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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 8981).

ENVIRONNEMENT M. Yves Cochet, suppléant M. Michel Suchod, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission de la production ; M. le président.

MM. Bernard Deflesselles, Jacques Pélissard, Jean-Michel Marchand, Mmes Annette Peulvast-Bergeal, Anne-Marie Idrac,

MM. Patrick Malavieille, Michel Lefait, Jean Vila, Daniel Marcovitch, Jean-Pierre Brard.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

R éponses de Mme la ministre aux questions de : MM. Robert Galley, Jacques Pélissard, François Goulard.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9007).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

ENVIRONNEMENT

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, concernant l'environnement.

La parole est à M. Yves Cochet, suppléant M. Michel Suchod, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Yves Cochet, suppléant M. Michel Suchod, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, madame la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, mes chers collègues, l'année dernière, le rapporteur spécial, M. Suchod, qui a dû partir à Berlin et que je remplace au pied levé,...

M. Jean-Pierre Brard.

Oui, mais avec talent ! (Sourires.)

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Vous allez voir, monsieur Brard ! (Sourires.)

... le rapporteur spécial se félicitait donc de la consolidation budgétaire et de l'innovation fiscale qu'apportait la loi de finances pour 1999.

Je m'attacherai d'abord, pour savoir si cette joie était justifiée, à dresser un bilan rapide du budget de 1999, à l'aune de la consommation des crédits et des réalisations du ministère. Puis, je vous ferai part de mes satisfactions quant au projet de budget pour l'année 2000, à savoir le renforcement des crédits et des moyens humains ainsi que la consolidation des structures du ministère et l'élargissement de la TGAP. Enfin, au titre d'élu et de militant, je ne manquerai pas de souligner quelques limites de ce budget concernant le bruit, les déchets et les phosphates.

M. Jean-Pierre Brard.

Qui aime bien châtie bien ! (Sourires.)

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

En 1999, votre budget, madame la ministre, a progressé de 14,8 %, hors effet de la création de la TGAP. Cette année, il bénéficie à nouveau d'une augmentation sensible : 8,6 %. Je suis évidemment très heureux de cette évolution.

Se pose maintenant la question du bilan pour l'année qui s'achève. Vous avez disposé de crédits estimés à 1 881,5 millions de francs, c'est-à-dire davantage que ce que prévoyait la loi de finances initiale. Vous avez également réussi à attacher votre nom, et le nôtre, à la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes. On a pu dire ainsi que 1999 était l'an I de la fiscalité écologique, et je ne doute pas que l'année 2000 en sera l'an II. Par là même, et pour reprendre le titre de votre livre-manifeste, vous avez osé « l'écologie et la solidarité ».

E n effet, en application du principe « pollueurpayeur », l'introduction de la TGAP vise d'abord un objectif écologique : par la détermination de son assiette et de ses taux, elle tend à orienter les comportements des agents économiques et à dissuader, par un effet-prix, ceux qui présentent le plus de risques pour l'environnement.

Se substituant dans un premier temps à cinq taxes existantes, la TGAP a désormais acquis sa place dans le paysage fiscal français.

A cet égard, je me félicite que les dispositions relatives à la TGAP figurent désormais dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale et non plus dans les projets de loi de finances. Ainsi, tout le monde peut se rendre compte que la taxe générale est non pas une punition ou un impôt de plus mais un vecteur de solidarité sociale, puisque les revenus de cette taxe sont utilisés pour réduire d'autres impositions, notamment celles qui pèsent sur le travail. C'est ainsi que le produit de la TGAP ne constituera plus en 2000 une recette du budget de l'Etat mais sera affecté à la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Reste que ces satisfactions ne sauraient être totales si elles ne sont pas durables. C'est ce qui m'amène à analyser ce nouveau projet de budget pour l'année 2000.

J'y note trois avancées majeures : la poursuite du renforcement des moyens du ministère, l'élargissement de la TGAP, la régulation budgétaire et l'ADEME.

Cette année, le projet de budget va dans le sens de deux améliorations majeures.

D'un point de vue quantitatif, le budget augmentera à nouveau sensiblement en 2000. Les crédits s'élèveront à 4 297,6 millions de francs, soit une progression de 8,6 % à comparer à l'augmentation limitée à 0,9 % de l'ensemble du budget de l'Etat. Près de 54 % de ce budget sera consacré à des mesures nouvelles. Plus des trois quarts de celles-ci concernent l'action en faveur de la prévention de la pollution et les risques.

Plus précisément, les crédits consacrés au soutien des politiques environnementales constituent une nouveauté dans la présentation du budget de l'environnement. Ils résultent en fait de la fusion de trois agrégats antérieurs, à savoir de l'administration générale, de la connaissance de


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l'environnement, et de la coopération internationale et la recherche. Les crédits inscrits dans ce nouvel agrégat augmenteront fortement en 2000 - 19 % - en dépenses ordinaires et crédits de paiement, passant de 836,7 à 995,5 millions de francs. En revanche, les autorisations de programme sont en recul de 8 %. La consolidation du ministère est en passe de devenir une réalité.

L'essentiel de cette augmentation s'explique par la progression des effectifs. Ainsi, le projet de budget 2000 prévoit la création de 140 emplois nets et 70 transferts, soit une augmentation de 16 %. Enfin, la rebudgétisation des crédits de rémunération d'ingénierie publique et des fonds de concours correspondants entraîne l'inscription de près de 50 millions de crédits supplémentaires, soit près du tiers de l'augmentation des dépenses du personnel l'année prochaine. Ce renforcement des effectifs poursuit l'enracinement du ministère de l'environnement dans le paysage administratif, mené depuis plusieurs années.

Ce renforcement n'est pas seulement quantitatif. Il présente aussi un aspect qualitatif important. Celui-ci est particulièrement illustré par la création d'une nouvelle structure au sein de l'administration centrale du ministère : la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale. Cette nouvelle direction sera chargée, en relation avec chaque direction ou délégation du ministère, de l'évaluation des politiques publiques au regard de critères touchant l'environnement et le développement durable du territoire. Elle mènera également des missions de réflexion interministérielle, de sensibilisation et de conseil auprès des acteurs socio-économiques.

En termes de moyens de fonctionnement, cette direction se voit attribuer 8 millions de francs de crédits pour assurer sa mise en place.

En matière de connaissance de l'environnement, l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, est promis à jouer un rôle essentiel. Chargé d'élaborer et de diffuser la d ocumentation et l'information sur l'environnement, l'IFEN fournit aux divers publics concernés les éléments pour suivre les évolutions, définir les objectifs et, bien sûr, évaluer l'efficacité des politiques mises en oeuvre. Service statistique du ministère de l'environnement, l'établissement constitue aussi un centre de ressources pour les services statistiques des autres ministères avec lesquels il est appelé à travailler en complémentarité.

Dans le domaine de la recherche, les crédits alloués au ministère de l'environnement relèvent du budget civil de la recherche et du développement. En 2000, ces crédits s'élèveront à 82,4 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une augmentation de 0,9 %. Enfin, cette dynamique environnementale trouve une concrétisation supplémentaire avec le développement du fonds de solidarité pour l'eau, après une année entière de lutte assidue.

S'agissant de la TGAP, le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte trois types de mesures : les premières modifient les taux de la TGAP existante, les deuxièmes étendent son champ d'application à de nouvelles accises et la troisième affecte le produit global de la taxe à l'allégement des cotisations patronales de sécurité sociale. L'augmentation des taux existants et l'affectation du produit de la TGAP à la réforme des cotisations patronales ne posent pas de problème pour nous.

C'est ce qu'on appelle le concept du double dividende : l'un est obtenu par l'effet prix, qui tend à inciter les pollueurs à moins polluer, l'autre par la redistribution sociale en participant au financement de l'allégement des cotisations patronales. Certains rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont même allés jusqu'à parler d'un triple dividende... (Sourires.)

Admettre le double dividende, c'est déjà bien ! Notons au passage que la paternité de ce concept fait l'objet d'une petite querelle : pour certains, c'est M. Malinveaud qui en serait à l'origine, pour d'autres, il s'agirait d'Alain Lipietz. Je ne sais comment trancher entre ces deux grands économistes !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Un problème de paternité !

M. Jean-Michel Marchand.

On verra ce que l'histoire retiendra !

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

En effet, laissons à l'histoire le soin de trancher ! Enfin, votre rapporteur spécial peut relever deux autres motifs de satisfaction en ce qui concerne les deux craintes qu'il avait exprimées l'année dernière, quant à l'importance des mesures de régulation budgétaire frappant le budget de l'environnement et quant à la pérennité des subventions destinées à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, à la suite de la disparition de ses ressources propres en raison de la création de la TGAP.

Cela étant, ce budget nous laisse quelques regrets et donc quelques attentes pour le prochain.

S'agissant de la TGAP, l'utilisation des taxes et des redevances sur les installations classées pour la protection de l'environnement comme élément de la TGAP nous laisse un double regret. D'abord, la nécessité d'égaliser la taxation entre les décharges internes et les décharges externes n'est toujours pas prise en compte. Par ailleurs, nous déplorons l'absence de redevances sur les installations nucléaires de base. En outre, cette redevance, qui s'élèverait seulement à 600 millions de francs est budgétisée.

M. Robert Galley.

C'est pour l'effet de serre ?

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Souhaitezvous ouvrir un débat sur le nucléaire, monsieur le ministre ? Ne croyez-vous pas que les INB devraient être assimilés à des installations classées ?

M. Robert Galley.

Je ne réponds pas. Vous avancez des choses qui ne correspondent pas à la réalité !

M. le président.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Sachez, monsieur le ministre, que j'ai l'intention de déposer à nouveau un amendement visant à débudgétiser la taxe sur les INB, dans le cadre aussi bien du projet de loi de finances que du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je souhaiterais d'ailleurs qu'il en soit de même pour les usines d'incinération qui font de la valorisation énergétique.

S'agissant de la taxation des lessives phosphatées, nous sommes assez fiers comme vous sans doute, madame la ministre, de la mise en place de trois catégories de toxicité des lessives. Mais le dispositif présente quelques insuffisances. Ainsi, il n'est pas normal, à notre avis, qu'il n'y ait pas une tranche à taux zéro concernant la teneur en phosphates. En effet, il ne faudrait pas percevoir de taxe s'il y a peu ou pas de pollution,...

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !


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M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

... faute de quoi il ne s'agirait plus d'une pollu-taxe. A cet égard, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale sur cette question a aggravé le dispositif proposé initialement par le Gouvernement sur la TGAP, dispositif que je soutenais.

M. Jean-Pierre Brard.

Très bien !

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Enfin, la toxicité des engrais appelle une taxation à l'excédent. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie nous a promis d'introduire cette disposition dans la réforme des redevances pour l'année 2001-2002. Au moment voulu, nous le lui rappellerons.

Au total, on constate un bon nombre de dossiers en progrès mais aussi quelques promesses et une immense attente. Le rapporteur spécial que je suis, à la place mais en complémentarité de M. Suchod, en prend acte. Le député Vert que je suis aussi s'en enthousiasme, dans la satisfaction de voir se concrétiser quelques-unes de nos batailles de longue date et dans l'espoir que les autres ne m anqueront pas de trouver l'adhésion de tous les membres de la majorité plurielle.

Ce sont les premiers pas vers un concept qui nous est cher, celui du développement durable. C'est pourquoi je vous appelle, madame la ministre, à défendre nos positions notamment lors des prochaines négociations de l'OMC et lors de la prochaine présidence française de l'Union européenne.

Chers collègues, je vous demande de voter ce budget prometteur.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard.

Enthousiasme sans ivresse !

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Je n'ai pas encore bu à cette heure-ci, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges.

Madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2000 confirme que la protection de l'environnement constitue désormais une des principales priorités de l'action gouvernementale. Les crédits de l'environnement sont en progression de 8,6 % par rapport à 1999 qui a marqué une rupture avec la période précédente, sous les gouvernements de droite, au cours de laquelle le budget de l'environnement était réduit à la portion congrue.

M. Bernard Deflesselles.

C'est faux !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Je me félicite donc que le ministère de l'environnement soit, non plus un ministère d'affichage écologique avec un budget modeste comme pouvait le regretter voilà deux ans encore, Nicole Bricq, alors rapporteur pour avis, mais désormais un ministère de plein exercice.

Ainsi, la progression des dotations budgétaires permettra en particulier d'asseoir l'autorité technique du ministère par la création d'une nouvelle direction centrale charg ée des études économiques et de l'évaluation environnementale, structure transversale qui devrait parmettre d'inscrire l'exigence environnementale au coeur de toutes les politiques publiques.

Parmi ses attributions, la D4E, comme on l'appelle déjà, aura la tutelle de l'Institut français de l'environnement - IFEN -, dont la dotation budgétaire est en forte hausse, et de la commission des comptes de l'économie et de l'environnement. La D4E constituera donc une unité permanente de conseil et d'assistance dans la négociation, la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques ayant un impact environnemental, mais aussi de mesure sur le long terme des incidences environnementales des choix gouvernementaux.

Madame la ministre, lors de la réunion de la commission de la production et des échanges, vous avez annoncé la sortie prochaine d'un décret en Conseil d'Etat fixant les nouvelles attributions de la nouvelle direction. Pouvezvous, notamment, nous indiquer si la D4 E pourra s'autosaisir et expertiser de sa propre initiative les politiques publiques ? Dans le même temps, la capacité d'expertise mise au service d'une politique déconcrentrée de l'environnement est affirmée notamment à travers le renforcement des DIREN et du volet environnement des contrats de plan

Etat-régions. Créés en 1991 en métropole et en 1994 dans les DOM, les DIREN constituent, en effet, un rouage essentiel de l'action du ministère dans ses missions d'expertise et de contrôle. Cependant, même si le champ d'application de leurs prérogatives est important, la réalité du pouvoir des DIREN était relative, jusqu'à il y a peu de temps encore, du fait d'un manque de volonté politique et budgétaire.

Dès 1998, une modernisation a été entreprise qui se poursuivra en 2000 avec la création de 36 postes, une progression des crédits de matériel et de fonctionnement de près de 20 % et une progression des crédits d'investissement de plus de 40 %. En outre, les crédits qui seront affectés par l'Etat au v olet environnement des contacts de plan Etatrégions 2000-2006 doublent par rapport à la génération précédente pour s'établir à 2,6 milliards de francs. A cette somme doivent s'ajouter les dotations finançant les grands programmes inter-régionaux - Plan Loire grandeur nature, territoire Saône-Rhin, Mont-Saint-Michel.

La prévention des pollutions, des nuisances et des risques naturels connaît une progression globale de 4,4 %. Les autorisations de programme proposées pour l'INERIS et pour l'ADEME progressent respectivement de 24 % et 8 %. Les crédits affectés à la prévention des risques naturels sont en augmentation de 13,6 % ; les quatre cinquièmes sont consacrés à l'établissement de plans de prévention des risques naturels prévisibles - les PPR - et aux dossiers c ommunaux synthétiques, en vertu de la loi du 2 février 1995. On notera que les autorisations de programme inscrites au nom de la prévention des risques naturels font plus que doubler pour l'année 2000.

L'ensemble des dépenses ordinaires et des crédits de paiement relatifs à la lutte contre la pollution atmosphérique progresse de 8,1 %. Plus de la moitié de ces créditss ont destinés à la mise en oeuvre de la loi du 30 décembre 1996. On ne peut cependant que regretter, madame la ministre, le retard dans la mise en place des plans de déplacements urbains, les PDU, qui doivent constituer, de mon point de vue, le coeur de la lutte contre la pollution atmosphérique au même titre que la lutte contre le bruit. Peut-on envisager des mesures dans le cadre de la future loi urbanisme-habitat et déplacement afin de dynamiser la mise en place des PDU ? En outre, si l'application de la loi sur l'air est satisfaisante, je suis au regret de constater que, du côté notamment du ministère des transports, de l'équipement et du logement, certains décrets et arrêtés ne sont toujours pas publiés. A l'occasion de la discussion de votre


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budget, je souhaiterais, madame la ministre que vous puissiez faire le point sur la mise en oeuvre des engagements pris par la France à Kyoto il y a deux ans.

Par ailleurs, les crédits consacrés à la prévention des risques industriels affichent une progression de près de 40 % et vont permettre la mise en oeuvre de la directive Seveso II concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses.

La lutte contre le bruit est une exigence essentielle car, de toutes les nuisances, c'est incontestablement celle qui perturbe le plus la vie quotidienne de nos concitoyens.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

C'est exact !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

M. Lamure, dans un rapport sur la résorption des points noirs du bruit dus aux transports terrestres, qui vous a été remis en décembre dernier, madame la ministre, montre les conséquences néfastes de l'exposition au bruit pour la santé humaine ainsi que la progression de l'inégalité sociale face à cette nuisance. En effet, le bruit est devenu un critère de choix essentiel pour le logement. On sait que les populations les plus fragiles socialement sont les plus exposées aux nuisances sonores et l'on constate la paupérisation croissante des zones les plus bruyantes.

La lutte contre le bruit doit devenir une priorité nationale car cette nuisance est ressentie de façon très aiguë par nos concitoyens. En tant que nouveau président du conseil national du bruit, je ne peux que regretter que la politique du bruit soit encore le parent pauvre des actions budgétaires de prévention contre les pollutions et les nuisances.

En effet, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement affectés à la lutte contre le bruit dépassent à peine 20 millions de francs, soit 0,9 % des dépenses consacrées par le ministère à la prévention des pollutions et des risques, même si l'on ne peut que se réjouir de l'augmentation significative, 44 %, des autorisations de programme dans ce domaine.

De même, je m'inquiète de la part insignifiante consacrée au bruit dans le volet environnement des futurs contrats de plan Etat-régions. Ainsi, 4 millions de francs seulement des 200 millions de dotations d'Etat seront utilisés dans la lutte contre le bruit en région PACA durant la période 2000-2006. Cela ressort de la réponse que Michel Vauzelle m'a adressée à la suite du courrier que j'avais envoyé, en ma qualité de président du CNB, à l'ensemble des présidents des conseils régionaux.

Comment voulez-vous dès lors, madame la ministre, que l'on puisse corriger en dix ans les situations existantes si l'Etat n'est plus incitatif ? Si votre ministère n'est pas le seul concerné, et de loin, je le sais bien, il faut qu'à votre initiative la lutte contre le bruit soit au coeur des préoccupations de l'action gouvernementale. La qualité de vie de nos concitoyens en dépend.

J'en viens aux moyens budgétaires prévus pour l'ADEME en 2000.

Les nombreuses critiques émises dans un passé récent à l'encontre de la gestion de l'ADEME ne sont plus de mise. En effet, un effort significatif de réduction des dépenses publiques a été réalisé s'agissant des déchets, en partie compensé, pour les collectivités locales, par la baisse de la TVA.

Les autorisations de programme accordées à l'agence au titre des subventions d'investissement représentent 40 % du budget total de l'environnement et sont en hausse de 7,8 %. Par ailleurs, la création de la TGAP a entraîné la suppression des cinq taxes fiscales et parafiscales dont l'une sur le bruit et une autre sur les déchets que l'ADEME était chargée de percevoir et de gérer. Cette suppression a été compensée par une dotation budgétaire.

Néanmoins deux inquiétudes se font jour sur la capacité de l'ADEME à assurer, pour l'exercice 2000, ses missions en matière d'aide aux riverains d'aérodromes et de gestion des déchets ménagers.

Les dotations consacrées à l'isolation acoustique des biens immobiliers situés au voisinage des aéroports sont reconduites au niveau de celles de 1999, à hauteur de 84,5 millions de francs, alors que les besoins pour 2000 seront d'au moins 120 à 150 millions de francs au vu des dossiers actuellement à l'instruction et des besoins futurs estimés. Cette situation est inacceptable. Les mesures positives prises par le Gouvernement qui ont permis l'augmentation du nombre des ayants droit à l'aide à l'insonorisation des habitations et des équipements d'enseignement et de santé, doivent être financées.

Par ailleurs, la simplification louable des procédures d'instruction des dossiers d'aides doit permettre de satisfaire plus rapidement les riverains qui subissent les nuisances. Encore faut-il que l'ADEME dispose des crédits nécessaires, car elle ne pourra plus, en 2000, jouer sur des redéploiements comme elle a pu encore le faire cette année.

L'insonorisation des habitations qui sont soumises à des nuisances de plus en plus fortes du fait du développement du trafic aérien ne peut être considérée comme un luxe : c'est un droit ! L'insuffisance des crédits conduira à une situation inacceptable d'attente pour les riverains d'aérodromes.

La stagnation des crédits consacrés à la politique de gestion des déchets ménagers et assimilés suscite le même type d'inquiétude. Alors que les collectivités locales sont mobilisées pour mettre en oeuvre les plans départementaux d'élimination et préparer l'échéance de 2002 qui verra la fin de la mise en stockage des déchets non ultimes, l'ADEME se trouve aujourd'hui saisie de nombreuses demandes de soutien financier à des opérations de collecte sélective, de traitement, de recyclage et d'élimination des déchets. La simple reconduction des crédits de 1999 ne pourra donc suffire, malgré l'effet cumulatif de la baisse du taux de TVA et la mise en place d'instruments plus incitatifs par les sociétés Eco-emballage et Adelphe.

En effet, cette année, le budget initial de 811 millions de francs a été abondé par 320 millions de francs de redéploiements, soit une ressource finale disponible de 1 231 millions de francs qui n'est déjà pas suffisante. Il manquerait encore près de 200 millions de francs. Selon les estimations autorisées, l'impasse pourrait atteindre 654 millions de francs en 2000.

Madame la ministre, il est impératif qu'à l'occasion du prochain projet de loi de finances rectificative, l'ADEME obtienne les moyens supplémentaires nécessaires pour remplir pleinement ses missions, dans les domaines du bruit et des déchets, car, vous le savez, elle sera dans l'incapacité de redéployer des crédits dans les mêmes proportions que cette année. Par ailleurs, cet abondement indispensable sera favorable à l'emploi. Madame la ministre, je souhaite que vous puissiez nous donner des assurances à ce sujet.

Les dépenses affectées à la protection de la nature, des sites et des paysages progresseront en 2000 de près de 13 %. Un effort important en direction des zones


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naturelles sensibles est mené, répondant aux exigences communautaires et permettant de combler le retard pris par le précédent gouvernement.

Ainsi, le fonds de gestion des milieux naturels, le FGMN, créé par la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, doté pour la première fois, par anticipation, dans la loi de finances pour 1999, bénéficie d'une progression de plus de 26 % par rapport à l'année précédente. Cela permettra de combler le retard pris par le précédent gouvernement pour la détermination des sites du réseau Natura 2000 et de poursuivre le soutien aux parcs naturels régionaux, les PNR, aujourd'hui au nombre de trente-sept. Trois nouveaux parcs - et je m'en félicite devraient être créés en 2000, dont l'un, celui des Trois Forêts, me tient particulièrement à coeur.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

A moi aussi, ainsi qu'au président Houillon.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Bien sûr !

Mme Anne-Marie Idrac.

A moi également !

M. le président.

Puisque je suis cité, je profite de cet intermède pour vous indiquer, monsieur le rapporteur, que j'ai déjà été d'une grande indulgence. En effet, vous avez largement dépassé votre temps de parole. Si vous pouviez vous diriger vers votre conclusion, je m'en réjouirais.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

C'est le privilège du rapporteur de pouvoir dépasser son temps de parole, mais je ne vais pas en abuser, rassurez-vous.

M. le président.

Pour l'instant, vous en abusez un peu.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Je poursuis, si vous le permettez.

Pour leur part, les crédits alloués aux parcs nationaux augmentent de 5 % en dépenses ordinaires et de près de 15 % en subventions d'investissement. Cela sera, en particulier, utilisé pour financer l'ouverture du nouveau parc national en Corse, ce qui pourra constituer un moyen original et nécessaire de renforcement de l'Etat de droit sur l'île, en permettant de prévenir les dérives urbanistiques que nous avons à déplorer. Cette augmentation aidera les sept parcs existant à poursuivre leur modernisation.

De plus, je me félicite qu'un effort particulier soit engagé en direction des zones périphériques en vue de sauvegarder le patrimoine naturel et de réhabiliter le patrimoine rural.

Le projet de budget du conservatoire du littoral et des rivages lacustres se caractérise par une quasi-stabilité, même si un transfert important de la section investissement à la section fonctionnement a été opéré afin de favoriser la création de cinq postes supplémentaires.

Cependant, madame la ministre, cette manière de procéder ne doit être que conjonctuelle. En effet, si un effort significatif n'était pas entrepris dès l'année prochaine, les missions assignées au conservatoire s'en trouveraient affectées...

M. le président.

Monsieur le rapporteur, vous avez déjà dépassé de près de 50 % votre temps de parole.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

... tandis que l'on observe un net ralentissement de l'acquisition foncière.

M. le président.

Il faudrait véritablement conclure maintenant.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Je n'en ai plus pour longtemps, monsieur le président.

M. le président.

Peut-être, mais je vous demande de conclure, parce que vous avez dépassé de 50 % votre temps de parole.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Ce budget est si riche, monsieur le président, que je tiens à valoriser les points positifs et à poser les questions nécessaires.

M. le président.

Je tiens à ce que vous teniez compte de ce que je dis.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Je poursuis.

Je n'en ai plus pour longtemps, je vous l'assure.

M. le président.

C'est déjà trop long.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Je disais donc que si un effort significatif n'était pas entrepris dès l'année prochaine, les missions assignées au conservatoire s'en trouveraient affectées tandis que l'on observe un net ralentissement de l'acquisition foncière et que des investissements importants sont programmés pour les prochaines années. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point également, madame la ministre ? Je me félicite en outre de la forte augmentation des dépenses de fonctionnement consacrées à la protection des sites et paysages qui montre que le Gouvernement fait de cette action un axe important de sa politique environnementale.

Parallèlement à cet important effort budgétaire, la mise en place d'un nouveau compte social du Trésor alimentant le fonds national de l'eau et mettant en place des mécanismes de solidarité, ainsi que la montée en puissance de la TGAP illustrent la capacité du ministère à mettre en place de nouveaux instruments au service de l'environnement. La création du compte spécial du Trésor permettra une rationalisation du soutien budgétaire à la politique de l'eau par la suppression de deux fonds de concours et la création d'un fonds unique appelé fonds national de solidarité pour l'eau.

M. le président.

Monsieur Blazy, je vous ai demandé de conclure.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Elle constitue...

M. le président.

Je souhaiterais que vous le fassiez maintenant, s'il vous plaît.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

... la première manifestation...

M. le président.

Contrairement à ce que vous avez dit, les rapporteurs ne peuvent dépasser leur temps de parole.

Vous ne tenez pas compte de mes observations.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Si vous m'interrompez, je vais prendre plus de temps.

M. le président.

Je suis toujours très tolérant et je laisse les orateurs dépasser leur temps de parole, mais en l'occurrence il s'agit d'un dépassement beaucoup trop important. Je vous demande donc de tenir compte de ce que je dis et de conclure maintenant. Merci.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Elle constitue la première manifestation d'une politique de l'eau interbassins, fondée sur la solidarité.

M. le président.

Si vous vous moquez de moi et ne tenez pas compte de mes interventions, je vais couper le micro, monsieur Blazy. Je vous demande avec insistance de conclure maintenant.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Je conclus si vous me laissez conclure, monsieur le président.

M. le président.

Tout de suite.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Par ailleurs, 94 millions de francs sont consacrés à des actions nouvelles portant sur l'économie de l'eau en habitat social et sur des opérations de restauration de milieux aquatiques pollués.

Madame la ministre, ce budget est celui de la maturité et je souhaite que, la France assumant la présidence de l'Union européenne à partir de juillet 2000, vous puissiez être le moteur d'une véritable politique européenne de l'environnement. La progression de 11 % des crédits consacrés à l'action internationale du ministère est le signe de votre détermination à y parvenir.

Madame la ministre, persuadé que vous allez répondre aux questions qui subsistent et aux attentes que j'ai exprimées, notamment en ce qui concerne l'ADEME...

M. le président.

Monsieur Blazy, vous ne tenez pas compte de ce que vous dit la présidence pour laquelle vous n'avez manifestement aucun respect !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Il me reste trois lignes à lire.

M. le président.

Je coupe le micro.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

... je suis fier de pouvoir me féliciter...

Monsieur le président, vous n'êtes pas correct !

M. le président.

C'est vous qui n'êtes pas correct, monsieur Blazy. Vous avez pratiquement doublé votre temps de parole. Et Dieu sait si j'ai pour habitude d'être tolérant.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Laissez-moi conclure !

M. le président.

Non, votre temps de parole est épuisé.

Je vais donc ouvrir la discussion.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

... et du dynamisme de ce budget qui...

M. le président.

J'en arrive aux inscrits.

Monsieur Blazy, veuillez regagner votre place.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

... en sorte que la dimension environnementale...

M. le président.

Monsieur Blazy, je vous demande de regagner votre place.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

... vie quotidienne des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Deflesselles, pour dix minutes.

M. Bernard Deflesselles.

Dix minutes, seulement.

M. le président.

En toutes choses, il faut de la mesure.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Il faut que ce soit le cas pour tout le monde.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Monsieur le président, vous n'êtes pas mesuré du tout, comme d'habitude ! Je vous reconnais bien là !

M. Bernard Deflesselles.

J'espère que nous allons rester dans la mesure.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

On ne règle pas les comptes du Val-d'Oise ici !

M. Bernard Deflesselles.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la lecture et à l'analyse du budget de l'environnement, la seule question qui vaille d'être posée reste entière : l'environnement est-il encore une priorité du Gouvernement ? Vous répondez évidemment oui, madame la ministre : oui, en vous félicitant du renforcement des moyens humains et budgétaires dégagés, oui en vous réjouissant de la naissance d'une vérible « pollutaxe ».

Notre analyse est bien évidemment toute autre : non, l'environnement n'est pas une priorité du Gouvernement ; non, la progression de votre budget ne peut faire illusion.

D'abord elle est moitié moindre de celle de l'année dernière. Ensuite, elle concerne un budget qui, rapporté à celui de la nation, reste proche d'epsilon : 4,3 milliards sur 1 685 milliards de francs, soit 0,25 % du budget de l'Etat. Il est l'un des quatre plus petits postes budgétaires.

Nous sommes bien loin, madame la ministre, de votre ambition affichée, celle de la constitution d'un grand ministère de plein exercice. Cette ambition affichée, dont vous n'avez même pas les moyens, suscite d'ailleurs notre opposition.

Celle-ci porte avant tout sur le fond. En effet, vous voulez un grand ministère qui vous permette de répondre à toutes les sollicitations. Or, si nous sommes favorables à un ministère de mission, de médiation, d'arbitrage, nous refusons un ministère de gestion, qui veut développer les tentacules d'une administration cherchant à s'approprier,s ur les administrations voisines, d'ailleurs, quelques arpents de compétence supplémentaires ; nous refusons une écologie administrée, parce qu'elle s'enroule dans une spirale bureaucratique sans fin : de plus en plus de lois, de règlements, d'interdictions, d'impôts, de moins en m oins d'implications personnelles et affectives des citoyens.

Quand vous souhaitez, monsieur Brard, mobiliser quelques centaines de fonctionnaires supplémentaires, nous voudrions mobiliser 60 millions de Français. Quand vous multipliez les gisements de parafiscalité, nous souhaitons que la fiscalité écologique se substitue à la fiscalité existante et ne s'y superpose pas.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

C'est ce que nous faisons !

M. Bernard Deflesselles.

Nous avons donc une autre vision que celle que vous nous proposez et le budget qui nous est présenté aujourd'hui appelle de notre part deux remarques : il s'agit d'un budget déséquilibré, d'un budget inefficace.

Pour ce qui est du déséquilibre, la première caractéristique de ce budget est une très forte augmentation des dépenses de fonctionnement. Le titre III, Moyens des services, augmente de 21 % : 13 % pour la rémunération des personnels, 250 % pour les indemnités et allocations diverses, dont 166 % pour la seule administration centrale. Le titre IV, Interventions publiques, quant à lui, progresse de plus de 14 %. Au total, les dépenses ordinaires croîtront de 19,34 %, marquant, s'il en était besoin, une fonctionnarisation de l'environnement.

Sa seconde caractéristique est, a contrario , un très net tassement des investissements exécutés par l'Etat. Ces crédits n'augmentent que de 1 %, et encore cela est-il dû essentiellement à la dotation relative à l'équipement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

immobilier des services. En revanche, les investissements consacrés à la prévention des pollutions et des risques ainsi qu'à la protection de la nature des sites et des paysages sont en forte baisse. Par ailleurs, les subventions d'investissement accordées par l'Etat ne progressent que faiblement.

Au-delà du très fort déséquilibre entre fonctionnement et investissement - 19 % d'accroissement contre 2 % -, d'autres déséquilibres, tout aussi préoccupants, se font jour entre les politiques sectorielles.

En premier lieu le budget de la recherche ne progresse que de 2 %, mais sa valeur absolue, 82 millions de francs, ne représente que 1,9 % du budget total de l'environnement. C'est, à mon sens, le point le plus préoccupant de votre budget. En effet, cela ne répond pas du tout aux préoccupations exprimées par nos concitoyens quant à leur vision sur la qualité de la vie, aux atteintes à l'environnement et au principe de précaution.

Ce budget n'est absolument pas à la hauteur des enjeux scientifiques et technologiques du siècle à venir et des défis environnementaux à relever : utilisation du nucléaire, recyclage des déchets nucléaires, gestion de l'eau et des espaces naturels, protection des rivages, lutte contre la pollution marine, problèmes liés aux déchets industriels et ménagers.

En second lieu, nous restons très préoccupés par l'agrégat correspondant à la protection de l'eau et des milieux aquatiques. La création d'un nouveau compte spécial du Trésor doté de 500 millions de francs ponctionnés sur les agences de l'eau vient, en effet, au secours de cette politique qui voit ses crédits, hors fonds spécial, en baisse de 0,58 %. Ce fonds spécial, qui remplace pour moitié les fonds de concours, porte atteinte au principe d'autonomie de gestion de ces agences.

M. Daniel Marcovitch.

N'importe quoi !

M. Bernard Deflesselles.

On ne peut donc que regretter cette ponction supplémentaire par laquelle l'Etat récupère une partie des ressources dévolues aux collectivités territoriales et aux acteurs socio-économiques qui font pourtant preuve, dans ce domaine, d'une réelle efficacité.

L'affirmation d'une politique ambitieuse en la matière paraît donc remise en question par quelques opérations comptables opérées sous couvert du principe de solidarité.

En troisième lieu, pour la prévention des pollutions et des risques, vous avez pris le parti, depuis l'année dernière, de la budgétisation de l'ADEME. En percevant directement une partie des taxes qui lui revenaient, vous êtes désormais tenue de compenser, chaque année, ce manque à gagner par une subvention d'équilibre qui représente près de 50 % de son budget. Cette perte d'autonomie pour l'agence, ajoutée à d'incessants changements de critères, à l'incompréhension des collectivités territoriales ainsi qu'à une mise à mal du paritarisme, fragilise une politique pourtant majeure de votre ministère.

D euxièmement, votre budget est inefficace, qu'il s'agisse de gestion des effectifs, de multiplicité des structures ou de fiscalité.

Inefficace quant à la gestion des effectifs, car la dérive des dépenses de fonctionnement est le corollaire de l'augmentation des effectifs et des structures. La création de 140 postes, le transfert de 70 emplois d'autres ministères, l'instauration d'une nouvelle direction centrale marquent le passage d'une administration de mission à une administration de gestion. Outre le risque de dérive des dépenses publiques nous assistons à une recentralisation des procédures de gestion et de décision en opposition avec une politique interministérielle qui devrait être déconcentrée et décentralisée.

Inefficace quant à la multiplicité de ses structures, car la gestion du ministère se caractérise par la multiplicité d es structures dépendantes associées ou extérieures.

A gences, instituts, comités, fonds de gestion, GIP, conseils, et j'en passe, participent à un empilement des structures qui nuit à une nécessaire transparence tout en diluant les responsabilités.

En outre, le nombre très élevé d'associations - 1 500 à ce qu'on me dit - agréées par le ministère dont l'objectif - louable - est de conforter les relais partenaires ainsi que celles qui, effectivement, touchent des subventions ministérielles, pose le problème de l'évaluation de ces structures. Aucun bilan n'est, en effet, dressé sur leurs activités ni sur leur rôle actif pour la protection de l'environnement.

Inefficace enfin quant à sa fiscalité. Madame la ministre, vous nous aviez présenté l'année 1999 comme l'an I de la fiscalité écologique. Force est de constater que ce qui était présenté hier comme une révolution apparaît être aujourd'hui une mesure d'ancien régime.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous êtes un expert !

M. Bernard Deflesselles.

Moins que vous, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard.

Pour l'ancien et l'archaïque, vous êtes le meilleur !

M. Bernard Deflesselles.

Cette taxe générale sur les activités polluantes avait toutes les qualités. Elle jouait la simplification en regroupant au sein d'un même impôt des taxes existantes sur les déchets, la pollution de l'air, les huiles de base ou le bruit. Elle était, par excellence, l'instrument de mise en oeuvre du principe pollueurpayeur.

Après plus d'un an et quelques révoltes - les agences de l'eau à l'automne 1998, puis les agriculteurs au printemps 1999 - force est de constater que même les plus enthousiastes sont déçus.

On l'annonçait ciblée sur la pollution ! Or toutes les lessives seront taxées, la teneur en phosphates ne se distinguant vraisemblalement qu'en surtaxe.

On la voulait signe de modernité ! La passe d'armes avec les agences de l'eau n'a guère laissé de doutes sur les motivations du Gouvernement.

On la croyait efficace ! Or des deux assiettes envisagées pour les pollutions agricoles - les excédents d'azote et les produits phytosanitaires - la première est abandonnée et la seconde retenue alors que personne aujourd'hui ne la croit efficace.

Enfin, sa non-affectation, présentée l'année dernière comme sa première qualité, puisqu'elle devait permettre d'en fixer les taux sur des motifs environnementaux, aura fait long feu avec son affectation au financement des 35 heures.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Non, de l'allégement des cotisations sociales !

M. Bernard Deflesselles.

La TGAP apparaît donc pour ce qu'elle est : assise sur des assiettes larges avec des taux faibles, elle n'a rien d'une fiscalité incitative, tout d'une fiscalité de financement.

M. Daniel Marcovitch.

Cela permet de faire baisser les charges. C'est bien ce que vous demandiez. Un impôt remplace un autre impôt.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

M. Bernard Deflesselles.

Mais le pire reste à venir, monsieur Cochet, car son extension est au programme.

M. Jean-Pierre Dufau.

Rien n'est jamais sûr !

M. Bernard Deflesselles.

L'année 2001 verra son élargissement aux consommations intermédiaires d'énergie et sa montée en charge.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Oui !

M. Bernard Deflesselles.

Elle rapportera 2 milliards cette année, 3 à 3,2 milliards me dit-on, en 2000, 6 à 6,5 milliards en 2001, 8 à 9 milliards en 2002.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Bien sûr !

M. Bernard Deflesselles.

Cette montée en charge, bien évidemment, ne viendra pas se substituer aux impôts existants. Chacun l'a bien compris ici, c'est bien d'un nouvel impôt qu'il s'agit, un impôt dont la préservation de notre environnement ne tirera aucun bénéfice, un impôt tout entier sacrifié sur l'autel des 35 heures. C'est bien, finalement, un permis de polluer que vous instaurez en permettant à ceux qui la paient de s'exonérer de toute responsabilité.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

De combien baisse-t-on les cotisations sociales patronales ?

M. Bernard Deflesselles.

Payons et polluons en toute tranquillité.

En conclusion, madame la ministre, le groupe Démocratie libérale votera contre ce projet.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est rassurant !

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

C'est un scoop !

M. Daniel Marcovitch.

C'est le signe que c'est un bon budget !

M. Bernard Deflesselles.

Contre, car il ne répond pas aux défis du siècle qui s'avance.

M. Daniel Marcovitch.

La droite n'a toujours pas évolué !

M. Bernard Deflesselles.

Contre, car il n'indique pas quelle place tiendront la science et la recherche dans un domaine complexe, fait de repères scientifiques et d'exigences démocratiques.

Contre, car il ne répond pas à la demande des Français, qui se fait de plus en plus pressante, face au déficit d'information, de transparence et de sécurité.

Contre, car les vrais enjeux ne sont pas suffisamment mis en avant : lutte contre le bruit, lutte contre la pollution atmosphérique, mise en place d'une véritable sécurité sanitaire et alimentaire, mise en place de mesures incitatives, fiscalité allégée sur les carburants propres, par exemple, développement d'un parc de véhicules électriques.

Contre, enfin, car sa fiscalité n'incite pas à la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard, pour dix minutes.

M. Jacques Pélissard.

Le projet de budget pour l'an 2000 de l'environnement, madame la ministre, présente des aspects positifs - il faut être honnête - et des aspects négatifs.

Parmi les aspects positifs, je note tout d'abord l'augmentation des crédits de paiement de 8,6 %, même si elle est inférieure à celle de l'année entière, et l'accroissement des autorisations de programme de 5,9 %. Un autre aspect positif est, selon le terme employé dans le rapport de M. Suchod, la « consolidation » du ministère, même si l'emploi du mot « consolidation » est un peu curieux. La création de 140 emplois, dont 50 pour mettre en place une inspection générale de l'environnement et une direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, est chose pertinente. Il est important que les politiques publiques en France soient évaluées, et cela vaut particulièrement pour celle menée dans le domaine de l'environnement.

Positifs également sont le renforcement des DIREN, qui en avaient bien besoin, en particulier dans la région Franche-Comté, et la création de 34 emplois pour les DRIRE, chargées, entre autres, des installations classées.

Ce n'est pas du luxe.

Positifs encore sont la dotation en progression de l'IFEN et les efforts consentis, dans le domaine de la recherche et du développement, pour l'INERIS.

Enfin, dernier aspect positif de votre budget - il faut être honnête dans son examen :...

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Très bien.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Il faut toujours être honnête !

M. Jacques Pélissard.

... la progression du FGMN, qui passe de 164 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement à pratiquement 242 millions de francs, soit une progression de 47,4 % par rapport au budget de 1999.

Est-ce à dire, madame la ministre, que tout dans votre budget soit beau et clair ? Il y a des choses intéressantes, je viens de le dire. Par contre, il est un aspect beaucoup plus délicat, que j'avais déjà relevé en présence de M. Cochet lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale, à savoir que la conduite du Gouvernement procède plus, en matière fiscale, de la déclamation environnementale que de l'affectation de crédits pour la politique environnementale.

J'en donne deux exemples.

L e premier concerne le TIPP. L'année dernière, madame la ministre, vous êtes partie en guerre contre le gazole, que vous avez qualifié de carburant nocif, et vous vous êtes employée à réduire l'écart entre le super sans plomb et le gazole en augmentant la TIPP sur ce dernier carburant, politique que vous poursuivez cette année.

Le but recherché, c'est-à-dire la réduction de l'écart de prix entre les deux carburants, a-t-il été obtenu ? Peutêtre ! Mais il aurait pu l'être sans prélèvement nouveau ! La déclamation était belle : il fallait taxer un carburant nocif. La réalité l'est moins puisqu'un prélèvement supplémentaire est opéré sur les entreprises et sur les ménages, la charge fiscale sur les deux carburants, le gazole d'un côté, le super sans plomb de l'autre, a augmenté entre 1997 et 1999.

Mon second exemple porte sur la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes.

M. Cochet se bat à bon droit pour l'appeler pollutaxe ou écotaxe. Mais, comme je lui disais l'autre jour, peu importe le vocable - pollutaxe, écotaxe, taxe générale sur les activités polluantes - pourvu que recette fiscale il y ait ! J'aborderai la question de la TGAP sous deux aspects.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

Premier aspect : le principe de la non-affectation. C'est un point que vous avez souligné l'année dernière lors de l'examen de votre budget le 22 octobre. Il fallait respecter le principe de l'universalité budgétaire. M. Sautter, lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, avait lui aussi crié haro sur l'affectation. La solution, c'était l'universalité, la non-affectation, donc la perception directe par le budget de l'Etat.

A l'époque, pourtant, notre collègue Alaize, alors rapporteur pour avis, adressait des mises en garde pour que la TGAP ne soit pas un marché de dupes. Il déclarait notamment - c'est retranscrit page 7183 du compte rendu de la première séance du 22 octobre au Journal officiel : « En clair, la TGAP doit servir exclusivement la protection de l'environnement sous toutes ses formes et elle seule. »

A l'époque, également, M. Suchod, alors rapporteur spécial comme aujourd'hui et déjà absent comme aujourd'hui, avait écrit dans son rapport que seul un lien étroit entre le produit de la TGAP et les moyens accordés au ministère de l'environnement « fera en sorte que le pari risqué que constitue la taxe générale ne soit pas un marché de dupes ».

La tendance à l'époque était donc de dire : la TGAP, pourquoi pas ? Mais à condition que son produit serve à l'environnement ! C'était ce qu'écrivaient dans leurs rapports et M. Alaize et M. Suchod.

Qu'en a-t-il été ? Le produit de la TGAP est aujourd'hui affecté au financement de l'abaissement des charges des entreprises qui passent aux 35 heures.

M. Jean-Pierre Dufau.

C'est l'environnement social !

M. Jacques Pélissard.

Le principe de l'affectation est retrouvé !

M. Yves Cochet.

rapporteur spécial suppléant.

C'est le double dividende. Vous n'avez pas encore compris !

M. Jacques Pélissard.

Je vais en parler, monsieur Cochet. C'est mon point suivant.

Il est en effet nécessaire d'avoir un double dividende.

Mais qui dit double, dit premier et second. Or le rapporteur que vous suppléez, monsieur Cochet, a écrit page 20 de son rapport : « Votre rapporteur spécial ne saurait trop insister sur le fait que la poursuite du second dividende ne doit pas pervertir la logique économique de la TGAP.

Cette question deviendra, en effet, essentielle si la fiscalité écologique est étendue à l'avenir à d'autres intrants utilisés dans l'agriculture. »

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Il a raison.

M. Jacques Pélissard.

Or, en ce qui concerne l'impact écologique du premier dividende, que constatons-nous, madame la ministre, si l'on est honnête jusqu'au bout ? Je prendrai deux exemples.

Le premier a déjà été relevé : une lessive avec un taux zéro de phosphates est taxée au même titre que les autres.

Cela montre bien que le but n'est pas la prévention de la pollution mais la collecte de fonds publics nouveaux par l'impôt.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Non, c'est un changement d'assiette.

M. Jacques Pélissard.

C'est cela le but de la manoeuvre. L'exemple justement relevé par M. Suchod des lessives est éloquent.

Un autre l'est tout autant. Partout en France sont mises en place par les collectivités locales toute une série d'opérations pour gérer correctement les déchets ménagers. Or la TGAP, votre TGAP, madame la ministre, ou plutôt celle de la loi de financement de la sécurité sociale, est la même qu'il s'agisse de décharges sauvages ou qu'il s'agisse de déchets ultimes provenant d'installations aux normes 2002 accueillies dans des centres d'enfouissement technique respectant votre arrêté du 9 septembre 1997.

La TGAP est la même que l'on fasse n'importe quoi ou que l'on respecte déjà la loi. Cela prouve, là encore, que le but de la mnoeuvre n'est pas la prévention de la pollution ni la protection de l'environnement, mais la collecte d'un impôt nouveau.

Cette collecte est d'autant plus choquante qu'elle a pour but de financer des dépenses dont on souhaite l'augmentation par des ressources dont on souhaite la diminution. Cela prouve bien qu'il y a un problème de cohérence interne.

J e terminerai sur un dernier exemple : celui de l'ADEME dont on a déjà parlé.

Lors de la séance du 22 octobre j'avais posé la question suivante : « L'ADEME pourra-t-elle financer les demandes d'aide présentées aux taux actuels ? Par ailleurs, l'Etat s'engage-t-il à permettre à l'ADEME de maintenir les taux actuels d'aide à l'investissement qui sont la condition, nous le savons tous, à la fois d'une politique volontariste de l'Etat, mais aussi de l'adhésion des collectivités locales ? » A l'époque, souvenez-vous du chiffre, étaient inscrits sur le bleu budgétaire 811 millions de crédits ADEME.

En réalité, dès le début de l'année 1999, l'ADEME a gelé une partie des demandes d'aide à l'investissement sur les opérations de collecte sélective et de tri et, dès le mois de mai 1999, elle a diminué le taux de ses aides de près de 40 %, ce qui a eu pour conséquence de mettre en difficulté toute une série de collectivités locales qui s'étaient basées sur le taux prévu. L'Etat n'a pas, via l'ADEME, tenu sa parole.

La situation sera pratiquement la même en 2000.

L'assiette de l'investissement était en gros de 4 milliards de francs en 1999 et est prévue en 2000, selon une étude de l'ADEME confortée en cela par une étude de l'association des collectivités locales pour les réseaux de chaleur et la valorisation énergétique des déchets, l'AMORCE, à environ 6 à 7 milliards, soit 50 % de plus. Or, les dotations de l'ADEME passent de 811 millions à un peu plus de 900, soit une progression grosso modo de 10 %. Avec 50 % d'augmentation de l'assiette de l'investissement d'un côté, 10 % de moyens supplémentaires de l'autre, je ne vois pas comment l'ADEME pourrait ne pas être obligée de remettre en cause une nouvelle fois ses taux d'aide.

J'en termine là, monsieur le président, pour respecter mon temps de parole.

Au-delà des aspects positifs que j'ai tenu à souligner, cette prétendue fiscalité écologique, qui n'a de vertu écologique que le nom, nous inquiète, d'autant que certaines extensions sont prévues sur l'énergie et sur l'eau. Déjà aujourd'hui, le nouveau fonds de solidarité sur l'eau capte 5 % des recettes des agences de bassin. Si, demain, il y a une extension de ce type de prélèvement, la politique française de l'eau, mise en place patiemment, courageusement et volontairement depuis trente ans et qui porte ses fruits, pourra être mise à mal.

Madame la ministre, pour l'ensemble de ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République ne pourra voter votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1999

M. Yves Cochet.

rapporteur spécial suppléant.

Dommage !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour dix minutes.

M. Jean-Michel Marchand.

L'environnement est un volet essentiel de votre ministère, madame la ministre, et, avec un taux de progression de 8,6 % et un renforcement des moyens mis à disposition de l'aménagement du territoire, c'est bien un ministère de plein exercice que vous avez réussi à construire.

Les préoccupations de nos concitoyens sont fortes et plus urgentes les unes que les autres : pollution de l'air et de l'eau ; lutte contre le bruit ; gestion des déchets ; prévention des risques naturels, industriels et technologiques ; préservation des sites naturels et des paysages ; souci de l'environnement urbain ; protection des milieux aquatiques.

Les Français sont également soucieux de sécurité sanitaire et de qualité alimentaire. Même si ce dernier point ne relève pas strictement de votre responsabilité, les mesures de lutte contre les diverses pollutions y participent fort heureusement, et l'INERIS, avec une augmentation de 24 % de ses capacités d'investissement, p ourra développer des actions, notamment dans le domaine de l'écotoxicologie, et renforcer ainsi son positionnement au sein d'une future agence de sécurité sanitaire.

Ministère de plein exercice en ce qui concerne non seulement les moyens budgétaires et humains, mais aussi la mise en place d'outils nouveaux tels que la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale ! Voilà un outil d'expertise qui permettra de lier économie et environnement et qui confortera les initiatives prises ici ou là.

Je pense en particulier à Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire, où les acteurs socio-économiques ont engagé avec les élus, sous l'égide du parc naturel régional Loire-Anjou-Touraine, une réflexion sur la maîtrise environnementale pour la gestion de la plus grande zone industrielle du Saumurois, liant performance économique et qualité des produits, intérêts des sites d'implantation, proximité des zones de reproduction des outardes canapetières, avec pour objectif le développement durable dans un environnement de qualité.

Ministère de plein exercice aussi en ce qui concerne les moyens renforcés pour l'ADEME, en particulier dans le domaine du traitement des déchets ménagers et assimilés ! Ces moyens s'ajoutent à la baisse de TVA à 5,5 % sur la collecte sélective et à l'aide accrue d'Eco-emballage. C'est là un appui significatif apporté aux collectivités locales, alors que se réalisent - ou s'apprêtent à se réaliser : je suis prudent - les schémas départementaux de traitement des déchets.

Vous avez souhaité, à votre arrivée à ce ministère, qu'il y ait diversification des technologies d'élimination, avec une obligation de tri et de recyclage. Vous en avez fourni les moyens, et vous avez donné les directives pour fixer les taux de déchets triés applicables à chacune de ces technologies.

Il subsiste, madame la ministre, une distorsion dommageable aux usagers de chaufferie urbaine, incinérant des déchets. Le taux de TVA auquel ils sont soumis est resté à 20,6 %, alors que ceux abonnés aux réseaux de gaz et d'électricité bénéficient d'un taux réduit. Incohérence pourquoi ? Parce qu'à certains endroits, des incinérateurs permettront de produire de l'électricité, avec laquelle on produit parfois du chauffage, alors que là, on produit directement du chauffage. Je crois qu'il faut prendre en compte cette dimension et déposer, de préférence pour la nouvelle lecture du budget 2000, l'amendement ou les amendements nécessaires.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

On a déjà présenté des amendements, mais Bercy refuse !

M. Jean-Michel Marchand.

On ne peut plus remettre en cause la qualité des outils d'incinération, puisqu'ils devront répondre aux normes que vous avez préconisées.

Ministère de plein exercice pour la protection de l'eau et des milieux naturels grâce aux moyens nouveaux apportés par le fonds national de solidarité pour l'eau mais aussi grâce à la cohérence de votre politique fondée sur la péréquation interurbaine et la solidarité nationale.

Je n'oublie pas les deux programmes décennaux : le plan décennal de prévention des risques naturels et le plan Loire grandeur nature.

La prévention des inondations passe par un entretien et un renforcement, là où c'est nécessaire, des levées de Loire pour permettre une gestion de l'habitat et de l'activité économique raisonnée et raisonnable. Les moyens inscrits dans les futurs contrats de plan Etat-régions et la concertation entamée sur le terrain avec les autorités préfectorales sont de bon augure pour des propositions et des solutions acceptables par tous. Je fais allusion aux activités en Val de Loire.

En instituant un schéma de service collectif des espaces naturels et ruraux, la LOADDT a mis le fonds de gestion des milieux naturels au service de la préservation des milieux naturels et de la diversité biologique. Les retards dans ce domaine sont patents. La mise en oeuvre de la directive habitat du réseau Natura 2000 nécessite non seulement des crédits mais aussi beaucoup de pédagogie.

J'étais samedi dans le marais de Guérande. Comme en bien d'autres endroits, le dialogue y reste difficile entre les différents utilisateurs de cet espace écologiquement fragile, mais le dialogue est entamé. Encore faut-il que les gens sachent s'écouter et s'entendre. Peut-être convient-il également de souligner l'incohérence de certains élus qui se plaignent très fort de ne pas bénéficier de l'éligibilité aux fonds structurels européens dans le cadre de l'objectif 2, mais ne font rien pour accélérer la mise en oeuvre du réseau Natura 2000, se privant ainsi de moyens européens non négligeables.

Quelques mots sur la taxe générale sur les activités polluantes. Je ne reviendrai pas sur les vertus du double ou triple dividende...

M. Jacques Pélissard.

Quadruple !

Mme Nicole Bricq.

Pourquoi pas ?

M. Jean-Michel Marchand.

... ni sur la généralisation du principe pollueur-payeur à l'agriculture et à l'eau qui marque l'an II de la fiscalité écologique, mais avec des faiblesses et des imperfections que mon collègue et ami, le rapporteur spécial Yves Cochet, n'a pas manqué de remarquer.

Cet impôt, pour peu qu'il ait une incidence - et il doit en avoir une - sur les choix des industriels et les habitudes de nos concitoyens, est par voie de conséquence appelé à voir son produit se tarir à terme. Nous devons en attendre des comportements vertueux et des projets ambitieux visant à abandonner ou pour le moins, dans une premier temps, à diminuer significativement les produits taxés parce que polluants et, en sens inverse, à promouvoir de nouveaux produits respectueux de l'envi-


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ronnement, de la qualité des sols, de l'eau et de l'air.

Mais si cette taxe reprend des prélèvements déjà existants, elle va se déplacer. De ce fait, elle aura des conséquences économiques dont il nous faudra examiner au plus près les effets, en créant des distorsions de concurrence susceptibles de pénaliser certains de nos professionnels fabriquant des produits que j'espère les plus « vertueux » et les moins polluants possible, par rapport aux groupes étrangers.

Je voudrais pour terminer vous faire part d'une information toute récente. Nous savons évidemment tous que la production énergétique est elle aussi génératrice de pollution. Vendredi dernier, au conseil municipal de Saumur, nous avons appris que la centrale de Chinon était fin prête pour le passage à l'an 2000 - il s'agit bien évidemment du fameux bug

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Bug nucléaire ou bug informatique ?

M. Jean-Michel Marchand.

Justement, j'y viens... Car cette première information était immédiatement suivie d'une autre, dont je ne vous lis que le titre : « Centre n ucléaire de production d'électricité de Chinon demande de renouvellement des autorisations de prises d'eau, de rejets liquides et gazeux, radioactifs et non radioactifs ». Peut-être est-ce à mettre en relation avec la nouvelle politique de la COGEMA : impact zéro sur la santé, transparence complète. Mais jugez de notre surprise, de notre angoisse, pour ne pas dire de notre colère en apprenant qu'une enquête publique allait être menée dans le but d'obtenir le plus légalement du monde l'autorisation de rejeter des effluents liquides et gazeux radioactifs ! En conclusion, madame la ministre, les budgets dont vous avez la responsabilité connaissent une progression importante qui témoignent à mes yeux de la volonté politique de ce Gouvernement, au service d'une meilleure prise en compte de l'environnement, mais aussi, et cela est un autre débat, d'un aménagement du territoire digne du nom. Vous ne serez donc pas étonnée que les députés Verts lui apportent leur soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Annette Peulvast-Bergeal, pour cinq minutes.

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Madame la ministre, votre budget de l'environnement constitue une étape décisive qui marque l'arrivée à maturité d'un véritable ministère de plein exercice. Il acte la prise en compte par les pouvoirs publics des préoccupations de nos concitoyens dans ce domaine. Vingt-huit ans après la création en 1971 d'une administration de mission, il était temps que celle-ci devienne un ministère à part entière, avec des moyens d'action et des moyens de gestion en rapport.

Ce budget avait vu l'an dernier ses crédits progresser de 15,6 %, témoignant ainsi de la volonté du Gouvernement de considérer ce secteur comme un domaine d'action prioritaire. Nous avions alors formulé le voeu de voir ces orientations confirmées pour l'an 2000 et transformées en mesures pérennes. Force est de constater que nous avons confirmation aujourd'hui de cet axe prioritaire, puisque votre budget progresse encore de 8,8 % pour l'année 2000. N'en déplaise à certains, le Gouvernement continue de tenir ses promesses. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : continuité des engagements, tant au niveau de l'effort budgétaire que des innovations fiscales.

Le budget de loi de finances pour 2000 prévoit la création de 140 emplois et le transfert de 70 postes en proven ance d'autres départements ministériels, auxquels s'ajoutent 90 emplois dans les services déconcentrés. Cela répond à votre souhait, madame la ministre, de renforcer les moyens de ce ministère, condition indispensable à son efficacité.

On peut aussi noter la création d'une direction des études économiques et de l'évaluation environnementale.

Cette D4E, dotée d'un budget de 10 millions de francs, aura des fonctions d'expertise, d'aide à la décision et permettra de mesurer l'impact des décisions publiques sur l'environnement. La mise en place d'un suivi était en effet absolument nécessaire.

Des efforts ont également porté sur les moyens de fonctionnement, de formation et de communication, autant de mesures qui concourent elles aussi à renforcer l'efficacité de la politique que vous menez.

Je tiens à ce propos, comme l'a déjà fait M. le rapporteur spécial, à souligner l'augmentation des moyens visant à développer et à renforcer le rôle de la France au sein de l'Union européenne et des instances internationales. La progression de 11 % des crédits consacrés à l'action internationale est un signe fort de la volonté du Gouvernement de peser d'un poids significatif sur la scène internationale et plus particulièrement de veiller à la mise en place d'une politique environnementale européenne. Ce point est d'autant plus important qu'il reviendra à la France d'exercer la présidence de l'Union européenne dès juillet 2000.

L'extension de la TGAP enfin confirme le rôle dissuasif de cet outil fiscal, en application du principe de responsabilisation pollueur-payeur.

M. Bernard Deflesselles.

C'est l'inverse !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Je suis désolée, honorable collègue, de ne pas être d'accord avec vous sur ce point...

L'an II de la fiscalité écologique a donc sonné. Il ne s'agit plus de dégager des ressources pour réparer des dommages causés par les activités polluantes, ce qui reviendrait à pérenniser celles-ci en instaurant une sorte de droit à polluer, mais bien d'inciter les secteurs polluants à adopter des comportements plus vertueux et plus écologiques.

M. Bernard Deflesselles.

Mais oui !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Je n'y insisterai pas, madame la ministre, car vous avez été extrêmement claire sur ce point. Affectée l'an dernier au budget général, cette ressource a cette année été rattachée au budget de la sécurité sociale pour financer l'allégement des cotisations sociales. Elle vient donc conforter les mesures prises en faveur de l'emploi, autre priorité majeure, ne l'oublions pas, de ce Gouvernement.

A ceux qui en paraissent surpris, rappelons que cette mesure avait été annoncée et prévue de longue date.

C'était même une des raisons de la mise en place de la fiscalité écologique. Je me félicite de ce que ce double dividende vienne soulager les prélèvements qui pesaient sur l'emploi. Je m'en réjouis d'autant plus que l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, qui jusqu'alors prélevait directement les différentes taxes composant la TGAP retrouve ainsi son rôle véritable. L'établissement moribond que nous avions trouvé il y a deux ans dispose dorénavant de moyens conséquents : les crédits de fonctionnement de l'ADEME, en augmentation de 10 %, atteignent cette année 900 millions de francs.


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J'évoquerai maintenant un point particulier sur lequel j'étais également intervenue l'an dernier : le traitement des déchets. L'année 1999 aura été celle du véritable décollage de cette politique. L'ADEME a été submergée d e projets de revalorisation des déchets ménagers.

De 1992 à 1998, les collectivités locales et les industriels avaient engagé 16 milliards de francs d'investissements d ans la politique de revalorisation des déchets ; pour 1999-2001, près de 20 milliards de francs d'investissements programmés que l'ADEME aura recensés.

Nous voilà loin de l'époque où l'on ne trouvait pas de projets à financer... Cela pose du reste le problème du barème à appliquer à ses subventions. Nous devrons éviter le risque de création de listes d'attente.

M. Jacques Pélissard et M. Bernard Deflesselles.

C'est déjà le cas !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Ces phénomènes sont le résultat de la politique menée dans ce domaine par votre ministère afin de tenir les délais fixés par la loi de 1992, qu'il s'agisse des subventions apportées aux projets, de la baisse de la TVA sur la collecte sélective à 5,5 % ou du relèvement des aides versées aux tonnes de déchets triés par Eco-emballage. La dotation de l'ADEME consacrée aux déchets ménagers et assimilés, portée à 900 millions de francs, en s'ajoutant à la baisse de la TVA votée en 1999, devrait diminuer d'environ 1 milliard de francs le coût résiduel de gestion des déchets par les communes.

Ainsi, en deux ans seulement, le coût de traitement des déchets à la tonne aura baissé d'environ 13 % pour une collectivité de 30 000 habitants. Ce point extrêmement positif a été souligné par tous les élus concernés.

Toutefois, comme l'a souligné M. le rapporteur, quelques questions restent en suspens pour l'ADEME, auxquelles nous devrons nous attacher dès l'année prochaine à répondre de la façon la plus favorable possible.

Nous devons poursuivre nos efforts dans deux directions à mon sens essentielles pour une politique efficace.

L'information et la concertation tout d'abord : vous avez vous-même souligné devant la représentation nationale que votre méthode s'appuyait sur la concertation et la contractualisation. Il faut également répondre mieux encore à la forte demande d'information de nos citoyens, de plus en plus sensibles aux risques de pollutions de toutes natures. A cet égard, des opérations telles que la journée sans voiture dans les grandes villes ont une grande vertu pédagogique et contribuent à faire passer un signal fort vis-à-vis de nos concitoyens.

L'évolution de la TGAP pour 2001 ensuite : il est prévu d'en élargir l'assiette. Mais je suis convaincue que cette fiscalité écologique doit jouer un rôle plus important encore dans la politique d'aménagement durable du territoire, en prenant en compte les acteurs pertinents et naturels que sont les élus locaux et régionaux qui investissent, qui s'investissent dans ce domaine...

Mme Nicole Bricq.

Très bien !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

... et qui demandent un retour à la hauteur de leurs efforts d'information, de prévention et de diminution des nuisances et des pollutions. Il y a là, madame la ministre, matière à réflexion pour le Gouvernement et pour la représentation nationale afin de consolider le travail accompli en faisant jouer tous les leviers sans pour autant pénaliser les contribuables ni décourager l'activité et le travail.

Mme Nicole Bricq.

Le voilà, le troisième dividende !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Madame la ministre, votre projet de budget, par sa progression et l'effort de rééquilibrage dont il témoigne, suscite notre adhésion. Je voudrais rappeler à tous nos éminents collègues que si la pollution a un coût, la prévention de l'environnement a aussi son prix. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je vous remercie, madame, tout en vous faisant remarquer que vous avez presque doublé votre temps de parole.

Mme Nicole Bricq.

Ce qu'elle nous a dit est important !

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Vous n'avez heureusement pas eu la goujaterie de lui couper la parole, monsieur le président !

M. le président.

Je vous en prie, monsieur Blazy !

M. Daniel Marcovitch.

La politique a parfois plus d'importance que la pendule de l'hémicycle...

M. le président.

La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, pour dix minutes.

Mme Anne-Marie Idrac.

Madame la ministre, le budget que vous nous présentez pour l'an 2000 appelle du groupe UDF trois niveaux d'interrogations, que j'énoncerai par ordre de gravité croissant.

Le premier porte sur votre budget lui-même et sa présentation.

Vous représentez maintenant un budget de plein exercice, dites-vous. Nous avons fait le calcul et notre collègue Bernard Deflesselles l'a remarqué tout à l'heure : avec 0,25 % du budget de l'Etat, plein exercice peut-être, mais petit exercice tout de même, convenez-en.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous n'avez pas de mémoire, madame Idrac !

Mme Anne-Marie Idrac.

Peut mieux faire, pourrait-on dire.

M. Daniel Marcovitch.

Pas cela, madame Idrac, pas vous !

Mme Anne-Marie Idrac.

Je me souviens d'une époque où les candidats au poste de ministre de la culture essayaient d'atteindre le 1 %. Peut-être y parviendrezvous aussi. Bon courage ! Plus grave encore est le déséquilibre entre les dépenses de fonctionnement, en très forte augmentation, et les dépenses d'investissement, à nos yeux prioritaires, qu'il s'agisse de la recherche ou des investissements proprement dits - sans parler de ceux relatifs à l'administration. Or les questions liées aux fonctionnement, aux effectifs, aux structures et à l'organisation se posent avec d'autant plus d'acuité que votre ministère, même devenu ministère de plein exercice, est encore en phase de montée en charge, et que vos ambitions, j'en suis persuadée, ne se cantonnent pas au niveau atteint cette année. Il est plus facile de préparer un bon ministère que d'être obligé de réformer après coup un empilement de structures et de modes de fonctionnement parfois redondants ou trop coûteux. Sur ce point, votre action semble marquée par une absence de réflexion organisationnelle porteuse de grands risques ; on a par trop l'impression de vous voir travailler au détriment du fond et des objectifs.

J'ai été plutôt satisfaite de voir l'ensemble des crédits personnel et administration regroupés en un seul agrégat.

Mais pour aller plus loin, il faudrait mettre au point un


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véritable plan « objectif-moyens » du ministère, lisible, audelà des seuls fascicules budgétaires, par nos concitoyens qui se préoccupent à juste titre de la qualité de l'eau, de l'air, du problème du bruit ou encore de la préparation de l'avenir, notamment à travers la recherche.

Enfin, l'action de ce ministère devenu de plein exercice mériterait d'être mise en relation avec les investissements réalisés par les collectivités locales, et vos 4,3 milliards de francs comparés aux quelque 120 milliards que celles-ci investissent chaque année.

Notre deuxième série de critiques a trait à la politique de l'eau et aux cinq problèmes créés par la mise en place du fonds national de solidarité pour l'eau.

Premier problème : vous opérez un nouveau prélèvement sur les agences de l'eau, de l'ordre de 500 millions de francs, comme vous l'avez confirmé dans une récente communication en conseil des ministres.

M. Daniel Marcovitch.

250 millions !

Mme Anne-Marie Idrac.

On peut bel et bien parler d'une reprise en main par l'Etat.

Deuxième problème, qui va de pair : le renforcement que nous avions déjà dénoncé l'année dernière de la politique centralisatrice du Gouvernement, alors même que les agences de l'eau avaient donné la preuve de l'efficacité d'une gestion décentralisée et partenariale de l'environnement.

Troisième problème : l'articulation de plus en plus complexe des compétences des différents échelons en l'absence de tout principe de subsidiarité.

Quatrième problème : les modalités de gestion du fonds qui restent pour le moins à définir. La lettre de cadrage que vous avez récemment diffusée aux responsables des agences de l'eau nous paraît très floues, mais surtout particulièrement inquiétante.

Cinquième problème : enfin votre politique de l'eau ne tient aucun compte de l'action de programmation à moyen terme des agences.

Autant de raisons pour lesquelles notre groupe s'est vivement opposé à la création du fonds national de solidarité pour l'eau et au prélèvement institué à ce titre en déposant un amendement de suppression de l'article en question.

Le mouvement de centralisation, déjà dénoncé par plusieurs de mes collègues de l'opposition, se confirme cette année avec la budgétisation de l'ADEME dont on ne voit pour l'instant que les effets négatifs, en l'occurrence le rationnement des crédits avec, pour conséquence, la mise en difficulté des collectivités locales. Certains orateurs de la majorité plurielle eux-mêmes l'ont souligné.

Notre troisième série de critiques porte évidemment sur la TGAP. Notre groupe l'a toujours dit et je le réaffirme : nous sommes favorables au principe d'une taxation sur les activités polluantes. Malheureusement, la TGAP telle que vous l'avez instituée confirme, et bien au-delà, les inquiétudes que nous avions exprimées l'année dernière lors de sa mise en place en ce qu'elle est porteuse, non d'un double dividende, mais bien d'un double paradoxe, pour ne pas dire triple ou quadruple...

Mme Nicole Bricq.

Les paradoxes, c'est la vie !

Mme Anne-Marie Idrac.

Premier paradoxe, votre ministère que vous dites devenu de plein exercice se voit dessaisi des fruits d'une taxe pourtant précisément conçue comme un moyen de lutte contre les pollutions. Ce risque, nous le pressentions dès l'année dernière en remarquant que Bercy avait gagné contre vos services ; mais force est de reconnaître que la situation est devenue encore plus grave que ce que nous craignions, puisque votre ministère se retrouve cette année à servir de balle de ping-pong entre le ministère des affaires sociales et celui de l'économie et des finances.

La politique de l'environnement n'est donc plus qu'un prétexte pour financer les lourdes et coûteuses réformes relatives aux 35 heures.

Mme Nicole Bricq.

Vous êtes contre la baisse des charges ?

Mme Anne-Marie Idrac.

C'est pourquoi notre groupe voulait affecter la TGAP au budget de l'Etat. Je ne suis absolument pas d'accord avec M. Cochet, qui trouve très bien le fait que le produit de cette taxe aille au budget des affaires sociales, puisque cela entraîne non seulement un démembrement des finances publiques, mais également un démembrement de la politique de l'environnement.

M. Daniel Marcovitch.

Un peu conservateur ! Un peu ringard !

Mme Anne-Marie Idrac.

Le deuxième paradoxe, c'est que nous étions, il y a quelques jours, en train de défendre à Bonn les positions française et européennes qui, et c'est fort louable, ne sont pas favorables au droit à polluer, contrairement aux positions anglo-saxonne et américaine notamment. Or, en France, à l'inverse de la position légitime et justifiée que vous prenez sur le plan international, vous instituez, avec la TGAP, un droit à polluer, vous encouragez à la pollution - M. Pélissard s'est très bien exprimé à ce sujet tout à l'heure. Il y a donc un véritable détournement du principe pollueurpayeur, puisque, pour payer les 35 heures, il faut, comme cela a été largement souligné dans le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, polluer le plus possible ! Selon vous, pour créer plus d'emplois, il faut polluer encore plus. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on ne s'attendait pas à ce qu'un ministre vert défende de telles positions et décrédibilise les positions de la France dans les discussions internationales portant sur ce sujet.

M. Daniel Marcovitch.

Il fallait le dire lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale !

Mme Anne-Marie Idrac.

Nous n'avons cessé de le dire !

M. Daniel Marcovitch.

Pas vous ! Vous n'étiez pas là !

Mme Anne-Marie Idrac.

La fiscalité écologique peut être un instrument de lutte contre les pollutions, mais elle doit rester incitative et non punitive. On voit bien que l'objectif recherché n'est pas de lutter contre les pollutions : à cet égard, l'exemple des lessives non phosphatées est éloquent. Même M. Cochet est très embêté à ce sujet.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Cela sera rectifié en deuxième lecture !

Mme Anne-Marie Idrac.

Est également éloquent le fait que vous n'ayez pas accepté notre amendement tendant à diminuer du montant de la TGAP les économies de pollution générées par l'utilisation de sources d'énergie renouvelables.

Donc, ce qui nous intéresse, madame la ministre, ce n'est pas de lutter contre la pollution, mais de donner de l'argent à votre collègue, Mme Aubry.

Pourtant, des propositions vous ont été faites. Ainsi l'intergroupe de l'opposition a-t-il déposé des amendements visant à encourager la passation de contrats de


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progrès entre les pouvoirs publics et les secteurs professionnels soucieux de développer des technologies respectueuses de l'environnement, à abaisser le TIPP sur les carburants les plus propres ou à réduire le taux de TVA sur les travaux anti-pollution réalisés par les collectivités locales. Bien entendu, ces propositions n'ont pas été retenues.

Mme Nicole Bricq.

Ce n'est pas vrai !

Mme Anne-Marie Idrac.

Tel n'était pas votre souci.

Au-delà du budget même, quels sont les enjeux ? J'en citerai trois principaux.

Le premier a déjà été évoqué, c'est celui de la lutte contre la pollution atmosphérique en ville. Il est triste de ne pas voir se développer au rythme souhaité la mise en oeuvre de la loi sur l'air, notamment en ce qui concerne les plans de développement urbain et l'achèvement de la couverture de l'ensemble du territoire par le dispositif de surveillance de la qualité de l'air.

La deuxième préoccupation concerne la lutte contre les nuisances sonores. Il est vrai que la situation est meilleure que l'an dernier.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Ça dépend où l'on habite !

Mme Anne-Marie Idrac.

L'année dernière, il n'y avait pas de crédits. Les élus du Val-d'Oise, largement représentés ce matin au banc des commissions, en étaient à juste titre attristés et s'étaient demandés ce qu'ils allaient pouvoir indiquer à leurs électeurs à ce sujet. Cette année, ça va un peu mieux. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que nous restons tout de même sur notre faim, notamment en ce qui concerne les bruits des aéroports.

Nous maintiendrons la pression, notamment sur les aéroports d'Ile-de-France, pour que l'on puisse progresser sur cette question du bruit.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Que ne l'avez vous fait quand vous étiez ministre !

Mme Anne-Marie Idrac.

La troisième préoccupation a trait à la question des transports interurbains. Je voudrais appeler votre attention sur ce point, madame la ministre, car je ne suis pas sûre que vous soyez consciente du véritable effondrement du fret ferroviaire qui se produit dans notre pays depuis quelques mois ; en fait, malheureusement, depuis que vous êtes là. Mais c'est certainement une coïncidence ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Ça n'a rien à voir !

M. Jean-Pierre Dufau.

Tout ce qui est excessif est insignifiant !

Mme Annette Peulvast-Bergeal.

Dérisoire !

Mme Anne-Marie Idrac.

On assiste à un déclin du ferroutage ; les chiffres en témoignent. Nous pourrions avoir l'ambition commune de redresser ou de développer cette forme de transport propre. Mais il est certain que le blocage des évolutions européennes en matière de transport de fret auquel se livre votre collègue M. Gayssot ne va pas dans le sens que vous comme moi, madame la ministre, pourrions souhaiter.

M. Jean-Pierre Brard.

Vous êtes amnésique !

Mme Anne-Marie Idrac.

En résumé, nous ne voterons pas ce projet de budget, car il est trop centralisateur, car il ne favorise pas les initiatives locales ou celles des partenaires sociaux et, surtout, car la TGAP crée un véritable droit à polluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Pierre Brard.

Idéologie de pacotille !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Malavieille, pour cinq minutes.

M. Patrick Malavieille.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'an passé, le budget de l'environnement s'élevait à 3,957 milliards de francs.

Cette année, il enregistre une augmentation certaine, puisqu'il atteint 4,298 milliards de francs. Une telle augmentation traduit la prise en compte par le Gouvernement de la préoccupation de plus en plus grande de nos citoyens pour ce qui est de la protection de notre planète.

Le problème de l'eau doit être considéré avec le plus grand sérieux si l'on souhaite lutter activement pour la protection de l'environnement. C'est donc sur ce thème que portera mon intervention.

L'eau est une ressource indispensable à la vie et au développement des sociétés. Nous avons la chance que notre pays dispose de réserves naturelles importantes.

C'est pourquoi, il faut les préserver.

Pourtant, depuis maintenant quelques années, l'eau est à l'origine de problèmes, tant en matière de santé, de cadre de vie et d'environnement, que de financement.

La pollution de l'eau, la sécheresse, les inondations et une utilisation beaucoup plus importante de cette ressource sont les facteurs essentiels des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Malgré la hauteur des investissements, tant pour la protection de la ressource que pour la dépollution, la qualité de l'eau s'est dégradée.

Le projet de budget prévoit la création d'un fonds national de solidarité pour l'eau. Cet instrument a pour mission de mettre en place une politique de solidarité et de péréquation dans le domaine de l'eau. C'est une décision intéressante, même si nous notons cependant que ce fonds tire ses ressources du budget des agences de l'eau.

L'ensemble des crédits consacrés à la politique de l'eau, à la protection de la ressource et à celle des milieux aquatiques progresse de 48,5 %.

Depuis maintenant de nombreuses années, nous rappelons, madame la ministre, notre souci de voir une autre politique s'appliquer dans ce domaine. Cela fait également longtemps que nous légiférons pour améliorer les choses. Néanmoins, malgré l'appareil législatif existant, les réponses apportées restent globalement insatisfaisantes.

Les secteurs et les services publics sont fragilisés depuis longtemps. Pourtant, ils sont capables d'améliorer la connaissance du milieu, d'aider les différents intervenants, de contrôler, voire de punir les contrevenants.

Aujourd'hui, les pollutions s'aggravent et se diversifient. Les collectivités sont obligées de réaliser des investissements coûteux, malgré les interventions efficaces des agences de l'eau. L'effort à fournir est considérable : les investissements nécessaires sont évalués à plus de 125 milliards de francs.

Le monopole de la Compagnie générale des eaux, de la Lyonnaise des eaux et de Bouygues permet à ces trois groupes de piloter la politique de l'eau. Le désengagement de l'Etat et les soucis de rentabilité de cette industrie ont entraîné une pression tarifiaire sur les usagers domestiques et sur les collectivités locales, lesquelles sont seules à être responsables de la distribution de l'eau et de l'assainisse-


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ment. De plus, cette pression tarifaire entraîne de graves inégalités dans l'accès des familles à l'eau. On constate, par ailleurs, que c'est le secteur privé qui pratique les prix les plus élevés.

Une politique de l'eau au juste coût et au mieux des intérêts des administrés devrait être mise en place rapidement. Il faut donc que l'Etat joue au mieux son rôle et qu'il existe une vraie transparence en matière de fixation du prix de l'eau.

Des réformes ont certes été entreprises pour améliorer cette gestion de l'eau. Certaines vont dans le bon sens.

D'autres sont plus discutables, comme celle concernant une application du principe pollueur-payeur. D'autres encore nous apparaissent dangereuses comme la TGAP.

Mme Anne-Marie Idrac.

Très juste !

M. Patrick Malavieille.

Mais aucune ne s'attaque aux origines des dysfonctionnements actuels : la mainmise des groupes privés ! Il est donc temps aujourd'hui de mettre en place une politique de reconquête de la maîtrise publique de l'eau, de s'assurer que l'eau est considérée avant tout comme une ressource et non comme une marchandise.

M. Daniel Marcovitch.

C'est aux élus locaux de le faire !

M. Patrick Malavieille.

Une telle politique devrait s'efforcer de donner leur pleine mesure aux principes énoncés dans les lois précédentes, s'appuyer sur les outils actuels, tout en en définissant de nouveaux propres à compléter et à prolonger le dispositif actuel.

Voilà pourquoi, madame la ministre, nous nous apprêtons à déposer une proposition de loi portant création d'une agence nationale de l'eau. Cette agence aurait deux objectifs principaux : le premier consisterait à proposer au Parlement, en coopération avec les six agences de l'eau, une politique nationale de l'eau et de s'assurer de sa mise en oeuvre ; le second à donner à l'ensemble des acteurs de la politique de l'eau, et en premier lieu aux élus, les i nformations, les formations, les expertises et aides diverses dont ils ont besoin pour pouvoir se prononcer et agir en toute connaissance de cause.

Vous avez annoncé, madame la ministre, lors du conseil des ministres du 27 octobre dernier, les orientations de la réforme de la politique française de l'eau qu'entend prendre votre ministère. Ce projet sera déposé début 2001. Nous espérons que notre proposition saura retenir votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur divers bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Lefait.

M. Michel Lefait.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, les crédits du budget de l'environnement consacrés aux réserves naturelles sont en très nette augmentation. Je m'en réjouis avec vous, d'autant que les réserves naturelles ont démontré, depuis qu'elles existent, qu'elles sont un formidable outil de protection de notre patrimoine naturel national.

Au nombre de 146, les réserves naturelles couvrent 525 800 hectares, soit une très faible proportion du territoire métropolitain - 0,25 % -, mais elles préservent les joyaux de notre patrimoine naturel puisqu'elles abritent plus des deux tiers des mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et poissons et un tiers des espèces végétales que protègent la loi.

Par ailleurs, elles viennent en complément des autres espaces protégés du ministère de l'environnement.

Parallèlement à l'outil « parc national », surtout utilisable dans les secteurs peu peuplés de montagne, les réserves naturelles, souvent de taille plus modeste, protègent, gèrent et aident au développement des secteurs naturels menacés, quel que soit le contexte géo-socioéconomique.

Venant en appui de l'outil « parc naturel régional », elles sont, à l'intérieur de ces territoires, l'instrument de protection des secteurs à forte valeur patrimoniale telles la réserve naturelle des hauts-plateaux du Vercors dans le parc naturel régional du Vercors ou encore la réserve naturelle du massif du Grand-Ventron dans le parc naturel des Ballons des Vosges.

Enfin, les réserves naturelles sont un lieu d'expérim entation des programmes européens, comme les mesures agri-environnementales et les programmes LIFE.

Elles permettent ainsi à la France de respecter ses engagements internationaux en matière de protection du patrimoine naturel.

En protégeant et en gérant un territoire d'exception, les réserves naturelles sont ainsi devenues un élément majeur du développement local durable et de l'aménagement du territoire.

Dans ce cadre, plus d'une centaine d'organismes gestionnaires de réserves naturelles relaient sur le terrain, et de manière adaptée aux particularités locales, une politique d'Etat : ils assurent l'application de la réglementation, veillent à une gestion écologique de qualité, favorisent le développement de l'accueil du public, la promotion et la valorisation du patrimoine naturel dans la mesure où ils restent compatibles avec la mission de protection.

De plus, nombre d'organismes gestionnaires ont développé une capacité d'entreprendre au-delà du cadre strict de l'espace protégé et des missions qui leur sont confiées, pour devenir de véritables « entreprises-territoires ».

Ainsi, ils expérimentent des techniques de génie écologique innnovantes ; assurent l'ouverture de centre d'accueil - on compte 4 millions de visiteurs par an ; favorisent la diffusion de produits et de services dans le domaine de l'éducation à l'environnement, de la formation, de l'insertion des handicapés et des jeunes en difficulté - à ce jour, 120 emplois-jeunes ont été recrutés ; participent à des actions coordonnées de police de la nature ; favorisent le développement de partenariats avec les entreprises, les collectivités locales, les écoles et les universités.

Face à l'importance de ces enjeux, il est certain que la création de nouvelles réserves naturelles doit permettre à l'avenir non seulement de conforter un réseau structurant d'espaces naturels protégés qui soient des outils de développement durable et d'aménagement du territoire, mais aussi de protéger un échantillon suffisamment représentatif de l'ensemble des habitats et milieux naturels français.

Cependant, selon moi, cette politique de création des réserves naturelles ne doit pas se faire au détriment des réserves existantes. Or j'observe que, dans la répartition budgétaire, l'essentiel des crédits supplémentaires que j'évoquais au début de mon propos sera affecté aux nouvelles réserves créées lors du précédent exercice et que près de 20 % des crédits de fonctionnement seront alloués aux réserves de Guyane et au projet de parc international des bouches de Bonifacio.

Avec un coût de gestion moyen à l'hectare de l'ordre de 250 francs, nombre de réserves naturelles sont aujourd'hui au bord de l'asphyxie financière et ne parviennent pas, faute de moyens suffisants, à assumer pleinement


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leur rôle et leurs missions, ce qui se traduit par des salariés surqualifiés et sous-payés, par un manque de personnels d'encadrement, par des conditions de sécurité insuffisantes. Il est nécessaire que chaque réserve dispose d'un véritable plan de gestion.

Pour renforcer le professionnalisme des organismes gestionnaires, mais aussi pour les inciter à trouver de nouveaux partenariats susceptibles de développer l'emploi en milieu rural, il est impératif que le budget des réserves naturelles existantes soit réévalué au vu des nouvelles exigences de qualité qui leur sont assignées.

C'est pouquoi chaque réserve doit pouvoir disposer de moyens renforcés afin de faire face à ses missions de surveillance et de gestion. Cela passe par le recrutement de gardes conservateurs et d'agents commissionnés, ainsi que par la mise en place d'une signalétique moderne et d'équipements destinés à accueillir le public.

Pour atteindre ces objectifs, les budgets de fonctionnement et d'investissement des réserves naturelles existantes devraient respectivement connaître une augmentation de 7 et 6 millions de francs. C'est à cette condition, madame la ministre, que tous les gestionnaires de réserves se trouveront sur un pied d'égalité et atteindront le même niveau d'excellence dans l'exercice de leur mission d'Etat.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila, pour cinq minutes.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe communiste se félicite de l'augmentation du budget de l'environnement.

La progression de 8,6 % confirme la tendance de l'an passé qui nous oriente vers un ministère de plein exercice.

L'environnement est désormais devenu une priorité des citoyens, c'est pourquoi il est nécessaire que le Gouvernement se donne les moyens de cette politique.

Un proverbe africain nous enseigne que nous n'héritons pas de la terre de nos parents, mais que nous l'empruntons à nos enfants. C'est pourquoi, dans le souci de leur transmettre une terre digne, il faut lutter contre toutes les formes de pollution à travers le monde. Mon intervention portera donc sur la lutte contre la pollution.

Le budget de 1999 a vu l'entrée en vigueur de la taxe générale sur les activités polluantes, qui doit se substituer progressivement à l'ensemble des prélèvements fiscaux et parafiscaux en vigueur dans le domaine de l'environnement, et dont l'assiette est constituée par des activités polluantes, l'émission, la production ou le rejet des produits polluants.

Vous nous avez expliqué, madame la ministre, que cette taxe a pour objectif de dissuader les activités polluantes et d'inciter à des comportements plus vertueux, cette nouvelle application du principe pollueur-payeur devant corriger les défauts de celle qui en était faite auparavant. Néanmoins, si nous pensons qu'il est juste que celui qui pollue paye, nous sommes inquiets quant à l'efficacité de cette mesure. L'an passé, nous avions d'ailleurs déjà exprimé cette inquiétude.

Selon le principe pollueur-payeur, toutes les activités humaines, sans distinction, sont polluantes. La stricte application de ce principe peut nous entraîner vers des aberrations. Une parfaite illustration des dérives possibles nous est fournie par les Etats-Unis où l'on a le droit de polluer pourvu que l'on paye, ce qui conduit les plus riches à racheter les « permis de polluer » des plus petits.

Peut-on considérer qu'il s'agit là d'un véritable outil contre la pollution ? Vraisemblablement, non. Il nous est permis de douter de l'effet dissuasif d'une telle politique.

La population est également mise à contribution. Or elle se trouve dans une tout autre situation que les entreprises. Si la taxe présente l'intérêt de ne pas exonérer les grandes entreprises de leur responsabilité, il ne faudrait pas que cette taxation soit répercutée sur les consommateurs. Or l'élargissement aux détergents phosphatés de l'assiette de la TGAP semble confirmer cette inquiétude.

La lessive, qui est un produit dont les consommateurs peuvent difficilement se passer, va donc augmenter. Pourtant, les consommateurs n'ont aucune influence réelle sur le produit proposé et leur situation financière ne permet pas à tous de pouvoir payer un produit non polluant.

Plutôt que d'augmenter le prix des produits de consommation polluants, ne serait-il pas plus équitable de baisser celui des produits les plus respectueux de l'environnement, ou d'abaisser la taxe sur les produits les moins polluants ? L'assiette de la TGAP est également élargie aux pollutions d'origine agricole. Ainsi les agriculteurs, qui sont des acteurs effectifs de la pollution, devront payer. Mais peut-on uniquement faire payer les acteurs effectifs ? Une telle option semble dégager le politique de toute responsabilité. Il ne semble pourtant pas raisonnable, en effet, de parler du comportement des agriculteurs sans parler des politiques agricoles qui poussent les agriculteurs vers plus de compétitivité.

L'OMC nous oriente vers une déréglementation qui ne donne pas forcément la possibilité aux agriculteurs de choisir des produits non polluants. Il faudrait, à cet égard aussi, accompagner les agriculteurs pour les inciter à adopter des comportements plus vertueux et à oeuvrer pour la protection de l'environnement.

Quoi qu'il en soit, nous pensons qu'une taxe assise sur une assiette aussi large ne peut donner un réel signal environnemental fort.

Enfin, la non-réaffectation de la TGAP imposera aux collectivités locales de nouvelles dépenses pour les investissements environnementaux. Nous nous interrogeons : consentiront-elles les mêmes efforts que précédemment en ce qui concerne l'assainissement et la pollution si nous ne leur en donnons pas les moyens ? L'effet risque d'être contraire et d'aboutir à une régression par rapport aux efforts déjà consentis.

Je suis certain, madame la ministre, que vous mesurez nos inquiétudes.

Le produit de la TGAP est intégré au projet de loi de financement de la sécurité sociale afin de contribuer à l'allégement du financement des charges résultant de la réduction du temps de travail. La taxe s'inscrit donc dans le cadre de la lutte pour l'emploi. Les députés communistes accompagnent le Gouvernement dans cet impératif qui a été mis en tête des priorités nationales. Toute mesure en faveur de l'emploi emporte donc notre adhésion.

Néanmoins, l'élargissement de l'assiette de la TGAP ne devrait-il pas avoir des conséquences sur le budget du ministère de l'environnement ? Il nous semblerait juste que ce ministère puisse profiter de la progression du rendement d'une taxe qui sanctionne les comportements pollueurs.

Dans le souci de protection de l'environnement qui est celui du groupe communiste, il est de notre devoir d'affirmer que la taxe générale sur les activités polluantes n'a pas toutes les vertus d'une politique de lutte contre les pollutions.

M. Bernard Deflesselles.

Très juste !


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M. Jean Vila.

J'ajouterai un dernier mot sur la taxe intérieure de consommation du gaz naturel sur les projets de cogénération.

Visiblement, la reconduite de l'exonération de cette taxe n'est pas envisagée pour les installations mises en service au-delà du 1er janvier 2001.

Mme Nicole Bricq.

On va le faire !

M. Jean Vila.

Il me semble que la non-reconduction de cette exonération serat préjudiciable aux projets en cours qui concernent de gros réseaux de chaleur alimentant essentiellement des logements sociaux, et contradictoire avec les objectifs environnementaux de notre majorité.

Mme Nicole Bricq.

C'est vrai !

M. Jean Vila.

Pouvez-vous, madame la ministre, confirmer, ou infirmer, la reconduite de l'exonération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Daniel Marcovitch, pour cinq minutes.

M. Daniel Marcovitch.

Madame la ministre, deux mots peuvent résumer votre buget : parti tenu.

En effet, dès votre arrivée au Gouvernement, vous avez voulu, avec le Premier ministre, Lionel Jospin, faire du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement un ministère de plein exercice.

En ce qui concerne l'environnement, avec un budget en augmentation de 8,6 %, puisqu'il atteint cette année 4,298 milliards de francs, vous êtes enfin sur la voie que vous aviez tracée tant du point de vue quantitatif que du point de vue des options politiques.

Ce budget comporte tant de chapitres que je limiterai mon intervention au domaine de l'eau, et cela d'autant plus volontiers que les crédits qui y sont consacrés augmentent à eux seuls de près 50 %.

Je ne reviendrai pas sur la TGAP-eau - bien que j'aie quelques mots à en dire - dont j'ai longuement parlé lors de l'examen du projet de loi de finances de la sécurité sociale, relevant qu'il y avait, enfin, dissociation entre la taxe elle-même et la notion de réparation. Cette nouvelle approche donne en effet à la taxe une spécificité qui la différencie des redevances des agences de bassin, que leur caractère plus mutualiste aurait pu rendre assimilables à un droit à polluer si l'on avait suivi certains agriculteurs, qui voulaient transformer en redevances les taxes sur les phytosanitaires et les gérer eux-mêmes.

Je voudrais rappeler à nos collègues de l'opposition que polluer, c'est d'abord une marque d'égoïsme - égoïsme pour son voisin, égoïsme pour les générations futures.

(« Très juste ! » sur divers bancs.)

Que la taxe sur l'égoïsme relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c'est-à-dire de la solidarité, me semble donc un très bel exemple, qu'il faut retenir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Deflesselles.

Cela avait bien commencé, mais la chute est mauvaise !

M. Daniel Marcovitch.

Aujourd'hui, j'évoquerai le fonds national de solidarité - mot que nous aimons beaucoup à gauche - pour l'eau qui, doté de 500 millions de francs, représente ce que je considère comme le début de la reconquête de la politique nationale de l'eau par la puissance publique - je n'ai pas dit : par l'Etat.

Disant cela, je ne veux pas remettre en cause la politique d'autonomie des agences de bassin. Mais, au-delà de la gestion locale ou régionale de l'eau et de l'assainissement, il y a de grands choix politiques sur lesquels l'Etat doit s'engager et pour lesquels il doit se doter des moyens.

On ne peut pas moderniser les redevances, faire appliquer le principe pollueur-payeur et taxer de nouvelles pollutions sans un contrôle effectif assorti de la répression nécessaire.

Je parlerai d'abord de la police de l'eau, qui voit ses effectifs augmenter de vingt-huit postes au conseil supérieur de la pêche, de quinze postes dans les directions régionales de l'eau et de neuf postes dans les MISE missions interservices de l'eau. Il faut en effet embaucher du personnel pour assurer la police de l'eau.

Un fonds de concours des agences de l'eau a permis d'augmenter de 90 millions de francs les moyens techniques des services de l'Etat pour la police de l'eau et les données générales de l'eau, de même qu'une subvention de 50 millions de francs a été attribuée au conseil supérieur de la pêche pour ses missions de police.

C'est également grâce au fonds national de solidarité pour l'eau que seront dégagés les 8,4 millions de francs nécessaires au fonctionnement du haut conseil du service public de l'eau et de l'assainissement pour l'an 2000. Ce haut conseil, exerçant des missions de consultation, de recommandation et d'alerte sur la politique de l'eau et l'assainissement, ou des délégations de service public, pourra saisir l'Etat, ses représentants ou les instances juridiquement responsables et émettre des avis publics sur les anomalies constatées.

Enfin - autre point fort de votre budget, madame la ministre -, une ligne de 207 millions de francs pour la prévention des inondations est prévue. Je me félicite des efforts entrepris en faveur de la restauration du domaine public fluvial et, surtout, de la prévention des risques, grâce aux moyens donnés pour l'annonce des crues et la protection des lieux habités.

Les points que je viens d'aborder sont tout à fait indispensables pour moderniser et adapter la gestion de l'eau et de l'assainissement en France. Néanmoins, en dépit de ses qualités évidentes, je qualifierai votre budget, madame la ministre, de budget de transition, dans l'attente de la grande loi sur l'eau que vous préparez pour 2001.

Ce que l'on appelle aujourd'hui l'école française de l'eau voit ses principes de gestion par bassins versants reconnus tant au niveau européen qu'au niveau mondial, et nous nous en félicitions. Il ne pourra donc pas être question de remettre en cause ce mode de gestion dans la nouvelle loi qui devra beaucoup mieux prendre en compte les nouveaux besoins, ce qui est voulu par les consommateurs et un grand nombre d'élus. Elle devra concourir à plus de transparence dans la facturation de l'eau et à plus de démocratie dans les instances dirigeantes, au niveau des bassins comme à celui des commissions locales de l'eau.

Outre qu'elle permettra la transcription de la directive européenne sur l'eau, cette grande loi donnera enfin aux élus de la nation l'occasion de se prononcer sur les orientations techniques, les assiettes et les taux des redevances décidées par les agences de bassin lors des programmes quinquennaux.

Ainsi en sera-t-il pour le huitième programme, qui débutera en 2002, car il fallait que les pratiques des agences trouvent la constitutionnalité qui leur manquait.

Cela sera fait dans la loi.

Il restera à impliquer beaucoup plus dans le dispositif l es consommateurs : assurer leur présence dans les commissions, leur donner les moyens d'individualiser leur


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consommation pour mieux la maîtriser, mettre en place les moyens d'une véritable politique sociale de l'eau, autant de chantiers à ouvrir en faveur desquels, ainsi que vous-même, nous militons depuis plusieurs années.

Je me félicite donc que 20 millions de francs du fonds national de solidarité pour l'eau soient consacrés en l'an 2000 pour financer les travaux d'économie d'eau dans le domaine de l'habitat social.

A ce propos, madame la ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour mettre en application la directive sur le plomb et le remplacement des tuyauteries ? Enfin, il faut rendre aux élus locaux une véritable responsabilité de gestion qui aille bien au-delà de la responsabilité pénale qui est la leur dans les domaines de l'eau et de l'assainissement. C'est en ce sens que je pense que les contrats de délégation de service public de l'eau et d'assainissement doivent obéir à des règles plus strictes que celles des autres services publics. L'eau a en effet un aspect si fondamental, voire vital, et le monopole de fait auquel sont soumis les consommateurs est si réel que les contrats en la matière ne peuvent obéir aux mêmes règles que, par exemple, la restauration scolaire ou l'entretien des ascenceurs des HLM.

En attendant l'ouverture de ce vaste chantier, madame la ministre, c'est avec la volonté de continuer à aller de l'avant que le groupe socialiste votera votre budget, qui est celui qui augmente le plus, après celui de la ville, marquant ainsi la volonté du Premier ministre et la vôtre, ainsi que celle du Gouvernement, de donner à la polit ique environnementale la place qui est la sienne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour cinq minutes.

M. Jean-Pierre Brard. Madame la ministre, au lendemain des élections européennes du 13 juin dernier, vous annonciez avoir obtenu des moyens supplémentaires pour votre ministère. Il s'agit là d'un début de rééquilibrage face au poids des lobbies de l'agriculture, des transports ou de l'industrie, dont on a bien vu qu'il y avait ici quelques porte-voix.

M. Bernard Deflesselles. Ils apprécieront ! M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Deflesselles, on a mesuré votre talent pour les ouvrages de fiction dans les propos que vous avez tenus tout à l'heure. Vous parliez d'« écologie administrée ». Moi, j'y ai plutôt perçu l'idéologie atrophiée dont vous êtes le symbole ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Il n'est pas le seul ! M. Bernard Deflesselles. Vous parlez savamment, monsieur Brard ! Merci, pour le mur de Berlin, dont on fête l'anniversaire de la disparition ! M. Jean-Pierre Brard. Je mesure aujourd'hui, madame la ministre, votre satisfaction, tout autant que la difficulté dans laquelle vous vous trouvez de faire entendre votre voix, qui est d'ores et déjà un peu plus qu'une petite musique, mais qui n'est pas encore la voix de stentor qu'il faudra prêter à l'écologie et aux préoccupations environnementales.

En accordant au budget de l'environnement une crois-s ance environ quatre fois supérieure à l'évolution moyenne des dépenses de l'Etat, le Gouvernement fait un geste important dont on peut toutefois regretter qu'il n'intervienne aussi puissamment que cette année ; j'aurais souhaité qu'il soit plus fort les années précédentes, mais il ne faut jamais bouder son plaisir ! En chiffres réels, votre budget, qui augmente de 6,8 % pour atteindre 4,298 milliards de francs, est encore modeste, et le chemin à parcourir reste long et difficile.

Pour autant, ce débat en séance publique est l'occasion d'aborder des problèmes essentiels qui, bien que conflictuels, ne doivent pas pour autant être éludés, comme celui de la relation entre l'agriculture et son environnement. L'expérience du suivi des questions budgétaires et environnementales me permet d'affirmer qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Je regrette à cet égard que Mme Idrac n'ait pas eu d'échanges plus étroits avec Mme Lepage et qu'elle n'ait pas lu l'ouvrage dans lequel celle-ci expose les difficultés auxquelles elle a été confrontée et dont elle ne s'est pas sortie, sous la houlette - ou plutôt sous la férule - de M. Juppé.

Le Gouvernement a fait de la fiscalité écologique l'un des axes de la réforme fiscale. En effet, l'instrument fiscal a jusqu'à présent été peu utilisé au profit de l'environnement. Or l'idée d'une écotaxe générale et non affectée permet de respecter réellement le principe « pollueurpayeur », puisque son niveau peut être déterminé non par le besoin de financement de telle ou telle politique d'environnement, mais par ce qui paraît réellement efficace pour dissuader tel ou tel comportement pollueur.

Mme Nicole Bricq.

C'est toute la différence !

M. Jean-Pierre Brard.

Mon prédécesseur a parlé du plomb, qui est une question extrêmement importante, et pas seulement dans les peintures. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été pris en compte à ce sujet à la faveur de la loi sur les exclusions et de la politique de l'eau.

La Cour des comptes et le Commissariat général au Plan ont récemment dénoncé les défauts d'un système contre-productif qui revient à financer la dépollution tout en encourageant les pratiques polluantes. A court terme cependant, il n'est pas facile de pénaliser les nuisances à l'environnement dues à l'agriculture tant que ses contributions positives ne sont pas mieux valorisées. En fait, l'enjeu est de pouvoir faire évoluer notre modèle agricole essentiellement productiviste, élaboré après la guerre pour des raisons économiques d'indépendance alimentaire qui se justifiaient à l'époque. Ce modèle a trouvé aujourd'hui ses limites.

Je souhaiterais par ailleurs signaler ce qui me semble être un risque inhérent à l'affectation de la TGAP au budget de la sécurité sociale dans les conditions qui ont été rappelées.

La TGAP n'a pas vocation à être la variable d'ajustement des comptes sociaux...

M. Bernard Deflesselles.

Voilà !

M. Jean-Pierre Brard.

Je suis pour la TGAP, monsieur Deflesselles...

M. Bernard Deflesselles.

Vous faites preuve d'un peu de lucidité, et c'est très bien !

M. Jean-Pierre Brard.

En ce qui vous concerne, la lucidité risque de déboucher sur de l'aveuglement !

M. Robert Galley.

C'est dingue !

M. Jean-Pierre Brard.

Le niveau d'une taxe écologique doit être déterminé par des préoccupations d'efficacité environnementales et non répondre à un souci d'équilibre des finances publiques.


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De plus, je note que la progression des dotations budgétaires permettra de renforcer les capacités d'expertise du ministère, ce dont je me félicite. Je pense notamment à la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, qui constituera, à mon sens, un outil d'aide à la prise de décisions publiques essentielles, permettant de montrer que, par exemple, la prise en compte de la protection de l'environnement est bien souvent synonyme d'une amélioration de la compétitivité des entreprises, ou créatrice d'emplois.

Dans le cadre du programme pluriannuel de modernisation de l'administration, transmis au Premier ministre, la création d'une inspection de l'environnement a été demandée. Celle-ci sera composée de personnes venant des corps des ponts et chaussées, des mines et du génie rural, corps dont l'inclination naturelle, madame la ministre, n'a pas toujours conduit ses membres à traiter ardemment les questions environnementales. Mais je ne peux douter de leur grande capacité d'adaptation, surtout sous votre pression. (Sourires.)

Pour finir, je souhaiterais, monsieur le président, vous faire part de mon étonnement sur la manière dont l'examen du code de l'environnement pourrait intervenir prochainement à l'Assemblée nationale. En effet, ce texte serait inséré avec huit autres codes dans un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Or priver le Parlement d'un débat sur ce texte me semble tout à fait regrettable.

Rappelons, madame la ministre, qu'au mois de janvier 1997 votre prédécesseur avait retiré son projet de l'ordre du jour de l'Assemblée quelques heures avant sa discussion, tant le gouvernement de l'époque craignait que ne soit critiqué le manque d'ambition du texte, particulièrement en ce qui concernait la codification à droit constant.

Tels sont, madame la ministre, les quelques points sur lesquels je voulais insister.

Après mes collègues Patrick Malavieille et Jean Vila, je vous confirme que nous voterons votre budget,...

M. Bernard Deflesselles.

C'est un scoop !

M. Jean-Pierre Brard.

... sans renoncer pour autant à obtenir, par exemple, que les lessives non polluantes ne soient plus renchéries. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Nous sommes d'accord !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, le budget du ministère de l'environnement que je vous ai présenté l'an dernier posait les jalons de l'ambition nouvelle du Gouvernement en matière environnementale : il s'inscrivait ouvertement en faveur d'une politique conduite par un ministère de plein exercice, capable d'élaborer et de mettre en oeuvre une véritable politique de développement durable.

Le projet de loi de finances pour 2000 consolide l'action entreprise par le Gouvernement en matière environnementale, il lui confère une amplitude nouvelle et l'inscrit dans la durée.

Avant de vous exposer mes priorités politiques et leurs traductions budgétaires, je souhaiterais remercier les deux rapporteurs - M. Suchod, auquel Yves Cochet a prêté sa voix, et M. Blazy - pour la pertinence de leur analyse.

J'avais eu la satisfaction, l'année passée, de vous annoncer que, pour la première fois, le ministère de l'environnement figurait au rang des priorités budgétaires du Gouvernement. Je ne vous avais cependant pas caché que le poids des retards accumulés les dernières années, avec un budget en stagnation autour de 0,14 % du budget civil de l'Etat pendant une dizaine d'années, rendait nécessaire une politique de rattrapage progressif dans la durée.

Nous abordons aujourd'hui la seconde marche de la construction d'un ministère apte à répondre à l'attente pressante de l'opinion, soucieuse de la qualité de son environnement. Après une première mise à niveau en 1999, le caractère prioritaire du budget de l'environnement sera confirmé en 2000, ouvrant la voie à une phase de consolidation des réformes entreprises, et propice à l'ouverture de nouveaux chantiers.

Le budget du ministère de l'environnement que j'ai le plaisir de vous présenter affiche une progression de 8,6 % par rapport à 1999, pour s'établir à 4 298 millions de francs, contre 3 957 millions de francs. Il est de surcroît complété par un instrument additionnel qui revêt la forme d'une section d'un compte spécial du Trésor, dotée de 500 millions de francs : le fonds national de solidarité pour l'eau.

C ette croissance témoigne, comme l'a rappelé

Mme Peulvast-Bergeal, d'un engagement dans la durée, que le Premier ministre a approuvé. Cela dit, elle mérite bien évidemment d'être relativisée à l'aune des sommes en jeu : en effet, le budget du ministère de l'environnement ne représente aujourd'hui que 0,25 % du budget civil de l'Etat.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Au lieu de 0,14 % ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... en dépit d'une progression quatre fois plus rapide que d'autres budgets, comme l'a rappelé charitablement Jean-Pierre Brard.

Les taux de progression sont parfois trompeurs, et ils ne doivent pas occulter le chemin qui reste à parcourir.

C'est donc bien volontiers que je remercie Mme Idrac d'avoir insisté sur ce point, elle aussi avec charité.

(Sourires.)

M. Daniel Marcovitch.

Charité chrétienne ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Dans l'identification des priorités sectorielles auxquelles il s'attache, ce projet de budget instaure des leviers nouveaux pour nos politiques et conforte la capacité d'intervention des instruments que nous avons créés l'an passé, en les dotant de moyens d'actions renforcées.

Les crédits nouveaux, qui avoisinent les 350 millions de francs en 2000, complétés par 250 millions de francs au titre du fonds national de solidarité pour l'eau, seront ainsi mobilisés en faveur d'une réorientation de la politique menée dans le domaine de l'eau : d'abord en direction d'un renforcement de la solidarité nationale et de la péréquation entre bassins - point sur lequel M. Malavieille a insisté à juste titre, j'y reviendrai -, ensuite en direction d'un renforcement des moyens consentis à la gestion et à la valorisation des espaces et milieux naturels, enfin d'une prise en compte accrue des mesures de prévention des


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risques, qu'ils soient naturels, industriels ou technologiques, et des pollutions de toute origine, toutes politiques soutenues par la poursuite du renforcement du socle du ministère, qui trouve sa traduction dans des réformes de structures d'une grande ampleur.

J'évoquerai en premier lieu la création du fonds national de solidarité pour l'eau. Monsieur Marcovitch, je tiens moi aussi beaucoup à ce terme de solidarité qui ne doit pas rester qu'un mot, mais appeler des politiques à la hauteur des attentes des citoyens les plus modestes. Ce fonds constitue une nouvelle étape importante de la politique du Gouvernement dans le domaine de la protection de l'eau et du milieu aquatique. Il revêt la forme d'une section d'un nouveau compte spécial du Trésor, intitulé

« fonds national de l'eau » : il sera alimenté à hauteur de 500 millions de francs en l'an 2000, par un versement des agences de l'eau. Il se substitue aux deux fonds de concours créés en 1997 et 1999 et permettra de doubler la capacité d'intervention de la direction de l'eau. Ce sont donc, hors redéploiements, 250 millions de francs de crédits nouveaux qui seront affectés à la politique nationale de l'eau en 2000.

Au-delà des missions jusqu'alors financées sur les anciens fonds de concours, ce compte contribuera au financement d'actions d'intérêt général au bénéfice du secteur de l'eau au travers du soutien à la restauration des rivières et des zones d'expansion des crues, à la solidarité nationale dans des domaines comme l'habitat social, et à la connaissance de l'eau et des milieux aquatiques.

L'année 2000 verra également la mise en place des instances de concertation appelées de leurs voeux, tant par les élus locaux que par les associations de consommateurs, grâce à la création du Haut conseil du service public de l'eau et de l'assainissement.

L'ensemble des crédits consacrés à la politique de l'eau, à la protection de la ressource et des milieux progresse ainsi de 48,5 % en 2000, conférant une dimension nouvelle à notre intervention. Pourtant, Daniel Marcovitch a raison, il s'agit d'une année de transition. Il nous faudra, au cours de l'année à venir, préparer le huitième programme d'intervention des agences ainsi que le projet de loi sur la politique de l'eau que je présenterai au Parlement en l'an 2001. Ce dernier doit nous permettre d'engager une rénovation : la loi de 1964 mérite un sérieux toilettage même si elle reste valable à bien des égards. Ce sera l'occasion d'examiner de près les préoccupations exprimées par M. Malavieille et par M. Marcovitch quant au poids des grands groupes privés, poids accru par les difficultés rencontrées par nombre d'élus qui entendent assumer leurs responsabilités. Ce sera aussi l'occasion de revenir sur certains points indispensables à l'amélioration de la solidarité dans le domaine de l'eau je pense notamment à la mise en place de compteurs individuels dans l'habitat collectif dont nous avons souvent discuté.

Comme vous l'avez souhaité, je dirai quelques mots de la directive 98/83 consacrée au plomb dans l'eau potable.

Ce texte est entré en vigueur le 15 décembre 1998. La France devra se mettre en conformité, c'est-à-dire respecter les valeurs paramétriques, avant le 25 décembre 2003.

Nous envisageons plusieurs étapes. Dans une première phase, il s'agira d'atteindre l'objectif de 25 microgrammes de plomb par litre. Les actions pourraient se concentrer essentiellement sur le traitement de l'eau et sur le remplacement des conduites publiques en plomb. Dans une deuxième phase, pour réduire la teneur en plomb jusqu'à 10 microgrammes par litre, les collectivités devront poursuivre le remplacement d'une partie des branchements en plomb. Les propriétaires d'immeubles anciens, construits avant 1949, devront remplacer, au rythme des travaux d'amélioration de l'habitat, les canalisations intérieures en plomb.

Les chiffres les plus fous ont été avancés pour le coût de ces travaux. Ils correspondaient à des études faites « à la louche » pour appréhender une fourchette.

Aujourd'hui, des analyses plus précises indiquent que la mise en conformité des canalisations coûterait aux propriétaires d'immeubles 40 à 50 milliards de francs. Une programmation de ces travaux sur quinze ans représenterait un investissement annuel de l'ordre de 3 milliards de francs, soit environ 2 % du montant global des travaux d'entretien des logements. Cette dépense semble assumable, surtout si l'on tient compte de la facilité offerte par l'abaissement du taux de TVA à 5,5 % pour les travaux d'amélioration des logements qui constitue une aide significative. Pour le réseau public, la dépense est évaluée à 18 milliards de francs sur quinze ans. Huit à dix milliards de francs seront en outre nécessaires au traitement collectif des eaux dures et douces. Il est à noter que ces investissements auraient déjà dû être réalisés pour respe cter la norme de 50 microgrammes par litre en valeur instantanée.

Deuxième priorité de l'exercice budgétaire, dans le secteur de la protection de la nature, des sites et des paysages, cette fois : le renforcement du réseau des espaces protégés, destiné à améliorer la protection des zones naturelles sensibles. En dépit d'un incident juridique récent, il est indéniable que l'année 1999 a vu la contribution de la France à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 s'améliorer considérablement. A ce jour, en effet, 1 029 sites couvrant 4,9 % de la superficie du territoire ont été notifiés à la Commission européenne, parallèlement à l'élaboration, pour chaque site, de documents d'objectifs qui devront être achevés en 2004, à l'issue d'une large consultation sur le terrain.

En 2000, le fonds de gestion des milieux naturels, créé l'année dernière pour appuyer la mise en oeuvre de l'approche contractuelle et partenariale choisie par le Gouvernement pour la gestion des sites Natura 2000 Mme Peulvast-Bergeal l'a rappelé - verra ses crédits progresser de 27 %, atteignant 242 millions de francs contre 190 millions de francs en 1999. Ce sont donc 52 millions de francs de moyens nouveaux qui seront consacrés à la préservation des espaces naturels et au développement des territoires dont plus de la moitié bénéficieront au financement du réseau Natura 2000.

Instrument phare de notre politique de préservation des milieux naturels destiné à favoriser toutes les politiques contractuelles en faveur des espaces naturels et de la diversité biologique, ce fonds soutiendra, entre autres, les orientations du futur schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux, sans oublier la politique de connaissance, d'inventaire et de conservation de la diversité biologique et des milieux naturels.

Les dotations affectées aux parcs naturels régionaux et aux conservatoires régionaux d'espaces naturels augmenteront également de manière sensible, de près de 10 millions de francs au total. Voilà qui pourrait répondre aux attentes de M. Cochet, M. Blazy et, si j'ai bien compris, M. Houillon, si attachés au projet de parc des Trois Forêts.

Les moyens consacrés au développement du réseau des espaces naturels protégés progressent, pour leur part, de 24 millions de francs pour s'établir à 436 millions de francs au bénéfice tant des parcs nationaux, qui dispose-


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ront de 10 millions de francs de crédits nouveaux, que du conservatoire du littoral dont la dotation passera de 147 à 149 millions de francs en dépenses ordinaires plus crédits de paiement, mesure incluant la création de cinq emplois en son sein.

M. Lefait a souligné avec raison les risques d'asphyxie des réserves naturelles existantes. Nous avons d'ailleurs dû demander aux responsables des réserves de ne pas se contenter de protéger les espaces naturels mais de devenir de vrais partenaires dans une politique de gestion dynamique des espaces naturels qui sont devenus des espaces de plus en plus attractifs où des activités nouvelles comme le tourisme et l'éducation à l'environnement sont venues s'ajouter aux activités traditionnelles - agriculture, exploitation forestière, chasse, pêche. Nous nous sommes donné les moyens de répondre à ces inquiétudes : la dotation des réserves naturelles est renforcée d'environ 9 millions de francs en dépenses ordinaires plus crédits de paiement, ce qui permettra d'assurer les besoins des réserves actuelles mais aussi de créer de nouvelles entités.

Il s'agit là d'une progression considérable, en termes de budget de fonctionnement et de crédits d'investissement.

Enfin, la tutelle de mon ministère sur le Muséum national d'histoire naturelle sera renforcée par un accroissement de sa dotation budgétaire, confirmant l'intérêt que j'attache à cette institution qui prépare à l'heure actuelle de nouveaux statuts et une réforme profonde de son mode de fonctionnement. Je vous rappelle que le Muséum constitue un élément central de la politique de l'Agence européenne de l'environnement et qu'il assure, pour le compte de mon ministère, un travail considérable, notamment dans la perspective de la mise en oeuvre de Natura 2000.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Sans oublier sa contribution au rapport sur la chasse ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Globalement, les crédits consacrés à la protection de la nature enregistrent ainsi une croissance de 14,2 % en l'an 2000, témoignant de notre volonté de construire une vraie politique des espaces naturels.

Troisième pilier d'intervention du ministère en charge de l'environnement : la prévention des pollutions et des risques. Pour 2000, le budget enregistre dans ce domaine une croissance de 4,5 % de ses crédits en dépenses ordinaires plus crédits de paiement et de 9 % en dépenses ordinaires plus autorisations de programme, Elle traduit la conscience que nous avons de nos responsabilités en m atière d'actions préventives, gage d'une politique citoyenne.

Une politique efficace de prévention des risques suppose un niveau de connaissance pertinent des milieux mais aussi un ensemble de méthodologies d'évaluation des risques. C'est pourquoi j'ai décidé, pour la deuxième année consécutive, de renforcer les moyens de l'Institut français de l'environnement - IFEN - et de l'Institut d'évaluation des risques industriels - INERIS. Service statistique du ministère de l'environnement, l'IFEN disposera en conséquence d'un budget de fonctionnement de 30,8 millions de francs, en progression de 8 %, conforté par la création de cinq emplois nouveaux, tandis que ses crédits d'investissement connaîtront une croissance de 11 %. Les moyens de l'INERIS progresseront de 27 millions de francs pour atteindre 157 millions de francs en 2000, afin de développer nos moyens d'études, de recherches et d'intervention dans le domaine des risques chroniques et accidentels. J'attends beaucoup de l'institut dans des domaines essentiels comme l'écotoxicologie, la gestion des risques et les relations santé-environnement.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Et l'agence ? Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Sa création a été annoncée par le Premier ministre. Nous sommes en train de travailler à la rédaction d'un projet de loi en ce sens.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'effort en faveur de la mise en place de plans de prévention des risques est poursuivi.

Le budget de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie sera conforté. Elle sera dotée de 143 millions de francs de crédits nouveaux, essentiellement affectés au financement de la politique de déchets ménagers et huiles usagées qui bénéficiera de 100 millions de francs supplémentaires.

Vous avez été nombreux - je pense notamment à Jacques Pélissard et à Jean-Pierre Blazy - à me faire part de votre inquiétude sur le niveau des disponibilités budg étaires de l'ADEME. Il est certain que depuis l'automne 1998, fortes d'une meilleure santé financière, mais également sensibles aux échéances de 2001 et de 2002, aux nouvelles orientations et aux nouveaux outils financiers donnés à la politique des déchets, de très nombreuses collectivités ont déposé des demandes de soutien auprès de l'ADEME. Il s'agit en quelque sorte d'une crise de succès pour une politique qui redémarre après une période de latence. Je ne peux que m'en féliciter.

Utilisant ses ressources annuelles et les souplesses des redéploiements internes auxquelles l'autorise son statut, l'ADEME a été en mesure d'affecter, dès 1999, 1 130 millions de francs à la politique de déchets pour une dotation initiale de 811 millions de francs.

Je tiens à souligner, comme l'a d'ailleurs rappelé JeanMichel Marchand, que les aides directes de l'ADEME supérieures à leur niveau de 1997 - ne constituent pas, loin s'en faut, la seule forme de soutien à cette politique.

Nous avons, en effet, contribué à augmenter, par une réforme des barèmes, les interventions de sociétés comme Eco-emballages ou Adelphe. Par ailleurs, beaucoup l'oublient, nous avons réduit dès 1999 le taux de TVA applicable en matière de collecte sélective et de tri des déchets.

Cette baisse aura un effet d'équivalent-subventions estimé à 500 millions de francs en 1999 et atteindra vraisemblablement 1 milliard à 1,5 milliard en année pleine.

Certes, tout n'est pas parfait. Je partage la démonstration de Jean-Michel Marchand et de Jean Vila sur la nécessité de baisser le taux de TVA applicable aux réseaux de chaleur. Vous savez que j'ai milité en faveur de cette mesure qui n'a pu être retenue cette année. Je compte bien revenir à la charge et je me réjouis de pouvoir compter sur votre aide dans cette démarche.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Il y aurait, semble-t-il, une interdiction européenne ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

C'est ce qui m'a été dit. La négociation européenne menée par le ministère de l'économie et des finances n'a pas permis d'aboutir sur ce point. Il faudra y revenir...

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Certainement !


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Mme Nicole Bricq.

Comptez sur nous ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... et ne pas se contenter d'une bataille perdue. C'est sur la durée qu'il faudra juger.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Absolument ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En tout cas, j'ai demandé au Premier ministre une ouverture complémentaire d'autorisations de programme dans le collectif budgétaire 1999, et une ouverture significative. Il est nécessaire de renforcer les moyens affectés par l'ADEME à la politique de gestion des déchets. Nous resterons attachés - je veux le souligner - à la qualité des projets et nous continuerons à vérifier leur adéquation aux objectifs nationaux dans ce domaine - réduction à la source, tri, collecte sélective, valorisation des matières, mise en décharge des seuls déchets ne pouvant être valorisés. Si j'insiste sur ce point, c'est que l'échéance de 2002 se rapprochant, certaines collectivités pourraient être tentées d'abaisser leur niveau d'exigence. Il n'est pas question qu'il en soit ainsi.

M. Jean-Michel Marchand.

On est bien d'accord ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Autre élément clé de notre action de lutte contre les pollutions : la politique de réduction des nuisances sonores, identifiées comme le premier facteur de gêne par les citoyens, politique dont la dimension sociale a bien été démontrée par Jean-Pierre Blazy tout à l'heure. Elle bénéficie d'un supplément de moyens de 10 millions de francs en 2000. Ces crédits nous permettront de développer les recherches, notamment sur les points noirs liés aux infrastructures de transport terrestre, et de soutenir des projets pilotes en matière de lutte contre le bruit.

A la suite du rapport Lamure, j'ai entrepris de définir, avec le concours des autres ministres concernés, un programme d'action qui traduise la volonté du Gouvernement de changer d'échelle dans le traitement du problème. Il fera l'objet d'une communication en conseil des ministres mercredi prochain. Appliqué dès le début de l'année 2000, il permettra de traiter dans les dix prochaines années au moins 200 000 logements subissant des nuisances sonores dues au réseau national d'infrastructures.

En ce qui concerne les transports aériens, j'ai demandé à l'ADEME de consacrer à l'instruction des dossiers les moyens nécessaires à la résorption du retard pris par A éroports de Paris. Une augmentation notable du nombre des demandes d'aides a fait suite à l'extension des conditions d'indemnisation décidée à la fin de 1998.

L'établissement redéploiyera, si nécessaire en cours de gestion et à hauteur de plusieurs dizaines de millions de francs, les moyens adéquats...

Mme Nicole Bricq.

Il en faut beaucoup ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

...pour mener à bien cette politique en faveur des riverains des aéroports.

M. Jean-Pierre Blazy.

rapporteur pour avis.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je connais l'importance qu'attachent à ce problème votre rapporteur Jean-Pierre Blazy ainsi que d'autres parlementaires comme Nicole Bricq, qui s'est montrée très active. Je tiens à les rassurer, je partage leurs préoccupations.

Au-delà, j'aimerais insister sur la confiance que je continue de nourrir dans la capacité des régions à s'engager dans la politique de lutte contre le bruit. Le contrat de plan Etat-région paraissait être un bon outil mais force est de constater que la majorité des régions ne se sont senties ni concernées ni motivées par cette politique. Il nous faudra, là encore, remonter au créneau.

L'effort en faveur de la mise en place de nouveaux plans de prévention des risques, autre axe essentiel de notre action, sera poursuivi. Le seuil de deux mille plans a d'ailleurs été franchi au cours de l'été. A côté des m oyens budgétaires traditionnels, je souhaite, avec l'accord des autres ministres concernés, mettre à contribution le fonds de prévention des risques majeurs pour le cofinancement de ces plans. Cette opération trouvera une traduction législative en loi de finances rectificative pour 1999. Elle permettra de développer la réalisation et l'approbation des plans pour les communes les plus exposées aux risques naturels à partir des disponibilités actuelles du fonds, alimenté par un prélèvement sur les polices d'assurance, à ressources constantes.

Alors que sur un plan international, la conférence de Bonn vient de s'achever, j'entends consolider notre effort dans la lutte contre la pollution atmosphérique et la prévention de l'effet de serre. Les crédits de mon ministère consacrés en 2000 à la mise en oeuvre de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie s'élèveront à 241 millions de francs en dépenses ordinaires plus autorisations de programme, soit, madame Idrac, 20 % de plus que dans le dernier budget que vous avez soutenu.

M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis.

Il est utile de le rappeler.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Par charité, je n'insisterai pas sur le fait que ces 241 millions ont été exclusivement francs avaient exclusivement été dégagés grâce à des redéploiements. Je n'insisterai pas non plus sur le fait que nous avons mis en oeuvre la loi sur l'air : quatorze décrets de cette loi ont été publiés alors qu'aucun n'était en place en juin 1997 ! Je reviens au budget. Les crédits consacrés en 2000 à la mise en oeuvre de la loi sur l'air et à l'utilisation rationnelle de l'énergie s'élèveront à 241 millions de francs en dépenses ordinaires plus autorisations de programme, avec notamment 14 millions de francs pour la réalisation d'études préalables à l'élaboration des plans prévus par la loi dont les plans de déplacements urbains.

Un délai supplémentaire de six mois a été concédé aux collectivités pour mener à bien un travail considérable qui suppose une approche à laquelle administration et élus sont en fait peu habitués. Il s'agit de revoir à la baisse la place de la voiture en ville. Je dois dire que certains projets de plans de déplacements urbains me laissent perplexe. Je pense par exemple au plan de déplacements urbains de la ville de Besançon, dans ma région, dont la mesure phare est une « perforante » routière supplémentaire posée comme un préalable à toute discussion sur les flux de transports dans la ville.

Outre les 14 millions de francs que je viens d'évoquer, sont prévus : 55 millions de francs d'aide au fonctionnement des associations de gestion des réseaux de surveillance de la qualité de l'air ; 57 millions de francs de crédits d'études dans le domaine de la pollution de l'air et 115 millions de francs pour la surveillance du niveau de pollution atmosphérique, notamment par le financement, par l'intermédiaire de l'ADEME, des équipements de surveillance de la pollution atmosphérique.


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Dernier axe, et non des moindres, de mon action : le renforcement des moyens du ministère en charge de l'environnement, qui demeure une priorité constante, en l'absence de laquelle l'impact des dispositifs que je viens de mentionner risquerait de demeurer virtuel.

Je vous ai fait part, en 1999, de ma volonté d'engager sa transformation en un ministère de plein exercice capable d'élaborer et de mettre en oeuvre une véritable politique de développement durable. Le projet de budget pour l'an 2000 conforte cette orientation, au grand dam de M. Deflesselles. C'est un choix politique que nous avons fait et que nous entendons conduire dans la durée ! Le renforcement de la place du ministère passe par la consolidation de ses moyens humains. Le terme est en effet curieux, monsieur Pélissard, mais je note avec plaisir que vous soutenez cet effort de construction d'un ministère à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Il s'agit, grâce à la création de 140 emplois et au transfert de 70 autres en provenance d'autres départements ministériels désormais inscrits à ce budget, de faire franchir une étape décisive à cette construction.

Les effectifs de mon ministère s'élèvent désormais à 2 760 agents, hors établissements publics, ce qui représente une croissance de 16 % sur les trois dernières années, à comparer aux 2 % sur les trois années précédentes.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Et voilà !

M. Daniel Marcovitch.

On part de zéro ! Il fallait bien faire quelque chose ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

L'efficacité d'une politique ne pouvant se mesurer à la seule aune des moyens financiers qui y sont consacrés, mais dépendant fortement de la qualité des agents mobilisés pour sa mise en oeuvre, j'ai fait du renforcement des capacités d'expertise et d'évaluation des politiques publiques ma priorité pour l'an 2000. Cetteo rientation se retrouve à travers deux phénomènes majeurs dans la vie d'une administration : la création d'une nouvelle direction d'administration centrale...

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Très bien ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... et la mise en place d'un service d'inspection de l'environnement. J'entends ainsi inscrire résolument mon ministère dans le mouvement de réforme et de rationalisation des services de l'Etat impulsé par le Premier ministre.

Une partie des effectifs nouveaux sera ainsi consacrée à la mise en place d'une nouvelle direction d'administration centrale - la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale -, instrument d'expertise et d'aide à la décision en matière économique et environnementale, la D4E, comme nous l'appelons déjà avec familiarité et comme Jean-Pierre Blazy l'a rappelé avec humour tout à l'heure. Elle s'inscrit clairement dans un contexte d'attention croissante de l'opinion publique aux politiques d'environnement. Il s'agit non pas d'une autorité indépendante qui pourrait s'autosaisir, pour répondre à votre question, monsieur Blazy, mais bien d'une direction de l'administration centrale, sous l'autorité du ministre en charge de l'environnement. Elle conférera à mes services une offre d'expertise structurée et bien encadrée, apte à répondre à une demande toujours plus diversifiée. Je compte sur cette structure pour asseoir nos positions, tant en termes d'évaluation de la pertinence des politiques environnementales que nous serons amenés à conduire, que comme outil d'analyse de l'impact des autres politiques publiques sur l'environnement. Elle constituera également un outil précieux dans les négociations internationales à venir.

Mme Peulvast-Bergeal et M. Cochet l'ont rappelé, l'agenda est chargé, qu'il s'agisse de faire reconnaître les considérations environnementales dans les négociations de l'Organisation mondiale du commerce, de la préparation de la réunion décisive de la conférence des parties de la convention Climat qui se tiendra à La Haye l'an prochain ou de la préparation de la présidence française de l'Union européenne. D'autres innovations sont en cours de réalisation, comme la création d'une inspection de l'environnement.

Second pilier dans le renforcement de nos capacités d'évaluation des politiques publiques, la création d'un service d'inspection de l'environnement doit nous permettre d'avoir une visibilité accrue sur l'efficacité de notre action, dans le souci général de modernisation du rôle de l'Etat. Ce service devrait être opérationnel dès le début de l'exercice 2000.

A côté de la mise en place de ces instances nouvelles, les besoins identifiés sur le terrain pour la mise en oeuvre de nos politiques ont donné lieu à un renforcement conséquent en moyens humains. Les différents services déconcentrés de mon ministère - DIREN, DRIRE et DSV en l'occurrence - verront également leurs effectifs confortés afin d'accroître leur capacité d'intervention en matière environnementale, notamment dans le domaine de la prévention des risques et du contrôle des installations classées.

L'une des particularités du ministère en charge de l'environnement tient au fait qu'il dispose, à côté de ses propres services déconcentrés que sont les DIREN, d'autres services mis à sa disposition dans le cadre de ses domaines de compétence. Ce sont des services que je considère comme mes propres services déconcentrés. J'en veux pour preuve la volonté politique de leur attribuer une part non négligeable des effectifs nouveaux obtenus pour 2000. Je vise la création de 44 emplois qui viendront renforcer les services des DRIRE pour l'exercice spécifique du contrôle des installations classées, tandis que les DSV verront leurs effectifs progresser de vingt agents pour le contrôle des installations classées dans les domaines agricole et alimentaire. Les effectifs en charge du contrôle des installations classées auront ainsi progressé de plus de 8 % en deux ans dans les DRIRE, les vingt postes ouverts en DSV confortant pour leur part les moyens de ces services de plus de 10 % en 2000. Nous en sommes bien conscients, les pourcentages n'ont ici pas beaucoup d'intérêt, car les effectifs sont faibles. Les DIREN n'ont bien évidemment pas été oubliées : trentesix postes nouveaux leur seront affectés en 2000.

Ces éléments marquent à mon sens des progrès encourageants, sans que l'on puisse pour autant sous-estimer les besoins non encore couverts dans la recherche d'une efficacité optimale. Nos effectifs demeurent insuffisants au regard des missions nouvelles que nous devons assumer pour répondre pleinement aux exigences environnementales de nos concitoyens, qui ne cessent de s'accroître. Le budget de l'environnement français demeure, en dépit des efforts consentis, plus faible que celui de la plupart des pays européens.

M. Yves Cochet.

Eh oui ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

S'agissant du budget de la recherche, qui reste modeste, comme l'a relevé M. Deflesselles, je dois préciser ici que notre budget civil de recherche et de


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développement ne concerne ni les locaux ni les salaires. Il est donc essentiellement consacré à la recherche proprement dite, avec un fort effet de levier sur les établissements de recherche. De très grands établissements - l'INSERM, le CEMAGREF, l'INRA, le BRGM - travaillent par ailleurs pour mon ministère sans que les crédits correspondants soient inscrits à ce budget.

Enfin, et bien que ce sujet ne se situe pas dans l'orbite directe du budget du ministère en charge de l'environnement dont l'examen nous réunit aujourd'hui, je ne serais p as complète si j'éludais la fiscalité écologique.

L'année 2000 marquera l'an II de la fiscalité écologique dont je tiens à rappeler à M. Deflesselles, qui n'a eu besoin tout à l'heure que de quelques minutes pour dire à ce sujet tout et son contraire,...

M. Jean-Pierre Dufau.

Et réciproquement !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Quelle belle formule ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qu'elle constitue non pas un prélèvement supplémentaire, mais une façon différente de percevoir l'impôt et de répartir le poids des prélèvements obligatoires. Elle permet ainsi de réorienter la fiscalité en faveur de la protection de l'environnement par le signal prix que permet d'adresser le niveau de la taxe. Ce signal en fait l'outil par excellence de l'application du principe pollueur-payeur - Jean-Pierre Brard l'a bien montré -...

M. Jean-Pierre Brard.

Apprenez, monsieur Deflesselles ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

... qui doit conduire à décourager les comportements polluants et pas simplement à dégager les financements nécessaires à la réparation des dommages.

Mais - là encore je suis d'accord avec Jean-Pierre Brard -, si son affectation au projet de loi de financement de la sécurité sociale, par la réduction des prélèvements sur l'emploi qu'elle autorise, permet de réorienter la fiscalité en faveur de l'emploi, constituant ce que nous qualifions de « second dividende », la TGAP ne doit en revanche pas être la variable d'ajustement du budget de la sécurité sociale. Il s'agit non pas de financer les 35 heures, monsieur Deflesselles, mais de poursuivre le mouvement de baisse des charges engagé avec le transfert des cotisations maladie sur la CSG et la diminution de la taxe professionnelle assise sur les salaires. En même temps que nous cherchons à pénaliser les comportements irresponsables du point de vue de l'environnement, nous poursuivons le m ouvement d'allègement des prélèvements pour les comportements qui sont, eux, responsables. Je pense à la baisse de la TVA sur le tri et la collecte sélective et à la baisse des charges sur les emplois.

Bien sûr, il ne s'agit pas de mettre en place un droit à polluer et je montrerai notre souci de dissuader les pollueurs en prenant l'exemple de l'un des trois nouveaux domaines auxquels sera étendue la TGAP en l'an 2000, à savoir les produits phytosanitaires à usage agricole et assimilés. Vous le savez, nous avons souhaité mettre en place une taxation différenciée en fonction du potentiel polluant des produits. Les deux tiers des produits autorisés sur le marché français sont en classe zéro, c'est-à-dire qu'ils ne sont frappés par aucune taxe. Nous les considérons comme des produits non polluants. Plus le produit sera polluant, plus il sera taxé lourdement.

Il s'agit de mobiliser à la fois les producteurs, les agriculteurs et les consommateurs. Les producteurs seront incités à revoir leurs gammes pour privilégier les produits qui, à usage équivalent, seront les moins polluants. Les agriculteurs, quant à eux, étudieront le prix des produits avant de les acheter et seront, eux aussi, incités à choisir les moins coûteux parmi ceux dont ils auront besoin. Les consommateurs, enfin, seront incités à choisir les aliments les moins pénalisés du fait de la répercussion de la taxe, c'est-à-dire ceux produits de façon « responsable » sur le plan environnemental.

Je voudrais ici rassurer M. Vila. En l'an 2000, le produit de la taxe sur les phytosanitaires devrait approcher les 300 millions de francs, à rapporter au chiffre d'affaires du secteur de l'industrie phytosanitaire, qui connaît un taux de croissance à deux chiffres depuis plusieurs années, et des 60 milliards de primes de la PAC, dont je veux bien admettre avec vous qu'ils ne sont pas toujours répartis d'une façon juste et conforme à ce que nous attendons sur le plan de la protection de l'environnement.

M. Jean-Pierre Brard.

C'est une litote ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Idrac a posé une question judicieuse : les moyens affectés à l'environnement n'en souffriront-ils pas ? La démonstration est faite avec la progression du budget de l'environnement depuis deux ans et celle des moyens de l'ADEME. Mais je veux bien reconnaître avec Mme Idrac que les taxes prélevées au titre de la protection de l'environnement et les ressources affectées à la prévention des pollutions ou à la réparation des dégâts doivent conserver des liens de cousinage.

M. François Goulard.

Ce n'est pas le cas ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

En effet, si nous ne disposions pas des moyens nécessaires à la réparation ou à la prévention, nous aurions du mal à justifier l'augmentation de la TGAP.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Elle augmente quand même ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Les moyens de la protection de l'environnement ont augmenté de façon très significative, je l'ai dejà démontré. Je ne citerai pour mémoire que la taxe sur l'extraction de granulats. Elle a, cette année, une vertu essentiellement pédagogique, car son montant est faible. Mais j'espère qu'à l'avenir nous pourrons mettre en place un cadre permettant de dissuader plus résolument encore de procéder à des extractions de granulats dans les lits majeurs des rivières. J'insisterai un peu plus sur la taxe sur les lessives et détergents commercialisés.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Ah ! les phosphates ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je suis complètement d'accord avec M. Vila et avec tous ceux qui se sont exprimés sur cette question. Comme vous, monsieur Cochet, je déplore le vote d'un amendement adopté à l'article 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur le volet taxation des lessives. En effet, sur la base de motifs purement économiques négligeant le caractère plus ou moins toxique des composants de ces produits et donc le volet environnemental de la mesure, cet amendement revient à la convertir en taxation forfaitaire et horizontale.

M. Daniel Marcovitch.

Très juste ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Or, comme j'ai eu l'occasion de le dire en commission, je tiens particulièrement à la dimension environnementale de cette taxe. Pourquoi une taxe sur les lessives et pas une taxe sur le sucre si l'on ne formate pas


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la taxe en fonction du caractère polluant des produits ? Je souhaite donc que les parlementaires puissent revenir sur cet amendement en deuxième lecture afin de préserver cette idée d'une taxation graduée, différenciée selon le caractère polluant des produits.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Certainement ! Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

J'ai bien noté l'engagement tacite de M. Pélissard et de Mme Idrac d'apporter leur soutien aux parlementaires de la majorité quand ils reviendront sur cet amendement insatisfaisant.

Mme Anne-Marie Idrac Oui !

M. Bernard Deflesselles.

Nous serons là !

M. François Goulard.

Nous ne sommes pas sectaires !

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Pour terminer, je répondrai à Jacques Pélissard, qui a déploré que l'augmentation de la taxation du gazole n'ait pas été accompagnée d'une diminution de la taxe sur l'essence sans plomb. En fait, nous avons pris des mesures, qui étaient attendues depuis longtemps, en faveur des moyens de propulsion les plus innovants du point de vue de l'environnement.

M. François Goulard.

Cela ne coûte pas cher !

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Aucune augmentation de la TIPP n'a eu lieu depuis deux ans. Je n'ai pas souvenir d'un gouvernement qui aurait fait ce choix par le passé.

M. Yves Cochet, rapporteur spécial suppléant.

Cela n'était pas arrivé depuis dix-huit ans ! Mme la ministre de l'agriculture, du territoire et de l'environnement. Dix-huit ans, dit M. Cochet, je n'ai pas le chiffre en tête.

Mme Nicole Bricq.

Vingt ans !

M. François Goulard.

Qui dit mieux ?

M. Jean-Pierre Brard.

Vous n'aurez pas l'occasion de dire mieux avant longtemps ! (Sourires.)

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je remercie M. Brard pour sa confiance sans faille dans le Gouvernement. (Sourires.) Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en arrivons aux questions. Nous commençons par le groupe du Rassemblement pour la République.

La parole est à M. Robert Galley.

M. Robert Galley.

Dans les deux minutes qui me sont imparties, j'associerai à ma question Philippe Martin qui, retenu pour une raison impérieuse, ne pourra poser la sienne.

Je souhaite revenir sur la TGAP. Vous avez insisté, madame la ministre, sur l'application du principe pollueur-payeur, dont le corollaire, nous semble-t-il, est l'affectation du produit des taxes prélevées au titre de la protection de l'environnement en totalité à cet objectif.

J'en veux d'ailleurs pour illustration les actions prévues par vous-même pour le fonds national de solidarité pour l'eau : le prélèvement sur les recettes des agences qui finance ce fonds est affecté à la protection de l'eau.

En fait, en 2000, le produit de la TGAP sera affecté à la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Avouez que c'est une interprétation un peu extensive de la notion de solidarité, surtout quand on connaît l'importance des besoins, notamment en matière de recherche pour la protection de l'environnement ! Si c'était nous qui avions proposé de financer la sécurité sociale par la TGAP, on vous aurait certainement entendu hurler, chers collègues de la majorité !

M. François Goulard.

Oh oui !

M. Robert Galley.

Je centrerai ma question sur le problème de la pollution des nappes phréatiques par les nitrates.

En ce qui concerne les céréales, la quantité d'azote apportée conditionne directement la rendement mais aussi la teneur en protéines, c'est-à-dire la qualité du produit fini. Comment, madame la ministre, allez-vous apprécier le rendement de telle exploitation par rapport à telle autre ? Dans le Midi, ce ne sera pas la même chose que dans la Brie. Par ailleurs allez-vous fixer arbitrairement un taux de protéine relativement bas afin que le produit de la taxation soit appréciable ?

S'agissant de la production de sucre, au cours des vingt dernières années, la quantité d'azote apportée à la betterave sucrière a diminué de 30 % alors que, dans le même temps, les rendements ont progressé de 40 %. L'excès d'azote est lui-même pénalisant puisqu'il diminue la quantité de sucre relative contenue dans la racine. Dans ces conditions, comment allez-vous déterminer à quel niveau se situera l'excédent d'azote et à partir de quelle valeur les agriculteurs se verront taxer ? J'avoue avoir du mal, malgré tout, mon imagination, à concevoir comment on peut réussir un tel prodige !

M. le président.

Je vous demande de bien vouloir conclure.

M. Robert Galley.

En fait, la TGAP est un impôt nouveau. Vous êtes devenue, madame la ministre, un collecteur d'impôt et vous risquez de porter atteinte à la compétitivité des exploitations agricoles et des filières au moment où ce secteur doit faire face à la modulation des aides économiques à l'agriculture.

Ma question sera donc simple : avez-vous mesuré l'impact de cette série de mesures qui inciteraient nos agriculteurs plutôt au découragement ou à la négligence qu'au respect rigoureux de l'environnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Galley, nous inscrivons notre travail sur la TGAP dans un cadre européen. Parallèlement à nos premiers pas dans la fiscalité écologique, d'autres pays de l'Union font les mêmes choix que nous.

L'Italie, la Grande-Bretagne, le Danemark, en particulier, ont choisi de renoncer à un système de taxe affectée qui permet, certes, à certains moments, de dégager les moyens nécessaires au financement de telle ou telle politique, mais qui présente deux inconvénients essentiels.

Le premier est que l'affectation donne à ceux qui versent cette taxe le sentiment qu'ils acquièrent ainsi soit un droit à polluer, soit, dans une logique mutualiste, un droit à gérer les fonds dégagés par la taxe et à les utiliser


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comme bon leur semble pour prévenir les pollutions ou pour les réparer mais pas forcément de la façon la plus rationnelle et la plus efficace.

L e second tient au manque de souplesse, dont l'ADEME a déjà souffert par le passé. Alors que, pour la politique de traitement des déchets, elle a disposé pendant des années d'une trésorerie florissante, dans d'autres domaines, la lutte contre le bruit ou la maîtrise de l'énergie par exemple, l'insuffisance de moyens l'a empêchée de piloter les politiques nécessaires. Aujourd'hui, le budget de l'ADEME est non seulement en hausse, mais donne aux gestionnaires la souplesse nécessaire pour répondre aux priorités de l'heure.

Cette souplesse existe d'ailleurs au sein de l'ensemble du budget. Je n'exclus pas qu'à certains moments, les engagements financiers de la collectivité en faveur de l'environnement excèdent le produit de la TGAP et qu'à d'autres moments, ce produit, qui correspond à un prélèvement utile pour dissuader les comportements polluants, soit supérieur aux moyens nécessaires pour réparer les dégâts.

Vous m'aurez compris, je m'inscris dans la durée. Le temps est très loin, en effet, où l'on n'aura plus qu'à gérer une situation stabilisée.

Je tiens donc beaucoup à la déconnexion entre le produit des taxes et le montant des budgets affectés à l'environnement. En revanche, comme je l'ai dit à Mme Idrac, il serait incompréhensible, pour ceux qui sont attachés à la qualité de l'environnement, que la progression du budget de l'environnement ne se vérifie pas, alors que se mettrait en place un système complet de taxes dans le cadre de la TGAP.

Pour 2001, le Premier ministre a annoncé, il y a plusieurs mois, que nous entendions étendre la taxation à deux domaines.

En ce qui concerne d'abord l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie, la France a déposé un mémorandum européen en vue de reprendre la discussion dans un cadre communautaire. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en coopération avec mon ministère, a élaboré un Livre blanc, aujourd'hui soumis aux industriels du secteur qui sont invités à faire remonter leurs critiques et leurs suggestions avant la fin du mois d'octobre. La discussion aura lieu tout au long de l'année 2000 pour préparer la mise en place de cet outil dans le budget de 2001.

Quant à l'extension de la taxation aux excédents d'azote, nous avons promis au monde agricole qu'elle interviendrait dans le cadre de la réforme des redevances des agences de l'eau et non dans l'assiette de la TGAP. Il s'agit non pas de taxer l'azote au premier gramme, mais de faire le bilan azoté des exploitations en comparant les intrants et la consommation, quelle que soit la forme chimique, qu'il s'agisse d'azote minéral ou d'azote organique.

Un groupe de travail avec la profession agricole a été mobilisé. La question de la qualité de l'azote rejeté n'a pas été soulevée, à ce stade, par nos interlocuteurs, et je ne peux donc pas vous apporter de réponse plus précise.

Bien évidemment, je les solliciterai à nouveau et nous ferons en sorte que le cadre soit bien clair au moment de la mise en place de cette redevance dans le cadre du budget pour 2001.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Pélissard.

M. Jacques Pélissard.

Madame la ministre, ma question porte également sur la TGAP. Nous comprenons tous que votre logique du premier dividende est une l ogique écologique, le signal-prix récompensant les comportements responsables qui, effectivement, doivent être encouragés. C'est la raison pour laquelle la TGAP des lessives est différenciée en fonction du taux de phosphate, comme celle des phytosanitaires.

En revanche, la TGAP des déchets est identique quel que soit le traitement subi par les déchets avant leur mise en décharge. Ne pourrait-on pas, en deuxième lecture, instituer avec votre appui un taux minoré applicable aux déchets ultimes répondant aux normes de votre arrêté du 9 septembre 1997 lorsqu'ils sont accueillis en décharge.

Autrement dit, la TGAP différenciée réservée aux lessives et aux phytosanitaires ne pourrait-elle point être étendue aux déchets ? Ma deuxième question concerne une injustice que j'ai évoquée à plusieurs reprises mais qui perdure. La loi de février 1995 a prévu que l'ADEME devait verser une dotation de 5 francs la tonne aux communes qui accueillent des sites de traitement ou de transit. En revanche, rien n'est prévu pour les communes où sont implantées des décharges réservées à des déchets aux normes de votre arrêté, c'est-à-dire de vrais déchets ultimes issus d'un traitement réalisé dans des installations bénéficiant de la TVA à 5,5 %. Or de tels sites de stockage restent nécessaires : votre circulaire du 28 avril 1998 montre bien que le « zéro décharge » est une sottise.

Votre ministère pourrait-il envisager de modifier en faveur de ces communes la loi de février 1995 ?

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, j'ai eu souvent l'occasion d'aborder avec vous au moins la première de vos deux questions.

Vous le savez, la taxe sur la mise en décharge des ordures ménagères, qui était de 40 francs la tonne en 1998, a été portée à 60 francs en 1999. J'avais alors annoncé qu'il fallait s'attendre à une progression pluriannuelle de cette taxe, ayant pour objet de diminuer la taxation sur les comportements responsables du point de vue environnemental et de pénaliser ceux qui le sont moins.

Mais, vous l'aurez noté, il peut arriver que nous soyons nous-mêmes exposés à des contradictions. Ainsi, cette année, pour manifester que je n'entendais pas me prêter à une opération qui aurait décidément trop ressemblé à un artefact budgétaire, alors que nous ne procédions pas à une augmentation importante des moyens affectés à l'ADEME pour la politique des déchets, je n'ai pas souhaité que nous augmentions la taxe sur la mise en décharge des déchets ménagers. Dans la durée toutefois, il nous faudra poursuivre le double mouvement de diminution du coût de la collecte sélective et du traitement des déchets et de renchérissement des pratiques qui apparaissent moins responsables du point de vue environnemental.

Cela dit, est-il possible d'exonérer complètement de la taxe les déchets ultimes résultant d'une prise en charge raisonnable, conforme aux objectifs de la loi de 1992 ? je ne le crois pas à ce stade. En effet, le déchet ultime ne connaît pas une définition univoque.

Cela étant, une structure telle que la vôtre, qui concerne la quasi-totalité des communes du Jura, produit beaucoup moins de déchets ultimes que celles qui n'ont pas choisi d'en réduire le volume grâce au tri débouchant soit sur la valorisation des déchets qui peuvent être récupérés, soit sur l'incinération avec récupération de c haleur. Le coût lié à la mise en décharge de vos déchets


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ultimes est donc considérablement inférieur à celui que subissent les collectivités qui n'ont pas consenti cet effort antérieur.

Votre seconde question concerne les mesures à prendre pour faciliter la tâche des communes qui accueillent de telles installations de stockage. Je concède bien volontiers que je vous avais fait part, l'an dernier, de ma disponibilité pour travailler à l'évolution de ce cadre. Nous ne l'avons pas fait : j'en suis évidemment plus coupable que vous. Je souhaite donc que l'on puisse mettre en place, notamment avec l'Association des maires de France et la commission de la production et des échanges, un petit groupe de travail chargé de faire le point et de proposer des mesures permettant de dépasser certains blocages locaux et de rémunérer le service rendu à la collectivité par ces communes.

M. le président.

Nous passons aux questions du groupe Démocratie libérale et Indépendants.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Madame la ministre, je vous interrogerai moi aussi sur la TGAP. Vous voudrez bien m'en excuser, mais c'est tout de même la grande innovation de cette année.

Mme Nicole Bricq.

De l'année dernière !

M. François Goulard.

Je souhaite appeler votre attention sur un mécanisme qui me paraît extrêmement dommageable pour la défense même de l'environnement.

Vous avez critiqué le principe de l'affectation de la TGAP aux dépenses de lutte contre la pollution et de protection de l'environnement, et je vous rejoindrais assez volontiers sur ce terrain. Cependant, il se trouve que la TGAP n'est pas une recette du budget général de l'Etat, mais une recette affectée au fonds d'allégement des cotisations patronales. Or les besoins de ce fonds, et donc les ressources exigées de la TGAP, risquent de croître au fil des ans.

Pour que la TGAP ait un effet dissuasif à l'égard des pollueurs, il faudrait que les industries concernées sachent que leurs efforts de réduction des activités polluantes leur permettront à terme de réduire le prélèvement opéré sur elles. Or, dans la mesure où il est certain que les besoins du fonds auquel la TGAP est affectée ne faibliront pas, bien au contraire, ces industries ont la certitude que, quel que soit leur comportement, l'Etat cherchera non seulement à maintenir, mais encore à accroître leur TGAP.

Par cet effet pervers, la taxe se retourne complètement contre l'intention qui avait présidé à sa création, ce que vous appelez le premier dividende, c'est-à-dire l'effet-prix.

Le pollueur n'est pas incité à modifier son comportement polluant parce qu'il sait que cela conduira l'Etat à accroître les taux pour maintenir, voire pour augmenter, la ressource.

Nous sommes curieux d'entendre votre réponse, car nous pensons que cette affectation est déplorable du point de vue de la défense de l'environnement.

Mme Nicole Bricq.

Vous n'avez toujours pas compris !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur Goulard, si le Gouvernement est parfaitement solidaire, je dois reconnaître que les préoccupations de la ministre de l'environnement ne sont pas toujours celles de la ministre de l'emploi ou du ministre du budget. Je ferai donc en sorte - je l'ai déjà fait - qu'on ne s'éloigne pas de l'approche retenue pour l'institution de la TGAP. Il s'agit bien de pénaliser les comportements polluants, et mon espoir ministériel et citoyen est de voir le produit de certaines taxes se rapprocher aussi vite que possible de zéro.

C'est notamment le cas pour la taxe sur les produits phytosanitaires. Deux tiers des produits mis sur le marché en France ne sont pas taxés du tout, et j'espère bien que ceux des classes 5, 6 ou 7 de taxation verront leurs utilisateurs s'en détourner au profit de produits moins taxés et donc moins chers parce que moins polluants.

C'est également pour ce motif que je n'ai pas souhaité reprendre à mon compte un amendement voté à l'article 4 du PLFSS. En effet, l'enjeu, pour moi, n'était pas que le compte y soit, que l'on atteigne les 500 millions de francs initialement prévus, mais que la lisibilité écologique de la taxe soit maintenue.

Je continue à penser qu'il n'est pas normal que le savon en paillettes pour les vêtements de bébés doive payer pour les lessives lourdement phosphatées. De même, je l'indiquais à l'instant à M. Pélissard, nous n'avons pas voulu augmenter cette année la taxe sur la mise en décharge des déchets ménagers, dans la mesure où le lien avec les crédits affectés à la politique des déchets n'était pas très lisible pour l'usager.

Je tiens, moi, à ce que cette fiscalité soit l'outil d'une stratégie environnementale. Nous aurons bien d'autres idées pour remplir les caisses de l'Etat quand le besoin s'en fera sentir ; c'est un domaine où je ne doute pas de la créativité des parlementaires, quels que soient leurs bancs !

M. le président.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 1861).

Environnement (suite) : M. Michel Suchod, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 7 au rapport no 1861) ; M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis, au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1866, tome IV).

Travail et emploi ; article 70 : Travail et emploi : M. Gérard Bapt, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 24 au rapport no 1861) ; M. Jean-Claude Boulard, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome XI) ;


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Formation professionnelle : M. Jacques Barrot, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 21 au rapport no 1861) ; M. Patrick Malavieille, rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome IX).

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT