page 09408page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

1. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire étrangère (p. 9409).

2. Hommage aux victimes des inondations (p. 9409).

3. Questions au Gouvernement (p. 9409).

INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE (p. 9409)

MM. Jean-Claude Perez, Lionel Jospin, Premier ministre.

INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE (p. 9410)

Mme Monique Collange, M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE (p. 9411)

MM. Christian Bourquin, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

VIANDE BOVINE BRITANNIQUE (p. 9411)

MM. François Patriat, Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

SOLIDARITÉ NATIONALE (p. 9412)

MM. Jacques Godfrain, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

CONFÉRENCE DE SEATTLE (p. 9413)

Mme Martine Aurillac, M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

CORSE (p. 9414)

MM. Roland Francisci, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS (p. 9414)

M. Christian Kert, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

35 HEURES (p. 9415)

M. Pierre Méhaignerie, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; M. le président.

MNEF (p. 9416)

M. Yves Nicolin.

4. Souhaits de bienvenue à Sa Majesté le roi Abdallah II de Jordanie (p. 9417).

5. Questions au Gouvernement (suite) (p. 9417).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS (p. 9417)

M. Jean Vila, Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

IVG ET CONTRACEPTION (p. 9418)

Mmes Muguette Jacquaint, Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

LOI CONTRE LES EXCLUSIONS (p. 9419)

MM. Jean-Pierre Michel, Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Suspension et reprise de la séance (p. 9420)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

6. Saisine pour avis d'une commission (p. 9420).

7. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9420).

LOGEMENT M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le logement.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis de la commission de la production, pour le logement et l'urbanisme.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

M.

Jean-Michel Marchand, Mme Janine Jambu,

MM. Jean-Claude Lenoir, Jean-Marie Morisset, Gilbert Meyer, Philippe Decaudin.

M. le secrétaire d'Etat.

ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS ET LOGEMENT

Etat B

Titres III et IV. - Adoption (p. 9429)

Etat C

Titres V, VI et VII. - Adoption (p. 9429)

Suspension et reprise de la séance (p. 9429)

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

MM. Jean-Pierre Baeumler, André Schneider, René Couanau, Claude Goasguen, Bernard Outin.

Mme Huguette Bello.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

8. Ordre du jour de la prochaine séance (p. 9443).


page précédente page 09409page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE ÉTRANGÈRE

M. le président.

Je suis heureux de saluer, en votre nom, la présence dans les tribunes de députés du Bundestag, invités par notre bureau pour une visite de contact auprès de douze de nos collègues. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.) 2

HOMMAGE AUX VICTIMES

DES INONDATIONS (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.)

M. le président.

Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, il y a quelques jours, plusieurs départements du Midi ont été frappés par des intempéries et des inondations gravissimes. Des habitants sont morts, des villages ont été dévastés, des milliers de nos compatriotes ont vu leur habitation, leur exploitation, le travail de toute leur vie détruits par de véritables bombes de boue.

Au nom de tous les députés, je dis aux habitants de ces départements notre soutien et notre amitié. Je salue la compétence et la rapidité des sauveteurs. Je sais que les services publics et les élus, qui ont immédiatement réagi, mettent tout en oeuvre pour atténuer, autant qu'il est possible, les conséquences de ce drame.

Beaucoup, en quelques heures, ont tout perdu. La gravité exceptionnelle de la catastrophe appelle une solidarité concrète exceptionnelle de la nation.

En hommage aux victimes, je vous invite à vous recueillir quelques instants. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président.

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par le groupe socialiste.

INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Perez.

M. Jean-Claude Perez.

Monsieur le président, merci tout d'abord pour votre message de solidarité, de soutien et d'amitié.

Ma question, à laquelle s'associent Jacques Bascou et Jean-Paul Dupré, députés de l'Aude, s'adresse à M. le Premier ministre et concerne le drame qui a frappé dernièrement trois départements du sud de la France.

Au moins vingt-huit personnes ont péri à la suite des pluies diluviennes qui, dans la nuit de vendredi à samedi, se sont abattues sur l'Aude, les Pyrénées-Orientales et le Tarn. Ces pluies ont semé tristesse et souffrance, car il est tombé en une nuit l'équivalent de ce qui tombe habituellement en une année.

La solidarité entre les villageois, le remarquable travail des sauveteurs civils et militaires, qui ont agi sans relâche, ont permis d'éviter un bilan encore plus lourd.

Le Président de la République ainsi que le ministre de l'intérieur sont venus dire la solidarité de la nation à l'égard des victimes et de ceux qui ont souffert du drame.

Vous-même, monsieur le Premier ministre, avez prévu de vous rendre dans l'Aude, jeudi, avec M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement ; je vous en remercie bien vivement au nom de ces populations.

L'heure est maintenant venue de dresser un premier bilan : eau non potable, digues effondrées, lignes téléphoniques coupées, réseau ferroviaire hors d'usage, chaussées impraticables, édifices publics anéantis, l'ensemble des infrastructures est à reconstruire et les agents des services publics travaillent jour et nuit pour rétablir au plus vite les conditions d'un retour à la vie normale.

Ce bilan s'obscurcit encore lorsque l'on évoque le devenir du domaine économique, qui aurait pu permettre d'envisager l'avenir et la reconstruction. En effet, nombre d'entreprises et de commerces sont durement touchés.

Quant au secteur agricole en général et au secteur viticole en particulier, ils ont payé un lourd tribut, qui a mis à bas des années d'effort, des années de travail.

Les scènes de désolation et de désespoir qui se sont multipliées de la part des gens qui avaient tout perdu s'accompagnaient d'un cri déchirant : « Aidez-nous ! » Face à ce cri de désespoir et de douleur, la solidarité nationale doit s'exprimer pleinement, sans réserve, car ce sont là des vies entières qu'il va falloir reconstruire.

Au-delà des procédures habituelles d'indemnisation, qui vont être mises en oeuvre, envisagez-vous, monsieur le Premier ministre, dans ce cas exceptionnel, de prendre des mesures elles aussi exceptionnelles, vu l'importance de ces événements, qui marqueront à jamais ceux qui les ont vécus ? Monsieur le Premier ministre, je m'adresse à vous, mais également aux députés de tous les bancs, pour répéter l'appel que les citoyens, nos administrés, nous adressent depuis vendredi soir : « Aidez-nous, du fond du coeur, aidez-nous ! » (Applaudissements sur de très nombreux bancs.)


page précédente page 09410page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Lionel Jospin, Premier ministre.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, après M. le président de l'Assemblée nationale, au nom du Gouvernement, je m'incline devant la douleur des familles des victimes de cette catastrophe naturelle particulièrement tragique. Au moment où je vous parle, nous déplorons vingt-neuf morts et quatre disparus. J'exprime la solidarité de la nation envers ces familles et envers les habitants de l'Aude, du Tarn, des PyrénéesOrientales, mais aussi de l'Hérault, qui ont souffert de ces inondations et parfois perdu leur maison et leurs biens.

Je tiens, devant la représentation nationale, à saluer l'engagement total des élus de ces départements, le grand mouvement de solidarité qui s'exprime aujourd'hui à travers tout le pays, notamment de la part d'autres collectivités locales.

Je rends aussi hommage au courage et au travail exemplaires des sauveteurs, accompagnés de nombreux bénévoles.

Quant aux agents des services publics, notamment de France Télécom, d'EDF, de l'équipement, de la SNCF, de Réseau ferré de France, ils ne ménagent pas leurs efforts pour rétablir le plus rapidement possible le fonctionnement des services les plus essentiels.

Dès le début de la catastrophe, le Gouvernement a mobilisé l'ensemble des moyens disponibles. Les plans ORSEC ont été déclenchés dans la nuit de vendredi à samedi par les préfets des départements principalement concernés. Ce week-end, 1 700 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des départements touchés et des départements voisins ont été mobilisés, ainsi que 800 gendarmes. Ils ont reçu le renfort de 400 militaires des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, et de 700 militaires des forces armées. Les sauveteurs ont effectué près de 5 000 interventions, dont 1 000 évacuations et 500 hélitreuillages.

Après la phase de secours d'urgence, le Gouvernement maintient une forte mobilisation pour rétablir les services publics et pour venir en aide à ceux qui se trouvent démunis après la catastrophe.

D'ores et déjà, les sapeurs-pompiers et les forces armées, complétés hier par le renfort de plusieurs compagnies, apportent leur aide aux collectivités locales pour procéder aux déblaiements et nettoyages indispensables.

Des compagnies du génie s'apprêtent à installer des ponts mobiles afin de rétablir le franchissement de certains cours d'eau.

Au-delà des premiers secours d'urgence aux personnes les plus démunies, qui ont été mis en place par la ministre de l'emploi et de la solidarité et par le ministre de l'intérieur, le Gouvernement a décidé, compte tenu de l'ampleur exceptionnelle des dégâts, d'apporter une aide rapide et importante aux collectivités locales pour la remise en état des voiries et des ouvrages hydrauliques.

Un travail interministériel d'évaluation a été entrepris, en liaison avec ces collectivités. Il devrait permettre de fixer le chiffre des concours nécessaires d'ici à quarantehuit heures.

L'arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle sera publié sans délai, après la réunion de la commission compétente, qui se tiendra dès demain. Ainsi, particuliers, entreprises et collectivités seront en mesure d'être couverts par leurs assurances.

Dès à présent, des instructions ont été données aux services fiscaux et aux trésoriers-payeurs généraux pour que la situation des personnes et des entreprises les plus touchées soit prise en considération favorablement.

S'agissant des exploitations agricoles, les directeurs départementaux de l'agriculture sont mobilisés pour évaluer dans les meilleurs délais les dégâts causés, en vue d'un examen rapide par la commission nationale des calamités agricoles.

Comme vous le savez, je me rendrai jeudi dans l'Aude.

J'y rencontrerai les élus, les responsables économiques et les autorités administratives de tous les départements touchés. J'indiquerai les mesures exceptionnelles qui auront été décidées d'ici là au vu de l'évaluation de la situati on. Que les populations touchées par cette catastrophe sachent qu'elles pourront compter sur la mobilisation sans faille du Gouvernement et sur la solidarité de la nation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert ainsi que sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE

M. le président.

La parole est à Mme Monique Collange.

Mme Monique Collange.

Ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Je tiens, tout d'abord, à remercier publiquement JeanP ierre Chevènement pour sa visite dans le Tarn, dimanche. Pour m'être déplacée sur les lieux tout au long du week-end, je sais que la population locale vous en est reconnaissante, monsieur le ministre.

M. Patrick Ollier.

Et le Président de la République, vous ne le citez pas ?

Mme Monique Collange.

Mes remerciements iront aussi aux services de l'Etat, aux gendarmes, aux pompiers, qui ont fait preuve d'un professionnalisme exemplaire. De même, je n'oublie pas les nombreux citoyens bénévoles et les élus pour la solidarité dont ils ont fait preuve dès les premières heures de cette nuit épouvantable.

Je rejoins mon collègue Jean-Claude Perez ; il a parfaitement rendu compte de la situation des populations sinistrées, de la souffrance de ces femmes et de ces hommes qui ont vu en quelques minutes leur vie dévastée, et du malheur des familles endeuillées.

A ce drame humain, s'ajoutent de grave répercussions sociales et économiques. Par exemple, dans ma circonscription, plus de cinquante entreprises sont directement touchées, avec pour conséquence la perte de leur emploi pour plus de 1 500 personnes. L'ampleur des problèmes économiques auxquels nos entreprises et leurs salariés se retrouvent aujourd'hui confrontés est telle qu'elle ne peut qu'ajouter abattement et désarroi. Le sud du Tarn, déjà touché de plein fouet par la crise économique, et l'ensemble des départements concernés doivent recevoir rapidement un soutien fort de toute la nation solidaire.

Quelles mesures conservatoires, voire exceptionnelles, le Gouvernement compte-t-il prendre pour venir en aide aux acteurs économiques locaux, en vue de reconstruire l'outil de travail et de sauvegarder l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 09411page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, madame la députée, comme le Premier ministre vient de le dire, le Gouvernement s'est mobilisé pour apporter le plus rapidement possible les solutions aux drames qui ont frappé les habitants et les entreprises des quatre départements.

Dès lundi, par arrêté, plus d'un million de francs ont été dégagés pour assurer les secours d'extrême urgence aux victimes.

Comme le Premier ministre vient de l'indiquer, la déclaration d'état de catastrophe naturelle interviendra dans des délais records, justifiés par la situation. Ainsi les c ompagnies d'assurances pourront-elles procéder sans délai aux indemnisations.

Vous avez attiré l'attention du Gouvernement sur la situation des entreprises. Celles-ci, qu'elles soient artisanales, commerciales ou industrielles à caractère familial, pourront elles aussi bénéficier du soutien de l'Etat, dans la mesure où les dommages ne sont pas couverts par les assurances. Il existe, vous le savez, un fonds de secours pour les victimes de calamités, géré par un comité de coordination placé sous l'autorité du Premier ministre. Il permettra des indemnisations rapides.

Les salariés des entreprises victimes de calamités pourront bénéficier des dispositions du chômage partiel.

Les entreprises agricoles pourront bénéficier de l'intervention du fonds de garantie des calamités agricoles.

Quant aux contribuables en difficulté, nous pourrons évidemment examiner leur cas avec un soin particulier.

Voilà, madame la députée, des réponses concrètes à des drames qui touchent nos concitoyens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

INONDATIONS DANS LE SUD DE LA FRANCE

M. le président.

La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin.

J'évoquerai à mon tour ce drame lié à un cataclysme climatique qui frappe un territ oire important du Sud de la France. Vendredi 12 novembre, plus de 600 millimètres d'eau - autant qu'en une année normale - se sont abattus en une nuit.

C'est un drame, parce qu'il y a eu des pertes en vies humaines. C'est un drame, parce que de multiples infrastructures sont à reconstruire - routes, ponts, digues -, parce que des rivières et des ruisseaux devront être recalibrés. C'est un drame humain et social, et il nous faut intervenir de toute urgence.

A ce stade de mon propos, je rends hommage à tous ceux qui ont représenté le service public durant les interventions : les pompiers, les agents des préfectures, des DDE, des télécommunications, les personnels des forces armées, les gendarmes, les agents des collectivités territoriales, conseils généraux ou mairies, mais aussi les élus locaux, et notamment les maires de communes rurales, qui ont été des points d'ancrage durant le sinistre, au milieu du désarroi s'emparant des populations, même si elles sont restées dignes. J'évoque aussi les agents du service public, trop souvent décriés par certains politiques.

(Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la d émocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

En la circonstance, nous avons pu juger de leur efficacité. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, car le monde agricole est gravement touché par ce désastre, que ce soit dans l'Aude, dans le Tarn, dans le sud de l'Hérault ou dans les Pyrénées-Orientales, département que je représente.

Les arboriculteurs, les vignerons, les maraîchers ont tout perdu en une nuit. Déjà, en moins de deux ans, ils avaient eu à faire face à de sacrés sinistres climatiques : le gel, la grêle, la sécheresse. Et voilà qu'ils sont maintenant submergés par les inondations. Et en plus des désastres climatiques, ils ont été touchés par un désastre économique, lié à la mévente de cet été.

Ma question est simple, monsieur le ministre : quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour venir en aide, structurellement et conjoncturellement, dans l'immédiat et à moyen terme, à tous ces exploitants agricoles, qui sont aussi des acteurs de l'économie ? Comme beaucoup de mes collègues députés, en rentrant dans mon département, je souhaite être le porte-parole du Gouvern ement, le porte-parole de la solidarité nationale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, pour une réponse courte.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Monsieur le député, je vous répondrai rapidement. Evidemment, les lignes directrices de l'action du Gouvernement, exposées à l'instant par le Premier ministre, puis confirmées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, seront appliquées dans le secteur agricole, d'autant, comme vous le rappeliez à l'instant, que votre région, dernièrement, a déjà été durement frappée, soi t par le gel, dans l'Aude, soit par la grêle, dans les Pyrénées-Orientales - j'étais à vos côtés il y a quelques semaines pour le constater.

Ainsi, par le biais du fonds d'allègement des charges ou du fonds de garantie des calamités agricoles, le Gouvernement s'apprête, dans les tous prochains jours, à mettre en place un dispositif ciblé, à la hauteur des dégâts occasionnés.

Vous pouvez prendre acte, monsieur le député, de la volonté du Gouvernement, affirmée à l'instant par le Premier ministre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

VIANDE BOVINE BRITANNIQUE

M. le président.

La parole est à M. François Patriat, pour une question courte.

M. François Patriat.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, cet après-midi, la Commission européenne, en marge de la session du Parlement européen, va se réunir pour évoquer le problème de l'embargo sur la viande bovine d'origine britannique.

Je souhaite tout d'abord, au nom du groupe socialiste, vous apporter, ainsi qu'au Gouvernement, notre soutien, pour la fermeté dont fait preuve la France sur ce dossier sensible, auquel tous nos concitoyens sont attentifs.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)


page précédente page 09412page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

La France n'est pas seule à défendre cette position.

Est-il besoin de rappeler qu'à côté de nous, l'Allemagne, mais aussi trente-quatre autres pays se retrouvent sur cette position de fermeté et de respect du principe de précaution ? Et parmi ces pays, il y a les Etats-Unis.

A l'issue des négociations qui se sont tenues hier avec les experts français et britanniques, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que vous-même et votre homologue Nick Brown aviez trouvé les bases d'un accord.

L'identification et la traçabilité sont bien les deux données essentielles qui permettent au consommateur d'être informé et de choisir en toute connaissance.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que toutes les mesures seront prises, à l'issue des travaux interministériels auxquels vous avez participé ce matin, pour protéger les Français contre tout risque ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche, pour une réponse brève.

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche.

Depuis que nous avons eu l'occasion de parler de l'embargo, ces dernières semaines, un groupe de travail réunissant des experts de la France, de la GrandeBretagne et de la Commission européenne s'est réuni à trois reprises et encore hier soir, jusque tard dans la soirée, pour progresser sur les quatre points considérés comme sensibles par la France et sur lesquels nous voulions obtenir des garanties supplémentaires. Ces points concernent les produits dérivés, les contrôles, l'étiquetage et les tests. Dans tous ces domaines nous avons pu avancer et faire bouger les lignes avec l'ensemble des experts concernés. Les trois points les plus sensibles sur lesquels nous avons été amenés à travailler encore tard hier soir concernent la traçabilité, l'étiquetage et les tests.

Sur la traçabilité, la position britannique consistait à abattre l'animal atteint par la maladie, mais pas le troupeau, alors que pour la France il fallait abattre aussi tout le troupeau. Nous avons obtenu une avancée dans la mesure où les Britanniques se sont désormais engagés à faire en sorte que la cohorte, c'est-à-dire la même classe d'âge du troupeau, ne soit pas commercialisée si un animal est contaminé. C'est, pour nous, une avancée significative. Voilà pour ce qui est de la traçabilité.

S'agissant de l'étiquetage, la Commission s'est engagée à édicter une instruction interprétative du dispositif de levée de l'embargo autorisant chacun des pays de l'Union, et en particulier la France, à exiger que l'étiquetage effectué au Royaume-Uni soit prolongé jusqu'au consommateur et que nous puissions le vérifier à nos frontières, en particulier en cas de commerce triangulaire, c'est-à-dire lorsque des viandes britanniques transitent par la Hollande ou la Belgique, sous réserve d'un droit à refuser ces viandes. Nous avons obtenu cette autorisation de la Commission. Sur ces points sensibles, nous avons donc pu obtenir des avancées qui ont fait l'objet d'un quasiaccord.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé ce matin de demander encore quelques précisions aux Britanniques sur les tests. La Commission s'est engagée à en faire pratiquer dans l'ensemble de l'Union européenne d'ici à un trimestre et les Britanniques, sans attendre ces dispositions communautaires, se sont engagés à procéder, sans attendre, à des tests sur leur troupeau, sur leur cheptel.

Nous attendons des précisions de leur part sur les échantillons qui seront concernés et les délais. Dès que nous les aurons, dans les tout prochains jours, voire dans les prochaines heures, nous saisirons l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments - AFSSA - comme nous nous y étions engagés, puisque c'est sur l'avis des scientifiques français que nous avons décidé de faire reposer notre décision politique, et nous lui demanderons son avis sur ce nouveau dispositif avant que le Gouvernement prenne ses responsabilités politiques sur la levée de l'embargo.

Voilà, monsieur le député, où en sont exactement ces discussions. Je voudrais, pour finir, rendre hommage aux fonctionnaires des ministères de la santé, de la consommation et de l'agriculture, qui ont beaucoup et très bien travaillé ces dernières semaines pour aboutir à ce résultat.

Cela a en effet été très difficile et a supposé beaucoup d'abnégation de leur part. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe du Rassemblement pour la République.

SOLIDARITÉ NATIONALE

M. le président.

La parole est à M. Jacques Godfrain.

M. Jacques Godfrain.

Monsieur le président, je voudrais, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, et en particulier de Jacques Limouzy, député du Tarn, dire à la suite des députés qui se sont excellemment exprimés avant moi l'émotion que nous ressentons tous devant les tableaux indescriptibles de désolation et de mort que nous donnent trois départements du sud de la France. Des vies humaines, des pertes irréparables, tant pour le domaine public que pour les particuliers, tel est ce qui reste après le retrait des eaux.

Nous nous associons aux remerciements qui ont été adressés aux autorités de l'Etat, notamment au chef de l'Etat qui, le premier, s'est rendu sur les lieux du sinistre, ainsi qu'aux autorités gouvernementales, en particulier à M. le ministre de l'intérieur, et à tous les secouristes, professionnels ou bénévoles qui, spontanément, se sont portés sur les lieux et ont fait le maximum pour tendre la main à ceux qui étaient dans la détresse, et qui le sont d'ailleurs encore.

Au milieu de ces spectacles de désolation où la solidarité s'exprimait, une ombre, une tache, une faute est apparue dans le tableau. L'une des collègues de M. le ministre de l'intérieur - je ne la citerai pas, chacun sait de qui il s'agit et je ne suis pas là pour faire de la polémique - a cru bon de mettre en cause les élus locaux.

Cette mise en cause des maires tombe mal dans ces circonstances, bien sûr. Mais - écoutez-moi bien, chers collègues, parce qu'il y a parmi vous des députés-maires qui ont donné la main ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) - une telle mise en cause tombe particulièrement mal à un moment où la responsabilité des élus locaux est en quelque sorte montrée du doigt et peut conduire à des actions judiciaires.

M. Jacques Myard.

Scandaleux !

M. Jacques Godfrain.

Je ne vous demanderai donc rien de plus, monsieur le ministre de l'intérieur, que de dire devant les Français ce que plusieurs députés socialistes ont dit ce matin devant leur groupe, ce qu'a dit aussi M. le président du groupe socialiste : à quel point il est regrettable que des propos aussi irresponsables aient été tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe du


page précédente page 09413page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

Monsieur le député, je tiens à mon tour à rendre hommage à l'ensemble des sauveteurs, sapeurs-pompiers, membres des unités d'intervention de la sécurité civile, militaires du 4e régiment étranger ou des deux régiments de parachutistes et d'infanterie de marine, forces de gendarmerie et de police nationale, auxquels j'ajoute les élus locaux, l'ensemble des services publics, la Croix-Rouge, les associations,...

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

... qui se sont mobilisés dans un exceptionnel élan de solidarité dont j'ai pu être témoin dans les départements des Pyrénées-Orientales, de l'Aude et du Tarn où je me suis rendu dans la journée de dimanche.

Nous sommes en présence d'un phénomène exceptionnel dû à une pluviométrie ayant pu atteindre 600 millimètres, c'est-à-dire qu'il est tombé en une journée pratiquement ce qu'il tombe en une année. Par ailleurs, dans le golfe du Lion une tempête a rehaussé d'un mètre le niveau de la mer, empêchant l'écoulement des eaux des fleuves côtiers. Ce n'était pas le cas dans tous les départements, en particulier dans le Tarn. Si l'on ne peut pas expliquer ce phénomène uniquement par l'urbanisation, c'est néanmoins un facteur de sensibilité. Par conséquent, il faut être attentif aux plans d'occupation des sols et aux plans d'exposition aux risques dans les communes qui en sont dépourvues.

Pour le reste, j'ai été véritablement impressionné par le courage des élus locaux que j'ai rencontrés dans chacune des communes,...

M. François Rochebloine.

Très bien !

M. le ministre de l'intérieur.

... des parlementaires, conseillers généraux, des présidents des conseils généraux d es trois départements et du maire, véritablement héroïque, de Lézignan-Corbières, qui a perdu dans la catastrophe sa mère et son père le soir même. Tous ont fait front avec beaucoup de courage.

M. Patrick Ollier.

Il ne fallait pas les accuser !

M. le ministre de l'intérieur.

Je tiens à saluer leur investissement personnel au milieu de leurs administrés, ranimant les courages et donnant l'élan nécessaire au service public pour que toutes les mesures soient prises et que le retour à la normale s'effectue rapidement. (Applaudissements sur tous les bancs. - M. le président applaudit également.)

M. le Premier ministre a annoncé toutes les mesures qui seront prises. D'ores et déjà, je peux vous dire que, outre les crédits d'urgence mis en place par ma collègue Martine Aubry et par le ministère de l'intérieur, dès demain, les arrêtés de déclaration de l'état de catastrophe naturelle seront pris pour toutes les communes qui en auront formulé la demande auprès des préfets concernés.

Des crédits seront dégagés sur le chapitre 37-64 du ministère de l'intérieur pour les dommages non assurés.

Les différents ministres concernés, M. Sautter et M. Glavany, ont dit ce qui sera fait dans leur secteur. Tout sera fait pour que ce qui peut être réparé le soit aussi rapidement que possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

CONFÉRENCE DE SEATTLE

M. le président.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Monsieur le Premier ministre, nul ne peut vous contester, en raison de votre expérience de la diplomatie et de la diversité de l'Internationale socialiste, une bonne connaissance des réalités planétaires, particulièrement dans le domaine du commerce international.

Dans quelques jours, va s'ouvrir la conférence de Seattle à laquelle - je cite M. Moscovici - « Le Gouvernement entend se rendre en restant intransigeant mais en tâchant de l'être intelligemment ». Alors que sera commémorée, le 20 novembre, la journée des droits de l'enfant, lesquels dépassent, il est vrai, très largement le cadre de l'OMC, quelles initiatives, au-delà du simple soutien de l'OIT, prendrez-vous - M. le Président de la République a émis des souhaits en la matière - en matière de lutte contre les formes les plus intolérables du travail dese nfants et jusqu'où irez-vous dans l'imposition des normes sociales ? Mais plus généralement, comment pensez-vous faire entendre et partager la position de la France, dès lors que le mandat non écrit confié à la Commission européenne est nécessairement la résultante d'un compromis entre les positions parfois contradictoires, en tout cas majoritairement libérales, des Etats membres de l'Union ? N'estimez-vous pas très imprudent de laisser croire, comme le font certains membres de votre gouvernement, aux agriculteurs, aux intellectuels, aux travailleurs, aux consommateurs, bref, à tout le monde sauf à ceux qui auraient la capacité de créer des emplois, car ceux-là ne sont pas dupes, que ce gouvernement a trouvé une issue pour échapper à la rude compétition entre les nations et les continents ? Quelle place reste-t-il pour cette exception française, hélas bien à contre-courant, alors que des prélèvements obligatoires exorbitants et une réglementations ociale irréaliste découragent les investissements et conduisent nos élites à s'expatrier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes.

Madame la députée, dans deux semaines s'ouvriront en effet, à Seattle, les négociations commerciales internationales, ce que l'on appelle le cycle du millénaire. Nous savons que ces négociations seront longues.

Elles dureront sans doute au moins trois ans. Nous savons aussi qu'elles seront difficiles, parce que les intérêts se confrontent dans cette économie mondialisée. Mais pour autant, nous aurions tort de refuser la confrontation à Seattle. En effet, l'économie française bénéficie de son ouverture sur le monde pour sa croissance, pour ses emplois, pour son développement.

Cela étant, comme je l'ai dit, nous devons aller à Seattle en étant intransigeants sur nos valeurs, mais en l'étant intelligemment. Et notre réponse s'appelle l'Europe. Le mandat que nous avons confié à la Commission européenne n'est pas un mandat non écrit. C'est un mandat précis, qui consacre des conceptions que nous


page précédente page 09414page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

partageons pour une vision globale de la mondialisation et de cette négociation. Nous voulons - oui, madame ! que s'imposent des normes sociales et il n'est pas question pour nous d'accepter d'échanger des marchandises issues du travail d'enfants ou de détenus d'ailleurs. Nous voulons des normes environnementales. Nous voulons protéger et nous avons obtenu que la Commission européenne prenne en compte l'exception culturelle. Nous voulons préserver notre modèle agricole. Les bases de d épart de l'Europe dans cette négociation seront l'Agenda 2000.

Nous avons un atout dans cette négociation : l'Union européenne est plus unie que jamais. Le commissaire français, M. Lamy, sait sur quoi il doit négocier. En même temps, soyons clairs, à Seattle, nous ne serons ni demandeurs, ni quémandeurs. Nous irons pour faire des propositions, pour organiser la mondialisation, non pour la subir. Et je veux vous assurer que, encore une fois, notre intelligence sera offensive. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

CORSE

M. le président.

La parole est à M. Roland Francisci, pour une question courte.

M. Roland Francisci.

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. La Corse vient de connaître une nouvelle vague d'attentats. Des commandos armés et cagoulés ont à nouveau plastiqué des résidences appartenant à des continentaux ou à des ressortissants étrangers. Ils ont séquestré et enchaîné trois membres d'une même famille, dont deux octogénaires. Je tiens avant tout à exprimer ma plus profonde solidarité aux victimes de ces stupides et lâches attentats. Ces agissements peu glorieux relèvent en effet du racisme primaire et du fascisme. Ils rappellent des heures sombres de l'histoire de France que nos compatriotes voudraient oublier. Ils font honte à la Corse. C'est l'honneur de notre région et de ses habitants d'avoir accueilli et hébergé, pendant la dernière guerre mondiale, de nombreux ressortissants juifs pourchassés par la barbarie nazie. Aucun d'eux n'a été dénoncé.

Aucun d'entre eux n'a manqué à l'appel quand l'heure de la Libération a sonné.

Aujourd'hui, j'ai honte d'entendre certains affirmer sous la cagoule que les continentaux, qu'ils appellent les

« allogènes », ne seraient pas chez eux en Corse. Je m'étonne d'ailleurs du silence du Gouvernement à ce sujet. Ces propos racistes sont scandaleux et fermement condamnés par l'ensemble de mes compatriotes. La Corse est une terre d'accueil et d'hospitalité, une terre française à part entière. Elle entend le rester. Les continentaux y sont chez eux au même titre que les Corses sont chez eux sur n'importe quelle partie du territoire national, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Seuls quelques égarés, irresponsables et sectaires, qui ne représentent qu'euxmêmes, semblent penser autrement, au nom de je ne sais quel fanatisme aveugle et dangereux qui fait tant de mal à la Corse et qu'il faut combattre.

Face à la recrudescence des attentats, chacun doit aujourd'hui assumer clairement et honnêtement ses responsabilités, ce que pour ma part, comme vous le savez, monsieur le Premier ministre, j'ai toujours fait. Les Corses, qui ont droit à la sécurité et à la paix, sont inquiets. Ils s'interrogent. Une fois de plus, ils sont déçus.

Ils souhaitent que l'Etat retrouve rapidement son rôle d'acteur, garant de la sécurité des personnes et des biens, qu'il semble, hélas ! avoir abandonné.

Monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : que comptez-vous faire, que compte faire votre gouvernement pour assurer aux habitants de l'île, qu'ils soient Corses ou non, la sécurité et la paix auxquelles ils ont droit et qu'ils appellent désespérément, mais en vain, de leurs voeux ? Répondez à leur attente, monsieur le Premier ministre ! Il y va de la crédibilité de votre gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour une réponse brève.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur.

En effet, le 10 novembre, Corsica Nazione a rendu public un communiqué s'élevant contre la politique dite de

« substitution ethnique » menée par la France en Corse.

Le lendemain, 11 novembre, et jusqu'au 15 novembre, plus d'une dizaine d'attentats ou de tentatives d'attentats ont été dirigés contre les biens de continentaux ou d'étrangers habitant la Corse. Nous sommes donc très clairement en présence d'une opposition entre, d'une part, la République, qui ne tient pas compte de l'origine selon que l'on est né ici ou là et, d'autre part, un groupem ent qui se réclame ouvertement d'une idéologie ethniciste qui rappelle les heures les plus sombres de notre histoire.

Je tiens à saluer les élus corses qui ont condamné ces agissements : M. Zuccarelli, le premier, vous-même, monsieur Francisci, d'autres encore, mais aussi le responsable de la CGT, M. Stefani. C'est en effet par la mobilisation des élus et des responsables corses que nous pourrons enregistrer des progrès.

Le nombre d'affaires résolues en Corse ne cesse cependant d'augmenter, et je veux que la représentation nationale le sache. Sur un certain nombre d'affaires à caractère terroriste - homicides volontaires, vols à main armée, extorsion de fonds - nous en avons résolu 37 depuis le début de l'année, contre 34 en 1998 et 29 en 1997.

M. Laurent Dominati.

Sur combien ?

M. le ministre de l'intérieur.

S'agissant des seuls vols à main armée, 9 affaires ont été résolues en 1997, 6 en 1998, 18 depuis le début de 1999.

M. Laurent Dominati.

Sur combien ?

M. le ministre de l'intérieur.

Des affaires très importantes ont été élucidées depuis le début de l'année : 9 homicides ont été résolus en 1999, dont certains remontaient à 1994, 1996 ou 1988. En Corse ou sur le continent, elles l'ont été grâce à action des services de police et de gendarmerie.

Sachez-le, nous continuerons dans cette voie et nous ne relâcherons nos efforts à aucun moment.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous en venons au groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert.

Le groupe UDF s'associe sincèrement à l'hommage qui a été rendu aux populations touchées par la catastrophe du 12 novembre et aux sauvet eurs qui ont travaillé dans des conditions particulièrement difficiles.


page précédente page 09415page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Madame la ministre, comme Jacques Godfrain, nous jugeons regrettables les propos que vous avez tenus à la suite de cette catastrophe et qu'a rapportés la presse.

Nous ne doutons pas, cependant, qu'ils ne constituent pas l'essentiel de vos considérants.

Une question se pose désormais : à qui incombe la responsabilité de la politique de prévention en France ? Certes, les élus locaux jouent un rôle dans son élaboration. Mais la prévention, c'est aussi l'affaire de l'Etat. Un espace mal aménagé, c'est encore l'affaire de l'Etat.

Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que les catastrophes naturelles se faisant de plus en plus fréquentes et graves, il est vraiment temps d'établir une cartographie exacte de toutes les zones à risque sur le territoire ? Ne pensez-vous pas qu'il est temps de faire en sorte que les 10 000 communes françaises exposées à des aléas naturels puissent voter dans de bonnes conditions des plans de prévention des risques ? Aujourd'hui, en effet, ces plans sont trop souvent subis et non voulus, en raison du manque de dialogue démocratique entre l'Etat, les élus locaux et les citoyens.

Enfin, cette politique de prévention a un coût. Ne pensez-vous pas que l'Etat ne doit pas le supporter seul ? On pourrait, par exemple, en appeler à la solidarité des compagnies d'assurances, qui gèrent un important fonds pour les catastrophes naturelles, lequel sert trop à l'indemnisation, et pas assez à la politique de prévention.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Je voudrais, moi aussi, m'associer à la douleur des familles et des populations qui ont tout perdu, et saluer les efforts des sauveteurs.

Je vous remercie en tout cas, monsieur le député, de me donner l'occasion de mettre au point ce qui a été effectivement dit, au-delà d'un titre repris par un seul quotidien. Interpellée sur la mobilisation de mon ministère, j'ai souligné que, quand survient la catastrophe, priorité reste au sauvetage des vies et aux secours d'urgence. Cela relève de la responsabilité première du ministre de l'intérieur, chargé de coordonner tous les moyens publics. Mais je vous rassure : tous les ministères sont mobilisés. Je voudrais à mon tour, bien que leur travail soit peut-être moins connu, saluer les agents de mon ministère, qui font notamment les mesures permettant de garder la mémoire des catastrophes et de suivre le phénomène dans le temps.

Après, vient le moment du bilan et du renforcement des politiques de prévention.

Le bilan : il s'agit d'identifier les causes qui peuvent a ggraver, sinon déclencher les catastrophes et qui appellent de notre part des mesures pour y remédier.

La politique de prévention menée par mon ministère s'articule en trois volets.

D'abord, l'équipement du réseau d'alerte des crues.

Météo France a bien fonctionné. L'alerte a été donnée.

L'ampleur et la gravité du phénomène ont été annoncées.

Il se trouve que mon ministère finance des radars qui vont nous permettre de renforcer le réseau d'alerte des crues avec, notamment, la mise en place du radar d'Opoul qui devrait être prêt dans les prochaines semaines.

Ensuite, les plans de prévention des risques. Ils ont été mis en place par la loi en 1995. Depuis, les crédits affectés à cette politique ont été pratiquement triplés. Ils s'é léveront à 75 millions de francs en l'an 2000. L'objectif est de remplacer les plans de surfaces submersibles qui ont souvent plusieurs décennies et qui n'ont pas été élaborés à partir des mêmes données techniques, bien qu'ils aient la même force juridique.

Les plans de prévention des risques sont prescrits et élaborés par les préfets en concertation étroite avec les populations et les élus locaux. Ils ne sont validés qu'après enquête publique. Ils concernent, vous l'avez dit, pratiquement 10 000 communes en France et ne visent pas seulement les inondations, mais aussi les avalanches, les affaissements et glissements de terrain et les phénomènes sismiques, comme aux Antilles. Mais pour qu'ils puissent être élaborés, encore faut-il garder la mémoire du risque.

C'est ce sur quoi a insisté dans son rapport Yves Dauge, auquel nous avions demandé de réunir les éléments pouvant nous permettre de renforcer la politique en la matière.

Enfin, la protection des lieux habités contre les crues.

Le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement y a consacré 1,5 milliard de francs en cinq ans. Cet effort se poursuit. Il se poursuivra, notamment dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

Mais il n'est pas toujours possible de protéger complètement les lieux habités. Ainsi, 95 % de la commune de Cuxac-d'Aude, qui fait l'objet d'un travail important de réflexion mis en place à la suite des inondations de 1996 lequel doit déboucher sur un programme d'aménagement de 170 millions de francs, est en zone inondable. Il n'est pas possible d'envisager la poursuite du développement économique de cette commune sans une forte coopération intercommunale. Le maire de Cuxac-d'Aude l'a d'ailleurs bien compris.

En conclusion, monsieur le député, chacun doit assumer ses responsabilités : les assureurs, pour ce qui concerne l'indemnisation des dégâts mais aussi l'Etat et les élus locaux. Je suis convaincue qu'à la suite des catastrophes vécues récemment, à Nîmes avec la crue de l'Ouvèze, aujourd'hui dans le Sud-Ouest, l'ensemble des élus locaux sont aujourd'hui mobilisés. Je ne doute pas que l'Etat sera au rendez-vous et que nous pourrons accélérer encore le programme des plans de prévention des risques. Nous nous étions fixé comme objectif que 2 000 plans seraient prêts pour le 31 décembre 1999 ; ce nombre a été dépassé avant la fin du mois d'août.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.) 35 HEURES

M. le président.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, pour une question courte.

M. Pierre Méhaignerie.

Après l'échec de la commission mixte paritaire sur les 35 heures, monsieur le Premier ministre, vous allez devoir procéder à des arbitrages et donc écouter différents avis,... dont peut-être celui-ci.

Dans un entretien avec le Nouvel Observateur, un homme qui ne se revendique ni du MEDEF ni de l'opposition, qui est partisan de la réduction du temps de travail et, qui plus est, a dirigé pendant de longues années l'un des principaux syndicats français, la CFDT, je veux parler d'Edmond Maire (Exclamations sur divers bancs),


page précédente page 09416page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

déclarait ceci : « La gauche voulait un acte symbolique pour montrer sa puissance et illustrer son bilan. Elle a offert une nouvelle fois la preuve qu'elle était jacobine, centralisatrice et étatique, y compris dans des domaines comme la vie de l'entreprise, dont elle ignore les ressorts internes. »

(Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

« On arrive ainsi à une caricature : un débat parlementaire où la loi s'élabore à coups d'amendements déposés par des groupes politiques uniquement désireux de se valoriser aux yeux de leur électorat. Résultat, le texte est complexe, difficile à lire et surtout inadapté à la réalité des entreprises. »

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Cela vous fait vraiment mal d'écouter ce message ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. Maire ajoute, monsieur le Premier ministre : « La loi actuelle va gâcher les effets positifs de la réduction du temps de travail. »

M. Julien Dray.

Je préfère Blondel !

M. Pierre Méhaignerie.

Dernière observation :

« Aujourd'hui, la façon dont se déroule le processus des 35 heures est une caricature de la société française. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Monsieur le Premier ministre, que pensez-vous de cet article ? Est-ce qu'il va vous aider à élaborer une synthèse mieux appréciée des Français, des salariés et des entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monsieur le ministre, je vous remercie de parler d'Edmond Maire, qui est un de mes pères spirituels.

(Rires et exclamations sur divers bancs.)

C'est grâce à lui que j'ai compris pourquoi il fallait faire les 35 heures, après plusieurs années passées à la CFDT.

Comme lui, je pense qu'il est dommage que notre pays doive faire une loi parce que le syndicalisme n'est pas assez fort, parce que les entreprises n'anticipent pas et parce que nous avons trois millions de chômeurs qui mettent en cause notre cohésion sociale et notre cohésion démocratique.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République.

Des mots !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais je ne vais pas reparler ici des 35 heures. Chaque semaine nous amène environ 500 à 1 000 accords nouveaux.

M. Pierre Lequiller.

Ils sont imposés !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je voudrais vous renvoyer à deux lectures.

D'abord le New York Times du 11 novembre dernier explique comment, à sa grande stupéfaction, les 35 heures sont en train de mieux faire fonctionner les entreprises et de faire reculer le chômage dans notre pays.

D'autre part, un responsable de la grande banque britannique J.P. Morgan vient d'écrire qu'on ne peut pas expliquer la baisse extrêmement importante du chômage en France si on ne prend pas en compte les emploisjeunes et les 35 heures.

(Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

A chacun ses lectures ! Continuons, en tout cas, à faire réduire le chômage en nous appuyant, comme le dit très bien Edmond Maire, sur la négociation car c'est cela le coeur de la loi sur les 35 heures (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), que nous reprendrons ici dans quelques jours.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Je vous signale également dans le dans même numéro du Nouvel Observateur une interview extraordinaire de Julien Gracq sur la littérature et la musique.

(Applaudissements et sourires.)

Nous en venons au groupe Démocratie libérale et Indépendants.

MNEF

M. le président.

La parole est à M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin.

Je voudrais d'abord dire, au nom du groupe Démocratie libérale, toute la peine que nous éprouvons pour les victimes des inondations et adresser tous nos remerciements aux hommes et aux femmes qui ont porté secours à toutes les personnes touchées.

Je m'adresserai ensuite à M. le Premier ministre.

Souhaitez-vous répondre à des questions de complaisance lors de nos séances ou souhaitez-vous remplir le rôle qui est le vôtre en répondant sur le fond aux questions d'actualité que nous vous posons ?

Mme Odette Grzegrzulka.

Question pour un champion !

M. Yves Nicolin.

Si tel est le cas, monsieur le Premier ministre, il est un sujet qu'aucun français de notre pays n'ignore depuis quelques semaines. Toute la presse nationale en a fait a une. Le Monde de cet après-midi nous fait encore des révélations accablantes. Chaque jour, des articles sont consacrés à un sujet qui touche de près votre gouvernement. Je veux parler de la MNEF.

La semaine dernière, à une question qui vous était posée par l'un de mes collègues de Démocratie libérale, vous n'avez eu que le mépris de lui répondre que vous n'aviez rien à ajouter à vos propos la semaine précédente.

Nous ne pouvons nous satisfaire d'une telle désinvolture.

L'affaire de la MNEF est devenue, avec la démission de votre ministre des finances Dominique Strauss-Kahn, une affaire d'Etat. Il semble qu'au-delà de votre plus proche ministre de nombreux membres éminents de votre parti, le Parti socialiste, ainsi que l'une de vos collaboratrices soient mis en cause.

Vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, que les seuls rapports que vous aviez eus avec la MNEF passaient, lorsque vous étiez étudiant, par les cotisations que


page précédente page 09417page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

vous versiez à cette mutuelle. Or chaque semaine qui s'écoule nous laisse penser que tel n'a pas été le cas.

Comment le ministre de l'éducation nationale que vous avez été pouvait ignorer que sa plus proche collaboratrice chargée de la communication à son cabinet ministériel percevait une rémunération de la MNEF sans aucun lien avec le travail qu'elle effectuait au service du gouvernement de la France ? Vous ne pouvez vous défausser de cette question, sauf à remettre en cause le rôle constitutionnel des députés de contrôler l'action du Gouvernement.

Aussi, monsieur le Premier ministre, je vous renouvelle solennellement cette question. Saviez-vous, oui ou non, que Mme Lavarini percevait une rémunération de la MNEF alors qu'elle travaillait au sein de votre cabinet ministériel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

4 SOUHAITS DE BIENVENUE À SA MAJESTÉ LE ROI ABADALLAH II DE JORDANIE

M. le président.

Mes chers collègues, je vais interrompre quelques instants le cours de notre séance pour formuler un souhait de bienvenue.

Majesté, dans la continuité de l'action de votre père, le roi Hussein, vous avez déjà entrepris des réformes importantes pour l'avenir de votre pays. Vous êtes intervenu avec détermination pour que se poursuive et s'accomplisse la paix au Proche-Orient. A travers vous, c'est aussi le courage et la générosité du peuple jordanien que nous saluons. Je souhaite, au nom de tous, la plus chaleureuse bienvenue au roi Abdallah II de Jordanie.

(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

5 QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président.

Majesté, nous sommes dans la maison de la démocratie et la parole est à Mme la garde des sceaux.

M. Lucien Degauchy.

La question ne s'adressait pas à elle. Ce n'est pas courageux de la part du Premier ministre !

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Sur l'affaire de la MNEF, deux informations judiciaires sont ouvertes : la première concerne les relations internes entre la MNEF et ses fournisseurs ; la seconde, les relations externes de la MNEF, notamment avec ses filiales.

Ces informations ont été ouvertes à la suite de la transmission immédiate au parquet, par le Gouvernement, d'un rapport de la Cour des comptes en juillet 1998 et d'un rapport de l'IGAS, commandé par ma collègue Martine Aubry.

(« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Je vous suggère, monsieur le député, dans le respect de la séparation des pouvoirs, de laisser la justice faire son travail en toute sérénité et en toute indépendance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Huées sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Nous en venons au groupe communiste.

PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais des éléments de réponse ont déjà été apportés.

Face au drame qui a touché quatre départements - l'Aude, le Tarn, une partie de l'Hérault et les PyrénéesOrientales dont je suis élu -, ma première pensée va aux victimes et à leurs familles. Au nom du groupe communiste et apparentés, je veux leur faire part de toute notre peine et de notre soutien dans cette douloureuse épreuve.

Je tiens également à saluer le courage et le dévouement de nos sauveteurs, professionnels et bénévoles, sans qui le bilan aurait été encore plus lourd. J'aimerais souligner enfin le formidable élan de solidarité des habitants, des collectivités et des associations caritatives. Cette catastrophe pose de nombreuses questions, et je le dis sans aucun esprit de polémique.

Tout d'abord, on a pu invoquer la seule fatalité. S'il s'agit bel et bien d'une catastrophe naturelle contre laquelle nous ne pouvons rien, il est en revanche en notre pouvoir d'en limiter les conséquences.

Les plans de prévention des risques, qui sont obligatoires, n'existent que dans 2 000 communes alors que 10 000 communes sont concernées par les risques de catastrophes naturelles. Quatre-vingt-cinq plans de prévention auraient été prescrits dans les départements exposés aux inondations : sept seulement auraient été mis en oeuvre dans le seul département des Pyrénées-Orientales.

L'Etat doit, avec l'aide de tous ses services déconcentrés, assumer toutes ses responsabilités. Il faut prendre - il est temps ! - la vraie mesure de la prévention, d'autant que la DATAR prévoit dans nos départements une augmentation de 30 % de la population d'ici à 2010. Il faut se donner les moyens de les accueillir en toute sécurité et non les installer dans des zones à risques.

Dans cet objectif de prévention, le groupe communiste avait déposé en 1995 une proposition de loi relative à la prévention des risques et à l'indemnisation juste et totale des victimes. L'actualité nous prouve malheureusement que cette proposition de loi était justifiée. Imaginez - cela me fait froid dans le dos ! - qu'une telle catastrophe ait eu lieu en pleine période estivale. Ce sont des centaines de morts, sur des terrains de camping dévastés, que nous pleurerions aujourd'hui.

Dans mon département, cette catastrophe va avoir des c onséquences économiques terribles. Comme a pu le constater le ministre de l'intérieur, les récoltes des


page précédente page 09418page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

m araîchers, qui constituent une de nos premières richesses, sont anéanties. Après la crise des fruits et légumes cet été, je vous laisse imaginer ce qui va en résulter pour un département comptant le plus haut taux de chômage et de personnes vivant du RMI.

Il faut que l'Etat puisse venir en aide rapidement à t ous les sinistrés et débloquer des fonds pour la reconstruction des infrastructures routières et ferroviaires.

Comment le Gouvernement envisage-t-il de renforcer les mesures de prévention afin que, à la prochaine catastrophe de ce genre, nous ne puissions pas dire : « Et pourtant, les événements de novembre 1999 auraient dû nous servir de leçon ! ».

Par ailleurs, le Gouvernement va débloquer des aides pour les départements, des enveloppes peut-être supérieures au prochain contrat de plan. Il faut prévoir une indemnisation juste et totale estimée à la valeur d'usage, une aide aux salariés victimes, une aide aux PME-PMI ainsi qu'aux agriculteurs. Mais ces aides, bien sûr, ne peuvent venir amputer ce qu'auraient dû percevoir les régions dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Monsieur le député, vous avez résumé les priorités qui devront être les nôtres : prévenir la reproduction de telles catastrophes mais aussi assurer l'aide indispensable. Le Premier ministre a rappelé tout à l'heure que celle-ci serait au rendez-vous et qu'il en annoncerait les modalités et l'ampleur lors d'un déplacement dans l'Aude jeudi.

Je voudrais pour ma part insister sur la prévention et sur la procédure des plans de prévention des risques.

Vous avez parfaitement raison de pointer le travail à venir. Il demande la mobilisation pleine et entière de l'Etat et de l'ensemble de ses services centraux et déconcentrés, mais aussi une coopération sans faille avec l'ensemble des élus locaux, dont je tiens ici à saluer l'engagement, et des acteurs économiques.

La politique de prévention des risques naturels est relativement récente en France. Elle bénéficie de moyens qui montent en puissance année après année mais qui restent encore sans doute trop modestes au regard des besoins.

En effet, 10 000 communes sont exposées à des risques naturels, au premier rang desquels figurent les inondations. Nous devons donc passer à la vitesse supérieure.

M. le président.

Veuillez conclure, je vous prie.

Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.

Cela dit, la préparation de plans efficaces d'aménagements, de travaux permettant de réduire le risque, demande du temps. Comme je l'ai dit tout à l'heure, à Cuxac-d'Aude, par exemple, les inondations de 1996 ont été suivies d'une prise de conscience immédiate mais il a fallu trois ans pour monter un programme c ohérent et qui tienne compte de l'ensemble des contraintes économiques.

Sur la Loire, le programme décennal de prévention des inondations entre à peine dans sa deuxième partie. Nous sommes allés jusqu'à déplacer des entreprises pour assurer leur protection.

Encore faut-il que le débat soit mené sur ce qu'est le risque acceptable. Certes, chacun s'accorde à reconnaître qu'on doit privilégier le sauvetage des vies et la protection des personnes. Mais au-delà, devons-nous viser le « zéro inondation » ou tolérer des inondations compatibles avec la pérennité des activités économiques ? On le voit bien, l'ampleur des plans de prévention ne sera pas la même selon qu'il s'agit d'aboutir à une protection totale, coûteuse et aléatoire, ou de protéger les vies et les activités économiques.

Bien entendu, je reste à la disposition des parlementaires pour poursuivre la discussion sur ce sujet.

Chaque fois que j'en ai eu l'occasion, j'ai insisté sur le fait que la prévention des risques naturels est une priorité de mon ministère, qu'il s'agisse de la vallée de la Seine très largement concernée à cette heure, des grands fleuves ou des plus petites rivières. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

IVG ET CONTRACEPTION

M. le président.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Ma question s'adresse à

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les dernières décennies de ce siècle ont été notamment marquées par l'accès à la contraception et le libre choix en matière d'IVG. Ce sont là des acquis fondamentaux des femmes et de la société tout entière. L'action des femmes et des mouvements féministes ont permis la traduction d'actes politiques forts permettant aux femmes de gagner en liberté et en dignité. Mais aujourd'hui, ces acquis ont besoin d'être confortés et actualisés.

Des rapports, dont celui du professeur Nisand, comme le travail et les déclarations de nombreuses associations ont contribué à faire prendre toute la mesure de la situation. Je pense à l'indispensable sensibilisation des jeunes générations à la contraception, au remboursement par la sécurité sociale des pilules contraceptives dites de la troisième génération et à la nécessité de rester vigilants devant les tentatives de remise en cause de l'IVG. Dans ce domaine, rien n'est jamais acquis.

Chaque femme doit pouvoir avoir recours à l'IVG et faire respecter ses droits. Or il existe encore des inégalités devant l'accès à ce droit.

Par ailleurs, de nombreuses femmes, des associations, des élus se déclarent préoccupés par le nombre de grossesses non désirées chez les adolescentes.

Face à cette situation, vous avez annoncé, en juillet dernier, un plan d'action comportant notamment le lancement d'une campagne d'information sur la contraception. Madame la ministre, pouvez-vous donner des i nformations précises sur cette campagne ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour remédier aux difficultés d'accès à la contraception, notamment par le remboursement de la pilule dite de la troisième génération, et l e recours à l'interruption volontaire de grossesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Madame la députée, comme vous l'avez très bien dit, garantir le droit à la contraception et l'accès à l'avortement fait partie des tâches des pouvoirs publics. Et nous savons bien que les droits des femmes ne sont jamais acquis.


page précédente page 09419page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Dès mon arrivée au ministère, j'ai souhaité que nous lancions une campagne d'ampleur sur la contraception, puisqu'il n'y en avait pas eu depuis 1982. Mais j'ai voulu auparavant que nous avancions sur un certain nombre de problèmes non résolus.

S'agissant tout d'abord de la pilule du lendemain, qui n'existait pas dans notre pays, nous avons, avec l'aide des associations, appuyé des laboratoires qui ont été particulièrement pugnaces contre les grands laboratoires pour parvenir à sortir le Tétragynon et le NorLevo. Ces pilules du lendemain sont aujourd'hui en vente libre.

S'agissant des pilules de la troisième génération, j'ai demandé au professeur Spirat de réévaluer son rapport pour vérifier si le prix - 100 francs en moyenne contre dix francs pour les pilules normales - proposé par les laboratoires reposait sur des progrès en matière de contraception ou sur une réduction des effets indésirables. Il a répondu non à ces deux questions. Nous avons donc demandé aux laboratoires de réduire les prix pour nous permettre de rembourser ces pilules. Jusqu'à présent, ils ont refusé. Mais je peux vous indiquer qu'une de ces pilules pourra faire l'objet d'un générique en l'an 2000 et que nous avons trouvé un industriel prêt à la fabriquer.

J'en viens au RU 486. Quand nous sommes arrivés au gouvernement, en 1997, cette pilule abortive, qui permet d'éviter l'intervention médicale, était en rupture d'approvisionnement. Nous avons apporté notre appui au propriétaire du brevet. Aujourd'hui, la France non seulement produit le RU 486 mais en exporte dans les différents pays. Et je viens de demander aux hôpitaux de laisser aux femmes, lorsque les indications médicamenteuses le permettent, la possibilité de choisir entre le RU 486 et l'intervention chirurgicale, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

S'agissant de la campagne sur la contraception, le comité de pilotage fonctionne maintenant depuis quatorze mois. Nous avons eu un peu de mal à trouver la meilleure manière de nous adresser à l'ensemble des publics. Par exemple, nous savons qu'il y un recul de la contraception chez les jeunes, du fait d'une certaine confusion entre préservatif et contraception. Nous devons aussi toucher des femmes de milieux modestes, éloignées du monde médical.

Nous avons enfin trouvé ce que nous cherchions. Le comité de pilotage a donné son accord la semaine dernière et l'ensemble des organisations a demandé que cette campagne ait lieu au mois de janvier, au moment où nous allons fêter les vingt-cinq ans de la loi sur l'IVG de Mme Veil.

D'ici là, nous allons réunir avec Mme Ségolène Royal et M. Allègre les infirmières et les médecins scolaires, avec

Mme Buffet les associations de jeunesse et des sports, avec Nicole Péry l'ensemble des associations et missions locales, qui dépendent de nos ministères, afin de lancer une campagne d'information vers les jeunes.

J'en viens à l'IVG. Vous le savez, j'ai demandé sur ce point un rapport au professeur Nisand. Nous nous donnons encore quelques mois pour en exploiter les conclusions. Ainsi que nous l'avons annoncé avec Nicole Péry, voilà maintenant quatre mois, nous souhaitons faire passer de dix à douze semaines le délai légal pour l'IVG délai en vigueur dans la plupart des pays européens. Dès cette semaine, je vais rencontrer un grand nombre de médecins afin de préparer l'opinion publique à une telle décision.

Nous réfléchissons, par ailleurs, avec un comité d'associations, à la façon dont les jeunes filles, qui n'arrivent pas à avoir l'autorisation parentale, pourraient être soutenues par un adulte, un tuteur, par exemple une association de planning familial, pour recourir tout de même à l'IVG.

Nous nous sommes donné un an au plus pour aboutir.

Sur ce sujet aussi, les décisions seront prises avant l'été et nous aurons ainsi conforté les droits des femmes qui sont, en effet, toujours remis en cause.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Nous en venons au groupe Radical, Citoyen et Vert.

LOI CONTRE LES EXCLUSIONS

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, au printemps dernier, la majorité plurielle a voté la loi contre les exclusions, attendue depuis fort longtemps, et qui sera à mettre à l'actif de votre gouvernement.

Cependant, cette loi tarde à se mettre en oeuvre et les associations qui militent sur le terrain s'en inquiètent.

Ainsi, les dispositions concernant la fourniture en eau et le droit à l'énergie, notamment le contrat spécifique tendant à réduire les factures d'électricité des RMIstes et des chômeurs en fin de droits, ne sont toujours pas appliquées. De même, le décret paru en mars 1999 relatif à la réduction de moitié du prix de l'abonnement téléphonique ne semble pas suivi d'effets. Les associations attendent toujours la mise en place d'un fonds destiné à alimenter les aides pour impayés de téléphone. Par ailleurs, les dispositions concernant le droit à un compte de dépôt et au service bancaire de base, la protection des d ébiteurs contre les commissions encaissées par les banques pour chèques impayés et la possibilité d'accès à des chèques d'accompagnement personnalisé ne semblent pas avoir fait l'objet de décrets d'application, pour l'instant.

Dans le domaine du droit au transport régional, de nombreux conseils régionaux semblent traîner les pieds pour appliquer l'article 133 de la loi disposant qu'une tarification spéciale doit être proposée aux chômeurs en fin de droits, aux RMIstes et aux jeunes au chômage.

Enfin, le dispositif des chèques alimentaires rencontre des difficultés de mise en place dans certains conseils généraux.

A l'approche de l'hiver, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour veiller à ce que la loi contre les exclusions puisse être appliquée totalement et le plus rapidement possible ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre délégué à la ville.

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville.

Monsieur le député, cette loi était voulue et attendue par la majorité, parce qu'elle constitue un signal fort en direction des femmes et des hommes qui souffrent le plus dans la société.

Malgré la complexité de ce texte - 159 articles et 19 ministères concernés -, l'ensemble des décrets d'application sont aujourd'hui parus. Ils visent d'abord l'accès au


page précédente page 09420page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

(1) Les travaux de la commission ainsi que les réponses aux questions seront publiés en annexe au compte rendu intégral de la deuxième s éance du 16 novembre 1999.

logement. A cet égard, il faut saluer le travail incessant de Louis Besson pour élargir l'offre de logements et permettre à celles et ceux qui peuvent y prétendre de bénéficier d'un logement. Dans ce cadre, le FSL a été augmenté, passant de 275 millions de francs en 1997 à 490 millions en 1999.

Mais en cette fin de siècle, le droit au logement ne peut pas être réduit à celui d'avoir un toit. Il doit être envisagé avec l'accès à l'électricité permettant de s'écl airer et de se chauffer. Sur ce point, monsieur le député, des décisions ont été prises, notamment avec EDF. Dorénavant, on ne procédera à aucune coupure sans avoir alerté les services sociaux et sans que le fonds d'urgence mis en place grâce à un accord entre l'Etat et EDF ait été sollicité.

S'agissant de l'eau, la situation est plus complexe, mais, là aussi, des dispositions ont été prises. En cas de dettes, deux cas se présentent. Dans le cadre des logements collectifs sans compteur individuel, où les factures d'eau sont répercutées sur les charges, c'est le FSL qui interviendra.

Lorsqu'il existe des compteurs individuels, le système actuel d'abandon de créances va être revu. En effet, pour éviter cette procédure longue et sans grands résultats, nous avons décidé, à l'image de ce qui se passe pour l'électricité, de créer un fonds spécial, abondé par l'Etat et les fournisseurs d'eau. Là aussi, l'engagement a été pris de ne procéder à aucune coupure sans que l'ensemble des services sociaux n'ait été au préalable alerté et mobilisé.

Nous avons également prévu des mesures pour le téléphone. Cet outil est en effet indispensable dans notre conception moderne de l'hébergement. Ne pas avoir un moyen de communication, un moyen de briser l'isolement, notamment dans les zones rurales, serait insupportable. Deux fonds ont donc été créés. L'un, à hauteur de 200 millions de francs, est destiné à financer les tarifs sociaux, l'autre, doté de 900 millions, est affecté à la lutte contre les impayés. Le décret est paru le 8 mars dernier.

Vous évoquez, monsieur le député, le droit à un service bancaire de base. Eh bien, depuis la promulgation de la loi, une telle possibilité est offerte à tous. Dorénavant, quiconque se verra opposer un refus de la part d'un établissement bancaire devra saisir la Banque de France.

Celle-ci lui indiquera un autre établissement qui ouvrira automatiquement ce compte.

Voilà, monsieur le député, ce que je tenais à vous dire.

En dépit de la complexité de ce dossier, l'Etat a fait son travail, pour faire face au dénuement d'un certain nombre de nos concitoyens, comme le souhaitait la majorité plurielle. Il reste maintenant aux associations et aux collectivités locales à se mobiliser pour faire reculer une bonne fois pour toute l'exclusion dans notre pays.

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.)

M. le président.

Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. PierreAndré Wiltzer.)

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est reprise.

6 SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président.

J'informe l'Assemblée que la commission de la défense a décidé de se saisir pour avis du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) (no 1916).

7 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

LOGEMENT

M. le président.

Nous allons procéder au vote des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement concernant le logement, à l'occasion duquel nous allons mettre en oeuvre, en séance publique, la nouvelle procédure budgétaire définie par la conférence des présidents.

Je rappelle que, suivant cette procédure, la commission de la production et des échanges, saisie pour avis de ces crédits, leur a consacré une réunion publique, ouverte à tous les députés, et que ses travaux seront publiés en annexe au compte rendu de la présente séance. Par ailleurs, chaque groupe a pu adresser au Gouvernement des questions écrites concernant ces crédits. Les réponses à ces questions seront elles aussi annexées au compte rendu de la présente séance (1).

Avant les votes, je donnerai donc la parole aux rapporteurs des commissions, à M. le secrétaire d'Etat au logement et à un orateur par groupe. Chaque intervenant disposera de cinq minutes.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le logement, qui dispose donc de cinq minutes.

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, pour le logement.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire


page précédente page 09421page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

d'Etat au logement, mes chers collègues, exprimés en moyens d'engagement, soit le total des dépenses ordinaires et des autorisations de programme, afin de retracer plus exactement les financements consacrés aux actions nouvelles pour l'année 2000 en faveur du seul logement, les crédits dont nous discutons aujourd'hui atteindraient 48,078 milliards de francs au lieu de 48,691 milliards en 1999, soit une baisse de 1,26 %. Cette légère diminution des dotations ne reflète pas un affaiblissement de l'effort gouvernemental mais le fait que cet effort s'insère dans une meilleure conjoncture. Il faut, en effet, tenir compte de l'ensemble des mesures très favorables en matière de fiscalité qui se multiplient depuis deux ans et qui peuvent, à juste raison, être qualifiées de structurelles.

Le budget du logement est, une fois de plus, un bon budget. En matière d'aides à la personne, les allocations logement, les aides personnalisées au logement ont été régulièrement actualisées depuis 1997, comme s'y était engagé alors M. le Premier ministre. Ce sont 34,345 milliards de francs qui sont inscrits au budget pour l'année à venir, contre 34,628 l'an passé, soit une légère baisse de 0,82 %, pour tenir compte de la meilleure santé financière des bénéficiaires et des crédits consommés ces dernières années ajustés aux vrais besoins. Les crédits destinés au fonds de solidarité logement sont, pour leur part, en progression de 5,11 %, à 720 millions de francs, répondant ainsi aux propos du ministre Bartolone qui nous indiquait, il y a quelques minutes, dans quelles conditions le Gouvernement entendait jouer pleinement la carte de la solidarité cet hiver.

Ce budget confirme également la place accordée par le Gouvernement aux organismes du logement social et son souci de trouver les solutions indispensables à la relance de la construction. Personne ne conteste le fait qu'un nombre insuffisant de logements locatifs sociaux sortent de terre depuis plusieurs années. Au cours de l'été, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures concernant la relance du logement social, en particulier la création du PLUS. Ce prêt locatif à usage social doit répondre au souhait des organismes et permettre, par un retour d'une part de la subvention, un prêt à taux concurrentiel. Il favorisera la mixité sociale dans les mêmes opérations et permettra de trouver pour lesdites opérations un meilleur équilibre financier.

En contrepartie de toutes ces mesures, le mouvement HLM s'est engagé à geler les loyers en 2000 et 2001.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il est souhaitable, sinon indispensable, que cet engagement soit tenu, et on compte, bien sûr, sur vous et sur les agents de votre secrétariat d'Etat dans les départements pour y veiller. Le mouvement HLM a aussi annoncé la négociation de contrats locaux de relance. Nous verrons dans les mois qui viennent si ces mesures peuvent redynamiser la construction du locatif social.

Permettez-moi incidemment de m'inquiéter de l'évolution du 1 %. Les investisseurs privés vont bénéficier dans les mois et les années qui viennent d'une plus forte intervention de ce 1 %. On peut s'inquiéter peut-être de la dérive qui peut apparaître aux yeux de certains comme contraire à l'esprit qui avait prévalu à sa création il y a cinquante ans, une grande part des investissements échappant au locatif social.

Le budget 2000 fixe à 70 000 le nombre de logements locatifs sociaux à financer. Cet objectif risque de ne pas être tenu. Permettez-moi de vous énumérer quelques pistes qui pourraient éventuellement permettre une meilleure consommation des crédits.

Tout d'abord, on ne peut plus continuer à gérer localement les autorisations, les agréments, voire les subventions, la subvention à la pierre en particulier, que vous venez de réinscrire au budget, avec le système administratif qui avait prévalu au temps de la pénurie de logements, au temps où il y avait des quotas départementaux. Ne serait-il pas temps de réformer cet accès au crédit et d'instituer un droit de tirage accompagné d'un contrôle a posteriori qui serait mieux adapté pour répondre aux besoins réels du terrain, et permettrait de dynamiser le renouvellement urbain ? Deuxième piste, l'acquisition-amélioration, qui correspondrait mieux à la forte demande des ménages et à la demande des collectivités locales, particulièrement pour redensifier les centres-villes.

Troisième piste, améliorer la politique foncière des collectivités locales. Le Gouvernement a beaucoup fait pour le logement social en peu de temps. Le mouvement HLM doit être à la hauteur de la mission qui lui a été confiée, mais c'est aussi à l'Etat d'évoluer dans son fonctionnement pour l'y aider.

Le parc privé bénéficie quant à lui des mesures gouvernementales et, au-delà des seules mesures fiscales, le redressement des dotations initié dès l'été de 1997 se poursuit, en particulier celles de l'ANAH, qui augmentent de 2,8 %, à hauteur de 2,2 milliards, et la prime de l'amélioration de l'habitat, en hausse de 4,5 %. Ce nouvel élan ainsi suscité doit être conforté par une simplification des procédures. Nous vous engageons à aller vers le guichet unique.

La rebudgétisation du prêt à taux zéro, qui se poursuit et devient intégrale, confirme l'attachement de votre gouvernement à l'accession sociale à la propriété. A titre personnel, mais aussi au nom de la commission des finances, je vous en félicite. S'il est un puissant facteur d'intégration sociale, c'est bien le statut de propriétaire.

Les crédits pour 2000, en autorisations de programme, s'élèvent à 5 810 millions de francs et correspondent à 120 000 prêts en accession. Vous me permettrez néanmoins de vous interroger sur le sort du solde de la contribution des collecteurs du 1 % au compte d'affectation spéciale. La suppression de la ligne 902-30, ce solde de 3,5 milliards, nous interpelle. Nous souhaiterions que cette somme reste affectée à votre secrétariat d'Etat et soit utilisée notamment pour l'accession à la propriété.

Le Gouvernement serait aussi bien inspiré de permettre aux organismes du logement social de construire, en tant que maître d'ouvrage, des logements dans le cadre du statut du bailleur privé et de gérer cesdits logements. En effet, c'est un logement accessible sous plafond de ressource, avec un loyer plafonné. Voilà qui ressemble à s'y méprendre aux produits du mouvement HLM. Pourquoi donc refuser d'intervenir dans ce champ parfaitement balisé ? Enfin et en conclusion, le secteur du logement a besoin de stabilité car les réformes qui peuvent être adoptées mettent du temps à produire les effets escomptés. Il faut, en effet, que les intervenants s'approprient les nouveaux outils, tout comme l'appareil administratif. Cela s'est maintes fois vérifié.

De ce point de vue, la politique du Gouvernement a le grand mérite de la cohérence, de la continuité et de la lisibilité. Votre budget en fait foi, monsieur le secrétaire d'Etat. La commission des finances l'a adopté et je souhaite que cette assemblée fasse de même.


page précédente page 09422page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour le logement et l'urbanisme.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis de la commission de la production et des échanges, pour le logement et l'urbanisme.

Monsieur le président, monsieur le sécrétaire d'Etat, chers collègues, le projet de loi de finances pour l'an 2000 s'inscrit dans un contexte très favorable pour le secteur du logement et du bâtiment : l'année qui s'achève sera, et de très loin, la meilleure de la décennie pour ce secteur, dont le taux de croissance sera égal ou supérieur à 5 % à prix constants ; plus de 300 000 et probablement 320 000 mises en chantier seront réalisées cette année ; le secteur du bâtiment connaîtra une croissance de ses effectifs salariés de plusieurs milliers d'emplois alors qu'il avait réduit ses effectifs de plusieurs dizaines de milliers d'emplois les années précédentes.

Cette situation très favorable, dans un secteur à cycle long, s'explique pour partie par les décisions prises par la majorité précédente, que le gouvernement actuel a eu la sagesse de conserver, mais aussi de consolider et de moraliser : consolidation de l'accession sociale par la rebudgétisation et la pérennisation du financement des prêts à taux zéro alors que le gouvernement précédent en avait fait supporter le coût par le 1 % logement ; moralisation de l'amortissement Périssol, dont les avantages fiscaux ont été limités et assortis de contreparties sociales sur les niveaux de loyer pratiqués et les ressources des locataires concernés, donnant ainsi naissance au dispositif Besson et au statut de bailleur privé.

La majorité actuelle a su y ajouter depuis deux ans et demi de très nombreuses mesures complémentaires qui sont venues confirmer la priorité que le Gouvernement accorde à ce secteur du logement, priorité annoncée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale de juin 1997.

C'est notamment le cas de l'effort soutenu en faveur du logement social que la majorité précédente avait complètement délaissé : actualisation régulière du barème APL, généralisation de la TVA à taux réduit, relèvement des plafonds de ressources et, depuis juillet, relance de la construction sociale avec le prêt locatif à usage social, le PLUS.

Il y a ensuite des mesures fiscales favorables au logement et aux locataires : TVA à taux réduit sur les travaux d'entretien, suppression rapide du droit de bail et, dès janvier 2000, pour tous les loyers égaux ou inférieurs à 3 000 francs, forte diminution des droits de mutation.

Enfin, un effort tout particulier est réalisé en faveur de nos concitoyens victimes de l'exclusion en matière de logement, et cela en cohérence avec la loi du 29 juillet 1998.

Le budget pour 2000 donne des moyens renforcés pour lutter contre les exclusions, que ce soit pour réaliser des opérations très sociales, lutter contre le saturnisme ou renforcer les enveloppes destinées au FSL.

Un contexte si favorable n'interdit cependant pas de rester vigilants sur certains secteurs. C'est en particulier le cas du logement social, qui demeure fragile. La relance de la construction sociale nécessitera une mobilisation de tous les acteurs sur un produit, le PLUS, dont l'équilibre pourrait encore être amélioré. La paupérisation croissante d'une fraction de plus en plus importante des locataires n'a pas été stoppée et encore moins inversée. La situation financière de certains organismes reste tendue, notamment ceux qui ont une proportion élevée de leur parc dans les quartiers difficiles.

En conclusion, les crédits consacrés au logement dans le projet de loi de finances pour l'an 2000 viennent appuyer une politique globale du logement qui est équilibrée et qui est de nature à répondre à la diversité des souhaits de nos concitoyens. La commission de la production et des échanges a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits, et je souhaite également que l'Assemblée nationale en fasse autant.

M. le président.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d'avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.

M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de remercier vos rapporteurs, M. Jean-Louis Dumont et M. Alain Cacheux, qui viennent de présenter les grandes lignes et les principaux chiffres du budget du logement et de l'urbanisme pour 2000.

Je remercie également le président de la commission de la production et des échanges, M. André Lajoinie,...

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Très bien !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... qui a eu à organiser la réunion de la commission élargie de mercredi dernier dans le cadre de la procédure mise en place à titre expérimental cette année par la commission des finances.

J'ai bien noté vos suggestions, monsieur le rapporteur spécial, et je vous assure que je les examinerai avec attention. Je remercie M. Cacheux et vous-même de vos encouragements respectifs.

J'ai particulièrement apprécié la qualité et la richesse de nos échanges lors de la réunion de la commission élargie au cours de laquelle je me suis efforcé de répondre aussi complètement que possible aux très nombreuses questions qui m'ont été posées.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

J'ajoute que vous trouverez au Journal officiel des débats, en annexe au compte rendu de la présente séance publique, les réponses aux vingt et une questions écrites budgétaires que vous m'aviez adressées. Elle viendront ainsi compléter nos échanges oraux en commission.

L'action du Gouvernement, depuis deux ans et demi, a permis de mettre en oeuvre les moyens d'une refondation globale de la politique du logement, grâce à l'appui que vous lui avez constamment apporté, avec la préoccupation double d'une plus grande justice et d'une plus grande stabilité. Le budget pour 2000 confirme ces orientations et y ajoute un volet fiscal particulièrement développé que vous avez déjà presque totalement adopté en première partie de loi de finances, en y apportant au passage des avancées complémentaires.

Cette refondation concerne tous les aspects de la politique du logement. Elle confirme la place redonnée au logement social, avec un retour de l'aide à la pierre grâce au nouveau prêt locatif à usage social, le PLUS, qui est d'ores et déjà opérationnel et qui s'inscrit dans un contexte fiscal encore amélioré, avec la généralisation de la TVA à 5,5 % sur tous les travaux des bailleurs sociaux, y compris ceux relevant de l'entretien courant. Nous en attendons une forte mobilisation de l'ensemble des acteurs - organismes, collectivités locales, 1 % logement dont les capacités ont été reconstituées.

Un grand nombre d'entre vous s'étaient, en effet, inquiétés ici même l'an dernier de la difficulté à consommer des crédits pourtant bel et bien disponibles, et


page précédente page 09423page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

certains d'entre vous en ont parlé en commission la semaine dernière, notamment vos deux rapporteurs. J'ai expliqué en détail comment nous avons levé les obstacles que l'on évoquait, notamment financiers. Il reste à mobiliser la volonté politique.

Bien évidemment, le logement des personnes les plus démunies est une préoccupation première, et j'ai pu faire un point précis de la mise en oeuvre du volet logement de la loi d'orientation et de lutte contre les exclusions devant la commission élargie. Je comprends, sur ce point, l'impatience légitime de nombre d'entre vous à voir les choses bouger sur le terrain. Il est vrai que la précarité reste trop présente dans notre pays, mais des outils nouveaux existent aujourd'hui pour y répondre, et le Gouvernement s'emploiera à les mettre en oeuvre, aux côtés de tous les acteurs auxquels ils s'adressent et qui doivent s'en servir avec détermination.

Enfin, le parc privé n'est pas, contrairement à ce que d'aucuns nous ont objecté, sacrifié dans ses orientations, bien au contraire. Tant pour les travaux, avec la TVA à taux réduit, qui représente un effort fiscal d'environ 20 milliards de francs, que pour l'accession à la propriété, avec le prêt à taux zéro, le PAS sécurisé, la baisse des droits de mutation ou l'investissement locatif avec le statut du bailleur, les moyens sont là pour permettre à ce secteur d'inscrire son dynamisme actuel dans la durée, audelà des efforts de relance conjoncturels.

Nous comptons, enfin, revenir devant vous au début de l'année prochaine, avec un projet de loi qui confirmera la cohérence de cette politique avec d'autres grandes lois qui vous ont été présentées par le Gouvernement, notamment en matière d'aménagement du territoire et d'intercommunalité. Cette loi sur l'urbanisme, l'habitat et les déplacements, à laquelle nous travaillons avec JeanClaude Gayssot, refondera le cadre urbain dans lequel s'inscrivent diverses composantes de notre politique globale du logement.

Je m'en tiendrai là, mesdames, messieurs les députés, pour respecter le temps de parole qui m'était imparti, après m'être largement exprimé la semaine dernière. Si nous avons déjà, je le crois, bien travaillé ensemble depuis juin 1997, beaucoup reste encore à faire, et ce budget pour 2000 permettra une consolidation des acquis et de nouvelles avancées. C'est pourquoi, après vos rapporteurs, je vous demande de bien vouloir l'approuver.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

Je vais donc donner la parole, successivement, à un orateur de chaque groupe, pour cinq minutes chacun.

La parole est à M. Jean-Michel Marchand, pour le groupe RCV.

M. Jean-Michel Marchand.

D'abord un mot pour qualifier cette nouvelle procédure expérimentale en commission de la production et des échanges élargie. Je pense très sincèrement qu'elle a permis des débats riches et approfondis. On peut simplement regretter que nous n'ayons pas pu y consacrer un temps plus long.

Votre budget, monsieur le secrétaire d'Etat, s'inscrit dans la continuité, répond à la volonté politique du Gouvernement, confirme les efforts engagés avec de nouveaux mécanismes de financement du logement social, de nouvelles interventions du 1 % logement, mais, comme mon collègue, j'émettrai une réserve car je souhaite que le 1 % garde entièrement son caractère social.

La mise en oeuvre de votre politique passe par la baisse des taux des prêts aux HLM, le réaménagement des anciens prêts, la création et la montée en puissance du prêt locatif à usage social, les aides à la pierre.

Ces mesures seront doublement bénéfiques pour les locataires puisque, à l'amélioration de l'habitat, vous ajoutez le gel des loyers pendant deux ans, en accord avec l'Union des fédérations d'organismes HLM.

Vous n'oubliez pas le privé avec le statut du bailleur privé, les mesures d'amélioration du parc privé et le financement de l'accession sociale à la propriété, avec le financement de 110 000 prêts à taux zéro.

Ces mesures s'inscrivent dans ce que vous avez nommé les « réformes durables du logement et de l'urbanisme ».

Cette expression nous convient bien évidemment.

Vous avez confirmé les mesures de réhabilitation du parc par la construction de logements et par l'amélioration et la diversification des logements existants.

Vous relevez le défi - il n'est pas mince - et prenez des dispositions pour répondre aux exigences de mixité sociale.

L'actualisation des plafonds de revenus, l'application du surloyer ont permis d'augmenter la part des ménages éligibles au logement social. Pour plus d'efficacité, il faut un habitat facilement accessible aux foyers aux revenus modestes qui ne peuvent prétendre au logement social mais qui n'ont pas les moyens financiers d'accéder à des logements convenables en loyer libre.

Votre budget prend en compte les nouvelles exigences de la loi contre les exclusions, même si, sur le terrain, nous considérons que cela ne va pas assez vite.

Avec le renforcement du fonds de solidarité logement cofinancé par l'Etat et les conseils régionaux, l'effort s'élèvera à 507 millions de francs. Ce sont des moyens renforcés pour des logements décents et salubres pour les plus démunis de nos concitoyens, pour la lutte contre le saturnisme, pour des travaux d'urgence que le préfet pourra ordonner en se substituant aux propriétaires défaillants.

N'est-ce pas là ce qu'on pourrait appeler le méthode Besson, c'est-à-dire « se substituer à » ? Votre budget anticipe sur un texte encore en discussion et se donne des moyens accrus pour la création d'aires d'accueil pour les gens du voyage, des moyens concernant les investissements nécessaires, qui s'ajoutent aux crédits du budget de l'emploi et de la solidarité pour a méliorer le fonctionnement des aires existantes. A l'article 3 de ce projet, vous mettez en oeuvre ce que je continue à appeler la méthode Besson : lorsque les collectivités territoriales n'appliqueront pas la loi, l'Etat agira et les fera payer.

Votre budget, ce sont aussi des mesures fiscales en faveur du logement : d'une part, la suppression du droit de bail, mesure qui consistera en une baisse directe de 2,5 % sur les quittances de locataires du parc HLM comme du parc privé ; d'autre part, la nouvelle baisse des droits de mutation, qui seront limités à 4,8 % dans tous les départements.

Le taux de TVA, quant à lui, a été ramené à 5,5 % p our les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien dans des logements déjà achevés depuis plus de deux ans. Cette dernière mesure accélère la rénovation du parc immobilier existant, crée des emplois, il faut le répéter, et dissuade de faire appel au travail clandestin.


page précédente page 09424page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Enfin, à propos du logement des personnes handicapées ou des personnes âgées, vous nous avez assurés de votre volonté de voir construits des logements adaptés et adaptables.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, et en attendant avec intérêt le futur projet de loi Urbanisme, habitat et déplacements, les députés Verts et le groupe RCV voteront votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Janine Jambu, pour le groupe communiste.

Mme Janine Jambu.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, « le logement est un bien de première nécessité, ce qui légitime la baisse de TVA qui lui est appliquée », indiquait, lors du débat en commission, le rapporteur pour avis.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Vous avez raison de le citer ! (Sourires.)

Mme Janine Jambu.

Nous partageons cette conception.

Pour chacun, dans la diversité de ses moyens et de ses aspirations, c'est une nécessité première d'avoir un toit.

C'est aussi, à nos yeux, une responsabilité publique première que de contribuer, d'une part, à répondre aux attentes et aux besoins de notre pays en ce domaine et, d'autre part, à réduire le poste le plus lourd dans le budget de l'immense majorité des ménages.

Le budget pour 2000 répond-il à ces exigences ? Nous pensons qu'il comporte des mesures nouvelles et positives, qui vont déterminer le sens de notre vote.

Ainsi, s'agissant de la construction sociale, laquelle est au coeur de nos préoccupations, nous apprécions la création du PLUS - prêt locatif à usage social -, qui s'accompagne d'un rétablissement de l'aide à la pierre, contribuant de la sorte à inverser la tendance initiée avant 1997 par la droite.

Les dispositions portant sur la baisse des taux et sur lar enégociation des prêts correspondent aussi à une demande ancienne et renouvelée des organismes gestionnaires de logements sociaux. Nous regrettons qu'elles se fassent pour partie au détriment de l'épargne populaire.

Il faudra veiller tout particulièrement à la situation des organismes les plus en difficulté, parce qu'ils ont souvent mené la politique la plus sociale.

Enfin, la taxe foncière sur la propriété bâtie pèse toujours d'un poids aussi lourd. Des correctifs pourraient être étudiés. Nous demandons que, comme cela a été le cas pour d'autres dispositions fiscales, cette taxe fasse l'objet d'une réforme la rendant plus équitable.

La construction sociale reste, chacun le reconnaît, le maillon le plus fragile. L'objectif des 70 000 logements construits sera difficilement atteint. La volonté politique existe, mais il faut sans doute pousser plus loin la réflexion sur le rapport entre l'aide à la pierre et l'aide à la personne, ainsi que sur la mixité sociale et la mixité géographique. Le débat, au premier semestre 2000, sur le projet de loi UHD - urbanisme, habitat, déplacements devrait nous en fournir l'occasion.

Je ne ferai qu'évoquer la reconduction des dispositions sur les réhabilitations et l'accession sociale.

Nous notons l'impact positif que devraient avoir pour les locataires, et en premier lieu pour ceux du secteur social, la suppression du droit de bail, le gel des loyers sur deux ans et la répercussion sur la quittance de la baisse de TVA sur les travaux.

Là encore, pour favoriser la mixité sociale, ne faudrait-il pas aller plus loin en matière de politique des loyers en abrogeant totalement le surloyer et en décidant une revalorisation d'ensemble des plafonds d'accès ? En ce qui concerne l'APL, la réactualisation acquise depuis deux ans est une bonne chose, mais, comme pour d'autres prestations sociales, nous demandons sa revalorisation et le réexamen du paiement les premier et dernier mois et au-dessous de 100 francs.

J'ouvre une parenthèse pour vous féliciter et vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la qualité et la précision de vos réponses, tant écrites qu'orales, notamment à mes questions.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

C'est vrai !

Mme Janine Jambu.

Pour améliorer l'aide apportée aux bénéficiaires de l'APL, en premier lieu aux chômeurs et aux personnes en situation précaire, nous avançons quatre propositions, que nous soumettons à votre examen et que nous réitérerons dans la suite du débat budgétaire.

Nous proposons de supprimer la CRDS sur l'APL, d'étendre l'abattement de 30 % sur les indemnités chômage, d'aligner la réglementation de l'allocation logement sur celle de l'APL en cas de stage et, enfin, de prendre en compte de façon prolongée la réduction des ressources pour les titulaires de CES.

Pour revenir rapidement sur la baisse de la TVA sur les travaux, je dirai que nous souhaitons vivement que l'impact escompté de cette mesure sur l'emploi dans le bâtiment se traduise en termes d'emplois stables et qualifiés et que tout effet d'aubaine ou de « surchauffe » sur les prix soit jugulé.

Enfin, s'agissant des mesures fiscales et financières bénéficiant au secteur privé - baisse des droits de mutation, amortissement Besson -, nous ne négligeons pas ce qui permet de mieux répondre à l'aspiration d'un grand nombre de nos concitoyens d'accéder à la petite propriété privée dans le neuf ou l'ancien. Mais lorsqu'il s'agit de patrimoines immobiliers d'une autre ampleur, nous considérons que les contreparties sociales aux avantages fiscaux consentis devraient être plus fortes sous peine de laisser perdurer le déséquilibre existant entre le secteur public et le secteur privé.

J'en terminerai, monsieur le président, en indiquant que, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, nous portons une appréciation équilibrée sur ce budget que nous voterons avec la volonté de continuer à avancer dans le bon sens.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Jean-Claude Lenoir.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le budget du logement pour 2000 que vous nous présentez nous apparaît pour le moins contrasté.

Nous y trouvons de très bonnes dispositions, en particulier celles relatives à la baisse des droits de mutation, à la diminution de la TVA sur les travaux d'amélioration et d'entretien courant, et à l'extension aux petits bailleurs du dispositif du micro-foncier.

En revanche, les orientations relatives au parc locatif privé et à l'accession à la propriété nous apparaissent plus contestables. Nous doutons en effet que ce budget permette une réelle relance du logement social. Nous pouvons certes admettre le choix fait d'accroître les crédits destinés à ce secteur, mais nous redoutons le phénomène


page précédente page 09425page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

de sous-consommation des crédits de la part des collectivités, peu désireuses de voir encore croître leurs charges foncières, financières et sociales.

A cet égard, en tant que maire d'une commune de 5 000 habitants, je dois vous faire part de la très grande difficulté à laquelle se trouvent souvent confrontés les municipalités pour répondre positivement à des propositions d'organismes HLM qui souhaitent construire sur leur territoire, dans la mesure où la part qui leur est demandée par logement construit apparaît totalement démesurée. En effet, ce que les organismes HLM n'obtiennent plus via les dispositions financières existantes, ils le réclament aux collectivités locales pour des montants qui sont disproportionnés par rapport aux capacités financières de celles-ci.

Le mal risque également d'atteindre les organismes HLM dont certains sont traumatisés par des opérations financièrement déséquilibrées.

Avec le prêt locatif à usage social, vous créez un produit intéressant, dont le taux d'intérêt devrait se situer entre celui du PLA et celui du PLA très social. L'initiative est certainement très bonne et, selon vos dires, les moyens qui y seront consacrés devraient permettre de construire 70 000 logements par an. Malheureusement, nous craignons qu'il y ait une marge entre le nombre des logements prévus et celui des logements construits, comme cela a été le cas cette année.

Par ailleurs, le PLUS ne couvrira que 90 % du coût du neuf, 5 autres pour cent étant couverts par la subvention.

Où les organismes HLM trouveront-ils les moyens permettant de financer le solde ? Je rappelle à cet égard que les anciens PLA couvraient 100 % de la dépense.

Je reconnais cependant que le PLUS aura un avantage supplémentaire : il permettra d'attribuer 10 % des logements à des locataires dont les revenus dépassent de 20 % au plus le plafond de ressources exigé pour l'attribution d'un logement HLM. Assurément, cette mesure sera de nature à favoriser une plus grande mixité sociale.

L'aide personnelle bénéficie à 6,3 millions de ménages, soit un ménage sur quatre. Ce chiffre élevé traduit d'ailleurs bien les difficultés rencontrées par les ménages français. Cependant, peut-on aller plus loin sans porter préjud ice au parc privé, compte tenu des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la loi de lutte contre les exclusions ? Je veux bien reconnaître que, sur ce point, les arbitrages sont délicats pour vous. Vous avez certes annoncé le 28 octobre dernier la création de 10 000 logements en résidence sociale pour les personnes en grande difficulté.

Mais cette mesure est pour l'instant limitée à la région parisienne, et nous ne savons pas comment les terrains pourront être mis à disposition. Les organismes ayant du mal à remplir leurs missions traditionnelles, on peut donc se demander comment ils utiliseront ces crédits. De plus, si on leur demande de construire des logements dits d'insertion, on peut craindre une réticence supplémentaire de leur part.

S'agissant du parc locatif privé, l'amortissement Périssol a été remplacé par un dispositif moins avantageux et plus contraignant. Cet amortissement a pourtant constitué un facteur important de soutien à l'investissement immobilier.

Vous remplacez également la taxe additionnelle au droit de bail par une contribution annuelle sur le revenu locatif. Les bailleurs y trouveront sans doute leur compte, mais pas les investisseurs. Or ceux-ci ne sont pas tous de riches privilégiés ! Beaucoup sont de bons pères de famille qui entretiennent leur patrimoine et essaient de se constituer un capital stable en vue de la retraite, et on les comprend ! Par ailleurs, on sait bien que c'est la construction privée qui a le plus contribué à la relance du bâtiment.

Déjà, on constate que les directions départementales de l'équipement ont le plus grand mal pour placer les PLA.

Je me demande donc si on ne peut pas, sans forcer le trait, parler de l'échec de votre gouvernement en matière de logement social.

Ce qu'il faudrait, c'est créer un régime favorable aux bailleurs privés. A la place d'une politique de logement social, il conviendrait de mettre en place un statut de propriétaire-bailleur qui permettrait la location d'un logement à la portée de tous. Or la rareté du logement dans le secteur privé est due aux nombreuses contraintes qui pèsent sur les propriétaires, notamment aux difficultés qu'ils rencontrent devant les impayés ou l'absence d'expulsion prononcée par l'autorité administrative.

Force est de constater que le logement n'est pas la priorité de ce gouvernement. Votre bonne volonté, votre connaissance des dossiers et votre compétence ne sont pas en cause, monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez démontré pendant les travaux de la commission, mais nous préconisons d'autres mesures en faveur du logement.

C'est la raison pour laquelle le groupe Démocratie libérale ne votera pas le projet de budget que vous présentez.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Il est pourtant excellent !

M. Alain Clary.

C'est bien dommage !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

M. Jean-Marie Morisset.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous présentez un budget pour 2000 en progression de 5,3 %. Vous confirmez l'effort de votre gouvernement par de nouvelles mesures fiscales. Vous souhaitez donner la priorité au logement social en vous appuyant sur un produit nouveau. Vous annoncez des moyens budgétaires pour lutter contre les exclusions et vous proposez la pérennisation du soutien à l'effort d'investissement privé en maintenant le dispositif mis en place par votre prédécesseur. Nous ne pouvons donc, dans un premier temps, qu'approuver ces orientations. Les mesures prises ou annoncées sont réelles, et vous nous avez donné, lors de votre audition en commission la semaine dernière, quelques gages quant à la réalisation de ce programme, même si quelques questions demeurent encore en suspens.

Cela dit, des incertitudes subsistent, et des incohérences sont parfois constatées entre les bonnes intentions de votre secrétariat d'Etat et les réalisations effectives.

Première réserve : il convient de relativiser la progression de votre budget, compte tenu de la rebudgétisation du prêt à taux zéro qui a permis de mobiliser des crédits non négligeables du 1 % logement, soit 30 milliards sur six ans. Si l'effort de l'Etat pour le logement ne peut être contesté, celui des entreprises en faveur du logement doit également être rappelé.

Deuxième réserve : l'effort de votre gouvernement ne peut s'apprécier qu'en fonction des crédits réellement consommés. Or vous savez très bien qu'il y a parfois des écarts importants entre les prévisions et les réalisations effectives.


page précédente page 09426page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Par exemple, force est de constater que l'objectif ambitieux annoncé l'année dernière pour le logement social n'a pas été rempli. Vous-même d'ailleurs ne manquez pas de rappeler régulièrement les mauvais résultats de la construction sociale et très sociale : 10 000 PLAI étaient inscrits au budget du 1998, 3 500 ont été consommés.

Nous retrouvons le même décalage pour les PLA traditionnels, et l'année 1999 ne permettra pas de rétablir une situation difficile, puisque, de nouveau, l'objectif ne sera pas atteint.

Déjà l'an dernier, nous vous indiquions que l'investissement locatif social se trouvait dans une situation alarmante. Vous avez entendu le message et mis en place un nouveau produit financier pour relancer ce secteur.

Ainsi, la baisse des taux de prêt va permettre aux organismes de renégocier leur dette et faciliter l'équilibre des opérations.

De même, l'allongement de la durée de l'emprunt d evrait rendre plus faciles les opérations d'acquisition/rénovation.

Enfin, la possibilité de retenir des locataires jusqu'à 120 % des plafonds PLA devrait contribuer à favoriser une meilleure mixité sociale.

Toutefois, des incertitudes subsistent et les interrogations des opérateurs sont réelles.

Ainsi, le gel de deux ans des loyers ne sera pas sans conséquence sur la gestion des organismes d'HLM.

De même, l'absence de crédits de paiement pour le financement des premiers PLUS inquiète les opérateurs.

Par ailleurs, la mise en place du taux réduit de TVA à 5,5 % risque d'aboutir pour les sociétés d'HLM à des conditions d'application forts complexes, notamment avec la livraison à soi-même et la gestion des différentes exceptions.

Enfin, ce nouveau mode de financement n'est pas accessible aux communes. Vous nous avez toutefois rassurés dans la mesure où vous nous avez indiqué n'être pas opposé à faire étudier l'extension aux collectivités du dispositif pour les opérations d'acquisition-rénovation.

Troisième réserve : l'application des dispositifs prévus dans la loi sur l'exclusion. A ce propos, j'ai admiré tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, l'assurance avec laquelle le ministre de la ville a répondu à votre place sur le dispositif du logement. On peut certes se féliciter des moyens complémentaires mis en place pour conforter les enveloppes destinées aux fonds de solidarité logement, mais nous ne retrouvons pas sur le terrain les bonnes intentions affichées par votre gouvernement, et je n'ai pas été le seul à le dire étant donné l'effort trop modeste consenti en faveur du logement des plus défavorisés.

Quatrième réserve : les moyens en faveur du parc privé ne permettent pas de répondre à tous les besoins.

Le dispositif mis en place par votre prédécesseur a permis d'orienter l'investissement privé vers le logement et de développer l'accession à la propriété des familles moyennes et modestes. Il est dommage que vous ayez décidé d'imposer un certain nombre de contraintes réglementaires qui risquent, dans le temps, de lui enlever son efficacité.

De plus, compte tenu des crédits non utilisés sur le financement du logement social, donc disponibles, pourquoi ne pas avoir prévu des mesures complémentaires pour favoriser l'accession sociale à la propriété et pour étendre le dispositif au propriétaire qui loue son logement à un ascendant ou à un descendant comme cela était possible avec l'amortissement Périssol ? Pourquoi ne pas avoir accordé, dans votre budget, des moyens supplémentaires à la politique de réhabilitation ? Le dossier relatif à la PAH est encore, comme en 1998, où la dotation était la même qu'en 1997, un dossier oublié. Les aides sont inchangées depuis 1975 et les plafonds de revenus font toujours référence aux plafonds des PAP disparus depuis trois ans.

S'agissant du suivi des enveloppes, nous avons appris que les dotations annoncées au début d'année allaient être réduites. J'espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point.

Les aides de l'ANAH sont simplement maintenues au niveau de 2,2 milliards de francs, et ce depuis deux a nnées consécutives. Cette dotation est notoirement insuffisante d'autant plus, et vous le savez, que les crédits de l'ANAH sont indispensables pour accompagner les opérations programmées d'amélioration de l'habitat dans les zones rurales.

Vous avez justifié le maintien de l'enveloppe à un montant identique au motif qu'elle ne serait pas entièrement consommée. Cet argument n'est pas vérifié sur le terrain. Il faut en effet parfois attendre plusieurs années pour qu'un territoire, soit au niveau du canton, soit au niveau du pays, puisse être autorisé à lancer une OPAH.

De plus, quand une OPAH est autorisée, il faut attendre plusieurs mois entre la fin de la phase des études et la passation des premières conventions de travaux au motif que les crédits de paiement ne sont pas débloqués.

Si vous accordez des dotations supplémentaires pour l'ANAH, monsieur le secrétaire d'Etat, les acteurs qui sont sur le terrain sauront les prendre en compte.

En conclusion, j'avancerai une proposition et formulerai un souhait.

La proposition rejoint celle du rapporteur et concerne la simplification des procédures d'instruction des dossiers au niveau de l'ensemble des programmes mis en place, tant pour l'instruction des PLA, et maintenant des PLUS, que pour l'instruction des dossiers déposés au titre de la PAH - il s'agit de petits dossiers et de petits montants et des aides de l'ANAH. Cette proposition n'a aucune incidence budgétaire mais permettrait de mobiliser plus rapidement les crédits mis en place.

Le souhait est de retrouver une cohérence entre les moyens transférés sur le terrain et les bonnes intentions de la loi d'aménagement du territoire dont nous avons débattu durant plusieurs mois. Comme vous le savez, les pays et les agglomérations vont pouvoir contractualiser sur le volet territorial du contrat de plan Etat-région. Les acteurs souhaiteront donc sans aucun doute conforter la politique de l'habitat sur leur territoire. Nous formulons ainsi le souhait que vous leur en donnerez la possibilité, monsieur le secrétaire d'Etat.

Comme je l'ai dit, certaines des mesures annoncées ont été appréciées par les professions du bâtiment et par les bailleurs sociaux. C'est la raison pour laquelle le groupe UDF s'abstiendra sur votre budget. Il souhaite toutefois que vous lui apportiez des réponses précises à ses interrogations afin de lever les réserves et les incertitudes dont il a fait état la semaine dernière lors de la réunion de la commission élargie et qu'il a rappelées au cours de cette séance.

M. le président.

La parole est à M. Gilbert Meyer, pour le groupe du Rassemblement pour la République.


page précédente page 09427page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. Gilbert Meyer.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget pour le logement confirme l'effort fait en la matière. Je partage ce constat, mais reste très pessimiste.

C ertes, les crédits progressent d'environ 5 % en moyens de paiement par rapport à 1999. Mais pour ce qui est des moyens d'engagement, ils restent presque stables.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il n'est guère difficile de prévoir une augmentation de crédits. Encore faut-il qu'ils soient utilisés. S'il s'agit de constater, en fin d'année, un taux de réalisation consommant péniblement 50 % des moyens, le résultat est décevant, et le rapporteur spécial a dit la même chose tout à l'heure avec d'autres mots. Malheureusement, c'est le constat que nous faisons depuis 1997 ; les engagements réalisés régressent alors que les crédits augmentent.

Ainsi, le nombre de logements sociaux mis en chantier en 1998 a été exceptionnellement bas : 44 000 pour un programme prévisible de quelque 80 000 logements PLA au total pour l'année 1998.

Je crains que les résultats de 1999 ne soient encore plus décevants.

Nous devons nous interroger sur les raisons de cet échec de la politique du logement social. Pourquoi les collectivités se détournent-elles de l'habitat social ? Parce qu'elles ne disposent pas des moyens permettant de gérer correctement ce que j'appelle l'après-construction.

L'Etat aide, certes, à construire et il n'y a là rien d'exceptionnel, puisque le logement est de son ressort. Mais les communes restent les seules partenaires des opérateurs sociaux face aux difficultés de gestion des locataires fragilisés ; c'est là que se situe le point d'achoppement dans la politique du logement.

Mais il y a également le problème du foncier, et nous sommes tous d'accord sur ce point.

Pour l'an 2000, vous nous avez annoncé un programme d'« environ » 70 000 logements PLA. Les prévisions sont donc revues à la baisse par rapport à 1999.

Pour les raisons que j'ai déjà évoquées, je crains qu'en fin d'année nous ne dressions un nouveau constat d'échec.

Dans ce contexte, il est judicieux de privilégier des outils dont l'efficacité est prouvée. Le prêt à taux zéro en fait partie. En effet, l'accession à la propriété a créé une dynamique depuis plus de deux ans il importe donc d'encourager beaucoup plus vivement cette formule.

Je tiens le même raisonnement pour les opérations programmées d'amélioration de l'habitat. Les moyens qui leur sont consacrés restent beaucoup trop modestes. Des p rogrammes nouveaux, surtout dans les périmètres ruraux, auraient pu être lancés avec une plus grande souplesse quant aux critères d'application.

Les causes du paradoxe - plus de crédits, moins de résultats - que j'ai souligné pèsent sur la crédibilité de vos options.

Plusieurs autres facteurs accentuent ce phénomène. Je pense en particulier à une série de mesures inopportunes introduites en cours d'année et à d'autres qui le seront dans le cadre du projet de loi de finances.

Celle qui me vient d'abord à l'esprit concerne la nouvelle réforme du droit de bail. Cette mesure provoque un sentiment d'incompréhension et d'injustice. Après la double imposition de cette année, il est en effet prévu de supprimer le droit de bail.

Subsisterait alors la taxe additionnelle, sous la forme d'une contribution annuelle sur les revenus locatifs.

Outre le fait que cela ne va pas faciliter le travail des bailleurs, cette contribution annuelle deviendra une nouvelle CSG, payée uniquement par les propriétaires privés.

Apparemment, le scandale provoqué par la double imposition au droit de bail n'a pas servi de leçon. Nous retrouvons dans ce projet de budget une disposition tout aussi discriminatoire.

La deuxième mesure n'est pas contestable en soi, bien au contraire, mais ce sont ses effets indirects qui peuvent provoquer des difficultés ; je veux parler de la réduction à 5,5 % du taux de TVA sur les travaux de rénovation des logements.

A ce titre, des ajustements fiscaux doivent être mis en place très rapidement. A défaut, nombre de petites entreprises se trouveraient en position difficile. Elles auraient à financer le différentiel de TVA sur les fournitures qu'elles achètent. Nos artisans ne peuvent être le banquier et encore moins le percepteur de l'Etat.

Monsieur le secrétaire d'Etat, comme le budget de 1999, le budget pour 2000 n'apporte pas les correctifs nécessaires. La conjoncture est favorable. Il aurait, dès lors, fallu rompre avec les hésitations des dernières années et donner au logement l'impulsion qui lui aurait permis de sortir de l'enlisement.

Votre volonté n'est pas en cause. Malheureusement, les arbitrages rendus ont bloqué toute action innovante. Les orientations sont dans le prolongement de la politique suivie en 1999. Les crédits proposés auraient permis d'être plus dynamique, sans parler du produit de la croissance. Il aurait donc été possible de révolutionner certains principes aujourd'hui dépassés. Mais il fallait naturellement ne pas laisser perdurer des situations qui provoquent des réserves de crédits non consommables pour le logement.

Eu égard à ce constat, le groupe RPR ne votera pas les crédits du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Philippe Decaudin.

M. Philippe Decaudin.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est la troisième fois que je suis conduit à indiquer la position du groupe socialiste sur le budget du logement.

Déjà, en 1998 et 1999, nous avions noté un changement très positif par rapport aux budgets de la précédente majorité, et, en particulier dès juillet 1997, une actualisation de l'APL. Nous ne pouvons aujourd'hui que nous féliciter à nouveau des dispositions de ce budget.

Hier, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez su en particulier éviter le piège que constituait la gestion du 1 % logement et de l'amortissement dit Périssol.

Une convention avec les organismes collecteurs du 1 % logement a conforté le financement de l'accession à la propriété par le prêt à taux zéro et vous avez créé un autre régime d'amortissement. L'amortissement dit Besson a conservé les éléments positifs de l'amortissement Périssol, mais il favorise l'investissement locatif dans de plus grands logements en faveur des familles, plutôt que dans des produits purement spéculatifs.

Aujourd'hui, le budget pour l'année 2000 représente une consolidation des progrès de 1998 et 1999. Il progresse de 5,3 % en moyens de paiement par rapport


page précédente page 09428page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

à 1999, malgré une dotation pour les aides à la personne en diminution du fait de la reprise économique et du blocage des loyers HLM.

Ce budget vaut aussi par de très importantes mesures d'accompagnement.

En décidant de diminuer le taux de la TVA sur les travaux liés au logement de 20,6 % à 5,5 %, le Gouvernement donne un signe très fort de l'intérêt qu'il porte au logement, un signe conforté par la suppression en deux ans du droit au bail et par la réduction des frais dits de notaire. L'ensemble des ces allégements fiscaux représentant 25 milliards de francs, on mesure l'effort accompli ! En diminuant les charges annexes pour les locataires comme pour les acquéreurs d'un logement, ces dispositions auront pour effet d'alléger sensiblement le poids du logement dans le budget des ménages. Elles présentent aussi un intérêt évident pour les entreprises du bâtiment, qui en attendent une activité accrue, créatrice d'emplois.

Enfin, elles nous font entrer dans une logique vertueuse en réduisant les avantages financiers offerts par le travail au noir.

Pour ce qui concerne le logement social, la renégociation des emprunts consentis par la Caisse des dépôts, en liaison avec la baisse du livret A, permet une remise à niveau des comptes de la plupart des bailleurs sociaux, qu'il s'agisse d'organismes HLM ou des sociétés d'économie mixte. En outre, cette mesure doit avoir pour contrepartie un gel des loyers pendant deux ans, ce qui profitera directement aux locataires.

L'Union nationale HLM s'est engagée à faire appliquer ce gel des loyers, mais cela ne peut être qu'une recommandation car la décision revient aux conseils d'administration des bailleurs sociaux. C'est pourquoi je souhaite que les préfets utilisent leur droit de regard sur les augmentations de loyers qui pourraient être pratiquées et qu'ils n'hésitent pas à demander une nouvelle délibération si une augmentation leur paraît abusive.

Un second élément très important devrait faciliter la reprise de la construction de logements HLM et, en même temps, favoriser la mixité sociale dans les nouveaux programmes. Il s'agit de la création du PLUS, le prêt locatif à usage social. Celui-ci doit en effet permettre l'accueil de populations diversifiées, compte tenu du niveau des loyers pratiqués - 90 % du plafond -, avec une bonne couverture par les aides personnalisées, et compte tenu de la faculté qu'auront les organismes d'attribuer 10 % des logements à des ménages dont les revenus sont un peu supérieurs aux plafonds de ressources donnant accès à un logement social, soit 120 % du plafond de revenus. Il convient par ailleurs de noter, et c'est important, que le PLUS renoue avec le principe de subventionnement, à hauteur de 5 %, et qu'un meilleur équilibre est ainsi obtenu entre l'aide à la pierre et l'aide à la personne.

Pour ce qui concerne l'équilibre d'exploitation des programmes financés par le PLUS, deux conditions sont posées : les apports des collectivités locales doivent être maintenus, comme pour le PLALM, au profit du PLUS, et les appels d'offres doivent montrer une modération des prix, contrairement à ce qui se produit actuellement.

Autre élément très positif : le financement de la démolition-reconstruction, qui paraît nécessaire pour requalifier certains quartiers d'habitat social. On constate avec satisfaction qu'aujourd'hui, par un financement spécifique, les pouvoirs publics encouragent ce type d'opérations propres à redynamiser ces quartiers et à y restaurer une certaine mixité sociale en même temps qu'une plus grande mixité de l'habitat.

L'ensemble de ces mesures, chacun le voit bien, constitue une nouvelle politique de l'habitat, caractérisée par un souci d'équilibre entre le secteur privé et le secteur public, entre les objectifs sociaux et les objectifs économiques.

Après la loi contre l'exclusion, dont le volet logement, très consistant, s'efforçait de donner un contenu concret au droit au logement, ce budget va renforcer les conditions d'exercice de ce droit. Pour toutes ces raisons, le g roupe socialiste le soutiendra sans aucune réserve.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Mesdames, messieurs les députés, je vous prie de ne pas considérer comme un manque de courtoisie le fait que je ne reprenne pas certains des thèmes auxquels nous avons consacré quatre heures la semaine dernière. Vous trouverez les réponses au Journal officiel , auquel je me permets de vous inviter à vous reporter.

Je reviendrai cependant très succinctement sur deux ou trois points.

Monsieur Marchand, je suis un partisan très convaincu du partenariat mais, bien évidemment, pour que celui-ci fonctionne, il faut une volonté des deux parties. L'Etat doit néanmoins envisager le cas où le partenariat ne fonctionnerait pas. Dans ce cas, la solidarité doit prévaloir et l'Etat doit être le garant à défaut de pouvoir être le partenaire. Soyez cependant assuré que je préfère qu'il soit partenaire plutôt que garant.

Madame Jambu, vous avez regretté la mise à contribution de l'épargne populaire pour la baisse des taux dont bénéficie le financement du logement HLM. Je rappellerai quelques données. Aujourd'hui, il y a 47 millions de livrets A. Mais on n'a encore pas pris conscience qu'existe depuis quinze ans un livret d'épargne populaire, ouvert sous conditions de ressources et qui représente la véritable épargne populaire. Aujourd'hui, malheureusement, 8 mill ions de livrets d'épargne populaire seulement sont ouverts. Leur taux de rémunération est supérieur à celui du livret A puisqu'il est encore aujourd'hui de 4 % nets d'impôt. Le plafond de dépôt a été relevé il y a quelques mois et plus de 15 % de nos compatriotes pourraient ouvrir un livret d'épargne populaire. Nous devons donc populariser ce mode d'épargne intéressant.

M. Lenoir a affirmé, pour le regretter, que le financement du PLUS ne serait plus assuré qu'à hauteur de 90 % par des prêts.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Il n'a rien compris !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Je lui confirme qu'il n'en est rien : le régime des prêts est bien le même pour le PLUS et pour le PLA. Toutefois, dans la mesure où les taux sont abaissés, où l'amortissement de l'acquisition du foncier a été porté à cinquante ans, et où il existe d'autres dispositions sur lesquelles je n'insiste pas, il est demandé que le PLUS ne débouche pas sur des loyers dépassant 90 % des anciens plafonds, c'est-à-dire le plafond retenu pour le calcul des droits à l'APL.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

C'est raisonnable !


page précédente page 09429page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

M. le secrétaire d'Etat au logement.

Cela s'adresse au locataire, qui doit être le bénéficiaire d'une part au moins des améliorations de financement mises en place à l'occasion du PLUS,...

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

Très bonne mesure !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

... compte non tenu des avantages, soulignés par les rapporteurs, liés au retour de l'aide à la pierre.

En ce qui concerne la sous-consommation des crédits pour la construction locative HLM et le doute que nous pouvons tous avoir quant à la consommation des crédits, en dépit de l'amélioration des conditions de financement, j'indique que l'Etat ne peut pas baisser sa garde et se mettre au niveau d'une consommation qu'il estime insuffisante. Mais il sait très bien que, pour que cette consommation reparte, il faut non seulement qu'il consente des efforts - ceux-ci sont au demeurant reconnus - mais aussi que les organismes se mobilisent et que les collectivités territoriales manifestent une volonté politique.

M. Jean-Claude Lenoir.

Il faut surtout qu'elles aient des moyens !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

C'est l'addition de l'effort de ces trois partenaires qui est la condition de la réussite. Si nous devions, dans les années à venir, constater un échec, il faudrait l'imputer à l'un ou l'autre de ces partenaires. Nous savons qu'il y a trop de projets bloqués et la situation n'est pas admissible. Toutes ces remarques constituent une réponse aux interventions de M. Meyer et de M. Morisset.

Je terminerai en faisant allusion à la conclusion de M. Meyer. Selon lui, il aurait fallu profiter de la bonne conjoncture pour favoriser des ruptures et révolutionner certains principes.

M. Alain Cacheux, rapporteur pour avis.

M. Meyer est un révolutionnaire !

M. le secrétaire d'Etat au logement.

S'il y a quelque chose de fondamentalement révolutionné dans ce budget, c'est bien l'environnement fiscal de l'activité du bâtiment et du secteur du logement. La diminution du taux de la TVA pour les travaux liés au logement représente 20 milliards, la baisse des droits de mutation un peu plus de 4 milliards et la suppression du droit de bail pour près de 90 % des locataires presque 4 milliards.

Ces mesures représentent donc au total 28 milliards de francs, alors que les crédits budgétaires s'élèvent à un peu moins de 48 milliards de francs. Le rapport entre ces deux chiffres traduit bien une révolution, mais c'est une révolution fiscale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

ÉQUIPEMENT, TRANSPORTS ET LOGEMENT

M. le président.

J'appelle les crédits inscrits à la ligne :

« Equipement, transports et logement ».

ÉTAT B Répartition des crédits applicables aux dépenses ordinaires des services civils (mesures nouvelles)

« Titre III : 1 201 471 218 francs ;

« Titre IV : moins 342 874 209 francs. »

ÉTAT C Répartition des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils (mesures nouvelles)

TITRE V. - INVESTISSEMENTS EXÉCUTÉS PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 8 611 500 000 francs ;

« Crédits de paiement : 4 141 330 000 francs. »

TITRE VI. - SUBVENTIONS D'INVESTISSEMENT ACCORDÉES PAR L'ÉTAT

« Autorisations de programme : 15 022 900 000 francs ;

« Crédit de paiement : 6 589 825 000 francs. »

TITRE VII. - RÉPARATION DES DOMMAGES DE GUERRE

« Autorisations de programme : " ;

« Crédits de paiement : " »

Je mets aux voix le titre III.

(Le titre III est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix la réduction de crédits du titre IV.

(La réduction de crédits est adoptée.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre V sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI.

(Les autorisations de programme et les crédits de paiement du titre VI sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix le titre VII.

(Le titre VII est adopté.)

M. le président.

Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'équipement, des transports et du logement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président.

La séance est reprise.

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie concernant l'enseignement scolaire.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la


page précédente page 09430page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

technologie, madame la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, nous sommes exactement au milieu de la législature et c'est le troisième budget que vous nous présentez. C'est donc le moment de faire un bilan d'étape, à mi-parcours, et de constater que, s'il y a eu beaucoup d'annonces de réformes - on vous a même reproché d'en faire trop -, il y a beaucoup de réalisations qui sont, dans l'ensemble, bien avancées, même si certaines se heurtent encore à quelques difficultés.

Votre action a d'abord été favorisée, c'est incontestable, par la baisse des effectifs scolarisés : 300 000 élèves de moins en maternelle et en primaire depuis 1990 - la baisse avait commencé avant que vous ne preniez les rênes de la rue de Grenelle - et à peu près 100 000 élèves de moins dans le second degré depuis 1994.

Cela a permis une réelle amélioration, dont l'opinion publique n'est pas assez consciente, des conditions d'encadrement. Je ne donnerai qu'un exemple : l'effectif moyen des classes de maternelle est passé de 27 à 25 en cinq ou six ans. C'est un progrès remarquable pour la première éducation des plus jeunes.

Votre action a été favorisée par un second élément qui vous incombe totalement : la volonté politique très forte du Gouvernement tout entier de privilégier l'éducation nationale. Pour la troisième année consécutive, le budget de l'éducation des enseignements scolaires est prioritaire : les crédits augmentent de 3,5 % alors que le budget de l'Etat augmente en moyenne de 0,9 %. Rappelons qu'en 1997 le budget présenté par votre prédécesseur ne prévoyait qu'une augmentation de 1,49 %. Si l'on tient compte en outre de la baisse démographique qui se poursuit, nous avons une nouvelle augmentation par élève des moyens financiers mis en oeuvre de 4 %. De ce fait, notre dépense d'éducation globale, qu'il s'agisse de l'Etat, des familles ou des collectivités territoriales, se rapproche des plus élevées au monde. Elle sera en 2000 presque à égalité avec celle des Etats-Unis. Seuls les pays scandinaves sont encore au-dessus de nous, mais ils le sont maintenant de peu.

Les résultats de cette action sont très sensibles dans l'enseignement élémentaire et préélémentaire. Les effectifs des écoles maternelles diminuent de deux élèves en moyenne par classe. Je soulignerai l'importance de l'unification par le haut du statut des personnels de l'enseignement primaire avec le passage du corps des instituteurs au corps de professeurs des écoles. Cette année encore, plus de 24 000 postes y sont consacrés. Je n'oublierai pas les emplois-jeunes, pour lesquels se sont peut-être posés des problèmes de rapidité de mise en place ; mais je constate qu'aujourd'hui il n'y a pas dans une école un enseignant qui admettrait de s'en passer. Ceux qui occupent ces emplois sont devenus des personnages indispensables de la vie scolaire au quotidien et ont incontestablement amélioré la qualité de vie dans les établissements, permettant par là même un travail pédagogique des enseignants plus efficace.

Je mentionnerai également l'équipement en ordinateurs, rendu possible grâce à l'effort conjugué du ministère et des communes. Il se réalise à une vitesse qu'aucun d'entre nous n'osait espérer au lancement de l'opération.

Certes, il reste à faire. Vous avez une seconde moitié de législature pour cela.

Ainsi, il est indispensable de continuer d'améliorer l'accueil des enfants de deux ans, en particulier dans les quartiers en difficulté, où la scolarisation précoce est un élément de récupération de nombreux enfants.

Il est aussi indispensable d'accentuer l'effort en faveur de la formation des professeurs des écoles, pour une réelle mise en place de l'école du

XXIe siècle. Nous constatons aujourd'hui quelques flottements à cet égard. Il est nécessaire de bien motiver les inspecteurs de l'éducation nationale, qui ont un rôle clé en l'affaire.

Les deux améliorations les plus nécessaires concernent, d'une part, le statut des directeurs d'école, pour lesquels il faut continuer d'abaisser le seuil de décharge car les tâches qui leur incombent sont sans cesse plus lourdes, et, d'autre part, les moyens de remplacement. Que l'on réponde à la situation par l'amélioration des conditions de décharge des directeurs ou par l'affectation d'un maître supplémentaire dans les écoles assez importantes constituerait une excellente démarche pour le développement du travail d'équipe et une meilleure qualité pédagogique. En tout cas, dans l'enseignement préélémentaire et élémentaire, les résultats sont remarquables.

Dans les enseignements du second degré, la situation est, aujourd'hui encore, moins favorable. C'est pourtant là que la dépense d'éducation est la plus lourde : pour ces enseignements, la France atteint en effet le sommet mondial de dépenses par élève. Pourtant, la crise est latente, à cause de la montée de la violence, mais aussi et surtout peut-être les deux facteurs sont-ils liés - de la démotivation fréquente des élèves, et parfois même des enseignants. Il faut continuer de tirer les leçons d'une démocratisation qui a été réussie. Il n'y a plus de sélection à l'entrée au collège, et plus beaucoup à l'entrée au lycée.

L'hétérogénéité est donc une réalité générale. L a sélection se fait aujourd'hui par les matières, par l'orientation, par les choix de filière.

L'aide individualisée, qui, dans le budget, se concrétise par près de 300 millions de francs de crédits, est incontestablement un excellent élément de réponse. Le seul problème, c'est qu'elle est financée à coup d'heures supplémentaires. Or peut-on répondre aux besoins d'aide individualisée uniquement par des heures supplémentaires, quand on sait que les enseignants les refusent de plus en plus...

M. René Couanau.

Excellente question !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

... et que le Gouvernement les a limitées à juste titre à une heure obligatoire par enseignant ?

Nous sommes donc conduits à poser clairement la question de l'organisation du service des enseignants du second degré.

Mon collègue Yves Durand et moi-même avons travaillé sur la gestion des enseignants, sur la question de leurs affectations et de leurs remplacements. M. Durand a apporté une remarquable contribution au bilan des mutations de cette année.

Les remplacements courts doivent se faire au sein de l'équipe enseignante, ce qui est difficilement réalisable avec un service simplement défini en nombre d'heures de cours hebdomadaire. Ne pourrait-on expérimenter une présence plus longue des enseignants dans les établissements, entre les cours, le soutien en petits effectifs, les remplacements de courte durée, les entretiens personnalisés avec les élèves ou les parents, les heures de concertation en équipe pédagogique ? Même si l'on accordait une prime aux enseignants qui accepteraient d'expérimenter cette méthode, cela finirait par coûter moins cher que de créer des postes et d'autoriser des heures supplémentaires chaque année davantage alors que les effectifs diminuent.


page précédente page 09431page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

Les remplacements sont un point faible du système.

Les remplacements courts doivent être effectués par l'équipe, ou le professeur doit lui-même assurer un rattrapage. Les remplacements longs ne peuvent reposer sur les seuls titulaires remplaçants car les variations annuelles sont trop fortes, tout comme les variations par discipline, et il faut, lors des pics d'absence, faire appel soit à un recrutement de temporaires, auquel les contractuels ne répondent que partiellement à cause de la courte durée du contrat, soit à une utilisation renforcée des stagiaires d'IUFM, qui apprécient la qualité du stage dans le cadre de leur propre formation et qui seraient nombreux à accepter un stage un peu plus long.

La concertation serait peut-être aussi la réponse à ce qui me paraît une dérive grave de l'enseignement du second degré aujourd'hui dans notre pays : le recul des études scientifiques.

En 1995, nous comptions 28,4 % de bacheliers scientifiques. En 1999, nous en sommes à 25,7 %. Il y a sans doute plus grave : les études secondaires scientifiques débouchent de moins en moins sur des études supérieures scientifiques. Cela veut dire que les élèves choisissent les classes scientifiques au lycée pour bénéficier d'un bon environnement pédagogique et étudier dans un milieu de bons élèves et avec de bons professeurs mais, à la sortie, ils font ce qu'ils ont envie de faire : du droit, de l'histoire ou de l'éducation physique plutôt que des disciplines scientifiques.

Les sciences apparaissent donc plus comme la base véritable de la sélection que comme une discipline attractive en soi.

De plus, les élèves des lycées suivent en moyenne mille heures d'enseignement par an. A cet égard, nous battons le record européen, avec l'Espagne et les Pays-Bas. Tous les autres pays européens et les grands pays développés hors de l'Europe se situent entre 800 et 900 heures annuelles.

Cette situation justifie tout à fait votre décision de réformer le lycée sans création de postes car il y a incontestablement de la marge dans le volume horaire.

Vous avez réservé les créations de postes réellement n ouveaux aux personnels ATOS et aux personnels médico-sociaux. Ainsi, 1 000 postes ATOS et médicosociaux bénéficient aux lycées. Cela constitue un énorme progrès. Nous nous félicitons de ce choix car il marque une rupture avec une longue histoire, celle de l'abandon matériel de l'éducation nationale.

M. René Couanau.

Soyons sérieux !

Mme Raymonde Le Texier et M. Marcel Rogemont.

Mais c'est très sérieux !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Si nous ajoutons les 1 000 maîtres d'internat et surveillants d'externat, les 5 000 emplois-jeunes supplémentaires au titre des actions contre la violence ainsi que les 1 500 assistants étrangers, nous arrivons à plus de 8 000 personnels supplémentaires dans les établissements du second degré, soit une amélioration de l'encadrement humain qualitativement et quantitativement remarquable.

M. René Couanau.

Il est bon, d'habitude !

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial.

Je le suis toujours, cher ami ! (Sourires.)

Le souci du cadre du travail, de l'ambiance éclaire ce budget. C'était indispensable car l'enseignement ne se réduit pas à la délivrance de contenus disciplinaires : c'est aussi un cadre de travail, pour ce qui concerne tant les personnels que les élèves.

Tout cela suppose de progresser dans la gestion des ressources humaines, notion dont je constate qu'elle était jusqu'en 1998 inconnue Rue de Grenelle : on gérait des horaires, des postes, des crédits, mais jamais des personnes. On ne gérait pas les ressources humaines. C'est maintenant un fait nouveau et fort apprécié des chefs d'établissement et des personnels de l'enseignement.

Mais il faut aller plus loin en ce domaine. Telle est l'une des conclusions que nous avons tirées de notre travail commun avec Yves Durand : il faut réfléchir et m ettre en place les procédures nécessaires pour la reconversion des enseignants qui ne veulent manifestement plus enseigner, qui ne se sentent plus en situation d'enseigner, soit qu'ils aient à l'origine fait un choix erroné, soit qu'ils soient, après une assez longue carrière, littéralement épuisés par les conditions actuelles de l'enseignement.

Actuellement, la seule reconversion possible, à part l'entrée à l'Assemblée nationale, malheureusement réservée à un nombre extrêmement limité d'enseignants (Sourires), c'est de devenir chef d'établissement. C'est pourtant une vraie vocation. Car le chef d'établissement joue un rôle essentiel d'animation des équipes, pour lequel il est bon de recruter des enseignants. Mais cela ne doit pas être un moyen de sortir de l'enseignement. C'est un choix de carrière parfaitement respectable.

L'organisation des reconversions est surtout importante quand on considère le très grand nombre d'enseignants avouant être en difficulté dans leur travail, dans leur classe et dans leur tête. Vous y répondez par un effort très soutenu en matière de promotion individuelle et de gestion des carrières. Je le répète, en transformant plus de 24 000 postes d'instituteur en postes de professeur des écoles, vous tenez les engagements pris l'an dernier, tout comme en permettant à 15 % de professeurs du second degré de passer hors classe.

En outre, vous améliorez les perspectives de carrière des personnels de l'inspection, qui jouent un rôle très important pour la motivation de leurs collègues.

Je le répète également, car c'est une vraie rupture dans l'histoire de l'éducation nationale, vous offrez une perspective de carrière aux personnels ouvriers et de service.

Jusqu'à présent, entrer au niveau de la catégorie C signifiait la quasi-impossibilité d'en sortir. Non seulement vous améliorez le système d'indemnisation des personnels ouvriers, mais vous organisez la promotion en catégorie B pour les meilleurs d'entre eux. Il était nécessaire, pour la bonne gestion des établissements, que les personnels ouvriers et de service aient eux aussi des perspectives de carrière.

Je salue avec un peu d'émotion, compte tenu de ma très longue expérience de ce monde, la transformation des 5 000 derniers PLP1 en PLP2. Nous voyons disparaître une catégorie qui a fortement marqué l'enseignement professionnel, mais cette disparition se produit dans des conditions exceptionnelles par le haut.

Enfin, nous saluons à nouveau la titularisation de 3 300 professeurs du second degré. Le solde net résulte de la création des 1 000 emplois administratifs et médicosociaux, et de la suppression des 4 270 emplois de maîtres d'internat et surveillants d'externat. Je redis ici qu'il est légitime de faire passer un certain nombre d'emplois de MI-SE en crédits, surtout quand on en crée 1 000 supplémentaires, car il ne s'agit pas de personnels qui font carrière dans l'éducation nationale, mais de personnels employés de manière transitoires. L'important est


page précédente page 09432page suivante

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

de disposer d'un nombre suffisant d'agents pour encadrer les élèves et non de savoir s'ils sont comptabilisés en crédits ou en postes.

Je terminerai en prononçant deux voeux pour l'avenir.

D'abord, je souhaite que vos annonces en matière d'évolution de la formation initiale et continue des per-s onnels de l'éducation nationale soient confirmées.

Ceux-ci ne sont encore assez préparés ni au travail en équipe, ni à la compréhension de la situation des éléves, ni à la gestion déconcentrée, qui renforce les responsabilités au plan local. De ce point de vue, il y a un vrai décalage entre la réalité des IUFM et la politique que vous impulsez au ministère.

Mon deuxième voeu, c'est que la réforme des enseignements technologiques et professionnels annoncée soit rapidement mise en oeuvre. Ces enseignements ont été à la base de la démocratisation du second degré, mais aujourd'hui, avec vingt et un baccalauréats technologiques, le système n'est pas lisible. Il faut réduire leur nombre à la dizaine, pas plus. Il faut aussi changer les méthodes pédagogiques pour parvenir à une réalité technologique. Et il faut enfin résoudre ce qui est parfois un vrai drame : il est difficile de recruter des professeurs dans les disciplines professionnelles débouchant sur les métiers qui embauchent, car les diplômés qui seraient susceptibles d'enseigner se placent facilement dans le privé. Il est indispensable de ne pas hésiter, le cas échéant, à passer des accords avec les secteurs professionnels, pour assurer au meilleur niveau la formation des lycéens professionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, mon rapport comportera deux parties : l'analyse globale de l'évolution des crédits, sur laquelle je passerai rapidement, puisque mon collègue Jacques Guyard vient d'en parler au nom de la commission des finances ; les travaux menés par le groupe de travail sur la déconcentration des personnels enseignants du second degré, groupe de travail issu de la commission des affaires sociales, au sein duquel des collègues de tous bords ont pu réfléchir.

Le budget de l'éducation nationale dépassera pour la première fois les 300 milliards de francs - 308,7 milliards exactement - et il se confirme comme le premier budget de la nation. Cette progression est d'autant plus remarquable qu'elle se situe dans un contexte de baisse de la démographie scolaire, dans le premier comme dans le second degré, plus nettement dans les collèges que dans les lycées. Mécaniquement, l'encadrement des élèves et le service public de l'éducation devraient par conséquent être améliorés sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan qualitatif.

Quelles sont les grandes orientations du projet de budget ? D'abord, en dépit de la baisse des effectifs que je rappelais à l'instant, on note la création de 3 300 emplois nouveaux d'enseignant, grâce au plan de résorption de l'emploi précaire qui est en cours - même si l'emploi précaire n'est pas complètement supprimé, et nous le regrettons. Seront aussi créés 850 emplois de personnels non enseignants et 150 emplois de personnels médico-sociaux.

En outre, 7 500 emplois non budgétaires permettront d'améliorer le service public de l'éducation : 1 000

M I-SE, maîtres d'internat et surveillants d'externat, 1 500 assistants en langue étrangère et 5000 emploisjeunes supplémentaires, qui viendront épauler le personnel enseignant.

Les crédits nouveaux financeront les réformes pédagogiques que vous avez engagées, notamment dans le second degré.

Je ne reviendrai pas sur la charte du

XXIe siècle, qui porte sur l'enseignement élémentaire.

En ce qui concerne les collèges, le renforcement de la liaison entre les classes de CM2 et de sixième est fondamental, car on connaît les difficultés que les jeunes élèves rencontrent lorsqu'ils passent de l'école élémentaire au monde nouveau qu'est le collège. La réforme comporte d'autres aspects : l'introduction du tutorat et la mise en place d'une aide personnalisée en sixième et en cinquième ; la diversification des méthodes d'enseignement par le renforcement de l'interdisciplinarité, évolution pédagogique importante, pour laquelle des moyens ont été dégagés ; enfin, un programme de partition des établissements de plus de 1 000 élèves, peu connu mais pédagogiquement très important, vise à faire du collège un endroit où l'élève se retrouve en quelque sorte chez lui, pour bien y vivre et bien y étudier, conformément à l'expression « maison-collège » que vous employez souvent, madame la ministre déléguée.

En ce qui concerne la réforme des lycées, les mesures annoncées l'année dernière trouvent dans ce projet de budget une application concrète, les chiffres le montrent.

Les personnels ATOS, au fond, avaient été jusqu'à présent les grands oubliés de la politique éducative, les premières victimes des économies budgétaires dans l'éducation nationale. Les 854 créations nettes d'emplois marquent une véritable rupture avec la tendance des années précédentes. Néanmoins, aussi importantes soientelles, elles ne seront pas suffisantes, chacun le sait, pour répondre aux besoins en personnels ATOS, très importants, aussi, sur le plan pédagogique. Voilà pourquoi, madame la ministre déléguée, monsieur le ministre, il me paraît souhaitable que vous élaboriez un plan pluriannuel sur l'emploi et les carrières des personnels ATOS. Il faudrait aussi - mais c'est un autre sujet, qui dépasse le cadre strict de l'organisation de l'éducation nationale commencer à mener une réflexion sur leur place dans les é tablissements scolaires et les collectivités au sein desquelles ils travaillent.

J'en viens à la deuxième partie de mon rapport. Elle porte - employons les termes exacts, car, me semble-t-ils, ils ont leur importance - sur le « mouvement national à gestion déconcentrée ».

L e terme « mouvement », quelque peu abscons, désigne, au sein de l'éducation nationale, l'ensemble des procédures administratives organisant les mutations des personnels enseignants, d'éducation et d'administration, sur le territoire national. S'il convient de parler de mouvement plutôt que de mutations, c'est que le système, outre les mutations proprement dites, prend en compte les premières affectations des stagiaires - extrêmement importantes et qui, dans certains cas, posent problème et la réintégration des personnels détachés ou en disponibilité.

La réforme de la procédure applicable aux personnels enseignants du second degré constitue un élément essentiel de la politique de déconcentration du système éducatif que vous avez initiée, monsieur le ministre. Cette déconcentration du mouvement a été mise en oeuvre


page précédente page 09433

ASSEMBLÉE NATIONALE - 2e SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1999

pour la première fois à l'occasion de la dernière rentrée, en 1999. Et même si nous n'avons pas encore connaissance de toutes les données, puisque les recteurs sont en train de faire remonter les résultats dans leur académie, nous disposons déjà d'un certain nombre d'éléments qui nous permettent de porter un jugement, et surtout de donner des pistes pour que ce mécanisme soit amélioré.

Le groupe de travail dont je parlais tout à l'heure, que j'ai présidé, a sélectionné en quelque sorte, trois académies occupant une place particulière dans le pays : l'académie de Lille, non pas pour l'origine géographique du rapporteur, mais tout simplement parce qu'elle est caractérisée par un taux élevé de départs ; l'académie de Montpellier, pour la raison inverse ; l'académie de Créteil, compte tenu de sa place particulière et de ses problèmes spécifiques.

Pourquoi le mouvement national a-t-il été déconcentré et selon quelles modalités ? Comment s'est déroulée cette première expérience ? Quelles propositions pouvons-nous faire aujourd'hui ? Voilà les trois questions auxquelles je tenterai de répondre.

Jusqu'à la réforme de 1998, des procédures de mutation extrêmement contrastées coexistaient dans l'enseignement. Alors que la gestion des instituteurs, des professeurs des écoles et des PEGC était déjà déconcentrée, le mouvement des personnels enseignants du second degré était national, organisé par discipline d'enseignement. Il se décomposait en un mouvement général - traitant l'ensemble des demandes, en fonction des postes disponibles, au moyen d'un barème - et des mouvements particuliers.

Ce système était extrêmement compliqué, et quelquefois, je dois le dire, un peu opaque. Il encourait de nombreuses critiques, nettement énoncées dans un rapport que vous aviez demandé à l'inspection générale.

C'est pourquoi vous avez lancé le processus de déconcentration du mouvement, monsieur le ministre.

La critique principale concernait l'éloignement entre l'administration et l'enseignant. Je reprends votre expression, que nous avons fait nôtre : pourquoi passer par Paris pour aller de Roubaix à Tourcoing ? (Sourires.)

La déconcentration a effectivement permis de rapprocher le personnel et l'administration et de favoriser une meilleure connaissance réciproque - c'est très net dans les trois académies que j'ai citées. D'ailleurs, le mouvement national n'avait de national que le nom et il était inefficace.

L a nouvelle procédure, qui est organisée en deux phases, a donc amené des progrès sensibles dans la gestion des personnels. Le groupe de travail a jugé que ce système devait perdurer.

Je reviendrai sur deux craintes qui avaient été émises par certains, et qui ne se sont pas concrétisées. Premièrement, il était avancé que la déconcentration freinerait le mouvement des personnels. Les chiffres montrent que cela n'a pas été le cas. Deuxièmement, certains craignaient l'opacité ou la mise à l'écart des organisations des personnels, notamment dans les organismes paritaires.

Cela n'a pas été le cas non plus ; les organismes paritaires ont parfaitement fonctionné.

Je terminerai en proposant des pistes de réflexion visant à améliorer le système de gestion déconcentrée qui, je le répète, est un bon système.

Première piste de travail, le rôle des chefs d'établissement, principaux ou proviseurs, dans le mécanisme. Ils ont pu quelquefois apparaître ou se considérer davantage comme des spectateurs que comme des acteurs. Mais cela soulève la question plus large de leur rôle et de leur place dans le système éducatif, posée à l'instant par Jacques Guyard.

Deuxième piste de travail, le calendrier paraît un peu tard et mériterait peut-être d'être avancé d'une quinzaine de jours, afin que les postes soient effectivement pourvus lorsque les vacances commencent. Un certain nombre de problèmes de calendrier sont survenus dans l'académie de Créteil, mais aussi ailleurs. Il faudra donc revoir le calendrier, et dès cette année.

Enfin, j'insiste beaucoup sur le fait que, dans le cadre de la déconcentration, comme son nom l'indique, les problèmes, dans leur plus grande partie, doivent être traités au niveau du rectorat. C'est le but de ce système, et c'est même son atout. Bien entendu, les rectorats devront donc recevoir le plus rapidement possible les moyens nécessaires en personnels administratifs, qui proviendront d'ailleurs sans doute de l'administration centrale. Ainsi, ils seront en mesure d'accomplir pleinement leur travail d'écoute, qui, faute de ces moyens, n'a pas toujours été à la hauteur des espérances et des besoins.

Enfin, et ce sera mon dernier point, j'évoquerai le prob lème des premières affectations. L'objectif de la déconcentration, en grande partie atteint, est à la fois de rapprocher les enseignants et l'administration, et de placer l'enseignant là où il doit être pour répondre au souci des parents et aux exigences des élèves. Or il est difficilement admissible de voir que beaucoup de jeunes enseignants se retrouvent, à la sortie de leur stage ou à la fin de leur formation, affectés aux postes les plus difficiles - nous l'avons vu notamment dans l'académie de Créteil -, qu'ils quittent d'ailleurs très souvent le plus vite possible, quand ils ne trouvent pas des moyens pour éviter de le prendre le jour de la rentrée. On voit bien là que le système ne va pas jusqu'au bout de sa propre logique et ne répond pas à sa propre cohérence, qui est pourtant bonne, je le répète.

La déconcentration du personnel du second degré a, au départ, suscité beaucoup de craintes, de critiques, pas toujours fondées d'ailleurs - nous l'avons vu - mais, après une première expérience, même si nous n'avons pas encore toutes les données chiffrées, nous pouvons dire que ce système a bien marché. Il faudra toutefois l'améliorer.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption du projet de budget de l'éducation nationale et je souhaite que l'Assemblée la suive.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Baeumler, premier orateur inscrit.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en augmentant de 3,56 % et en dépassant pour la première fois les 300 milliards de francs, le budget de l'enseignement scolaire confirme la priorité qu'accorde le Gouvernement de Lionel Jospin à l'éducation et par là même à la jeunesse et à l'avenir de notre pays. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques et de réduction du nombre des élèves, l'effort financier mérite d'être relevé.

Je rappelle, à titre de comparaison, qu'en 1996, le budget affecté à l'enseignement scolaire avait été réduit de 1,47 % et qu'en 1997, 5 212 postes étaient purement et simplement supprimés. Ce gouvernement a donc pris toute la mesure du défi que doit relever l'école de la République. Il a compris que si l'école est, par excellence,