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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française. - Discussion d'une proposition de loi (p. 10253).

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10256)

MM. Charles Cova, Jean-Claude Sandrier, Michel Voisin, Georges Sarre, Claude Goasguen, Robert Gaïa, Jean-Paul Dupré, Bernard Grasset, Mme Cécile Helle.

Clôture de la discussion générale.

Mme la garde des sceaux.

M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 10268)

Article 1er (p. 10268)

M. Renaud Muselier.

Amendements nos 4 de M. Goasguen et 5 de la commission des lois : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Robert Gaïa. - Rejets.

Amendement no 2 de M. Gaïa : MM. Robert Gaïa, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Articles 2 et 3. - Adoption (p. 10271)

Après l'article 3 (p. 10271)

L'amendement no 3 de M. Goasguen n'a plus d'objet.

Titre (p. 10271)

Amendement no 1 de M. Gaïa : M. Robert Gaïa. - Retrait.

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 10271)

MM. Jean-Marc Nudant, Michel Voisin, Claude Goasguen, François Colcombet.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 10273)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

2. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 10273).

3. Relations avec les administrations. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 10273).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10273).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1 ACQUISITION DE LA NATIONALITÉ FRANÇAISE PAR LES MILITAIRES ÉTRANGERS SERVANT DANS L'ARMÉE FRANÇAISE Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Charles Cova et plusieurs de ses collègues, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française (nos 1815, 1961).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Monsieur le président, madame la ministre de la justice, mes chers collègues, l'acquisition de la nationalité française doit constituer pour un étranger un moment fort de sa vie. Nous en avons débattu lors de la réforme du droit de la nationalité. Vous aviez décidé, madame la ministre, de réintroduire le caractère automatique de l'acquisition de la nationalité française pour les jeunes gens nés en France. L'opposition préférait - elle l'a dit avec vigueur - que celle-ci fasse, au contraire, l'objet d'une démarche volontaire. Aujourd'hui, nous sommes réunis pour légiférer sur les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers blessés en mission, au cours ou à l'occasion d'engagements opérationnels.

Au mois de septembre dernier, les conditions de naturalisation des légionnaires servant sous les drapeaux ont fait l'objet d'une polémique assez vive. Vos services souhaitaient pouvoir vérifier le « degré d'attache avec la France » du légionnaire blessé en mission, alors que les représentants de la Fédération des sociétés d'anciens de la Légion étrangère revendiquaient le droit pour le légionnaire blessé d'obtenir la nationalité française de façon quasi automatique. Ceux-ci ont particulièrement mal accueilli le refus opposé par le Gouvernement à leur demande légitime. Comme l'a souligné alors Pierre Messmer, ancien Premier ministre et président d'honneur de la FSALE, la Légion étrangère n'est plus, dans une armée p rofessionnelle, une exception mais une référence.

Depuis 1940, plus de 20 000 légionnaires ont été tués au combat et plus du double ont été blessés.

E n 1998, la Légion étrangère se composait de 8 200 hommes, dont 350 officiers. Elle regroupait 138 nationalités, les francophones représentant 42 % de l'effectif total. La même année, près de 9 000 candidats se sont spontanément présentés à la Légion. Cinq mille d'entre eux ont été acheminés à la maison mère à Aubagne et seulement 900 se sont engagés. Ce fort degré de sélection montre bien, s'il en était besoin, la qualité du recrutement opéré par la Légion étrangère.

Comment se déroule aujourd'hui la procédure de naturalisation d'un légionnaire ? D'après les renseignements que j'ai pu obtenir auprès du commandement de la Légion, 183 demandes de naturalisation ont été déposées en 1995, 156 en 1996, 276 en 1997, 233 en 1998 et 161 au 1er septembre 1999. Les dossiers font l'objet d'une pré-instruction par le commandement de la Légion, qui vérifie les capacités d'intégration des demandeurs et leur maîtrise de la langue française. Une fois les dossiers transmis à la préfecture, les délais d'obtention de la nationalité française sont en moyenne de cinq mois, ce qui, il faut le reconnaître, est bien inférieur au délai de droit commun qui s'établit en moyenne à deux ans.

Mais cette accélération du processus de naturalisation ne doit pas faire oublier que, malheureusement, celle-ci n'est jamais de droit, qu'elle peut toujours être refusée et que les délais de traitement pourraient bien se dégrader dans les années à venir. En outre, et c'est tout l'objet de la proposition de loi que, au nom de la commission des lois, je vous demanderai d'adopter, la législation actuelle ne dispose rien en ce qui concerne le légionnaire blessé en mission. Il s'agit là d'une question de principe, pour ne pas dire d'une dette morale, que la France doit assumer à l'égard de ceux qui ont versé leur sang pour elle...

M. Michel Hunault.

Très juste !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

... à l'égard de ceux qui, comme on dit à la Légion, sont devenus français non par le sang reçu, mais par le sang versé.

Certes, la présente proposition de loi ne concernerait actuellement que cinq personnes par an, mais elle revêt un caractère symbolique particulièrement important qui n'aura échappé à aucun de nous, sur quelque banc que ce soit. D'ailleurs, qui peut dire que dans les années à venir la situation ne sera pas amenée à se dégrader et que le nombre de dossiers à examiner n'augmentera pas ? Depuis le printemps dernier, de nombreuses propositions de loi ont été déposées sur ce sujet : la première émanant de votre rapporteur, le 26 mai 1999, suivie le 22 septembre 1999 de trois autres propositions respect ivement présentées par nos collègues Lionel Luca, Claude Goasguen et Charles Cova avec l'ensemble des m embres du groupe du Rassemblement pour la République. Afin qu'un débat puisse s'instaurer au Parlement, le groupe RPR a demandé le 9 novembre dernier que cette dernière soit inscrite aujourd'hui à la séance réservée à l'ordre du jour fixé par l'Assemblée nationale.

C'est grâce à cette heureuse initiative que nous débattons aujourd'hui de cette importante réforme et que, une fois


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le processus législatif achevé, les légionnaires blessés en mission pourront acquérir de plein droit la nationalité française.

J'ajoute que, le 16 novembre dernier, quelques jours après la décision de la conférence des présidents, notre collègue Gaïa et les membres du groupe socialiste déposaient, un peu après la bataille - mais le principal est qu'ils l'aient fait - une proposition de loi ayant le même objet.

Toutes ces propositions ont en commun de vouloir instituer un régime d'acquisition de plein droit de la nationalité française pour les militaires étrangers engagés dans l'armée française et blessés en mission. Les points communs l'emportent donc très largement, même si les modalités d'acquisition, la définition des circonstances dans lesquelles la blessure a été reçue et la prise en compte des bénéficiaires secondaires diffèrent quelque peu.

Toutes les propositions - j'insiste sur ce point concernent l'avenir. Il n'est pas question d'appliquer rétroactivement la mesure aux milliers de légionnaires morts pour la France ou à leurs enfants, ni a fortiori à tout étranger ayant servi dans les armées françaises et ayant été blessé au cours d'un engagement. Toutes les propositions de loi prévoient que la nationalité française est conférée par décret. Les propositions de l'opposition accentuent le caractère automatique de la nationalité. La proposition socialiste, prévoit, quant à elle, que la nationalité est conférée sur proposition du ministre de la défense. Enfin, trois des propositions traitent de l'acquisition de la nationalité française par les enfants mineurs du légionnaire blessé.

Après avoir procédé à différentes auditions, tant à Aubagne qu'à Paris, j'ai été convaincu de la nécessité de parvenir à un texte consensuel. S'agissant de témoigner la reconnaissance de la nation à des soldats étrangers qui ont été blessés, voire tués, en défendant notre drapeau et en servant la France, il est particulièrement souhaitable d'arriver à un accord transcendant les clivages politiques.

Il nous a ainsi semblé intéressant de reprendre l'idée d'accorder la nationalité française sur proposition du ministre de la défense pour filtrer les demandes. Le général Coullon, président de la FSALE et le général Grail, commandant de la Légion, ont souligné qu'une telle procédure permettrait à l'autorité militaire de conserver une marge d'appréciation sur la nature de la blessure, les circonstances dans lesquelles elle est intervenue et la manière de servir de l'intéressé. Il est en effet possible qu'un légionnaire blessé ait eu une manière de servir laissant à désirer. En outre, même si le recrutement des légionnaires ayant commis des crimes ou ayant trempé dans des affaires de terrorisme ou de trafic de stupéfiants est désormais systématiquement écarté, on ne peut jamais exclure à 100 % le recrutement d'une personne au passé plus que contestable.

Grâce à cette modification de la proposition présentée par M. Cova et l'ensemble du groupe RPR, un texte consensuel a pu être dégagé en commission, les autres modifications n'étant que mineures. C'est ce texte que je vous demande, au nom de la commission des lois, de bien vouloir adopter aujourd'hui.

Concrètement, la procédure sera la suivante : le légionnaire blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel pourra demander à acquérir la nationalité française sans autre condition. Après une instruction effectuée par le commandement de la Légion sur les circonstances de la blessure, le ministre de la défense proposera à son collègue des affaires sociales de conférer la nationalité française au légionnaire, cette acquisition étant de droit.

Par cette proposition, la France s'honore et récompense à sa juste valeur le prix du sang versé pour elle et en son nom.

Bien souvent, le légionnaire blessé en mission n'attend rien d'autre que de devenir français en reconnaissance de son sang versé. A une époque où l'on peut devenir Français sans le vouloir, et même sans le savoir, à une époque ou la perte des valeurs qui ont fait notre patrie est flagrante...

M. Michel Hunault.

Hélas !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

... notre assemblée, grâce à l'initiative du groupe RPR, marquera, par son vote, que devenir Français, cela peut aussi se mériter.

M. Michel Hunault.

Excellent !

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Même s'il n'est, bien entendu, pas possible de demander à tous les candidats à la nationalité française de verser leur sang pour la France, il nous paraît logique d'attribuer de plein droit et quasi automatiquement notre citoyenneté aux étrangers qui le souhaitent et qui ont payé dans leur chair le prix de leur engagement au service de notre pays.

L'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de notre assemblée est par conséquent bien plus que la simple reconnaissance du légionnaire blessé. Aujourd'hui, elle a valeur d'exemple pour tous les candidats à la naturalisation, auxquels il est bon de rappeler qu'être Français, ce n'est pas seulement des droits mais aussi des devoirs ; pour nos concitoyens aussi, en particulier les plus jeunes d'entre eux, auxquels il importe de montrer que la France sait reconnaître et récompenser l'effort, qu'elle n'est pas ingrate pourvu qu'on la serve loyalement.

Cette proposition de loi honore aussi la Légion étrangère, cette institution de la deuxième chance qui accueille des jeunes gens parfois un peu perdus et en fait des citoyens à part entière.

Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je vous demande, au nom de la commission des lois, de bien vouloir adopter le texte qu'elle vous soumet aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la France a toujours eu dans ses armées des militaires étrangers qui ont versé leur sang pour elle. Sous l'Ancien Régime, la France avait à son service de nombreuses troupes composées d'étrangers. Sous les premiers Valois, les archers gênois, puis les arbalétriers lombards en formèrent les premiers contingents. Sous Charles VII et Louis XI, ce furent les Ecossais ; sous François Ier , les célèbres Suisses ; sous Henri III, les Espagnols ; au

XVIIIe siècle, les Allemands et les Suisses. Les Gondi, les Concini, les Broglie, les Lwendal entrèrent ainsi dans l'histoire de France après l'avoir souvent illustrée sur les champ de bataille.

En 1791, la Révolution supprima les régiments étrangers et, par une loi du 1er août 1792, leurs éléments formèrent une légion étrangère, composée d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie.


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Napoléon organisa des brigades helvétiques, puis des régiments suisses, deux légions hanovriennes, quatre légions du Nord, une de la Vistule, une portugaise, des régiments espagnols. Maintenus sous la Restauration, ces troupes étrangères furent supprimées en 1830 par LouisPhilippe.

Enfin, par une loi du 9 mars 1831, la Légion étrangère fut rétablie pour servir hors du territoire et fut envoyée d'abord en Algérie, en Afrique, en Amérique, puis en Cochinchine. Elle sert aujourd'hui sur tous les théâtres d'opérations où la France est amenée à s'engager, que ce soit à titre militaire ou à titre humanitaire.

La Légion étrangère est une de nos principales unités d'élite, particulièrement aimée des Français, qui le lui font savoir, chaque 14 Juillet, lors du défilé sur les Champs-Elysées. Il faut dire qu'elle s'est illustrée lors de fait d'armes mémorables. Tous ceux qui connaissent un peu l'histoire de la Légion ont à l'esprit le fameux épisode du combat de Camerone, le 30 avril 1863. Ce jour-là, près de Puebla au Mexique, soixante hommes tinrent tête, dans un camp retranché, à toute une armée pendant onze heures. Depuis, le nom de Camerone est inscrit sur le drapeau du régiment étranger et les noms des souslieutenants Maudet et Vilain et du capitaine Danjou sont gravés en lettre d'or sur les murs des Invalides à Paris.

A ujourd'hui, la Légion étrangère compte 8 200 hommes, dont 350 officiers. Elle regroupe des ressortissants de 138 pays. C'est donc, comme le fait observer votre rapporteur, une école républicaine où chaque légionnaire est un frère d'armes « quelle que soit sa nationalité, sa race, ou sa religion », comme le proclame l'article 2 du code d'honneur.

Il convient également de rappeler qu'à l'heure actuelle les légionnaires étrangers souhaitant acquérir la nationalité française ne rencontrent aucun obstacle juridique. Le code civil prévoit dans son article 21-19-4 que les étrangers qui servent dans les unités françaises bénéficient d'une procédure de naturalisation simplifiée qui les dispense de la condition de résidence de cinq ans en France prévue par le droit commun. En outre, depuis 1997, la procédure d'acquisition de la nationalité française par les légionnaires étrangers a été centralisée au commandement de la Légion étrangère d'Aubagne, ce qui a eu pour effet d'accélérer considérablement le délai de traitement des dossiers. Il se passe en moyenne quatre mois et demi entre le moment où le préfet transmet le dossier à la sous-direction du ministère de l'emploi et de la solidarité chargé, vous le savez, des naturalisations et le moment où le décret paraît au Journal officiel. La quasi-totalité des dossiers connaissent une issue favorable. En 1998, ce fut le cas pour 98,2 % des demandes.

A l'heure actuelle - je tiens à le préciser -, il n'y a aucun obstacle, ni en droit ni en fait, pour que les légionnaires, qu'ils soient blessés ou non, acquièrent la nationalité française.

Qu'un grand quotidien du matin et même, hélas ! un ancien Premier ministre aient cru bon de laisser croire que je m'opposais à ce que les légionnaires puissent devenir français relève au mieux de l'ignorance au pire de la désinformation. Non seulement je ne m'y opposais pas, mais telle était déjà la réalité du droit : 98,2 % des demandes d'acquisition de la nationalité française par les légionnaires aboutissaient favorablement en quatre mois.

M. Charles Cova.

On travaille pour 1,8 % !

Mme la garde des sceaux.

A cet égard, je tiens à rétablir la vérité sur la situation du soldat Marius Novakowski, grièvement blessé à Sarajevo et amputé de la jambe gauche, qui répondait au ministre de la défense, en 1993, qu'il ne demandait rien, ni décorations, ni argent, mais seulement à être français. Né en 1967 en Pologne, il est entré dans la Légion en 1990 et a été blessé sur l'aéropo rt de Sarajevo le 11 février 1993. Hospitalisé à Paris, il a été naturalisé français par décret du 8 octobre 1993, paru au Journal officiel le 17 octobre.

Il y a donc des polémiques que l'on pourrait éviter,s urtout quand il vaudrait mieux saluer les actes d'héroïsme accomplis par des étrangers sous notre drapeau.

Il n'en reste pas moins que j'ai prêté une oreille particulièrement attentive à ceux qui m'ont fait observer que les militaires étrangers blessés au service de la France, au cours d'un engagement opérationnel, devaient être traités différemment des autres.

C'est la raison pour laquelle j'ai reçu, le 8 septembre dernier, M. Jean-François Picheral, sénateur-maire d'Aixen-Provence, et M. Marceau Long, ancien vice-président du Conseil d'Etat, qui m'ont remis des propositions tendant à ouvrir une nouvelle procédure, très simple, d'acquisition de la nationalité. Distincte de la procédure de naturalisation, elle serait ouverte au bénéfice des légionnaires blessés ayant versé leur sang au service de la France. Mes interlocuteurs m'ont fait valoir que, si les légionnaires étrangers blessés au cours d'un engagement opérationnel étaient très peu nombreux - cinq personnes par an en moyenne de 1988 à 1999 -, cela revêtait néanmoins une forte charge symbolique et émotionnelle.

Je leur ai dit que cette demande m'apparaissait légitime et j'ai immédiatement fait mettre leurs propositions à l'étude. Elles ont très vite fait l'objet de réunions interministérielles associant la justice, la défense et l'emploi et la solidarité.

Aujourd'hui, je suis fière de soutenir la proposition de la commission des lois qui a repris le texte de la proposition présentée par Robert Gaïa, député qui travaille depuis longtemps sur ce sujet, et par le groupe socialiste.

M. Jean-Louis Debré et M. Charles Cova.

Quel art de la récupération !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Nous discutons sur une p roposition du groupe du Rassemblement pour la République.

Mme la garde des sceaux.

Cette proposition a été déposée exactement au même moment par M. Picheral au Sénat, ce qui fait que le texte qui vous est proposé aujourd'hui pourrait devenir très rapidement la loi de la République.

J'en rappelle très rapidement l'économie.

Le texte qui vous est soumis s'insère dans le paragraphe du code civil relatif à l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique, mais la procédure se distingue clairement de la naturalisation. Le légionnaire blessé n'aura à remplir aucune des conditions fixées par les articles 21-16 à 21-25 du code civil : il ne devra établir ni qu'il réside en France, ni qu'il est majeur.

Son assimilation à la communauté française sera également présumée dès lors qu'il aura été blessé au service de la France.

Cette procédure n'est cependant pas un mécanisme de plein droit, comme le proposait initialement votre rapporteur, car elle pose deux conditions de fond : être engagé dans les armées françaises à la date de la demande d'acquisition de la nationalité ; avoir été blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Du point de vue formel, la décision d'octroi de la nationalité française résulte d'un décret pris sur proposition du ministre de la défense en faveur de l'étranger qui en fait la demande.

Enfin, en cas de décès du militaire étranger en mission ou lors d'un engagement, il est proposé d'ouvrir la même procédure à ses enfants mineurs qui, s'il n'était pas décédé, auraient pu bénéficier de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité française par leur père.

Cette proposition de modification du code civil, que je crois équilibrée, répond à plusieurs préoccupations.

En premier lieu, elle limite le champ d'extension de la mesure aux militaires étrangers qui servent actuellement ou qui serviront à l'avenir dans les armées françaises. Je note d'ailleurs avec satisfaction que votre rapporteur se rallie à ce sujet à la position que j'avais prise au Sénat lors des débats sur la réforme de la nationalité en réponse à un amendement déposé par le groupe du Rassemblement pour la République. Personne ne souhaite que cette disposition soit rétroactive et permette de conférer la nationalité française à ceux qui n'ont plus d'attaches avec la France depuis des décennies. Telle était également la position du président de la commission des lois du Sénat.

En deuxième lieu, la proposition de Robert Gaïa, retenue par votre commission, a introduit, contrairement à la proposition initiale de votre rapporteur, l'idée qu'il convient de conserver le principe d'une proposition du ministre de la défense pour répondre à la demande du légionnaire blessé. Je me réjouis également que votre rapporteur ait estimé qu'à la réflexion l'idée d'instituer un tel filtre n'était pas sans intérêt. L'autorité militaire conserve ainsi une marge d'appréciation sur la nature de la blessure, les circonstances dans lesquelles elle est intervenue et la manière de servir de l'intéressé.

Cette proposition recueille aussi l'assentiment du président de la Fédération des sociétés d'anciens de la Légion étrangère, qui a noté avec satisfaction que le ministre de la défense était l'unique autorité gouvernementale habilitée à proposer de conférer la nationalité française aux légionnaires blessés qui en font la demande.

En troisième lieu, la formulation consistant à préciser que la blessure doit être intervenue « en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel » présente l'avantage d'écarter clairement les accidents sans lien avec la mission, tout en englobant aussi bien les opérations strictement militaires que celles entrant dans le cadre du plan Vigipirate, de la sécurité civile ou du déminage.

S'agissant des enfants du légionnaire blessé ou décédé, le texte de la proposition me paraît très satisfaisant.

En effet, dans le cas où le légionnaire blessé acquiert la nationalité française, le texte ne déroge en rien au droit commun en ce qui concerne les effets de cette acquisition en faveur de ses enfants mineurs. Ces effets sont régis par l'article 22-1 du code civil, qui instaure un mécanisme d'acquisition de plein droit au profit des enfants mineurs, aux seules conditions que leur nom soit mentionné dans la procédure d'acquisition et qu'ils résident habituellement avec celui de leurs parents devenue français.

Dans le cas malheureux où le légionnaire a été tué en mission ou au cours d'un engagement opérationnel, cette même procédure est ouverte à ses enfants, sur leur demande, et à la seule condition qu'ils aient résidé avec lui. En effet, s'il n'était pas décédé, ils auraient pu béné ficier de l'effet collectif attaché à l'acquisition de la nationalité par leur père.

Mesdames et messieurs les députés, je crois qu'avec cette proposition de loi, nous avons trouvé une bonne solution aux problèmes légitimes soulevés par les représentants des anciens de la Légion. Par sa spécificité, le texte proposé s'inscrit pleinement dans nos traditions républicaines, qui ont toujours su exprimer la reconnaissance concrète et légitime de la France aux militaires étrangers, et notamment aux légionnaires.

Verser son sang au service de la France est la marque suprême de l'adhésion aux valeurs républicaines qui fondent notre pays. A l'adhésion sans réserve d'une volonté qui se manifeste, doit répondre une reconnaissance pleine et entière de la nation.

C'est pourquoi je vous invite à voter la proposition de la loi dans le texte qui vous est soumis par la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles Cova.

M. Charles Cova.

Madame la garde des sceaux, quel art de la récupération ! Je suis admiratif devant tant de talent ! Vous avez quelque peu défloré mon sujet, mais je ne changerai rien à ce que j'ai écrit.

« Légionnaires, vous êtes soldats pour mourir. Je vous envoie là où l'on meurt. » C'est en ces termes, mes chers

collègues, que le général de Négrier, en 1884, s'adressait à ses hommes engagés dans la Légion étrangère.

« Je vous envoie là où l'on meurt » : depuis sa création en 1831, la Légion a participé, il est vrai, à bien des combats qui ont fait sa gloire et forgé sa légendaire réputation.

Pour l'opinion publique, l'image de la Légion étrangère, c'est la descente des Champs-Elysées par cette unité marchant d'un pas lent et mesuré à l'occasion du 14 juillet, ou bien encore, pour les plus anciens d'entre nous, ce sont les paroles d'une chanson réaliste d'Edith Piaf.

Pourtant, bien des mots plus forts, plus élogieux, pourraient décrire la Légion étrangère : son courage, sa bravoure et, surtout, son esprit de sacrifice.

Nous le savons, la Légion est composée de militaires professionnels, français et étrangers. Elle est l'héritière, vous l'avez rappelé, madame la ministre, d'une tradition plusieurs fois séculaire. L'Ancien Régime ainsi que la fameuse Grande armée napoléonienne faisaient déjà appel à des volontaires étrangers pour se battre, sous les couleurs successives du Roi, de l'Empereur, de la France.

Pour ces hommes, Génois, Suisses, Allemands, Hongrois, Italiens, Polonais, Croates, c'était un honneur de servir, voire de mourir pour notre pays.

Depuis 1831, l'engagement des troupes françaises dans les nombreux conflits auxquels elles ont participé n'a pas épargné la Légion.

Pour le général de Létang, un officier a l'occasion de se distinguer en choisissant de servir dans la Légion parce que « la Légion, on ne la ménage pas ».

Il est vrai que, depuis 1831, intervenant au gré des circonstances politiques et coloniales de l'époque, la Légion n'a pas été ménagée : en Algérie et en Crimée, au Tonkin et au Mexique, en Indochine, en Tunisie, au Maroc, en Mauritanie, à Madagascar, au Gabon et au Zaïre, sans oublier ses participations aux deux conflits mondiaux à


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Narvik et à Bir-Hakeim, ainsi qu'aux récentes opérations de la guerre du Golfe, du Rwanda, de l'ex-Yougoslavie et dernièrement du Kosovo.

Mais entre toutes, la campagne du Mexique reste gravée dans les mémoires parce que la Légion y a écrit l'une des pages les plus glorieuses de son histoire.

« Camerone », ce nom inscrit sur tous les drapeaux de la Légion résonne dans l'âme et le coeur des légionnaires.

C'est à Camerone, en 1863, que trois officiers et soixante-deux légionnaires, formant un carré aux ordres du capitaine Danjou, résisteront toute une journée à deux mille Mexicains. Tour à tour, sous un soleil de plomb et sur le sol torride du Mexique, les légionnaires tombent sous les assauts répétés de l'ennemi.

En 1892, sur les lieux mêmes du combat, un monument sera érigé où sont inscrits les mots : « Ils furent moins de soixante opposés à toute une armée. La masse les écrasa. La vie plutôt que le courage abandonna ces soldats français le 30 avril 1863. »

Aujourd'hui encore, chaque année à cette date, la Légion fête Camerone. Je pense ne pas me tromper en disant que celui qui n'a pas assisté à l'une de ces cérémonies anniversaires ne peut pas vraiment comprendre ce que représente l'« esprit Légion », cet esprit de corps particulier qui l'imprègne tout entière.

A Camerone, les légionnaires ont donné d'eux une i mage qui les symbolise encore aujourd'hui, celle d'hommes fidèles à leur serment d'attachement pour la France et à leur mission de sacrifice.

Cette arme, unique au monde, à travers ses huit régiments, sa demi-brigade et son détachement, constitue un seul groupe soudé par la devise

« Legio patria nostra ». La patrie à laquelle appartiennent ces étrangers, quelles que soient leurs origines, c'est la Légion, c'est la France.

A ce sujet, permettez-moi de vous conter une anecdote relatée par un sous-marinier de notre marine nationale.

Lors d'une escale dans le port de Brême, cet officier de marine embarqué à bord du sous-marin Narval avait remarqué chaque matin, au moment du lever des couleurs, la présence d'un homme en civil au garde-à-vous sur le quai le temps de la cérémonie. Intrigué par le comportement de cet inconnu, il l'avait interrogé. Sa réponse fut émouvante : « Je suis docker, j'ai servi pendant quelques années dans la Légion étrangère. » Et cet

Allemand ajouta : « Le pavillon français est aussi le mien, on m'a appris à le saluer quand on le hisse, c'est un grand honneur pour moi d'accomplir ce geste. »

Cette répartie en dit long sur l'attachement continu de ces hommes à notre pays et à son drapeau. C'est dans le m ême état d'esprit que les ressortissants étrangerss'engagent, aujourd'hui comme hier, et sans doute comme demain, dans la Légion.

Un article paru en 1915 dans le Chicago Herald souligne l'engagement de nombreux étrangers aux côtés de la France en ces termes : « Jamais on n'entend parler de volontaires qui se battent pour la Grande-Bretagne, pour la Russie, pour l'Allemagne, pour l'Autriche. Aucun de ces pays ne peut s'enorgueillir d'une Légion étrangère.

Pourquoi ? » Et le journaliste d'ajouter : « Il n'y a qu'une réponse : parce que c'est la France ! » Il me semblait important d'évoquer, même brièvement, ces éléments de la tradition, pour replacer dans son contexte la proposition de loi dont l'approbation est soumise à notre assemblée.

Son contenu est simple. A l'heure actuelle, conformément aux dispositions du code civil, et plus particulièrement du titre consacré à la nationalité, la France accorde la nationalité française, s'ils le souhaitent, à des soldats étrangers qui ont accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou qui ont contracté un engagement volontaire dans notre armée. La demande d'acquisition de la nationalité française ne peut être effectuée qu'à l'issue de ce premier lien. Il m'a semblé utile, voire indispensable, d'aller au-delà de ces dispositions en prévoyant d'accorder, sur sa demande, la nationalité française au légionnaire blessé au cours d'un engagement opérationnel ; tel est l'objet de la proposition.

La blessure, symbole du dévouement et du courage du légionnaire, devrait à elle seule suffire à démontrer son attachement à notre pays. En retour, la nation tout entière devrait l'accueillir officiellement et solennellement en son sein en lui accordant la nationalité française.

Celle-ci constitue, pour ces soldats, une récompense dont ils savent se montrer fiers et honorés.

Pour illustrer mon propos, j'évoquerai moi aussi, madame la ministre, le cas du légionnaire Novakowski, qui répondait à M. Léotard : « Monsieur le ministre, je ne vous demande rien, je ne vous demande pas de décoration, je ne vous demande pas d'argent ; la seule chose q ue j'aimerais, c'est être français. » Cette requête

démontre de manière limpide les raisons de la démarche commune effectuée par plusieurs de nos collègues, siégeant sur tous les bancs de notre assemblée.

Je crois que, par l'adoption de ce texte, l'Assemblée nationale s'honorerait en rendant hommage à ces militaires, serviteurs infatigables et défenseurs héroïques de la nation. N'oublions pas, en effet, que l'histoire de la Légion, depuis son origine, est liée au prix du sacrifice suprême que la France a exigé de ces étrangers. Animés par l'honneur et la fidélité, deux valeurs propres à la Légion, ces valeureux soldats accomplissent sans états d'âme les missions qui leur sont confiées par la France, quelles que soient ces missions.

On comprend mieux ainsi l'expression employée par notre ancien et prestigieux collègue Pierre Messmer, qui, replaçant le sujet dans le contexte de la professionnalisation des armées, parle de la Légion non plus comme d'une exception mais comme d'une référence. Cet ancien ministre des armées, pour faire partie des grands noms de la Légion, sait mieux que quiconque ce que cette référence siginifie.

Mais la Légion étrangère ne se contente pas des faits de gloire au combat. Les légionnaires, au temps de l'aventure coloniale, furent aussi ces bâtisseurs dont l'image symbolique est représentée par le légionnaire sapeur, la hache sur l'épaule. Ces mêmes légionnaires qui excellent dans les opérations militaires de combat sont également bons à tout faire. Le maréchal Lyautey les qualifie de

« constructeurs industrieux » ou encore de « fondateurs de villes ». Dans ce domaine, ils se révèlent les meilleurs et les plus ambitieux.

Enfin, la Légion étrangère, tout comme les autres corps des différentes armées, participe aux missions de service public partout où elle se trouve et où elle peut se mettre au service des populations en détresse.

C'est pour protéger des populations européennes menacées par les rebelles katangais que la Légion saute sur Kolwezi en mai 1978 dans le cadre de l'opération

« Bonite » perdant, à cette occasion, cinq de ses hommes.

J'ai personnellement connu le lieutenant-colonel Erulin qui commandait cette opération alors que nous servions ensemble à Madagascar.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Ce sont encore les légionnaires du 4e REI qui sont intervenus pour porter secours aux populations victimes des inondations qui ont frappé le Languedoc-Roussillon, il y a quelques jours.

Il ne semble pas nécessaire de retracer davantage les mérites de ce corps d'exception.

Tout le monde percevra, je l'espère, la lourde tradition qui pèse sur les légionnaires d'aujourd'hui, héritiers de l'honneur et de la gloire de leurs aînés.

Ce sont ces hommes, d'aujourd'hui et de demain, que nous voulons récompenser en leur accordant, par le sang qu'ils verseront au nom de la France, la nationalité française.

Vous l'aurez compris, madame la garde des sceaux, la proposition de loi que je vous soumets me tient particulièrement à coeur pour trois raisons.

La première c'est que, tout comme le Président de la République, chef des armées, je trouve qu'elle repose sur une démarche « légitime et fondée ».

La deuxième est plus personnelle. Je peux dire, en effet, que, si les légionnaires étrangers d'hier n'avaient pu acquérir la nationalité française pour les services rendus et leur manifeste attachement à la France, mon père, légionnaire lui-même, ne serait pas devenu français et je ne serais peut-être pas aujourd'hui devant vous dans cet hémicycle.

La troisième raison tient au fait que je crois sincèrement cette proposition juste. C'est précisément parce qu'il s'agit de justice, mes chers collègues, que je vous demande d'adopter ce texte par respect pour ceux « que la France envoie là ou l'on meurt ». (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Georges Sarre.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier.

Le temps imparti à chaque groupe parlementaire pour présenter des propositions de loi est si réduit que chacun pourrait ou devrait être tenté de faire en sorte que celles-ci touchent un maximum de nos concitoyens. Or, à cet égard, mes chers collègues, vous faites preuve d'une incontestable modestie.

En effet, légiférer pour quatre ou cinq personnes concernées par an et à la condition qu'elles demandent la nationalité française, ce qui peut en réduire encore le nombre, est une sorte de prouesse. Si l'on ajoute qu'il s'agit d'accorder la nationalité française à des personnes - militaires étrangers - qui bénéficient déjà dans not re législation, d'une procédure particulière leur permettant dans un délai de quatre mois de l'acquérir, on peut s'interroger sur la nécessité de légiférer, en tout cas uniquement sur ce point précis, même si l'on peut lui attacher un aspect symbolique.

Cela dit, c'est votre choix et nous avons à nous prononcer sur celui-ci. Je ferai donc, au nom du groupe communiste, plusieurs observations.

En premier lieu, je me félicite - indépendamment des aspects que je viens de rappeler - que ce soit vous, chers collègues, qui déposiez cette proposition, car elle constitue une sorte de confirmation que les lois Pasqua-DebréMéhaignerie étaient, d'une certaine façon, restrictives.

Mieux même, en ouvrant la possibilité d'acquisition de la nationalité française de façon plus rapide, voire automatique, en évoquant la notion de service rendu à la France, vous permettez d'élargir le champ d'acquisition de la nationalité française. Je sais toutefois que ce n'est pas ce que vous vouliez. D'ailleurs, l'exposé des motifs de votre proposition de loi essaie de parer la difficulté en précisant : « Elle récompense - cette mesure - des services manifestement exemplaires sans bouleverser le régime général d'acquisition de la nationalité française ».

Mais voilà, lorsqu'on parle de « services rendus à la nation » ou de « services manifestement exemplaires », cela ne saurait concerner que les seuls militaires. Il y a aujourd'hui dans notre pays des étrangers qui rendent de grands services à la France, dans les domaines de la santé, de la recherche, de la culture, de l'éducation, du sport...

M. Jacques Limouzy et M. Charles Cova.

Ça n'a rien à voir !

M. Jean-Claude Sandrier.

Seriez-vous prêts, comme nous le souhaitons, à faciliter l'acquisition de la nationalité française pour ces catégories d'étrangers ?

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Où risquent-ils leur vie ?

M. Charles Cova.

Dans le métro !

M. Jean-Claude Sandrier.

Combien sont-ils ceux-là en effet, parmi les demandeurs qui attendent des mois, des années même pour obtenir leur naturalisation ? Ne serait-ce pas également une façon d'inscrire cette décision dans la continuité de notre histoire, dans la continuité de la mise en oeuvre de nos valeurs républicaines, rehaussant ainsi l'image de la France dans le monde ? De même, cela aurait pu être l'occasion de penser aux militaires originaires des anciens pays d'outre-mer qui ont servi dans l'armée française et qui se sont vus, en 1993, dessaisis du droit qui leur était reconnu pour l'acquisition de la nationalité et a fortiori pour la conservation de la nationalité française de plein droit après la date de l'indépendance.

Notre pays s'honorerait en permettant à ces « soldats de la Coloniale », qui eux aussi ont servi la France, de recouvrer leurs droits.

Encore un mot sur les droits des étrangers qui ont servi la France dans son armée. L'actualité fournit, hélas ! une illustration des effets de ce que l'on appelle « la cristallisation » des pensions, régime consistant à un blocage de la valeur d'indice à celle fixée à la date d'indépendance des Etats concernés.

A ce jour, 39 300 anciens combattants et ayants droit continuent à être victimes de la cristallisation. Et l'on peut voir parmi eux nombre de pensionnés marocains âgés entassés à Bordeaux dans des foyers, afin de satisfaire à la condition de résidence et percevoir ainsi le minimum vieillesse.

Revenant sur votre texte et sur l'exposé des motifs, je voudrais faire quelques remarques.

Tout d'abord, que les choses soient claires, notre groupe ne conteste pas que l'on puisse proposer de faciliter l'acquisition de la nationalité française aux militaires étrangers servant dans les armées françaises et blessés au cours d'un engagement opérationnel. Au contraire, nous plaidons même pour un élargissement de cette facilité.

Mais il est certaines formulations qui ont une résonance singulière.

Ainsi, pourquoi avoir introduit dans le texte initial une ambiguïté si forte en associant, dans une même phrase de l'article unique, que c'est « pour le sang versé », que l'on obtient de plein droit la nationalité française ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Pourquoi avoir tenté de faire resurgir une sorte de droit du sang qui se verrait accorder une sorte de prééminence sur le droit du sol ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ça n'a rien à voir !

M. Jean-Claude Sandrier.

Cette formulation était au mieux maladroite, au pire révélatrice d'une conception rétrograde de la nationalité.

La reconnaissance du droit à acquérir la nationalité doit être claire et ne peut reposer sur aucune ambiguïté, quelle qu'elle soit.

Enfin, je voudrais m'arrêter sur le contenu des motifs qui ont inspiré la proposition de loi.

Si l'importance de l'engagement de la Légion étrangère sur la plupart des théâtres d'opérations extérieures ne saurait être constatée, il m'apparaît pour le moins curieux que l'on procède à une présentation susceptible de créer des incompréhensions au sein de l'armée.

Je crois, au contraire, que nous devons apprécier avec la même considération toutes les unités de nos armées qui se sont mobilisées hors des frontières de l'Hexagone dans les conflits qui ont impliqué la France dans les dernières décennies.

M. Charles Cova.

Cela n'a rien à voir !

M. Jean-Claude Sandrier.

Cela vaut pour aujourd'hui mais plus encore pour demain. La projection n'est-elle pas le principe stratégique retenu comme fondamental dans les nouvelles orientations de notre politique de d éfense décidées en 1996 par le Président de la République ? Le choix de la professionnalisation intégrale de nos armées qui en découle n'est-il pas également justifié par la nécessité de pouvoir mobiliser dans les meilleurs délais par-delà la Légion de nouvelles unités en nombre suffisant afin de concrétiser l'engagement de notre pays sur ces nouveaux théâtres d'intervention extérieurs ? Dans un contexte international marqué par l'exacerbation des inégalités, la priorité donnée au traitement à chaud des crises ne génère-t-elle pas, en dépit de toutes les précautions prises, une mobilisation de chaque corps de nos armées sans distinction ? Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'introduire une distinction de valeurs pour justifier l'obtention de plein droit de la nationalité française pour les militaires étrangers blessés dans un engagement opérationnel.

Au regard des observations que je viens de formuler au nom du groupe communiste, vous aurez compris, mes c hers collègues, nos préoccupations, même si nous sommes acquis à l'idée de faciliter l'acquisition de la nationalité française aux militaires étrangers servant dans nos armées et blessés au cours d'engagement opérationnel.

Mais, prenant acte des modifications apportées par la commission des lois, qui ont contribué à lever nos inquiétudes, nous émettrons un vote favorable sur cette nouvelle proposition.

M. Charles Cova.

Eh bien voilà !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le raisonnement n'est pas très cohérent, mais ce n'est pas grave du moment que vous votez le texte !

M. Jean-Claude Sandrier.

Substituer à l'« acquisition de la nationalité française de plein droit pour le sang versé », une disposition tendant à conférer la nationalité française par décret sur proposition du ministre de la défense nous semble témoigner de la meilleure façon de la reconnaissance de la nation française aux militaires étrangers concernés, d'autant que semble acquise par le deuxième alinéa de l'article 1er la possibilité pour les enfants mineurs de bénéficier de la même procédure en cas de décès de l'intéressé.

Le groupe communiste votera donc la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l'Assemblée nationale examine aujourd'hui l'un de ces textes courts, concis, dont la portée l'honore, tout comme elle entend honorer ceux à qui elle s'adresse.

En adoptant tout à l'heure la proposition de loi de nos c ollègues Charles Cova, Jean-Louis Debré, Thierry Mariani, dont je tiens à souligner l'excellence du rapport, Renaud Muselier et Didier Julia, notre assemblée rendra, unanimement, je pense, un vibrant hommage à ces hommes venus des quatre coins du monde se mettre au service de notre République.

C'est bien, en effet, la première originalité de notre Légion étrangère que de regrouper, derrière le drapeau tricolore, des hommes d'origines et de cultures diverses.

Quelles que soient leurs nationalités, les 1 700 sousofficiers et les 6 200 militaires du rang qui forment cette unité d'élite se rangent comme un seul homme derrière les idéaux et les principes républicains. Oubliant leurs engagements passés, ils sont prêts au sacrifice suprême pour défendre la France et ses intérêts.

Loin des clichés classiques et éculés du beau légionnaire, il faut avoir vu ces hommes vivre au quotidien pour être plus sensible à la remarquable école de citoyenneté qu'est la Légion étrangère. C'est non seulement dès sa formation initiale, mais aussi tout au long de sa carrière que le légionnaire prendra conscience qu'au-delà de l'institution militaire, il est au service de l'ensemble des institutions de son pays d'adoption. C'est d'abord au sein de son unité qu'il sera sensible aux valeurs de la République. Il apprendra dans un premier temps qu'elle réfute les races et que, quelle que soit la couleur de la peau, il n'y a aucune distinction entre légionnaires. C'est ainsi qu'il pourra apprécier la portée de l'un des principes fondateurs de la République : l'égalité.

Cet homme qui, pour des raisons diverses, aura gagné les rangs de la Légion, comprendra ensuite bien vite que, par les obligations qu'ils prescrivent, les règlements militaires visent à faire respecter la liberté d'autrui et à préser ver la sienne propre. C'est donc à une liberté bien comprise, faite du respect de l'autre et de soi-même, et empreinte de tolérance, que sera sensibilisé le légionnaire.

E nfin, l'indispensable cohésion qui caractérise la Légion, de la section au corps dans son entier, lui permettra, à travers la fraternité des armes, d'appréhender un autre principe républicain, celui de la fraternité.

Peut-être le légionnaire, qui a connu avant son engagement dans la Légion des fortunes diverses, pourra-t-il, parce qu'il la vit au quotidien, mesurer mieux que tout autre militaire la valeur philosophique et humaine de la devise de la République : liberté, égalité, fraternité. Il y sera d'autant plus sensible que son intégration dans la Légion constitue bien souvent pour lui une seconde chance dans la vie.

Quel que soit son passé, il connaîtra une sorte de reconnaissance et se devra d'en relever le défi car, si la Légion est prête à donner beaucoup, elle est également


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

exigeante. Son code de l'honneur, qu'il appartient à tout légionnaire de respecter, reprend en les adaptant au quotidien les grands principes républicains. Sensibiliser jour après jour leurs hommes au fait qu'il leur appartient de saisir cette chance est l'une des missions permanentes des officiers.

Mon collègue Charles Cova les ayant très bien relatés, je ne reviendrais pas sur les hauts faits de la Légion : ils sont connus de tous tant elle a porté haut, fort et loin les couleurs nationales. Ses actions d'éclat et ses résistances héroïques en ont fait une unité respectée de tous, non seulement à l'intérieur de l'Hexagone, mais aussi par-delà les frontières. Ce corps d'élite de l'armée française nous est envié de par le monde pour son efficacité et sa rigueur.

En notre qualité de représentants de la Nation, il nous appartient de rendre justice à cette arme si souvent décriée par les anti-militaristes de tout poil. Moi qui l'ai côtoyée sur des théâtres d'opérations extérieures, je tie ns à témoigner qu'elle est constituée d'hommes et non point de « Rambo » prêts à tout. Ces hommes, par leurs actions, ont bien souvent forcé l'admiration des populations au service desquelles ils sont intervenus. J'en veux pour exemple l'immense gratitude de la population somalienne de la région de Baïdoa qui, alors que la ville avait été rasée par les guerres fratricides, a pu, grâce aux actions de la Légion, et notamment de la 13e demi-brigade, retrouver non seulement la paix et la sécurité, mais aussi la possibilité de réaliser tous les actes de la vie quotidienne.

C'est à ces hommes, dignes de notre respect, que nous nous apprêtons aujourd'hui à exprimer à notre tour toute la gratitude de la République. En offrant à l'étranger qui sert dans les armées françaises et qui est blessé au cours d'un engagement opérationnel, la possibilité, sur sa demande, d'obtenir de plein droit la nationalité française, notre Assemblée témoignera de l'attention qu'elle porte à tous ceux qui sont prêts à exposer leur vie au service de la France, à tous ceux qui, au prix de leur sang, acceptent de servir son rayonnement.

La possibilité qu'offriront ces nouvelles dispositions constitue, en quelque sorte, un aménagement du dispositif existant et qui, au cours des trois dernières années, a permis à près de 650 légionnaires d'acquérir la nationalité française à l'issue de leur premier contrat.

En instituant un caractère quasi automatique d'acquisition de la nationalité au profit des légionnaires blessés, c'est la nation française dans son ensemble qui témoignera sa reconnaissance aux légionnaires étrangers, soit près de 70 % des effectifs de la Légion, qui auront demandé, au prix du sang versé, leur attachement à notre pays. Ce sang versé prouve, s'il en était besoin, la capacité de ces militaires, considérés de par le monde comme membres à part entière de l'armée française, à consentir au sacrifice suprême au nom de la patrie et de ses idéaux.

Cette quasi-automaticité constituera une modeste mais naturelle récompense en faveur de ceux qui accomplissent, bien souvent dans l'anonymat complet, des actions de bravoure.

Alors que la France n'hésite pas à engager ses légionnaires dans des opérations de maintien, voire de rétablissement de la paix au nom de l'interventionnisme humanitaire, il apparaît pour le moins logique qu'au nom des traditions humanistes qui sont les siennes, elle accorde en contrepartie cette récompense minimale.

Qui plus est, ce geste pourra apparaître comme une marque supplémentaire de la France et de sa volonté d'encourager les candidatures à l'engagement dans la Légion, dont il convient de pérenniser l'existence et la spécificité alors que l'armée française est en cours de professionnalisation.

Cette disposition permet également de montrer les légionnaires autrement que comme des mercenaires, ainsi que se plaisent trop souvent à les présenter les détracteurs de la Légion étrangère. Si notre vote d'aujourd'hui n'avait que cette seule justification, elle mériterait d'être prise en compte, tant il est vrai que ce corps d'élite, créé en 1831, illustre le difficile et périlleux exercice du métier des armes.

Au cours des dix dernières années, 82 légionnaires ont eu à souffrir dans leur chair de leur engagement au service de notre pays. Parmi ceux-ci, près de 65 % étaient d'origine étrangère, soit une moyenne d'environ cinq blessés par an. Il n'y a donc pas de quoi inquiéter M. le ministre de l'intérieur, qui a craint un temps que cette possibilité d'acquérir la nationalité française ne suscite un sursaut dans les demandes de naturalisation.

Enfin, madame la ministre, mes chers collègues, je suis parfaitement convaincu qu'alors que les armées françaises sont appelées à intervenir en de multiples endroits du globe, la Légion étrangère constitue pour la France et la réussite de ses opérations un atout sans équivalent.

M. Charles Cova.

Très bien !

M. Michel Voisin.

La grande diversité des origines de ses membres représente une réelle richesse linguistique.

Parce qu'elle recrute des légionnaires en provenance de tous les continents, la Légion étrangère forme un creuset linguistique qui lui permet de s'affranchir des frontières et d'entrer en contact avec les populations. Faut-il préciser ici les avantages que cela peut procurer à nos armées dans le recueil du renseignement humain ? Eu égard aux mérites de la Légion dont je serai toujours un ardent défenseur et un fervent soutien, j'estime, à titre personnel, que ce texte aurait pu être plus ambitieux. Le groupe UDF apportera cependant son soutien à la proposition de loi visant à permettre l'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans nos armées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République, et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, l'octroi de plein droit de la nationalité française, sur sa demande, à tout ressortissant étranger servant dans nos armées et blessé au cours d'un engagement opérationnel est une revendication ancienne de la Fédération nationale des sociétés d'anciens de la Légion étrangère. Personne n'en conteste la légitimité, même parmi ceux qui mettent en doute le bienfondé d'une réforme spécifique en la matière.

Du côté des partisans de la réforme, c'est la nature même des services rendus à la nation française par le soldat étranger blessé dans nos rangs qui est mise en avant, en ce qu'elle témoigne à l'évidence de la force de son attachement à la France dont le devoir serait, dès lors, de l'accueillir en son sein. Cette position de principe en faveur de la naturalisation « par le sang versé » étant posée, elle peut, dès lors, se déployer avec d'autant plus de force qu'il est indéniable que la mesure proposée, s'ap-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

pliquant pour l'avenir, récompense des services manifestement exemplaires sans bouleverser le régime général d'acquisition de la nationalité française.

Ainsi, l'observation ministérielle mettant en avant la population très réduite que concernerait une telle mesure - une vingtaine de légionnaires ayant été blessés au combat ou en opérations extérieures ces quatre dernières années - devient-elle, de fait, un argument supplémentaire en faveur de la réforme, dont elle ne fait que souligner la force de symbole.

En regard de la naissance, du mariage ou de la résidence, il y a, en effet, indéniablement, dans ce lien particulier avec la France qu'est le sang versé pour la défense de ses intérêts nationaux et de ses valeurs républicaines, une dimension exceptionnelle qui justifie pleinement, pour la population concernée, l'accès de plein droit à la nationalité française, c'est-à-dire la participation à la souveraineté nationale en tant que citoyen.

Gardons-nous cependant de considérer cette reconnaissance du sang versé comme un droit que les personnes concernées auraient sur la France. Pensons-la plutôt, à rebours, comme une consécration nationale par laquelle la République se met en cohérence avec elle-même, pour le plus grand profit des valeurs qui la fondent et l'animent. Tel est, en tout cas, le sens de mon adhésion à la réforme proposée.

Celle-ci fait, par ailleurs, opportunément écho - ce qui n'est pas le moindre de ses mérites - à l'un des plus importants débats de politique de défense qui se soient tenus dans notre enceinte, et je veux parler du rejet, en 1954, du traité instituant la Communauté européenne de défense.

« Qu'est-ce que l'armée d'un pays ? », s'interrogeait M. Edouard Herriot à cette occasion. « Ce n'est pas - répondait-il - l'addition mathématique de ses conscrits, c'est un pays dressé autour de son drapeau pour la défense de ses trésors matériels et intellectuels, pour la défense de sa liberté, de son indépendance ? »

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est fort de trouver matière à critiquer l'Europe à propos d'un tel texte !

M. Georges Sarre.

« L'armée - ajoutait-il - c'est l'âme de la patrie, et je voudrais bien savoir où la Communauté européenne prendra la sienne. »

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Quel est le rapport ?

M. Georges Sarre.

Vous allez le voir, cher collègue.

Quarante-cinq ans plus tard, ces propos pèsent d'autant plus en faveur d'une naturalisation de plein droit par le sang versé qu'ils jettent, dans le même temps, une lumière crue sur ce qu'on nomme l'« Europe de la défense »...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est donc cela !

M. Georges Sarre.

... et nous invitent à repenser ce que je qualifierai de « dérive expéditionnaire » croissante de nos forces armées depuis vingt ans.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

C'est dément !

M. Charles Cova.

La guerre du Golfe !

M. Georges Sarre.

Ainsi, la Légion étrangère, seul corps totalement professionnalisé de l'armée de terre, se voit-elle de plus en plus disputer la spécialisation outremer, qu'elle ne partageait jusqu'alors qu'avec les troupes de marine.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Incroyable !

M. Georges Sarre.

Nous sommes loin de nous réjouir de cet état de fait, et le déficit d'information et l'absence de contrôle parlementaire sur les opérations extérieures devraient nous inciter à la plus grande réserve.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Exactement !

M. Georges Sarre.

Les mesures annoncées en février dernier par le ministre de la défense - information et rapport annuel au Parlement sur les opérations extérieures, débat lors de la présentation du collectif budgétaire -, en vue d'

« améliorer le dialogue avec le Parlement » dans ce domaine sont, certes, positives. Mais elles le seraient encore plus si elles étaient rapidement suivies d'effet.

Nous voici, en apparence, éloignés du sujet qui nous occupe...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Nous sommes une opposition très modérée à côté de M. Sarre !

M. Georges Sarre.

... alors que nous sommes, en réalité, au coeur de celui-ci, puisque c'est la définition même des situations dans lesquelles nos soldats pourront être légitimement appelés à verser leur sang et à sacrifier éventuellement leur vie qui est ici en jeu.

Au terme de ces développements, c'est donc tout naturellement que je vous invite, dans l'esprit que je vous ai exposé, à voter en faveur de la présente proposition de loi visant à reconnaître une naturalisation de plein droit par le sang versé.

Permettez-moi cependant de vous faire part, monsieur Donnedieu de Vabres,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je vous écoute, mais ce n'est pas à moi que vous devez vous adresser !

M. Georges Sarre.

... de mon étonnement à voir prôner aujourd'hui le renforcement de « l'indispensable lien entre nos concitoyens et leur armée »...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je suis d'accord avec vous !

M. Georges Sarre.

... par nombre de ceux-là mêmes - dont vous êtes - qui, il n'y a pas si longtemps, votaient des deux mains la suspension sine die du service national,...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Je n'étais pas encore parlementaire !

M. Georges Sarre.

... mesure allant malencontreusement dans le sens de la déconstruction républicaine.

Mais, aujourd'hui, il s'agit de voter une proposition de loi qui permet, sur sa demande, à tout ressortissant étranger servant dans nos armées et blessé au cours d'un engagement opérationnel, d'obtenir la nationalité française.

M. Charles Cova.

C'est un maurassien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

M. Sarre est seul à s'applaudir. A gauche, ça flingue !

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de nombreux aspects de la question ayant déjà été abordés, je me contenterai de quelques réflexions complémentaires.

La proposition de loi qui nous est soumise s'inscrit effectivement dans l'actualité. Mais vous allez pouvoir constater, et cela ne vous étonnera pas, monsieur Sarre, que nous n'en avons pas tout à fait la même conception.

M. Georges Sarre.

L'actualité, on ne peut pas la changer, seule l'interprétation peut en être différente !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. Claude Goasguen.

Cette proposition s'inscrit dans le cadre d'une réflexion que la France conduit actuellement sur les modalités d'attribution de la nationalité.

Depuis deux ans, nous avons eu à débattre de textes importants. Celui-là, d'un moindre impact quantitatif, l'est sur le plan des principes et prend une part active à la réflexion qui s'est engagée et qui, si j'en crois la presse, est loin d'être close.

Le premier débat que nous avons eu, il y a quelques mois, portait sur l'automaticité de la nationalité accordée à des mineurs, au terme duquel nous avons supprimé l'acte solennel d'adhésion à la nationalité française. Nous avons, ensuite, débattu de l'immigration, ce qui nous a conduit à traiter de la naturalisation et de l'attribution de la nationalité. Dans ces deux débats, la majorité a imposé à l'opposition son vote - tout à fait légitimement, d'ailleurs, puisqu'elle est majoritaire - qui allait dans le sens d'une grande libéralité, voire d'une libéralisation dans l'automaticité de l'attribution de la nationalité à des étrangers.

M. Charles Cova.

Une trop grande libéralité !

M. Claude Goasguen.

Je ne reviens pas sur ces débats, vous les connaissez.

Dès lors, on aurait pu attendre du courant majoritaire de notre assemblée qu'il accorde plus de facilités, dans les cas qui nous préoccupent, pour l'acquisition de la nationalité. Eh bien non ! Le texte qu'on nous propose - après combien de débats ! - n'accorde pas l'automaticité, monsieur Sarre, ne reconnaît pas le plein droit. C'est un texte dont je considère qu'il n'offre que le minimum juridique aux personnes concernées. Sans vouloir faire de mauvais esprit, entre la large ouverture à la nationalité que la majorité pratique et la petite ouverture ménagée par la proposition de loi, il y a une différence d'appréciation qui ne laisse pas d'interroger.

M. Georges Sarre.

Que proposez-vous ?

M. Claude Goasguen.

J'étais, pour moi, persuadé, jusqu'à ce qu'éclate la polémique dans la presse - mais sans doute avais-je trop lu les livres d'histoire -, qu'au bout d'un certain nombre d'années de service dans la Légion, la nation reconnaissait le service rendu, le prix du sang versé et accordait automatiquement la nationalité française aux légionnaires. Pour ma part, je leur voyais quelques droits à postuler à cet honneur accordé par la nation.

J'ai constaté avec surprise, comme beaucoup de Français, croyez-moi, que ce n'était pas le cas. Non seulement on n'accordait pas la nationalité aux légionnaires qui avaient fini leur temps de service, mais on procédait à une naturalisation simplement quelque peu édulcorée par les circuits administratifs - Mme la garde des sceaux l'a indiqué - pour les légionnaires blessés ou décédés. J' ai lu dans la presse que les dossiers s'empilaient dans des admin istrations dont les fonctionnaires - estimables n'avaient sans doute jamais connu un théâtre d'opérations.

M. Georges Sarre.

Il y avait la conscription !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Il faudrait la rétablir !

M. Claude Goasguen.

Il m'est parvenu qu'un personnage, qui n'était rien de moins qu'un ancien Premier ministre, officier de la Légion étrangère, combattant au feu, M. Messmer, pour ne pas le nommer, avait sollicité un rendez-vous auprès de Mme la garde des sceaux, qui, débordée, n'avait pu le recevoir.

Mme la garde des sceaux.

C'est faux ! Renseignez-vous avant de dire n'importe quoi à la tribune !

M. Claude Goasguen.

M. Messmer a été obligé de s'adresser à l'opinion publique par l'intermédiaire d'un journal du matin dont je ne ferai pas la publicité.

J'étais persuadé que tout cela allait de soi. Eh bien, ce n'était pas le cas. C'est la raison pour laquelle nous avons vu se succéder des propositions de loi, allant toutes dans le même sens, provenant du groupe Démocratie libérale, de celui du RPR ou de certains de ses apparentés. Un peu plus tard, est venue la proposition du groupe socialiste, qui va également dans le même sens, de laquelle je ne retiens comme plus petit dénominateur commun avec les autres propositions que l'aspect juridique, mais que je voterai, car c'est toujours cela d'acquis.

En réalité, nous n'allons pas voter l'acquisition de plein droit de la nationalité française pour les légionnaires blessés au cours d'un engagement. Nous allons nous contenter de transférer une procédure édulcorée de naturalisation de la chancellerie vers le ministère de la défense.

On m'en a expliqué l'intérêt militaire et je l'admets.

En revanche, je suis plus sceptique sur le plan de la justice juridique et politique. Je comprends que, au fond, la naturalisation soit accordée presque comme un bienfait dispensé à un militaire de la Légion pour services honorables rendus. La blessure, d'ailleurs, n'est-elle pas le service par nature ? Je ne veux pas entrer dans les arcanes et la discipline, très importante à la Légion, et, par conséquent, j'affirme, en confiance, que la procédure du décret est acceptable.

Mais c'est un décret, monsieur Sarre, il ne s'agit pas de plein droit.

M. Georges Sarre.

Je n'ai jamais dit le contraire !

M. Claude Goasguen.

Vous avez parlé de plein droit, ou alors j'ai mal entendu.

Donc, il s'agit de donner à un légionnaire blessé la possibilité de demander sa naturalisation. J'aurais préféré l'automaticité, mais je me rangerai à l'avis consensuel de l'Assemblée nationale en ce domaine, même si j'estime que l'on aurait pu considérer le sang versé comme un critère de présomption de nationalité, plutôt que cette naturalisation un peu édulcorée vers laquelle nous tendons.

Nous y viendrons sans doute plus tard, car c'est là une évolution qu'il faudra poursuivre.

En revanche, je m'élève fortement contre les restrictions apportées par le texte pour les descendants de légionnaires tués au combat. Evidemment, les légionnaires décédés n'ont pas la nationalité française puisqu'ils n'ont pas pu - et pour cause - engager l'acte juridique nécessaire. On m'a opposé en commission, peut-être à juste titre, que la condition de résidence demandée aux enfants de légionnaires décédés était une nécessité pour év iter des contestations d'état civil. J'ai donc étudié les diverses contestations sur l'état civil relevées dans les encyclopédies juridiques, et je me suis aperçu qu'il y en avait des quantités considérables. Souvenez-vous, mon cher collègue socialiste Gaïa, nous en avions discuté en commission des lois. Il y a une jurisprudence qui est bien établie dans ce domaine. Si, d'aventure, il y avait contestation de la légitimité de l'état civil d'un descendant de légionnaire décédé, le droit est parfaitement armé pour la régler.

C'est la raison pour laquelle cette condition de résidence me paraît superflue pour les descendants de soldats décédés.

D'autant, mes chers collègues, qu'il y a quelques mois, nous avons, dans cette même assemblée, débattu longuement sur le problème du regroupement familial. Je me


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souviens des longues nuits - et M. Sarre était présent où nous avons exposé au ministre de l'intérieur les risques que pouvait présenter le regroupement familial en matière d'état civil. Et tout à coup, l'état civil, qui était sans tache pour les étrangers immigrés dans la loi sur l'immigration, devient suspect pour les enfants de légionnaires décédés.

Je ne veux pas faire de mauvais esprit, mes chers collègues, mais j'ai l'impression que mes propos introductifs se vérifient.

Que penser de l'ouverture d'esprit que vous avez manifestée dans la loi sur l'immigration ou la loi sur la nationalité comparée à la fermeture que traduit ce texte ? Cela étant, je considère avec le groupe Démocratie libérale et Indépendants - et je défendrai l'amendement que j'ai déposé en faveur de l'automaticité de la nationalité pour les enfants de légionnaires décédés - qu'il s'a git d'une petite avancée, d'un début de la reconnaissance minimale que la France doit aux hommes de la Légion étrangère, à ces légionnaires qui ont marqué l'histoire militaire de la France. Je trouve que la France pourrait faire plus. J'espère qu'elle fera plus.

En l'état actuel des choses, je voterai ce texte minimaliste qui ne fait que réparer des injustices. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin, dans le cadre des séances ouvertes à la discussion des propositions de loi déposées par les différents groupes politiques, un texte relatif à l'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers blessés en mission.

Le 9 novembre dernier, le groupe du RPR a choisi d'inscrire à l'ordre du jour de sa fenêtre parlementaire la proposition de loi de notre collègue Charles Cova, membre de la commission de la défense. Le groupe socialiste a également déposé une proposition de loi qui, dans son principe général, répondait au même objectif mais différait cependant par certaines dispositions.

Les différentes propositions enregistrées sur le bureau de la présidence de l'Assemblée tendaient à accorder aux légionnaires étrangers un droit à reconnaissance spécifique de la nation en créant une nouvelle procédure de naturalisation facilitant l'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers - dans les faits, les légionnaires - ayant soit « versé leur sang pour la patrie », expression retenue par les groupes de l'opposition, ou ayant été blessés dans le cadre d'un engagement opérationnel.

Je me félicite que la proposition de loi du groupe socialiste, après débat en commission le 24 novembre dernier, ait obtenu le ralliement des commissaires aux lois et de l'opposition et que nous soyons donc appelés, aujourd'hui, à adopter, dans un large consensus, ce texte relatif à l'attribution de la nationalité française à tout étranger blessé en mission dans l'armée française.

Cette adhésion, que je salue ici, ne m'empêche pas de rappeler à mon souvenir, à celui de mes amis politiques et au vôtre, madame la garde des sceaux, les longues heures passées sur ces bancs à écouter vos interventions, vos réflexions, monsieur Mariani, monsieur Cova, monsieur Goasguen, à l'appui des conceptions que vous défendiez à l'époque.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Il ne s'agissait pas des légionnaires !

M. Robert Gaïa.

Les procès d'intention intentés alors au Gouvernement sont bien loin des propos qui figurent dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi initiale, monsieur Mariani.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Ne comparez pas les légionnaires et les sans-papiers !

M. Robert Gaïa.

Permettez-moi, pour éclairer notre assemblée, de vous citer, car il vous arrive d'écrire des choses intéressantes.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Absolument !

M. Robert Gaïa.

« Les conditions de naturalisation sont fort strictes - conditions de stage, vérification de l'assimilation de la personne visée à la communauté nationale et fort longues. De plus, elles laissent à l'autorité publique un très large pouvoir discrétionnaire sur cette question.

« Cette situation est bien légitime dans la mesure où un Etat doit pouvoir librement choisir celles et ceux à qui il entend accorder sa nationalité ».

M. Charles Cova.

Oui, et alors ?

M. Robert Gaïa.

Voilà qui prouve, monsieur le rapporteur, que notre obstination à combattre vos arguments de l'époque, parfois choquants et trop souvent excessifs, a finalement payé. Vous démontrez même aujourd'hui qu'une certaine générosité, ou sagesse d'esprit, ne vous est pas tout à fait étrangère.

Par cet exposé des motifs, le RPR vous rend ainsi un bel hommage, madame la garde des sceaux ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Claude Goasguen.

Celle-là, elle est forte !

M. Charles Cova.

Quelle récupération ! C'est malheureux sur un tel sujet !

M. Claude Goasguen.

C'est du Pagnol !

M. Robert Gaïa.

A l'origine, la proposition initiale du rapporteur, qui reprenait celle du groupe RPR, consistait à rendre automatique l'acquisition de la nationalité française à tout étranger blessé en servant dans l'armée française. Certes M. Mariani précisait : « sauf avis contraire du ministre. »

L'amendement que j'ai déposé en commission des lois, au nom du groupe socialiste, tend à préciser que l'octroi de la nationalité française au légionnaire qui en a fait la demande doit résulter d'un décret pris sur proposition du ministre de la défense. Il devrait être inséré dans le paragraphe 5 du chapitre III du titre Ier bis du code civil, car il s'agit bien d'une acquisition de la nationalité par décision de l'autorité publique.

Cette nouvelle rédaction a été adoptée par la commission des lois. Ainsi la proposition de loi en discussion présente l'avantage de mettre en valeur l'action particulière du militaire étranger tout en offrant, au sens de nos valeurs républicaines et citoyennes, les garanties nécessaires à l'octroi d'une telle reconnaissance, alors que la proposition initiale ne donnait au ministre de la défense qu'un rôle peu valorisant de censeur, habilité seulement à exprimer un avis contraire. Elle ne faisait pas de cette mesure un élément de promotion de la Légion étrangère.


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En effet, la procédure que vous nous proposiez n'aurait eu de retombées publiques que lorsque le ministre de la défense s'y serait opposé, au nom de notre éthique collective. Elle aurait aussi présenté l'inconvénient majeur de n'appeler l'attention de nos concitoyens sur les faits de la Légion que dans le cas, certes hypothétique, où le légionnaire, malgré le sang versé, n'aurait pas eu le droit d'acquérir la nationalité française.

L'objectif poursuivi de reconnaissance et de promotion d'une image positive de l'action de ces légionnaires étrangers aurait pu en être terni.

C'est pourquoi le général Coulon, président de la fédération des sociétés d'anciens de la Légion étrangère, s'est déclaré favorable à la formulation retenue dans les propositions de loi que le sénateur Picheral et moi-même avions déposé au nom des groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Les attaques contre les précautions et la recherche de garanties du Gouvernement, portées dans votre rapport, monsieur le rapporteur, y relèvent surtout de la polémique. Celle-ci est d'autant plus vaine, que le rapporteur de la commission des lois du Sénat, issu de votre famille politique, ainsi que le président de la commission des lois se sont mis d'accord pour rejeter l'amendement proposé.

Une réflexion approfondie et la recherche d'un dispositif complet ont donc présidé à la rédaction d'un texte permettant à l'autorité publique de conserver sa capacité d'appréciation. Cette disposition n'a d'ailleurs suscité aucun désaccord. Ainsi, dans un courrier adressé au ministère de la défense en date du 15 novembre dernier, le général Coulon indique :

« La fédération des sociétés d'anciens de la Légion étrangère a noté avec satisfaction que le ministre de la défense était l'unique autorité gouvernementale habilitée à proposer le décret de naturalisation des légionnaires blessés en mission et qui en font la demande.

« S'agissant de soldats, les membres de ma fédération ressentiront, j'en suis sûr, ce choix comme une marque de considération de la République à l'égard de la Légion étrangère partie intégrante de notre armée ».

Pour répondre aux critiques particulièrement injustes relevées dans votre rapport et stigmatisant le « refus du ministère de la justice de faire évoluer la législation », je me permets simplement de vous répondre que le Gouvernement a fait sien le pas si spécifique de la Légion étrangère, afin de s'assurer, à son rythme, que l'on allait offrir aux personnels concernés de l'armée française un dispositif complet et efficace, salué par tous. Monsieur le rapporteur, la mission du Gouvernement est aujourd'hui remplie. Avec votre soutien et celui de la représentation nationale, célébrons cette victoire ! En conclusion de mon intervention, je souhaite aborder un dernier thème qui, en tant que secrétaire de votre commission de la défense, me tient particulièrement à coeur.

Le texte qui nous réunit aujourd'hui participe, à sa manière, au renforcement du lien entre la nation et son armée. D'ailleurs, les intervenants qui se succèdent à la tribune, membres de la commission de la défense et des forces armées, manifestent concrètement leur attachement à l'amélioration du lien entre la société civile et la socié té militaire.

D ans le cas présent, la nation témoigne de sa reconnaissance envers ces hommes qui défendent les intérêts du pays et qui occupent, comme le prouve l'accueil réservé à la Légion lors de chaque défilé du 14 juillet, une place si particulière dans notre imaginaire collectif.

Aujourd'hui, nous exprimons notre volonté de prévoir, en témoignage de la reconnaissance de la nation, un mode spécifique d'acquisition de la nationalité française pour ces militaires étrangers, blessés en mission ou au cours d'un engagement opérationnel. Cette démarche est légitime, comme il serait légitime, madame la garde des sceaux, que le Gouvernement se décide à rouvrir le dossier de décristallisation des pensions des anciens combattants étrangers qui ont servi sous nos drapeaux.

Même si, comme je l'ai indiqué en commission, je ne suis pas, a priori, enclin à une culture du consensus, je ne peux que me réjouir lorsque je constate que la représentation nationale sait se retrouver autour des traditions républicaines d'accueil et de tolérance en exprimant la reconnaissance concrète et légitime de la France envers ceux qui l'ont servie au péril de leur vie.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l'Assemblée nationale, au nom de la communauté nationale, rend aujourd'hui hommage à ces hommes d'honneur, attachés à notre pays, fidèles à notre drapeau et qui, tout au long de notre histoire, aujourd'hui ou demain encore sur différents théâtres d'opérations, servent avec courage et rigueur l'armée de la République.

Pour ces raisons et parce que notre pays a le devoir de reconnaître ses serviteurs et leurs enfants, je vous invite, au nom du groupe socialiste, à soutenir cette initiative qui honore la France. Si la devise legio patria nostra demeure, puissent ces légionnaires blessés, devenus français par cette loi, faire leur celle-ci : res publica patria nostra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Paul Dupré.

M. Jean-Paul Dupré.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais témoigner de ce que peut apporter à une population la présence de la Légion étrangère sur un territoire ou sur un secteur géographique.

Des liens anciens et profonds unissent la terre d'Aude, dont je suis l'un des élus, à la Légion étrangère. C'est, en effet, en cette terre d'Aude, dans une petite commune du piémont pyrénéen, du nom de Chalabre, qu'est né celui qui devait devenir le capitaine Danjou, celui-là même qui, le 30 avril 1863, inscrivait, avec soixante légionnaires placés sous son commandement, le nom de Camerone en lettres d'or sur tous les drapeaux des régiments étrangers.

Depuis vingt-trois ans, cette même terre d'Aude accueille à Castelnaudary le 4e régiment étranger, école de la Légion étrangère. Ce régiment, riche d'un passé glorieux, situé en plein coeur du Lauragais, est lui-même souvent assimilé au coeur de la Légion étrangère. Il est l'héritier direct de la grande tradition d'instruction et d'intégration de la Légion étrangère.

Initialement abrité dans les locaux de la caserne Lapasset à Castelnaudary, le 4e régiment étranger s'est progressivement installé, de 1986 à 1991, au quartier CapitaineDanjou, à 4 kilomètres de la ville, où il dispose désormais d'une infrastructure parfaitement adaptée à sa mission de formation de tous les engagés, spécialistes, caporaux et sous-officiers. C'est là que le jeune légionnaire commence par recevoir une instruction militaire de base, pendant environ quatre mois, avant d'être affecté dans un régiment en fonction de ses aptitudes et des besoins de la Légion étrangère.

Creuset de la Légion, le 4e régiment étranger représente aussi 1 300 personnes, 223 familles et 402 enfants parfaitement intégrés en cette terre de Lauragais. S'il est vrai


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que ces familles et leurs enfants représentent un atout social et financier pour cette région, il ne faut pas oublier non plus l'enrichissement humain que permet la proximité de la Légion. En effet, qu'il soit jeune engagé, légionnaire stagiaire arrivant d'outre-mer, sous-officier expérimenté ou jeune officier sortant de l'école, chacun s'enrichit et enrichit de son expérience et de sa culture tous ceux qui le côtoient.

Plus de cent dix nationalités sont rassemblées. C'est dire la richesse inestimable que représente cette diversité, mais aussi le remarquable modèle d'intégration que constitue le 4e régiment étranger pour ces étrangers au service de la France. Il n'est donc pas étonnant que la terre lauragaise, elle-même pétrie d'histoire, ait accueilli avec autant de chaleur, en novembre 1976, le 4e régiment étranger.

Depuis lors, un véritable partenariat s'est développé au fil des ans et a permis de nouer des liens de plus en plus étroits entre la Légion et la population du Lauragais et, au-delà, de l'ensemble du département. Les manifestat ions commémoratives - 14 juillet, 8 mai ou 11 novembre - sont des occasions, par excellence, de permettre à la Légion de s'impliquer dans la vie locale, mais elles ne sont pas les seules. Le 4e régiment étranger est également très présent dans un grand nombre de manifestations sportives, mais aussi sur le terrain de la solidarité, comme en a témoigné sa forte implication dans l'organisation du Téléthon 1998 à Castelnaudary.

Plus récemment encore, il y a à peine quinze jours, de très nombreux Audois, cruellement touchés par les conséquences dévastatrices des intempéries qui se sont abattues sur leur département, ont pu apprécier tout à la fois le courage, l'abnégation, le dévouement et le savoir-faire des hommes du 4e régiment étranger.

Sous tous les cieux, en toutes circonstances, comme ici dans l'Aude sinistrée, les légionnaires savent toujours donner le meilleur d'eux-mêmes pour faire honneur au drapeau qui les unit, par fidélité à leur haut idéal et au pays qui les accueille.

Honneur et fidélité, toute la devise de la Légion est là, une devise elle-même porteuse d'une formidable exigence de reconnaissance. La nation n'est que trop longtemps restée sourde à cette exigence. Sachons lui apporter, sans plus tarder, la réponse qu'elle mérite. Le texte proposé s'inscrit parfaitement dans nos traditions républicaines, en exprimant la reconnaissance de la France par l'octroi de la nationalité française. C'est pourquoi je vous propose de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Grasset.

M. Bernard Grasset.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les militaires étrangers servant dans l'armée française peuvent déjà aujourd'hui devenir Français s'ils le souhaitent, dans des conditions beaucoup plus favorables que les civils. Néanmoins les dispositions du code civil, qui leur permettaient et qui leur permettent de voir leur demande aboutir au bout de quelques mois, demeuraient dérogatoires.

Aujourd'hui, cette proposition de loi qui concerne les militaires blessés et les enfants de ceux qui mourront pour la France, soutenue par l'ensemble de la représentation nationale, est spécifique. Il serait vain de l'assortir de médiocres considérations politiciennes, d'en revendiquer la première initiative ou de se livrer à quelques dérives acrobatiques ou à quelques sous-entendus mensongers.

Elle marque, à l'évidence, notre reconnaissance envers ceux qui ont versés et qui verseront leur sang au service de la France.

Vient-elle trop tard ? Pourquoi avoir attendu 1999 ? Nous sommes tous responsables de ce retard car ils sont des milliers, les étrangers qui ont combattu, sont tombés, ou ont été blessés sous nos couleurs, au grand jour ou dans la nuit de la clandestinité. Ils sont près de 600 000 ceux qui, depuis 1831, ont coiffé le képi blanc.

M. Charles Cova.

C'est vrai !

M. Bernard Grasset.

Pour ce siècle qui s'achève, le plus meurtrier depuis la nuit des temps, souvenons-nous des tranchées de la Somme et de Verdun, des Républicains espagnols, des survivants des brigades internationales engagés dans la Résistance, et des partisans arméniens de l'Affiche rouge.

Souvenons-nous de la geste héroïque commencée en avril 1863 et poursuivie sous tous les cieux du monde, de Cao-Bang et de Diên-Biên-Phù aux Aurès et de l'Afrique aux Balkans.

Au moment où l'absence de menace identifiée à nos frontières pourrait faire croire à un desserrement des liens entre la nation et ses armées, ce que démentent les statistiques et la réalité des rapports, il est juste, il est exemplaire que les légionnaires blessés « volontaires servant la France avec honneur et fidélité » soient Français s'ils le souhaitent, « Français par le sang versé » selon la belle expression employée.

M. Charles Cova.

Voilà un langage que j'aime !

M. Bernard Grasset.

La Légion reste leur patrie, la République française peut le devenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Charles Cova.

Excellent !

M. le président.

La parole est à Mme Cécile Helle.

Mme Cécile Helle.

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner la résultante de diverses propositions de loi visant à créer une nouvelle procédure de naturalisation. Il s'agit de faciliter l'acquisition de la nationalité française pour les militaires étrangers - dans les faits, pour les légionnaires - ayant versé leur sang pour la patrie ou ayant été blessés dans le cadre de leur mission, à condition qu'ils en formulent la demande.

Ces textes cherchent avant tout à reconnaître le rôle joué par de nombreux militaires étrangers dans les différentes guerres qui ont eu lieu tout au long de ce siècle, ainsi que celui rempli, plus récemment, dans des engagements opérationnels où la France a mis en oeuvre, seule ou avec ses alliés, des unités armées afin de faire prévaloir le droit et le principe de liberté sur la scène internationale.

Créée en 1831, la Légion étrangère, forte de 138 nationalités pour 8 200 hommes, fait partie des unités qui ont largement contribué à l'action militaire passée et récente de notre pays. Depuis 1940, plus de vingt mille d'entre eux ont été tués au combat et plus du double ont été blessés. Il s'agit d'un lourd tribut, marque par excellence de leur volonté d'intégration.

Il apparaissait dès lors légitime d'exprimer la reconnaissance concrète de la France aux militaires étrangers, notamment aux légionnaires, qui ont versé leur sang au service de notre pays. Quelle meilleure preuve, en effet, de l'appartenance à la France, à son histoire ou à son


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destin, que de combattre pour elle ? Quel plus grand signe de l'attachement à notre communauté de vie et aux valeurs démocratiques qu'elle incarne que de servir sous ses drapeaux ? Cela a conduit le législateur à concevoir un texte de loi instaurant un droit spécifique d'acquisition de la nationalité française pour les militaires blessés au combat, afin d'aller plus loin que la législation actuelle. Ce texte pourfend notamment le repli sur soi visant à protéger on ne sait quelle identité originaire. Parce qu'elle refuse une conception frileuse de l'appartenance à une communauté de destin, parce qu'elle construit une nouvelle sédimentation, prompte à enrichir la France, pays d'intégration, cette proposition de loi s'inscrit pleinement dans nos traditions républicaines.

Je me réjouis de voir aujourd'hui cette conception de la France, nation vivante et ouverte, recueillir un large consensus sur tous les bancs de notre assemblée.

Je me réjouis également que l'apport des étrangers dans l'histoire parfois tragique de notre pays soit unanimement reconnu.

Je me réjouis enfin de constater la large approbation du fait que la France est d'autant plus forte qu'elle accueille en son sein des populations diverses et variées.

Il n'en reste pas moins vrai que, au-delà de la vérité historique, de l'engagement par le feu, la réalité de tous les jours sur le territoire national constitue l'autre ferment essentiel de l'histoire républicaine de notre nationalité.

Quelle meilleure preuve, en effet, de l'appartenance à la France, à son histoire et à son destin que de chercher, jour après jour, à maîtriser toutes les subtilités de sa langue ? Quel plus grand signe de l'attachement à notre communauté de vie et aux valeurs démocratiques qu'elle incarne que de participer chaque jour activement au processus de production économique ? Je pense, dès lors, mes chers collègues, que vous vous réjouirez tout autant que moi que, à côté de la mise en place de cette procédure spécifique visant à faciliter l'acquisition de la nationalité, la ministre de l'emploi et de la solidarité se soit récemment engagée à diminuer les délais d'instruction et d'obtention de la nationalité de celles et ceux qui, par leur vie quotidienne, manifestent, jour après jour, leur volonté d'être Français. Les uns comme les autres ont, en effet, vocation à devenir français. Les uns comme les autres ont vocation à rejoindre notre communauté de destin.

C'est là, me semble-t-il, le sens même de notre modèle républicain et l'essence même de la cohésion nationale.

C'est pourquoi les députés socialistes se prononcent favorablement sur cette proposition de loi, comme ils l'ont fait, l'année dernière, sur votre projet de loi, madame la garde des sceaux, sur le code de la nationalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Sandrier.

Très bien !

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Quelques brèves remarques après les interventions des orateurs dans la discussion générale.

Monsieur Cova, vous avez parlé de récupération. Permettez-moi de vous dire que je trouve ce terme choquant...

M. Charles Cova.

C'est pourtant la vérité !

Mme la garde des sceaux.

... s'agissant d'un domaine qui n'est et ne peut être la propriété de personne dans cette assemblée.

M. Charles Cova.

J'aurais souhaité un débat d'une autre tenue !

Mme la garde des sceaux.

Je partage votre émotion concernant Camerone, comme, j'en suis sûre, tous nos concitoyens.

M. Charles Cova.

Par mesquinerie, vous récupérez un texte déposé par l'opposition ! C'est une honte !

Mme la garde des sceaux.

D'autres orateurs ont évoqué cette fête anniversaire également avec beaucoup d'émotion.

Il ne peut y avoir, je le dis fermement, appropriation par tel ou tel groupe de la reconnaissance que nous devons à la Légion étrangère pour les services rendus à notre pays. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.) J'ai été sensible aux remarques de M. Sandrier. Beaucoup d'étrangers, autres que militaires, honorent, c'est vrai, la France mais leur situation est différente. Par ailleurs, je fais remarquer que la reconnaissance du sang versé n'a rien à voir avec le droit du sang. Dans le premier cas, il s'agit seulement de reconnaître que des hommes ont fait un acte d'adhésion volontaire à la nation en mourant ou en étant blessés pour elle.

Je remercie M. Voisin de son soutien à la proposition de loi.

J'ai été, comme d'habitude, très attentive aux propos de M. Georges Sarre sur l'Europe de la défense (Sourires) et j'ai noté le soutien qu'il a apporté à la proposition de loi. Je ne peux, bien évidemment, que partager son souci de renforcer les liens entre la nation et l'armée.

Monsieur Goasguen, je trouve navrant que vous vous soyez engagé dans une mauvaise polémique. Je pensais que, sur ce texte, la représentation nationale se serait retrouvée unie !

M. Charles Cova.

Si ce n'est pas le cas, c'est de votre faute, madame !

Mme la garde des sceaux.

Si vous vous étiez renseigné, monsieur Goasguen, ...

M. Claude Goasguen.

Mais je me suis renseigné, madame la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

... vous auriez su que, dès que j'ai eu vent, au mois de juin, des problèmes que posait aux légionnaires blessés l'absence de procédure spécifique d'acquisition de la nationalité, j'ai répondu à la demande du sénateur Picheral d'organiser une rencontre avec le général Coullon et M. Messmer et rendez-vous avait été pris pour la rentrée : exactement pour le 8 septembre. Quelle n'a pas été ma stupéfaction de découvrir le 6 septembre, soit deux jours avant la réunion prévue depuis deux mois pour débattre de ce sujet, d'une part, un article dans Le Figaro intitulé « Elisabeth Guigou déçoit la Légion », et, d'autre part, une interview de M. Messmer dans laquelle il affirmait que j'opposais le mépris en toute occasion aux demandes des légionnaires...

M. Claude Goasguen.

Vous voyez que j'étais bien renseigné !

Mme la garde des sceaux.

... alors même que je m'apprêtais à recevoir les intéressés. Il a même employé des termes que j'ai ressentis comme insultants, puisqu'il a fait allusion - certes en les niant - à des sentiments de racisme et de xénophobie, et même d'antimilitarisme latent.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Quand un ancien Premier ministre...

M. Claude Goasguen.

Et un ancien légionnaire !

Mme la garde des sceaux.

... se permet de tels propos à l'égard d'un ministre de la République, deux jours avant un rendez-vous fixé depuis deux mois, je ne trouve pas cela très correct !

M. Claude Goasguen.

Il n'est pas là pour vous répondre !

M. Robert Gaïa.

Il est chez Karl Zéro !

M. Bernard Grasset.

Ceux qui le suivent ont tort !

M. Claude Goasguen.

Il a servi la Légion, lui. Pas vous !

Mme la garde des sceaux.

J'ai donc considéré qu'il valait mieux, dans ces conditions, que le rendez-vous fixé se déroule avec M. Picheral et le général Coullon, si ce dernier le souhaitait.

M. Claude Goasguen.

C'est bien ce que je disais !

Mme la garde des sceaux.

Vous auriez donc pu, monsieur Goasguen, vous dispenser de soulever à nouveau cette mauvaise polémique...

M. Claude Goasguen.

Je réitère ce que j'ai dit et je vais vous donner des explications !

Mme la garde des sceaux.

... que, pour ma part, j'ai tout fait pour éviter.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française.

Ben voyons !

Mme la garde des sceaux.

A l'issue de la rencontre du 8 septembre avec M. Picheral et M. Marceau-Long, j'ai immédiatement fait paraître un communiqué pour indiquer que je n'opposais, a priori , aucun refus à la demande légitime, et symbolique, des légionnaires, d'obtenir un accès quasiment automatique à la nationalité française.

M. Guy-Michel Chauveau.

Goasguen : zéro pointé !

Mme la garde des sceaux.

Je remercie M. Robert Gaïa pour sa participation constructive au débat. C'est un sujet, il est vrai, sur lequel il travaille depuis longtemps. Il a d'ailleurs su être persuasif puisque la commission des lois a repris pour l'essentiel la proposition de loi qu'il avait déposée.

Je remercie également M. Jean-Paul Dupré : il a, lui aussi, eu des accents très émouvants.

Je remercie enfin M. Bernard Grasset et Mme Cécile Helle. Elue comme moi d'Avignon, elle a su exprimer la reconnaissance que toutes les femmes de ce pays peuvent ressentir pour ceux qui ont versé leur sang pour la France.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce que nous devons retenir aujourd'hui c'est le climat de consensus qui règne sur le texte dont nous débattons puisque nous sommes tous d'accord sur l'objectif poursuivi. Permettez-moi simplement, sans relancer la polémique, de partager l'inquiétude et l'indignation qu'ont pu ressentir certaines personnes à la lecture, dans le Journal officiel, du membre de phrase suivant, que vous avez cru bon d'ajouter, madame la ministre, en parlant des légionnaires étrangers, « afin de vérifier le degré de l'attache à la France de ces personnes ». Quelle meilleure preuve du degré d'attache à la nation y a-t-il que d'avoir versé son sang pour elle ? Permettez-moi également de dire, sans rouvrir la polémique, je le répète - je veux, au contraire, calmer le débat -, que l'indignation de Pierre Mesmer qui, en plus d'avoir été Premier ministre, a également été légionnaire et a combattu à Bir Hakeim...

M. Claude Goasguen.

Eh oui !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

... vient peut-être du fait que, dans ses « tripes », si vous me permettez cette expression, il ressent certains propos plus durement que certains fonctionnaires.

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Aujourd'hui, la polémique est éteinte. Nous nous retrouvons tous d'accord sur ces bancs pour soutenir une proposition de loi. Mais vous me permettrez de comprendre l'indignation d'un homme qui a beaucoup servi la France à une époque où ceux qui se battaient derrière le général de Gaulle pour la France libre étaient bien moins nombreux que ceux qui se réclament de lui aujourd'hui.

Plusieurs députés du groupe socialiste.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Son passé d'ancien combattant de Bir Hakeim lui donne, à mon avis, un droit supérieur au nôtre, quelle que soit notre position sur ce sujet.

M. Claude Goasguen.

Absolument !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Cela étant dit, et sans vouloir là non plus polémiquer, il ne faut pas caricaturer la position de l'opposition. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons toujours affirmé que le droit à la nationalité française se méritait. Si Claude Goasguen, Charles Cova, Renaud Muselier, moi-même et bien d'autres sur ces bancs avons combattu la réforme du droit de la nationalité, il y a un an et demi environ, c'est parce que nous estimions qu'elle ouvrait la porte à toutes les demandes. Il ne faut pas faire l'amalgame entre des légionnaires qui ont signé pour la France et qui sont prêts à risquer leur peau pour défendre notre drapeau et des personnes qui sont rentrées par moments dans notre pays sans titre de séjour et qui essaient de profiter de nos avantages.

M. Robert Gaïa.

Nous n'oublions pas les mots que vous avez employés !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Ne mélangeons pas les catégories. La position de l'opposition sur ce sujet est cohérente. La nationalité française se mérite et les légionnaires qui servent sous le drapeau français la méritent plus que d'autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Robert Gaïa.

Il serait intéressant de reprendre le florilège de vos interventions de l'époque !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Monsieur le rapporteur, j'apprécie votre volonté de dépassionner le débat et de donner, comme cela aurait dû être le cas tout au long de cette séance, l'image d'une assemblée unie pour régler le problème posé.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Je me dois cependant de rappeler, pour la précision de la chronologie, que le membre de phrase publié au Journal officiel que vous avez cité est tiré d'une réponse que j'ai faite en mars 1999 à une question écrite de M. Georges Sarre, dans laquelle je détaillais les conditions dans lesquelles la naturalisation pouvait être accordée aux termes de la loi sur la naturalisation, la seule applicable jusqu'à ce que nous nous prononcions définitivement sur la proposition de loi en discussion. Je ne crois pas qu'on puisse faire grief au garde des sceaux de rappeler les conditions d'application d'une loi.

La polémique dont je vous parle date, quant à elle, du 8 septembre 1999, c'est-à-dire quatre mois après, alors même que, dès le début de l'été, j'avais pris rende-vous avec les personnes intéressés pour régler le problème que m'avait signalé le sénateur Picheral, problème d'ailleurs symbolique puisqu'il concerne en moyenne cinq personnes par an. Je voulais rétablir les faits. Je pense qu'un ancien Premier ministre de la République française est à même de faire ce type de distinction.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er Avant l'article 21-15 du code civil, il est inséré un article 21-14-1 ainsi rédigé :

« Art. 21-14-1. La nationalité française est conférée par décret, sur proposition du ministre de la défense, à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel et qui en fait la demande.

« En cas de décès de l'intéressé, la même procédure est ouverte à ses enfants mineurs qui, au jour du décès, remplissaient la condition de résidence prévue à l'article 22-1 du code civil. »

La parole est à M. Renaud Muselier, inscrit sur l'article.

M. Renaud Muselier.

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, fer de lance des armées françaises, la Légion, composée essentiellement d'étrangers, est encore engagée sur les théâtres d'opération les plus sensibles : après la Bosnie et le Congo, elle est aujourd'hui en première ligne au Kosovo. En épousant les armes de la France, ces étrangers acceptent l'idée du sacrifice suprême pour notre drapeau. Depuis la seconde guerre mondiale, 20 000 de ces soldats d'élite ont donné leur vie dans ces combats, plus du double ont été blessés.

Leur fidélité à notre drapeau, leur abnégation dans l'acquittement de leurs missions, leur volonté de s'intégrer en assimilant notre langue sont des preuves tangibles de leur attachement à notre pays. Tout naturellement, le légionnaire a droit à la reconnaissance de la France.

Comment ne pas accorder à ces soldats d'élite, prêts à verser leur sang pour notre patrie, le droit d'obtenir la nationalité française ? Cette mesure serait le témoignage de la gratitude de la France pour service exceptionnel rendu.

Alors que le code de la nationalité vient d'être modifié, il conviendrait qu'une diposition spéciale soit prise afin d'accorder de façon automatique à ces soldats blessés au feu pour la France la possibilité d'acquérir la nationalité française par le sang versé dès lors qu'ils en font la demande.

Vous mesurez - mais vous l'avez souligné, madame la ministre - l'étonnement et l'indignation qu'a suscités durant l'été la position du Gouvernement, qui a souhaité

« conserver une marge d'appréciation afin de vérifier le degré de l'attache à la France de ces personnes ».

M. Bernard Grasset.

Il n'a rien compris !

M. Robert Gaïa.

Mme la garde des sceaux vient de dire qu'elle n'avait fait que citer la loi !

M. Jean-Paul Durieux.

Il n'a pas entendu !

M. Renaud Muselier.

Après avoir démontré leur fidélité au drapeau, il leur est demandé par l'administration de faire encore la preuve de leur attachement au pays. D'où l'indignation bien légitime de Pierre Messmer et le dépôt par un certain nombre de nos collègues parlementaires de propositions de lois, dont celle de Charles Cova ou la mienne, pour modifier les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française et blessés lors d'un engagement opérationnel.

C'est un honneur pour moi de participer au débat de ce matin dans le cadre des séances réservées à l'examen des propositions de loi du groupe du Rassemblement pour la République. Le texte proposé par mon collègue Thierry Marini que nous examinons me semble avoir atteint le point d'équilibre requis pour être adopté à l'unanimité en tenant compte des souhaits de la Fédération des sociétés d'anciens de la Légion étrangère. En effet, favorable à la culture du consensus, je constate que toutes les propositions et la nouvelle position du Gouvernement ont, enfin, en commun le fait d'instituer un régime d'acquisition de plein droit de la nationalité française pour les militaires étrangers engagés dans l'armée française et blessés en mission.

Il n'est prévu en aucune manière que ce dispositif soitr étroactif. Seuls quelques dizaines de légionnaires devraient donc en bénéficier chaque année. Je me range à l'avis du rapporteur concernant l'obligation d'une proposition du ministre de la défense pour que la nationalité française soit conférée au légionnaire. Il me semble en outre légitime de prévoir l'acquisition de plein droit de la nationalité française pour les enfants mineurs des légionnaires morts sur les champs d'opération.

Certes, tous les légionnaires répondant à ces critères ne demanderont pas la naturalisation. Mais, pour quelquesuns, l'obtention de la nationalité française est vécue comme une récompense, la plus importante parmi toutes celles gagnées sur le champ de bataille. C'est l'ultime décoration du soldat, c'est la reconnaissance par la France du soldat courageux, fidèle, généreux et meurtri dans sa chair.

Je voterai pour cette proposition de loi...

M. François Colcombet.

Ouf !

M. Renaud Muselier.

... afin de réparer l'injustice faite à ceux qui prouvent au quotidien leur attachement à notre pays par leur sang versé. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements, nos 4 et 5, pouvant être soumis à une discussion commune.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

L'amendement no 4, présenté par M. Goasguen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 21-14-1 du code civil :

« Est conférée par décret la nationalité française à tout enfant mineur d'un étranger décédé, visé à l'alin éa 1er du présent article, conformément à l'article 21-7-1 du code civil. »

L'amendement no 5, présenté par M. Mariani, rapporteur, est ainsi rédigé :

« Après les mots : "enfants mineurs", supprimer la f in du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 21-14-1 du code civil. »

La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l'amendement no

4.

M. Claude Goasguen.

Avant de défendre mon amendement, je tiens à rappeler que le texte dont nous débattons n'est pas d'initiative gouvernementale, comme tendrait à le faire croire l'attitude du Gouvernement, mais d'initiative parlementaire. Je félicite d'ailleurs mes honorables collègues qui ont pris cette heureuse initiative tout en regrettant que le Gouvernement n'ait pas déposé un projet de loi. Je tenais à ce que cette précision figure au Journal officiel , parce que la teneur des débats jusqu'à présent laisse penser que c'est le Gouvernement qui est l'auteur de ce texte et que les parlementaires ne font que ratifier une position gouvernementale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je rétablis donc une vérité juridique et je remercie le rapporteur, M. Mariani, auquel je m'adressais tout à l'heure, d'avoir défendu ce texte avec talent dans son rapport et devant notre honorable assemblée.

(Exclamations sur les mêmes bancs.)

M. Guy-Michel Chauveau.

Pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant, quand M. Mesmer était Premier ministre ?

M. Claude Goasguen.

Il n'y a que la vérité qui blesse !

M. le président.

Venez-en à l'amendement, monsieur Goasguen, s'il vous plaît. Ne reprenons pas la discussion générale.

M. Claude Goasguen.

Cet amendement tend, comme celui de M. Mariani, à rendre automatique l'octroi de la nationalité française non pas au légionnaire lui-même, puisque j'ai accepté le compromis qui a été élaboré au sein de la commission des lois, mais aux mineurs des légionnaires étrangers décédés au combat. Je trouve en effet que nous pourrions faire un effort supplémentaire à l'égard de ces pupilles de la nation.

Deux objections m'ont été opposées.

On m'a d'abord fait valoir que la clause de résidence était indispensable parce qu'elle permettait de justifier de l'état civil.

M. Robert Gaïa.

Pas seulement !

M. Claude Goasguen.

J'ai consulté à ce sujet le jurisclasseur que j'ai amené avec moi. Je pourrais vous en donner lecture si ce n'était un exercice long et fastidieux.

Il comporte une partie très intéressante intitulée : « Remplacement des actes de l'état civil par d'autres preuves ».

Le droit français est très bien pourvu dans ce domaine.

Par ailleurs, je vous rappelle qu'en ce qui concerne le regroupement familial, qui, s'il ne pose pas des problèmes identiques, en pose, vous le reconnaîtrez, mes chers collègues, de très voisins, nous n'avons pas été aussi sourcilleux. Par conséquent, en caricaturant le tableau, nous allons opposer la clause de résidence, qui est très stricte, aux enfants restés au Sénégal, d'un légionnaire mort au combat, alors que nous ouvrons à un immigré sénégalais le droit au regroupement familial...

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Lorsqu'il le souhaite !

M. Claude Goasguen.

... sans contrôle véritable de l'état civil. Dans le premier cas, nous sommes très sourcilleux sur l'état civil et, dans le second, nous le considérons présumé.

Il y a là une inégalité de situation qui, compte tenu du nombre de cas concernés, n'est pas grave mais qui, sur le plan des principes, est très contestable.

M. Charles Cova.

Et même choquante !

M. Claude Goasguen.

Il m'a ensuite été objecté que l'on ne peut pas refuser la nationalité. Un enfant mineur peut toujours - c'est une clause du code civil - renoncer à la nationalité qui lui est donnée.

Je vous demande donc, mes chers collègues, de considérer de plein droit les enfants mineurs des légionnaires étrangers tombés au combat sur le théâtre d'opération comme des pupilles de la nation et de leur donner en marque de reconnaissance de la France, la nationalité française sans passer par l'intermédiaire d'un décret.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Robert Gaïa.

Reste à voir si c'est dans l'intérêt des enfants !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l'amendement no 5 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement no

4.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

L'amendement no 5 a le même objet que l'amendement no 4 mais une rédaction différente.

Comment la France pourrait-elle se montrer moins généreuse vis-à-vis des enfants des légionnaires étrangers tués au combat que vis-à-vis des enfants des travailleurs immigrés qui demandent à bénéficier du regroupement familiale ? Il y a là une inégalité choquante.

M. Robert Gaïa.

Ce n'est pas vrai !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

La France devrait au contraire se montrer plus généreuse vis-à-vis de quelqu'un qui a payé de sa vie pour la défendre.

L'amendement no 5 tend, lui aussi, à rendre quasiment a utomatique l'octroi de la nationalité française aux enfants mineurs de légionnaires étrangers tués au combat.

Cela dit, je note que mon collègue Claude Goasguen a modifié la rédaction de son amendement.

M. Claude Goasguen.

Absolument !

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Et, bien que la commission ait émis un avis favorable sur l'amendement no 5 et un avis défavorable sur l'amendement no 4 dans son ancienne rédaction, les deux amendements poursuivant le même objectif, je voterai, à titre personnel, l'amendement no 4 dans sa nouvelle rédaction.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Sachez tout d'abord, monsieur Goasguen, que le Gouvernement accueille toujours avec beaucoup d'intérêt et soutient les propositions de loi qui lui paraissent aller dans le bon sens. C'est ce que nous avons fait pour le PACS, souvenez-vous,...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. Charles Cova.

Ça oui, on s'en souvient !

M. Claude Goasguen.

Cela ne nous a pas échappé !

Mme la garde des sceaux.

... c'est encore ce que nous faisons aujourd'hui pour les légionnaires. Il n'y a évidemment de notre part aucune espèce d'obstruction vis-à-vis des propositions de loi parlementaires, dès lors qu'elles nous paraissent bonnes.

M. Jacques Floch.

C'est une manière de revaloriser le rôle du Parlement !

Mme la garde des sceaux.

Vous nous avez reproché de ne pas avoir déposé de projet de loi. Mais que ne l'on fait les gouvernements que vous avez soutenus pendant quatre ans, entre 1993 et 1998 !

M. Guy-Michel Chauveau.

Eh oui !

Mme la garde des sceaux.

Ils avaient pourtant tout loisir de le faire, et votre majorité elle aussi aurait fort bien pu déposer une proposition de loi.

M. Robert Gaïa.

Très bien !

Mme la garde des sceaux.

J'en viens maintenant aux amendements nos 4 et 5.

Pour commencer, monsieur Mariani, il ne faut pas mélanger les lois sur l'immigration et les lois sur la nationalité.

M. Georges Sarre.

Très juste !

Mme la garde des sceaux.

Le regroupement familial s'inscrit dans le cadre de l'immigration : les enfants admis à venir dans notre pays pour rejoindre leurs parents doivent ensuite, s'ils veulent devenir français, passer par les lois du code civil et de la nationalité. Par conséquent, on ne saurait inscrire dans le code de la nationalité et dans le code civil des dispositions pour les enfants de légionnaires qui n'auraient rien à y faire, a fortiori en mélangeant tout cela avec les dispositions relatives au regroupement familial.

M. Georges Sarre.

De bon sens !

Mme la garde des sceaux.

Le code civil, c'est le code civil ; la loi sur la nationalité, c'est la loi sur la nationalité, et la loi RESEDA, c'est la loi RESEDA.

Sur ces deux amendements, dont l'objet est identique, le Gouvernement émet un avis défavorable. Leur but étant de supprimer la condition de résidence dans l'hypothèse où l'enfant bénéficierait d'une sorte d'effet collectif à titre posthume, je ne puis que m'y opposer.

L'article 22-1 du code civil prévoit que l'acquisition de la nationalité française par l'un de leurs parents a un effet collectif sur les enfants mineurs dès lors que ceux-ci résident habituellement avec lui. Or c'est précisément cette cohabitation qui justifie le droit ouvert de l'enfant.

Autrement dit, c'est par le fait qu'il vivait habituellement avec un parent qui, s'il n'était décédé, aurait acquis la nationalité française que l'enfant doit bénéficier d'une procédure identique à celle qui était ouverte à ce parent, et non en raison seulement de l'existence d'un lien légal de filiation entre l'un et l'autre.

Ajoutons que la création d'une différence de régime entre les enfants pour l'acquisition de la nationalité française en fonction de la situation de leur auteur constituerait une rupture d'égalité non justifiable sur le plan des principes constitutionnels, dans une matière où le principe d'égalité revêt une acuité particulière.

J'invite donc votre assemblée à rejeter ces deux amendements.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Certes, madame la garde des sceaux, la loi RESEDA et le code civil ne sont pas toujours identiques, mais nous l'avions noté ; mais reconnaissez qu'ils sont souvent connexes et que nombre de dispositions de la loi RESEDA font référence au code civil, notamment sur ce qui touche au problème de la résidence. Je ne peux que vous renvoyer, entre autres, à l'article 46 du code civil, qui, en matière de contestation du lieu de résidence, est absolument formel, puisqu'il organise juridiquement, en cas d'inexistence d'état civil, la possibilité de preuves dispensatoires tant par titres que par témoins. C'est donc bien que l'état civil est géré par le code civil, madame Guigou, et la loi RESEDA y fait référence. Or le problème qui nous occupe aujourd'hui est exactement de même nature.

Mais, indépendamment de cette raison d'ordre juridique, je veux dire à quel point votre argument d'une prétendue inégalité de traitement entre le pupille de la nation virtuel que pourrait devenir l'enfant d'un légionnaire mort au combat et le cas général me paraît particulièrement choquant. Quoi ? La nation serait-elle à ce point chiche qu'elle refuserait de faire bénéficier de la présomption du sang versé un ou deux mineurs, enfants d'un légionnaire mort au combat, pupilles de la nation potentiels, au motif qu'ils ne résident pas sur le territoire de la République ? Allons ! Oser parler d'inégalité dans ces conditions en devient presque gênant ! J'aurais préféré que la discussion se poursuive au sein de la commission des lois ; nous aurions certainement fini par tomber d'accord, sans avoir besoin de votre intervention regrettable et dont la brutalité à l'égard des légionnaires et de leurs enfants me choque profondément.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. Guy-Michel Chauveau.

Allons, allons !

M. Jacques Floch.

C'est excessif !

M. le président.

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Monsieur Goasguen, ne peut-on aller au-delà des effets de manche et poser le problème tel qu'il doit être, en pensant à l'intérêt de l'enfant, de ce pupille de la Nation comme vous l'appelez ? Pensez à celui dont le père a délibérément choisi de son vivant de ne pas le faire venir en France où il servait comme légionnaire,...

M. Claude Goasguen.

Enfin !

M. Renaud Muselier.

N'importe quoi !

M. Robert Gaïa.

... alors même que les textes lui offraient la possibilité de le demander. Il peut avoir décidé, pour des raisons d'ordre familial, de laisser ses enfants au pays en venant s'engager dans la Légion. Cela aussi, il faut le respecter, et nous préoccuper de l'intérêt de l'enfant, au-delà des effets de manche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Floch.

Voilà qui est raisonnable !

M. Renaud Muselier.

C'est la mauvaise foi la plus totale !

M. Charles Cova.

Si le sujet n'était aussi sérieux, cela prêterait à sourire !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. Renaud Muselier.

C'est bien dommage !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Gaïa a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 21-14-1 du code civil, après les mots : "de l'intéressé," insérer les mots : "dans les conditions prévues au premier alinéa." » La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Amendement de précision. Le dernier alinéa ne précisait pas que ces dispositions s'appliquent pour les militaires décédés en mission ou en opération.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Cette précision d'ordre rédactionnel n'était pas indispensable, mais pourquoi pas, après tout ? La commission a émis un avis favorable, même s'il lui paraissait aller de soi, dès lors que l'on restait dans le même article, que les enfants ne peuvent acquérir la nationalité française de plein droit que si l'étranger engagé volontairement dans l'armée française, comme mentionné au premier alinéa, est décédé du fait d'une blessure reçue en mission, au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Le Gouvernement est également favorable à cet amendement. Le texte laissait en effet planer une ambiguïté, que l'amendement no 2 a justement le mérite de lever. Je le crois donc utile.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

2. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Articles 2 et 3

M. le président.

« Art. 2. - L'article 21-15 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 21-15. - Hors le cas prévu à l'article 21-14-1, l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. »

Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

M. le président.

« Art. 3. - I. - Dans le dernier alinéa de l'article 22-1 du code civil, les mots : « de naturalisation » sont supprimés.

« II. - Sont insérés, dans l'article 27 du code civil, après les mots : "une demande", les mots : "d'acquisition, ".

« III. - Il est inséré, dans les articles 27-1 et 27-2 du code civil, après les mots : "Les décrets portant", le mot : "acquisition,".

« IV. - Sont insérés, dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 28-1 du code civil, après les mots : "retrait du décret", les mots : "d'acquisition,".

« V. - Sont insérés, dans l'article 30-1 du code civil, après les mots : "par déclaration,", les mots : "décret d'acquisition ou de". » (Adopté.) Après l'article 3

M. le président.

M. Goasguen a présenté un amendement no 3, ainsi libellé :

« Après l'article 3, insérer l'article suivant :

« Après l'article 21-7 du code civil, il est inséré un article 21-7-1, ainsi rédigé :

« Art. 21-7-1. Par exception, la nationalité française est attribuée à tout enfant mineur d'un étranger décédé, engagé dans les armées françaises et qui a été blessé en mission, à l'occasion d'un engagement opérationnel. »

Cet amendement tombe.

M. Claude Goasguen.

En effet !

M. François Colcombet.

Il est tombé au champ d'honneur !

Titre

M. le président.

Je donne lecture du titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française par les militaires étrangers servant dans l'armée française. »

M. Gaïa a présenté un amendement no 1, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le titre de la proposition de loi :

« Proposition de loi ouvrant, dans certaines conditions, l'acquisition de la nationalité française aux militaires étrangers servant dans l'armée française. »

La parole est à M. Robert Gaïa.

M. Robert Gaïa.

Cet amendement se proposait de faire coïncider le titre de la proposition de loi avec son contenu. Mais le texte ayant été considérablement enrichi, grâce à la contribution du groupe socialiste, il convient, dans un souci de rassemblement de la représentation nationale, de conserver le titre initialement choisi par mon collègue Cova. Je retire donc cet amendement.

M. Charles Cova.

Merci, monsieur Gaïa !

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. Renaud Muselier.

Il est souvent de mauvaise foi, mais il sait parfois être objectif !

M. le président.

L'amendement no 1 est retiré.

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Marc Nudant.

M. Jean-Marc Nudant.

Après les réticences du Gouvernement, c'est aujourd'hui la repentance. Mme Guigou ne voulait pas de ce texte (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

, elle l'a écrit, elle nous a rappelé tout à l'heure dans quelles conditions.

M. Jacques Floch.

C'est vraiment incroyable !

M. Jean-Marc Nudant.

Et aujourd'hui, madame la ministre, vous avez consacré une grande partie de votre intervention à maquiller vos hésitations... (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jacques Floch.

Là, vous êtes nul !

M. Guy-Michel Chauveau.

Quel maquignon !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. Jean-Marc Nudant.

... et déployé toute votre habileté pour réécrire l'histoire de cette proposition de loi à laquelle vous n'étiez pas favorable - ou, pour le moins, à laquelle vous n'aviez pas pensé.

Rappelons tout de même que c'est bien le groupe RPR qui avait souhaité donner au Parlement l'occasion de débattre de l'acquisition de la nationalité française pour un légionnaire blessé au combat, en proposant d'inscrire ce texte à l'ordre du jour qui lui était réservé.

M. Jacques Floch.

Lamentable !

M. Jean-Marc Nudant.

Ce geste explique naturellement le vote que nous exprimerons tout à l'heure.

Nous aurions toutefois préféré la rédaction initiale, telle que proposée par le rapporteur. Nous aurions préféré que vous ne cherchiez pas à affaiblir un principe dont votre Gouvernement ne voulait pas : l'acquisition de plein droit de la nationalité française pour tout légionnaire ayant versé son sang au service de la France.

Certes, nous comprenons la nécessité de procéder à un minimum de vérifications. A cet égard, la proposition d'attribuer la qualité de Français au légionnaire blessé, sauf avis contraire du ministre, nous paraissait la plus sage. Mais vous êtes allés dans un sens excessivement réservé en ne prévoyant de ne l'accorder que par décret, sur proposition du ministre de la défense. Il est vrai que les groupes socialistes de l'Assemblée et du Sénat ont manifesté à l'égard de nos propositions de loi un intérêt aussi soudain que tardif, puisque cela ne remonte qu'au 18 novembre dernier, c'est-à-dire voilà douze jours.

Oui, le groupe RPR votera ce texte dont il a été à l'initiative, sur la proposition de notre collègue Charles Cova qui a toujours défendu avec passion les droits légitimes des légionnaires. Mais votre méfiance, elle, n'a rien de légitime et prouve que c'est à contrecoeur, contraints et forcés, que les socialistes s'y sont finalement ralliés.

M. Jacques Floch.

Nul ! C'est nul !

M. Jean-Paul Durieux.

C'est indigne !

M. Bernard Grasset.

C'est inadmissible et provocateur !

M. Jean-Paul Dupré.

On voit que c'est un parti d'opposition, et il le restera !

M. le président.

La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin.

Le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance est tout à fait satisfait de la façon dont le débat s'est déroulé sur ce texte d'origine parlementaire dont le groupe du Rassemblement pour la République a pris l'initiative. Nous regrettons seulement que l'amendement de M. Goasguen sur les droits de l'enfant n'ait pas été accepté. En effet, un légionnaire, lorsqu'il s'engage à servir notre pays mettant sa vie dans la balance, pense à son pays mais aussi à sa famille. Et lorsqu'il décide de partir défendre les couleurs de la France, toute sa famille accepte cette démarche et y participe. Mais nous considérons ce texte comme un début, qui devra être parfait. Aussi notre groupe donnera-t-il un vote favorable à cette proposition de loi.

M. Jacques Floch.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Comme je l'ai annoncé au départ, le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera ce texte, certes incomplet, mais qui va dans le bon sens. Avec mon collègue Deflesselles, député d'Aubagne, lieu cher à tous les légionnaires, nous avions rédigé une proposition de loi organisant un droit automatique. Cette automaticité n'a pas, pour l'instant, été retenue par notre assemblée. Mais, comme vient de le remarquer mon collègue Voisin, ce texte marque déjà un début, un début de reconnaissance de tout ce que la nation doit à ceux qui ont choisi de verser leur sang pour elle. Nous devrions songer à inventer un nouveau critère juridique : la présomption de nationalité par le sang versé. Les juristes s'honoreraient d'y penser de temps en temps en sortant pour une fois des arcanes juridiques classiques.

Ce texte, que nous allons probablement voter à l'unanimité, donne au ministre de la défense, par le fait même qu'il exclut toute automaticité, un pouvoir important. Il reste à espérer que l'appréciation du ministre ne soit pas considérée, sauf cas exceptionnel, ni comme une enquête a priori ni comme une ultime décoration épinglée au légionnaire ayant versé son sang, mais bien comme l'assurance explicite et solennelle, par un décret, de l'immense reconnaissance que nous devons à ceux qui, bien que n'étant pas nés parmi nous, n'en ont pas moins choisi de donner leur sang pour défendre notre patrie.

M. Thierry Mariani, rapporteur.

Très bien.

M. le président.

La parole est à M. François Colcombet.

M. François Colcombet.

Mes chers collègues, cette loi aura vu gauche et droite faire surenchère de bonne volonté et de propositions convergentes. On ne peut, à ce moment de nos débats, que relever avec satisfaction que nous sommes tous d'accord pour reconnaître que l'on peut faire de bons Français avec des étrangers... Et je pourrais vous le faire observer en passant, monsieur Mariani, il arrive parfois qu'avant de devenir légionnaire, on ait été étranger sans papiers ! Je fus en tout cas de ceux qui, lors du vote de la loi sur les étrangers, avaient remarqué que les reines de France avaient toutes été des étrangères et avaient contribué à la constitution de la nationalité française.

M. Guy-Michel Chauveau.

Eh oui !

M. François Colcombet.

Il n'est pas non plus inutile de se souvenir que la Révolution française avait donné la nationalité française à ceux qui avaient combattu pour la République.

M. Jacques Floch.

Tout à fait !

M. François Colcombet.

Enfin, mon collègue Tourret me le rappelait, et j'aimerais le redire ici, le plus grand discours de Victor Hugo fut prononcé ici même en 1871.

Un seul étranger était venu défendre la France à nos côtés durant la guerre de 1870 : Garibaldi. Les Français l'avaient élu député...

M. Georges Sarre.

Il n'y a pas eu que Garibaldi.

M. Christian Estrosi.

Garibaldi était Niçois !

M. Bernard Grasset.

Nice n'était pas française !

M. Christian Estrosi.

Si, elle l'est devenue en 1860 ! Relisez votre histoire !

M. François Colcombet.

Un grand débat eut alors lieu pour savoir si Garibaldi, élu député, pouvait obtenir la nationalité française afin de rester député. C'est alors que Victor Hugo lança cette expression que nous reprenons aujourd'hui : « l'acquisition de nationalité française par le sang versé ». Malheureusement, le Parlement vota contre et Victor Hugo démissionna d'ailleurs immédiatement. Il n'est pas inutile de le rappeler.

M. Christian Estrosi.

Victor Hugo a bien fait !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. François Colcombet.

Quant à la Légion étrangère, elle fut créée au

XIXe siècle et s'est à l'évidence acquis une place et un rôle de premier plan dans la défense de la France, particulièrement aux moments les plus dramatiques de notre histoire. Disons-le tout net : l'existence même de la France a parfois dépendu de la Légion.

M. Alain Tourret.

Très bien !

M. François Colcombet.

On aurait d'ailleurs pu croire que son rôle diminuerait du fait de la paix avec nos voisins allemands et de la disparition des grands conflits coloniaux. Or il n'en est rien, vous l'avez tous observé. La France reste engagée sur de nombreux fronts, souvent pour des actions humanitaires. De ce fait, le légionnaire étranger se retrouve fréquemment à porter le témoignage de la générosité de la France auprès de gens plongés dans la misère. Autant dire que ce geste d'accueil à l'égard de ceux qui, ayant versé leur sang pour la France, souhaitent devenir Français est naturel et particulièrement bien venu.

Certes, il ne faut pas confondre le droit du sang versé avec le droit du sang. Mais nos débats ont amplement montré que chacun faisait bien la différence.

Il y a également quelques précautions à prendre. Le problème des enfants notamment mérite d'être approfondi. La filiation de ces jeunes, nés sous une nationalité étrangère, doit être établie en fonction de leur droit d'orig ine, opération parfois délicate lorsqu'il s'agit, par exemple, d'enfants naturels ou d'enfants de polygames.

Sur ce sujet, monsieur Goasguen, le plus raisonnable serait d'y réfléchir afin de voir si, le cas échéant, des ajouts peuvent être apportés à la loi.

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. François Colcombet.

En l'état actuel des choses en tout cas, la position à laquelle nous sommes parvenus apparaît parfaitement claire et conforme à ce que doit être une loi française, c'est-à-dire une loi tout à la fois raisonnable et généreuse.

On ne peut que se réjouir, je le répète, de voir le Parlement français, unanime, proclamer haut et fort en cette fin de siècle que l'on peut faire d'excellents Français avec de bons étrangers. Cette attitude, soyons-en sûrs, est un gage positif pour notre commun avenir. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ? Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

2

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 17 décembre 1999 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

La procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion des deux premiers textes inscrits à l'ordre du jour du mercredi 15 décembre.

Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé que la séance mensuelle réservée à un ordre du jour proposé par le groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance aura lieu le mardi 8 février 2000 et se poursuivra le mardi 22 février.

3

RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 24 novembre 1999.

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République.

4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; A dix-sept heures trente : Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, en nouvelle lecture ; Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1889, relatif à la réduction négociée du temps du travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1937).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 30 novembre 1999) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 30 novembre 1999 au vendredi 17 décembre 1999 inclus a été ainsi fixé : Mardi 30 novembre 1999 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Charles Cova, modifiant les conditions d'acquisition de la nationalité française p ar les militaires étrangers servant dans l'armée française (nos 1815-1961).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures : Questions au Gouvernement.

L'après-midi, à dix-sept heures trente, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote par scrutin public sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, en nouvelle lecture (nos 1943-1946).

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 1889-1937).

Mercredi 1er décembre 1999 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 18891937).

Jeudi 2 décembre : Le matin, à neuf heures, et l'après-midi, à quinze heures : Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 18891937).

Le soir, à vingt et une heures : Sous réserve de sa transmission par le Sénat, discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 18891937).

Le mardi 30 novembre 1999, à seize heures trente, M. Gerhard Schrder, Chancelier de la République fédérale d'Allemagne, sera reçu dans l'hémicycle.

Vendredi 3 décembre 1999 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Eventuellement, suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de trava il (nos 1889-1937).

Mardi 7 décembre 1999 : Le matin, à neuf heures : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Explications de vote et vote, par scrutin public, sur le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail en n ouvelle lecture (nos 1889-1937).

Discussion de la proposition de loi de M. Charles de Courson visant à améliorer la détection d'enfants maltraités (no 1797).

Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, de la proposition de loi portant diverses mesures relatives à l'organisation d'activités physiques et sportives.

Mercredi 8 décembre 1999 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999 (no 1952).

Jeudi 9 décembre 1999 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Mardi 14 décembre 1999 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de loi de M. Renaud Muselier relative à la création d'une prestation parentale d'assistance (no 1232).

(Ordre du jour complémentaire.)

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernements, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-522 du 24 juin 1998, no 98-731 du 20 août 1998, no 98-773 du 2 septembre 1998, prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (no 1967).

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant ratification des ordonnances no 98-580 du 8 juillet 1998, no 98-582 du 8 juillet 1998, no 98-728 du 20 août 1998, no 98-729 du 20 août 1998, no 98-730 du 20 août 1998, no 98-732 du 20 août 1998, no 98-774 du 2 septembre 1998, prises en application de la loi no 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer (no 1968).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (no 1919).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au référé devant les juridictions administratives (no 1682).

Mercredi 15 décembre 1999 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires (nos 1694-1953).

Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte d u recensement général de la population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

(Ces deux textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.) Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières (no 1964).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Jeudi 16 décembre 1999 : Le matin, à neuf heures : Sous réserve de son dépôt, discussion de la proposition de loi portant création de la chaîne parlementaire.

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2000.

Vendredi 17 décembre 1999 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, soit en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2000.