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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE

DE

M.

PATRICK

OLLIER

1. Ventes de meubles aux enchères publiques. - Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat (p. 5).

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) (p. 5)

MM. Pierre Lellouche, Jean Vila, Christian Martin, Christian Paul, Mme Nicole Ameline.

Clôture de la discussion générale.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

DISCUSSION

DES ARTICLES (p. 14)

Avant l'article 1er (p. 14)

Amendement no 88 de M. Lellouche : M. Pierre Lellouche, Mmes Nicole Feidt, rapporteur de la commission des lois ; la ministre. - Adoption.

Article 1er (p. 15)

Amendements identiques nos 11 de la commission des lois et 91 de M. Tourret : M. Alain Tourret, Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendement no 89 de M. Lellouche : M. Pierre Lellouche,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 16)

Amendements identiques nos 44 de M. Lellouche et 107 de M. Houillon : MM. Pierre Lellouche, Philippe Houillon,

Mmes le rapporteur, la ministre, MM. Alain Tourret, Jérôme Lambert. - Rejet.

Amendement no 54 de M. Plagnol : M. Christian Martin,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 12 de la commission, 72 de M. Houillon et 92 de M. Tourret : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 2 bis (p. 18)

Amendement de suppression no 82 du Gouvernement :

Mmes la ministre, le rapporteur, MM. Alain Tourret, Philippe Houillon, Christian Paul, Pierre Lellouche. Adoption.

L'article 2 bis est supprimé.

Les amendements nos 1 de M. Lellouche, 13 de la commission et 93 de M. Tourret n'ont plus d'objet.

Article 3 (p. 19)

Amendement no 2 rectifié de M. Lellouche : MM. Pierre Lellouche, le président, Mmes Catherine Tasca, présidente de la commission des lois ; le rapporteur, la ministre, MM. Henri Plagnol, Jérôme Lambert. - Rejet.

Amendement no 55 de M. Plagnol : M. Henri Plagnol,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Amendement no 45 de M. Lellouche : M. Pierre Lellouche. Retrait.

Amendement no 14 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendements identiques nos 15 de la commission, 73 de M. Houillon et 94 de M. Tourret : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4. - Adoption (p. 22)

Article 5 (p. 23)

Amendement no 16 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 5 modifié.

Article 6 (p. 23)

Amendement no 3 de M. Lellouche : M. Pierre Lellouche, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet de l'amendement no 3 rectifié.

Amendement no 83 du Gouvernement : Mmes la ministre, le rapporteur. - Adoption.

L'amendement no 109 de la commission n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 6 modifié.

Article 7 (p. 24)

Amendement no 95 de M. Tourret : M. Alain Tourret,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Amendement no 17 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendement no 56 de M. Plagnol : M. Christian Martin, Mmes le rapporteur, la ministre, M. Henri Plagnol. Rejet.

Amendement no 4 de M. Lellouche : M. Pierre Lellouche,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 7 modifié.

Article 8 (p. 25)

Amendement no 96 de M. Tourret : M. Alain Tourret,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendement no 47 de M. de Courson : M. Charles de Courson, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Amendements nos 18, deuxième correction, de la commission, 5 rectifié de M. Lellouche et 97 de M. Tourret : MM. Alain Tourret, Pierre Lellouche, Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption de l'amendement no 18, deuxième correction ; les amendements nos 5 rectifié et 97 n'ont plus d'objet, non plus que l'amendement no 74 de M. Houillon.

Adoption de l'article 8 modifié.

Article 9. - Adoption (p. 27)

Article 10 (p. 27)

Amendement no 75 de M. Houillon : Mmes Nicole Ameline, le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Amendements identiques nos 6 de M. Lellouche et 57 de M. de Courson, et amendement no 98 de M. Tourret : M. Pierre Lellouche. - Retrait de l'amendement no

6.


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M. Henri Plagnol. - Retrait de l'amendement no

57. M. Alain Tourret. - Retrait de l'amendement no

98. Amendement no 58 de M. Plagnol : M. Henri Plagnol,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 10.

Article 11 (p. 28)

Amendement no 99 de M. Tourret : M. Alain Tourret,

Mme le rapporteur. - Retrait.

Amendement no 19 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

L'amendement no 60 de M. Plagnol n'a plus d'objet.

Adoption de l'article 11 modifié.

Après l'article 11 (p. 29)

A mendement no 81 de M. Houillon : Mmes Nicole A meline, le rapporteur, la ministre, MM. Pierre Lellouche, Jérôme Lambert, Henri Plagnol. - Rejet.

Article 12 (p. 30)

Amendement no 61 de M. de Courson, amendement no 20 de la commission, avec le sous-amendement no 84 du Gouvernement, et amendement identique no 100 de M. Tourret : M. Charles de Courson, Mme le rapporteur, M. Alain Tourret, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement no 61 ; adoption du sous-amendement no 84 et des amendements identiques modifiés.

Adoption de l'article 12 modifié.

Article 13 (p. 31)

Amendement no 21 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

L'amendement no 101 de M. Tourret n'a plus d'objet.

Amendement no 62 de M. Plagnol : M. Christian Martin,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 13 modifié.

Article 14 (p. 32)

Amendement no 22 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre, MM. Jérôme Lambert, Pierre Lellouche. Rejet.

A mendement no 76 de M. Houillon : Mmes Nicole Ameline, le rapporteur, la ministre, M. Pierre Lellouche. Rejet.

Adoption de l'article 14.

Articles 14 bis et 15. - Adoption (p. 33)

Article 16 (p. 33)

Amendement no 102 de M. Tourret : M. Alain Tourret,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 16.

Article 17. - Adoption (p. 34)

Article 18 (p. 34)

Amendement no 103 de M. Tourret : M. Alain Tourret,

Mme le rapporteur. - Retrait.

Amendement no 7 de M. Lellouche, amendement no 23 de la commission, avec le sous-amendement no 46 rectifié de M. Lellouche, et amendement no 77 de M. Houillon : M. Pierre Lellouche, Mme le rapporteur, M. Henri Plagnol, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement no 7 ; adoption du sous-amendement no 46 rectifié et de l'amendement no 23 modifié ; l'amendement no 77 n'a plus d'objet.

Amendement no 24 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 18 modifié.

Article 19 (p. 36)

Amendement no 63 de M. Plagnol : M. Christian Martin,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 19.

Articles 20 à 23. - Adoption (p. 37)

Article 24 (p. 37)

Amendement no 64 de M. Plagnol : M. Henri Plagnol,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 24.

Article 25. - Adoption (p. 37)

Article 26 (p. 38)

Amendement no 25 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 26 modifié.

Article 27 (p. 38)

Amendement no 26 corrigé de la commission, avec le sousamendement no 108 de Mme Lazerges, et amendement identique no 104 de M. Tourret : Mme le rapporteur, MM. Jacques Floch, Alain Tourret, Mme la ministre. Rejet du sous-amendement ; adoption des amendements identiques.

Adoption de l'article 27 modifié.

Article 28 (p. 39)

Amendement no 8 de M. Lellouche : M. Pierre Lellouche, Mmes le rapporteur, la ministre, M. Henri Plagnol. Rejet.

Amendement no 27 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendement no 9 de M. Lellouche : M. Pierre Lellouche,

Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 28 modifié.

Article 29 (p. 41)

Amendement no 28 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 29 modifié.

Article 30 (p. 41)

Amendement no 29 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre, M. Jérôme Lambert. - Retrait.

Amendements identiques nos 65 de M. Plagnol et 78 de M. Houillon : M. Christian Martin, Mmes le rapporteur, la ministre. - Rejet.

Adoption de l'article 30.

Articles 31 et 32. - Adoption (p. 42)

Article 33 modifié (p. 42)

Amendement no 30 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 33 modifié.

Article 34. - Adoption (p. 42)

Article 35 (p. 42)

Amendement no 31 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre, M. Pierre Lellouche. - Adoption.


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Ce texte devient l'article 35.

Article 36 (p. 43)

Amendement no 32 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre, M. Henri Plagnol. - Adoption.

Amendement no 66 de M. de Courson : M. Christian Martin, Mmes le rapporteur, la ministre, M. Pierre Lellouche. - Rejet.

MM. Alain Tourret, Christian Martin, le président.

Adoption de l'article 36 modifié.

Article 37 (p. 44)

Amendements nos 33 de la commission et 85 du Gouvernement : Mmes le rapporteur, la ministre, MM. Jérôme Lambert, Alain Tourret, Pierre Lellouche. - Rejet de l'amendement no 33 ; adoption de l'amendement no 85, qui devient l'article 37.

Articles 38, 39, 41 et 42. - Adoption (p. 46)

Article 43 (p. 47)

Amendement no 34 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Amendement no 35 de la commission : Mmes le rapporteur, la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 43 modifié.

Renvoi de la suite de la discussion à une prochaine séance.

2. Dépôt d'un projet de loi de finances modifié par le Sénat (p. 47).

3. Dépôt d'un projet de loi de finances rejeté par le Sénat (p. 47).

4. Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle (p. 47).

5. Dépôt d'une proposition de résolution (p. 48).

6. Dépôts de rapports (p. 48).

7. Dépôt d'une proposition de loi adoptée par le Sénat (p. 48).

8. Ordre du jour des prochaines séances (p. 48).


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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRESIDENCE DE M. PATRICK OLLIER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures) 1

VENTES DE MEUBLES AUX ENCHERES PUBLIQUES Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (nos 1692, 2026).

Discussion générale (suite)

M. le président.

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Dans la suite de cette discussion, la parole est à

M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Madame la ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis ce soir, lequel est très attendu depuis cinq ans par les professionnels, ne suscitera, hélas ! que l'indifférence de la plupart de nos concitoyens. Les travées désertes de notre hémicycle en sont la preuve, et ce désert n'est pas seulement imputable à la proximité des fêtes de Noël.

Texte technique, il ne passionnera guère que les conoscenti du marché de l'art. Centré sur la fin d'un monopole archaïque, vieux de cinq siècles, celui des commissairespriseurs, il ne soulèvera guère d'émotion dans les chaumières, même si les conditions d'indemnisation imposées par le Gouvernement risquent d'être fatales à la moitié de la profession.

Puis, dans un pays encore profondément marqué par la vulgate - elle aussi, archaïque - de la lutte des classes, la tentation est grande pour certains d'entonner l'hymne toujours payant de la démagogie. L'art, sport des riches et des spéculateurs ; le marché de l'art, terrain de chasse des multinationales anglo-saxonnes, Sotheby's et Christies, ou de riches marchands et galeristes : autant d'arguments qui favorisent les effets de manche idéologiques, au premier rang desquels on trouve le serpent de mer de l'intégration des objets d'art dans l'assiette de l'ISF, tout en évitant de parler de l'essentiel.

M. Christian Paul.

On pourrait aussi parler de l'hôtel Drouot ! C'est pourtant de l'essentiel que je voudrais vous parler ce soir, mes chers collègues, ce qui nous permettra peutêtre de replacer utilement ce projet de loi dans son véritable contexte.

Car ce texte, d'apparence technique et qui semble ne concerner que quelques centaines de professionnels aisés et leurs salariés - qui le sont moins - est l'un des éléments clés, l'une des briques de l'édifice, hélas fort l ézardé, de notre patrimoine national, édifice qu'il conviendrait pourtant de sauver de toute urgence.

L'enjeu qui doit nous préoccuper ce soir, sur tous ces bancs, et quelles que soient nos sensibilités politiques, n'est nul autre en effet que la préservation de notre patrimoine national, véritable carte génétique de notre culture, donc de notre identité en tant que nation.

Or ce patrimoine est menacé, gravement menacé.

Il est tout d'abord menacé parce que le marché de l'art français a perdu depuis cinq décennies le premier rang mondial qui était le sien. Dans son rapport au Sénat, notre collègue Luc Dejoie rappelle justement que « Paris a été la capitale de l'art mondial jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. » Il précise que

: « en 1952, la seule étude de maître Ader faisait un chiffre d'affaires égal à celui de Sotheby's et Christie's conjointement dans le monde entier. »

La situation en cette fin de siècle est tout autre : la première place mondiale s'est déplacée à New York et, accessoirement, à Londres, à Genève et à Monaco, Paris ne représentant plus que 10 % du marché mondial.

Pire, tandis que le volume des ventes d'oeuvres d'art entre 1993 et 1997 croissait de 44 % aux Etats-Unis et de 21 % chez nos partenaires européens, il reculait en France de 24 %.

Les conséquences d'un tel déclin ne sont pas seulement sensibles au plan économique, même si l'enjeu est d'importance. Avec quelque 60 000 emplois directs et indirects, sans compter l'effet induit sur le tourisme, et 30 milliards de chiffre d'affaires, le marché de l'art fait vivre en France de très nombreuses professions artisanales, PME et métiers d'art qui comptent parmi les meilleurs du monde - relieurs, graveurs, doreurs, ébénistes - à côt é des galeristes, des experts, des commissaires-priseurs et des artistes, pour ne citer que certaines de ces professions.

Non, l'effet le plus grave, le plus tragique même de ce déclin est ailleurs : il est politique, au sens noble du terme. Le solde des échanges exportations-importations du marché de l'art français révèle que, chaque année, il sort officiellement de France - et dans l'immense majorité des cas, définitivement - quelque 2 milliards de francs d'objets d'art parmi les plus beaux du patrimoine français.

Or il faut savoir qu'avec l'Italie fermée aux exportations officielles, notre pays est le seul grand réservoir d'art de l'Europe. Ce réservoir étant grand ouvert, nos structures de ventes archaïques et l'écart fiscal jouant à plein à notre désavantage, trois quarts des objets partent à destination des Etats-Unis, transitant par Londres le plus


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souvent, avant d'être vendus à New York, capitale des tableaux de maîtres et de l'art contemporain, à Monaco pour les meubles, à Genève pour les bijoux anciens, Paris ne conservant que quelques rares spécialités comme le mobilier français XVIIIe siècle.

La vérité, mes chers collègues, est que le train de la mondialisation a percuté le tortillard de notre marché national, de ses règles ancestrales et de sa fiscalité prohibitive. A l'heure des grandes maisons de ventes mondialisées anglo-saxonnes et d'Internet, notre marché national non seulement ne tient plus la compétition financière - on a dit tout à l'heure fort justement que le chiffre d'affaires cumulé de Sotheby's et Christie's dépasse 22 milliards de francs contre 8,5 pour l'ensemble des commissaires-priseurs français - mais sert surtout de terrain d'approvisionnement - j'allais dire de pillage - pour tous ceux qui du monde entier viennent se servir dans notre grenier d'art, devenu un véritable « chef d'oeuvre en péril », selon le titre d'une émission de télévision de naguère.

C'est ainsi qu'une nation riche de deux mille ans d'histoire, fière de son patrimoine, se vide à un rythme effréné de ce qui constituait la colonne vertébrale de sa culture, et donc de son identité.

C'est ainsi qu'en matière d'art, notre pays se trouve très exactement dans la situation de pays sous-développés dont les matières premières seraient accaparées par les multinationales des grandes puissances.

Triste spectacle qui se déroule dans l'indifférence générale d'une opinion apparemment davantage sensible aux effets de geste de M. José Bové et aux distributions de roquefort qu'il organise, qu'à l'hémorragie de notre patrimoine artistique. L'impuissance des politiques et le zèle obtus des bureaucrates font le reste, perpétuant un système à la fois tragique et suicidaire.

C'est contre ce suicide que je veux m'élever ce soir, en vous appelant, mes chers collègues, à prendre conscience de ces enjeux, au-delà de nos clivages politiques habituels.

Lors du colloque que j'ai organisé ici même à l'Assemblée nationale, le 2 novembre dernier, M. Pierre Rosenberg, président de l'établissement public du Grand Louvre, rappelait justement - et vous devez vous en souvenir, madame la ministre, puisque vous étiez présente la dimension fondamentalement politique de ce qui est en train de se dérouler sous nos yeux. De tout temps, les nations les plus fortes ont non seulement tenté d'imposer leurs modèles culturels aux plus faibles, devenues ainsi leurs vassales, mais elles ont également cherché à prendre ou à piller les richesses culturelles des faibles et des vaincus.

Or nous sommes très exactement enserrés dans cette dialectique-là, en grande partie par notre propre faute comble d'ironie pour la nation qui se pose en chantre de

« l'exception culturelle » face à la domination de « l'hyperpuissance américaine ».

Certes, la mondialisation, la croissance de l'économie mondiale, ainsi que l'explosion de la richesse aux EtatsUnis surtout et au Japon ont fait apparaître une nouvelle génération d'acheteurs fortunés, friands d'art européen, notamment français.

Toutefois, ce phénomène est considérablement amplifié par le différentiel fiscal qui ne cesse de se creuser entre notre pays et nos grands partenaires économiques. Tandis que les grands collectionneurs sont de plus en plus nombreux aux Etats-Unis - ce qui développe la création -, le niveau de la fiscalité générale en France, qui est supérieur de près de dix points à la moyenne OCDE, aboutit chez nous à l'effet exactement inverse : l'exode des gros patrimoines, des créateurs de richesses, c'est-à-dire de nomb reux grands collectionneurs français, qui, jusqu'à présent, assuraient, par la dation notamment, la principale ressource du patrimoine de nos musées nationaux.

La baisse sensible de 17 à 11 milliards du produit de l'ISF cette année, baisse que l'on n'a pas assez soulignée, révèle l'ampleur de ce phénomène ! En matière artistique et culturelle aussi, trop d'impôts tue l'impôt...

M. Philippe Houillon.

Très juste !

M. Pierre Lellouche.

... mais surtout aboutit à délocaliser les richesses nationales hors de nos frontières.

Ce point se vérifie d'autant plus, qu'au-delà de l'écart des fiscalités générales d'un pays à l'autre, nous ajoutons, comme à plaisir, toute une série d'obstacles francofrançais ou européens, comme si nous cherchions à toute force à handicaper toujours davantage le marché de l'art, à accélérer de façon suicidaire la véritable saignée cult urelle que nous subissons.

Ces obstacles-là, pour la plupart, ne sont pas traités dans le projet de loi dont nous sommes saisis ce soir, et je le regrette.

Par facilité - oserais-je dire par démagogie -, le Gouvernement a préféré laisser intact un édifice fiscal et régl ementaire aberrant pour ne traiter que le seul aspect du monopole des commissaires-priseurs - et encore sous la pression de Bruxelles -, comme si c'était là le seul et unique problème du marché de l'art français.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Pourtant, c'est un vrai problème !

M. Pierre Lellouche.

J'en veux pour preuve supplémentaire la décision du Gouvernement de ne pas inscrire à l'ordre du jour de notre assemblée la discussion en séance plénière, parallèlement à ce texte, de la proposition de résolution sur la fiscalité du marché de l'art en Europe, proposition que j'ai rédigée et qui a été votée il y a plus d'un mois par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.

Aussi me risquerai-je, avant d'en venir au texte luimême, à rappeler certains de ces obstacles, tout au moins les principaux d'entre eux.

La TVA à l'importation constitue le premier obstacle.

Cette taxe, qui varie entre 5,5 % et 20,6 % pour les meubles de moins de cent ans et les manuscrits, est proprement aberrante. Elle n'existe pas aux Etats-Unis, elle rapporte fort peu - 40 millions de francs - et elle agit comme un puissant levier à la fois pour délocaliser des ventes importantes à New York et pour empêcher le retour d'oeuvres d'art en France. Souhaitons, comme je l'ai proposé, que la France prenne à Bruxelles l'initiative d'une révision complète de ce dispositif, en profitant de la présidence française en 2000.

Le deuxième obstacle est constitué par le droit de suite, cette survivance archaïque d'une loi de 1920, dépassée par l'existence d'une sécurité sociale des artistes. Cela aboutit encore à délocaliser les ventes à New York au bénéfice d'une poignée d'héritiers fort riches de certains grands peintres, qui, pour la plupart d'entre eux, résident d'ailleurs à Genève.

Tout récemment, le 14 avril 1999, le Premier ministre britannique, Tony Blair, a écrit à son collègue Lionel Jospin pour insister dans les mêmes termes sur les consé-


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quences néfastes de cette disposition. Selon lui, l'extension du droit de suite au marché britannique aura pour conséquence de reporter à New York l'activité perdue à Londres et de faire disparaître la tradition culturelle britannique. Il ajoute : « Cette saignée ne sera d'aucun bénéfice à l'Europe, et personne au Royaume-Uni n'en comprendra le bien-fondé... Généraliser le régime du droit de suite en Europe sans que nos principaux concurrents - les Etats-Unis surtout - n'instaurent un droit équivalent, ne revient ni plus ni moins qu'à leur céder le marché ».

A ma connaissance, cette dear Lionel letter est restée sans réponse. Toutefois, puisque le Premier ministre nous a annoncé qu'il est « un rigide qui se marre et qui évolue », je veux bien espérer qu'il changera de point de vue sur le sujet.

Je pourrais, hélas ! prolonger cette triste énumération et évoquer l'épée de Damoclès permanente que représente l'intégration des objets d'art dans l'assiette de l'ISF autre source d'incertitude majeure qui pèse sur notre marché de l'art -, insister sur les nécessaires réformes de la taxe forfaitaire et du droit de reproduction, demander la baisse de la TVA pour les métiers d'art, réclamer que l'on réexamine notre réglementation sur le droit de préemption, que l'on fasse en sorte, comme en GrandeBretagne, qu'une partie de la recette de la Française des jeux soit affectée à l'achat d'objets d'art par nos musées nationaux. Je pourrais enfin souligner la nécessité, pour favoriser la création chez nous et l'art contemporain, de défiscaliser l'achat d'objets d'art par les particuliers et les entreprises.

J'ai avancé sur tous ces points dix-sept propositions, parmi lesquelles celle permettant à chaque foyer de défiscaliser jusqu'à 18 000 francs par an en cas d'acquisition d'objets d'art, notamment contemporains.

Permettez-moi de vous lire à cet égard le témoignage d'une de nos concitoyennes de Barbizon. Je cite :

« L'un de mes fils est sculpteur et pastelliste, et je suis peintre. Mon fils a repris un atelier à Barbizon depuis trois ans et demi et je suis venue le rejoindre. »

M. Christian Paul.

L'école de Barbizon !

M. Pierre Lellouche.

Vous pouvez rire, mais il s'agit du cas d'un citoyen français, qui mérite un peu de respect.

Cette personne poursuit ainsi : « Nous commencions à avoir quelques fidèles visiteurs et clients, mais, depuis cette année, la situation est devenue catastrophique. Aussi étions-nous fort heureux de votre proposition de crédit d'impôt sur les achats d'oeuvres d'art. Mais voilà que le bruit court de nouveau de faire entrer lesdites oeuvres d'art dans l'ISF. Quel frein à l'achat à tous les niveaux ! Les capitaux partent à l'étranger, devons-nous en faire autant ? N'étant ni l'un ni l'autre très connus ni bien en cour, notre production s'adresse à une classe moyenne, laquelle est taxée, pressurée et submergée d'impôts. Je tenais à vous dire quel espoir vous avez fait naître avec votre proposition de loi chez nous, artistes, et combien nous serions heureux d'être un peu soutenus. Il ne faut pas achever de tuer la création dans ce pays. »

(Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

Tout cela mérite autre chose que des ricanements.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Ce n'est tout de même pas une urgence sociale !

M. Pierre Lellouche.

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, le regret qui est le mien que l'important t exte qui nous est proposé aujourd'hui, soit aussi incomplet.

Au lieu de remettre à plat l'ensemble de notre marché de l'art pour assurer l'avenir de notre patrimoine national, le Gouvernement a préféré saucissonner le débat. Eh bien madame, saucissonnons et venons-en au texte luimême.

D'abord, il conviendrait d'en modifier l'intitulé. Celui qui est proposé « Ventes volontaires de meubles aux enchères publiques » comporte en effet plusieurs inexactitudes et contradictions.

Ventes volontaires certes, mais pas publiques : c'est la vente qui est publique et non les enchères.

Meubles certes, mais également effets mobiliers, faute de quoi les maisons de ventes définies dans le texte n'auraient pas le droit de vendre, aux termes de l'article 533 du code civil « les pierreries, les livres, les chevaux, les armes, les vins... »

Meubles corporels enfin, faute de quoi les mêmes maisons de ventes pourraient vendre des meubles incorporels tels que les actions ou les parts sociales.

Cela posé - et je ne doute pas que, dans sa sagesse, le Gouvernement voudra tenir compte de ces modestes suggestions de bon sens -, l'essentiel du projet de loi vise à mettre sur un pied d'égalité sur notre marché de l'art les intervenants français et leurs concurrents étrangers.

Cet objectif est louable et utile pour nos professionnels comme pour la protection de notre patrimoine, même s'il faut regretter que la force d'impulsion ait dû une nouvelle fois venir de Bruxelles, plutôt que de nos responsables nationaux. Cela inclut, à mes yeux, certains professionnels eux-mêmes qui, trop longtemps, ont été plus préoccupés par le maintien de leurs situations acquises que disposés à faire face, par des réformes profondes mais volontaristes, à la mondialisation des échanges.

On le sait, c'est sur la plainte d'une grande maison de vente anglo-saxonne, empêchée de procéder à des ventes publiques en France en raison du monopole traditionnel de nos commissaires-priseurs, que la Commission européenne a enjoint la France d'ajuster son droit interne au principe cardinal des Communautés : la liberté de circulation et d'établissement.

Ce texte met donc fin au monopole des commissairespriseurs et établit pour les maisons de ventes françaises un régime nouveau ouvert à tous les intervenants français et étrangers sur le marché national, le tout placé sous l'autorité d'un conseil des ventes chargé de veiller à la moralisation des ventes et à la protection des consommateurs.

Corollaire de cette importante réforme, un certain nombre de modifications sont introduites dans l'organisation et le déroulement des ventes elles-mêmes, ainsi que d ans l'indemnisation des commissaires-priseurs, qui voient disparaître leur droit patrimonial essentiel : le droit de présentation de leur successeur.

Nous aurons l'occasion, dans la discussion des articles, de revenir sur le détail de ces dispositions, dont beaucoup s'inspirent d'ailleurs du travail réalisé par le précédent garde des Sceaux, M. Jacques Toubon, ainsi que de l'excellent travail d'amendements de nos collègues sénateurs.

A ce stade, je me bornerai à une interrogation portant sur un point essentiel : l'ensemble de ces dispositions vont-elles ou non permettre à nos maisons de ventes françaises de se battre sur un pied d'égalité avec les maisons de ventes étrangères, notamment avec les grandes maisons de ventes mondialisées anglo-saxonnes ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

En laissant de côté le dossier essentiel de la fiscalité française et européenne, dont on a vu qu'il n'était pas traité, nombre des dispositions du texte ne semblent pas aller suffisamment loin pour garantir l'égalité de traitement entre maisons françaises et maisons étrangères.

En premier lieu, l'article 2, assez curieusement, perpétue le monopole des huissiers et des notaires, en même temps qu'il supprime celui des commissaires-priseurs.

Pourquoi cette survivance, au mépris de l'égalité devant la loi ? Premier mystère.

En deuxième lieu, alors que nos collègues sénateurs avaient souhaité faire en sorte que la loi française s'appliquât aux ventes publiques sur Internet, le Gouvernement et la présidente de la commission des lois s'y opposent.

Pourquoi ? Là encore, mystère.

Pour ma part, j'ai suggéré de renforcer les dispositions proposées par le Sénat et je remercie mes collègues membres de la commission des lois d'avoir bien voulu voter l'amendement que j'ai proposé à cet effet.

En troisième lieu, l'article 3 du projet « limite » l'objet des futures maisons de ventes françaises « à l'estimation de biens mobiliers et à la réalisation de ventes volontaires de meubles... ». Mais pourquoi interdire sur notre sol ce

que font couramment les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes ailleurs, et ce qu'elles continueront à faire hors de nos frontières, c'est-à-dire le commerce d'oeuvre d'art, directement de gré à gré, ou pour leur compte ? N'est-ce pas planter le germe de futures délocalisations des ventes comme cela se produit aujourd'hui même ? En quatrième lieu, alors que le projet de loi met fin au monopole des commissaires-priseurs, il le perpétue en fait en réservant aux seuls détenteurs « des conditions requises pour exercer l'activité de commissaires-priseurs » le soin de diriger la vente et de déclarer le bien adjugé. Pourquoi une telle limitation, qui interdira, aux antiquaires, par exemple, voire à d'autres intervenants - je pense aux maisons de ventes spécialisées en matériels industriels -, de s'organiser eux aussi en maisons de ventes sans passer nécessairement par le service d'un commissaire-priseur ? En cinquième lieu, le projet introduit, à l'article 8, là encore fort justement, la possibilité pour une maison de ventes de procéder dans un délai de quinze jours après la vente publique à la vente de gré à gré d'un bien qui n'aurait pas pu trouver acquéreur aux enchères. Fort bien : cette procédure est en effet couramment appliquée par les maisons de ventes anglo-saxonnes. Mais alors, pourquoi enserrer cette vente dans des conditions de publicité et, surtout, de prix déraisonnables, voire absurdes, c'est-àdire à un niveau de prix qui n'a précisément pas permis la vente ? Sixièmement, pourquoi enserrer la faculté, également largement utilisée hors de nos frontières, de garantie du prix de vente au vendeur dans des conditions excessives de montant ou d'assurance ? En septième lieu, pourquoi truffer le conseil de ventes volontaires institué à l'article 18 de fonctionnaires au lieu de l'ouvrir largement aux professionnels, à tous les professionnels, y compris les commissaires-priseurs, bien sûr, mais aussi les experts, les galeristes, les huissiers, les notaires et les personnels concernés ? En huitième lieu, alors que le texte vise précisément à moraliser les ventes publiques, pourquoi laisser ouverte la possibilité de voir opérer les experts autoproclamés de tout poil à côté des experts agréés, pourtant longuement reconnus dans la loi, aux articles 28 à 34 ? Restent enfin les interrogations sur l'indemnisation prévue dans la dernière partie du texte.

Je le redis sans illusion : il est bien évident que le sort réservé aux commissaires-priseurs, profession qui ne figure pas parmi les plus défavorisées dans notre société, ne fera guère pleurer dans les chaumières.

On sait que Jacques Toubon avait initialement prévu de débloquer quelque 2,3 milliards de francs pour indemniser les 456 commissaires-priseurs répartis en 326 offices.

On sait aussi que cette somme a été divisée par deux, puis encore une fois par deux par Bercy sous le gouvernement Jospin, pour atteindre aujourd'hui 450 millions de francs, soit à peu près un million de francs par commissaire-priseur. Le tout, naturellement, sans que la moindre larme ne soit versée.

Au-delà du mode de calcul, sur lequel nous débattrons ultérieurement, et du fondement juridique de l'indemnisation, à propos duquel j'avoue ne pas très bien avoir compris votre raisonnement, madame la ministre, le niveau d'indemnisation retenu pose problème dans au moins trois domaines.

En premier lieu, pour les jeunes commissaires-priseurs qui viennent de s'installer et qui, pour ce faire, ont dû s'endetter. Dans de très nombreux cas, l'indemnisation, surtout si elle est échelonnée dans le temps, ne suffira pas à garantir la viabilité de l'entreprise. On estime que la loi détruira la moitié des offices actuels.

Ainsi se pose, en second lieu, le problème de l'indemnisation des salariés de ces études. Les responsables du personnel que j'ai pu auditionner envisagent la perte de 3 500 emplois, souvent qualifiés, dans les trois ans. Que compte faire le Gouvernement en la matière ? Nous sommes loin, en tout cas, des largesses accordées à d'autres catégories professionnelles, comme les dockers ou certains employés d'entreprises publiques qui ont subi des restructurations.

En troisième lieu, et vous permettrez à l'élu parisien le plus directement concerné de soulever ce problème, quid de Drouot ? Avec des infrastructures uniques au monde - 30 000 mètres carrés, vingt-cinq salles d'exposition, 2 000 ventes annuelles et quelque 6 000 visiteurs par jour -, Drouot est le véritable coeur du marché de l'art parisien et français.

Propriété de la Compagnie des commissaires-priseurs de Paris, Drouot fait vivre plusieurs milliers de personnes, une centaine de galeries situées à proximité, bref toute une vie culturelle au coeur de Paris. Qu'adviendra-t-il de cette institution dès lors qu'aucun financement spécifique n'est prévu pour la pérenniser, alors même que les maisons de ventes anglo-saxonnes notamment, mais pas seulement elles, ont déjà installé leur propre salle d'exposition et de vente ? Telles sont quelques-unes des questions qui se posent à l'examen de ce projet. Je souhaite que nos travaux nous permettent, loin de toute mauvaise querelle idéologique, d'apporter ensemble les réponses les plus efficaces possible au problème qui nous est posé : la défense du marché de l'art français et, par-delà, de notre patrimoine national.

C'est en fonction des réponses que vous voudrez bien donner à ces questions que le groupe RPR déterminera son attitude pour le vote de ce texte. (Applaudissementss ur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jean Vila.

M. Jean Vila.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme des ventes volontaires de meubles aux enchères


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publiques, reporté depuis plusieurs années et qu'il nous est demandé d'examiner aujourd'hui, tire son origine de la nécessaire mise en conformité de notre législation avec les exigences communautaires.

En effet, sous l'impulsion de plaintes déposées par des maisons de ventes anglo-saxonnes qui visent le marché français, notre pays est, depuis 1995, mis en demeure par la Commission européenne d'adapter la réglementation interne de ces ventes au traité de Rome. On y voit aussi, bien évidemment, comme le rappelle l'exposé des motifs du projet, l'occasion de « donner aux professionnels français les moyens de faire face efficacement à la concurrence de leurs homologues étrangers ». Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit ! P our atteindre cet objectif, vous nous proposez, madame la ministre, de moderniser le secteur des ventes aux enchères publiques en adaptant les structures d'exercice aux nouveaux marchés tout en « maintenant un encadrement juridique garantissant la transparence et la sécurité des opérations ». Des dispositions qui nous sont ainsi proposées, le projet déduit qu'il permettra « à la France de s'affirmer sur la scène internationale du marché de l'art ».

Très prosaïquement, ce projet procède, sous couvert d'exigence européenne, à une libéralisation du marché entraînant la suppression du monopole traditionnel français dont bénéficient depuis toujours nos commissairesp riseurs. Absence de monopole, libre concurrence, absence de tarif imposé, utilisation de techniques de vente comme la transaction de gré à gré, avances sur fonds propres ou garantie des prix sont les conséquences directes de cette perspective.

On comprend, dans ces conditions, les précautions que vous souhaitez intégrer dans le projet pour éviter le pire, eu égard à l'importance que revêt cette réforme pour le patrimoine artistique de notre pays, la profession de commissaire-priseur et les emplois induits dans les métiers d'art et de services.

Une ouverture à la concurrence mal préparée risquerait en effet de fausser le jeu de la concurrence au détriment de la France.

Il importe que la réforme permette à notre pays d'affronter ses concurrents à armes égales si l'on ne veut pas que Londres investisse la place de Paris.

L'enjeu est d'autant plus important que nous allons passer d'une conception spécifiquement française - l'Etat est le gardien du patrimoine national - à une large ouverture du marché de l'art français, qui devrait, selon l'expression consacrée, permettre à « la France de reprendre la place qu'elle a perdue sur le marché mondial de l'art ».

Qui ne pourrait être acquis à cette idée ? Personne et certainement pas nous. Surtout quand on connaît la situation difficile dans laquelle se trouve la France, dont l'état des lieux a été dressé par notre collègue Pierre Lellouche dans son rapport sur l'ouverture européenne du marché de l'art.

Quelques chiffres témoignent des légitimes inquiétudes formulées par les autorités françaises, mais aussi par les professionnels.

Alors que le marché européen croissait de 27 %, le montant des ventes d'oeuvres d'art par la France diminuait de 24 % entre 1993 et 1994 et 1996 et 1997, et le solde entre ses exportations et ses importations d'objets d'art se traduisait par une hémorragie estimée à 2 milliards de francs par an environ.

Pourtant, il n'y a pas pénurie d'objets ou d'oeuvres puisque les exportations sont abondantes ; pourtant, les collectionneurs français existent encore et les collectionneurs étrangers viennent encore à Paris pour y acheter ; pourtant, les professionnels français du marché de l'art démontrent régulièrement leurs capacités.

Pour quelles raisons la France semble-t-elle vouée aujourd'hui à devenir un marché d'exportation de notre patrimoine ? Des garanties suffisantes sont-elles proposées concernant la TVA à l'importation, le droit de suite, la protection du consommateur ou encore la profession de commissaire-priseur ? Compte tenu du régime juridique français des ventes aux enchères publiques, très particulier en Europe, force est de constater que nous avons beaucoup à préserver, notamment tout ce qu'induit l'idée selon laquelle l'Etat est garant du patrimoine national, donc du marché de l'art.

Ainsi, avec les différents mécanismes mis en place, tant du point de vue juridique que fiscal, l'Etat a permis de concilier le prix du marché, la protection des richesses nationales, la protection du vendeur et de l'acheteur.

L'intervention de l'Etat, renforcée par son droit de rétention, d'interdiction de sortie du territoire ou de préemption, caractérise le marché de l'art français.

Dans ce contexte, les commissaires-priseurs, officiers ministériels, assument une responsabilité professionnelle tout à fait spécifique pour exercer une activité monopolistique.

La réforme proposée vise à supprimer leur monopole en confiant l'organisation et la réalisation des ventes volontaires à de nouvelles sociétés de forme commerciale à objet civil qui pourront prendre la forme de société cotée en bourse ou de société unipersonnelle.

En ouvrant le marché de l'art français aux maisons étrangères afin de respecter les exigences européennes, est-il raisonnablement envisageable de protéger notre patrimoine contre les agissements des multinationales Sotheby's et Christie's, qui détiennent 95 % du marché mondial et qui, au gré des disparités fiscales et économiques, déplacent les oeuvres d'art dans le monde ? Le projet qui nous est présenté, partant d'un constat réel, celui du déclin de la France quant à son activité, propose de doter notre pays de moyens lui permettant de faire face, à armes égales, à ses concurrents.

Je ne développerai pas dans le détail les lignes de force du projet que vous nous présentez, madame la ministre.

Je ferai seulement part de quelques inquiétudes que nous inspirent la libre concurrence, l'ouverture du marché français à la libre prestation de services, le dispositif d'indemnisation des commissaires-priseurs et les licenciements qui vont en découler, inquiétudes d'ailleurs partagées par les professionnels que j'ai reçus.

Vous me permettez d'insister sur les licenciements qui frapperont le personnel salarié des offices de commissaires-priseurs sous prétexte de libéraliser de ce secteur d'activité.

Il était regrettable que le projet de loi initial n'apporte aucune précision en matière d'indemnisation des personnels licenciés, renvoyant purement et simplement ces salariés à la convention nationale du personnel limitant l'indemnisation à trois vingtièmes de mois de salaire par année d'ancienneté, et fixant le maximum à quatre mois de salaire.


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Cette convention collective minimum ne nous semblait pas acceptable et c'est pourquoi, nous nous félicitons de l'adoption par le Sénat d'un amendement proposé par mon ami Robert Bret, semblable à celui de la commission du Sénat, qui prévoit des indemnités de licenciement calculées à raison d'un mois de salaire par année d'ancienneté dans la profession, dans la limite de trente mois, lesquelles sont prélevées sur l'indemnisation versée au commissaire-priseur dans le cas où ce dernier décide de poursuivre son activité sous une forme commerciale.

Cette disposition vise à éviter d'encourager les licenciements et, en outre, son coût n'est pas excessif. Nous souhaitons vivement qu'elle soit maintenue en première lecture à l'Assemblée nationale.

Concernant l'indemnisation prévue pour les commissaires-priseurs en contrepartie de la perte de leur monopole, la méthode d'évaluation retenue par le projet part du principe que, même après la disparition du monopole, les offices conserveraient une valeur certaine du fait de l'existence de leur clientèle.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Bien sûr !

M. Jean Vila.

Il est prévu d'allouer aux commissairespriseurs 450 millions de francs.

Par ailleurs, je me fais l'écho des commissaires-priseurs de province, qui comprennent mal le mode d'indemnisation retenu pour les études de Paris et celles de province.

Les commissaires-priseurs de province, qui assurent le maillage du territoire, sont tout aussi menacés par l'ouverture à la concurrence.

La part des objets de luxe étant minime dans leur activité, ils pourront moins encore que Paris résister à la concentration inévitable du marché. A tout le moins, il conviendrait de rétablir l'équité entre Paris et la province pour le mode d'indemnisation.

Avant de conclure mon propos, j'aborderai brièvement la question du droit de suite, qui constitue, nous dit-on, une puissante incitation à délocaliser les oeuvres d'art vers les marchés étrangers, anglais et américain notamment, où le droit de suite n'existe pas.

Le dossier du droit de suite est aujourd'hui bloqué par les gouvernements britannique, luxembourgeois et autrichien, au détriment du marché français.

Pour pallier ce handicap, il suffirait que la directive européenne sur l'harmonisation européenne du droit de suite soit adaptée, et impose le même cadre à tous les pays de l'Union européenne afin d'éviter les distorsions de concurrence constatées aujourd'hui.

La ténacité avec laquelle la Grande-Bretagne s'oppose à cette harmonisation européenne ne laisse rien présager de bon quant aux résultats qu'aura la réforme qui nous est proposée.

Paris reprendra-t-il la place que lui a ravie Londres ? Ce n'est pas l'objectif que vous vous êtes fixé, madame la ministre, nous le savons.

Si nous sommes acquis à l'idée d'une réforme des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, nous souhaitons que l'abandon du monopole et la libre concurrence telle que vous l'envisagez soient entourés des plus grandes garanties.

Nos interrogations sont d'autant plus vives que les dispositions du projet ont permis à la majorité sénatoriale d'accentuer les effets d'une libéralisation accrue qui n'est bonne ni pour la France ni pour la sauvegarde de son patrimoine national.

En l'état, il nous semble difficile de voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Les commissaires-priseurs de province, qui représentent les trois quarts des commissairespriseurs français, sont établis dans 262 villes dont une grande majorité ont moins de 50 000 habitants, et contribuent, par ce maillage, à assurer, outre leur mission de service public, un service de proximité à l'usage des consommateurs, conformément à la volonté de l'Etat.

Le meilleur exemple en est les ventes de biens d'équipement et les ventes dites courantes, du réfrigérateur à la voiture en passant par le canapé-lit et la bétonnière, qui représentent une part importante dans leur emploi du temps. Ces vacations concernent, par leur objet et leur quantité, plusieurs centaines de milliers de consommateurs par an, permettant notamment à une clientèle socialement modeste de s'équiper au meilleur prix. Par ce brassage social, ethnique et culturel, leurs hôtels des ventes constituent des points privilégiés d'intégration et d'animation de la cité, tenant à la fois du marché de quartier et de la salle de spectacle.

Les activités s'articulent autour de deux secteurs dont seule la synergie permet à leurs entreprises d'être viables : les expertises et ventes judiciaires - de 20 % à 40 % de l'activité en moyenne - et les expertises et ventes volontaires qui représentent de 40 % à 60 % de l'activité en moyenne.

Dans le domaine judiciaire, leur intervention se fait essentiellement dans le cadre des procédures de règlement judiciaire et de liquidation de biens, où ils jouent le rôle de courroie de transmission entre la juridiction commerciale et les entreprises, artisans, commerçants et agriculteurs en difficulté. Cette activité est essentielle du point de vue économique, puisque la valorisation des actifs mobiliers qu'ils établissent a des répercussions immédiates sur le devenir des entreprises, mais elle se double d'un rôle de terrain délicat face à des justiciables souvent fragilisés par leur situation et qui trouvent dans le commissaire-priseur un interlocuteur neutre, à même de dédramatiser, d'écouter et de conseiller ; dimension humaine devenue irremplaçable et justifiant qu'ils s'acquittent de cette mission alors même que, pour la grande majorité d'entre eux, celle-ci ne serait économiquement pas rentable sans l'apport du volontaire.

Dans le domaine volontaire, hormis les biens d'équipement déjà évoqués, leur intervention se fait essentiellement dans le domaine des ventes de mobilier ancien, tableaux et objets d'art. Contrairement à certaines idées reçues, la province est particulièrement dynamique dans ce secteur et un grand nombre d'hôtels des ventes, même dans de toutes petites villes, ont acquis une notoriété qui rejaillit positivement sur leur cité et conditionne la saine irrigation du marché de l'art français. De nombreuses spécialités ont été développées par les provinciaux, dans lesquelles ceux-ci sont devenus des leaders européens, voire mondiaux. Pour mémoire, la province représente 60 % du chiffre annuel des ventes publiques en France.

Ainsi, par leurs interventions variées, par leur implication constante dans les domaines économique, artistique et même social, les commissaires-priseurs de province se sont imposés comme des acteurs incontournables de la vie locale. Ils le doivent à leur compétence, et non à un quelconque statut. Hommes et femmes de terrain, travaillant plus dans l'ombre que sous les projecteurs médiatiques, réservés à quelques ventes parisiennes, ils n'ont pas attendu l'annonce d'une réforme pour opérer leur muta-


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tion. Les plus dynamiques se sont positionnés sur de nouveaux marchés, beaucoup ont modernisé leur hôtel des ventes et ont fait le pari du développement, embauchant des collaborateurs et du personnel. Tous se sont efforcés de concilier l'exigence du service public et le développement du marché de l'art.

Cela n'a été possible que par un rajeunissement de la profession - près de 40 % des effectifs sont constitués de jeunes installés depuis moins de dix ans - et un endettement important : les statistiques du syndicat de province font apparaître un endettement professionnel moyen de l'ordre d'un million de francs.

En conséquence, les commisseurs-priseurs de province attendaient de la réforme des ventes aux enchères, d'une part, qu'elle pérennise un cadre d'exercice sûr pour les consommateurs, garanti par le haut niveau de connaissances des commissaires-priseurs, tout en y apportant les modernisations et adaptations rendues nécessaires, et, d'autre part, qu'elle leur donne les moyens financiers, par le biais de l'indemnisation, de faire face à la concurrence étrangère, cette double exigence étant la condition sine qua non de la survivance d'un marché de l'art en France, mais également de la poursuite d'une mission de service public sur tout le territoire national.

C'est pourquoi le projet de loi présenté par le Gouvernement doit être amendé afin de permettre aux commissaires-priseurs de province de continuer à assurer leur mission, dans le respect du consommateur, sur un marché des ventes aux enchères publiques volontaire, sain, équilibré et équitable.

Il importe en particulier de leur donner le temps et les moyens indispensables à la réorganisation de leur activité, dont l'équilibre est profondément affecté par la réforme.

Cela passe notamment par l'allongement de la période transitoire pendant laquelle ils seront autorisés à réaliser des ventes volontaires, concurremment avec les nouvelles sociétés de ventes, et avec de justes modalités d'indemnisation.

(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, beaucoup des problèmes soulevés par ce texte ont été abordés par les orateurs précédents. Pour ma part, j'évoquerai essentiellement les ventes aux enchères par voie électronique, non pas sous la pression des leçons de modernité que tente en vain de nous donner l'opposition, mais tout simplement parce qu'il s'agit d'un enjeu essentiel.

Mme Odette Grzegrzulka.

Il a raison !

M. Christian Paul.

Et si ce texte répond bien sûr à d'autres urgences, françaises et européennes, il nous faut engager le débat en posant quelques jalons et peut-être en esquissant une stratégie dès l'examen en première lecture par l'Assemblée nationale.

F orce est de constater que les conditions dans lesquelles sont portées les enchères depuis la loi du 27 ventôse an IX offrent peu de parenté avec les moyens de communication électroniques, qui, depuis dix ans, ont tellement évolué. Qu'il s'agisse de communiquer, de travailler, d'apprendre, d'accéder à l'information, à la culture et aux loisirs, l'émergence d'Internet suscite des perspectives immenses, y compris pour le commerce électronique. L'ensemble des transactions sur Internet sera passé de 1,5 milliard de francs en 1994 à 40 milliards environ fin 2000.

Dans cette économie des réseaux, l'application du texte dont nous débattons aujourd'hui n'est pas la simple formalité que semble nous proposer l'article 2 bis adopté par les sénateurs. Pour s'en convaincre, il suffirait de lire les débats du Sénat : au rapporteur, qui émettait des doutes sur le fait que cet amendement règle tous les problèmes, son auteur, le sénateur Gouteyron, répondait en avouant que le sujet méritait approfondissement, tandis que d'autres membres de la Haute assemblée appelaient sagement à la prudence. Apparemment, ils n'ont pas été entendus.

Le texte du Gouvernement, avant d'être amendé par le Sénat, s'appliquait aux enchères en ligne, dès lors que celles-ci répondent aux trois critères de la loi. Je ne doute pas que vous aurez l'occasion de le préciser, madame la ministre.

Pour autant, peut-on être convaincu que le système des ventes aux enchères publiques, que nous allons moderniser et sécuriser, est transposable en l'état et sans adaptation, à l'Internet ? Cette interrogation est tout d'abord inspirée par la très grande diversité des enchères sur Internet. Trois types d'opérateurs, au moins, cohabitent sur les réseaux : les opérateurs traditionnels, les salles des ventes, de nouveaux opérateurs, nés avec l'Internet, mais s'intéressant essentiellement au marché de l'art - on a cité tout à l'heure le site N@rt.fr, qui est hébergé, en effet, dans la Silicon Valley ; enfin, de nouveaux opérateurs, commercialisant des biens et services de toute nature et à faible prix, avec des coûts d'intermédiation très faibles rendus possibles par Internet.

Aussi, pour transposer en bloc le modèle des enchères publiques, que ce texte va régir, aux enchères publiques en ligne, il nous faudra mieux connaître et analyser les nombreuses contraintes spécifiques : l'identification des p arties, la preuve du consentement et du contrat, l'authentification et la confidentialité des messages, la localisation des acheteurs, des vendeurs et du site, et, bien sûr, la loi applicable et le tribunal compétent. Nous sommes loin, en effet, des enchères traditionnelles.

Nombre de ces questions ont fait l'objet de réflexions de la part du Gouvernement - et pas seulement de réflexions - dans le cadre du programme d'action gouvernemental sur la société de l'information, et, dans les mois à venir, plusieurs projets de loi seront présentés, concernant chacune de ces contraintes.

L'un d'entre eux, relatif à la force probante de la signature électronique pour garantir la protection des données personnelles, a déjà été soumis au Conseil des ministres.

Il est tout à fait essentiel, y compris pour le sujet dont nous discutons ce soir.

Cette démarche est dictée par le souci d'accroître les garanties des consommateurs, tout en renforçant la confiance des utilisateurs dans les nouvelles technologies.

La vente de biens d'occasion aux enchères sur Internet mérite donc bien un regard plus attentif qu'une disposition approximative et un affichage au détour d'un texte législatif, comme celui qui nous revient du Sénat.

Dans ce contexte, la dimension européenne doit être l'une des bases de la réflexion législative et de notre action. Permettez-moi de vous rappeler que la directive européenne relative au commerce électronique est actuellement en phase finale d'adoption.

La problématique qui s'offre à nous n'est donc pas de légiférer dans l'urgence, mais de nous assurer d'un cadre donnant les meilleures garanties au consommateur lors de la transaction.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

Nous vivons dans un monde où de nouveaux équilibres juridiques sont à construire. A nous de faire peuve d'imagination.

Pour toutes ces raisons, il me semble opportun de repousser l'intégralité de l'article 2 bis.

M. Pierre Lellouche.

Il est urgent de ne rien faire !

M. Christian Paul.

Ce n'est pas que le sujet ne mérite pas une expertise et des solutions, mais cette précipitation ne me paraît pas de bon aloi,...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Très juste !

M. Christian Paul.

... au moment où le Gouvernement mène une consultation sur la future loi relative à la société de l'information. Je plaide donc pour qu'une réflexion s'engage rapidement avec le Gouvernement, autour de notre rapporteuse, Nicole Feidt.

Plusieurs objectifs devront présider à cette réflexion : la protection des consommateurs, qui est l'objectif principal ; la sécurité des transactions ; le régime de responsabilité ; et plus globalement, la nouvelle chance à donner aux entreprises françaises, sociétés de vente venant de l'Internet et entreprises nouvelles, en évitant - cela a été souligné à juste titre - leur délocalisation, qui aurait pour conséquence de faire perdre à la France cette activité économique, mais surtout de dégrader les garanties des consommateurs.

Nous sommes face à l'un des premiers cas concrets d'adaptation du droit à la société de l'information. L'Internet n'est pas hors du droit. Le droit commun s'y applique, quelles que soient les difficultés pratiques que l'on sait.

M. Pierre Lellouche.

Alors, disons-le !

M. Christian Paul.

Il permet déjà de régler certains différends.

Mais des adaptations sont nécessaires, lorsque nous légiférons, pour prendre en compte un environnement nouveau caractérisé par l'internalisation des échanges, l'émergence de modèles économiques dans lesquels les valeurs ajoutées se créent de façon nouvelles, des règles de responsabilité et de sécurité juridiques marquées par le sceau d'une complexité nouvelle.

Il convient par conséquent de ne pas créer de « lignes Maginot » juridiques, qui seraient autant de fausses défenses.

M. Henri Plagnol.

Très bien !

M. Christian Paul.

Et les cocoricos de M. Lellouche n'y changeront rien.

M. Pierre Lellouche.

Courage, fuyons, monsieur Paul !

M. Christian Paul.

Prenons acte que la révolution numérique réclame des adaptations juridiques,...

M. Henri Plagnol.

Voilà !

M. Christian Paul.

... qui pourront trouver place en seconde lecture ou dans un texte plus global sur la société de l'information.

M. Pierre Lellouche.

Ben voyons !

M. Christian Paul.

Cet enjeu n'est pas oublié. Les professionnels et tous ceux qui sont désireux de dynamiser le rôle de la France en la matière ne nous reprocheront pas de prendre le temps de les mieux consulter. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Pierre Lellouche.

C'est un peu court !

M. Henri Plagnol.

On reste sur sa faim.

M. le président.

La parole est à Mme Nicole Ameline.

M me Nicole Ameline.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comment ne pas s'associer à l'ensemble des observations formulées à l'instant à cette tribune ? Elles traduisent à la fois la satisfaction de voir enfin ce texte examiné, mais aussi l'amertume et la déception eu égard au décalage constaté entre les besoins d'une profession confrontée aujourd'hui à une concurrence internationale particulièrement vive, dont on voit la traduction dans les chiffres, et la réalité des mesures proposées.

Réforme utile donc, mais réforme a minima, car, à l'évidence, elle laisse de côté le champ des contraintes qui, depuis des années, n'ont cessé d'entraver l'exercice de la profession. Du reste, celle-ci a vécu un paradoxe : apparemment protégée par un monopole, elle s'est en réalité fragilisée et mal adaptée à l'évolution du marché.

Pour retrouver la première place dans le monde, elle ne pourra se satisfaire des mesures d'adaptation initiées par ce texte, aussi nécessaires et positives soient-elles. Il faudra aller plus loin et tenir compte des réalités d'aujourd'hui, notamment d'Internet. N'attendons pas que les faits précèdent le droit.

Chacun est conscient que, au-delà de l'enjeu culturel, le marché de l'art, avec ses opérateurs principaux et les secteurs d'activité qui l'accompagnent, parmi lesquels l'artisanat, représente un secteur économique essentiel, sans compter l'image, l'identité et le rayonnement qu'il donne à notre pays.

Néanmoins, l'analyse comparée des chiffres - je n'y reviendrai pas - traduit une véritable régression, parfaitement inacceptable.

Et derrière la sécheresse des chiffres se dresse un constat : les facteurs négatifs accumulés, qu'ils soient fiscaux, sociaux, législatifs ou réglementaires, représentent autant d'entraves.

La réforme, indispensable, doit donc procéder d'une réflexion globale sur ces contraintes, mais elle est également indissociable d'une approche plus cohérente au niveau européen.

De ce point de vue, redonner de véritables chances de compétitivité aux professionnels du marché de l'art, dont on connaît la qualité et le dynamisme, impose d'abord de faire des choix internes clairs.

A cet égard, nous l'avons tous dit, des correctifs devront être apportés au texte. Des solutions plus justes, plus équitables, devront être trouvées en matière d'indemnisation, car le mode d'estimation proposé, à l'évidence, n'est pas adapté à la situation.

Dans la recomposition, il faut également donner aux organismes professionnels une véritable représentativité, sans tomber une fois de plus dans la lourdeur administrative des procédures et des obligations. Des amendements allant dans ce sens seront bien évidemment proposés.

Il faut aussi supprimer toute entrave nouvelle, et notamment la taxe de 1 % sur les ventes destinée au financement du fonds d'indemnisation.

En réalité, le problème essentiel vient de cette accumulation de facteurs négatifs qui créent des obstacles autant financiers que psychologiques. Ce projet de loi n'est d'ailleurs pas détachable de la réflexion sur l'Europe et sur la fiscalité dans notre pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

En France, sur les cinq taxes qu'une vente publique est susceptible de supporter, la TVA sur les ventes, la taxe sur les plus-values, le droit de reproduction, la TVA à l'importation et le droit de suite, trois sont à l'origine de graves distorsions, facteurs réels de délocalisation : le droit de reproduction, la TVA à l'importation et le droit de suite.

Ces questions dépassent le cadre strict du texte. Néanmoins, elles me semblent indissociables de la réflexion que nous devons mener, car la France, dans le cadre du marché européen, est en situation aggravée, puisque le volume d'affaires y est particulièrement important et que la pression fiscale y est renforcée.

P renons l'exemple du droit de suite. L'absence d'harmonisation de cette taxe à l'échelle européenne est source d'inégalités dans la protection des artistes plasticiens, mais elle engendre également des distorsions de concurrence préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur. Et quelle que soit la nature juridique de ce droit - on sait qu'elle est différente de celle de la TVA -, il a les mêmes effets économiques défavorables sur le marché.

Certes, on peut être tenté de soutenir - et je ne suis pas très loin de le penser - que la meilleure solution ne consiste pas à harmoniser les législations relatives au droit de suite, mais à les abroger dans les Etats où elles existent. Ce serait sans doute préférable pour le marché de l'art européen. Toutefois, d'une manière plus réaliste, on peut douter de la volonté de la majorité des Etats membres de le faire, d'autant que la plupart des Etats d'Europe centrale et orientale qui ont vocation à rejoindre l'Union européenne viennent d'en reconnaître le principe.

On peut tout autant douter de la pertinence de la thèse, soutenue par quelques-uns, selon laquelle on tendrait à l'universalisation de ce droit. Car, à l'évidence, l'incidence financière est directe et le risque de délocalisation est aggravé.

En conséquence, la France, durement pénalisée, doit inspirer une réforme du droit de suite, incluant le passage à des taux significativement réduits et dégressifs.

Derrière ce texte, un enjeu très fort se dessine, madame la ministre : souhaitons-nous réellement donner au marché de l'art ses chances de réussite en Europe et dans le monde ? Je pense que vous en avez la volonté politique, mais ce texte n'en offre pas véritablement tous les moyens. Il faut ouvrir ce marché, faire confiance à ses opérateurs, qui n'ont pas peur de la concurrence. Il faut les soumettre à des règles du jeu équitables et égales.

Le dossier doit donc être complété par une réforme fiscale, et je reprendrai certaines propositions que vient de faire M. Pierre Lellouche, notamment l'ouverture du marché de l'art à une nouvelle clientèle par des procédures de défiscalisation.

Le dossier n'est donc pas clos. Il exige davantage encore de volonté, d'ambition et une clarification des choix politiques du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le Président, mesdames, messieurs les députés, je ne répondrai pas dans le détail aux interventions fort nourries des orateurs qui se sont succédé à la tribune. Nous avons pu mesurer, à travers les chiffres qui ont été rappelés et l'inquiétude qui a été exprimée, l'enjeu, pour notre pays, d'une réforme des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et ses conséquences sur le marché de l'art.

Le projet de loi du Gouvernement prend appui - cela a été souligné - à la fois sur la compétitivité des pr ofessionnels français et sur la nécessité d'une ouverture européenne, conditions essentielles pour un nouveau dynamisme du marché de l'art en France.

Bien sûr, je relève que vous avez insisté sur la compétence des professionnels et sur les garanties juridiques, point fort du dispositif. Mme la rapporteuse l'avait déjà souligné dans son rapport. J'en profite pour lui réitérer la reconnaissance du Gouvernement.

M. Houillon et M. Plagnol, notamment, s'accordent à admettre que ce gouvernement a su traiter un sujet vis-àvis duquel ses prédécesseurs n'avaient pas eu le même soin. Je les remercie de l'avoir reconnu. Hélas, notre accord, qui porte sur la nécessité d'agir, ne va guère audelà. Et, à les entendre, je crois comprendre que le meilleur moyen de développer les ventes aux enchères publiques en France serait de reprendre le modèle anglais, et en particulier de suivre ce qu'a écrit M. Tony Blair au Premier ministre, Lionel Jospin.

M. Pierre Lellouche.

M. Blair a raison !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le texte du Gouvernement sécurisera les transactions ; il renforcera et donc développera le marché de l'art en France - et vous savez que j'y suis très attachée.

Mais quel sens et quel objet a-t-il ? Les rapports conséquents qui ont été écrits sur le sujet par MM. Chandernagor, Lellouche et Douyère, ainsi que celui de Mme Feidt, sont autant de contributions au débat. Sur cette base, travaillons avec tous les intéressés : les professionnels qui interviennent dans la vente, mais aussi les artistes.

N'oublions pas les artistes, qui vivent de leurs créations, mesdames, messieurs les députés. Le marché de l'art ne se résume pas aux objets anciens ; il inclut également l'art contemporain. Et si nous voulons développer le marché de l'art, c'est aussi pour permettre aux artistes de travailler.

Voilà pourquoi il est réducteur d'aborder le problème du droit de suite en partant du marché ou du risque de délocalisations. Je me permets de vous dire qu'il n'y a pas qu'une réalité lorsque l'on considère une taxation. Et il faut se référer en premier lieu à celui ou à celle à qui ce droit bénéficie. En l'occurrence, le droit de suite bénéficie aux artistes ou à leurs descendants, puisqu'il s'agit d'une sorte de droit d'auteur, et non pas d'une quelconque assurance sociale des artistes, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Il y a une sécurité sociale des artistes.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Quant à la TVA à l'importation, aujourd'hui, tous les pays européens l'appliquent, y compris le Royaume-Uni.

M. Henri Plagnol.

A cause de nous !

M. Pierre Lellouche.

Et nous en sommes les principales victimes !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Et le Gouvernement français a toujours pour objectif de voir appliquer des règles uniformes dans tout l'espace


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

européen ; cela vaut pour le taux de TVA ou du taux du droit de suite, lequel profite aux artistes contemporains peu fortunés, et non pas aux plus riches.

M. Pierre Lellouche.

Mais non ! Vous n'y connaissez rien ! Renseignez-vous auprès de la sécurité sociale des artistes !

M. le président.

Monsieur Lellouche !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je suis obligée de rappeler que les sommes collectées chaque année dépassent 10 millions de francs et qu'elles sont réparties entre les artistes qui ont choisi la gestion collective - en majorité, il ne s'agit pas des grandes familles d'artistes, qui sont bien connues. On médiatise toujours les mêmes cas. J'aimerais bien que l'on parle aussi des autres.

En ce qui concerne le statut des professionnels et la fiscalité, en particulier la TVA et l'ISF, et si l'on écoutait

M. Lellouche, il faudrait tout changer.

M. Henri Plagnol.

Oui !

M. Pierre Lellouche.

Y compris le Gouvernement !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Cela aurait pu être fait plus tôt. Et que diable ! depuis le

XIIIe siècle, la situation a tout de même évolué ! Dans le cas contraire, il aurait été loisible d'agir au cours des dernières années, d'autant que les résultats du marché de l'art étaient déjà détériorés.

Il est bien commode également de mettre en cause une prétendue inertie des professionnels. S'ils ne se sentent pas écoutés ni soutenus dès le départ, il est bien évident que les choses ne peuvent guère avancer.

M. Pierre Lellouche.

Vous avez été seize ans au pouvoir au cours des vingt dernières années ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Lellouche, je vous en prie !

Mme la ministre a seule la parole.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je vous ai écouté attentivement et je vous réponds, monsieur Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

C'est incroyable, on a l'impression qu'ils viennent d'arriver !

M. Jean-Noël Kerdraon.

Ça suffit !

M. le président.

Monsieur Lellouche, vous n'avez pas la parole !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

En 1950, la France était en première position sur le marché de l'art. Depuis, la situation s'est dégradée et, dans l'intervalle, vous avez passé plus d'années au pouvoir que la gauche. Il nous faut tous accepter les bons et les mauvais moments : c'est une responsabilité collective.

M. Henri Plagnol.

Oui !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Nous devons travailler à la fois pour développer le mécénat, pour améliorer la place de la France sur le marché international, pour nous inscrire dans un espace européen consolidé, tout en renforçant la sécurité des vendeurs et des acheteurs. Tels sont les objets de cette loi. Elle apporte en outre, il faut le préciser, la création de la Compagnie des commissaires-priseurs judiciaires de Paris, qui permet de maintenir Drouot, objectif que les dispositions précédentes n'avaient pas pris en compte.

Je remercie M. Lambert de son soutien éclairé.

Je répondrai dans la discussion des amendements à la plupart de ses observations. Mais je souhaite d'ores et déjà lui indiquer que le Gouvernement est prêt à examiner, lors de la navette, les situations des commissairespriseurs récemment installés et pour lesquels l'indemnisation légalement prévue pourrait se révéler insuffisante. Il m'a d'ailleurs remis des dossiers sur lesquels je lui ferai prochainement connaître mon analyse.

J'ai entendu le souhait de M. Jean Vila de mettre en oeuvre des dispositions sociales plus favorables pour le personnel des études. Je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée en ce qui concerne l'amendement adopté sur ce point au Sénat.

M. Christian Martin a rappelé le rôle de médiateur culturel et économique qui est celui des commissairespriseurs en région. Je l'en remercie, car ce rôle est très important. Il est dans la volonté du Gouvernement d'aider les commissaires-priseurs à franchir l'étape de l'ouverture européenne.

M. Christian Paul a bien décrit les innovations technologiques ainsi que la difficulté de percevoir l'effet d'ensemble de ces évolutions séparées. La double perspective qu'il a évoquée correspond aux intentions du Gouvernement : d'abord engager la concertation, ensuite présenter les meilleures dispositions pour ne pas entraver le développement des ventes volontaires aux enchères tout en s'assurant qu'elles présentent toutes les garanties de sécurité pour les acheteurs et les vendeurs et qu'elles s'inscrivent clairement dans la législation européenne, ce qui nous évitera d'avoir à débattre à nouveau sur les différences d'attitude d'un pays à l'autre. Il nous faut donc, non pas perdre du temps, mais prendre le temps de la concertation pour en gagner au moment où les dispositions seront applicables.

Enfin, Mme Ameline a abordé le droit de suite et son application à l'échelle européenne. Nous y travaillons. Je rappelle que ces dispositifs ne constituent pas des freins au marché de l'art : les études dont nous disposons le démontrent.

M. Pierre Lellouche.

Toutes les études, au moins une vingtaine, démontrent le contraire !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

M onsieur Lellouche, il faut examiner l'impact de l'ensemble des dispositions fiscales et il y a beaucoup d'études à ce sujet, mais ce n'est pas le droit de suite en tant que tel qui entraîne les délocalisations ou la chute du marché de l'art.

M. Pierre Lellouche.

Mais si ! Tous les professionnels le savent, il n'y a que vous pour prétendre le contraire !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

C'est un ensemble de facteurs, je le rappelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Avant l'article 1er

M. le président.

Je donne lecture de l'intitulé du chapitre Ier :

« Chapitre Ier . - Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

M. Lellouche a présenté un amendement, no 88, ainsi rédigé :

« Dans l'intitulé du chapitre Ier , après le mot : "meubles", insérer les mots : "par nature". »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

J'ai indiqué dans la discussion générale que l'intitulé de la loi souffrait d'inexactitudes qu'il serait utile de corriger.

Mais restons-en, pour l'instant, à l'intitulé du chapitre Ier . Tel qu'il est rédigé : « Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques », il pose le problème de la définition du mot "meuble". En effet, selon l'article 533 du code civil : le mot "meuble", employé seul dans les dispositions de la loi ou de l'homme, sans autre addition ni désignation, ne comprend pas l'argent comptant, les pierreries, les dettes actives, les livres, les médailles, les instruments des sciences, des arts et métiers, le linge de corps, les chevaux, équipages, armes, grains, vins, foins et autres denrées ; il ne comprend pas aussi ce qui fait l'objet d'un commerce. »

Vous conviendrez que l'acception du mot « meubles » retenue dans le projet de loi est en contradiction absolue avec celle du code civil. Je propose donc de préciser

« meubles par nature », notion elle-même définie à l'article 528 du code civil. C'est une solution qui vaut ce qu'elle vaut mais qui, en tout cas, permet de lever la contradiction.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur de la commission des lois.

Mme Nicole Feidt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La commission a accepté cet a mendement qui tend à préciser le sens du mot

« meubles » afin que la définition restrictive retenue à l'article 533 du code civil ne réduise pas le champ d'activité des sociétés de vente. Même s'il n'y a encore jamais eu de problème à ce sujet, une précision législative ne peut que clarifier cette notion.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

L'amendement de M. Lellouche tend à préciser que la loi s'appliquera aux seuls meubles par nature, à l'exclusion, par conséquent, des meubles incorporels, également appelés meubles par détermination.

Sur le fond, je suis parfaitement d'accord avec lui : il n'est pas question que les sociétés de vente puissent vendre aux enchères des meubles incorporels tels que des fonds de commerce ou des valeurs mobilières.

Cela dit, la précision qu'il souhaite apporter me paraît inutile. Il est en effet de principe constant, maintes fois réaffirmé par la jurisprudence sur le fondement des anciennes dispositions de la loi du 25 ventôse de l'an XI, que les notaires ont une compétence exclusive pour la vente de meubles incorporels.

C'est pourquoi je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée, même si j'estime que l'amendement alourdirait inutilement tant le titre que le contenu du projet de loi.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

88. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

M. Pierre Lellouche.

C'est Noël ! C'est la première fois que je place un amendement depuis 1997 !

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Et qu'est-ce qu'on dit ?

M. Pierre Lellouche.

Merci, madame la ministre ! Article 1er

M. le président.

« Art.

1er Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peuvent porter que sur des biens d'occasion ou sur des biens neufs issus directement de la production du vendeur si celui-ci n'est ni commerçant ni artisan. Ces biens sont vendus au détail et par lot.

« Sont considérés comme d'occasion les biens qui, à un stade quelconque de la production ou de la distribution, sont entrés en la possession d'une personne pour son usage propre, par l'effet de tout acte à titre onéreux ou à titre gratuit. »

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11 et 91.

L'amendement no 11 est présenté par Mme Feidt, rapporteur, et M. Tourret ; l'amendement no 91 est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 1er , substituer au mot : "et" le mot : "ou" ».

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Le cumul résultant du mot « et » aurait la conséquence, contraire à la pratique courante, d'interdire de réunir plusieurs biens en un seul lot.

M. le président.

Je constate, madame le rapporteur, que la commission a fait sien l'amendement de M. Tourret.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

C'est exact, monsieur le président.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Sagesse !

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 11 et 91.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

M. Lellouche a présenté un amendement, no 89, ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa de l'article 1er , insérer l'alinéa suivant :

« Sont considérés comme meubles par la présente loi les meubles par nature. »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Dans le même esprit de paix et de conciliation, je soumets au vote de l'Assemblée cet amend ement de coordination. Je remercie par avance Mme la ministre et mes collègues de bien vouloir l'accepter.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Favorable. C'est le deuxième amendement de M. Lellouche que nous allons voter.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Sagesse !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

89. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Là encore, monsieur Lellouche, vous faites l'unanimité.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Nous sommes trop sages !

M. Bernard Roman.

Et de deux : champagne !

M. Pierre Lellouche.

C'est le réveillon !

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art.

2. Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont, sauf dans les cas prévus à l'article 52, organisées et réalisées par des socié tés de forme commerciale régies par la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, et dont l'activité est réglementée par les dispositions de la présente loi.

« Ces ventes peuvent également être organisées et réalisées par les notaires et les huissiers de justice. Cette activité est exercée dans le cadre de leur office et selon les règles qui leur sont applicables. Ils ne peuvent être mandatés que par le vendeur des biens. »

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 44 et 107.

L'amendement no 44 est présenté par M. Lellouche ; l'amendement no 107 est présenté par M. Houillon.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Supprimer le dernier alinéa de l'article 2. »

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l'amendement no

44.

M. Pierre Lellouche.

L'article 2 est essentiel puisqu'il définit les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et précise qui les organise.

Le but de la loi est de supprimer un monopole ancien, institué en 1556 au profit des commissaires-priseurs. Mais curieusement - et je n'ai pas compris l'argumentaire de Mme la ministre - l'alinéa 2 de cet article préserve un monopole tout aussi ancien, celui des notaires et des huissiers de justice. Il est écrit, en effet, que cette activité de vente est exercée par eux « dans le cadre de leur office et selon les règles qui leur sont applicables », si bien qu'ils échappent au droit commun de la loi. Très franchement, je ne comprends pas la logique de cette disposition. Je trouve qu'elle introduit une inégalité flagrante devant la loi. Et j'y vois même, à terme, des risques de distorsion de concurrence.

Il serait souhaitable que tous les intervenants sur le marché de l'art soient mis sur un pied d'égalité, en France et à l'étranger, pour les ventes volontaires, à l'exclusion naturellement des ventes judiciaires. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.

M. le président.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l'amendement no 107.

M. Philippe Houillon.

Je me demande si cet alinéa ne comporte pas une petite erreur de rédaction dans la mesure où la formule « dans le cadre de leur office », signifie évidemment dans le cadre des activités principales des notaires ou huissiers. L'office d'un huissier de justice, par exemple, c'est essentiellement de réaliser des ventes forcées, des ventes judiciaires, des ventes sur saisie, et non pas des ventes volontaires. Cette raison s'ajoute à celles déjà exposées par M. Lellouche pour justifier l'adoption de nos amendements.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a souhaité que les notaires et les huissiers puissent, à titre accessoire, continuer à organiser des ventes aux enchères publiques « dans le cadre de leur office et selon les règles qui leur sont applicables ». Cela signifie par exemple, monsieur Houillon, qu'ils seront toujours soumis à un tarif.

Je rappelle que, dans certains départements, les notaires et les huissiers ont basé la confiance qui leur est faite sur leur travail d'officier public ou ministériel, notamment en assurant des successions. C'est encore plus important en Alsace-Moselle où ils font partie d'un maillage d'aménagement du territoire et remplissent un service public.

On ne peut en aucun cas préjuger de leur choix avant qu'ils n'aient constaté, dans les deux ans qui viennent, s'il est intéressant pour eux de persister dans cette voie en supportant la concurrence des commissaires-priseurs.

Pour ces raisons, la commission est défavorable aux amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Puisque M. Lellouche a quelques problèmes de compréhension, je vais préciser ma position.

Tels qu'ils sont rédigés, ces amendements identiques risquent de prêter à confusion. Ils peuvent signifier soit que les huissiers de justice et les notaires ne sont plus habilités à réaliser, à titre accessoire de leur mission principale, des ventes aux enchères publiques, soit qu'ils demeurent habilités à le faire, mais au travers de sociétés de vente et non plus dans le cadre de leur office. A vrai dire, je suis opposée à l'une et l'autre de ces solutions.

La faculté conférée à ces professionnels de réaliser des ventes aux enchères à titre accessoire remonte à une longue tradition. Elle rend de réels services, notamment dans les villes où il n'y a pas de commissaires-priseurs. Il n'y a donc pas de raison évidente de revenir sur ces dispositions.

En revanche, il m'apparaît tout à fait inopportun que ces professionnels puissent se lancer dans la constitution de sociétés de vente. En effet, compte tenu de l'importance de leur mission principale, il est impératif que l'activité de vente volontaire reste pour ces officiers publics ou ministériels une activité accessoire. En aucun cas, elle ne doit risquer, par son ampleur, de compromettre le bon fonctionnement de l'activité principale. Je considère d'ailleurs qu'un huissier de justice ou un notaire qui consacrerait une part principale de son activité à la gestion d'une société de vente, n'exercerait plus réellement la fonction pour laquelle il a été nommé, ce qui ne manquerait pas d'avoir à terme des conséquences sur son statut d'officier public ou ministériel.

M. Pierre Lellouche.

Nous sommes d'accord ! Vous confirmez mon argument !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Enfin, monsieur Lellouche, la situation des huissiers de justice et des notaires n'est pas comparable à celle des commissaires-priseurs qui, face à la concurrence étrangère des maisons anglo-saxonnes, que vous évoquiez vous-


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même, doivent impérativement se doter de structures commerciales qui leur permettent de réaliser des investissements. Dès lors, l'exercice dans le cadre de sociétés à forme commerciale ne s'impose pas dans les mêmes termes pour les huissiers de justice et les notaires.

Telles sont les raisons pour lesquelles, s'il m'apparaît essentiel que les huissiers de justice et les notaires soient autorisés à poursuivre l'activité de ventes volontaires, j'estime que cela ne doit pouvoir se faire que « dans le cadre de leur office et selon les règles qui leurs sont applicables ». Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Pardonnez-moi, madame la ministre, mais, même avec la meilleure volonté du monde, je ne comprends pas votre raisonnement juridique.

Premièrement, vous invoquez l'ancienneté de cette tradition pour justifier son maintien. Or la tradition des commissaires-priseurs est encore plus ancienne, et pourt ant nous allons supprimer leur monopole. Par conséquent, cet argument n'en est pas un.

Deuxièmement, M. Houillon vous a fait remarquer fort justement que l'essentiel du travail des huissiers et des notaires en ce domaine concerne les ventes judiciaires.

Vous en venez ainsi à votre argument principal, à savoir qu'ils ne doivent organiser des ventes volontaires qu'à titre accessoire. Et vous-même reconnaissez, justifiant ainsi mon propre raisonnement, que si cette activité n'était plus accessoire, cela poserait un problème de concurrence.

Non seulement il y aurait concurrence, mais notaires et huissiers ne seraient pas soumis au conseil des ventes volontaires qui est chargé de moraliser le système. Voilà des intervenants qui échapperaient au droit commun de ce marché, au régime disciplinaire, au mécanisme de contrôle instauré dans la loi. Au nom de quoi ? Je me le demande toujours et vous n'avez pas répondu.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais si !

M. Pierre Lellouche.

Si vous voulez conserver à cette activité des huissiers et notaires un caractère accessoire, faites un amendement du Gouvernement qui le spécifie.

Je suis d'ailleurs curieux de sa rédaction. Mais, dans l'état actuel du texte, vous créez une inégalité devant la loi et vous prenez le risque d'un dérapage, puisque vous faites échapper deux professions au contrôle du conseil des ventes volontaires.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Le dernier numéro de la Gazette de l'Hôtel Drouot, qui nous a été montré par un membre de la commission des lois, la semaine dernière, fait état d'une très grande vente organisée à Paris par une étude d'huissiers. On est très loin de ces ventes en effet accessoires qui peuvent avoir lieu à Vire, petite commune de province que je représente à l'Assemblée nationale.

M. Christian Paul.

Petite, mais célèbre ! (Sourires.)

M. Alain Tourret.

Je crains qu'il n'y ait une interprétation très extensive de l'article 2. On voit désormais fleurir de grands panneaux annonçant la vente par une étude d'huissiers de meubles qui ne sont pas de vieilles tables rustiques, mais des pièces rares du grand mobilier français du

XVIIIe siècle. Faire échapper de telles activités au contrôle du conseil des ventes volontaires me semble dangereux.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Ce point revêt, en effet, une certaine importance. Je pense, monsieur Lellouche, que l'amendement no 54, présenté par M. Plagnol et M. Martin et adopté par la commission, devrait vous satisfaire. Il précise en effet que les notaires et les huissiers pourront poursuivre ce type d'activité « à titre accessoire ». Le seul problème, nous le verrons dans quelques instants, est de définir la notion d'activité accessoire, d'en fixer les limites.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 44 et 107.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

M. Plagnol et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 54, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article 2, après le mot : "réalisées", insérer les mots : "à titre accessoire". »

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Dans le droit fil de ce qui vient d'être dit et conformément à ce que j'ai indiqué dans la discussion générale, cet amendement vise à préserver la possibilité pour les notaires et les huissiers de justice de procéder à des ventes volontaires, tout en encadrant cette survivance d'un marché traditionnel par voie d'officiers interministériels. C'est pourquoi il est précisé que cette activité ne peut être exercée qu'à titre accessoire afin de préserver la cohérence et l'harmonie du marché.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. Pierre Lellouche.

Cette position du Gouvernement est incompréhensible !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

54. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques nos 12, 72 et 92.

L'amendement no 12 est présenté par Mme Feidt, rapporteur, MM. Tourret et Houillon ; l'amendement no 72 est présenté par M. Houillon et M. Plagnol ; l'amendement no 92 est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« A la fin de la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 2, substituer au mot : "vendeur" le mot : "propriétaire". »

La parole est à Mme le rapporteur pour soutenir ces amendements.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Seul le propriétaire du bien doit pouvoir donner mandat de vendre. On pourra ainsi s'assurer de l'origine du bien et du consentement à vendre. En effet, un vendeur peut ne pas être propriétaire du bien mais seulement mandataire

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 12, 72 et 92.

(Ces amendements sont adoptés.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2 bis

M. le président.

« Art. 2 bis . - Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques réalisées à distance par voie électronique sont soumises aux dispositions de la présente loi. »

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 82, ainsi rédigé :

« Supprimer l'article 2 bis »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire au Sénat, je suis défavorable à cette disposition introduite par la Haute assemblée et je souhaiterais revenir au texte du Gouvernement.

En effet, le présent projet prévoit une nouvelle réglementation pour les enchères publiques, lesquelles sont définies par la publicité de la vente, le caractère mobilier des objets mis en vente, et la technique de mise en concurrence des acheteurs par le biais des enchères. Cette règlementation a évidemment vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire national, lorsque les critères de la transaction, que je viens de rappeler, sont réunis.

Cela étant, l'émergence des technologies de la société de l'information suscite de nombreux débats. Dans ce domaine, et comme je l'ai indiqué dans ma réponse aux intervenants, le Gouvernement souhaite procéder à une large concertation. Il m'apparaît donc prématuré, à ce moment du débat, et sur un texte qui traite spécifiquement des ventes aux enchères d'objets d'occasion, d'arrêter une solution qui pourrait anticiper et obérer, dans des conditions mal maîtrisées, les résultats de cette démarche d'ensemble.

Voilà pourquoi il me paraît sage de ne pas maintenir cet article 2 bis . Je demande donc à l'Assemblée de voter cet amendement de suppression des dispositions introduites par le Sénat, comme d'ailleurs l'a fort bien plaidé

M. Christian Paul.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement.

M. Pierre Lellouche.

Ah ! Quand même !

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Mais à titre personnel, j'y suis favorable. Après réflexion et tout en ayant conscience du développement inéluctable des ventes aux enchères par voie électronique, j'ai jugé préférable en effe t que ce problème soit traité - je l'ai indiqué d'ailleurs dans mon discours d'introduction - dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur les nouveaux services en matière de commerce électronique, plutôt qu'au détour d'un article additionnel. En toute hypothèse, cet article n'est pas de nature à régler tous les problèmes, comme les sénateurs en sont eux-mêmes convenus. Concernant le domaine de l'art, il conviendrait notamment de s'interroger sur les garanties offertes aux acquéreurs, et sur la nature des prestations fournies par les propriétaires des sites de vente.

M. Pierre Lellouche.

Vous voulez supprimer cet article alors qu'on n'a même pas encore discuté de mon amendement ! Il y a là un problème de taille !

M. le président.

Permettez-moi de présider monsieur Lellouche ! La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

La commission a souhaité non seulement maintenir cet article 2 bis , mais également l'amender pour réserver les droits de l'Etat, dans le cadre de ce nouveau commerce électronique.

Il est évident en effet que les ventes par commerce électronique ne font que commencer. Dans les années à venir, ce système constituera un élément essentiel, peutêtre même majeur des ventes aux enchères. Dès lors, quelle attitude adopter ? Doit-on faire la politique de l'autruche, animal très sympathique qui met sa tête dans le sable pour ne plus rien voir ? Ou ne rien faire en attendant la grande loi sur le commerce électronique actuellement à l'étude rue de Valois ? J'ai le sentiment quant à moi qu'il ne serait pas très sage d'attendre ainsi. En renvoyant la décision à plus tard, nous laisserions s'ouvrir une période de non-droit, car si cette loi sera définitivement votée très prochainem ent, on ignore quand sera adoptée celle sur le commerce électronique, dont on ne connaît même pas les premières ébauches. Il a fallu attendre cinq ans pour examiner le présent texte. Combien de temps faudra-t-il attendre celui sur le commerce électronique ? Or pendant toute cette période intermédiaire, il n'y aura rien, ce qui me semble de très mauvais aloi. C'est pourquoi nous proposons de donner une garantie pour les ventes effectuées en France dans le cadre du commerce électronique. Ce sera mieux que la loi de la jungle.

En outre, un amendement cosigné par Mme Feidt et moi-même tend à prévoir des dispositions en matière de préemption par le ministre de la culture. Si on ne prévoit rien, en effet, tout un commerce d'oeuvres d'art échappera complètement au droit de préemption, ce qui empêchera l'Etat de constituer, comme il le fait de manière immémoriale, les trésors auxquels nous tenons.

A cet égard, je suis extrêmement surpris que Mme la ministre de la culture nous dise en quelque sorte qu'elle abandonne l'un de ses droits immémoriaux. Il y a là quelque chose de paradoxal.

Pour toutes ces raisons, et comme l'a fait la commission des lois, il serait sage de rejeter l'amendement du Gouvernement.

M. le président.

Pour être équitable, je donnerai la parole à deux membres de l'opposition et à deux membres de la majorité sur ce point.

La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon.

Je ferai, quant à moi, une observation d'ordre déontologique. Monsieur le président, alors que vous avez fort légitimement demandé à Mme le rapporteur quel était l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement, elle s'est bornée à dire que la commission avait rejeté l'amendement du Gouvernement sans expliquer pourquoi. Mais, en revanche, elle a longuement motivé son avis personnel et favorable à cet amendement. Or je souhaiterais, pour la sérénité et la loyauté des débats, que le rapporteur donne l'avis de la commission et la motivation de ce dernier.

M. Bernard Roman.

On ne le fait pas toujours !

M. le président.

La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul.

Je suis, pour ma part, favorable à l'amendement du Gouvernement. En effet, je considère que la loi dont nous débattons ce soir a vocation à s'ap-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

pliquer aux enchères électroniques dès lors qu'elles remplissent un certain nombre de critères que la ministre a rappelés à l'instant.

Les dispositions introduites par le Sénat présentent, selon nous, deux inconvénients.

Le premier est de laisser croire qu'il suffit de préciser que les enchères électroniques sont soumises à la loi pour régler tous les problèmes. Comme nous l'avons rappelé au cours des débats, des problèmes spécifiques se posent en effet lors des enchères sur l'Internet, et appellent donc un dispositif adapté et pas simplement une simple mention d'affichage.

Le second est de donner à penser à l'ensemble des opérateurs qui procèdent à des ventes aux enchères sur l'Internet que cette loi pourrait s'appliquer en bloc. Comme je l'ai rappelé au cours de mon intervention, il y a en effet dans ce domaine des pratiques et des secteurs de marché très différents et qu'il conviendra sans doute de distinguer.

Bref, le maintien de l'article 2 bis conduira au minimum à une incompréhension sur les intentions du Gouvernement et du législateur et, au pire, à des délocalisations, ce qui irait à l'encontre de ce que vous souhaitez, mes chers collègues.

V oilà pourquoi et comme l'a proposé Mme la ministre, il serait plus sage de revenir sur ce point en seconde lecture. Ainsi, et cela devrait rassurer Alain Tourret, il n'y aura pas de vide juridique.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je dois avoir des problèmes de compréhension ce soir, car la logique du raisonnement m'échappe.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Lellouche devient lucide ! (Sourires.)

M. Pierre Lellouche.

Ma première remarque porte sur un point de procédure. Certes, je suis moins expert que vous, monsieur le président, mais si l'amendement du Gouvernement visant à supprimer l'article 2 bis est adopté, les deux amendements votés par la commission des lois, l'un de M. Tourret et l'autre, dont je suis l'auteur, tendant à préciser dans quelles conditions la loi française va s'appliquer sur Internet, ne pourront pas être examinés.

Je suggère donc, monsieur le président, que l'on traite en même temps des dispositions sénatoriales, du droit de préemption prévu par M. Tourret et de mon amendement. Ces trois éléments sont indissociables.

Sur le fond, les ventes publiques aux enchères sur Internet, s'agissant notamment d'objets d'art, ont explosé.

Sotheby's, Christie's et d'autres ont déjà ouvert des sites.

Dans ces conditions, comment expliquer, alors même que nous écrivons une loi visant à placer les entreprises françaises sur un pied d'égalité, qu'on va exclure ce champ d'application au motif que c'est prématuré ? Je ne comprends pas ! De la même façon, M. Paul nous indique que le droit commun doit s'appliquer et que cette loi a vocation à s'appliquer. Mais en même temps, il nous explique que ce n'est pas pour tout de suite, car, selon lui, nous ne serions pas prêts. Il nous demande d'attendre, de réfléchir. Pourquoi ? Nous avons ce soir l'occasion de discuter - nous avons d'ailleurs commencé en commission des lois - d'un point très important.

Et il me paraît indispensable d'avoir une vision globale de ce problème. La loi française peut-elle s'appliquer ? Sur quoi ? Dans quelles conditions ? Voilà autant de questions auxquelles nous devons répondre. La position du Gouvernement consistant à remettre le débat n'est donc pas recevable. Puisque vous n'avez pas fait de propositions, madame la ministre, discutons de celles des sénateurs et des députés.

M. le président.

Monsieur Lellouche, s'agissant de la procédure, je tiens à vous rassurer, elle est parfaitement respectée. Je vous conseille de vous reporter à l'article 100, alinéa 4, de notre règlement : vous y trouverez la réponse à vos questions. Quant au fond, ce n'est pas mon problème.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Très bien !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

82. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 2 bis est supprimé et les amendements no 1 de M. Lellouche, no 13 de la commission et no 93 de M. Tourret n'ont plus d'objet.

Article 3

M. le président.

Je donne lecture de l'article 3 : Section 1 Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

« Art.

3. L'objet des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est limité à l'estimation de biens mobiliers, à l'organisation et à la réalisation de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans les conditions fixées par la présente loi.

« Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques agissent comme mandataires du vendeur. Elles ne sont pas habilitées à acheter ou à vendre directement ou indirectement pour leur propre compte des biens meubles proposés à la vente aux enchères publiques. Cette interdiction s'applique également aux dirigeants, associés et salariés de la société. »

M. Lellouche a présenté un amendement, no 2 rectifié, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 3, substituer aux mots : "limité à" les mots : "principalement de procéder à". »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je ne peux pas ne pas revenir sur ce qui s'est passé. Comment peut-on organiser ainsi la censure du débat parlementaire,...

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Ce n'est pas de la censure !

M. Pierre Lellouche.

... et faire tomber tous les autres amendements sur l'application du droit français à Internet ? C'est invraisemblable ! Voilà une façon cavalière de traiter la démocratie et la représentation nationale ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président.

Monsieur Lellouche, la procédure est parfaitement respectée.

M. Pierre Lellouche.

Elle est parfaite, en effet.

M. le président.

Sur le fond, il s'agit-là, je le répète, d'un problème qui oppose l'opposition et la majorité. Et la présidence n'a pas à s'en mêler.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

M. Pierre Lellouche.

Monsieur le président, je ne m'en prenais pas à vous.

M. le président.

Je vous remercie de donner acte à la présidence qu'en l'occurrence elle n'est en rien responsable des divergences d'appréciation qui peuvent exister.

M. Pierre Lellouche.

En rien, monsieur le président.

Cela étant, castrer ainsi le débat sur un sujet aussi important est un abus de procédure.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul.

Quel aveu d'impuissance !

M. Pierre Lellouche.

Et vous en porterez la responsabilité !

Mme Odette Grzegrzulka.

Qu'on lui donne du Tranxène !

M. Pierre Lellouche.

Si pendant six mois, un an ou deux ans, il y a un vide juridique en France sur les ventes aux enchères publiques sur Internet, vous en serez responsables. J'en prends acte ici ce soir.

M. le président.

Présentez votre amendement, monsieur Lellouche.

Mme Odette Grzegrzulka.

Qu'on lui donne du Lexomil !

M. Pierre Lellouche.

J'en connais d'autres qui devraient prendre des pilules pour se réveiller !

Mme Odette Grzegrzulka.

Grossier personnage !

M. Pierre Lellouche.

La vraie question est de savoir s'il faut limiter la définition de l'objet des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et pénaliser ainsi les sociétés françaises par rapport à leurs grandes concurrentes étrangères. En effet, les grandes maisons de ventes anglo-saxonnes offrent à leurs clients toute une palette de services allant de l'estimation de biens à l'organisation de ventes aux enchères publiques - c'est l'objet de l'article 3 - à d'autres types de services, comme les ventes privées de gré à gré pour leur propre compte. Dès lors, si nous excluons ce type de service nous ne placerons pas les sociétés de vente françaises sur un pied d'égalité avec les entreprises étrangères et nous risquons de voir se pérenniser les délocalisations d'objets d'art auxquelles nous avons assisté.

M. le président.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Compte tenu de la mise en cause à laquelle s'est livré

M. Lellouche,...

Mme Odette Grzegrzulka.

Mise en cause inadmissible !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

... je tiens à défendre le travail accompli en commission et à m'inscrire en faux contre l'accusation de censure du débat.

M. Pierre Lellouche.

Nous n'avons pas discuté d'un point essentiel !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Je lui rappelle que l'intégralité de nos échanges sur le sujet, qui furent fort riches en commission, figure dans un compte rendu public de nos travaux.

Sur le fond du débat sur Internet, chacun s'est exprimé ce soir à cette tribune, au banc du Gouvernement ou de la commission. Il est donc non seulement excessif mais totalement trompeur de dire que ce débat est tronqué.

M. Pierre Lellouche.

On en a parlé trois minutes !

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Nous n'avons pas la même appréciation sur le sérieux de la méthode à observer. Nous avons choisi en effet de nous donner encore un peu de temps. Mais je rappelle qu'en 1997, lors du dépôt du projet préparé par M. Toubon, Internet existait et, que je sache, aucune solution au problème n'avait été envisagée.

Eu égard au sérieux de nos échanges tant en séance publique qu'au sein de la commission des lois, je ne peux accepter que certains prétendent que nous escamotons le problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche.

C'est pourtant ce qui se passe !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement. Elle a en effet souhaité limiter l'objet des sociétés de ventes à l'estimation des biens, à l'organisation et à la réalisation des ventes pour assurer la transparence et la protection des consommateurs. Elles ne doivent pas pouvoir se livrer à des activités commerciales.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Par cet amendement, M. Lellouche souhaite que les sociétés de ventes puissent intervenir dans le commerce des oeuvres d'art soit comme intermédiaires dans les ventes de gré à gré, soit pour leur propre compte, c'est-àdire en vendant non seulement des oeuvres mais aussi toutes sortes de biens meubles qu'elles auraient préalablement acquis.

Il va sans dire que je suis tout à fait défavorable à cet amendement qui bouleverse l'économie du projet de loi et l'esprit de la réforme. En effet, sous couvert de renforcer la compétitivité de tous les professionnels, on préconise en réalité une véritable dérégulation. Cela aboutirait à réduire la sécurité pour des professionnels qui doivent affronter la modernisation de leur profession.

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Mon propos s'inscrit parfaitement dans la suite du débat entre Pierre Lellouche et Mme la présidente de la commission des lois.

Mes chers collègues, nul, parmi nous, ne souhaite mettre en cause ni le déroulement de notre débat, qui est conforme au règlement, ni la commission des lois. En revanche est ressenti sur tous les bancs un malaise provoqué par le décalage croissant entre les textes que nous adoptons et la réalité. Personnellement, je suis carrément inquiet lorsque je constate que nous votons de plus en plus de dispositions que nos concitoyens et ceux qui sont chargés de les appliquer maîtrisent de moins en moins bien et qui sont de moins en moins opératoires.

Puisque nous avons la chance de bénéficier de votre présence, madame la ministre, je rappelle que l'Assemblée a adopté, en première lecture, un texte sur l'audiovisuel qui ne disait pas un mot du numérique hertzien, pourtant seul enjeu réel dans ce domaine. De la même façon, ce soir, quoi que l'on pense de la solution proposée par notre collègue Pierre Lellouche, nous votons en toute sérénité...

M. Pierre Lellouche.

Sans même en discuter, c'est scandaleux !

M. Henri Plagnol.

...des dispositions relatives à l'adaptation de la profession de commissaire-priseur et à la place du marché de l'art en France, sans dire un mot du seul


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

sujet qui préoccupe les esprits, en tout cas ceux qui sont les plus éclairés à ce sujet. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire les revues consacrées aux arts qui sont en vente dans les kiosques cette semaine : il n'est question que d'Internet. Cette préoccupation est évidemment née de la vitesse croissante à laquelle apparaissent et se développent de nouvelles technologies, ainsi que de la mondialisation des échanges. Je ne veux pas rouvrir ce débat ce soir, mais il n'est certainement bon ni pour la démocratie ni pour l'Assemblée nationale, de voter en permanence des textes qui sont déjà dépassés.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Je ne crois pas qu'en la matière il y ait un vide juridique. Certes, le mot ne figure pas dans ce texte ; pour autant, Internet n'est absent ni de nos débats, puisque nous en avons longuement parlé en commission des lois - et nous en discutons aujourd'hui ni de la pratique des ventes dans laquelle il sera peut-être couramment employé demain. D'ores et déjà, aujourd'hui, le téléphone est utilisé pour faire des enchères, y compris dans une vente publique. Pourtant, la loi ne traite pas spécifiquement de l'usage du téléphone.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Il en va de même pour le fax !

M. Jérôme Lambert.

Absolument ! Il est donc clair, à mes yeux, que les ventes publiques aux enchères, qui auront comme support, exclusif ou entre autres, Internet, rentreront a priori, comme les autres, dans le cadre de la loi.

M. Christian Martin.

Il ne faut pas dire « a priori ».

Elles entreront dans le cadre de la loi ou pas !

M. Jérôme Lambert.

Si vous voulez ! Je n'y vois aucune objection particulière.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je tiens à affirmer que je n'ai voulu ni offenser Mme la présidente de la commission ni mettre en cause les travaux de la commission. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Odette Grzegrzulka.

Candide ! On n'est pas dupes !

M. le président.

Madame Grzegrzulka, je vous en prie, vous n'avez pas la parole.

M. Pierre Lellouche.

Madame, calmez-vous ! Il est vraiment difficile de supporter votre grossièreté, à cette heure.

Mme Odette Grzegrzulka.

Ce n'est pas de la grossièreté !

M. Pierre Lellouche.

C'est dommage, au moment où l'on parle tant de parité.

Mme Yvette Benayoun-Nakache.

Qu'est-ce que cela a à voir ?

M. Pierre Lellouche.

Notre collègue Henri Plagnol a mis le doigt sur l'essentiel. En effet, ce débat sur l'article 3 est lié à celui que nous avons eu en traitant de l'article 2 bis.

Nous devons essayer d'élaborer des lois qui s'appliquent au réel. Ainsi les maisons de vente sur Internet n'existaient pas en 1997 ; aujourd'hui leur nombre explose. Nous avions l'occasion d'en parler ce soir.

M. Jérôme Lambert.

On en parle !

M. Pierre Lellouche.

Or, en application de règles de procédure, tout à fait normales et conformes au règlement de l'Assemblée nationale, je le reconnais, les dispositions concernant ce sujet sont tombées et nous n'avons pu discuter ni de la proposition du Sénat ni d'amendements sur ce sujet. Ainsi l'opinion n'aura pas connaissance des solutions que certains d'entre nous avaient avancées, y compris, d'ailleurs, des députés de la majorité plurielle qui avaient très justement proposé un droit de préemption du Gouvernement. J'avais également présenté une disposition tendant à faire en sorte que la loi française s'applique en cas de recours à ce moyen de vente.

Tout cela a été balayé. Une telle « ouverture » d'esprit me dérange.

Il en va de même à propos de l'article 3. Pourquoi ai-je proposé que les sociétés de ventes françaises puissent offrir la totalité de la palette des services ? Cela ne traduisait nullement, chère madame Trautmann, un goût particulier pour la dérégulation ultra-libérale. Je voulais seulement faire en sorte que les objets d'art appartenant à notre patrimoine ne puissent pas quitter le pays par la petite porte, après l'adoption de cette loi, à la suite de l'intervention de sociétés multinationales ayant des filiales françaises. En effet elles auront les moyens d'offrir à leurs clients à Londres, à New-York, à Monaco ou à Berne un service qu'elles ne peuvent leur donner dans notre pays à cause de la loi française.

Compte tenu de la nécessité de défendre notre patrimoine national, je vous ai demandé, dans mon intervention générale, de mettre l'archaïsme du débat idéologique de côté. Soit nous donnons dans le réalisme politique, et nous faisons en sorte de vivre en concordance avec la réalité du marché. Soit nous en restons à des querelles idéologiques d'un autre âge et nous laisserons se perpétuer, même avec ce nouveau texte, les dérapages et les délocalisations que nous connaissons déjà.

Il en va de la question d'Internet comme du problème en cause à l'article 3.

Je souhaite donc que l'amendement no 2 rectifié soit discuté au fond et qu'on ne le balaye pas en lui opposant un argument fondé sur un prétendu caractère ultralibéral. Cela n'a rien à voir avec le sujet, madame Trautmann !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 2 rectifié. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Plagnol et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 55, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 3, après les mots : "réalisation de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques", insérer les mots : "ainsi qu'aux activités qui constituent des compléments directs de l'organisation et de la réalisation de ces ventes". »

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Nous voulons faire en sorte que les futures sociétés de ventes volontaires puissent présenter une offre globale à leurs clients, qui seront, par définition, des clients internationaux, avec, souvent d'ailleurs, quand il s'agirera de sociétés, des filiales dans plusieurs pays.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

Aujourd'hui, les sociétés qui peuvent offrir à leurs clients un traitement global de tous les problèmes afférents à une acquisition d'oeuvres d'art bénéficient d'un avantage fantastique. C'est bien ce qui fait la force des grandes sociétés anglo-saxonnes.

Ainsi que vient de le rappeler Pierre Lellouche, si nous voulons que notre texte ait une portée réelle et aide la place française à faire face à la concurrence, nous devons aller au bout de la démarche et permettre à ces sociétés non seulement de faire de l'estimation et de la vente, mais aussi d'apporter des services complémentaires afin que les grands clients aient un interlocuteur unique. Il pourrait s'agir, notamment, du gardiennage, de la restauration, du transport de biens culturels, d'assurance, etc.

J'ai été très sensible aux propos judicieux tenus par M. Lambert. Il est en effet évident que, même si nous ne légiférons pas sur le sujet, la société continuera d'avancer.

En la matière l'exemple du téléphone est révélateur.

Si le législateur ne joue pas son rôle, une régulation spontanée du marché s'opère. Or je ne crois pas que cela soit conforme aux voeux de la majorité plurielle. C'est pourtant ce qui se passe déjà sur Internet. Ainsi que je l'ai indiqué cet après-midi, une vente sans commissairepriseur et sans la moindre régulation y a déjà eu lieu.

Cela peut aussi provoquer l'intervention du juge. Il est malheureusement indéniable que nous assistons, de plus en plus souvent, à un transfert de responsabilités du législateur vers le juge et la jurisprudence. Je ne souhaite pas une telle évolution, mais cela relève d'un vrai choix politique.

M. Pierre Lellouche.

Tout à fait !

M. Philippe Houillon.

Très bien !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement pour les mêmes raisons que l'amendement précédent.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

55. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Lellouche a présenté un amendement, no 45, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début du dernier alinéa de l'article 3 :

« Lorsqu'elles réalisent des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les sociétés... (le reste sans changement) »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Cet amendement tombe puisqu'il était lié à l'amendement déposé au premier alinéa de l'article 3. Dans la mesure où l'article 3 ne s'appliquera qu'à l'estimation et à l'organisation de ventes volontaires, il n'a plus lieu d'être.

M. le président.

Vous le retirez donc.

M. Pierre Lellouche.

Absolument !

M. le président.

L'amendement no 45 est retiré.

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article 3, substituer au mot : "vendeur" les mots : "propriétaire du bien". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Il s'agit d'un simple amendement de coordination avec l'amendement no 12 déposé à l'article 2.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

14. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements identiques nos 15, 73 et 94.

L'amendement no 15 est présenté par Mme Feidt, rapporteuse, M. Houillon et M. Tourret ; l'amendement no 73 est présenté par M. Houillon et M. Lellouche ; l'amendement no 94 est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 3 par la phrase suivante :

« A titre exceptionnel, ceux-ci peuvent cependant vendre, par l'intermédiaire de la société, des biens leur appartenant à condition qu'il en soit fait mention dans la publicité. »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

15.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Si l'interdiction faite aux dirigeants, associés ou salariés de la société de vente de vendre pour leur propre compte doit être la règle, il est toutefois souhaitable d'introduire un peu de souplesse, comme le Gouvernement l'avait prévu, en leur permettant, à titre exceptionnel, de vendre des biens leur appartenant, par exemple des biens qu'ils ont eu en héritage ou du mobilier de la société de ventes.

Néanmoins, pour que cette dérogation ne puisse pas donner lieu à des dérives, l'amendement rend obligatoire une autorisation expresse du conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

M. le président.

MM. Houillon et Tourret ayant également signé cet amendement, je pense que les amendements nos 15 et 73 sont défendus.

M. Philippe Houillon.

Tout à fait !

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable !

M. le président.

Je mets aux voix les amendements no 15, 73 et 94.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peuvent exercer leur activité qu'après avoir obtenu l'agrément du conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques institué à l'article 16.


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« Elles doivent présenter des garanties suffisantes en ce qui concerne leur organisation, leurs moyens techniques et financiers, l'honorabilité et l'expérience de leurs dirigeants ainsi que les dispositions propres à assurer pour leurs clients la sécurité des opérations. »

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques doivent, quelle que soit leur forme, désigner un commissaire aux comptes et un commissaire aux comptes suppléant.

« Elles doivent justifier :

« 1o De l'existence dans un établissement de crédit d'un compte destiné exclusivement à recevoir des fonds détenus pour le compte d'autrui ;

« 2o D'une assurance couvrant leur responsabilité professionnelle ;

« 3o D'une assurance ou, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, d'un cautionnement garantissant la représentation des fonds mentionnés au 1o »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 16, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 5, supprimer les mots : ", dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat,". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Le dernier alinéa de cet article impose aux sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques de justifier d'une assurance ou, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, d'un cautionnement garantissant la représentation des fonds détenus pour le compte d'autrui.

L'article 57 du projet prévoyant, par ailleurs, qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les conditions d'application de la loi, il est préférable de faire figurer dans cet article toutes les indications sur le contenu de ce décret qui devra, notamment, fixer les modalités de ce cautionnement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

16. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 5, modifié par l'amendement no

16. (L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Article 6

M. le président.

« Art. 6. Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques donnent au conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques toutes précisions utiles sur les locaux où auront lieu de manière habituelle les expositions de meubles offerts à la vente ainsi que les opérations de ventes aux enchères publiques. Lorsque l'exposition ou la vente a lieu dans un autre local ou à distance par voie électronique, la société en avise préalablement le conseil dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

M. Lellouche a présenté un amendement, no 3, ainsi rédigé :

« Supprimer la dernière phrase de l'article 6. »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je dois d'abord préciser, monsieur le président, que cet amendement est mal rédigé. En réalité, il faut supprimer les deux dernières phrases et non pas la dernière phrase de l'article 6.

En effet, la deuxième partie de cet article relatif aux lieux d'organisation des ventes volontaires indique que, lorsque l'exposition ou la vente a lieu dans un autre local, la société doit en aviser le conseil des ventes volontaires, préalablement, dans un délai d'un mois au minimum, lequel pourrait en cas d'urgence être ramené à huit jours.

Cette disposition me paraît totalement superfétatoire, lourde, bureaucratique, inutile. En effet, une société qui organise des ventes publiques informe son public sur les objets en vente ; cela s'appelle un catalogue. Or en général, sur ce dernier figurent le lieu de l'exposition, les heures de visite, l'heure et le lieu de la vente. Je ne vois pas en quoi une paperasserie supplémentaire qui obligerait à prévenir, en outre, un cénacle public aurait la moindre utilité.

Dans la mesure où la société de ventes volontaires fait son métier, c'est-à-dire informe le public, elle informe tout le monde. Cela traduit peut-être une philosophie un peu différente de l'étatisme ambiant et de la surrégulation à la française, mais je crois vraiment que cette disposition est parfaitement inutile.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a jugé qu'il était souhaitable que le conseil des ventes soit informé lorsque la société des ventes n'utilise pas son local habituel pour procéder à une vente, ne serait-ce que pour que l'on puisse s'assurer que ce lieu est adapté à la fréquentation du public. Il peut en effet y avoir des problèmes de sécurité.

D'ailleurs, il ne s'agit que d'une information et non d'une autorisation à demander au conseil des ventes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable, pour les raisons évoquées par Mme le rapporteur.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 3, tel qu'il a été rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, n'est pas adopté.)

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 83, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la dernière phrase de l'article 6 :

« Lorsque l'exposition ou la vente a lieu dans un autre local la société en avise préalablement le conseil. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Cet amendement propose une autre rédaction pour la dernière phrase de l'article 6 afin de tenir compte de la suppression de l'article 2 bis.

J'ai déjà exposé les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à la disposition adoptée par le Sénat, avec l'article 2 bis, traitant des ventes sur Internet. Cet amendement s'inscrit dans la même logique, puisqu'il vise à


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supprimer la référence aux ventes sur Internet introduite à l'article 6 relatif à l'information du conseil sur les locaux où auront lieu les ventes aux enchères.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission avait rejeté cet amendement, mais, comme il tire la conséquence de la suppression de l'article 2 bis relatif aux ventes par Internet, à la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement, il convient désormais de la soutenir.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

83. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 109 tombe.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement no

83. (L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Article 7

M. le président.

« Art. 7. Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques doivent comprendre parmi leurs dirigeants, leurs associés et leurs salariés au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente ou titulaire d'un titre, d'un diplôme ou d'une habilitation reconnus équivalents en la matière, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. »

M. Tourret a présenté un amendement, no 95, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 7 :

« Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques doivent comprendre parmi leurs dirigeants, leurs associés et leurs salariés au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente ou titulaire d'un titre, d'un diplôme ou d'une habilitation reconnus équivalent en la matière, et justifiant d'une connaissance en matière artistique et industrielle, dans des conditions définies par décret en conseil d'Etat. »

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Cet amendement tend à imposer que les sociétés de ventes volontaires comptent dans leurs dirigeants ou leur personnel au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente, et justifiant d'une connaissance en matière artistique et industrielle.

Cependant, l'article 7 renvoyant la définition des conditions requises à un décret en Conseil d'Etat, je retirerais cet amendement s'il m'était indiqué que celles que je demande y figureront. Dans le cas contraire, je souhaite que cette condition soit explicitement demandée.

Cela me semble en effet indispensable, car chacun connaît l'importance des ventes de matériels industriels.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ? Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement. Des personnes aptes à diriger une vente n'ont pas nécessairement besoin d'avoir des connaissances en matière industrielle, d'autant que les ventes seront toujours dirigées par des commissaires-priseurs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

95. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 17, ainsi régié :

« Dans l'article 7, après les mots : "leurs associés", substituer au mot : "et" le mot : "ou". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Il suffit que la société de vente volontaire de meubles aux enchères publiques comprenne une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente parmi ses dirigeants, ses associés ou ses salariés, et non pas dans chacune de ces catégories comme l'a prévu le Sénat.

Ayant lu attentivement le compte rendu des débats du Sénat, je me demande d'ailleurs s'il ne s'agit pas d'une erreur de plume, parce que le président de la commission avait présenté l'article 7 de cette façon.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

17. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Plagnol et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 56, ainsi rédigé :

« Dans l'article 7, après le mot : "qualification", insérer les mots : "ou l'expérience". »

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

L'expérience des ventes est un élément important, et même indispensable, et doit absolument être pris en compte pour l'attribution de l'agrém ent. Voilà pourquoi M. Plagnol et moi-même proposons d'ajouter au critère retenu de qualification celui d'expérience. De nombreuses personnes ont l'expérience voulue pour être agréées.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

Dans l'intérêt des consommateurs, la commission a estimé qu'il fallait être très exigeant sur la qualification de la personne habilitée à diriger les ventes. Celle-ci doit notamment avoir une solide formation juridique et artistique. Je vous renvoie, à ce sujet, à ce que j'ai dit, dans mon discours, sur la formation et, en particulier, sur celle des commissairespriseurs.

La commission a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Plagnol.

M. Henri Plagnol.

La disposition proposée dans l'amendement concerne essentiellement les ventes aux enchères qui ne portent pas sur des objets d'art, mais sur des biens industriels. Le texte est très silencieux à leur sujet, alors qu'elles représentent 20 % des ventes aux enchères.

Je serais prêt à suggérer qu'au lieu de : « ou l'expérience » on ajoute : « et l'expérience », pour répondre aux scrupules de la commission des lois.

M. le président.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le projet de loi renvoie à un décret le soin de déterminer les titre, diplôme ou habilitation reconnus équivalents à la


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qualification nécessaire pour diriger une vente. Il va de soi que le pouvoir réglementaire devra tenir compte de l'expérience professionnelle en matière de ventes volontaires, quel qu'en soit l'objet. Il ne me paraît donc pas utile de le mentionner dans la loi.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

56. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Lellouche a présenté un amendement, no 4, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 7 par la phrase suivante :

« Il sera tenu compte de l'expérience des professionnels du marché de l'art, notamment antiquaires, galeristes, experts dans l'octroi d'une telle habilitation. »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Cet amendement a le même objet que le précédent.

Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention, mais j'ai du mal à comprendre la logique de votre argument. Ce que M. Tourret, M. Plagnol et moimême voulons éviter à travers nos amendements, c'est de signer un chèque en blanc au Gouvernement en lui laissant fixer les conditions d'application de la loi par décret.

L'article 7 prévoit que les sociétés de vente devront comprendre dans leur personnel des personnes d'un certain standing, d'un certain niveau de connaissances, d'une certaine expérience bref, d'un profil calibré sur celui du commissaire-priseur. Or nous venons de mettre fin au monopole de ces derniers. De deux choses l'une : ou bien l'article 7 vise à restaurer par la petite porte le monopole des commissaires-priseurs...

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mais non !

M. Pierre Lellouche.

... et après tout, pourquoi pas !, ce sont des gens parfaitement compétents et respectables ou bien, madame la ministre, vous voulez donner aux sociétés de ventes, la possibilité de s'ouvrir, de faire appel à d'autres professionnels et de traiter d'autres dossiers, c omme la vente d'objets industriels aux enchères publiques. Les commissaires-priseurs munis d'un diplôme d'histoire art ne sont pas les seuls compétents pour vendre des automobiles, par exemple.

J e ne comprends pas très bien votre argument, madame la ministre. En tout cas, le rôle de l'Assemblée nationale n'est pas de signer des chèques en blanc au Gouvernement. Il est de lui dire ce qu'elle souhaite voir figurer comme critères et comme conditions d'application de la loi dans le décret.

Nous vous avons demandé de préciser les choses - il y a eu trois versions du même amendement - pour qu'il soit tenu compte de l'expérience. Le plus étonnant - et cela ressortira à la lecture du compte rendu des débats -, c'est que vous ayez dit que vous acceptiez la notion d'« expérience professionnelle ». Mais pourquoi ne l'écrivez-vous pas ? Pourquoi faut-il toujours s'en remettre à un décret, ce qui revient à signer, je le répète, un chèque en blanc à l'exécutif ?

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a rejeté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 7, modifié par l'amendement no

17. (L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)

Article 8

M. le président.

« Art. 8. Les personnes mentionnées à l'article 7 sont seules habilitées à diriger la vente, à désigner le dernier enchérisseur comme adjudicataire ou à déclarer le bien non adjugé et à dresser le procès-verbal de cette vente.

« Le procès-verbal est arrêté au plus tard un jour franc après clôture de la vente. Il mentionne les nom et adresse déclarés par l'adjudicataire, l'identité du vendeur, la désignation de l'objet ainsi que son prix constaté publiquement.

« Dans le délai de quinze jours à compter de la vente, le vendeur peut, par l'intermédiaire de la société, vendre de gré à gré les biens déclarés non adjugés à l'issue des enchères. Cette transaction n'est précédée d'aucune exposition ni publicité. Elle ne peut être faite à un prix inférieur à la dernière enchère portée avant le retrait du bien de la vente ou, en l'absence d'enchères, au montant de la mise à prix. Le dernier enchérisseur est préalablement informé s'il est connu. La transaction est notifiée au ministre chargé de la culture, qui dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître, le cas échéant, sa décision de préempter le bien. Cette transaction fait l'objet d'un acte annexé au procès-verbal de la vente. »

M. Tourret a présenté un amendement, no 96, ainsi rédigé :

« Dans la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 8, après le mot : "adresse", insérer les mots : "du nouveau propriétaire". »

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

La personne qui porte la dernière enchère n'est pas toujours le futur propriétaire. Ce peut être un simple mandataire. Dans un but de transparence, il m'a semblé utile que sa responsabilité puisse être engagée s'il ne déclare pas le nom du véritable propriétaire.

Dans les ventes immobilières qui ont lieu dans les palais de justice, on est tenu d'indiquer, dans le délai imparti par la loi, le nom du futur propriétaire. C'est, à mon sens, une garantie pour la nécessaire transparence que nous voulons instaurer par la loi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission n'a pas jugé cette précision indispensable car le propriétaire du bien adujgé est nécessairement l'adjucataire, même si ce n'est pas lui qui a porté en personne la dernière enchère.

Les enchères sont, dans la majorité des cas, faites par d'autres personnes.

La commission a rejeté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement a une position différente de celle exprimée par Mme le rapporteur. Nous considérons que cette précision peut se révéler utile lorsque l'adjudicataire agit en qualité d'intermédiaire du propriétaire. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. Alain Tourret.

Voilà une sage décision !


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M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

96. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. de Courson a présenté un amendement, no 47, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa de l'article 8. »

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson.

Cet amendement tend à supprimer le dernier alinéa de l'article 8, c'est-à-dire à ne pas légaliser les ventes de gré à gré qui ne ressortent pas de l'activité des commissaires-priseurs. Il ne s'agit pas d'empêcher les ventes de gré à gré, mais simplement de les interdire dans ce cadre précis.

Les ultralibéraux m'objecteront que c'est la pratique en Angleterre. C'est vrai. Mais la thèse que je défends dans cet amendement est qu'elle ne doit pas s'insérer dans le cadre des dispositions législatives en discussion. C'est contradictoire avec le métier même de commissairepriseur et attentatoire aux garanties de sécurité données aux personnes qui vendent par leur intermédiaire.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a jugé utile d'autoriser, sous certaines conditions, les sociétés de ventes à procéder à des ventes de gré à gré. Les priver de cette possibilité reviendrait à les pénaliser par rapport à leurs concurrents étrangers.

La commission a donc repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

47. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 18, deuxième correction, 5 rectifié et 97, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 18, deuxième correction, présenté par Mme Feidt, rapporteur, et M. Tourret, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 8 :

« Dans le délai de quinze jours à compter de la vente, le vendeur peut, par l'intermédiaire de la société, vendre de gré à gré les biens déclarés non adjugés à l'issue des enchères. Cette transaction ne peut être précédée d'aucune exposition, ni publicité et ne peut être faite à un prix inférieur à l'enchère atteinte lors du retrait du bien de la vente. Elle fait l'objet d'un acte annexé au procès-verbal de la vente. »

L'amendement no 5 rectifié, présenté par M. Lellouche, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 8 :

« Dans le délai de quinze jours à compter de la vente, le vendeur peut, par l'intermédiaire de la société, vendre de gré à gré des biens déclarés non adjugés à l'issue des enchères. La transaction est notifiée au ministre chargé de la culture, qui dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître, le cas échéant, sa décision de préempter le bien. Cette transaction fait l'objet d'un acte annexé au procèsverbal de la vente. »

L'amendement no 97, présenté par M. Tourret, est ainsi rédigé :

« Substituer aux cinq dernières phrases du dernier alinéa de l'article 8 les trois phrases suivantes :

« Cette transaction ne peut être précédée d'aucune exposition, ni publicité et ne peut être faite à un prix inférieur à l'enchère atteinte lors du retrait du bien de la vente. Elle fait l'objet d'un acte annexé au procès-verbal de la vente. La transaction est notifiée au ministre chargé de la culture qui dispose d'un délai de quinze jours pour faire connaître, le cas échéant, sa décision de préempter le bien. »

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l'amendement no 18, deuxième correction.

M. Alain Tourret.

Il nous a semblé qu'un délai de quinze jours donnait plus de souplesse et permettait de se rapprocher des pratiques internationales.

Pour le reste du paragraphe, nous avons jugé la rédaction du Gouvernement plus claire que celle du Sénat et nous l'avons complétée par l'obligation d'information du ministre de la culture afin que celui-ci puisse exercer son droit de préemption.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour présenter l'amendement no 5 rectifié.

M. Pierre Lellouche.

Je considère, comme M. Tourret, qu'il faut retenir le délai de quinze jours.

La rédaction que je propose répond au souci qui est censé tous nous animer de mettre sur un pied d'égalité les grandes maisons de ventes françaises avec leurs concurrentes étrangères, tout en évitant les pratiques de délocalisation des biens culturels français vers des lieux de vente à l'étranger.

Deux questions se posent à ce sujet.

Première question : pourquoi interdire toute publicité pour les ventes de gré à gré que nous autorisons après une vente publique dans les quinze jours suivant les enchères ? Au nom de quoi ? Un objet ne s'est pas vendu. Le contrat n'a pas été conclu. Nous sortons d'un type de contrat, qui est celui de l'enchère publique, pour nous diriger - c'est un point très important, madame la ministre, sur lequel j'attire votre attention - vers un autre contrat, vers une autre rencontre de volontés. Et c'est l'introduction de la notion de vente de gré à gré dans notre droit. Pourquoi supprimer toute publicité pour cette nouvelle vente ? Ou bien on vend l'objet, ou bien on ne le vend pas. Et, si on le vend, il faut que ce soit connu dans l'intérêt même du public et de la moralisation des ventes.

Seconde question : pourquoi cette conditions aberrante - excusez le terme, madame la ministre - en matière de prix ? Pourquoi interdire la vente de ce bien à un prix inférieur à celui où il a dû être retiré ? De deux choses l'une : ou bien un objet s'est vendu - à 100, par exemple, sans préciser l'unité - et, dans ce cas, le premier contrat est conclu et il n'y a plus de problème, ou bien il n'a pas pu se vendre à 100, et on organise - c'est ce que prévoit le texte - dans les quinze jours une autre vente avec une autre rencontre des volontés. Il s'agit alors d'un autre contrat et le prix de l'objet est naturellement différent. Cela procède du simple bon sens et ressort de la pratique.

Les maisons de vente étrangères que j'ai interrogées à ce sujet m'ont confirmé que, quand un bien ne se vendait pas à 100, il se vendait en général à 80 ou à 75.


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Je ne sais si cela est dû à la fatigue mais il y a dans votre texte une contradiction qui m'échappe. Vous introduisez les ventes de gré à gré - ce qui est une très bonne chose car les sociétés concurrentes des nôtres les pratiquent couramment - mais vous interdisez de faire savoir quel bien est vendu de gré à gré, rendant ainsi la venteo paque, cachée, et vous interdisez une négociation ouverte sur le prix, alors qu'il s'agit d'un autre contrat.

J'ai fait un peu de droit civil ; je ne comprends pas. Il est dommage que Mme Guigou ne soit pas là. Ses connaissances juridiques m'auraient sans doute éclairé.

J'aimerais néanmoins obtenir une réponse aux deux questions que je viens de poser.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l'amendement no

97.

M. Alain Tourret.

Par cet amendement, je demande qu'il y ait notification au ministre.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 5 rectifié et 97 ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Les amendements nos 5 rectifié et 97 ont le même objet que l'amendement no 18, deuxième correction, de la commission, à la différence près qu'ils prévoient l'information du ministre de la culture à l'article 8 alors que la commission a préféré l'insérer à l'article 53 - c'est l'objet de l'amendement no 40 que nous examinerons ultérieurement.

La commission a repoussé les deux amendements.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Je suis favorable à l'amendement de Mme le rapporteur, mais défavorable à ceux de MM. Lellouche et Houillon.

Je ferai remarquer à M. Lellouche que, s'il regrette aujourd'hui ma présence sur les bancs du Gouvernement,...

M. Pierre Lellouche.

Absolument pas, madame la ministre !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... il semblait plus heureux de m'avoir à ses côtés au colloque qu'il a organisé récemment,...

M. Pierre Lellouche.

Je suis toujours heureux de vous avoir à mes côtés !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

... où il était plus affable qu'il ne l'est aujourd'hui, même si, déjà, nous étions en désaccord ! Le recours à la vente de gré à gré doit demeurer l'exception pour les raisons que j'ai déjà développées lors de l'examen de l'amendement no 2 rectifié que vous avez présenté, monsieur le député, sur l'article 3.

Ces ventes ne doivent intervenir que pour des biens déclarés non adjugés à l'issue des enchères. Les amendements convergent sur ce point et leur rédaction m'apparaît effectivement préférable à celle retenue par le Sénat.

Elle indique bien que la vente de gré à gré ne peut intervenir que si une mise en vente aux enchères a été effective et qu'elle a été infructueuse, faute pour la dernière enchère d'atteindre le prix de réserve.

Le texte initial du Gouvernement et l'amendement de Mme Feidt prévoient en outre deux conditions supplémentaires.

Tout d'abord, la vente de gré à gré ne peut intervenir que dans un certain délai après la mise aux enchères. Le Gouvernement a proposé huit jours, le Sénat et votre rapporteur estiment que le délai de quinze jours offre plus de souplesse. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée sur ce point.

Ensuite, les ventes de gré à gré ne peuvent être précédées d'aucune publicité et ne peuvent être réalisées à un prix inférieur au montant de la dernière enchère.

Ce sont ces deux conditions que M. Lellouche entend supprimer.

M. Houillon propose, quant à lui, la suppression de la condition relative au prix de cession. Or, ces conditions constituent la garantie que les ventes de gré à gré ne deviendront pas un procédé habituel de vente en détournant le mécanisme du prix de réserve de sa finalité. De plus, en interdisant la vente de gré à gré à un prix inférieur à la dernière enchère, nous entendons veiller à la protection des intérêts du dernier enchérisseur et de ceux du vendeur. A défaut, le premier risquerait de se voir privé du bénéfice de son enchère et le second d'un prix plus avantageux.

C'est pourquoi je suis défavorable aux amendements de M. Lellouche et de M. Houillon.

Enfin, en ce qui concerne la possibilité, pour le ministre de la culture, d'exercer son droit de préemption dans cette catégorie particulière de vente, pour l'Etat ou pour le compte des collectivités territoriales, je partage, vous n'en doutez pas, l'opinion de M. Tourret qui propose de revenir sur ce point au projet gouvernemental.

M. le président.

Je précise que l'amendement no 74 de M. Houillon n'a pas été défendu, mais je suis ravi de connaître votre avis à son sujet. (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement no 18, deuxième correction.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, les amendements nos 5 rectifié et 97 n'ont plus d'objet, ainsi que l'amendement no 74 de M. Philippe Houillon.

M. le président.

Je mets aux voix l'article 8, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)

Article 9

M. le président.

« Art. 9. Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques tiennent jour par jour un registre en application des articles 321-7 et 321-8 du code pénal ainsi qu'un répertoire sur lequel elles inscrivent leurs procès-verbaux. »

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 10

M. le président.

« Art. 10. Chaque vente volontaire de meubles aux enchères publiques donne lieu à une publicité sous toute forme appropriée.

« Le prix de réserve est le prix minimal arrêté avec le vendeur au-dessous duquel le bien ne peut être vendu. Si le bien a été estimé, ce prix ne peut être fixé à un montant supérieur à l'estimation la plus basse figurant dans la publicité, ou annoncée publiquement par la personne qui procède à la vente et consignée au procès-verbal. »

M. Houillon a présenté un amendement, no 75, ainsi rédigé :

« Supprimer le premier alinéa de l'article 10. »

La parole est à Mme Nicole Ameline, pour soutenir cet amendement.


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Mme Nicole Ameline.

Il est défendu.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a souhaité ériger en principe dans la loi la publicité préalable à c haque vente volontaire de meubles aux enchères publiques. Celle-ci est en effet fondamentale dans ce domaine : elle permet de connaître le lien de la vente, les objets mis en vente et, le cas échéant, le nom de l'expert et les estimations.

La commission a rejeté l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

75. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je suis saisi de trois amendements, nos 6, 57 et 98, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 6 et 57 sont identiques.

L'amendement no 6 est présenté par M. Lellouche ; l'amendement no 57 est présenté par MM. de Courson, Christian Martin et Plagnol.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Après le premier alinéa de l'article 10, insérer l'alinéa suivant :

« Les mentions obligatoires devant figurer sur la publicité sont fixées par décret. »

L'amendement no 98, présenté par M. Tourret, est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 10 par l'alinéa suivant :

« Les mentions devant figurer sur la publicité sont fixées par décret. »

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l'amendement no

6.

M. Pierre Lellouche.

Il est retiré, car nous en avons parlé en commission.

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol, pour soutenir l'amendement no

57.

M. Henri Plagnol.

Nous en avons effectivement débattu en commission. Il est également retiré.

M. le président.

La parole est à M. Tourret, pour soutenir l'amendement no

98.

M. Alain Tourret.

Il est retiré !

M. le président.

Les amendements nos 6, 57 et 98 sont retirés.

M. Plagnol et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 58, ainsi rédigé :

« Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 10. »

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Il s'agit de supprimer l'encadrement du prix de réserve, qui prévoit que son montant ne peut être supérieur à l'estimation la plus basse figurant dans la publicité, ou annoncée publiquement par la personne qui procède à la vente.

Tout d'abord, donner une indication sur le prix de réserve apparaît susceptible de fausser l'esprit de la vente aux enchères publiques.

Ensuite, cet encadrement du prix de réserve risque d'inciter le vendeur à reprendre son bien pour le vendre sur une place qui n'applique pas de telles restrictions.

Enfin, cette disposition ne garantit nullement la protection du consommateur. Cette obligation pourrait, en effet, inciter les sociétés de ventes à ne pas rendre publiques lesdites estimations dans les catalogues et publicités, ce qui n'est pas l'objectif de la disposition.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a jugé souhaitable que le prix de réserve ne puisse pas être fixé à un montant supérieur à l'estimation la plus basse rendue publique. Le consommateur est ainsi assuré que le bien sera vendu si l'enchère atteint un prix égal à cette estimation dont il a connaissance.

La commission a repoussé l'amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

58. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11

M. le président.

« Art. 11. - Une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peut garantir au vendeur un prix d'adjudication minimal du bien proposé à la vente. Si le bien a été estimé, ce prix ne peut être fixé à un montant supérieur à l'estimation mentionnée à l'article 10.

« Si le montant du prix garanti n'est pas atteint à l'issue des enchères, la société visée au premier alinéa est déclarée adjudicataire du bien au prix garanti.

« Par exception aux dispositions du second alinéa de l'article 3, elle peut revendre ce bien aux enchères publiques. »

M. le président.

L'amendement de suppression no 48 de M. Charles de Courson n'est pas défendu.

M. Tourret a présenté un amendement, no 99, ainsi libellé :

« Après les mots : "à la vente", rédiger ainsi la fin de l'article 11 :

« Dans le cas où il existe une estimation, le prix garanti ne peut être supérieur à l'estimation telle qu'elle est définie à l'article 10.

« Cette faculté n'est offerte qu'à la société qui a passé avec un organisme d'assurance ou un établissement de crédit un contrat aux termes duquel cet organisme ou cet établissement devient propriétaire du bien si le montant du prix garanti n'est pas atteint lors de la vente aux enchères.

« Lorsque le bien n'atteint pas le prix garanti, l'organisme ou l'établissement mentionné à l'alinéa précédent, est déclaré adjudicataire au prix garanti.

« La société de vente volontaire de meubles aux enchères publiques ne peut détenir aucune participation dans l'organisme ou l'établissement avec lequel elle contracte. »

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Les garanties demandées, - non seulement l'assurance, mais aussi l'impossibilité de devenir propriétaire pour la société de vente - ont pour but d'évi-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

ter les dérives qui ont été constatées sur le marché international dans les années 1990. Ces règles protègent les utilisateurs et me semblent nécessaires dans le cadre de la transparence voulue par cette loi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement au profit de l'amendement no 19 qu'elle a présenté sur le même article, qui lui est identique sous réserve d'une légère différence rédactionnelle concernant l'estimation des biens.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Compte tenu de l'amendement no 19, je retire l'amendement no 99, monsieur le président.

M. le président.

L'amendement no 99 est retiré.

L'amendement no 59 corrigé de M. Henri Plagnol n'est pas défendu.

Mme Feidt, rapporteur, et M. Tourret ont présenté un amendement, no 19, ainsi rédigé :

« Substituer aux deux derniers alinéas de l'article 11 les trois alinéa suivants :

« Cette faculté n'est offerte qu'à la société qui a passé avec un organisme d'assurance ou un établissement de crédit un contrat aux termes duquel cet organisme ou cet établissement devient propriétaire du bien si le montant du prix garanti n'est pas atteint lors de la vente aux enchères.

« Lorsque le bien n'atteint pas le prix garanti, l'organisme ou l'établissement mentionné à l'alinéa précédent est déclaré adjudicataire au prix garanti.

« La société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peut détenir aucune participation dans l'organisme ou l'établissmeent avec lequel elle contracte. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Il a déjà été défendu.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

19. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 60 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement no

19. (L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 11

M. le président.

MM. Houillon, Lellouche et Plagnol ont présenté un amendement, no 81, ainsi rédigé :

« Après l'article 11, insérer l'article suivant :

« I. - Dans le deuxième alinéa du 1o du I de l'article 262 ter du code général des impôts, les mots : "ne s'appliquent pas" sont remplacés par les mots : "s'applique également".

« II. - En conséquence, l'article 278 septies du code général des impôts est supprimé.

« III. - La perte de recettes pour l'Etat est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Nicole Ameline, pour soutenir cet amendement.

Mme Nicole Ameline.

Nous sommes au coeur d'un problème que nous avons été nombreux à soulever il y a un instant, celui de l'environnement fiscal et financier de cette profession. Pour ce qui est de la TVA à l'importation, il nous paraît essentiel d'en envisager la suppression, en dépit de vos arguments, madame la ministre, car cette taxe, qui au surplus rapporte bien peu de recettes, constitue au regard de ce qui se passe sur les marchés internationaux un frein, tant financier que psychologique, et donc un handicap majeur pour les opérateurs nationaux.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement, d'abord parce que les appréciations de ses membres sur les effets de la TVA à l'importation sur les marchés de l'art divergeaient et, ensuite, parce que l'objet de cet amendement n'est pas tout à fait conforme à celui du projet de loi, qui ne concerne pas seulement le marché de l'art, mais l'ensemble du secteur d es ventes volontaires des meubles aux enchères publiques.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Tel qu'il est rédigé, l'amendement aurait pour effet, d'une part, d'exonérer de TVA les livraisons intracommunautaires de biens d'occasion, d'oeuvres d'art, d'objets d'antiquité ou de collection, effectuées par des négociants ou des galeries et, d'autre part, de supprimer le taux réduit de TVA pour les importations et acquisitions intracommunautaires d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquités, ainsi que pour les livraisons d'oeuvres d'art effectuées par leur auteur.

Dès lors, les importations et acquisitions intracommunautaires d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquités seraient de facto soumises au taux normal de 20,6 % de la TVA, ce qui nuirait considérablement à l'enrichissement des collections nationales.

De même, les livraisons d'oeuvres d'art effectuées par les artistes se trouveraient soumises au taux de 20,6 %, ce qui n'irait pas dans le sens, évidemment, de la promotion du marché de l'art. Je suppose que tel n'est pas le souhait des auteurs de l'amendement qui, d'après l'exposé des motifs, demandent en réalité une exonération de TVA pour les importations de meubles et d'objets d'art vendus aux enchères publiques.

A cet égard, je voudrais rappeler que le régime des oeuvres d'art en matière de TVA est défini par la septième directive communautaire du 14 février 1994, entrée en vigueur le 1er janvier 1995. Or cette directive interdit toute exonération des importations d'oeuvres d'art. Et comme vous le savez, les Etats membres doivent se conformer au cadre et aux principes définis par le droit communautaire. Toute infraction serait lourdement sanctionnée, en ce qu'elle irait à l'encontre de l'harmonisation fiscale. Entreprendre une telle action, à six mois de la présidence française de l'Union européenne, me paraîtrait bien peu raisonnable. C'est même proprement inenvisageable.

Par ailleurs, au-delà du fait que le faible rendement d'une taxe ne suffit pas à justifier sa suppression, je voudrais rassurer l'Assemblée sur l'action néfaste qu'aurait actuellement la TVA à l'importation sur le dynamisme du marché de l'art.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

D'une part, le taux réduit de 5,5 % appliqué en France aux importations d'oeuvres d'art et objets d'antiquité ou de collection, est un des plus faibles de l'Union, la dérogation permettant au Royaume-Uni de soumettre les importations au taux de 2,5 % ayant expiré le 30 juin 1999.

D'autre part, certaines exonérations de TVA à l'importation sont d'ores et déjà prévues, notamment pour les biens destinés aux établissements agréés par le ministère de la culture.

Enfin, je rappelle que dans le rapport qu'il vient de produire, votre collègue M. Douyère a conclu que la TVA n'était pas un facteur de nature à perturber le développement de ce marché.

Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à l'amendement no

81.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Avec tout le respect que je vous dois, ainsi qu'à M. Douyère, la quasi-totalité de la profession est convaincue, preuves à l'appui, que la TVA à l'importation est un levier majeur de délocalisation des objets les plus beaux de notre patrimoine national vers d'autres lieux de vente. Cela n'empêche pas les services de la Commission de Bruxelles de continuer, d'une façon presque ayatollesque... (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), d'appliquer l'idéologie communautaire de la TVA, laquelle mérite que l'on s'y arrête quelques instants.

On peut comprendre que l'on instaure une TVA d'importation pour protéger des bicyclettes françaises contre des bicyclettes taïwanaises. C'en était même l'objectif à l'origine. En droit international, cela s'appelle une barrière non tarifaire. C'était dans le cadre du GATT. Mais nous sommes aujourd'hui dans celui de l'OMC et en matière culturelle, c'est totalement aberrant. En effet, la TVA à l'importation empêche le retour chez nous d'objets d'art français faisant partie de collections étrangères. Les vendeurs japonais ou américains ne les vendront pas en France tout simplement parce qu'ils n'ont aucune raison de donner au fisc français 5,5 % de TVA.

Que d'autres pays de l'Union européenne, où il n'y a pas grand chose à prendre, appliquent ce taux et même des taux supérieurs - le taux de la TVA à l'importation peut aller jusqu'à 20,6 % pour un certain nombre d'objets - fort bien ! Mais nous, dont le pays est le principal réservoir d'art, qui subit ce pillage quotidien, il serait aberrant que nous maintenions une disposition fiscale qui joue contre nos intérêts ! Cet après-midi même, j'ai demandé à votre collègue M. Moscovici, qui s'exprimait devant les députés de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des affaires étrangères, de bien vouloir, ainsi que vous l'aviez vous-même indiqué lors de ce fameux colloque, profiter de la présidence française en l'an 2000 pour soulever cette question, ainsi d'ailleurs que celle du droit de suite, dont vous avez dit qu'il était très important sur le plan social. Mais le droit de suite ne profite pas aux artistes français, il ne les nourrit pas, surtout pas ceux qui sont au chômage ! Ils sont ou non affiliés à la sécurité sociale des artistes. Si vous voulez à toute force conserver ce dispositif, alors, modifiez-le, résumez-le, faites en sorte de créer un fonds pour les artistes ! Or, sur tous ces points, le Gouvernement est singulièrement muet. Je souhaiterais, madame, que vous nous annonciez une grande politique à cet égard, profitant de la prochaine présidence française au deuxième semestre de l'année 2000.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Madame la ministre, la cause est entendue : c'est vrai, étant donné ses conséquences, l'amendement de nos collègues ne peut pas être accepté.

Cela dit, je rejoins Pierre Lellouche. Il n'est pas envisageable qu'un jour on puisse adopter au niveau européen des directives applicables dans chaque Etat - ce qui est le cas de la TVA à l'importation -, mais des directives un peu plus intelligentes. Pourquoi, en effet, payer un droit d'entrée pour les oeuvres d'art en Europe alors que le marché nord-américain leur est ouvert ? Nous appliquons là une méthode protectionniste qui n'aboutit qu'à priver nos propres marchés de ressources.

En tout état de cause, ce n'est pas par le biais d'un amendement aux conséquences inadmissibles que nous parviendrons à une solution mais par des discussions au niveau communautaire.

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Revenons à des considérations de bon sens : une bonne taxe est une taxe qui rapporte beaucoup et qui ne pénalise pas l'activité. La TVA à l'importation rapporte très peu, 40 millions de francs - c'est dérisoire comparé aux milliers d'emplois qui sont en cause et au rayonnement du marché de l'art français - et pénalise le site européen. Le Gouvernement - vous m'avez fait cette réponse, madame la ministre, deux années de suite à l'occasion de l'examen de votre budget se défausse de sa responsabilité en disant : nous sommes ceux qui avons réussi l'harmonisation par le haut en convainquant nos partenaires britanniques, qui étaient plus que réticents, à s'aligner sur nos règles fiscales. La belle affaire - il faut relire la lettre savoureuse de Tony Blair à Lionel Jospin - puisque cela profite, non pas à la place française par rapport à la place britannique, mais aux sites extra-européens.

Par conséquent, globalement, la TVA à l'importation des oeuvres non communautaires affaiblit le site Europe au profit des Etats-Unis, de la Suisse ou même de Monaco.

En exportant ce chef-d'oeuvre fiscal que constitue la TVA à l'importation, la France porte la lourde responsabilité d'avoir mené ce combat erroné pendant des années.

Le bon combat, c'est pour la compétitivité de l'Europe sur le marché mondial.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

81. (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 12

M. le président.

« Art. 12. Une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peut consentir au vendeur une avance sur le prix d'adjudication du bien proposé à la vente. »

Je suis saisi de trois amendements, nos 61, 20 et 100, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 61, présenté par MM. de Courson, Christian Martin et Plagnol, est ainsi rédigé :

« Compléter l'article 12 par l'alinéa suivant :

« Cette avance ne peut être supérieure à 40 % de l'estimation mentionnée à l'article 11 et son remboursement doit être garanti par un organisme d'assurance ou un établissement de crédit. »

Les amendements nos 20 et 100 sont identiques.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

L'amendement no 20 est présenté par Mme Feidt, rapporteur, et M. Tourret ; l'amendement no 100 est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Compléter l'article 12 par les deux alinéas suivants :

« Le remboursement de cette avance doit être garanti par un organisme d'assurance ou un établissement de crédit qui aura reçu l'agrément du conseil des ventes.

« La société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peut détenir aucune participation dans l'organisme ou l'établissement avec lequel elle contracte. »

Sur l'amendement no 20, le Gouvernement a présenté un sous-amendement, no 84, ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa de l'amendement no 20, supprimer les mots : "qui aura reçu l'agrément du conseil des ventes,". »

La parole est à M. Charles de Courson pour soutenir l'amendement no

61.

M. Charles de Courson.

Mon amendement est une tentative de conciliation entre la position initiale du Gouvernement et celle du Sénat : revenir à un maximum de 40 %, mais avec des garanties, alors que l'amendement suivant offre la possibilité d'aller jusqu'à 100 %.

M. le président.

La parole est Mme le rapporteur pour soutenir l'amendement no

20.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a souhaité que le remboursement de l'avance sur le prix d'adjudication consenti au vendeur par la société de vente soit garanti par un organisme d'assurance ou un établissement de crédit. C'est une protection pour le vendeur comme pour la société de vente.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret, pour défendre l'amendement no 100.

M. Alain Tourret.

L'amendement que nous avons mis au point avec Mme le rapporteur a un double intérêt. La limitation à 40 % ne me paraît pas une bonne chose.

Comme elle n'existe pas dans d'autres Etats, elle dissuaderait les vendeurs des très grandes ventes de venir en France.

M. Henri Plagnol.

Il a raison !

M. Alain Tourret.

Ce serait une grave erreur, car ce que nous visons, ce sont précisément ces grandes ventes, les ventes de prestige, où les vendeurs ont besoin, soit pour payer des droits de succession, soit parce qu'ils veulent disposer d'une partie de leur patrimoine, de l'argent qui peut leur être ainsi consenti par la société de vente.

En revanche, il faut des garanties. L'intérêt d'exiger ainsi la garantie par une compagnie d'assurance n'échappera donc à personne. Garantie complémentaire, pour éviter tout doute sur la capacité de telle ou telle compagnie d'assurance, nous demandons qu'elle soit agréée.

Ainsi pourra-t-on consentir des avances sans limitation, et avec des garanties. Voilà un système qui nous permet d'être compétitifs sur le plan international.

M. le président.

La parole est à Mme le ministre, pour présenter le sous-amendement no 84 et pour donner l'avis du Gouvernement sur les trois amendements.

Mme le ministre de la culture et de la communication.

Je suis favorable au principe de ces amendements qui prémunissent les sociétés de vente contre la tentation de se lancer dans des opérations financières aventureuses en proposant des avances excédant leurs capacités.

Je suis, en revanche, beaucoup plus réservée sur la disposition qui impose un agrément par le conseil des ventes d e l'organisme qui garantira le remboursement de l'avance. Elle institue, à mon sens, un mécanisme bien lourd. Au surplus, un tel agrément ne m'apparaît pas relever des compétences du conseil des ventes dont le rôle est réservé au contrôle des personnes réalisant des ventes volontaires. D'ailleurs, il existe d'ores et déjà des structures spécifiquement chargées de vérifier les garanties que présentent les compagnies d'assurance et les établissements de crédit : ce sont la direction du Trésor, au ministère de l'économie et des finances et la Commission de contrôle des assurances, d'une part, et le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement ainsi que la Commission bancaire, d'autre part. Le contrôle opéré par ces autorités m'apparaît largement suffisant d'autant qu'il porte précisément, pour partie, sur les activités de caution de ces organismes. D'ailleurs, un établissement de crédit ou un organisme d'assurance qui serait agréé par le conseil des ventes, sans avoir reçu l'aval de la direction du Trésor ou du comité des établissements de crédit, ne pourrait garantir le remboursement de l'avance proposée par la société de vente.

J'ajoute qu'il apparaît délicat à l'égard des institutions européennes de justifier le fait que l'on soumet les établissements de crédit et les organismes d'assurance à un agrément du conseil des ventes alors qu'ils sont d'ores et déjà agréés pour la même activité.

C'est pourquoi j'ai déposé un sous-amendement qui vise à supprimer l'agrément du conseil des ventes. Je serai favorable à l'adoption des amendements nos 20 et 100 sous la réserve de l'adoption de ce sous-amendement. A défaut, je m'en remettrais à la sagesse de l'Assemblée sur ce point.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Je suis convaincu par l'argumentation de Mme la ministre. Nous souhaitons aller vers un allègement des contrôles. J'avais estimé, avec Mme le rapporteur, qu'il s'agissait d'une garantie. Mais je conviens qu'il est nécessaire de sous-amender notre amendement comme le propose Mme le ministre.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

61. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no

84. (Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix, par un seul vote, les amendements nos 20 et 100, modifiés par le sousamendement no

84. (Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13

M. le président.

« Art. 13. - Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont responsables, à l'égard du vendeur et de l'acheteur, de la représentation du prix et de la délivrance des biens dont elles ont effectué la vente. Toute clause qui vise à écarter ou à limiter leur responsabilité est réputée non écrite.

« Le bien adjugé ne peut être délivré à l'acheteur que lorsque la société en a perçu le prix ou lorsque toute garantie lui a été donnée sur le paiement du prix par l'acquéreur.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

« A défaut de paiement par l'adjudicataire après mise en demeure restée infructueuse, le bien est remis en vente, sur la demande du vendeur, à la folle enchère de l'adjudicataire défaillant ; si le vendeur ne formule pas cette demande dans un délai d'un mois à compter de l'adjudication, la vente est résolue de plein droit, sans préjudice de dommages et intérêts dus par l'adjudicataire défaillant.

Les fonds détenus pour le compte du vendeur doivent être versés à celui-ci, au plus tard deux mois à compter de la vente. »

Mme Feidt, rapporteur, et M. Tourret ont présenté un amendement, no 21, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le début de l'avant-dernier alinéa de l'article 13 :

« A défaut de paiement par l'adjudicataire, après mise en demeure restée infructueuse le bien est remis en vente à la demande du vendeur sur folle enchère de l'adjudicataire défaillant ; si le vendeur...

(le reste sans changement) »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

21. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 101 tombe.

M. Plagnol et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 62, ainsi rédigé :

« Compléter le dernier alinéa de l'article 13 par les mots : "à défaut d'un accord express de la société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et du vendeur sur ce délai". »

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Il semble justifié de prendre en compte la volonté des parties, sociétés de vente ou vendeurs, en les autorisant à fixer, d'un commun accord, le délai maximal de versement des fonds, d'autant que, compte tenu de l'importance des sommes pouvant être mises en jeu, le délai de deux mois peut paraître très bref.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. Dans l'intérêt du vendeur, il est souhaitable de prévoir un délai maximal de deux mois dans lequel la société des ventes devra lui verser les fonds qu'elle détient en son nom.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

62. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement no

21. (L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Article 14

M. le président.

« Art. 14. I. Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 2 500 000 francs d'amende le fait de procéder ou de faire procéder à une ou plu-s ieurs ventes volontaires de meubles aux enchères publiques :

« si la société qui organise la vente ne dispose pas de l'agrément prévu à l'article 4, soit qu'elle n'en est pas titulaire, soit que son agrément a été suspendu ou retiré à titre temporaire ou définitif ;

« ou si le ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui organise la vente n'a pas procédé à la déclaration prévue à l'article 21 ;

« ou si la personne qui dirige la vente ne remplit pas les conditions prévues à l'article 7 ou est frappée d'une interdiction à titre temporaire ou définitif de diriger de telles ventes.

« Les personnes physiques coupables de l'une des infractions aux dispositions prévues au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :

« 1o L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;

« 2o L'affichage ou la diffusion de la condamnation prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal ;

« 3o La confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus par l'auteur de l'infraction, à l'exception des objets susceptibles de restitution.

« II. Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies au présent article. Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1o L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2o Pour une durée de cinq ans au plus, les peines mentionnées aux 1o , 2o , 3o , 4o , 8o et 9o de l'article 131-39 du code pénal. L'interdiction mentionnée au 2o de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 22, ainsi rédigé :

« Supprimer le troisième alinéa du I de l'article 14. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Il ne paraît pas opportun de prévoir des sanctions pénales, ainsi que le Sénat l'a fait, pour le ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui organise une vente en France, à titre occasionnel, sans avoir fait de déclaration préalable au conseil des ventes comme le lui impose l'article 21 du projet de loi.

En effet, le prestataire de service est déjà soumis à la législation de son Etat d'établissement. En outre, les sanctions disciplinaires telles que l'interdiction d'exercer sur le territoire français paraissent suffisamment dissuasives pour garantir le respect de la loi.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Pardonnez ma fausse naïveté, mais je me suis posé des questions, et je ne suis sans doute pas le seul, lorsqu'on nous a proposé de supprimer le dernier alinéa de l'article.

Je souscris aux explications qui ont été données, mais je pensais que la loi, en France, s'appliquait à tous. Un citoyen étranger qui ne respecte pas le code de la route ou qui commet une infraction pénale tombe sous le coup de la loi pénale française. Je pensais donc que, dans ce domaine-là également, si un ressortissant de la Communauté ne se pliait pas aux prescriptions de la loi française, il encourait les sanctions qu'elle prévoit.

Je souscris à l'argument de Nicole Feidt, notre rapporteur, mais je me permets de souligner que j'ai été, au départ, étonné.

M. Pierre Lellouche.

Moi aussi !

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

C'est un point important. Nous en avions parlé en commission des lois, et je suis totalement d'accord avec ce que vient de dire M. Lambert.

Dans un texte qui a pour but, à la demande de la Commission de Bruxelles, de mettre sur un pied d'égalité les maisons de ventes françaises et les intervenants communautaires sur le marché français, on comprend mal cette différence de traitement. Ou bien la loi française s'applique, et elle s'applique dans son intégralité à tout le monde, ressortissants français ou communautaires exerçant sur le territoire, ou bien elle ne s'applique pas.

On peut lire dans l'exposé sommaire de l'amendement que le prestataire de services est déjà soumis à la législation de son Etat d'établissement et que, en outre, les sanctions disciplinaires, telles que l'interdiction d'exercer sur le territoire français, paraissent suffisamment dissuasives pour garantir le respect de la loi. Est-ce à dire, par conséquent, que le seul fait d'appartenir à un Etat étranger et donc d'être soumis à ses lois d'origine exclut l'application de la loi française ? Nous sommes en pleine contradiction sur le plan juridique et je suis à peu près sur que ce texte sera censuré, car il n'est pas conforme au droit international et au droit communautaire. Le principe même de la liberté d'établissement, c'est que la même loi s'applique à tous, et pas la loi du pays d'origine.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Je rappelle qu'il y a une jurisprudence. Dans un arrêt no 154-89 du 26 février 1 991, Commission des Communautés européennes contre République française, la Cour de justice des Communautés européennes a indiqué que les restrictions apportées au principe fondamental de la libre prestation de services ne pouvaient être considérées comme compatibles avec les articles 59 et 60 du traité CEE.

M. Pierre Lellouche.

Qu'est-ce que ça veut dire ? Quel est le rapport ? C'est tout à fait surréaliste !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

22. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

M. Houillon et M. Lellouche ont présenté un amendement, no 76, ainsi rédigé :

« Dans la première phrase du dernier alinéa (2o)

du II de l'article 14, substituer aux mots : "1o , 2o , 3o , 4o " les mots : "2o ,3o ". »

La parole est à Mme Nicole Ameline, pour soutenir cet amendement.

Mme Nicole Ameline.

Cet amendement a pour objet de supprimer les sanctions pénales jugées excessives. Sans remettre en cause le principe même des sanctions et leur opportunité, il nous paraît essentiel de ne pas introduire d'effet dissuasif vis-à-vis des sociétés extérieures, sachant que certains pays ne connaissent même pas la responsabilité pénale des personnes morales.

Il est donc proposé de supprimer les peines de dissolution et de fermeture d'établissements afin de ne pas dissuader les sociétés d'organiser des ventes en France. Il s'agit donc de respecter une certaine proportionnalité et de mieux adapter les sanctions.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

Défavorable. La commission a souhaité que le juge puisse, dans les cas les plus graves, décider la dissolution et la fermeture de la maison des ventes n'ayant pas respecté la réglementation .

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je me réjouis que l'amendement précédent n'ait pas été adopté parce que cela aurait été encore plus contradictoire. D'un côté, on exonérait des ressortissants communautaires de la loi française, et, là, on en rajoute pour les ressortissants français.

Je propose également le rejet de cet amendement. On aura ainsi un texte un peu plus équilibré !

M. le président.

Chacun est responsable de ses positions ! Je mets aux voix l'amendement no

76. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Articles 14 bis et 15

M. le président.

« Art. 14 bis Le quatrième alinéa (2o ) de l'article 313-6 du code pénal est complété par les mots : "ou d'une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques agréée". »

Je mets aux voix l'article 14 bis

(L'article 14 bis est adopté.)

« Art. 15. Les dispositions de l'article 29 de la loi no 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat ne sont pas applicables aux locaux utilisés par les sociétés mentionnées à l'article 2 de la présente loi. » -

(Adopté.)

Article 16

M. le président.

Je donne lecture de l'article 16 : Section 2 Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

« Art.

16. Il est institué un Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, doté de la personnalité morale.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

« Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques est chargé :

« 1o D'agréer les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ainsi que les experts visés au chapitre V ;

« 2o D'enregistrer les déclarations des ressortissants des

Etats mentionnés au chapitre II ;

« 3o De sanctionner, dans les conditions prévues à l'article 19, les manquements aux lois, règlements et obligations professionnelles applicables aux sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, aux experts agréés et aux ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen exerçant à t itre occasionnel l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en France.

« 4o Supprimé.

« La décision du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qui refuse ou retire l'agrément d'une société ou d'un expert ou l'enregistrement de la déclaration d'un ressortissant d'un Etat mentionné au chapitre II doit être motivée. »

M. Tourret a présenté un amendement, no 102, ainsi rédigé :

« Rétablir l'avant-dernier alinéa de l'article 16 dans la rédaction suivante :

« 4o d'assurer l'organisation des cours et examens professionnels de commissaires-priseurs. »

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Je propose que le conseil des ventes soit chargé d'assurer l'organisation des cours et examens professionnels des commissaires-priseurs.

Jusqu'à présent, c'est la chambre nationale des commissaires-priseurs qui est chargée, par l'ordonnance de 1945, d'assurer l'organisation des cours professionnels. Or la réforme va lui faire perdre plus de 80 % de ses ressources. Il paraît donc totalement paradoxal de lui laisser cette charge, qui est lourde.

Mieux vaut la confier au conseil des ventes, organe indépendant, qui peut seul en être chargé. Cette compétence aura l'avantage de rendre la formation indépendante d'un organisme purement professionnel, qui sera composé de onze personnes, dont six nommées par le ministre, et d'écarter tout soupçon de malthusianisme, ce qui me paraît excellent en l'espèce.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a rejeté cet amendement. Il nous semble logique que la formation des commissaires-priseurs judiciaires relève de la chambre nationale des commissaires-priseurs et non pas du conseil des ventes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 102.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 17

M. le président.

« Art. 17. Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques informe la chambre nationale et les chambres des commissairespriseurs judiciaires, ainsi que les chambres départementales des huissiers de justice et des notaires, des faits commis dans le ressort de celle-ci qui ont été portés à sa connaissance et qui porteraient atteinte à la réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

« Les chambres départementales des huissiers de justice et des notaires, la chambre nationale et les chambres des commissaires-priseurs judiciaires procèdent à la même information envers le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. »

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 18

M. le président.

« Art. 18. Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprend onze membres désignés pour quatre ans :

« cinq personnes qualifiées nommées par le garde des sceaux, ministre de la justice ;

« six représentants élus des professionnels, dont deux experts agréés.

« Le président est élu par les membres du conseil en leur sein.

« Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.

« Un magistrat du parquet est désigné pour exercer les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès du conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

« Le financement du conseil est assuré par le versement de cotisations professionnelles acquittées par les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et par les experts agréés. Le montant de ces cotisations est fixé par le conseil en fonction de l'activité des assujettis.

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'organisation et de fonctionnement du conseil. »

M. Tourret a présenté un amendement, no 103, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 18 :

« Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprend, outre un président nommé par décret sur proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, dix membres nommés pour quatre ans :

« 1o cinq personnes qualifiées désignées respectivement par le garde des sceaux, ministre de la justice, par le ministre chargé de l'économie et des finances, par le ministre chargé de la culture,par le ministre chargé de l'intérieur et par le ministre chargé du commerce ;

« 2o cinq représentants des professionnels, dont un expert.

« Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.

« Un magistrat du parquet est désigné pour exercer les fonctions de commissaire du Gouvernement auprès du conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

« Le financement du conseil est assuré par le versement de cotisations professionnelles acquittées par les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et par les experts agréés. Le montant de ces cotisations est fixé par le conseil en fonction de l'activité des assujettis. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Je propose que le conseil des ventes soit composé de cinq personnes qualifiées désignées par les différents ministres et de cinq représentants des professionnels, dont un expert, que des suppléants soient désignés en nombre égal et dans les mêmes formes et qu'un magistrat du parquet soit désigné pour exercer les fonctions de commissaire du Gouvernement.

Cinq personnes désignées par les ministres et cinq représentants des professionnels, cela me semble être un bon équilibre. D'autres amendements proposaient six et cinq, d'autres dix et cinq. Tout est possible en la matière et, si l'on refuse cet amendement, l'amendement no 23 qui sera présenté par Mme Feidt pourrait avoir mon soutien.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Je vais effectivement présenter un amendement à ce sujet et j'aimerais donc que M. Tourret retire le sien.

M. le président.

Retirez-vous votre amendement, monsieur Tourret ?

M. Alain Tourret.

Je le retire.

M. le président.

L'amendement no 103 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements, nos 7, 23 et 77, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 7, présenté par M. Lellouche, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les trois premiers alinéas de l'article 18 :

« Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprend quinze membres désignés pour quatre ans :

« cinq personnes qualifiées nommées conjointement par le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de la culture et de la communication et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

« dix représentants élus des professionnels dont d eux commissaires-priseurs, deux experts agréés, deux représentants du personnel des sociétés de ventes volontaires, un antiquaire, un galeriste, un notaire, un huissier. »

L'amendement no 23, présenté par Mme Feidt, rapporteur est ainsi rédigé :

« Substituer aux trois premiers alinéas de l'article 18 les quatre alinéas suivants :

« Le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques comprend onze membres nommés pour quatre ans :

« six personnes qualifiées désignées par le garde des sceaux, ministre de la justice ;

« cinq représentants des professionnels, dont un expert.

« Les membres du conseil ne peuvent exercer que deux mandats. »

Sur cet amendement, M. Lellouche a présenté un sousamendement, no 46 rectifié, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'amendement no 23 :

« Le mandat des membres du conseil n'est renouvelable qu'une seule fois. »

L'amendement no 77, présenté par M. Houillon et M. Plagnol est ainsi rédigé :

« Après le troisième alinéa de l'article 18, insérer l'alinéa suivant :

« Les membres du conseil ne peuvent exercer qu'un mandat. »

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l'amendement no

7.

M. Pierre Lellouche.

Le conseil des ventes volontaires a des missions presque régaliennes, en tout cas pour les professionnels, puisqu'il sera chargé d'agréer les sociétés de ventes, d'enregistrer les déclarations des ressortissants européens exerçant sur le sol français, d'assurer le respect par les sociétés de la réglementation française, de réprimer les manquements. Il aura un pouvoir disciplinaire qui peut aller jusqu'à des sanctions extrêmement lourdes.

C'est donc un organisme très important.

Il y a deux façons de concevoir pareil organisme.

Le Gouvernement et, si j'ai bien compris, l'amendement de Mme Feidt, soutenu par le Gouvernement, proposent un système très classique dans notre tradition, c'est-à-dire la domination de l'Etat et des fonctionnaires de l'Etat sur une profession : six personnes qualifiées désignées par le garde des sceaux et cinq représentants des professionnels, c'est-à-dire une majorité pour les représentants de l'Etat.

Il y a peut-être une autre façon d'envisager les choses, et c'est le système que je voudrais soumettre à mes collègues. On peut considérer que la profession est suffisamment mature et ouverte au public pour engager en permanence sa responsabilité, son professionnalisme, et qu'elle doit être capable de s'auto-gouverner, en liaison avec les services de l'Etat. Je propose donc d'élargir le conseil à quinze membres : cinq représentants désignés par les trois ministres compétents - le garde des sceaux, le ministre de la culture, le ministre de l'économie et des finances - et dix professionnels appartenant à l'ensemble des intervenants devant travailler sur le marché de l'art, c'est-à-dire deux commissaires-priseurs, deux experts agréés, deux représentants du personnel des sociétés de vente volontaire, un antiquaire, un galeriste, un notaire, un huissier. Ainsi seraient représentés l'ensemble des intervenants sur le marché de l'art, en liaison avec l'Etat et sous une forme qui responsabiliserait la profession.

Ce serait peut-être un petit peu la révolution culturelle dans notre tradition, mais ce serait, je crois, un progrès dans la représentativité des professionnels du marché de l'art, en tout cas une source à la fois de moralité et de responsabilisation des acteurs.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

23.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Je propose, moi, que le conseil soit composé de onze membres, six personnes qualifiées désignées par le garde des sceaux et cinq représentants des professionnels, dont un expert. J'ai l'habitude des collectivités et un chiffre impair me paraît préférable pour organiser les votes.

Le dernier alinéa prévoit que les membres ne peuvent exercer que deux mandats, mais le sous-amendement de M. Lellouche revient au même et je suis prête à l'accepter.

Il me semble que, pous assurer l'indépendance, ce conseil doit être majoritairement composé de personnes qualifiées désignées par le Gouvernement. Dans un premier temps, ce sera une période transitoire. Si elles ne sont pas désignées par le ministre, on ne voit pas comment les professionnels pourraient organiser un vote pour élire leurs représentants.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir le sous-amendement no 46 rectifié.

M. Pierre Lellouche.

Il y a consensus au sein de la commission pour considérer que le mandat ne doit êtrer enouvelable qu'une seule fois. Nos divergences ne portent pas sur la durée des mandats mais sur la notion d'indépendance du conseil. Doit-il être un organisme étatique ou para-étatique ou un organisme indépendant lié à l'Etat ? Cela dit, la commission a tranché et je ne me fais aucune illusion sur l'issue du vote.

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol, pour soutenir l'amendement no

77.

M. Henri Plagnol.

Je voudrais exprimer une thèse personnelle et un peu dissidente.

Je regrette beaucoup qu'au fil des textes, nous soyons amenés à multiplier le nombre des autorités dites indépendantes. C'est en réalité une démission de l'Etat, qui choisit un faux nez pour exercer des compétences qu'il pourrait très bien exercer lui-même. Je ne vois pas en quoi la Chancellerie ne pourrait pas donner cet agrément, sous le contrôle du juge. Il n'est nul besoin de créer un machin de plus qui sera une prébende et qui, s'il doit bien fonctionner, aura besoin de moyens importants.

Toutes ces institutions ont tendance à persévérer dans leur être et à demander toujours plus de moyens et de compétences. Là, en plus, on confine à l'absurde puisque les représentants de l'Etat seront majoritaires.

Pourquoi créer une commission supplémentaire ? De deux choses l'une : soit on considère - et c'est mon choix - que c'est une mission de l'Etat d'exercer ce type de prérogatives régaliennes, car, dès lors que l'on crée un agrément, c'est à la puissance publique de le conférer, et il n'est nul besoin d'une autorité indépendante ; soit on estime - c'est une autre thèse, tout aussi cohérente - qu'il s'agit d'une autorité de marché, auquel cas elle doit être gérée par des représentants élus par les professionnels, et certainement pas nommés. Mais là, on a une espèce de faux compromis, un faux nez de l'Etat, un machin de plus.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement no 46 rectifié et l'amendement no

77.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission est favorable au sous-amendement no 46 rectifié.

Elle n'a pas examiné l'amendement no 77 mais, à titre personnel, j'y suis opposée. Nous avons eu cette discussion sur le mandat en commission, mais M. Plagnol n'était pas là.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements et sur le sous-amendement no 46 rectifié ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable à l'amendement no 23, défavorable à l'amendement no 7, favorable au sous-amendement no 46 rectifié et défavorable à l'amendement no

77.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 46 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président.

Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix l'amendement no 23, modifié par le sous-amendement no 46 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'amendement no 77 tombe.

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 24, ainsi rédigé :

« Supprimer le dernier alinéa de l'article 18. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

C'est un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

24. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

je mets aux voix l'article 18, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)

Article 19

M. le président.

« Art. 19. Tout manquement aux lois, règlements ou obligations professionnelles applicables a ux sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, aux experts agréés et aux personnes habilitées à diriger les ventes en vertu du premier aliéna de l'article 8 peut donner lieu à sanction disciplinaire. La prescription est de trois ans à compter du manquement.

« Le conseil statue par décision motivée. Aucune sanction ne peut être prononcée sans que les griefs aient été communiqués au représentant légal de la société, à l'expert ou à la personne habilitée à diriger les ventes, que celui-ci ait été mis à même de prendre connaissance du dossier et qu'il ait été entendu ou dûment appelé.

« Les sanctions applicables aux sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, aux experts agréés et aux personnes habilitées à diriger les ventes, compte tenu de la gravité des faits reprochés, sont : l'avertissement, le blâme, l'interdiction d'exercice de tout ou partie de l'activité à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder trois ans et le retrait de l'agrément de la société ou de l'expert ou l'interdiction définitive de diriger des ventes.

« En cas d'urgence et à titre conservatoire, le président du conseil peut prononcer la suspension provisoire de l'exercice de tout ou partie de l'activité d'une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, d'un expert agréé ou d'une personne habilitée à diriger les ventes, pour une durée qui ne peut excéder un mois, sauf prolongation décidée par le conseil pour une durée qui ne peut excéder trois mois. Il en informe sans délai le conseil. »

M. Plagnol et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 63, ainsi rédigé :

« A la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article 19, supprimer les mots : ", sauf prolongation décidée par le conseil pour une durée qui ne peut excéder trois mois". »

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Les sociétés de ventes auront à acquitter des frais fixes de fonctionnement - salaires, locaux, immobilisatons - très élevés. En conséquence, la suspension provisoire de tout ou partie de leur activité pour une période pouvant aller jusqu'à trois mois risque


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

de les pénaliser durement sur le plan économique, voire de les condamner à disparaître. Dès lors, il ne semble plus possible de parler de mesures conservatoires.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. En effet, lorsqu'elle a été prise par le président du conseil des ventes en raison de l'urgence, la décision de suspension provisoire de l'activité d'une société de ventes n'ayant pas respecté la réglementation doit pouvoir être prolongée par le conseil de ventes pour une durée de trois mois. Un tel laps de temps peut être nécessaire pour que la procédure disciplinaire aille à son terme.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

63. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Article 20

M. le président.

« Art. 20. Les décisions du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et de son président peuvent faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris. Le recours peut être porté devant le premier président de ladite cour statuant en référé. »

Je mets aux voix l'article 20.

(L'article 20 est adopté.)

Articles 21 à 23

M. le président.

Je donne lecture de l'article 21 : C HAPITRE II Libre prestation de services de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques par les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne et des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen

« Art. 21. Les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui exercent à titre permanent l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans l'un de ces Etats autre que la France peuvent accomplir, en France, cette activité professionnelle à titre occasionnel. Cette activité ne peut être accomplie qu'après déclaration faite au Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. La déclaration est faite au moins trois mois avant la date de la première vente réalisée en France. Le conseil est informé des ventes suivantes un mois au moins avant leur réalisation. Il peut s'opposer, par décision motivée, à la tenue d'une de ces ventes. »

Je mets aux voix l'article 21.

(L'article 21 est adopté.)

« Art. 22. Les personnes exerçant l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à titre permanent dans leur pays d'origine font usage, en France, de leur qualité exprimée dans la ou l'une des langues de l'Etat où elles sont établies, accompagnée d'une traduction en français, ainsi que, s'il y a lieu, du nom de l'organisme professionnel dont elles relèvent. » (Adopté.)

« Art. 23. Pour pouvoir exercer l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques à titre occasionnel, le ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit justifier auprès du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques qu'il est titulaire de l'un des diplômes, titres ou habilitations prévus à l'article 7 ou, s'il s'agit d'une personne morale, qu'il comprend parmi ses dirigeants, ses associés ou ses salariés une personne remplissant cette condition.

« Il doit également apporter la preuve auprès du conseil de l'existence d'un établissement dans son pays d'origine et de garanties de moralité professionnelle et personnelle. ». (Adopté.) Article 24

M. le président.

« Art. 24. Les ressortissants d'un

Etat membre de la Communauté européenne ou d'un

Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen sont tenus de respecter les règles régissant l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques prévues par la présente loi sans préjudice des obligations non contraires qui leur incombent dans l'Etat dans lequel ils sont établis. »

M. Plagnol et M. Christian Martin ont présenté un amendement, no 64, ainsi rédigé :

« Dans l'article 24, après les mots : "Espace é conomique européen", insérer les mots : "quie xercent à titre occasionnel leur activité en France". »

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Il s'agit d'un amendement de précision destiné à éviter que la rédaction de l'article 24 ne soit pas conforme aux règles du droit international. Il doit être explicite que les ressortissants de l'Espace économique européen « qui exercent à titre occasionnel leur activité en France » sont assujettis aux règles de droit françaises.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement estimant qu'il n'y a pas d'ambiguïté possible. En effet, il est bien précisé à l'article 24 que toutes les dispositions du chapitre II du projet, chapitre consacré à la libre prestation de services de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, s'appliquent à tous les ressortissants européens qui accomplissent cette activité à titre occasionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Sagesse.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

64. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 25

M. le président.

« Art. 25. - En cas de manquement aux dispositions du présent chapitre, les ressortissants des

Etats membres de la Communauté européenne et des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen sont soumis aux dispositions de l'article 19. Toutefois, les sanctions de l'interdiction temporaire de l'exercice de l'activité et du retrait de l'agrément sont remplacées par les sanctions de l'interdiction temporaire ou définitive d'exercer en France l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

« En cas de sanction, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques en avise l'autorité compétente de l'Etat d'origine. »

Je mets aux voix l'article 25.

(L'article 25 est adopté.)

Article 26

M. le président.

Je donne lecture de l'article 26 : C HAPITRE

III Les prisées et ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques

« Art. 26. - Sont judiciaires au sens de la présente loi les ventes de meubles aux enchères publiques prescrites par la loi ou par décision de justice, ainsi que les prisées correspondantes.

« Les titulaires d'un office de commissaire-priseur dont le statut est fixé par l'ordonnance no 45-2593 du 2 novembre 1945 relative au statut des commissairespriseurs prennent le titre de commissaires-priseurs judiciaires. Ils ont, avec les autres officiers publics ou ministériels et les autres personnes légalement habilitées, seuls compétence pour organiser et réaliser les ventes judiciaires de meubles aux enchères publiques, et faire les inventaires et prisées correspondants.

« Ils assurent la police des ventes et peuvent faire toute réquisition pour y maintenir l'ordre.

« Les commissaires-priseurs judiciaires peuvent exercer des activités de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques au sein des sociétés à forme commerciale prévues à l'article 2. »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 25, ainsi rédigé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 26. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

25. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 26, modifié par l'amendement no

25. (L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)

Article 27

M. le président.

Je donne lecture de l'article 27 : C HAPITRE IV Dispositions communes aux ventes volontaires et aux v entes judiciaires de meubles aux enchères publiques

« Art. 27. - Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et les officiers publics ou ministériels compétents pour procéder aux ventes judiciaires et volontaires engagent leur responsabilité au cours ou à l'occasion des ventes de meubles aux enchères publiques, conformément aux règles applicables à ces ventes.

« Les clauses qui visent à écarter ou à limiter leur responsabilité sont interdites et réputées non écrites.

« Les actions engagées à l'occasion des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques, ainsi que des expertises correspondantes et des prisées, se prescrivent par dix ans à compter du fait générateur du dommage, à savoir l'adjudication ou la prisée. »

Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 26 corrigé et 104.

L'amendement no 26 corrigé est présenté par Mme Feidt, rapporteur, et M. Tourret ; l'amendement no 104 est présenté par M. Tourret.

Ces amendements sont ainsi libellés :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 27.

« Les actions en responsabilités civiles engagées à l'occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques se prescrivent par dix ans à compter de l'adjudication ou de la prisée. »

Sur l'amendement no 26 corrigé, Mme Lazerges a présenté un sous-amendement, no 108, ainsi rédigé :

« A la fin de l'amendement no 26 corrigé, substituer aux mots : "de l'adjudication ou de la prisée" les mots : "de la manifestation du dommage". »

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 26 corrigé.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Etendre la prescription décennale à l'ensemble des actions engagées à l'occasion de ventes aurait des conséquences dépassant le cadre strict du projet. Il a donc paru sage de ne prévoir cette prescription que pour la responsabilité civile et de préciser que le fait générateur est l'adjudication ou la prisée pour éviter toute interprétation.

M. le président.

La parole est à M. Jacques Floch, pour défendre le sous-amendement no 108.

M. Jacques Floch.

Cet amendement présenté par Christine Lazerges tend à préciser la date de départ de la responsabilité délictuelle.

En effet, tant que nous n'aurons pas eu un grand débat sur la prescription des délits, nous avons tout inté-r êt à nous en tenir à une lecture conforme de l'article 2270-1 de notre code civil, qui stipule que la prescription court à compter de la manifestation du dommage. C'est une manière de protéger le consommateur, celui qui achète un bien par l'intermédiaire d'une vente volontaire de meubles aux enchères publiques.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

Je tiens à exprimer mon désaccord total avec ce que vient de dire M. Floch.

En ce qui concerne la date de départ de la prescription, il est nécessaire de prendre comme fait générateur l'adjudication ou la prisée, car la notion même de dommage est sujette à interprétation. En effet, qu'est-ce qu'un dommage ? A quel moment naît un dommage ? Sait-on bien ce que c'est en matière corporelle ? Un dommage court-il à partir du premier franc ? Un objet cassé constitue-t-il un dommage ? Bref, on n'aura jamais une interprétation précise de ce qui constitue un dommage.


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Dès lors, la seule sécurité valable, c'est d'indiquer que le fait générateur est l'adjudication ou la prisée. Toute autre notion risque de nous entraîner dans des interprétations jurisprudentielles épouvantables et de supprimer toute possibilité de sécurité.

C'est pourquoi la commission m'a suivi et a suivi Mme Feidt sur ce point et a rejeté le sous-amendement de Mme Lazerges.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a rejeté le sous-amendement présenté par Mme Lazerges. Mais à titre personnel, j'y suis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques et sur le sous-amendement no 108 ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement de Mme Lazerges et favorable à l'amendement de la commission, no 26 corrigé.

M. Pierre Lellouche.

Je m'en réjouis !

M. le président.

Je mets aux voix le sous-amendement no 108.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 26 corrigé et 104.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 27, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 27, ainsi modifié, est adopté.)

Article 28

M. le président.

Je donne lecture de l'article 28 : C HAPITRE V Des experts agréés par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques

« Art. 28. Les experts auxquels peuvent avoir recours les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, les huissiers de justice, les notaires et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent être agréés par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques dans des conditions fixées par décret.

« Le conseil établit une liste des experts agréés. »

Sur cet article, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 8 et 49.

L'amendement no 8 est présenté par M. Lellouche ; l'amendement no 49 n'est pas soutenu.

L'amendement no 8 est ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 28, après le mot : "judiciaires", substituer au mot : "peuvent" le mot : "doivent". »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

L'article 28 est un peu délicat, puisqu'il porte sur l'agrément des experts. Deux thèses s'opposent en cette affaire. Or, paradoxalement, cette fois-ci, je ne serai pas du côté des tenants de la thèse libérale. En effet, les libéraux ne sont pas du côté que l'on peut croire, puisque c'est le Gouvernement qui propose de laisser se développer, à côté des experts agréés, une faune d'experts autoproclamés auxquels les maisons de ventes peuvent avoir recours pour authentifier les ventes.

Moi, je suis le libéral qui dit « non ». En effet, dans la mesure où le conseil des ventes est chargé de moraliser la situation, où l'on est en train de bâtir un système qui se veut aussi protecteur que possible des consommateurs, les experts doivent forcément être agréés.

C'est pourquoi je propose, par mon amendement, de remplacer le mot « peuvent » par le mot « doivent », car les maisons de ventes doivent avoir recours à des experts agréés. D'ailleurs, il est précisé à l'article suivant qu'il n'est pas possible d'être expert dans plusieurs disciplines à la fois - et c'est l'avis des experts eux-mêmes - puisqu'il y est indiqué que chaque expert ne peut être agréé que dans une spécialité.

L'amendement no 8, tout comme l'amendement no 9, a été adopté en commission. J'espère que ce sera également le cas en séance publique. Je le crois vraiment nécessaire à la sécurité des transactions.

Je sais bien qu'on va m'opposer l'idée selon laquelle si l'on supprime le monopole des commissaires-priseurs, ce n'est pas pour en rétablir un au profit des experts. Toutefois, comme ces derniers constituent la meilleure garantie pour ce qui est de la détermination de l'origine d'un objet et de l'évaluation de son prix, il me paraît très important d'organiser une telle sécurité juridique.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement no 8 ?

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Dans un souci de protection du consommateur, la commission a adopté cet amendement qui impose aux personnes habilitées à faire des ventes aux enchères de recourir à des experts agréés par le conseil des ventes lorsqu'elles souhaitent demander l'assistance d'un expert.

Personnellement, j'étais opposée à l'adoption d'un tel amendement. En effet, après avoir procédé à de multiples auditions, j'ai eu le sentiment que ce n'était le souhait ni des experts ni des commissaires-priseurs.

Par ailleurs, comme l'a fort justement dit M. Lellouche, il n'est pas non plus dans l'esprit de ce texte qui supprime un monopole d'en rétablir un nouveau au profit des experts agréés. De plus, certains experts auxquels peuvent pourtant souhaiter recourir des sociétés ne veulent pas solliciter l'agrément du conseil des ventes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

L e Gouvernement exprime un avis défavorable sur l'amendement de M. Lellouche.

En effet, ce régime d'agrément obligatoire reviendrait finalement à créer une profession d'experts agréés par le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Cela m'apparaît difficilement conciliable avec l'activité d'expertise : d'une part, parce que l'expertise recouvre de multiples domaines qui n'ont aucun lien entre eux ; d'autre part, parce que, en raison de la nature de cette activité, son exercice éclairé suppose que les hommes de l'art ne se consacrent pas uniquement à l'expertise, mais exercent parallèlement une activité professionnelle qui soit en rapport avec leur spécialité - galeriste, antiquaire, mais également universitaire.


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Partant de ce constat, le Gouvernement a choisi de ne pas créer un corps institutionnalisé d'experts, mais seulement d'assortir l'activité expertale de quelques règles jurisprudentielles. Nous avons d'ailleurs, en cela, écouté aussi l'expérience des professionnels eux-mêmes.

J'ajoute que la sorte de monopole qui serait ainsi reconnu aux experts agréés ne correspond guère à la philosophie d'ensemble du projet de loi qui tend à libéraliser le marché des ventes aux enchères.

De plus, cette réglementation contraignante n'apporterait pas aux consommateurs des garanties supplémentaires par rapport à celles prévues dans le projet du Gouvernement.

Si l'on prend l'exemple de la responsabilité civile, il faut savoir que les experts, qu'ils soient agréés ou non, engagent leur responsabilité civile à l'égard du vendeur comme de l'acheteur, voire, en application de la jurisprudence, leur responsabilité in solidum avec le commissaire-priseur. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la majorité des experts qui interviennent dans le secteur des ventes volontaires sont déjà couverts par une assurance professionnelle.

Il faut également prendre en compte des considérations d'opportunité. Il importe d'éviter que, dans certains cas où les objets mis en vente exigent une expertise très spécialisée, l'obligation de recourir à un expert agréé ne prive, en fait, l'organisateur de la vente de l'assistance d'un expert compétent dans le domaine considéré.

Enfin, la création d'un statut des experts agréés ne serait pas conforme aux principes de droit européen, et en particulier à celui de libre prestation de services. Dès lors, les règles applicables aux experts agréés ne seraient pas opposables aux experts étrangers et les experts agréés français risqueraient d'être désavantagés par rapport à leurs concurrents étrangers.

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Je tiens à apporter mon soutien au Gouvernement. En effet, comme le disait tout à l'heure M. Pierre Lellouche, on est ici dans un débat un peu à fronts renversés. Je crois qu'il serait incohérent et dangereux, par rapport à l'esprit même de la réforme, de reconstituer un corps des experts agréés. Ce serait méconnaître la nature très particulière de l'expertise d'art, qui recouvre des disciplines extrêmement variées. Par ailleurs, ce serait contraire aux directives européennes.

La noblesse de la qualité d'expert tient précisément au fait qu'elle s'acquiert sur le tas, de façon empirique, et pas toujours à partir des mêmes circuits de formation. Il serait dangereux à terme de laisser la procédure d'agrément réduire cette heureuse diversité, de la technocratiser en quelque sorte.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je tiens à indiquer à Mme la ministre et à Mme Feidt que, moi aussi, j'ai rencontré des professionnels. Or, contrairement à elles, j'ai le sentiment que ceux-ci recherchent une protection, une sécurisation par rapport au public, de façon que chacun sache qui avère quoi. Je ne considère pas que faire en sorte que les maisons de ventes utilisent des experts agréés soit porter atteinte à la liberté ; au contraire, c'est une garantie pour le consommateur.

Pour une fois, le libéral sera plutôt du côté de celui qui donne l'agrément.

Enfin et surtout, il y a une contradiction dans votre discours, madame la ministre.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Pas du tout !

M. Pierre Lellouche.

En effet, le chapitre V du projet de loi consacre six articles aux experts agréés, en prévoyant notamment des sanctions disciplinaires. Dans ces conditions, pourquoi consacrer six articles à des experts qui n'auront pas l'exclusivité du travail dans les maisons de ventes ? Si l'on considère que tout le monde peut faire de l'expertise, il n'y a pas besoin de légiférer, il est inutile d'être aussi précis ! Ainsi, à l'article 30, par exemple, il est prévu que

« Tout expert agréé est tenu de contracter une assurance garantissant sa responsabilité professionnelle ».

De même, l'article 31 précise que « Toute personne inscrite sur la liste prévue à l'article 28 ne peut faire état d e sa qualité que sous la dénomination d'"expert agréé..." ».

Si c'est accessoire, si tout le monde peut faire de l'expertise, pourquoi nous embêter avec le chapitre V ? Disons simplement que chacun peut être expert, que toutes les maisons de ventes peuvent faire appel à n'importe qui, et nous verrons bien qui, dans l'esprit, a raison.

Etant donné qu'il s'agit de moraliser les ventes, il est indispensable que les maisons de vente aient recours à des experts qui soient contrôlés, responsabilisés et assurés comme cela est d'ailleurs prévu dans la loi. Or, tout à coup, vous nous expliquez que ce serait une entrave à la liberté. Là encore, je ne comprends pas : soit la loi est mal rédigée, soit il faut en redéfinir la philosophie.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président.

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 27, ainsi rédigé :

« A la fin du premier alinéa de l'article 28, supprimer les mots : "dans des conditions fixées par décret". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Par cet amendement, la commission propose de renvoyer au décret en Conseil d'Etat, prévu à l'article 57 du projet de loi, le soin de fixer les conditions d'agrément des experts.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

27. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Lellouche a présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Compléter le deuxième alinéa de l'article 28 par les mots : "dans chaque spécialité". »

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Cet amendement tend à préciser que les experts auxquels ont recours les sociétés de ventes sont agréés dans une spécialité. Une telle disposition permettra de moraliser les ventes publiques. Cela répond à une demande des professionnels. Je connais un peu le marché de l'art, et il me paraît difficile d'être expert dans différents domaines.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?


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Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission est favorable à cet amendement. Elle estime en effet qu'il permet d'apporter une précision utile, conforme à l'esprit des dispositions du projet de loi, et qu'il contribue à accroître la protection des consommateurs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable également, car si le Gouvernement était hostile à l'obligation proposée précédemment par M. Lellouche, il est en revanche favorable à la reconnaissance des spécialités.

M. le président.

Comme quoi, monsieur Lellouche, il ne fallait pas désespérer !

M. Pierre Lellouche.

C'est Noël !

Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Lellouche ne comprend pas l'esprit qui anime le Gouvernement !

M. Pierre Lellouche.

Cet esprit est à ce point supérieur, que j'ai en effet souvent du mal à comprendre ! (Sourires.)

M. le président.

Pour l'instant, nous allons en rester à la lettre.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 28, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 28, ainsi modifié, est adopté.)

Article 29

M. le président.

« Art. 29. - Tout expert agréé doit être inscrit dans l'une des spécialités dont la nomenclature est établie par le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 28, ainsi rédigé :

« Compléter l'article 29 par l'alinéa suivant :

« Nul ne peut l'être dans plus de deux spécialités, à moins qu'il ne s'agisse de spécialités connexes aux précédentes dont le nombre ne peut être supérieur à deux. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a adopté cet amendement, qui limite le nombre des spécialités dans lesquelles les experts peuvent être agréés par le conseil des ventes. Cette limitation est une garantie de sérieux et de compétence. En effet, l'acquisition de connaissances très approfondies dans certains domaines n'est pas compatible avec un champ trop vaste d'expertise. En outre, la limitation du nombre des spécialités est de nature à crédibiliser l'agrément des experts par le conseil des ventes.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

28. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 29, modifié par l'amendement no

28. (L'article 29, ainsi modifié, est adopté.)

Article 30

M. le président.

« Art. 30. - Tout expert est tenu de contracter une assurance garantissant sa responsabilité professionnelle.

« Il est solidairement responsable avec l'organisateur de la vente pour ce qui relève de son activité. »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 29, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 30, substituer au mot : "agréé" les mots : "apportant son concours à l'organisation et à la réalisation d'une vente de meubles aux enchères publiques". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Cet amendement vise, dans un souci de protection du consommateur, à étendre à l'ensemble des experts apportant leur concours à l'organisation et à la réalisation des ventes aux enchères publiques, d'une part, l'obligation de contracter une assurance professionnelle, ce qui me semble tout à fait normal, et, d'autre part, le principe d'une responsabilité solidaire avec l'organisateur de la vente, c'est-à-dire le commissaire-priseur et l'expert.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. La question de l'assurance obligatoire des experts est étroitement liée à celle de leur agrément, que nous venons d'examiner à l'article 28. Si l'agrément est obligatoire, il est parfaitement légitime qu'il soit assorti d'une obligation d'assurance et de responsabilité civile. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire d'amender le texte du Sénat, qui impose l'obligation d'assurance à tout expert agréé.

Si, au contraire, comme je l'ai soutenu il y a un instant, des experts doivent pouvoir apporter leur concours à une vente sans être nécessairement agréés, il m'apparaît extrêmement difficile, et en tout cas inopportun, de leur imposer néanmoins une obligation d'assurance. D'abord, parce que ce type d'obligation, qui est lourd, ne s'impose en général que dans le cadre d'une réglementation qui confère aux professionnels, en contrepartie de charges, un c ertain nombre d'avantages, parmi lesquels le titre d'expert agréé, le plus important en l'occurrence. Ensuite, parce que certains experts, dans des spécialités rares, n'interviennent que de manière occasionnelle ; l'obligation d'assurance risque alors de se révéler dissuasive et de priver en conséquence le marché de leur compétence spécifique.

Voilà pourquoi je préfère que l'obligation d'assurance soit directement liée à l'agrément, comme le prévoit le texte issu du Sénat.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Je partage l'avis de Mme la ministre.

La commission propose d'étendre l'obligation d'assurance aux experts non agréés qui désirent intervenir dans une vente ; mais alors, quelle est la différence entre l'expert agréé et celui qui ne l'est pas ? Je suis donc d'avis qu'il faut repousser cet amendement.

M. le président.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Convaincue par les arguments de Mme la ministre, je retire l'amendement.

M. le président.

L'amendement no 29 est retiré.


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Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 65 et 78.

L'amendement no 65 est présenté par M. Plagnol et M. Christian Martin ; l'amendement no 78 est présenté par M. Houillon.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

« Dans le dernier alinéa de l'article 30, substituer au mot : "est" les mots : "peut être déclaré". »

La parole est à M. Christian Martin, pour soutenir l'amendement no

65.

M. Christian Martin.

L'agrément de l'expert de même que l'obligation qui lui est faite de contracter une assurance garantissant sa responsabilité professionnelle sont de nature à assurer la sécurité des opérations.

En revanche, il n'y a pas de sens à rendre automatique sa responsabilité solidaire avec l'organisateur de la vente.

La responsabilité du commissaire-priseur et celle de l'expert doivent être découplées.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. Il n'est en effet pas conforme à l'esprit des dispositions relatives aux experts, qui visent à assurer la protection du consommateur. La solidarité légale renforce les garanties offertes aux personnes lésées par une vente, qui pourront choisir le débiteur le plus solvable, celui-ci conservant la faculté de se retourner contre son codébiteur. La solidarité légale jouera aussi un rôle important pour moraliser les ventes.

Je rappelle de surcroît que le régime de la responsabilité solidaire entre l'expert et l'organisateur de la vente a prévalu entre 1956 et 1985.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable.

M. le président.

Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 65 et 78.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 30.

(L'article 30 est adopté.)

Articles 31 et 32

M. le président.

« Art.

31. Toute personne inscrite sur la liste prévue à l'article 28 ne peut faire état de sa qualité que sous la dénomination d'« expert agréé par le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ».

« Cette dénomination doit être accompagnée de l'indication de sa ou ses spécialités. »

Je mets aux voix l'article 31.

(L'article 31 est adopté.)

« Art. 32. Le fait, pour toute personne ne figurant pas sur la liste prévue à l'article 28, d'user de la dénomination mentionnée à cet article, ou d'une dénomination présentant une ressemblance de nature à causer une méprise dans l'esprit du public, est puni des peines prévues par l'article 433-17 du code pénal. » -

(Adopté.)

Article 33

M. le président.

« Art. 33. Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peut prononcer le retrait de l'agrément d'un expert en cas d'incapacité légale, de faute professionnelle grave, de condamnation pour faits contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs. »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 30, ainsi rédigé :

« Dans l'article 33, après les mots : "peut prononcer", insérer les mots : ", après avoir mis l'intéressé en demeure de présenter ses observations,". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a souhaité garantir explicitement, dans cet article relatif aux conditions dans lesquelles le Conseil des ventes peut retirer l'agrément accordé à un expert, le respect des droits de la défense. Par comparaison, je rappelle que l'article 5 de la loi du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires précise qu'en cas de faute professionnelle grave, d'incapacité légale ou de condamnation pour faits contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs, la radiation d'un expert peut être prononcée, après que celui-ci a été appelé à formuler ses observations.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

30. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 33, modifié par l'amendement no

30. (L'article 33, ainsi modifié, est adopté.)

Article 34

M. le président.

« Art. 34. Un expert agréé ne peut estimer ni mettre en vente un bien lui appartenant ni se porter acquéreur directement ou indirectement pour son propre compte d'un bien dans les ventes aux enchères publiques auxquelles il apporte son concours. »

Je mets aux voix l'article 34.

(L'article 34 est adopté.)

Article 35 C HAPITRE VI L'indemnisation

M. le président.

« Art. 35. Les commissaires-priseurs sont indemnisés en raison de la perte du droit de présentation de leur successeur en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et de la suppression du monopole qui leur était conféré dans ce domaine jusqu'à l'entrée en vigueur de la présente loi. »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 31, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 35 :

« Les commissaires-priseurs sont indemnisés en raison du préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation résultant de la suppression du monopole conféré jusqu'à l'entrée en vigueur de la présente loi à ces officiers ministériels dans le domaine des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. »


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La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Cet article est relatif à l'indemnisation. Le Sénat a fondé celle-ci sur la suppression du monopole dont bénéficiaient les commissairespriseurs en matière de ventes volontaires et sur la perte de leur droit de présentation, assimilant celui-ci à un droit de propriété.

Cette analyse n'a pas recueilli l'assentiment de la commission : le droit de présentation n'est pas assimilable à un droit de propriété, ne serait-ce que parce que les commissaires-priseurs n'en ont pas la libre disposition. En outre, ce droit de présentation ne disparaît pas, mais il est désormais limité aux ventes judiciaires.

La commission a donc adopté cet amendement, qui précise que les commissaires-priseurs sont indemnisés en raison du préjudice subi du fait de la dépréciation du droit de présentation.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Le problème est d'importance. En effet, non seulement il divise nos deux assemblées, qui donnent deux interprétations différentes, mais, en dernière analyse, il relèvera de l'appréciation du juge constitutionnel.

O u bien, on considère, comme l'a prétendu Mme Trautmann dans son exposé introductif, qu'il n'y a aucun droit patrimonial en l'espèce, et que c'est seulement un droit à réparation qui est ouvert, auquel cas il n'y a ni spoliation ni indemnisation, mais une simple compensation pour dépréciation.

Ou bien l'on considère que, depuis 1816, les commissaires-priseurs disposaient d'un droit patrimonial ayant une valeur pécuniaire, le droit de présentation, que ce droit tombe avec la disparition du monopole et que, dès lors, il y a perte d'un patrimoine, qui doit être indemnisée par l'Etat en vertu de principes constitutionnels, et notamment de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme.

Il s'agit là d'une question centrale. Je note que less énateurs ont conclu que les commissaires-priseurs devaient être indemnisés en raison de la perte du droit de présentation et de la suppression du monopole, tandis que le Gouvernement est d'un avis contraire. Pour moi, la position du Sénat est la bonne, et il est évident que cette affaire sera soumise à l'appréciation du juge constitutionnel puisque d'elle dépend l'appréciation du préjudice et donc son indemnisation.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

31. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 35 est ainsi rédigé.

Article 36

M. le président.

« Art. 36. La valeur de l'office, limitée à l'activité des ventes volontaires, est calculée :

« en prenant pour base la somme de la recette nette moyenne au cours des cinq derniers exercices connus à la date de la promulgation de la présente loi et de trois fois le solde moyen d'exploitation de l'office au cours des mêmes exercices ;

« en affectant cette somme d'un coefficient de 0,5 pour les offices du ressort des compagnies de commissaires-priseurs autres que celle de Paris et de 0,6 pour les offices du ressort de la compagnie des commissairespriseurs de Paris ;

« en ajoutant à ce résultat la valeur nette des immobilisations corporelles, autres que les immeubles, inscrite au bilan du dernier exercice clos à la date d'entrée en vigueur de la présente loi ;

« en multipliant le total ainsi obtenu par le rapport du chiffre d'affaires moyen de l'office correspondant aux ventes volontaires au cours des cinq derniers exercices connus à la date de la promulgation de la présente loi sur le chiffre d'affaires global moyen de l'office au cours des mêmes exercices.

« La recette nette est égal à la recette encaissée par l'office, retenue pour le calcul de l'imposition des bénéfices, diminuée des débours payés pour le compte des clients et des honoraires rétrocédés.

« Le solde d'exploitation est égal à la recette augmentée des frais financiers et des pertes diverses et diminuée du montant des produits financiers, des gains divers et de l'ensemble des dépenses nécessitées pour l'exercice de la profession, telles que retenues pour le calcul de l'imposition des bénéfices en application des articles 93 et 93 A du code général des impôts.

« Les données utilisées sont celles qui figurent sur la déclaration fiscale annuelle et dans la comptabilité de l'office. »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 32, ainsi rédigé :

« I. Dans le deuxième alinéa de l'article 36, substituer aux mots : "au cours des cinq derniers exercices connus" les mots : "de l'exercice 1992 au dernier exercice dont les résultats seraient connus de l'administration fiscale".

« II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le cinquième alinéa de cet article. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Le calcul de la valeur de l'office, sur laquelle est fondé le montant de l'indemnisation, se fait par référence à plusieurs exercices.

La commission a donc adopté cet amendement, qui élargit la période de référence en remontant jusqu'en 1992 afin d'assurer une indemnisation juste des commissairespriseurs.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

La parole est à M. Henri Plagnol.

M. Henri Plagnol.

Concernant le mode d'évaluation du préjudice subi, il est certain que le Gouvernement s'expose, en toute connaissance de cause, au risque d'annulation pour inconstitutionnalité, pour une série de raisons.

La première, c'est qu'il y a une jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme très protectrice en matière de droit de propriété, et que le mode d'indemnisation que vous retenez n'est pas conforme à ces deux jurisprudences. Je rappelle qu'il y a des précédents en matière de perte de monopole de charges publiques, s'agissant notamment des avoués ; ceux-ci ont été indemnisés dans des conditions infiniment plus favorables. Il y a également une jurisprudence européenne sur ce sujet.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

La deuxième raison, c'est qu'on aboutit, par une série de glissements successifs, à une indemnisation extrêmement faible au regard du préjudice subi. La parole de l'Etat est en jeu. Vous avez vous-même décidé de confier une mission à des sages, à l'initiative de la chancellerie ; cette mission avait abouti à un compromis ratifié par les deux parties, mais il a été remis en cause. Le Sénat tenait compte de la nécessité de prévoir une adaptation aux situations particulières en distinguant un mode d'évaluation forfaitaire et un mode d'évaluation individuelle si celui-ci convenait mieux aux professions qui doient être indemnisées. Ce compromis est purement et simplement abrogé et on aboutit à un mode d'indemnisation qui - et j'attire votre attention sur ce point - sera très vraisemblablement censuré par le juge constitutionnel, au double motif de la rupture d'égalité devant les charges publiques et de l'absence d'une indemnisation juste et préalable en matière d'expropriation, ce qui contrevient à deux principes de la Déclaration des droits de l'homme.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

32. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. de Courson, Christian Martin et Plagnol ont présenté un amendement, no 66, ainsi rédigé :

« Dans le troisième alinéa de l'article 36, substituer au nombre : "0,6" le nombre : "0,5". »

La parole est à M. Christian Martin.

M. Christian Martin.

Je ne comprends pas pourquoi les commissaires-priseurs de province, qui font leur travail avec efficacité - Mme la ministre l'a reconnu - seraient moins bien traités que leurs collègues de Paris.

Je propose de retenir même coefficient pour les commissaires-priseurs de province que pour ceux de Paris, c'est-à-dire 0,6 %.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M me Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a repoussé cet amendement. Le choix fait dans le projet initial nous semble meilleur. Il retient un coefficient différent pour le calcul de la valeur des offices parisiens, en prenant en compte la valeur moyenne de ces offices, qui est plus élevée que celle des offices de province.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Défavorable également.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Je ne veux pas me lancer dans une querelle entre Parisiens et provinciaux car il est clair que le vrai problème n'est pas celui du coefficient, mais celui du montant de l'indemnisation. Au départ, 2,3 milliards de francs étaient prévus pour cette indemnisation, mais ils ont été coupés en deux une première fois, puis une deuxième fois. Or, comme l'a relevé à juste titre notre collègue Houillon, la parole de l'Etat ne se divise pas. En l'occurrence, elle s'est divisée en quatre, et, à l'arrivée, il n'y a pas assez d'argent pour indemniser tout le monde, eu égard à l'endettement de très nombreux offices et de la profession tout entière.

Mme Catherine Tasca, présidente de la commission.

Mais, monsieur Lellouche, la parole de l'Etat n'est donnée que si le financement est prévu !

M. Pierre Lellouche.

Par conséquent, les commissairespriseurs de province se plaignent, et ceux de Paris sont inquiets parce que, dans la capitale, les charges sont plus lourdes et qu'il faut faire vivre l'établissement de Drouot dont le coût, madame la présidente de la commission, est de 200 000 francs par jour.

Je n'entrerai donc pas, je le répète, dans une querelle sur le coefficient avec mon collègue Martin. Mais je dis au Gouvernement qu'il aurait mieux fait d'être un peu plus généreux, et il convient en tout état de cause de prévoir des fonds supplémentaires eu égard aux trois points sur lesquels j'ai insisté : les jeunes commissaires-priseurs se sont endettés et vont être menacés par cette réforme ; les salariés sont maltraités ; l'établissement de Drouot va devoir trouver un nouvel équilibre, probablement, d'ailleurs, avec le concours d'autres intervenants, privés et publics : je pense à la ville de Paris, au conseil régional et pourquoi pas à l'Etat.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

66. (L'amendement n'est pas adopté.)

(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Alain Tourret.

Il me semble que l'amendement a été adopté.

M. Christian Martin.

A moi aussi !

M. le président.

Non. Ce n'est pas parce que vous êtes pour qu'il a été adopté. (Sourires.)

Je mets aux voix l'article 36, modifié par l'amendement no

32. (L'article 36, ainsi modifié, est adopté.)

Article 37

M. le président.

« Art. 37. Le préjudice indemnisé en application de l'article 35 est évalué sur la base de la valeur de l'office déterminée à l'article 36, en tenant compte de la valeur des éléments d'actifs incorporels de nature à être cédés par le titulaire de l'office en cas de cessation de son activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

« Le titulaire de l'office peut demander le bénéfice d'une indemnisation forfaitaire fixée à 50 % de la valeur déterminée à l'article 36. »

L'amendement no 52 n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements, nos 33 et 85, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement no 33, présenté par Mme Feidt, rapporteur, et M. Tourret, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 37 :

« Le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation est fixé à 50 % de la valeur déterminée à l'article 36. L'indemnisation correspondante peut être augmentée ou diminuée de 50 % au plus par la commission prévue à l'article 43 en fonction de la situation particulière de chaque office et de son titulaire. »

L'amendement no 85, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 37 :

« Le préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire du droit de présentation est fixé à 50 % de la valeur déterminée à l'article 36. L'indemnisation correspondante peut être augmentée ou diminuée de 15 % au plus par la commission prévue à l'article 43 en fonction de la situation particulière de chaque office et de son titulaire. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

La parole est à Mme le rapporteur, pour soutenir l'amendement no

33.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

La commission a souhaité modifier le dispositif prévu par le Sénat pour calculer le montant de l'indemnisation des commissairespriseurs. Il est, en effet, complexe, susceptible de donner une prime à l'inertie économique, et il ne répond qu'imparfaitement au souhait de la profession de disposer rapidement des indemnités.

Aussi la commission a-t-elle adopté cet amendement, qui prévoit que les commissaires-priseurs bénéficieront d'une indemnisation équivalente à 50 % de la valeur de l'office liée aux activités de ventes volontaires, avec possibilité d'une modulation.

J'avais proposé que cette modulation soit de plus ou moins 15 %. La commission a cependant adopté un sousamendement, présenté par M. Tourret, la portant à plus ou moins 50 %, afin de tenir compte le plus largement possible de chaque cas particulier.

M. Alain Tourret.

Très bien !

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

Je reste très réservée sur cette modification et je précise que la commission est revenue sur sa position de départ puisqu'elle a adopté l'amendement no 85 du Gouvernement lors de la réunion qu'elle a tenue aujourd'hui. Cela m'autorise à titre personnel, sans retirer l'amendement de la commission, à vous demander de le rejeter pour adopter celui du Gouvernement.

M. Pierre Lellouche.

Quelle surprise ! C'est d'une simplicité biblique !

M. le président.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement no 85 et donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement no

33.

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Le Sénat a ouvert une option aux commissaires-priseurs pour le calcul de leur indemnisation : ils demanderont soit un versement sur la base de la valeur vénale de l'office après abattement, qui tient compte du fait qu'ils pourront continuer à exercer leur activité de ventes volontaires, soit un versement forfaitaire, non modulé, correspondant à 50 % de la valeur de l'office.

Ce dispositif présente plusieurs inconvénients, en raison notamment de la première branche de l'alternative.

D'abord, celle-ci ne permet pas d'évaluer avec précision le montant de l'indemnisation. Ensuite, aucun délai de mise en oeuvre n'est prévu, ce qui rend son application difficile et constitue un élément d'incertitude pour les commissaires-priseurs. Enfin, paradoxalement, elle pourrait favoriser les professionnels qui auraient fait preuve d'inertie économique et qui justifieraient, de ce fait, d'un préjudice plus important.

Je suis donc défavorable à ce dispositif qui remet en cause l'équilibre économique de la réforme, et, de ce point de vue, je sais gré à Mme Nicole Feidt d'avoir rétabli le texte initial du projet de loi.

Pour la même considération d'ordre économique, je ne peux toutefois reprendre au nom du Gouvernement la faculté laissée à la commission de moduler le montant d'indemnisation dans une fourchette de plus ou moins 50 %. Au préalable, il convient d'observer que ni le Sénat, ni la commission des lois de l'Assemblée, ni les professionnels rencontrés par votre rapporteuse n'ont remis en cause les modalités de calcul retenues par le Gouvernement à l'article 35 pour déterminer la valeur de l'office liée aux activités de vente volontaire. Le rapport ajoute qu'ainsi déterminée, celle-ci correspond à une réalité économique incontestable.

Or, en laissant à la commission d'indemnisation un très large pouvoir d'appréciation, ce dispositif remet indirectement en cause le calcul de la valeur de l'office, tel que décrit à l'article 35. En effet, la commission a pour objectif de rester, en moyenne, au niveau d'indemnisation retenu, pour une indemnisation globale de 443 millions.

Or l'amendement aurait pour conséquence de faire passer l'indemnisation la plus haute à 75 % de la valeur de l'office et l'indemnisation la plus basse à 25 % de la valeur de l'office. Ces deux valeurs s'écartent de la juste indemnisation prévue dans le projet de loi, à savoir 50 % de la valeur de l'office, qui tient compte du maintien du monopole sur l'activité judiciaire, d'une part, et de la continuation de l'activité de vente volontaire dans le cadre des sociétés de ventes, d'autre part.

D'application difficile et délicate, eu égard à l'absence d e méthodologie sur laquelle pourrait s'appuyer la commission, ce dispositif constitue un élément d'incertitude pour les commissaires-priseurs, certains pouvant voir leur indemnisation réduite à 25 % de la valeur de leur office.

Enfin, il faut souligner le contraste entre la précision de la méthode de calcul décrite à l'article 35, dont chacun s'accorde à reconnaître la justesse, et le caractère discrétionnaire qui ne manquerait pas d'être attaché à la trop grande latitude laissée à la commission.

Dans ces conditions, je me prononce en faveur du rétablissement du texte initial du Gouvernement. Je remercie d'ailleurs Mme Feidt d'avoir rejoint cette position.

M. le président.

La parole est à M. Jérôme Lambert.

M. Jérôme Lambert.

Je suis d'accord pour que nous en revenions au texte du Gouvernement en ce qui concerne les modalités d'indemnisation.

Toutefois, dans mon intervention, lors de la discussion générale, je n'ai pas manqué d'attirer l'attention du Gouvernement sur quelques cas particuliers qui pourraient mériter un examen - j'emploie à dessein le conditionnel.

Il s'agit en particulier des commissaires-priseurs nouvellement installés, dans les cinq dernières années. Un certain nombre de cas m'ont été signalés.

En répondant aux intervenants, Mme la ministre m'a assuré qu'un examen particulier serait entrepris, afin d'élaborer, à l'occasion d'une lecture ultérieure, des dispositions spécifiques pour les nouveaux commissaires-priseurs pouvant prouver qu'ils n'entrent pas dans les limites fixées par le présent texte.

J'en ai pris bonne note et je voterai donc pour l'amendement du Gouvernement, tout en souhaitant que la parole de Mme la ministre soit suivie d'effets, d'ici à la prochaine lecture.

M. le président.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret.

La commission instituée par l'article 43 est composée de gens sérieux : magistrats de l'ordre judiciaire, représentants des commissaires-priseurs ou personnes qualifiées désignées par le garde des sceaux, ministre de la justice. Qu'on lui laisse donc un certain pouvoir ! Le Gouvernement s'oppose au texte retenu par la commission, qui retient une modulation de plus ou moins 15 % ou de plus ou moins 50 %. Mais il est bien évident que la commission ne proposera pas de réduire


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

certaines indemnisations de 50 %. En revanche, cela lui laisse la possibilité d'aller au-delà de l'indemnisation de base, en fonction du préjudice réel.

J'ai bien entendu Jérôme Lambert. Et je connais, moi aussi, un certain nombre de cas du type de ceux qu'il a évoqués - le même problème peut d'ailleurs aussi se poser pour les greffiers de tribunaux de commerce ou d'autres professions. Celui qui a acheté une charge d'un million ou de deux millions de francs, deux ou trois ans auparavant, se retrouve avec des obligations de remboursement très fortes, à tel point, je vous l'assure, que le système retenu ne permet pas de l'indemniser à hauteur du préjudice subi.

D'ailleurs, Jérôme Lambert en est tellement persuadé qu'il s'en remet à la sagesse du Gouvernement pour trouver une solution. Mais quelle solution ? A moins de

« taper » dans les fonds secrets, vous n'en trouverez pas, car la règle est claire. Je veux bien que vous me racontiez tout ce que vous voudrez, que vous décidiez de leur donner quelque chose. Mais sur quels fonds ? Et sur quelle base ? La règle générale s'appliquera, faute de quoi toute autre personne pourra attaquer votre système d'indemnisation. Quiconque ne fera pas partie des cinq ou six heureux bénéficiaires pourra, au bénéfice du défaut d'égalit é, attaquer en invoquant que son indemnisation ne correspond pas à la règle de droit. Cher ami Lambert, vous n'y arriverez pas.

Avec ce carcan, un certain nombre de personnes ne pourront pas être indemnisées justement - il ne s'agit pas d e favoriser des enrichissements. La seule solution consiste à faire confiance à la commission - dans laquelle siégeront des personnalités désignées par le garde des sceaux et des professionnels, et qui sera présidée par un magistrat judiciaire - pour décider des modulations, dans une fourchette de plus ou moins 50 %.

M. le président.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche.

Cette discussion est à la fois extrêmement technique et très importante pour l'avenir de la profession. Je le rappelle, on estime que cette loi va faire disparaître la moitié des offices de commissaire-priseur ; 3 500 emplois, ce n'est pas rien ! Deuxième remarque, il y a d'abord un problème d'affichage politique. J'ai naturellement conscience que personne, en France, ne s'apitoie sur la situation des commissaires-priseurs. Qu'ils perçoivent 400 millions ou 800 millions, de toute façon, la majorité de nos concitoyens pensent que c'est encore trop. Politiquement, le sujet est détestable.

(Sourires.)

Deuxième remarque, d'ordre économique, François Pinault a acheté Christie's pour 7 milliards, alors que le chiffre d'affaires de la maison est de 11 milliards. Or le chiffre d'affaires de la profession dont nous discutons atteint 8,5 milliards et à l'arrivée, l'indemnisation n'est que de 450 millions. Je vous laisse juges de l'écart ! Troisième remarque, M. Tourret demande très justement que l'on donne un minimum de flexibilité à la commission de recours pour qu'elle ajuste les indemnités en fonction de la somme disponible. Je soutiens entièrement son raisonnement, je n'y reviens pas.

Je m'élève, en revanche, contre l'interprétation abusive retenue par le Gouvernement depuis le début : il prétend qu'il n'y a pas de spoliation, à cause de la prétendue absence de droit patrimonial. A mon sens, cela relève du juge constitutionnel, car le mode de compensation entraînera bien une spoliation. Et de surcroît, la procédure sera longue et il faudra encore payer des impôts sur l'indemnisation.

En fait, le dispositif est bâti à l'envers, en fonction de la somme totale que vous avez prévu de payer : vous partez des 450 millions, vous construisez un mode d'indemnisation, vous divisez par deux et vous créez une commission d'appel.

M. Henri Plagnol.

Exactement !

M. Pierre Lellouche.

Ce n'est qu'un habillage autour des 450 millions. Et nous savons tous que cela aura des conséquences sur la profession.

Je répète, après M. Lambert, qu'il y a un problème majeur pour les jeunes commissaires-priseurs, mais aussi pour les salariés. En outre, aucun fonds spécifique n'est créé. Enfin, je regrette que le Gouvernement, pour des raisons qui sont les siennes, ait considéré qu'il ne valait pas la peine de faire un effort supplémentaire pour Drouot-Paris.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

33. (L'amendement n'est pas adopté.)

M. Pierre Lellouche.

J'ai voté avec M. Tourret !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

85. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, ce texte devient l'article 37.

Articles 38 et 39

M. le président.

« Art. 38. - A l'expiration d'un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, les huissiers de justice et les notaires sont indemnisés s'ils apportent la preuve d'avoir subi dans le secteur des ventes volontaires un préjudice anormal et spécial du fait de la présente loi. La demande est portée devant la commission prévue à l'article

43. » Je mets aux voix l'article 38.

(L'article 38 est adopté.)

« Art. 39. - Il est institué, dans les conditions fixées par la loi de finances, un fonds d'indemnisation chargé du paiement des indemnités dues aux commissairespriseurs et de celles dues, en application de l'article 38, aux autres officiers publics ou ministériels procédant à des ventes aux enchères publiques, ainsi que des indemnités dues aux salariés licenciés dans les conditions prévues à l'article 44 bis. » -

(Adopté.)

Article 40

M. le président.

Le Sénat a supprimé l'article 40.

Article 41

M. le président.

« Art. 41. - La demande d'indemnité doit être présentée par les commissaires-priseurs dans le délai de deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat prévu à l'article 43. L'indemnité est versée dans les six mois suivant le dépôt de la demande.

Ce versement est subordonné, d'une part, à la production d'une attestation d'assurance couvrant la responsabilité encourue par le commissaire-priseur à l'occasion de l'exercice des ventes volontaires à compter de son entrée en fonctions et au plus pour les dix années antérieures à la promulgation de la présente loi et, d'autre part, à la prod uction d'un quitus délivré par la compagnie des commissaires-priseurs. »


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

L'amendement no 67 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 41.

(L'article 41 est adopté.)

Article 42

M. le président.

« Art. 42. - Lorsqu'une société est titulaire d'un office de commissaires-priseurs, l'indemnité mentionnée à l'article 35 est versée à la société dans les conditions prévues à l'article 41. Elle la répartit entre les associés en proportion de leurs droits dans la société. »

Je mets aux voix l'article 42.

(L'article 42 est adopté.)

Article 43

M. le président.

« Art. 43. Les demandes d'indemnisation sont portées devant une commission nationale présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire et comprenant, en nombre égal, d'une part, des représentants des commissaires-priseurs et, d'autre part, des personnes qualifiées désignées par le garde des sceaux, ministre de la justice. Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes. Les modalités de constitution et de fonctionnement de la commission sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

« La commission évalue le montant de l'indemnisation, conformément aux règles prévues par les articles 35 à 38.

« La commission établit un rapport annuel sur le déroulement de l'indemnisation et l'équilibre financier du fonds.

« Les décisions de la commission peuvent faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris. »

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 34, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 43 :

« Les demandes d'indemnisation sont portées devant une commission nationale présidée par un membre du Conseil d'Etat. »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

C'est un amendement de coordination avec celui adopté par la commission sur le fondement de l'indemnisation. Il est proposé de confier la présidence de la commission nationale chargée de procéder à l'indemnisation à un membre du Conseil d'Etat, dans la mesure où, comme le soulignait Mme la ministre, l'indemnisation ne réside pas dans l'expropriation, mais dans la rupture de l'égalité devant les charges publiques.

En outre, la commission a confié au décret du Conseil d'Etat prévu à l'article 57 le soin de fixer la composition et le fonctionnement de la commission. En effet, on ne saurait trop souligner que la solution retenue par le Sénat, qui consiste à faire siéger des représentants des commissaires-priseurs, comporterait des risques de conflits d'intérêt pour les professionnels.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

34. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Mme Feidt, rapporteur, a présenté un amendement, no 35, ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'article 43, substituer aux mots : "la cour d'appel de Paris" les mots : "le Conseil d'Etat". »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Nicole Feidt, rapporteur.

C'est un amendement de coordination.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de la culture et de la communication.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

35. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 43, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 43, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président.

Compte tenu de l'heure, nous allons maintenant interrompre nos travaux.

Je rappelle que la suite de la discussion de ce projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de demain après-midi.

2 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI DE FINANCES

MODIFIÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 21 décembre 1999, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances rectificative pour 1999, modifié par le Sénat.

Ce projet de loi, no 2040, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

3 DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI DE FINANCES

REJETÉ PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 20 décembre 1999, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture et qui a fait l'objet d'un vote de rejet en nouvelle lecture par le Sénat au cours de sa séance du 20 décembre 1999.

Ce projet de loi, no 2038, est renvoyé à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en application de l'article 83 du règlement.

4 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président.

J'ai reçu, le 21 décembre 1999, de M. Roger-Gérard Schwartzenberg et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi constitutionnelle visant à


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 3e SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1999

accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux résidents étrangers non citoyens de l'Union européenne.

Cette proposition de loi constitutionnelle, no 2042, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la l égislation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

5 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

M. le président.

J'ai reçu, le 17 décembre 1999, de M. François Goulard et plusieurs de ses collègues, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux catastrophes maritimes et à la lutte contre les pollutions marines.

Cette proposition de résolution, no 2037, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

6 DÉPÔTS DE RAPPORTS

M. le président.

J'ai reçu, le 21 décembre 1999, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport, no 2039, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en vue de la lecture définitive du projet de loi de finances pour 2000 (no 2038).

J'ai reçu, le 21 décembre 1999, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport, no 2041, fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 1999.

J'ai reçu, le 21 décembre 1999, de M. Didier Migaud, rapporteur général, un rapport, no 2043, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, en nouvelle lecture, sur le projet de loi de finances rectificative pour 1999, modifié par le Sénat (no 2040).

J'ai reçu, le 21 décembre 1999, de M. Jean Vila, un rapport, no 2044, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la proposition de loi de M. Robert Hue relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (no 1851).

7 DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT

M. le président.

J'ai reçu, le 17 décembre 1999, transmise par M. le président du Sénat, une proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à favoriser le partenariat social par le développement de l'actionnariat salarié.

Cette proposition de loi, no 2036, est renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en application de l'article 83 du règlement.

8

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 1999, no 2040 : M. Didier Migaud, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport no 2043).

A quinze heures, deuxième séance publique : Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1692, portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques : Mme Nicole Feidt, rapporteur, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport no 2026).

Eventuellement, discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 1999.

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 22 décembre 1999 à zéro heure cinquante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

DÉMISSION D'UN DÉPUTÉ M. le président de l'Assemblée nationale a reçu une lettre par laquelle M. François Bayrou, député de la 2e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, se démet de son mandat de député.

Acte a été pris de cette démission au Journal officiel (Lois et Décrets) du mardi 21 décembre 1999.

MODIFICATIONS À LA COMPOSITION DES GROUPES (Journal officiel, Lois et Décrets, du 21 décembre 1999)

GROUPE DE L'UNION

POUR LA DÉMOCRATIE FRANÇAISE-ALLIANCE (64 membres au lieu de 65) Supprimer le nom de M. François Bayrou.

(Journal officiel, Lois et Décrets, du 22 décembre 1999)

GROUPE SOCIALISTE (243 membres au lieu de 242) Ajouter le nom de M. Michel Etievant.

LISTE DES DÉPUTÉS N'APPARTENANT À AUCUN GROUPE (7 membres au lieu de 8) Supprimer le nom de M. Michel Etievant.