dit, que les recrutements remontent aux années 1960-1970.

D'autre facteurs ou paramètres, que l'on a du mal à maîtriser, entrent également en ligne de compte. Le cumul de droits à récupération permet, par exemple, des départs en retraite anticipés. Il est donc très difficile, au moment de la présentation du budget, de connaître le nombre exact des départs en retraite qui interviendront au cours de l'exercice qui va suivre puisque, à l'évolution démographique, s'ajoutent un certain nombre de causes que l'on ne peut pas toutes prévoir.

On peut remercier le ministre de l'intérieur d'avoir anticipé ces évolutions par le recrutement de gardiens de la paix en surnombre pour tenir compte de l'année de formation qui précède l'entrée en service.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et les adjoints de sécurité ?

M. Tony Dreyfus.

rapporteur spécial.

Ne confondons pas. Les gardiens de la paix reçoivent une formation d'une année. Quant aux adjoints de sécurité auxquels vous faites allusion ils ont une formation de six semaines.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce n'est pas beaucoup !

M. Tony Dreyfus.

rapporteur spécial.

C'est insuffisant, certes,...

M. Rudy Salles.

Oui !

M. Tony Dreyfus.

rapporteur spécial.

... mais il fallait bien compenser les départs anticipés.

M. Bruno Le Roux.

Qui n'avaient pas été prévus.

M. Rudy Salles.

Cela s'appelle la précarisation !

M. Tony Dreyfus.

rapporteur spécial.

Ils n'avaient été prévus par personne auparavant.

Le gap est aujourd'hui compensé par l'enrôlement de 1664 élèves gardiens de la paix en surnombre.

Il serait particulièrement malvenu, quand « on fait la manche » tous les jours auprès du ministre de l'intérieur pour obtenir des effectifs en nombre supérieur, de parler de situation de crise. C'est la première fois que les recrutements tiennent compte du gap qui existe entre formation et recrutement et la représentation nationale est aujourd'hui parfaitement informée du nombre de départs à la retraite et sait par qui ils vont être remplacés.

En outre, on essaie d'inciter les fonctionnaires de police à rester plus longtemps par un certain nombre d'avantages. A ce sujet, les représentants des syndicats de police que nous avons reçus demandent la revalorisation de l'échelon exceptionnel de capitaine, ce qui inciterait les capitaines expérimentés et méritants à ne pas solliciter une retraite anticipée. Le coût de cette mesure, qui concernerait 200 personnes par an, serait de 1,7 million de francs, ce qui n'est pas considérable.

Je constate une amélioration sensible de la part du budget du ministère de l'intérieur au sein du budget national.

M. Franck Dhersin.

Ah oui !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

Ce budget est destinée à décliner une évolution de notre police.

Cette évolution nous semble à tous nécessaire. Ce ne sont pas les maires de villes grandes ou moyennes qui me contrediront. A une époque où la communication des élus se fait par médias interposés, il nous faut des médiateurs de terrain. La police de proximité que tente de mettre en oeuvre le ministre de l'intérieur est une bonne


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chose car nous revenons de loin. En effet, dans cette République qui a connu les juges de paix pour ensuite passer à des palais de justice, nous revenons finalement à la notion de juge de paix, ce qui me semble bien préférable à l'édification de superbes bâtiments de police. La mise en place d'une police de terrain, d'une police de proximité est nécessaire.

Cela dit, cette évolution entraînera, à l'évidence, une réorganisation de la police, laquelle est déjà en cours.

Je ne prendrai qu'un exemple.

Nous avons été tenté, lorsque nous nous sommes réunis dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle, de présenter plusieurs suggestions au ministre, qui tendaient à tout à la fois à externaliser certaines tâches - ce n'est pas si simple - et à payer des heures supplémentaires aux policiers plutôt que de leur donner des congés supplémentaires.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Mme Aubry a dit non aux heures supplémentaires !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

Mais tout cela, il faut bien le reconnaître, est assez onéreux. A titre d'exemple, le préfet de police de Paris a fait évaluer le coût de l'entretien du parc automobile de la préfecture de police de Paris ; s'il était externalisé et confié à un service étranger. Celui-ci représenterait 25 % des dépenses de fonctionnement de la préfecture de police, c'est-à-dire une somme considérable. De même, le paiement d'heures supplémentaires, s'il permet un meilleur contrôle, apparaît lui aussi comme une solution assez coûteuse.

Autant dire que bon nombre de ces suggestions de la mission d'évaluation et de contrôle auront du mal à entrer spontanément en vigueur. Nous rencontrons par ailleurs les mêmes difficultés qu'avec les autres administrations : qu'il s'agisse de celle de l'éducation nationale ou de celle du ministère de l'intérieur, chacune a des traditions bien établies.

Pour conclure, monsieur le ministre, je n'irai pas jusqu'à dire que vous nous présentez un budget admirable...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce serait tout de même un peu exagéré !

M. Franck Dhersin.

Il faut être raisonnable !

M. Didier Quentin.

Vous êtes réaliste !

M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial.

... mais je crois malgré tout qu'il colle à la réalité, ce dont nous devons tous vous être reconnaissants. Vous avez engagé un certain nombre de réformes, une politique que votre budget est chargé de traduire. Ce n'est donc qu'un début, monsieur le ministre ; et si nous pouvons continuer le combat ensemble encore pendant quelques années, je crois que nous pourrons atteindre l'objectif cité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

Le combat continue !

M. Franck Dhersin.

Les chiffres vont exploser !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour la police.

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la police.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'année 2000 connaît une progression plus marquée que celui de l'année précédente. M. Tony Dreyfus en a présenté les grandes lignes. Sans négliger les missions traditionnelles de la police - police judiciaire et ordre public -, il donne à la police des moyens nouveaux pour faire face à des situations elles aussi nouvelles, nées de la crise économique et sociale durablement installée dans nos sociétés.

Ce budget est cohérent et centré sur le développement de la police de proximité. C'est le premier objectif : davantage de policiers dans la rue, davantage de policiers dans les quartiers, à pied et pas seulement en voiture,...

M. Rudy Salles.

Des ADS !

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis...

à l'écoute des habitants, recueillant leurs plaintes, les tenant au courant des suites données, des commissariats ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre grâce à la généralisation progressive des quarts. Ce serait le paradis, me direz-vous...

M. Franck Dhersin, M. Jean-Antoine Leonetti et

M. Rudy Salles.

Ah !

M. Bruno Le Roux.

C'est en tout cas un changement total !

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis.

Mais si c'était le paradis, il n'y aurait plus de délinquants non plus.

C'est en tout cas dans ce sens-là, monsieur le ministre, que votre budget permet d'avancer.

La police de proximité est un concept nouveau, une doctrine innovante qui semble désormais au point. Elle requiert des moyens nouveaux et spécifiques ; elle suppose également la mise en oeuvre des actions nouvelles expérimentées sur soixante-sept sites où vivent près de deux millions d'habitants, et destinées à être généralisée d'i ci à 2002.

La progression des crédits, notamment en ce qui concerne la police de proximité, vise à répondre à trois exigences : le nombre des fonctionnaires, leur qualité, leur disponibilité. D'où des moyens spécifiques nouveaux en matière de personnels, avec plus de moyens humains, de policiers sur le terrain.

Nécessité d'abord de parer aux 25 000 départs en retraite prévus dans les cinq ans à venir : un effort exceptionnel de recrutement sera engagé, qui devra être poursuivi au moins, semble-t-il, jusqu'en 2001 inclus. Volonté ensuite d'améliorer l'encadrement en multipliant les brigadiers et brigadiers majors sur le terrain, en poursuivant l'effort de qualification des gardiens et des gradés en leur donnant, après formation et examen, la qualification d'officier de police judiciaire. Parallèlement sont prévues des mesures catégorielles destinées à maintenir les gardiens dans les zones sensibles et à renforcer la présence policière aux heures les plus difficiles.

Dans le même esprit, vous achèverez au cours de l'année 2000 le recrutement des 20 000 adjoints de sécurité dont la formation commence à s'améliorer afin de résoudre un double problème : l'encadrement dans leur fonction et la préparation de l'avenir de ces jeunes dont on a coutume de dire qu'ils constitueront un vivier pour le recrutement des futurs policiers.

Certaines CRS sont maintenues sur place, tandis que des forces de police seront redéployées dans des zones sensibles, bouleversant parfois des habitudes, voire des domiciliations anciennes. Se pose enfin le problème de la redéfinition des zones de police et de gendarmerie, dossier difficile qui exige beaucoup de diplomatie.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

Je noterai cependant que de nombreux commissariats manquent encore de personnels administratifs. Un effort s'impose à cet égard afin d'éviter que les policiers en tenue ne soient trop absorbés par des tâches de secrétariat.

Augmentation des moyens matériels, effort au niveau de l'immobilier dans les zones sensibles, début de l'amél ioration d'un parc automobile encore très vétuste, recours à l'externalisation de certaines tâches techniques, toujours dans le but de voir un maximum de policiers sur la voie publique et dans les fonctions policières - sur ce dernier point, vous aurez certainement besoin de notre aide pour obtenir des crédits complémentaires à l'occasion du collectif.

L e système ACROPOL se développe à un bonr ythme : 80 % des faits de délinquance constatés devraient être normalement couverts en 2002, le programme s'achevant en 2007.

Reste que la grande originalité de ce budget tient à ce qu'il prévoit pour la police de proximité. En ce sens, il prépare un nouveau métier, un nouvel état d'esprit. Il suppose également la mise en oeuvre d'actions nouvelles.

Etablir des relations nouvelles entre la police et la société, vaste sujet ! Les contrats locaux de sécurité sont précisément là pour cela, pour assurer la prévention, pour appliquer la sanction lorsqu'elle est nécessaire, pour développer l'éducation civique, pour prévenir la récidive, pour améliorer l'aide aux victimes, pour mettre en application enfin ce nouveau concept qu'est la médiation pénale.

Mais si le nombre des contrats locaux de sécurité progresse, leur mise en oeuvre reste encore par trop inégale.

L'idée d'un partenariat est encore très nouvelle : il faudra encore du temps pour qu'elle se répande et que l'on parvienne à y associer pleinement la population.

La volonté de transformer l'exercice du métier de policier passe également par un meilleur encadrement, marqué tout à la fois par une autonomie et une responsabilité accrues, par le développement de la communication interne, mais également externe en direction des médias et de la population, sans oublier, vaste sujet, l'indispensable coordination de l'action de la justice, de la gendarmerie et des polices municipales.

Enfin, puisque je parlais précisément de l'apprentissage d'un nouveau métier de policier, je relèverai tout ce qui, dans ce budget, va dans le sens d'une meilleure formation. On a parlé de départs en retraite qui s'annoncent massifs ; c'est une nouvelle génération de policiers qui va entrer en fonction. Même si nous nous devons de saluer les mérites de ceux qui vont prendre leur retraite, force est de reconnaître que, dans le contexte actuel, c'est une chance pour la police que de voir de nouvelles recrues s'avancer. Vous avez renoué, monsieur le ministre, avec une tradition qui remonte à Gaston Defferre en donnant la priorité à la formation. Vous avez créé une nouvelle direction de la formation et l'avez confiée à un inspecteur g énéral de l'administration de l'éducation nationale, M. Pierre Antonmattei ; j'y vois le signe d'une volonté d'ouverture de la police sur le reste de la société.

Les assises de la formation organisées à La Villette en février dernier ont permis d'élaborer en la matière une doctrine nouvelle. Vous avez affirmé votre volonté de recruter également parmi les jeunes issus des milieux populaires et des quarters sensibles. Les adjoints de sécurité constituent bien à cet égard un vivier pour le recouvellement de la police nationale, pour peu que leur mise à niveau fasse l'objet des efforts qui s'imposent.

Au cours de la préparation de mon rapport, je me suis rendu dans plusieurs écoles, dont l'école des gardiens de la paix à la redoute de Gravelle, l'école qui prépare les officiers à Cannes-Ecluse et enfin l'école des commissaires de police à Saint-Cyr-au-Mont-Dore. J'ai pu y constater la qualité des enseignements, des formateurs et des élèves.

Toutes les techniques sont enseignées. La formation en alternance y est également appliquée, avec des stages sur le terrain. La volonté d'ouverture existe donc d'ores et déjà, mais elle doit être encore renforcée. On enseignera désormais la politique de la ville ; c'est évidemment une excellente chose. Mais si l'on veut que les policiers comprennent vraiment le monde difficile dans lequel ils sont plongés, il faut aussi leur enseigner la sociologie, l'histoire et, pourquoi pas ? un peu de géographie.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et la philosophie !

M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis.

Le programme de l'école de Saint-Cyr-au-Mont-Dore, par exemple, qui forme les futurs commissaires de police, est remarquable.

I l est certainement nécessaire de prévoir davantage d'enseignements allant dans le même sens dans les écoles qui préparent les futurs gardiens de la paix et les futurs officiers, d'autant plus que les jeunes gens candidats au métier de gardien de la paix ont presque tous le baccalauréat, voire le niveau bac + 2. Il faudra donc recourir, là encore, à des intervenants extérieurs qui, parallèlement à l'enseignement des disciplines classiques et aux exercices physiques et sportifs liés à leur future activité de policiers leur apprendront à mieux connaître et comprendre la société moderne. Du reste, les élèves rencontrés comme les formateurs ont toujours déclaré apprécier les intervenants extérieurs.

Il faut également se préoccuper des formateurs et de la suite de leur carrière, car il n'est pas question qu'ils restent formateurs toute leur vie. Le temps qu'ils auront passé à former les futurs policiers doit également leur servir à valoriser le reste de leur carrière.

Il faut aussi améliorer les conditions de travail, les conditions de logement et les équipements sportifs.

L'école de la redoute de Gravelle est prestigieuse, mais, vous le savez comme moi, d'énormes travaux doivent y être entrepris en matière d'hygiène, de sécurité, de bienêtre des formateurs comme des élèves. On ne peut non plus négliger les conditions de logement, parfois rudes, des élèves dans la région parisienne.

L'école de Cannes-Ecluses en Seine-et-Marne, qui forme les futurs officiers, connaît également de sérieux problèmes d'hébergement. La construction d'un amphithéâtre de dimension suffisante y apparaît indispensable : les enseignants sont obligés de doubler leurs cours du fait de la faible capacité de l'amphi existant.

Enfin, il est bon qu'ait été prise en compte dans ce budget la formation continue des policiers sur le terrain, qui ont besoin de suivre régulièrement des stages tout au long de leur carrière, de même qu'il est nécessaire de développer la formation et de multiplier les stages d'accès aux grades supérieurs.

Au total, monsieur le ministre, votre projet de budget innove en de nombreux points et marque très certainement un tournant. Il faut vous en féliciter, ainsi que tous ceux qui ont contribué à son élaboration. Comme mon collègue Dreyfus, j'invite l'Assemblée nationale à le voter, car c'est un bon budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civile.

M. Renaud Dutreil, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour la sécurité civil e. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1,2 milliard de francs, tel est le montant des crédits que nous examinons aujourd'hui au titre de la sécurité civile. Ce montant, vous le comprenez bien, n'est en rien représentatif du coût de ce service dans notre pays, ni d'ailleurs du champ d'intervention, très large, des services d'incendie et de secours.

Les crédits consacrés à la sécurité civile représentent seulement 1,5 % du budget du ministère de l'intérieur.

Ils correspondent pour l'essentiel au financement des moyens opérationnels de l'Etat : flotte aérienne, unités militaires et services de déminage. Les collectivités locales, communes et départements, supportent en fait l'essentiel de la charge des services d'incendie et de secours.

Si le budget de la sécurité civile pour l'an 2000 augmente dans des proportions importantes - plus 3,8 % -, cette évolution ne doit pas faire illusion. Elle tire en fait, pour l'essentiel, les conséquences de la réforme des armées.

Ainsi, l'augmentation de 13 % des crédits alloués aux personnels correspond pour la plus grande part à la poursuite de la professionnalisation des unités militaires de la sécurité civile, la création de 365 emplois d'engagés et de volontaires de l'armée de terre venant compenser la suppression des 435 emplois d'appelés. Pour les mêmes raisons, la participation de l'Etat aux dépenses des services de secours de la ville de Paris croît de 6 % par rapport à l'année précédente.

Les crédits de fonctionnement restent donc modestes au regard du vaste champ d'intervention de la sécurité civile ; mais je constate avec satisfaction que 3 millions supplémentaires sont destinés à la modernisation du service de déminage et à la location d'un avion Hercules C-130 destiné à la lutte contre les feux de forêts.

La mission des services de déminage reste trop souvent méconnue ; il est bon de s'y arrêter quelques instants.

Depuis 1945, 650 000 bombes, 13,5 millions de mines et 23 millions d'obus et engins divers ont été neutralisés ou détruits, au prix de la mort de 596 démineurs.

Les crédits alloués à l'Institut national de la sécurité civile sont reconduits. Les crédits d'intervention progressent légèrement en raison d'une dotation de 2 millions liée à l'amélioration du régime d'indemnisation des sapeurs-pompiers volontaires victimes d'accidents. Ce point est positif et il convenait de le souligner.

Les dépenses d'investissement connaissent quant à elles une évolution contrastée. Les crédits destinés à l'équipe ment immobilier augmentent nettement, ce qui permettra d'engager la modernisation des unités militaires, la rénovation des centres de déminage et l'adaptation des installations destinées aux nouveaux hélicopères. Quant aux crédits de maintenance ils devraient pour une fois - j'avais évoqué ce problème en 1997 - s'avérer suffisants, leur progression s'accompagnant d'une nouvelle organisation de la maintenance.

En revanche, aucun crédit n'est inscrit au titre de l'acquisition et de la modernisation des moyens aériens. Il est vrai que le remplacement des Canadair est désormais achevé, tandis que la poursuite du programme d'acquisition de 32 nouveaux hélicoptères, engagé en 1996, sera financée par les dotations antérieures, suffisantes pour faire face aux échéances.

Le marché conclu avec la société Eurocopter permettra de remplacer progressivement entre 2001 et 2006 des hélicoptères devenus vétustes et non conformes à la réglementation européenne qui impose désormais la multimotorisation des hélicoptères de secours sanitaire. Je regrette cependant que la remotorisation des avions Trackers ne soit pas achevée : un appareil n'a toujours pas été modernisé.

Si le budget s'efforce de maintenir la capacité opérationnelle de la direction de la défense et de la sécurité civile, force est de constater, mon collègue Leonetti l'avait déjà souligné l'année dernière, que l'essentiel du coût de ce service reste supporté par les collectivités locales.

Compte tenu de la mutation historique découlant de la loi du 3 mai 1996, celles-ci se trouvent confrontées à de réelles difficultés du fait de l'augmentation des coûts.

Cette loi, destinée à favoriser l'égalité des citoyens devant les secours et à adapter l'organisation des secours à l'évolution des nouvelles missions de la sécurité civile, s'applique à des structures locales extrêmement hétérogènes et impose une mise à niveau souvent très coûteuse. L'adoption concomitante de dispositions nouvelles en matière de statut des personnels est venue aggraver également le coût d'une réforme qui, il est vrai, n'avait pas fait l'objet d'une évaluation précise.

Le volume des dépenses engagées au titre de cette mission régalienne conduit désormais à s'interroger sur le financement des services d'incendie et de secours. Monsieur le ministre, vous avez été saisi de diverses propositions et vous avez également engagé une réflexion sur ce sujet. Cette réflexion, à ce stade de la réforme, était effectivement devenue indispensable.

Diverses pistes peuvent être évoquées. On a parlé de la contribution des sociétés d'assurance. On a également envisagé la possibilité d'instaurer une taxe particulière, par capitation, qui pourrait simplifier la lecture pour nos concitoyens de leur contribution individuelle à ce service, relativement populaire, et dont on peut imaginer qu'il pourrait être financé dans une « démarche citoyenne », pour reprendre votre expression.

Le champ d'intervention de la sécurité civile a considérablement évolué. Chaque jour, désormais, 8 800 interventions quotidiennes concernent le secours aux personnes. Dans de nombreux pays, les services d'incendie n'interviennent pas sur les personnes. Le nôtre est donc à cet égard relativement original. Le coût apparaît d'ailleurs modéré si l'on compare avec nos voisins Allemands qui dépensent 600 francs par habitant, sans inclure les services d'intervention et de secours aux personnes. Les risques eux-mêmes sont de plus en plus diversifiés.

L'urbanisation s'accroît et nos concitoyens sont de plus en plus exigeants.

C haque année, quelque 200 000 volontaires, 28 000 professionnels, les militaires de Paris, Marseille ou des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile préviennent ces risques et luttent sans relâche contre eux. Bien souvent, ils exposent leur propre vie.

Ainsi, sept sapeurs-pompiers ont, depuis le début de l'année, payé de leur vie le secours à leurs concitoyens. Et nous avons tous présente à l'esprit la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc qui a montré les difficultés à faire coexister les services de deux pays frontaliers mais a mis en lumière le courage et l'abnégation de nos sapeurspompiers.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

La prévention sera probablement la piste essentielle de nos réflexions dans l'avenir. Prévention par des plans de prévention des risques naturels pour les zones soumises à inondations ou à mouvements de terrains, des plans particuliers d'intervention destinés aux installations classées, des plans de secours spécialisés correspondant au transport de matières dangereuses, mais aussi par l'information des citoyens et la surveillance des zones à risques.

Voilà un grand chantier à ouvrir.

Il est essentiel que des moyens suffisants soient consacrés à ces missions de prévention et que toutes les installations concernées soient dotées du dispositif de prévention approprié.

Je souhaiterais enfin souligner l'importance, pour notre pays, des missions d'assistance menées par les services de la sécurité civile à la demande de pays victimes de catastrophes. Ce fut le cas récemment en Albanie, en Macédoine, en Turquie, en Amérique centrale ou à Taïwan. A chaque intervention, ces pays se sont félicités de l'efficacité et du dévouement de nos équipes. C'est là un moyen pour la France de faire passer un message de fraternité et de solidarité.

S i le budget de la sécurité civile permet pour l'année 2000 le maintien de la capacité opérationnelle de l'Etat, il est loin de régler les problèmes auxquels sont confrontées les collectivités territoriales. Je sais, monsieur le ministre, qu'à travers les augmentations de la DGE, vous allez leur fournir une aide supplémentaire, mais cela ne suffira pas, surtout si l'on pense au coût énorme de l'informatisation de ces services, avec la nécessité de mettre en place des normes, avec la numérisation. Tout cela représente plusieurs milliards de francs. Faut-il que l'Etat intervienne ? Il convient d'y réfléchir.

Le budget de la sécurité civile est en progression. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à la commission des lois d'émettre un avis favorable. Et je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter. (Applaudissements.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour les collectivités locales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour les collectivités locales est en augmentation importante par rapport à l'année dernière, il constitue un effort, nous allons le voir.

En application du contrat de croissance et de stabilité, et à structure constante, le montant total des ressources attribuées par l'Etat pour 2000 aux collectivités locales s'élève, hors fiscalité transférée, à 291,14 milliards de francs, soit une progression globale de 2,67 % par rapport au montant voté en 1999, largement supérieure par conséquent au taux de l'inflation.

Cependant, un examen détaillé nécessite de distinguer l'évolution du périmètre normé, qui est de l'ordre de 1,475 %, à structure constante, de l'évolution des dotations hors enveloppe. L'analyse successive de ces deux parties va révéler une si grande complexité qu'on peut parler de l'opacité des ressources financières des collectivités locales. Je proposerai donc des modifications visant à restituer une dimension politique à l'attribution de ces fonds.

Voyons d'abord les concours sous enveloppe. Le montant total de ces dotations devrait être de 160,5 milliards de francs, soit une progression de 1,475 %, qui correspond à la somme de l'évolution prévisionnelle des prix en 2000 - plus 0,9 % - et de 25 % de l'évolution du PIB en 1999, soit 0,575 %. Les diverses dotations comprises dans le périmètre normé évoluent selon leurs indexations traditionnelles, à l'exception de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui sert de variable d'ajustement à l'évolution globale de l'enveloppe.

Considérons successivement les dotations de fonctionnement : la dotation globale de fonctionnement, la dotation spéciale instituteurs, la dotation d'élu local, le fonds national de péréquation de la TP et le fonds national de péréquation.

La DGF, dont on a beaucoup parlé tout à l'heure, représente plus du tiers de l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités locales. Elle s'élève à 111,3 milliards de francs, soit une progression de 0,82 % à structure constante, ce qui étonne un peu, mais en réalité, si le calcul est complexe, il est évident. En effet, la simple prise en compte de l'indexation de la DGF sur l'inflation et la moitié du taux d'évolution du PIB devraient permettre une évolution de 2,05 %. Cependant, le calcul de la DGF comporte deux particularités : tout d'abord, il est opéré ce qu'on appelle un recalage de la DGF de l'année en cours pour tenir compte des derniers taux d'évolution connus des éléments constituant l'indice d'indexation.

D'où une diminution de la DGF pour 1999 de 906,6 millions de francs.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités locales.

Merci, monsieur Auberger !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Ensuite, deuxième opération, la régularisation négative de la DGF pour 1998, qui conduit à diminuer la DGF pour l'année 2000 de 679,3 millions de francs.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Encore un amendement Auberger !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Ces deux mécanismes ont fait l'objet, évidemment, de vives critiques, en particulier de la part des élus locaux. Cependant, il faut nuancer car, d'une part, on ne peut pas prétendre qu'il est anormal de calculer la DGF en fonction de l'évolution effective de l'inflation et du PIB et, d'autre part, il convient de ne pas oublier que, dans le cadre de l'enveloppe normée, toute progression de la DGF en 2000 se traduirait par une diminution corrélative de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Car c'est à enveloppe constante, que l'on travaille.

Il n'en demeure pas moins que la progression de 0,82 % de la DGF, dont les élus locaux se demandent d'ailleurs par quel mystère on est arrivé à ce taux à partir de 2,05 %, soulève quelques difficultés : Les communes ne percevant que la dotation forfaitaire auront, en l'an 2000, une progression de leur DGF comprise entre 0,41 et 0,45 %, en fonction des décisions prises par le comité des finances locales, contre 1,5 % en 1999.

Par ailleurs, la compensation perçue par les collectivités locales au titre de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle est indexée sur la DGF et n'aurait donc dû que faiblement augmenter, alors même que la masse salariale progresse fortement du fait de l'amélioration de la situation de l'emploi.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

Le Gouvernement n'a pas été insensible à cette situation, ni la commission des finances, ni le Parlement.

Divers arguments devraient permettrent de pallier certains de ces inconvénients.

Rappelons que la population DGF est une population virtuelle puisqu'il est ajouté un habitant par résidence secondaire, ce qui effectue déjà une correction. En outre, un projet de loi vient d'être examiné par notre assemblée qui prévoit un dispositif de lissage sur trois ans des hausses de population constatées par le recensement. Il propose en outre, nous l'avons approuvé tout à l'heure, de ne pas indexer, pendant la même période, la dotation forfaitaire des communes dont la population a diminué.

Dans ces conditions, la hausse de la masse globale de la dotation forfaitaire imputable aux résultats du recensement ne serait que de 354,6 millions de francs en 2000.

Enfin, l'article 34 du présent projet de loi permet d'atténuer plus encore l'impact du recensement sur la dotation d'aménagement en proposant de majorer le solde de cette dernière, après prélèvement des dotations des groupements de communes, de 200 millions de francs, permettant par conséquent de maintenir à leur niveau de 1999 les deux dotations de péréquation que sont la DSU et la DSR.

Il convient néanmoins de souligner que tous les montants relatifs au coût du recensement ont été calculés à partir des résultats partiels connus en juillet dernier, les résultats définitifs donneront peut-être lieu à un certain nombre de corrections.

La discussion de la première partie du projet de loi de finances a permis d'améliorer ce dispositif. Un amendement du Gouvernement, je le rappelle, a majoré de 500 millions de francs la DSU. Par ailleurs, deux amendements de la commission des finances ont prévu, respectivement, de majorer la fraction « bourgs-centres » de la DSR de 150 millions de francs et de ne tenir compte ni du recalage ni de la régularisation négative de la DGF pour l'indexation de la compensation de la réforme de la taxe professionnelle, qui devrait ainsi augmenter de 2,05 % au lieu de 0,8 %, soit une hausse de 250 millions de francs.

Il importe de ne pas oublier que la DSU est également majorée de 500 millions de francs supplémentaires, en application de l'article 59 de la loi de finances pour 1999. Dès lors, la DSU pourrait progresser de 16 % en 2000, la DSR « bourgs-centres » de 26 % et la DSR seconde fraction de 1,3 %. Enfin, la loi du 12 juillet dernier relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a instauré un prélèvement sur les recettes de l'Etat, pour financer les nouvelles communautés d'agglomération, dont le montant au titre de chaque année de 2000 à 2004 est de 500 millions de francs. Ce dispositif est extrêmement complexe, mais on voit bien que, à travers l'accroissement quantitatif, des modifications qualitatives visent à favoriser la politique intercommunale et la régulation pour tenir compte d'un certain nombre de facteurs sociaux.

Je passe rapidement sur les autres dotations de fonctionnement qui ne posent pas de problèmes particuliers d'interprétation. La dotation spéciale instituteurs continue à baisser avec l'intégration des instituteurs dans le corps des professeurs d'école. Elle s'élève à 2,353 milliards de francs, soit une diminution de 10 % environ par rapport à 1999.

Le fonds national de péréquation de la TP, indexé sur les recettes fiscales de l'Etat, devrait baisser de 0,316 %. Cependant les ressources du fonds sont, avec 3,720 milliards de francs, en progression de 9,98 %, en raison de l'abondement provenant du retour à la fiscalité locale de France Télécom et de La Poste.

Le fonds national de péréquation, indexé sur les recettes fiscales de l'Etat, diminue de 0,316 %, soit 675 millions de francs. Cependant, il est abondé de 150 millions de francs pour compenser les diminutions de la dotation de compensation de la TP pour les communes défavorisées.

La dotation élu local s'établit à 275 millions de francs : peu de choses vous le voyez ! Les dotations d'équipement indexées sur la formation brute de capital fixe des administrations s'accroissent de 3,6 %. Elles s'élèvent pour les départements à 2,840 milliards de francs et, pour les communes, à 2,650 milliards de francs.

L es financements des transferts de compétence concernent les dotations régionales d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges.

Elles sont indexées sur la formation brute de capital fixe des administrations et elles progressent, par conséquent, de 3,6 %, s'élevant respectivement à 3,567 milliards de francs et 1,771 milliard de francs.

La dotation générale de décentralisation évolue comme la DGF, c'est-à-dire qu'elle augmente de 0,821 %, s'élevant à 28,19 milliards de francs.

La dotation de compensation de la taxe professionnelle joue le rôle de variable d'ajustement. Son montant dépend donc du montant de toutes les autres dotations.

Elle devrait donc diminuer d'environ 3 % en 2000, avec des modifications pour les communes les plus démunies.

Les concours hors enveloppe progressent aussi. La dotation inscrite au titre du fonds de compensation de la TVA est fixée à 21,82 milliards de francs. Comme ce fonds est un prélèvement sur recettes, il varie automatiquement sur présentation de pièces justificatives. Son montant pourrait être, par conséquent, dépassé puisque les investissements des collectivités locales en 1998 ont augmenté par rapport à l'année précédente.

Les subventions de fonctionnement des divers ministères progressent de 5,6 %. La compensation des exonérations et dégrèvements concernant la fiscalité locale atteint 62,02 milliards de francs.

La suppression progressive, à partir de 1999, de la part salaires des bases de la taxe professionnelle sera compensée à hauteur de 22,6 milliards de francs.

La compensation de la part régionale des droits de mutation s'élèvera à 5 milliards de francs environ et la compension de la part départementale, à 5,8 milliards de francs.

Cet exposé montre bien la part croissante des dotations de l'Etat dans l'ensemble des ressources des collectivités locales, mais aussi la complexité du système qui affecte considérablement sa lisibilité. A tel point qu'il me semble nécessaire, monsieur le ministre, mes chers collègues, de le modifier profondément.

Les recettes des collectivités locales s'élèvent à quelque 820 milliards de francs en 1999. Elles sont pour l'essentiel constituées, outre les emprunts, par les recettes fiscales et par les dotations de l'Etat. Les premières sont assurées par la fiscalité sur des stocks - c'est la différence fondamentale - dont la valeur, tous les spécialistes de


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

macro-économie qui se sont penchés sur la question l'indiquent depuis des années, est difficile à évaluer et, dans une société technologiquement évolutive, le sera de plus en plus. Il en résulte de graves injustices, qui conduisent l'Etat à prendre une part croissante dans la fiscalité locale par le jeu des exonérations et des dégrèvements.

Ces interventions de l'Etat, on l'a vu, compliquent le système, à tel point que l'ensemble devient peu compréhensible, alors même qu'elles ne remplissent que très imparfaitement leur fonction de péréquation.

Toute modification partielle du dispositif, même de bonne qualité, contribue à détruire un peu plus encore la lisibilité des finances locales. Or, la condition première d'un système démocratique, c'est qu'il soit lisible. C'est pourquoi, après avoir analysé les principaux dysfonctionnements, j'aurai l'outrecuidance de proposer une remise à plat complète.

L es dotations de l'Etat sont d'une trop grande complexité tant en ce qui concerne l'éligibilité à ces dotations - le cas de la dotation de solidarité urbaine est particulièrement exemplaire - que des modalités de concours - l'exemple de la DGF est édifiant.

Les amendements adoptés lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, visant à la majoration de la dotation d'aménagement de la DGF, de la DSU, de la DSR, à la reconduction du dispositif de compensation, à des baisses de DCTP pour les collectivités défavorisées montrent bien l'essoufflement du système.

Ces dotations de l'Etat sont généralement justifiées par la volonté d'opérer une péréquation des ressources afin d'atténuer les disparités financières entre les collectivités locales. Mais les critères des ressources et des charges reflètent de plus en plus imparfaitement la situation réelle des collectivités. En l'absence de révision des valeurs cadastrales, le potentiel fiscal est de plus en plus virtuel.

En outre, la somme des cotisations étatiques consacrées à la péréquation est notoirement insuffisante. La part de la DGF des communes et groupements consacrée à la péréquation n'a représenté que 10,14 milliards de francs en 1999, soit 11 % du total. De même, moins de 5 % des produits de la TP sont concernés par le mécanisme de la distribution.

Les dotations de l'Etat, les exonérations, les compensations, les dégrèvements interviennent pour apporter un peu de souplesse dans la distribution à un système fiscal dont la rigidité et le vieillissement nous font de plus en plus entrer dans le domaine du virtuel.

Une part croissante de la fiscalité locale est assurée par l'Etat.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Terrible !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

A l'heure actuelle, l'Etat prend à sa charge 20,4 % de la taxe d'habitation et 32,3 % de la taxe professionnelle. La réforme de cette taxe va entraîner un accroissement de cette participation, si bien que, au terme de la période de suppression progressive de la base salaires, le budget de l'Etat devrait financer près des deux tiers de la principale ressource fiscale des collectivités locales.

M. Laurent Dominati.

C'est un vrai problème !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

En présence de ce phénomène massif, les diverses réformes envisagées se révèlent inopérantes ou insuffisantes.

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est très inquiétant !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Des simulations effectuées à la demande du président et du rapporteur général de la commission des finances ont montré la quasi-impossibilité politique de mettre en oeuvre la réforme des valeurs locatives. Bien que celles-ci aient été révisées en 1992, elles sont déjà devenues obsolètes. Par conséquent, il est nécessaire d'engager une modification considérable, de façon que - mais, je le sais, la plupart des élus locaux sont en désaccord avec cette opinion - les ressources des collectivités locales soient, comme dans d'autres pays, telle l'Allemagne, une part des grands impôts de l'Etat qui portent sur les flux. (M. Laurent Dominati applaudit) ...

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

On peut rester français !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial...

c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, la TVA et l'impôt sur les sociétés.

Ce serait l'occasion d'engager un vrai débat démocratique, au niveau national, qui mettrait davantage en relief le pouvoir parlementaire : il s'agirait de déterminer quelle part de ces flux reviendrait aux collectivités locales. Il me semble, monsieur le ministre, que cela pourrait fournir la base d'un véritable aménagement du territoire, voulu par le Gouvernement de la République.

M. Laurent Dominati.

Très bien !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Je ne suis pas d'accord avec ceux qui prétendent qu'on assiste actuellement à un recul de la décentralisation.

M. le président.

Monsieur le rapporteur, j'ai déjà été très indulgent, vous le savez, et il faudrait maintenant que vous vous acheminiez vers votre conclusion.

M. Laurent Dominati.

C'est intéressant, pourtant. Il a raison.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Pardonnezmoi, monsieur le président, mais nous sommes là face à un problème primordial. Je crois au contraire que, pour maintenir son unité, la République doit prendre en compte l'ensemble des problèmes d'aménagement du territoire. Ainsi, nous pourrons avoir une véritable politique d'aménagement du territoire, claire et lisible.

M. Laurent Dominati.

Ce qui prouve bien qu'on n'en a pas !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

On pourra, par exemple, maintenir la taxe foncière sur le bâti et le non bâti, qui est le seul impôt sur le capital, mis à part l'impôt sur la fortune. Pour tout le reste, on aurait intérêt à s'inspirer d'autres exemples, qui n'ont rien de révolutionnaire en Europe : en Allemagne ou aux Pays-Bas, 8 % des ressources locales sont assurées par une fiscalité locale, basée sur des éléments de capital.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce n'est pas avec l'argument européen que vous convaincrez M. le ministre !

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

J'espère qu'on pourra entendre cette voix. Il y va de la capacité de la République à maintenir son unité, car ce que certains appellent décentralisation me rappelle trop souvent la féodalité.

Je sais, monsieur le ministre, que vous veillez à l'unité de la République. Avec cette réforme, il me semble qu'on pourra réaffirmer un principe qui est, hélas, souvent mis en cause par certains élus qui pensent que l'intérêt local est plus important que l'intérêt national. Je considère, au contraire, que l'intérêt local dépend et dérive de l'intérê t national.

(Applaudissements sur divers bancs.)

M. Jean-Antoine Leonetti.

C'est bien, ce qu'il a dit.

C'est courageux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités locales.

M. René Dosière, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour les collectivités locales.

Notre collègue de la commission des finances ayant donné des informations très précises sur le contenu du projet de loi de finances en ce qui concerne les collectivités locales, je ne m'attarderai pas sur cette partie-là.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Dommage. Il serait intéressant de développer cela.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

La commission des lois a estimé que ce budget était très bon.

M. Laurent Dominati.

Ce n'est pas ce que disait

M. Saumade.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

En effet, les crédits normés augmentent de 1,48 % à périmètre comparable ; les collectivités défavorisées n'enregistrent aucune diminution de la dotation de compensation de taxe professionnelle, grâce à un amendement voté par nos collègues de la commission des finances ; enfin, dans les crédits hors enveloppe qui sont principalement liés à la prise en charge de la fiscalité, on trouve plusieurs dispositions nouvelles, également votées à l'initiative de la commission des finances dont la compensation de la taxe professionnelle portée à 2,05 d'indexation, ce qui procure 250 millions de plus, et deux mesures supplémentaires en matière d'exonération de taxe d'habitation, dont le coût s'élèvera vraisemblablement à près de 1 milliard de francs.

En outre, pour l'année 2000, deux dispositions en faveur des collectivités locales ne figurent pas directement dans la loi de finances : d'une part, la suppression du contingent d'aide sociale pour les communes, qui porte sur 14 milliards de francs et satisfera les communes qui se p laignent régulièrement de l'augmentation de ce contingent, et, d'autre part, la prise de position du ministre en ce qui concerne la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL. Sans doute la cotisation va-t-elle augmenter un peu, mais la surcompensation diminuera dans le même temps. C'est la première fois que cette logique de partage se manifeste pour la CNRACL.

Notre collègue de la commission des finances le rappelait, le principal problème des collectivités locales, aujourd'hui, est leur système fiscal. C'est la raison pour laquelle j'ai essayé de traiter cette question dans mon rapport, auquel je renvoie pour de plus amples développements.

Faut-il maintenir un système fiscal local ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

Oui !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

La question mérite d'être posée pour deux raisons au moins. D'une part, l'Etat opère un important prélèvement en matière de fiscalité locale : 120 milliards de francs environ - pour des chiffres très précis, reportez-vous à mon rapport -, c'est-à-dire un quart de la fiscalité locale, toute fiscalité confondue, sont actuellement pris en charge par l'Etat, et nous nous orientons vers un tiers. Il y a quelques années, nous n'étions qu'à 10 %. En vingt ans, l'Etat a multiplié par dix sa prise en charge de la fiscalité locale.

M. Laurent Dominati.

C'est très grave !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Il y a là un vrai problème dont sont responsables...

M. Laurent Dominati.

Toutes les majorités !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

... toutes les majorités qui se sont succédé, depuis vingt ans, tant au niveau de l'exécutif que du législatif,...

M. Laurent Dominati.

C'est qu'elles sont toutes jacobines !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

... et qui ont respecté le consensus en matière de réforme de la fiscalité locale qui consistait à diminuer l'impôt du contribuable et à augmenter les prélèvements obligatoires pour permettre à l'Etat de compenser - mal - la perte subie par les collectivités locales.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Aujourd'hui, ce système a atteint une telle ampleur qu'il pose un véritable problème.

D'autre part, notre collègue Saumade l'a évoqué, on sent poindre l'idée selon laquelle, ce qui compte, finalement, ce sont les ressources dont peuvent disposer les collectivités locales - et de citer tel ou tel pays européen en exmple, et non leur origine, fiscalité ou dotations étatiques. Or non seulement la situation des pays européens n'est pas aussi tranchée, mais je relève qu'il existe une exception française en matière de fiscalité locale,...

M. Laurent Dominati.

De fiscalité tout court !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

... que la France est un des pays où la liberté dont disposent les collectivités locales de fixer le niveau de leurs recettes fiscales est l'un des plus élevés. Nous sommes, de ce point de vue, le deuxième pays après la Suède, et il me semble que cette exception française doit être maintenue.

M. Alain Clary.

Tout à fait !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Après tout, cher collègue Saumade, ce n'est pas seulement par cela que la France se distingue en Europe, et ce n'est pas parce que la laïcité est une spécificité française, peu pratiquée d ans les autres pays, que nous devons l'abandonner.

M. Franck Dhersin.

Il n'y a pas que le Vatican, tout de même !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il ne faut pas exagérer, il y a d'autres pays laïques que la France !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Le pouvoir fiscal local doit être préservé, et l'on a beau être européen, il ne s'agit pas forcément de toujours vouloir calquer ce qui se fait ailleurs.

Ouvrons donc le débat. Ma contribution figure déjà dans le rapport que je présente, au nom de la commission, et où, grâce au concours très actif de la direction générale des impôts, j'ai pu publier certaines données inédites sur les conséquences spatiales de la prise en charge de l'impôt local par l'Etat. Le résultat auquel on aboutit est tout simplement surprenant.

S'agissant de la taxe professionnelle, on constate que ce sont les régions où il y a peu de taxe professionnelle qui paient pour celles où il y en a beaucoup - autrement dit, les pauvres paient pour les riches.

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Bien sûr !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Et, s'agissant de la taxe d'habitation, on relève que ce sont les zones où la taxe d'habitation est la plus faible qui paient pour celles où cette taxe est la plus lourde.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. Gérard Saumade, rapporteur spécial.

Bien sûr !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Assurément, en adoptant ce dispositif, le Gouvernement ne recherchait pas cet effet pervers. Je le signale toutefois pour bien montrer l'urgence de ce débat. Cette masse financière de près de 100 milliards de francs vient en effet annuler tous les efforts que les malheureux 15 milliards de francs consacrés à la péréquation s'efforcent de réaliser. La situa tion est vraiment ubuesque.

Pour ma part, je plaide pour un maintien du système fiscal local, au moins au niveau communal ou intercommunal...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Très bien !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

... et cela pour deux motifs principaux.

Le premier est d'ordre économique. Les collectivités locales, particulièrement les communes, sont des investisseurs et des créateurs d'emplois importants, avec les trois quarts des investissements et 15 000 à 20 000 emplois nets par an. Il se trouve donc que ces deux postes de dépenses sont finalement financés par la fiscalité, qu'elle soit immédiate ou différée quand il s'agit de rembourser les emprunts.

Le jour où les collectivités n'auront plus à leur disposition que des dotations, le rythme d'évolution de ces dernières ne suffira pas à maintenir les investissements et à créer en même temps des emplois.

M. Alain Clary.

C'est très vrai !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

On disait tout à l'heure que la DGF ne progresse pas au rythme des dépenses de personnels, et que c'est donc bien la fiscalité qui permet de créer des emplois.

Le deuxième motif est politique. La commune est l'école de base de la démocratie et de la citoyenneté. On apprenait et on apprend toujours cela dans les cours d'instruction civique. C'est le b.a.-ba de la démocratie.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas parlé de ça ! Au moins dix minutes !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Or je vous le dis, mes chers collègues, toute dissociation de l'électeur et du contribuable aboutit à l'exclusion civique et favorise la régression démocratique par les comportements populistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Il faut donc que nous soyons vigilants sur ce point. Ainsi, en ce qui concerne la taxe d'habitation, 4,5 millions de contribuables n'en paient plus, et 6,5 millions en paient une à taux réduit. Ces contribuables, français, qui ne paient plus de taxe d'habitation, ont naturellement le droit de vote ; mais le contribuable immigré qui, lui, paye sa taxe d'habitation, n'a pas le droit de vote.

M. Alain Clary.

Ecoutez la démonstration jusqu'au bout, messieurs de l'opposition !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

On aboutit à des situations absurdes.

M. Laurent Dominati.

Vous êtes pour le vote des immigrés ? Qu'en pense le ministre ?

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Par conséquent, je plaide pour le rétablissement de ce lien de citoyenneté qui fait que l'on est à la fois électeur et contribuable. Or, c'est au niveau communal que l'on peut le plus facilement atteindre cet objectif. Pour d'autres raisons, le lien n'est pas aussi fort au niveau départemental ou régional.

Je ne plaide pas pour autant en faveur du maintien du système fiscal actuel. En d'autres temps, je me suis battu jusqu'au bout pour la taxe départementale sur le revenu, dont l'opposition ne voulait pas, et je continue à plaider pour une taxe d'habitation renouvelée, exclusivement communale et intercommunale, dont la base serait constituée par les capacités contributives des individus, c'est-àdire par leurs revenus.

M. Jacques Brunhes et M. Alain Clary.

Très bien !

M. Laurent Dominati.

C'est un bon argument pour les municipales ! On le répétera !

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Il nous faut avancer dans cette voie. Je souhaite que nous débattions prochainement de cette idée, puisque M. le ministre doit installer prochainement une commission qui fera le point sur la décentralisation : il convient qu'elle évoque le problème de la fiscalité locale. Sans doute le changement d'orientation que je préconise présente-t-il des difficultés techniques et nécessite-t-il une claire volonté politique.

Mais je ne doute pas que le Gouvernement soit attentif à cet aspect. Telle est, en tout cas, ma contribution au débat.

M. Franck Dhersin.

Quelle contribution !

M. René Dosière, rapporteur.

Pour plus de détails, je vous renvoie au rapport que j'ai rédigé au nom de la commission. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président.

La parole est à M. Bruno Le Roux, premier orateur inscrit.

M. Bruno Le Roux.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs, le budget du ministère de l'intérieur pour l'an 2000 traduit l'engagement prioritaire du Gouvernement en faveur de la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Il permet de répondre à une situation qui reste difficile.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Eh oui !

M. Bruno Le Roux.

Ce budget confirme, s'il en était besoin, que la mutation de la sécurité intérieure, initiée en 1997, est largement engagée. Toutefois, des réformes importantes sont encore devant nous.

Chers collègues, je vous invite à regarder un moment en arrière. Souvenez-vous : il y a trois ans, la majorité d'alors affichait sa ferme volonté en faveur de la sécurité en adoptant une ambitieuse loi d'orientation et de programmation. Et patatras !

M. Laurent Dominati.

Patatras, les socialistes arrivent ! Catastrophe !

M. Bruno Le Roux.

Les objectifs inscrits en 1995 dans la LOPS tombent en quenouille, et le budget de 1997, celui que nous avons trouvé, accuse une diminution - vous vous en souvenez, monsieur le ministre de 0,35 % des crédits alloués à la police.

M. Guy-Michel Chauveau.

Il faut le rappeler !

M. Laurent Dominati.

On notait surtout une baisse de la délinquance !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et les chiffres de la délinquance, comment étaient-ils, en 1997 ?

M. Bruno Le Roux.

N'oubliez pas, messieurs, que vous avez été battus sur un tout, dont la délinquance faisait partie !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

Qu'a fait la nouvelle majorité ? Bien que contrainte par des marges de manoeuvre réduites, elle a marqué le changement de cap dès son arrivée.

M. Laurent Dominati.

En effet, la délinquance est tout de suite repartie à la hausse !

M. Bruno Le Roux.

Dès 1997, les crédits alloués au budget de l'intérieur ont été augmentés. La tendance a été confirmée en 1998 et en 1999 et l'est encore aujourd'hui dans le budget que nous examinons.

M. Guy-Michel Chauveau.

Eh oui !

M. Bruno Le Roux.

Face à la montée du sentiment d'insécurité, la demande de nos concitoyens se tourne évidemment vers l'Etat. Notre majorité, quant à elle, a fortement repensé ses objectifs en matière de sécurité, donc son discours et, par voie de conséquence, son action.

La sécurité est un droit et elle est aussi la condition nécessaire à l'exercice de tous les autres droits dans notre société. Elle est une attente légitime des Français. Nous l'avons dit lors de la campagne électorale de 1997. Le Premier ministre l'a rappelé ici même, à cette tribune, en p rononçant son discours de politique générale en juin 1997. Le colloque de Villepinte a tracé les grandes lignes d'une politique de sécurité rénovée.

L'approche est double : elle allie la transversalité, parce que la sécurité n'est pas seulement l'affaire de la police, et la proximité, parce que l'exercice au plus près des citoyens et avec eux est une condition de la réussite de toutes les politiques publiques, mais singulièrement en matière de sécurité.

Monsieur le ministre, votre budget pour 2000 est un bon budget, j'y reviendrai.

Depuis le colloque organisé à Villepinte et depuis la circulaire interministérielle relative à la mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité, l'ensemble des partenaires publics et privés de la sécurité partagent une méthode et des objectifs communs, ce qui est tout à fait nouveau.

(Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'UDFA et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Dans cet esprit, nous pourrions sans doute, même si c'est difficile, nous orienter dans le futur vers une présentation budgétaire qui soit celle de la sécurité intérieure, c'est-à-dire qui englobe les actions de tous les ministères en ce domaine. De la sorte, nous pourrions voir que la sécurité, loin d'être uniquement un sujet de discours, est une réalité qui transcende l'action de plusieurs ministères.

(« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Aujourd'hui, nous donnons corps au concept de sécurité intérieure. Il est en train de naître grâce à la transversalité...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Transcendantale !

M. Bruno Le Roux.

... de l'action de l'Etat dans bien des domaines d'action ministérielle.

M. Laurent Dominati.

Oh ! là ! là !

M. Bruno Le Roux.

C'est quelque chose de totalement nouveau, qui n'avait jamais été mis en oeuvre dans notre pays.

Avec une augmentation de 3 % de ses crédits, soit 1,6 milliard, alors que les dépenses générales de l'Etat ne progressent que de 0,9 %, le budget du ministère de l'intérieur est bien un budget prioritaire.

M. Guy-Michel Chauveau et M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. Bruno Le Roux.

Conformément à tous nos engagements, lesquels ont été précisés par les conseils de sécurit é intérieure, la priorité est bien donnée à la police de proximité.

M ais, au-delà des chiffres, comment avons-nous commencé à traduire nos engagements ? Je crois qu'il faut encore saluer la mise en place du conseil de sécurité intérieure, qui, autour du Premier ministre, réunit les ministres intéressés par les problèmes de sécurité. Outre qu'il est le symbole, au plus haut niveau de l'Etat, de l'approche transversale que nous revendiquons, il permet que soient prises des décisions concrètes et unifiées par ceux qui, à un moment ou à un autre, à la tête de leur ministère, sont appelés à participer à une politique de sécurité enfin cohérente.

M. Laurent Dominati ! C'est quoi une décision unifiée ?

M. Bruno Le Roux.

Les contrats locaux de sécurité sont l'expression de l'approche partenariale. Leur élaboration, leur mise en oeuvre, leur évaluation et leur adaptation font appel à toutes les compétences. C'est indéniable.

Aujourd'hui, tout le monde se bat,...

M. Laurent Dominati.

C'est vrai, dans la rue, tout le monde se bat !

M. Bruno Le Roux.

... quelle que soit sa couleur politique, pour signer un contrat local de sécurité. En effet, on sait que c'est non seulement un moyen de manifester sa volonté, mais aussi d'accompagner l'effort de l'Etat.

On sait très bien que l'effort de l'Etat ne se manifestera pas si les élus locaux ne mettent pas des choses dans la balance.

Bref, aujourd'hui, les villes, qu'elles soient de droite ou de gauche, et quelquefois nonobstant les positions prises par les élus sur la politique menée par l'Etat en matière de sécurité, se battent pour signer un contrat local de sécurité.

M. Laurent Dominati.

Et combien n'en ont pas signé ou ne veulent pas en signer ?

M. Bruno Le Roux.

Certains contrats ont parfois été trop rapidement conclus.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Bâclés, oui !

M. Bruno Le Roux.

Il s'avère que certains contrats ont été bâclés, notamment parmi les premiers qui ont été signés. Toutefois, les contrats conclus aujourd'hui bénéficient de l'expérience des pionniers et leur qualité va en grandissant. L'implication des élus est grande et elle va croissant. Ils vous ont suivi dans cette démarche, monsieur le ministre, parce que la méthode est bonne et parce qu'ils se savent que, plus ils seront investis, plus fort sera l'engagement des autres acteurs d'Etat dans la politique de sécurité.

Ces contrats locaux sont soumis à évaluation, ce qui les amène à évoluer. Ainsi, le contrat local de Nantes, l'un des tout premiers signés - pionnier des pionniers - a récemment fait l'objet de modifications à la lumière des évaluations qui ont été faites. C'est là quelque chose d'essentiel. Le CLS n'est pas un contrat que l'on signe et que l'on enferme au fond d'un tiroir, il est destiné à vivre. Pour cela, il doit être évalué et modifié si nécessaire.

On est loin des papiers qui étaient signés auparavant avec l'Etat, uniquement pour que l'événement donne lieu à un article dans le journal local, et que l'on oubliait


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

ensuite parce que, de toute façon, on savait dès la signature qu'ils ne serviraient pas à grand-chose. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) La logique des contrats locaux de sécurité est tout autre.

Monsieur le ministre, l'autre réussite de votre gouvernement a été la législation sur les polices municipales.

Comme la sécurité forme un tout, je tiens à la rappeler.

Doter les polices municipales d'un statut unifié organisant leur complémentarité avec la police nationale était, depuis plus de dix ans, une promesse de tous les gouvernements. C'est à l'honneur de notre majorité d'avoir mené à terme cette réforme.

A aucun moment, il n'a été question de permettre aux polices municipales de se substituer à la police nationale ou à la gendarmerie nationale, dont je tiens ici à saluer le remarquable travail sur le terrain. En revanche, là où elles existent, les polices municipales, tout comme les autres dispositifs de sécurité mis en place par des villes qui ne veulent pas de police municipale, peuvent constituer un instrument ou un relais efficace en termes de proximité et de complémentarité. Cette réforme dont tout le monde parlait depuis dix ans, vous l'avez mise en oeuvre, monsieur le ministre, et nous avec vous.

L'engagement de proximité se traduit aussi par le recrutement des adjoints de sécurité dont la présence est appréciée de tous, habitants et forces de l'ordre. Saluons dont cet effort.

Ce budget répond à une situation qui reste difficile en matière de sécurité. En dépit d'une politique volontariste, renouvelée et ambitieuse, tout indique que les chiffres de la délinquance peuvent être considérés comme décevants.

Mais il convient de donner des explications.

La première explication tient en quelques mots. L'efficacité d'une politique publique s'inscrit dans la durée. Or nous savons déjà que, sur le terrain, les premiers résultats sont encourageants. Pourquoi ce paradoxe apparent entre statistiques et réalité vécue ? MM. Jean-Antoine Leonetti, Franck Dhersin et Laurent Dominati.

Bonne question !

M. Bruno Le Roux.

D'abord, parce que la délinquance est un phénomène complexe sur lequel on ne peut agir que dans la continuité. Et notre action s'inscrit dans la durée.

M. Franck Dhersin.

C'est vous qui le dites !

M. Laurent Dominati.

Cela changera dans vingt ans !

M. Bruno Le Roux.

Ensuite, la politique de traitement systématique de l'infraction, donc de meilleure prise en compte, provoque une augmentation mécanique des chiffres.

M. Laurent Dominati.

Le traitement systématique de l'infraction ! On rêve !

M. Bruno Le Roux.

Mais au-delà des chiffres, il convient d'analyser l'influence sur les comportements de la politique menée.

A ce propos, je citerai l'exemple d'un quartier de ma circonscription, qui a été choisi comme site pilote en matière de police de proximité. Nous avons d'abord cherché à redonner confiance à la population,...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Confiance en la police ?

M. Bruno Le Roux.

... en faisant en sorte que, pour toute atteinte aux personnes ou aux biens, elle puisse aller porter plainte. Nous lui avons donné la possibilité de retrouver sa dignité par le truchement du dépôt d'une plainte. Les chiffres vont, bien sûr, augmenter, mais cela a peu d'importance par rapport à la dignité et la confiance retrouvées.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Faites-vous agresser, vous serez digne !

M. Bruno Le Roux.

Le sentiment d'insécurité va diminuer grandement et l'action de l'Etat sera à nouveau crédible grâce aux dispositifs mis en place. Les commissariats autrefois désertés voient revenir les gens,...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Parce qu'il y a plus de délinquance !

M. Bruno Le Roux.

... car ces derniers ont confiance dans l'action que nous menons.

Les chiffres peuvent avoir des explications simples, si tant est qu'ils ne servent pas à nourrir le débat politicien comme ce fut le cas toutes ces dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.) La mutation décidée en 1997 est aujourd'hui largement engagée. Le budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est de nature à répondre aux attentes des Français en matière de sécurité. Il est aussi symbolique par son ampleur puisqu'il augmente de 3 %, c'està-dire trois fois plus que l'ensemble des dépenses de l'Etat. Oui, monsieur le ministre, ce budget est celui de la maturité et de la réflexion. (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

Encore un peu de cirage, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Roux.

Solide, cohérent, transparent, en parfaite conformité avec les engagements pris depuis deux ans (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), il va permettre d'améliorer la mise en place de la politique de police de proximité et d'anticiper les prochaines étapes. En effet, n'oublions pas qu'une grande partie des difficultés auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui viennent souvent du manque d'anticipation ces dernières années dans les décisions à prendre.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Bref, c'est l'héritage !

M. Bruno Le Roux.

Ceux qui se plaignent de l'insuffisance des effectifs devraient penser au manque d'anticipation, avant 1997, des départs en retraite !

M. Franck Dhersin.

Ces départs ne sont toujours pas comblés !

M. Bruno Le Roux.

L'important effort budgétaire proposé par le ministre de l'intérieur, et décidé par le Premier ministre, va permettre de rattraper le retard.

La police de proximité figure donc parmi vos priorités, monsieur le ministre, et c'est une bonne chose. La progression de 5 % des crédits de fonctionnement permettra d'améliorer l'état des véhicules, de mettre en oeuvre le programme ACROPOL, qui est une nécessité en Ile-deFrance pour le bon fonctionnement et la bonne coordination des forces de police, ainsi que de résoudre les problèmes d'encadrement des adjoints de sécurité.

Au demeurant, 759 adjoints de sécurité ont d'ores et déjà été admis au concours de gardien de la paix, ce qui démontre la pertinence de ce mode d'accès à la fonction publique pour des jeunes issus de nos quartiers...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. Laurent Dominati.

Pourquoi issus des quartiers ?

M. Bruno Le Roux.

... et qui veulent servir l'Etat en participant à la sécurité publique.

Mais cet apport ne doit pas masquer l'évolution à la baisse des effectifs permanents, les recrutements ne permettant pas, dans les années à venir, de combler les déficits provoqués par les départs en retraite, anticipés ou non.

Tout cela conduit à faire des efforts importants en matière de redéploiement. Celui qu'a accompli votre administration, monsieur le ministre, est remarquable, mais les délais de mise en place des concours et le manque d'anticipation en 1995 pèseront lourd sur les modalités de renouvellement normal des effectifs.

Ainsi, et le phénomène est préoccupant, la police nationale doit en même temps assurer la mise en place d'un redéploiement géographique et technique, combler les pertes d'effectifs liés aux départs en retraite, accueillir et former les adjoints de sécurité, renforcer la police de proximité, accueillir le public, tout cela dans un contexte de diminution des effectifs et des corps chargés de l'encadrement. Bref, on vous demande l'impossible, monsieur le ministre. Pourtant, vous nous présentez un budget qui permettra de le réaliser ! (« Miracle ! »sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

Du cirage ! Du cirage ! Du cirage !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Encore une couche, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Roux.

Je l'ai dit à plusieurs reprises - et je sais que sur ce point, nous sommes d'accord, monsieur le ministre -, les métiers de la police sont des métiers difficiles. Or l'action que nous menons et ce budget vont permettre de crédibiliser la police de proximité et de rompre avec la dévalorisation dont étaient victimes depuis des années les métiers de la sécurité publique. En raison des décisions budgétaires toujours reportées, ces métiers difficiles avaient été dévalorisés, décrédibilisés.

M. Laurent Dominati.

C'est vous qui le décrédibilisez !

M. Bruno Le Roux.

Nous menons actuellement une politique que l'on peut qualifier de politique de sécurité de proximité. Pour ma part, je l'appellerai politique de recrédibilisation...

M. Jean-Antoine Leonetti.

Transversale ?

M. Bruno Le Roux.

... de l'action de l'Etat et des forces d e sécurité. Pour un bon fonctionnement de la République, il est important d'avoir confiance dans les forces de sécurité.

Pour terminer, monsieur le ministre, je voudrais vous féliciter...

M. Laurent Dominati.

Ce n'est pas déjà fait ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

Il est vrai que jusqu'à présent, c'était très critique !

M. Didier Quentin.

Voire insolent !

M. Bruno Le Roux.

Sur ce budget, nous n'avons aucune raison d'être critiques, car nous l'approuvons sans réserves.

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais vous féliciter, car les chiffres publiés récemment par l'IHESI et par l'INSEE, chiffres qui ont été commentés au premier degré par ceux qui ne connaissent pas ces questions et qui ne pratiquent que la polémique politicienne (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), montrent que l'insécurité est un phénomène complexe qui déborde le cadre de la seule action de l'Etat et de la police. Ainsi, certains faits qualifiés de faits d'insécurité ne relèvent pas de la compétence unique de l'Etat, mais nécessitent la mobilisation de nombreux partenaires, ceux-là mêmes que vous mobilisez aujourd'hui dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Bref, l'action que nous menons aujourd'hui, que vous menez, monsieur le ministre, en matière de sécurité de proximité est bien plus complexe que ce qui apparaît dans un budget de la police ou un budget de la gendarmerie nationale.

Je voudrais vous dire, monsieur le ministre, au nom du groupe socialiste, que nous sommes preneurs d'un débat sur la répartition des compétences en matière de sécurité, chacun des acteurs devant être pleinement responsable.

Peut-être ce débat s'inscrit-il dans le cadre du prochain acte de la décentralisation, souhaitée par le Premier ministre, et dans celui de la mission qui a été confiée à Pierre Mauroy de préparer cette nouvelle étape.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Transversale !

M. Bruno Le Roux.

En tout cas, l'action conduite en matière de sécurité de l'Etat doit permettre à tous les acteurs de s'impliquer, parce que l'effort consenti en ce domaine est indéniable.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Transversal ! Transcendetal même !

M. Bruno Le Roux.

Pour une fois, il s'agit d'une priorité qui est vraiment financée et portée dans les discours.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin.

Je vais centrer mon propos sur les problèmes de la police et sur l'insécurité qui, vous le reconnaissez vous-même, monsieur le ministre, est devenue la préoccupation numéro un des Français, avec le chômage. Mais vous accentuez paradoxalement ce phénomène par votre tendance à en minimiser la portée, en qualifiant souvent la délinquance d'« incivilité. »

Malgré vos accents républicains, vous n'arrivez pas en fait à obtenir du Gouvernement et de votre majorité les moyens financiers et législatifs indispensables pour lutter efficacement contre ce fléau. Les mesures que vous proposez ne sont finalement que des palliatifs, et beaucoup de questions essentielles restent sans réponse. Voilà les quelques points que je souhaite aborder dans les minutes qui me sont imparties.

Ce sont avant tout les plus faibles, les plus pauvres, les plus fragiles, qui sont les victimes de cette montée de l'insécurité. Certes, vous préférez parler de « sentiment d'insécurité », mais ce sentiment s'appuie sur des faits, ou plutôt sur des méfaits, têtus ! Vous avez tendance à cacher les chiffres. Et pourtant, une tradition bien établie permettait, encore récemment, d'avoir chaque mois communication des statistiques de la police et de celles de la gendarmerie avec une récapitulation semestrielle. Vous avez ces chiffres, monsieur le ministre. Les préfets les communiquent chaque mois à votre cabinet, mais vous semblez vouloir casser le thermomètre, tellement la progression est inquiétante.

M. Laurent Dominati.

Très juste !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. Didier Quentin.

Les chiffres sont en effet fâcheux.

Après trois années consécutives de baisse, les crimes et délits ont augmenté officiellement de 2,06 % en 1998.

Cette dérive s'est poursuivie en 1999, puisque vous annoncez une hausse de 3 % des violences urbaines. Rappelons que la criminalité avait diminué de 6,47 % en 1995, de 2,88 % en 1996 et de 1,86 % en 1997.

J'ajoute, et vous le savez, que les chiffres officiels sont très largement sous-évalués. L'enquête qui vient d'être réalisée par l'Institut des hautes études de la sécurité int érieure - et j'en ai une autre lecture que celle que vient d'en faire M. Le Roux - démontre que quatre actes de délinquance sur cinq n'apparaissent pas dans les statistiques policières ! Vous entretenez aussi l'insécurité par des artifices de vocabulaire. Jusqu'à présent, les choses étaient claires : les crimes relevaient de la cour d'assises, les délits des tribunaux correctionnels et les contraventions des tribunaux de police. Mais vous avez inventé le mot, politiquement correct, d'« incivilité », pour qualifier ce que vous appelez vous-même, assez curieusement, une « petite délinquance de masse ». Petit phénomène, je ne le crois pas, mais de masse à coup sûr ! Ces actes d'« incivilité », qui de fait ne sont pas sanctionnés, accroissent encore davantage le sentiment d'insécurité, puisque les méfaits en question - dégradations en tout genre, destructions de cabines téléphoniques ou d'Abribus, vols de scooters, tags, entre autres - sont en quelque sorte amnistiés par avance. Le plus souvent, la justice n'est même pas saisie ! Voilà qui concourt à une exaspération croissante de la population, de plus en plus sceptique sur la capacité de l'Etat à faire face à l'insécurité. Il en résulte une progression fulgurante des sociétés de gardiennage et de protection, qui aujourd'hui, vous l'avez dit vous-même en commission des lois, monsieur le ministre, comptent plus de 110 000 salariés.

Tout cela apparaît donc comme une démission de l'Etat, au profit d'une privatisation de la sécurité, que ne peuvent pas s'offrir les plus humbles. On ne dira jamais assez que la responsabilité première de la protection des personnes et des biens incombe à l'Etat.

Comment ne pas être sérieusement inquiet devant l'avenir de la fonction policière ? Le corps des policiers va être gravement perturbé, toutes ces prochaines années, par de nombreux départs à la retraite, auxquels s'ajoutent les retraites anticipées, qui traduisent un profond « malvivre » de ces fonctionnaires.

D'ici à 2004, 25 000 policiers vont partir, dont près de 70 % par anticipation. De plus, l'application de la loi sur les 35 heures va entraîner une baisse de 8 % des effectifs.

Ce phénomène est aggravé par un certain nombre de charges indues qui auraient dû être supprimées, sans parler des gardes statiques dont la réduction a lieu à un rythme beaucoup trop timide ! Aujourd'hui, au moins 30 à 35 % des effectifs n'effectuent pas de missions de police active, mais se consacrent à l'assistance, au conseil et au soutien opérationnel. Pourtant, les fonctionnaires théoriquement affectés à des tâches administratives ou techniques ne représentent que 10 % des effectifs de la police nationale.

Lors de votre intervention du 17 juin dernier, à l'occasion de la sortie de la 49e promotion des élèves commissaires de police, vous avez annoncé le recrutement de 700 personnels administratifs en 2000 et autant en 2001.

Mais il apparaît dans votre projet de budget que seuls une centaine de personnels seront recrutés en 2000, de surcroît par des transformations d'emplois internes. Cela ne suffit pas, tant s'en faut, à compenser la suppression de 256 postes budgétaires en 1998 et de 128 postes budgétaires en 1999.

Ainsi, un certain nombre de fonctionnaires de terrain remplissent des tâches administratives et, paradoxalement, les adjoints de sécurité effectuent à leur place des missions de terrain ! En 1995, contrairement à ce qui a été dit il y a quelques minutes, les gouvernements avaient pris à bras-lecorps ce problème : la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, lancée par Charles Pasqua et poursuivie par Jean-Louis Debré, prévoyait le recrutement de 5 000 agents administratifs, afin de remettre sur la voie publique autant de policiers actifs détournés de leurs missions opérationnelles. Les gouvernements d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé avaient créé 1 250 postes. Qu'avez-vous fait depuis lors ? Il est donc bien clair que vous ne donnez pas aux policiers les moyens de remplir leurs missions. Pourtant, vous annoncez un effort particulier. Mais qu'en est-il en réalité ? L'examen des chiffres nous montre que les départs à la retraite ne sont que très partiellement compensés et, le plus souvent, par l'embauche, elle massive, d'adjoints de sécurité. Or, de l'avis général, ces ADS ne rendent pas les mêmes services que les fonctionnaires de police.

M. Laurent Dominati.

C'est sûr !

M. Didier Quentin.

En effet, les conditions de leur recrutement semblent bien peu rigoureuses. Ils reçoivent une formation sommaire et très insuffisante. Ils n'ont pas, selon les syndicats de police, l'indispensable connaissance du droit et de la psychologie. De plus, faute d'effectifs du corps de maîtrise et d'application, leur encadrement est tout aussi déficient.

J'évoquerai également la grande précarité du statut des ADS : ils ne bénéficient pas de la même sécurité de l'emploi que leurs collègues titulaires ; ils ne disposent d'aucune protection juridique en cas d'accident en service, et ils sont manifestement sous-payés, puisqu'ils représentent près de 20 % des effectifs pour un coût de 2,5 % seulement.

De plus, la question de leur avenir se pose : que deviendront-ils au bout de cinq ans ? Ont-ils vocation à être titularisés ? Si oui, seront-ils exonérés de passer les examens, ce qui serait une entorse au libre et égal accès à la fonction publique ? Vous ne donnez pas non plus aux policiers les moyens de se faire respecter, et ceux-ci ont trop souvent un sentiment d'inutilité, avec près de 86 % des affaires qui sont classées sans suite. Mais là, je reconnais que vous n'êtes pas le seul responsable : vous partagez la responsabilité de la montée de la violence urbaine avec d'autres de vos collègues du Gouvernement, en particulier avec Mme la ministre de la justice, dont on sait qu'elle a refusé de modifier l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs...

M. Rudy Salles.

Eh oui !

M. Didier Quentin.

... alors que celle-ci est totalement inadaptée au cas des mineurs multirécidivistes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

Or, la délinquance des mineurs ne cesse de progresser.

Un rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale vient de faire un point tristement édifiant sur l'incessante dégradation de la situation en milieu scolaire.

Beaucoup d'autres questions essentielles appellent des réponses urgentes.

Où en est la politique de redéfinition des zones de gendarmerie et de police ? Vous aviez annoncé la fermeture de huit commissariats de police. Pouvez-vous nous préciser lesquels ? Qu'en est-il du reclassement des policiers ? Y a-t-il une concertation avec les élus ? Où en est l'effort de réhabilitation des commissariats et d'amélioration de leurs dotations en véhicules ? Quelle est l'évolution des crédits de lutte contre la drogue, compte tenu de la montée dramatique de la délinquance liée à la toxicomanie ? Où en est le plan Vigipirate ? Cette question n'est pas, en termes de financement, anodine.

Comment évoluent les reconduites à la frontière ? Votre circulaire du 11 octobre demandant aux préfets de donner une impulsion plus vigoureuse à la poursuite des étrangers en situation irrégulière apparaît comme un hommage tardif à votre prédécesseur. Vous y fixez comme objectif le taux de 28 % de reconduites effectives, que Jean-Louis Debré avait atteint dès 1996.

M. Rudy Salles.

Eh oui !

M. Didier Quentin.

Mais il ne sert à rien de réclamer une « augmentation significative du nombre des éloignements » si vous ne vous donnez pas les moyens de mettre en oeuvre cette politique.

Ainsi, alors que les crédits affectés aux reconduites à la frontière atteignaient 87 millions de francs dans la dernière loi de finances votée sous le gouvernement d'Alain Juppé, ils ne sont plus cette année que de 84,7 millions de francs.

Arrivant au terme de mon intervention, je suis bien conscient de n'avoir pu aborder un certain nombre de sujets importants, comme la sécurité civile et l'administration préfectorale. Nous y reviendrons très certainement à l'occasion des questions.

Monsieur le ministre, je terminerai en disant que nos concitoyens attendent un peu moins de colloques et d'effets d'annonce, un peu moins de transversalité, mais beaucoup plus d'efficacité sur le terrain.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Didier Quentin.

C'est pourquoi le groupe du RPR votera contre votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec 3 % d'augmentation,...

M. Bruno Le Roux.

Voilà qui commence bien !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... le budget de l'intérieur semble présenter une progression satisfaisante. Il semble même coïncider avec une volonté affichée de faire de la sécurité une priorité du Gouvernement...

M. Bruno Le Roux.

Ça vous change !

M. Jean-Louis Debré.

Attendez la suite !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cette priorité avait été affichée de manière conjointe par le Premier ministre et le ministre de l'intérieur à Villepinte...

M. Bruno Le Roux.

Vous allez voir qu'il n'est pas facile d'être interrompu toutes les quinze secondes !

M. Jean-Louis Debré.

Cela suffit, monsieur Le Roux !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Pourtant, après trois ans de votre gestion, les chiffres de la délinquance ne cessent d'augmenter. Et ces chiffres sont plus importants, monsieur Le Roux, que ceux de l'augmentation des crédits pour la sécurité ! Les chiffres de la délinquance, disais-je, ne cessent d'augmenter, et plus particulièrement ceux des délits avec violence, associés à un rajeunissement inquiétant de leurs auteurs.

Près de 40 % des délits de la voie publique sont commis par des mineurs. Quant à ceux que le rapporteur fait pudiquement relever de « la délinquance quotidienne », pour ne pas dire banale - vols avec violence, vols à la tire, coups et blessures, cambriolages - ils ont augmenté cette année de 22,4 %.

M. Laurent Dominati.

Et voilà !

M. Bruno Le Roux.

Génération Chirac !

M. Rudy Salles.

Les chiffres sont là !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce dernier chiffre contraste de manière importante avec les 3 % d'augmentation budgétaire.

Pourquoi ce contraste entre une volonté, dont on ne met pas en doute la réalité, les moyens disponibles - les crédits augmentent - et les résultats obtenus ? La première question que l'on doit se poser est la suivante : les effectifs de police sont-ils suffisants ? Depuis 1997, ces effectifs ont augmenté de 0,15 %, ainsi que l'attestent les documents fournis par le ministère de l'intérieur. Or près d'un quart des effectifs part à la retraite en 1999 et 2004,...

M. Bruno Le Roux.

Manque d'anticipation ! Ça, c'est Debré ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.

M. Jean-Louis Debré.

Ne dites pas n'importe quoi tout le temps !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... et chacun sait que les systèmes de récupération réduit les effectifs de un ou deux ans avant le départ réel à la retraite des policiers.

M. Jean-Louis Debré.

Vous ne savez faire que des colloques, monsieur Le Roux !

M. le président.

Un peu de silence, chers collègues !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Monsieur le président, p ourriez-vous me dispenser des provocations de M. Le Roux ?

M. le président.

Mes chers collègues, laissez l'orateur s'exprimer, d'autant plus qu'il ne dispose que de cinq minutes !

M. Bruno Le Roux.

Le responsable de la situation est dans la salle ! Il faut tout de même le dire !

M. Franck Dhersin.

Aujourd'hui, ce sont vos amis qui sont aux responsabilités !

M. le président.

M. Leonetti a seul la parole !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

Poursuivez, cher collègue.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Merci, monsieur le président.

Face à la situation que je viens de rappeler, on comprend mieux la baisse réelle des effectifs, que ne comblent pas les redéploiements tant annoncés et très timidement exécutés.

M. Laurent Dominati et M. Rudy Salles.

Très juste !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Les 35 heures et la limitation des heures supplémentaires que le Gouvernement p réconise (M. Bruno Le Roux applaudit) viendront immanquablement aggraver la situation.

Les effectifs des adjoints de sécurité augmentent et certains - une infime partie - sont recrutés dans la police, mais leur sélection sommaire et leur formation insuffisante - elle ne dure que quelque semaines - ne leur permettent pas de se substituer aux forces de l'ordre, car la police est un métier, et un vrai métier.

M. Rudy Salles.

Très juste !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Ce sont pourtant les adjoints de sécurité associés à un faible encadrement qui sont sur le terrain confrontés à des situations difficiles, parce qu'ils sont souvent placés en première ligne.

A titre d'exemple, vous serez certainement étonné, monsieur le ministre, d'apprendre qu'un seul îlot régulier de trois policiers en tenue fonctionne à Antibes, ville de 73 000 habitants, huit heures par jour, avec un seul fonctionnaire de police et deux adjoints de sécurité,...

M. Rudy Salles.

Eh oui !

M. Jean-Antoine Leonetti.

... ou que les quartiers nord de Vallauris, considérés comme une zone très sensible dans le département des Alpes-Maritimes, classée deuxième en termes de délinquance sur le plan national, ne bénéficient toujours pas de police de proximité.

La police n'est pas en nombre suffisant sur le terrain, mais son efficacité est également limitée par un environnement médiatique souvent défavorable et par la faillite du système éducatif et judiciaire que vous proposez.

Les forces de l'ordre sont aujourd'hui suspectées, accusées d'agir avec violence, même lors d'interventions dangereuses pour l'interpellation de malfaiteurs. C'est dans cet hémicycle que les députés socialistes ont récemment affirmé à propos de la nouvelle loi sur la déontologie qu'il fallait « percer les secrets des commissariats ».

Enfin, les policiers sont las d'arrêter des multirécidivistes pour lesquels la justice n'a pas trouvé la réponse adaptée pour une réinsertion nécessaire.

Ils sont las d'interpeller des mineurs violents qui sont de plus en plus certains de leur impunité. Cette impunité est un des éléments qui accroissent le sentiment d'insécurité de la population.

Le Gouvernement nous promet une justice adaptée, rapide, pédagogique, mais celle-ci tarde à se mettre en place, faute de moyens.

M. Bruno Le Roux.

C'est creux !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Cet adjectif est approprié aux contrats locaux de sécurité, présentés comme la panacée des problèmes de sécurité de notre temps. Signé souvent à la hâte, ils ont déçu beaucoup de maires de toutes tendances politiques qui ont « joué le jeu » de la confiance contractuelle.

Le bilan des contrats locaux de sécurité est très mitigé.

Comment en effet signer un tel contrat quand l'étape de diagnostic met en évidence la faiblesse des effectifs de police, la faiblesse des moyens sur le terrain, un fort taux de délinquance, et qu'aucun effectif supplémentaire ne vient corriger la situation ? Le contrat devrait créer un partenariat dans lequel l'Etat supporte la principale et juste charge, car c'est sa mission première. C'est l'Etat qui doit assurer une égale sécurité aux citoyens. Mais selon les villes, selon les quartiers, selon les couches sociales, la sécurité est inégalement assurée.

Si une réponse urgente n'est pas apportée aux problèmes de sécurité, des quartiers entiers de ville s'installeront dans le non-droit, en dehors des règles de la République.

Il faut démanteler les bandes qui font la loi, leur loi, dans les banlieues, à la place de la loi de la République.

Il faut, comme le dit Pascal, qui, je crois, est un auteur qui vous est cher, faire que ce qui est juste soit fort ou ce qui est fort soit juste. Aujourd'hui, sur le territoire français, la force est souvent injuste, mais contrairement, à ce que disait le Président Mitterrand, ce n'est pas à cause de la loi : c'est par défaut de la loi ou par défaut de son application.

Le débat n'est plus de savoir si l'on doit être « laxiste » ou « répressif » : il faut simplement...

M. Laurent Dominati.

Etre efficace ! M. Jean-Antoine Leonetti ... revenir à des repères simples, à l'obéissance à la loi.

M. Bruno Le Roux.

C'est long !

M. Jean-Antoine Leonetti.

L'obéissance à la loi, ce n'est pas long : c'est clair et précis !

M. Bruno Le Roux.

Vous êtes long et creux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Monsieur Le Roux, si vous ne l'interrompiez pas aussi souvent, l'orateur pourrait peut-être s'exprimer normalement !

M. Bruno Le Roux.

Je ne vous ais pas entendu tout à l'heure lorsque j'avais moi-même la parole, monsieur le président.

M. Jean-Louis Debré.

Est-ce M. Le Roux qui dirige les débats ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

M. Le Roux ne me déstabilisera pas, monsieur le président !

M. le président.

Monsieur Leonetti, poursuivez et concluez, s'il vous plaît !

M. Jean-Antoine Leonetti.

Je conclurai en disant que l'obéissance à la loi que l'on s'est prescrite, cela s'appelle, selon Rousseau, la liberté.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Franck Dhersin.

M. Franck Dhersin.

Beaucoup de bruit pour rien : telle est la première réflexion qui, à l'examen de votre budget, monsieur le ministre, me vient à l'esprit.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien dit !

M. Franck Dhersin.

A la formule « aux grands mots, les grands remèdes », votre gouvernement a préféré les grands discours et autres déclarations d'intention, comme on l'a encore vu tout à l'heure avec M. Le Roux.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Louis Debré.

Très juste !

M. Franck Dhersin.

Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter au désormais très célèbre discours de Villepinte du 19 juin 1997, modèle du genre, que vous avez cité, monsieur Le Roux.

En prononçant ce discours, M. Jospin, la main quasiment sur le coeur, a solennellement déclaré : « La sécurité, garante de la liberté, est un droit fondamental de la personne humaine. » Et encore

: « Toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité. »

(M. Bruno Le Roux applaudit.)

« On ne peut accepter une société dans laquelle il y aurait d'un côté des quartiers protégés et de l'autre des zones de non-droit. »

J'ai presque envie de sortir mon mouchoir.

Toujours dans la même veine, Lionel Jospin déclarait en janvier dernier que les débats en matière de sécurité aboutiraient à de nouvelles propositions « dans la continuité de l'action gouvernementale, dans la vision globale qui est la nôtre et qui n'ignore pas les causes sociales ou structurelles des problèmes ».

M. Bruno Le Roux.

Bravo !

M. Didier Quentin et M. Rudy Salles.

Amen !

M. Franck Dhersin.

A en croire M. Jospin, les délinquants en tout genre et autres fauteurs de troubles peuvent trembler. Hélas ! comme souvent, ce sont ceux qui en parlent le plus qui en font le moins - n'est-ce pas monsieur Le Roux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

En l'occurrence, votre gouvernement, monsieur le ministre, parle beaucoup...

M. Bruno Le Roux.

Que faites-vous en ce moment ?

M. le président.

Monsieur Dhersin, ne faites pas en sorte d'appeler des réponses de M. Le Roux !

M. Franck Dhersin.

C'est entendu, monsieur le président.

Monsieur le ministre, à en juger par les dernières statistiques de la délinquance, vos engagements pris devant le peuple français sont loin d'être honorés et votre parole ne pèse pas lourd face aux mauvais chiffres, eux implacables.

M. Bruno Le Roux.

Des mots !

M. Franck Dhersin.

Certes, on assiste à une évolution de langage, on passe d'« auteur d'incivilités » à « sauvageon », mais les directives ne suivent pas. Au lieu de cela, le malaise grandit dans la police et les forces de sécurité.

Avec plus de 3,5 millions de crimes et délits, la délinquence en France a augmenté de 2,1 % en 1998. Cette augmentation ou aggravation n'est pas seulement quantitative, elle est aussi qualitative.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Franck Dhersin.

Aujourd'hui, les Français souffrent d'une violence plus quotidienne, toujours plus forte, toujours plus précoce. Quelques chiffres suffisent pour le démontrer : en dix ans, les coups et blessures volontaires ont augmenté de 104 %, les vols avec violences de 75 %, les dégradations de 132 %. A Paris, c'est presque devenu une habitude, la délinquance n'en finit pas d'augmenter. Les crimes et délits ont progressé de 3,85 % au cours des huit premiers mois de 1999. Ils avaient déjà augmenté de 4,6 % l'an dernier.

En fait, dans la capitale, la hausse représente plus du double de la moyenne nationale.

M. Laurent Dominati.

Hélas !

M. Franck Dhersin.

Plus grave : la délinquance des mineurs représente près de 25 % de la délinquance totale et 37 % de celle commise sur la voie publique. Chaque année, 150 000 mineurs sont interpellés, dont 70 000 seulement sont réellement sanctionnés.

Au vu de ces chiffres, monsieur le ministre, on ne peut que conclure à l'échec de votre politique. A l'envol de la délinquance répond un affaiblissement de la capacité de réponse de l'Etat. A titre d'exemple, je rappellerai que le taux d'élucidation des vols ne cesse de s'éroder, ce qui est indéniablement à la base d'un phénomène de ciseaux entre les attentes de la population et la qualité de la prise en charge publique. Or le sentiment d'insécurité naît précisément de ce sentiment d'impunité.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Franck Dhersin.

Vous vous targuez, monsieur le ministre, de nous présenter un budget sérieux. Peut-être est-ce le cas. Mais, est-ce ce type de budget qui permettra de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens ? Permettez-moi d'en douter.

Il ne faut pas se voiler la face : la politique de sécurité est d'abord une affaire d'effectifs et de gestion de ces effectifs. Seulement voilà, malgré tous vos efforts, car effort il y a, je le reconnais,...

M. Bruno Le Roux.

Bravo !

M. Franck Dhersin.

... les effectifs de la police française demeurent problématiques.

Je citerai quelques exemples.

L'implantation des services de quart, qui est une bonne chose car elle répond directement au besoin de continuité du service, se heurte directement à un problème de recrutement et, de l'aveu même de votre ministère, à « la frilosité néfaste au volontariat, et à l'usure des premiers affect és, exposant certains sites à la défection de ces fonctionnaires ».

Il en va de même pour le traitement judiciaire en temps réel, une mesure qui est pourtant parmi les mieux à même de lutter contre le sentiment d'impunité. En effet, se pose immédiatement le problème de la disponibilité des personnels qui entraîne des disparités importantes d'une circonscription à l'autre. L'organisation du travail, la généralisation souhaitable du régime cyclique restent largement hypothéquées par le niveau des effectifs.

La sécurité est donc une affaire d'effectifs. Il est impératif de crédibiliser les forces de l'ordre. Mais, dans certaines zones, les institutions policières et judiciaires n'appliquent pas la loi commune, moins par volonté délibérée que par incapacité à nouer un contact avec le territoire.

Là où la demande de sécurité est la plus forte, la réponse institutionnelle paraît souvent la plus faible.

En vérité, face aux insolences et à la dérision, les forces de l'ordre ont d'abord besoin de considération, ce qui suppose des moyens adaptés. Or, cette année encore, votre budget tend insidieusement à les transformer en entreprises de main-d'oeuvre temporaire et sous-qualifiée.

Au lieu de valoriser la fonction de policier, notamment au moyen de salaires plus attractifs, de la modulation des régimes de primes et de l'avancement, afin de mobiliser les policiers acceptant de servir dans les zones difficiles, votre budget met l'accent sur des emplois-jeunes, payés au SMIC, et dont l'avenir est incertain à l'issue du contrat de cinq ans.

M. Bruno Le Roux.

C'est de la cécité libérale !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

M. Franck Dhersin.

Dans votre budget pour 2000, les effectifs atteignent 115 127 agents, si l'on compte les policiers actifs et les policiers auxiliaires, soit une diminution - je dis bien : une diminution - de 2 111 agents, en pourcentage 1,83 %. En vérité, la police nationale doit faire face à un pic de départs en retraite pour un quart de ses effectifs entre 1999 et 2004.

M. Bruno Le Roux.

Quel manque d'anticipation !

M. Franck Dhersin.

Inéluctablement, cela signifie une diminution significative des personnels opérationnels.

M. Bruno Le Roux.

C'est vrai !

M. Franck Dhersin.

Vous nous dites que, pour y faire face, les personnels de formation augmentent. Certes ! Mais alors que près de 5 000 agents partent à la retraite, les écoles de police ne peuvent en former qu'environ 2 000 par an. Faites le calcul !

M. Bruno Le Roux.

Six mille ont été recrutés !

M. Franck Dhersin.

Il est vrai qu'à ces chiffres il faut ajouter ceux des adjoints de sécurité, qui sont des emplois-jeunes, prioritairement affectés dans les zones sensibles, et dont le recrutement se poursuivra en 2000 avec 4 150 adjoints supplémentaires. On atteindra ainsi, à la fin de l'excercice, 20 000 recrutements d'emploisjeunes dans la police.

M. Bruno Le Roux.

Bravo !

M. Franck Dhersin.

Mais, de fait, votre budget, au lieu de crédibiliser la police, la précarité encore un peu plus.

On est, en effet, en droit de se demander si ces jeunes de dix-huit à vingt-six ans, recrutés sans condition de diplôme et qui ne sont assujettis qu'à une formation initiale de six semaines en école ou en centre de formation de la police, complétée par deux semaines de formation sur le site d'affectation, sont en mesure de juguler la violence et la délinquance dans ces zones dites sensibles, pour ne pas dire de non-droit.

Il ne faut pas perdre de vue que les adjoints de sécurité ne sont pas destinés à pallier les insuffisances d'effectifs sur le terrain, voire à contourner certaines rigidités organisationnelles de la police nationale. En pratique, c'est pourtant ce que vous êtes en train de faire. Comme le souligne M. le rapporteur pour avis, il suffit de se promener dans les rues pour constater que les ADS sont omniprésents sur la voie publique, au point que l'on peut se demander où sont passés les policiers professionnels.

M. Bruno Le Roux.

C'est scandaleux de dire cela !

M. Franck Dhersin.

Finalement, monsieur le ministre, votre budget, en termes d'effectifs, ne fait que prendre acte de la situation. Pis, il l'avalise en se réfugiant derrière le recrutement d'adjoints de sécurité.

M. Laurent Dominati.

Très juste !

M. Franck Dhersin.

Il ne faudrait pas que ces derniers constituent des cache-misère.

M. Laurent Dominati.

C'est le cas !

M. Franck Dhersin.

Par ailleurs, si leur recrutement apparaît comme une solution de facilité, il ne doit pas pour autant masquer les préoccupations relatives à leur encadrement. Le taux d'encadrement d'un fonctionnaire actif pour trois ADS, qui semble être un minimum, compte tenu de leur manque de formation, est loin d'être atteint. Enfin, par ailleurs, je ne peux que vous mettre en garde contre le risque d'apparition d'une police à deux vitesses.

Concernant la police de proximité, je ne peux qu'encourager les mesures qui favorisent la présence sur le terrain, l'îlotage, car le rôle de la police est avant tout d'être là lorsque l'on a besoin d'elle, c'est-à-dire au quotidien.

Cependant, la police de proximité, mise en avant par votre budget, n'a de proximité que le nom.

M. Rudy Salles.

En effet !

M. Franck Dhersin.

Vous vous référez aux contrats locaux de sécurité. Très bien. Mais leur mise en oeuvre ne semble pas permettre une véritable politique locale de sécurité. En effet, les diagnostics de sécurité, ces études en profondeur d'une situation locale, ont été le plus souvent bâclés. Ils ne s'en tenaient qu'aux données statistiques sur la délinquance communiquées par la police et la gendarmerie.

De même, le partenariat, présenté comme un élément déterminant de la réussite, a parfois du mal à trouver son rythme, et la police va jusqu'à se plaindre de ne pas être directement associée à la signature de ces contrats.

Si quantitativement les CLS sont plutôt un succès, qualitativement il s'agit d'un échec. En effet, les CLS sont mis en place au nom de la proximité, mais ils n'en restent pas moins pilotés à l'échelon des préfets de département et non à un véritable niveau local.

En outre, les moyens ne semblent pas à la hauteur des ambitions affichées, car ce dispositif est conçu comme fonctionnant à moyens constants, alors que pour l'instant les départs à la retraite massifs chez les gardiens de la paix ne sont pas remplacés.

Mais surtout, ce que l'on attend d'une police de proximité, c'est qu'elle soit une police d'action. Il ne faut pas se leurrer, face à des individus de plus en plus violents et menaçants, qui agissent souvent en groupe, la seule présence, j'allais dire visuelle, ne peut suffire. La police communautaire américaine par exemple, qui est, elle, une véritable police de proximité, fonctionne parallèlement à la police nationale.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, puis-je vous interrompre ?

M. Franck Dhersin.

Je vous en prie.

M. le président.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. le ministre de l'intérieur.

Je veux simplement demander à M. Dhersin ce qu'il appelle une police communautaire.

M. Franck Dhersin.

La police communautaire version américaine, monsieur le ministre.

M. Bruno Le Roux.

C'est-à-dire ? On aimerait bien savoir !

M. Franck Dhersin.

La police communautaire agit au niveau des communes. Moi qui suis allé à Washington...

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Communautaire ou communale ?

M. Franck Dhersin.

Communale !

M. Franck Dhersin.

Pas communautariste !

M. le président.

Monsieur Dhersin, poursuivez votre intervention mais n'engagez pas de débat maintenant.

M. Franck Dhersin.

La police de proximité est un principe d'action. Transposée en France il faudrait donc concevoir la police de proximité comme regroupant toutes les actions de proximité, de la police nationale, comme des polices municipales.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

A l'évidence, votre budget, monsieur le ministre, est loin de se donner les moyens de cette politique et ne fait que confirmer la superficialité de la police de proximité à la française.

J'en viens aux collectivités locales.

Comme je vous l'ai déjà fait remarquer concernant la prise en compte du recensement de 1999, l'évolution des principales dotations est très en deçà de ce que le Gouvernement peut faire. Sans revenir sur les mesures de lissage dont la durée est à l'évidence excessive, la faiblesse de l'enveloppe de dotation de solidarité urbaine versée aux communes abritant des quartiers difficiles est critiquable, surtout en période de forte croissance comme actuellement.

En effet, la loi du 12 juillet 1999 relative à l'organisation et à la simplification de la coopération intercommunale modifie en profondeur l'architecture et les règles de calcul de la dotation d'intercommunalité des EPCI à fiscalité propre. Ainsi, la dotation par habitant des nouvelles communautés d'agglomération s'élève à 250 francs. A ce titre, vous prévoyez un prélèvement sur les recettes de l'Etat de 500 millions dans le PLF 2000.

Or l'ensemble des acteurs locaux s'accorde à dire que cette somme est notoirement insuffisante.

M. le président.

Veuillez conclure !...

M. Franck Dhersin.

Par ailleurs, l'indexation de la compensation de la part salariale de la taxe professionnelle, supprimée l'an prochain à hauteur des deux cinquièmes - la réforme de 1998 s'étalant sur cinq ans -, est un autre sujet qui fâche. En effet, il n'est prévu qu'une indexation de 0,8 %, alors que les élus locaux étaient en droit de s'attendre à une indexation de 2 %.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Mais non, c'est 2,05 %. L'Assemblée l'a voté !

M. Franck Dhersin.

Votre budget confirme donc la frilosité de l'Etat quand il s'agit de donner aux collectivités locales les moyens de supporter les charges qui leur incombent.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Vous racontez n'importe quoi !

M. Franck Dhersin.

Par conséquent, pour l'ensemble de ces raisons, qu'elles touchent à la police, à la sécurité ou aux collectivités locales, le groupe Démocratie libérale, m onsieur le ministre, votera contre votre budget.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. René Dosière, rapporteur pour avis.

Ce sera plus sérieux !

M. Bruno Le Roux.

Mais est-il allé à Washington ?

M. Jacques Brunhes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité des biens et des personnes est un droit fondamental.

C'est aussi une préoccupation majeure de nos concitoyens. Ainsi, un sondage réalisé cet été en Ile-de-France révèle que le problème prioritaire des Franciliens, pour 52 % d'entre eux, est la sécurité, devant l'emploi et l'environnement. Mais, au-delà de l'Ile-de-France, c'est l'ensemble de nos concitoyens qui éprouvent un sentiment croissant et bien réel d'insécurité.

Les statistiques ne rendent qu'imparfaitement compte de la réalité. Elles ne comprennent que les faits pénalement qualifiés et qui ont donné lieu à dépôt de plainte.

Or les actes d'incivilité non comptabilisés tels que les insultes, les attitudes provocantes, les chiens menaçants, les rassemblements de bandes, les tapages nocturnes et le vandalisme générent ce sentiment d'insécurité aussi bien dans les quartiers sensibles que sur d'autres espaces moins exposés, y compris les espaces ruraux.

Je n'entends pas, comprenez-moi bien, monsieur le ministre, inverser l'ordre des facteurs. La délinquance n'est pas et ne sera jamais l'inéluctable réponse au sentiment de l'injustice sociale et de l'exclusion. Elle constitue même une inégalité supplémentaire pour les plus fragiles.

Il ne fait cependant aucun doute que le chômage durable, la précarité, le creusement des inégalités, l'éclatement des structures familiales, les obstacles à l'intégration, l'urbanisme de relégation, que nous a légué essentiellement la droite...

M. Laurent Dominati.

Non, le Parti communiste dans les banlieues rouges !

M. Jacques Brunhes.

Voyez plutôt ce qu'a fait M. Balkany à Levallois, voyez ce que fait M. Sarkozy à Neuilly, voyez ce qui se fait à Saint-Maur, où on refuse les logements sociaux !

M. Laurent Dominati.

Et toutes ces cités inhumaines que vous avez construites en Seine-Saint-Denis ou dans le Val-de-Marne !

M. Jacques Brunhes.

C'est une véritable politique d'apartheid social que vous avez organisée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Laurent Dominati.

Un peu de pudeur. Vous avez fait de l'urbanisme collectiviste !

M. Jacques Brunhes.

L'urbanisme de relégation qui sévit et que la droite a mis en place, l'affaiblissement des valeurs républicaines qui accompagne la crise morale de la société sont autant de phénomènes qui créent un terrain favorable à la délinquance, à l'explosion des comportements agressifs, violents.

M. Rudy Salles.

Ce n'est pas sérieux !

M. Jacques Brunhes.

Le résultat, monsieur le ministre, est dramatique. Il génère des règles de vie et des stratégies qui sont de moins en moins celles d'un véritable pacte républicain.

En ce sens, je me permets d'attirer votre attention sur le dernier recensement. Il mérite une analyse fine.

Cette photographie montre le risque de marginalisation des territoires en voie d'appauvrissement et de paupérisation, notamment dans les banlieues de tradition industrielle et ouvrière, au sein même d'agglomérations plus prospères. L'apartheid social revêt de plus en plus la forme d'un apartheid spatial.

M. Gérard Saumade, rapporteur pour avis.

Très bien vu !

M. Jacques Brunhes.

La petite couronne de Paris, avec 4 millions d'habitants, est stable mais inégalement. Le recul est parfois impressionnant dans tous les « secteurs stratégiques de redéveloppement », comme on les appelle.

Beaucoup de villes à forte composante « sociale » se dépeuplent et se « ghettoïsent » de façon spectaculaire par le jeu conjugué de différents facteurs parmi lesquels, et souvent en premier lieu, l'insécurité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

La solution, monsieur le ministre, n'est pas de votre seul ressort. J'ai le sentiment que les « banlieues » - pour employer un terme que je n'aime pas beaucoup - pourraient devenir le support privilégié de la recomposition de la ville sur elle-même si un pouvoir fort, interministériel, de la politique de la ville le décidait et le mettait en oeuvre de façon efficace.

M. Renaud Dutreil.

Les Soviets !

M. Jacques Brunhes.

Pour en revenir à votre département ministériel, monsieur le ministre, le sentiment d'insécurité traduit aussi l'image qu'ont nos concitoyens des capacités des forces de l'ordre et de la justice à traiter des problèmes de délinquance.

En France, entre la police nationale, la gendarmerie nationale, les sociétés de gardiennage, les polices municipales, les adjoints de sécurité, les agents locaux, les appelés volontaires, près de 350 000 personnes concourent, sous des formes diverses, à la sécurité des personnes et des biens. La population n'est-elle pas légitimement en droit de s'interroger sur l'efficacité des uns et des autres ? Le risque serait lourd de s'en tenir aux seules solutions d'urgence ou à de nouveaux expédients sécuritaires susceptibles de contenter une partie de l'opinion hantée par l'idée d'un retour au « tout répressif » mais ne répondant pas aux besoins et au droit à la sécurité.

Ne devons-nous pas approfondir une réflexion solide pour définir un type de service public national de police ? N'y a-t-il pas urgence à revoir l'organisation, la pratique, les missions de ce service public pour que l'Etat soit en capacité d'assumer une de ses missions régaliennes, à savoir une politique de sécurité publique dont l'efficacité suppose de plus en plus un travail partenarial entre institutions publiques, associations, citoyens, dans le respect des responsabilités de chacun ? Cette réflexion en profondeur à laquelle nous sommes pleinement partie prenante, vous l'avez engagée avec le Gouvernement, monsieur le ministre, dans l'esprit du colloque de Villepinte des 24 et 25 octobre 1997 : « Des villes sûres pour des citoyens libres », dont les orientations ont été arrêtées par plusieurs conseils de sécurité inté rieure visant à augmenter les effectifs de police dans les départements très sensibles et à transformer en profondeur les conditions d'exercice de la police nationale par l'introduction d'une véritable police de proximité. Nous y souscrivons. Je puis témoigner de la qualité de cette nouvelle orientation et de son efficacité au niveau local.

C'est dans cet esprit qu'ont été signés plus de 300 contrats locaux de sécurité et que plusieurs centaines sont en passe de l'être. Il faut bien constater néanmoins qu'ils sont inégaux et que l'Etat n'apporte pas toujours ce que l'on serait en droit d'espérer. Claude Billard interviendra sur ce sujet.

Les assises nationales, dont vous nous avez annoncé la tenue en mars prochain, permettront de faire un bilan et, peut-être, de tendre à la généralisation des expériences en cours.

Mais, monsieur le ministre, pour en revenir à votre budget, je m'interroge : avez-vous les moyens de votre politique ? Une gestion décentralisée comme vous le proposez ne suffit pas en elle-même.

Votre budget est en progression de 3 %. Nous le prenons en compte quand l'ensemble des budgets dits dépensiers n'augmentent que de 0,3 %. Cependant, cette augmentation ne nous satisfait pas pleinement.

En effet, les crédits proposés stabilisent au mieux à 113 000 le nombre d'agents titulaires actifs de la police nationale, alors que 25 000 fonctionnaires vont partir à la retraite dans les cinq ans et qu'aucun plan de recrutement n'est prévu pour combler ce vide.

Dans le schéma, ce sont les ADS qui assurent l'augmentation des effectifs. Peut-on penser raisonnablement, monsieur le ministre, que ces jeunes sans statut, sans véritable formation pourront assumer une mission aussi difficile que celle qui leur est proposée ? N'est-il pas temps de se préoccuper davantage d'eux, qui pour la plupart considèrent cet emploi précaire comme un point d'appui pour obtenir un véritable emploi statutaire dans l'avenir ? Je m'interroge, avec les policiers eux-mêmes, sur l'avenir d'un service public de sécurité pour demain.

N'est-il pas à craindre que la police de proximité se résume à quelques CRS, gardes-mobiles, adjoints de sécurité encadrés par des tuteurs policiers ou membres des polices municipales et que l'on cantonne la police nationale dans un « tout judiciaire » privilégiant la répression au détriment de la sécurité et la tranquillité publiques ? Si nous nous félicitons de l'abandon du projet de redéploiement des forces de police nationale et de gendarmerie, nous ne pouvons accepter la fermeture encore prévue de commissariats dans des circonscriptions de sécurité publique importantes. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre ? Nous avons toujours à l'esprit que des villes aussi importantes que Villejuif, par exemple, dont M. Billard parlera ce soir, qui connaissent de très gros problèmes sociaux, sont privées de commissariat de police ! Enfin, la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité prévoyait 5 000 emplois administratifs. Ce n'était pas un chiffre lancé à la légère. Or on s'est arrê té à 1 250 recrutements en 1995. N'est-ce pas la traduction d'une difficulté à réformer en profondeur l'administration de la police nationale ? Monsieur le ministre, ces observations générales, sur l esquelles reviendront d'autres intervenants de mon groupe, ne visent pas à remettre en cause le budget que vous nous proposez, et que nous voterons. Elles nous amènent à vous dire avec force que le moment est venu d'un nouvel espace de réflexion, avec tous les partenaires, pour parfaire demain la police de proximité et pour donner à la police républicaine les moyens d'assumer pleinement ses missions au sein d'un service public, réorganisé et moderne. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3 DÉSIGNATION DE CANDIDATS À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président.

J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement de deux membres de l'Assemblée nationale au sein de la commission centrale de classement des débits de tabac.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter les candidats a été confié à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1999

Les candidatures devront être remises à la présidence avant le mercredi 17 novembre 1999, à dix-huit heures.

4

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président.

Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : Intérieur.

Sécurité : M. Tony Dreyfus, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 32 au rapport no 1861) ; Police : M. Louis Mermaz, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1865, tome II) ; Sécurité civile : M. Renaud Dutreil, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1865, tome III) ; Collectivités locales : M. Gérard Saumade, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 33 au rapport no 1861) ; M. René Dosière, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et d e l'administration générale de la République (avis no 1865, tome IV).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT