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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PHILIPPE

HOUILLON

1. Lutte contre la corruption. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 10916).

Rappel au règlement (p. 10916)

M. Jean-Luc Warsmann, Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 10916)

MM. Arnaud Montebourg, Michel Hunault.

Mme la garde des sceaux.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 10919)

Avant l'article 1er (p. 10919)

Amendement no 1 de la commission des lois : M. Jacky Darne, rapporteur de la commission des lois ; Mme la garde des sceaux, M. Arnaud Montebourg. - Adoption.

Article 1er (p. 10920)

Amendement no 2 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 3 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 4 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 5 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 17 de M. Bussereau : MM. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur, Mme la garde des sceaux. Rejet.

Amendement no 6 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 7 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 8 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 10923)

Amendement no 9 rectifié de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Michel Hunault. Adoption.

Amendement no 15 de Mme Aubert : Mme Marie-Hélène Aubert, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, MM. Arnaud Montebourg, Charles de Courson. - Rejet.

Amendement no 10 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3. - Adoption (p. 10926)

Article 3 bis (p. 10927)

Amendement de suppression no 11 de la commission : M. ler apporteur, Mme la garde des sceaux, M. Michel Hunault. - Adoption.

L'article 3 bis est supprimé.

L'amendement no 18 de M. Hunault n'a plus d'objet.

Article 4 (p. 10927)

Amendement no 12 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 4 modifié.

Après l'article 4 (p. 10928)

Amendement no 14 de M. Hunault : MM. Michel Hunault, le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Arnaud Montebourg. - Rejet.

Amendements nos 13 de la commission et 20 de M. de Courson : MM. le rapporteur, Charles de Courson, Mme la garde des sceaux. - Adoption de l'amendement no 13 ; l'amendement no 20 n'a plus d'objet.

Article 5 (p. 10929)

Amendement no 16 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 10929)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

2. R éféré devant les juridictions administratives. - Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 10929).

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. François Colcombet, rapporteur de la commission des lois.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 10934)

M.

Claude Goasguen, Mme Christine Lazerges,

MM. Jean-Luc Warsmann, Patrick Braouezec, Emile Blessig.

Clôture de la discussion générale.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 10938)

Article 1er (p. 10938)

Amendement no 1 de la commission des lois : M. le rapport eur, Mme la garde des sceaux, MM. Jean-Luc Warsmann, Claude Goasguen, Arnaud Montebourg. Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 10940)

Amendement no 2 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 3 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 (p. 10940)

Amendement no 4 de la commission : Mmes Christine Lazerges, vice-présidente de la commission des lois ; la garde des sceaux, M. Arnaud Montebourg. - Adoption.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

Amendement no 5 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 6 de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Claude Goasguen. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 (p. 10941)

Amendement no 7 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux, MM. Arnaud Montebourg, Claude Goasguen. - Adoption.

Amendement no 19 du Gouvernement, avec le sousamendement no 20 de la commission : Mme la garde des sceaux, MM. le rapporteur, Claude Goasguen. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Adoption de l'article 4 dans le texte de l'amendement no 7, complété par l'amendement no 20 modifié.

Articles 5 et 6. - Adoption (p. 10943)

Article 7 (p. 10943)

Amendement no 8 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 9 rectifié de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Emile Blessig. Adoption.

Adoption de l'article 7 modifié.

Article 8. - Adoption (p. 10944)

Article 9 (p. 10944)

Amendement no 10 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 9 modifié.

Articles 10 à 12. - Adoption (p. 10944)

Article 13 (p. 10945)

Amendement no 11 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 12 de la commission : M. le rapporteur,

Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 13 modifié.

Articles 14 et 15. - Adoption (p. 10945)

Article 16 (p. 10945)

Amendement no 14 de la commission : Mme la viceprésidente de la commission, M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux, M. Jean-Luc Warsmann. - Adoption.

Adoption de l'article 16 modifié.

Article 17 (p. 10946)

Amendement de suppression no 15 de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

L'article 17 est supprimé.

Après l'article 17 (p. 10946)

Amendement no 16 rectifié de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Amendement no 17 de la commission : MM. le rapporteur, A rnaud Montebourg, Mme la garde des sceaux, M. Claude Goasguen. - Adoption de l'amendement no 17 rectifié.

Article 18 (p. 10947)

Amendement no 18 rectifié de la commission : M. le rapporteur, Mme la garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article 18 modifié.

Articles 19 à 21. - Adoption (p. 10948)

VOTE

SUR L'ENSEMBLE (p. 10948)

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

3. Projet de loi de finances pour 2000. - Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire (p. 10948).

4. Dépôt de rapports (p. 10949).

5. Dépôt d'un rapport en application d'une loi (p. 10949).

6. Dépôt de projets de loi modifiés par le Sénat (p. 10949).

7. Ordre du jour des prochaines séances (p. 10949).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures cinq.)

1

LUTTE CONTRE LA CORRUPTION Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption (no 1919, 2001).

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Rappel au règlement

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Luc Warsmann.

Juste quelques mots, monsieur le président, pour un rappel au règlement fondé sur l'article 58.

Je regrette que le fonctionnement de notre assemblée soit perturbé par le non-respect des horaires. Déjà, la séance de cet après-midi aurait pu durer plus longtemps.

Chacun a des obligations, certes, madame la garde des sceaux également, et je comprends que cela n'ait pas été possible, mais je regrette que ce soir nous ayons encore du retard. La ponctualité est tout de même une qualité intéressante !

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Warsmann devrait se renseigner avant de parler : il aurait appris que c'est M. Ollier, président de la séance cet après-midi, qui a souhaité lever à dix-neuf heures.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président...

M. le président.

Nous n'allons peut-être pas passer toute la séance sur ce sujet ! Je vous laisse répondre d'un mot, monsieur Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Un seul pour dire que cela n'empêchait pas d'être ponctuel à vingt et une heures ! Discussion générale (suite)

M. le président.

Dans la suite de la discussion généale, la parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Madame la garde des sceaux, est-il nécessaire de rappeler l'engagement total des socialistes à vos côtés dans le travail que vous menez à la tête de la Chancellerie pour réprimer la délinquance économique et financière, délinquance dite « astucieuse » ; souvent indécelable et réfugiée dans les circuits opaques d'une corruption souvent internationale ? Nous devons ici, en tant que socialistes, saluer vos efforts politiques pour restaurer un appareil judiciaire trop longtemps assujetti aux intérêts du pouvoir exécutif, ainsi que vos efforts budgétaires qui ont permis de raffermir votre combat contre la corruption et de reconstruire une force judiciaire pendant tant d'années abandonnée par les pouvoirs publics : recrutement de magistrats, construction de pôles de lutte contre la délinquance économique et financière, assistance spécialisée. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir avec vous, il y avait autant de magistrats dans ce pays qu'en 1857.

M. Michel Hunault.

C'est l'exercice d'auto-satisfaction !

M. Arnaud Montebourg.

En deux ans et demi, 400 magistrats ont été recrutés. Saluons cet effort ! C'est un des éléments qui traduisent la forte mobilisation de ce gouvernement, suivi et soutenu par ce parlement, dans la lutte contre la corruption internationale ou nationale.

Saluons aussi vos efforts juridiques, madame, pour moderniser les instruments de cette lutte. Je peux vous dire, en qualité de rapporteur de la mission d'information parlementaire sur les obstacles à la répression de la délinquance économique et financière, que de nombreux magistrats européens font des compliments à la France sur l'exécution des commissions rogatoires internationales.

La Belgique, la Suisse, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne nous disent que les moyens sont au rendez-vous pour l'exécution de leurs demandes d'entraide judiciaire internationale.

Après les efforts politiques, budgétaires, juridiques, il y a enfin les efforts diplomatiques. Le sommet de Tampere, qui est l'oeuvre de la France, traduit la volonté, affirmée à plusieurs reprises et enfin épanouie dans les conclusions de cette présidence qui consacrent la décision signée à quinze de démanteler les paradis fiscaux bancaires, bien sûr, mais surtout judiciaires. La notion de « paradis judiciaire » est un élément important de la lutte contre la corruption.

Le texte dont nous avons à discuter s'inscrit dans ce contexte, qu'il ne faut pas oublier. Il apporte bien sûr une pierre de plus au mur que nous avons construit ensemble depuis deux ans et demi et il s'inscrit dans un processus de désarmement multilatéral des instruments de conquête de marchés par des moyens que l'OCDE a pris


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le pli d'abandonner. Peines fortes, condamnations prévues pour les personnes morales, accès à des juridictions spécialisées : comme toujours dans ce type de négociations internationales, il faut arriver à un point d'équilibre et d'arbitrage entre tous les pays et intérêts en compétition.

On craint toujours d'aller trop loin, plus loin que ses partenaires de ratification, qui sont en même temps compétiteurs économiques.

Du côté droit de l'hémicycle, on nous reproche de faire de l'angélisme. Nous serions naïfs de vouloir démantèler notre appareil de lutte pour la conquête des marchés dans une guerre économique sans merci où les Américains disposeraient de tous les droits. Je ne crois pas que cette vision puisse prévaloir.

Une autre critique, qui vient plutôt de la gauche, c'est que l'on ne va pas assez loin. On nous reproche de faire preuve de complaisance, comme l'a dit Marie-Hélène Aubert.

Je crois que tenant compte des divers intérêts qui se sont cristallisés dans cette convention, la loi que nous allons adopter aujourd'hui pour transposer la convention OCDE nous permet de cheminer à l'étroit entre ces deux écueils : ni angélisme, ni complaisance.

Pas d'angélisme d'abord. Nous connaissons, M. Bussereau le sait bien, la véritable portée du Foreign Corrupt Practices Act adopté en 1977 par les Américains et de l' Anti Bribery Act de 1998. Les poursuites aux Etats-Unis restent sous le contrôle politique intégral du ministre de la justice, attorney général, ce qui a pour conséquence de lui donner l'opportunité absolue des poursuites sur l'ensemble des délits de corruption sur des agents publics étrangers. Il n'y a pas aux Etats-Unis de procureur indépendant capable de poursuivre librement, sans rendre compte à quiconque, hormis sa propre conscience de ses actes. C'est le ministre de la justice, exerçant un contrôle politique sur l'opportunité des poursuites, qui décide.

J'ajoute qu'il y a deux filtres. Un jury de citoyens pris au hasard doit autoriser les poursuites. De surcroît, il ne doit pas y avoir de marchandage, le fameux Plea bargaining, entre l'accusation et la défense, pour que les poursuites prospèrent. Que font les avocats américains ? Ils plaident devant ce jury, expliquant que les poursuites pourraient nuire à leurs emplois, aux emplois de leur famille, de leurs voisins, de leurs enfants. Ainsi un certain nombre de poursuites n'ont pas de suite en raison de l'ensemble des filtres instaurés par la législation américaine.

La France, elle, au contraire, il est important de le rappeler dans ce débat, a libéré le parquet de tout contrôle politique qui pouvait assurer l'impunité à de telles pratiques. C'est souhaitable, c'est nécessaire, et c'est un élément que l'OCDE devra prendre en compte pour l'analyse, le suivi, l'évaluation de ce que la France aura mis en place. Je le dis de la façon la plus solennelle pour être entendu au-delà de nos frontières.

Nous connaissons également les contournements de la loi américaine. Nous savons la façon dont de nombreuses sociétés américaines à vocation exportatrice installent dans des paradis judiciaires, dans la zone d'influence, des filiales qui « externalisent » la corruption : aucun citoyen américain, aucune société américaine ne sont impliqués.

Les Etats-Unis d'Amérique ne pourront donc pas, sur ce sujet, nous donner la moindre leçon. Ils pourront, au contraire, admirer la fermeté dont nous faisons preuve et notre désir réel de participer au démantèlement multilatéral des instruments de la corruption internationale.

La commission des lois et son excellent rapporteur Jacky Darne, aidé d'ailleurs du groupe socialiste, ont trouvé un point de conciliation entre les deux types de critiques, complaisance et angélisme.

L'article 2, rédigé par la commission des lois sous la forme d'un amendement, permet les pots-de-vin pour des contrats souscrits antérieurement à la promulgation de la présente loi si, et seulement si, les contrats en question ont été déclarés dans un délai fixé par la loi auprès de l'administration fiscale. Il est prévu d'ailleurs une harmonisation des dispositions fiscales et pénales.

Ni angélisme ni complaisance : les remarques de nos collègues sénateurs et députés de la droite seront ainsi entendues, de même que celles, beaucoup plus judicieuses, de nos collègues et amis situés à gauche.

Cette loi, je crois, madame la garde des sceaux, ne peut donc faire que l'unanimité. Les socialistes l'adopteront, en ce qui les concerne, dans l'enthousiame.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe du Rassemblement pour la République.

M. Michel Hunault.

Après l'exercice d'autosatisfaction de M. Montebourg, je voudrais revenir à la finalité du texte. M. Montebourg a prétendu, madame la garde des sceaux, que tout allait bien dans ce pays depuis que vous être arrivés. Je ne tiens pas à polémiquer sur le sujet, mais je pense que nous aurons prochainement l'occasion de vous rappeler la réalité à laquelle sont confrontés les justiciables. Le groupe du Rassemblement pour la République partage bien entendu les objectifs de ce texte. Il n'y a pas un côté de l'Assemblée pour la corruption, alors que l'autre la combattrait. C'est un combat que nous menons ensemble.

Pour en revenir donc à la finalité du texte, il me semble qu'il est incomplet et qu'il pose des problèmes réels à nos grandes entreprises exportatrices. J'ai cru tout à l'heure que certains d'entre vous découvraient la pratique de la corruption. C'est pourquoi il me semble nécessaire de rappeler que l'ensemble des contrats internationaux donnaient lieu jusqu'à un passé récent à des commissions, non seulement déclarées, mais généralement garanties par la COFACE. Elles étaient surtout déductibles des résultats financiers de l'entreprise.

Il fallait rappeler l'état du droit avant l'adoption de cette convention de l'OCDE que nous avons votée ici unanimement en mai dernier et qui nous oblige aujourd'hui à intégrer des conventions européennes dans notre droit interne, pour mettre notre code pénal en conformité.

Cependant, ce texte ne concerne que les agents publics et non le secteur privé, ce qui limite l'étendue de son application, en particulier dans certains pays où le secteur privé est prépondérant.

Par ailleurs, seule la corruption active est visée, ce qui laisse libre cours à la corruption passive. Or nous savons tous que certains pays contournent la législation en utilisant des sociétés écrans domiciliées dans des centres offshore ou des paradis fiscaux, se livrant à une corruption passive à travers les avantages financiers de ces centres.

La portée de la convention de l'OCDE se trouve par là même limitée puisque la poursuite des personnes en infraction demeure soumise aux règles de procédure de chaque Etat signataire, et que les sanctions sont très variables d'un Etat à l'autre. M. Montebourg rappelait à juste titre l'exemple des Etats-Unis, où la décision de poursuivre la procédure est uniquement de la compétence


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

de l'attorney général. Or nous savons qu'une harmonisation minimale des droits et procédures pénales n'est pas envisageable à court terme.

Il est donc essentiel de veiller à limiter les distorsions de concurrence pouvant découler de l'application de cette convention de l'OCDE.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. Michel Hunault.

Le problème de la compétence des juridictions est également important, vous l'avez dit dans vos propos introductifs, madame la garde des sceaux.

Le Sénat avait souhaité donner compétence au seul parquet de Paris, ce que la majorité de la commission des lois a combattu. Je suis pour ma part favorable, nous en discuterons en examinant les amendements, à la compétence donnée aux seuls parquets dotés d'un pôle financier, afin d'éviter des divergences dans la pratique des parquets. Il me semble que c'est un point important de notre discussion.

Je voudrais également relever le danger que représente pour nos entreprises l'application de cette convention.

Non pas dans son principe, car la simple moralisation du commerce mondial est un objectif que nous partageons.

Mais nous devons être attentifs au fait que la France est le quatrième pays exportateur du monde. Or, comme l'ont souligné le rapporteur et plusieurs des orateurs qui m'ont précédé, la convention de l'OCDE n'est à ce jour signée que par trente-quatre pays qui, s'ils peuvent être représentatifs d'une certaine économie, ne rassemblent pas l'ensemble du commerce mondial à eux seuls puisque des pays, et non des moindres, manquent à l'appel : la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, la Russie, pour n'en citer que quelques-uns. De plus, les conditions de transposition de ce texte ne sont pas les mêmes pour l'ensemble des pays signataires, notamment au regard des sanctions.

Vous avez combattu le texte du Sénat qui avait assoupli les dispositifs des peines encourues, en faisant passer celles-ci de dix à cinq ans. En les modifiant, la commission des lois a durci le texte. Or, pour comparer avec nos voisins européens, les peines sont, par exemple, d'un an en Norvège, de deux ans en Suède, de trois ans en Belgique, de cinq ans en Hongrie et de cinq ans en Allemagne.

M. Jean-Luc Warsmann.

Il fallait le rappeler !

M. Michel Hunault.

Il en est de même pour ce qui est des sanctions frappant les personnes morales. Vouloir sanctionner de manière excessive revient, me semble-t-il, à déséquilibrer fortement les conditions dans lesquelles s'exercera désormais le commerce international.

Par ailleurs, nous devons maintenir la notion de rétroactivité. J'espère, madame la garde des sceaux, que, sur ce point, vous allez « tenir bon » et que vous ne donnerez pas votre accord au texte tel que souhaite le modifier la commission des lois. Votre majorité a en effet pris le risque, en commission, de revenir sur la notion de rétroactivité. Pourtant, celle-ci répond à la logique consistant à appliquer en droit interne une date d'entrée en vigueur d'une nouvelle notion juridique identique à la date d'adoption de l'instrument de ratification. A mon avis, le dispositif proposé par le rapporteur n'est pas satisfaisant à de nombreux points de vue.

Comme vous le savez, madame la ministre, sur le fond, tous les groupes de l'Assemblée nationale approuvent ce texte. Toutefois, il est de notre devoir de résoudre les problèmes que son application risque de soulever, étant donné que tous les pays ne respecteront pas les règles auxquelles seront désormais soumises nos entreprises pratiquant le commerce international.

Vous avez dit, madame la garde des sceaux, que vous vouliez renforcer la coopération et l'entraide judiciaire entre les Etats. Mais ce qui est assez extraodinaire avec vous et votre majorité, c'est que vous semblez toujours satisfaite de tout. Pourtant, les groupes de l'opposition attendent toujours que le Gouvernement inscrive à l'ordre du jour la convention pénale internationale adoptée par le Conseil de l'Europe. En effet, nous savons très bien que, malgré les conclusions du sommet de Tampere, l'espace judiciaire européen n'existe pas, que les infractions, les délits ou les crimes ne sont pas définis de la même façon au sein de l'Europe, et que le principe de réciprocité des décisions de justice, que ce soit en matière civile ou en matière pénale, ne s'applique pas.

Il me semble donc nécessaire de légiférer et de faire en sorte que les conventions ratifiées par notre assemblée le soient également par l'ensemble des pays qui les ont signées, que ce soit au sein du Conseil de l'Europe ou de l'OCDE.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien ! M. Michel Hunault. Il y a là une disparité à laquelle vous devriez prêter attention.

Tout à l'heure, nous avons entendu un de nos collègues communistes nous donner des leçons de moralité et regretter que, par certains aspects, le monde soit corrompu. Comment ne pas le renvoyer à l'exemple de la Russie qui finance la guerre de Tchétchénie avec l'argent du FMI, ce qui est tout à fait scandaleux ! Si nous devons appliquer ces conventions qui auront des incidences sur les grands groupes français, encore faut-il veiller à ce qu'elles soient appliquées de la même façon par nos concurrents internationaux.

Enfin, la discussion de ce texte sur la corruption me donne l'occasion, madame la garde des sceaux, de vous rappeler que certains membres de cette assemblée souhaitent qu'un véritable débat sur la prescription des délits financiers ait lieu. Je crois d'ailleurs que vous nous en aviez fait la promesse lors de discussions antérieures. Le temps est désormais venu, dès lors que notre code pénal devient plus sévère pour les chefs d'entreprise, d'avoir un tel débat et de remettre à plat certains dossiers. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre de la discussion des amendements. Bref, je souhaite que nous ayons le courage de traiter ces dossiers dans leur globalité.

(Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai, comme d'habitude, écouté très attentivement les orateurs. Avant d'aborder l'examen des articles, je voudrais rappeler brièvement que le but de ce projet de loi est de pénaliser enfin la corruption internationale dans notre droit, ce qui n'avait jamais encore été fait. Lorsque la loi aura été adoptée, notre législation en ce domaine sera l'une des plus sévères.

Nous sommes l'un des premiers pays à transposer les conventions de l'Union européenne. Car nous prenons très au sérieux la corruption, qu'elle soit nationale ou internationale, et la répression de celle-ci. C'est l'une des priorités de la politique que nous menons.


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L'intérêt du projet est très clair, et aucun des orateurs qui se sont exprimés ne remet en cause sa nécessité ni ne s'interroge sur elle. Toutefois, des interrogations se sont manifestées sur l'application de la loi dans le temps, problème bien connu des parlementaires.

Nous savons que, selon sa définition, la corruption est constituée à la fois par un pacte de corruption et par des versements. Quand le pacte et les versements sont antérieurs à la loi, il n'y a pas de problème : la loi ne s'applique pas. Quand ils sont postérieurs à la loi, là encore, il n'y a pas de problème : la loi s'aplique. En revanche, il y a un problème quand le pacte est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi alors que certains versements lui sont postérieurs.

Pour trouver une solution, il faut examiner deux éléments. D'abord, il convient de se pencher sur la question de la définition de la corruption. Le délit de corruption, tel qu'il est défini par notre loi pénale actuelle, est un délit complexe : il se caractérise, je le rappelle, par un pacte nécessairement préalable à ses manifestations que sont les versements, lesquels peuvent, le plus souvent, s'étaler dans le temps.

Comme l'a rappelé Mme Aubert, selon une décision de la Cour de cassation en 1997, chacun des versements interrompt la prescription. Toutefois, chacun de ces versements contribue à constituer un délit unique. Autrement dit, on ne peut pas confondre la prescription, qui relève du code de procédure pénale, avec l'incrimination du délit, qui relève du code pénal. Par conséquent, on ne peut pas non plus dire que, parce que la Cour de cassation a établi une jurisprudence fondée sur la prescription, elle établirait nécessairement une jurisprudence équivalente fondée sur l'incrimination. Chacun de ces versements constituant un délit unique, le délit de corruption n'est, dans notre droit, ni un délit successif ni un délit renouvelé.

Il n'est pas souhaitable, à l'occasion de l'examen de cette loi de transposition, de modifier la définition des incriminations pénales dans notre droit interne, ni de créer d'ailleurs deux régimes différents : l'un pour la corruption nationale, l'autre pour la corruption internationale.

Le deuxième élément a trait au principe de nonrétroactivité de la loi pénale. C'est un principe constitutionnel et l'un des principes fondamentaux du droit européen. Les entreprises, comme d'ailleurs les citoyens, ont droit à se voir appliquer un tel principe. La rigueur de la répression qui doit s'exercer à l'encontre des auteurs d'infractions de corruption qui minent le commerce international et les démocraties ne doit pas battre en brèche les principes juridiques fondamentaux de notre pays. Il n'est donc pas question que je présente des textes qui puissent porter atteindre, même le plus légèrement possible, au principe de non-rétroactivité de la loi.

D'où l'article 2 du présent projet, qui n'a d'autre objectif que de rappeler ce principe. Pourquoi rappeler un tel principe s'il est fondamental. Tout simplement parce que le texte que je présente ne concerne pas le droit interne et qu'il aura conséquences internationales.

Je veux lever les doutes qui peuvent subsister. Dans mon esprit, l'article 2 n'a d'autres fins et d'autres conséquences que celles que je viens d'indiquer. Ce texte n'est donc ni laxiste ni complaisant avec les infractions de corruption. D'ailleurs, si vous le supprimez, les principes généraux du droit pénal suffiront à faire respecter la non rétroactivité de la loi pénale. Je veux qu'il n'y ait aucun quiproquo. Le Gouvernement a seulement pensé qu'un texte clair et le rappel de certains principes pouvaient être utiles. Tel est le sens de l'article 2.

S'agissant de la prescription sur les abus de biens sociaux, je vous indique, monsieur Hunault, que j'ai déclaré à plusieurs reprises devant cette assemblée que j'étais tout à fait opposée à en modifier le délai, mais j'aurai l'occasion d'y revenir dans la discussion des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

M. le président.

M. Darne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 1, ainsi rédigé :

« Avant l'article 1er , insérer l'article suivant :

« I. - Dans le premier alinéa de l'article 432-11 du code pénal, les mots : "sans droit" sont remplacés par les mots : "à tout moment".

« II. - Dans le premier alinéa de l'article 433-1 du code pénal, les mots : "sans droit" sont remplacés par les mots : "à tout moment".

« Dans le premier alinéa de ce même article, les mots : "sans droit" sont remplacés par les mots : "à tout moment".

« III. - Dans le premier alinéa de l'article 434-9 du code pénal, les mots : "sans droit" sont remplacés par les mots : "à tout moment".

« Dans le deuxième alinéa de ce même article, après les mots : "le fait", sont insérés les mots : ", à tout moment,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Cet amendement tend à permettre de poursuivre plus efficacement les délits de corruption, tant pour les délits qui existent actuellement pour les fonctionnaires nationaux que pour ceux que nous créons en cas de corruption avec des pays étrangers.

En effet, la chambre criminelle de la Cour de cassation considère que le délit de corruption n'est constitué que lorsque l'offre du corrupteur est antérieure à l'acte du corrompu.

Dans les jurisclasseurs de droit pénal, M. Vitu indique que l'antériorité de la sollicitation ou de l'agrément d'une rémunération par rapport à l'acte ou à l'abstention proposée par la corrompu ou acceptée par lui constitue une règle classique du droit pénal de la corruption. Il ajoute que, contrairement à certains droit étrangers - le droit allemand, le droit italien -, la loi française réprime seulement les manoeuvres qui ont pour but le marché de la fonction, mais laisse impunies les rémunérations versées a posteriori.

Il rappelle que cette exigence d'antériorité de l'offre de corruption par rapport à l'acte sollicité, bien que vivement critiquée par la doctrine, tient à la formula-


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tion même de la définition de l'infraction de corruption, définition qui indique bien que doivent se succéder, dans cet ordre, la sollicitation et l'acte à accomplir, et non l'inverse. Il considère enfin que c'est au législateur de corriger cette imperfection existante et non aux tribunaux.

De la même façon, un rapport du service central de prévention de la corruption critique sévèrement l'exigence d'antériorité du pacte de corruption qui unit le corrupteur et le corrompu. Il estime que cette exigence n'est plus adaptée à une époque où prolifèrent bakchichs, commissions, rallonges, lesquels imprègnent tellement le marché et font tellement partie de celui-ci que, dans la majorité des cas, les contractants n'en discutent même plus. D'où, bien entendu, la difficulté à apporter la preuve du pacte.

Il est vrai que la jurisprudence récente de la Cour de cassation fait preuve d'une certaine souplesse quant à l'exigence d'antériorité du pacte de corruption. La haute juridiction accepte notamment de condamner l'auteur du versement d'une commission rémunérant un acte passé, lorsque cette dernière s'inscrit dans des relations continues entre le corrupteur et le corrompu et peut être analysée comme destinée à favoriser l'obtention d'avantages futurs. Il y a donc une atténuation du principe même d'existence du pacte.

Il paraît toutefois préférable de redéfinir le délit de corruption, comme nous y invitent les auteurs que je viens de citer, en faisant disparaître - ou, en tout cas, en atténuant - l'exigence d'antériorité du pacte de corruption.

Cela nous conduit à proposer de remplacer dans certains articles du code pénal l'expression : « sans droit » par l'expression : « à tout moment ».

Certains contestent le fait que nous voulions supprimer l'expression « sans droit ». Mais dans un article paru dans les jurisclasseurs, M. Vitu explique très bien que « en ajoutant que la sollicitation et l'agrément doivent avoir été formulées "sans droit", le législateur ajoute une exi gence qui pouvait s'expliquer pour la corruption des salariés des entreprises mais n'a aucun sens dans le cas des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public [...]. Le légilsateur aurait été mieux inspiré de ne pas faire mention d'une sollicitation formulée sans droit. » Il faut se ranger à cet argumentaire et remplacer

l'expression « sans droit » par celle de « à tout moment ».

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

M. Jacky Darne vient de produire beaucoup d'arguments juridiques. Je vais donc lui répondre sur ce plan.

Actuellement, la corrpution est définie comme le fait de « proposer sans droit des offres ou des dons pour obtenir d'un fonctionnaire un avantage ». L'expression « sans droit » signifie que l'avantage n'est ni fondé ni justifié par aucun texte ni aucune jurisprudence en vigueur.

Or des législations étrangères autorisent la perception d'avantages par un fonctionnaire et considèrent en conséquence que l'infraction de corruption n'est pas constituée lorsque l'avantage est permis par la loi ou par la jurisprudence.

La convention de l'OCDE n'a pas souhaité obliger ces

Etats à modifier leur législation. Dès lors, nous considérons que notre propre législation doit être également maintenue et que, par conséquent, la mention « sans droit » qui y figure doit également être conservée.

La suppression, comme le propose toute une série d'amendements, de la condition d'antériorité constituerait une réforme contraire à la conception traditionnelle française de la corruption, au demeurant reprise dans toutes les conventions récemment signées, que ce soit au sein de l'Union européenne ou au sein de l'OCDE.

Un versement indu à un fonctionnaire, après accomplissement d'un acte de sa fonction, n'échappe pas à la répression pénale : le corrupteur peut être poursuivi pour abus de biens sociaux et le corrompu pour recel d'abus de biens sociaux.

Par conséquent, je suis défavorable à cet amendement et à tous ceux qui vont dans le même sens.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Le groupe socialiste a apporté son soutien à l'amendement présenté par le rapporteur.

Il est vrai que l'interprétation donnée par André Vitu, l'un des prêtres en matière de droit pénal,...

M. François Colcombet.

Un grand prêtre !

M. Arnaud Montebourg.

... nous incite à considérer qu'il est assez pléonastique de rappeler qu'aucun droit ne permet de corrompre un agent public. Cela dit, il s'agit d'un point sur lequel nous pouvons entendre le Gouvernement.

La question sur laquelle nous faisons preuve d'un peu plus de rigidité - et je pense que le Gouvernement nous le pardonnera -, c'est évidemment celle du pacte de corruption. Nous observons que la jurisprudence de la chambre criminelle, qui exige la preuve d'un pacte préalable entre le corrupteur et le corrompu, est, comme le montrent les statistiques, le principal obstacle au développement de la répression de cette infraction, pourtant devenue courante. Aussi de nombreux parquets ou magistrats instructeurs se reportent-ils sur le délit de recel d'abus de biens sociaux. En définitive, on va rechercher

« de façon périphérique » des infractions gravissimes qui sont réprimées sur la base de textes qui ne répriment pas le délit essentiel qu'est la corruption, lequel est d'ailleurs assez infamant.

Nous voulons adresser un message en direction des membres de la chambre criminelle de la Cour de cassation et des juges chargés de l'interprétation de ce texte, afin qu'ils sachent que la preuve du pacte préalable ne doit pas être une condition à la démonstration de la corruption.

Ainsi, lorsqu'un accord a été passé à l'instant t dans des conditions de secret absolument indécelables, il est très difficile de faire la démonstration qu'il y a eu à l'instant t + 1, t + 2 ou t + 3, des contreparties différées. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les conditions de constitution du délit de corruption soient élargies, mais il s'agit de le faire de façon assez homéopathique. Il n'est pas question de bouleverser l'état du droit ; du reste, les remarques de Mme la garde des sceaux sur cet amendement montrent qu'il s'agit là d'un bouleversement mineur - si nous pouvons encore utiliser le terme de bouleversement.

Bref, nous voulons adresser d'un message d'encouragement aux magistrats pour qu'ils se servent davantage de ce texte.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er Il est créé dans le titre III du livre IV du code pénal un chapitre V intitulé : "Des atteintes à l'administration publique des Communautés


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européennes, des Etats membres de l'Union européenne, des autres Etats étrangers et des organisations internationales publiques", comprenant trois sections ainsi rédigées :

« Section 1

« De la corruption passive

« Art.

435-1. Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait par un fonctionnaire communautaire ou un fonctionnaire national d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou par un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes de solliciter ou d'agréer, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

« Section 2

« De la corruption active

« Sous-section 1

« De la corruption active des fonctionnaires des Communautés européennes, des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne, des membres des institutions des Communautés européennes

« Art.

435-2. Pour l'application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avant ages quelconques pour obtenir d'un fonctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire national d'un autre

Etat membre de l'Union européenne ou d'un membre de la Commission des Communautés européennes, du Parlement européen, de la Cour de justice et de la Cour des comptes des Communautés européennes qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« Sous-section 2

« De la corruption active des personnes relevant d'Etats étrangers autres que les Etats membres de l'Union européenne et d'organisations internationales publiques autres que les institutions des Communautés européennes

« Art.

435-3. Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public dans un

Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public.

« Art.

435-4. Pour l'application de la convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales signée à Paris le 17 décembre 1997, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende le fait de proposer sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'un magistrat, d'un juré ou de toute autre personne siégeant dans une fonction juridictionnelle, d'un arbitre ou d'un expert nommé soit par une juridiction, soit par les parties, ou d'une personne chargée par l'autorité judiciaire d'une mission de conciliation ou de médiation, dans un Etat étranger ou au sein d'une organisation internationale publique, qu'il accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat, en vue d'obtenir ou conserver un marché ou un autre avantage indu dans le commerce international.

« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, sans droit, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa.

« La poursuite des délits visés au présent article ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. »

« Section 3

« Peines complémentaires et responsabilité des personnes morales

« Art.

435-5. Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1o L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;

« 2o L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« 3o L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

« 4o La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution.

« L'interdiction du territoire français peut, en outre, ê tre prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger qui s'est rendu coupable de l'une des infractions visées au premier alinéa.

« Art. 435-6. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies aux articles 435-2, 435-3 et 435-4.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2o Pour une durée de cinq ans au plus, le placement sous surveillance judiciaire ;

« 3o La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;

« 4o L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35. »

M. Darne, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Dans le texte proposé pour l'article 435-1 du code pénal, substituer aux mots : "sans droit" les mots : "à tout moment". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Amendement de coordination avec la nouvelle définition que nous venons d'adopter pour la corruption d'un fonctionnaire national.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-2 du code pénal, substituer aux mots : "sans droit" les mots : "à tout moment".

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans le dernier alinéa de ce même article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Même argumentation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable également.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal, substituer au mot : "cinq" le mot : "dix". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Le problème a été évoqué par plusieurs orateurs dans la discussion générale. Le projet initial du Gouvernement prévoyait de sanctionner les délits de corruption par une peine de dix ans d'emprisonnement ; le Sénat a retenu une peine de cinq ans. Or la convention de l'OCDE exige que les peines applicables en cas de corruption d'un agent public national et celles applicables en cas de corruption d'un agent public étranger soient comparables. Il convient donc de rétablir une peine de dix ans.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'ai dit dans mon exposé introductif que j'étais favorable à cet amendement qui rétablit la proposition initiale du Gouvernement. Nous souhaitons en effet - je l'ai dit en donnant l'avis du Gouvernement sur des amendements précédents - assurer une grande cohérence à notre législation, qu'elle s'applique à des délits commis sur notre territoire ou à des délits commis à l'étranger.

Rétablir le texte adopté en première lecture assurerait la cohérence de l'échelle des peines voulue par le législateur dans le nouveau code pénal et nous permettrait de nous conformer aux obligations édictées par la convention de l'OCDE.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal, substituer aux mots : "sans droit" les mots : "à tout moment".

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans le deuxième alinéa de ce même article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit là encore d'un amendement de coordination avec la nouvelle définition de la corruption d'un fonctionnaire national.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Bussereau a présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal, supprimer les mots : "dépositaire de l'autorité publique,". »

L'amendement est-il défendu ?

M. Jean-Luc Warsmann.

Oui, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacky Darne, rapporteur.

Avis défavorable, pour deux raisons. En premier lieu, la notion de personne

« dépositaire de l'autorité publique » figure dans la définition de la corruption d'un fonctionnaire national et n'est donc pas nouvelle.

En second lieu, cette notion sera interprétée à la l umière de la convention de l'OCDE et de ses commentaires, qui font expressément référence, pour la corruption d'agent public étranger, aux personnes dépositaires de l'autorité publique.

Je propose donc de rejeter cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable. La corruption d'agent public étranger ne peut être définie différemment de celle d'agent public français. Cette discordance ne


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

serait pas justifiée. Elle conduirait à poursuivre une entreprise française qui corromprait un dépositaire de l'autorité publique en France et à faire obstacle à des poursuites si l'entreprise française corrompait une personne exerçant les mêmes fonctions à l'étranger ; cela va évidemment à l'encontre de l'esprit et de la lettre de la convention de l'OCDE.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal, substituer au mot : "cinq" le mot : "dix". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit là encore de rétablir la peine d'emprisonnement de dix ans, ramenée à cinq ans par le Sénat, pour la corruption de magistrats étrangers. Cet amendement est dans la logique des précédents.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable, comme pour l'amendement no

4.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal, substituer aux mots : "sans droit" les mots : "à tout moment".

« II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans le deuxième alinéa de ce même article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Amendement de coordination avec la nouvelle définition de la corruption d'un fonctionnaire national.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Substituer au 2o du texte proposé pour l'article 435-6 du code pénal les sept alinéas suivants :

« 2o Pour une durée de cinq ans au plus :

« l'interdiction d'exercer directement ou indirectement l'activité professionnelle ou sociale dans laquelle ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« le placement sous surveillance judiciaire ;

« la fermeture des établissements ou de l'un des é tablissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

« l'exclusion des marchés publics ;

« l'interdiction de faire appel public à l'épargne ;

« l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d'utiliser des cartes de paiement. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Les peines applicables aux personnes morales coupables de corruption de fonctionnaire communautaire ou d'agents publics étangers doivent être les mêmes que celles prévues en cas de corruption de fonctionnaires nationaux.

Je fais observer que les cent premières sanctions prononcées par les tribunaux à l'encontre de personnes morales ont consisté essentiellement en peines d'amende, d'affichage, de publication et de confiscation ; il n'y a eu pour l'instant ni exclusion des marchés publics ni interdiction d'exercer.

Néanmoins, je crois nécessaire de prévoir un éventail de peines assez large, car on peut rencontrer des cas extrêmes. Par ailleurs, il est indispensable d'assurer le parallélisme avec les peines frappant le délit de corruption de fonctionnaires nationaux, afin d'être en conformité avec la convention de l'OCDE.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable. Cet amendement rétablit la version initiale du projet de loi pour les sanctions applicables aux personnes morales déclarées coupables de corruption active d'un fonctionnaire communautaire ou d'un fonctionnaire d'un autre Etat membre ou d'un agent public étranger dans le commerce international.

Les peines telles qu'elles sont rétablies par l'amendement sont strictement calquées sur celles qui existent déjà en droit interne pour des faits de corruption active. Il ne saurait y avoir, je le répète, un double régime des peines applicables aux personnes morales selon que la personne corrompue exerce une fonction publique en France ou hors de France.

L'équivalence des peines qui vaut pour les personnes physiques vaut également pour les personnes morales.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ainsi que l'article 689-8 du code de procédure pénale entreront en vigueur à la date d'entrée en vigueur sur le territoire de la République des conventions ou protocoles visés par ces articles.

« Les articles 435-1 à 435-4 du code pénal ne s'appliquent pas aux faits commis à l'occasion de contrats signés antérieurement à l'entrée en vigueur sur le territoire de la République de la convention visée par ces articles. »

M. Darne, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 9 rectifié, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa de l'article 2, insérer les deux alinéas suivants :

« Les sommes ou les avantages susceptibles d'être versés ou octroyés au titre d'un contrat signé avant l'entrée en vigueur des articles 435-1 à 435-4 du code pénal au profit des agents publics étrangers mentionnés par ces articles doivent être déclarés auprès de l'administration fiscale dans un délai d'un an à compter de cette entrée en vigueur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de cette déclaration. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Nous avons déjà largement évoqué cet article dans la discussion générale et Mme la garde des sceaux l'a commenté dans sa réponse aux orateurs.

La commission propose de maintenir l'article 2, mais d'en permettre une application sans ambiguïté. Il ne doit protéger les entreprises que pour des pots-de-vin prévus par des contrats signés avant l'entrée en application de la loi ; mais la preuve de ces contrats est très souvent difficile à apporter.

A l'inverse, il faut prévoir pour les entreprises la possibilité de respecter leurs engagements antérieurs. La commission propose d'appliquer le principe de nonrétroactivité en considérant que le paiement de « commissions » prévues dans des contrats signés avant l'entrée en vigueur de la loi peut être effectué postérieurement.

Toutefois, afin d'éviter toute dérive et toute manoeuvre de dissimulation consistant à rattacher après coup des

« commissions » à des contrats, il est prévu, dans un souci de transparence, un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la loi pour que les entreprises communiquent à l'administration fiscale la liste des contrats et des « commissions » à verser.

Un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application de cette déclaration, afin de garantir la pertinence de sa mise en oeuvre.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je comprends la préoccupation du rapporteur et j'ai eu l'occasion d'indiquer ma position sur ce problème en répondant aux orateurs inscrits dans la discussion générale.

Je suis néanmoins défavorable à cet amendement, qui doit d'ailleurs être considéré en liaison avec l'amendement no 10. Comme je l'ai déjà précisé, l'article 2 n'est que l'application à des situations commerciales complexes du principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale.

Si vous adoptiez cet amendement, combiné avec l'amendement suivant, vous subordonnerez le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi pénale à une déclaration administrative, tout en limitant de fait l'application de ce principe dans le temps. J'estime par conséquent que cet amendement pourrait être jugé inconstitutionnel.

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Je suis également défavorable à cet amendement. Je voudrais toutefois poser une question à M. le rapporteur. La rédaction qui nous est proposée est quelque peu différente de celle que nous avons étudiée en commission des lois ; le délai était en effet de deux ans à l'origine et l'on nous parle aujourd'hui d'un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur des articles du code pénal. Pourquoi ce changement ? Sur le fond, je partage l'argumentation de Mme la garde des sceaux : cette disposition pourrait en effet être contestée du point de vue juridique.

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Lors de la première délibération en commission, un délai de deux ans était prévu mais la discussion a fait apparaître que, pour certains commissaires, ce délai n'était pas opportun. Dans le cadre de l'article 88, nous avons donc modifié ce délai pour le réduire à un an. Il nous a semblé qu'un délai de deux ans était trop long et pouvait inciter des entreprises à organiser des actes illégaux pendant ce temps.

Par ailleurs, nous avons adopté l'amendement no 1 avant l'article 1er qui définit différemment le délit de corruption et nous devons assurer une rédaction cohérente à l'article 2.

L'objection de Mme la garde des sceaux ne tient pas car nous venons de préciser que le délit peut exister à tout moment. Par conséquent, on ne peut arguer de l'antériorité du pacte de corruption avec la même efficacité au regard de la jurisprudence.

L'amendement que nous proposons est particulièrement nécessaire.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 9 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Encore adopté ! Incroyable ! Si l'opposition était majoritaire, ce serait quand même plus facile pour le Gouvernement !

Mme la garde des sceaux.

Mais ça n'est pas le cas ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Ça viendra !

M. le président.

Mme Aubert, MM. Aschieri, Cochet, Hascoët, Mamère et Marchand ont présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa de l'article 2. »

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Je me suis déjà expliquée sur ce problème dans la discussion générale. La suppression du dernier alinéa me paraît d'autant plus logique que l'amendement no 1 a été adopté, c'est-à-dire qu'il y a délit de corruption à tout moment ; je ne vois donc pas pourquoi il faudrait maintenir cet alinéa.

Madame la ministre, vous avez souligné que deux problèmes étaient posés : celui de la définition du délit de corruption et celui de l'interprétation de la rétroactivité de la loi pénale.

Nous avons avancé sur la définition de la corruption grâce à l'amendement no 1. Quant à la rétroactivité de la loi pénale, j'ai rappelé, tout comme vous, que la jurisprudence de la Cour de cassation était bien établie puisque la Haute juridiction estime qu'il y a corruption chaque fois qu'il y a un versement correspondant à un pacte de corruption. On la voit mal et je ne partage donc pas votre point de vue à ce sujet - changer d'avis selon qu'il serait question de prescription ou de rétroactivité.

De deux choses l'une. Soit il s'agit de rappeler un principe constitutionnel que personne ne conteste ici, et on ne voit donc pas l'utilité de le rappeler. Soit il s'agit discrètement - de contourner provisoirement la convention ; et cet alinéa jette alors inutilement le soupçon, le doute, sur quelque chose que la France ou les entreprises françaises voudraient dissimuler. J'ajoute qu'aucun des pays signataires de cette convention n'a adopté une telle clause dans la transposition en droit interne de ce texte.

La France s'exposerait donc dangereusement et inutilement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

Cet alinéa ouvre une brèche. Je ne reviendrai pas sur la difficulté de contrôler à quoi se rattachent les commissions ou les pots-de-vin qui seront versés après le vote de la loi ; d'ailleurs, l'amendement no 1 résout en partie ce problème.

Vous avez d'ailleurs dit, madame la ministre, que, si l'on supprimait cet alinéa, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale s'appliquerait de toute façon ; raison de plus pour le supprimer.

Nous pensons qu'il vaudrait mieux s'abstenir de faire figurer dans le texte cette précision qui jette inutilement le soupçon et risque de rouvrir le débat au sein de l'OCDE et du comité de suivi pour savoir ce que l'on entend précisément par non-rétroactivité de la loi pénale en matière de corruption. Le dispositif que nous venons d'adopter me paraît simplement limiter les dégâts, sans résoudre le problème.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer le dernier alinéa de l'article 2. Cela éviterait des débats juridiques très complexes ainsi qu'une position dangereuse, car nous serions les seuls à avoir une telle clause.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacky Darne, rapporteur.

Défavorable, compte tenu de l'amendement que nous avons adopté avant l'article 1er

La suppression de l'article 2 était une possibilité car, s'il s'agissait seulement de réaffirmer le principe de nonrétroactivité de la loi, cette mention était inutile. Si elle figure dans le projet de loi, c'est bien parce qu'il y avait un doute sur l'interprétation que pouvaient faire les tribunaux. Il existe une jurisprudence sur la constitution du délit successif, et donc une ambiguïté. On peut évidemment interpréter certaines décisions en disant qu'elles ne concernaient que la prescription, mais la réalité est qu'il y a une incertitude quant à la jurisprudence.

Comme nous avons défini autrement le délit de corruption, la suppression de l'article 2 présenterait un inconvénient très important pour les entreprises puisque tout versement postérieur à l'entrée en application de la loi, même s'il est effectué en vertu de conventions antérieures, pourrait être répréhensible.

Il faut, dans le souci de permettre l'exécution des contrats commerciaux signés antérieurement à l'entrée en application de cette loi, conserver les dispositions de l'article 2.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je voudrais clarifier les termes de notre discussion.

Mme la garde des sceaux a justement rappelé la chronologie : soit le pacte entre le corrupteur et le corrompu et les actes d'exécution, tels que le versement des commissions, sont antérieurs à la date d'application de la loi et, dans ce cas, celle-ci ne s'applique pas, soit ils sont postérieurs et la loi s'applique alors dans toute sa rigueur.

Mais nous pouvons aussi avoir un cas hybride, celui que visent exclusivement les dispositions transitoires. Il s'agit du cas où le pacte est antérieur, mais où les actes d'exécution sont quant à eux postérieurs je pense notamment à des contrats ayant fait l'objet d'avenants et comptant un certain nombre de volets d'exécution applicables dans le temps, donc d'application différée.

Il importe de clarifier le droit.

Il ne s'agit pas de placer les entreprises dans une situation d'insécurité juridique au regard du principe de nonrétroactivité de la loi pénale la plus sévère. On ne pouvait se contenter des silences de la loi, si je puis dire, ou alors nous devions tout interdire, y compris les actes déjà signés. Mais c'eût été une manière de nous planter un poignard dans le coeur.

Notre position est une position de conciliation, mais je ne suis pas certain qu'elle soit incontestable sur le plan juridique. Il y a, d'un côté, ceux qui considèrent qu'il faut tout réprimer et, de l'autre, ceux qui, comme au Sénat, ont pu approuver l'idée qu'on pouvait ne pas placer de barrière suffisamment solide pour empêcher une application indéfinie d'actes d'exécution de pactes antérieurement signés. Nous, nous préférons fixer un délai - un an - dans lequel les entreprises pourront déclarer les contrats au nom desquels elles s'engageront sur le versement de commissions et ne plus leur permettre, une fois ces déclarations faites, après l'expiration du délai d'un an, de continuer. Nous avons voté des dispositions transitoires de clarification visant à assurer la sécurité juridique des conventions illégales et des conventions légales.

Dans la mesure où nous avons voté l'amendement no 1, il paraît difficile de revenir sur notre position en adoptant l'amendement de Mme Aubert, qui placerait, par le silence même de la loi, les entreprises et l'ensemble des justiciables dans une position intenable. C'est la raison pour laquelle je propose de nous en tenir à l'amendement no 1, dont le dispositif serait complété par l'amendement no 10. Et nous verrons bien si la discussion rebondit.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Mon hésitation est réelle.

L'article 2 est-il une nouvelle interprétation du principe constitutionnel de non-rétroactivité des lois pénales ? Notre collègue Montebourg dit que oui, et d'autres que non. On voit bien que l'affaire n'est pas simple.

Certains contrats peuvent être conclus pour une très longue période : vingt ou trente ans. C'est le cas des contrats de concession de service public, qui peuvent quelquefois durer cinquante ans. Il ne faudrait tout de même pas que l'article 2 aboutisse à ce que, pendant cinquante ans, des pots-de-vin puissent continuer d'être versés. Ne serait-il pas possible de trouver un dispositif acceptable ? Si nous votons l'amendement de Mme Aubert, le principe de non-rétroactivité serait limité dans le temps.

M. Jacky Darne, rapporteur.

La non-rétroactivité n'existe pas !

M. Charles de Courson.

Elle existe en droit pénal ! Elle est même constitutionnelle, mon cher collègue ! Je le répète, mon hésitation est réelle.

J'aimerais que le Gouvernement nous dise quelles seraient les conséquences du texte proposé par la commission et de celui proposé par Mme Aubert.

M. le président.

La parole est à Mme Marie-Hélène Aubert.

Mme Marie-Hélène Aubert.

Je voudrais relever une contradiction. Monsieur Montebourg, vous avez reconnu qu'il était souvent difficile de démontrer l'antériorité d'un pacte de corruption - la difficulté est même mentionnée dans l'exposé des motifs de l'amendement no

1. Je ne vois pas pourquoi l'argumentation qui vaut pour l'amendement no 1 ne vaudrait plus pour celui que j'ai défendu. Il est toujours très difficile de prouver la date précise d'un pacte de corruption !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

M. Arnaud Montebourg.

On sera obligé de faire une déclaration !

Mme Marie-Hélène Aubert.

Cela signifie, comme l'a dit M. de Courson, que l'engagement pourra être illimité, et se poursuivre pendant plus de dix ou vingt ans.

Je préfère que l'on s'en tienne au « silence de la loi », entre guillemets, d'autant que, ainsi que l'a rappelé Mme la garde des sceaux, la non-rétroactivité de la loi pénale est le principe, et que personne ici ne le conteste.

Nos partenaires européens n'ont pas adopté de clause similaire. Il n'y a donc aucun risque à supprimer l'alinéa dont il s'agit et à rouvrir le débat, qui est effectivement complexe et difficile, au sein de l'OCDE.

Nous ne sortirions pas grandis par l'adoption d'une disposition qui jetterait un doute sur la volonté de nos entreprises de cesser le type de pratiques que nous voulons combattre.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

La grande qualité du dispositif que nous défendons, c'est la transparence.

M. Arnaud Montebourg.

Très juste !

M. Jacky Darne, rapporteur.

Si la rédaction que nous proposons n'est pas adoptée, nous serons dans le flou le plus complet : dans certains cas, on pourra prouver un pacte de corruption, dans d'autres non ; dans certains cas, on permettra le versement de commissions pendant des années, et dans d'autres non.

N otre dispositif est parfaitement transparent et parfaitement transitoire : les pots-de-vin sont interdits à partir de la date de la loi et, s'il y a des contrats signés antérieurement, la liste devra en être déposée dans l'année qui vient, ce qui permettra de ne pas être poursuivi puisqu'on aura démontré que ces contrats sont antérieurs.

Si, monsieur de Courson, vous estimez qu'en deuxième lecture nous pourrions limiter les versements postérieurs à cinq ans, réfléchissons-y !

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

M. Jacky Darne, rapporteur.

Mais nous sommes pour l'instant dans une situation de transparence vis-à-vis des entreprises et de l'opinion publique, et cette situation traduit la volonté de mettre en application cette loi. Si nous laissons les choses en l'état, les entreprises dissimuleront des pots-de-vin qu'elles verseront pour des opérations postérieures en les rattachant fictivement à des contrats antérieurs. Celui qui a quelque pratique de ce qui peut se faire aujourd'hui avec les contrats d'entreprise par le biais d'avenants peut comprendre ce que je dis, qui n'est au demeurant pas très compliqué.

M. Arnaud Montebourg.

Monsieur le président, je demande la parole, pour une brève intervention.

M. le président.

Monsieur Montebourg, j'essaie de favoriser la discussion sur les points qui paraissent importants, et je vais donc vous donner la parole. Mais je vous demande d'être synthétique, c'est-à-dire très bref, comme vous l'avez annoncé.

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. Arnaud Montebourg.

Monsieur le président, nous vous rendons grâce de votre souplesse. (Sourires.)

Plus une loi est dure, plus elle a de chances d'être violée. Plus une loi est souple et plus elle ménage des modalités d'application, plus elle a de chances d'être respectée. Il est assez irréaliste de prétendre qu'avec la disposition de clarification et de mise en transparence défendue par le rapporteur, des entreprises ayant signé des contrats qui seraient des pactes de corruption indécelables, impossibles à prouver, viendraient déclarer à l'administration fiscale qu'elles auraient encore, pendant cinquante ans, à verser pots-de-vin à je ne sais quelle entreprise tonkinoise.

M. Charles de Courson et M. Michel Hunault.

Pourquoi pas ?

M. Jean-Antoine Leonetti.

Qu'est-ce qui les en empêcherait ?

M. Arnaud Montebourg.

La souplesse dont le rapporteur vient de faire preuve à propos d'un délai peut être appliquée à l'organisation des dispositions transitoires.

S'agissant d'une loi aussi dure, aussi rigoureuse, qui organise le démantèlement de la corruption de façon multilatérale, mieux vaut que nous adoptions une position d'aménagement plutôt qu'une position dure et silencieuse. Sinon, nous aurons des sinistres dont nous aurons à nous repentir.

Soyons sur ce point contructifs ! Si je me félicite de la souplesse dont fait preuve notre président,...

M. le président.

N'en abusez pas !

M. Arnaud Montebourg.

... je me réjouis aussi de la volonté constructive de chacune des parties à notre débat.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Darne, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 10, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 2 par les mots : ", lorsque les sommes ou avantages versés ou octroyés au titre de ces contrats ont été déclarés auprès de l'administration fiscale dans les conditions mentionnées ci-dessus". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit d'un complément rédactionnel à l'amendement no 9 rectifié, adopté par l'Assemblée.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. - Après l'article 689-7 du code de procédure pénale, il est inséré un article 689-8 ainsi rédigé :

« Art. 689-8. - Pour l'application du protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes fait à Dublin le 27 septembre 1996 et de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, peut être poursuivi et jugé dans les conditions prévues à l'article 689-1 :

« 1o Tout fonctionnaire communautaire au service d'une institution des Communautés européennes ou d'un organisme créé conformément aux traités instituant les


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

Communautés européennes et ayant son siège en France, coupable du délit prévu à l'article 435-1 du code pénal ou d'une infraction portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes au sens de la conventionr elative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes faite à Bruxelles le 26 juillet 1995 ;

« 2o Tout Français ou toute personne appartenant à la fonction publique française coupable d'un des délits prévus aux articles 435-1 et 435-2 du code pénal ou d'une infraction portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes au sens de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes faite à Bruxelles le 26 juillet 1995 ;

« 3o Toute personne coupable du délit prévu à l'article 435-2 du code pénal ou d'une infraction portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés européennes au sens de la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes faite à Bruxelles le 26 juillet 1995, lorsque ces infractions sont commises à l'encontre d'un ressortissant français. »

Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 bis

M. le président.

« Art. 3 bis . - I. - L'article 706-1 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. 706-1. - Pour la poursuite, l'instruction et le jugement des actes incriminés par les articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République de Paris, le juge d'instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l'application des articles 43, 52, 382, du second alinéa de l'article 663 et de l'article 706-42.

« Lorsqu'ils sont compétents pour la poursuite et l'instruction des infractions prévues aux articles 435-3 et 435-4 du code pénal, le procureur de la République et le juge d'instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l'étendue du territoire national. »

« II. - A la fin du premier alinéa de l'article 693 du même code, les mots : "et 706-17" sont remplacés par les mots : ", 706-1 et 706-17". »

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 3 bis »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Cet amendement tend à supprimer l'article 3 bis , introduit par le Sénat, qui prévoit la centralisation systématique à Paris des affaires de corruption d'agents publics étrangers.

Cette centralisation ne se justifie pas. La plupart des infractions seront peut-être traitées dans la capitale car on y trouve plus de sièges d'entreprises qu'ailleurs, mais il est d'autant plus important de maintenir la compétence des juridictions spécialisées en matière économique et financière que certaines d'entre elles ont vu leurs moyens étoffés par la création de pôles économiques et financiers. Il existe trente-cinq de ces juridictions spécialisées et elles sont compétentes pour de nombreux délits en matière financière. En outre, il n'y a pas de raison de réserver un traitement particulier aux affaires de corruption.

J e propose donc à l'Assemblée de supprimer l'article 3 bis.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à l'amendement car il n'y a aucune raison de vouloir, comme le Sénat, centraliser à Paris le traitement du délit de corruption que nous venons de définir.

Il existe des juridictions financières spécialisées et j'ai créé quatre pôles économiques et financiers dotés de moyens supplémentaires à Paris, Bastia, Marseille et Lyon. Ils seront de dix à douze à terme, c'est-à-dire, je l'espère, d'ici à un an ou à un an et demi. Il faut maintenir la compétence de ces pôles, qui sont dotés de moyens accrus non seulement en magistrats, mais aussi en greffiers, en assistants de justice et en assistants spécialisés.

J'ai obtenu du ministère des finances et de la Banque de France que quarante-cinq assistants spécialisés issus de ces corps viennent travailler dans ces pôles. Il s'agit de gens très compétents qui assisteront, comme leur nom l'indique, les juges d'instruction travaillant sur ces questions très complexes de délinquance économique et financière.

Je suis tout à fait favorable à cet amendement, qui vise à supprimer la disposition de centralisation introduite par le Sénat.

M. le président.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Monsieur le président, j'aurais souhaité que l'amendement no 11 et l'amendement no 18 fassent l'objet d'une discussion commune...

M. le président.

Monsieur Hunault ! La discussion commune n'est pas possible, puisque l'un des deux amendements est de suppression ! Vous pouvez cependant répondre au Gouvernement.

M. Michel Hunault.

Quand nous parlons de juridictions financières spécialisées, parlons-nous bien de celles qui sont dotées d'un pôle financier ? A l'heure actuelle, il existe quatre pôles de ce type, dont un à Paris. Il est question d'augmenter leur nombre. J'aimerais donc avoir des précisions sur ces juridictions, pour m'assurer que nous parlons bien de la même chose.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 3 bis est supprimé et l'amendement no 18 de M. Hunault n'a plus d'objet.

Article 4

M. le président.

« Art. 4. Le deuxième alinéa (1o ) de l'article 704 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« 1o Délits prévus par les articles 222-38, 313-1, 313-2, 313-4, 313-6, 314-1, 314-2, 324-1, 324-2, 432-10 à 432-15, 433-1, 433-2, 434-9, 435-1 et 435-2 du code pénal. »

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« A la fin du deuxième alinéa de l'article 4, substituer aux références : "435-1 et 435-2" les références : "435-1 à 435-4". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement de suppression qui vient d'être adopté.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement no

12. (L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 4

M. le président.

M. Hunault a présenté un amendement, no 14, ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Le premier alinéa de l'article 8 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 8. En matière de délit financier, la prescription de l'action publique est de trois années révolues à compter du jour où le délit a été commis si dans cet intervalle il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. »

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault.

Cet amendement concerne la prescription des délits financiers. Nous avons déjà évoqué le sujet dans la discussion générale et Mme la garde des sceaux nous a fait part de son point de vue.

Toutes les dispositions dont nous discutons, qui visent à lutter plus sévèrement encore contre la corruption, recueillent l'approbation de tous les groupes de cette assemblée, même si nous pouvons être opposés à certaines de leurs modalités et craindre leurs conséquences sur la vie de nos entreprises.

Nous devons en tout cas, me semble-t-il, saisir l'occasion pour revenir sur la prescription des délits financiers.

Il nous paraît souhaitable de fixer la durée de prescription à trois ans à partir de la date où ont été commis les délits.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacky Darne, rapporteur.

Je souhaite que l'Assemblée rejette l'amendement car il traite d'une question qui est trop importante pour être discutée ici, au moment où nous transposons des traités dans notre droit interne.

Le problème de la prescription concerne de nombreux délits financiers. Il convient de s'interroger et, sans doute une évolution législative d'ensemble.

Mme la garde des sceaux a précisé, à l'issue de la disc ussion générale, qu'elle souhaiterait poursuivre la réflexion sur le problème et soumettre au Parlement un projet pour la régler.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis défavorable à l'amendement, qui vise en réalité à détruire la jurisprudence de la Cour de cassation.

Cette jurisprudence, en matière de délits occultes, c'est-à-dire d'abus de biens sociaux et de favoritisme, fait courir la prescription à compter de la découverte des faits et non à compter de leur commission.

Ainsi, s'agissant de la corruption, il me semble important de rappeler que le point de départ de la prescription n'est pas fixée au jour du pacte de corruption, mais au jour du dernier versement de la dernière réception des choses promises, ce qui repousse d'autant le délai de trois années.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Je ne puis m'empêcher de sourire à la lecture de l'amendement.

Mis à part le fait qu'il est bien mal rédigé - seul M. Hunault, qui souhaite introduire un peu de sfumato dans la procédure pénale (Sourires) , sait ce qu'est un

« délit financier » -, cet amendement a la particularité de ne se cacher derrière aucun masque : en clair, il tend à faire en sorte, puisque les lois pénales plus douces s'appliquent rétroactivement, que toutes les affaires qui concernent de près ou de loin un délit dit « financier », notion bien approximative, ne fassent pas l'objet de poursuites. En effet, la plupart d'entre elles reposent sur des recels d'abus de biens sociaux qui, nous le savons, sont des délits continus, et ne se prescrivent pas dans les conditions proposées par M. Hunault.

Je suis étonné que l'honorable rapporteur de la loi anti-blanchiment de 1996 veuille amnistier toutes les affaires qu'il entendait alors faire poursuivre. Décidement, la droite reste bien la droite !

M. Charles de Courson.

Attendez de connaître notre vote au lieu de dire n'importe quoi !

M. le président.

La parole est à M. Hunault.

M. Michel Hunault.

Il est des choses que l'on ne peut entendre sans réagir. Le texte dont nous discutons suscite un certain nombre de questions. C'est de la vie des entreprises qu'il s'agit : nous allons transposer une convention dans le droit pénal français, postérieurement à son application.

La prescription des délits financiers, qui ne se limite pas à l'ABS, est une vraie question ; elle mérite que le Parlement puisse en discuter dans la sérénité.

J'ai été rapporteur de la loi sur le blanchiment et je suis intervenu dans le cadre de l'examen de plusieurs textes visant à harmoniser le droit pénal en Europe et à créer un espace judiciaire européen. Je peux donc dire à M. Montebourg que le sujet mérite mieux que des attaques du genre de celles auxquelles il vient de se livrer.

M. Arnaud Montebourg.

La réponse ressemble à l'amendement !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. Arnaud Montebourg.

Vous n'êtes pas suivi par votre groupe, monsieur Hunault !

M. le président.

Je suis saisi de deux amendements pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 13, présenté par M. Darne, rapporteur, et M. Montebourg, est ainsi libellé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Le début du 2 bis de l'article 39 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 2 bis A compter de l'entrée en vigueur de la convention sur la lutte contre la corruption... (le reste sans changement). »

L'amendement no 20, présenté par M. de Courson, est ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du 2 bis de l'article 39 du code général des impôts, les mots : "au cours d'exercices ouverts à compter de" sont remplacés par le mot : "après". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

13.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Le législateur, en 1997, s'est prononcé contre la déductibilité des pots-de-vin.

Toutefois, à la suite des débats, la mise en application de cette mesure a été restreinte aux « contrats conclus au cours d'exercices ouverts à compter de l'entrée en vigueur de la convention sur la lutte contre la corruption ».

Je propose que la déductibilité soit interdite pour tous les pots-de-vin, y compris ceux versés en application de contrats antérieurs à l'entrée en vigueur. Du point de vue fiscal, cela n'entraînerait aucune difficulté d'application.

M. le président.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no

20.

M. Charles de Courson.

La rédaction actuelle du 2 bis de l'article 39 du CGI, compte tenu du temps nécessaire à la ratification de la présente convention, permettrait de continuer à passer des contrats assortis de pots-de-vin fiscalement déductibles pendant toute l'année 2000.

Mon amendement a le même objet que celui qui a été adopté en commission : il vise simplement à ce que les pots-de-vin versés postérieurement à l'entrée en vigueur de la convention ne soient pas déductibles. Mais ma rédaction serait plus simple.

M. Jean-Antoine Leonetti.

Et bien meilleure !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable aux deux amendements.

M. Charles de Courson et M. Jean-Antoine Leonetti.

Et pourquoi donc ?

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 20 de M. de Courson tombe.

Article 5

M. le président.

« Art. 5. La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte. »

M. Darne, rapporteur, a présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« Dans l'article 5, après les mots : "la présente l oi", insérer les mots : ", à l'exception de l'article 4 bis ,". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacky Darne, rapporteur.

Le code général des impôts n'étant pas applicable en Nouvelle-Calédonie, il convient d'exclure de l'article 5 la disposition que nous venons de voter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

J'étais défavorable à l'amendement no 13 qui a été adopté. Là, je m'en remets donc à la sagesse de l'assemblée.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

16. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

2 RÉFÉRÉ DEVANT LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au référé devant les juridictions administratives (nos 1682 et 2002).

La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi qui vous est présenté est simple dans son objet : il s'agit d'instituer pour la juridiction administrative, à l'instar de ce qui existe déjà pour la juridiction judiciaire, des procédures nouvelles de référé, permettant de traiter effectivement et efficacement, en urgence, les litiges mettant en cause l'administration.

Chacun s'accorde à reconnaître l'indépendance de la juridiction administrative et la qualité de ses décisions.

Mais il subsiste un reproche récurrent tenant aux délais de jugement. Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante. En 1998, le délai de jugement moyen s'élevait à presque deux ans devant les tribunaux administratifs et à un peu plus de trois ans devant les cours administratives d'appel. Il est inutile d'insister sur les inconvénients qui s'attachent à de tels délais tant pour le justiciable que pour l'Etat de droit. Les litiges doivent être jugés dans un

« délai raisonnable », comme le rappelle parfois la Cour européenne des droits de l'homme.

Des réformes d'ampleur ont déjà été engagées pour accélérer l'instruction et le jugement des affaires. Dans le domaine de la procédure, la loi du 8 février 1995 a institué un juge unique pour les affaires les plus simples et la faculté de rejeter par ordonnance certaines requêtes.

De nouvelles juridictions ont été créées, comme le tribunal administratif de Melun ou les cours administratives d'appel de Marseille et de Douai, ou vont l'être, comme le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en septembre 2000. A cela s'ajoute l'effort accompli par les magistrats eux-mêmes, dont la productivité a considérablement augmenté ces dernières années : de 60 % en huit ans.

La portée de ces efforts a toutefois été fortement limitée par l'accroissement simultané du nombre des requêtes auquel la juridiction administrative a dû faire face. C'est dans ce contexte général que s'inscrit le projet de loi qui vous est présenté. Il a pour origine un constat que font chaque jour les magistrats, les avocats, les administrations et les justiciables : les outils dont dispose le juge administratif pour traiter de l'urgence sont inadaptés.

L'opinion a le sentiment que la longueur des procédures, y compris dans les affaires qui exigeraient un trait ement rapide, assure l'impunité à l'administration.


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Celle-ci bénéficierait ainsi non d'un privilège de juridiction mais du « privilège du temps » devant le juge administratif. Certains soutiennent même que seul le juge civil, voire le juge pénal, serait en mesure d'apporter une réponse rapide.

Si ces reproches sont excessifs, il est vrai que, dans le cadre des procédures de référé existantes, le juge administratif ne peut s'opposer ni à une décision de l'administration, ni même à une décision manifestement illégale portant atteinte à des libertés fondamentales. Les particuliers sont donc amenés, dans de telles hypothèses, à saisir le juge civil des référés. Une conception extensive et erronée de la voie de fait devant ce juge devient alors, pour les parties, un moyen de remédier à l'inadaptation des procédures.

La procédure du sursis à exécution, pourtant conçue pour répondre à l'urgence, a quant à elle perdu une grande partie de son utilité en raison de l'interprétation très restrictive des deux conditions auxquelles est subordonné le sursis : la condition tenant à l'existence d'un préjudice difficilement réparable a conduit le juge à exclure le préjudice qui peut être réparé sous la forme d'une indemnité ; le juge a interprété la condition du moyen sérieux comme celle d'un moyen fondé.

En outre, le juge administratif procède souvent à un examen commun du fond et du sursis ; ce dernier est alors privé de tout objet et de toute utilité. Les magistrats sont d'autant plus tentés de confondre dans une même instance le fond et le sursis que tous deux doivent être examinés par une formation collégiale, à l'issue d'une procédure écrite. La disposition du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui veut que le sursis soit instruit et jugé en extrême urgence, est ainsi lettre morte.

Cette situation est évidemment regrettable. Elle l'est d'autant plus que le sursis à exécution constitue au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel une garantie essentielle des droits de la défense. Il est également un des éléments constitutifs du droit à un recours effectif, au sens où l'entendent les cours de Strasbourg et de Luxembourg.

Divers dispositifs ont été institués pour tenter de remédier aux inconvénients qui s'attachent à cette situation : l'ouverture de sursis automatiques dans certains domaines ou encore la suspension de décisions administratives pour une certaine durée. Mais ces dispositifs ont été peu utilisés et ont rendu les procédures peu lisibles.

Le projet qui vous est soumis s'inscrit en rupture par rapport à cette évolution et traduit la volonté du Gouvernement d'instituer un véritable juge administratif des référés, statuant en urgence. Dès le 2 mars 1998, j'avais demandé au vice-président du Conseil d'Etat de me faire des propositions en ce sens. Elaborées par un groupe de travail présidé par M. Labetoulle, président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, elles ont servi de base à ce projet.

L'objectif du projet de loi est clair : le juge administratif des référés doit avoir une efficacité comparable à celle du juge civil des référés. Il faut, certes, prendre en compte la spécificité du contentieux administratif, mais celle-ci ne doit pas conduire à une procédure inefficace.

Je le dis avec force : l'atteinte à une liberté fondamentale doit faire l'objet d'une réponse juridictionnelle rapide : il n'est pas tolérable que cette réponse soit différente selon que l'atteinte incriminée a pour auteur une personne privée ou une administration.

En conséquence, c'est une réforme d'ensemble que je vous propose, touchant à la fois aux pouvoirs du juge administratif des référés et à la procédure suivie devant lui. Elle vise à donner de véritables pouvoirs d'urgence au juge administratif, à organiser une procédure souple et rapide et à simplifier l'état du droit.

En cas d'urgence, le juge des référés disposera de trois types d'attributions qui lui permettront de statuer de façon provisoire et rapide : il pourra soit prendre des mesures conservatoires, soit suspendre l'exécution d'une décision administrative, soit prendre toute mesure nécessaire en cas d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Le référé-suspension est la première procédure nouvelle prévue par le projet. Pour obtenir la suspension d'une décision, le justiciable devra seulement établir qu'il y a urgence à se prononcer et que la décision est illégale. La condition tenant à l'existence d'un préjudice difficilement réparable s'efface devant la seule condition tenant à l'urgence, laissant ainsi un large pouvoir d'appréciation au juge.

Quant à la condition tenant à l'existence d'un moyen sérieux, elle disparaît. Elle est remplacée par l'idée d'un

« doute sérieux » sur la légalité de la décision attaquée.

Ainsi le juge pourra-t-il accorder la suspension sans procéder à une analyse au fond de la requête. Le regard qu'il portera sur l'argumentation qui lui sera présentée devra être celui d'un juge de l'urgence amené à statuer en quelques jours, voire parfois en quelques heures.

Le projet a entendu conférer une grande latitude au juge dans la définition des effets qui s'attachent à la suspension : il pourra moduler les effets de la suspension afin de répondre au mieux à la situation d'urgence.

La seconde procédure instituée par le projet de loi est celle du référé-injonction. Le champ de cette procédure est limité aux cas où une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale est constatée. Dans ce cas, le juge pourra enjoindre à l'administration de prendre toute mesure permettant de faire cesser cette atteinte.

Le Gouvernement a estimé que cette procédure ne devait pas s'appliquer aux cas où il y avait une atteinte à un simple droit, puisque la procédure de référé-suspension peut, à elle seule, suffire à garantir le respect d'un tel droit. Ce juge des référés - c'est un point essentiel de la réforme - sera un juge unique, chargé de la mise en oeuvre des trois procédures, du référé-conservatoire, du référé-suspension et du référé-injonction.

La procédure simplifiée sera caractérisée par le tri de l'urgence, qui sera la première fonction du juge de l'urgence. Celui-ci devra déterminer, dans le cadre d'un premier examen, les requêtes qui, pour des raisons tenant à la compétence, à la recevabilité ou au fond, seront manifestement dénuées de toute chance de succès. Ces requêtes pourront être rejetées par voie de simple ordonnance.

Les autres requêtes feront l'objet d'une procédure contradictoire écrite ou orale sans l'intervention préalable des conclusions d'un commissaire du Gouvernement.

Cette procédure, aisément accessible pour le justiciable et peu formelle pour le juge, ne sera pas soumise au droit de timbre.

La procédure simplifiée sera aussi caractérisée par la suppression de certaines procédures particulières.

En offrant aux justiciables une procédure efficace de suspension des décisions administratives illégales, le projet permet de supprimer certaines procédures spécifiques. La


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réforme conduit ainsi à la disparition du mécanisme de suspension provisoire régi par l'article L. 10 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Toutefois, le Gouvernement a conservé les sursis ouverts au préfet dans le cadre de son contrôle de légalité, ainsi, d'une façon plus générale, que les sursis se rattachant à l'application des dispositions relatives à la décentralisation.

Il a également conservé les sursis à exécution institués par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et par la loi du 12 juillet 1983 sur la démocratisation des enquêtes publiques. Ces procédures permettent au juge de suspendre automatiquement les décisions, soit en l'absence d'étude d'impact, soit en cas d'avis défavorable du commissaire enquêteur.

Enfin, le Gouvernement vous propose de compléter les articles L. 22 et L. 23 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, qui régissent la procédure dite du référé précontractuel en matière de contrats et de marchés. En effet, il existait une pratique qui tendait à accélérer la signature du contrat dans le seul b ut de faire échec à l'intervention du juge. Par conséquent, il est proposé que le juge, dès sa saisine, puisse enjoindre à l'autorité compétente de différer la signature du contrat jusqu'à l'expiration de la procédure engagée devant lui.

Ce texte a déjà été examiné en première lecture par le Sénat, qui l'a amendé sur plusieurs points, en l'améliorant, sans toutefois que les modifications apportées en affectent l'économie générale. Les amendements ont plus particulièrement porté sur les voies de recours.

Le projet de loi n'avait pas prévu d'appel pour les trois formes de référé qu'il instituait, la seule voie de recours étant la cassation devant le Conseil d'Etat. Le Gouvernement avait initialement estimé que l'organisation d'un appel devant les cours administratives d'appel compliquait la procédure sans apporter de garanties supplémentaires.

La possibilité, pour le juge, de revenir à tout moment sur les mesures qu'il avait décidées à titre conservatoire paraissait constituer une garantie suffisante et appropriée à l'urgence. Le Sénat a voté un amendement organisant un appel devant le président de la section du contentieux pour le référé-injonction en matière d'atteinte à une liberté fondamentale.

Le Gouvernement s'est rangé aux arguments présentés devant le Sénat. La procédure particulière de suspension dont dispose le préfet à l'encontre des actes des collectivités locales susceptibles de compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle étant déjà soumise à une procédure d'appel, il est légitime de traiter de la même façon le référé présenté par les particuliers et qui vise à protéger les mêmes libertés.

Votre commission, tout en gardant le principe de l'appel contre les décisions prises dans ce cadre, a souhaité qu'il soit présenté devant le président de la cour administrative d'appel. Je ne m'opposerai pas à cet amendement, qui s'inscrit dans la logique de la répartition des compétences d'appel au sein de l'ordre administratif, bien qu'il puisse poser quelques problèmes sur lesquels je reviendrai lors de la discussion.

Votre commission souhaite par ailleurs, par souci de simplicité, faire disparaître les sursis automatiques autres que ceux liés directement à la décentralisation. Ces procédures sont, certes, un élément de complexité dans le dispositif mais elles répondent à des exigences spécifiques, notamment en matière d'environnement.

Votre commission a, pour le reste, proposé des amendements au projet, sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir lors de la discussion sur les articles.

A cette occasion, je voudrais remercier vivement la commission des lois et, plus particulièrement, son rapporteur M. Colcombet qui, en sa double qualité de praticien du droit et de parlementaire, a contribué à l'enrichissement de la réflexion sur les missions d'un juge des référés et à l'amélioration du texte.

Pour conclure, je voudrais insister sur le fait que ce texte, sous des apparences techniques et procédurales, conduit en réalité à un bouleversement de la pratique contentieuse des juridictions administratives. Il en va ainsi des juridictions du premier degré et des pratiques des administrations qui se sont parfois accommodées d'un juge administratif, certes sévère et exigeant, mais lent.

Au-delà des textes et des procédures, sa réussite dépendra largement de l'implication de la juridiction administrative et de l'intégration de l'urgence dans la culture de chacun de ses membres. Cette « révolution culturelle » - n'ayons pas peur des mots ! - s'agissant du Conseil d'Etat et des juridictions administratives...

M. François Colcombet, rapporteur.

Très juste !

Mme la garde des sceaux.

... passera par l'ouverture effective du prétoire des tribunaux administratifs au débat oral des parties. Dans le cadre de l'urgence, celles-ci n'auront plus un rôle simplement marginal dans la recherche de la solution.

J'ai pour ma part toute confiance en la juridiction administrative pour mener à bien cette réforme. Je le redirai demain à la Sorbonne à l'occasion du bicentenaire du Conseil d'Etat.

Le juge administratif doit être accessible au dialogue entre les parties ; il ne doit pas être lointain ; il doit être rapide dans les affaires urgentes et efficace dans la défense effective des droits et libertés.

Quant à l'administration, il lui appartiendra aussi de changer sa culture et ses pratiques dès lors qu'elle ne bénéficiera plus du « privilège du temps ».

Tel est l'enjeu de cette réforme.

Mais il en est aussi un autre : si le juge administratif décide plus rapidement, peut-être pourrons-nous résister à la pénalisation croissante de notre société, pénalisation que nous devons essayer de combattre aujourd'hui. On ne peut évidemment pas vouloir remédier à tous les dysfonctionnements en recourant au juge pénal. Et le vote de ce projet de loi nous donnera l'occasion de renforcer le rôle important joué par le juge administratif dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. François Colcombet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Madame la ministre, vous l'avez dit, la justice se voit souvent reprocher sa lenteur et la remarque vaut aussi bien pour l'ordre judiciaire que pour l'ordre administratif. Un divorce dure facilement cinq ans, une affaire de responsabilité médicale tout autant, même devant la juridiction administrative. Pour un recours formé contre une autorisation d'établissement classé et contre le permis de construire qui l'accompagne, il faut compter près de deux ans devant les premiers juges et de deux à trois ans devant la cour administrative d'appel.


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Cinq ans pour obtenir une décision souvent en complet décalage avec la réalité du moment, c'est manifestement déplorable ! L'attitude raisonnable est évidemment d'essayer d'accélérer le cours de la justice. Beaucoup de moyens y ont été consacrés, beaucoup est fait. Mais accélérer ne veut pas dire supprimer tous les délais. Bien souvent d'ailleurs, on critique tout autant l'accélération inconsidérée de la justice. Ainsi, en matière pénale, les procédures courtes sont souvent injustes.

M. Jean-Luc Warsmann.

Cela ne risque pas d'être le cas pour la justice administrative !

M. François Colcombet, rapporteur.

Bref, il faut raison garder. Mais pendant cette période, la vie continue et il est nécessaire de prendre certaines mesures. Même lorsque la justice est la plus performante, les procédures normales durent à peu près un an ! L'établissement classé qui fait l'objet d'un recours est construit, les arbres qu'une municipalité « bûcheronne » veut détruire sont partis en fumée, l'étranger a été expulsé sans retour, la victime d'une erreur médicale connaît, outre sa maladie, des problèmes financiers inextricables. Un Etat civilisé ne peut admettre ces situations.

C'est dans cet esprit qu'à côté de la justice ordinaire, qui va son train de sénateur, c'est-à-dire lentement (Sourires), s'est développée depuis longemps une justice plus rapide, plus souple, plus simple, prétorienne à l'origine, présidentielle toujours. Elle est aux confins de tous les débats qui précèdent l'examen au fond du procès : mise en état, mesures provisoires, conservation des preuves qui vont disparaître, désignation d'un expert, attribution d'une provision, cessation d'une situation intolérable.

Autant de mesures qui, sans toucher au fond du procès, vont permettre aux parties, surtout aux plus faibles, de reprendre souffle, de maintenir la tête hors de l'eau. Jugement rendu sur les apparences, souvent simple jugement de bon sens par rapport aux chefs d'oeuvre juridiques parfois bien hermétiques, voire irréels, des cours suprêmes : la décision de référé répond à cette demande sociale d'une justice simple et rapide.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

M. François Colcombet, rapporteur.

C'est ce qui explique l'extraordinaire développement du référé civil, sutout dans les grands tribunaux, y compris dans des contentieux sensibles et délicats, qu'il s'agisse de droit des affaires, de responsabilité, d'expulsions de locataires de baux commerciaux ou même en matière de presse, de protection de la vie privée et de droit à l'image.

Le nombre de référés civils ne cesse d'augmenter : 24 % entre 1990 et 1998. 17 % des affaires introduites au civil, en 1997, l'ont été en référé. A Paris, berceau et capitale du référé, rien moins que 15 000 décisions ont été rendues en référé pour l'année 1998, à mettre en r apport avec les 27 500 procédures au fond jugées par la même juridiction.

Plus intéressant encore : dans un très grand nombre de cas, la procédure s'arrête au référé. Les parties qui ont réamorcé la discussion la poursuivent, transigent souvent.

De gros contentieux se dégonflent au mieux des intérêts de tous. C'est ainsi que, lorsqu'en 1975 la Cour de cassation a admis que le juge du référé puisse allouer une provision dans des affaires de responsabilité médicale, ce qui ne s'était pas fait auparavant, on a constaté que les assurances payaient et que les plaignants renonçaient aux procès pénaux ou civils contre les médecins.

La réforme récente permettant la médiation en matière civile, combinée avec la procédure de référé, contribue à une heureuse évolution, y compris en matière familiale et sociale.

Cette réussite en matière civile fait apparaître plus modestes les résultats des procédures de référé en matière administrative. Il est vrai que le contexte est différent. La raison qui fait qu'en France il existe une juridiction administrative distincte explique aussi le moindre développement du référé devant cette juridiction. C'est que, dans le procès soumis au juge administratif, l'une des parties n'est pas ordinaire. C'est l'Etat lui-même ou une collectivité publique qui, par définition, défend des intérêts collectifs, sinon toujours l'intérêt général.

Mais cette situation particulière, qui justifie l'existence même d'une juridiction distincte avec ses juges, ses procédures particulières, ne doit ni faire disparaître le droit des tiers, ni en rendre l'exercice désespérant. Ce n'est d'ailleurs qu'avec réticence que le législateur a progressivement mis en place des procédures rapides du type du référé devant la juridiction administrative. Il ne l'a fait souvent qu'à l'occasion de législations très spéciales et, quand il a mis en place des mesures de portée plus générale, il les a encadrées de mille précautions. La jurisprudence n'a pas été en reste.

Mme la ministre a cité tout à l'heure l'exemple du sursis à exécution. Cette procédure existe dans notre droit, mais elle est pratiquement inutilisable. En effet, la demande de sursis doit accompagner une requête en annulation sur le fond, et la loi précise que le juge ne peut accorder ce sursis qu'à deux conditions : l'exécution de la décision attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ; les moyens énoncés dans la requête doivent être, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation. Or, dans la pratique, l'examen de cette seconde condition nécessite d'avoir élaboré la décision sur le fond. Autant dire que, bien souvent, cette décision sur le fond est prononcée avant même qu'il soit statué sur le sursis à exécution ! Quant aux conséquences difficilement réparables, elles sont appréciées de façon plus que stricte. Ainsi, dans une affaire récente concernant la construction d'une grande porcherie, le sursis à exécution a été refusé parce que, a dit le juge, si la porcherie était construite, on pourrait toujours la démolir. La porcherie a donc été construite mais, deux ans après, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé l'autorisation d'établissement classé, et par voie de conséquence, le permis de construire. Aujourd'hui, on en est à plaider sur une nouvelle demande d'autorisation, présentée comme une régularisation de la construction déjà faite. Si j'insiste sur ce point, c'est que, dans la pratique actuelle, il existe des quantités d'affaires de ce type qui empuantissent, dans tous les sens du terme (Sourires) , la vie des gens et aboutissent à des situations parfaitement scandaleuses. Faute d'un sursis à statuer, les constructions sont réalisées, le coup de force est opéré, l'opposant au projet doit encore se battre soit pour obtenir la démolition, soit pour empêcher ce qu'on appelle la régularisation.

C'est là un des cas de figure qui a été examiné par la commission composée de très hauts magistrats et présidée par M. Daniel Labetoulle, président de la section du contentieux du Conseil d'Etat. Cette commission s'est inspirée, pour partie, du modèle de la juridiction civile mais en prenant soin de l'adapter aux règles particulières à la matière administrative. Elle a formulé des propositions dont l'essentiel est repris dans ce projet de loi.


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Certes, on peut le déplorer, toutes ses suggestions n'ont pas été retenues. En particulier, le souhait qu'elle a émis de faire disparaître une grande partie des quelque vingt-trois procédures particulières qui existent actuellement, et dont certaines sont très peu utilisées ou très marginales, n'a été que partiellement réalisé. Et j'imagine que le Gouvernement, dont madame la ministre de la justice, dû arbitrer entre les divers ministères, chacun défendant avec ardeur les spécificités du droit propre à la matière dont il a la charge.

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est du conservatisme !

M. François Colcombet, rapporteur.

En revanche, sur beaucoup d'autres points, les plus importants à mon avis, les propositions de la commission Labetoulle ont été suivies.

Examinons rapidement les grandes lignes de ce projet, tel qu'il a été voté par le Sénat.

Une première série d'articles s'attache à définir clairement le référé. C'est une procédure qui permet de prendre des mesures provisoires, autrement dit n'ayant pas l'autorité de la chose jugée. On verra qu'elles peuvent être modifiées très facilement à tout moment, dès que survient un élément nouveau. Mais ces mesures provisoires n'en sont pas moins exécutoires. On peut à ce propos souligner l'intérêt qu'il y aurait à retenir dans le décret d'application de cette loi que l'ordonnance soite xécutoire sur minute. M. Buffet, président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation et grand spécialiste du référé, a beaucoup insisté sur ce point qui, à ses yeux, explique pour beaucoup le succès du référé civil.

Provisoire, exécutoire aussitôt, la décision prise en référé rendue par un juge qui, précise notre texte, n'est pas compétent pour connaître le principal du litige, actuel ou éventuel, auquel elle se rattache. D'ailleurs, la formation compétente pour juger le fond du procès comporte trois magistrats - cinq pour la cour administrative d'appel, ce qui, entre parenthèses, est beaucoup -, alors que le juge de référé sera un juge unique.

La juge de référé est, de droit, le président ou son délégué, choisi de préférence parmi les magistrats les plus expérimentés.

La décision en référé devra être rendue le plus vite possible, et selon des formes simplifiées. C'est pour cette raison que la procédure pourra être écrite ou orale, les parties s'expliquant mieux devant le juge.

L'intervention du commissaire du Gouvernement n'est pas prévue, même si, à mon avis, elle reste possible à condition de ne pas retarder la procédure, de la même manière que le parquet peut toujours intervenir devant le juge de référé civil.

Une procédure de tri des requêtes est mise en place.

Elle correspond à ce qui existe en procédure civile lorsqu'une partie demande par requête l'autorisation de citer d'heure à heure. Cette phase de la procédure n'a pas à être contradictoire en ce sens que l'adversaire n'a pas à être entendu à ce moment. Mais la partie demanderesse doit, si elle le souhaite, être entendue par le juge et la décision, être motivée. Le pourvoi en cassation reste toujours ouvert.

En revanche, lorsque la procédure est lancée, le juge doit, tout particulièrement dans ces affaires, observer et faire observer très strictement les règles du contradictoire.

C'est d'ailleurs l'essentiel de son travail.

Toujours dans un souci de rapidité et parce qu'il reste possible de ressaisir le juge si un élément nouveau apparaissait, l'appel n'apparaît pas nécessaire. Je crois qu'il n'est utile de le maintenir que dans les quelques cas où on l'a déjà créé. Mais le pourvoi en cassation est toujours ouvert.

Nous examinerons plus tard tous ces différents points.

Pour l'heure, j'énumérerai rapidement les quatre modifications qu'apporte ce texte sur le fond.

D'abord, le sursis à exécution, je l'ai évoqué plus haut, sera remplacé par un référé-suspension décrit à l'article

3. Le juge peut accorder la suspension totale ou partielle lorsqu'il y a urgence et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Nous sommes là dans une situation bien différente de celle créée par le texte actuel.

Une autre innovation est, ensuite, apportée avec le référé-injonction. Le juge des référés peut, lorsqu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde de cette liberté. Ce référé se distingue - est-il besoin de le souligner ? - de la voie de fait, qui est de la compétence judiciaire et qui concerne les cas dans lesquels une autorité administrative a violé les libertés fondamentales dans des hypothèses hors de sa compétence ou hors de son pouvoir.

Une décision récente nous permet de bien apprécier la différence. Un groupe de Chinois en situation irrégulière refusaient de donner à la police leur identité. Les policiers, les confondant tous et n'arrivant pas à se retrouver dans les états civils, avaient eu l'idée, qu'ils avaient crue bonne, d'apposer sur chacun de ces Chinois un numéro pour les reconnaître. (Sourires.)

Le tribunal de Paris, aussitôt saisi sur le fondement de la voie de fait, estima que le ministre avait agi dans le cadre de sa fonction, qui est de faire appliquer la législation sur les étrangers, et qu'il n'y avait donc pas voie de fait. On peut imaginer qu'un juge administratif, saisi sur le fondement du référéinjonction, aurait pu inciter les demandeurs à adopter un autre comportement et la police à trouver un autre moyen de les identifier. Quelle qu'a pu être la décision rendue, il aurait été normal qu'un débat ait lieu sur ce point.

Une autre modification concerne le référé conservatoire. Il existe déjà et trouve à s'appliquer, par exemple, en matière d'expulsion d'occupants sans titre du domaine public ou de communication de documents administratifs. Le juge pourra désormais statuer, même si la demande lui est directement adressée, alors que, actuellement, il faut qu'il y ait auparavant une décision administrative. Mais, surtout, la loi met fin à l'interdiction faite au juge administratif de préjudicier au principal.

Notons enfin, parmi les retouches apportées par ce projet de loi aux référés actuellement existants, la modification du régime des référés précontractuels. Suite à une directive européenne déjà ancienne, notre loi a prévu que le juge pouvait intervenir pour faire respecter les règles de la concurrence et de la transparence dans les marchés publics. Il peut, en particulier, suspendre la passation du contrat, annuler des décisions, voire supprimer des clauses des contrats. Mais un arrêt du Conseil d'Etat de 1999...

M. le président.

Monsieur le rapporteur, vous avez déjà parlé plus de quinze minutes ! Si vous pouviez vous diriger vers votre conclusion, je vous en serais reconnaissant !

M. Arnaud Montebourg.

M. Colcombet est très intéressant. Je lui cède mon temps de parole ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Warsmann.

Eh bien, ce temps de parole est déjà « mangé » !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

M. François Colcombet, rapporteur.

Un arrêt du Conseil d'Etat dispose que ces mesures ne peuvent pas être prises après la conclusion du contrat. D'où la pratique de conclure des contrats en catastrophe dès qu'il y a menace de saisine du juge. Afin d'éviter ce type de dysfonctionnement, le groupe de travail nous invite à voter une disposition permettant au juge d'« enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure ».

Bref, allégement, simplification, accès plus facile, plus grande souplesse d'intervention du juge ; tout est en place pour que se développe un droit plus accessible, plus rapide et plus juste. Ne nous y trompons pas, l'intervention rapide du juge, même sur un aspect marginal du procès, est de nature à régler une grande partie du différend, voire à amorcer le dialogue entre les parties. Je pense que toutes ces mesures auront ce résultat.

Tout cela ne sera possible que si les juges ont les moyens d'agir. Il faut, bien entendu, des créations de postes. Mais il faut, aussi, probablement, des redéploiements. C'est dans cet esprit qu'un amendement proposera de diminuer le nombre des magistrats des cours administratives d'appel chargés de juger les référés. Cinq conseillers, plus un commissaire du Gouvernement pour juger une mesure provisoire, c'est manifestement trop ; on peut donc faire là quelques économies. On peut aussi se donner des moyens d'autre nature, en améliorant par exemple le système informatique des greffes. C'est une demande exprimée par les greffiers.

Telle qu'elle est présentée, cette réforme représente un magnifique progrès. Que ce texte soit discuté au moment même où le Conseil d'Etat fête son bicentenaire montre à la fois la vitalité de cette respectable juridiction et la nécessité absolue de ne pas hésiter à toujours mieux l'adapter aux besoins d'une démocratie moderne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'admire le talent de notre collègue Colcombet. Il nous en avait d'ailleurs livré quelques prémices en commission des lois.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Jaloux ! (Sourires.)

M. Claude Goasguen.

Non, je suis sincère ! Il nous a expliqué que ce texte était fondamental dans l'évolution du contentieux administratif. J'ai fait remarquer en commission que la jurisprudence du Conseil constitutionnel obligeait le législateur à intervenir dans une matière qui relèverait plutôt du domaine réglementaire. J'ai également noté, en plaisantant, que les conseillers d'Etat étaient tellement nombreux au secrétariat du Conseil constitutionnel que toute mesure concernant le Conseil d'Etat devenait forcément législative. Je disais cela en pensant, bien entendu, au bicentenaire de cette honorable institution. Cela dit, dans votre texte, madame la ministre, beaucoup de procédures réglementaires sont devenues, je ne sais par quel hasard, législatives.

Le texte que nous examinons constitue une énième tentative d'améliorer le fonctionnement des juridictions françaises, ce qui, tout le monde le reconnaît, est une urgente nécessité.

Faut-il rappeler les chiffres ? En 1998, 124 000 affaires ont été enregistrées avec, pour conséquence directe, un délai théorique d'élimination du stock d'affaires proche de deux ans. Cela avoisine presque les flux d'entreprise.

La Cour européenne des droits de l'homme ne s'y trompe pas, qui condamne régulièrement la France en raison de la lenteur de sa juridiction administrative.

Comment pourrait-il en être autrement lorsqu'une procédure, depuis le recours administratif préalable jusqu'à l'arrêt de la cour administrative d'appel, s'étend sur plus de huit ans, sans que la complexité de l'affaire ne le justifie vraiment, ou encore lorsqu'une action en réparation contre l'Etat, engagée par un requérant hémophile ayant contracté le virus du sida à la suite d'une transfusion sanguine, s'étend sur quatre ans ? Selon la Cour européenne des droits de l'homme, la lenteur des juridictions administratives françaises, qui est déjà en soi une atteinte au droit à un procès équitable, peut également aboutir à une inefficacité réelle, notamment lorsque le juge, intervenant trop tard, n'est plus en mesure de faire cesser une situation illégale, ce qui est, hélas, fréquent.

Dire que cette situation est étonnante en France serait, bien sûr, passer sous silence la spécificité française - l'e xception française ! - de la prédominance de l'Etat. La position de l'Etat dans notre pays est dominante et la pratique étatiste, plus que profondément enracinée.

Je tiens à dire tout de suite que les responsabilités, dans ce domaine, sont partagées à la fois par la droite et par la gauche et que nous assumons tous les dysfonctionnements des services de l'Etat en France.

Le texte qui nous est présenté est l'aveu même de nos échecs répétés. L'Etat est incapable, en réalité, de donn er aux services de la justice administrative les moyens d'être efficaces ou, tout simplement, de remplir leur mission.

Si l'on veut véritablement améliorer le fonctionnement de ces juridictions, il serait peut-être temps d'aborder la véritable réforme de cette exception française, c'est-à-dire celle de l'Etat. Comment en effet réformer la juridiction administrative sans s'attacher d'abord à la réforme de l'Etat ? Or, jusqu'à présent, nous avons tous été incapables de parvenir à l'ébauche même d'une réforme de l'Etat, et nous devons nous contenter de mesures et d'aménagements techniques successifs. Et votre texte, pour méritoire qu'il soit, ne constitue qu'une énième tentative technique de digérer un phénomène que l'Etat lui-même rend indigeste.

Sans vouloir préjuger de l'avenir, nous savons que ce type de procédure n'est qu'un remède partiel, « insusceptible » de remédier à l'incapacité de notre justice à traiter des affaires dans un délai raisonnable. C'est un effort louable, mais ce n'est qu'un effort.

Au fond, je me demande s'il n'eût pas été opportun, pour le bicentenaire du Conseil d'Etat, de poser les véritables questions politiques qui se rattachent à la juridiction administrative.

De ce point de vue, nos voisins - et je me félicite tous les jours de la construction européenne - nous aideront peut-être une fois de plus à nous libérer des exceptions pesantes issues de notre histoire et que l'Etat maintient.

Prenons, par exemple, le cas de l'Allemagne qui n'est pas un pays libéral de type anglo-saxon, qui n'a pas une tradition de Common law , mais qui, comme nous, a une tradition de droit romain. Il a réussi, malgré toutes les pesanteurs, à renverser la tendance et à poser comme


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

principe le sursis à exécution. Etudié dans les facultés de droit dès la deuxième année, ce phénomène est considéré comme l'avènement de la liberté du droit administratif.

Quel est le problème majeur du droit administratif français ? C'est que, fondamentalement, il n'y a pas de sursis à exécution. Alors que, chez notre voisin allemand, celui-ci relève du droit commun, chez nous, il demeure l'exception.

Chers amis, il n'est plus temps à cette heure d'en débattre longuement mais, tôt ou tard, la construction européenne imposera à la France des normes fondées non plus sur l'efficacité administrative, mais sur la priorité donnée aux citoyens. Si le texte qui nous est présenté assure une plus grande rapidité de la justice administrative, il n'en reste pas moins fondé sur l'efficacité de l'administration et non pas sur la liberté et la protection du citoyen. En ce sens, il s'inscrit dans la continuité étatiste, même s'il est moderne.

Concernant ce dernier aspect du texte, je me félicite de la naissance de la procédure orale au sein des tribunaux administratifs. Cela fait sourire dans la mesure où l'on sait très bien que celle-ci était de droit commun au

XVIIIe siècle, avant que l'écrit ne l'emporte. On va donc revenir à ces vieilles récitations d'antan ! Peut-être pas d'ailleurs, car je crains fort que les tribunaux administratifs, enfermés dans leurs habitudes, apprécient assez peu les plaidoiries plus ou moins longues des avocats qui viendront dispenser devant eux la bonne parole.

M. Arnaud Montebourg.

Les plaidoiries les plus courtes sont les meilleures, c'est bien connu, comme les discours à la tribune !

M. Claude Goasguen.

Exactement, monsieur Montebourg ! Nous vous verrons d'ailleurs à l'oeuvre, vous qui avez l'habitude d'abuser de votre temps de parole.

M. Arnaud Montebourg.

Pas vous ?

M. Claude Goasguen.

Cela vous arrive de temps en temps, avec talent quelquefois, je dois le reconnaître, surtout à minuit !

M. Christian Paul.

Enfin un moment de vérité !

M. Claude Goasguen.

Vous voyez que l'on vous écoute, monsieur Montebourg ! Plus que vous ne le croyez, d'ailleurs ! Votre texte, madame la ministre, est méritoire - et c'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas contre -, mais il demeure insuffisant. Il ne témoigne pas d'une prise en considération des limites de la juridiction administrative et il aura, à mon avis, sans vouloir être pessimiste, assez peu de résultats en droit positif. Il s'éloigne de la modernité des constructions européennes. C'est la raison pour laquelle notre position sur ce texte sera, sans forfanterie, l'abstention.

M. Jean-Pierre Baeumler.

Positive !

M. Claude Goasguen.

Si vous voulez, je souhaite en effet que les nouvelles procédures de référé soient utilisables. Mais je ne m'engagerai pas plus !

M. Jean-Luc Warsmann.

Très bien !

M. le président.

La parole est à Mme Christine Lazerges.

M me Christine Lazerges.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, on le sait, la justice administrative en France souffre de deux maux : elle n'est pas assez rapide - personne ne le contestera - et elle n'est pas assez efficace. Or, les exigences des justiciables - qu'ils soient particuliers, acteurs économiques ou personnes publiques - et les impératifs de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme - dans le champ d'application de l'article 6 paragraphe 1 - obligent à repenser et à réformer notre système sous peine de sanctions, et surtout de déni de justice. Il n'y a là rien que de très normal dans une démocratie.

Pour remédier à ces deux maux anciens de la justice administrative, il n'existe guère que deux voies.

La première est celle du renforcement des moyens des juridictions. Le Gouvernement s'y emploie de façon significative comme en témoigne le budget de la justice administrative pour l'année 2000 : avec près de 842 millions de francs, il augmente de 31,7 millions, soit de 3,9 %. Et, après la création en 1999 de soixante et un emplois, dont vingt et un de magistrats, quatre-vingt-cinq emplois supplémentaires sont prévus dont quarante de magistrats. Je tenais à rappeler ces chiffres. L'effort doit être poursuivi car c'est une condition nécessaire pour la réussite de la réforme proposée.

La seconde voie est celle du développement des procédures d'urgence. C'est l'objet du présent texte. Les procédures - le sursis à exécution, devenu dans le projet la

« suspension », et le référé - permettent d'obtenir du juge le prononcé de mesures provisoires protectrices des droits dans l'attente d'un jugement au fond dont l'utilité est ainsi sauvegardée. Encore faut-il que le sursis, ou le référé, soit lui-même prononcé rapidement, et avec toute la force requise par la situation, surtout quand des libertés fondamentales sont en cause. Ce n'était pas le cas jusqu'à présent. Ce le sera demain.

En harmonisant les différentes procédures d'urgence, le projet de loi simplifie le droit et rend son accès plus aisé.

Ce sont là deux objectifs généraux auxquels nous sommes très attachés. En allégeant la procédure, dans le respect des droits des parties, et en prévoyant que, sauf exception, les décisions rendues en urgence ne pourront faire l'objet que d'un contrôle en cassation, il permet une intervention réellement rapide. En renforçant les pouvoirs du juge, il accroît son efficacité puisque les juridictions administratives pourront désormais adresser des injonctions à l'administration.

Ne nous y trompons pas, le texte est profondément novateur. Contrairement à ce que j'ai entendu à l'instant, c'est une véritable réforme. Pour la première fois, la procédure administrative pourra être entièrement orale. Pour la première fois, le juge administratif pourra enjoindre l'administration de cesser un agissement,...

M. Claude Goasguen.

Ce n'est pas la première fois !

Mme Christine Lazerges.

... ce qui mettra fin à de trop nombreux conflits de compétence avec le juge judiciaire en matière de libertés.

J'ajouterai qu'instituer un appel par juge unique devant les cours administratives d'appel, notamment en matière de référé-liberté, constituerait une innovation prometteuse dans le cadre d'une future réforme de l'appel, laquelle se révélera sans doute inévitable eu égard à l'engorgement des cours.

Suivant les juridictions civile et pénale, tout en gardant sa spécificité, la juridiction administrative va se trouver assurément modernisée et améliorée. Reste aux magistrats à faire leurs les nouvelles procédures dans une attention renouvelée aux attentes et à la protection des libertés des justiciables.


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Pour finir, je tiens à souligner la cohérence du projet et particulièrement de la garde des sceaux dans sa volotné d'une réforme globale de la justice qui n'oublie pas la justice administrative. Cela est rare. La réforme de la justice à laquelle je suis très attachée, comme l'ensemble de la gauche...

M. Claude Goasguen.

La droite aussi !

M. Arnaud Montebourg.

On vous a oubliés !

Mme Christine Lazerges.

... et l'ensemble des parlementaires dans cet hémicycle,...

M. Claude Goasguen.

Merci !

Mme Christine Lazerges.

... ne peut être qu'une parce que la justice est une par-delà les différents ordres de juridiction. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Le projet de loi dont nous discutons, et qui fait suite au travail effectué par le groupe présidé par M. Daniel Labetoulle, a pour but de donner à la juridiction administrative une efficacité comparable, dans les situations d'urgence, à celle du juge civil des référés, même si les situations sont différentes.

Cela rend nécessaire l'assouplissement de deux principes fondamentaux du droit public : le caractère exécutoire des décisions administratives et l'interdiction de principe faite au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration.

Y a-t-il matière à légiférer ? Oui, si l'on en croit les statistiques de 1998 : au cours de cette année, seulement 5 700 demandes de sursis ont été adressées au juge administratif et, sur ces 5 700 demandes, seuls 456 sursis ou suspensions ont effectivement prospéré. Donc, soyons clairs. Le projet de loi qui nous est présenté va dans un sens positif.

Quelles sont les solutions techniques retenues ? D'abord, la création d'un référé en vue d'obtenir la suspension de l'exécution d'une décision administrative, lorsque le juge des référés est saisi en urgence et que le requérant apporte la preuve d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision qu'il incrimine.

La deuxième solution technique est la création d'un référé-injonction donnant le pouvoir au juge des référés d'ordonner toute mesure de sauvegarde lorsqu'un acte, ou même une carence de l'administration, risque de porter atteinte à une liberté fondamentale.

Enfin, la troisième solution est la modification du régime du référé conservatoire permettant au juge administratif d'ordonner des mesures conservatoires pour prévenir l'aggravation d'une situation dommageable ou la prolongation simple d'une situation illicite. Bref, il s'agit d'ordonner des mesures destinées à préserver l'avenir.

Je le dis comme je le pense : ces orientations générales, sous réserve de la discussion des amendements, vont dans un sens positif. Mais sont-elles indispensables pour un fonctionnement correct de la juridiction administrative ? Je ne le pense pas. Pour quelle raison ? Parce qu'elles n'apportent aucun moyen supplémentaire aux juridictions administratives et, pis, parce qu'elles nécessiteront des moyens importants.

Mes collègues ont souligné la longueur excessive des jugements rendus par les juridictions administratives.

C'est au point que cela relève du déni de justice. D'ailleurs, la France - et ce n'est pas à son honneur - a été plusieurs fois condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme.

M. Arnaud Montebourg.

Trop souvent !

M. Jean-Luc Warsmann.

Le bilan est franchement mauvais. Le délai moyen de jugement devant un tribunal administratif est d'un an et onze mois et, devant une cour administrative d'appel, de deux ans et onze mois.

Mme Christine Lazerges.

C'est même plus !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je me permets de rappeler à mes collègues que ces délais s'additionnent, c'est-à-dire que, lorsque des parties viennent à faire appel, le délai est de l'ordre de cinq ans pour obtenir un jugement d'appel,...

M. Claude Goasguen.

Au moins !

M. Jean-Luc Warsmann.

... sans compter la possibilité de se pourvoir en cassation. Et la situation tend à nouveau à se dégrader puisque, selon les derniers chiffres publiés par le Gouvernement dans le bleu budgétaire, sur les 123 800 affaires nouvelles qui ont été présentées en 1998 devant les tribunaux administratifs, seules 104 000 ont été jugées. Autant dire qu'il s'agit là d'un véritable déni de justice qui non seulement atteint les droits des citoyens requérants, mais également entraîne une insécurité juridique pour nombre d'acteurs publics et, en particulier, les collectivités territoriales.

J'ai déjà dénoncé cette situation par le biais de questions écrites adressées au Gouvernement. Je le fais à nouveau aujourd'hui. Nous assistons à une prolifération des contentieux en matière d'autorisation d'urbanisme. En 1978, il y avait 2 700 mises en cause de documents d'urbanisme. Il y en a maintenant 11 000 par an et, parfois, celles-ci procèdent uniquement de la volonté de nuire à la mise en place de projets par des acteurs publics et sont contraires à l'intérêt général.

Avons-nous les moyens de compenser les coûts de ce projet ? Je veux à ce propos dénoncer de manière très ferme l'étude d'impact qui nous est présentée sur ce texte. C'est une honte pour le Gouvernement et c'est un déni pour le Parlement. Elle se résume à peine à trois pages et demie et la partie concernant le coût social, financier et budgétaire ne fait même pas une demi-page et porte essentiellement sur la suppression du droit de timbre. Sur trois lignes seulement, est évoqué le fait que ce projet de loi nécessitera des moyens supplémentaires, pour déplorer que rien ne soit prévu à cet effet. Mais aucune estimation n'est faite des moyens nécessaires.

A quoi sert une étude d'impact si elle ne comporte aucun chiffre ? Chacun sait bien, sur tous les bancs du Parlement, que lorsqu'une étude d'impact est réalisée sur un projet, celle-ci monte des services de la chancellerie au cabinet du ministre avec une certaine estimation du coût du projet - par exemple, 300 magistrats - et redescend, le cabinet ayant demandé la réduction du coût envisagé, avec une estimation moindre : 80 ou 100 magistrats ! Ici, on ne prend même pas la peine de réduire des chiffres. Ou n'en publie aucun. Je dénonce cette absence.

Cela revient à nier l'intérêt des études d'impact.

Je le dénonce d'autant plus que cela fait partie d'un plan d'ensemble. En effet, lorsque nous avons discuté de la loi de finances pour 2000, il y a de cela quelques semaines, le Gouvernement a été contraint de reconnaître que, sur l'ensemble des moyens supplémentaires qu'il affectait à la magistrature, les trois quarts seraient consommés par les réformes qu'il mettait en place - celles des tribunaux de commerce et du juge de la détention -,


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un quart seulement devant être consacré à la résorption des retards et à la lutte contre la délinquance des mineurs.

M. Arnaud Montebourg.

C'est toujours mieux que le quart de rien de Toubon !

M. Jean-Luc Warsmann.

Encore ai-je pris les propres chiffres du Gouvernement ; aujourd'hui, il n'ose même plus nous en présenter ! Comprenez qu'on en vienne rétrospectivement à douter de ses estimations d'hier...

En conclusion, je reconnais en toute honnêteté que ce texte va dans le bon sens sur un certain nombre de dispositions techniques. Mais il n'apporte aucun moyen supplémentaire et fait même craindre un dégradation des conditions de travail des juges administratifs et, par voie d e conséquence, des conditions de jugement pour l'ensemble des justiciables. C'est la raison pour laquelle nous ne pourrons exprimer un vote positif, à moins que le Gouvernement ne présente une étude d'impact digne de ce nom et prévoie des moyens suffisants, à même de f ermer ces sombres perspectives pour la justice administrative.

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui vise à assurer un meilleur traitement des dossiers qui nécessitent une réponse urgente de la juridiction administrative, en conférant au juge administratif des prérogatives comparables à celles du juge des référés civils.

Qui ne pourrait souscrire à un tel objectif quand on sait, et chacun s'en est fait l'écho lors de l'examen du budget de la justice, à quel point nos juridictions administratives demeurent le parent pauvre de notre justice ? Ne prenez pas ombrage de ces propos, madame la garde des sceaux ; mon appréciation ne remet pas en cause l'analyse que nous faisons de vos efforts sans précédent pour rendre à la justice sa place, toute sa place, dans notre société.

Force est pourtant de constater que le retard pris depuis de trop nombreuses années nous oblige à considérer la question des moyens comme essentielle pour mener à bien les réformes engagées.

Les réformes qui nous sont proposées dans votre projet de loi doivent s'inscrire dans cette logique. Si les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre n'étaient pas débloqués, les améliorations procédurales envisagées pourraient rapidement se retourner contre l'objectif même qu'elles s'étaient fixé. En effet, une forte - et légitime - augmentation des recours, dans le but d'échapper à l'engorgement, pourrait induire une multiplication des ordonnances d'irrecevabilité. Ce n'est certes pas ce que vous souhaitez, mais reconnaissez que notre préoccupation est réelle compte tenu de l'état des lieux que nous sommes amenés à faire.

Lorsque la Cour européenne des droits de l'homme condamne la France en raison de l'incontestable lenteur de sa juridiction administrative, force nous est de nous pencher sur les conséquences souvent catastrophiques qui peuvent en découler pour les administrés et de trouver des solutions palliatives. Autant dire que beaucoup d'efforts restent à faire.

En effet, les tribunaux administratifs doivent faire face à un afflux important de contentieux : 124 000 affaires ont été enregistrées en 1998, soit une augmentation de 21,9 % par rapport à 1997. Et si le nombre annuel d'affaires jugées a augmenté de 60 % en huit ans, il n'en demeure pas moins que le quotient des affaires réglées par rapport aux affaires enregistrées s'est dégradé, passant de 95,9 % en 1996 à 84,5 % en 1998 ! Cet engorgement, on le sait, n'est pas nouveau. Il a même amené à la création, en 1987, des cours administratives d'appel. Cependant, par l'effet de transferts de compétence successifs, le stock d'affaires en attente s'est considérablement alourdi. On estime à plus de trois ans le délai théorique de résorption.

En dépit des réformes entreprises pour accélérer l'instruction et le jugement des affaires, des efforts déployés par les magistrats recrutés en plus grand nombre et de l'ouverture de nouvelles juridictions administratives, la situation de blocage est réelle, particulièrement pour ce qui concerne les procédures d'urgence.

S'il existe dans notre droit actuel de nombreuses procédures d'urgence devant les juridictions administratives, celle dite du sursis à exécution, qui constitue, comme l'a rappelé notre rapporteur, le principal instrument de traitement de l'urgence par le juge administratif, est loin de donner satisfaction.

La présente réforme, en tenant compte des spécificités du droit administratif - les décisions sont prises au nom de l'intérêt général - vise à améliorer considérabl ement les réponses aux attentes des justiciables. Instituer un juge des référés statuant en urgence devrait faire bénéficier nos concitoyens d'un minimum de garanties face à l'administration. Force est d'admettre que ceux-ci se trouvent trop souvent démunis face aux illégalités.

Ce projet s'inscrit dans votre logique, madame la ministre, qui tend à améliorer la justice au quotidien, à laquelle participe le juge administratif. Il importait en effet de donner au juge administratif les moyens d'apparaître aussi accessible et opérationnel que son collègue du judiciaire dans les situations urgentes, même si vous n'avez pas entendu proposer des dispositions identiques à celles retenues pour le référé civil. Le projet de loi organise trois procédures de référé en urgence, que le groupe communiste juge positives : le référé-suspension, le référéinjonction et le référé-conservatoire.

Nous examinerons le détail des articles lors du débat qui va suivre mais, d'ores et déjà, les mesures préconisées nous semblent atteindre une forme d'équilibre, qu'il s'agisse de l'exonération du droit de timbres pour les requérants pour les procédures d'urgence - même si, pour notre part, nous aurions souhaité la voir élargie à toutes les procédures administratives -, du mécanisme de tri des requêtes qui se trouve tempéré par le caractère provisoire des mesures ordonnées par le juge des référés, de la possibilité offerte au juge des référés d'enjoindre l'administration de différer la signature d'un contrat de nature à porter préjudice à un tiers, de la réactualisation enfin des procédures particulières existantes en différents domaines.

Aussi les députés communistes voteront-ils l'ensemble de ce projet de loi, estimant que l'objectif qu'il se fixe répond aux attentes de nos concitoyens, même si des efforts importants restent à faire, qui tiennent notamment aux moyens nécessaires à sa concrétisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, le traitement de l'urgence est devenu une exigence incontournable dans le mode de fonctionne-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

ment de toutes nos institutions. Chacune d'elles a dû s'organiser pour y répondre, y compris la nôtre : le Gouvernement ne recourt-il pas assez fréquemment à la procédure d'urgence ? Notre rapporteur a rappelé l'utilité et l'importance d'une procédure d'urgence devant les juridictions judiciaires ; à preuve le succès du référé civil, avec un juge disposant de prérogatives étendues et de procédures organisées pour assurer une meilleure prise en compte de l'urgence.

Le présent texte tend à étendre cette prise en compte au juge administratif. Il était plus que temps. La création d'un juge administratif de l'urgence, l'introduction de procédures de référé participent d'une démarche qui mérite notre soutien.

Gardons toutefois à l'esprit que ce texte déroge à deux principes fondamentaux de notre droit administratif : le principe du caractère exécutoire de plein droit des décisions administratives et l'interdiction faite au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration.

N ous souhaitons donc approfondir deux conditions d'efficacité de cette loi : la préservation de l'intérêt du justiciable et celle de l'équilibre entre les droits de celui-ci et l'efficacité de l'action administrative.

En ce qui concerne la préservation de l'intérêt des justiciables, les mesures proposées pour faciliter l'accès - dispense des droits de timbre, simplicité de la saisine du tribunal et oralité des débats - vont dans le bon sens. Il convient également d'instituer des délais de procédure qui prennent véritablement en compte les impératifs de l'urgence, ce qui pose la question des moyens, mais également celle des fonctions. N'oublions pas que les greffes des tribunaux administratifs ont des fonctions beaucoup plus étendues que ceux des juridictions civiles : ainsi, c'est le personnel des greffes qui enregistre les requêtes et cite les parties. Le développement de ce type de procédures risque vraisemblablement de poser certains problèmes à ce niveau.

Il faut aussi organiser les décisions les plus lourdes de conséquences - je pense notamment aux injonctions.

Même s'il s'agit de décisions provisoires, il faut pouvoir y organiser un double degré de juridiction.

Le texte doit également veiller aux garanties du contradictoire, non seulement lors de la requête initiale mais également lors de la modification ou de la suspension de cette dernière. Nous proposerons des dispositions en ce sens dans la suite de la discussion. Le pouvoir de tri préalable du juge des référés doit aussi de ce point de vue faire l'objet d'un examen attentif, comme ce fut du reste le cas en commission.

Pour ce qui concerne la préservation de l'équilibre entre le droit des justiciables et l'efficacité de l'action administrative, il convient de considérer que les décisions publiques prennent de plus en plus d'importance et que tout projet, aussi modeste soit-il, suscite inévitablement opposition, création d'associations prêtes à faire feu de tous bois pour s'y opposer en utilisant la stratégie de l'obstruction jusqu'à épuisement des recours. Gardons à l'esprit qu'il ne s'agit pas toujours d'un justiciable opprimé face à un Etat omnipotent, mais parfois et même souvent d'un groupe de citoyens opposés à un projet modeste mais indispensable présenté par une collectivité locale, commune, structure intercommunale ou autre.

Il est impératif que les procédures régissant l'élaboration, la modification et la réformation des mesures provisoires s'inscrivent dans des délais aussi brefs que possible.

La présentation de l'équilibre entre droit des justiciables et efficacité de l'action administrative pose inévitablement la question de l'abus de procédure. Les recours systématiques formés dans le seul but de paralyser l'action administrative en encombrant les juridictions administratives ne sont pas admissibles. Le tri préalable prévu à l'article 9 du projet de loi constitue un premier élément de réponse et l'amende pour recours abusif un second. Il ne s'agit nullement de restreindre le droit d'ester en justice, mais de rappeler que, dans notre système juridique, tout droit suppose en contrepartie responsabilité.

En conclusion, ce projet de loi nous apparaît comme une étape utile et nécessaire, mais il n'épuise pas le sujet du traitement de l'urgence devant le juge administratif.

Le rapporteur a appelé de ses voeux la nécessité d'une codification des procédures d'urgences et l'émergence d'un véritable juge des référés administratif ; en jouant un rôle de prévention du contentieux et par le traitement en amont des difficultés, notamment en matière contractuelle, le juge des référés administratif devrait, comme au civil, constituer un outil précieux de désengorgement de notre juridiction administrative. La crédibilité de celle-ci dépendra de la bonne application des mesures contenues dans ce texte, mais également, comme cela a été relevé sur les bancs de l'opposition, des moyens que le Gouvernement lui consacrera.

Pour toutes ces raisons - et sous réserve de l'adoption des amendements approuvés par la commission, le groupe UDF est prêt à s'associer à ce texte et à le voter. (Applaudissements sur les bancs du goupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe socialiste.)

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Monsieur le président, j'y renonce. Puisque l'UDF s'associe, inutile d'en rajouter !

M. le président.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 94 du règlement, l'ensemble des articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'article 1er :

TITRE Ier DU JUGE DES RÉFÉRÉS

« Art. 1er . - Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal. »

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement no 1, ainsi rédigé :

« Compléter la dernière phrase de l'article 1er par l es mots : "et se prononce dans les meilleurs délais". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

C'est sans doute une évidence que de souligner la nécessité pour le juge des référés de se prononcer dans les meilleurs délais : la c ommission a néanmoins souhaité y insister explicitement.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

On rappellera, pour information, que le délai moyen dans lequel il est statué sur les demandes des référés en matière administrative est actuellement de cent cinquante-six jours, autrement dit cinq mois, contre un mois à un mois et demi en matière judiciaire.

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

1.

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à cet amendement qui précise davantage encore le texte.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

Monsieur le président, on ne pouvait mieux donner raison à l'opposition qu'en déposant cet amendement. Dans un débat sur le traitement de l'urgence ; quelle nécessité ressent la majorité ? La nécessité de préciser que le juge doit se prononcer dans les meilleurs délais ! Le rapporteur lui-même nous rappelle que la durée moyenne pour les mesures d'urgence est de plus de cinq mois. Non seulement ces délais sont énormes, mais les moyens nécessaires n'ont même pas été calculés et encore moins mis en place. Autant dire que ce projet risque encore d'aggraver la situation.

Cette discussion montre à quel point l'opposition a raison : l'essentiel, c'est de donner à la juridiction administrative les moyens de résorber son retard et de mieux fonctionner. Avec un tel amendement, on frise le ridicule !

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Je n'irai pas jusqu'à dire que nous frisons le ridicule avec cet amendement, mais reconnaissons clairement que cette rédaction n'a aucune portée législative. En fait, nous sommes en train de nous substituer au Conseil d'Etat dans l'organisation de sa procédure.

Que veut dire ce « codicille » ? Quelle serait la sanction à prendre s'il n'était pas statué « dans les meilleurs délais », monsieur Colcombet ? Tout cela ne relève que du voeu pieux, vous le savez fort bien. Je ne pense pas que votre précision soit utile.

Certes, on trouve ce genre de dispositions dans les règlements d'administration publique. Mais n'allons pas alourdir la loi par de telles redondances au risque de la dénaturer. Même si je trouve plutôt sympathique d'écrire dans un texte sur les référés que, pour améliorer la rapidité, il faut agir rapidement, je n'en vois guère l'utilité...

On pourrait aller très loin dans ce sens ! C'est la raison pour laquelle l'opposition votera contre cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

En exigeant que la délibération intervienne dans les meilleurs délais, le législateur ne fait que rappeler sa volonté expresse aux juridictions administratives. C'est une bataille culturelle...

M. Claude Goasguen.

Très culturelle ! (Sourires.)

M. Arnaud Montebourg.

Michel Debré, qui s'y c onnaissait en administration publique, disait : « Le Conseil d'Etat, c'est un peu l'administration elle-même qui se juge ». Elle est donc de fait juge et partie, le juge a envie d'être du côté de la partie dont il n'est que la côte arrachée à son propre corps... Raison de plus pour le législateur de se montrer quelque peu insistant afin que ce juge, lui-même membre de l'administration qu'il juge, statue au plus vite.

J'ajoute, à l'usage des magistrats qui liront nos débats et nos travaux préparatoires, qu'il serait utile que le Gouvernement fixe un délai indicatif dans les décrets d'application, à l'image de celui prévu pour la procédure judiciaire fonctionnant en formation de référé. Il n'est pas normal qu'il y ait une différence selon que l'on s'adresse au juge administratif ou au juge judiciaire. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Goasguen.

Est-ce une question à l'adresse de Mme la ministre ?

M. le président.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme la garde des sceaux.

Pour ne pas prolonger le débat, j'avais décidé de ne pas répondre aux orateurs s'exp rimant dans la discussion générale mais, comme M. Warsmann vient, une fois de plus, de poser la question des moyens, non sans impudence d'ailleurs, puisque jamais ce ministère n'avait bénéficié d'une augmentation de ses moyens comme ces trois dernières années au cours desquelles nous avons fait ce que l'on n'avait pas fait au cours des dix précédentes ! - je vais lui donner des précisions sur les moyens nouveaux que nous avons accordés aux juridictions administratives.

Nous ne nous sommes pas contentés d'augmenter considérablement les moyens des juridictions judiciaires, nous avons fait le même effort pour les juridictions administratives. L'an dernier, en 1999, nous avons créé vingt et un postes de magistrat administratif et quinze temporaires soit, en tout, trente-six postes de magistrat - et quarante postes de fonctionnaire. Pour l'année 1998, le même effort avait été consenti.

Cette année, pour le budget 2000, quatre raisons m'ont amenée à souhaiter un renfort supplémentaire : la multiplication des contentieux, la mise en place du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, la procédure d'urgence et l'amélioration de l'encadrement des tribunaux administratifs. Nous avons encore augmenté l'effort que nous avions fait en 1998 et 1999 puisque nous prévoyons quarante emplois de magistrat supplémentaires et quarante-cinq emplois dans les greffes.

La réforme des procédures d'urgence, de toute façon, produira son plein effet en 2001 et j'aurai, naturellement, des moyens pour la mettre en oeuvre, moyens que, vous le voyez, j'ai déjà commencé à obtenir.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, à qui je demande d'être bref.

M. Jean-Luc Warsmann.

Je ne polémiquerai pas sur les moyens, me contentant de citer les chiffres. Durant l'année 1998, il y a eu 123 800 affaires nouvelles, mais seulement 104 000 affaires jugées. C'est-à-dire que, dans l'état actuel des choses, le nombre de magistrats ne suffit même pas à stabiliser le retard.

Deuxièmement, madame la garde des sceaux, vous venez d'affirmer que vous disposeriez des moyens nécessaires en 2001. Je vous demande de rendre publique la partie de l'étude d'impact relative aux coûts qui ne nous a pas été présentée, comme il eût été normal.

M. Claude Goasguen.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Notre travail n'est pas qu'incantatoire. L'amendement signifie très clairement que le décret d'application devra prévoir des dispositifs permettant que des audiences aient lieu à date régulière, qu'il y ait des greffiers, notamment. C'est une question d'organisation.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

Je suis de ceux qui pensent que développer le référé fera dégonfler une partie des contentieux. Par conséquent, l'effort que nous y consentirons sera, d'une certaine façon, utile pour transformer le fonctionnement de ces juridictions.

Mme la ministre nous ayant donné des assurances sur les moyens, je pense que nous pourrions tous être d'accord pour introduire dans le texte une indication de rapidité. Voilà tout.

M. Claude Goasguen.

Mais Mme la ministre n'a pas répondu sur les délais !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

1. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par l'amendement no

1. (L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. Sont juges des référés les présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi que les magistrats qu'ils désignent à cet effet.

« Pour les litiges relevant de la compétence du Conseil d'Etat, sont juges des référés le président de la section du contentieux ainsi que les conseillers d'Etat qu'il désigne. »

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 2, ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa de l'article 2 par les mots : "et qui, sauf absence ou empêchement, ont une ancienneté minimale de deux ans et ont atteint au moins le grade de premier conseiller". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Il s'agit de savoir qui sera juge des référés. Ce sera le président ou les magistrats qu'il désigne et qui -, c'est ce que propose l'amendement « sauf absence ou empêchement, ont une ancienneté minimale de deux ans et ont atteint au moins le grade de premier conseiller ».

Seule une bonne connaissance du droit applicable permettra aux magistrats chargés de statuer en référé de repérer rapidement si les conditions d'une mesure de référé sont réunies. Cette exigence est d'autant plus justifiée que le projet de loi prévoit un renforcement notable des prérogatives du juge des référés.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable. La fonction de juge des référés doit, en effet, être confiée à des magis trats expérimentés tout en préservant, en cas d'empêchement ou d'absence, la souplesse indispensable au bon fonctionnement des juridictions.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 2 par les mots : "à cet effet". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

Je donne lecture de l'article 3 :

TITRE II DU JUGE DES RÉFÉRÉS STATUANT EN URGENCE

« Art. 3. - Quand une décision administrative fait l'objet d'une requête en annulation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

« Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation de la décision dans le délai d'un an. A défaut, la suspension prend fin au plus tard à l'issue de ce délai. »

M. Colcombet, rapporteur, et Mme Lazerges ont présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 3, après le mot : "administrative", insérer les mots : ", même de rejet," ».

La parole est à Mme Christine Lazerges.

Mme Christine Lazerges.

Cet amendement est important, la précision qu'il apporte ayant pour objet de permettre au juge administratif de prononcer la suspension des décisions administratives non seulement positives, comme dans le cas où une autorisation est accordée, mais également négatives. Si rien dans le texte du projet ne l'empêche, en théorie, la jurisprudence du Conseil d'Etat, depuis une décision de 1970, s'y oppose.

Or, il existe de nombreuses hypothèses où la suspension devrait pouvoir concerner des décisions de refus, car a ucune « liberté fondamentale » permettant d'avoir recours au « référé-liberté » de l'article 4 n'est en cause, alors même que la situation des intéressés est gravement affectée.

Ainsi, dans le cas du refus d'autoriser une personne à se présenter à un concours, existe le risque, si une procédure rapide n'est pas utilisée, de dépassement de la limite d'âge après l'éventuel jugement lui donnant raison. Je pense qu'il n'y a aucun inconvénient à prévoir cetteo ccurrence. Je vous demande donc d'adopter cet amendement.

M. François Colcombet, rapporteur.

La commission a adopté cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Il est exact que la jurisprudence Amoros n'est plus tout à fait adaptée à l'état du droit tel qu'il résulte de la loi du 8 février 1995 mais il me semble que si des injonctions devaient être ordonnées,


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elles ne pourraient l'être que dans des circonstances de droit et de fait bien particulières. Il paraît donc préférable de laisser à la jurisprudence le soin d'apporter les adaptations nécessaires. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Ce n'est pas faire preuve d'irrespect pour la jurisprudence administrative dans laquelle j'ai baigné pendant mes jeunes années de droit, mais je crois qu'il est nécessaire d'ouvrir les portes et les fenêtres de la juridiction administrative et, par voie de conséquence, de la jurisprudence. Le groupe socialiste soutient l'amendement de Mme Lazerges.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. Jean-Luc Warsmann.

C'est la dixième fois ce soir que Mme la ministre est mise en minorité !

M. le président.

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 5, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 3, après les mots : "requête en annulation", insérer les mots : "ou en réformation". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

A côté du contentieux de l'excès de pouvoir, il existe quelques contentieux spécialisés, par exemple, celui des installations classées pour la protection de l'environnement, pour lesquels les textes ont explicitement octroyé au juge administratif un pouvoir de réformation des décisions qui lui sont soumises. Il s'agit, entre autres, des affaires de porcherie dont je parlais tout à l'heure.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Je suis favorable à cet amendement.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 6, ainsi libellé.

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 3 :

« La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Le Sénat avait imparti au juge administratif un délai d'un an, mais, sous couvert d'inciter à un jugement rapide de la requête présentée au fond, ce qui n'est pas en soi contestable, il a prévu un dispositif susceptible de favoriser les actions dilatoires des requérants et d'entraîner une insécurité juridique dans la mesure où l'acte attaqué pourrait être successivement exécutoire puis suspendu.

Il est donc proposé de rétablir la rédaction initiale du projet de loi sous réserve d'une modification permettant de prendre en compte les requêtes en réformation dont le juge administratif peut également avoir à connaître.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Cet amendement qui revient au texte initial du Gouvernement ne peut évidemment que recueillir mon approbation.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Cet amendement est assez contradictoire avec l'amendement de M. Colcombet sur

« les meilleurs délais », quelle que soit l'explication qu'il vient de nous donner !

M. Jean-Luc Warsmann.

Bonne remarque !

M. François Colcombet, rapporteur.

Pas de commentaire !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Lorsqu'une atteinte grave et manifestement illégale est portée à une liberté fondamentale du fait d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de cette liberté, sans préjudice de la compétence reconnue aux juridictions de l'ordre judiciaire en matière de voie de fait. »

M. François Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 7, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Le Sénat a légèrement modifié ce qu'avait proposé le Gouvernement.

L'Assemblée préfère une autre rédaction visant à bien montrer que la voie de fait reste de l'ordre du judiciaire et que s'ouvre un nouveau champ d'action pour le référé administratif. Je pense que la rédaction de l'amendement est suffisamment précise pour répondre à ces souhaits.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

La nouvelle rédaction proposée par la commission se rapproche davantage de l'esprit du texte du Gouvernement. J'y suis donc favorable.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Cette clarification représente une amélioration importante des recevabilités de recours en référé devant la juridiction administrative. Elle ne doit pas porter préjudice - je dis cela pour les lecteurs de nos travaux et les utilisateurs de ce texte - à la notion de voie de fait. Dès lors qu'un abus de pouvoir - c'est-à-dire, selon la jurisprudence, l'exercice par l'administration d'un acte qui ne peut pas se rattacher à ses pouvoirs normaux et qui porte un préjudice lié à l'exercice des libertés p ubliques - est constaté, il est normal que nous


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défendions la possibilité de choisir entre la voie judiciaire et la voie administrative. C'est un acquis fondamental de la jurisprudence administrative et judiciaire. L'amendement améliore donc l'accès au référé pour les justiciables.

Cela dit, il se juxtapose à la jurisprudence actuelle sur la voie de fait, et ne la supprime donc pas.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Partageant les remarques de M. Montebourg, je trouve que la rédaction du Sénat a le m érite d'apporter une clarification sans équivoque puisque l'article 4 se termine par ces mots : « sans préjudice de la compétence reconnue aux juridictions de l'ordre judiciaire en matière de voie de fait. »

Dans ce domaine assez complexe, il vaut mieux être explicite car le texte prête à confusion ; cela a déjà été le cas puisque le tribunal des conflits a dû intervenir. Mieux vaut être le plus explicite possible. Je préfère la formulation du Sénat, tout en reconnaissant que les précisions données par M. Montebourg vont dans le même sens.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Je pense que nous sommes tous d'accord sur le fond mais que nous divergeons sur la rédaction.

La formulation « sans préjudice » peut laisser penser qu'il y a des chevauchements de compétences.

M. Claude Goasguen.

Il y en a !

M. François Colcombet, rapporteur.

Nous avons essayé de rédiger quelque chose de précis. Cela dit, dans la pratique, je suis persuadé que ce sera compliqué et que, pendant un certain temps, la jurisprudence va devoir définir la frontière. Espérons que cela se fera vite.

Nous le savons, devant le tribunal des référés de Paris, il y a un nombre anormal de demandes d'actions fondées sur la voie de fait et ces demandes sont rejetées. En réalité, il y en a très peu d'acceptées. Ce qui signifie qu'il y a une espèce de contentieux dormant qui ne demande qu'à trouver son champ d'expansion devant le tribunal administratif.

Nous souhaitons que la juridiction administrative définisse, assez rapidement, les limites et donne quelques critères. Je suis prêt à prendre le pari que, d'ici un an à peu près, nous aurons de quoi faire une thèse sur le sujet...

M. Claude Goasguen.

Cela me rassure ! (Sourires.)

M. François Colcombet, rapporteur.

... et, s'il y a lieu, nous pourrons, à ce moment-là, apporter une retouche.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 4 par l'alinéa suivant :

« Cette demande peut être présentée par le représentant de l'Etat si l'atteinte mentionnée à l'alinéa précédent est le fait d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public local. »

Sur cet amendement, M. Colcombet, rapporteur, a présenté un sous-amendement, no 20, ainsi libellé :

« Après les mots : "collectivité territoriale", rédiger ainsi la fin de l'amendement no 19 : "d'un établissement public local ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public local". »

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l'amendement no

19.

Mme la garde des sceaux.

Le Sénat a supprimé le deuxième alinéa de l'article 4 qui figurait dans le texte initial du Gouvernement, un alinéa qui prévoyait d'ouvrir le référé-liberté au représentant de l'Etat à l'égard des collectivités locales et des établissements publics. Le Gouvernement considère que cet alinéa doit être rétabli.

En premier lieu, l'article 72 de la Constitution confère au représentant du Gouvernement la charge du respect des lois. Il serait paradoxal que le préfet qui remplit une mission d'intérêt général ne dispose pas d'un instrument ouvert aux simples particuliers.

En second lieu, cete procédure de référé-liberté ne fait pas double emploi avec le référé-suspension dont bénéficie par ailleurs le préfet. Les deux dispositifs, je le rappelle, sont en effet distincts : quant à la liberté à laquelle il est porté atteinte, liberté fondamentale d'un côté, liberté publique de l'autre ; quant au pouvoir du juge, dans un cas, le juge peut ordonner toute mesure de sauvegarde, dans l'autre, il peut seulement ordonner la suspension d'un acte ; quant aux agissements des collectivités concernées, dans un cas, tout agissement ou comportement de l'administration, dans l'autre, seulement un acte juridique.

Enfin, en troisième lieu, le Premier ministre s'est engagé à renforcer le contrôle de légalité mis en oeuvre par le Gouvernement. Et par conséquent, il appartient au préfet d'exercer toutes ces missions au service de l'intérêt général.

C'est pourquoi je vous demande de rétablir le deuxième alinéa de l'article 4.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur pour donner l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement, et présenter le sous-amendement no

20.

M. François Colcombet, rapporteur.

La commission a accepté l'amendement, mais elle a souhaité le sousamender, afin de permettre, par parallélisme avec les dispositions du premier alinéa, au représentant de l'Etat de p résenter une demande de référé-injonction lorsque l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale est le fait d'un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public local. Cette notion figure à l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis favorable, car il répare un oubli.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Je le dis comme une boutade : on comprend bien que, dans un geste de mauvaise humeur, les sénateurs aient supprimé l'alinéa en question et on comprend aussi d'ailleurs que vous vouliez le rétablir. Mais n'allez tout de même pas trop loin ! Sinon, ce texte, loin d'être l'expression d'une liberté, offrirait au Gouvernement et au représentant de l'Etat des moyens supplémentaires de contrôle sur les collectivités territoriales ou les organismes qui gèrent le service public. Ce serait dénaturer le projet et le faire aller à l'inverse de son objectif. C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

20. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 19, modifié par le sous-amendement no

20. (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'article 4 dans le texte de l'amendement no 7, complété par l'amendement no

19. (L'article 4, ainsi rédigé, est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. - En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. »

Je mets aux voix l'article 5.

M. Jean-Luc Warsmann.

Pour ! (L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au v u d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin. »

Je mets aux voix l'article 6.

M. Jean-Luc Warsmann.

Pour ! (L'article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale

« Lorsqu'il lui est demandé de prononcer, de modifier ou de mettre fin aux mesures visées aux articles 3 et 4, il convoque les parties à une audience publique qui, sauf renvoi à une formation collégiale, se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement.

« Les décisions rendues en application des articles 3, 5, 6 et 9 sont rendues en dernier ressort.

« Les décisions rendues en application de l'article 4 sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de leur notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures.

« En cas d'appel, les dispositions de l'article 6 ne sont pas applicables. »

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 8, ainsi rédigé :

« Dans le deuxième alinéa de l'article 7, substituer aux mots : "de prononcer, de modifier ou de mettre fin aux mesures visées aux articles 3 et 4" les mots : "de prononcer les mesures visées aux articles 3 et 4, de les modifier ou d'y mettre fin". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Colcombet, rapporteur, M. Blessig et M. Albertini ont présenté un amendement, no 9 rectifié, ainsi libellé :

« Après les mots : "susceptibles d'appel devant", rédiger ainsi la fin de l'avant-dernier alinéa de l'article 7 : "les cours administratives d'appels dans les quinze jours de la notification. En ce cas, le président de la cour administrative d'appel, ou un conseiller délégué à cet effet, statue dans les quarante-huit heures au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Je signale que, sur ce point, la décision de la commission est différente de celle du rapporteur. Je m'étais rangé à l'avis du Gouvernement qui ne prévoyait pas d'appel pour les nouveaux référés. J'en ai expliqué les raisons dans mon exposé gén éral. Il s'agit, en effet, d'une procédure provisoire susceptible d'être modifée à tout moment, dès qu'apparaît un élément nouveau et, dans tous les cas, la cassation est possible.

N éanmoins, s'agissant du référé-liberté ou référéinjonction, comme on veut, le Sénat avait souhaité un appel qu'il avait prévu devant le Conseil d'Etat.

Je proposais pour ma part de revenir au texte du Gouvernement, mais la commission ne m'a pas suivi. Certes, on pourrait penser que, dans tous les cas, il faut prévoir un appel et que, en l'occurrence l'appel est particulièrement opportun. La commission a donc voté un amendement instituant une possibilité d'appel cette fois devant la cour administrative d'appel, ce qui n'a pas été sans susciter la crainte de surcharger ces juridictions qui ont déjà énormément de travail.

Un amendement que nous examinerons ultérieurement essaie de pallier en partie cette difficulté, en proposant que ce référé soit jugé par une personne seule et non par cinq magistrats, ce qui devrait alléger la tâche des cours administratives d'appel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Votre commission a manifesté, à l'instar du Sénat, le souhait de maintenir la voie de l'appel des décisions rendues en matière de référéinjonction. Le Sénat avait confié cette compétence de juge d'appel au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, ce que, pour ma part, je trouvais plus cohérent avec la procédure de déféré préfectoral.

Pourtant, la commission des lois a estimé préférable de l'attribuer aux cours administratives d'appel. Or cette compétence nouvelle risque d'entraîner un surcroît de travail pour les cours et de ne pas favoriser l'harmonisation de la jurisprudence que le Conseil d'Etat aurait pu assu-r er. Cela étant, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président.

La parole est à M. Emile Blessig.

M. Emile Blessig.

Je crois que ce texte peut introduire une véritable novation dans les rapports entre les justiciables du tribunal administratif et les parties, et je pense tout particulièrement à une multiplicité d'organismes publics, les communes, les structures intercommunales ou les établissements publics.

Compte tenu de l'atteinte portée au caractère exécutoire des décisions administratives et des retards qui peuvent découler d'un recours systématique à la voie contentieuse, il était important de prévoir une procédure d'appel, d'autant plus que cela concerne non seulement


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les actes positifs, mais aussi les décisions de refus, voire l'absence de décision en matière de libertés fondamentales - ce qui étend de manière assez notable le champ d'application de cet article. Pour améliorer l'accès du justiciable à la justice, mieux vaut que la procédure ait lieu le plus près possible, c'est-à-dire devant la cour administrative d'appel.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 9 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 7, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. - La demande visant au prononcé de mesures d'urgence est dispensée de l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1089 B du code général des impôts. »

Je mets aux voix l'article 8.

M. Jean-Luc Warsmann.

Pour.

(L'article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président.

« Art. 9. - Lorsqu'il apparaît, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est manifestement irrecevable, qu'elle ne présente pas un caractère d'urgence ou qu'elle est manifestement mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article 7. »

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 10, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début de l'article 9 :

« Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés... (le reste sans changement). »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

L'article 9 permet au juge des référés d'opérer un tri des demandes qui lui sont soumises et de rejeter certaines d'entre elles par une ordonnance motivée. On peut comparer cela au référé civil. Le demandeur demande au président d'organiser une audience en disant qu'il y a urgence et on fixe une date. Cette phase n'est pas contradictoire. La personne vient s'expliquer et la décision doit être motivée en cas de refus. L'amendement proposé précise les choses.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

10. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 9, modifié par l'amendement no

10. (L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président.

Je donne lecture de l'article 10.

TITRE

III

DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À

CERTAINS

CONTENTIEUX

« Art. 10. - Il est ajouté, à la fin du troisième alinéa de l'article L.

22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, ainsi qu'à la fin du troisième alinéa de l'article L.

23 du même code, une phrase ainsi rédigée :

« Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. »

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Articles 11 et 12

M. le président.

« Art. 11. - L'article L.

421-9 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :

« Art. L.

421-9. - L'Etat, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale, lorsqu'ils défèrent à un tribunal administratif une décision relative à un permis de construire et assortissent leur recours d'une demande de suspension, peuvent demander qu'il soit fait application des dispositions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L.

2131-6 du code général des collectivités territoriales.

« Lorsqu'une personne autre que celles mentionnées à l'alinéa précédent défère une décision relative à un p ermis de construire et assortit son recours d'une demande de suspension, le juge des référés statue sur cette demande dans un délai d'un mois. »

Je mets aux voix l'article 11.

(L'article 11 est adopté.)

« Art. 12. I. Les troisième et quatrième alinéas de l'article L.

2131-6, les quatrième et cinquième alinéas de l'article L.

3132-1 ainsi que les troisième et quatrième alinéas de l'article L.

4142-1 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :

« Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois.

« Jusqu'à ce que le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui ait statué, la demande de suspension en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public formulée par le représentant de l'Etat dans les dix jours à compter de la réception de l'acte entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception, si le juge des référés n'a pas statué, l'acte redevient exécutoire. »

« II. Les cinquième et sixième alinéas de l'article L.

2131-6, les sixième et septième alinéas de l'article L.

3132-1 ainsi que les cinquième et sixième alinéas de l'article L.

4142-1 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :

« Lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de la notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures.

« L'appel des jugements du tribunal administratif ainsi que des décisions relatives aux demandes de suspension prévues aux alinéas précédents, rendus sur recours du représentant de l'Etat, est présenté par celui-ci. »

« III. Au dernier alinéa de l'article L.

1111-7 du code général des collectivités territoriales, les mots : "sur-s is à exécution" sont remplacés par le mot : "suspension". »

« IV. Les deuxième et troisième phrases du dernier alinéa de l'article L.

2511-23 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigées :

« Si ce recours est assorti d'une demande de suspension et si l'un des moyens invoqués à son appui paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération attaquée, le pré sident du tribunal administratif ou un magistrat délégué par lui prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de sa notification. » -

(Adopté.)

Article 13

M. le président.

« Art. 13. I. Le premier alinéa de l'article L.

26 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est ainsi rédigé :

« La contestation par le maire des villes de Paris, Marseille et Lyon des délibérations des conseils d'arrondissement, à l'exclusion de celles prises en application des articles L.

2511-36 à L.

2511-45 du code général des collectivités territoriales obéit aux règles définies par le dernier alinéa de l'article L.

2511-23 dudit code ci-après reproduit : »

« II. Le premier alinéa de l'article L.

27 du même code est ainsi rédigé :

« La demande de suspension présentée par le représentant de l'Etat à l'encontre d'un acte d'une commune de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle obéit aux règles définies par les cinquième et sixième alinéas de l'article L.

2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduits : » M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement no 11, ainsi rédigé :

« Avant le I de l'article 13, insérer le paragraphe suivant :

« I. - A. Au premier alinéa de l'article L.

24 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les mots : "sursis à exécution" sont remplacés par le mot : "suspension". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Il s'agit de tenir compte de la substitution qu'opère le projet de loi entre la procédure de suspension et la procédure de sursis à exécution.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 12, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du II de l'article 13 :

« La demande de suspension présentée par le représentant de l'Etat à l'encontre d'un acte d'une commune, d'un département ou d'une région, de n ature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle obéit aux règles définies par l es cinquième et sixième alinéas de l'article L. 2131-6, les sixième et septième alinéas de l'article L. 3132-1, ainsi que les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales, reproduits ci-après : » La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Le sursis de quarante-huit heures prévu par le code des collectivités territoriales vise tant les actes des communes que ceux des départements et des régions. C'est un point qui avait été, me semble-t-il, oublié dans une codification.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 13, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 14 et 15

M. le président.

« Art. 14. Les deux dernières phrases de l'article L. 714-10 du code de la santé publique sont ainsi rédigées : "Il peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué". »

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

« Art. 15. Au deuxième alinéa du II de l'article 15-12 de la loi no 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, les mots : "d'une demande de sursis à l'exécution soumise aux dispositions du troisième alinéa de l'article 3 de la loi no 82-213 du 2 mars 1982" sont remplacés par les mots : "d'une demande de suspension soumise aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales". » -

(Adopté.)

Article 16

M. le président.

« Art. 16. I. Au dernier alinéa de l'article 2 de la loi no 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, les mots : "la juridiction saisie fait droit à la demande de sursis à exécution de la décision attaquée dès que cette absence est constatée selon une procédure d'urgence" sont remplacés par les mots : "le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée". »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

« II. Le premier alinéa de l'article 6 de la loi no 83630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement est ainsi rédigé :

« Le juge administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur ou de la commission d'enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci. »

M. Colcombet, rapporteur, et Mme Lazerges ont présenté un amendement, no 14, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le I de l'article 16 :

« I. - Après les mots : "sur l'absence", la fin du dernier alinéa de l'article 2 de la loi no 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, est ainsi rédigée : "ou l'insuffisance d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence ou cette insuffisance est constatée". »

La parole est à Mme Christine Lazerges.

Mme Christine Lazerges.

La précision ainsi apportée a pour objet de codifier la jurisprudence du juge administratif concernant les études d'impact en matière de protection de la nature. Actuellement, il faut une absence d'étude d'impact pour obtenir le sursis à exécution de la décision attaquée. Nous demandons qu'il en soit de même lorsque cette étude est insuffisante.

M. le président.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

La commission a été favorable à cet amendement. Il s'agit de reprendre dans la loi la jurisprudence administrative qui a assimilé l'insuffisance d'étude d'impact à une absence d'étude d'impact pour obtenir le sursis à exécution d'une décision devant être fondée sur une étude d'impact.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Luc Warsmann.

M. Jean-Luc Warsmann.

La majorité demande que les tribunaux administratifs annulent une décision non seulement en cas d'absence d'étude d'impact, mais également en cas d'insuffisance de cette étude. Je souhaite que cette position soit largement entendue au-delà de l'hémicycle, y compris au Conseil constitutionnel. Le Gouvernement nous propose un texte avec une étude d'impact de trois pages et demie, en censurant toutes les parties sur le coût d'application budgétaire !

M. Arnaud Montebourg.

C'est encore le Conseil d'Etat qui a frappé !

M. Jean-Luc Warsmann.

Je souhaite que le Conseil constitutionnel sanctionne ce projet de loi pour insuffisance manifeste d'étude d'impact !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 16, modifié par l'amendement no

14. (L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

Article 17

M. le président.

« Art. 17. Le premier alinéa de l'article 17-1 de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est ainsi rédigé :

« Lorsque le ministre chargé des sports défère à la juridiction administrative les actes pris en vertu de la délégation mentionnée à l'article 17 qu'il estime contraires à la légalité, il peut assortir son recours d'une demande de suspension. »

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 15, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 17. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

C'est un cas de référé un peu particulier qui peut maintenant être absorbé par les grands référés que nous venons de créer.

M. Claude Goasguen.

Absolument.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien. Un de moins !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Défavorable. Cet amendement vise à supprimer le sursis à exécution sur recours du ministre de la jeunesse et des sports, recours applicable aux décisions prises par les fédérations sportives. Pour ce contentieux spécifique et sensible, il importe que le ministre conserve cette prérogative.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

15. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 17 est supprimé.

Après l'article 17

M. le président.

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 16 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 17, insérer l'article suivant :

« Sans préjudice des dispositions du titre II de la présente loi, le président de la cour administrative d'appel ou le magistrat qu'il désigne à cet effet est compétent pour statuer sur les appels formés devant les cours administratives d'appel contre les décisions rendues par le juge des référés. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Il s'agit de faire en sorte que, devant la cour administrative d'appel, ce soit un seul magistrat, et non pas cinq, qui statue en référé.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 16 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Colcombet, rapporteur, et M. Montebourg ont présenté un amendement, no 17, ainsi rédigé :

« Après l'article 17, insérer l'article suivant :

« Des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions dans lesquelles les recours contentieux formés par les agents relevant des lois no 84-16 du


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

11 janvier 1984, no 84-53 du 26 janvier 1984 et no 86-33 du 9 janvier 1986, à l'encontre d'actes relatifs à leur carrière à l'exception de ceux concernant leur recrutement ou l'exercice du pouvoir disciplinaire, doivent être précédés d'un recours administratif préalable. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Je laisse à M. Montebourg le soin de le présenter.

M. le président.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg.

Il s'agit d'organiser un dialogue obligatoire entre l'administration et ses agents avant q ue ceux-ci n'engagent une procédure contentieuse devant la juridiction administrative. Un tel dialogue va de soi, il existe déjà en matière prud'homale comme dans de nombreux autres domaines de la vie juridictionnelle.

Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas l'organiser dans ces matières un peu mécaniques des droits à la carrière. Je ne parle pas du contentieux de la notation mais de l'avancement et de la situation personnelle des a gents. Cela pourrait peut-être éviter des occasions contentieuses.

Pour éviter toute ambiguïté, monsieur le président, je rectifie cet amendement en remplaçant les mots : « leur carrière » par les mots : « la situation personnelle des agents », de manière que les choses soient les plus claires possible.

M. le président.

L'amendement no 17 est donc ainsi rectifié.

Qu'en pense la commission ?

M. François Colcombet, rapporteur.

La commission avait accepté l'amendement no 17. J'ajouterai aux excellentes explications de M. Montebourg qu'il se situe dans l'esprit des réformes qui se préparent.

M. Arnaud Montebourg.

Très bien !

M. François Colcombet, rapporteur.

L'objectif est de provoquer le plus possible de discussions avant le procès de façon à chercher des solutions. Des contentieux sont d'ailleurs en partie réglés actuellement par une médiation p réalable ou l'intervention préalable d'un tiers. En matière de sport, cela marche parfaitement et je pense que, dans ce secteur-ci, il pourrait y avoir une disposition de même type.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

C'est un excellent amendement, surtout après la rectification de M. Montebourg.

Nous avons tout intérêt, en effet, à favoriser les voies non contentieuses de règlement des différends - y compris des différends entre les employeurs publics, dont l'Etat, et les agents publics.

Cela est d'ailleurs très largement en rapport, comme vient de le souligner M. Colcombet, avec la volonté de développer des procédures nouvelles destinées à garantir aux usagers des services publics des réponses plus rapides de la part des administrations, volonté qu'illustrent un grand nombre de projets de loi : ceux que j'ai eu l'honneur de présenter à notre assemblée et que vous avez bien voulu déjà voter, et le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, élaboré par la fonction publique et adopté en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.

Cependant, il me semble indispensable d'en éclairer la portée pour prévenir une possible incompréhension de la mesure envisagée par les agents et les organisations syndicales de fonctionnaires. Loin de constituer une barrière au recours juridictionnel, qui restera toujours possible et ne devrait pas être différé au-delà du délai moyen de traitement des recours gracieux actuels, la procédure précontentieuse devra être l'occasion de régler le différend ou de cristalliser les divergences, mais en aucun cas de priver les fonctionnaires des garanties offertes par le recours au juge administratif, garant et gardien de la légalité.

M. Arnaud Montebourg.

Evidemment !

Mme la garde des sceaux.

En outre, il me paraît nécessaire de bien insister sur le fait que l'amendement prévoit d'exclure du champ de la procédure nouvelle les mesures concernant le recrutement des agents ou l'exercice du pouvoir disciplinaire, ce qui me paraît indispensable, s'agissant à la fois de mesures qui sont sans doute les plus lourdes de conséquences du point de vue des agents, et des mesures pour lesquelles l'intervention du juge administratif, pour produire des résultats effectifs, ne doit pas être différée.

En tout état de cause, les décrets d'application prévus par la disposition seront élaborés après concertation avec toutes les parties intéressées, et notamment les organisations syndicales.

M. le président.

La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen.

Cet amendement très intéressant et sympathique n'a que deux défauts. D'abord, c'est ce qu'on appelle un cavalier juridique, car il n'a rien à voir avec le texte de la loi. Fondamentalement, il s'agit d'organiser des dispositions disciplinaires en matière de précontentieux concernant les fonctionnaires ou les agents de la fonction publique. Mais passons. Ensuite, il est probablement du domaine réglementaire, mais ce n'est pas grave non plus ! Sur le fond, en revanche il est intéressant. Je ne suis pas sûr qu'il va faire très plaisir à un certain nombre de gens dans la fonction publique, mais je vais néanmoins le voter dans l'esprit suivant. Je trouve invraisemblable que le Conseil constitutionnel, dans une décision pour le moins contestable et corporatiste, nous ait imposé une délibération d'ordre réglementaire. Dans ces conditions, poussons l'humour jusqu'à voter cet article additionnel, qui est de toute évidence hors compétence, mais qui nous permettra, monsieur Montebourg, monsieur Colcombet, de gérer des situations très désagréables dans l'exercice de notre fonction publique.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 17 rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

Article 18

M. le président.

Je donne lecture de l'article 18 :

TITRE IV

DISPOSITIONS FINALES

« Art. 18. - Sont abrogées les dispositions suivantes :

« 1o La première phrase du second alinéa de l'article L. 9 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les articles L. 10 et L. 25 dudit code ;

« 2o L'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;

« 3o La dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-1 et les troisième et quatrième alinéas de l'article 25 de la loi no 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et pré-enseignes ;


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

« 4o La seconde phrase du cinquième alinéa et le sixième alinéa de l'article 14 de la loi no 92-1443 du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier. »

M. Colcombet, rapporteur, a présenté un amendement, no 18 rectifié, ainsi libellé :

« Compléter l'article 18 par le paragraphe suivant :

« II. - L'article 17-1 de la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est ainsi rédigé :

« Art. 17-1 . - Le ministre chargé des sports peut déférer aux juridictions administratives compétentes les actes pris en vertu de la délégation mentionnée à l'article 17 qu'il estime contraires à la légalité. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Colcombet, rapporteur.

Nous ajoutons à la liste des textes que nous abrogeons un texte qui concerne le référé que nous avons abrogé tout à l'heure. C'est donc un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la garde des sceaux.

Avis défavorable, par coordination ! (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 18 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 18, modifié par l'amendement no 18 rectifié.

(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 19, 19 bis , 19 ter , 19 quater , 20 et 21

M. le président.

« Art. 19. - Les titres Ier et II ainsi que l'article 18 sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.

« Les articles 10 et 17 sont applicables dans la collectivité territoriale de Mayotte. »

Je mets au voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

M. le président.

« Art. 19 bis . - Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 121-39-2 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie (partie Législative) sont ainsi rédigés :

« Le haut-commissaire peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans le délai d'un mois.

« Jusqu'à ce que le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui ait statué, la demande de suspension en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public, formulée par le hautcommissaire dans les dix jours à compter de la réception de l'acte, entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception, si le juge des référés n'a pas statué, l'acte redevient exécutoire. » -

(Adopté.)

M. le président.

Art 19 ter . - Les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 121-39-2 du code des communes de l a Nouvelle-Calédonie (partie Législative) sont ainsi rédigés :

« Lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de sa notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures.

« L'appel des jugements du tribunal administratif ainsi que des décisions relatives aux demandes de suspension prévues aux alinéas précédents, rendus sur recours du haut-commissaire, est présenté par celui-ci. » -

(Adopté.)

M. le président.

« Art. 19 quater. Après l'article L.

121-39-3 du code des communes de la Nouv elle-Calédonie (partie législative), il est inséré un article L.

121-39-4 ainsi rédigé :

« Art. L.

121-39-4. Si le haut-commissaire estime qu'un acte pris par une commune, soumis ou non à l'obligation de transmission, est de nature à compromettre de manière grave le fonctionnement ou l'intégrité d'une installation ou d'un ouvrage intéressant la défense nationale, il peut en demander l'annulation pour ce seul motif ; il défère l'acte en cause dans les deux mois suivant sa transmission, sa publication ou sa notification, à la section du contentieux du Conseil d'Etat, compétente en premier et dernier ressort ; il assortit, si nécessaire, son recours d'une demande de suspension ; le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures. » -

(Adopté.)

« Art. 20. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de la présente loi. » -

(Adopté.)

« Art. 21. La présente loi entrera en vigueur le même jour que le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article précédent et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa publication. » -

(Adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

3 LOI DE FINANCES POUR 2000 Communication relative à la désignation d'une commission mixte paritaire

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 14 décembre 1999

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2000.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants à cette commission.

« J'adresse ce jour à M. le président du Sénat une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

4 DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 13 décembre 1999, de M. Didier Mathus, un rapport, no 2018, déposé, en application de l'article 16 du règlement, par la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes,s ur les comptes de l'Assemblée nationale de l'exercice 1998.

J'ai reçu, le 14 décembre 1999, de M. René Dosière, un rapport, no 2019, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise e n compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

5 DÉPÔT D'UN RAPPORT EN APPLICATION D'UNE LOI

M. le président.

J'ai reçu, le 10 décembre 1999, de M. le Premier ministre, en application de l'article 83 de la loi de finances pour 1995 (no 94-1162 du 29 décembre 1994), un rapport décrivant les opérations bénéficiant de la garantie de l'Etat (exercices 1997 à 1999).

6 DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

MODIFIÉS PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 13 décembre 1999, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par le Sénat, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Ce projet de loi, no 2017, est renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

J'ai reçu, le 14 décembre 1999, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2000, modifié par le Sénat.

Ce projet de loi, no 2020, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

7

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Mercredi 15 décembre 1999, à quinze heures, première séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 1694, tendant à modifier l'article 6 ter de l'ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : Mme Monique Denise, rapporteur, au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 1953).

(Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales : M. René Dosière, rapporteur (rapport no 2019).

(Procédure d'examen simplifiée.)

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, no 1964, relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du BasRhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières : M. Gérard Terrier, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport no 2006) ; Eventuellement, discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail.

A vingt et une heures, deuxième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 15 décembre 1999, à zéro heure vingt.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

DÉCÈS D'UN DÉPUTÉ M. le président de l'Assemblée nationale a le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les députés le décès de M. Roland Carraz, député de la troisième circonscription de la Côte-d'Or, survenu le 9 décembre 1999.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 14 DÉCEMBRE 1999

REMPLACEMENT D'UN DÉPUTÉ DÉCÉDÉ Par une communication du 10 décembre 1999 faite en application des articles LO 176-1 et LO 179 du code électoral, M. le ministre de l'intérieur a informé M. le président de l'Assemblée nationale que M. Roland Carraz, député de la troisième circonscription de la Côte-d'Or, décédé le 9 décembre 1999, est remplacé jusqu'au renouvellement de l'Assemblée nationale par

M. Michel Etievant, élu en même temps que lui à cet effet.

REQUÊTE EN CONTESTATION D'OPÉRATIONS ÉLECTORALES Communication du Conseil constitutionnel en application de l'article LO 181 du code électoral

CIRCONSCRIPTION NOM DU DÉPUTÉ dont l'élection est contestée

NOM DU REQUÉRANT Paris (21e ).

M. Michel Charzat.

M. Frédéric Billot.

MODIFICATIONS À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, Lois et Décrets, du 11 décembre 1999)

GROUPE RADICAL, CITOYEN ET VERT (32 membres au lieu de 33) Supprimer le nom de M. Roland Carraz.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (9 au lieu de 8) Ajouter le nom de M. Michel Etievant.

(Journal officiel, Lois et Décrets, du 14 décembre 1999)

GROUPE SOCIALISTE (242 membres au lieu de 241) Ajouter le nom de M. Michel Charzat.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (8 au lieu de 9) Supprimer le nom de M. Michel Charzat.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION Transmissions M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à Monsieur le Président de l'Assemblée nationale les textes suivants : Communication du 9 décembre 1999 No E 1369. Projet de décision de la Commission modifiant la décision 97/534/CE relative à l'interdiction de l'utilisation de matériels présentant des risques au regard des encéphalopathies spongiformes transmissibles ; No E 1370. Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant un cadre communautaire de coopération favorisant le développement durable en milieu urbain (COM [1999] 557 FINAL).

Communication du 13 décembre 1999 No E 1371. Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif au régime applicable aux importations, dans la Communauté, de produits originaires des Républiques de Bosnie-et-Herzégovine et de Croatie et aux importatations de vins originaires de l'ancienne République yougoslave de Macédoine et de la République de Slovénie.