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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE Mme NICOLE CATALA

Mme la présidente.

Suspension et reprise de la séance (p. 10142)

1. Médiateur des enfants. - Discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi (p. 10142).

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10144)

Mme Martine Aurillac,

M.

Bernard Birsinger, Mme Bernadette Isaac-Sibille,

MM. Jean-Paul Bret, Dominique Bussereau.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10150)

Article 1er (p. 10150)

Amendement no 2 de la commission des lois, avec les sousamendements nos 20 de Mme Ledoux, 15, 16 et 17 de M. Birsinger : Mme le rapporteur, M. Bernard Birsinger, Mme la ministre. - Adoption du sous-amendement no 20 ; rejet du sous-amendement no 15 ; adoption du sousamendement no 16 ; rejet du sous-amendement no 17 ; adoption de l'amendement no 2 modifié, qui devient l'article 1er

L'amendement no 11 de Mme Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Article 2 (p. 10151)

Amendement no 3 de la commission, avec le sous-amendement no 21 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption du sous-amendement no 21 et de l'amendement no 3 modifié, qui devient l'article 2.

Article 3 (p. 10152)

Amendement no 4 de la commission, avec les sousamendements nos 18 de M. Birsinger, 22 de Mme Ledoux et 19 de M. Birsinger : Mme le rapporteur, M. Bernard Birsinger, Mme la ministre. - Rejet du sous-amendement no 18 ; adoption du sous-amendement no 22 ; rejet du sous-amendement no 19 ; adoption de l'amendement no 4 modifié, qui devient l'article 3.

Article 3 bis (p. 10153)

Amendement de suppression no 12 de Mme Isaac-Sibille : Mmes Bernadette Isaac-Sibille, le rapporteur, la ministre. Rejet.

Amendement no 5 de la commission, avec le sous-amendement no 23 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption du sous-amendement no 23 et de l'amendement no 5 modifié, qui devient l'article 3 bis.

Article 4 (p. 10154)

Amendement no 6 rectifié de la commission, avec le sousamendement no 24 de Mme Ledoux ; Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption du sous-amendement no 24 et de l'amendement no 6 rectifié et modifié, qui devient l'article 4.

Article 4 bis (p. 10155)

Amendement de suppression no 7 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

L'article 4 bis est supprimé.

Après l'article 4 bis (p. 10155)

Amendement no 14 de Mme Isaac-Sibille : Mmes Bernadette Isaac-Sibille, le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Amendement no 13 de Mme Isaac-Sibille : Mmes Bernadette Isaac-Sibille, le rapporteur, la ministre, M. Dominique Bussereau. - Rejet.

Article 5 (p. 10156)

Le Sénat a supprimé cet article.

Article 6 (p. 10156)

Le Sénat a supprimé cet article.

Article 8 (p. 10156)

Amendement no 8 de la commission, avec le sous-amendement no 25 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption du sous-amendement no 25 et de l'amendement no 8 modifié, qui devient l'article 8.

Article 9 (p. 10156)

(pour coordination) Adoption conforme par les deux Assemblées.

Amendement no 26 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 9 modifié.

Article 10 (p. 10156)

(pour coordination) Adoption conforme par les deux Assemblées.

Amendement no 27 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 10 modifié.

Article 11 (p. 10157)

(pour coordination) Adoption conforme par les deux Assemblées.

Amendement no 28 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 11 modifié.

Article 12 (p. 10157)

Amendement no 9 de la commission, avec le sous-amendement no 29 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption du sous-amendement no 29 et de l'amendement no 9 modifié, qui devient l'article 12.


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Après l'article 12 (p. 10157)

Amendement no 10 rectifié de la commission, avec le sousamendement no 31 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption du sous-amendement no 31 et de l'amendement no 10 rectifié et modifié.

Amendement no 1 du Gouvernement, avec le sous-amendement no 30 de Mme Ledoux : Mmes la ministre, le rapporteur. - Adoption du sous-amendement no 30 et de l'amendement no 1 modifié.

Article 13 (p. 10158)

Le Sénat a supprimé cet article.

Titre (p. 10158)

Amendement no 32 de Mme Ledoux : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Le titre de la proposition de loi est ainsi modifié.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 10158)

M.

Jean-Paul Bret, Mme Bernadette Isaac-Sibille,

M.

Bernard Birsinger, Mme Martine Aurillac,

M.

Dominique Bussereau.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10159)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance (p. 10159)

2. Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 10159).

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) (p. 10159)

Article 3 (p. 10159)

Le Sénat a supprimé cet article.

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, François Goulard, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Amendement no 7 de la commission des affaires culturelles : M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, pour les recettes et l'équilibre général.

Sous-amendement no 144 de M. Bur : MM. Jean-Luc Préel, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, François Goulard.

Sous-amendement no 116 de M. Debré : MM. Bernard Accoyer, Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles ; le secrétaire d'Etat.

Sous-amendement no 118 de M. Douste-Blazy : MM. JeanLuc Préel, le secrétaire d'Etat.

Sous-amendement no 117 de M. Rossi : MM. François Goulard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

Sous-amendement no 148 du Gouvernement : MM. le secrétaire d'Etat, Bernard Accoyer, le rapporteur.

Rejet des sous-amendements nos 144, 116, 118, 117 ; adoption du sous-amendement no 148 et de l'amendement no 7 modifié.

L'article 3 est ainsi rétabli.

Article 4 (p. 10168)

Le Sénat a supprimé cet article.

MM. Jean-Luc Préel, Bernard Accoyer, François Goulard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat.

Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10172).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE MME NICOLE CATALA,

vice-présidente

Mme la présidente.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Mme la présidente.

Mes chers collègues, le Gouvernement n'étant pas représenté à cet instant, je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures trente, est reprise à neuf heures quarante.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

1 MÉDIATEUR DES ENFANTS Discussion, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi instituant un Médiateur des enfants (nos 1915, 1960).

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis que la proposition de loi présentée par Laurent Fabius et Jean-Paul Bret instituant un médiateur des enfants revienne aujourd'hui devant l'Assemblée nationale, soit deux semaines après son examen en première lecture au Sénat, ce qui montre l'intérêt que vous portez aux initiatives qui permettent de mieux assurer le respect des droits des mineurs.

Ce souci est d'ailleurs largement partagé par nos concitoyens qui, alors même qu'une grande majorité d'entre eux avoue ignorer l'existence de la Convention internationale des droits de l'enfant dont nous venons pourtant de fêter le dixième anniversaire, se prononcent à 91 % en faveur de la création d'un médiateur des enfants qui serait susceptible de suggérer des modifications législatives en faveur des droits des plus jeunes, considérant par là même que les enfants ont encore aujourd'hui insuffisamment écoutés.

Je note que les préoccupations majeures exprimées récemment par les Français dans le cadre d'une enquête menée par l'UNICEF rejoignent cette heureuse initiative parlementaire. Elles rejoignent également les priorités du Gouvernement, celles du ministère de l'éducation nationale, qui agit dans trois directions : d'abord, protéger les enfants contre toutes les formes de violence, en particulier les violences sexuelles ; ensuite, leur assurer un meilleur état de santé et, enfin, leur garantir de pouvoir aller à l'école, et d'y réussir, en apportant plus aux enfants qui ont le moins. Avant de m'exprimer au nom du Gouvernement sur la proposition de loi, je souhaite au préalable vous rappeler le contenu de la politique que j'ai menée pour donner une cohérence à l'ensemble de ces dispositions, et en particulier à celles qui nous rassemblent aujourd'hui.

Depuis juin 1997, nous nous sommes efforcés d'inscrire dans la réalité de la vie des élèves le respect du droit de l'enfant et de l'adolescent à l'éducation, dont le principe est affirmé à la fois par la Convention internationale des droits de l'enfant et par la loi d'orientation du 10 juillet 1989.

Nous nous sommes attaqués à la violence sous toutes ses formes et d'abord à celle qui paraît la plus injuste et la plus destructrice, je veux parler des abus sexuels, en décidant de briser la loi du silence qui a trop longtemps étouffé la parole de l'enfant. Une importante instruction ministérielle de l'éducation nationale qui, pour la première fois, a employé le mot de « pédophilie », a été diffusée dans toutes les écoles, les collèges et les lycées, en f ournissant des indications extrêmement précises et concrètes sur la manière dont la communauté scolaire devait désormais agir face à ces violences commises sur des mineurs, dans le double souci de la protection de l'enfant et du respect de sa parole ainsi que de la présomption d'innocence de la personne mise en cause.

Ainsi, ces affaires sont désormais correctement traitées et nous avons mis fin aux mutations dissimulées d'adultes coupables de tels méfaits.

En multipliant la diffusion d'outils de prévention, aussi bien par des programmes vidéo que par la remise à 4 millions d'écoliers du « passeport pour le pays de la prudence », expérience renouvelée ce trimestre pour la troisième année consécutive auprès des élèves du cours élémentaire première année, nous avons pu traduire directement dans les classes l'action pédagogique et éducative menée par les enseignants pour éveiller la conscience des élèves. Une campagne contre les phénomènes de racket en milieu scolaire, qui constituent une forme insidieuse de violence fondée sur le rapport de force, a été également conduite avec beaucoup de succès. Un guide pratique destiné aux chefs d'établissement pour les aider à faire face à toutes ces situations de violence a en outre été diffusé. Il leur indique les infractions et les sanctions pénales ainsi que le traitement pédagogique de ces différents problèmes de violence.

La garantie des droits de l'enfant se traduit aussi par l'ensemble des mesures sociales qui ont été prises au sein du système scolaire : création du fonds social pour les cantines, création de postes de médecins, d'infirmières et d'assistantes sociales, là aussi pour répondre à un souci évoqué récemment lors du Parlement des enfants. Toutes


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les actions visant à renforcer la lutte contre l'échec scolaire rejoignent aussi le droit fondamental des enfants à l'éducation.

Le renforcement du contrôle de l'obligation scolaire mérite d'être également souligné. Votre assemblée a en effet récemment adopté à l'unanimité une loi renforçant l'obligation scolaire. L'oeuvre qui nous rassemble aujourd'hui complète donc heureusement le travail parlementaire déjà accompli en faveur de la protection des droits de l'enfant.

La proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui entend instituer un Médiateur des enfants distinct du Médiateur de la République. Cette nouvelle autorité serait chargée d'accueillir les réclamations de mineurs ou de leurs représentants légaux lorsqu'ils estiment qu'une administration ou une personne morale de droit privé n'a pas respecté les droits de l'enfant.

Développer la médiation en France est à l'évidence une nécessité. Le gigantisme de l'administration, le nombre de décisions rendues, la masse des dossiers ne peuvent, en effet, que susciter, ici ou là, des frustrations ou des incompréhensions. La médiation permet non seulement d'éviter le face à face, mais encore de faire le lien entre deux points de vue, de les rapprocher, voire de les concilier.

L'intérêt de la création, en 1973, du poste de Médiateur de la République est bien de permettre la recherche d'une plus grande équité dans la relation entre les citoyens et les services publics. L'institution a rencontré un vif succès dans sa mission puisque le Médiateur a été saisi en 1998, tant au niveau national qu'au niveau départemental, de plus de 45 000 réclamations. Depuis le 1er décembre 1998, s'inspirant de ce succès, le ministère de l'éducation nationale s'est d'ailleurs doté d'un médiateur chargé de recevoir les réclamations concernant le fonctionnement du service public de l'éducation nationale dans les relations avec les usagers et ses agents.

Le bon fonctionnement du système éducatif implique une meilleure prise en compte des aspirations des usagers.

Un premier bilan d'activité a été réalisé sur les six premiers mois de l'année 1999 : 800 dossiers ont été reçus par le médiateur de l'éducation nationale et ses médiateurs académiques, mais très peu correspondent à des réclamations d'élèves. Cela montre l'utilité de cette proposition de loi, malgré l'existence d'un médiateur au sein de l'éducation nationale.

Tout en rendant hommage aux travaux entrepris manifestant une volonté d'efficacité immédiate de la nouvelle institution qui pourrait profiter de l'expérience acquise par le Médiateur de la République, je suis convaincue que le rattachement du Médiateur des enfants au Médiateur de la République, souhaité par les sénateurs, ne répondrait pas aux attentes manifestées par les enfants et leurs familles. J'ai eu l'occasion de le dire lors du débat au Sénat. Il faut en effet que le médiateur des enfants soit une entité à part, clairement identifiable et réservée aux enfants, comme en avait d'ailleurs décidé l'Assemblée nationale en première lecture, pour que ceux-ci le considèrent comme un interlocuteur privilégié créé pour eux, à l'écoute de leurs préoccupations, avec un fonctionnement administratif souple et original.

Par ailleurs, le champ des compétences du Médiateur des enfants est déjà différent de celui du Médiateur de la République, puisqu'il s'agit du non-respect des droits de l'enfant, ce qui constitue une spécificité par rapport aux attributions propres du Médiateur de la République chargé des dysfonctionnements entre usagers et administration.

Mais le respect des droits fondamentaux des enfants ne doit pas s'arrêter aux structures administratives, car il est un principe universel et donc indivisible.

Pour être pleinement efficace, il m'apparaît nécessaire d'élargir le champ de compétence du Médiateur des enfants à l'ensemble des institutions dans lesquelles les droits fondamentaux des enfants ne sont pas respectés. Il conviendrait alors de permettre au Médiateur des enfants de se saisir des réclamations visant aussi les personnes physiques ou morales de droit privé.

Dans le système éducatif, par exemple, ce sont tous les élèves des établissements d'enseignement qui pourraient être bénéficiaires de cette extension, que ces établissements soient publics ou privés.

Dans le domaine de l'action sociale, certains problèmes existent au sein d'associations qui accueillent des enfants placés par l'autorité administrative, la justice ou leurs parents, qu'ils soient handicapés ou en difficulté. De plus, les enfants peuvent être confrontés à des violations de leurs droits face à des employeurs ou à des commerçants.

Enfin, même au sein de leur famille, les enfants peuvent rencontrer des conflits mettant en cause leurs droits fondamentaux comme la liberté d'expression, le droit à la dignité sans que de tels manquements soient toujours signalés et traités par le service de l'aide sociale à l'enfance du conseil général.

Comme vous le savez, la proposition de loi initiale ne prévoyait pas l'éventualité d'assurer l'information des représentants légaux de l'enfant mineur ayant saisi le Médiateur des enfants. Mais j'avais soutenu, en première lecture, un amendement destiné à remédier à cette lacune.

A l'heure où le Gouvernement entend responsabiliser les parents sur leur mission d'éducation, il apparaîtrait paradoxal de les priver systématiquement d'une information sur les initiatives de leurs enfants. N'oublions pas, en effet, que les lois et les règlements prévoient l'information, voire l'autorisation des parents pour la plupart des actes ou des faits concernant leur enfant.

Toutefois, je ne puis méconnaître les situations fort délicates concernant des adolescents, filles ou garçons, en rupture avec leur famille et qui pourraient rechercher auprès du Médiateur des enfants un appui. On pourrait imaginer que l'envoi d'un avis aux représentants légaux soit de nature à alimenter le conflit. Il faut donc donner au dispositif une certaine souplesse et permettre en conséquence au Médiateur des enfants d'aviser, s'il le juge utile, les représentants légaux de la réclamation reçue de l'enfant mineur.

Au terme de ces quelques remarques destinées, je l'espère, à enrichir le débat d'aujourd'hui, j'ai le sentiment que nous oeuvrons, ensemble, à la création d'une institution qui s'inscrit pleinement dans l'esprit de la Convention internationale des Droits de l'enfant dont nous avons célébré, ces derniers jours, le dixième anniversaire. S'il est vrai que les clivages partisans s'effacent devant l'intérêt de l'enfant, force est de constater qu'il reste, aujourd'hui, au cours de ce débat, à délimiter précisément le cadre et l'étendue des compétences de cette nouvelle institution qui a été vidée de son sens lors du débat au Sénat. Je m'en remets, pour cela, à la sagesse de l'Assemblée et au débat que nous allons avoir à l'instant, persuadée que nous aurons à coeur, à l'aube du prochain


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millénaire, de faire triompher les droits de l'enfant.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration g énérale de la République.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui revient devant vous en deuxième lecture constitue l'une des concrétisations les plus importantes de la consécration législative des droits de l'enfant.

Il y a presque exactement un an, le 19 novembre 1998, l'Assemblée nationale adoptait deux propositions de loi, l'une ordinaire, l'autre organique, émanant de MM. Laurent Fabius et Jean-Paul Bret, et instituant une nouvelle autorité indépendante qu'il était proposé d'appeler le Médiateur des enfants. Cette nouvelle institution a pour but de garantir de manière impartiale et efficace les droits de l'enfant, tels qu'ils ont été notamment définis par la Convention internationale relative au Droit de l'enfant du 20 novembre 1989, dite Convention de New York.

La proposition de loi soumise à l'Assemblée en deuxième lecture, découle des recommandations des travaux de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant qui a demandé, à l'unanimité de ses membres, la création d'une nouvelle instance à l'instar de celles existant à l'étranger, notamment en Suède, en Norvège et en Wallonie. A cette fin, l'Assemblée nationale avait opté pour la création d'un Médiateur des enfants dont les missions et les prérogatives étaient calquées sur celles du Médiateur de la République, tout en se réservant la faculté, après quelques années, d'élargir son champ de compétence aux litiges pouvant naître dans la sphère privée.

Le Sénat a pour sa part examiné les deux propositions de loi au cours de sa séance du 9 novembre 1999. Tout en manifestant son accord sur le principe de la création d'un Médiateur des enfants, il a fort curieusement donné son accord sur l'accessoire tout en modifiant de fond en comble les dispositions portant sur l'essentiel.

Il a ainsi adopté conforme la proposition de loi organique relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants, alors même que les modifications qu'il a apportées à la proposition de loi créant cette nouvelle autorité, s'opposent à son adoption rapide.

La proposition de loi ordinaire instituant un Médiateur des enfants soumise à l'Assemblée en deuxième lecture a, quant à elle, été fortement modifiée par le Sénat.

Celui-ci, suivant sa commission des lois, a souhaité éviter que la nouvelle institution concurrence le Médiateur de la République en empiétant sur ses prérogatives.

En conséquence, il a rattaché le Médiateur des enfants au Médiateur de la République en lui confiant le soin de recevoir les réclamations relatives aux atteintes aux droits des enfants. Le Médiateur des enfants perdrait ainsi la qualité d'autorité indépendante, sa nomination ayant lieu après avis du Médiateur de la République et son rapport annuel étant purement et simplement annexé au rapport remis par la médiature.

Les dispositions adoptées par le Sénat placent donc la n ouvelle instance en situation subordonnée et ner épondent pas aux conclusions de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant. Si cette position finale n'est pas acceptable, il est apparu sur de nombreux bancs que se dessinait la volonté d'aller plus loin et d'élargir les pouvoirs de la nouvelle autorité.

Le sénateur Jacques Pelletier, ancien Médiateur, a pour sa part suggéré lors de l'examen du texte par la seconde chambre une nouvelle architecture permettant à l'autorité indépendante ainsi créée d'exercer pleinement la défense des droits de l'enfant en élargissant son champ de compétences aux litiges intervenus entre les personnes mineures et les personnes physiques et morales de droit privé.

Cette solution a le mérite de répondre aux objections formulées par la majorité sénatoriale à l'encontre de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, sans pour autant ôter à la nouvelle institution son caractère indépendant indispensable à la promotion et à la défense des droits de l'enfant tels qu'ils sont définis par la Convention de New York. Pourtant, tout en manifestant son accord de principe sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée, force est de constater que le Sénat n'a pas fait ce choix.

Ces éléments me conduisent, un an après l'adoption de la proposition de loi, à vous proposer d'adopter cette vision plus ambitieuse. Alors que nous avions pris du retard, prenons aujourd'hui de l'avance : allons vite et loin.

En conséquence, en vue de tirer parti des débats intervenus sans dénaturer le texte adopté par l'Assemblée nationale, je vous suggère de rétablir le caractère indépendant de la nouvelle autorité, tout en élargissant son champ de compétences et ses prérogatives. Les relations avec le Médiateur de la République ont également été précisées afin d'éviter l'existence de compétences concurrentes en matière de médiation institutionnelle et les doublons de personnels qui ne sont jamais le gage d'une bonne utilisation des deniers de l'Etat.

Reste la question de la dénomination de cette nouvelle autorité. En commission des lois nous avons envisagé de recourir à l'appellation de défenseur des enfants plutôt qu'à celle de médiateur des enfants, ce qui évitait toute confusion. C'était la position de votre rapporteur. Mais une majorité de la commission a tranché dans l'autre sens ; nous y reviendrons tout à l'heure.

Gageons que ce nouvel équilibre sera de nature à répondre aux préventions du Sénat et permettra l'adoption rapide d'un texte essentiel pour assurer la défensee ffective des droits de l'enfant au sein de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

Mme la présidente.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous venons de fêter le dixième anniversaire de la Convention des droits de l'enfant signée à l'unanimité par l'ensemble des membres de l'ONU et ratifiée par la plupart des pays à quelques rares exceptions près. Malgré ce progrès, la Convention de New York fait l'objet d'une application souvent insuffisante, même en France. En effet, les inégalités des chances à l'école, les enfants victimes de maltraitance, les suicides sont encore beaucoup trop nombreux.

Au-delà d'une réflexion nécessaire sur une meilleure insertion de la Convention dans le droit français, il est apparu nécessaire au législateur de s'interroger sur les


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réformes permettant de mieux garantir à chaque enfant les conditions de son développement. La commission d'enquête présidée par M. Laurent Fabius sur les droits de l'enfant a rendu son rapport adopté à l'unanimité au cours de l'année 1997. L'une des propositions phares, étayée par le Conseil d'Etat, était la création d'un outil supplémentaire de protection : le Médiateur des enfants.

En effet, au-delà du rôle irremplaçable du juge pour enfants, il est nécessaire de mettre en place rapidement une médiation qui reconnaît, de par son existence, l'enfant comme un véritable partenaire. Conçu comme une entité autonome, le médiateur devra posséder des moyens et un statut analogue à ceux du Médiateur de la République.

Ce texte, adopté à l'unanimité en première lecture de l'Assemblée le 19 novembre 1998, ne nous revient qu'aujourd'hui, après avoir été quelque peu modifié par le Sénat qui l'a adopté également à l'unanimité. On ne peut que regretter le retard qui a été pris alors que cette proposition de loi recueille l'approbation de tous et répond à un besoin très largement exprimé.

Le Sénat, pour l'essentiel, avait apporté une innovation importante en rattachant le Médiateur des enfants au Médiateur de la République afin d'assurer une parfaite coordination entre leurs activités. Deux nouveaux articles beaucoup plus secondaires avaient été rajoutés : l'un transformant en obligation la faculté pour le Médiateur des enfants de saisir l'autorité judiciaire lorsqu'un mineur est en danger et que l'intervention d'une mesure d'assistance éducative est nécessaire, l'autre incluant le bilan d'activité dans le rapport public annuel du Médiateur de la République.

Notre commission a rétabli l'indépendance du Médiat eur des enfants par rapport au Médiateur de la République mais a voulu prévenir le risque des conflits d'attribution. Ce faisant, elle a prévu que les attributions relevant de la sphère publique - administrations, collectivités locales ou organismes investis d'une mission de service public - s'exerceraient par saisine du Médiateur de la République en vertu d'une convention entre les deux médiateurs.

Pour redonner de la consistance au rôle du Médiateur des enfants, on lui confie à nouveau une attribution nouvelle et spécifique en élargissant ses compétences à la sphère que j'appellerai privée concernant des personnes privées n'ayant pas respecté les droits de l'enfant. Mais, je ne suis pas sûre que ces amendements simplifient ce texte ni qu'ils facilitent son efficacité.

Entre le texte d'origine et celui du Sénat a été choisie une troisième voie pleine de bonnes intentions mais plus tortueuse et sans doute plus difficile d'application. Ce n'est pas une raison pour retarder cette réforme. L'enfant est une personne et il importe de lui donner sa pleine légitimité. L'institution d'un médiateur répond réellement à un besoin, il s'insère dans notre droit positif comme un des éléments permettant de faire de nos enfants des femmes et des hommes qui prendront demain leur place, toute leur place dans la cité. C'est pourquoi le groupe du Rassemblement pour la République votera cette proposition aussi consensuelle qu'opportune. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. Laurent Fabius.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, lorsque par un vote unanime l'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté un texte qui tient en une seule phrase : « Le 20 novembre, jour anniversaire de l'adoption par l'ONU de la convention des droits de l'enfant, est reconnue journée nationale des droits de l'enfant », tous ici, quels que soient nos choix idéologiques, nous nous sommes demandé quelle place cette journée prendrait dans la vie nationale.

La réponse est donnée. En effet, on sent que chaque année cette journée consacre l'action de tous ceux qui défendent les droits des enfants dans notre pays et dans le m onde. Deviendra-t-elle une journée universelle au contenu émancipateur à l'image du 1er mai pour les travailleurs ou du 8 mars pour les femmes, comme nous y invite d'ailleurs la convention internationale des droits de l'enfant qui affirme pour la première fois la personnalité de l'enfant, son intérêt supérieur, et qui engage cent quatre-vingt-onze pays signataires ? Les enjeux que recouvre l'application de la convention sont tellement importants pour l'ensemble de l'humanité que nous avons le devoir d'en prendre la mesure. Je ne m'engagerai pas dans une énumération sans fin, là n'est pas l'objet de notre propos aujourd'hui, mais il y a des réalités que nous devons rappeler.

Au plan international, les chiffres sont terribles : en une décennie, les guerres ont tué 2 millions d'enfants, en ont blessé ou mutilé 8 millions, 15 millions ont été traumatisés à vie, 20 millions déplacés, 13 millions d'enfants meurent chaque année de malnutrition ou d'infections facilement guérissables et le sida continue sa progression endémique. Par ailleurs, 140 millions d'enfants, dont deux tiers de filles, ne sont pas scolarisés et plus de 250 millions de mineurs de cinq à quatorze ans fournissent une main-d'oeuvre corvéable à merci.

Face à cette horreur, la responsabilité des pays industriellement développés est directement engagée ; celle de notre pays l'est particulièrement car c'est dans cette enceinte même que le Parlement mondial des enfants a proclamé : « Le monde doit impérativement s'efforcer de parvenir à la paix par la diplomatie, le dialogue, les moyens d'action collectifs et tous les moyens utiles. La paix est non seulement un rêve, mais un objectif à atteindre. »

On le voit, ce qui reste à accomplir est colossal même si des progrès sont enregistrés. En France, fort heureusement, la situation est meilleure que dans la plupart des pays du monde, mais les droits reconnus aux enfants ne sont pas acquis une fois pour toutes. Force est de reconnaître qu'ils sont remis en cause par le chômage, la pauvreté, la misère, qu'il s'agisse du droit acquis par chaque enfant à une nourriture saine, à la protection de la santé, à un toit, aux loisirs, à l'éducation. Oui, des enfants souffrent.

La maltraitance, le suicide des jeunes, l'inégalité des chances devant le système éducatif, devant le service des soins, face au droit aux vacances et aux loisirs sont autant de questions dont nul ne peut sous-estimer l'importance.

Concernant la santé à l'école, j'entends bien, madame la ministre, votre satisfaction, qui est aussi la mienne, d'avoir pu créer un nombre beaucoup plus important de postes que par le passé, mais je veux le redire ici, nous sommes loin du compte. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de rediscuter en détail des moyens supplémentaires nécessaires à la promotion de la santé des élèves. En effet, bien que la proposition de loi du Parlement des enfants de 1997, qui visait à prévoir une infirmière par groupe scolaire ait été jugée irrecevable, le Parlement des enfants de 1999, a, si j'ose dire, récidivé en proposant l'instaura-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

tion d'une visite médicale régulière pour dépister les maltraitances. Cela prouve que les enfants ont de la suite dans les idées.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

M. Bernard Birsinger.

Et quand on parle de la convention internationale des droits de l'enfant, il faut d'abord la considérer comme un cadeau des enfants, et comme leur propre parole mise en texte.

Si la conquête des droits de l'enfant est loin d'être achevée, je reste convaincu que notre pays, un des premiers à avoir ratifié la convention, le premier à avoir déclaré une journée nationale des droits de l'enfant, peut et doit jouer un rôle moteur pour des avancées significatives dans le monde.

En ce sens, nous pouvons nous féliciter des évolutions législatives intervenues dans différents domaines, particulièrement celui du droit pour l'enfant de se faire entendre, et d'être reconnu comme « sujet de droit », même si la position de la Cour de cassation concernant l'invocabilité de la convention devant les tribunaux ternit notre position de pays en pointe sur l'état des droits de l'enfant. Je veux profiter de l'occasion, d'ailleurs, pour me féliciter du rapport communiqué par le Gouvernement au Parlement sur l'état des droits de l'enfant.

D'autres dispositions devraient intervenir dans le cadre de la réforme du droit de la famille, qui amplifieront ce mouvement et consacreront une meilleure prise en compte des intérêts des enfants.

Aujourd'hui, il nous est proposé d'aller plus loin, en inscrivant dans le droit la reconnaissance de l'enfant comme un individu à part entière : la reconnaissance d'un Médiateur des enfants marque leur reconnaissance en tant que citoyens ayant des droits et pouvant revendiquer leur application.

Je note que l'opinion est d'ailleurs favorable à une telle mesure, puisque, selon un sondage de l'UNICEF, 91 % des personnes interrogées se disent favorables à l'instauration d'un Médiateur des enfants pour notre pays. Je souhaite donc que nous ne décevions ni les enfants, ni les citoyens, ni les associations, ni les professionnels de l'enfance. Il s'agit bien ici de créer une institution spécifique, chargée de promouvoir et de défendre les droits de l'enfant, institution qui ne saurait en aucun cas être mise sous tutelle du Médiateur de la République.

Ma collègue Odette Terrade l'a souligné au Sénat, la proposition de créer une institution chargée spécifiquement des droits de l'enfant semble recueillir l'assentiment de tous les parlementaires. Le rapport de la commission d'enquêtes sur l'état des droits de l'enfance en France, qui en avait fait une de ses recommandations, a été voté à l'unanimité des groupes de notre assemblée, mais dès qu'il s'est agi de rendre une mesure concrète, nous avons vu que, finalement, deux conceptions s'affrontent, en tout cas au Sénat. D'un côté, il y a ceux qui considère l'enfant comme un être humain mineur ; les droits de l'enfant ne sont qu'un aspect des droits de l'homme et ne doivent pas faire l'objet d'un traitement spécifique. De l'autre, on trouve ceux, et j'en suis, qui estiment que l'enfant doit être considéré comme un individu à part entière, mais un individu spécifique puisqu'il porte en lui l'avenir de notre société.

En effet, sa spécificité ne réside pas seulement dans le fait que les enfants doivent être protégés. C'est là l'un des aspects révolutionnaires de la convention. Elle leur reconnaît la liberté d'expression, de pensée, de conscience, de religion, la liberté d'association et de réunion pacifique également. Elle leur reconnaît donc la capacité d'agir pour faire respecter leurs droits. Elle ne leur octroie pas seulement le droit à être protégé, défendu par les adultes.

C'est pourquoi il me semble important de revenir à l'esprit initial de la proposition de loi.

En première lecture, notre groupe avait déposé deux amendements à l'article 1er , qui visaient, respectivement, à élargir le droit de saisine aux réclamations collectives et à accorder ce même droit aux associations de défense des droits de l'enfant reconnues d'utilité publique. Cette proposition avait été formulée ici-même en première lecture et a été de nouveau défendue devant le Sénat. J'espère que nous progresserons aujourd'hui dans cette direction.

La rédaction du premier alinéa de l'article 3 nous pose problème. Dans le domaine du droit public, avec la proposition actuelle, le Médiateur de la République garde, pour l'essentiel, la maîtrise des choses, le Médiateur des enfants se cantonnant aux petits riens et n'ayant plus de possibilité d'investigation. Il jouerait finalement le rôle d'un avocat auprès du médiateur de la République.

Il est question d'une convention établissant les rapports entre le Médiateur de la République et le médiateur des enfants. Quel en serait le contenu ? On n'en sait rien. Le texte initial était beaucoup plus fort, affirmait de façon plus nette cette volonté d'indépendance du Médiateur des enfants. Les articles 5 et 6 de la première mouture définissaient très concrètement les relations qui pouvaient exister entre le Médiateur des enfants et le Médiateur de la République.

La commission des lois a adopté hier un sousamendement de M. Gouzes qui maintient l'appellation de Médiateur. Plus que les mots, c'est sans doute le contenu de ce qui nous est proposé qui compte, en ce qui concerne le droit public.

Je me félicite en revanche des améliorations apportées à l'article 3. La proposition de loi stipule que le Médiateur peut proposer les modifications législatives ou réglementaires, lorsqu'il lui apparaît que leur application aboutit à des situations inéquitables pour l'enfant. Nous souscrivons à la proposition formulée par le groupe socialiste du Sénat et adoptée par notre commission, permettant d'élargir cette compétence, en autorisant le médiateur à suggérer des mesures nouvelles, qui ne seraient plus uniquement correctives.

Nous nous félicitons également de l'élargissement des missions du Médiateur aux rapports entre les enfants et les personnes physiques ou morales de droit privé non investies d'une mission de service public.

J'insiste d'autre part sur les moyens, notamment matériels, mis à la disposition du Médiateur pour qu'il puisse remplir ses missions.

La proposition initiale contenait un article 7 concernant les représentants départementaux du Médiateur.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

C'est exact !

M. Bernard Birsinger.

Nous regrettons sa suppression.

J'avais défendu un amendement visant à maintenir cette proposition. Un amendement du Gouvernement apporte un certain nombre de propositions financières. J'aimerais en savoir un peu plus sur les moyens dont disposera le Médiateur des enfants.

En conclusion, je tiens à exprimer le souhait du groupe communiste de voir aboutir cette proposition très rapidement pour que le Médiateur des enfants se mette au travail sans tarder.

Mme la présidente.

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

L'enfance en difficulté est le premier problème de notre société, et sans doute un problème mondial. S'il est important de parler des droits de l'enfant, il est aussi essentiel de rappeler les devoirs des adultes vis-à-vis des enfants. Ces devoirs sont encore plus importants quand les enfants sont en difficulté. C'est pourquoi, comme notre rapporteur, j'ai beaucoup aimé l'expression du président Fabius qui a parlé de « défenseurs des enfants ».

Notre législation, contrairement à celle d'autres pays, a tout prévu, puisque l'enfant mineur est déjà titulaire de d roits. Mais il ne faut pas pour autant oublier l'article 371-2 du code civil, dont on nous a dit, avanthier, qu'il était le code essentiel pour la famille : « L'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation. » Même après un divorce ou une séparation de

corps, l'autorité parentale continue à être exercée en commun par les deux parents. S'ils ne peuvent plus, pour des raisons diverses, exercer cette autorité, de façon provisoire ou définitive, une décision de justice le confie au conseil général ou à un autre tuteur. C'est la loi de décentralisation qui a fixé ces règles.

Or, dans la loi qui nous est proposée aujourd'hui, il est impératif de préciser que ne doivent être traitées par le médiateur que les difficultés des enfants avec les administrations publiques - police, services de santé, etc. - ou les institutions publiques - éducation nationale, par exemple. Les autres difficultés, d'ordre privé ou familial, sont prises en charge et évaluées par les services du conseil général, qui demandent au président du conseil général d'intervenir auprès de la justice s'il y a lieu. Le juge décide ensuite un placement ou une AEMO, les deux mesures étant financées par le conseil général.

Je partage la préoccupation exprimée par l'orateur précédent : aucun moyen n'est mis à la disposition du médiateur. Comment pourra-t-il travailler ? On connaît la difficulté des enquêtes quand un enfant est maltraité ou pas soigné. Les services des conseils généraux s'en chargent jusqu'à présent, et cette tâche mobilise beaucoup de monde. La loi n'apporte aucune précision sur ce sujet.

La proposition de loi prévoit que le médiateur portera à la connaissance du juge des enfants de l'endroit concerné, qui peut être à mille kilomètres de Paris, le cas de certains mineurs. Mais leurs difficultés, si elles sont importantes, auront déjà été signalées depuis longtemps au même juge par le président du conseil général. Ce n'est plus un circuit, mais un coupe-circuit. Quel est son intérêt ? Dans les cas difficiles, le lien parents-enfant doit être sans cesse maintenu par les services sociaux du conseil général. Or pas une seule fois, dans cette loi, n'est cité le mot « parents » et nulle part il n'est question de la passerelle parents-enfant qui devra être maintenue par le médiateur. Comment le pourrait-il, d'ailleurs, puisque le médiateur se trouvera à Paris et que ses représentants locaux ont été supprimés ? Une jeune plante a besoin d'un tuteur, d'eau et de soleil. De même, un enfant a besoin d'amour, d'exigence et de protection. Nous l'avons dit, la législation française l'a parfaitement compris et en a tenu compte. Il faut commencer par l'appliquer correctement.

C omme l'indique M. le président Fabius dans Le Monde du 8 novembre 1999, il faut des choses simples, et donc plutôt un « défenseur des enfants ». Or, nous pensons que celui-ci serait mieux placé auprès du Médiateur de la République pour témoigner du sérieux d e la fonction, car nombreux sont ceux qui ne connaissent pas, comme l'a rappelé Mme la ministre, la Déclaration des droits de l'enfant. En revanche, le rôle et l'utilité du Médiateur sont bien connus. La mise en place d'un défenseur auprès de chaque médiateur départemental serait également utile. Saisi par des appels téléphoniques ou des plaintes déposées par des enfants, celui-ci collaborerait avec les assistantes sociales de quartier, les éducateurs de rue, les associations familiales, et bien d'autres de ces acteurs que l'on oublie trop souvent.

Toutefois, il ne devrait pas saisir la justice, car il convient de laisser cette prérogative, comme le propose la loi de décentralisation, au président du conseil général, qui a les moyens de faire appliquer les mesures les plus adaptées à l'intérêt des enfants. Cette coordination de tous les acteurs oeuvrant auprès des enfants permettra une approche globale du problème. S'il est très grave - ce qui est parfois la cas, nous en avons hélas trop souvent l'expérience dans notre vie d'élu local et, surtout, au conseil général -, ce défenseur soumettrait l'affaire au Médiateur de la République, qui a les compétences et le personnel pour traiter ces dossiers, alors qu'aucun personnel n'est prévu pour seconder le Médiateur des enfants.

Ainsi, nous créerons, non pas une strate administrative supplémentaire qui compliquerait tout, mais un espace d'écoute attentive, d'échanges et de confiance, qui pourra permettre à l'enfant de devenir confiant, responsable, dans une société où ses parents, ses tuteurs ou les autres personnes qui sont à son écoute l'aideront à trouver son chemin de vie, et celui de la démocratie.

Je fais mienne la conclusion de l'article de M. le président Fabius : « Une civilisation se juge au sort qu'elle réserve aux enfants. » Aussi, l'UDF a, par ma voix, pro-

posé plusieurs amendements qui permettront d'arriver à ce résultat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants, et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Jean-Paul Bret.

M. Jean-Paul Bret.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'enfant est une personne.

C'est ce principe que, il y a dix ans, le 20 novembre 1989, à New York, l'assemblée générale des Nations unies a établi en adoptant la Convention internationale des droits de l'enfant.

Cette convention opère une véritable révolution copernicienne dans la manière de considérer l'enfant : il n'est plus objet, mais sujet de droit. En tant que tel, il peut prétendre à des droits civils, sociaux et culturels.

La construction d'un édifice juridique autour de l 'enfant s'est avérée complexe, lente et progressive.

Aujourd'hui encore, la France n'applique pas toutes les mesures préconisées dans la convention de New York, dont elle est signataire. En 1998, afin d'adapter le droit français au droit international, le président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, a présidé une commission d'enquête parlementaire qui a procédé à un état des droits de l'enfant dans notre pays.

Cette commission, dont j'ai été le rapporteur, a formulé et explicité près de quarante propositions, au nombre desquelles figurait l'instauration d'un Médiateur des enfants. Six mois plus tard, le 19 novembre 1998, notre assemblée a voté la création de ce Médiateur des enfants. Le texte nous revient aujourd'hui en seconde lecture.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Pendant longtemps, au regard même de l'étymologie, le mot « enfant » a désigné celui qui ne parlait pas et qui, par cette absence de parole et donc d'existence, devait être protégé.

S i les transformations juridiques progressives ne limitent aucunement les formes de protection autour de l'enfant, elles oeuvrent pour la reconnaissance de sa parole chaque fois qu'il est concerné : parole en cas de divorce des parents, parole des enfants nés hors mariage et parole à l'occasion d'une décision de justice.

Grâce à plusieurs dispositifs nouveaux sur l'égalité des filiations, l'autorité parentale, la suppression des inégalités successorales entre enfants légitimes et enfants adultérins, l'affirmation du droit à la connaissance de ses origines par l'aménagement ou la suppression de l'accouchement sous X, le projet de loi, que prépare actuellement Mme Elisabeth Guigou sur le droit de la famille et qui sera présenté devant l'Assemblée nationale, entérine ce nouveau statut de l'enfant comme personne pleine et entière.

Plus encore qu'un statut, c'est une nouvelle forme de citoyenneté qu'acquiert aujourd'hui l'enfant. Pour relayer la parole de l'enfant citoyen, il existe déjà des conseils municipaux d'enfants et un Parlement des enfants.

A l'automne, à Paris, l'Assemblée nationale et l'Unesco ont réuni un Parlement mondial des enfants, c'est-à-dire des adolescents de tous les pays, afin qu'ils témoignent de leurs visions du monde et de leurs aspirations pour le

XXIe siècle. Ils ont élaboré un manifeste qui sera transmis aux chefs d'Etat de la planète. Ce document, unique dans l'histoire des hommes, témoigne de l'avancée extraordinaire que nous venons d'accomplir. Car, à travers ces pratiques citoyennes, l'enfant aborde sa vie d'adulte avec le regard d'un individu éclairé et responsable.

Cette construction autour du droit et de la citoyenneté de l'enfant sera sans doute l'une des gloires de ce XXe siècle, même si tous les enfants ne vivent pas encore avec la même liberté et la même égalité de droits sur l'ensemble de la planète.

L'instauration d'un Médiateur des enfants dans notre pays est une étape, un pas supplémentaire qu'il convient de franchir.

Si le Sénat a accepté cette création, il en a considérablement amoindri la portée en plaçant le Médiateur sous la tutelle et la dépendance du Médiateur de la R épublique. Cela altère et dénature l'intention des auteurs de la proposition de loi, dont je suis, avec M.

Laurent Fabius.

Il faut, au contraire, que le Médiateur des enfants soit une entité à part, clairement identifiable et réservée aux enfants. Cela implique une autonomie institutionnelle. Il faut que le Médiateur soit visible, connu et reconnu, et nous devons donc, sur ce point d'importance, supprimer ce qu'a fait le Sénat et en revenir à l'intention d'origine.

La médiation n'est pas le pré carré du Médiateur de la République, quels que soient la pertinence et l'intérêt de son action. Il existe déjà de nombreux médiateurs, et on en créera sans doute d'autres.

Je regrette également que, dans le souci louable d'apaiser le Médiateur de la République, celui-ci s'étant beaucoup dépensé pour tutéliser ce nouveau médiateur...

M. Bernard Birsinger.

C'est vrai !

M. Jean-Paul Bret.

... on remplace le titre de « Médiateur des enfants » par celui de « défenseur des enfants ».

M. Bernard Birsinger.

C'est dommage !

M. Jean-Paul Bret.

Ce terme de « défenseur » va, me semble-t-il, à l'encontre de ce que nous entendons quand nous sortons des entraves de l'étymologie du mot enfant que je rappelais tout à l'heure.

M. Bernard Birsinger.

Vous avez raison !

M. Jean-Paul Bret.

Nous l'avons dit en insistant dans le rapport de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant : l'enfant n'est pas seulement un être à protéger, il est une personne avec des droits.

M. Bernard Birsinger.

Tout à fait !

M. Jean-Paul Bret.

Le concept de médiation, la notion de médiateur établit bien ce souci de faire valoir des droits, alors que la notion de défenseur induit protection et vulnérabilité et confère implicitement une mission d'avocat au représentant de notre nouvelle institution.

Or, il s'agit bien d'instituer une médiation, à ce jour inexistante, et non une défense pour laquelle la justice apporte déjà des réponses. Mais soit ! Ces réserves faites, j'en reviendrai à l'essentiel, à savoir : la création d'une structure de médiation destinée à promouvoir les droits de l'enfant, en ouvrant le plus largement possible son champ d'intervention.

A travers la création de cette institution, nous entérinons, aujourd'hui, en France, la révolution opérée il y a dix ans, lors de l'établissement de la Convention internationale sur les droits de l'enfant.

D'autres pays ou régions comme la Norvège, la Suède, la Wallonie, sont, il est vrai, allés plus vite que nous et ont instauré, avant nous, un médiateur des enfants. Leur expérience nous a servi.

Aujourd'hui, en France, nous franchissons une étape importante pour le droit, pour les enfants, pour les citoyens que nous sommes tous. Car, en votant ce texte, nous consacrerons un nouveau droit, plein et entier, qui vaudra désormais pour tout citoyen vivant sur notre territoire, le droit d'être un enfant pour devenir un adulte.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Les deux propositions de loi que nous examinons aujourd'hui tendent à instituer un médiateur des enfants et à prévoir son inéligibilité. Elles sont issues des conclusions adoptées en mai 1998, sur ler apport de M. Jean-Paul Bret, par la commission d'enquête sur « l'état des droits de l'enfant en France, notamment au regard des conditions de vie des mineurs et de leur place dans la cité », constituée à l'Assemblée nationale et présidée par M. Laurent Fabius.

Cette initiative est évidemment louable - notre groupe tient à le souligner -, car elle s'inscrit dans un mouvement plus vaste de reconnaissance des droits de l'enfant.

La recommandation du Conseil de l'Europe, adoptée en 1990, tend en particulier à « inviter les Etats membres à envisager, s'ils ne l'ont pas encore fait, de nommer un médiateur spécial pour les enfants, qui pourrait les informer de leurs droits, les conseiller, intervenir et, éventuellement, ester en justice des poursuites en leur nom ».

Ainsi, la création d'un Médiateur des enfants ou, en tout cas, d'un interlocuteur privilégié pour les enfants est une demande forte de la société. Néanmoins, si les intentions sont bonnes et même parfaites, je ne peux m'empêc her d'émettre certaines réserves - comme l'a fait Mme Isaac-Sibille - quant aux modalités de leur mise en oeuvre.


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S'il est en effet opportun de s'assurer qu'une autorité indépendante veille bien au respect des droits des enfants, en tant que personnes, est-il nécessaire de créer une nouv elle institution administrative indépendante pour atteindre cet objectif ? Cette remarque paraît d'autant plus fondée que le Médiateur des enfants, tel qu'il est envisagé par ce projet de loi est totalement calqué sur le Médiateur de la République.

Comme le Médiateur de la République, le Médiateur des enfants sera une autorité indépendante, nommée par décret en conseil des ministres ; comme pour le Médiat eur de la République, l'exercice de ses fonctions, conjointement avec des mandats électifs, sera limité, voire impossible s'agissant des mandats de député, de député européen ou de sénateur.

Le champ de ses compétences sera également identique à celui du Médiateur de la République. Tous deux seront en effet compétents pour recevoir les réclamations individuelles concernant le fonctionnement des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales et de tout autre organisme investi d'une mission de service public.

Les pouvoirs du Médiateur des enfants seront identiques à ceux du Médiateur de la République. Tous deux recommanderont à l'organisme mis en cause dans une réclamation individuelle toute solution de nature à régler en droit ou en équité la situation du mineur concerné ; tous deux devront faire un rapport annuel remis au Président de la République et au Parlement.

La seule différence - il est vrai qu'elle n'est pas anodine - réside dans la possibilité qui sera offerte au Médiateur des enfants de s'auto saisir de toutes les questions touchant aux droits de l'enfant.

Le parallèle entre ces deux autorités serait moins problématique si le Médiateur de la République n'avait déjà eu l'occasion de traiter d'affaires concernant des mineurs.

En effet, la rédaction actuelle de la loi fondatrice du 3 janvier 1973 ne lui interdit pas de connaître des difficultés que peuvent rencontrer les enfants dans leurs relations avec les administrations. A titre d'exemple, le Médiateur de la République a suggéré, dans une proposition de réforme du 22 juillet 1998, un aménagement du dispositif organisant actuellement le partage amiable d'une succession, lorque l'un des copartageants est un mineur.

Il me semble donc que le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants risquent de se faire concurrence. Cela est d'ailleurs d'autant plus vrai que les relations entre les deux médiateurs ne sont pas clairement définies. D'ailleurs le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée, en première lecture déjà, s'était demandé s'il n'aurait pas été envisageable de se contenter d'élargir les compétences du Médiateur de la République.

Pourtant, cette solution a jusqu'alors été rejetée par l'Assemblée nationale, qui a considéré que la mise en place d'une institution nouvelle s'inscrivait mieux dans la dynamique créée par la convention de New York.

Personne, sur ces bancs, ne niera que les droits de l'enfant ne doivent pas rester au stade des déclarations d'intentions et que, face aux difficultés d'ordre social ou familial, il est essentiel qu'ils soient reconnus au quotidien. Néanmoins, il ne faudrait pas que des intentions, aussi bonnes soient-elles, se traduisent par un dispositif juridique qui finirait par desservir la cause des enfants en raison de sa complexité ou de son inadéquation à des situations graves nécessitant des réponses rapides et simples.

Or, comme l'a souligné le rapporteur de la commission des lois en première lecture, si le Médiateur des enfants venait à concurrencer directement le Médiateur de la République, cette nouvelle institution, au lieu d'aider les enfants, leur porterait préjudice, car un flou pourrait s'instaurer quant au choix de l'autorité compétente.

La création d'une nouvelle autorité indépendante, s'ajoutant à celle qui existe déjà, n'apparaît donc pas comme la meilleure modalité qui soit, d'autant plus - et cela pose un problème pour notre République - qu'elle risque d'ouvrir la voie à une multiplication de médiateurss pécifiques pour chaque catégorie de la population confrontée à des difficultés. Un tel démembrement, pour ne pas dire un tel éparpillement des institutions républicaines pourrait, à terme, poser davantage de problèmes qu'il n'en résoudrait.

J'aurais donc préféré, comme nombre de nos collègues, sur d'autres bancs d'ailleurs, une extension des droits du Médiateur de la République. Elle m'aurait paru plus judicieuse que cette création, dans la mesure où, quelle que soit la personnalité du Médiateur, il s'agit en général d'une personnalité politique de premier plan. Il dispose d'une administration expérimentée et a acquis, au fil des années, une autorité incontestable dans notre pays. Par ailleurs, la gestion de nos collectivités locales nous a appris que la simplicité était toujours mère d'efficacité.

Or la création d'une nouvelle autorité indépendante me paraît d'autant moins synonyme de simplicité qu'elle intervient dans un domaine dont les contours sont flous.

En effet, la notion de « droit de l'enfant » n'a pour l'instant aucun contenu juridique précis. J'en veux pour preuve le problème de la non-applicabilité directe de l'ensemble des dispositions de la convention de New York.

Par ailleurs ce texte ne traite pas de certains sujets qu'il faut pourtant aborder si l'on veut que le Médiateur des enfants soit véritablement effectif. Qu'en est-il notamment de l'articulation de la procédure envisagée avec l'autorité parentale ? Cette question n'est pas anodine car elle revient tout simplement à poser celle de la saisine du Médiateur des enfants. En effet, le père de famille que je suis s'interroge : mes enfants pourront-ils saisir le Médiateur des enfants à l'insu de l'autorité parentale ? Comment cette institution sera-t-elle gérée ? Aura-t-elle besoin ensuite de correspondants départementaux ? Comment le système sera-t-il mis en oeuvre ? J'aurais souhaité, même si le Médiateur des enfants doit être une autorité indépendante, que les parents soient mieux associés à cette démarche.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

M. Dominique Bussereau.

Je regrette que, sur ce point, la réflexion n'ait pas été poussée jusqu'à son terme.

On ne peut toutefois qu'être favorable au développement du rôle de la médiation dans notre pays. Chacun voit bien l'importance des autorités indépendantes, surtout au moment où l'on constate que les liens sociaux ont tendance à se distendre et que les conflits deviennent durs. Nous ne pouvons donc pas accepter que les enfants souffrent de ces mêmes maux. Ils ont besoin d'écoute et de compréhension.

C'est pourquoi, madame la ministre, même si la création d'un médiateur des enfants n'est peut-être pas, à nos yeux, la solution la plus appropriée, la cause étant noble, le groupe Démocratie libérale votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Mme la présidente.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente.

En application de l'article 91, alinéa 9, du règlement, j'appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'on pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

Mme la présidente.

« Art. 1er . - Après l'article 15 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, il est ajouté un article 16 ainsi rédigé :

« Art. 16. - Un Médiateur des enfants, placé auprès du Médiateur de la République, reçoit les réclamations individuelles de mineurs intéressés ou de leurs représentants légaux qui estiment que les administrations de l'Etat, les collectivités publiques territoriales ou tout autre organisme investi d'une mission de service public n'ont pas respecté les droits de l'enfant reconnus par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé, ou n'ont pas fonctionné conformément à la mission de service public qu'il doivent assurer. »

Mme Ledoux, rapporteur, a présenté un amendement no 2, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 1er :

« Il est institué un Médiateur des enfants, autorité indépendante. »

« Il est chargé de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé.

« Il reçoit les réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs représentants légaux qui estiment qu'une personne publique ou privée n'a pas respecté les droits de l'enfant.

« Lorsqu'il a été saisi directement par l'enfant mineur, il peut en informer son représentant légal. »

Sur cet amendement, je suis saisie de quatre sousamendements.

Le sous-amendement no 20, présenté par Mme Ledoux, est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 2, substituer au mot : "Médiateur", le mot : "Défenseur". »

Les sous-amendements nos 15, 16 et 17 sont présentés par MM. Birsinger, Gérin et les membres du groupe communiste.

Le sous-amendement no 15 est ainsi rédigé :

« Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement no 2, après les mots : "réclamations individuelles", insérer les mots : "ou collectives". »

Le sous-amendement no 16 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 2 par l'alinéa suivant : "Les réclamations peuvent lui être présentées par les associations reconnues d'utilité publique, qui défendent les droits des enfants". »

Le sous-amendement no 17 est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 2 par l'alinéa suivant :

« Le Médiateur des enfants est en droit de s'autosaisir sur des sujets qui lui apparaîtraient comme des atteintes aux droits des enfants tels que définis par les lois de la République et les engagements internationaux de la France comme la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant. »

La parole est à Mme le rapporteur pour soutenir l'amendement no 2 et le sous-amendement no

20.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

L'amendement no 2 vise à réécrire l'article 1er en rétablissant le caractère d'autorité indépendante de la nouvelle institution et en étendant le champ de compétence de la nouvelle autorité à la sphère privée.

A propos du sous-amendement no 20, j'ai déjà indiqué, dans mon intervention liminaire, qu'une discussion avait eu lieu en commission des lois sur la dénomination de cette nouvelle autorité indépendante chargée de la défense des droits de l'enfant en France. Il porte donc le débat devant l'Assemblée en plaidant pour le choix du mot

« Défenseur » des enfants.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Premièrement, il n'aura pas seulement un rôle de médiateur. En effet ferat-il de la médiation lorsqu'il assurera la promotion des droits de l'enfant ? Fera-t-il de la médiation lorsqu'il organisera des actions d'information sur ces droits ? Mme Bernadette Isaac-Sibille et M. Dominique Bussereau.

Très juste !

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Fera-t-il de la médiation lorsqu'il suggèrera de transposer en droit interne des dispositions de la convention de New York ?

M. Dominique Bussereau.

Exact !

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Deuxièmement, cette institution est d'abord faite pour les enfants. Il est donc souhaitable d'adopter une dénomination qui soit parlante pour eux. Or, faites un sondage autour de vous et demandez à des enfants de huit, neuf ou dix ans, ce qu'est un médiateur et ce qu'est un défenseur. Vous serez édifié.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Troisièmement, il convient d'éviter toute confusion avec d'autres instances d e médiation, non seulement le Médiateur de la République mais aussi le Médiateur de l'éducation nationale par exemple Pour ces trois raisons, je vous invite à adopter ce sousamendement.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Très bien !

Mme la présidente.

Je vais maintenant demander aux auteurs des autres sous-amendements de les présenter avant de solliciter l'avis du Gouvernement.

La parole est à M. Birsinger pour présenter le sousamendement no

15.

M. Bernard Birsinger.

Avec l'instauration de la saisine individuelle, nous franchissons un pas décisif dans la reconnaissance de l'enfant comme sujet de droit. Je pense néanmoins que nous pourrions aller plus loin en permettant une saisine collective. Les enfants sont d'ailleurs habitués à cette pratique collective à laquelle ils recourent dans les conseils municipaux d'enfants ou lorsqu'ils préparent des textes avec leur classe pour le Parlement des enfants. Chacun sait bien que l'apprentissage de la citoyenneté passe aussi par son exercice avec les autres. Il semblerait donc judicieux d'introduire la possibilité d'une saisine collective.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 15 ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission a émis un avis dévaforable car il ne s'agit pas d'entrer dans une logique de pétition.

Mme la présidente.

Le Gouvernement s'exprimera sur l'ensemble des sous-amendements.

La parole est à M. Bernard Birsinger pour défendre le sous-amendement no

16.

M. Bernard Birsinger.

Il tend à permettre la saisine par des associations d'utilité publique. Ainsi que je l'ai indiqué dans mon intervention générale, cette faculté serait conforme à l'esprit de la convention internationale des droits de l'enfant dont la rédaction, fait remarquable, doit beaucoup au travail d'organisations non gouvernementales et d'associations.

Or il existe, dans notre pays, un réseau d'associations, dont le conseil français des associations pour les droits de l'enfant, le COFRADE, qui jouent un rôle important pour la défense et la promotion des droits de l'enfant. Il me semblerait donc judicieux, pour aider le médiateur des enfants, que la saisine par les associations reconnues d'utilité publique soit prévue dans le texte.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission est favorable à cet excellent sous-amendement de M. Birsinger.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Birsinger pour présenter le sous-amendement no

17.

M. Bernard Birsinger.

Nous proposons de permettre au Médiateur des enfants de s'autosaisir. Dans un premier temps, cela sera nécessaire pour qu'il puisse accomplir pleinement sa mission.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission est défavorable à ce sous-amendement, car cette faculté d'autosaisine est déjà prévue par le quatrième alinéa de l'article 3, mais dans une rédaction calquée sur celle retenue pour le Médiateur de la République.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 2 et sur les sous-amendements qui viennent d'être présentés ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement no 2 et aux sous-amendements présentés par M. Birsinger puisqu'ils vont dans le sens du débat qui s'est déjà déroulé en première lecture. Ils sont d'ailleurs conformes aux positions que le Gouvernement a défendues au Sénat.

Pour ce qui est du sous-amendement no 20, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. Je tiens toutefois à souligner qu'il faudra éviter que l'appellation

« Défenseur » ne soit source de confusion avec le rôle de l'avocat. Il doit être bien clair, en effet, que le Médiateur des enfants aura essentiellement un rôle positif de conciliation.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

20.

M. Bernard Birsinger.

Abstention du groupe communiste ! (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

15. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

16. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

17. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 2, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 1er est ainsi rédigé et l'amendement no 11 de Mme Bernadette Isaac-Sibille n'a plus d'objet.

Article 2

Mme la présidente.

« Art. 2. Après l'article 15 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est ajouté un article 17 ainsi rédigé :

« Art. 17. Après avis du Médiateur de la République, le Médiateur des enfants est nommé pour six ans par décret en conseil des ministres. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de ce délai qu'en cas d'empêchement constaté dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Son mandat n'est pas renouvelable. »

Mme Claudine Ledoux, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 2 :

« Le Médiateur des enfants est nommé pour six ans par décret en conseil des ministres. Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de ce délai qu'en cas d'empêchement constaté dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Son mandat n'est pas renouvelable. »

Sur cet amendement, Mme Ledoux a présenté un sousamendement, no 21, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase de l'amendement no 3, substituer au mot : "Médiateur" le mot : "Défenseur". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 3 et le sous-amendement no

21.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

L'amendement tend simplement à rétablir le texte adopté en première lecture.

Nous n'avons pas retenu le mode de nomination prévu par le Sénat qui prévoyait l'avis du Médiateur de la République.

Quant au sous-amendement no 21, il tire la conséquence de l'adoption du sous-amendement no

20.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 3 et sur le sous-amendement no 21 ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement.

Sur le sous-amendement, il garde la même position que précédemment, c'est-à-dire qu'il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

21. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 3, modifié par le sous-amendement no

21. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

Mme la présidente.

« Art. 3. Après l'article 15 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est ajouté un article 18 ainsi rédigé :

« Art. 18. Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le Médiateur des enfants fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et recommande à l'organisme mis en cause toute solution permettant de régler en droit ou en équité la situation du mineur concerné par la réclamation.

« Lorsqu'il apparaît au Médiateur des enfants qu'un organisme mentionné à l'article 15 n'a pas respecté les droits de l'enfant, il peut proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à cette situation.

« Lorsqu'il lui apparaît que l'application des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux droits des enfants aboutit à des situations inéquitables, il peut proposer les modifications qui lui paraissent opportunes. »

Mme Claudine Ledoux, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 3 :

« Lorsqu'une réclamation mettant en cause une administration, une collectivité publique territoriale ou tout autre organisme investi d'une mission de service public présente un caractère sérieux, le Médiateur des enfants la transmet au Médiateur de la République dans les conditions prévues par une convention conclue entre lui et ce dernier. L'enfant concerné ou ses représentants légaux sont informés par le Médiateur des enfants du résultat de ces démarches.

« Lorsqu'une réclamation mettant en cause une personne physique ou une personne morale de droit privé n'étant pas investie d'une mission de service public lui paraît justifiée, le Médiateur des enfants fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et recommande à la personne concernée toute solution permettant de régler en droit ou en équité la situation de l'enfant mineur, auteur de la réclamation.

« Le Médiateur des enfants peut demander aux p ersonnes physiques et morales de droit privé n'étant pas investies d'une mission de service public communication de toute pièce ou dossier concernant la réclamation dont il est saisi. Cette demande est motivée. Le caractère secret des pièces dont il demande communication ne peut lui être opposé.

En vue d'assurer le respect du secret professionnel, il veille à ce qu'aucune mention ne permettant l'identification des personnes dont le nom lui aurait été ainsi révélé ne soit faite dans les documents publiés sous son autorité.

« Lorsqu'il apparaît au Médiateur des enfants que les conditions de fonctionnement d'une personne morale de droit public ou de droit privé portent atteinte aux droits de l'enfant, il peut lui proposer toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à cette situation.

« Il est informé de la suite donnée à ses démarches. A défaut de réponse satisfaisante dans le délai qu'il a fixé, il peut rendre publiques ses recommandations. La personne morale ou physique mise en cause peut rendre publique la réponse faite, et, le cas échéant, la décision prise à la suite de la démarche faite par le Médiateur des enfants.

« Lorsqu'il lui apparaît que l'application des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux droits des enfants aboutit à des situations inéquitables, il peut proposer les modifications qui lui paraissent opportunes.

« Il peut également suggérer toute modification de textes législatifs ou réglementaires visant à garantir un meilleur respect des droits de l'enfant, notamment en transposant en droit interne les stipulations des engagements internationaux visés à l'article 1er qui sont dépourvus d'effet direct. »

Sur cet amendement, je suis saisie de trois sousamendements, nos 18, 22 et 19.

Le sous-amendement no 18, présenté par MM. Birsinger, Gerin et les membres du groupe communiste, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les deux premiers alinéas de l'amendement no 4 :

« Lorsqu'une réclamation lui paraît justifiée, le Médiateur des enfants fait toutes les recommandations qui lui paraissent de nature à régler les difficultés dont il est saisi et recommande à la personne publique ou privée mise en cause, toute solution permettant de régler, en droit ou en équité, la situation de l'enfant mineur, auteur de la réclamation.

« Lorsqu'il apparaît au Médiateur des enfants que les personnes mentionnées à l'article 1er de la présente loi n'ont pas respecté les droits de l'enfant mineur, il peut proposer à l'autorité compétente toutes mesures qu'il estime de nature à remédier à cette situation. »

Le sous-amendement no 22, présenté par Mme Ledoux, est ainsi rédigé :

« I. - Dans la première phrase du premier alinéa d e l'amendement no 4, substituer aux mots : "Médiateur des enfants", les mots : "Défenseur des enfants". »

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans le reste de cet amendement. »

Le sous-amendement no 19, présenté par MM. Birsinger, Gerin et les membres du groupe communiste, est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 4 par les deux alinéas suivants :

« Le Médiateur des enfants transmet au Médiateur de la République les réclamations relevant de la compétence de ce dernier.

« Il informe le Médiateur de la République, tous les trimestres, des dysfonctionnements des organismes visés à l'article 1er dont il a eu connaissance. »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

4.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

L'article 3 pour lequel cet amendement propose une nouvelle rédaction est important puisqu'il définit le mode de traitement des réclamations, ainsi que les pouvoirs de recommandation et d'investigation du défenseur des enfants.

Pour ce qui est du mode de traitement des réclamations, la commission a distingué deux cas. Premièrement, pour les conflits intéressant les services publics, le Défenseur des enfants pourra renvoyer au Médiateur de la


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

République l'affaire si elle présente un caractère grave, sérieux, et une convention réglera les rapports entre les deux institutions ; deuxièmement, pour les litiges intervenant dans la sphère privée, le Défenseur sera directement compétent.

En matière d'investigations, le Défenseur des enfants pourra obtenir communication de pièces sous certaines conditions protectrices du secret professionnel.

Pour ce qui est de son pouvoir de recommandation et de proposition, il bénéficiera d'une faculté d'autosaisine et d'une compétence favorisant la défense des droits de l'enfant en droit interne, y compris en proposant la transposition de règles de droit international dépourvues d'effet direct.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour soutenir le sous-amendement no

18.

M. Bernard Birsinger.

J'ai déjà défendu ce sousamendement dans mon intervention générale.

On peut avoir un débat sur l'appellation - Défenseur ou Médiateur - mais le véritable problème me semble résider dans le premier alinéa de l'amendement no 4 qui, en matière de droit public, instaure une sorte de tutelle du Médiateur de la République sur le Médiateur des enfants. D'ailleurs, pour les affaires qualifiées de sérieuses, le dossier devra être transmis auprès du premier nommé et le Médiateur des enfants n'aura plus la possibilité d'investigation.

En écoutant, des intervenants souhaiter que l'on s'appuie sur le réseau des correspondants départementaux du Médiateur de la République, je me disais que nous nous placions en contradiction avec notre volonté d'adresser un signal fort en matière de droits de l'enfant en donnant à une personnalité identifiée comme totalement indépendante le pouvoir de jouer un rôle de défense, de promotion et de proposition en matière de droits de l'enfant.

Il est très bien de permettre la saisine individuelle. Il est bon d'avoir ajouté la saisine par les associations. En revanche, nous sommes en retrait dans le domaine du droit public. En particulier, que contiendra la convention en cause ? Je suis donc partisan d'un retour à l'ancienne formulation, qui me paraît beaucoup plus intéressante et mieux correspondre à ce que nous voulons tous, conformément aux conclusions de la commission d'enquête sur les droits de l'enfant. Tel est le sens de ce sous-amendement.

M. Claude Billard.

Très bien !

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 18 ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission est défavorable au sous-amendement no 18, car il supprime le mécanisme conventionnel qui permet aux deux autorités indépendantes de travailler chacune dans leur sphère de compétence en bonne intelligence.

Cela dit, il y aura bien évidemment des liens fonctionn els. Mais faisons confiance au Médiateur de la République et au défenseur des enfants, et laissons les convenir, par le biais d'une convention, de la manière dont ils vont travailler en lien l'un avec l'autre.

On ne peut pas tout prévoir ni tout dire dans une loi.

Laissons vivre ces deux autorités administratives. Donnons au défenseur des enfants le cadre et les outils nécessaires à sa mission.

Voilà le sens de cette nouvelle formulation.

Mme la présidente.

Puis-je vous demander, madame le rapporteur, de soutenir, dans le même élan, le sousamendement no 22, qui, à ce que je vois, est de coordination puisqu'il tend à substituer aux mots : « Médiateur des enfants », les mots : « Défenseur des enfants ».

M me Claudine Ledoux, rapporteur.

Tout à fait, madame la présidente. Il s'agit, comme vous l'avez dit, d'un amendement de coordination.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour soutenir le sous-amendement no

19.

M. Bernard Birsinger.

Notre sous-amendement tend à rétablir dans l'article 3 les dispositions prévues initialement dans l'article 5, et donc à y inscrire les deux précisions suivantes : « Le Médiateur des enfants transmet au Médiateur de la République les réclamations relevant de la compétence de ce dernier.

« Il informe le Médiateur de la République, tous les trimestres, des dysfonctionnements des organismes visés à l'article 1er dont il a eu connaissance. »

En première lecture, les relations entre le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants étaient précisées dans le texte. C'est d'ailleurs - vous pouvez vous référer au Journal officiel - la position que j'ai défendue, comme la majorité de l'Assemblée, en première lecture. Je la défends encore aujourd'hui. Et je souhaite être entendu sur ce sous-amendement, qui rejoint celui que j'ai déjà défendu sur ce même article.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission est défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 4 et les sous-amendements ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement a pris vigoureusement position au Sénat pour que le nom de médiateur soit maintenu et son autonomie garantie. Mais, comme il s'agit d'une initiative parlementaire, il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée à la fois sur les sous-amendements et sur l'amendement.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

18. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

19. (Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

22. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 4, modifié par le sous-amendement no

22. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 3 bis

Mme la présidente.

« Art. 3 bis. - Après l'article 15 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est ajouté un article 19 ainsi rédigé :

« Art. 19. - Le Médiateur des enfants porte à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

telle que prévue par l'article 375 du code civil ou toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours.

« Le Médiateur des enfants informe le président du conseil général compétent des affaires susceptibles de justifier une intervention du service d'aide sociale. »

Mme Isaac-Sibille a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 3 bis »

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, les cas d'enfants en difficulté doivent être signalés au président du conseil général c'est le cas également de ceux connus par le biais du téléphone vert -, et c'est à lui que les lois de décentralisation confient le soin de saisir la justice. Comment peut-on songer à donner au défenseur des enfants qui sera à Paris, sans moyens précis - puisqu'on ne les a toujours pas définis - la mission de porter les affaires à la connaissance de l'autorité judiciaire ? La justice des enfants est, vous le savez, complexe et difficile. Les enfants ont déjà à faire à trois juges : le juge des enfants, le juge des tutelles et le juge des affaires familiales, lesquels souvent, ne travaillent pas ensemble, ce qui crée beaucoup de problèmes. Et vous prévoyez de donner à une quatrième personne le pouvoir de saisir la justice. Les pauvres enfants ! Au lieu d'en faire des adultes, vous allez les rendre complètement névrosés ! Alors que Mme la ministre a insisté avec force sur la nécessité d'éviter au maximum que les enfants victimes de violence aient à répéter inlassablement leur histoire dramatique, ne voyez-vous pas devant quelles difficultés nous allons en ajoutant une quatrième personne ? Contentons-nous d'appliquer les lois de décentralisation qui confient au président du conseil général la mission de saisir la justice.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission ne s'est pas prononcée sur cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis défavorable. Il serait dommage de dessaissir cette nouvelle autorité indépendante de son pouvoir de saisine de l'autorité judiciaire. Si le juge est saisi deux fois, qu'à cela ne tienne. C'est mieux que de ne pas l'être du tout. En tout cas, il est du devoir du défenseur des enfants de saisir le juge lorsqu'il repère un enfant en danger. Et on peut supposer qu'il prendra contact avec le président du conseil général, lorsqu'il lui apparaîtra qu'un enfant est en graves difficultés.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. L'article 3 bis rappelle les obligations légales de la nouvelle institution et renforce l'efficacité du dispositif. Si les conseils généraux étaient vraiment efficaces, madame la députée, il y aurait moins de problèmes de maltraitance.

Plus les adultes seront nombreux à signaler les cas de sévices à l'égard d'enfants - comme c'est d'ailleurs l'obligation de chacun d'entre nous - plus le dispositif de protection des droits de l'enfant sera efficace.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Ledoux, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 3 bis :

« Le Médiateur des enfants porte à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle que prévue par l'article 375 du code civil ou toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours.

« Il informe le président du conseil général compétent des affaires susceptibles de justifier une intervention du service de l'aide sociale à l'enfance. »

Sur cet amendement, Mme Ledoux a présenté un sousamendement, no 23, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 5, substituer au mot : « Médiateur », le mot : « Défenseur ».

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 5 et le sous-amendement no

23.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

L'amendement no 5 propose une nouvelle rédaction des dispositions relatives à la saisine de l'autorité judiciaire par le défenseur des enfants. Celles-ci avaient été intégrées par le Sénat dans l a loi instituant un Médiateur de la République. Nous les y avons retirées.

Le sous-amendement no 23 est un sous-amendement de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour le sous-amendement no 23 et il est favorable à amendement no

5.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

23. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 5, modifié par le sous-amendement no

23. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 3 bis est ainsi rédigé.

Article 4

Mme la présidente.

« Art. 4. - Après l'article 15 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est ajouté un article 20 ainsi rédigé :

« Art. 20. - Le Médiateur des enfants assure la promotion des droits de l'enfant et organise des actions d'information sur ces droits et leur respect effectif. »

Mme Ledoux, rapporteuse, a présenté un amendement, no 6 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« Le Médiateur des enfants assure la promotion des droits de l'enfant et organise des actions d'information sur ces droits et leur respect effectif.

« A l'occation de la journée nationale des droits de l'enfant, il présente au Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel il établit le bilan de son activité.

« Ce rapport est publié. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Sur cet amendement, Mme Ledoux a présenté un amendement, no 24, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 6, substituer au mot : "Médiateur", le mot : "Défenseur". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 6 rectifié et le sous-amendement no

24.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Cet amendement rétablit les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture, en y ajoutant une condition de transparence supplémentaire : la publication du rapport annuel du défenseur des enfants.

Le sous-amendement no 24 est un sous-amendement de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée pour le sous-amendement no 24 et il est favorable à l'amendement no 6 rectifié.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

24. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 6 rectifié, modifié par le sous-amendement no 24, (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Article 4 bis

Mme la présidente.

« Art. 4 bis. - La première phrase de l'article 14 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 précitée est ainsi rédigée :

« Le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants présentent au Président de la République et au Parlement un rapport annuel dans lequel ils établissent le bilan de leur activité. »

Mme Ledoux, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 4 bis. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Cet amendement vise à supprimer un article devenu inutile du fait de la rédaction proposée pour l'article 4.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Favorable.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 4 bis est supprimé.

Après l'article 4 bis

Mme la présidente.

Mme Isaac-Sibille a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Après l'article 4 bis, insérer l'article suivant :

« Le défenseur des enfants peut proposer de modifier toute disposition législative ou réglementaire aux droits de l'enfant et susceptible d'engendrer des situations inéquitables. »

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout n'est pas défini dans la loi et le défenseur des enfants pourra nous faire part utilement de son expérience et nous aider à mieux légiférer en nous signalant les points qui mériteront d'être revus, surtout après les codifications qui vont être décidées par ordonnances.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission n'a pas examiné l'amendement no 14. A titre personnel, je n'y suis pas favorable puisqu'il est déjà satisfait par l'article 3.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

L'amendement est en effet déjà satisfait par un article précédent. Je m'en remets toutefois à la sagesse de l'Assemblée.

Mme la présidente.

Madame Issac-Sibille, maintenezvous cet amendement ?

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Oui.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Mme Isaac-Sibille a présenté un amendement, no 13, ainsi rédigé :

« Après l'article 4 bis, insérer l'article suivant :

« Le défenseur des enfants est assisté dans sa tâche par des délégués départementaux selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Compte tenu des tâches confiées au défenseur des enfants, alors qu'aucun moyen ne lui est donné et qu'il sera à Paris, il me semble obligatoire qu'il soit assisté, comme le texte adopté en première lecture le prévoyait, par des délégués départementaux.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

La commission n'a pas examiné cet amendement.

J'estime personnellement que la proposition de Mme Isaac-Sibille n'est pas une mauvaise idée, mais elle est prématurée. Et vous vous doutez bien, madame, qu'elle engendrerait des problèmes financiers.

Mieux vaut, dans un premier temps, instituer le défenseur des enfants et lui donner les moyens de fonctionner, comme cela est prévu dans un amendement du Gouvernement que nous examinerons après l'article 12.

Donc, pour l'instant, j'y suis défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement parce qu'il estime que le médiateur des enfants doit avoir la possibilité de décider lui-même de son mode d'organisation. Il n'y a pas un seul département qui se ressemble et, plutôt que d'imposer au Médiateur dès le départ une structure de fonctionnement, il vaut mieux que, une fois mis en place, ce soit lui qui décide de la façon dont il va au mieux organiser son travail.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Ce n'est pas ce qui s'est passé pour le Médiateur de la République !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Je comprends mal les réticences de Mme Ledoux et de Mme Royal. Si l'on vote cette loi, c'est pour que l'institution que l'on veut créer fonctionne correctement. Sinon, ce n'est pas la peine de la voter.

Le rôle des correspondants départementaux du Médiateur de la République - et nous les connaissons tous dans nos départements - est fondamental. Il joue un rôle de conseil auprès d'un grand nombre de nos concitoyens et envoie vers les parlementaires - députés ou sénateurs - les requêtes qu'il estime pouvoir être transmises au Médiateur de la République.

Si l'on crée un Médiateur des enfants uniquement pour faire un effet d'annonce, un effet médiatique, il faut le dire ! Si l'on veut qu'il puisse travailler correctement, en revanche, il faut qu'il soit assisté par des correspondants départementaux. Sans eux, ce ne sera qu'une institution parisienne et médiatique qui ne jouera pas le rôle que nous souhaitons tous dans cet hémicycle.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Tout à fait !

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

Mme la présidente.

Le Sénat a supprimé l'article 5.

Article 6

Mme la présidente.

Le Sénat a supprimé l'article 6.

Article 8

Mme la présidente.

« Art. 8. - Après l'article 15 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est ajouté un article 21 ainsi rédigé :

« Art. 21 . - La réclamation individuelle adressée au Médiateur des enfants n'interrompt pas les délais de recours devant les juridictions compétentes. »

Mme Ledoux, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 8 :

« La réclamation individuelle adressée au Médiateur des enfants n'interrompt pas les délais de recours devant les juridictions compétentes. »

Sur cet amendement, Mme Ledoux a présenté un sousamendement, no 25, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 8, substituer au mot : "Médiateur", le mot : "Défenseur". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

8.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

L'amendement no 8 tend à rétablir des dispositions adoptées par notre assemblée en première lecture. Notez que cette rédaction permet d'affirmer le principe de la séparation des pouvoirs entre les autorités judiciaires et l'autorité administrative.

Quant au sous-amendement no 25, c'est le même sousamendement de coordination que nous retrouvons à chaque article.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée pour le sous-amendement no 25 puisque, je le rappelle, j'ai pris position avec vigueur au Sénat pour le maintien et du titre et de l'autonomie du Médiateur des enfants, mais je suis favorable à l'amendement no

8.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

25. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 8, modifié par le sous-amendement no

25. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.

Les articles 9, 10 et 11 ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Toutefois, conformément à l'article 108, alinéa 5, du règlement, je vais les appeler, car ils font l'objet d'amendements présentés pour coordination.

Article 9 (pour coordination)

Mme la présidente.

« Art. 9. - L'article L.

194-1 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.

194-1 . - Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller général s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. »

Mme Ledoux a présenté un amendement, no 26, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 9, substituer aux mots : "Médiateur des enfants", les mots : "Défenseur des enfants". »

La parole est à Mme Claudine Ledoux.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Sagesse.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

26. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement no

26. (L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10 (pour coordination)

Mme la présidente.

« Art. 10. L'article L.

230-1 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L.

230-1. Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller municipal s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Mme Ledoux a présenté un amendement, no 27, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 10, substituer aux mots : "Médiateur des enfants", les mots : "Défenseur des enfants". »

La parole est à Mme Claudine Ledoux.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Amendement de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Sagesse.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 10, modifié par l'amendement no

27. (L'article 10, ainsi modifié, est adopté.)

Article 11 (pour coordination)

Mme la présidente.

« Art. 11. Le cinquième alinéa de l'article L.

340 du code électoral est ainsi rédigé :

« Pendant la durée de leurs fonctions, le Médiateur de la République et le Médiateur des enfants ne peuvent être candidats à un mandat de conseiller régional s'ils n'exerçaient le même mandat antérieurement à leur nomination. »

Mme Ledoux a présenté un amendement, no 28, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 11, substituer aux mots : "Médiateur des enfants", les mots : "Défenseur des enfants". »

La parole est à Mme Claudine Ledoux.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Amendement de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Sagesse.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

28. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement no

28. (L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Article 12

Mme la présidente.

« Art. 12. - Après l'article 15 de la loi no 73-6 du 3 janvier 1973 précitée, il est ajouté un article 22 ainsi rédigé :

« Art. 22. - Les dispositions du second alinéa de l'article 9, du premier alinéa de l'article 11 et de l'article 14 bis sont applicables au Médiateur des enfants.

« A l'occasion des réclamations dont il est saisi, le Médiateur des enfants peut demander au Médiateur de la République de faire application des dispositions de l'article 10, du second alinéa de l'article 11 et des articles 12 et 13. »

Mme Ledoux, rapporteur, a présenté un amendement, no 9, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 12 :

« Dans la limite de ses attributions, le Médiateur des enfants ne reçoit d'instruction d'aucune autorité. »

« Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions. »

« Il ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle, mais a la faculté de faire des recommandations à la personne morale ou physique mise en cause. »

« Il peut, en outre, en cas d'inexécution d'une décision de justice passée en force de chose jugée, enjoindre à la personne physique ou morale mise en cause de s'y conformer dans un délai qu'il fixe. Si cette injonction n'est pas suivie d'effet, l'inexécution de la décision de justice fait l'objet d'un rapport spécial publié au Journal officiel. »

Sur cet amendement, Mme Ledoux a présenté un sousamendement, no 29, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'amendement no 9 substituer au mot : "Médiateur", le mot : "Défenseur". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour défendre l'amendement no

9.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Reprise des dispositions relatives à l'indépendance de la nouvelle autorité et à l'articulation de ses prérogatives avec l'autorité judiciaire, dans une rédaction plus simple. Le sous-amendement no 29 est encore et toujours de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Avis favorable à l'amendement no 9 qui garantit en effet l'indépendance de la nouvelle autorité et précise ses prérogatives. Sagesse pour le sous-amendement no

29.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

29. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 9, modifié par le sous-amendement no

29. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

En conséquence, l'article 12 est ainsi rédigé.

Après l'article 12

Mme la présidente.

Mme Ledoux, rapporteur, a présenté un amendement, no 10 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 12, insérer l'article suivant :

« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 25 000 F d'amende le fait, pour toute personne, de faire ou de laisser figurer le nom du Médiateur des enfants, suivi ou non de l'indication de sa qualité, dans tout document de propagande ou de publicité, quelle qu'en soit la nature. »

Sur cet amendement, Mme Ledoux a présenté un sousamendement, no 31, ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 10 rectifié, substituer au mot : "Médiateur", le mot : "Défenseur".


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

La parole est à Mme la rapporteuse, pour soutenir l'amendement no 10 rectifié.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Reprise des dispositions pénales applicables en cas d'usurpation du titre de la nouvelle autorité. Le sous-amendement no 31 est toujours de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Avis favorable à l'amendement no 10 rectifié et sagesse pour le sous-amendement no

31.

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no

31. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendem ent no 10 rectifié, modifié par le sous-amendement no

31. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Après l'article 12, insérer l'article suivant :

« Les crédits nécessaires à l'accomplissement de la mission du Médiateur des enfants sont inscrits au budget du Premier ministre. Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relatives au contrôle financier ne sont pas applicables à leur gestion.

« Le Médiateur des enfants présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes ».

Sur cet amendement, Mme Ledoux a présenté un sousamendement, no 30, ainsi rédigé :

« I. Dans la première phrase du premier alinéa de l'amendement no 1, substituer au mot : "Médiateur", le mot : "Défenseur". »

« II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le dernier alinéa de cet amendement. »

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no

1. Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Je veux souligner le souci manifesté par le Gouvernement de prévoir dès à présent les modalités de financement de cette autorité appellée à jouer un rôle très important pour protéger et faire progresser les droits de l'enfant dans notre pays ainsi ques les mesures législatives et réglementaires présentes et futures qui y concourent.

Au terme de l'article 40 de la Constitution, il appartient au Gouvernement de prévoir les dispositions financières à l'accomplissement de la mission de cette nouvelle autorité administrative ; aussi le Premier ministre a-t-il donc donné son accord pour un financement en urgence, afin de vous apporter une réponse dans le cours même de vos débats.

Je suis donc très heureuse de vous présenter, au nom du Gouvernement, cet amendement portant article additionnel après l'article 12, qui garantit l'obtention des crédits nécessaires à l'accomplissement de la mission de la nouvelle autorité indépendante chargée de défendre les droits de l'enfant. Il prévoit que les crédits nécessaires seront inscrits au budget du Premier ministre ; les dispositions de la loi du 10 août 1992 relatives au contrôle financier ne seront pas applicables à leur gestion ; le médiateur des enfants présentera ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.

Ainsi, le dispositif que vous allez adopter dans quelques instants, fruit d'une initiative parlementaire appuyée par l e Gouvernement, sera immédiatement opérationnel.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Alain Néri.

Au moins, c'est rapide !

Mme la présidente.

La parole est à Mme le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no 1 et présenter le sous-amendement no

30.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Avis favorable. Le sous-amendement no 30 est toujours de coordination.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Sagesse.

M me la présidente.

Je mets aux voix le sousamendement no

30. (Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 1, modifié par le sous-amendement no

30. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13

Mme la présidente.

Le Sénat a supprimé l'article 13.

Titre

Mme la présidente.

Je donne lecture du titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi instituant un Médiateur des enfants. »

Mme Ledoux a présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« Dans le titre de la proposition de loi, substituer au mot : "Médiateur", le mot : "Défenseur". »

La parole est à Mme Claudine Ledoux.

Mme Claudine Ledoux, rapporteur.

Toujours le même amendement de coordination, conséquence du débat à l'article 1er

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.

Sagesse.

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, le titre de la proposition de loi est ainsi rédigé.

Explications de vote

Mme la présidente.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Paul Bret.

M. Jean-Paul Bret.

Le groupe socialiste votera évidemment ce texte dont il est à l'origine. Les discussions et la navette ont permis de mieux prendre conscience des enjeux et d'améliorer la proposition de loi. La question


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

du terme à utiliser, « Médiateur » ou « Défenseur », a donné lieu à un débat bien légitime. Notre assemblée a tranché ; nous en prenons acte. L'essentiel est désormais que cette institution se mette très rapidement en place.

Je suis à cet égard très satisfait des derniers propos tenus par Mme Ségolène Royal en présentant son amendement qui garantit l'effectivité de notre vote en organisant d'ores et déjà toutes les conditions d'une application rapide. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Bernadette Isaac-Sibille.

Mme Bernadette Isaac-Sibille.

L'UDF étant depuis ses origines le parti de la famille, de la défense de l'enfant et de la vie de l'enfant (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ne peut qu'être d'accord sur le principe avec la volonté affichée et affirmée par le président Fabius dans cette proposition de loi. Nous voterons bien évidemment ce texte. Mais n'en éprouvons pas moins de vives inquiétudes pour ce qui touche à la saisine de la justice ; je veux y insister encore, au regard de mon expérience au conseil général.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Birsinger.

M. Bernard Birsinger.

Madame la présidente, mes chers collègues, le groupe communiste votera bien sûr pour l'institution du médiateur-défenseur des droits de l'enfant. Ce vote représentera l'aboutissement du travail de notre commission d'enquête et de ses recommandations. Nos rapports et nos commissions d'enquêtes n'aboutissent pas toujours à des résultats concrets...

M. Alain Néri.

Cette fois-ci, c'est fait !

M. Bernard Birsinger.

Je regrette seulement que nous ne soyons pas allés un peu plus vite et que nous ayons perdu beaucoup de temps à cause de ce petit blocage au Sénat, alors que nous avions commencé à discuter en première lecture de cette proposition de loi six mois seulement après la commission d'enquête. Quoi qu'il en soit, ce résultat est une très bonne chose. Mme la ministre a réglé la question des moyens ; je m'en félicite. Il nous reste maintenant à souhaiter que ce médiateur-défenseur des droits de l'enfant soit désigné le plus rapidement possible et qu'il se mette au travail. Notre vote d'aujourd'hui manquera une date très importante pour les droits de l'enfant dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac.

Comme Mme Isaac-Sibille, je regrette que le rôle dévolu aux conseils généraux dans ce texte ne soit pas tout à fait conforme à l'esprit de la décentralisation. Nous souhaitons naturellement nous aussi que le Défenseur des enfants, puisqu'il s'appelle désormais ainsi, trouve les moyens de l'exercice de ses pouvoirs et se mette à l'oeuvre au plus vite. Nous voterons ce texte.

Mme la présidente.

La parole est à M. Dominique Bussereau.

M. Dominique Bussereau.

Ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure, nous voterons ce texte, tout en maintenant les réserves de nature juridiques que j'ai déjà exprimées.

Je trouve également dommage que l'on ait par trop privilégié les aspects médiatiques. Le Gouvernement a notamment refusé la création de délégués départementaux qui auraient permis à ce médiateur ou défenseur d'exister véritablement sur le terrain. Certes, cela aurait fait moins la une des journaux, mais cela aurait eu une réalité que l es parlementaires de toutes tendances confondues auraient eu le plaisir de constater au quotidien.

(Applaudissement sur les bancs du groupe Démocratie libérale et I ndépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Union pour la démocratie française-Alliance.) Vote sur l'ensemble

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Mme la présidente.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente-cinq.)

Mme la présidente.

La séance est reprise.

2

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000 Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

Mme la présidente.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (nos 1943, 1946).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente.

Hier soir, l'Assemblée a commencé la discussion des articles et s'est arrêtée à l'article 3.

Article 3

Mme la présidente.

Le Sénat a supprimé l'article 3.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Puisque nous reprenons notre débat en fin de matinée, je rappelle, pour ceux qui en douteraient, que nous sommes bien en train d'examiner la loi de financement de la sécurité sociale. En principe, nous nous préoccupons donc des problèmes de santé, de famille et de retraites.

Mais à l'article 3 nous allons parler de la taxe sur les bénéfices des entreprises, dont on peut se demander ce qu'elle vient faire là !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre général.

Elle vient financer la maladie, les retraites et le reste !

M. Jean-Luc Préel.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie nous l'expliquera sans doute dans quelques instants.

L'article crée une taxe sur les bénéfices des entreprises qui devrait rapporter 4,3 milliards de francs en 2000 puis, à terme, 12,5 milliards de francs, ce qui est assez considérable.

A cette taxe, qui doit financer partiellement les 35 heures, s'en ajoute une autre sur les heures supplémentaires qui devrait, elle, rapporter 7 milliards de francs, qui touchera bien entendu les salariés et qui pénalisera les entreprises dont les carnets de commande sont saturés, qui sont soumises à des cycles de production et dont la taille - notamment les plus petites - ne leur permet pas de s'adapter aux 35 heures. Par conséquent, cette taxe sur les heures supplémentaires est particulièrement injuste.

Le Gouvernement dit avoir compris que, pour encourager la création d'entreprises, il fallait baisser le coût du travail et les charges qui pèsent sur elles. Cette conversion est récente pour certains. En effet, alors qu'Alain Juppé avait décidé la baisse des charges sur les salaires jusqu'à 1,33 fois le SMIC, sans instituer de taxe compensatoire - il s'agissait donc bien d'une réelle baisse de charges pour les entreprises - dès son arrivée au pouvoir, il l'a déclarée inefficace et inutile et il a abaissé le plafond à 1,30, baisse certes modeste mais symbolique.

Vous étendez, aujourd'hui, l'exonération à 1,8 fois le SMIC mais vous la faites payer aux entreprises puisqu'elle se fera à enveloppe constante. Il ne s'agit donc pas d'une baisse globale des charges pesant sur les entreprises mais d'une simple redistribution.

Car il convient d'ajouter la taxe sur les activités polluantes qui aura de graves conséquences quant à la concurrence avec les entreprises étrangères. Je ne pense pas, en effet, que l'article 3 place les entreprises françaises dans les meilleures conditions pour créer des emplois, maintenir les fabrications sur notre sol et éviter les délocalisations.

Cette réforme se fera, dites-vous, à coûts constants. Par conséquent, globalement, il n'y a pas de baisse des prélèvements pour les entreprises mais répartition différente.

Nous pensons, quant à nous, qu'il convient de baisser globalement les prélèvements sur les entreprises pour diminuer leurs charges afin de les mettre en meilleure situation de concurrence.

Nous devrions bien plutôt nous préoccuper rapidement des problèmes de santé, de la famille et de la retraite.

Mais nous y viendrons probablement tout à l'heure.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

A l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous devrions parler de la santé des Français, des priorités des problèmes sanitaires et des moyens financiers à leur affecter. Or, nous avons en face de nous le secrétaire d'Etat à l'industrie ! C'est bien dire le détournement auquel se livre le Gouvernement : la loi adoptée en 1996 aurait voulu que nous ayons un tout autre débat ! En réalité, il y a également confusion entre l'action sociale en direction de la maladie, de la vieillesse et de la famille et la politique de l'emploi. Et c'est parce que le Gouvernement veut utiliser - détourner - les fonds sociaux et toutes sortes de prélèvements pour développer cette dernière que nous nous trouvons dans cette situation paradoxale.

Les socialistes excellent dans l'art de créer de nouveaux impôts et de les développer année après année, bref de charger toujours plus la barque des prélèvements et d'écraser les Français et les entreprises sous ces prélèvements.

Et puisque vous êtes ici, monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, nous allons pouvoir vous questionner sur les distorsions de concurrence que cette fiscalité discriminatoire fera subir aux seules entreprises installées en France, et sur ses conséquences en termes de délocalisation de sièges sociaux ou d'unités de production. En écrasant ainsi les entreprises sous cette fiscalité nouvelle - on pourrait dire la même chose de la TGAP - vous savez très bien que vous allez peser sur des décisions de développer ou non telle activité de tel grand groupe ou de telle entreprise, de transférer telle production dans un autre pays de la Communauté, par exemple. La question s'est déjà posée et elle a déjà souvent été tranché e dans le sens d'une remise en cause d'investissements, dès lors qu'il y aurait la loi sur les 35 heures, la contribution supplémentaire sur les bénéfices, une augmentation arbitraire de la taxe générale sur les activités polluantes et, de surcroît, une taxation sur les heures supplémentaires, donc une augmentation du coût du travail et une perte de compétitivité. Ces décisions, vous le savez très bien, ne seront pas neutres pour l'avenir économique et donc social de la nation.

Vous nous répondrez que cela n'est pas important, que la croissance masquera ces effets, et qu'au bout du compte, des emplois seront créés. Oui, grâce à la croissance, mais certainement pas grâce à de pareilles dispositions, qui sont tout à fait contraires à l'objectif d'une é conomie dynamique, seule productrice d'emplois durables.

Vous comprendrez donc que nous sommes heureux que le Sénat ait relevé le non-sens que constitue cet impôt nouveau et qu'il ait modifié les dispositions du texte. Le président de la commission nous en proposera le rétablissement, mais nous y sommes formellement opposés, je viens d'expliquer pourquoi.

Au milieu de cet océan de tristesse, je me réjouis que le Sénat ait adopté conforme un amendement que nous avions nous-mêmes proposé, et qui reprenait d'ailleurs un amendement présenté par le rapporteur l'année dernière, relatif au prélèvement sur la contribution sur les revenus du patrimoine perçu au profit des organismes de sécurité sociale. Là dessus, le Parlement est unanime.

Mais cela n'enlève rien à la gravité des dispositions contenues dans l'article 3.

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Il est certain que la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale revêt, cette année, un caractère très particulier, puisque nous sommes conduits à parler des 35 heures, d'environnement, d'industrie, ou encore de fiscalité des particuliers et des entreprises. C'est le choix du Gouvernement, et il est contestable, parce que ce n'est pas le choix de la clarté et que cela diminue le temps que nous consacrons à ce qui devrait être le véritable objet du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je crains que les branches de notre protection sociale, la retraite, la famille


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

et la maladie, ne pâtissent de la polarisation excessive, mais inévitable, de nos débats sur les questions de réduction du temps de travail et de fiscalité.

Quoi qu'il en soit, l'article 3, qui pérennise une majoration de la contribution des entreprises, présente pour l'économie française de multiples inconvénients.

D'abord, il prolonge une contribution qui avait un caractère provisoire et qui aurait dû être supprimée.

Ensuite, cette ressource étant affectée au financement des 35 heures, il y a un risque évident qu'elle soit augmentée au fil des ans. La menace pour notre économie que l'impôt sur les sociétés demeure et atteigne des niveaux supérieurs à ceux de nos principaux partenaires est donc réelle. Vous savez mieux que moi, monsieur le secrétaire d'Etat, les inconvénients qui en résulteront pour nos entreprises.

Un autre inconvénient est la distorsion ainsi créée entre les entreprises qui ont plus de 5 millions de résultat et plus de 50 millions de chiffre d'affaires et les autres.

Certes, l'idée a été souvent avancée que les PME pourraient bénéficier d'un impôt plus faible que les grandes entreprises et elle n'est pas forcément absurde. Mais tous les promoteurs de cette idée entendent la différenciation du taux de l'impôt selon la taille de l'entreprise, disposition qui existe dans certains pays, comme une réduction de l'impôt pour les plus petites entreprises et non comme une majoration pour les plus grandes ! Au reste, à 5 millions de résultat et 50 millions de chiffres d'affaires, il s'agit plutôt d'entreprises moyennes, celles-là même qui font défaut à notre tissu économique. En Allemagne, elles sont beaucoup plus nombreuses et renforcent le tissu économique de ce pays.

N'oublions pas non plus que la distorsion que vous introduisez dans cet article s'ajoute à une autre plus grave, induite par le bénéfice des allégements de charges sociales : certaines entreprises de notre pays verront, partiellement au moins, le surcoût des 35 heures compensé par un allégement de charges sociales alors que d'autres seront écartées, pour diverses raisons, de cet avantage et, par conséquent, fragilisées car confrontées à des conditions de concurrence anormales et déloyales.

Tels sont les inconvénients sur lesquels je voulais appeler votre attention. Mais, bien entendu, c'est l'ensemble du dispositif, ce grand mouvement financier consistant à prélever sur les entreprises et sur les ménages pour reverser à certaines entreprises plus de 100 milliards de francs, en régime de croisière, que nous condamnons, car il est au service d'une politique dont nous n'admettons pas le principe, selon lequel on pourrait dans ce pays, en travaillant moins, gagner autant. Nous le contestons et nous contestons chacune des dispositions que vous nous proposez.

Mme la présidente.

La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je souhaite répondre aux orateurs qui se sont préoccupés de la compétitivité de notre économie et de notre industrie.

La comparaison doit se faire pour l'ensemble des dispositions de l'article 3 et de l'article 4 avec la situation chez nos partenaires européens.

I nsistons d'abord sur une évidence, évoquée par

M. Sautter ici-même : l'ensemble du dispositif se construit à partir du concept et de la réalité d'un prélèvement constant.

Par ailleurs, vous avez évoqué les distorsions de concurrence.

Il est vrai que le taux de l'impôt sur les sociétés, 40 %, est plus élevé aujourd'hui en France que dans un certain nombre de pays concurrents du nôtre. En Allemagne, il est à 40 %, plus 5,5 %, soit 42,2 % sur les bénéfices réinvestis, mais à 30 %, plus 5,5 %, soit 31,65 %, pour les bénéfices distribués. En Autriche, il est à 34 ou à 25 % pour les PME. En Belgique, il est à 39 %, aux EtatsUnis, à 35 %, avec des taux réduits progressifs dans un certain nombre d'Etats.

Mais, en France, l'impôt sur les sociétés ne représente en moyenne, sur les quatre dernières années, que 1,72 % du PIB, contre 3,8 % en Italie, concurrent important en termes de compétitivité, vous me l'accorderez, 3,8 % aux Pays-Bas, plus de 2 % en Espagne, 2,9 % en Suède, 3,4 % en Grande-Bretagne, pays que l'on cite souvent en exemple.

M. Bernard Accoyer.

Les charges sociales ne sont pas les mêmes !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Elles sont financées autrement.

L'impôt sur les sociétés représente 2,5 % du PIB aux

Etats-Unis et de 0,8 % en Allemagne, hors taxe professionnelle, mais celle-ci est assise notamment sur le résultat des entreprises.

Le taux de 40 % peut paraître suffisamment élevé pour que l'article 3 ne vienne pas en rajouter mais, paradoxalement, dans la réalité économique, l'impôt sur les sociétés n'est pas supérieur en France, au contraire, à ce qu'il est dans les autres pays européens.

M. Bernard Accoyer.

On a compris que votre but, c'était de battre le record des prélèvements obligatoires.

Vous avez encore du chemin à faire, mais vous y arriverez !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il y a d'ailleurs à cela des raisons techniques, comme la détermination de la base imposable ou la rentabilité d'un certain nombre de secteurs, mais un tel débat nous entraînerait trop loin, et je reviens à l'article 3.

L'impôt des sociétés ne crée donc pas globalement de distorsion de concurrence.

Dans la plupart des cas d'ailleurs, les délocalisations s'opèrent dans l'autre sens. Rappelez-vous le cas de Toyota ! Il y a suffisamment souvent des entreprises étrangères qui se localisent en France...

M. Bernard Accoyer.

A quel prix !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... pour que notre pays occupe la deuxième place en Europe pour les investissements étrangers. En dépit de notre impôt sur les sociétés et de la situation de nos charges sociales, que vous critiquez à l'envi...

M. Bernard Accoyer.

On a raison !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... nous sommes le pays le plus attractif sur le continent européen pour les investissements étrangers. Un site français est parfaitement compétitif au regard de son système fiscal et de son système social.

Loin de charger la barque, la loi de finances pour 2000 va, une nouvelle fois,...

M. Bernard Accoyer.

Battre des records !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... procéder à des allégements considérables en faveur des entreprises : allégement de 10,4 milliards de francs de la taxe profes-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

sionnelle - excusez du peu ! - grâce à une nouvelle étape dans la réduction de la base salaires ; suppression de la surtaxe de 10 % sur l'impôt sur les sociétés,...

M. Bernard Accoyer.

Vous la remplacez par la CSB !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... soit une réduction de 12,4 milliards de francs ; passage du taux de l'impôt sur les sociétés de 40 % à 37,8 %.

Par ailleurs, le nombre des entreprises concernées par les dispositions de l'article 3 est extrêmement restreint, vous en conviendrez avec moi, par rapport à l'ensemble des entreprises que notre pays s'honore de posséder sur son sol : 4 185 entreprises seulement sur plusieurs centaines de milliers.

Nous menons, en effet, une politique constante de réduction de la charge fiscale des entreprises, en faveur de la compétitivité du site français dans la concurrence internationale.

Enfin la TGAP est neutre puisqu'elle pèse sur les importations et exonère les exportations, ce qui garantit une véritable dynamique dans l'approche que nous avons du problème.

Je concède que la véritable question est celle de la compétitivité globale et je pense avoir répondu point par point à votre argumentation qui ne tient en aucune façon dans la mesure où aucune comparaison n'est défavorable à notre pays. Je pense que c'est ce qu'il fallait démontrer aujourd'hui. C'est ce que je viens de faire en chiffrant très précisément l'incidence de l'article 3 sur les entreprises et l'incidence globale des décisions du Gouvernement proposées au Parlement en matière de charges fiscales pour nos entreprises. De nouvelles étapes de réduction seront franchies en l'an 2000, et vous refusez de vous inscrire dans cette perspective. Je le regrette.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Recours, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Rétablir l'article 3 dans le texte suivant :

« Le code général des impôts est ainsi modifié :

« 1o Il est inséré un article 235 ter ZC ainsi rédigé :

« Art. 235 ter

ZC. - I. - Les redevables de l'impôt sur les sociétés sont assujettis à une contribution sociale égale à une fraction de cet impôt calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 et diminué d'un abattement qui ne peut excéder 5 000 000 F par période de douze mois. Lorsqu'un exercice ou une période d'imposition est inférieur ou supérieur à douze mois, l'abattement est ajusté à due proportion.

« La fraction mentionnée au premier alinéa est égale à 3,3 % pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2000.

« Sont exonérés les redevables ayant réalisé un chiffre d'affaires de moins de 50 millions de francs.

Le chiffre d'affaires à prendre en compte s'entend du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. Le capital des sociétés, entièrement libéré, doit être détenu de manière continue, pour 75 % au moins, par des personnes physiques ou par une société répondant aux mêmes conditions dont le capital est détenu, pour 75 % au moins, par des personnes physiques. Pour la détermination de ce pourcentage, les participations des sociétés de capital-risque, des fonds communs de placement à risques, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 1 bis de l'article 39 terdecies entre la société en cause et ces dernières sociétés ou ces fonds.

« II. Pour les entreprises placées sous le régime prévu à l'article 223 A, la contribution est due par la société mère. Elle est assise sur l'impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value n ette d'ensemble définis aux articles 223 B et 223

D.

« III. Pour les entreprises placées sous le régime prévu à l'article 209 quinquies, la contribution est calculée d'après le montant de l'impôt sur les sociétés, déterminé selon les modalités prévues au I, qui aurait été dû en l'absence d'application de ce régime.

Elle n'est ni imputable ni remboursable.

« IV. Les avoirs fiscaux ou crédits d'impôt de t oute nature ainsi que la créance visée à l'article 220 quinquies et l'imposition forfaitaire annuelle mentionnée à l'article 223 septies ne sont pas imputables sur la contribution.

« V. Elle est établie et contrôlée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.

« VI. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

;

« 2o Il est inséré un article 1668 D ainsi rédigé :

« Art. 1668 D. -

I. La contribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC est recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.

« Elle est payée spontanément au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.

« Elle donne lieu au préalable à quatre versements anticipés aux dates prévues pour le paiement des acomptes d'impôt sur les sociétés de l'exercice ou de la période d'imposition. Le montant des versements anticipés est fixé à 3,3 % du montant de l'impôt sur les sociétés calculé sur les résultats imposables aux taux mentionnés au I de l'article 219 de l'exercice ou de la période d'imposition qui précède et diminué d'un montant qui ne peut excéder celui de l'abattement défini au premier alinéa du I de l'article 235 ter

ZC.

« Lorsque le montant des versements anticipés déjà payés au titre d'un exercice ou d'une période d'imposition en application du deuxième alinéa est égal ou supérieur à la contribution dont l'entreprise prévoit qu'elle sera finalement redevable au titre de ce même exercice ou de cette même période, l'entreprise peut se dispenser du paiement de nouveaux versements en remettant au comptable du Trésor chargé du recouvrement des impôts directs, avant la date d'exigibilité du prochain versement anticipé, une déclaration datée et signée.

« Si la déclaration mentionnée à l'alinéa précédent est reconnue inexacte à la suite de la liquidation de la contribution, la majoration prévue au 1 de l'article 1762 est appliquée aux sommes non réglées.


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« II. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »

;

« 3o Au premier alinéa de l'article 213, après les mots : "la contribution temporaire mentionnée à l'article 235 ter ZB", sont insérés les mots : ", la c ontribution sociale mentionnée à l'article 235 ter ZC". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Après vous avoir entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, et contrairement à certains de mes collègues tout à l'heure, je me réjouis que ce soit vous qui représentiez le Gouvernement ce matin sur les articles 3 et 4. Il fallait, en effet, qu'un certain nombre de choses soient dites. La commission des affaires sociales est plus habituée, bien sûr, aux débats sur la santé et les retraites,...

M. Bernard Accoyer.

Vous n'en avez même pas parlé hier !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... mais nous devons d'abord, monsieur Accoyer, étudier les recettes, et c'est bien en tant que rapporteur sur les recettes que j'interviens. Dès que nous aurons terminé l'article 6, nous passerons aux questions concernant la famille, la santé et les retraites, et d'autres rapporteurs interviendront, notamment M. Evin pour la santé.

Evidemment, et l'examen en première lecture nous l'a démontré, plus on passe de temps sur les recettes, plus on a l'impression que l'on n'aborde pas les problèmes qui seront évoqués dans un second temps. Je le dis pour éviter de fausses interprétations.

L'article 3 prévoit de nouvelles formes de recettes, dont nous avons d'ailleurs déjà largement débattu hier en discutant de l'article 2.

Le monopole des créations d'impôts, comme aurait dit un ancien Président de la République, est largement partagé. Puisqu'on vient de parler de la taxe professionnelle, je rappelle que c'est Jacques Chirac qui avait eu la lumineuse idée de la créer.

M. François Goulard.

Elle remplaçait la patente !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Oui, sauf que ce ne sont pas les mêmes qui paient !

M. Bernard Accoyer.

Vous avez un beau palmarès en ce domaine, rallongé encore cette année !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Je vous rappelle simplement que la taxe professionnelle a été créée par Jacques Chirac lorqu'il était responsable de ces questions.

M. Bernard Accoyer.

C'était la transformation d'un impôt qui existait déjà !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Depuis vingt-cinq ans, les gouvernements successifs se sont demandé comment diminuer l'impact de cet impôt, qui fut aussi qualifié d'imbécile. Le secrétaire d'Etat à l'industrie vient de nous expliquer que ce gouvernement avait fait un effort considérable pour l'alléger, à hauteur d'un peu plus de 10 milliards de francs pour le budget 2000. Il était bon de le rappeler, en toute sérénité. Dans le même temps, nous supprimons toute une flopée d'impositions directes ou indirectes, à commencer par les taxes sur les cartes d'identité.

M. Bernard Accoyer.

Et la taxe sur les heures supplémentaires ? Et l'extension de la TGAP ? Et l'explosion de la CSG ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

La TGAP, nous y reviendrons à l'article 4. L'explosion de la CSG, vous y avez contribué aussi, mes chers collègues, je vous le rappelle en passant. La différence, c'est que vous n'aviez aucun but (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), alors que nous avons compensé le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG en supprimant les cotisations d'assurance maladie des Français et en rendant ainsi 1,1 % de pouvoir d'achat à l'ensemble des salariés de ce pays. Il faut le rappeler ! Lorsque vous avez augmenté la CSG, il n'y a eu aucune compensation ! De plus, ce pouvoir d'achat supplémentaire de 1,1 % a contribué à la croissance au cours de l'année précédente et donc à l'emploi.

M. François Goulard.

Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Accoyer.

Vous savez bien que vous ne savez pas mentir !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Je sais très bien que, selon vous, l'emploi ne doit pas faire partie de nos préoccupations lorsque nous discutons du financement de la sécurité sociale.

M. François Goulard.

Ce n'est pas de la protection sociale. Ce sont deux sujets différents !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Dans notre philosophie, cela en fait partie. Je le signale donc en passant.

L'amendement no 7 tend à rétablir un article que nous avions adopté en première lecture et que le Sénat a vaillamment supprimé, sans d'ailleurs prévoir de compensation réelle.

Cet article institue une contribution sociale sur les bénéfices. Il n'y a rien de scandaleux à demander aux entreprises les plus capitalistiques de ce pays une contribution, qui reste modérée, comme vient de le démontrer de façon lumineuse le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie.

M. Bernard Accoyer.

Lumineuse ! (Sourires.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Tout à fait !

M. François Goulard.

C'est le ministre de l'électricité.

(Sourires.)

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il y a pérennisation, en effet, comme je l'ai déjà dit hier, pour un petit nombre d'entreprises, 4 000, mais cette contribution provisoire disparaît en l'an 2000 pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions qui peuvent bénéficier de l'abattement à la base de 5 millions.

Le produit de cette taxe est tout de même modeste au regard du financement général de la protection sociale, et il n'y a aucune raison de ne pas revenir à l'article tel que nous l'avions voté en première lecture.

Je vous précise tout de suite, madame la présidente, que je n'interviendrai pas sur les sous-amendements, sauf sur un qui méritera peut-être qu'on en dise un mot.

M. Bernard Accoyer.

Lequel ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ils ont donné lieu à de larges discussions en première lecture et j'invite mes collègues à les repousser.

Mme la présidente.

Peut-être, monsieur le rapporteur, pourriez-vous nous dire tout de suite sur quel sousamendement j'aurai à vous interroger.

M. Jean-Luc Préel.

Sûrement celui du Gouvernement ! Les autres ne l'intéressent pas !

Mme la présidente.

Laissez-moi conduire les débats, s'il vous plaît !


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Sur quel sous-amendement émettriez-vous un avis plus nuancé, monsieur le rapporteur ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Je ne sais pas si mon avis sera plus nuancé, mais il s'agit du sous-amendement no 117 de MM. Rossi, Debré et Douste-Blazy.

(« Ah ! »s ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

Sur l'amendement no 7, je suis saisie de plusieurs sous-amendements.

Le sous-amendement no 144, présenté par M. Bur,

M. Préel, Mme Boisseau, MM. Blessig, Barrot, Foucher, de Courson, Méhaignerie, Jégou, Morin et Gengenwin, est ainsi rédigé :

« Dans l'amendement no 7, supprimer le I de l'article 235 ter

ZC. » La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

J'étais impatient de savoir sur quel sous-amendement M. le rapporteur souhaitait s'exprimer et donner un avis nuancé. Si je comprends bien, il ne s'exprimera pas sur celui du Gouvernement. Sans doute y est-il défavorable. Nous en sommes ravis !

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Pourquoi ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vous le saurez tout à l'heure, monsieur Préel ! Chaque chose en son temps !

M. Jean-Luc Préel.

Le sous-amendement no 144 tend à supprimer un impôt nouveau destiné à financer partiellement les 35 heures.

J'ai bien entendu votre argumentation, monsieur Pierret. Aujourd'hui, le Gouvernement s'exprime, contrairement à ce qui s'est passé hier, où on nous répondait

« rejet », sans autre forme de procès. Nous sommes heureux d'avoir entamé un dialogue et j'espère qu'il sera fructueux tout au long de cette matinée. Nous serions d'ailleurs heureux de vous garder également cet aprèsmidi et ce soir ! (Sourires.)

M. Bernard Accoyer.

Pour parler de l'amiante, par exemple ! C'est un problème industriel.

M. Jean-Luc Préel.

Il nous paraît plus raisonnable que l'Etat se conforme à la loi de 1994. Elle prévoit que les exonérations de charges décidées par le Gouvernement sont compensées et que ces compensations sont versées à l'ACOSS. Il n'y aurait plus eu aucune discussion et nous pouvions ainsi nous consacrer à la loi de financement de la sécurité sociale.

La mécanique était simple. Nul besoin de faire appel à un nouveau fonds. Celui-ci a un conseil d'administration dont tous les postes sont affectés à des représentants de l'Etat, et un conseil de surveillance. Nous aurions souhaité trouver dans cette loi la compensation totale des exonérations décidées par le Gouvernement. Nous ne souhaitons pas que les entreprises soient pénalisées par un nouvel impôt. C'est pourquoi nous en proposons la suppression.

Mme la présidente.

La commission est défavorable à ce sous-amendement.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le Gouvernement, c'est logique, est hostile à ce sous-amendement car, s'il a décidé d'instituer une nouvelle contribution, c'est pour alléger les charges sociales des entreprises.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il me paraît d'ailleurs assez bizarre que l'opposition, dont c'est souvent le cheval de bataille, ne soit pas d'accord !

M. Jean-Luc Préel.

Pourquoi créer un fonds ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Sincèrement, ni même décemment, on ne peut contester que l'allégement des charges sociales sur les bas salaires permet une dynamique de l'emploi.

Le coût est estimé à 25 milliards de francs en 2000. La mesure dont nous discutons ne le compense que partiellement.

Toutes les entreprises bénéficieront de la réduction des charges...

M. Bernard Accoyer.

Non !

M. François Goulard.

Pas du tout ! Relisez le projet de loi !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... alors que le nombre de celles qui sont concernées par cette contribution est limité - j'ai donné le chiffre de 4 185 il y a un instant. Cette contribution ne concerne pas, en effet, les entreprises assujetties à l'impôt sur le revenu et, comme l'a excellement démontré tout à l'heure le rapporteur du texte, les entreprises assujetties à l'IS ne sont que très partiellement touchées par rapport au nombre total des entreprises assujetties.

Eu égard à l'importance des enjeux, car il faut toujours se placer dans la perspective de ce que l'on veut réaliser, les retombées positives sur l'emploi seront telles qu'il faut repousser cet amendement pour conserver au texte gouvernemental toute sa dynamique favorable à l'emploi.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

On mesure bien l'inconvénient qu'il y a à aborder des questions fiscales dans un débat sur la sécurité sociale. Vous nous avez répondu tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, avec une fougue qui n'excluait ni la courtoisie, ni la compétence, et c'est bien la question d'ensemble de la fiscalité des entreprises qui est posée. Or, dans un tel débat, nous n'avons ni les compétences ni le temps pour le faire. Il y a donc un inconvénient majeur à mélanger ainsi la fiscalité, la sécurité sociale, l'environnement et d'autres sujets.

On pourrait nous répondre que, si, dans d'autres pays, le rapport entre le produit de l'impôt sur les sociétés et le PIB est plus élevé que chez nous, c'est peut-être tout simplement parce que les résultats des entreprises y sont sensiblement plus élevés au départ.

M. Bernard Accoyer.

Evidemment, et il le sait !

M. François Goulard.

On pourrait également vous rétorquer que les investissements étrangers en France sont souvent des investissements financiers, consistant à racheter des sociétés existantes, et non à créer de nouvelles entreprises.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Toyota, c'est une nouvelle entreprise !

M. François Goulard.

Toyota est une exception car, dans l'ensemble, il s'agit plutôt de rachats de sociétés existantes.

J'ajoute que toutes les grandes sociétés internationales ont pour stratégie d'être présentes sur tous les grands marchés, et la France, heureusement, est encore un grand


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marché au sein de l'Europe. Il est donc normal que, à proportion de ce qu'elle représente dans cet ensemble, les grandes entreprises souhaitent y investir ; mais c'est là un autre débat.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les propos que vous tenez sur l'allégement des charges des entreprises - j'aimerais d'ailleurs connaître la réaction du groupe communiste, qui est très sourcilleux sur ce sujet - s'inscrivent dans un contexte où la loi sur les 35 heures a renchéri de manière dramatique le coût du travail en France. Vous avez beau affirmer que vous avez fait bénéficier les entreprises françaises de 10 milliards d'allégements de taxe professionnelle - il y aurait au demeurant beaucoup à dire sur l'application de cette mesure -, vous n'empêcherez pas que ces allégements ne compensent pas, loin s'en faut, l'augmentation du coût horaire du travail imputable à la réduction du temps de travail.

Ce que vous nous dites de telle ou telle mesure fiscale ne parviendra donc pas à nous convaincre que, globalement vous avez allégé les charges qui pèsent sur les entreprises françaises. Vous avez, au contraire, renchéri le coût du travail pour l'ensemble de l'économie française, et c'est ce qui fonde notre opposition déterminée, aussi bien à la loi sur les 35 heures qu'au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Charles Cova.

Très bien !

Mme la présidente.

Le sous-amendement no 116, pré-s enté par MM. Debré, Rossi, Douste-Blazy et les m embres des groupes du Rassemblement pour la République, Démocratie libérale et Indépendants et de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa (art. 235 ter ZC) du 1o de l'amendement no 7, substituer à la somme : "5 000 000 F", la somme : "20 000 000 F". »

La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir ce sous-amendement.

M. Bernard Accoyer.

Ce sous-amendement de repli propose d'instaurer un nouveau seuil pour soumettre les entreprises au prélèvement, et je ne reviendrai pas sur les effets pervers de tous ces seuils.

Prolongeant l'excellente démonstration de M. François Goulard, je vous dirai tout simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous-même ne croyez pas aux trente-cinq heures ! (Rires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Vous savez très bien qu'en réalité la réduction autoritaire et systématique du temps de travail est un mauvais coup porté à notre économie, et à notre industrie en particulier. Vous le savez, mais vous avez décidé, et c'est tout à fait normal, de jouer la comédie de la solidarité gouvernementale. Le Gouvernement est d'ailleurs lui-même très divisé sur cette question, du moins lorsque ses membres s'expriment sincèrement, car cette mesure est très dogmatique et les observateurs étrangers la considèrent comme extrêmement dangereuse.

M. Charles Cova.

Perverse !

M. Bernard Accoyer.

Votre ancien collègue, M. Jacques Dondoux, qui a été éconduit dans les conditions que l'on sait (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) , s'était exprimé dans la presse à ce sujet.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

En tout cas la création d'un fonds n'empêchera pas l'augmentation du coût du travail, conséquence fondamentale de la loi sur les trente-cinq heures.

Vous avez affirmé, monsieur le secrétaire d'Etat, que toutes les entreprises bénécieraient des diminutions de charges. C'est donc que vous ne connaissez pas le texte, et vous avez d'ailleurs raison, car...

M. François Goulard.

Il est illisible !

M. Bernard Accoyer.

... il n'a que des conséquences fâcheuses. Nous sommes quant à nous favorables à une diminution des charges sur les bas salaires, et même sur tous les salaires, alors que vous avez continué à les accroître. Car la logique de la majorité, déchirée entre les Verts, les communistes et les multiples tendances du groupe socialiste, la pousse inexorablement vers des prélèvements plus élevés. Vous battez tous vos records cette année, qu'il s'agisse des prélèvement fiscaux ou des prélèvements sociaux, même si la croissance vous permet de vous livrer à quelques gesticulations pour faire croire le contraire.

En réalité, vous avez mis le doigt sur l'une des faiblesses de ce texte, parce que vous connaissez bien ses conséquences néfastes, et vous avez reconnu en fait que le Gouvernement ne consacrerait cette année que 25 milliards aux nouvelles diminutions de charges, alors que la ristourne Juppé, décidée il y a plus de quatre ans, était un dispositif d'allégement global des charges.

Vous dites également que le dispositif de la CSB doit s'entendre à niveau de prélèvement constant. Mais pensez-vous que nous allons encore croire à ce mensonge ? Comment financerez-vous l'année prochaine les 45 milliards supplémentaires prévus par le texte lui-même ? Il y a dans votre discours un ensemble d'incohérences absolues qui témoigne de votre distance, que l'on comprend bien, au demeurant, à l'égard de ce texte. Car il s'agit d'un mauvais projet pour l'industrie française, et vous ne l'approuvez pas. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé ce sous-amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la présidente.

L'avis de la commision est défavorable.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Défavorable également.

Pour ne plus revenir sur ce sujet, je ferai un rappel, après M. le président de la commission et M. le rapporteur. Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité s'est d'ailleurs exprimée sur ce sujet avec talent depuis des mois dans cette enceinte.

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Jean-Luc Préel.

Nous le lui dirons !

M. Bernard Accoyer.

Quelle mauvaise foi !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

La réduction de charges de 21 000 francs qui résultera des textes en discussion aboutira à une réduction des charges sociales, pour les salariés dont le salaire correspond au SMIC, supérieure au coût de l'aménagement-réduction du temps de travail.

M. Bernard Accoyer.

Absolument pas !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Puisque vous le contestez, monsieur Accoyer, je vous renvoie à un document que l'Union des industries textiles a envoyé il y a quelques mois à tous les parlementaires. Ce document affirmait que l'augmentation instantanée des charges résultant des 35 heures serait de 6 000 francs par an et par salarié payé au SMIC ; or, il y a quelques jours, cette augmentation n'était plus que de 2 000 francs. Mais cette charge sera plus que compensée par la diminution de la taxe professionnelle, qu'on peut évaluer en 2000 et 2001 entre 2 000 et 3 000 francs par an et par salarié en moyenne,...

M. Alfred Recours, rapporteur.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... ainsi que par l'augmentation de productivité qui résultera de l'aménagement-réduction du temps de travail.

M. Bernard Accoyer.

C'est tout à fait hypothétique !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Ces deux mesures auront des conséquences d'une ampleur telle que le coût instantané de la réduction du temps de travail sera plus que couvert par l'ensemble des dispositifs.

M. Bernard Accoyer.

Globalement, il y a une augmentation du coût du travail !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Pas du tout ! Et c'est précisément parce que vous êtes gênés par ce raisonnement, qui est repris par des organisations patronales, dont vous êtes souvent proches, que vous essayez de passer à un autre raisonnement !

M. Bernard Accoyer.

Absolument pas ! Vous ne croyez pas à ce que vous dites !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Vous savez très bien que nous avons raison et que, dans les industries de main-d'oeuvre, la réduction des charges sera suffisamment dynamique pour avoir un effet positif et massif sur l'emploi.

M. Charles Cova.

Plus c'est gros, mieux ça passe !

M. Bernard Accoyer.

Vous n'avez pas répondu à la question ! Toutes les entreprises bénéficieront-elles de la réduction de charges sociales ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Toutes celles qui seront passées aux 35 heures, cela va de soi !

Mme la présidente.

Le sous-amendement no 118, présenté par MM. Douste-Blazy, Rossi et Debré et les membres des groupes de l'Union pour la démocratie française-Alliance, Démocratie libérale et Indépendants et du Rassemblement pour la République est ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa du 1o de l'amendement no 7, substituer au taux : "3,3 %", le taux : "1 %". »

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous apprécions votre convivialité, votre cordialité, votre esprit de dialogue et nous dirons à Mme Aubry tout le bien que vous pensez d'elle ! (Sourires.)

Mais je souhaiterais que vous nous expliquiez avec la même conviction et la même sincérité l'utilité de la créa tion d'un fonds destiné à gérer les 35 heures.

M. Bernard Accoyer. Bonne question ! M. Jean-Luc Préel. Puisque la loi de 1994 prévoyait q ue le Gouvernement compensait l'exonération de charges, pourquoi créer un fonds, avec conseil d'adm inistration et conseil de surveillance, uniquement destiné au transfert de taxes et d'impôts visant à financer les 35 heures ? Pourquoi construire un nouveau machin ? Puisque M. Migaud, rapporteur général du budget, vient de nous rejoindre, je poserai la question : pourquoi faudrait-il créer un fonds pour gérer chaque impôt, chaque taxe ? Ce serait absurde. En l'occurrence, pourquoi créer une structure, au lieu de transférer directement ces fonds à l'ACOSS, qui a un conseil d'administration et un conseil de surveillance ? Cela aurait été beaucoup plus simple.

Vous avez rappelé tout à l'heure qu'il n'y avait pas de baisse globale des charges, mais seulement un transfert à masse constante. Au contraire, lorsque le gouvernement Juppé a diminué les charges pour les salaires jusqu'à 1,33 fois le SMIC, cela a représenté une diminution réelle des charges des entreprises.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je rappelle que, l'année prochaine, il manquera 20 milliards pour financer les 35 heures.

M. François Goulard. Au moins ! M. Jean-Luc Préel. En dépit de la taxe sur la pollution et de la taxe sur les heures supplémentaires, il manquera encore, je le répète, 20 milliards l'année prochaine. Comment les trouverez-vous sans créer un impôt nouveau ?

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Défavorable.

Mme la présidente.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Défavorable également.

Je m'étonne que l'opposition soit opposée à la création du fonds de financement de la réforme, car il s'agit d'établir une véritable transparence,...

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Exactement ! M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... une clarté dans le processus, grâce à la présence de membres du Parlement au conseil de surveillance. Nous cherchons à établir un processus démocratique, clair, public, incontestable, pour la surveillance de la gestion de ce fonds.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Tout à fait ! M. Jean-Luc Préel. L'ACOSS suffisait ! M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Comment pouvezvous être hostiles à ce que la majorité de 1994 a créé avec le fonds de solidarité vieillesse ? Vérité en 1994, en ce qui c oncerne la transparence, erreur en 1999 ? Je ne comprends plus.

Mme la présidente.

Le sous-amendement no 117, pré-s enté par MM. Rossi, Debré, Douste-Blazy et les membres des groupes Démocratie libérale et Indépendants, du Rassemblement pour la République, et de l'Union pour la démocratie française-Alliance, est ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du quatrième alinéa du 1o de l'amendement no 7, substituer aux mots : "50 millions", les mots : "5 milliards". »

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard. Monsieur le secrétaire d'Etat, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, toutes les entreprises ne bénéficieront pas d'un allégement


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

des charges sociales. Car - et c'est redoutable - la condition, posée par la deuxième loi sur les 35 heures, d'un accord avec les organisations syndicales ne sera pas remplie dans certains cas ; non pas du fait de l'employeur, mais tout simplement parce qu'on n'aura pas pu parvenir à un accord. Vous allez donc placer les entreprises françaises dans des situations extrêmement difficiles, du fait de la différence de traitement qu'elles subiront.

Vous plaidez en faveur de l'allégement des charges sociales mais il suffit de se reporter aux chiffres macroéconomiques pour voir que le compte n'y est pas, loin s'en faut.

Vous avez parlé de 100 ou 110 milliards de francs en régime permanent pour les allégements de charges sociales et de 10 milliards de francs pour la taxe professionnelle, soit 120 milliards de francs au total. Mais quel sera l'impact de la hausse de 11,4 % du coût du salaire horaire sur l'ensemble de la masse salariale des entreprises françaises ?

M. Bernard Accoyer.

Bonne question !

M. François Goulard.

Il faut poser le problème dans ces termes. Vous prenez une mesure lourde pour les finances publiques, mais qui n'est pas à la hauteur des effets macro-économiques que provoqueront les 35 heures.

Vous ne pouvez donc affirmer que vous avez allégé les charges des entreprises françaises ; vous n'avez fait que compenser partiellement les augmentations de charges. Et vous l'avez, de surcroît, fait d'une manière qui entraînera des distorsions de concurrence. Nous tenions à le souligner car cette difficulté va désormais peser sur l'économie française.

Mme la présidente.

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Alfred Recours, rapporteur.

Il n'est pire sourd que celui qui ne veut entendre. Notre collègue Fousseret a demandé hier, à juste titre, un meilleur remboursement des prothèses auditives. Il faut au plus vite donner satisfaction à notre collègue, ne serait-ce que pour aider les membres de l'opposition.

M. Bernard Accoyer.

Le remboursement est tout à fait symbolique ! Une seule prothèse, sur les deux nécessaires aux sourds profonds, est remboursée, et encore tous les quatre ans seulement ! En outre, à partir de 16 ans, plus rien n'est remboursé !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce remboursement des prothèses auditives vous permettrait de mieux entendre ce que nous disons. Peut-être, ainsi, gagnerions-nous du temps car nous ne serions pas obligés de répéter la même chose jour et nuit.

M. Bernard Accoyer.

En fait, on ne rembourse rien du tout !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Vous avez raison, monsieur Accoyer, nous ne pouvons pas affirmer que les 105 ou 110 milliards de francs qui seront nécessaires au financement du fonds d'allégement à partir de 2001 sont assurés. Nous verrons cela lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Je rappelle cependant que la somme à laquelle vous avez fait allusion, et qui manquerait éventuellement en année pleine, représente à peu près ce que nous mettons cette année dans le fonds de réserve des retraites. Nous avons pu dégager ces crédits sans difficulté et ils représentent 1 % environ du total des dépenses de la protection sociale. Nous pourrons donc assurer ce financement tout à fait normalement, eu égard aux recettes qui seront dues à la croissance 2000 et 2001.

J'apprécie cependant l'humour de la proposition de MM. Rossi, Debré et Douste-Blazy. La commission ayant proposé d'exonérer de la contribution sur les bénéfices toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs ou l'impôt inférieur à 5 millions de francs, nos collègues proposent de passer de 50 millions de francs à 5 milliards de francs, car ils se veulent cent fois plus généreux que la commission.

T out ce qui est excessif est insignifiant : cela commande que nous repoussions ce sous-amendement.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Quelle dialectique !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Même avis que

M. le rapporteur, qui s'est exprimé excellemment.

Mme la présidente.

Le sous-amendement no 148, présenté par le Gouvernement est ainsi rédigé :

« Compléter l'amendement no 7 par le paragraphe suivant :

« Les sanctions fiscales mentionnées au I de l'article 1668 D du code général des impôts ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contrevenant la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no 7 et pour présenter ce sous-amendement.

M. secrétaire d'Etat à l'industrie.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement no 7 de la commission, sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement qui devrait recueillir l'approbation de l'unanimité de l'Assemblée dans la mesure où il est destiné à protéger les contribuables en instaurant une obligation de motivation systématique des sanctions fiscales établies par l'amendement de la commission.

Le Gouvernement se penche sur une réforme dont l'objet est de généraliser la motivation des sanctions fiscales, même lorsqu'elles présentent un caractère forfaitaire - 10 % - et répondent à des circonstances objectives c'est le cas qui nous occupe aujourd'hui. Il s'agit notamment de traduire dans le domaine fiscal des dispositions du projet de loi relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration que l'Assemblée a examiné avant-hier en deuxième lecture. Dans le respect du principe constitutionnel des droits de la défense, chaque contribuable en infraction doit être en mesure de présenter ses observations écrites ou orales et de disposer d'un délai de trente jours avant que la sanction ne soit prononcée. C'est une règle de portée générale, protectrice du contribuable. Elle sera inscrite dans la loi fiscale - je vous l'annonce en avant-première - par une disposition du projet de loi de finances rectificative pour 1999 qui a été adopté hier matin par le conseil des ministres.

Ce sous-amendement concernant la CSB instituée par l'article 3 a pour but de mettre immédiatement le projet de loi de financement de la sécurité sociale en conformité avec les dispositions qui devraient être votées par le Parlement dans le projet de loi de finances rectificative. Je précise, afin que cela soit bien clair pour la séance, que les sanctions concernées par ce sous-amendement sont celles mentionnées au I de l'article 1668 D du code général des impôts.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Je suis bien sûr contre le rétablissement de l'article 3, c'est-à-dire d'un nouvel impôt, mais je déplore également la dérive de la discussion à laquelle nous assistons. Puisque nous sommes là pour parler de la solidarité et que M. Recours m'y a incité, je vais vous poser une petite question, monsieur le secrétaire d'Etat, à laquelle vous ne pourrez sans doute pas répondre, ce que je vous pardonnerai aisément : connaissez-vous le taux de remboursement par la sécurité sociale des prothèses auditives ?

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je ne veux pas entrer dans ce débat, monsieur le député, mais il se trouve que ma dernière fille est sourde à 80 %.

M. Bernard Accoyer.

Alors vous comprendrez mieux que d'autres pourquoi nous sommes particulièrement choqués par la tournure de ces débats. Je vais donner la réponse que vous n'avez pas fournie : le taux de remboursement des prothèses auditives se situe autour de 15 %. J'ai bien dit 15 % de ce que les familles doivent payer ! Et nous sommes en train d'évoquer de nouveaux impôts, le financement partiel des 35 heures, alors que nous ne devrions parler que de la dégradation absolument incroyable du niveau de protection sociale que la branche maladie offre désormais à nos concitoyens.

La situation des malentendants devient absolument insupportable, en particulier pour ceux qui doivent être dotés de deux prothèses - je pense à ceux qui souffrent de surdité profonde. C'est inique. Les taux de remboursements sont inacceptables ! Les mutuelles ne suffisent pas à couvrir totalement la dépense et les familles doivent bien entendu payer elles-mêmes, non seulement les prothèses, mais aussi tout ce qui va avec, c'est-à-dire les dépenses liées à la maintenance et bien souvent les piles.

Pour les personnes âgées, une seule prothèse est remboursée, jamais deux. Quant aux enfants, le remboursement de la deuxième prothèse à partir de l'âge de seize ans soulève toujours beaucoup de problèmes au niveau des caisses primaires d'assurance maladie. C'est insupportable.

Mais il y a plus grave : lorsqu'une personne âgée doit être équipée d'un appareil stéréophonique, ce qui est la règle absolue dans tous les pays développés, les caisses ne remboursent qu'une seule prothèse et, de surcroît à un taux allant de 15 à 20 % ! Voilà la vérité ! Voilà ce dont nous devrions parler ici !

Mme Nicole Feidt.

Pourquoi n'avez-vous rien fait ?

M. Bernard Accoyer.

Et puisque nous avons malheureusement évoqué le cas des surdités profondes de l'enfant, j'aborderai le problème des implants cochléaires.

Ils se sont développés de façon importante dans des pays tels que les Etats-Unis qui consacrent des moyens à l'accès aux nouvelles technologies.

Mme Nicole Feidt.

Ce n'est pas gratuit !

M. Bernard Accoyer.

En France, l'accès aux nouvelles technologies est rationné parce que nous n'affectons pas les moyens là où ils seraient nécessaires.

Nous sommes en train de traiter de fiscalité alors que nous devrions parler de santé, d'action sociale, de couverture, en particulier pour ceux qui sont atteints de maladies graves.

Mme Nicole Feidt.

Il fallait le faire avant !

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur, auquel je demande d'être bref.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Ce sera le cas, madame la présidente. Je précise d'ailleurs que la commission n'abuse jamais de son temps de parole et qu'elle ne critique pas celui utilisé par l'opposition, qui joue d'ailleurs normalement son rôle.

Monsieur Accoyer, qu'il s'agisse du prix des lessives en première lecture ou de la question que vous abordez maintenant en seconde lecture, vous avez vraiment le chic pour tomber en plein dans le mille et mettre en cause la vie personnelle de certains d'entre nous en nous faisant le coup du ticket de métro.

Mme Nicole Feidt.

Oui ! C'est indécent !

M. Bernard Accoyer.

Cela n'avait rien de personnel !

M. Alfred Recours, rapporteur.

En première lecture, c'était moi qui étais visé à propos du prix des lessives, aujourd'hui c'est M. le secrétaire d'Etat. Celui-ci vous a déjà donné une réponse tout à l'heure. Vous pourriez au moins en tenir compte. Chacun s'en porterait mieux et nos débats prendraient ainsi un peu de hauteur.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

M. le secrétaire d'Etat sait très bien que notre débat présente un caractère général. Et puisqu'il connaît le problème, il sait que c'est une vraie question que j'ai posée. (« Ça suffit maintenant ! On arrête ! », sur les bancs du groupe socialiste.) Je sais bien ce que tout cela signifie pour chacun d'entre nous, mais je ne peux pas ne pas aborder certaines questions sous prétexte qu'elles pourraient soulever des cas personnels. Nous sommes ici pour débattre de problèmes qui concernent tous les Français, c'est pourquoi je continuerai à intervenir.

Mme la présidente.

Monsieur Accoyer, tout le monde a compris que votre propos, pour malheureux qu'il ait été, était involontaire et n'avait rien de personnel.

Je mets aux voix le sous-amendement no 144.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 116.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 118.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 117.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix le sous-amendement no 148.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente.

Je mets aux voix l'amendement no 7, modifié par le sous-amendement no 148.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Mme la présidente.

En conséquence, l'article 3 est rétabli et se trouve ainsi rédigé.

Article 4

Mme la présidente.

Le Sénat a supprimé l'article 4.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, inscrit sur l'article.

M. Jean-Luc Préel.

J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez être convaincant et que vous nous expliquerez pourquoi la taxe générale sur les activités polluantes est si compliquée.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

Par l'article 4, le Gouvernement propose d'affecter le produit de cette taxe au financement des 35 heures. Je ne suis pas encore convaincu par la théorie du double dividende qui nous a été expliquée par notre rapporteur. La TGAP devrait rapporter 3,2 milliards de francs en 2000, puis 12,5 milliards de francs chaque année. Le produit de cette nouvelle taxe fondée sur le principe « pollueurpayeur » aurait dû être affecté non au financement des 35 heures, mais à la prévention des pollutions, à une amélioration de l'environnement, de la qualité de l'air et de l'eau. Je pense, par exemple, monsieur le secrétaire d'Etat, à un problème que vous connaissez certainement : la mise aux normes des élevages. La ligne budgétaire correspondante est anormalement anémiée, si bien que de nombreux projets actuellement en cours prennent du retard parce que la part de l'Etat ne suit pas. Or, la mise aux normes des élevages permet d'améliorer la qualité de l'environnement, de l'eau en particulier. Je ne sais pas ce que pense réellement Dominique Voynet de l'affectation du produit de cette taxe au financement des 35 heures, mais elle ne doit pas être très satisfaite ! En outre, vous instituez ainsi un droit à polluer. En effet, plus nous utiliserons de lessives considérées comme polluantes, mieux se portera le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale et meilleur sera l'équilibre des comptes sociaux. C'est un comble ! Comme le disait notre rapporteur, cette taxe est la parodie d'un inventaire à la Prévert, mais ses conséquences sont beaucoup moins plaisantes. Elle est d'une complexité folle. Prenons l'exemple des lessives phosphatées. Elles seront pénalisées par rapport aux autres lessives alors que les phosphates sont des nutriments naturels consommés par l'homme et ne présentant aucune toxicité. L'arrêt total de la fabrication de phosphates qui en résultera à brève échéance entraînera la perte nette de nombreux emplois, sans pour autant améliorer la qualité de l'environnement. Vous n'aurez donc pas le produit fiscal escompté. Pour ne pas entraîner de distorsions de concurrence, il serait plus logique de taxer l'ensemble de lessives.

Pour les produits phytosanitaires, cette taxe représente 3 % du chiffre d'affaires. Elle est injuste, car elle reste essentiellement à la charge des agriculteurs. Elle créera de nouvelles distorsions de concurrence avec les pays voisins.

De plus, elle n'est pas logique, car les produits sont homologués en fonction de critères précis pour être utilisés sans risque pour l'environnement. Un produit dangereux, mais utilisé à faible dose à l'hectare, sera peu taxé, alors qu'un produit peu dangereux mais pondéreux, selon un terme technique, le sera fortement. Vous ne prenez pas en compte le poids de la molécule active. Cette taxe pénalisera donc les producteurs et détruira l'emploi. Elle est illogique, inefficace et complexe. Mais surtout, son produit devrait être affecté à l'amélioration de la qualité de l'environnement et non servir à financer les 35 heures.

Mme la présidente.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

La TGAP est en fait une nouvelle extension des prélèvements fiscaux, que vous justifiez en disant qu'il s'agit de financer les 35 heures. La contribution sociale sur les bénéfices des sociétés a au moins le mérite de la clarté - on prend de l'argent sur les bénéfices pour essayer de compenser les baisses de charges -, mais la seule justification de cette extension de la TGAP est la recherche pure et simple d'une ressource supplémentaire.

Cela aboutit à un non-sens. En effet, la TGAP telle qu'elle est conçue n'encouragera en aucune façon la maîtrise et la diminution des pollutions. On connaît d'ailleurs les réserves de la composante verte de la majorité.

En outre, il existe des certifications pour atténuer les effets des activités industrielles sur l'environnement. Le règlement européen EMAS, qui date de 1993, permet ainsi aux entreprises d'accéder à la norme ISO, moyennant d'importants investissements. Les modalités de l'extension de la TGAP sont telles que vous tournez le dos à la notion pédagogique et efficace qui aurait voulu que ce prélèvement conduise à réduire les pollutions, les atteintes à l'environnement, philosophie même de la directive européenne. La mise aux normes européenne est particulièrement onéreuse et ce n'est pas un hasard si les certifications auxquelles j'ai fait allusion sont dix fois moins nombreuses en France qu'en Allemagne. On voit bien que cette politique n'a pas de sens.

J'évoquerai maintenant quelques points plus spécifiques ayant des conséquences particulièrement dommageables.

La taxation des produits phytosanitaires selon la grille AGRITOX, qui conduit à taxer plus selon le poids que selon la toxicité aura des effets terriblement pervers, tout spécialement pour les entreprises de ce secteur qui sont implantées en France. Les grands groupes ne seront que très faiblement taxés : comme par hasard, ils sont localisés à l'étranger. Toutes les entreprises implantées sur le territoire français qui fabriquent des génériques seront, quant à elles, véritablement assassinées par cette nouvelle taxation. Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir examiner attentivement ce problème, car un millier d'emplois sont en jeu et la situation est particulièrement préoccupante.

J'ajoute que, pour les lessives, là encore, c'est l'arbitraire qui prévaut. Il n'y a aucune logique. Nous avons déjà parlé du problème des phosphates. Je vous rappelle d'ailleurs qu'un amendement a été adopté pour épargner les entreprises situées dans deux circonscription : celles de M. Fabius et de Mme Aubry, comme par hasard ! Je suggère que l'on applique la même fiscalité à géométrie variable à d'autres produits, comme les chlorates également concernés par cette nouvelle taxation, qui portera un coup fatal à certaines usines en Savoie.

Donc vous le voyez bien, la TGAP aura de multiples conséquences particulièrement dommageables, mais la plus choquante est, sans nul doute, celle qui consiste à faire payer aux agriculteurs le coût des 35 heures dans la mesure où le mode de fixation des prix agricoles ne leur permet pas de répercuter la hausse des prix des produits phytosanitaires sur leurs prix de vente. Ce sont donc les agriculteurs qui paieront les 35 heures, alors qu'ils sont bien souvent contraints de travailler plus de deux fois 35 heures par semaine, et cela toute l'année !

Mme la présidente.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Nous avons déjà abondamment parlé de la TGAP et des aspects très contestables de l'affectation de cet impôt au financement de la réduction du temps de travail. Je me concentrerai sur quelques points.

D'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, la thèse défendue par votre collègue de l'emploi et de la solidarité selon laquelle la TGAP serait un impôt sur le capital et que son affectation au fonds d'allégement des charges sociales constituerait la première étape d'une vaste réforme consistant à asseoir les cotisations sociales davantage sur le capi-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

tal et un peu moins sur les salaires, est une présentation tirée par les cheveux, permettez-moi l'expression ! En effet, nous le savons très bien, la TGAP était un impôt commode, politiquement et écologiquement correct. On a trouvé opportun de l'affecter à ce fonds d'allégement des cotisations sociales sous l'empire de la nécessité - tous les gouvernements font de telles opérations - et ce n'est sûrement pas la volonté de rééquilibrer l'assiette des cotisations sociales qui a motivé cette décision. Il y a des choses que l'on peut pas dire, même quand on cherche à faire de la politique ! Deuxième observation, la procédure qui consiste à faire examiner par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à l'occasion d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, des impositions telles que celles-là n'est pas une bonne procédure. A l'évidence, en effet, cette commission n'a pas les compétences pour se prononcer sur le bien-fondé de l'imposition de telle ou telle activité jugée polluante. Cela aurait dû relever de la commission des finances ou de la commission de la production et des échanges, mais aucunement de la commission des affaires sociales. Voilà qui montre bien un vice de construction dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous sommes amenés à discuter de questions qui ne devraient pas être traitées en même temps que la protection sociale.

Troisième observation, il ressort que les impositions nouvelles ou existantes proposées au titre de la TGAP, ne sont pas bien ciblées quand on les considère sous l'angle de la défense de l'environnement. Il s'agit d'un inventaire hâtif d'impositions, soit très anciennes et qui n'ont strictement rien à voir avec la lutte contre les pollutions, soit nouvellement instaurées mais sans réflexion, sans études.

Cela explique les critiques extrêmement nombreuses à propos des lessives ou des produits phyto-sanitaires. Le travail préalable, qui aurait permis de mettre en place une véritable fiscalité écologique frappant les produits les plus polluants et épargnant ceux qui le sont moins, n'a pas été effectué. Ainsi, le ciblage des impôts n'est pas convenablement défini, leur objectif n'est pas suffisamment précisé.

Dernière observation, plus spécifique, à propos des produits phytosanitaires. Nous l'avons regretté en première lecture, vous créez, en fait, un nouvel impôt qui pèsera sur l'agriculture française puisque les agriculteurs sont les premiers utilisateurs de ces produits.

Monsieur le secrétaire d'Etat, au moment où s'ouvre une nouvelle phase de négociations de l'Organisation mondiale du commerce - et vous connaissez mieux que nous ce sujet -, au moment où les aides européennes à l'agriculture sont attaquées par plusieurs grands pays et menacées d'être réduites, croyez-vous opportun d'accroître sensiblement les charges de l'agriculture française ? C'est un non-sens.

Ce point, extrêmement sensible, est très mal ressenti par les professionnels concernés. Monsieur le secrétaire d'Etat, assouplissez ce dispositif, c'est de l'avenir de l'agriculture française qu'il s'agit.

Mme la présidente.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alfred Recours, rapporteur.

M. Goulard nous disait hier dans une formule bien ramassée, parlant de vérité et de truisme, que l'augmentation d'un prix par le biais d'une taxation a pour conséquence une réaction du marché et que l'on peut espérer que les produits polluants se vendront moins parce qu'ils seront plus chers.

M. François Goulard.

Ce n'est pas contestable !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Mais aujourd'hui

M. Goulard nous explique qu'il est dommage de taxer.

N'y a-t-il pas là contradiction ? Comme il le disait très bien hier, taxer ces produits suivant leur degré de toxicité...

M. François Goulard.

Ce n'est pas ce qui est fait !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... pourrait être une excellente chose car cela conduirait à moins les utiliser.

Le truisme c'était que les fonds collectés pouvaient être dépensés utilement, et il a ajouté qu'il était tout à fait d'accord avec le principe de la taxation des activités polluantes et avec l'affectation du produit de cette taxe à des activités utiles - il a employé à nouveau ce mot - à nos concitoyens.

M. François Goulard.

Oui !

M. Alfred Recours, rapporteur.

D'une certaine façon, nous pouvons donc considérer que nous avons avancé.

Il reste que nous considérons nous comme utile, suivant la démonstration de notre collègue Goulard, que les recettes en question, même si elles ne sont pas pérennes puisque nous espérons que la diminution de l'utilisation des produits réduira le produit de la taxe, soient consacrées à l'allégement des charges sociales pour favoriser l'emploi. Ainsi, au terme de cette démonstration, la divergence apparaît seulement sur l'utilisation.

Par ailleurs, l'introduction de la TGAP dans la loi de financement de la sécurité sociale pose effectivement des problèmes techniques qui mériteraient une expertise plus poussée que celle que nous pouvons avoir à notre disposition ou de par nos compétences au sein de la commission des affaires sociales. Et, sur un certain nombre de points, nous avons dû nous colleter aux difficultés techniques que recouvrait chacun des volets internes de la TGAP. Il faut le reconnaître. Mais cela ne signifie pas que nous ne les maîtriserons pas un jour.

Pour l'instant, et parce que la question des phosphates posée par notre collègue Préel a été réglée d'une cert aine façon en première lecture par un amendement adopté par l'Assemblée, aujourd'hui repris par la commission - considérez, madame la présidente, que je défends l'amendement no 8 -, une seule difficulté semble subsister, elle concerne les produits phytosanitaires. Mais j'espère que M. le secrétaire d'Etat va nous apporter des précisions sur ce point. Approfondissant le sujet, nous avons en effet constaté que la taxation de ces produits se fait sur un double critère : celui de la classe de toxicité et celui de la quantité de produit réparti à l'hectare.

M. Bernard Accoyer.

Voilà !

M. Alfred Recours, rapporteur.

C'est bien de cela qu'il s'agit.

M. François Goulard.

Nous avons été entendus !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Selon les modes de calcul, nous pourrions donc en arriver à des situations étonnantes,...

M. Jean-Luc Préel.

Paradoxales !

M. Alfred Recours, rapporteur.

... au terme desquelles un produit moins polluant distribué à l'hectare dans une plus grande quantité et se révélant moins polluant qu'un produit de très forte toxicité distribué en plus petite quantité à l'hectare, serait globalement plus taxé.

M. Bernard Accoyer.

Très bien, monsieur le rapporteur ! Nous avons enfin été entendus !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Luc Préel.

Nous l'avions dit dès la première lecture !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons des précisions.

Par ailleurs, la loi doit prévoir le montant global de la recette et rappeler un certain nombre d'éléments. Mais quelques points relèvent du domaine réglementaire - les classes de toxicité, leur répartition de 1 à 7, par exemple et nous ne pouvons pas les modifier dans le cadre de la loi.

M. Bernard Accoyer.

Très juste !

M. Alfred Recours, rapporteur.

Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons vos réponses. En tout état de cause, nous ne pouvons pas laisser s'installer l'idée que des produits globalement moins polluants à l'hectare seraient plus taxés que des produits plus polluants, même distribués en plus petite quantité. Mais je ne doute pas que vous serez en mesure de nous donner des éléments rassurants sur ce point.

Mme la présidente.

Compte tenu de l'heure, nous allons arrêter là nos travaux.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Madame la présidente, j'aurais préféré répondre maintenant aux orateurs.

Mme la présidente.

Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je m'efforcerai d'être le plus bref possible.

Concernant les produits phytosanitaires, le principe de la TGAP est simple. On impose d'abord la substance active comprise dans le produit commercialisé. C'est la lettre du texte et naturellement aussi son esprit. On impose ensuite la substance active proportionnellement à sa toxicité, ce qui est conforme à l'objectif de lutte contre les atteintes à l'environnement.

M. Alfred Recours, rapporteur.

Tout à fait !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

On impose, enfin, la substance active proportionnellement à sa quantité mise en jeu. C'est donc bien, monsieur Préel, monsieur le rapporteur, le poids de la molécule active contenue dans les produits répandus qui est taxé contrairement à une acception fausse, par rapport à la lettre et à l'esprit du texte, qui voudrait que soit taxé le poids du produit luimême. La substance active, seule, fait l'objet d'une taxation.

M. François Goulard.

L'objection Recours demeure !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Théoriquement, mais je ne suis pas certain que cela se vérifie dans la pratique, l'emploi d'un produit contenant une substance faiblement toxique en grande quantité - c'est l'hypothèse d'école que vous avez les uns et les autres évoquée - peut être taxé comme l'utilisation en faible quantité d'un produit contenant une substance fortement toxique.

M. Bernard Accoyer.

En pratique, la taxation varie de un à dix !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

C'est normal car, toujours dans cette perspective quelque peu théorique, l'atteinte à l'environnement est équivalente ; l'idée directrice est le rapport à l'environnement et les éventuelles atteintes à celui-ci.

Cela étant, et je remercie M. le rapporteur de l'avoir noté, si de telles difficultés survenaient, il serait nécessaire d'adapter la classification des produits de façon à y remédier. C'est ce que nous étudierons avec mes collègues de l'environnement et de l'agriculture. La réponse est ouverte. La classification devra faire l'objet d'une attention particulière.

M. Bernard Accoyer s'inquiète du sort d'une entreprise savoyarde qui produit un désherbant dans la composition duquel entre le chlorate de soude.

M. Bernard Accoyer.

Cela sert aussi à blanchir la pâte à papier !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Mais cela est inutile, car cette substance n'est pas soumise à homologation.

En effet, elle figure au titre des substances non dangereuses normalisées dans un arrêté du ministère de l'agriculture du 30 mars 1988. A ce titre, elle n'est pas soumise à la taxe générale sur les activités polluantes. Voilà une réponse claire et précise.

Monsieur Goulard, vous avez fait allusion à des problèmes de compétitivité de l'industrie et de l'économie française,...

M. François Goulard.

Plus spécifiquement de l'agriculture !

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

... et cru déceler une absence de préparation de l'instauration de la TGAP.

Sachez que je suis en contact hebdomadaire avec les secteurs industriels qui peuvent être concernés par cette taxe.

P ar ailleurs, sur les produits phytosanitaires, Mme Dominique Voynet a mis en place un groupe de travail comprenant des agriculteurs et des membres de son ministère dès mai 1998, soit plus d'un an avant que l'Assemblée ne soit amenée à discuter de ce texte.

Mme la présidente.

Monsieur le secrétaire d'Etat, pourriez-vous conclure, s'il vous plaît ? Si nous voulons reprendre nos travaux à quinze heures, nous devons lever la séance dès maintenant.

M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.

Je conclus très brièvement, madame la présidente.

La cohérence de la TGAP, c'est prévenir dès 2000 la pollution sur l'eau et les atteintes à l'environnement. Sa logique, c'est le double dividende emploi-environnement qui légitime que l'on affecte l'ensemble de la TGAP, ancienne et nouvelle, à l'allégement de charges sur les bas salaires. Sa simplification, c'est le regroupement de dispositions existantes créées par le gouvernement de M. Chirac en 1976 sur les installations classées.

C'est une solution équilibrée tant du point de vue économique que de la concurrence internationale. L'Allemagne a, en effet, créé une taxe de ce type sur les énergies : électricité, gaz, carburants, fioul. Le produit attendu est de 30 milliards de francs pour la première étape et il sera affecté à la baisse des cotisations sociales. Le Royaume-Uni a instauré également une taxe du même type et son produit servira à financer la baisse des cotisations sociales et une aide aux énergies renouvelables.

Enfin, l'Italie procède de même, et elle abaisse elle aussi les cotisations sociales.

Nous ne déséquilibrons donc en aucune manière la compétitivité de nos industries et de notre économie en établissant la TGAP. Il était nécessaire de le préciser à l'Assemblée nationale.

Mme la présidente.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 25 NOVEMBRE 1999

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ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1943, de financement de la sécurité sociale pour 2000 ; MM. Alfred Recours, Claude Evin, Denis Jacquat et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1946).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT