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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER

1. Loi de finances pour 2000 (deuxième partie). - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 9613).

COMMUNICATION

M. le président.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial de la commission des finances.

M. le président.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.

MM. Christian Kert, Roger-Gérard Schwartzenberg, Olivier de Chazeaux, Christian Cuvilliez, Michel Françaix.

Laurent Dominati, Rudy Salles, Pierre-Christophe Baguet.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

M. le président.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

2. Ordre du jour des prochaines séances (p. 9631).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures.)

1 LOI DE FINANCES POUR 2000

DEUXIÈME PARTIE Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000 (nos 1805, 1861).

COMMUNICATION

M. le président.

Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la culture et de la communication concernant la communication.

Mes chers collègues, tout le monde visiblement souhaite que nous en terminions ce matin. Mais je suis tenu de lever la séance à treize heures. Je pourrais certes accepter cinq à dix minutes de plus mais sachez que je n'irai pas au-delà. Je préfère donc vous prévenir : vous serez peut-être obligés de revenir cet après-midi.

Que chacun y mette du sien et respecte scrupuleusement son temps de parole, et c'est avec mon appui, car chacun sait ici que je n'ai pas pour habitude de laisser les débats s'allonger, que nous pourrons peut-être achever l'examen des crédits.

La parole est à M. le rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M onsieur le président, je vais essayer de montrer l'exemple en me limitant à cinq minutes.

Madame la ministre de la culture et de la communication, nous avons, pour l'essentiel, toutes les raisons de nous réjouir du projet de budget que vous nous présentez. Qu'il s'agisse de l'audiovisuel ou des crédits consacrés à la presse, l'effort proposé par le Gouvernement est considérable. C'est ainsi que, pour l'audiovisuel, plus de 700 millions de francs supplémentaires seront accordés cette année à France Télévision, conformément aux engagements pris par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi portant réforme de l'audiovisuel. C'est un effort considérable, je le répète, qui doit donner tout son sens à l'action des directions de France Télévision.

A cet égard, je me bornerai, madame la ministre, à trois recommandations qui se situent d'ailleurs dans le droit-fil de la réforme que vous avez conduite.

Première recommandation : l'engagement du Gouvernement de négocier dès le début de l'an 2000 la convention d'objectifs et de moyens avec l'ensemble des struct ures partenariales prévues par la loi relative à l'audiovisuel, de façon que celle-ci soit applicable dès la promulgation de celle-ci.

Deuxième recommandation : la refonte complète des règles comptables afin de mieux faire apparaître la réalité des entreprises de l'audivisuel, leur fonctionnement, leurs engagements, leur potentiel. Sans règles nouvelles, il n'y aura en effet pas de bonne gestion possible. Plus encore, ces entreprises ne pourraient avoir aucune vision stratégique, et ni l'Etat ni le Parlement ne pourraient véritablement les contrôler.

Troisième recommandation, enfin : la mise en oeuvre d'un projet social d'entreprise afin que les responsables de la gestion des entreprises publiques de l'audiovisuel reçoivent un mandat clair de l'Etat leur permettant d'assumer pleinement la responsabilité de leur gestion.

Je le répète, un effort important est fait pour France Télévision. D'autres efforts auraient pu l'être - je pense notamment à Radio France. Avec le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, j'aurai à cet égard, madame la ministre, des propositions à vous soumettre, et j'espère que le Gouvernement saura nous entendre.

J'en viens, après l'audiovisuel public, à la presse écrite.

Pour ce qui concerne le fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, je ne vous étonnerai pas, madame la ministre, si je relève dans la perception de la taxe qui alimente ce fonds à la fois du retard et des insuffisances de la part des services de l'Etat. Alors même que les budgets publicitaires connaissent une expansion considérable, les recettes du fameux 1 % de cette taxe sont largement inférieures aux prévisions. Une mobilisation plus importante des services fiscaux de Bercy me semble donc nécessaire. Mais jes ouhaite, madame la ministre, que vos services se penchent également sur la gestion du fonds d'affectation spéciale correspondant, car ce secteur - je citerai évidemment le cas de l'AFP - aura besoin des ressources qui peuvent être dégagées par cette taxe.

Je souhaite maintenant aborder, avant d'en venir à ma conclusion, la question des NMPP.

Vous avez désigné, madame la ministre, une personnalité chargée d'une mission sur l'avenir de la distribution de la presse. Chacun le sait, une certaine incertitude règne sur l'avenir de la loi Bichet et de son application par des coopératives. C'est là un véritable sujet de préoccupation.

Nous sommes très attachés à la pérennité de la loi Bichet. Mais en même temps, il faut que vous fassiez prendre conscience à l'ensemble des acteurs concernés que


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l'on ne peut continuer à vivre avec des coûts de distribution aussi élevés. C'est en effet par un effort collectif que l'on pourra obtenir des coûts de distribution comparables à ceux d'autres pays. L'Etat ne peut seul y parvenir. Cet effort doit être celui de l'ensemble des acteurs de la chaîne de distribution. Il faut un apaisement sur la question des coopératives de presse mais aussi une perspective sérieuse de diminution des coûts de distribution. Il en va de l'avenir de la presse.

Madame la ministre, le secteur de la communication, bien que regroupant des entreprises et des acteurs très divers, connaît aujourd'hui une profonde réorganisation de ses méthodes et de ses techniques, annonçant sans doute une évolution de sa mission et une extension de son champ d'action.

Cette réorganisation est plus avancée dans certaines entreprises que dans d'autres, mais l'ensemble des acteurs, aujourd'hui, est conscient de la nécessité d'une modernisation qui, par bien des aspects, s'apparente à une véritable révolution.

Deux facteurs expliquent ces modifications profondes.

Le développement de la technologie numérique et de la banalisation d'Internet posent des défis à des entreprises qui détenaient jusqu'à présent le monopole de la production et de la diffusion des produits audiovisuels et de l'information.

Confrontés à une offre de nouveaux produits d'ailleurs peut-être plus complémentaire que concurrente, les fournisseurs de programmes audiovisuels s'interrogent sur leur stratégie.

Le recentrage de l'Etat ensuite, et la nécessaire maîtrise de ses dépenses, touchent bien évidemment les entreprises publiques du secteur de la communication, mais également les entreprises privées qui reçoivent des aides publiques ou un soutien de l'Etat sous une forme ou sous une autre.

La conjugaison de ces deux contraintes doit devenir une chance. C'est le moment où jamais pour ces entreprises de gagner en efficacité, de diversifier leur offre, d'accroître leur audience, le tout dans un souci de démocratisation de l'information, de la culture et des loisirs qui reste, madame la ministre, l'objectif majeur que nous devons viser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

Mes chers collègues, j'ai demandé au service de la séance des précisions pour savoir à quelles conditions nous pourrions en terminer ce matin. Que les choses soient maintenant claires : nous ne terminerons pas l'examen de ce projet de budget en fin de matinée.

Si chacun respectait scrupuleusement son temps de parole, y compris pour les questions, nous aurions déjà trois heures trente de débat au total ! Comme il est onze heures dix, la discussion nous conduirait donc vers quatorze heures trente-cinq. Quelle que soit votre bonne volonté, nous ne pourrons terminer à treize heures. Je demande à ceux qui doivent revenir cet après-midi de bien vouloir prendre leurs dispositions.

Le personnel a travaillé jusqu'à trois heures cette nuit.

Certains sont de nouveau là, en particulier pour l'établissement du compte rendu. Je ne pense pas qu'on puisse en demander plus.

Je lèverai donc la séance à treize heures. Sincèrement désolé. Il ne m'est pas possible de faire mieux.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour essayer de gagner du temps, je me bornerai à un résumé de l'intervention que j'avais prévue, ce qui me sera d'autant plus facile que, cette année, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a souhaité que les rapports pour avis soient axés autour d'un thème. Pour sa part, mon rapport écrit, auquel je vous invite à vous référer, traite de l'ensemble des systèmes d'aide à la production cinématographique et audiovisuelle. Je n'y reviendrai donc que brièvement.

Ce projet de budget, madame la ministre, survenant à mi-chemin de l'adoption du projet de loi de réforme de l'audiovisuel, nous permet d'abord de constater que le Gouvernement s'est donné les moyens budgétaires de mettre en place sa réforme dès l'année 2000.

Avec 900 millions de francs de remboursements des exonérations de redevance inscrites sur le compte d'affectation spéciale, c'est un effort sans précédent qui est accompli avec une progression de 780 millions de francs en un an.

C'était, bien évidemment, l'enjeu essentiel de ce projet de budget. Ainsi, les engagements pris sont tenus et l'horizon des 2,5 milliards pour 2001 est désormais accessible. Vous savez, madame la ministre, que nous serons vigilants sur ce point puisque, dès les premiers échanges sur le projet gouvernemental, le remboursement intégral des exonérations de redevances a été considéré comme un préalable par les députés de la majorité.

Ainsi, dès cette année, la structure du budget des chaînes publiques va être profondément modifiée. Plus de ressources publiques, moins de recettes publicitaires : il s'agit bien d'une rupture avec la logique d'abandon qui avait prévalu depuis 1993 et qui avait conduit notre télévision publique à devenir une télévision néo-commerciale à l'identité incertaine.

Une structure budgétaire différente, mais surtout plus de moyens pour l'audiovisuel public avec une progression nette de 883 millions de francs, toutes sociétés confondues. Je rappelle que cet accroissement des moyens est réalisé grâce à des crédits budgétaires et sans hausse de la redevance dont le rendement continue par ailleurs à s'améliorer.

C'est évidemment France 2 et France 3 qui bénéficient en premier lieu de la progression : celle-ci atteint 30,7 % pour France 2 et 15,4 % pour France 3. Nous souhaitons que l'essentiel de cet apport bénéficie d'abord au budget de programmes, notre préoccupation, partagée, je pense, sur tous ces bancs, allant au renchérissement du coût des droits sportifs dont l'augmentation croissante devrait peser sur les budgets des chaînes.

Ainsi, la part du budget financée par la publicité tombera à 40,1 % pour France 2 et à 27,8 % pour France 3.

Il est essentiel que cet accroissement repose sur un remboursement suffisant des exonérations de redevance figurant au compte d'affectation spéciale. Cette sécurisation de la ressource correspond à une demande pressante des députés de la majorité.

La croissance des moyens du secteur public audiovisuel ne reposera donc plus sur un recours toujours croissant à la publicité mais bien sur une consolidation du financement public. L'année 2000 sera une année charnière pour l'audiovisuel public, les crédits supplémentaires accordés au secteur lui permettant tout à la fois de moins


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dépendre de la publicité et de dégager des moyens nouveaux destinés à l'enrichissement de la grille de programmes et à la modernisation de la production.

Il faut toutefois souligner que ce très bon projet de budget survient après une mauvaise année de résultats pour France Télévision, ce qui rend d'autant plus urgente la réforme et l'adoption définitive du projet de loi.

Pour France 2 en effet la perte d'audience significative sur la tranche 19-22 heures a entraîné une très nette réduction de ses ressources publicitaires. A cela s'ajoute un dépassement du budget en dépenses malgré un redressement à l'automne, le déficit de la chaîne pourrait avoisiner 160 millions de francs en fin d'année, du même ordre qu'en 1998.

M. Laurent Dominati.

Plus !

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis.

Pour France 3, 1999 marque par contre une très nette dégradation puisque la chaîne qui avait connue, un résultat positif en 1998, pourrait finir l'année avec un déficit du même ordre que celui de France 2.

Cette baisse de l'audience, due aux incertitudes sur l'identité des chaînes publiques, est préoccupante. Il serait pour le moins ennuyeux que l'effort budgétaire de l'Etat pour 2000 ne serve qu'à éponger les déficits. La volonté est de donner plus de moyens à la télévision publique.

Mais ces entreprises n'échapperont pas longtemps à un assainissement de leur gestion et à la remise en cause de certaines pratiques.

S'agissant des autres sociétés de l'audiovisuel public, je ne reviendrai que sur la situation de RFO et de RFI.

Pour RFO, le grave dérapage budgétaire constaté par la mission conjointe de l'inspection des finances et de l'inspection générale des affaires culturelles devrait permettre à l'Etat de cadrer la gestion et les missions de cette société avec plus de fermeté. Il devrait également l'inciter à une vigilance accrue sur la gestion de certaines autres sociétés de l'audiovisuel.

L'exemple de RFI vient renforcer cette inquiétude. Les errements passés de RFI sur la location d'émetteurs ondes courtes en particulier, ont coûté beaucoup d'argent à la collectivité. L'apurement des déficits a en revanche permis à cette société de faire 80 millions de francs d'économies depuis deux ans. On n'en trouve cependant pas la trace dans l'actuel budget, puisque avec le rétablissement de la subvention des affaires étrangères, le budget de RFI augmente même de 20 millions de francs ! On peut s'en réjouir mais aussi s'interroger sur les raisons d'une telle mansuétude du ministère des finances à l'égard de RFI qui tranche singulièrement avec son comportement vis-àvis des autres sociétés de l'audiovisuel public.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Bonne remarque !

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis.

Mais je voudrais surtout, à l'occasion de cette brève intervention évoquer le système français de financement des industries de programmes.

Au moment où se dessinent les négociations de l'OMC et où resurgit le vieux débat de la diversité culturelle, il a en effet paru utile à la commission de faire le point sur les mécanismes d'aide à la production. Tel est d'ailleurs le projet central du rapport que j'ai déposé.

Depuis l'après-guerre, la France a su développer un système complexe, mais efficace, de soutien au cinéma puis, un peu plus tard, à la production audiovisuelle, afin de donner à la création tous les moyens de son développement. Fondé sur un mélange d'obligations et de soutiens financiers, le système d'aide à la production de programmes, contesté par les tenants d'une libéralisation du marché, accusé d'archaïsme sur les bancs de l'opposition et très critiqué par quelques opérateurs, a néanmoins fait la preuve de son utilité tant économique qu'artistique, en préservant une véritable capacité de création et de production et en garantissant l'existence du cinéma et de la production audiovisuelle française au niveau international.

Les quotas de diffusion, les obligations de production, les mécanismes du COSIP, les SOFICA, tout cela a permis de sauver et de développer les industries de programmes, qu'il s'agisse du cinéma et de l'audiovisuel, dans notre pays.

Grâce à ce système, ce secteur a connu une hausse continue de son activité et de ses résultats depuis dix ans.

Mais, madame la ministre, l'abondement considérable du remboursement des exonérations de redevance, qui s'élève cette année à 900 millions de francs, se retrouvera-t-il intégralement dans l'assiette du COSIP ? Une réponse positive et claire lèverait toute ambiguïté. Il serait bon que l'effort supplémentaire de l'Etat puisse, par le biais du COSIP, abonder le financement des industries de programme.

L'ensemble du dispositif a permis, en 1998, d'assurer 55 % du financement de la production cinématographique et 60 % de la production audiovisuelle. Ces secteurs ont ainsi pu affronter l'internationalisation et la concurrence croissante du marché des programmes et résister - économiquement et culturellement - à la tentation hégémonique de l'industrie audiovisuelle américaine.

Ces dispositions ont été très critiquées. Je pense en p articulier à certains opérateurs de télévision selon lesquels de telles obligations de production, notamment en matière de fiction, seraient un handicap pour la télévision française. Or on observe avec intérêt aujourd'hui que certains des plus grands succès populaires d'audience sur les chaînes de télévision sont le fait, justement, de fictions. Songeons, par exemple, à l'audience recueillie par Monte-Cristo , sur TF1, il y a un an environ.

Bien loin de brider le développement de la production et des chaînes, les obligations de production et de diffusion ont au contraire assuré une dynamique tant par un soutien au renouvellement de la création que par un enrichissement continu de l'offre de programmes.

Dans le contexte actuel d'explosion de l'offre grâce à l'adoption de la diffusion numérique, ce système apparaît encore plus comme une nécessité. Il faut toutefois souligner quelques-unes de ses faiblesses pour essayer de le faire évoluer et de l'améliorer.

Pour le cinéma, on connaît la critique faite parfois à notre système : le jeu couplé des obligations des chaînes et le soutien du CNC, qui assurent un préfinancement quasi total aux projets, aurait installé les producteurs et réalisateurs français dans un confort qui les inciterait à ne pas se préoccuper, peut-être, suffisamment de la nécessité de trouver un public.

Il faut sûrement faire évoluer le système, en revalorisant les aides accordées en amont du processus de production, par exemple l'aide à l'écriture des scenarii, mais aussi en aval - je pense à la distribution ou encore aux actions de communication et d'exportation.

L'autre inconvénient du système pourrait être au contraire la tentation pour les chaînes de télévision qui pèsent d'une façon décisive sur le financement du


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cinéma, de ne s'engager que dans des oeuvres formatées pour le public massif des heures de grande écoute. Jusqu'à présent, elles y ont sagement échappé.

Faisons en sorte, en tout cas, que l'enjeu économique de ce secteur ne paralyse ni la faculté de création ni l'esprit critique. Il est par exemple navrant d'avoir à constater que toute émission réellement indépendante sur le cinéma est aujourd'hui de facto interdite à la télévision à cause des pressions des producteurs et que certains réalisateurs en viennent même à souhaiter la disparition de la critique.

Il conviendra, dans les années qui viennent, de préserver ce système d'aide à la production, et même de l'améliorer en réfléchissant, en particulier, sur les moyens permettant de favoriser la fluidité du marché des droits audiovisuels et cinématographiques et, par là même, la multiplication des supports. Cela fait partie des enjeux essentiels. Il faut que le marché des droits soit plus fluide afin que les supports soient plus nombreux et que les programmes circulent plus facilement.

Tels sont les quelques éléments de réflexion que je souhaitais vous livrer sur ce budget.

J'ajoute que nous avions quelque inquiétudes sur le financement de Radio France. Nous aurions souhaité, en particulier, que le développement des radios locales soit mieux assuré, et donc mieux financé. Mon collègue JeanMarie Le Guen et moi-même avons déposé à cet effet un amendement tendant à répartir la totalité des excédents de redevance 1998 aux différentes sociétés de l'audiovisuel public dès ce projet de budget. Je ne sais pas quelle sera la position du Gouvernement mais, en tout cas, cela nous paraîtrait sage et permettrait en particulier de donner un signe pour le développement des radios locales de Radio France auxquelles nous sommes tous très attachés.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg et M. Pierre-Christophe Baguet.

Très bien ! Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Très bien !

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis.

Voilà, en tout cas, un excellent projet de budget, qui tranche avec les budgets de misère que nous avons connus pour l'audiovisuel public...

M. Laurent Dominati.

L'année dernière !

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis.

... entre 1993 et 1997. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Rudy Salles.

Le rapporteur avait bien commencé son intervention mais il la termine mal !

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis.

La commission a donc jugé impératif de vous en proposer l'adoption.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Kert, pour dix minutes.

M. Christian Kert.

Madame la ministre, une confidence pour commencer : à la première lecture de votre budget, le groupe UDF a failli le voter.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Alors, il faut continuer !

M. Christian Kert.

Nous avons failli le voter car, avec votre augmentation de 4,8 % des crédits, vous avez tenu les engagements que vous aviez pris en pleine crise lors de la présentation de votre loi de réforme de l'audiovisuel public, et il faut vous en rendre hommage.

Mais une lecture plus attentive du devoir a quelque peu douché notre enthousiasme et nous avons dû corriger notre position.

Trois points, madame la ministre, ont retenu l'attention du groupe UDF. Certains seront d'ailleurs détaillés par mes collègues Rudy Salles et Pierre-Christophe Baguet. Ils auraient dû l'être également par M. Plagnol, mais celui-ci a cédé son temps de parole à M. Baguet pour gagner un peu de temps, selon le souhait exprimé par tous.

M. Michel Françaix.

Très bien !

M. Christian Kert.

Notre premier point de réflexion concerne l'anticipation de votre loi de réforme de l'audiovisuel public, à laquelle je faisais allusion tout à l'heure, anticipation qui peut se voir sous deux aspects.

Le premier aspect de votre réforme est la baisse de la durée maximale de la publicité sur les chaînes publiques, qui conduit l'Etat à devoir compenser, par des crédits budgétaires, cette baisse des ressources publiques. Ici au moins, il faut le reconnaître, vous avez rempli votre contrat, sauf que, compte tenu de l'annualisation des budgets, on peut se poser la question du devenir de ces crédits.

M. Michel Françaix.

Vous chipotez !

M. Christian Kert.

Certes, vous avez affirmé que cet

« engagement » est pris en compte dans un cadrage sur trois ans de l'évolution des dépenses de l'Etat arrêté par le Premier ministre. Mais, qu'est-ce qu'un cadrage et quelle est la valeur de l'engagement de Bercy lorsqu'il ne s'agit pas d'une loi de programmation ?

M. Michel Françaix.

Oh !

M. Christian Kert.

Supposons que demain, à Bercy, à l'occasion de changements qui sont toujours, on l'a vu récemment, aussi subits qu'inattendus, la volonté change de cap. Qu'est-ce qui nous assure la pérennité de vos propres engagements à l'égard des chaînes publiques ? Peut-être avez-vous envisagé une autre politique à propos de la redevance, laquelle pourrait, comme en GrandeBretagne, par exemple, devenir la source de financement unique du secteur public, à l'inverse de la théorie communément défendue par notre collègue Dominati.

Nous serions alors très éloignés de votre actuelle proposition budgétaire, qui ne nous présente une augmentation de redevance que pro forma.

De plus, les augmentations prévues, qui normalement ont pour but de compenser la baisse légale de la publicité, ne seront-elles pas déjà bien « entamées » par les mauvais résultats de l'exercice 1999 dus principalement à la forte érosion de l'audience de la télévision publique.

Notre collègue Mathus évoque d'ailleurs cette éventualité dans son rapport avec un décalage de près de 160 millions de francs pour France 2 et de 180 millions pour France 3.

Il ne faudrait pas, comme cela a été fait en 1998, que, au lieu d'abonder la loi de finances rectificative, on reporte, sous la forme d'une réduction de l'objectif de recettes publicitaires, à l'année suivante les ressources supplémentaires nécessaires.


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Il serait d'ailleurs intéressant, madame la ministre, que vous nous disiez précisément comment vous envisagez la deuxième phase de réduction publicitaire au-delà de l'an 2000 ? Le second aspect de votre réforme est le coût de la holding, coût qui, nous semble-t-il, n'est pas cerné, encore moins prévu. L'idée de cette holding nous renvoie d'ailleurs aux multiples problèmes qui se posent au pôle La Cinq-Arte.

Premièrement, la fusion prévue dans le texte DousteBlazy, confirmée par votre réforme, n'est toujours pas ratifiée et les deux maisons cohabitent dans une joyeuse ambiance d'incertitude quant à leur avenir. C'est d'ailleurs peut-être le lot de toute cohabitation.

Notre rapporteur nous a assurés que, malgré tout, des économies ont pu être réalisées, ce qui témoigne à tout le moins qu'il n'est pas nécessaire d'être serein pour être économe.

Deuxièmement, les Allemands se font tirer l'oreille pour rentrer dans le processus de la fusion. Sur le plan juridique, il y a peut-être des points à revoir. Est-ce que cela continuera d'être source d'économie ? Permettez-moi d'en douter.

Est-ce que la moyenne d'augmentation de près de 3,5 % des crédits que vous affectez à ces deux chaînes en attente de PACS leur suffiront à assumer leur « ordinaire » tout en faisant face à une situation exceptionnelle ? Nous ne le savons pas plus les uns que les autres.

Pour clore le chapitre de cette réforme, je ne vois pas trace dans votre budget de crédits susceptibles de servir le projet numérique de France Télévision. De façon très générale, peut-être pourrions nous ensemble nous poser la question de savoir quelle est l'exacte situation financière de France Télévision avant que son arrivée dans la holding ne lui confère un autre statut.

Notre deuxième point de réflexion porte sur le volet social du secteur public.

D e quelle façon entendez-vous financièrement répondre à l'exigence des 35 heures dans le secteur public de l'audiovisuel ? L'affaire doit être bouclée d'ici le 1er janvier 2000. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'enfant ne se présente pas bien.

M. Patrice Martin-Lalande.

En effet !

M. Olivier de Chazeaux.

Il n'y a pas d'argent !

M. Christian Kert.

Au-delà de la technique même de la négociation qui vient d'aboutir à la grève déclenchée avant-hier, où trouvez-vous dans votre budget les crédits qui vont vous permettre de répondre au plan d'embauche rendu nécessaire par les patrons de France Télévision et de Radio France ?

M. Olivier de Chazeaux.

Ils les ont oubliés !

M. Patrice Martin-Lalande.

C'est difficile d'être employeur !

M. Christian Kert.

Le rapporteur de la commission des finances, notre collèque Le Guen a écrit, à ce sujet :

« Nous avons assisté en 1998 pour France 2 et RFO à un véritable dérapage des charges du personnel puisque leurs masses salariales ont augmenté de plus de 10 % en une seule année ! » Lors de son audition, notre rapporteur pour avis nous a précisé que, sur ce chapitre des 35 heures, « le budget de France Télévision ne disposait effectivement pas d'une dotation spécifique alors que l'on sait que les négociations dans ce domaine sont lourdes et complexes pour de grandes entreprises publiques ». On ne saurait mieux dire !

M. Patrice Martin-Lalande.

Les autres rencontrent le même problème !

M. Christian Kert.

Notre troisième et dernier point de réflexion porte sur la presse écrite, sujet sur lequel, vous le savez, le groupe UDF est particulièrement attentif car il considère que la presse est un élément d'équilibre de la démocratie.

Vous semblez vous acharner à ne pas entendre les patrons de presse qui vous disent avec force que la ventilation des aides ne prend pas en compte la réalité des contraintes de la PQR. Alors même que la presse quotidienne régionale plaide pour une double orientation de ces aides, voilà que, depuis trois ans - c'est-à-dire depuis que vous êtes ministre -, la PQR n'est éligible qu'à une part minime des aides à la presse, et sur un seul critère : les 50 millions de francs du développement du portage sur un budget cinq fois supérieur à son montant alors que, nous le savons bien, la PQR représente 50 % de la presse d'information générale et politique.

M. Patrice Martin-Lalande.

Eh oui !

M. Christian Kert.

Par ailleurs, vous savez que la presse nationale bénéficie d'une aide justifiée aux remboursements des fac-similés et que la PQR qui utilise la transmission par liaisons numériques ne perçoit aucune aide à ce titre.

L'ensemble de ces réserves, madame la ministre, fait, vous l'aurez compris, que nous voterons contre ce budget.

Néanmoins, nous allons nous retrouver pour condamner la manipulation intellectuelle qui a déformé à la fois vos propos, madame la ministre, les propos du rapporteur et nos propos quant au débat sur la diffusion des émissions religieuses sur les chaînes publiques. Il n'a jamais été question, dans votre esprit, comme dans le nôtre, de supprimer l'émission « Le Jour du Seigneur » le dimanche matin. Il était au contraire question d'apporter une plus grande latitude dans la diffusion des émissions religieuses.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Il est utile de le dire !

M. Christian Kert.

Comme, de toute façon, l'ensemble des intervenants à ce moment-là est convenu de ne rien changer au dispositif actuel, c'était donc faire un injuste procès au Gouvernement et à la représentation nationale.

Il fallait le dénoncer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Françaix.

Très bon rétablissement des faits !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

La situation le méritait !

M. le président.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques mots seulement sur la redevance audiovisuelle.

Actuellement, à part les invalides ou les mutilés, seulese n sont exonérées les personnes âgées d'au moins soixante-cinq ans percevant l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse, soit 2 078 francs par mois pour une personne seule.

Il est certes très légitime d'exonérer de la redevance les personnes âgées démunies. Notre société a en effet un devoir de solidarité envers ses anciens, d'autant que, pour


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eux, la télévision est souvent la seule fenêtre ouverte sur le monde extérieur. Mais, dans le même souci de justice sociale, il convient d'étendre cette exonération à d'autres personnes en difficulté même si elles sont âgées de moins de soixante-cinq ans, c'est-à-dire, à d'autres bénéficiaires des minima sociaux.

C'est le cas des chômeurs en fin de droits qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique ou des personnes qui bénéficient de l'allocation d'insertion.

C'est aussi le cas des RMistes, des personnes qui perçoivent l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation d'assurance veuvage ou encore l'allocation de parent isolé.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 veille à préserver l'accès des personnes en difficulté à la fourniture d'électricité, de gaz, d'eau et de téléphone et le maintien de cet accès. Or, pour beaucoup de ces personnes en difficulté, qui se retrouvent isolées de par leur situation et coupées de la vie sociale, la télévision est l'un des rares moyens de conserver un lien avec l'environnement extérieur, un contact avec la société. Il serait donc très légitime de ne pas limiter l'exonération de la redevance aux seuls titulaires de l'allocation supplémentaire vieillesse et de faire bénéficier aussi les autres allocataires de minima sociaux d'une exonération partielle ou totale de cette redevance.

En effet, comment une personne en difficulté, qui vit seulement avec l'allocation d'insertion - soit 1 741 francs par mois - ou un chômeur en fin de droits qui vit avec l'ASS - qui est de 2 472 francs par mois - ou un Rmiste - qui perçoit 2 502 francs par mois - auraient-ils les m oyens d'acquitter une redevance annuelle fixée à 751 francs pour un récepteur couleur pour l'année 2000 ? Et en quoi leurs maigres ressources sont-elles différentes de celles d'une personne âgée percevant l'allocation supplémentaire vieillesse, soit 2078 francs par mois ?

M. Laurent Dominati.

Bonne question !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

J'ai donc présenté un amendement au projet de loi de finances pour demander au Gouvernement de déposer avant le 30 juin 2000 un rapport relatif à l'assiette et au recouvrement de la redevance, actuellement réglementés par le décret modifié du 30 mars 1992. Ce rapport devrait porter en particulier sur l'extension des exonérations de redevance pour motifs sociaux et sur le chiffrage de ce coût étant entendu que ce manque à gagner devra être compensé à due concurrence par le budget de l'Etat pour ne pas pénaliser les radios et télévisions publiques qui sont financées par la redevance.

La règle doit être, bien évidemment, le remboursement intégral par l'Etat des exonérations de redevance. Ce principe avait d'ailleurs été annoncé au cours de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de communication, en mai 1999.

La reprise économique, on le sait, a amélioré sensiblement le rendement de la redevance audiovisuelle.

Celle-ci augmentera, en 2000, de 6 % en masse. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2000 intègre une partie, mais une partie seulement, comme l'a rappelé

M. Mathus, des excédents de redevance perçus en 1998, c'est-à-dire 138 millions de francs. Il serait très légitime que la totalité de ces excédents, laquelle s'élève à 276 mil lions de francs, soit intégrée. S'il en était ainsi, l'on pourrait financer plus facilement une extension des exonérations de redevance.

Tout ne sera sans doute pas possible d'emblée. S'il paraissait nécessaire, compte tenu du coût, d'avancer progressivement, par étapes, dans cette extension des exonérations, la priorité serait d'exonérer dès l'année 2000 les bénéficiaires de l'allocation d'insertion, qui étaient 17 500 en 1997, et les chômeurs en fin de droits qui reçoivent l'ASS, qui étaient au nombre de 475 000 cette même année.

Par ailleurs, il faut aussi moderniser et simplifier le mode de perception de la redevance.

Actuellement, tout détenteur d'un récepteur de télévision doit en faire la déclaration dans le délai de trente jours à compter de l'entrée en possession. Il serait très souhaitable d'en finir avec cette déclaration spéciale en insérant désormais cette obligation déclarative dans le formulaire de déclaration des revenus.

Désormais, ce formulaire pourrait comporter une case à cocher où l'on déclarerait si l'on possède ou non un récepteur de télévision.

Désormais aussi, le contrôle de cette obligation reviendrait aux agents chargés de contrôler l'impôt sur le revenu, et non plus aux agents du service de la redevance.

Ce service spécifique de la redevance employait l'an dernier 1 470 agents et son coût de gestion s'élevait déjà à environ 420 millions de francs en 1992, ce qui représente un coût élevé pour une efficacité réduite. La réforme proposée permettrait d'intégrer désormais les agents du service de la redevance aux services fiscaux généraux, où ils renforceraient utilement la lutte contre la vraie fraude fiscale.

Je voudrais, pour terminer, évoquer en particulier Radio France, étant très attaché, comme beaucoup de députés, à la modernisation et à la diversification du service public de radiodiffusion.

Radio France doit ouvrir de nouveaux chantiers : accélérer le passage au numérique et la mise en place des nouvelles technologies, agir à armes égales face aux radios privées concurrentes, développer le réseau de ses radios locales, arrêté dans son développement depuis dix ans, et enfin moderniser socialement l'entreprise, notamment par le passage aux 35 heures.

Pour mener à bien cette stratégie, Radio France a besoin de moyens à la hauteur de ses ambitions légitimes.

Or cette entreprise publique connaît des difficultés financières avec un résultat brut d'exploitation en déficit croissant depuis trois ans.

Pourtant, le projet de loi de finances pour 2000 qui augmente fortement et légitimement les ressources des télévisions publiques - France 2 et France 3 - prévoit seulement 63 millions de francs de crédits supplémentaires pour Radio France, ce qui lui permettra seulement de faire face aux ajustements et glissements de budget.

On estime, en effet, que le passage au numérique nécessiterait 99,5 millions de francs, la couverture du territoire par le réseau de radios locales, 24,5 millions, et la rénovation sociale, 15,5 millions. Enfin, on estime que les crédits nécessaires pour mieux affronter l'environnem ent concurrentiel s'élèveraient, pour leur part, à 49,5 millions de francs.

Pour l'an 2000, Radio France avait donc exprimé une demande de 190 millions de francs au-delà des mesures de simple reconduction. Elle obtient dans votre budget seulement 63 millions de francs de crédits supplémentaires, ce qui est manifestement trop peu.

Il doit être possible de trouver un moyen terme entre les 63 millions de francs obtenus et les 190 millions de francs demandés, notamment en soutenant l'amendement dont a parlé M. Mathus, qui permettrait d'intégrer au


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budget que vous nous proposez l'intégralité des excédents de redevances de 1998. Cet amendement recevra, bien sûr, mon soutien.

Madame la ministre, n'oubliez pas de soutenir financièrement les radios du service public, auxquelles les auditeurs et, parmi eux, les députés de la gauche plurielle, sont très attachés. Merci d'« écouter notre différence ».

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Cuvilliez.

Très bien.

M. le président.

La parole est à M. Olivier de Chazeaux, pour dix minutes.

M. Olivier de Chazeaux.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est évident que je ne partagerai pas la même satisfaction que celle que MM. les rapporteurs, ainsi que l'orateur qui m'a précédé, ont exprimée à cette tribune sur ce projet de budget. Je rejoindrai plutôt le discours de notre collègue Kert. A première vue, ce projet peut paraître séduisant, mais comme l'a très bien dit Christian Kert, il n'est en fait qu'un trompe-l'oeil, un véritable miroir aux alouettes.

A ce moment de cette discussion, deux questions se posent concernant le service public de l'audiovisuel. Ce budget lui permettra-t-il, d'abord, d'améliorer la qualité du service offert au public ? Lui donnera-t-il, ensuite, les moyens d'entrer dans l'ère de l'industrie audiovisuelle et de la société de l'information ? Il est clair que votre budget ne contribuera pas, loin s'en faut, à l'amélioration des programmes. Il ira principalement combler le manque à gagner dû à la baisse des recettes publicitaires. Nous savons tous ici, en effet, que l'évolution du marché publicitaire, l'audience actuelle des chaînes publiques et la limitation des durées autorisées rendent déjà totalement caduque la réalisation de l'objectif assigné à France 2 et à France 3. C'était déjà le cas l'année dernière et vous renouvelez la même erreur.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire, madame la ministre, de votre effet d'annonce concernant une supposée augmentation de 1,5 milliard de francs pour ce budget. D'abord, parce qu'il ne s'agit pas véritablement de 1,5 milliard, mais plutôt, comme l'a d'ailleurs relevé M. le rapporteur, de 883 millions. Ensuite, parce que, et c'est intéressant à relever, la ventilation de cette somme entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public est en fait inversement proportionnelle à la diffusion de programmes de service public ! Plus une société propose des émissions proches de celles du secteur privé, et plus elle est subventionnée. A l'inverse, plus une société se rapproche de sa mission de service public, tel que nous le concevons et tel que nous voulons le défendre, et moins elle est encouragée par l'affectation de moyens supplémentaires. C'est le monde à l'envers ! En tout cas, ce n'est pas ainsi que vous défendrez efficacement le service public de l'audiovisuel. Il y a donc beaucoup plus d'incohérence que de cohérence dans ce budget.

Deux exemples l'illustrent, dont le premier a d'ailleurs été fort bien mis en lumière par M. Schwartzenberg. Il s'agit de Radio France. Quand on lit votre projet de budget, madame la ministre, on croit constater une augmentation de 2,2 % de la dotation budgétaire. Mais comme notre collègue l'a fort justement dit, cette augmentation sera intégralement absorbée par le glissement social et les coûts de fonctionnement de Radio France.

Vous ne lui donnez donc pas les moyens d'assurer le développement de son activité et de son industrie. En fait, vous continuez à condamner cette radio, pourtant essentielle au service public audiovisuel. Comment, dans ces conditions, pourrions-nous vous soutenir ?

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. Olivier de Chazeaux.

Pour prendre un deuxième exemple, celui de la presse quotidienne régionale, je ne peux, là encore, que m'associer aux propos tenus par Christian Kert. Pour la troisième année consécutive, en effet, la PQR ne bénéficiera que d'une part minime des aides à la presse, 50 millions de francs au titre du fonds de développement du portage. Une fois de plus, vous niez la réalité économique locale en ne soutenant pas la presse quotidienne régionale.

M. Laurent Dominati. Absolument ! M. Olivier de Chazeaux. Comme vous l'a très bien rappelé tout à l'heure Christian Kert, cette presse locale joue pourtant un rôle essentiel pour la défense de la liberté d'information. C'est pourquoi il est très important de la soutenir.

M. Patrice Martin-Lalande. Très juste ! M. Olivier de Chazeaux. J'ai aussi noté avec intérêt, madame la ministre, lors de la présentation à la presse de votre projet de budget, que si vous avez ignoré cette presse quotidienne régionale, vous avez, en revanche, mis en avant le soutien que vous apportiez à L'Humanité.

J'en suis heureux pour ce journal,...

M. Daniel Paul. Un très bon journal ! M. Olivier de Chazeaux. ... car après tout, les vestiges historiques doivent bien être sauvegardés, mais je ne crois pas que ce soit ainsi, madame la ministre, que vous aiderez au développement de cette liberté d'information à laquelle nous sommes tous très attachés.

Enfin, votre budget ne tient pas compte des propres contraintes de la politique gouvernementale dans son ensemble. Comment en effet ne pas s'interroger, à l'heure d es grèves du service public audiovisuel, sur les 35 heures ? M. Laurent Dominati. Bien sûr !

M. Olivier de Chazeaux.

Votre gouvernement a défendu avec acharnement ce projet des 35 heures, mais on s'aperçoit aujourd'hui, en lisant votre budget, qu'elles ne sont pas financées, et c'est bien ce qui motive les grèves dans le service public audiovisuel. Nous ne pouvons que le déplorer.

En fait, votre projet de budget, c'est une prime donnée à la facilité : nous ne pouvons l'accepter. Je crois, madame la ministre, que le temps est venu de faire preuve d'un certain courage politique, et de dire qu'aucune réforme de l'audiovisuel ne pourra se faire sans une vision industrielle de son développement.

M. Michel Herbillon. Absolument ! M. Olivier de Chazeaux. Dès lors que vous créez une holding, il faut la doter d'un capital, lui donner les moyens de financer son développement. Nous pourrions d'ailleurs discuter longtemps sur le mode d'élaboration des budgets. Il faudra bien un jour vous orienter vers une véritable logique d'entreprise. Or ce budget pour 2000 ignore totalement ce point. Vous n'avez pas de vision stratégique fondée sur le développement industriel de l'audiovisuel, alors que les crédits supplémentaires auraient dû permettre une modernisation technologique du service public.

V ous êtes dramatiquement muette, madame la ministre, sur le numérique. Pendant ce temps, la GrandeBretagne lance un vaste programme, doté des fonds nécessaires. Alors que le président de France Télévision


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s'engage déjà sur le numérique terrestre, sans attendre la deuxième lecture de votre projet de loi sur l'audiovisuel, vous êtes déjà en retard. Autrement dit, l'économie précède la politique, alors que ce devrait être l'inverse. Malheureusement, vous êtes toujours enfermée dans une vision archaïque.

Ne pourrait-on envisager de doter l'industrie audiovisuelle de fonds propres, dont elle manque cruellement ? Pour ce faire, on pourrait essayer de revoir les mécanismes d'aide aux entreprises, afin de favoriser leur diversification et l'essor de leur cash flow. Votre budget ne le permet pas. Pourquoi les sociétés audiovisuelles ne disposeraient-elles pas, sous l'égide de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, d'un fonds d'aide à l'exportation ? Il faut, mes chers collègues, sortir du schéma paralysant qui veut que les aides aillent principalement à la diffusion, voire à l'assistance culturelle. Plus vite nous entrerons dans la logique industrielle, plus facilement nous pourrons nous affranchir d'un système empêtré dans les luttes d'influence qui caractérisent certains milieux du cinéma ou de la culture. L'exportation de nos programmes audiovisuels doit être notre nouvelle terre de mission.

De même, nous ne devons pas faire l'impasse sur les rapports entre le service public audiovisuel et le développement d'Internet. Il est incontestable que la télévision et la radio de demain sont indissolublement liées à l'Internet.

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout à fait !

M. Olivier de Chazeaux.

Personne ne peut affirmer, à l'heure qu'il est, que les chaînes ne se transformeront pas finalement en de véritables portails vers le Net, ou que l'écoute de la radio ne se fera pas principalement par le téléphone portable. Ce qui est certain, c'est que les entreprises du secteur concurrentiel ont d'ores et déjà saisi les potentialités de cette convergence, pendant que les entreprises du secteur public sont contraintes à des économies de bout de chandelle pour financer leur développement.

Vous êtes en train de faire l'audiovisuel dont vous rêviez dans les années 80, alors que tout l'enjeu repose sur l'anticipation des attentes du public et l'avancée des technologies.

M. Edouard Landrain.

Eh oui !

M. Patrice Martin-Lalande.

Très juste !

M. Olivier de Chazeaux.

Là où vous faites preuve de suivisme nous voulons faire preuve d'anticipation. Dans un monde qui bouge, ce budget fait terriblement l'impasse sur le numérique, madame la ministre, comme sur l'aide à l'exportation de programmes, le développement des start up audiovisuels et la mise à niveau technologique pour entrer dans la société de l'information. C'est pour toutes ces raisons que le groupe RPR ne peut pas voter ce budget, témoin d'un archaïsme coupable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Cuvilliez, pour dix minutes.

M. Christian Cuvilliez.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de la communication s'inscrit dans un contexte marqué par de fortes turbulences sur le plan social dans l'ensemble du secteur de l'audiovisuel public. Je m'étonne d'ailleurs que nous ayons été, jusqu'à présent, si peu nombreux à le souligner.

Des tensions fortes existent à l'Agence France Presse sur les enjeux et les conditions de son développement, j'y reviendrai. Un mouvement de grève a touché France Culture, mardi 9 novembre, motivé par les inquiétudes relatives au devenir et à l'identité de la chaîne après la refonte de sa grille de programmes. Mardi 16, c'est à propos de la réduction du temps de travail et du devenir de la convention collective de l'audiovisuel qu'un autre mouvement de grève a été déclenché à l'initiative de neuf organisations syndicales à France 2, France 3, Radio France outre-mer, Radio France Internationale, l'INA, la Sept-Arte. Tout le monde est dans le mouvement. Nous sommes d'ailleurs actuellement privés de relais pour la retransmission de nos séances. Le conflit porte essentiellement sur l'évolution du nombre des emplois et sur la formation nécessaire pour répondre aux enjeux du numérique et du développement du service public dans le cadre de la RTT. Peut-être, madame la ministre, nous donnerez-vous quelques éclaircissements à ce propos.

Quoi qu'il en soit, en mai dernier, au terme de la discussion du projet de loi relatif à la liberté de communication, nous soulignions dans notre explication de vote notre accord avec les objectifs d'un texte destiné à relancer et à renforcer le service public et à soutenir la production audiovisuelle. Nous exprimions en même temps notre souhait de voir le Gouvernement traduire ces orientations dans sa stratégie financière concernant le secteur public de la communication audiovisuelle, notamment pour ce qui est du remboursement des exonérations de redevance.

Nous prenons donc acte des trois objectifs que vous retenez dans le budget de la communication pour l'an prochain : l'augmentation des moyens, toutes sources de financement confondues ; la réaffirmation des missions de service public ; et enfin, le respect des engagements pris lors de la discussion du projet de loi en première lecture.

Je ne m'attarderai pas sur la question des moyens puisque Didier Mathus a déjà mentionné, dans son rapport écrit comme dans son exposé, les grandes caractéristiques de l'évolution du budget. Une augmentation de 883 millions de francs, soit de 4,8 % contre 2,6 % en 1999, cela traduit une progression indiscutable, qui obéit à une logique déterminée par la loi. L'augmentation des moyens concerne les autres sociétés du secteur public audiovisuel, dont la Sept-Arte et La Cinquième, même si je note au passage, comme notre collègue Kert, que nos partenaires allemands paraissent assez peu disposés à entrer dans la holding France Télévision. S'agit-il d'un problème juridique, d'un problème financier ou d'un p roblème politique ? Peut-être nous le direz-vous, madame la ministre.

Cette augmentation concerne également Radio France outre-mer, avec un soutien à l'effort de redressement financier qui devrait permettre de réduire de moitié les déficits d'exploitation constatés cette année. Elle concerne Radio France, dont les moyens, même insuffisants, auront sur deux ans connu une augmentation de 182 millions de francs, et qui devrait bénéficier en l'an 2000 d'une mesure nouvelle liée à la numérisation. Elle concerne même RFI ; et là, je ne partage pas tout à fait l'avis du rapporteur, car je me réjouis que ses efforts de rationalisation soient reconnus par une augmentation significative de son budget.

S'agissant du second objectif affiché par le projet de budget, je note une première étape dans le rééquilibrage de la structure de financement du secteur public audiovisuel, avec une forte majoration des recettes publiques.

Cela répond à une attente qui était exprimée par le


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groupe communiste. La baisse programmée de la durée de la publicité sur France 2 se traduira par une diminution des recettes publicitaires. La part des ressources publiques dans le financement global de l'audiovisuel atteindra donc en 2000 74 %, contre environ 69 % cette année. Du point de vue de la structuration du secteur public de l'audiovisuel, c'est une tendance que nous ne pouvons qu'approuver.

On observe aussi, c'est le troisième objectif du budget, le respect des engagements pris lors de l'examen par notre assemblée du projet de loi relatif à la liberté de communication concernant le renforcement des moyens du secteur public audiovisuel et la mise en oeuvre anticipée de la réduction de la publicité dès le 1er janvier 2000 - avant même, donc, l'examen par le Sénat du texte et son vote en seconde lecture. Nous approuvons, comme nous l'avons fait en mai dernier, le choix de ne faire peser le coût de la réforme budgétaire ni sur la redevance, qui évolue normalement en fonction de l'inflation, ni sur une contribution spécifique qui aurait été instaurée pour la circonstance et qui aurait été fort mal perçue par les contribuables.

Nous notons enfin votre volonté, madame la ministre - conforme, là encore, aux engagements pris lors du vote de la loi - d'inscrire votre budget dans la perspective d'un remboursement intégral, en 2001, des exonérations de redevance...

M. Michel Françaix.

Très bien !

M. Christian Cuvilliez.

... les crédits budgétaires ouverts pour compenser ces exonérations passant de 120 millions à 881 millions dès cette année. Nous souscrivons d'ailleurs à l'avis exprimé par M. le rapporteur comme par M. Schwartzenberg, qui ont souhaité voir s'y ajouter des excédents 1998 et 1999 dans la loi de finances rectificative.

Restent donc, au-delà des données budgétaires, des interrogations sur l'examen des bilans des entreprises. Là aussi, je passerai rapidement, car ce sujet a été évoqué avant moi. Il est vrai que la question se pose de savoir s'il ne faudrait pas établir les budgets de l'Etat sur la base de l'examen des comptes d'exploitation des différentes sociétés.

L'équipement numérique va imposer aux entreprises des efforts d'adaptation : nécessité donc, de ce côté aussi, de répondre aux enjeux technologiques et aux besoins de formation, je l'ai évoqué rapidement tout à l'heure. Mais il faut noter que le décret no 98-493 du 22 juin 1998 prévoit, et c'est là une disposition générique néfaste à mon avis, que les aides publiques pour la mise en oeuvre des 35 heures ne sont pas versées aux sociétés de service public. On peut s'interroger sur les raisons d'un tel décret, qui défavorise le secteur public de manière générale et qui, dans l'audiovisuel en particulier, handicape France Télévision par rapport à TF1 ou M6 par exemple.

Envisagez-vous des corrections, madame la ministre ? Il le faudrait, en tout cas, pour que le passage aux 35 heures soit un passage dynamique, avec création d'emplois permanents et plans accélérés de formation aux nouvelles technologies de communication.

J'évoquerai aussi le cas de l'INA, car c'est une question qui nous préoccupe beaucoup. La création d'emplois a d'emblée été exclue par la nouvelle direction, les négociations engagées devant déboucher sur un accord prévoyant seulement le maintien des effectifs. En mai dernier, nous avions l'impression d'avoir été entendus lorsque nous réclamions le respect des missions de l'INA en matière de production et de recherche. Nous craignons aujourd'hui qu'un tel cadre fixé à la négociation, en même temps que la simple reconduction en l'état du budget prévu pour l'INA, ne traduisent un manque d'ambition pour le développement de cette entreprise. Une entreprise dont les missions, selon nous - et c'est d'ailleurs aussi l'avis des personnels -, ne se limitent pas à la conservation d'un patrimoine, et qui est confrontée, elle aussi, aux enjeux des nouvelles technologies.

S'agissant de l'Agence France Presse, à laquelle j'ai fait allusion tout à l'heure, vous vous rappelez, madame la ministre, que je vous ai fait part, le 27 octobre dernier, avec mes collègues parlementaires de la majorité plurielle, de nos inquiétudes quant à son devenir et à son développement, et ce au moment où M. Eric Giuily, son président directeur général, s'apprête à soumettre à son conseil d'administration un plan de restructuration. Nous en avons parlé, mais ce que nous en avons dit doit être, je crois, suivi de mesures, ou plutôt de dispositions légales. Car comme je l'ai souligné, le statut de l'AFP étant défini par une loi, celle de 1957, il convient de veiller au respect de la voie parlementaire pour toute mise en oeuvre de sa modification, même à travers le plan de développement de l'Agence. Dans le même temps, nous préconisons, ce qui ne semble pas être le cas actuellement, la recherche du dialogue social dans l'entreprise, le respect des personnels, leur information, leur consultation. Et naturellement, nous nous interrogeons sur les moyens d'investissement que l'on peut envisager pour moderniser l'Agence. Ces moyens ne sont pas nécessairement, c'est ce que vous nous avez dit, des crédits de l'Etat sous forme de dotations supplémentaires. Vous nous avez apporté des réponses positives à nos interrogations sur la démarche. Je crois qu'il faut la mettre en oeuvre, au moment où j'apprends qu'une rencontre interministérielle doit se tenir aujourd'hui même sur ce sujet.

J'espère que cette rencontre ne remettra pas en question les dispositions dont nous avions parlé.

Au sein de Radio France, la nouvelle grille de France Culture semble traduire une gestion qui s'apparente plus au marketing et à la recherche de rentabilité qu'au respect des missions de service public. Voilà encore une question sur laquelle nous aimerions avoir votre avis.

Et puis, pour faire vite, puisque le temps nous fait défaut, je voudrais dire quelques mots sur les aides à la presse.

M. Olivier de Chazeaux.

Bien sûr ! M. Cuvilliez est content, lui !

M. Christian Cuvilliez.

Le budget qui nous est présenté traduit un véritable effort pour aller vers le doublement des aides à la presse à faibles ressources publicitaires.

Quant au fonds de modernisation instauré, grâce à l'initiative parlementaire, par la création d'une taxe sur le hors-média, nous souhaiterions que ses objectifs soient plus clairement réaffirmés. Il doit assurer le soutien de projets allant dans le sens de l'élargissement du pluralisme. Nous souhaiterions, par ailleurs, avoir des précisions sur la gestion du fonds et les retards constatés en matière d'études des dossiers, ces retards risquant d'aggraver la situation de titres en proie à une situation financière critique et dont les besoins sont les plus urgents.

M. Olivier de Chazeaux.

Lesquels ?

M. Christian Cuvilliez.

En conclusion, madame la ministre, au moment où la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce s'apprête à discuter à Seattle du contenu des négociations du cycle du millénaire et où la communication audiovisuelle comme


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la culture viennent d'être reconnues comme éléments constitutifs de la diversité culturelle - vous avez employé l'expression, et vous l'avez justifiée - à préserver, il nous appartient de donner à la presse, comme au secteur public de la communication, les moyens de relever les défis d'une concurrence internationale accrue.

Le groupe communiste, et c'est là le sens de notre vote favorable, prend acte de l'ensemble des points positifs que comporte le projet de budget de la communication et restera un partenaire attentif pour tout ce qui concerne les évolutions à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Françaix, pour dix minutes.

M. Michel Françaix.

Ce budget est particulièrement satisfaisant, parce qu'il apporte au secteur public des moyens, toutes sources de financement confondues, en forte progression, et qu'il prévoit une structure de financement plus conforme aux missions du service public, en permettant une baisse sensible de la publicité, que nousr echerchions depuis de nombreuses années. Mais, madame la ministre, et c'est peut-être là que vous étiez la plus attendue et où les critiques étaient les plus féroces, il permet aussi le respect des engagements pris dans le cadre du projet de loi sur l'audiovisuel.

Oui, le budget du secteur public est en forte progression : près de 5 % ! Oui, c'est le meilleur taux de progression depuis bien longtemps : 8 % pour France 2, plus de 5 % pour France 3. Oui, c'est un budget qui n'oublie pas les autres sociétés du secteur public, puisque le budget de La Sept-Arte progresse de 3,7 %, celui de la Cinquième de 3,1 %, celui de RFO de plus de 3,5 % et celui de Radio France de 2,2 %. Nous soutiendrons cependant l'amendement qui a été annoncé par nos collègues rapporteurs, à condition que l'on se rappelle bien que Radio France, contrairement aux chaînes de télévision, n'a pas à subir l'augmentation, par exemple, des droits sportifs.

Oui, il s'agit d'un budget qui met en oeuvre une première étape dans le rééquilibrage de la structure de financement du secteur audiovisuel public : forte majoration des ressources publiques, diminution des recettes publicitaires de France 2 et France 3, comme nous le souhaitions, avec un abaissement de douze à dix minutes par heure de la publicité et la fixation à huit minutes puis, je l'espère bien, à quatre minutes en 2001, de la durée maximale des écrans.

On constate aussi que les ressources publiques sont enfin majoritaires pour la première fois dans le financement de France 2 - 60 % en 2000 - et de France 3 66 % : Tout cela va dans le bon sens. Mais il faudrait sans doute aller plus ploin si l'on ne veut pas que les espaces publicitaires imposent leur rythme et leurs contraintes à l'ensemble des grilles de programmes.

Enfin, et c'est du jamais vu, il faut rappeler le niveau des crédits budgétaires destinés à rembourser des exonérations de redevance audiovisuelle - 900 millions de francs -, ce qui rend pour la première fois crédible un remboursement intégral en 2001, comme le prévoit le projet de loi sur l'audiovisuel. La charge de ce remboursement intégral s'élève à environ 2,6 milliards pour le budget général de l'Etat et procure au secteur public de l'audiovisuel une marge de développement de l'ordre de 200 millions de francs, car le remboursement des exonérations de redevance sera supérieur de 200 millions de francs à la baisse prévisionnelle des recettes publicitaires de France 2 et de France 3.

Ce budget correspond à nos attentes et, d'ailleurs, il laisse presque sans voix nos collègues de l'opposition...

M. Michel Herbillon.

Oh !

M. Michel Françaix.

... qui, lorsqu'ils en parlent en privé avec nous, disent que ce n'est pas un si mauvais budget que cela ; ils l'ont au demeurant reconnu à plusieurs reprises en commission. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Michel Herbillon.

Vous prenez vos désirs pour des réalités !

M. Michel Françaix.

Mes désirs ne sont pas loin de se traduire dans la réalité ! Il ne faut cependant pas se cacher les difficultés à venir : les perspectives de développement de l'AFP, le coût du financement des 35 heures dans le service public, la place des télévisions locales dans l'univers audiovisuel, l'avenir du numérique hertzien et les problèmes posés par Internet, qui nous concernent tous.

M. Michel Herbillon.

Tout à fait !

M. Michel Françaix.

Vous me permettrez donc, madame la ministre, d'être un peu hors sujet ou d'anticiper sur les sujets de demain, puisque vous avez réglé ceux d'aujourd'hui. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous auriez bien aimé pouvoir dire cela en d'autres temps, messieurs de l'opposition ! La révolution du numérique et l'ébriété technologiques emblent paralyser les intelligences et conduisent à l'obsession du plus rien comme avant.

Internet s'épanouit au point de rencontre de trois mutations décisives, celles de l'informatique, des télécommunications et de l'audiovisuel, et nous fait passer sans transition d'une économie de pénurie à une économie d'abondance.

Dans ces conditions, comment relever le défi ? Célébrons les vertus de la concurrence, oui, mais à condition que soit posée une forte limite au règne du marché, à savoir le respect des politiques publiques, pour imposer les exigences du long terme aux myopies du court terme.

Rappelons, s'il faut se justifier, le rôle du budget fédéral, qui est à l'origine d'Internet aux Etats-Unis.

Quant aux contenus, ils ont besoin de lois, de celles qui défendent les citoyens contre les méfaits d'une liberté sans frein. Et pas seulement pour réagir par de légitimes quotas au dumping d'une sous-culture américaine déjà amortie quand elle s'exporte, pas seulement pour protéger les droits d'auteur, gage de la naissance d'oeuvres nouvelles et de l'éthique d'une civilisation, mais tout simplem ent pour faciliter la création, sans laquelle c'est l'ensemble de la société mondiale qui s'appauvrit. Si la mondialisation des communications est inévitable, l'uniformisation des cultures n'est pas une fatalité ; l'universalité ne doit pas tuer la diversité.

Ceux qui font le nouveau monde de la communication aiment évoquer la vitesse des flux d'information et des transactions, qui deviennent de plus en plus rapides, et ils ont raison quand ils pensent à la circulation de l'information et à la rotation des produits.

Mais la logique de la vitesse de circulation et du profit maximal à court terme me paraît incompatible avec l'idée de culture. De même que l'on peut parler anglais avec


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

300 mots, on peut aller vers un monde libéralisé où ne s'échangeront plus qu'un certain nombre de biens culturels, limités à la reproduction de quelques modèles. Or l'intérêt de la vie culturelle et artistique, c'est sa diversité.

D'ailleurs, comme le rappelait Pierre Bourdieu (Exclamations et rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)... Ce n'est pas une mauvaise lecture !

M. Olivier de Chazeaux.

Il n'y a plus que Bourdieu ?

M. Michel Françaix.

Il n'y a pas non plus de bon Dieu : je sais ! Comme le rappelait Pierre Bourdieu, disais-je, on ne comprend vraiment ce que signifie la réduction de la culture à l'état de produit commercial que si l'on se rappelle comment se sont constitués les univers des oeuvres que nous considérons comme universelles : les ouvrages de littérature devenus classiques et les films conservés dans les cinémathèques sont le produit d'univers sociaux qui se sont constitués peu à peu, en s'affranchissant des lois du monde ordinaire, en particulier de la logique du profit.

Q uand les conditions écologiques de l'art sont détruites, l'art et la culture ne tardent pas à mourir.

C'est pourquoi il nous faut une loi sur la société de l'information fondée sur une volonté de réguler l'Internet, à contre-courant du laisser-faire et des espoirs plus ou moins fumeux d'autorégulation. Cette loi doit viser à régler tout à la fois les problèmes de protection du consommateur sur Internet - sécurité et transparence -, les accrocs en matière de droits d'auteur, de piratage et de c ontrefaçon, et la confidentialité des échanges des citoyens.

Il faudrait veiller aussi à ce que les entreprises qui interviennent sur Internet contribuent à créer des formes nouvelles ancrées dans l'identité culturelle.

Nous le savons, la transposition sur les nouveaux réseaux des techniques actuelles de régulation ne sera pas facile. C'est pourquoi il faut réfléchir à un code de principes sur les échanges intellectuels et culturels. Ne soyons pas protectionnistes, mais plaidons pour une organisation mondiale structurée.

C'est à ce prix que cet excellent budget (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)...

M. Olivier de Chazeaux.

Vous en faites beaucoup !

M. Michel Françaix.

... permettra de s'opposer à l'uniformité des esprits qui conduit à la prédominance du marché sur la culture, de la technique sur la communication, du commerce sur la pensée.

Je sais, madame la ministre, que, tout comme moi, vous voyez là une nécessité vitale, c'est-à-dire un devoir civique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Très belle formule !

M. le président.

La parole est à M. Laurent Dominati.

M. Laurent Dominati.

Je croyais que nous étions venus pour expédier un budget de transition, un budget « excellent », si j'en crois les propos lyriques de l'orateur précédent, ou plutôt un budget en trompe-l'oeil, comme je le crois, et comme l'ont défini plusieurs de nos collègues de l'opposition, Christian Kert et Olivier de Chazeaux, notamment. Et je m'étonnais que, au moment où France Télévision vit une crise profonde, on puisse se satisfaire d'un mini-débat et que les rapporteurs ne fassent pas allusion à cette situation révélatrice.

C'est vrai, on pourrait utiliser de nombreux qualificatifs à propos de ce budget : bon, excellent, en trompel'oeil, faux. C'est qu'il assure, en quelque sorte, une transition avant la future loi. Il est en tout cas confus dans les chiffres, et c'est finalement un budget révélateur de la réalité des ressources publiques et de l'impasse dans laquelle vous conduisez le service public. Je le répète à nouveau : vous avez mal défini le cadre législatif et la réflexion gouvernementale concernant l'avenir du service public et du secteur public de l'audiovisuel.

Ce budget révèle les vraies ressources et les vrais besoins de financement du secteur public. Car si vos amis vous glorifient, madame le ministre, d'avoir obtenu 1,5 milliard de francs de Bercy, ils oublient de faire le décompte de toutes les charges supplémentaires, qui réduisent au fur et à mesure ce cadeau.

Ce budget augmente de 883 millions de francs, mais l'essentiel vient d'un excédent de redevance pour 1998. Il aurait pourtant été logique de donner tout l'excédent.

Quant au remboursement des exonérations de redevance pour l'année prochaine, soit 900 millions de francs, il est inférieur à ce que vous aviez annoncé lors de la discussion du projet de loi. Vous aviez dit que ce remboursement atteindrait la moitié mais, d'après le rapport de notre collègue Mathus, il n'est que de 36 %. Enfin, on s'aperçoit, avec le budget actuel, de la réalité du budget d'hier. On voit que certaines ressources augmentent d'un pourcentage faramineux, notamment les ressources du budget de l'Etat, les dotations budgétaires ou le remb oursement des exonérations de redevance : 53 %, 100 %, 600 %. Mais pourquoi ? Lorsqu'on examine le montant du remboursement des exonérations de redevance par l'Etat, on s'aperçoit qu'il était supérieur en 1995 à ce qu'il est aujourd'hui : 1,5 milliard de francs. Tout simplement, vous aviez fortement réduit ces exonérations l'année dernière et, aujourd'hui, l'augmentation est évidemment beaucoup plus forte. Cela signifie en réalité que les ressources des télévisions publiques sont de plus en plus dans la main du Gouvernement et qu'elles dépendent de plus en plus du ministre des finances et du ministre de la communication. La réalité, c'est que votre politique conduit France Télévision à être de plus en plus dépendante du Gouvernement, en fonction des ressources que celui-ci lui accorde.

J'ajoute que les besoins de France Télévision seront, à périmètre constant, de plus en plus importants. Regardons encore une fois la gestion passée et penchons-nous sur les rapports de nos collègues parlementaires.

France Télévision est maintenant en situation de déficit structurel. L'augmentation de ressources que vous accordez compensera par conséquent à peine en deux ans les déficits cumulés de 1998, 1999 et probablement de l'an 2000. Monsieur Françaix, France Télévision n'aura pas un déficit de 180 millions de francs, d'après les chiffres dont je dispose, mais de 160 millions de francs à France 2 plus 120 millions de francs à France 3, soit 280 millions de francs, même en anticipant sur un collectif budgétaire qui accorderait des ressources supplémentaires. Actuellement, on peut prévoir pour France


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Télévision un besoin de recapitalisation et de remboursement du déficit qui dépasse largement les chiffres que vous avez indiqués.

On constate en fait une véritable crise, très bien illustrée par la grève : crise du personnel, crise de la direction, crise concernant la stabilité des ressources financières, crise d'identité ; car, mes chers collègues, ne croyez pas que, parce que les ressources publicitaires et commerciales de France Télévision ont diminué, la dépendance à l'égard de la publicité a diminué du même coup. Non : la part des recettes publicitaires n'est pas inférieure en 2000 à ce qu'elle était en 1996 car, comme l'a fait remarquer mon collègue Baguet, elle sera de 21 %, contre 20 % en 1996. Et si vous voyez une différence dans ce que vous appelez la dépendance commerciale de France Télévision entre aujourd'hui et hier, c'est que vous avez de très bons yeux ! En réalité, la dépendance commerciale est la même, et la dépendance à l'égard du Gouvernement et de l'Etat est plus grande. Et tout cela, madame la ministre, parce que, bien que vous ayez obtenu le milliard que vous attendiez de Bercy, votre conception du secteur public de la télévision, de ses missions, des relations entre les personnels et la direction de la télévision n'a pas été modifiée comme l'exigerait la société actuelle.

J'en veux pour preuve la fusion entre Arte et La Cinquième, le projet de France Télévision et les relations entre les chaînes publiques. Quel est le résultat de la coll aboration entre Arte, La Cinquième, France 2 et France 3 ? Cinquante-cinq heures de programmes documentaires financés en commun par Arte et France Télévision, c'est-à-dire quasiment rien par rapport à la masse des programmes diffusés par l'ensemble des chaînes qui relèvent de la puissance publique. Ce symbole montre à quel point la synergie tant attendue, le prétendu renforcement du secteur public est un leurre, à quel point le système ne fonctionne pas.

M. Michel Françaix.

Vous voterez donc la prochaine loi ?

M. Laurent Dominati.

Avant cette loi, mon cher collègue, et c'est d'ailleurs ce qu'ont fait la Cinquième et Arte, rien n'interdit la collaboration entre les chaînes publiques. Je m'étonne au demeurant de votre réflexion, car tous les parlementaires, de toutes tendances, ont demandé que les chaînes publiques puissent collaborer de façon plus étroite. Cela n'est toujours pas le cas car vous savez comme moi que les directions des télévisions publiques sont mal assurées, qu'il y a une certaine concurrence entre différentes chapelles et que les personnels sont mal associés aux projets de développement.

D'où ma proposition, non d'un libéralisme sauvage, mais de faire par exemple participer le personnel au capital de France Télévision, et vous pourriez commencer à mettre en oeuvre cette idée. Cela vous permettrait de répondre plus franchement en ce qui concerne l'association des personnels et la définition des missions de service public, qui vous est demandée par la Commission de Bruxelles.

En fait, vous n'avez pas de vision pour l'avenir. Le président de France Télévision a nommé un directeur pour le développement des télévisions numériques et le développement de France Télévision dans les nouveaux médias, mais pas un franc n'est prévu ! Ce que disait Olivier de Chazeaux est parfaitement exact : il n'y a aucune réflexion pour prévoir ce que sera le secteur public de la télévision dans l'avenir. Je rappelle qu'une nouvelle chaîne d'information s'est créée il y a quelques semaines, mais elle n'est pas publique : c'est Canal Plus ! Une chaîne de l'emploi fonctionne depuis maintenant presque deux ans, mais c'est une chaîne privée ! Vous n'avez aucune réflexion de fond sur ce que doit être le secteur public de l'audiovisuel. Pour ma part, je maintiens que l'Etat, en dispersant ainsi ses ressources, sans avoir de ligne directrice, sans remettre en question la politique menée un peu au hasard par les différents gouvernements depuis quelques années, n'a aucune chance de maintenir un secteur public fort et respecté dans notre pays. Je resterai, quant à moi, avec mes collègues, le dernier défenseur d'un véritable secteur public. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Mais cette absence de remise en cause de la télévision publique est en réalité due à une très mauvaise compréhension de la nouvelle société de l'information. M. Françaix a également parlé des efforts que le Gouvernement est censé faire en faveur de la modernisation de la presse.

La presse parisienne a été considérablement aidée par un plan de modernisation, et notamment par vos prédécesseurs, madame la ministre ; mais la presse quotidienne régionale attend toujours.

Nous avons voté, à l'unanimité, une taxe visant à alimenter le fonds de modernisation de la presse. Qui distribue ces fonds ? Vous, madame la ministre.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Non !

M. Laurent Dominati.

C'est vous, si j'en crois les rapports de mes collègues parlementaires, mais si, ce n'est pas vous, il est très intéressant de le savoir. D'après ce que je sais une commission est consultée pour avis, mais c'est vous qui décidez. Cette décision relève d'une certaine forme d'arbitraire que j'avais dénoncée lorsque nous avons décidé la création de cette taxe. Mais le plus inquiétant, c'est que les entreprises de la presse quotidienne régionale n'ont toujours rien reçu, ou quasiment rien, après deux ans et demi ; on peut commencer à s'en étonner.

M. Le Guen, rapporteur spécial, a parlé des NMPP et mon collègue Cuvilliez a évoqué la situation de l'AFP.

Mais nous n'avons obtenu aucune réponse du Gouvernement et nous avons le sentiment d'une hésitation constante. En ce qui concerne l'AFP, par exemple, un plan avait été élaboré en catimini par le président actuel.

Il y a quelques jours, vous avez annoncé, à la satisfaction du personnel et des parlementaires, qu'un projet de loi serait déposé, car seule une loi peut toucher au statut de l'AFP. Mais c'était nouveau de la part du Gouvernement.

Vous auriez dû faire l'inverse, annoncer un projet de loi et demander ensuite au président de l'AFP de présenter un plan.

S'agissant de la nouvelle société de l'information, vous n'avez pas réalisé à quel point le monde avait changé : Internet, la télévision et l'ordinateur sont étroitement imbriqués. Vous pouvez ainsi, sur le câble parisien, écouter, grâce à Internet, les radios du monde entier. Et demain vous pourrez regarder les télévisions du monde entier en définition numérique.

M. Patrice Martin-Lalande.

Tout à fait !

M. le président.

Je vous prie de conclure, monsieur Dominati.

M. Laurent Dominati.

Je termine, monsieur le président.

Madame la ministre, je vous poserai simplement quelques questions traduisant la situation dans laquelle nous sommes, en dépit du milliard supplémentaire dépensé en faveur de France Télévision.


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Quelles indications avez-vous donné aux dirigeants de l'audiovisuel public en ce qui concerne les conventions collectives ? Q uelles indications leur avez-vous données pour l'application des trente-cinq heures dans les entreprises publiques ? Quelles indications leur avez-vous données quant au développement de la télévision numérique et quel est votre conception s'agissant des ressources du secteur public et de sa nécessaire recapitalisation, qui doit intervenir dans un proche avenir ? Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, il est hors de question pour nous de voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles.

Monsieur le président, madame la ministre, je m'exprimerai en mon nom et au nom de mon collègue Henri Plagnol.

J'interviendrai plus particulièrement sur le thème de la radio publique. Avec une augmentation de son budget de 2,2 %, Radio France fait figure de parent pauvre dans le budget de l'audiovisuel, si on la compare à l'augmentation globale du budget de la communication, qui atteint 4,8 %. J'ai cru comprendre d'ailleurs que le rapporteur n'était pas loin de faire la même analyse.

Radio France va donc connaître des difficultés, car à la veille du troisième millénaire, la radio publique doit faire face à un certain nombre de défis.

Premier défi : le passage au numérique. Radio France a pris du retard dans la prise en compte des nouvelles technologies liées au numérique. Ce retard doit être rattrapé à un rythme soutenu, en raison des positions déjà prises par la concurrence, en particulier par Europe 1.

Cet effort est devenu urgent, et l'entreprise doit mettre en place un plan de mise à niveau portant sur la numérisation des outils de production et sur la construction de systèmes d'information reliant les différentes entités de la société.

De la numérisation de l'outil et des plates-formes dépendra la capacité, pour Radio France, dans les toutes prochaines années, de développer des gammes de nouveaux produits et services liés à la radio, Internet en particulier.

Deuxième défi : la prise en compte de l'environnement concurrentiel. Dans cet environnement, Radio France est pénalisée, et donc vulnérable, sur trois points : l'insuffisance de ses moyens affectés à l'étude des attentes des publics ; l'enrichissement qualitatif de son offre ; l'étroitesse de ses moyens promotionnels.

Les moyens affectés à l'étude des publics sont très majoritairement absorbés par le contrat liant Radio France à Médiamétrie. Cette fourniture, indispensable, ne répond que partiellement aux besoins des 53 radios publiques. Des études qualitatives s'imposent pour affiner la connaissance des publics, donc de l'offre de la société.

Les stations se trouvent placées dans une situation très contrainte qui leur ôte de nombreuses possibilités de faire venir à elles de grandes signatures ou des talents bénéficiant d'une forte notoriété. Le renforcement des moyens d'enrichissement des programmes permettrait en particulier à France Inter de tenir son rôle parmi les grandes radios nationales.

Enfin, pour la promotion de la totalité de ses antennes, Radio France dispose d'un budget notoirement inférieur à celui dépensé par chacun de ses concurrents pour une seule de leurs chaînes. Radio France se trouve ainsi fortement désavantagé face à l'offensive des groupes concurrents, RTL, Europe 1 et NRJ, extrêmement puissants financièrement.

Troisième défi : le développement de l'action régionale.

De 1980 à 1988, Radio France, sous l'impulsion de quatre présidents successifs, a mis en place un réseau de radios locales qui compte aujourd'hui 38 stations de territoires. Les radios locales représentent un succès indéniable de média citoyen, en ce qu'elles sont des outils indispensables à l'aménagement du territoire, des moyens réels de l'exercice de la démocratie locale, des instruments privilégiés de la création du lien social et des acteurs quotidiens du service rendu au public.

M. Henri Plagnol.

Très juste !

M. Rudy Salles.

Les radios locales de Radio France constituent un formidable réservoir d'informations locales et régionales à destination de chaînes comme France Inter et France Info. Elles permettent à ces deux radios d'être de véritables témoins de tout ce qui se passe en France.

L'ensemble, qui donne à Radio France un maillage rédactionnel inégalé, atteint 10,5 % d'audience cumulée quotidienne sur sa zone initialisée, soit l'équivalent de France Info ou d'Europe 1.

Or le développement de ce nouveau service public a été stoppé il y a maintenant onze ans :...

M. Henri Plagnol.

Il a raison !

M. Rudy Salles.

... les implantations de Radio France ne couvrent que quarante-trois départements.

Lors de la discussion de votre projet de loi, au mois de mai dernier, nous demandions que les radios locales du service public soient réparties équitablement. Car des régions entières ne sont pas couvertes : par exemple, Midi-Pyrénées compte huit départements, et plus aucune radio publique de proximité ; la situation est la même dans de grandes concentrations urbaines de notre pays comme Lyon, Nice, Toulouse ou encore le Nord de la Lorraine. Il convient donc de tendre vers un maillage beaucoup plus complet du territoire métropolitain en relançant de nouvelles implantations.

Plusieurs projets innovants sont à l'étude mais ne pourront pas voir le jour dans le cadre d'un budget aussi étroit.

Quatrième défi : la modernisation sociale de l'entreprise. Outre la mise en place des 35 heures, Radio France doit faire face à un besoin de modernisation sociale, pour tenir compte en particulier du passage aux technologies numériques. En effet, ces dernières vont faire apparaître de nouveaux métiers, notamment dans le secteur socialement sensible de l'exploitation technique, et elles vont remettre en cause certaines situations professionnelles.

L'accompagnement de ces mutations suppose que des mesures soient prises, notamment en matière de formation professionnelle. La modernisation sociale est le corollaire de l'effort exceptionnel que Radio France doit accomplir sur le plan technologique.

Sur ces quatre points indispensables pour le maintien et le développement du service public, les moyens vont manquer et Radio France risque de ne pas relever les défis que je viens d'évoquer.

Face à cette situation préoccupante, je regrette que Radio France ne constitue pas une priorité dans votre budget.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

M. Henri Plagnol.

Voilà ! Tout est dit !

M. Rudy Salles.

Je pourrais ajouter qu'en matière de télévision, aucun effort particulier n'est fait pour le développement des chaînes locales,...

M. Olivier de Chazeaux.

Absolument !

M. Rudy Salles.

... ni pour celui de France 3, ni pour celui du numérique terrestre. Nous ne pouvons que le déplorer. Cela confirme nos craintes exprimées lors de la discussion de votre projet de loi, au printemps dernier.

Voilà, madame la ministre, une conclusion en forme de regrets et de questions. J'espère que vous serez en mesure de m'apporter des réponses dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Olivier de Chazeaux.

Des réponses ? Jamais !

M. le président.

La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à première vue, on pourrait se réjouir de la bonne progression des crédits de la communication : 4,8 % d'augmentation générale.

Mais cet enthousiasme est vite tempéré par l'examen détaillé du budget.

Les deux rapporteurs eux-mêmes ne partagent pas la satisfaction absolue affichée par votre ministère. Ainsi, par exemple, l'un s'étonne que la consommation du produit de sa taxe sur le hors-média, censée aider la presse depuis 1998 n'ait toujours pas commencé, et l'autre s'inquiète du remboursement des exonérations de redevance, plafonné cette année à 36 % au lieu des 50 % annoncés.

Pour ma part, je regrette de ne rien trouver pour l'avenir du secteur public de l'audiovisuel. Ce n'est pas un budget d'anticipation, et il ne permettra pas à l'audiovisuel public de bien prendre le tournant du siècle.

Vous n'abordez ni le numérique hertzien, ni les nouveaux services, ni les nouvelles chaînes thématiques, ni Internet. Il n'y a pas l'ombre du premier franc pour préparer cette révolution. Pis, la réflexion même traîne.

En somme, c'est un budget de rattrapage du passé, qui risque de ne servir qu'à combler les déficits du dernier exercice, comme le craint le rapporteur pour avis luimême, à la page 17 de son rapport.

Certes, la diminution de la part des recettes publicitaires dans le financement des chaînes publiques et la compensation que vous opérez sont des données positives, mais il ne s'agit pas pour autant d'une révolution financière, car le rapport entre ressources publiques et ressources propres, pour l'ensemble des services publics de l'audiovisuel, n'a pratiquement pas évolué depuis 1996.

Plus inquiétant, l'audience des deux chaînes publiques a perdu environ 10 % en 1999 et, par ricochet, les objectifs de recettes publicitaires n'ont pas été réalisés. C'est peut-être la triste conséquence des errements du Gouvernement sur la nouvelle loi, annoncée, puis retirée et enfin présentée.

Les objectifs de recettes publicitaires pour 2000 sont fixés d'après le budget prévisionnel de 1999 et non pas d'après le budget réalisé ; à ce rythme, les déficits vont rapidement se creuser. Ainsi, les 883 millions de francs supplémentaires que vous nous annoncez risquent-ils, pour une bonne part, d'être absorbés par les déficits déjà annoncés, et ceux à venir ! Vous oubliez aussi un autre problème, madame la m inistre : comment financerez-vous l'application des 35 heures à France Télévision ? et dans la perspective de la holding ? Le climat social est actuellement dégradé, le personnel est en grève. Vos silences, sur ce sujet, ne sont pas la meilleure façon d'aborder le changement de structure du service public de l'audiovisuel.

Certes, le remboursement des exonérations de redevance, que vous nous annoncez, est une bonne chose.

Vous nous dites même qu'il sera intégral en 2001 et qu'il atteindra alors 2,5 milliards de francs. Mais aucune p érennisation du système n'est prévu. Madame la ministre, ces engagements seront-ils bien respectés ? Prévoyez-vous leur pérennisation ? Le rapporteur pour avis lui-même s'en inquiète.

Par ailleurs, même si l'on peut se réjouir des bonnes rentrées de la redevance et des succès enregistrés dans la lutte contre l'évasion, nous devons toujours nous interroger sur le rapport entre coût de la collecte et rentrées financières. Les services affichent une satisfaction qui doit être relativisée compte tenu du coût indirect supporté par toutes les trésoreries principales du pays, coût qui n'a jamais été chiffré.

Je souligne aussi le caractère antipédagogique de ce budget. En effet, le plus méritant des services publics audiovisuels est le moins récompensé, si l'on considère les efforts des uns et des autres dans leur quête de recettes de parrainage et autres ressources propres. Au 30 juin, si l'on retient les chiffres qui nous ont été communiqués, France 2 a atteint 40 % de ses objectifs annuels, France 3, 50 %, et Radio France, 75 % ; les augmentations de leurs budgets respectifs sont pourtant exactement inversement proportionnelles : plus 7,6 % pour France 2, plus 5,3 % pour France 3 et plus 2,2 % seulement pour Radio France. Cela me paraît non seulement injuste, mais aussi grave pour l'avenir du service public de radio.

Rien n'est prévu pour le passage au digital audio broadcasting , alors que les concurrents privés de Radio France sont déjà très avancés dans cette nouvelle technologie et que les premiers tuners numériques de salon seront accessibles au grand public dès avril prochain.

J'en viens au COSIP, ou compte de soutien financier de l'industrie cinématographique et de l'industrie audiovisuelle. Ce compte de soutien à l'industrie de programme est alimenté par une taxe dont la base d'imposition est assise, pour une part, sur les sommes versées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires. La réduction de la durée des messages publicitaires sur les antennes publiques aura donc une conséquence mécanique sur les ressources du COSIP.

L'assurance nous a été donnée que les sommes correspondant aux compensations d'exonération de redevance par le budget de l'Etat seraient affectées au compte spécial de la redevance et que, dès lors, elles seraient assujetties, par assimilation à la redevance, à la taxe sur les services de télévision. Mais nous nous inquiétons du fondement juridique de cette assimilation. Il ne faudrait pas que ces sommes soient considérées comme une ressource à caractère budgétaire, car si tel était le cas, elles ne seraient pas soumises à la taxe sur les services de télévision.

Notre collègue Didier Mathus nous a assuré en commission que l'intégralité du remboursement des exonérations serait versée au compte d'affectation spécial des produits de la redevance et serait soumise à la taxe ali-


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mentant le COSIP. Madame la ministre, confirmez-vous cette affirmation qui, pour le COSIP, représente tout de même un enjeu de 60 millions de francs ? Les aides à la presse d'information politique et générale progressent de 3,2 % dans le budget 2000. C'est bien, car elles se justifient par le devoir de notre démocratie de favoriser l'expression de toutes les opinions, dans le respect de chacun.

Néanmoins, la structure de ces aides est particulièrement éclatée en une multitude de fonds, d'aides, de plans qui, au cours du temps, se sont ajoutés les uns aux autres pour devenir aujourd'hui difficilement lisibles.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial.

C'est vrai.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Il me semble que ces aides, qui répondent à des finalités différentes, devraient aujourd'hui faire l'objet d'une réflexion d'ensemble sur la presse, d'autant que l'explosion des nouvelles technologies de l'information va modifier, à terme, les données du monde de la presse écrite.

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial.

Vous avez raison.

M. Pierre-Christophe Baguet.

La modernisation des aides publiques est plus que nécessaire.

Les frais de transport, d'une façon générale - portage, réductions tarifaires de la SNCF - sont particulièrement importants, et nous attendons avec impatience les conclusions des travaux de la mission relative à la distribution de la presse que vous avez confiée à Jean-Claude Hassan.

Je vous parlerai maintenant plus spécialement de deux fonds ne donnant pas toute la mesure de ce qui avait été prévu à leur création : le fonds de remboursement des fac-similés et le fonds de modernisation.

Le fonds de remboursement des frais de fac-similés a été créé pour favoriser l'impression en province des quotidiens nationaux. Il devait permettre une meilleure décentralisation, une meilleure gestion des centres d'impression, des économies sur le transport et un bouclage plus tardif des quotidiens en province.

Les crédits inscrits dans les différents budgets sont passés de 26 millions en 1997 à 6,5 millions en 2000, soit une baisse de 75 %. Pire, les crédits des deux derniers budgets n'ont été que partiellement consommés. Ce fonds ne semble plus correspondre aux besoins, en raison du développement des multimédia, et peut-être serait-il judicieux de le réformer au lieu de le faire disparaître progressivement, année après année.

Quant au fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique générale, créé par la loi de finances pour 1998 afin de financer des projets de modernisation des agences de presse et entreprises de presse éditrice, il connaît un démarrage plus que problématique.

La question devrait intéresser M. Le Guen, puisque c'est lui qui nous avait proposé de créer ce fonds. Il est abondé par une taxe de 1 % sur certaines dépenses de hors-média. A sa création, il devait collecter 500 millions de francs.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Non ! M. Pierre-Christophe Baguet. Au passage, M. Mathus nous a déclaré en commission que cet objectif, dès l'origine, était irréalisable !

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial.

Personne n'a jamais avancé ce chiffre ! M. Pierre-Christophe Baguet. Le compte rendu des débats en témoigne.

M. le président.

Poursuivez, M. Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Cette taxe a tout de même permis de collecter 140 millions en 1998, et on prévoit 160 millions de recettes environ pour 1999.

En dehors du fait que nous sommes bien loin des sommes alors annoncées, ce qui me paraît plus grave, c'est que le premier franc, collecté maintenant il y a deux ans, attend toujours d'être affecté. Le Gouvernement entend-il thésauriser ainsi encore longtemps au détriment de la presse écrite, madame la ministre ?

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial.

Ah !

M. Pierre-Christophe Baguet.

C'est une bonne question, n'est-ce pas monsieur Le Guen ? Il y avait de réelles raisons de se réjouir de ce budget, mais après son examen détaillé, il comprend beaucoup trop d'incertitudes et il soulève tellement d'inquiétudes que l'on ne peut raisonnablement l'approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) M. Laurent Dominati. Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le budget de la communication écrite et audiovisuelle pour l'an 2000.

Ce budget comporte des avancées très sensibles en faveur de l'information écrite et audiovisuelle, à travers le renforcement du soutien apporté aux entreprises de presse et des moyens consacrés au service public audiovisuel. Je remercie MM. les rapporteurs et Mmes et MM. les députés qui ont bien voulu souligner ces avancées positives.

Il va aussi favoriser la modernisation de l'outil de production des entreprises de presse et des entreprises audiovisuelles publiques, et le renforcement des moyens consacrés à la programmation de ces dernières.

J'évoquerai tout d'abord les aides à la presse, qui bénéficient d'une priorité au sein du budget de l'Etat, comme en 1999. En progression de 3,2 %, contre 2,6 % en 1999, elles augmentent en effet plus fortement que la norme d'évolution des dépenses de l'Etat, qui a été fixée au niveau de l'inflation prévisionnelle.

Les objectifs que je poursuis à travers ce projet de budget pour 2000 sont en continuité avec ceux des années précédentes : il s'agit de conforter l'existence d'une offre pluraliste de presse d'information générale, tant au niveau local que national - une presse réprésentative des sensibilités d'opinion de notre pays - et d'accompagner l'indispensable modernisation des entreprises de presse.

Ainsi, les aides directes aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, aux quotidiens de province à faibles ressources de petites annonces et à la presse hebdomadaire régionale seront une nouvelle fois augmentées.

Le soutien public apporté à la diffusion de la presse française à l'étranger est aussi renforcé. Il en va de même pour l'aide au développement du portage, qui, par la conquête de nouveaux lecteurs, constitue une modalité privilégiée de modernisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez abordé la question des NMPP. Je partage votre attachement au principe de solidarité posé par la loi Bichet de 1947, ainsi qu'à la recherche d'une meilleure productivité de la filière de distribution. A cet égard, j'attends beaucoup des propositions que doit prochainement m'adresser M. JeanClaude Hassan. C'est aussi à l'opérateur des NMPP de reprendre l'initiative. En effet, la solution aux difficultés actuelles passe par un allégement des barèmes appuyé sur de nouvelles réductions de charges, sans mettre en péril, bien sûr, la qualité du réseau. Cela suppose aussi que les éditeurs de presse exercent de façon active leur responsabilité de coopérateur, qui en fait les garants du système français de distribution.

L'évolution de la dotation correspondant aux abonnements de l'Etat à l'Agence France Presse, qui s'élève à plus 1,2 %, permettra quant à elle de soutenir la réorganisation de l'agence et son adaptation au nouveau contexte concurrentiel.

Le marché mondial de l'information est aujourd'hui profondément modifié par le développement de l'offre multimédia. Forte de son savoir-faire et de son réseau mondial, l'AFP doit, afin de ne pas être distancée, engager une politique ambitieuse de modernisation et d'investissement. C'est au regard de cet objectif que des partenariats professionnels et financiers apparaissent aujourd'hui nécessaires. Le Parlement débattra, le moment venu, des adaptations des statuts de l'agence que requiert sa mise en oeuvre.

Ces adaptations doivent être envisagées positivement dès lors que toutes garanties sont données quant à la préservation des valeurs fondatrices de l'agence et de son rayonnement international, notamment son indépendance rédactionnelle. Sous ces conditions, le Gouvernement est évidemment attentif à l'avant-projet de plan proposé par le président et actuellement soumis à une concertation approfondie avec les représentants de la presse et les personnels.

Au sein des aides directes à la presse, l'aide au transport de presse par la SNCF continue à peser d'un poids particulier. Nous serons prochainement amenés à ouvrir une réflexion sur l'évolution de ce dispositif.

La situation du fonds de modernisation de la presse retient toute mon attention. En effet, le produit de la taxe sur la publicité qui lui est affectée s'avère ne pas être à la hauteur des espoirs qui avaient été placés dans ce nouvel instrument de financement de la modernisation des entreprises de presse.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Nous sommes bien d'accord !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les causes de cette situation, qui semblent tenir à la nature de l'assiette et aux modalités de recouvrement de la taxe, doivent être mises à jour. J'ai demandé à Christian Sautter de se pencher avec nous sur cette question.

Pour autant, je demeure raisonnablement optimiste. En effet, ce fonds a suscité l'intérêt des entreprises de presse et constitue un outil précieux de leur modernisation. Les subventions, dont l'attribution m'a été proposée par le comité d'orientation du fonds à l'issue de sa première séance, seront prochainement notifiées à leurs bénéficiaires.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Ce n'est pas encore fait !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Sur l'ensemble de l'année 1999, le comité d'orientation du fonds aura proposé l'attribution de près de 300 millions de francs de subventions. Je veux à cet égard rassurer M. Cuvilliez et les députés d'opposition qui m'ont interrogée sur ce point. Le versement des premières aides n'a pas été immédiat car il a fallu lancer le processus, mais ce n'est plus maintenant qu'une affaire de jours. Le régime transitoire a d'ailleurs permis de prendre en compte les projets lancés par certaines entreprises de presse. Les entreprises n'ont donc pas été pénalisées par ces délais. De plus, lorsque les premières propositions auront été notifiées, dans les jours qui viennent, une seconde réunion du comité aura lieu début décembre. Au total, ce sont donc 300 millions qui auront été engagés pour 1998 et 1999, pour près de 150 projets aidés. Je tiens à le souligner, car c'est une démarche qui portera ses fruits de façon aussi efficace que possible dans le cadre des enveloppes qui nous ont été allouées.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Ça va partir, mais ce n'est pas encore arrivé !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

J'en viens maintenant au projet de budget du secteur public audiovisuel pour 2000. Dans sa déclaration de politique générale devant cette assemblée, M. le Premier ministre avait marqué sa volonté de renforcer les moyens budgétaires consacrés à la culture et au secteur public audiovisuel. Ma première tâche avait consisté, dans le cadre du budget 1998, à réparer les conséquences d'un budget 1997 que j'avais qualifié de « télécide ». N'ayez donc pas la mémoire courte, messieurs de l'opposition ! En lisant le rapport de M. Mathus, qui retranscrit fidèlement vos propos, je me suis réjouie de l'appréciation que vous portiez sur ce budget et je comprends la gêne de ceux d'entre vous qui sont intervenus à cette tribune.

M. Olivier de Chazeaux.

Pas du tout !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Après avoir dit en commission que ce budget était bon, il leur fallait trouver des arguments pour expliquer qu'ils allaient voter contre !

M. Michel Herbillon.

Vous avez dit la même chose pour le budget de la culture ! C'était le même argument ! C'est dépassé !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mes réponses à cette tribune sont pourtant de nature à effacer tout doute.

M. Michel Herbillon.

C'est vous qui êtes au pouvoir depuis deux ans et demi ! Vous allez dans le mur !

M. Olivier de Chazeaux.

La modernité, ce n'est pas le rétroviseur !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le budget 1999 comportant une première marche de développement, notamment pour France 3, mais celle-ci était insuffisante pou remédier au relatif...

M. Michel Herbillon.

C'est vous qui êtes au pouvoir !

M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial.

Heureusement que c'est vous qui êtes dans l'opposition !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Bien sûr que nous sommes au pouvoir, monsieur Herbillon, et nous l'assumons ! Je tiens mes engagements. Vous avez d'ailleurs bien voulu le dire aussi ! Cette première marche de développement était donc insuffisante pour remédier au relatif sous-financement qui affecte le secteur public audiovisuel français par rapport à ses principaux homologues européens et dont les exonéra-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

tions de redevance constituent à l'évidence un facteur explicatif important. Puis le projet de loi audiovisuelle a été engagé afin de mettre en oeuvre une organisation plus cohérente du pôle télévisuel public, de réduire la dépendance des chaînes de télévision généralistes à l'égard de la publicité et de renforcer les moyens du secteur public audiovisuel dans son ensemble.

Le budget du secteur public audiovisuel que je soumets aujourd'hui à votre approbation est un budget de développement du service public dans l'ensemble de ses composantes. Avec une augmentation de 883 millions de francs - plus 4,8 % - il va permettre un renforcement très important des moyens du service public, notamment en matière de programmes. Cette évolution est très supérieure à celles, pourtant favorables, dont, à ma demande, il avait bénéficié en 1998 et 1999. Elle est particulièrement sensible pour France 2 et France 3, dont les budgets augmentent respectivement de 7,6 % et de 5,3 %, et marque une véritable rupture par rapport aux tendances récentes. France 2 est ainsi dotée des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission de grande chaîne de référence du service public s'adressant à un public diversifié. France 3 est, quant à elle, confortée dans ses missions de chaîne généraliste et de télévision de proximité.

Je tiens toutefois à souligner que l'évolution très favorable du budget du secteur public audiovisuel en 2000 ne néglige pas le rôle essentiel que jouent les autres entreprises du secteur public audiovisuel dans notre paysage audiovisuel. C'est ainsi que Radio France verra ses moyens progresser, en 2000, dans une proportion comparable à celle prise en compte dans les deux précédents budgets dont j'ai assuré la préparation. Le plan de numérisation de l'outil de production bénéficie d'une mesure nouvelle. Le financement de ce plan sera poursuivi dans les prochaines lois de finances.

Des équipes de direction nouvelles sont aujourd'hui en place à France 2 et France 3 comme à Radio France. J'attends d'elles qu'elles engagent la modernisation de ces entreprises et affirment la vocation culturelle de leur programmation.

Le budget de Radio France Internationale augmentera en 2000 de 2,8 % par rapport aux moyens dont a effectivement été dotée la radio internationale cette année. De nouveaux développements pourront être engagés. L'effort public en faveur de RFI devra toutefois être accru au cours des années à venir afin de permettre l'extension du réseau de reprises en modulation de fréquences de ses programmes, dont la qualité est reconnue, dans de grandes villes européennes et internationales. C'est particulièrement important au moment où nous voulons profiter de l'implantation mondiale de l'AFP, du développement de RFI pour affirmer notre vision de l'information dans le monde entier et défendre le pluralisme sur le plan international et dans les négociations de l'OMC. Je vois là un moyen efficace de renforcer la présence de la France à l'étranger, en inscrivant celle-ci dans la modernité des grands centres urbains.

Le montant des ressources publiques affecté à RFO sera substantiellement accru afin de permettre un indispensable retour à l'équilibre. Après une période de dérapage de ses charges d'exploitation, RFO va mieux aujourd'hui. Ses dirigeants ont mis en oeuvre un effort significatif de maîtrise des charges externes. Le plan stratégique de RFO, qui est en cours de discussion avec ses autorités de tutelle, devra donc concilier une double exigence : celle d'une rigueur accrue dans la gestion de cette société et le maintien d'une offre radiophonique et télévisuelle publique diversifiée dans l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer.

La Cinquième et la SEPT-Arte bénéficient elles aussi d'une progression importante de leur budget. La Cinquième et le GEIE Arte sont ainsi confortés dans l'exercice de leurs missions de chaîne éducative, d'une part, et de chaîne culturelle franco-allemande à ouverture européenne, d'autre part. J'ai la conviction que la France a la chance de disposer d'un cinquième réseau entièrement consacré à la diffusion en clair de programmes éducatifs et culturels. Sans exclure toute innovation, il importe que la nature de la programmation de La Cinquième et d'Arte demeure bien conforme à celle de leurs missions.

Je veux redire ici mon attachement au respect et à la pérennité de celles-ci.

Si le budget de l'Institut national de l'audiovisuel est stable par rapport à l'année dernière, il comporte les moyens nécessaires à la modernisation des conditions d'activité de l'institut. C'est ainsi que la part de son budg et consacrée à la numérisation de la chaîne d'exploitation des archives sera accrue. Il en ira de même du plan de sauvegarde et de restauration des archives, qui est au coeur de la mission patrimoniale de l'INA.

Le budget du secteur public audiovisuel pour 2000 met en oeuvre les engagements pris dans le cadre du projet de loi audiovisuelle, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. Il renforce les moyens du secteur public audiovisuel tout en permettant une réduction de la durée de la publicité sur ses antennes et en assurant un rééquilibrage de sa structure de financement dans un sens plus conforme à des missions de service public réaffirmées.

Redevance et crédits budgétaires destinés à rembourser les exonérations de redevance confondus, la progression des ressources publiques s'élève à 1,5 milliard de francs.

Elle permet naturellement de compenser la baisse des ressources publicitaires liée à la réduction de la durée de la publicité sur les antennes de France 2 et France 3 dans le contexte d'une évolution de l'audience moins favorable qu'espéré.

A ce propos, je rappelle qu'une loi ne saurait contraindre l'audience à se fixer sur une chaîne ou obliger les annonceurs à être fidèles aux chaînes publiques.

Quant à ceux, défenseurs de la réalité économique, qui avaient tendance à lier les mauvais résultats en matière de recettes de publicité aux débats sur le projet de loi audiovisuelle, je leur signale que, ce faisant, ils transgressent ce qu'ils professent à cette tribune concernant l'état du marché.

M. Laurent Dominati.

C'est vous qui l'ignorez !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Monsieur Le Guen, la négociation des contrats d'objectifs et de moyens aura lieu dans le courant de l'année 2000, comme vous le souhaitez. Elle doit être engagée au moment où se préparent la configuration du groupe et sa mise en place. Je sais combien M. Mathus est attaché à ce que la mise en oeuvre de la nouvelle configuration du groupe de télévision publique soit accompagnée d'une garantie quant aux moyens qui doivent lui être affectés.

Avec l'application complète de la loi et la réduction des deux minutes de publicité supplémentaires, le projet de budget pour 2001 sera réalisé dans les mêmes conditions, c'est-à-dire avec une compensation intégrale de la diminution des recettes publicitaires par les crédits budgétaires versés au compte d'affectation spécial de la redevance et


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

un dégagement de moyens nouveaux pour les programmes. Voilà ce que permettra le budget que je vous présente aujourd'hui.

Les moins-values de recettes publicitaires attendues au titre de 1999 feront, quant à elles, l'objet d'une compensation dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année 1999. Mais la progression des ressources publiques en 2000 ne se borne pas à compenser la baisse des recettes publicitaires. En effet, elle permet l'augm entation des moyens des entreprises audiovisuelles publiques en programme. Par conséquent, il n'y aura pas de course effreinée derrière des recettes publicitaires aléatoires qui brident la prise de risque éditorial et artistique, puisque cette augmentation sera financée par des ressources publiques. C'est ainsi que nous pouvons garantir le passage au numérique hertzien, messieurs Dominati et de Chazeaux. L'année 2000 va en effet permettre d'opérer des choix,...

M. Olivier de Chazeaux.

L'économie ne vous attendra pas !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... et j'aurai, le plaisir, lors de la discussion au Sénat du projet de loi audiovisuelle, de présenter des amendements sur le numérique hertzien.

M. Laurent Dominati.

Reprenez les nôtres !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Ce passage à la télévision numérique est préparé, notamment avec le Livre blanc dont le bilan sera bientôt connu.

M. Olivier de Chazeaux.

Le Gouvernement est en retard !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Nous disposerons alors d'un cadre législatif et des moyens permettant de répondre à l'attente de tous les téléspectateurs.

M. Olivier de Chazeaux.

Il y a du retard à l'allumage ! Quelle image déplorable !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le budget du secteur public pour 2000 est ainsi un budget d'expansion, qui écarte la crainte d'une « paupérisation » liée à la réduction de la publicité. Le coût budgétaire de la réforme audiovisuelle ne pèsera pas sur le téléspectateur : comme en 1999, les tarifs de la redevance évolueront simplement comme l'inflation prévisionnelle, dont le niveau est très bas. Il n'affectera pas non plus le contribuable sous la forme d'une augmentation d'impôts ou d'un renoncement à une une baisse d'impôts : l'augmentation des crédits budgétaires destinés à rembourser les exonérations de redevance s'inscrit dans un cadrage global des dépenses du budget général de l'Etat qui a, lui aussi, été arrêté par M. le Premier ministre à l'évolutio n prévisionnelle des prix à la consommation.

Le montant des crédits budgétaires destinés à rembourser les exonérations de redevance, qui s'élève à 900 millions de francs dans le projet de budget pour 2000, perm ettra d'assurer un remboursement intégral de ces exonérations en 2001, année où entrera en vigueur, après son adoption par le Parlement, le projet de loi audiovisuelle qui en prend l'engagement.

Je voudrais rassurer M. Mathus qui a posé la question du COSIP.

M. François Baroin.

Quelle audace !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

L'affectation au compte d'affectation spéciale des crédits budgétaires correspondant aux exonérations de redevances garantit effectivement l'intégration de ces sommes dans l'assiette de la taxe pour le compte de soutien. La réforme permet, comme vous le souhaitez, l'accroissement du soutien à la production audiovisuelle et cinématographique.

M. Pierre-Christophe Baguet.

Félicitations !

M. Olivier de Chazeaux.

C'est insuffisant !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je rappelle que le montant des moins-values de redevance liées à l'existence d'exonérations - ce que nous devons prendre en compte pour 2001 - s'élève à 2,5 milliards de francs.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2000 prévoit l'affectation des crédits budgétaires destinés à rembourser les exonérations de redevances au compte d'affectation spéciale de la redevance audiovisuelle. J'insiste sur le fait qu'il s'agit véritablement d'une anticipation de l'application de la loi en cours d'examen au Parlement.

Avec la réduction de la durée de la publicité, c'est une conception plus exigeante du service public qui doit s'affirmer. L'augmentation des ressources publiques en 2000 permettra d'engager une importante réduction de la publicité sur les antennes de France 2 et France 3. Leurs cahiers des charges seront prochainement modifiés à cette fin. A compter du 1er janvier 2000, la durée maximale de publicité par heure glissante sera ramenée de douze à dix minutes et la durée maximale de chaque écran publicitaire sera plafonnée à quatre minutes. En 2000, les tunnels publicitaires ne vont pas disparaître, mais ils seront fortement raccourcis. Plus de temps sera consacré aux programmes.

M. Olivier de Chazeaux.

Avec quel argent ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les choix de programmation seront moins dépendants de recettes publicitaires aléatoires.

Bien entendu, le temps ainsi dégagé pour les programmes ne devra pas être accaparé par un allongement de la durée des messages d'auto-promotion, dont la longueur et la répétition affectent la qualité de l'antenne, donc en définitive l'audience des chaînes, sans utilité démontrée. Il conviendra, au cours des mois à venir, d'examiner les conditions d'une plus grande retenue des chaînes publiques en la matière.

Les ressources publiques deviennent prépondérantes dans le financement de France 2. Elles représentaient 48,7 % des ressources de la chaîne en 1999, et atteindront 59,1 % en 2000. La réaffirmation des missions de service public de la chaîne s'accompagne d'un financement public majoritaire. Voilà qui est cohérent et qui p ermet aux entreprises publiques audiovisuelles de prendre des risques éditoriaux et de faire preuve d'originalité.

M. Michel Herbillon.

C'est un voeu pieux !

M. François Baroin.

Il n'y a aucune garantie !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Cette évolution est positive. Elle rapprochera France 2 et France 3 de la plupart de leurs homologues européennes.

Le mouvement de réduction de la publicité se poursuivra en 2001 avec l'entrée en application de la loi audiovisuelle.

Une question m'a été posée sur la recapitalisation. Je suis parfaitement consciente de la faiblesse des fonds propres de France 2 et France 3 au regard de leurs besoins en fonds de roulement et de développement.

Cette question devra être traitée dans le cadre du processus qui conduira, au cours de l'année 2000, à la création de la société France Télévision.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

Ainsi, les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens que nous allons élaborer non seulement pour les chaînes d e télévision, mais pour l'ensemble des entreprises publiques audiovisuelles, la progression des moyens et l'équilibre plus vertueux entres les différents sortes de ressources nous permettront de faire un très grand pas en avant.

A travers ce budget 2000, c'est donc une ambition forte que le Gouvernement souhaite exprimer. L'ambition d'un service public qui joue un rôle central en matière d'information, d'enrichissement culturel et de loisir pour nos concitoyens. L'ambition d'un service public qui, dans la responsabilité de ses dirigeants et de ses personnels, sache maîtriser collectivement sa modernisation.

L'application de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail offre une occasion déterminante à cet égard. L'actualité sociale est un moment de la négociation de grande ampleur aujourd'hui à l'ordre du jour.

Il est exact que le projet de budget du secteur public audiovisuel pour 2000 ne prend pas en compte le besoin de financement lié à l'application de la loi sur l'aménagement et la réduction du temps de travail.

M. Michel Herbillon.

Quel aveu !

M. Olivier de Chazeaux.

Quelle incohérence !

M. François Baroin.

C'est incroyable !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Cela vaut pour la loi de finances 2000. Ce besoin sera déterminé après la conclusion de la négociation sociale et sera donc financé dans le cadre d'une prochaine loi de finances.

Chaque président d'entreprise publique audiovisuelle sait parfaitement à quoi s'en tenir. Il sait aussi que, au terme de la négociation, et compte tenu de l'effort que pourra consentir son entreprise, une possibilité de financement public existe. Chacun le sait. Prétendre le contraire à cette tribune n'est pas particulièrement honnête.

Nous avons ensuite l'ambition de renforcer le contenu culturel du service public, tout en réduisant la dépendance des grandes chaînes généralistes à l'égard de la publicité. Ce budget leur permet de prendre ces risques, mais aussi de faire le pari de l'innovation. Messieurs les députés de l'opposition, il n'y a pas d'innovation possible sans moyens.

M. Olivier de Chazeaux.

Vous enterrez le service public de l'audiovisuel !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous avez dit qu'il n'y avait pas d'innovation.

M. François Baroin.

On peut avoir des moyens sans avoir d'imagination...

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais, dans le passé, avez-vous donné aux chaînes généralistes des moyens d'innover ? Elles les ont aujourd'hui et peuvent relever le défi. Ainsi, l'audiovisuel public modernisé pourra-t-il bénéficier de l'avancée que constitue le numérique hertzien.

En ma qualité de ministre de la culture et de la communication, responsable devant la représentation parlementaire et, au-delà, devant nos concitoyens, je veillerai à la meilleure affirmation de l'identité du service public en matière de programmation.

M. Olivier de Chazeaux.

Pour l'instant, nos concitoyens connaissent surtout la mire ! (Sourires.)

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Les entreprises aujourd'hui engagées dans ces discussions sociales sont aussi porteuses de programmes destinés à l'ensemble de nos concitoyens.

M. Schwartzenberg a évoqué à cette tribune son souci que soit prise en compte la situation sociale dans le système actuel d'exonération. Et plusieurs parlementaires vont m'interroger sur la réforme de la redevance. Je voudrais les assurer que le Gouvernement est parfaitement conscient de la nécessité d'établir une analyse claire de cette ressource et d'en mesurer l'évolution sous plusieurs angles : celui de sa pérennité d'abord - et je sais bien combien M. le rapporteur Le Guen a rappelé, lors de précédents débats, combien il fallait la protéger, car c'est essentiellement sur elle que repose le financement du service public audiovisuel - mais aussi sous l'angle de la justice sociale en faveur de laquelle vous avez particulièrement plaidé, monsieur Schwartzenberg.

Si l'on veut que les chaînes publiques soient accessibles à tous et qu'elles puissent honorer leur mission, il faut leur garantir un financement public suffisant et pérenne.

C'est une grande ambition, que partagent, je crois, l'ensemble de nos concitoyens, qui sont fidèles au service public.

M. Olivier de Chazeaux.

Pas en ce moment !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je souhaite que ce budget 2000 puisse enfin nous faire prendre le tournant de l'efficacité, de la modernité, et nous aide à relever le défi des nouvelles technologies.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Christian Kert.

Vive la grève !

M. le président.

Chers collègues, je précise que nous avons encore besoin de cinquante minutes pour les questions et de quinze à vingt minutes pour les amendements.

Vous comprendrez que je ne puisse aller au-delà de la limite qui m'est imposée par l'article 50 du règlement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2000, no 1805 : M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (rapport no 1861).

Jeunesse et sports : vote sur les crédits : M. Alain Barrau, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (annexe no 34 au rapport no 1861) ; M. Alain Néri, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis no 1862, tome XIII).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 1999

Communication : lignes 39 et 40 de l'état E, article 55 (suite) : M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, annexe no 10 au rapport no 1861) ; M. Didier Mathus, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (Avis no 1862, tome IV).

Aménagement du territoire : M. Alain Rodet, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (annexe no 6 au rapport no 1861) ; M. Félix Leyzour, rapporteur pour avis au nom de la commission de la production et des échanges (avis no 1866, tome III).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT