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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

RAYMOND

FORNI

1. Réduction négociée du temps de travail. Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi (p. 10309).

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ (p. 10309)

Exception d'irrecevabilité de M. Philippe Douste-Blazy :

Mme Marie-Thérèse Boisseau, MM. François Goulard, Germain Gengenwin, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia. Rejet.

QUESTION PRÉALABLE (p. 10314)

Question préalable de M. Jean-Louis Debré : MM. Thierry Mariani, François Goulard, Bernard Accoyer, Mme MarieThérèse Boisseau. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10320)

MM. François Goulard, Yves Rome.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Suspension et reprise de la séance (p. 10325)

M.

Maxime Gremetz, Mme Roselyne Bachelot-Narquin,

MM. Yves Cochet, Hervé Morin, Gérard Terrier, Patrick Delnatte, Bernard Birsinger, Germain Gengenwin, Bernard Accoyer, Mme Odile Saugues,

M.

Alain Vidalies, Mmes Laurence Dumont, Catherine Picard,

MM. Yann Galut, Jean-Pierre Pernot, Renaud Donnedieu de Vabres.

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion du projet de loi à la prochaine séance.

2. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 10345).

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10345).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. RAYMOND FORNI,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1 RÉDUCTION NÉGOCIÉE DU TEMPS DE TRAVAIL Suite de la discussion, en nouvelle lecture, d'un projet de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail (nos 1889, 1937).

Exception d'irrecevabilité

M. le président.

J'ai reçu de M. Philippe Douste-Blazy et des membres du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

Je rappelle que le temps de parole de l'orateur ne peut excéder trente minutes, mais qu'il n'est pas nécessaire de les utiliser toutes. (Sourires.)

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, la majorité parlementaire dont vous êtes issue n'a pas tenu compte des observations sénatoriales qui renvoyaient à la négociation collective les principales dispositions du projet de loi relatif à la réduction dite négociée du temps de travail. Pour l'essentiel, elle a rétabli en commission les dispositions votées en première lecture à l'Assemblée nationale.

Je regrette, pour ma part, que vous n'ayez pas plus accepté le dialogue, les échanges constructifs avec la majorité sénatoriale qu'avec l'opposition au Palais Bourbon. Manifestement, la situation est totalement verrouillée par vous-même et votre haute administration. Cette seconde lecture se bornerait à une simple réécriture s'il n'y avait le jeu très serré des différentes composantes de votre majorité plurielle, qui risque de se traduire par une nouvelle et dangereuse surenchère, chacune ne cherchant qu'à se valoriser aux yeux de son électorat.

C'est dans ce contexte que le groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance m'a demandé de défendre l'exception d'irrecevabilité.

Une fois de plus, j'interviendrai en mon âme et conscience, essayant d'être le plus fidèle possible à ce que j'entends, à ce que je lis et à ce que je vois sur le terrain.

L'avenir jugera.

Plus j'avance, plus je crois que la réduction du temps de travail est souhaitable et possible dans certaines activités, mais plus je suis convaincue, aussi, que l'obligation faite à toutes les entreprises du secteur privé de réduire leur temps de travail à 35 heures est inacceptable,...

M. Pierre Micaux.

Oui !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

... qu'elle est en porte à faux avec la Constitution et avec la société française qui se dessine en ces dernières heures du XXe siècle.

En d'autres termes, si ce projet de loi est irrecevable, c'est avant tout parce qu'il comporte des dispositions que l'on peut estimer non conformes à la Constitution. Sans vouloir être exhaustive, j'en évoquerai trois, au titre de la compétence du législateur.

La première est l'absence de clarté de la loi. Ce fait est particulièrement grave, parce qu'il a tendance à se répéter.

Nos concitoyens se débattent dans un dédale législatif de plus en plus confus et contradictoire, source de contentieux, qui les désespère.

Ainsi, que dire du fonds fourre-tout qui doit financer les allégements de cotisations patronales ? Abondé par les ressources fiscales et parafiscales les plus hétéroclites, il contrarie le principe d'universalité du budget de l'Etat et restreint les pouvoirs du Parlement. Pour reprendre les termes mêmes du professeur Jean-Jacques Dupeyroux, « il contribue à faire du financement du service public un labyrinthe illisible. Qui paie quoi ? Plus personne ne peut en avoir la moindre idée. »

L es exemples sont nombreux : la référence à 1 600 heures comme durée légale annuelle n'est pas plus claire. Elle ne correspond à rien, et surtout pas à 35 heures de travail hebdomadaire. En effet, l'année comporte 52 semaines et 2 jours - ou 3 jours les années bissextiles. A l'heure actuelle, légalement, seul le 1er mai est à la fois férié et obligatoirement chômé. La fixation de la durée annuelle à 1 600 heures implique une interdiction de travailler les autres jours fériés, ce qui est contradictoire avec l'article L. 222-1 du code du travail.

Et, en tout état de cause, le nombre de jours fériés qui tombent un jour ouvré varie d'une année sur l'autre.

Les articles 2, 3, 4 et 11 seraient, à ce titre, non conformes à la Constitution, car ils ne respectent pas l'exigence constitutionnelle de clarté de la loi.

Le deuxième élément d'inconstitutionnalité a plus particulièrement trait à la compétence du législateur.

Celui-ci ne doit pas méconnaître l'étendue de sa compétence en en laissant l'exercice à d'autres. Il ne respecte pas la Constitution lorsqu'il reste en deçà, soit en subdéléguant à d'autres autorités le soin d'édicter des règles si fondamentales qu'elles ne peuvent être prises que par lui, soit en posant des règles si générales que la marge d'appréciation laissée aux autorités chargées de les appliquer leur permet d'empiéter sur la loi.

C'est ainsi que le législateur ne peut confier à des particuliers le pouvoir d'accroître le montant de la dépense publique. La seule condition posée dans ce projet de loi est que l'arrangement conventionnel doit faire coïncider la durée collective de travail et sa durée légale. La


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puissance publique n'est pas partie prenante des accords.

Elle n'a pas à les avaliser, ils ne doivent même pas lui être transmis puisque, selon l'article 11 du projet, c'est aux organismes de recouvrement des cotisations que doit être adressée une déclaration précisant la durée du travail applicable dans l'entreprise.

Pour le moins, cette absence suscite un malaise d'autant plus insistant que si les paragraphes XV et XVI de l'article 11 du projet de loi envisagent divers cas de suspension ou de suppression de l'allégement, leur rédaction actuelle est si confuse et si lacunaire qu'il est impossible de comprendre à qui le législateur a entendu donner compétence pour en décider. Comment le Conseil constitutionnel pourrait-il accepter une telle confusion ? La troisième disposition qui ne semble pas conforme à la Constitution est l'injonction qui est faite au Gouvernement dans l'article 16. Le dispositif prévu au paragraphe V de l'article 16, relatif au complément différentiel de salaire, oblige en effet le Gouvernement a présenter « un rapport retraçant l'évolution des rémunérations des salariés bénéficiant de la garantie définie cidessus et précisant les mesures envisagées [...] pour rendre cette garantie sans objet au plus tard le 1er janvier 2005 compte tenu de l'évolution du salaire mensuel de base ouvrier mentionné au I et de la progression du salaire minimum de croissance prévu à l'article L.

141-2 du code du travail ».

Sans enfreindre la Constitution, le législateur peut, comme nous le faisons, hélas, tous les jours, adopter des d ispositions d'ordre réglementaire, mais il ne peut enjoindre au Gouvernement d'exercer ses compétences dans un délai précis. Il ne peut l'obliger à relever le SMIC au-delà de l'obligation légale, revalorisation qui, à ce jour, est une compétence discrétionnaire du Gouvernement.

Ce projet de loi n'apparaît pas seulement inconstitutionnel au titre de l'exercice de la compétence du législateur, il méconnaît aussi, me semble-t-il, les principes fondamentaux de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Ainsi s'en prend-il au principe de la liberté, notamment de la liberté des salariés et, en l'occurrence, de la liberté de travailler.

Il ne faut pas oublier que deux salariés sur trois touchent une rémunération annuelle nette inférieure ou égale à 1,8 SMIC. Ils n'ont pas tous demandé à travailler moins et, s'ils seraient heureux d'avoir davantage de loisirs, ils veulent d'abord, dans leur très grande majorité, avoir la liberté de gagner plus, de bénéficier des fruits d'une croissance incontestable, tirée en avant par la parité euro-dollar, par les taux d'intérêt bas et par l'explosion des nouvelles technologies. Pour beaucoup, les heures supplémentaires sont le plus, le ballon d'oxygène qui permet de réaliser quelques projets au-delà de la vie quotidienne.

Comment vont faire ceux qui ne pourront plus être payés que 40 h 15 hebdomadaires, en comptant les heures supplémentaires au 1er janvier 2000, puis 39 h 15 en 2001 et, enfin, 38 h 15 en 2002, au lieu de 42 h 15 a ctuellement ? Comment vont-ils faire face à leurs emprunts ? Comment vont-ils payer les remboursements de leur maison ou les études de leurs enfants ? Ces questions ne sont pas théoriques, madame la ministre, elles se posent tous les jours.

Au-delà du salaire, beaucoup aimeraient aussi avoir la liberté de travailler plus ou moins d'heures par semaine, selon leur âge, leur parcours personnel et familial. Mais, à la veille du

XXIe siècle, il n'est pas inutile de rappeler que, en France, un pays qu'on dit « avancé », on n'a pas le droit de travailler davantage à vingt-cinq ans pour s'installer ou moins à trente pour élever ses enfants, ou à cinquante pour mieux profiter de la vie. Vous ne voulez voir qu'une seule tête : tout le monde à 35 heures ! La réduction massive de la capacité de travail des salariés, opérée par les articles 3, 4 et 11 du projet de loi, porte atteinte à la liberté individuelle, sans être justifiée par l'intérêt général ou les exigences constitutionnelles.

Tout aussi importante que la liberté individuelle est la liberté contractuelle. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « le législateur ne saurait porter à l'économie des conventions et contrats légalement conclus une atteinte d'une gravité telle qu'elle méconnaisse manifestement la liberté découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ».

La loi du 13 juin 1998, dite d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, appelait, en son article 2, les organisations syndicales à négocier les modalités de la réduction effective du temps de travail selon les situations respectives des branches et des entreprises.

Plus d'une centaine de branches et un nombre non négligeable d'entreprises ont joué le jeu, sans d'ailleurs en connaître les règles, puisqu'elles ignoraient le sort qui serait réservé au SMIC, aux heures supplémentaires, aux cadres. Ces accords conclus doivent s'appliquer dès lors qu'ils ne sont pas contraires aux principes de l'« ordre public social absolu ».

Vous n'avez eu d'ailleurs de cesse, madame la ministre, de répéter que vous vouliez respecter les accords signés.

Mais les discours sont une chose ; les actes en sont une autre. Dans la réalité, au II de l'article 14, il est précisé que, un an après l'entrée en vigueur de la présente loi, les dispositions non conformes des accords de branche et d'entreprise ne seront plus valables et devront être revues.

En un mot, ce paragraphe porte atteinte à la liberté contractuelle en rompant l'équilibre des accords conclus.

Il ne respecte pas non plus l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995 sur les négociations collectives qui prévoit qu'en l'absence de délégués syndicaux, des accords peuvent être conclus avec des comités d'entreprise ou des délégués du personnel - mais doivent être validés par une commission mixte paritaire au niveau interprofessionnel.

Le législateur ne saurait, sans méconnaître les fondements de notre République, violer en toute impunité la liberté contractuelle qui est un des principes premiers de l'organisation de notre société, sans lequel rien ne saurait se construire de durable et de sûr. La confiance et le consentement libre de toute contrainte sont la base de cette liberté fondamentale.

Quant à vous, vous pensez que votre objectif est bon et, puisque vous êtes au pouvoir, vous décidez de l'imposer quelles que soient les résistances. C'est un passage en force dont je crains qu'il ait des effets négatifs encore totalement insoupçonnés. Car on ne peut aller plus loin qu'on ne peut convaincre, madame.

Le principe d'égalité me semble également bafoué dans cette loi.

L'égalité entre les salariés, d'abord. Dans ce domaine aussi, les exemples ne manquent pas. A l'issue de la période de transition, le projet de loi prévoit que, dans les entreprises ayant signé des accords, les heures supplémentaires seront rémunérées 25 % de plus que les heures normales. En revanche, dans celles n'ayant pas pu ou pas voulu signer d'accord, même si elles sont passées à


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35 heures, les heures supplémentaires ne seront payées que 15 % de plus que les heures normales. Les 10 % restants serviront à alimenter un fonds pour l'emploi. Cela est profondément injuste pour les salariés concernés.

Madame la ministre, lors de la discussion en première lecture du texte, vous aviez justifié cette différence de traitement en ces termes : « Quand il n'y a pas de changement de situation, il n'y a pas de raison que la rémunération change. Le salarié qui faisait 32 heures et reste à 32 heures touche 32 fois le SMIC. On ne voit pas pourquoi il serait subitement augmenté. En revanche, pour celui qui passe de 39 heures à 32 heures, il est normal de prévoir une rémunération mensuelle garantie afin de lui éviter de subir un préjudice. » Mais alors, pourquoi accor-

der ce complément différentiel aux salariés embauchés postérieurement à la réduction du temps de travail ? En effet, ils n'ont pas subi le préjudice que vous estimez à l'origine du versement de ce complément différentiel.

Pourquoi aussi verser ce complément différentiel aux salariés des entreprises créées postérieurement à la réductio n d u temps de travail, par l'intermédiaire de l'article 11 bis ? Tout aussi grave est l'inégalité de traitement entre salariés à temps complet et salariés à temps partiel, et parfois même entre salariés à temps partiel.

Comme le souligne fort justement le professeur Favennec-Héry, « le principe d'égalité entre salarié à temps partiel et salarié à temps complet et la règle de la proportionnalité de leur rémunération sont mis à mal dans plusieurs dispositions de ce projet de loi ».

J'évoquerai d'abord l'octroi, lors de la réduction collective du temps de travail, d'un complément différentiel de salaire aux salariés payés au SMIC, dans le but d'assurer le maintien de leur niveau de rémunération. L'article 16 du texte en étend le bénéfice aux travailleurs à temps partiel si la durée de travail de ces derniers est également réduite. Il l'applique à due proportion aux salariés embauchés à temps partiel postérieurement à la réduction collective du temps de travail. En revanche, cette garantie de maintien de salaire n'est pas due aux travailleurs à temps partiel dont la durée de travail n'a pas varié. Cette disposition va entraîner de fâcheuses distorsions de traitement entre un salarié travaillant depuis toujours à 28 heures et son collègue passé de 32 à 28 heures dans le cadre d'un accord collectif de réduction du temps de travail qui sera mieux rémunéré. Cette question est loin d'être théorique, lorsque l'on sait que 34 % des salariés au SMIC sont des salariés à temps partiel.

Une autre disposition marque une rupture d'égalité en matière de rémunération entre salariés smicards à temps partiel et ceux à temps plein. Jusqu'à ce jour, la jurisprudence avait considéré que « l'attribution d'une prime de compensation devait bénéficier au prorata du temps de travail aux employés à temps partiel présents dans l'entreprise au moment de l'attribution de cette prime ». Dès lors, ceux-ci devraient pouvoir en revendiquer le bénéfice de manière proportionnelle. Or le projet de loi, par une parade juridique au VI de l'article 16, prévoit que le complément différentiel de salaire ou un complément conventionnel destiné à assurer le maintien de tout ou partie de la rémunération des salariés n'est pas pris en compte pour déterminer la rémunération des salariés à temps partiel telle que définie au troisième alinéa de l'article L. 212-4-5 du code du travail ». En d'autres termes, ce paragraphe permet d'éviter l'application du principe de proportionnalité des rémunérations entre salariés à temps partiel et salariés à temps plein. Pourtant, comment ne pas qualifier un tel complément de « rémun ération » alors qu'il est textuellement fait état à l'article 16 d'un « complément différentiel de salaire ».

Au-delà des inégalités de rémunération, il existe des inégalités dans le temps de travail selon que les entreprises ont plus ou moins de vingt salariés, selon que l'on est dans la fonction publique ou dans le secteur privé, et j'en passe.

Et que répondrez-vous, madame la ministre, aux agriculteurs qui, après d'énormes efforts de mise aux normes de leurs exploitations, pour lesquelles ils se sont souvent lourdement endettés, auront à payer la taxe générale sur les activités polluantes, la fameuse TGAP ? Eux qui travaillent en moyenne 70 heures par semaine et prennent au mieux huit jours de vacances par an vont devoir acquitter une taxe conséquente pour permettre à d'autres de ne travailler que 35 heures. Trouvez-vous cette situation équitable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette loi crée aussi des distorsions de concurrence importantes entre les entreprises. Combien de fois, avec mes collègues de l'opposition, ai-je attiré votre attention sur les effets néfastes du seuil des vingt salariés ! Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre spécialisée, la hantise, je dis bien la hantise, des petites entreprises de moins de vingt salariés aujourd'hui est de perdre leurs bons ouvriers qui cherchent à partir dans des entreprises qui vont devoir passer à 35 heures. C'est la réalité quotidienne du terrain !

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

En outre, il existe des inégalités de traitement entre les entreprises ayant signé des accords et les autres. La démonstration n'est plus à faire. La réduction du temps de travail engendrera une augmentation des coûts salariaux de plus de 11 %. Les allégements de charges sociales patronales compenseront en partie cette augmentation mais ils sont subordonnés à la signature d'un accord collectif. Parmi les entreprises de plus de vingt salariés qui vont devoir passer aux 35 heures dès l'an 2000, certaines ne parviendront pas à signer un accord parce qu'elles n'auront pas d'interlocuteur ad hoc ou parce que, économiquement, elles ne le pourront pas.

Les aides vont et iront aux entreprises les plus florissantes.

Les chances des autres s'en trouveront donc diminuées.

Les 35 heures peuvent provoquer à ce niveau aussi une importante rupture d'égalité et créer des distorsions de concurrence.

Liberté, égalité, le principe de fraternité est lui aussi bien malmené par cette loi ! La loi sur les 35 heures va donner du confort à ceux qui en ont déjà et inévitablement marginaliser les plus faibles et les plus fragiles. Est-ce le but recherché ?

M. François Goulard.

Oui !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Tout le monde s'accorde à dire que globalement cette loi ne créera pas d'emplois, dans la mesure où l'on aura l'honnêteté de rendre à César ce qui appartient à César, car c'est à la croissance, repartie de façon spectaculaire, depuis quelque temps, que l'on doit la création de centaines de milliers d'emplois.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.

Très juste !

M. Bernard Accoyer.

Evidemment !


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Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Augmenter à terme le SMIC de plus de 11 %, c'est rendre beaucoup plus haute la marche que doivent franchir les chômeurs. C'est creuser encore le fossé entre actifs et inactifs. Plus le SMIC est élevé, plus les chefs d'entreprise cherchent à mécaniser la production, moins il y a de créations d'emplois.

De plus, la réduction du temps de travail va entraîner dans bien des activités une augmentation de la cadence, que certains auront du mal à soutenir. Elle rendra de plus en plus difficile la remise à niveau de ceux qui ont quitté le monde du travail depuis quelque temps. Les milliards dépensés à compenser le coût de la réduction du temps de travail auraient été plus utiles s'ils avaient été affecté s à la mise en place d'un suivi réellement individualisé des personnes en difficulté jusqu'à leur insertion professionnelle et au-delà, pendant le temps nécessaire pour que leur intégration soit efficace et irréversible. Là est la véritable fraternité. Si nous ne profitons pas de cette reprise économique pour réduire le noyau dur du chômage, quand le ferons-nous ? J'ajoute que la société, les entreprises ont un besoin urgent du travail de ces personnes.

La nouvelle organisation du travail n'aurait pas dû se mettre en route sans que soit prévue, parallèlement, une n ouvelle organisation des transports et des services sociaux, des gardes d'enfants notamment. La perspective d'horaires plus étalés sur la journée ou sur la semaine angoisse bien des salariés, particulièrement les jeunes mères ou les parents isolés. Les 35 heures généralisées vont créer des situations familiales très inconfortables, voire dramatiques, qu'on n'imagine même pas. On me citait la semaine dernière le cas, non isolé, d'une jeune femme qui part au travail à quatre heures du matin avec son enfant de deux ans qu'elle laisse dormir sur le parking, dans la voiture, jusqu'à la pause, dont elle profite pour l'emmener rapidement chez la nourrice.

M. Germain Gengenwin.

Incroyable !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Où est la société solidaire ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

C'est l'application d'une loi que vous avez votée !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Enfin, ce projet de loi - dont on a des raisons de penser qu'il n'est conforme ni à la Constitution ni à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - est également irrecevable en l'état par la société française au moins pour trois raisons.

D'abord, le financement des 35 heures n'a pas été plus négocié que la réduction du temps de travail.

Les mesures de rechange annoncées à la suite du refus de participer des gestionnaires de l'UNEDIC reposent sur une double contradiction. En privant le fonds de solidarité vieillesse d'une partie du droit sur les alcools, les 35 heures assèchent l'un des modes d'alimentation du fonds de réserve pour les retraites - ce fonds étant pourtant la seule mesure que vous ayez annoncée jusqu'à présent pour répondre au très grave problème des retraites. En faisant, d'autre part, reposer désormais le financement des 35 heures sur la taxation des heures supplémentaires, c'est un système absurde que vous mettez en place. Plus nombreuses seront les entreprises qui passent à 35 heures, plus les aides seront élevées, mais plus faible sera le produit de la taxation des heures supplémentaires. Car ne sont taxées que les heures des salariés appartenant à des entreprises qui sont à 35 heures.

Ainsi, plus la dépense croît, plus la recette se dérobe.

En réalité, le projet de loi n'est pas financé, à moins d'alourdir encore les impôts nouveaux que crée la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. La TGAP devrait, à taux constant, voir son rendement diminuer, et la contribution sur les bénéfices des entreprises réalisant plus de 50 millions de chiffre d'affaires a, de l'aveu même d'un rapporteur de la commission des finances, un rendement irrégulier.

On pourrait aussi avoir recours à la taxation, indirecte cette fois, de la sécurité sociale et de l'UNEDIC, qui devait initialement apporter plus de la moitié des crédits dès 2000 et, à terme, plus des trois quarts.

En l'état, aux dires du rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac, le financement des 35 heures apparaît plus qu'incertain.

C'est pourtant 110 milliards qu'il faudra trouver en année pleine, auxquels il faudra ajouter 60 à 80 milliards quand les 35 heures seront étendues aux fonctions publiques.

Ensuite, le contexte économique a considérablement changé depuis la conférence du 10 octobre 1997, où le gouvernement Jospin a rendu les 35 heures obligatoires.

La réduction généralisée est aujourd'hui irrecevable par notre société, parce qu'elle va à contre-courant des besoins de plus en plus grands en main-d'oeuvre qualifiée d'entreprises de plus en plus nombreuses. En Ille-etVilaine et dans le Morbihan, l'inquiétude des patrons des i ndustries métallurgiques, électriques et électroniques grandit. Sans prendre en compte les éventuelles incidences du passage aux 35 heures, c'est 4 700 salariés qu'il faut trouver d'ici à l'été prochain dans ce secteur. C'est u n chiffre considérable, lorsqu'on le rapporte aux 27 600 salariés de la métallurgie actuellement en poste dans ces deux départements.

Le bâtiment manque cruellement d'ouvriers qualifiés : maçons, couvreurs, charpentiers, plâtriers, plombiers, carreleurs, électriciens. Il y a également une pénurie de rout iers, de mécaniciens, de conducteurs d'engins, de vachers, de porchers, de désosseurs, de préparateurs de commandes, de technico-commerciaux dans l'agro-alimentaire, d'agents de propreté et, puisque mes informat ions viennent de Bretagne, j'ajouterai les marinspêcheurs. Et cette liste n'est pas exhaustive.

De nombreux jeunes boudent ces spécialités, non parce qu'elles ne les intéressent pas, mais parce qu'elles sont sous-payées. Le passage aux 35 heures, en gelant des salaires déjà trop bas, aggravera encore la situation.

M. Germain Gengenwin.

C'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Au-delà de cette désaffection, la baisse démographique va, dans les années à venir, freiner l'arrivée des jeunes sur le marché du travail et aggraver encore la pénurie de main-d'oeuvre.

Dans ce contexte, votre réduction autoritaire et généralisée du temps de travail apparaît particulièrement inadaptée, je dirai même plus, néfaste ! Enfin, comment voulez-vous, madame la ministre, que l'intendance suive ? Je n'évoquerai à ce sujet que l'établissement du bulletin de paye à la fin du mois de janvier 2000. Il relèvera, plus que jamais, du parcours du combattant.

La tâche des comptables sera d'autant plus ardue qu'un certain nombre de dispositions seront transitoires. Or le contenu du bulletin de paye ne peut être établi de façon approximative car il est strictement défini par voie réglementaire voir l'article R. 143-2 du code du travail. Le


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non-respect de l'ensemble des clauses obligatoires est m ême sanctionné pénalement, je vous renvoie à l'article R. 154-3 de ce code.

Par ailleurs, le bulletin de paye doit permettre à chaque salarié de savoir si ce qui lui est versé correspond bien à son travail et à sa situation. Comment les comptables pourront-ils jongler avec la durée légale qui n'est pas la même dans les entreprises de plus ou de moins de vingt salariés, les heures supplémentaires qui font l'objet d'un paiement majoré ou/et d'une contribution à un fonds, la durée hebdomadaire et annuelle du travail, le temps partiel, les heures complémentaires et j'en passe ? Que se passera-t-il si la loi n'est pas entrée en vigueur le 1er janvier 2000 ? La durée légale sera malgré tout ramenée à 35 heures pour les entreprises dont l'effectif est supérieur à vingt salariés puisque cette règle résulte déjà de l'article L. 212-1 bis du code du travail né de la loi du 13 juin 1998. En revanche, les droits à heures supplémentaires continueront à s'apprécier à partir du seuil de 3 9 heures puisque l'article L. 212-5 se réfère à l'article L. 212-1 qui fixe à cette hauteur la durée légale, y compris après la loi du 13 juin 1998.

Je souhaite à tous les comptables de France et de Navarre beaucoup de plaisir ! Voilà, mes chers collègues, quelques raisons objectives de voter cette exception d'irrecevabilité.

J'emprunterai ma conclusion à Edmond Maire, qui disait récemment : « Il est absurde de vouloir réussir une réduction du temps de travail sans l'implication des employeurs. Et il fallait vraiment mal connaître l'immense diversité des entreprises pour imaginer qu'elles pourraient toutes, dès l'an 2000, appliquer la loi dans de bonnes conditions. La gauche voulait un acte symbolique pour montrer sa puissance et illustrer son bilan. Elle a offert une nouvelle fois la preuve qu'elle était jacobine, centralisatrice et étatique, y compris dans des domaines, comme la vie de l'entreprise, dont elle ignore les ressorts internes. Le Gouvernement a estimé que la réduction du temps de travail n'allait pas assez vite. Il a donc choisi de passer en force, considérant que les acteurs sociaux, y compris les syndicats, n'étaient utiles que pour discuter à la marge. On arrive alors à la caricature. »

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Germain Gengenwin.

Votons !

M. le président.

Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est certain que les griefs que nous avons contre cette loi ne sont pas principalement d'ordre juridique. Des principes économiques, une conception différente des relations sociales motivent notre opposition totale à cette deuxième loi comme à la première. Il n'en reste pas moins que les objections d'ordre constitutionnel et juridique sont nombreuses.

M arie-Thérèse Boisseau a dressé un panorama très complet de tous les éléments pouvant à ce titre être retenus contre le texte que vous nous soumettez, qui suffirait très largement à nous faire adopter une exception d'irrecevabilité. Mais s'il y avait qu'un point et un seul à retenir pour justifier le vote du groupe démocratie libérale, ce serait l'inégalité de traitement relative au SMIC, juridiquement fondée mais très choquante dans les principes (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Monsieur Gengenwin, vous avez souhaité que l'on vote immédiatement, mais je ne veux pas vous priver de votre droit d'expression ! (Sourires.)

Vous avez donc la parole.

M. Germain Gengenwin.

Je veux laisser à la majorité le temps de doubler la garde, sinon l'exception d'irrecevabilité va être adoptée et il serait dommage de terminer ce débat de si bonne heure ce soir ! Marie-Thérèse Boisseau a excellemment énuméré les arguments qui militent en faveur du vote de cette exception d'irrecevabilité.

Rendre obligatoire la diminution du temps de travail présente véritablement un aspect anticonstitutionnel. En outre, le financement des 35 heures n'est pas assuré. Il repose sur des hypothèses improbables, voire irréalisables, à moins, madame la ministre, que vous ne sortiez au dernier moment l'un de ces amendements dont on se méfie par avance et que nous voyons en principe venir à une ou deux heures du matin ! Marie-Thérèse Boisseau a évoqué la liberté de travailler. Comment voulez-vous que les gens qui ne touchent que le SMIC aspirent à plus de loisirs ? D'abord, ils n'en ont pas les moyens ; ensuite, ce qu'ils veulent, c'est plus de pouvoir d'achat ! Mme Boisseau a aussi évoqué la réduction massive de la capacité de production et de travail alors que notre économie doit être compétitive. Elle a souligné que rendre obligatoire la diminution du temps de travail était un viol des relations contractuelles entre les partenaires sociaux. Quant au principe de l'égalité entre salariés, il sera bafoué puisque les salaires seront différents selon que l'entreprise aura opté pour les 35 heures ou qu'elle restera à 39 heures. Et je ne reviendrai ni sur l'inégalité entre les entreprises qui résultera de cette loi ni sur l'injustice qui consiste à faire payer la réduction du temps de travail aux agriculteurs, c'est-à-dire à ceux qui travaillent le plus ! Voilà pourquoi le groupe de l'UDF votera cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Je suis parfaitement d'accord avec les deux orateurs qui m'ont précédée.

Marie-Thérèse Boisseau a été d'une clarté, d'une luminosité dans l'exposé de ses arguments (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ... Un député du groupe socialiste.

Vite, des lunettes de soleil !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous venez d'arriver, donc vous ne l'avez pas entendue. C'est dommage ! Je vous assure que cela valait la peine ! Marie-Thérèse Boisseau a donc été parfaitement claire et elle a convaincu tous ceux qui ont bien voulu l'écouter. Elle a démontré pourquoi l'exception d'irrecevabilité devait être votée. Elle a rappelé l'absence de clarté de la loi - tout le monde en convient - dont les dispositions seront de véritables casse-tête pour ceux qui auront à les appliquer. Mme Boisseau a rappelé aussi la méconnaissance de la compétence du législateur, qui ne peut qu'annoncer des lendemains un peu difficiles pour le


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Gouvernement et la majorité. Elle a remarquablement parlé de la rupture d'égalité entre les salariés, au regard du SMIC notamment.

J'ajouterai que, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce texte porte l'empreinte - la griffe ! - de cet autoritarisme contre lequel nous nous élevons. Il peut être excellent de travailler moins, mais à condition que l'on en ait envie et que l'on organise les 35 heures. Certainement pas si l'on procède d'une façon uniforme ! Je prendrai un exemple : quand on a plusieurs enfants, on ne leur impose pas d'être rigoureusement identiques ! Pour les entreprises, c'est la même chose. On se demande bien comment une entreprise maraîchère pourrait réagir de la même façon qu'une entreprise du secteur tertiaire !

Mme Odette Grzegrzulka.

C'est une caricature !

Mme Jacqueline Mathieu-Obadia.

Vous auriez dû donner de la liberté à ces entreprises pour leur permettre d'évaluer le temps de travail et d'accepter sa diminution.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe du RPR votera, lui aussi, cette exception d'irrecevabilité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je vous remercie, madame. Je ne voulais pas engager le vote avant que l'opposition ait franchi le nombre fatidique de treize. Treize à table, cela n'aurait pas été bon signe pour le résultat !

M. Bernard Accoyer.

Il n'y avait pas un seul socialiste tout à l'heure !

M. le président.

Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

M. le président.

J'ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la République une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani.

Vous avez souligné, monsieur le président, que les représentants de l'opposition étaient moins de treize. Permettez-moi de faire remarquer que les socialistes quittent l'hémicycle. Je vais attendre qu'ils soient moins de dix !

Mme Odette Grzegrzulka.

On connaît votre discours !

M. Thierry Mariani.

A chacun ses remarques !

M. le président.

Mes chers collègues, je demande à ceux d'entre vous qui souhaitent sortir de le faire dans le calme pour que M. Mariani puisse s'exprimer ! Veuillez poursuivre, monsieur Mariani !

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, nous abordons aujourd'hui la nouvelle lecture de votre projet de loi relatif à la réduction autoritaire, arbitraire et imposée du temps de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

On a du plaisir à vous retrouver, monsieur Mariani !

M. Thierry Mariani.

Je suis désolé, monsieur le président, mais j'utilise les qualificatifs qui, à mon avis, sont les plus adaptés à ce texte.

Malgré les travaux de grande qualité qui se sont déroulés au Sénat, votre majorité et vous-même, madame la ministre, avez décidé de poursuivre dans votre entêtement à imposer les 35 heures à toutes les entreprises,...

M. Alain Cacheux.

C'est original !

M. Thierry Mariani.

... quelles que soient leur taille, leur activité ou leur organisation interne. Nous demeurons quant à nous convaincus que votre projet sera néfaste pour l'emploi, néfaste pour les entreprises, néfaste pour les salariés.

Votre texte nous est présenté comme un remède au fléau du chômage. Je pense que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous avons la même volonté de lutter contre le chômage. Nous pensons tous que tout doit être tenté ou expérimenté pour essayer d'endiguer durablement ce phénomène qui touche nombre de nos concitoyens.

Cependant, vous me permettez de considérer que votre texte, loin d'atteindre son objectif premier, risque fort d'aggraver la situation.

En effet, votre projet de deuxième loi sur les 35 heures met en place un dispositif complexe, contraignant et coûteux, qui a pour principale caractéristique de ne satisfaire que peu de monde. Les nombreuses manifestations et g rèves qui émaillent l'actualité en ce moment en témoignent. Il ne satisfait ni les entreprises sur lesquelles reposera la charge de la réduction du temps de travail, ni les salariés qui devront s'adapter aux contraintes de la flexibilité et accepter un gel, sinon une baisse, de leur rémunération, ni les partenaires sociaux qui financeront eux aussi, par un moyen détourné, le coût de votre mesure idéologique.

Cette vision autoritaire de la négociation collective, cette approche archaïque de la société et de l'entreprise risquent bien d'entraîner notre pays dans une aventure pour le moins hasardeuse. Le bilan plus que mitigé de votre première loi aurait pourtant dû vous amener à réfléchir et à changer votre position sur ce point.

Je souhaiterais dire quelques mots sur le caractère autoritaire de votre démarche qui, à mon sens, hypothèque gravement ses chances de réussite au plan de la création d'emplois. Vous faites de la sémantique en intitulant votre texte « projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail », car force est de constater que la négociation y est réduite à la portion congrue ! Alors que nous considérons que la réduction du temps de travail peut constituer une parade parmi d'autres au problème du chômage dans les entreprises qui le peuvent et qui le veulent, nous ne pouvons vous suivre dans votre logique universaliste, qui méprise les relations sociales dans notre pays. Votre projet de loi, tel qu'il est rédigé, impose à toutes les entreprises quelles que soient leur activité, leur taille ou leur organisation actuelle, une réduction autoritaire, obligatoire et massive du temps de travail sous peine de sanctions. Pensez-vous sérieusement que, dans une entreprise de moins de dix salariés, le passage aux 35 heures pourra créer un emploi ? Je reprendrai un exemple déjà cité en première lecture, mais qui illustre bien les carences de votre texte, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Dans une entreprise de cinq salariés, composée d'une secrétaire, de trois ouvriers et d'un commercial, le passage de 39 à 35 heures effectives va théoriquement libérer vingt heures de travail par semaine. Or, comment voulez-vous trouver


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une personne polyvalente au point de pouvoir effectuer, en vingt heures hebdomadaires, à la fois une partie du travail de la secrétaire, des ouvriers et du commercial ! Cela est impossible et votre échafaudage intellectuel se heurte de plein fouet à la réalité.

Cet exemple montre bien que, dans de telles structures, il est absolument impossible de réduire le temps de travail en créant un emploi supplémentaire. L'entreprise aura donc pour alternative soit de produire moins, soit de recourir à des heures supplémentaires, ce qui alourdira ses charges. Ce que nous essayons, pour l'instant en vain, de vous faire comprendre, c'est qu'il existe des secteurs particuliers, des secteurs pourtant créateurs d'emplois qui ne peuvent s'adapter au nouveau rythme de travail que vous allez leur imposer.

Madame la ministre, à l'heure du développement du multimédia, du télétravail, à l'heure de la mondialisation des échanges et d'Internet, vous continuez de raisonner comme au

XIXe siècle, quand le travail était principalement un travail posté qui permettait alors l'élaboration de grands textes d'ensemble pouvant s'appliquer dans toutes les structures. Vous qui ne cessez, dans les discours au moins, de vous targuer de modernisme, vous qui nous traitez en permanence de « ringards », vous raisonnez avec un siècle de retard quand vous parlez de l'entreprise.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani.

D'ailleurs, la notion de durée légale a-t-elle encore un sens dans nombre d'entreprises familiales et en particulier dans les commerces ? On pourrait se poser la question, d'autant que la France est un des rares pays à disposer d'un horaire légal de travail.

Voilà donc exposé, en guise d'introduction, le principal motif pour lequel nous sommes opposés à cette seconde loi sur la réduction du temps de travail.

Outre cette opposition de principe, qui marque une véritable différence idéologique entre vous et nous, nous décelons dans ce projet trois lacunes majeures, lacunes que vous n'avez pas su combler à l'occasion de la navette et qui restent patentes.

D'abord, votre projet remet en cause la politique contractuelle et le dialogue social.

Ensuite, le texte que vous nous présentez institue de nouvelles contraintes tant pour les entreprises que pour les salariés.

Enfin, troisième lacune - c'est peut-être la plus grave et la plus dangereuse pour l'avenir -, le financement sur le long terme n'est en aucune manière assuré.

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Thierry Mariani.

Première lacune : le non-respect de la politique contractuelle et du dialogue social.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

Force est de constater que le dispositif que vous nous présentez, madame la ministre, constitue un pied de nez inqualifiable au dialogue social.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait !

M. Thierry Mariani.

Contrairement aux engagements que vous aviez pris ici, dans cet hémicycle, le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui ne respecte pas les accords de branche ou d'entreprise conclus sur le fondement de la loi de 1998.

M. Bernard Accoyer.

Il les piétine !

M. Thierry Mariani.

En effet, en prévoyant des dispositions plus rigides que la législation actuellement en vigueur et en refusant de prendre en compte les innovations des dispositions des accords déjà conclus, votre projet, s'il devait être adopté en l'état, rendrait illégales ou maintiendrait dans l'illégalité certaines dispositions contenues dans des accords que vous avez pourtant étendus.

C'est ainsi, madame la ministre, que vous vous trouvez dans la plus totale incohérence. En effet, après avoir vous-même étendu, donc accepté et approuvé, un certain nombre d'accords, voilà que par le biais de votre seconde loi sur les 35 heures, vous les remettez en cause et bouleversez leur équilibre.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

Donnez-nous un seul exemple !

M. Thierry Mariani.

Justement, madame la ministre, j'y viens ! Bien souvent, les accords de branche signés par les partenaires sociaux prévoyaient une durée annuelle de travail supérieure à 1 600 heures, qu'il s'agisse des accords de b ranche du BTP qui prévoyaient un quota de 1 645 heures, ou bien de la chimie et de la banque qui stipulaient des durées de 1 610 heures. Or ces accords n'entrent plus dans le cadre que vous entendez imposer et devront donc être renégociés.

Autre exemple : le contingent des heures supplémentaires. De nombreuses branches ont augmenté de f açon conventionnelle et négociée leur contingent d'heures supplémentaires. Ce faisant, le seuil de déclenchement de la prise du repos compensateur à 100 % était relevé dans les mêmes proportions.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Ça c'est votre interprétation !

M. Thierry Mariani.

C'est le cas du BTP, qui prévoit désormais un contingent de 180 heures par an, des entreprises de propreté avec 190 heures par an ou encore des industries du textile avec 205 heures par an. Que nous proposez-vous ? Vous décidez de maintenir le contingent actuel de 130 heures. Les accords ainsi passés qui prévoyaient d'autres seuils perdent alors une grande partie de leur intérêt puisque les heures supplémentaires effectuées au-delà de 130 heures donneront lieu à l'attribution d'un repos compensateur de 100 %. Troisième série d'exemples : la formation professionnelle. Certains accords - je pense à l'AFB ou à la grande distribution - avaient prévu des modalités de recours à la formation professionnelle qui n'entreront pas dans le cadre de votre dispositif. C'est ainsi - nous vous le répétons une fois encore - qu'aucun accord de branche n'entre désormais dans le cadre, ou plutôt le carcan devrais-je dire, de votre projet de loi. Vous nous rétorquez que les partenaires sociaux qui sont parvenus une première fois à un accord n'auront qu'à se retrouver autour d'une table pour renégocier les points non conformes à votre dispositif. A qui voulez-vous sérieusement faire croire cela ? Que restera-t-il à négocier puisque, par cette seconde là, vous aurez déjà fixé toutes les règles ? Bien souvent, les représentants des salariés avaient accepté un contingent d'heures supplémentaires ou un nombre annuel d'heures supérieur à ce que vous prévoyez dans votre projet en compensation du maintien du niveau des salaires ou d'un autre avantage. C'est ce que l'on a appelé les accords « gagnant-gagnant ». Avec votre méthode et votre conception pour le moins « autoritaire » de la négociation, vous vous apprêtez à remettre en cause ces accords. Cela est à la fois dangereux et irresponsable.

Dangereux, car chaque accord signé par les partenaires sociaux est le fruit d'un équilibre entre l'intérêt des entreprises, leurs possibilités, leurs contraintes et l'intérêt des


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salariés. Qui mieux que les partenaires sociaux peuvent avoir conscience de ce qu'il est possible de faire au sein de telle ou telle branche ? Mais, outre qu'elle est dangereuse, votre attitude est irresponsable, pour ne pas dire méprisante, pour les partenaires sociaux. En effet, vous avez étendu un certain nombre d'accords de branche, ce qui semblait prouver votre approbation, et aujourd'hui vous les remettez en cause avec votre loi. Comment croire, dans ces conditions, à la parole de l'Etat ? Ignorer, comme vous le faites, le travail accompli par les partenaires sociaux revient à casser pour un bon moment le dialogue social dans notre pays.

Mais ce n'est pas tout : votre texte institue de nouvelles contraintes, tant pour les entreprises que pour les salariés.

Pour les entreprises, il va constituer une source quasi inépuisable de nouvelles contraintes. Alors que les entrepreneurs réclament à juste titre plus de souplesse, plus de marges de manoeuvre, alors que les chefs d'entreprise ne cessent de répéter qu'ils ne peuvent plus assumer le montant, aujourd'hui plus que paralysant, des charges qui leur sont imposées, alors que tous s'accordent à penser que les lourdeurs administratives constituent un véritable frein à la bonne marche des entreprises, donc à l'emploi, vous enfermez un peu plus celles-ci dans un étau administratif incompréhensible et vous les accablez de charges supplémentaires. J'évoquerai rapidement deux points pour illustrer ce propos : le régime des heures supplémentaires et celui de la modulation.

S'agissant des heures supplémentaires tout d'abord, le système que vous entendez mettre en place est d'une complexité tout à fait remarquable. Il faudra tenir compte à la fois de deux périodes de transition, de trois modes de rémunération - argent, temps ou rien - et de quatre taux de majoration - 10 %, 15 %, 20 % ou 50 %. Mes chers collègues, n'aurait-il pas été plus simple de prévoir, pour les quatre premières heures, un taux unique de 10 %, ou même de 25 %, sans période de transition, s'appliquant à toutes les entreprises et bénéficiant aux salariés sous forme de majoration de salaire ? C'est ce que nous proposons.

Pourquoi donc avez-vous décidé de complexifier à ce p oint le régime des heures supplémentaires ? Nous comprenons bien que vous souhaitez dissuader de recourir à ces heures supplémentaires, mais, ce faisant, vous oubliez des aspects essentiels. De nombreuses entreprises ont besoin des heures supplémentaires. De nombreux salariés en effectuent pour boucler leur budget, payer les traites de la maison et bien souvent ce n'est pas du luxe.

Enfin, que dire du véritable hold-up...

M. Bernard Accoyer.

Encore un !

M. Thierry Mariani.

... que vous commettez sur le produit des heures supplémentaires ? Le salarié, quand il aura la chance de travailler dans une entreprise appliquant un horaire collectif de 35 heures au plus, ne verra pas forcément son salaire augmenter du fait des heures supplémentaires qu'il accomplira. En effet, si un accord collectif ne le prévoit pas expressément, le mode de rémunération des heures supplémentaires sera l'attribution d'un repos compensateur de 10 % ou de 25 % de l'heure effectuée, et non une majoration de salaire comme c'est actuellement le cas. Ainsi, vous allez pénaliser les salariés qui travaillent plus que les autres.

Curieuse conception du principe d'équité ! Nous voyons bien ici la logique de ce texte qui consiste, en fait, à décourager l'effort et le travail. Nous ne pourrons vous suivre dans cette voie.

En effet, pour nombre d'entreprises, en particulier pour les plus petites d'entre elles, les heures supplémentaires ne sont pas un choix délibéré mais bien une nécessité de production.

Madame la ministre, en abaissant la durée légale du temps de travail tout en maintenant le même contingent de 130 heures et en pénalisant le recours aux heures supplémentaires, vous allez mettre en difficulté de nombreuses PME, vous allez limiter le temps de production des entreprises les plus fragiles, celles qui ne pourront pas embaucher en application de votre loi.

Si le régime des heures supplémentaires constitue une réelle contrainte pour les entreprises, les règles et les bornes que vous entendez fixer à la modulation du temps de travail constituent, à n'en pas douter, une difficulté supplémentaire.

Votre projet de loi maintient le principe selon lequel la durée légale du travail se décompte de façon hebdomadaire.

Vous remplacez les trois types actuels de modulation du temps de travail par un dispositif unique, ce qui, à première vue, pourrait être considéré comme une simplification. Or, hélas ! il n'en est rien.

La modulation des horaires et le recours au travail temporaire ne pourront être institués qu'après avoir été justifiés dans un accord de branche. En effet, l'annualisation n'est pas ouverte de plein droit pour les entreprises.

Toute modification des horaires devra faire l'objet d'une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

Enfin, les 1 600 heures annuelles constituent un plafond au-delà duquel se déclenche le régime des heures supplémentaires.

Nous l'avons vu tout à l'heure, de nombreux accords de branche - que vous avez pourtant étendus - prévoient un temps de travail annuel supérieur au seuil que vous entendez fixer.

C'est ainsi que, contrairement à vos affirmations, vous ne tenez pas compte des négociations que vous avez pourtant appelées de vos voeux dans la première loi.

En refusant l'accès direct à la modulation, sous réserve, bien entendu, de quelques garde-fous, vous refusez de tenir compte de la nouvelle organisation du travail. Vous continuez de raisonner sur des concepts aujourd'hui dépassés.

Dans de nombreuses entreprises marquées soit par la saisonnalité de leur activité, soit par des variations importantes des rythmes de travail, le décompte par semaine n'est plus réellement adapté. Or l'annualisation, ou la modulation, peut être justement l'occasion de développer le « temps choisi ».

Je souhaite que nous puissions avoir sur ce point un véritable débat, débat que vous avez refusé d'ouvrir jusqu'à présent au détriment des salariés eux-mêmes. Et je veux insister sur ce point : votre projet est aussi pénalisant pour les salariés ! Il est pour eux une contrainte.

De nombreux points de votre texte vont, en effet, à l'encontre de leurs intérêts. Nous sommes convaincus que nombre d'entre eux risquent de déchanter lors de l'application effective de votre dispositif.

D'abord, de plus en plus de personnes s'en rendent compte aujourd'hui, en termes de pouvoir d'achat, les salariés vont se retrouver pénalisés par votre loi.

J'entends bien que vous comptez faire de la France une société de loisirs.


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M. Bernard Accoyer.

Bricolage et jardinage...

M. Thierry Mariani.

Cependant, pour profiter de son temps libre, madame la ministre, encore faut-il en avoir les moyens. Or en limitant, comme vous le faites, le recours aux heures supplémentaires, vous diminuez d'autant le pouvoir d'achat de centaines de milliers de nos concitoyens.

Un grand nombre d'entre eux parviennent à boucler leur budget en effectuant justement des heures supplémentaires. Ces dernières constituent bien souvent un supplément de revenu régulier.

Ces salariés ne peuvent faire face aux échéances financières qu'impose le remboursement de leurs crédits qu'avec le supplément de revenu engendré par ces heures supplémentaires.

Votre loi va donc priver ces Français, dont certains ne disposent que de moyens modestes, de ce revenu d'appoint indispensable à l'équilibre de leur budget.

Mes chers collègues de la majorité, vous qui ne cessez de nous donner des leçons, puis-je vous rappeler que, pour une famille moyenne, dont les deux parents travaillent pour des salaires proches du SMIC, les 700 à 800 francs par mois de revenu supplémentaire procurés par les heures supplémentaires constituent une somme importante ? Comme toujours, malgré vos bonnes intentions, vous pénalisez l'effort, vous bridez l'initiative ! Comme toujours avec vous, il est suspect de se donner du mal et vous effectuez une fois encore un nivellement par le bas.

En outre, et c'est pour nous le plus scandaleux, un salarié qui effectuera des heures supplémentaires dans une entreprise qui n'aura pas pu mettre en place un horaire collectif de 35 heures verra le fruit de son travail alimenter un fonds destiné à atténuer le coût induit par la baisse du temps de travail des autres.

C'est tout de même un comble ! Vous travaillerez plus que la moyenne, et non seulement vous ne serez pas rétribué en plus pour votre effort, mais, au contraire, vous financerez le surcoût de la diminution du temps de travail des autres ! Les salariés verront non seulement leur pouvoir d'achat rogné, mais aussi leurs conditions de travail détériorées.

En effet, avec la nouvelle définition du « temps de travail effectif », certaines heures, jusqu'à présent comptabilisées dans la période travaillée, ne le seront plus à compter de l'application de votre loi, et cela malgré tous vos efforts ! Pour de nombreuses entreprises, le seul moyen de gagner un peu de productivité sera d'adopter une attitude plus stricte sur la comptabilisation du temps de travail effectif.

Vous allez « réussir », avec ce texte, à tendre les relations employeurs-employés au sein de l'entreprise, en contraignant les premiers à se montrer plus stricts sur certains points.

Je ne pense pas que ce soit de cette manière que nous parviendrons à relancer le dialogue social. Je ne pense pas qu'au bout de compte, les salariés soient réellement gagnants en termes de conditions de travail.

Votre projet est un leurre pour les salariés. Ces derniers pâtiront du passage autoritaire aux 35 heures, car, contrairement à vos discours, on ne peut pas aussi facilement opposer salariés et entreprises.

Je souhaiterais enfin dire un mot de la situation des cadres, qui n'est toujours pas réglée.

Le projet sur les 35 heures définit arbitrairement trois catégories de cadres : les cadres dirigeants, exclus de toute référence horaire, les cadres de production, soumis aux 35 heures, et les autres cadres, définis par défaut, rémunérés sur la base d'un forfait en heures ou en jours par accord de branche ou d'entreprise. Cette division n'est pas satisfaisante et sera source, nous le savons tous, de très nombreux contentieux.

La mise en place d'un forfait jour pour la majorité des cadres soulèvera plus de problèmes qu'elle n'en résoudra.

On peut légitimement craindre que quelques jours de repos supplémentaires ne se traduisent par une dégradation de la qualité de vie quotidienne.

Au-delà du temps de travail, c'est toute la place des cadres dans l'entreprise qui doit être reconsidérée. Plus que jamais, la participation à la vie de l'entreprise, à son capital et à ses bénéfices doit être la voie à suivre, voie que vous vous refusez obstinément à prendre en considération.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Thierry Mariani.

En ce qui concerne le régime du SMIC, là encore, des zones d'ombres demeurent.

Votre projet de loi propose d'instituer une garantie mensuelle de rémunération des salariés payés au SMIC.

Celui-ci étant un salaire horaire, la réduction du temps de travail impliquerait, en effet, en l'absence d'une telle garantie, une réduction proportionnelle du salaire mensuel des personnes payées au SMIC.

Pour éviter de baisser le revenu de nos concitoyens les moins bien rémunérés, vous instaurez donc une garantie que l'employeur devra verser au salarié sous la forme d'un complément différentiel de salaire.

Les bénéficiaires de cette mesure seront, d'une part, les salariés à temps complet employés dans l'entreprise lors de la réduction du temps de travail ainsi que les salariés embauchés après la mise en oeuvre de cette réduction, à condition bien sûr qu'ils occupent des emplois équivalents à ceux occupés par des salariés bénéficiant de la garantie. En revanche, dans l'hypothèse d'une création d'entreprise postérieure à la réduction du temps de travail, il semble que les 35 heures seront payées 35.

Par ailleurs, pour les salariés à temps partiel, si j'ai bien compris, seuls seront concernés les salariés des entreprises dont l'horaire collectif est ramené à 35 heures.

Votre système revient à créer, nous le répétons, plusieurs revenus minimaux. Selon que l'on sera à temps plein ou à temps partiel, dans une nouvelle entreprise ou dans une ancienne entreprise, sur un poste qui vient de se créer ou sur un poste qui existait déjà, dans une entreprise dont l'horaire collectif est de 35 heures ou non, on ne percevra plus, demain, le même SMIC.

Je pense que nous ne pouvons pas adopter en l'état un tel texte, dont la complexité le dispute à l'inefficacité économique et à l'inégalité entre les salariés ! J'en viens maintenant à la dernière partie de la question préalable, qui vise à dénoncer avec force la façon dont vous comptez financer le passage aux 35 heures. Ce financement, vous le savez, mes chers collègues, est plus qu'hypothétique et n'est toujours pas bouclé.

Après vos différentes volte-face lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le dispositif définitif n'est pas satisfaisant.

Il se compose : d'une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs, pour 39,5 milliards ; du produit de la contribution sociale sur les bénéfices des


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sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs, pour 4,3 milliards ; d'une partie du produit de la taxe générale sur les activités polluantes,...

M. Yves Cochet.

C'est bien, cela !

M. Thierry Mariani.

... dont le champ est élargi, pour 3,2 milliards ; du produit de la taxe sur les heures supplémentaires, évalué à 7 milliards - je me demande d'ailleurs comment vous parvenez à ce chiffre ; d'une contribution de l'Etat, pour 4,3 milliards ; enfin, du produit de la taxe sur les alcools, qui devait financer le fonds social vieillesse, pour 5,6 milliards.

C'est ainsi que vous optez pour des transferts entre le budget de l'Etat et la loi de financement de la sécurité sociale.

Pour financer les exonérations de charges patronales prévues dans le cadre de la loi sur les 35 heures, l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale a créé un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales.

A l'origine, le fonds devait être également alimenté par une contribution versée par les organismes de protection sociale, UNEDIC et sécurité sociale. Face au refus unanime des partenaires sociaux, vous avez fait mine de reculer. En effet, apparemment dispensés de la somme de 5,5 milliards de francs pour les 35 heures, les organismes paritaires doivent, en contrepartie, avancer 5,5 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites.

De son côté, le fonds de solidarité vieillesse, via le produit de la taxe sur les alcools, apportera 5,5 milliards au fonds de financement des 35 heures.

Indirectement, ce seront bien les organismes paritaires, et donc les cotisants au régime général, qui participeront au financement des 35 heures, à hauteur de 5,5 milliards de francs.

M. Germain Gengenwin.

Evidemment !

M. Thierry Mariani.

Enfin, si votre dispositif semble - à tort - bouclé pour l'an 2000, pour les années suivantes, nous sommes dans le flou le plus complet et nous savons que très rapidement, dès 2001, plus de 20 milliards manqueront.

M. Jean-Marc Nudant.

Ça ne sera plus le flou, mais le trou ! (Sourires sur divers bancs.)

M. Thierry Mariani.

Madame la ministre, nous craignons que sur ce dossier, comme en 1981 sur celui de la retraite à 60 ans, une idée généreuse n'aboutisse à terme à creuser un véritable gouffre dans nos finances publiques.

Dans quelques années, le gouvernement qui vous succédera, quel qu'il soit, sera certainement amené à revenir sur ces générosités qui ne sont aujourd'hui pas financées.

Madame la ministre, mes chers collègues, voilà les principaux points pour lesquels nous sommes opposés à l'adoption de votre dispositif en l'état.

Je reviendrai, en conclusion, sur la philosophie de votre texte. Nous la combattons, tant elle nous apparaît, comme l'ont déjà souligné les orateurs de l'opposition, déconnectée des réalités.

Ce qui nous sépare, c'est que nous ne croyons pas que l'instauration généralisée et autoritaire des 35 heures soit une réponse aux angoisses des Français frappés par le chômage.

Votre texte manque indéniablement de cohérence et ne créera que très peu d'emplois. Pire, nous craignons qu'au bout du compte il n'en détruise un certain nombre.

Le projet de loi que vous nous présentez ne pourra atteindre ses objectifs car il procède d'une double erreur : une erreur de méthode et une erreur de fond.

Sur la méthode tout d'abord, on ne peut pas inviter les entreprises à négocier une réduction du temps de travail, puis balayer d'un revers de main le fruit de ces négociations, comme vous venez de le faire. Vous avez, je le répète, une bien curieuse conception de la négociation ! Sur le fond, ensuite, vous commettez une erreur qui relève, à mon sens, de l'escroquerie intellectuelle. Comment voulez-vous faire croire à nos concitoyens qu'en travaillant moins ils gagneront autant et amélioreront de plus leurs conditions de vie ? Votre raisonnement est économiquement inopérant ! Ce n'est pas en additionnant des bouts de contrats libérés par la baisse du temps de travail que vous créerez massivement des emplois ! Ce n'est pas en partageant la pénurie que vous redonnerez du travail aux Français ! Ce n'est pas non plus en leur faisant croire qu'ils vont désormais vivre dans une société de loisirs - bricolage et jardinage, qui vous sont chers - que vous leur redonnerez confiance.

Mes chers collègues, nous ne croyons pas aux recettes miracles et aux solutions faciles qui sont présentées dans cette loi ! Les Français, nous en sommes persuadés, et toutes les études d'opinion le montrent, n'y croient pas non plus.

Les 35 heures pour tous et imposées de façon autoritaire sont l'archétype de la fausse bonne idée.

Votre projet est tout entier basé sur une idéologie ; la même qui, en 1982, avait amené la majorité de l'époque à diminuer d'une heure le temps de travail, avec les conséquences que l'on connaît sur le chômage.

Voux savez très bien que le bilan de votre première loi est plus que contestable. Si vous quantifiez selon on ne sait quel procédé les promesses d'emplois créés ou sauvegardés par l'application de la première loi, vous n'avez mené aucune étude sur les emplois qui n'ont pas été créés du fait de cette même loi ! Et je suis convaincu qu'ils sont nombreux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Votre dogmatisme et votre refus de voir en face la réalité des entreprises, et en particulier des plus petites d'entre elles, conduiront ces dernières à licencier pour mieux maintenir leur compétitivité.

Votre dispositif est bien trop contraignant, bien trop autoritaire. Les entreprises sont différentes les unes des autres. Pour répondre à leur attente, pour favoriser leur développement, nous le répétons, c'est de souplesse dont elles ont besoin, c'est la baisse des charges sociales qu'elles réclament.

Vous faites le contraire en les ponctionnant toujours plus et en leur imposant des contraintes supplémentaires.

Je n'ai pas évoqué le fameux « amendement Michelin », pour lequel vous prévoyez déjà des exceptions, tant il est vrai qu'il ne pourra pas être appliqué.

Je n'ai pas évoqué non plus l'insertion, dans le temps de travail effectif, des temps d'habillage et de déshabillage. Jusqu'à présent, la convention pouvait prévoir que ces heures soient rémunérées, mais elles n'étaient pas incluses dans le temps de travail effectif. Pourquoi revenir sur des dispositions conventionnelles ? Pourquoi compliquer encore un peu plus les conditions de travail dans les entreprises ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

En fait, votre projet, j'en ai bien peur, ne sera pas appliqué. Il n'est que de la poudre aux yeux et vous le savez bien.

Votre majorité ne se grandit pas en adoptant des dispositions aussi contraignantes, aussi détachées de la réalité de l'entreprise. Quand l'idéologie prend le pas sur le concret et le pragmatisme, c'est la France qui perd et les Français qui en paient les conséquences.

Telles sont les raisons pour lesquelles il n'est pas utile de poursuivre notre discussion sur ce texte. Je vous demande, au nom du groupe RPR, de bien vouloir adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

Madame la ministre, vous comprendrez que le groupe Démocratie libérale et Indépendants se retrouve totalement dans les propos tenus par notre collègue Mariani.

Je l'expliquais tout à l'heure à propos de l'exception d'irrecevabilité, nous rejetons ce texte dans son principe même. L'idée d'imposer uniformément par la loi à toutes les entreprises quels que soient leur taille, leur secteur et leur organisation, une baisse de la durée du travail est nuisible à celles-ci, à leurs salariés et à l'économie dans son ensemble.

Nous l'avons dit et redit, cette réduction autoritaire n'est pas susceptible d'avoir un effet positif sur l'emploi.

Aussi est-il naturel que nous soyons parfaitement d'accord avec l'adoption de cette question préalable, qui mettrait fin à l'examen d'un texte tout à fait malvenu.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Thierry Mariani vient de présenter avec son brio et son dynamisme habituels (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) une multitude d'arguments qui font que l'adoption de cette question préalable s'impose.

Les principaux points qui motivent cette adoption tiennent, avant tout, à la situation faite par l'application générale de la réduction du temps de travail aux salariés.

Cette question préalable démontre clairement que ce sont eux qui paieront tous les effets des 35 heures. Que ce sont eux qui, déjà, mesurent la réduction du pouvoir d'achat et l'expriment au travers de multiples mouvements sociaux. Que ce sont eux qui voient planer sur leur emploi l'inquiétude qui se fait jour dans les entreprises soumises à la concurrence internationale.

Les calculs compliqués - SMIC à plusieurs niveaux, temps partiel - sont autant de sources de crainte, car ils auront des conséquences dangereuses.

Selon leur taille, leur secteur d'activité, les entreprises dont la seule faiblesse sera d'être implantées en France seront soumises à de nouvelles conditions particulièrement redoutables.

Le financement même des 35 heures menace la protection sociale. L'effet négatif qu'elles auront sur le salaire de ceux qui travaillent dans les entreprises implantées en France se répercutera sur les éléments de leur protection sociale, qui ne sont qu'un salaire différé. Nous n'avons d'ailleurs connu que très tardivement ce financement, qui aboutit purement et simplement au détournement des finances sociales.

N ous pensons que la réduction-aménagement du temps de travail, librement négociée dans le cadre d'une véritable rénovation du partenariat social et de la protection sociale dans les entreprises et dans les branches, constituait la seule voie.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera la question préalable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Le groupe UDF votera lui aussi la question préalable, car il est en accord avec l'essentiel des arguments qui ont été avancés par Thierry Mariani.

Pour ma part, je reviendrai plus précisément sur trois points. D'abord, il est absolument inadmissible et profondément choquant que les accords qui ont été passés en vertu de la première loi ne soient pas respectés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est un mensonge !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Dans de nombreux cas, les salariés et les chefs d'entreprise se sont assis autour d'une table et ont négocié avec beaucoup de bonne volonté, parfois des jours durant, pour arriver à un accord. Or cette seconde loi va tout remettre en question.

C'est absolument inadmissible. Ce seul point suffirait à nous faire voter la question préalable. Lorsqu'on prétend rénover le dialogue social, on ne commence pas par le tuer.

Ensuite, je veux dire deux mots de ces nombreux salariés en dessous de 1,8 SMIC, dont Thierry Mariani a longuement parlé et qui souffriront certainement le plus de cette loi. Alors qu'ils se sont serré la ceinture pendant plusieurs années, ils ont envie aujourd'hui de profiter des fruits de la croissance. Or ils ne le pourront pas. Laissons-leur au moins le choix. Certes, il y a ceux qui v eulent travailler moins - je le comprends et je l'approuve même dans un certain nombre de cas - mais il y a aussi ceux qui veulent travailler autant, voire plus, pour gagner plus. Des mouvements en ce sens se dessinent dans un certain nombre d'entreprises. Les salariés en ont marre, ils ne veulent pas que leurs salaires soient gelés ; ils veulent avoir leur part des fruits de la croissance, aujourd'hui incontestable.

Enfin, je veux évoquer le problème des cadres, que je n'ai pas abordé dans mon intervention. Vous limitez le travail des cadres à 217 jours annuels. Mais cela ne résout rien. Du reste, les cadres, et notamment les plus jeunes, sont très inquiets. Ils ont le sentiment qu'on leur donne quelques jours de congés supplémentaires en pâture et qu'ils seront par ailleurs taillables et corvéables à merci.

Voilà, je pourrais prolonger longuement cette explication de vote. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mais je m'arrêterai là en rappelant simplement que le groupe UDF votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, le premier orateur inscrit est à M. Yves Rome.

La parole est à M. François Goulard.

M. François Goulard.

La preuve est faite que si la majorité manque parfois, l'opposition, elle, est toujours là !

M me Roselyne Bachelot-Narquin et M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

M. François Goulard.

L'opposition, en effet, va continuer à dire à quel point elle rejette toutes les conceptions qui sous-tendent cette réduction imposée du temps de travail. Loi après loi, lecture après lecture, et quelle que soit l'exaspération que Mme la ministre a feint quelquefois d'éprouver, exaspération qui n'a d'égale d'ailleurs que celle que nous ressentons à l'entendre par moment proférer un certain nombre de contrevérités, nous continuerons à exprimer notre opposition.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Vous êtes un spécialiste !

M. François Goulard.

Merci, monsieur le rapporteur, pour cet hommage. Je sais l'apprécier ! (Sourires.)

La réduction imposée du temps de travail comme polit ique économique n'a strictement aucun fondement économique.

M. Yves Cochet.

C'est faux !

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, M. Rome vient d'arriver !

Mme Marie-Thérèse Boisseau.

Oui mais c'est trop tard !

M. le président.

Monsieur Accoyer, M. Rome était à son banc il y a quelques instants. Il était simplement sorti au moment où je l'ai appelé. Je lui donnerai donc la parole immédiatement après M. Goulard. (Exclamationss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Bernard Accoyer.

Ce sera la jurisprudence Forni !

M. le président.

Mes chers collègues, c'est une question de courtoisie. Il était là ! Reprenez, monsieur Goulard.

M. François Goulard.

Le travail n'est pas la denrée rare que vous croyez et que l'on pourrait partager par la contrainte. L'emploi est seulement limité sur le long terme par les excès de la réglementation, le poids des impôts et le niveau parfois trop élevé des taux d'intérêt.

En outre, il est à court terme sensible, très sensible, à la croissance. C'est si vrai que, en dépit des débats que nous avons en France depuis deux ans et demi, aucun autre pays ne s'est engagé sur une voie comparable à la nôtre.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Monaco !

M. François Goulard.

Voilà une remarque intéressante, madame la ministre. Elle mérite effectivement de figurer au Journal officiel ! (Sourires.)

Personne, nulle part par ailleurs, ne propose la même chose, ni les gouvernements d'inspiration socialiste ni, a fortiori, ceux qui ne le sont pas.

A cet égard, il est quelque peu dérisoire de vous voir rechercher et pointer dans toute la presse nationale et internationale et dans toutes les études d'instituts ou d'établissements bancaires, publiées ici et là, un article isolé vantant les aspects positifs de votre démarche. Ce ne sont jamais que de très faibles marques d'approbation dans un océan de critiques, d'incompréhension, voire d'indifférence condescendante.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Quel sens de la nuance !

M. François Goulard.

C'est la réalité, madame la ministre. N'avez-vous pas cité un seul article et une seule étude ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Je peux en citer d'autres !

M. François Goulard.

Or ce sont à peu près les seuls parmi les milliers de documents qui peuvent paraître aujourd'hui sur le sujet de l'emploi.

M. Bernard Accoyer.

C'est tout à fait vrai !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est que vous ne lisez pas beaucoup !

M. François Goulard.

Les emplois d'aujourd'hui, et je mets de côté les quelques astuces subalternes qui ont été récemment dénoncées par la presse...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Lesquelles ?

M. François Goulard.

Vous savez très bien lesquelles, madame la ministre !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non ! Osez le dire !

M. François Goulard.

Je fais allusion, par exemple, à un article assez fouillé paru dans l'hebdomadaire Le Point ...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et les astuces ?

M. François Goulard.

... dont le titre était assez dur, mais je pense assez exact, et qui portait sur votre traitement statistique du chômage. Je ne nie pas que, grâce à la croissance, des emplois aient été créés. Mais il y a aussi une manipulation statistique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Laquelle ?

M. François Goulard.

Ainsi, les radiations administratives ont progressé de 43 % en un an.

M. Jean Le Garrec, président de la commission.

Cela a toujours existé !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ces personnes ont trouvé du travail !

M. François Goulard.

Bien sûr, madame la ministre ! Il n'empêche que de grands hebdomadaires connus pour leur sérieux n'hésitent pas à titrer sur le trucage des chiffres de l'emploi !

M. Bernard Accoyer.

Ils dénoncent la triche !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous attaquez les fonctionnaires de l'ANPE !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Allez le dire aux fonctionnaires, cela leur fera plaisir, monsieur Goulard !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est pitoyable !

M. François Goulard.

Les emplois qu'apporte la croissance sont réels. Mais cette croissance, mes chers collègues, on ne la doit pas au miraculeux M. Strauss-Kahn.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Bien sûr ! C'est à vous qu'on la doit !...

M. François Goulard.

Elle est née d'abord dans les pays les plus libéraux, que cela vous plaise ou non. Depuis une décennie, en effet, elle s'est développée en particulier aux

Etats-Unis.

M. Yves Cochet.

Dans quelles conditions !

M. François Goulard.

Puis, elle s'est propagée dans le monde entier grâce à la libéralisation des échanges que certains sur ces bancs décrient volontiers. Oui, c'est grâce à cette mondialisation, à cette ouverture des frontières que la croissance, née dans certains pays, profite aujourd'hui à l'ensemble du monde.

M. Yves Cochet.

Comment peut-on dire une chose pareille !

M. François Goulard.

La croissance est due aux nouvelles technologies, aux nouveaux marchés, dont le Gouvernement se targue parfois d'avoir encouragé l'essor.

Les nouvelles technologies sont les filles de la dérégulation des télécommunications.

M. Yves Cochet. Pas du tout !

M. François Goulard.

Ainsi, sans déréglementation des télécommunications, Internet ne se serait jamais développé. Les monopoles l'auraient interdit.

M. Laurent Dominati.

C'est vrai !

M. Gérard Terrier.

Quels monopoles ?

M. François Goulard.

Ils ont toujours empêché le développement des réseaux libres.

M. Gérard Terrier.

N'importe quoi !

M. François Goulard.

Il n'est que de voir l'attitude de France Télécom, qui a encore une position quasi monopolistique : elle met des obstacles considérables au développement d'Internet par une politique tarifaire parfaitement critiquable.

M. Laurent Dominati et M. Bernard Accoyer.

Exact !

M. Gérard Terrier.

Vous prenez vos désirs pour des réalités !

M. Yves Rome.

Revenez sur terre, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

Je voulais simplement rappeler que la croissance, qui fait aujourd'hui sentir ses effets positifs y compris dans notre pays - mais pas plus qu'ailleurs, et plutôt moins depuis 1997 -,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il faut oser le dire !

M. François Goulard.

J'ose, madame, parce que c'est la vérité ! Il est incontestable que la croissance est d'abord née aux Etats-Unis et qu'elle a pu se propager grâce à la liberté des échanges,...

M. René Mangin.

Et c'est sans doute pour cela que vous avez dissous !

M. François Goulard.

... liberté que certains de vos amis critiquent si fortement et si violemment. Et il est non moins incontestable...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Qu'elle est moins forte en France que dans les autres pays, j'imagine !

M. François Goulard.

... que l'un des facteurs déterminants de cette croissance est à chercher dans une évolution technologique qui a été rendue possible par la fin des monopoles des télécommunications. Vous pourrez toujours vociférer, la réalité est là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Avec les 35 heures, vous avez fait un choix qui n'est pas majoritairement voulu par les Français.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

On verra bien !

M. François Goulard.

En effet, avant 1997, ni d'ailleurs depuis, nous n'avions pas noté que la réduction du temps de travail était une revendication prioritaire. En tout cas, elle venait loin derrière la revendication salariale. Vous avez donc fait le choix du temps libre contre celui du revenu.

M. Yves Rome.

C'est faux ! Ce sont des mensonges !

M. François Goulard.

Monsieur Rome, vous auriez pu vous exprimer avant moi. Vous le ferez après, par la grâce du président. Mais en attendant, laissez-moi la parole ! Modération salariale au mieux, perte de revenu dans d'autres cas, en particulier pour ceux qui faisaient des heures supplémentaires : tel est votre choix, mais ce n'est pas celui des Français.

En échange des 35 heures, vous avez fait, en lieu et place des salariés, le choix d'une organisation du travail qui sera souvent plus contraignante, avec une plus grande annualisation et davantage de travail le week-end, et au bout du compte moins favorable aux salariés.

M. Gérard Terrier.

Vous en avez rêvé, Aubry l'a fait (Sourires.)

M. François Goulard.

Vous avez fait le choix d'un durcissement, d'une complexification inouïe de la réglementation du travail, qui était déjà beaucoup plus lourde qu'ailleurs. Nombre d'experts ont d'ailleurs vu dans cette complexité un obstacle sérieux au développement de l'emploi. Je rappelle que le chômage reste plus élevé en France que dans la plupart des pays comparables et c'est probablement l'un des facteurs qui l'expliquent.

Or, après la probable adoption de cette deuxième loi sur la réduction du temps de travail, nous allons atteindre des sommets en la matière. Je vais l'illustrer par quelques exemples qui ne sont malheureusement pas exhaustifs.

D'abord, le régime des heures supplémentaires. Nous n'aurons pas moins de douze contingents annuels d'heures supplémentaires suivant l'effectif de l'entreprise et l'année, entre 2000 et 2004.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il n'y en a qu'un par entreprise ! Il faut prendre en compte la réalité des entreprises !

M. François Goulard.

En tout cas, madame la ministre, les entreprises qui franchiront le seuil de vingt salariés entre 2000 et 2002 auront à tout le moins un peu de mal à s'y retrouver !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Non, c'est réglé dans la loi ! Encore faut-il la lire !

M. François Goulard.

Vous, vous connaissez votre loi.

Mais admettez que les chefs d'entreprise aient des choses plus sérieuses à faire que de passer des heures pour essayer de pénétrer les arcanes de la législation que vous allez leur imposer !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Drôle de propos pour un député !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. François Goulard.

Douze contingents annuels d'heures supplémentaires suivant l'effectif de l'entreprise et l'année entre 2000 et 2004. Quatre taux de majoration distincts pour ces heures supplémentaires : 10 %, 15 %, 25 % ou 50 % - Marie-Thérèse Boisseau a fait allusion aux problèmes pratiques que cela posait simplement pour l'établissement des feuilles de paie. Trois types d'affectation des majorations pour heures supplémentaires : affectation intégrale à un fonds destiné à compenser le coût des 35 heures, ou bien affectation intégrale aux salariés, ou encore affectation partagée entre les deux.

M. Bernard Accoyer.

Comme tout cela est simple !

M. François Goulard.

Il y a encore trois catégories de cadres, avec des modes de décompte de la durée du travail également variables.

S'agissant des accès aux aides financières destinées à compenser partiellement l'augmentation du coût horaire du travail, nous n'avons pas moins de cinq modes d'accords ou d'approbation, suivant la taille de l'entreprise, la signature ou non par une organisation majoritaire ou non dans l'entreprise, la présence ou non de délégués syndicaux, la possibilité ou non de mandatement par une organisation syndicale.

Je l'ai dit, le droit du travail sera plus complexe et considérablement durci. Je passe sur la limite portée à la durée annuelle du travail, sur les contraintes nouvelles pesant sur les heures supplémentaires. Je m'arrêterai simplement un instant sur la nouvelle définition du temps effectif, avec tous les problèmes que cela peut poser : le temps de pause, le temps de restauration, le temps d'habillage et de déshabillage, les 44 heures sur 12 semaines, les 1 600 heures - nouveau décompte pour intégrer les 35 heures - mais qui sont en retrait, à droit constant, par rapport à ce qu'auraient donné les 35 heures en tenant compte des jours fériés qui ne sont pas obligatoirement chômés.

M. Yves Rome.

Ah bon ?

M. François Goulard.

Eh non, monsieur Rome ! Je suis heureux de vous l'apprendre. Le droit positif du travail est celui-là aujourd'hui, mais vous le changez en votant ce contingent annuel de 1 600 heures.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais vous savez tout, monsieur Goulard ! Vous nous émerveillez ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Accoyer.

M. Rome le découvre en séance !

M. François Goulard.

J'aurai au moins participé à l'éducation d'un membre de la majorité ! Autre exemple de durcissement du code du travail, et qui n'est pas mince : la condition nouvellement posée - elle a été introduite par voie d'amendements - d'un accord ou du moins de la recherche qualifiée de loyale et sérieuse d'un accord préalablement à un plan social.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Une belle avancée !

M. François Goulard.

Je passe sur les difficultés tenant à l'incertitude juridique qui va naître. Pendant plusieurs années, avant que la Cour de cassation ne se soit prononcée sur des dispositions qui vont poser des problèmes aux spécialistes du droit du travail, il y aura une incertitude fort dommageable pour la conduite des entreprises.

Vous prétendez, madame la ministre, faire une large place à la négociation et aux accords. Voyons dans quelle mesure. Lorsque nous parlons d'accords, nous entendons négociations, tandis que vous, vous pensez réglementation. Et ce n'est qu'une fois que la loi a tout fixé que vous faites intervenir un accord.

Je peux encore citer de multiples exemples qui vont compliquer sérieusement la vie des entreprises dans un inventaire, hélas, non exhaustif : la mise en place de l'annualisation, l'organisation de la réduction du temps de travail sous forme de jours de repos, le paiement en argent des quatre premières heures supplémentaires, le décompte en jours ou sur la base d'un forfait annuel du temps de travail des cadres, l'organisation de la formation en dehors du temps de travail, l'annualisation du temps partiel, la mise en place du travail intermittent, l'accès aux aides financières.

Prenons l'accès aux aides financières. L'allégement des charges, nous le disions à propos de la sécurité sociale, est à la fois partiel, conditionnel et inégalitaire.

Contrairement à toutes vos assertions, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires sociales, il est partiel. Les chiffres sont parfaitement éloquents - je les tire d'un tableau réalisé par le rapporteur du budget de l'emploi qui montrent de manière évidente que, à l'exception des salaires égaux à 1,2 fois ou 1,3 fois le SMIC, en tenant compte de la ristourne dégressive qui existe à l'heure actuelle, les aides sous forme d'allégement de charges sociales sont toujours sensiblement inférieures à 10 % des salaires. Autrement dit, les allégements de charges sociales ne compensent pas l'augmentation du coût horaire du travail.

M. Bernard Accoyer.

Tout à fait, il faut le répéter !

M. François Goulard.

J'ajoute que, bien évidemment, au-delà de 1,3 fois le SMIC, qui n'est pas encore un salaire considérable, il n'y a strictement aucune compensation.

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. François Goulard.

Quant à l'aspect conditionnel de l'allégement des charges, il est extrêmement grave car la direction de l'entreprise ne maîtrise pas totalement les conditions auxquelles son attribution est soumise. Vous prenez là le risque considérable de fragiliser les entreprises les moins solides, celles précisément qui ne pourront pas supporter le choc des 35 heures, l'augmentation du coût horaire du travail. Celles-là risquent fort d'être écartées du mécanisme d'allégement des charges, donc d'être condamnées par la concurrence.

Inégalitaires, ces allégements, on l'a vu, ne profitent pas à toutes les entreprises. Et inégalitaires, ils le sont également dans leur financement, puisque la charge de 110 ou 120 milliards que ces allégements représenteront en année pleine ne pèsera pas de la même manière sur les entreprises françaises. Vous créez de très sérieuses distorsions de concurrence qui seront lourdes de conséquences pour notre économie.

Madame la ministre, vous avez certainement connu, dans la présentation et l'adoption de la première loi et dans la discussion de la seconde, les périodes les plus favorables que vous aviez à vivre dans ce grand débat.

Vous avez bénéficié des effets d'annonce politiques. Les entreprises qui pouvaient, en réduisant la durée du travail, créer commodément des emplois l'ont fait.

Mais aujourd'hui, vous allez avoir à connaître les difficultés de toutes les autres entreprises, c'est-à-dire l'immense majorité de celles-ci, qui vont se heurter à la pénurie de main-d'oeuvre, à l'augmentation de son coût - et nous savons que, dans certains secteurs, cela est


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déterminant pour la compétitivité -, aux problèmes d'organisation du travail. Ces entreprises et leurs salariés vont être confrontés à des conflits, à des tensions nouvelles, à des déceptions, à des désillusions.

Que se passera-t-il, madame la ministre, dans les entreprises où l'on avait coutume de dépasser allègrement les 39 heures ? Croyez-vous que, une fois votre loi votée, ô miracle, on respectera désormais les 35 heures ? Et je ne parle pas des très petites entreprises de moins de 20 salariés.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Goulard !

M. François Goulard.

Je termine, monsieur le président.

Je dirai également un mot du secteur public, en paraphrasant une chanson célèbre de Boris Vian qui disait :

« Vous êtes bon apôtre, monsieur le président. » Vous

êtes bon apôtre, également, madame la ministre, qui imposez à l'économie marchande, déjà soumise à toutes les contraintes, les 35 heures, alors que vous n'osez pas les évoquer pour le secteur public. Le problème budgétaire est tellement énorme que vous allez repousser l'échéance. Mais ce problème budgétaire, que vous connaissez en tant que responsable gouvernementale, croyez-vous que les entreprises l'ignorent quand il s'agit de faire le compte de leurs charges ? En conclusion, monsieur le président, voilà une loi qui va faire peser des règles de plus en plus lourdes sur notre économie, sur notre société. Les espaces de liberté, pourtant nécessaires à la discussion collective, sont de plus en plus restreints. La sagesse du législateur devrait l'incliner à laisser aux partenaires sociaux un espace pour négocier ; or il n'y en aura plus après l'adoption de la loi. Les entreprises et les salariés ont besoin de liberté pour créer, innover, pour opérer des choix, décider s'ils préfèrent travailler plus pour gagner davantage.

Il y a, madame la ministre, une contradiction fondamentale entre votre conception et l'évolution de l'économie et de la société, qui demandent de la souplesse, de l'adaptation, de la diversité et non un carcan réglementaire, constitué de lois rigides et uniformes. Nous atteignons là, je le pense, le paroxysme d'une période d'excès réglementaristes dirigés tous azimuts. Je souhaiterais que ce soit là l'ultime manifestation d'un tel excès.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous invite à respecter votre temps de parole de manière que nous restions dans le temps global qui a été fixé en conférence des présidents pour la discussion générale.

La parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la politique économique et sociale initiée par la nouvelle majorité et le gouvernement de Lionel Jospin est parvenue à redonner consistance et crédibilité à l'action de l'Etat, notamment face au problème endémique du chômage. Les gouvernements précédents, partagés entre l'autoritarisme et l'impuissance, avaient, au contraire, démontré leur incapacité à réformer notre société.

M. François Goulard.

Vous faites dans la nuance !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est excellent !

M. Yves Rome.

Monsieur Goulard, la croissance était en panne, le chômage et les déficits publics ne cessaient de croître. Cela nous a même valu une dissolution.

M. Bernard Accoyer.

Nous parlerons plus tard de ce qui s'est passé avant !

M. Yves Rome.

Cette politique dépressive et déprimante a cédé la place, dès juin 1997, à une action volontariste, optimiste, confiante dans la société, bref, une approche nouvelle qui porte aujourd'hui ses fruits.

M. Bernard Accoyer.

Voilà qui a le mérite de ne pas être schématique...

M. Yves Rome.

Tant au regard de l'économie que du social, l'instance politique a retrouvé toute sa place, rien que sa place.

M. Hervé Morin.

Il a dû faire science-po !

M. Yves Rome.

En fixant pour priorité absolue à l'ensemble du Gouvernement de lutter contre le chômage et l'exclusion, le Premier ministre, Lionel Jospin, a courageusement rompu avec le fatalisme ambiant.

M. Gérard Bapt.

C'est vrai !

M. Yves Rome.

Il a redonné de la consistance à l'action gouvernementale et de l'espoir aux Français.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument !

M. Bernard Accoyer.

C'est tranché à la hache !

M. Yves Rome.

Dans le même temps, en sollicitant la participation des collectivités locales dans la bataille pour l'emploi des jeunes, en impliquant les partenaires sociaux dans la réduction du temps de travail, la nouvelle majorité de gauche a compris et démontré que l'action de l'Etat a des limites que la société pleinement mobilisée, elle, ne connaît pas.

Les résultats de cette politique, en à peine plus de deux ans, sont édifiants. « Tous les indicateurs français sont au vert », titrait récemment un grand journal quotidien. Les prévisions de croissance sont révisées à la hausse, les exportations progressent, la consommation des ménages est soutenue.

M. François Goulard.

Merci, l'OMC !

M. Yves Rome.

Le soutien de la croissance, la réduction du temps de travail et les emplois-jeunes ont permis d e créer, depuis le début de l'année, plus de 400 000 emplois. Pendant ce temps, l'investissement des entreprises progressait, lui, de plus de 7 %. Ce dynamisme retrouvé de l'économie française, qui n'avait pas connu une telle embellie depuis plus de quarante ans...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Eh oui !

M. François Goulard.

Merci, les entreprises !

M. Yves Rome.

... ne semble pourtant pas avoir été perçu par les responsables du MEDEF, pas plus que par ceux de l'opposition. Les uns et les autres se satisfont de postures partisanes dans le débat sur les 35 heures qui nous préoccupe encore aujourd'hui.

Sous l'impulsion de M. Seillière, votre ami, « le parti de l'entreprise », conduit, en fait, une entreprise de parti plus politicienne que citoyenne, visant à combattre par tous les moyens la réduction du temps de travail, au mépris des principes les plus élémentaires de la démocratie. Non contentes de prôner l'immobilisme social, les instances dirigeantes du MEDEF n'hésitent pas...


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Cessez de faire de la publicité à M. Seillière !

M. Yves Rome.

... à faire pression sur la représentation nationale et éventuellement le Gouvernement, en menaçant de démolir le paritarisme qui fonde notre système de protection sociale depuis cinquante ans.

Comment comprendre autrement les menaces que le MEDEF laisse planer quant à sa participation aux organismes de sécurité sociale ou sa volonté de négocier la nouvelle convention d'assurance chômage ? La promesse d'une troisième mi-temps après le vote du Parlement fait évidemment sortir le MEDEF de sa mission d'organisation patronale et l'oblige à jouer un jeu partisan bien dangereux.

Si l'Etat, le mouvement syndical et nombre d'entrepreneurs ont parfaitement assumé leur rôle dans la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, le MEDEF, en revanche, est sorti du sien, encouragé par la vacuité de vos propositions dans ce débat.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Encouragé par le dogmatisme de vos propos !

M. Yves Rome.

Alors que la réforme de la réduction du temps de travail, plus que toute autre, appelle au dialogue, à la négociation, à l'innovation, les élus de l'opposition ont adopté une attitude crispée et figée, empreinte de catastrophisme à l'Assemblée nationale et véritablement catastrophique au Sénat.

Pendant la première lecture du texte, la droite, influencée en cette fin de millénaire par les plus sombres prédictions de Nostradamus, n'a eu qu'une vision apocalyptique du passage aux 35 heures. M. Goulard vient encore de nous le démontrer.

La majorité sénatoriale, quant à elle, a endossé le costume du Bourgeois gentilhomme. A l'instar de M. Jourdain, elle a écrit, sans bien s'en rendre compte, le petit bréviaire d'une société ultralibérale dans laquelle le légis lateur lui-même s'interdirait de légiférer.

M. François Goulard.

C'est faire beaucoup de crédit aux sénateurs !

M. Yves Rome.

Sous prétexte de la libre négociation du fort au faible, le Sénat a taillé en pièces le projet adopté par notre assemblée, qui entend, au contraire, promouvoir une société régulée dans laquelle l'Etat n'abdique pas son rôle.

Selon les propos mêmes de M. Souvet, rapporteur pour le Sénat à la commission mixte paritaire, la Haute Assemblée a procédé à une opération - entendez-moi bien - de « nettoyage juridique » qui pourrait s'apparenter, pardonnez-moi l'expression, à une véritable mise à mort du droit du travail. Bien sûr, ces turpitudes se drapent des atours de la vertu et se dissimulent derrière la prétendue conviction que la réduction du temps de travail ne permettra pas d'obtenir des résultats en termes de créations d'emplois supérieurs à ceux résultant de la simple croissance économique. Mme Boisseau a elle aussi tenté, sans trop de conviction, de démontrer cette thèse.

Une enquête avait, d'ailleurs, été diligentée à cet effet par le Sénat pour donner des bases scientifiques à ces a priori idéologiques. Mais - comme l'a rappelé récemment le ministre de l'économie et des finances - cette étude, au contraire, a révélé que la réduction du temps de travail laissait espérer la création de 400 000 emplois supplémentaires à l'horizon 2005.

M. Gérard Bapt.

Ils ont dû être surpris !

M. Yves Rome.

Voilà une nouvelle version, législative et moderne, de l'arroseur arrosé ! (Sourires.)

De même, cette conviction soudaine des sénateurs que le salut viendrait de la négociation sociale surgissant par génération spontanée est plus que suspecte. les crispations actuelles du MEDEF démentent clairement l'optimisme de cette vision qui ne vise, au fond, qu'à prôner le « laisser-faire, laisser-aller » social.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Encore ! Vous les aimez, ce n'est pas possible !

M. Yves Rome.

Le message qui nous est envoyé par la Haute Assemblée est pourtant clair : les sénateurs, qui ont le goût du paradoxe, ne sont pas contre la réduction du temps de travail mais suppriment dans la loi le principe de l'abaissement de la durée légale du travail, ainsi que tous les articles qui en constituent le prolongement. Sur le terrain de la réduction du temps de travail, la droite parlementaire est donc partagée entre l'absence de propositions à l'Assemblée nationale et la proposition d'absence au Sénat.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ça, c'est beau !

M. Yves Rome.

Nos concitoyens, qui, partout, se mobilisent pour imposer la réduction du temps de travail, jugeront. Pour ce qui la concerne, la majorité plurielle aura à coeur, sous réserve de quelques adaptations, de ne point modifier l'économie générale du texte qu'elle avait adopté en première lecture.

Le réveil du mouvement social sur le thème de l'emploi et du temps de travail est, en quelque sorte, l'hommage rendu au législateur qui a assumé pleinement ses responsabilités sans pour autant confisquer le débat.

La dialectique enclenchée est innovante, subtile et, certes, parfois déroutante pour les catégories socioprofessionnelles qui font l'apprentissage, à la faveur de cette réforme, de la négociation sociale et de la défense d'intérêts collectifs. Je pense, bien évidemment, aux cadres qui n'auraient rien à espérer d'un éventuel durcissement de la loi mais qui, au contraire, ont tout à gagner des opportunités de négociation qui leur sont offertes par le texte que nous allons adopter, en en précisant toutefois les contours pour certaines modalités, notamment dans la mise en oeuvre des forfaits jour.

C omme l'affirme l'Union confédérale des cadres CFDT, « l'architecture globale du texte est satisfaisante ».

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Absolument ! Quelle bonne remarque !

M. Yves Cochet.

Et les cadres CGT ?

M. Yves Rome.

Il appartient désormais aux partenaires sociaux de réaliser les finitions et de planter le décor de l'entreprise moderne, qui préférera le dialogue à la concertation, l'intégration à l'exclusion, le partage à la confiscation, rejetant à la fois le catastrophisme du prétendu parti de l'entreprise et l'impuissance des partis de l'opposition nationale.

C'est par la mobilisation de tous les acteurs de l'entreprise, communauté humaine de création et de production, que nous construirons une société plus efficace parce que plus solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, au nom du groupe RPR, je demande une suspension de séance.

M. Maxime Gremetz.

Juste au moment où je devais prendre la parole ! (Sourires.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est pour mieux apprécier votre discours ensuite. (Sourires.)

M. le président.

La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinq.)

M. le président.

La séance est reprise.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz.

Nous examinons aujourd'hui, en deuxième lecture, ce grand projet de société et de civilisation qu'est la réduction du temps de travail sans diminution de salaire et avec création d'emplois correspondants.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

J'adore les contes de fées !

M. Maxime Gremetz.

Le groupe communiste réaffirme qu'il y a nécesssité et même urgence à répondre à ces besoins modernes de notre époque.

Il s'agit de libérer du temps pour se cultiver, se distraire, participer à la vie associative, être avec sa famille, exercer pleinement sa citoyenneté ; de lutter contre le chômage et la précarité en créant des emplois stables et correctement rémunérés ; de réorganiser le travail en améliorant les conditions de travail et en donnant la parole et des droits nouveaux aux salariés.

La réalisation de ces objectifs est étroitement liée aux dispositions de la seconde loi sur la RTT et aux conditions de la négociation.

Lors de l'examen du texte en première lecture, nous les avions comme guide et ils ont déterminé notre vote favorable.

En première lecture, notre démarche a consisté à améliorer, à enrichir les dispositions de la loi afin de permettre une mise en oeuvre plus efficace de la réduction du temps de travail.

Rien d'étonnant à ce que la droite conservatrice...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Et réactionnaire ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz.

... ait, au Sénat, comme elle avait tenté de le faire à l'Assemblée nationale, bouleversé le texte pour revenir à la donne et aux souhaits du MEDEF.

La commission des affaires sociales est, fort heureusement, revenue à la philosophie progressiste de cette loi.

Comme vous le savez, madame la ministre, chers collègues, nous nous réjouissons de voir que des amendements significatifs, que nous avions proposés, se retrouvent dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui.

Je pense notamment aux modifications apportées au chapitre VIII relatif au développement de la négociation et à l'allégement des cotisations sociales, qui subordonnent l'aide financière à un accord collectif et à la création ou à la préservation d'emplois. L'accord doit obligatoirement indiquer le nombre d'emplois créés ou préservés dans un délai d'un an. Des moyens nouveaux sont donnés aux syndicats et aux représentants du personnel afin de suspendre ou de supprimer les aides financières dans l'hypothèse où les engagements de l'accord ne seraient pas tenus.

Un bilan annuel sera soumis au contrôle du Parlement pour apprécier l'utilisation des fonds publics et leur impact sur l'emploi. Le comité d'entreprise sera informé des aides à l'emploi dont bénéficie l'entreprise et une instance paritaire de suivi sera mise en place dans chaque entreprise. Je rappelle ce dont nous sommes convenus.

De même, chaque année, le Parlement examinera l'utilisation des fonds publics.

La subordination de l'octroi des aides financières à la création ou à la préservation d'emplois était, pour le groupe communiste, un point essentiel et il a été déterminant pour notre vote en première lecture.

Une grande avancée sociale a été obtenue par l'adoption du principe majoritaire. En effet, la seconde loi impose, pour l'obtention des allégements de cotisations sociales liés à la réduction du temps de travail, la signature d'un syndicat ou de syndicats représentant la majorité des salariés aux élections professionnelles. Nous avions, lors de l'examen de la première loi, proposé cette mesure car nous considérons qu'elle constitue un progrès essentiel pour la démocratie. C'est un point d'appui fort pour les organisations syndicales dans la conduite des négociations.

D'autres avancées ont été obtenues sur la durée du travail effectif, du travail posté et du travail du dimanche : l'abattement de 30 % pour le temps partiel est supprimé pour les nouveaux contrats, le comité d'entreprise devra être consulté en cas de changement d'horaire, les salariés mandatés pourront bénéficier d'une formation liée à leur mandat. Ce sont ces objectifs de progrès social qui, dès la première loi, ont conditionné le vote positif de la majorité plurielle.

Mais ne déclinons pas un catalogue. Engageons-nous plutôt dans un nouveau travail d'amélioration du texte examiné en deuxième lecture.

Au terme de la première lecture, certaines dispositions - non négligeables - méritent d'être rediscutées pour que l'application de la RTT réponde aux objectifs annoncés dès 1997 par le Gouvernement.

C'est dans cet esprit constructif et pour la réussite de la RTT que nous avons déposé nos amendements. Ils répondent aux premières insatisfactions que nous avions relevées dans notre explication de vote en première lecture. Nous avions alors, je le rappelle, cité quatre points essentiels : les cadres, le régime des heures supplémentaires, les fonctions publiques et le financement.

Depuis cette date, des évolutions, je tiens à le souligner, sont intervenues et il en est tenu compte dans les amendements que nous déposons en deuxième lecture.

Concernant le financement, nous étions fortement opposés aux prélèvements de sommes dans les caisses de la sécurité sociale et de l'UNEDIC pour alimenter les aides financières aux entreprises pour le passage aux 35 heures. Nous avons été nombreux à protester contre ces mesures et nous nous félicitons que le Gouvernement y ait renoncé.

Lors de la discussion de la loi du 13 juin 1998, la RTT dans les fonctions publiques avait déjà, à notre initiative, été évoquée. Il ne s'agit pas, bien sûr, de régl ementer la réduction du temps de travail dans ces secteurs.

Mais nous demandons au Gouvernement de montrer qu'il a la volonté de l'y voir également mise en oeuvre.

Aussi proposons-nous dans un amendement, que celui-ci présente chaque année au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre de la RTT dans les fonctions publiques.

Mon ami Bernard Birsinger interviendra, au nom du groupe communiste, sur ce sujet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Quant au régime des heures supplémentaires, il est un frein à la réduction réelle du temps de travail puisque les périodes transitoires et d'adaptation repoussent l'application effective de la loi.

Le passage aux 35 heures sans perte de salaire avait été clairement annoncé par le Premier ministre dès 1997, lors de la présentation de son programme. La première loi devait permettre une transition pour donner le temps aux entreprises d'ouvrir des négociations et de mettre en oeuvre des mesures adaptées à chacune d'entre elles. Les chefs d'entreprise ont donc eu le loisir de s'organiser pour la mise en oeuvre de la RTT.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ça se voit que vous ne connaissez rien aux entreprises !

M. Maxime Gremetz.

Nous persistons, madame la ministre, à proposer la suppression du prélèvement de 10 % sur la majoration de 25 % des heures supplémentaires comprises entre la trente-cinquième et la trente-neuvième heure. Cette ponction sur la part qui revient normalement au salarié alimenterait un fonds destiné à financer les aides financières attribuées au titre de la RTT. Les heures supplémentaires des salariés non soumis à un accord financeraient ainsi, paradoxalement, les 35 heures, sous forme d'aides aux entreprises. Il est profondément injuste que, dans les entreprises qui n'auraient pas conclu d'accord, les salariés soient doublement pénalisés.

J'avais indiqué, madame la ministre, que la RTT pour les cadres était une question particulièrement sensible.

Dès la première lecture, nous avions fait part de notre désaccord sur l'article 5 du projet de loi, traitant des

« dispositions particulières relatives aux cadres ». Nous avions marqué notre détermination en demandant un scrutin public, et nous en demanderons un également en deuxième lecture.

Les manifestations de cadres pour protester contre les d ispositions de l'article 5 se sont multipliées. Ils demandent haut et fort le maitien d'un décompte horaire. Ils se sont exprimés, dans des déclarations communes à plusieurs confédérations - CGT, CGC, FO, CFTC et certaines fédérations CFDT -, pour refuser le forfait jours sans référence horaire. Comme ils le soulignent eux-mêmes, en l'état actuel du texte, les cadres pourraient être contraints de travailler 2 800 heures par an contre 1 600 pour les autres salariés.

La définition, trop floue, des différentes catégories de cadres permettrait de soumettre au forfait 4 millions de salariés. Les cadres s'élèvent contre les dépassements d'horaires gratuits qui s'assimilent à du travail dissimulé, comme le montre un rapport important. Les dispositions prévues légaliseraient tous les abus dénoncés dernièrement. Pourtant, les 35 heures pour les cadres dégageraient des milliers d'emplois, dont les deux tiers vers des emplois de non-cadres.

Maintenir les choses en l'état serait dangereux pour la cohésion sociale. Comment peut-on espérer, dans ces conditions, avoir des cadres motivés et capables de contribuer efficacement à l'amélioration de notre compétitivité ? Comme tous les groupes parlementaires, nous avons été sollicités à ce sujet par les différents syndicats. Nous avons décidé de déposer à nouveau des amendements qui correspondent à la fois à la volonté des cadres et à notre volonté d'utiliser le passage aux 35 heures comme un outil de lutte contre le chômage et comme une opportunité pour améliorer les conditions de travail de tous les salariés.

Nous avons souligné ces grandes questions dans notre explication de vote en première lecture. Mais le projet dont nous débattons touche à quantité d'autres aspects qui peuvent être améliorés. En effet, les exigences sont montées depuis la première lecture. Les salariés, les organisations syndicales se sont fait entendre. Il faut prendre en compte ce mouvement social. Ça bouge, dans le pays, et c'est bien.

Il en est ainsi de la modification apportée, en première lecture, à l'article 1er du projet, suite à l'émotion suscitée par l'annonce simultanée par Michelin d'un résultat semestriel en hausse de 20 % et de 7 500 licenciements.

L'amendement, baptisé « amendement Michelin » en raison des circonstances, impose à l'employeur, préalablement à l'établissement du plan social, la conclusion d'un accord de RTT. Malheureusement, à la suite de cette précision, le texte indique : « ou, à défaut, avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord ».

Ces quelques mots vident de son efficacité la première disposition. Nous réitérons, avec la même conviction, notre proposition de supprimer la demande mentionnée.

Nous sommes confortés en cela par de récentes déclarations de la direction Michelin qui prétend engager des négociations sur la RTT, « sérieusement et loyalement », sans pour autant renoncer aux licenciements. Nous sommes également confortés en cela par l'exigence exprimée en ce sens par les salariés de chez Michelin, euxmêmes, qui considèrent que les négociations sont, en l'état, complètement inefficaces.

Pour contrecarrer cette logique absurde, qui ramène le travail à un coût qu'il faudrait impérativement abaisser, nous avons déposé au printemps une proposition de loi sur les licenciements pour motif économique, qui inverse cette logique et donne plus de moyens d'interventions aux salariés, aux élus locaux et aux entreprises soustraitantes.

En attendant que le Gouvernement mette cette proposition en débat, nous proposons l'adoption d'amendements que nous ont suggérés les salariés du site WolberMichelin...

M. Yves Cochet.

Ah !

M. Maxime Gremetz.

... et qui tendent à rendre plus efficace le contrôle par le juge du licenciement économique et, en cas de licenciement abusif, à mieux réparer le préjudice subi par les salariés en prévoyant notamment leur réintégration.

M. Yves Cochet.

En effet !

M. Maxime Gremetz.

Tous les groupes de la majorité se sont solennellement engagés à présenter et à voter cet amendement. Il répond aux exigences des salariés, de la population de Soissons et de la région et de tous les élus, exprimée encore cet après-midi lors de la manifestation qui a eu lieu dans cette ville. C'est le sens aussi de l'interpellation de tous les députés de la majorité plurielle par les salariés, ce soir, lors de la conférence de presse qu'ils ont tenue ici même, à l'Assemblée nationale.

Il s'agit aujourd'hui de passer aux actes.

Puisque nous évoquons les licenciements, poursuivons avec l'article 15 de la loi, placé au chapitre IX et intitulé

« Sécurisation juridique ». Cet article, qui traite de la modification du contrat de travail consécutive à un accord de RTT, a amené des juristes et des spécialistes en droit social à donner une nouvelle fois leur avis.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Tout d'abord, sur l'aspect « sécurisation juridique », il apparaît évident pour tous que la sécurisation joue avant tout au profit des employeurs. La modification du contrat de travail a été précisée par la jurisprudence. Ainsi, un salarié ne peut s'opposer à une clause plus favorable.

N ous approuvons donc le premier paragraphe de l'article 15, qui stipule que la seule diminution du nombre d'heures ne constitue pas une modification du contrat de travail ; mais le problème est ailleurs.

Un employeur qui modifie un contrat de travail doit justifier sa décision par des raisons d'ordre économique.

Le salarié qui refuse la modification est alors licencié pour motif économique. A ce titre, il peut bénéficier d'une convention de conversion et de propositions de reclassement. Le contrat de travail, comme les autres contrats, est protégé par la loi et c'est bien normal. Toute remise en c ause unilatérale d'un contrat doit être strictement justifiée.

Dans le cas d'une modification pour raisons économiques envisagée pour au moins dix salariés, sur une période de trente jours, dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, il s'agit d'un licenciement collectif pour motif économique, impliquant la mise en oeuvre d'un plan social. Et qui dit plan social a dit recherche des moyens pour éviter ou limiter les licenciements.

Or, aux termes de l'article 15, le licenciement pour cause de refus d'une modification du contrat de travail consécutif à une réduction du temps de travail sera considéré comme « un licenciement individuel ne reposant pas sur un motif économique ». L'accord RTT aura peut-être évité quelques licenciements, mais les salariés qui auront refusé une modification de leur contrat de travail, forcément moins favorable, ne pourront bénéficier des garanties liées au licenciement pour motif économique, que celui-ci soit individuel ou collectif. Nous proposons plusieurs amendements visant à éviter une telle situation ; nous en reparlerons au moment du débat sur l'article 15.

Ainsi, nous sommes convaincus que les salariés, s'ils aspirent à la réduction du temps de travail, restent sceptiques quant à sa mise en oeuvre. Il est vrai que le passage aux 35 heures a trop souvent été utilisé comme un mauvais prétexte pour remettre en cause des acquis...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est vrai.

M. Maxime Gremetz.

... et introduire des flexibilités sans contreparties réelles, notamment pour les femmes.

C'est le fait d'employeurs uniquement soucieux de l'amélioration de la productivité à court terme, au détriment des conditions de travail.

D'où ce paradoxe qui fait que les salariés tout à la fois revendiquent et craignent le passage aux 35 heures.

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

Bien sûr, monsieur le président.

Pourtant, une mesure simple serait de nature à améliorer considérablement la situation : il s'agit, madame la ministre, du principe majoritaire que j'ai déjà évoqué.

Cette disposition se justifie notamment par le fait qu'elle apporterait un appui non négligeable aux syndicats dans le processus de négociation et permettrait en outre de mieux prendre en compte, et plus démocratiquement l'opinion des salariés. Nous proposons d'étendre ce principe aux accords de branche afin d'éviter qu'un accord signé par un ou deux syndicats minoritaires ne puisse engager tous les salariés. Rappelons que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les accords de branche sont d'application directe : mis à part quelques dispositions, dans la majorité des cas, l'application se fait sans aucune négociation. Or, vous le savez bien, les salariés, dans ces entreprises, sont peu organisés.

Ce sont donc des millions de salariés qui risquent de se voir imposer des accords dont les clauses ne les satisferont pas. Les mouvements sociaux qui se sont amplifiés ces dernières semaines en témoignent. Les mots d'ordre déplorent le manque d'effectifs, les licenciements ou la dégradation des conditions de travail. Il devient indispensable de faire entrer davantage de démocratie dans les entreprises. Notre proposition est simple : il suffirait de prendre comme référence les élections prud'homales afin de déterminer l'influence réelle des syndicats pour appliquer ce principe majoritaire dans les accords de branche.

Il en va ainsi de la volonté d'encourager à tout prix la négociation. Nous sommes tout à fait favorables à la négocation, et tant mieux si celle-ci a été relancée par la mise en place des 35 heures. Néanmoins, la négociation n'est pas une fin en soi et c'est bien le résultat qui importe le plus. Or celui-ci doit correspondre à la volonté majoritaire des salariés.

M. Yves Cochet.

Très bien !

M. Maxime Gremetz.

C'est le principe démocratique de base.

Nous proposerons également un amendement visant à favoriser la prise du repos dominical pour les salariés du commerce alimentaire tout en limitant la concurrence des grandes surfaces de distribution, afin de mieux protéger le commerce de proximité.

M. le président.

Concluez, monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz.

J'ai presque terminé, monsieur le président.

Une autre des grandes avancées de ce texte, c'est la plus grande précision du contenu même de la durée effective du temps de travail. Nous y incluons, nous l'avons dit, les pauses, la restauration, l'habillage et le déshabillage. Se pose toutefois le problème des professions soumises à de hautes normes de sécurité sanitaire, toujours plus sévères - et c'est tant mieux.

Nous proposons de conserver la définition actuelle : oui, l'habillage et le déshabillage font bien partie du temps de travail effectif.

Dans quelques cas particuliers, la loi peut prévoir une dérogation, pour une partie de l'habillage et du déshabillage, déterminée dans un accord de branche signé entre les employeurs et les organisations syndicales majoritaires.

Le Gouvernement n'entend pas, semble-t-il, retenir cette proposition. S'il devait persister dans cette position, nous le regretterions, mais, refusant la politique du tout ou rien, nous pourrions nous rallier à l'idée émise par le rapporteur dans un amendement prévoyant des contreparties en termes de repos ou d'ordre financier. Auquel cas je proposerais par un sous-amendement, d'étendre ces contreparties dans les conventions et accords de branche et d'entreprise.

Nous aurons l'occasion de nous exprimer sur d'autres aspects du texte au cours du débat, mais nous tenons à réaffirmer notre attachement à la réduction du temps de travail.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Pour conclure, je citerai, une fois n'est pas coutume, le meilleur journal que je connaisse, c'est-à-dire L'Humanité...

(Rires et exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Ce n'est pas moi qui le dis, mais

Mme la ministre elle-même.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Sur les 35 heures.

M. Maxime Gremetz.

On y lit de nombreuses améliorations sont encore nécessaires : « L'efficacité de la réduction du temps de travail sur l'emploi dépend de son ampleur et des modalités de sa mise en oeuvre. L'impact de la réduction du temps de travail sur l'emploi n'est ni mécanique ni illusoire : il est conditionnel. »

Nous en sommes également convaincus et nos amendements visent à ce qu'il en soit ainsi.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen d'un texte en deuxième lecture est toujours une occasion précieuse de délibérer loin des passions et de la pression médiatique. Il permet aussi aux acteurs de la société civile de s'exprimer et ainsi au législateur et au Gouvernement de rectifier le tir, à partir d'observations pratiques et non plus d'une approche dogmatique. Enfin, ce nouvel examen s'appuie sur le travail du Sénat dont la grande expérience nous est toujours profitable, surtout lorsque la loi proposée est complexe, et c'est bien le cas ici.

Dans ce cadre, on peut affirmer que cette deuxième lecture est bel et bien une occasion manquée.

Manquée, puisque le Gouvernement et sa majorité n'en ont pas profité pour apporter les solutions aux difficultés relevées par nous-mêmes et les acteurs économiques : double SMIC, heures supplémentaires, respect des accords de branche ou d'entreprise déjà conclus, statut et temps de travail des cadres - la liste n'est pas exhaustive.

Manquée, puisqu'elle a officialisé un véritable dynamitage du dialogue social avec l'échec du passage en force sur le financement du dispositif et le racket envisagé sur les caisses de l'UNEDIC. Certes, ce mauvais coup a échoué, du moins provisoirement, grâce à la mobilisation des partenaires sociaux, mais au prix d'un inimaginable système où le citoyen-contribuable se doit de polluer, de boire et de fumer pour financer les 35 heures. Comme il aura ainsi toutes les chances de racourcir son espérance de vie, la ponction sur le fonds de solidarité vieillesse aura moins de gravité !

M. Bernard Accoyer.

Tout de même, c'est un montage cynique !

M. Yves Cochet.

Quel argument !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Manquée, enfin, puisque rien n'a été repris de l'excellent travail réalisé par le Sénat. Nos collègues avaient pourtant voulu rendre tout son sens au qualificatif que vous avez indûment accolé à votre projet de réduction « négociée » du temps de travail ; ils ont voulu aussi redonner confiance aux partenaires qui avaient consacré beaucoup de temps et de salive pour signer des accords compatibles avec la bonne marche des entreprises. Ces accords ont été de fait invalidés - vous l'avez vous-même admis, madame la ministre, dans votre propos introductif - au motif qu'ils contenaient « des clauses illégales ». Mais n'était-ce pas précisément le but de cette deuxième loi que de changer les dispositions législatives en s'appuyant sur les résultats d'une période transitoire ? La proposition sénatoriale de la tenue d'une conférence nationale sur le développement de la négociation collective a elle aussi été dédaigneusement repoussée, pourtant, elle aurait été sans aucun doute l'occasion de retisser les fils d'une confiance sérieusement mise à mal, comme le signalait Edmond Maire dans une récente interview au Nouvel Observateur

Oui, cette nouvelle lecture est bien celle des occasions manquées. Non seulement les problèmes demeurent, mais nombre de difficultés jusqu'alors occultées commencent à se faire jour.

Tout d'abord, le bilan triomphal de la période transitoire n'a pas résisté à l'examen en profondeur de cette opération de communication. Les 86 142 emplois du secteur marchand évalués par vos services n'étaient en fait que 30 000, les autres n'étant que virtuels.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Selon vos services encore, l'effet d'aubaine en représentait la moitié, soit 15 000. Et les organismes consulaires estiment que ce pourcentage serait sans doute plus proche de 70 % que de 50 %.

M. Bernard Accoyer.

Il ne reste pas grand-chose !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Enfin, et cela en dit encore plus long sur la portée réelle du dispositif en termes d'emplois, une étude initiée par votre ministère montre que près de la moitié des salariés prétendument embauchés travaillaient déjà dans l'entreprise en contrat à durée déterminée, en stage ou en intérim ! On peut d'ailleurs se demander si, en outre le fait qu'il ne crée pas d'emplois, ce mécanisme apparent de déprécarisation ne risque pas de se retourner au final contre les salariés eux-mêmes en fragilisant des entreprises dans des secteurs sensibles comme les industries de main-d'oeuvre.

Celles-ci n'auront plus alors comme variable d'ajustement q ue les licenciements - la confirmation hier des 399 emplois supprimés chez Gep-La Fourmi, groupe choletais de la chaussure, est là pour en témoigner. Lors de l'examen du budget de l'emploi, vous n'aviez pas répondu, madame la ministre, aux légitimes inquiétudes du secteur textile-habillement-cuir.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et chaussure ! N'oubliez pas la chaussure...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Au total, le maigre bilan de cette première phase s'établit à quelques milliers d'emplois dont il faut soustraire les emplois détruits ou délocalisés. Comme le disait excellemment notre collègue c ommuniste M. Carvahlo : « La loi ne créera pas d'emplois. » Nous vous l'avions dit, votre majorité le pen-

sait, certains maintenant l'avouent.

M. Maxime Gremetz.

D'habitude, c'est moi que vous citez ! (Sourires.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Les salariés qui sont d'ores et déjà sous le régime des 35 heures découvrent à l'usage qu'ils sont nombreux à payer cher pour cette


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prétendue réduction du temps de travail. Nous avions dénoncé la diminution du pouvoir d'achat par la suppression des heures supplémentaires - Marie-Thérèse Boisseau en a parlé tout à l'heure -, le gel des salaires, la perte des avantages acquis, la sortie du temps de travail de pauses ou de jours de congés « maison », la flexibilité outrancière enfin que M. Gremetz évoquait à l'instant.

Mais cette dégradation peut prendre des aspects plus insidieux, comme dans cette grande surface d'Angers où une employée s'est aperçue que le taux de prise en charge des soins dentaires par sa mutuelle avait considérablement diminué. Le changement de modalités de remboursement résultait de la négociation sur le temps de travail ! Coût pour cette femme modeste : 4 700 francs supplémentaires à sa charge, soit près d'un mois de salaire ! Tout cela était sans doute le prix à payer pour que le processus soit acceptable sans trop de casse. Mais beaucoup de salariés ont cru ce que vous leur disiez : la loi pour eux, c'était 35 heures payées 39. Certains auraient peut-être préféré négocier autrement, surtout quand ils ont compris que c'était la croissance qui créait de l'emploi et non la réduction du temps de travail. Contrairement à ce qu'avançait M. Gorce, nous avons toujours pensé que la réduction du temps de travail pouvait être un progrès social dès lors que les salariés en faisaient euxmêmes le choix et qu'ils n'étaient pas contraints à de trop grands sacrifices. Aujourd'hui, les salariés savent qu'ils se paieront eux-mêmes leurs 35 heures, soit directement sur leur bulletin de salaire, soit indirectement sur leur feuille d'impôt.

Le problème se pose également sur le plan organisationnel où les difficultés qui se dessinent laissent nombre de responsables et de chefs d'entreprise atterrés et sans solution.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Je suis en total désaccord !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Jusqu'ici, la réduction du temps de travail avait résulté d'un mouvement volontaire, dans des entreprises qui avaient intérêt à s'y plier ou les moyens de le faire. Faut-il rappeler qu'aujourd'hui 95 % des entreprises au total et 85 % des entreprises de plus de 20 salariés n'ont pas signé d'accord ? J e prends un exemple très concret, madame la ministre, et j'aimerais que vous me donniez des solutions : celui d'un centre anti cancéreux qui, du fait de son statut, devra passer aux 35 heures au 1er janvier 2000 tout en restant par ailleurs soumis aux contraintes du budget global.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Il y a déjà un accord pour ce secteur.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Et je vous prie de croire que le médecin qui le dirige et qui a fait toute sa carrière dans la fonction publique hospitalière n'est pas un valet stipendié du MEDEF ! Outre qu'il n'a pas l'argent - et pour cause - pour faire face au surcoût, il se voit bien incapable de procéder aux recrutements nécessaires de médecins cancérologues, de techniciens de médecine nucléaire ou d'infirmières spécialisées.

M. Bernard Accoyer.

Comment va-t-on faire ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Alors, pour toucher les aides, il a embauché les femmes de service dont le centre n'avait pas besoin surtout destinées à s'offrir la paix sociale. Pourquoi pas, me direz-vous ? Pour le malade, il faut espérer que la vieille garde des médecins qui a pris l'habitude de travailler sans regarder sa montre ne partira pas à la retraite dans l'immédiat... Mais ce directeur faisait part de ses craintes devant les exigences, après tout légitimes, des jeunes praticiens venus lui dire tout crûment : « 35 heures, c'est 35 heures ! » Autre exemple : les caisses primaires d'assurance maladie, elles aussi organismes de droit privé chargés d'une mission de service public. Alors que, pour cause de maîtrise des coûts de gestion, le déficit en personnel est patent, voilà qu'on leur impose tout à la fois la gestion de la couverture maladie universelle et les 35 heures ! Et je vous prie de croire que les responsables ne vous ont pas attendue pour mettre en oeuvre les réorganisations génératrices de gains de productivité.

Les exemples de telles difficultés vont se multiplier dès le passage obligatoire de la mesure, et surtout quand elle concernera les entreprises de moins de vingt salariés. Sans doute certaines y sont parvenues, mais vous ne pouvez tirer argument de ces réussites pour balayer comme nulles et non avenues les difficultés soulevées sans aucun esprit polémique par des chefs d'entreprise qui se soucient bien peu de politique, et qui viennent nous trouver en nous demandant comment faire.

Pour l'instant, madame la ministre, vous n'avez donné aucune solution concrète, et pour une bonne raison, c'est que les solutions ont un coût, et que ce coût se chiffre à plusieurs milliards.

Il faudra bien, en effet, en arriver au sujet qui fâche : l'application des 35 heures aux trois secteurs de la fonction publique, M. Gremetz vient excellemment de le rappeler. Comment expliquer à des agents qu'une mesure d'ordre public social, pour reprendre la logomachie chère à notre rapporteur, ne s'applique pas à eux, ou à elles, qui remplissent des fonctions particulièrement ingrates et astreignantes ? Les mouvements sociaux se multiplient et ne feront que s'amplifier car vous avez ouvert une boîte de Pandore qui ne se refermera qu'avec votre capitulation. J'en fais ici l'annonce, et j'attends avec intérêt, c'est le cas de le dire, les chiffrages et les dotations de compensation qui ne manqueront pas d'intervenir dans le cadre de la DGF ou des budgets globaux.

M. Bernard Accoyer.

Et qui va payer ? Le contribuable !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Ce n'est pas demain que les prélèvements obligatoires baisseront dans notre pays.

Tous mes collègues de l'opposition, Thierry Mariani, Marie-Thérèse Boisseau, mais aussi Bernard Accoyer lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je n'aurai garde d'oublier François Goulard, ont, avec beaucoup de mesure, mais avec aussi une grande connaissance des réalités du terrain, analysé les difficultés de mise en oeuvre de votre dispositif. Ayant eu l'occasion de m'exprimer abondamment sur ce sujet, j'ai volontairement limité mon propos à quelques exemples concrets et pratiques.

Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, le temps nous départagera.

Il a déjà tranché sur un point : votre projet de loi, madame la ministre, ne créera pas d'emplois, et il risque bien de n'être un progrès social que pour les privilégiés, ceux qui d'ores et déjà travaillent dans des entreprises performantes et qui, à n'en pas douter, auraient pu négocier cette réduction, quand elle n'est pas donnée


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directement par un patronat qui vous considère comme une véritable Mère Noël - voyez que je féminise les titres (Sourires) - devant les substantielles aides accordées.

Pour d'autres, la réduction obligatoire du temps de travail sera génératrice d'exclusion et de difficultés accrues.

Vous comprendrez aisément que le groupe du Rassemblement pour la République ne puisse voter votre projet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs, avant d'en venir directement au projet de loi, je voudrais replacer cette discussion sur la réduction du temps de travail dans un contexte historique et géographique. Je passerai ensuite à des considérations plus politiques.

Voyons d'abord le contexte historique.

Je crois que coexistent actuellement dans nos têtes et dans le débat public quatre visions du travail.

Au

XVIIIe siècle, souvenez-vous, il y eut une première vision, que l'on peut qualifier de libérale. Elle était peutêtre inspirée par des considérations dues à une tradition chrétienne. Le travail était une sorte d'effort, d'apostolat, il devait être pénible. Cela, c'est pour le côté moral. Sur le plan économique, on considérait le travail comme un coût à réduire, une « désutilité », comme disent les économistes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Et dans la Grèce ancienne, monsieur Cochet ? (Sourires.)

M. Yves Cochet.

Je ne remonte pas trop loin, pour avoir le temps de parler d'autre chose que du contexte historique. (Sourires.)

Cette première vision libérale existe encore : le travail, c'est pénible, on doit souffrir quand on travaille. La Bible ne disait-elle pas d'ailleurs qu'on doit gagner son pain à la sueur de son front ? Au

XIXe siècle, est apparue une vision totalement différente, marxiste, pourrait-on dire, qui considère au c ontraire le travail comme émancipateur du genre humain. C'est la vision communiste du travail libérateur, la puissance humaine devait maîtriser la nature.

Cette vision est encore présente dans nos esprits. On la retrouve d'ailleurs dans certaines des considérations de M. Gremetz.

Au XXe siècle, s'est parfois développée une vision qu'on peut appeler social-démocrate. Le travail est un système de distribution des revenus, des statuts et des prestations.

C'est la vision qu'en ont la plupart des gouvernements d its de gauche ou sociaux-démocrates de l'Europe actuelle. On peut l'appeler « état-providentialiste » ou keynésienne, si vous voulez.

Moi, je prétends qu'au

XXIe siècle, et on en voit peutêtre le début dans le second projet de loi de Mme Aubry, se développera une quatrième vision du travail, que j'aurai l'immodestie d'appeler la vision verte (Sourires), et quir eplace le travail dans l'ensemble de nos activités humaines. Autrement dit, pour nous, le travail n'est pas simplement l'essentiel de la vie, c'est une forme parmi d'autres de nos activités, et pas forcément la plus intéressante. Un grand nombre d'actions humaines sont beaucoup trop marquées actuellement par l'aspect laborieux ou l'aspect travail, alors qu'elles n'ont pas une logique de travail, que leur logique n'est pas économique.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

C'est fumeux !

M. Yves Cochet.

Je prends l'exemple de la culture, de l'épanouissement gratuit de soi par la lecture, la réflexion, la science, la philosophie, que sais-je ? Il y a là toutes sortes d'activités qu'il faut développer et qui échappent à la logique du travail. Il y a également les activités privées, les fêtes, les relations familiales et bien d'autres, et même les activités politiques, syndicales et associatives - vous en avez parlé, monsieur Gremetz.

Toutes ces activités sont hors travail et ce sont elles qu'il faut développer avec la réduction du temps de travail. Voilà une vraie vision ! Passons à l'aspect géographique et voyons comment se passe actuellement le partage du travail.

On a l'impression que le modèle français est le seul.

Pas du tout ! En vingt-cinq ans, entre 1974 et 1999, le PIB, bien que je ne sois pas sûr que ce soit le bon critère pour mesurer la richesse, a augmenté de 60 % en France.

Pendant ce temps-là, le nombre d'heures travaillées a diminué de 12 % et la population active sur le marché du travail a augmenté de 15 %. Par conséquent, il ne s'agit pas de savoir si on doit partager le travail ou pas, il s'agit de savoir quelle forme politique de partage du travail on choisit dans tel ou tel pays.

Prenons l'exemple du Japon, parce que les chiffres sont comparables.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Après les Verts, les Jaunes ! (Rires.)

M. Yves Cochet.

Je vous en prie, madame Bachelot ! J'oserais à peine dire que vous faites de la discrimination, au moins coloriée ! On dit toujours qu'au Japon il y a moins de 5 % de chômage. C'est vrai. On dit, en effet, aux femmes de retourner à la maison ! Les femmes travaillent peu au Japon et elles ne sont même pas comptées comme population active. On a ainsi de très bons chiffres du chômage. C'est une forme de partage du travail ! Est-ce celle que nous voulons en France ? Je ne le pense pas ! Prenons les Etats-Unis. Quelle réussite, explique-t-on, il y a moins de 5 % de chômage ! Comme M. Le Garrec nous l'a indiqué tout à l'heure, il existe des working poors, et un quart de la population active est au-dessous du niveau de pauvreté. Certains travaillent huit, dix ou douze heures par semaine pour 2 500 francs par mois.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Une misère !

M. Yves Cochet.

Ils sont comptés comme travailleurs.

Il n'y a donc pas beaucoup de chômage, mais à quel prix ! Est-ce ce type de partage du travail que nous voulons ? Non ! En France, jusqu'à présent, on a choisi un autre type de partage. Vous avez les travailleurs à 100 % et les chômeurs à 100 %, c'est-à-dire les travailleurs à 0 %, ce qui fait qu'ils sont 3 millions, un peu moins puisque

Mme Aubry a annoncé ce matin sur France 2, paraît-il, que le chômage avait encore baissé en France. Je m'en félicite.

En tout cas, je conteste la politique qui a été menée jusqu'à présent et l'existence de ce que M. Le Garrec appelait le chômage structurel. Je crois qu'il n'y a pas de chômage structurel. Il y a une forme choisie, délibérée, pourrait-on dire, de mauvaise politique de l'emploi qui a fait qu'en France, il y a les travailleurs à 100 % et les chômeurs à 100 %.

Il faut donc changer la forme du partage du travail.

Heureusement, Mme Aubry est arrivée. (« Ah ! » sur divers bancs.)

Elle a mis en route un processus de réduction du temps de travail en expliquant qu'il devait avoir


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trois qualités : être rapide, massif et général. Rapide, cela veut dire que cela se passe d'un seul coup, au 1er janvier 2000.

M. Hervé Morin.

Ce n'est pas le cas !

M. Yves Cochet.

Massif : on passe de 39 à 35 heures, ce qui fait une réduction d'au moins 10 % du temps de travail. Général, il est organisé par une loi qui s'applique bien entendu à tout le monde. Ces trois qualités font évidemment la réussite de la réduction du temps de travail,...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

On verra !

M. Yves Cochet.

... mais ça, c'est la philosophie.

Je passe maintenant aux détails car cela peut être l'enfer, Madame Bachelot, et je terminerai par cela, monsieur le président, car je vois que mon temps de parole s'écoule.

Pour finir sur des considérations plus politiques, il y a a ctuellement un parti de droite très organisé, très influent, qui est le seul à faire le débat, madame Bachelot, c'est le MEDEF. Il a une vision du temps de travail, et même une vision du chômage et du partage du travail.

C'est assez clair, il est pour le chômage. Il n'y a aucune raison que nous soyons favorables à la réduction du temps de travail, explique-t-il, parce que cela va éventuellement réduire le chômage, et que nous, MEDEF, nous sommes contre. C'est une pensée tout à fait cohérente.

Eh bien, moi, je suis contre le MEDEF, qui est le parti de droite le plus organisé, parce que je pense que la réduction du temps de travail peut créer des emplois, comme on le voit déjà avec la première loi de Mme Aubry et comme on va le voir avec la seconde. Je prétends que, si la seconde loi est amendée dans un sens que je vais indiquer très brièvement, ce sera une réussite. J'espère qu'au 1er janvier 2003, 500 000 emplois auront été créés ou préservés grâce à la réduction du temps de travail.

Le problème principal, c'est celui des cadres, et notamment les forfaitisés en jours par an. Il n'y a pas de raison qu'ils n'aient pas droit eux aussi à une réduction de 10 % de leur temps de travail. Combien de jours travaillent-ils actuellement ? Est-ce 233, 230 ou 227 ? Si c'est 230 jours, 10 %, cela fait 23 jours et ils travailleraient donc 207 jours. C'est l'un des amendements que nous allons proposer.

Il y a d'autres propositions. J'ai rencontré moi aussi, monsieur Gremetz, les syndicats de cadres la semaine dernière. Ils sont tous venus nous voir, y compris certaines fédérations de la CFDT, et ont demandé pourquoi il ne pourrait pas y avoir une comptabilisation en heures. Je les comprends. Ce n'est impossible ni logiquement ni politiquement, même s'il peut être intéressant de forfaitiser en jours par an, ou de passer à la semaine de quatre jours, qui serait une vraie avancée sociale pour eux et même pour les autres travailleurs. La moindre des choses, c'est qu'il y ait au moins une durée hebdomadaire maximale de 48 heures. C'est le minimum que l'on peut obtenir. On peut l'inscrire dans la loi.

Actuellement d'ailleurs, si l'on ne comptabilise pas leurs heures de travail par jour, on comptabilise l'amplitude puisque s'appliquent à tous les travailleurs, y compris aux cadres forfaitisés en jours par an, les onze heures de repos consécutives par jour. Il faut donc bien que, d'une manière ou d'une autre, leur temps de travail soit comptabilisé en heures. On peut le faire de plusieurs manières, par autodéclaration, par badgeuse, par un accord d'entreprise, mais on peut le faire, et c'est sur ce point que nous insisterons dans nos amendements.

J'ai déposé environ vingt-deux amendements, dont certains, dans la quatrième vision du travail, que je proposais pour le

XXIe siècle, peuvent être qualifiés de sociétaux.

Un travailleur ou un salarié, en effet, n'est pas seulement un travailleur ou un salarié, même à l'intérieur de l'entreprise. C'est également un être humain global, qui a droit à une vie privée, à une vie sociale, qui appartient à un bassin d'emplois, qui peut organiser lui-même son temps de travail et le temps consacré à des services sociaux, à des services municipaux, aux transports, etc.

Il y a donc des amendements qui concernent les travailleurs dans leur vie sociale générale, comme ce que j'appelle la synchronisation des temps sociaux, par exemple le fait qu'on s'arrête tous le dimanche, parce qu'il est important d'avoir tous ensemble du temps de repos. Je propose également que les gens atteints de maladie grave aient droit à des autorisations d'absence pour se soigner. Je suggère que nous discutions de la transposition en droit interne de la directive de 1993 sur le travail de nuit.

Nous aurons l'occasion de revenir sur tous ces points l ors de l'examen des articles et des amendements.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour éviter d'être redondant, je me limiterai à deux sujets, ou deux et demi si mon temps de parole le permet.

Le premier, c'est la démarche solitaire de notre pays.

Pouvons-nous avoir raison contre tout le monde ? C'est une question que nous nous sommes déjà posée en première lecture, à laquelle vous avez répondu oui, madame la ministre. Je persiste à penser que notre pays ne peut pas engager une telle démarche seul. Nous sommes le seul pays dans le monde occidental à avoir décidé une réduction autoritaire et générale du temps de travail. Ni l'Espagne, ni l'Italie, ni l'Allemagne, ni les Pays-Bas, ni les pays scandinaves,...

M. Bernard Accoyer.

Ni la Grèce !

M. Hervé Morin.

... ni la Grèce, aucun pays, sauf Monaco, d'après ce que nous avons appris aujourd'hui, n'a pris une telle décision.

M. Yann Galut.

Ça va venir, n'en doutez pas !

M. Hervé Morin.

Je n'en doute pas.

La conséquence directe de cette réduction générale du temps de travail, ce sera une perte de compétitivité de l'économie française et de l'entreprise France, quoi qu'on veuille en dire. Bien entendu, des entreprises y gagneront certaines annoncent d'ailleurs aujourd'hui qu'avec les aides et les efforts de compétitivité et de productivité qui ont été effectués, leurs résultats et leurs bilans s'améliorent ou tout du moins ne se dégradent pas - mais, en général, il y aura bien une baisse mécanique de la compétitivité de l'économie française puisqu'il faudra produire au même prix avec des coûts supérieurs, soit les coûts directs ce sont les coûts salariaux - soit les coûts indirects, avec des prélèvements fiscaux supplémentaires.

Certains pays ont réduit collectivement le temps de travail, mais par des démarches totalement différentes.

M. Yves Cochet.

Les Pays-Bas !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La Belgique, l'Allemagne !


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M. Hervé Morin.

En Allemagne, par exemple, où je suis allé au mois de juillet pour constater ce qui s'était passé dans la métallurgie,...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est bien !

M. Hervé Morin.

... la discussion a eu lieu entre les partenaires sociaux sans que l'Etat intervienne, sans qu'il donne un seul centime et sans qu'il incite les entreprises à réduire le temps de travail.

M. Yann Galut.

Pourtant, l'Etat intervient en Allemagne !

M. Hervé Morin.

La démarche allemande a donc été totalement différente. Ce fut une démarche libérale, discutée et négociée entre les partenaires sociaux.

Autre démarche, l'incitation à la réduction individuelle du temps de travail dans les pays scandinaves. C'était d'ailleurs l'une de vos idées fortes dans les années 90, madame la ministre, le développement des formules individuelles de réduction du temps de travail. Cela a fait baisser mécaniquement le temps de travail mais, là aussi, il s'agit de démarches individuelles, dans le cadre des entreprises, et non pas d'une démarche légale et obligatoire comme c'est le cas en France.

Cette démarche est d'autant plus anachronique que notre pays s'engage vers la monnaie unique, qui nous enlèvera tout pouvoir monétaire pour compenser éventuellement les effets négatifs du passage à la réduction du temps de travail.

M. Yann Galut.

Ça, c'est vrai !

M. Hervé Morin.

Nous perdons aussi d'ailleurs une partie de notre pouvoir budgétaire et de notre pouvoir de relance dans le cadre d'une éventuelle démarche keynésienne puisque, dans le cadre du pacte de stabilité, nous n'avons plus tous les pouvoirs en la matière. Nous décidons donc de diminuer la compétitivité de l'économie française après avoir décidé de passer à la monnaie unique.

Second sujet, pouvons-nous avoir raison contre tout le monde, et contre les Français eux-mêmes, allais-je dire, qui se rendent compte progressivement des conséquences néfastes du passage aux trente-cinq heures ?

M. Yann Galut.

Ce n'est pas vrai.

M. Hervé Morin.

Je lisais dans Libération - vous voyez que j'ai de bonnes lectures : « Trente-cinq heures : chaud sera l'hiver », et il y avait la liste, qui s'allonge, des diff érentes entreprises, des différentes branches, dans lesquelles s'exprime de la grogne.

M. Yann Galut.

Justement parce que cela ne va pas assez vite.

M. Hervé Morin.

Ainsi, c'était le cas à La Poste, chez Intégris, Data Services, Onet, à Radio France, France Télécom, Sogerma, dans les grands magasins, dans les cafés, hôtels, restaurants, chez les cadres,...

M. Yves Rome.

C'est très bien !

M. Yann Galut.

Ils veulent les 35 heures !

M. Hervé Morin.

... dans les banques, dans l'informatique, et je pourrais vous citer d'autres entreprises.

M. Maxime Gremetz.

C'est parce que les patrons ne veulent pas appliquer les 35 heures.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Les salariés sont impatients.

M. Yann Galut.

Ils n'attendent même pas le vote de la loi.

M. Hervé Morin.

Non ! Les salariés se rendent compte tout d'un coup que le passage aux 35 heures entraîne un certain nombre de contraintes supplémentaires en termes de flexibilité, de réduction du pouvoir d'achat, d'accroissement de l'intensité au travail et de disparités de traitement.

M. Yann Galut.

Ils veulent de vraies 35 heures, et ils se mobilisent pour ça !

M. Maxime Gremetz.

Bref, on a compris, monsieur Morin, que vous soutenez ces mouvements. (Sourires.)

M. Hervé Morin.

Oui !

M. Maxime Gremetz.

Je le note !

M. Hervé Morin.

Vous avez participé comme moi aux travaux de la commission. Souvenez-vous de ce que disaient les experts du ministère du travail sur le passage aux 35 heures.

M. Maxime Gremetz.

Vous étiez d'accord !

M. Hervé Morin.

Il devait y avoir trois tiers : les aides, les gains de productivité et l'accroissement de la productivité et de la compétitivité des entreprises, donc la flexibilité, et le gel du pouvoir d'achat. Les salariés français ont compris qu'il en serait ainsi lorsque la réduction du temps de travail sera généralisée.

M. Maxime Gremetz.

Il faut donc dire au MEDEF de ne pas se comporter ainsi !

M. Hervé Morin.

Autre élément que je voudrais signaler, le financement de la réduction du temps de travail.

Jamais on n'aura vu projet de loi dont le financement sera aussi mal assuré. Dans un article qui va paraître prochainement dans la revue Droit social , Jean-Jacques Dupeyroux, qui n'est pourtant pas proche du MEDEF, qualifie le fonds que vous avez créé de fonds fourre-tout et hétéroclite. Je ne parle pas du contenu du texte luimême qu'il considère d'une complexité accablante.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

L'article est déjà paru !

M. Hervé Morin.

Le financement paraît assez extraordinaire : il comprend le droit sur les tabacs, l'écotaxe, la contribution sur les bénéfices, la taxe sur les heures supplémentaires qui, à l'origine, ne devait servir que pour le fonds de roulement et qui, désormais, alimente le fonds d'allégement des cotisations sociales, les droits sur les alcools, qui sont en fait indirectement prélevés sur les partenaires sociaux, puisqu'ils finançaient à l'origine le fonds de solidarité vieillesse. Bref, on connaît la mécanique, la tuyauterie qui a été mise en place.

M. Bernard Accoyer. Siphonnage !

M. Hervé Morin.

Hélas, le financement de ce fonds est particulièrement mal assuré. Nombre d'experts considèrent aujourd'hui que le coût de ces mesures ne s'élèvera pas à 110 milliards de francs, mais à beaucoup plus, à 150 ou à 160 milliards de francs. D'autre part, M. Jérôme Cahuzac lui-même, qu'on ne peut pas considérer comme en dehors de la majorité, dit, aux pages 50 et 51 de son rapport pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, no 1873 - vous voyez qu'il m'arrive d'avoir de bonnes lectures : « Des garanties doivent être données sur le financement. »

Il reconnaît que les ressources envisagées pour le fonds sont incertaines, et explique, par exemple, que le produit de la taxe sur les heures supplémentaires se tarira de facto


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dans quelques années, lorsque tout le monde sera passé à 35 heures. Il précise également que le rendement de la TGAP et de l'écotaxe devrait diminuer, puisque leur objectif est d'abaisser les niveaux de pollution auxquels elles sont liées. Enfin, il indique que la contribution sur les bénéfices a un rendement très irrégulier puisqu'il dépend de la croissance. Il est donc bien difficile de la considérer comme une ressource stable.

M. Cahuzac, député de la majorité, considère luimême que le financement des 35 heures est très mal assuré et que nous devrons de nouveau nous poser cette question dans les années à venir, comme nous devrons nous poser celle du financement de la CMU, dont on nous avait pourtant dit qu'il était assuré, ce qui, on s'en rend compte, n'est pas aussi évident.

Je voudrais enfin évoquer un sujet dont on a peu parlé, le passage aux 35 heures dans les grandes entreprises nationales du secteur public. Là, les 35 heures ont été octroyées et non pas négociées, puisqu'on a demandé aux chefs d'entreprise de donner l'exemple, de passer aux 35 heures pour faire nombre, dans des accords-cadres qui renvoient le passage réel et effectif aux 35 heures à des accords locaux, établissement par établissement.

Ces accords locaux seront chargés d'une mission très ambitieuse puisqu'il leur faudra améliorer à la fois les conditions de travail, le service rendu et la compétitivité, tout en créant des emplois. Or les dirigeants de ces mêmes entreprises nous disaient, il y a quelques mois, que, pour assurer l'équilibre, il convenait au contraire de réduire le nombre d'emplois. Ainsi, le président de la S NCF expliquait en 1998 qu'il devait supprimer 1 500 emplois ; il annonce aujourd'hui qu'il va en créer 25 000. De même, La Poste disait qu'il fallait supprimer 4 000 emplois par an ; aujourd'hui, elle n'en supprime plus aucun.

M. Bernard Accoyer.

Il faut faire plaisir à la tutelle !

M. Hervé Morin.

Ainsi, madame la ministre, ce secteur...

M. le président.

Veuillez conclure, monsieur Morin !

M. Hervé Morin.

J'ai été interrompu, monsieur le président...

!

M. Bernard Accoyer.

C'est vrai !

M. Hervé Morin.

Je crains que ces grandes entreprises nationales, dont le redressement était en train de s'effectuer lentement, ne soient de nouveau entraînées dans cette spirale qu'elles ont connue les années précédentes : endettement lourd, plan de restructuration, suppression d'emplois et réduction du service public. Ces entreprisess ont pourtant essentielles pour la compétitivité de l'économie française, mais le passage aux 35 heures risque d'y produire des effets d'autant plus néfastes que les salariés y sont très attachés au maintien des droits acquis. Il s'ensuivra des grèves considérables dans l'ensemble du secteur, comme celles qui se développent à La Poste, à la SNCF et à France Télécom. En effet, dès qu'il s'agit de remettre en cause les conditions de travail, on se heurte à ce principe : « on ne touche pas aux droits acquis ».

La réduction du temps de travail est déjà une loi du passé.

M. Maxime Gremetz.

Les 35 heures ?

M. Hervé Morin.

Oui, mon cher ami. C'est une loi du passé...

M. Gérard Terrier.

Seriez-vous pour les 32 heures ? (Sourires.)

M. Hervé Morin.

... pour une seule et unique raison : on ne peut pas dire aux Français qu'ils vont travailler moins grâce aux 35 heures, alors que, demain, il leur faudra travailler plus longtemps pour financer les régimes de retraite. Il y a là une véritable forfaiture.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous ne connaissez pas le sens des mots !

M. Hervé Morin.

On ne peut pas dire une chose et son contraire.

M. Bernard Accoyer.

C'est un gros mensonge !

M. Hervé Morin.

Nous en prenons le pari : nos compatriotes ne tarderont pas à avoir le sentiment qu'ils ont été trompés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Trompés par vous !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

Ils l'ont déjà été en 1995 !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Terrier.

M. Gérard Terrier.

La loi sur la réduction du temps de t ravail constitue incontestablement - j'ai cru le comprendre à travers les propos de tous mes collègues une avancée sociale très importante.

Selon la volonté du Premier ministre, à laquelle nous adhérons totalement, ce doit être une loi pour les salariés, mais ce ne doit pas être une loi contre les entreprises. Il nous faut donc travailler sur l'équilibre du texte. Le chemin, je le concède, est étroit. En effet, si elle est très précise en physique, la notion d'équilibre demeure difficile à décliner lorsqu'il s'agit du droit du travail.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est exact !

M. Gérard Terrier.

Des messages perturbateurs tendent à rompre cet équilibre. Je pense en particulier au MEDEF, qui mène une campagne politique contre ce texte.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Encore le MEDEF !

M. Gérard Terrier.

Madame Bachelot, je voulais vous faire ce plaisir, mais je n'en parlerai plus.

M. Bernard Accoyer.

Tant mieux !

M. Gérard Terrier.

Mais une autre difficulté doit être surmontée. Ce texte est, par essence, complexe, et le G ouvernement n'y peut pas grand-chose. Cette complexité le rend parfois difficile à comprendre pour les salariés.

M. Bernard Accoyer.

Incompréhensible !

M. Gérard Terrier.

Non, pas incompréhensible, complexe !

M. Bernard Accoyer.

Inapplicable !

M. Gérard Terrier.

Et les salariés ne mesurent pas toujours les avancées sociales essentielles qu'il comporte.

Enfin, toujours au chapitre des difficultés, il faut reconnaître que, dans notre grande majorité, nous souhaitons le changement, mais que, lorsqu'il se met en marche, nous sommes - c'est naturel - saisis d'une certaine inquiétude, qui disparaît lorsque nous prenons conscience des bienfaits qu'il apporte.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Je voudrais dire ici combien nous sommes satisfaits de la place qui est donnée à la négociation, car qui, mieux que les acteurs des entreprises, sait trouver les solutions les plus pertinentes, qui conjuguent à la fois l'intérêt social des salariés et la nécessaire compétitivité de l'entreprise ? Les accords issus de la première loi montrent, si besoin était, la richesse imaginative que les salariés ont su déployer pour apporter les meilleures réponses possibles.

J'entends les plus libéraux d'entre nous demander pourquoi nous avons mis tant de réglementations. Mais, dans le même temps, d'autres nous reprochent de ne pas en avoir mis assez. Je vois en cela la preuve que nous avons bel et bien recherché l'équilibre en nous fixant pour objectif de réconcilier l'économique et le social. C'est la réglementation qui fixe le cadre et qui laisse à la négociation le soin d'adapter la meilleure réponse possible à chaque entreprise, en prenant en compte ses spécificités.

Cette loi répond à ce double objectif. Si nous sommes obligés de légiférer, c'est bien parce que la représentation patronale des grandes entreprises n'a pas voulu trouver les réponses modernes nécessaires à l'évolution de notre société, où les fruits du capital prennent le pas sur ceux du travail.

Il est remarquable de constater que les petites entreprises, débarrassées du dogme patronal, savent trouver d'excellents accords, même si leur culture n'était a priori pas forcément favorable à la réduction du temps de travail.

Il nous faudra donc, lorsque la loi aura été votée, nous attacher à expliquer et à souligner l'intérêt que chacun peut y trouver.

Cependant, il nous reste quelques réglages à effectuer au cours de cette deuxième lecture. Nos amendements y contribueront, et je sais que Mme la ministre est attentive à nos propositions.

Je suis très attaché au statut des cadres et je me dois de rappeler que, pour la première fois, nous avons donné une dimension juridique à cette catégorie professionnelle, qui connaît une mutation profonde. En effet, les DRH sont désormais davantage à l'écoute des actionnaires que des cadres, et ces derniers ont pris conscience de la fragilité de leur statut,...

M. Hervé Morin.

Ça, c'est sûr !

M. Gérard Terrier.

... en particulier à l'occasion des plans sociaux des grandes entreprises. Je suis convaincu, madame la ministre, que vous êtes décidée à faire bénéficier cette catégorie de salariés de la réduction du temps de travail. D'ailleurs, ne pas le faire constituerait une injustice sociale. Je reviendrai sur ce point particulier lors de l'examen de l'article 5, et nous saurons répondre à l'attente d'une partie de cette catégorie de salariés qui n'ont pas encore mesuré les avantages que la loi pourra leur apporter.

M. Bernard Accoyer.

Et les autres ? Vous ne vous intéressez qu'à une partie des salariés ?

M. Gérard Terrier.

L'autre partie est déjà satisfaite, monsieur Accoyer.

Ainsi, ce grand projet saura trouver l'écho qu'il mérite.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la version idyllique de la présentation officielle de la politique des 35 heures est loin de correspondre à la réalité.

Il est vrai que la méthode choisie - uniformité et autoritarisme - est peu adaptée à la grande diversité des entreprises, des secteurs d'activité, des problèmes conjoncturels.

Prenons l'exemple de l'industrie textile-habillementcuir. Le secrétaire d'Etat à l'industrie, M. Pierret, a décrit la semaine dernière, devant le groupe textile de l'Assemblée, la situation préoccupante de ces industries : baisse du chiffre d'affaires, quasi-stagnation de la consommation après une hausse en 1998, perte de 8 300 emplois au premier semestre, baisse des prix et disparition des marges.

Cela touche toute la filière avec une relative exception pour le tissage et les textiles techniques.

Toutes les régions sont concernées. Je vous épargnerai, madame la ministre, la litanie des suppressions d'emplois, licenciements, règlements judiciaires, fermetures d'entreprises dans le Nord, région dont vous êtes élue.

La Banque de France de Roubaix-Tourcoing, qui publie chaque année le résultat de ses études statistiques sur l'activité textile de son secteur, vient de livrer les chiffres de l'année 1998 en même temps que les tendances de l'année 1999. Mille emplois ont été perdus en trois ans. Les perspectives ne sont pas bonnes, c'est le moins que l'on puisse dire.

Le textile va subir de plein fouet l'application des 35 heures, au moment même où les effets bénéfiques du plan Borotra cessent de jouer.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

A qui la faute ?

M. Patrick Delnatte.

La Banque de France note que

« le passage aux 35 heures et la menace d'un remboursement des allégements de charges exigé par Bruxelles handicapent encore un peu plus une industrie déjà mal en point ». On ne saurait être plus clair.

Dans la confection, il y a actuellement toute une série de petites sociétés qui, dans le meilleur des cas, licencient, ou qui disparaissent purement et simplement, dans l'indifférence générale.

Pas plus que les salariés, nous n'acceptons cette situation. Le Gouvernement ne peut pas se résoudre à cet

« inexorable déclin », pour reprendre le titre d'un quotidien régional, Nord Eclair

Quelles mesures de sauvetage a-t-on prévues pour ces industries ? Quelles mesures de reconversion pour ces bassins d'emplois qui n'en finissent pas de souffrir ? Le Gouvernement est-il prêt à introduire des dispositions visant à plus de souplesse et, éventuellement, à accorder un report dans l'application des 35 heures ? Sur t outes ces questions, nous attendons des réponses, madame la ministre.

L'exemple du textile contredit bien l'argumentation du Gouvernement sur les 35 heures.

Les 35 heures créent des emplois, dit-on.

Il est difficile d'y voir clair : les effets d'aubaine, les effets de substitution, les effets d'annonce, les emplois administrés rendent peu crédibles les chiffres annoncés de façon péremptoire. Les statisticiens publics dénoncent eux-mêmes « les manipulations » de chiffres publiés par le ministère de l'emploi.

Les 35 heures stimulent le dialogue social, dit-on.

Il est tout aussi difficile de l'affirmer lorqu'on sait que la seconde loi sur la réduction du temps de travail va rendre caducs une centaine d'accords de branche. Actuellement, on constate une prolifération de conflits sociaux et de grèves provoqués par les 35 heures. Il est vrai qu'il n'est pas facile de passer de l'illusion à la réalité.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cela vous va bien !

M. Patrick Delnatte.

Avec les 35 heures, les salariés sont gagnants, dit-on.

Les salariés constatent une remise en cause des heures supplémentaires, qui sont un élément constitutif du salaire, la perte d'avantages et le gel des rémunérations, bref, la remise en cause de leur pouvoir d'achat. Parallèlement, ils subissent un durcissement de leurs conditions de travail et une flexibilité accrue qui affecte leur qualité de vie.

Avec les 35 heures, les entreprises sont gagnantes, dit-on.

L'allégement des charges sociales n'est pas aussi évident que vous voulez bien le dire, madame la ministre. Le surcoût est de 2 000 francs pour le SMIC et de 1 637 francs pour 1,1 fois le SMIC.

M. Maxime Gremetz.

Je vais sortir mes fiches !

M. Patrick Delnatte.

J'ai rencontré des employeurs qui s'étaient engagés avec confiance dans le système Robien.

Ils ont déchanté face à la baisse des motivations de leurs salariés.

Avec les 35 heures, la France est gagnante, dit-on.

Les salariés et les dirigeants d'entreprise nous l'ont dit : l'hypothèse et le risque de la délocalisation à l'étranger des productions se précisent. On mesure là tout le danger pour l'avenir de notre industrie, en particulier pour les industries de main-d'oeuvre.

Quant au financement public des 35 heures, il a fallu, pour l'assurer, non seulement créer de nouveaux impôts contribution sociale sur les bénéfices, élargissement de l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes, taxe sur les heures supplémentaires - mais, ce qui est plus inattendu et qui a soulevé la réprobation unanime des partenaires sociaux, jongler avec les finances des comptes sociaux.

P our ne pas ponctionner directement la sécurité sociale, le Gouvernement a effectué une ponction indirecte, détournant une partie du produit de la taxe sur les alcools, jusqu'à présent destinée au Fonds de solidarité vieillesse, et le prélèvement sur l'épargne, jusqu'alors affecté aux branches famille et vieillesse.

Cette façon de faire est peu reluisante, et risque de nous engager dans une impasse, car le coût des 35 heures est destiné à croître...

M. Bernard Accoyer.

Bien sûr !

M. Patrick Delnatte.

... de 65 à 110 milliards de francs dès 2001.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ils s'en moquent !

M. Bernard Accoyer.

Ce sont des spécialistes.

M. Patrick Delnatte.

Une nouvelle fois, la majorité a fabriqué une bombe à retardement dont sera victime la gestion publique de notre pays.

Des intentions aux faits, des illusions aux réalités, l'écart se creuse. Nous n'acceptons pas cette loi des 35 heures obligatoires et généralisées, qui fragilise le contrat social et le progrès économique, car c'est bien sur ces deux piliers que repose le progrès social. Je ne pense pas que, avec de telles additions à payer, la France s'engage dans la bonne voie. (Applaudissements sur les bancs du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Birsinger, pour cinq minutes.

M. Bernard Birsinger.

Madame la ministre, vous le savez, le groupe communiste participe pleinement à l'élaboration de cette loi...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est vrai.

M. Bernard Birsinger.

... si importante et tant demandée par le mouvement social depuis des années.

Pourtant - nous avions déjà ouvert ce débat lors de l'examen de la première loi, puis en première lecture de la seconde -, nous demeurons attachés à ce que la réduction du temps de travail soit étendue aux fonctions publiques.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ça se corse !

M. Bernard Birsinger.

M. Cochet, tout à l'heure, citait Mme la ministre : la loi s'applique de façon « rapide, massive et générale ». Mais l'un de ces trois qualificatifs n'est pas adapté : la loi ne s'appliquera pas de manière

« générale », puisque nous laissons de côté 5 millions de fonctionnaires.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Eh oui !

M. Bernard Birsinger.

Pour réussir cette réforme ambitieuse, nous avons besoin de mobiliser toutes les catégories de salariés de notre pays. Comment gagner le défi de l'emploi - c'est, je le rappelle, un des objectifs de cette loi - sans y mettre le poids de la fonction publique et de ses 5 millions de salariés, dont le rôle s'est avéré détermi nant dans toutes les avancées sociales ? Lors des négociations engagées par leur ministre de tutelle, les fonctionnaires et leurs syndicats ont eu l'occasion de redire qu'ils souhaitaient qu'une loi-cadre organise la réduction du temps de travail. Ce serait l'occasion d'améliorer le service public rendu aux usagers et les conditions de travail, et de créer des emplois.

On constate tous les jours l'aggravation des conditions de travail dans de nombreux services publics et, malgré le dévouement des personnels, le service rendu aux usagers s'en ressent. Dans les villes de ma circonscription, comme Drancy ou Bobigny, les habitants expriment le besoin de plus de médecins et d'infirmières dans les hôpitaux et dans les écoles, de plus d'agents municipaux dans les quartiers, de plus d'îlotiers. Bref, partout il y a besoin de plus de fonctionnaires, au plus proche des besoins de nos concitoyens. Et cette loi peut contribuer de manière décisive à l'amélioration des services publics.

Les collectivités locales emploient 1,8 million de fonctionnaires. Mais les difficultés budgétaires d'un grand nombre d'entre elles bloquent les possibilités de passage aux 35 heures avec création d'emplois.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Eh oui !

M. Bernard Birsinger.

Dans ce contexte, il serait paradoxal de laisser perdurer une situation où les services publics privatisés - c'est le cas de l'assainissement dans certains départements - bénéficient d'aides d'Etat et pas les services publics maintenus. Pire, avec les ponctions sur la masse salariale opérées au titre des cotisations obligatoires, notamment la surcompensation de la CNRACL, les créations d'emplois publics sans aide de l'Etat sont financièrement pénalisées. Je veux ici me faire l'écho de mes collègues maires : dépassant les clivages politiques, 70 % d'entre eux ont exprimé le souhait, à l'occasion du congrès des maires de France, que l'Etat donne aux collectivités les moyens de réduire le temps de travail.

Refuser les aides à la création d'emplois pour les secteurs et les services publics, c'est placer ceux-ci dans une situation où la réduction du temps de travail se met en


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

place au détriment des conditions de travail et des services rendus ou bien s'accompagne d'une augmentation d'impôts. C'est aussi mettre en péril le principe d'unicité de la fonction publique.

Le 2 novembre dernier, lors de la séance des questions d'actualité, mon ami Jean Vila a demandé à Emile Zucarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, comment l'Etat entendait aider les créations d'emplois liées à la réduction du temps de travail. M. le ministre, tout en affirmant sa volonté de réduire le recours aux heures supplémentaires et de résorber la précarité, a répondu que la finalité première de cette loi n'était pas la création d'emplois.

M. Bernard Accoyer.

C'est bien le problème !

M. Bernard Birsinger.

Les chiffres du chômage qui ont été annoncés aujourd'hui appellent à l'optimisme, et je m'en félicite. Il convient toutefois de bien saisir la contribution des fonctions publiques à cette avancée dans la bataille pour l'emploi, je pense notamment au plan emplois-jeunes, qui doit sa réussite aux villes, aux départements, à la police et à l'éducation nationale. Madame la ministre, si votre gouvernement donne aux collectivités t erritoriales les moyens financiers pour passer aux 35 heures, je peux vous affirmer que ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui seront créés. Il existe d'ailleurs un précédent. Quand nos villes ont signé avec l'Etat, en 1982 et 1983, des contrats de solidarité, elles ont reçu des aides et des milliers d'emplois ont été créés dans la fonction publique, en particulier dans les collectivités territoriales.

Les effets de la croissance sur les recettes de l'Etat rendent possibles de telles créations d'emploi. Ils permettront de répondre aux attentes des fonctionnaires et de la population et de promouvoir le service public.

Certes, la seconde loi sur les 35 heures ne peut répondre à tous les enjeux auxquels sont confrontés les secteurs publics et les fonctions publiques. Pour autant, le groupe communiste souhaite vivement que cette seconde l ecture soit l'occasion d'intégrer les trois fonctions publiques dans le processus législatif de réduction du temps de travail. Il en va de la réussite de cette loi et de notre objectif de création d'emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Germain Gengenwin.

M. Germain Gengenwin.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les échéances du passage obligatoire aux 35 heures se rapprochant, les tensions sociales augmentent dans le secteur privé alors que le secteur public, en simple phase de concertation, connaît déjà des mouvements de grève.

Madame la ministre, vous avez jusqu'à présent pu bénéficier d'une croissance appréciable. Mais, attention, elle pourrait se retourner contre vous en réveillant les ardeurs revendicatrices des salariés car ceux-ci veulent bénéficier de ses fruits, et on les comprend.

M. Daniel Paul.

Notre collègue a raison !

M. Maxime Gremetz.

C'est vrai !

M. Germain Gengenwin.

Hélas ! la perspective des 35 heures ne leur laisse pas beaucoup d'espoir de ce côté-là.

M. Maxime Gremetz.

Au contraire !

M. Germain Gengenwin.

Si pour beaucoup de salariés, le passage aux 35 heures est synonyme d'euphorie - qui refuserait de travailler moins pour le même salaire ? - il est cependant à craindre pour beaucoup d'entre eux des lendemains qui déchantent car la marche forcée aux 35 heures à laquelle vous voulez soumettre les entreprises ne sera pas sans conséquence. Les cadres sont les plus inquiets car ils risquent de connaître une dose de stress supplémentaire.

M. Maxime Gremetz.

Oh ! en ce moment ils en ont beaucoup !

M. Germain Gengenwin.

Eh oui, il faut voir à quel rythme travaillent ceux qui ont des responsabilités à assumer.

L'obligation autoritaire et uniforme des 35 heures est en totale inadéquation avec les réalités internes des entreprises. Alors que la concurrence mondiale ne cesse de s'accroître, les gains de productivité sont essentiels. Le recours accru aux heures supplémentaires engendré par le passage aux 35 heures coûtera non seulement fort cher aux entreprises...

M. Maxime Gremetz C'est faux !

M. Germain Gengenwin.

... mais privera bon nombre de salariés d'une source essentielle de revenus supplémentaires. Ainsi, ni l'entreprise ni le salarié ne seront incités à faire des heures supplémentaires. Mais comme le disait un chef d'entreprise : « N'ayez crainte, nous trouverons la parade ! » Le système des heures supplémentaires est profondément inégalitaire pour les salariés puisqu'il varie selon que l'entreprise applique ou non les 35 heures. Vous n'hésitez pas à instituer une différence de bonification des heures supplémentaires de 10 % au détriment de ceux dont l'entreprise n'a pas pu passer aux 35 heures. Ces 10 % iront abonder le fonds de financement des 35 heures. N'y a-t-il pas un certain cynisme, madame la ministre, à faire financer les 35 heures par des salariés qui ne peuvent en bénéficier !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Tout à l'heure, vous parliez des entreprises, maintenant des salariés. Il faudrait savoir, je n'arrive plus à vous suivre !

M. Germain Gengenwin.

Les entreprises n'auront malheureusement d'autre recours pour maintenir leur compétitivité que de geler les salaires. C'est d'ailleurs ce qu'annoncent d'ores et déjà la plupart d'entre elles. Or les salariés n'entendent pas qu'il en soit ainsi. Ils veulent à juste titre préserver leurs acquis sociaux.

En quatre ans, le nombre des salariés au SMIC a progressé de 50 %. La politique d'allégement ciblée que vous mettez en place dans ce texte, avec ses inéluctables effets de seuils, ne peut que contribuer encore un peu plus au tassement de la grille des salaires vers le bas.

L'article 16 de votre projet provoquera également une rupture d'égalité entre les salariés. Madame la ministre, comment allez-vous gérer ces distorsions de traitement entre salariés ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme si de telles distorsions n'existaient pas déjà !

M. Germain Gengenwin.

Vous introduisez également des éléments de distorsion de concurrence néfastes entre entreprises. Les entreprises de moins de vingt salariés restées aux 39 heures indépendamment de leur volonté sont défavorisées par rapport à leurs concurrentes de plus de vingt salariés, qui pourront bénéficier dès janvier 2000


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

des exonérations des charges patronales parce qu'elles auront appliqué les 35 heures. Comment dans ces conditions, pourront-elles préserver leur part de marché ? C'est un problème crucial pour nos petits artisans et entrepreneurs.

Or certaines de ces petites entreprises, notamment de l'artisanat, sont confrontées à une pénurie de maind'oeuvre qualifiée dans plusieurs secteurs d'activité. Le directeur général de l'ANPE, dans une interview récente au quotidien Les Echos a déclaré à ce propos : « Sachant que les pénuries sont souvent localisées, il faut que toutes les parties concernées puissent, ensemble, au niveau local, bien faire l'analyse des difficultés et mener des actions pour anticiper les pénuries de main-d'oeuvre. »

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est ce qu'on fait !

M. Germain Gengenwin.

Je le rejoins tout à fait. Nous présenterons d'ailleurs, comme nous l'avons fait en première lecture, un amendement tendant à différer de deux ans l'application des 35 heures dans ces secteurs de manière que des jeunes puissent être formés. Je souhaiterais que le dispositif des plans régionaux de développement des formations professionnelles des jeunes soit réactivé, car il constitue un moyen essentiel pour inciter les entreprises à s'investir dans la formation.

Il est indispensable d'aider les salariés et demandeurs d'emplois à s'adapter aux besoins de l'entreprise. C'est tout le problème de la formation professionnelle. J'aimerais obtenir quelques éléments de réponse, la discussion au Sénat ne m'ayant pas suffisamment éclairé.

Je me permettrai d'insister de nouveau sur deux points importants. D'abord, l'absence de dispositions pour les contrats de formation en alternance dans votre projet de loi. Y a-t-il eu une évolution sur ce point depuis la première lecture ? Ensuite, le volet formation professionnelle et temps libéré. Je regrette que nous légiférions dès aujourd'hui sur l'articulation entre temps de formation et temps de travail alors qu'une réforme globale nous est promise pour très bientôt.

Je dois reconnaître que la mise en place du coinvestissement prévue dans le texte paraît aller dans le bons sens, la commission des affaires sociales ayant amélioré le dispositif en réaffirmant l'obligation légale de formation à la charge de l'employeur. Toutefois, des imprécisions demeurent. La distinction entre l'adaptation des salariés à l'évolution de leur emploi dans le cadre du temps de travail effectif et le développement des compétences du salarié hors du temps de travail défini par un accord de branche ou d'entreprise me paraît être une source de conflits qui ne pourra que stériliser le système.

Le tribunal de grande instance de Paris a d'ailleurs récemment annulé l'accord signé par l'Association française de banques qui prévoyait qu'une partie du temps de formation soit imputée sur le temps « hors travail ».

D'autres pistes devraient être envisagées en matière de co-investissement. La possibilité pour le salarié d'utiliser un compte épargne-temps-formation en capitalisant un nombre minimal d'heures de formation en fonction de son ancienneté et des heures supplémentaires serait à retenir.

Je finirai mon intervention, madame la ministre, sur les mesures de rechange que vous avez été contrainte de prendre pour financer les 35 heures, qui trahissent bien le manque de préparation de votre dispositif. Vous privez désormais le fonds de solidarité vieillesse d'une partie de son financement. Vous faites reposer un peu plus le financement des 35 heures sur la taxation des heures supplémentaires, dont l'importance du produit dépendra du nombre d'entreprises restées aux 39 heures. Il est donc pour le moins paradoxal d'espérer qu'il restera assez d'entreprises à 39 heures pour financer une diminution obligée du temps de travail.

Cette loi, madame la ministre, avait soulevé un certain enthousiasme chez les salariés. Aujourd'hui, il semble que le vent ait tourné. Les salariés savent qu'en réalité ils seront perdants, tout comme l'économie française. C'est pourquoi l'UDF ne votera pas ce projet.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la réduction du temps de travail revient en deuxième lecture mais c'est la première fois que notre assemblée dispose de précisions sur les modalités du financement, d'ailleurs partiel, du surcoût du travail entraîné par les 35 heures.

Quelle démocratie respectueuse de ses institutions aurait osé aussi longtemps cacher la réalité à son Parlement ? Madame la ministre, vous, vous avez osé ! Vous avez même, la veille de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale, qui définissait les modalités du financement des 35 heures, changé votre fusil d'épaule.

Désormais, la situation est claire : à partir d'un postulat faux, le Gouvernement assène de vrais mensonges.

Qui, en effet, peut croire, comme l'affirme le Gouvernement, que l'on pourrait travailler moins en gardant le même salaire, la même protection sociale, qui n'est somme toute qu'une forme de salaire différé ? Ce postulat est faux en France comme dans le reste du monde. D'ailleurs, s'il ne l'avait pas été, vous auriez, madame le ministre, fait de nombreux émules.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Attendez donc !

M. Bernard Accoyer.

Par quel miracle les Français pourraient-ils, sans conséquences sur leur salaire, sur leur protection sociale, sur leur retraite, travailler moins que les autres peuples, à l'échelle de leur vie professionnelle comme de la semaine ? Même si à la question complaisamment mise en avant par le Gouvernement : « Voulez-vous travailler moins et gagner autant ? », les Français répondent positivement, ils savent bien que le Gouvernement leur ment.

Le plus grave est de cacher aux salariés le sort qui leur sera réservé, même si les conflits sociaux montrent qu'ils en sont conscients.

Conséquences d'abord sur les salaires : le pouvoir d'achat connaîtra une évolution inéluctablement réduite.

Conséquences sur les conditions de travail : pressions et nouvelles contraintes inquiétant plus particulièrement les cadres. Ils le font d'ailleurs savoir à juste raison.

Conséquences sur la liberté de travailler plus : vous allez même jusqu'à taxer les heures supplémentaires.

Conséquences sur l'équité dans le travail entre les salariés dont auront à pâtir les salariés rémunérés au SMI C et les salariés à temps partiel.

Conséquences sur la pérennité des emplois dans les entreprises, qui, pour certaines, ont déjà différé leurs investissements, délocalisé un certain nombre de productions.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

Conséquences sur les entreprises, pour lesquelles, malgré les assertions gouvernementales, le coût du travail va croître. Les allégements partiels de charges et l'aide qui n'aura de pérenne que le nom, comme toutes ces aides, sont loin de compenser l'augmentation des coûts.

C onséquences pour les entreprises et les salariés encore : vous confisquez le champ du dialogue social, qui est administré, étatisé ; vous remettez en cause les accords conclus dans 121 branches professionnelles touchant potentiellement 11 millions de salariés.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Onze millions, c'est encore plus que nous le croyions !

M. Bernard Accoyer.

Vous alourdissez les charges salariales, car les baisses de charges nouvelles ne concernent que les salaires compris entre 1,3 et 1,8 le SMIC, et que rien n'est fait pour les autres. Vous compliquez la gestion de la production et des salaires, qui en devient inextricable. Il me suffira d'évoquer les douze volumes annuels d'heures supplémentaires, les deux modes de calcul de ces heures supplémentaires, les quatre taux de majoration, les trois types d'affectation de ces majorations, les deux modes de paiement, les trois sortes de repos compensateur. Au total, cela nous donne pas moins de 1 728 combinaisons différentes pour les seules heures supplémentaires.

M. Germain Gengenwin.

Eh bien bravo !

M. Bernard Accoyer.

L'introduction d'une garantie salariale pour les salariés à temps partiel se référant au SMIC pour 39 heures institue autant de SMIC horaires que d'horaires pratiqués. N'en doutons pas, il y aura autant de recours contentieux. C'est une des grandes inquiétudes des entreprises qui comptent de nombreux salariés à temps partiel.

J'en viens aux conséquences que ce texte aura sur le financement de la protection sociale. Si le Gouvernement a, sous la pression unanime des partenaires sociaux, renoncé à ponctionner l'UNEDIC, il n'en a pas pour autant renoncé à opérer un prélèvement sur les recettes des finances sociales. En effet, 5,6 milliards prélevés sur la taxe sur les alcools sont ainsi détournés du fonds de solidarité vieillesse, ainsi que la moitié du produit de la taxation de l'épargne auparavant destinée à la branche vieillesse et à la branche famille. Vous amorcez ainsi la pompe sur les finances sociales. La situation est inquiétante, car dès l'année prochaine, il manquera plus de 20 milliards à ce financement. On voit bien où vous allez les trouver, madame la ministre. Vous avez instauré un prélèvement à la source sur les finances sociales.

N'oublions pas, enfin, les conséquences sur les consommateurs et sur l'agriculture, où les mécanismes de formation des prix faisant intégralement peser sur les producteurs le coût des 35 heures et, notamment, de la TGAP désormais étendue aux produits phytosanitaires.

M. Germain Gengenwin.

Eh oui !

M. Christian Jacob.

C'est scandaleux !

M. Bernard Accoyer.

Ces dispositions sont iniques.

Elles taxent le travail de certaines catégories au nom de la protection de l'environnement sans nullement l'améliorer, allant même jusqu'à faire financer les 35 heures par les agriculteurs alors qu'ils ont coutume de faire au moins deux fois 35 heures par semaine, et cela toute l'année.

Et que dire de l'application des 35 heures aux travailleurs saisonniers de l'agriculture, dont la période d'activité correspond à des impératifs agronomiques et climatologiques incontournables ? Madame la ministre, la croissance mondiale qui a gagné la France masque les effets de vos décisions dangereuses pour l'avenir des Français et des entreprises françaises. Vous le savez bien, si le chômage contre lequel nous sommes tous mobilisés régresse, c'est sous l'effet de la croissance. Et si les 35 heures cassaient cette croissance ? Prenez garde, car si celle-ci peut un temps masquer vos erreurs, rappelez-vous ce qui est arrivé à vos prédécesseurs, MM. Rocard et Bérégovoy !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Et Juppé et Balladur, surtout ! C'est cela qui m'inquiète !

M. Bernard Accoyer.

Souvenez-vous des déficits abyssaux qu'ils ont laissés : 100 milliards de francs de déficit en 1993 pour la sécurité sociale et 330 milliards de déficits publics ! Les entreprises qui se sont déjà engagées dans les 35 heures sont celles qui se trouvaient en situation de croissance et qui avaient besoin de flexibilité. Elles ont profité de l'effet d'aubaine.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.

La caricature ne vous fait pas peur, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer.

Celles qui, dans quelques semaines, seront contraintes de réduire le temps de travail cumulent pour leur part toutes les difficultés. Pourquoi aggraver celles-ci et refuser de valider les accords déjà conclus ? Pourquoi refuser d'accorder la souplesse indispensable aux multiples secteurs qui vont se trouver aux prises avec des difficultés insurmontables, des transporteurs routiers jusqu'aux entreprises faisant appel à une main d'oeuvre qualifiée qui manque d'ores et déjà cruellemnt ? Madame la ministre, la réduction du temps de travail dans le secteur concurrentiel conduit évidemment à la réduction du temps de travail dans la fonction publique.

Cela est légitime. Mais, alors, comment allez-vous arbitrer entre la durée du temps de travail hebdomadaire et la durée du travail au cours de la vie active ? Votre immobilisme coupable sur les retraites, votre renoncement à ouvrir le débat démocratique sur l'avenir des retraites vous rattrapent. Il faudra évidemment, et ce peut être une chance si vous en avez le courage, tout mettre sur la table.

Comment en effet les seuls salariés du secteur concurrentiel pourraient-ils supporter à la fois 11,4 % de surcoût des salaires de la fonction publique si celle-ci passe aux 35 heures, une réduction de dix trimestres, soit deux ans et demi, de durée des cotisations vieillesse et donc la charge de deux ans et demi supplémentaires de retraites, dont le montant est de surcroît estimé à environ 10 % de plus que le leur, différence qui va en augmentant chaque année ? Après avoir été une promesse électorale, la réduction autoritaire du temps de travail est pour vous une mesure dogmatique. Elle devrait être, au contraire, une mesure librement négociée avec des avantages pour les salariés et les entreprises.

L'aménagement de la réduction du temps de travail aurait dû être un des piliers de la modernisation de nos rapports sociaux et, plus encore, des conditions sociales offertes aux salariés pendant leur vie professionnelle, pour la formation professionnelle et pour leur retraite, sans oublier leur couverture maladie. Cette évolution aurait dû être l'occasion d'un renouveau social, d'une convergence nouvelle entre les salariés, les entreprises, les branches pour mieux garantir les salariés, y compris ceux du secteur public, face à la maladie et à la vieillesse, pour développer l'intéressement et la participation.


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Au contraire, vous confisquez le dialogue social. Vous censurez les accords de branche. Vous remettez en cause le paritarisme. C'est une occasion manquée. Nous nous opposons donc à ce texte dans l'attente de pouvoir reconstruire un système social que vous aurez autant mis à mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Maxime Gremetz.

Vous n'avez pas fait de progrès depuis la première lecture, monsieur Accoyer !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Vous non plus !

M. le président.

La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues.

Madame la ministre, mes chers collègues, ce débat est pour moi l'occasion de revenir sur les quelques semaines qui se sont écoulées entre la première et la nouvelle lecture de ce projet de loi, semaines pendant lesquelles l'actualité politique, sociale, économique et même juridique a été particulièrement intéressante.

Sur le plan politique, on a entendu plusieurs esprits éclairés nous dire, par presse interposée, que l'aménagement et la réduction du temps de travail relevaient davantage des rapports entre les partenaires sociaux que de la loi.

M. Bernard Accoyer.

Eh oui !

Mme Odile Saugues.

Ces mêmes esprits éclairés ne manquent pas de nous rappeler qu'en Allemagne, il en va autrement.

M. Bernard Accoyer.

Mme Aubry nous avait dit que ce n'était pas une solution pour traiter le chômage !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous prenez vos désirs pour des réalités, monsieur Accoyer !

Mme Odile Saugues.

Cela ne nous avait pas échappé.

Mais si la tradition allemande est ainsi faite, c'est que le rapport de forces est suffisamment équilibré pour permettre aux pouvoirs publics de se tenir en retrait, en se contentant d'une position d'arbitre, même si l'actualité récente nous invite à une certaine prudence et tend à montrer que les pouvoirs publics allemands s'autorisent des interventions massives dans le domaine économique.

En France, la tradition est autre et, disons-le tout net, les initiatives qui se limitaient à une simple incitation à la négociation ont été décevantes, pour ne pas dires nulles.

On peut le regretter, s'interroger sur les responsabilités des uns ou des autres face à cet échec, mais notre devoir n'est pas de nous contenter de constats, il est de dégager des solutions.

Il fallait donc légiférer en laissant un espace suffisant à la négociation. Cet équilibre, je crois, est atteint avec le texte. Par le biais des aides de l'Etat, les entreprises sont conviées à ouvrir des négociations pour appliquer cette nouvelle durée légale.

Il y a, bien sûr, une alternative. Nous connaissons tous des chefs d'entreprise qui ne souhaitent pas d'aides de l'Etat et entendent passer aux 35 heures d'une manière souvent contestable, sans accord ni même consultation des organisations syndicales. Ceux-là n'auront donc pas droit aux allégements, mais, de plus, ils ne pourront pas présenter un plan social. C'est, me semble-t-il, une incitation supplémentaire à ouvrir des négociations dans toutes les entreprises de plus de cinquante salariés. Depuis la première lecture, nous avons d'ailleurs pris note de quelques évolutions intéressantes chez certains grands patrons, qui envisagent enfin de considérer autrement leurs interlocuteurs, qu'ils soient représentants des salariés ou législateurs. J'ai ainsi pris connaissance avec intérêt des propos de l'un d'entre eux qui, dans un quotidien, a annoncé qu'il fallait « dépoussiérer son entreprise ». Nous en sommes ravis. Il s'agit pour ceux-là, d'une petite révolution. Ils vont sortir d'un seul coup du

XIXe siècle et découvrir à leur tour que la démocratie sociale est une richesse et un atout pour l'entreprise.

Ouvrir des négociations sérieuses et loyales dans le but de parvenir à un accord, cela signifie que l'on accepte le principe que la réduction du temps de travail peut permettre de sauver des emplois.

Ouvrir des négociations sérieuses et loyales dans le but de parvenir à un accord, c'est reconnaître le rôle des organisations syndicales, c'est les respecter, c'est accepter de rechercher avec elles des solutions, plutôt que de réserver ses annonces stratégiques aux seuls actionnaires.

Ouvrir des négociations sérieuses et loyales dans le but de parvenir à un accord, cela signifie que l'on ne peut se contenter d'une seule ouverture de négociations. Je vous renvoie à la loi du 13 novembre 1982 sur la négociation collective et à l'intention du législateur, tout comme à la circulaire du 25 octobre 1983 qui dispose que la négociation doit être réelle et non pas formelle. Cela implique que l'ordre du jour et les revendications déposées par les organisations syndicales devont être discutés de manière approfondie. Des propositions et des contre-propositions devront être formulées, analysées, discutées.

Ouvrir des négociations sérieuses et loyales dans le but de parvenir à un accord, avant la présentation de tout plan social, est une avancée que le groupe socialiste a traduite dans la réalité de ce texte de loi.

Toute la majorité de la gauche plurielle s'est retrouvée pour défendre cette disposition, que la droite sénatoriale s'est empressée d'anéantir. A cet égard, permettez-moi en cet instant de me féliciter des propos tenus, au Sénat, par la présidente du groupe communiste, Mme Hélène Luc, qui a pris la mesure de ce progrès indéniable.

(Sourires sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)

Il nous faudra donc rétablir cette avancée sociale dans sa version initiale, telle que nous l'avions adoptée à mon initiative en première lecture. Les salariés qui attendent depuis près de deux ans l'ouverture de négociations sur les 35 heures dans les grandes entreprises ne comprendraient pas qu'une disposition de bon sens soit retardée plus longtemps alors que cette revendication de dialogue social est sur le point d'aboutir.

Il nous faudra en revanche tenir compte des sociétés qui sont en redressement judiciaire. Il ne s'agit pas pour nous d'introduire dans le code du travail une dispositon qui ne tiendrait pas compte des réalités économiques.

J'évoquais tout à l'heure les évolutions que nous avons pu observer depuis l'adoption, en première lecture, de ce projet de loi. Un autre événement mérite d'être souligné, car il est au coeur d'un débat légitime. Il ne concerne pas directement la réduction du temps de travail, donc ce texte de loi. Il s'agit plus généralement de l'attitude des tribunaux face aux plans sociaux.

E n octobre dernier, les juges des prud'hommes d'Amiens se sont prononcés sur la légitimité d'un plan social au regard de la situation économique d'une entreprise qui dégageait des profits financiers. Ces magistrats se sont fondés sur une analyse économique de l'entreprise en estimant que sa compétitivité n'avait pas décliné au


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point de menacer sa sauvegarde. « Les coûts élevés du travail ne peuvent pas constituer un motif économique justifiant la mise en oeuvre d'un plan social », ont-ils déclaré.

Si cette décision devait être confirmée, cela constituerait une avancée indéniable car, jusqu'à présent, les juges refusaient de se prononcer sur le motif économique d'un plan social. Cela répondrait au souci de nombreux salariés qui souhaitent qu'un regard extérieur soit porté sur des décisions économiques, industrielles et sociales majeures.

Je ne commenterai pas davantage cette actualité juridique qui se prolonge actuellement, mais en tant que législateurs nous devons suivre l'évolution de ce dossier avec la plus grande attention.

Toujours à propos de l'actualité de ces quelques semaines qui ont séparé première et nouvelle lectures, il me paraît nécessaire d'évoquer les mouvements revendicatifs des salariés. Souvent, cette mobilisation a lieu autour d'un enjeu central majeur : celui du temps effectif de travail et de sa définition.

L'examen du projet de loi en première lecture a clarifié cette question sensible et a mis en exergue une phrase qui vous tient à coeur, madame la ministre, la réduction du temps de travail doit se faire à périmètre constant. Les pauses comptées hier devront l'être demain...

Nous savons la complexité de légiférer en la matière tant la diversité sociale des entreprises est grande, mais nous savons qu'il fallait le faire car des menaces sur les acquis sociaux se manifestaient dans de trop nombreuses entreprises. Il s'agit donc de préserver les acquis qui existaient avant le vote de cette loi pour que les salariés puissent mesurer concrètement les effets de la réduction du temps de travail. C'est cet esprit qui nous guide et qui doit marquer la loi.

Enfin, la mobilisation des salariés a souvent pour objet les craintes que suscite l'annualisation ou le temps partiel.

Conscients de cette réalité, nous avions retenu le principe de contreparties pertinentes pour les salariés. C'est d'ailleurs une notion que l'ont trouve déjà dans le code du travail. Je ne sais pas s'il faut affirmer ce principe de manière générale ou de manière plus précise sur différents points de la loi, mais il me paraît essentiel que ces contreparties soient indiquées et inscrites dans ce texte, par exemple lorsque l'employeur ne respecte pas le délai de prévenance prévu en cas de modulation.

La loi que nous élaborons aujourd'hui est et doit être un outil de progrès social. Bien sûr, nous sommes tous conscients qu'il faudra poursuivre nos efforts pour que la démocratie sociale franchisse vraiment les portes des entreprises et soit pleinement respectée. Le chantier est immense et complexe, car il doit prendre en compte la mondialisation, d'une part, et la précarité de l'emploi, d'autre part. Il doit s'accompagner impérativement d'un contrôle accru sur les aides publiques accordées aux entreprises et d'un renforcement des moyens et des missions de l'inspection du travail, notamment dans le cadre de plans sociaux financés par l'Etat. Ce chantier doit être conduit en France. Il doit être ouvert en Europe. Il devra être envisagé au-delà des limites de l'Union européenne.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous n'avions aucune illusion sur le sort que la majorité conservatrice du Sénat réserverait à un projet de loi s'inscrivant dans un objectif de progrès social et de modernisation des relations du travail.

Il faut reconnaître que la Haute Assemblée n'a pas failli à sa réputation en adoptant un texte auquel il ne manque que la signature du président du MEDEF pour authentifier définitivement sa seule source d'inspiration.

(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Excellent !

M. Alain Vidalies.

Il est d'ailleurs tout à fait intéressant de connaître ainsi, de manière précise, la politique que la droite proposerait aux Français.

D evant notre assemblée, en première lecture, la démarche de l'opposition était difficile à identifier. Cela dit, je me permets de rappeler qu'un amendement du groupe RPR prévoyait la mise en place de la modulation à la seule initiative de l'employeur, sans négociation et sans contrepartie pour les salariés.

M. Germain Gengenwin.

Personne n'a jamais dit ça !

M. Alain Vidalies.

Cette proposition a été reprise par le Sénat à l'article 3 organisant l'annualisation sans contrepartie ni garantie au bénéfice des salariés.

M. Yann Galut.

Il faut lire ce que les sénateurs ont voté !

M. Alain Vidalies.

Il faut également mettre en exergue les propositions de la majorité de droite du Sénat visant à permettre aux employeurs de conclure, jusqu'au 1er janvier 2001, des contrats de travail intermittents, en l'absence d'accords collectifs, ou encore à assouplir le régime des équivalences qui s'inscrit dans un objectif exactement opposé à la réduction du temps de travail.

Nos débats en nouvelle lecture seront, je n'en doute pas, intéressants, car il ne suffit pas de s'opposer systématiquement à un texte pour élaborer une politique. Si vous êtes tellement convaincus du caractère désastreux du passage aux 35 heures, chers collègues de droite, alors soyez clairs ! Annoncez votre programme pour les futures échéances électorales : retour aux 39 heures, modulation à la seule initiative de l'employeur, flexibilité sans contrepartie ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Pouvons-nous au moins espérer que le débat permette cette clarification ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Ça suffit la caricature !

M. Yann Galut.

Lisez le texte du Sénat !

M. Alain Vidalies.

La commission a proposé, pour l'essentiel, de revenir au texte adopté en première lecture par l'Assemblée.

La modification apportée à la prise en compte du temps d'habillage et de déshabillage mérite d'être approuvée. L'essentiel, c'est que les négociations s'engagent à décompte constant du temps de travail effectif dans l'entreprise.

M. Germain Gengenwin.

Quand même !

M. Alain Vidalies.

Il subside aujourd'hui une interrogation sur le régime particulier des cadres.

S'agissant du forfait en heures, je note avec satisfaction que notre commission a reconnu le caractère dérogatoire de ce dispositif en ouvrant le droit d'opposition prévu à l'article L. 132-26 du code du travail, c'est-à-dire la possibilité pour les organisations syndicales ayant obtenu la majorité des électeurs inscrits de remettre en cause la validité de l'accord.


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La question principale reste manifestement celle du forfait en jours au coeur des réactions des organisations syndicales.

La première interrogation légitime est celle de l'extension du champ d'applications, du forfait jour aux itinérants non cadres. Si, pour les VRP, cette précision relève de l'évidence, ne faut-il pas craindre ses effets pour tous les jeunes techniciens spécialistes des nouvelles technologies notamment, dont l'essentiel de l'activité se déroule chez le client, ou encore pour tous les employés des service commerciaux dont il sera considéré a priori que l'horaire de travail ne peut être prédéterminé ? Ce champ d'application, à mon sens trop large, n'est pas de nature à rassurer sur les risques évidents que l'exception ne devienne la règle et que le forfait jour ne s'impose comme le mode normal de recrutement et d'emploi des itinérants. Dans la mesure où il s'agit d'un régime totalement nouveau par rapport à ce que prévoit notre code du travail, il me paraît indispensable, par application du principe de précaution, d'exclure les non-cadres du champ d'application du forfait jour.

S'agissant de ce forfait il existe évidemment une contradiction forte à accepter ce mode dérogatoire et, p arallèlement, à vouloir réintroduire le respect des maxima hebdomadaires ou annuels de droit commun.

Mais la contradiction s'arrête à ce seul constat. Je ne partage pas l'avis de ceux qui considèrent que, de facto, aucun décompte horaire n'est plus envisageable.

Je sais bien que l'intention du Gouvernement n'est pas de légaliser les 2 800 heures annuelles évoquées par certains, mais soyons conscients que ce risque existe et qu'il y a des esprits mal intentionnés, Nous devons apporter aux cadres les apaisements qu'ils attendent. La solution qui avait ma préférence était d'imposer la référence à un volume maximal des heures travaillées dans les accords visant les forfaits jours. J'ai toutefois noté avec intérêt, madame la ministre, l'idée selon laquelle le cadre soumis au forfait jour pourrait conserver la possibilité, à titre individuel, en cas d'abus dans ses conditions de travail, de saisir le juge d'une demande d'indemnité spécifique. J'espère que le Gouvernement nous proposera un amendement en ce sens.

Comme toutes les idées neuves, la réduction du temps de travail suscite l'hostilité de principe des conservateurs et le scepticisme des inquiets. Je suis quant à moi persuadé qu'elle s'imposera rapidement comme une loi de progrès social et de modernisation des relations sociales...

M. Germain Gengenwin.

Ça reste à voir !

M. Alain Vidalies.

... que les Français mettront au crédit du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Mes chers collègues, je vous propose d'aller au terme de la discussion générale, ce qui devrait prendre trente minutes environ, à condition que chacun respecte son temps de parole.

La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont.

Le mouvement que nous avons initié en juin 1998 est aujourd'hui plébiscité par les salariés. Un sondage IPSOS d'avril 1999 montre que 91 % des salariés passés à 35 heures sont satisfaits ou très satisfaits. Ils y voient un bénéfice pour leur épanouissement personnel et POUR leur vie familiale.

Si les 35 heures n'avaient comme objectif que ce seul épanouissement des individus, nous pourrions estimer avoir rempli notre contrat. Toutefois, la réduction du temps de travail, c'est aussi et surtout la réduction du chômage et la relance du dialogue social. Là aussi, je crois que nous pouvons estimer, sans trop de prétention, que le pari est en passe d'être gagné.

Les derniers chiffres du ministère du travail indiquent que près de 17 000 accords ont été signés au 31 octobre 1999, qui ont permis de créer ou préserver plus de 130 000 emplois. Dans le Calvados, 785 emplois ont été créés, dont près de 120 dans ma seule circonscription.

Ce second texte que nous nous apprêtons à voter renforce le large mouvement de négociations déjà engagé. Il participera à la création massive d'emplois. Il consacre d'importantes avancées pour les salariés et améliore leurs conditions de travail.

Sans refaire la liste de ces avancées, je rappellerai celles qui sont pour moi les plus significatives.

Depuis de nombreuses années, les salariés ont servi de variable d'ajustement aux entreprises - et pas forcément à celles qui étaient les plus en difficulté. Nous avons vu se multiplier les contrats précaires, l'intérim, les CDD, l'utilisation systématique des heures supplémentaires et le temps partiel, tout cela au mépris de la vie privée de ces salariés.

Désormais, et je m'en réjouis, l'utilisation du temps partiel, des heures complémentaires et de heures supplém entaires sera plus strictement encadrée. Le repos compensateur, qui correspond à un temps de récupération essentiel à la santé des salariés, est érigé en principe et ne constituera plus l'exception.

Le renchérissement du coût des heures supplémentaires limitera l'utilisation abusive de celles-ci et incitera à l'embauche et à la réduction du temps de travail effectif.

Si l'on ne peut interdire les heures supplémentaires nécessaires au fonctionnement de l'entreprise, au moins pouvons-nous faire en sorte d'en réduire l'importance et d'en empêcher l'abus. A ce propos, je regrette que nous n'ayons pas intégré au contingent d'heures supplémentaires les heures donnant lieu à repos compensateur. Une telle disposition aurait été de nature à favoriser la création d'emplois.

De la même manière, j'aurais souhaité que la représentation nationale applique à tous les salariés les mêmes règles que celles adoptées pour les salariés à temps partiel en cas de refus des heures supplémentaires. Il m'apparaît en effet aberrant que l'on puisse encore licencier un salarié pour le simple fait d'avoir refusé d'effectuer des heures supplémentaires.

Ces mesures auraient enrichi le texte et le droit des salariés, comme l'ont fait la suppression de l'abattement de charges sur le temps partiel ou l'exclusion des CDD du bénéfice de l'abattement de charges lié à la réduction du temps de travail.

Je me félicite également de l'adoption de l'amendement de ma collègue Odile Saugues, amendement qui impose aux entreprises, avant tout recours au licenciement, de négocier au préalable la réduction du temps de travail. Cette mesure, comme l'a souligné le Premier ministre, a pour objectif de faire face aux abus ; il est inadmissible pour une entreprise d'annoncer des bénéfices substantiels et, parallèlement, la suppression d'emplois.

Madame la ministre, au cours des réunions publiques et rencontres que nous avons eues avec les organisations syndicales - ce fut mon cas, dans le Calvados -, j'ai eu l'occasion de présenter ce texte et de le défendre pour ce qu'il me semble être : une avancée décisive pour les salariés et pour l'emploi.


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Quelques questions m'ont cependant été posées, auxquelles je n'ai pu répondre complétement. Je souhaite m'en faire l'écho auprès de vous, madame la ministre.

Elles sont au nombre de trois. Vos réponses seront, j'en suis convaincue, de nature à éclairer les salariés.

M a première question concerne l'« amendement Michelin » que j'évoquais à l'instant. Les salariés souhaiteraient savoir ce qu'il faut entendre exactement par « avoir engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un accord sur la réduction du temps de travail ». En effet, si la jurisprudence sociale de la Cour de cassation a souvent été favorable aux salariés, certaines décisions ne l'ont pas été. Il serait utile que des précisions soient apportées afin d'éviter de dénaturer l'esprit dans lequel cet article a été élaboré.

Ma deuxième question concerne l'article 1 bis.

Que faut-il entendre par « contreparties pertinentes et proportionnelles aux sujétions professionnelles et personnelles imposées » ? Si le contenu d'accord est généralement le produit d'un rapport de forces dans l'entreprise entre syndicats et patronat, nombreuses sont les entreprises où il n'existe pas de représentation syndicale structurée. Ce ne serait pas faire injure aux syndicalistes que de demander que cette disposition soit précisée.

Ma dernière question concerne le dispositif d'abattement de charges réservé aux entreprises ayant négocié la réduction du temps de travail. Celui-ci constitue une garantie pour les salariés de voir réduit leur temps de travail dans de bonnes conditions, car il ne peut qu'encourage à la négociation. Un doute plane cependant encore sur le sort réservé aux entreprises, certes peu nombreuses, qui ont conclu un accord de Robien. Ces entreprises, et c'est le cas dans ma circonscription pour le centre administratif du Crédit lyonnais et pour Moulinex, n'ont à ce jour reçu aucune réponse concernant le dispositif d'aides auquel elles peuvent prétendre. Verront-elles reconduites les aides de Robien, bénéficieront-elles de l'abattement de charges Aubry ou ne bénéficieront-elles d'aucun de ces deux dispositifs ? Je souhaiterais vivement avoir votre réponse sur ce point et je vous en remercie par avance.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à Mme Catherine Picard.

Mme Catherine Picard.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, au cours de la première lecture de ce projet de loi sur la réduction du temps de travail, deux visions de la société française se sont affrontées : d'une part, celle d'une société allant vers plus de temps libéré pour les salariés, l'Etat menant une politique de l'emploi volontariste et incitative ; d'autre part, celle d'une organisation sociale où tout serait déterminé en fonction des besoins des entreprises, sans considération réelle pour ceux des salariés et des chômeurs.

La perspective d'une loi réduisant le temps de travail a d'ailleurs suscité de grands espoirs chez ceux qui ont soutenu ce projet phare de la gauche.

Le vote de ce projet de loi en première lecture a apporté de nombreux motifs de satisfaction ; le premier a été de voir les salariés acquérir de nouveaux droits dans l'entreprise ainsi qu'une nouvelle organisation.

Toutefois, les salariés qui viennent de manifester ont plaidé pour l'amélioration de cette loi.

Parmi ceux qui exprimaient le plus fortement leur inquiètude figurent bien entendu les cadres.

Sous l'impulsion des syndicats, cette catégorie de salariés appelle le Gouvernement et la majorité de la gauche plurielle à la vigilance, face à certaines dispositions du projet de loi.

La disposition plus décriée est celle instituant un forfait annuel en jours pour le décompte du temps de travail, sans limite horaire journalière.

La crainte des cadres est tout à fait légitime. Imaginons un instant les conséquences qu'entraînerait une telle disposition appliquée par des employeurs peu soucieux de préserver l'équilibre et la santé de leurs salariés. C'est en toute légalité que pourraient être imposés des horaires de travail allant jusqu'à treize heures par jour. La perspective de devoir travailler jusqu'à treize heures par jour durant 217 jours en une année n'est nullement réjouissante ! La loi doit empêcher cette dérive grave, qui irait à l'encontre de l'un de ses objectifs principaux, à savoir l'amélioration des conditions de travail et de vie des salariés.

La seule solution réside dans la fixation d'une limitation horaire par la loi elle-même, ou par voie conventionnelle. Mais dans cette dernière hypothèse, la loi doit offrir un cadre de négociation écartant tout abus et toute possibilité, pour les entreprises, de disposer d'une maind'oeuvre à leur merci.

L'introduction, dans la loi, de ce verrou de sécurité répondra aux revendications les plus légitimes des salariés, auxquelles la majorité de gauche et le Gouvernement ne peuvent être indifférents.

Les organisations syndicales insistent sur des dispositions du projet de loi relatives aux autres catégories de salariés. Je pense à la définition du temps de travail effectif pour lequel le projet de loi adopté en première lecture a apporté des modifications très significatives.

Des avancées considérables ont été réalisées en incluant dans le temps de travail effectif les temps d'habillage et de déshabillage lorsque le port d'une tenue est nécessaire, ainsi que certaines pauses de courte durée.

Les temps nécessaires à l'habillage et au déshabillage obligent le salarié à se rendre plus tôt sur son lieu de travail et à quitter celui-ci plus tard. Il ne s'agit donc pas de temps d'inaction, comme le mentionnait pourtant la loi de Vichy, que ce projet de loi est venu enfin abroger.

Ce principe semble découler de la logique même, étant donné que, durant ces périodes, le salarié est bien à la disposition de son employeur et n'est nullement maître de son temps.

La mise en place des 35 heures doit tenir compte de ce paramètre et maintenir, dans sa rédaction finale, l'esprit de cette disposition.

L'ensemble de ces dispositions, qui restent à consolider, doivent être assorties du maximum de garanties d'application. Tous les salariés doivent pouvoir faire entendre leur voix dans l'entreprise et concrétiser leur souhait de travailler moins et de vivre mieux.

Cette deuxième loi doit donc tracer un cadre de négociation permettant de mettre en oeuvre les objectifs de progrès social qui lui avaient été assignés.

Elle doit aussi donner aux instances représentatives du personnel les moyens de contrôler la bonne application des accords conclus.

Un signal fort doit être lancé avec l'adoption de cette loi, pilier d'un projet de société de progrès et de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Yann Galut.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. Yann Galut.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s'il y a une décision politique qui concerne chaque Français dans son existence, c'est bien celle qui réglemente le temps de travail.

Le contenu de la loi, au sortir du vote du Parlement, doit permettre d'ouvrir une ère nouvelle d'embauches massives et de temps libéré au profit de tous, au niveau de la vie familiale, de l'épanouissement personnel et de l'investissement dans la cité.

L'issue se joue sur quelques questions simples. Il fauts avoir si l'on veut répercuter entièrement sur les employeurs la réduction du temps de travail en les empêchant de se soustraire à la création d'embauches, ou si on leur laisse tous les moyens d'utiliser cette loi pour imposer, sur le terrain, le contraire de ce que nous voulons.

Le texte qui nous est soumis aujourd'hui aurait été limité à une simple réduction de charges sociales si nos collègues sénateurs de la gauche plurielle n'avaient pas bataillé contre certaines forces conservatrices du Sénat.

De fait, le texte qui nous revient du Sénat illustre clairement la volonté de la droite de freiner, par tous les moyens, la diminution du temps de travail et de développer au maximum la flexibilité.

Le temps de travail, lorsqu'il dépasse les 48 heures hebdomadaires, cesse d'être une donnée économique ou sociale pour devenir une affaire de santé publique. Or l'efficacité économique est directement liée à la protection des salariés. De nombreuses études montrent que la motivation et la qualité du travail sont en rapport direct avec les conditions de travail et, en particulier, la durée de celui-ci.

La logique des 35 heures sans perte de salaire exige que tous les garde-fous qui encadraient hier les 39 heures soient reportés symétriquement sur le nouveau cadre de travail à 35 heures.

Je ne reviendrai pas sur la définition du temps de travail effectif, qui doit rester la moins ambiguë possible pour éviter que l'on puisse déduire du temps de travail de nombreux temps d'inaction tels que l'habillage, les pauses casse-croûte ou les temps de transports contraints.

Je préfère aborder deux sujets qui me semblent importants pour que la majorité plurielle réussisse avec succès la conquête des 35 heures.

Je commencerai par les revendications légitimes des cadres.

Les cadres sont une catégorie de salariés qui a connu en une décennie une très grande évolution, tant en nombre que du point de vue de leur représentation socioprofessionnelle.

Le considérable accroissement du nombre de cadres est dû à l'élévation du niveau de qualification des emplois.

Par ailleurs, la nouvelle génération des jeunes diplômés a une approche de la vie professionnelle très différente de celle des générations précédentes. Ceux-ci voient que leur aînés, qui se sont donnés sans compter à leurs entreprises, sont rejetés à 55 ans, sans aucuns égards pour le travail qu'ils ont fourni.

Il est bien qu'on ne voie plus les choses ainsi. Et à la surprise d'une partie de la gauche, on a même entendu les cadres réclamer le retour des pointeuses ! Ceux-ci n'ont pas échappé au mécanisme général d'allongement et d'intensification de la durée du travail. Désormais, ils n'en veulent plus.

Les témoignages ne manquent pas. 79 % des cadres souhaitent consacrer plus de temps à leur vie privée et familiale. Dans le même temps, la moitié d'entre eux travaillent plus de dix heures par jour et n'ont pris que 83 % de leurs droits à congé. Cette situation n'est pas satisfaisante.

Dans d'autres pays européens, on sait très bien fermer les bureaux après une certaine heure et les entreprises n'en sont pas moins performantes. Il est temps de rompre avec cette culture très française qui conçoit le temps de présence comme un indice de qualité du travail.

Ainsi, le maintien du forfait jour sans aucune référence horaire est interprété par de nombreux cadres et leurs organisations syndicales comme un recul social. La durée maximale du travail quotidien, 10 heures par jour jusqu'à présent, serait levée pour les cadres, soit plusieurs millions de salariés, dont on ne pourrait alors déterminer l'horaire quotidien de travail.

Nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de faire travailler les cadres 217 jours par an, 13 heures par jour, - soit, si on pousse la logique jusqu'au bout, 2 821 heures par an. Tout le monde, sur ces bancs, sait ce que cela signifie au quotidien : stress, surexploitation, durées épuisantes et incontrôlées.

L'autre aspect important que je voudrais développer est la garantie que la réduction du temps de travail se mette en place en faisant progresser les droits des salariés et non en procédant à une déréglementation.

Comment arbitrer entre le contrat, dont les stipulations lient l'employeur et le salarié, et l'accord, qui s'applique à tous mais qui peut comporter pour tel salarié des inconvénients qu'il jugera inacceptables ? Il nous faut trouver un équilibre entre les clauses de l'accord, signé par une organisation syndicale majoritaire puis éventuellement approuvé par une consultation du personnel, et les intérêts des salariés.

Une modification du contrat de travail est un changement concernant de manière substantielle les conditions d'exécution du contrat, par exemple une baisse de rémunération, un changement de lieu de travail allongeant le temps de transport ou un déménagement.

Dans la rédaction actuelle, la modification du contrat ne serait pas constituée. Par conséquent, le licenciement du salarié serait « réputé » avoir une cause réelle et sérieuse. Il en résulte que la décision des prud'hommes est liée et que le salarié qui s'estimerait lésé n'aurait aucune chance de voir son licenciement déclaré abusif.

C'est pourquoi il serait important de remplacer le mot

« réputé » par « présumé », afin de laisser un pouvoir d'appréciation aux prud'hommes en faisant de la causer éelle et sérieuse du licenciement une présomption simple. Cette solution, qui n'est peut-être pas parfaite, a au moins l'intérêt de respecter les droits de chacun tout en garantissant l'équilibre entre le contrat de travail individuel et l'accord collectif.

Enfin, il apparaîtrait pour le moins surprenant, au regard de l'impératif de baisse du chômage, de l'égalité de traitement envers des entreprises rentrées dans le dispositif en 1998 et 1999, et de l'interdiction de subventions non conditionnées émanant de la Commission européenne, que l'accès aux aides publiques à partir du 1er janv ier 2000 soit possible sans obligation chiffrée d'embauche. Le passage aux 35 heures est d'abord justifié par les créations d'emplois que la réduction du temps de travail doit générer.

Je suis persuadé, madame la ministre, que les débats qui s'ouvrent permettront une très sensible amélioration de ce texte qui doit être une véritable conquête sociale pour l'ensemble des salariés de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. Jean-Pierre Pernot.

M. Jean-Pierre Pernot.

Madame la ministre, c'est un cadre du secteur privé qui s'adresse à vous ce soir.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Non, c'est un député !

M. Jean-Pierre Pernot.

L'un n'empêche pas l'autre, cher ami...

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Dans ce cas, il y a cumul !

M. Jean-Pierre Pernot.

Le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont fait un choix courageux.

L'article 5 de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail vise à réduire de façon significative la durée de travail des cadres.

En fixant la durée annuelle de travail des cadres à 217 jours, ce sont 10 à 15 jours de congés ou de temps libre supplémentaires que les cadres se voient attribuer.

Pour reprendre l'expression d'un cadre, on est récemment passé du Moyen Age à la Renaissance. Mais aujourd'hui, nous préparons l'avenir, et ce sans inquiétude.

Pour cela, nous avons choisi un texte d'encadrement dans lequel les accords prendront en compte les situations propres de chaque entreprise. Il s'agit, il faut le rappeler, d'un texte qui associe très largement les acteurs de l'emploi : entreprises, salariés et syndicats.

Oui, madame la ministre, vous avez choisi une loi d'incitation qui laisse une place prépondérante et indispensable à la négociation. Personne n'en doutait.

Oui, madame la ministre, vous redonnez aux syndicats et aux acteurs de l'entreprise la confiance qu'ils n'auraient jamais dû perdre.

Oui, madame la ministre, vous vous êtes intéressée à la situation de tous les salariés dans l'entreprise, c'est-à-dire à l'ensemble du fonctionnement de l'entreprise.

Oui, madame la ministre, vous avez fait le choix de ne pas laisser les cadres en dehors de la réduction du temps de travail, malgré le difficile contrôle du temps de travail de l'encadrement.

J'avais déjà indiqué, lors de la précédente discussion générale, que le texte présenté en première lecture constituait une avancée importante pour les cadres.

Cette avancée a provoqué des réactions inattendues et révélatrices. Les cadres, jusqu'alors solitaires et indépendants dans l'organisation de leur travail et dans leur relation avec l'employeur et l'entreprise, ont saisi la balle au bond et exprimé leur volonté de s'inscrire dans la démarche collective de la réduction négociée du temps de travail.

Le texte prévoit onze heures de repos par jour obligatoires, auxquelles on ne peut déroger. Il prévoit également dans le III, que la convention ou l'accord « détermine les conditions de contrôle de son application et prévoit des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, de l'amplitude de leurs journées d'activité et de la charge de travail qui en résulte ».

Ces modalités de suivi constituent un contrôle a posteriori de la durée journalière de travail, garantie nécessaire du contrôle de la durée du travail. Toutefois, je préconise, mais dans le cadre de la mise en place progressive d'une loi qui doit s'inscrire dans le temps, un élément complémentaire de négociation, respectueux du sens de la loi : une limite a priori portant sur le volume horaire travaillé, qui constituerait une autre garantie.

Oui, madame la ministre, on peut poursuivre cette avancée en laissant aux acteurs le soin de fixer par la négociation les maxima horaires journaliers dans le cadre du forfait jour. Les accords de branche pourraient prévoir la durée quotidienne de travail maximale des cadres dans l'entreprise. Je pense en particulier aux cadres les plus jeunes qui, à défaut d'une telle disposition, seraient les plus exposés à des dépassement d'horaires.

Ce principe, aujourd'hui soutenu par les cadres et leurs représentants, et que je veux défendre, est conforme à votre volonté de laisser la place à la négociation, et constitue un élément de la réduction négociée du temps de travail. Sans remettre en cause l'équilibre général du texte, cette disposition va dans le sens que nous souhaitons et doit permettre le renouveau de la négociation, et l'amélioration de l'organisation de travail des cadres et assimilés.

Madame la ministre, je suis comme vous quelqu'un de pragmatique. Convaincu du bien-fondé et de l'efficacité de la loi que nous mettons en oeuvre pour les cadres et assimilés, l'important est donc maintenant pour moi son application. J'attends que tous les acteurs entrent le plus vite possible dans la phase active : ils sont tous concernés, ils ont tous à y gagner.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Renaud Donnedieu de Vabres, dernier orateur inscrit.

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Madame la ministre, et j'en suis désolé pour vous, cette discussion générale va s'achever sur une note un peu dissonante...

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

C'est un plaisir !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

... non pas uniquement parce que c'est l'opposition qui s'exprime, mais parce que telle est malheureusement la réalité. En effet, il faudrait être obtus et sectaire pour ne pas souscrire à une conception de la réduction du temps de travail synonyme de progrès social, de création d'emplois et d'amélioration pour nos concitoyens.

M. Yves Rome.

Beau constat !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Le problème c'est que votre démarche est empreinte d'un grand cynisme et qu'elle est fort décalée par rapport à la réalité. Nous ne pouvons donc vous suivre.

Dans quel contexte s'inscrit cette réforme ? Vous affirmez à longueur de mardi ou de mercredi, en fonction de la publication des statistiques du chômage, que tout va bien en France. Or nous constatons dans nos permanences que la situation ne s'est pas encore vraiment améliorée dans notre pays et que la proclamation de chiffres macro-économiques sur une baisse régulière du chômage n'a toujours pas produit de vrais effets chez nos concitoyens.

M. Gérard Terrier.

C'est quand même mieux qu'une situation qui se dégrade !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Cela me rappelle la période 1993-1995, au cours de laquelle le pays était passé de la récession à la croissance. Lorsque le gouvernement de l'époque annonçait, en claironnant, une baisse du chômage, les Français se demandaient médusés à qui il s'adressait et qui pouvait bien être concerné par cette nouvelle.

De la même manière, la croissance dans laquelle s'inscrit cette réforme, et qui est évidemment bénéfique pour notre pays, demeure vulnérable. C'est pourquoi il nous


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

semble hasardeux et dommage pour l'emploi et la situation sociale des Français de perturber le contexte dans lequel se situe notre développement économique. Or vous n'étiez pas obligée d'enserrer la mise en oeuvre de 35 heures dans des délais aussi étroits. En fait, vous avez choisi un calendrier idéologique : celui de la préparation de l'élection présidentielle.

M. Maxime Gremetz.

Oh !

M. Yann Galut.

C'est un nouvel argument ! Ils sont obsédés par les présidentielles !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Comme ce sera un échec, ce sera excellent pour vous ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Renaud Donnedieu de Vabres. Aujourd'hui, il s'agit d'offrir à chaque entreprise, quelle que soit sa taille, la possibilité d'engager librement une négociation sociale.

Mais si le législateur fixe un cadre trop précis à cette négociation, on assistera à un décalage entre la réalité économique, encore fragile, et la situation sociale.

M. Alain Vidalies.

Le système que vous avez essayé maintes fois n'a jamais marché !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Quelles sont les aspirations sociales de nos concitoyens ? La première, et elle n'est pas encore satisfaite, concerne l'emploi. La deuxième porte sur les salaires et la rémunération du travail. Comment pourrait-il en être autrement ? Après la longue période de chômage que nous avons connue, chacun espère une amélioration de son pouvoir d'achat.

M. Maxime Gremetz.

Tout à fait !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Vous avez prélevé des milliards sur les ménages !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Oui, mais nous n'avons pas connu la même croissance !

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

La faute à qui ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Considérez-vous donc, madame la minisitre, que la croissance vous est intégralement due ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Pas intégralement !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Comment quelqu'un qui se dit au fait des réalités européennes et internationales peut-il nier que notre pays, loin d'être isolé, s'inscrit dans une dynamique d'ensemble ?

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Nous étions quand même les derniers, et maintenant nous sommes les premiers !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Aujourd'hui, il faut faire en sorte que notre pays continue de bénéficier de la croissance afin de pouvoir augmenter les salaires. Or les dispositions que vous prévoyez ne vont pas dans ce sens.

Brièvement, enfin, car je tiens à respecter mon temps de parole, surtout dans un débat présidé par quelqu'un que je ne qualifie pas, quant à moi, de « Kenneth Starr de sous-préfecture ». Même si ce n'est pas l'objet de ce débat, je tiens à dire ici, puisque c'est la première fois que je me retrouve dans cette situation depuis la fin de nos travaux, que j'ai le plus grand respect pour le travail qu'il a accompli comme président de la commission d'enquête. Comme quoi les complicités entre la majorité et l'opposition ne sont pas simples - mais, quand on fait un travail utile pour le pays, je n'ai pas peur de le dire. Je l'ai d'ailleurs déjà fait savoir publiquement.

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Ça crée des liens ! (Sourires.)

M. Germain Gengenwin.

Ils travaillent pour la Corse !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Madame la ministre, vous créez également de nouvelles disparités par ce texte, notamment entre le secteur public et le secteur privé. Avez-vous pensé aux difficultés qui vous attendent dans les jours et les semaines qui viennent ? Il est évident que le dispositif qui aura été retenu dans les entreprises privées va devenir une exigence pour le secteur public.

M. Germain Gengenwin.

Bien sûr !

M. Renaud Donnedieu de Vabres.

Or satisfaire cette exigence dans le secteur public, si l'on veut créer des emplois dans les administrations ou dans les communes, revient à prévoir des prélèvements fiscaux supplémentaires. Là, il faut avoir le courage de reconnaître la dissymétrie qui existe entre la taille des entreprises, entre le public et le privé, entre le temps plein et le temps partiel.

En fait, cette réforme annonce une dégradation du climat social.

Ce texte aurait pu constituer une étape importante dans la rénovation du dialogue social. Mais, de par le calendrier retenu, de par son contenu et son caractère obligatoire, tel ne sera pas le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie françaiseAlliance.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

2 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 26 novembre 1999, de M. Pierre Brana, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle et l'engagement de la France en Bosnie-Herzégovine en 1995 et sur les événements qui ont conduit à la tragédie de Srebrenica.

Cete proposition de résolution, no 1971, est renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, en application de l'article 83 du règlement.

3

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1889, relatif à la réduction négociée du temps de travail : M. Gaëtan Gorce, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 1937).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 30 NOVEMBRE 1999

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 1er décembre 1999, à une heure trente.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ERRATUM Au compte rendu intégral de la 2e séance du 18 novembre 1999 (Journal officiel , Débats de l'Assemblée nationale, no 91[2] A.N. [C.R.]) Page : 9666, 1re colonne, 10e alinéa, 6e ligne (intervention de Mme Sylvia Bassot).

Au lieu de :

« risquerait d'être mise en oeuvre » ; Lire :

« risquerait d'être mise en cause ».

CONVOCATION DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS La Conférence, constituée conformément à l'article 48 du règlement, est convoquée pour le mardi 30 novembre 1999, à 10 heures, dans les salons de la présidence.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmission

M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, le texte suivant : Communication du 24 novembre 1999 No E 1347. Proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en oeuvre d'actions dans le cadre d'une stratégie de pré-adhésion pour Chypre et Malte (COM [99] 535 final).