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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON

1. Démission de députés (p. 5).

2. Contrôle des fonds publics accordés aux entreprises. Discussion d'une proposition de loi (p. 5).

M. Jean Vila, rapporteur de la commission des finances.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 6)

MM. Robert Hue, Maurice Ligot, Jacques Desallangre, Alain Cousin, Gérard Bapt, Marc Laffineur.

Clôture de la discussion générale.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

DISCUSSION DES ARTICLES (p. 17)

Article 1er (p. 17)

Amendement no 1 corrigé de M. Hue : Mme Muguette Jacquaint, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 7 de M. Bapt : MM. Gérard Bapt, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (p. 17)

Amendement no 11 du Gouvernement : MM. le ministre, rapporteur. - Adoption.

Adoption de l'article 2 modifié.

Article 3 (p. 18)

Amendement no 12 du Gouvernement : MM. le ministre, le rapporteur, Gérard Bapt. - Adoption.

M. le ministre. - Réserve de l'amendement no

13. Amendement no 8 de M. Bapt : MM. Gérard Bapt, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

A mendement no 13 du Gouvernement (précédemment réservé) : MM. le ministre, le rapporteur. - Adoption.

Amendement no 2 de M. Hue : MM. Roger Meï, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 3 de M. Hue : MM. Daniel Feurtet, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 14 du Gouvernement : M. le ministre. Retrait.

Amendement no 4 de M. Hue : MM. Daniel Feurtet, le rapporteur, le ministre, Gérard Bapt. - Adoption.

Amendement no 5 de M. Hue : MM. Daniel Feurtet, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article 3 modifié.

Article 4 (p. 20)

Amendement no 6 de M. Hue : MM. Daniel Feurtet, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Ce texte devient l'article 4.

Après l'article 4 (p. 21)

Amendement no 9 de M. Bapt : MM. Gérard Bapt, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Amendement no 10 rectifié de M. Bapt : MM. Gérard Bapt, le rapporteur, le ministre. - Adoption.

Article 5. - Adoption (p. 21)

EXPLICATIONS DE VOTE (p. 21)

MM. Marc Laffineur, Maurice Ligot, Alain Cousin, Alain Bocquet, Gérard Bapt.

VOTE SUR L'ENSEMBLE (p. 23)

Adoption de l'ensemble de la proposition de loi.

3. Ordre du jour de l'Assemblée (p. 23).

4. Ordre du jour des prochaines séances (p. 23).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE HOUILLON,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quinze.)

1 DÉMISSION DE DÉPUTÉS

M. le président.

J'informe l'Assemblée que M. le président a pris acte au Journal officiel du samedi 1er janvier 2000 des démissions de M. Raymond Douyère, député de la deuxième circonscription de la Sarthe, et de M. Philippe Vasseur, député de la troisième circonscription du Pas-de-Calais.

2

CONTRÔLE DES FONDS PUBLICS ACCORDÉS AUX ENTREPRISES Discussion d'une proposition de loi

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Robert Hue et plusieurs de ses collègues, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (nos 1851, 2044).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jean Vila, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, mesdames et messieurs, cela n'est plus à démontrer : il est urgent d'améliorer sensiblement le suivi et l'efficacité des aides publiques accordées aux entreprises.

En septembre dernier, la presse nationale annonçait la fermeture probable des usines lorraines du conglomérat sud-coréen Daewoo. Cette nouvelle suscitait une émotion considérable. A l'inquiétude qui demeure, en dépit des démentis officiels, se mêle, en particulier chez les salariés, un véritable sentiment de colère, car, comme plusieurs autres grands groupes, Daewoo a bénéficié, au moment de son implantation dans cette région qui était touchée de plein fouet par la crise de la sidérurgie, d'importantes aides publiques en provenance de l'Etat, de la région ou de l'Europe : leur montant total dépasse vraisemblablement 400 millions de francs.

L'exemple de JVC, qui a touché quelque 30 millions de francs d'aides avant de fermer son usine et de délocaliser ses activités en Ecosse, demeure dans toutes les mémoires, de même que la décision prise par Panasonic de transférer sa production en Allemagne, alors que l'entreprise avait perçu 8 millions de francs d'aides publiques en France.

Le cynisme des chasseurs de primes peut d'autant mieux s'épanouir que le système des aides publiques aux entreprises souffre d'une opacité et d'un cloisonnement excessifs et ne fait l'objet que d'un contrôle extrêmement lacunaire, comme l'a justement montré Daniel Paul, rapporteur de la commission d'enquête sur certaines paratiques des groupes nationaux et multinationaux industriels, de services et financiers, et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire.

Devant ce diagnostic, il était nécessaire d'agir. C'est ainsi que Robert Hue et l'ensemble des députés communistes ont déposé la présente proposition de loi, tendant à la création d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises, qui aurait pour mission d'évaluer l'efficacité et de contrôler l'utilisation de ces aides, quelle que soit leur forme.

En effet, la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Les mécanismes d'aides aux entreprises, qui se sont multipliés ces dernières années, se présentent aujourd'hui comme un maquis de procédures quasi inextricable. Le fait que les objectifs visés au travers de ces aides se soient démultipliés n'est pas la seule source de cette complexité ; la diversité des formes d'aides, qui, à la traditionnelle subvention, a vu s'ajouter des mesures comme l'avance remboursable, la bonification d'intérêt, le crédit d'impôt ou la garantie d'emprunt, y a également contribué.

Ces aides ne sont plus seulement mises en place au niveau national. Ces dernières années, les collectivités locales ont en effet développé - d'ailleurs légitimement leurs moyens d'intervention économique.

Comme l'a fort bien démontré le rapport parlementaire précité, les entreprises, quoi que puissent en dire certains responsables patronaux, sont très largement cand idates à l'attribution d'aides pour les collectivités publiques, que souvent même elles revendiquent. Mais les entreprises à même de connaître et de maîtriser les méandres des différents dispositifs d'aides ne sont manifestement pas toujours celles qui ont le plus besoin d'être soutenues par la puissance publique.

La présence de grands groupes parmi les bénéficiaires tend ainsi à reléguer les PME-PMI à la portion congrue, ce que confirment d'ailleurs les conclusions du rapport Guillaume, qui montrait que trois grands groupes industriels reçoivent 42 % des aides à la recherche et au développement du ministère de l'industrie, tandis que « les entreprises moyennes sont ignorées par les procédures de soutien à la recherche-développement des ministères ».

Le rapport dresse un autre constat : en dépit des objectifs affichés, les politiques d'aide ne parviennent pas à contrecarrer les évolutions dommageables de l'économie mondialisée. Quelquefois même, elles les accélèrent.


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Comme le notait un représentant syndical lors des auditions de la commission d'enquête, des groupes du textile ont ainsi utilisé ces disponibilités financières nouvelles pour se reconvertir dans la distribution en délocalisant l'activité de production dans des pays méditerranéens ou en Extrême-Orient.

Ce même rapport insiste en conséquence sur deux nécessités : les dispositifs doivent servir les objectifs d'intérêt général qu'ils affichent et les pouvoirs publics qui les gèrent doivent contrôler régulièrement leur utilisation, afin d'éviter que les entreprises soient les seules à y trouver leur bénéfice, ce qui, trop souvent, se fait au détriment de l'intérêt général.

Tous les rapports qui se sont intéressés à ce dossier confirment d'ailleurs que l'absence d'évaluation de l'efficacité des aides distribuées résulte avant tout d'une déficience du contrôle des conditions réelles de leur utilisation. Dans son rapport public pour 1997, la Cour des comptes relevait par exemple que les services déconcentrés du ministère du travail suivent de manière insuffisante l'exécution des plans sociaux.

Si les lacunes constatées sont liées, comme nous venons de l'indiquer, à la complexité du système, l'attitude de ces services chargés du suivi et du contrôle, qui n'ont pas toujours le réflexe d'aller chercher les informations là où elles se trouvent, est également en cause.

C'est dire combien il est important de renforcer les instruments d'analyse nationaux, comme les instruments de contrôle institutionnels. La proposition de loi, déposée par Robert Hue et ses amis du groupe communiste et apparentés aujourd'hui, et qui est soumise aujourd'hui à notre examen, affirme cette préoccupation par la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

Elle propose ainsi, dans son article 1er , la création d'une commission nationale et, à l'article 3, celle de délégations régionales.

Comme l'indique l'exposé des motifs, « les missions de ces nouveaux organismes seraient au nombre de trois : assurer la lisibilité et la transparence du système d'aides publiques aux entreprises [...] ; assurer un suivi détaillé, concret et régulier de l'utilisation des aides », en faisant

« converger le travail des différents organismes » et en renforçant « les moyens d'enquête sur l'utilisation des aides publiques » ; « renseigner et alerter les pouvoirs publics sur l'impact réel, en termes d'emploi et de formation, des flux financiers publics au bénéfice des entreprises », en proposant « des recommandations sur les critères d'attribution, sur les conditions d'utilisation et sur les façons d'améliorer l'efficacité sociale des aides ».

Ces trois objectifs se déclinent dans la composition de ces organismes définis à l'article 2, qui vise à associer dans une même instance l'ensemble des partenaires concernés, qu'il s'agisse de réprésentants de l'Etat, des organisations syndicales, des associations de chômeurs, des organisations patronales ou de personnalités qualifiées.

Il est également important que la capacité soit donnée à de nombreux acteurs de saisir cette commission.

Celle-ci pourrait d'ailleurs se saisir elle-même, mais aussi être saisie par l'une des organisations habilitées à désigner un représentant en son sein, ainsi que par un maire, un parlementaire ou un président de conseil général ou régional.

Le travail en commission a été réel. Plusieurs amendements, déposés au titre de l'article 88 de notre règlement et adoptés par la commission, font évoluer le texte. Les modifications introduites que je vous propose de retenir ne touchent pas à l'esprit de la démarche, mais aux modalités de sa mise en oeuvre.

Le choix retenu vise à mieux affirmer que, en l'occurrence, il ne s'agit pas de se substituer aux instances chargées aujourd'hui du suivi et du contrôle des aides, mais de leur permettre de mieux assumer leur responsabilité.

La nouvelle rédaction de l'article 4 affirme également qu'il convient d'introduire une transparence de l'usage des aides dans l'entreprise elle-même et donc de donner aux comités d'entreprise les moyens de mieux jouer leur rôle. Ils doivent ainsi pouvoir disposer de toutes les informations sur les aides consenties à leur entreprise, saisir les gestionnaires d'aide en cas de litige sur l'usage de ces aides, obtenir une réponse précise à cette saisine, mais aussi voir le point de vue des salariés pris en compte dans les suites données par ces organismes.

La commission nationale ou régionale, lieu d'échange et de coopération, riche de la diversité des acteurs impliqués, doit être capable d'interpeller les différentes instances chargées du suivi et du contrôle de l'usage des aides, pour formuler des propositions visant à améliorer leur activité.

Si elles ne se substituent pas aux organismes existants et ne reçoivent pas de pouvoirs d'investigation directs et spécifiques, si elles sont destinataires des rapports produits par les préfets et sont amenées à se prononcer sur ces documents, les commissions doivent aussi pouvoir se faire communiquer tous les éléments d'information complémentaires qu'elles estimeront nécessaires, qu'il s'agisse de données globales ou de données concernant une entreprise spécifique. Ce point est essentiel, si l'on veut qu'elles soient en mesure, grâce à une vision d'ensemble enracinée dans le concret de la vie, d'apporter leur contribution à l'amélioration de l'efficacité des différents dispositifs d'aides existants ou à venir, notamment en matière d'emploi.

Si les dispositions de ce texte témoignent d'une démarche cohérente, l'efficacité du dispositif ainsi proposé dépendra pour beaucoup de l'implication des différents acteurs concernés.

Mais il en est dans ce domaine comme dans tous les autres : c'est bien en faisant appel aux acteurs sociaux et à leur intervention citoyenne que l'on peut le mieux contribuer à l'efficacité des politiques publiques, au demeurant plus que jamais indispensables.

C'est en affirmant cette conviction que je vous invite à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Robert Hue, premier orateur inscrit.

M. Robert Hue.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames messieurs, le 8 septembre dernier, le g roupe Michelin annonçait la suppression de 7 500 emplois sur trois ans en même temps qu'une progression de 17 % de son résultat net.

Si les salariés et leurs familles furent frappés de stupeur p ar la terrible nouvelle, les actionnaires, eux, s'en réjouirent bruyamment : le titre Michelin s'envolait, en hausse de 11 % dès l'ouverture de la séance du lendemain à la Bourse de Paris.


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La presse révélait peu après que Michelin avait perçu depuis 1983, comble de cynisme, 10 milliards de francs d'aides publiques à l'emploi.

Nous le savons, les exemples de ce genre se sont multipliés ces dernières années. Des millions de Françaises et de Français en sont profondément choqués et s'interrogent.

La proposition de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui, au nom du groupe communiste et apparentés, ne vise donc nullement, comme on a pu l'entendre, à exercer sur les entreprises une tutelle tatillonne et paralysante. Elle participe d'une vaste ambition qui propose que l'action pour faire reculer le chômage et pour la création d'emplois devienne une priorité nationale. Cela exige l'engagement de grandes réformes de structures en matière de fiscalité et de crédits notamment, afin de rompre avec la logique capitaliste qui fait des effectifs salariés et des rémunérations des coûts à réduire absolument.

C'est pourquoi les communistes agissent, ici comme dans tout le pays - la grande manifestation nationale du 16 octobre dernier l'a montré. Ils agissent en faveur d'une autre orientation de l'argent, non pas vers la recherche de la rentabilité maximum sur les marchés financiers, mais vers l'innovation technologique au service des hommes, l'investissement utile, la création de richesses réelles, le développement de l'emploi, l'essor des qualifications.

Nous voulons que les aides publiques, toutes les aidesn ationales, régionales et locales, européennes concourent efficacement à cette priorité.

C'est loin d'être le cas aujourd'hui. Des centaines de milliards ont été consentis ces dernières années aux entreprises, au nom du maintien ou du développement de l'emploi. Pour quels résultats ? Les plans de licenciement se sont succédé à un rythme élevé, la précarité a expl osé, le chômage n'a cessé de croître.

Le rapport de mon ami Daniel Paul mettait en évidence l'opacité et le cloisonnement du système actuel et son inefficacité au regard de la création d'emplois.

Une enquête détaillée, publiée en juin dernier par un journal économique, confirmait ce propos, dénonçait « la folle machine à distribuer les aides aux entreprises » et indiquait que le montant du « pactole » s'élevait à 170 milliards de francs pour la seule année 1998.

On le sait, les parlementaires communistes n'ont jamais ménagé leurs critiques à l'égard d'un système dont il est fait un si mauvais usage. Mais notre préoccupation est aussi de faire en sorte qu'il soit réellement tourné vers l'aide au développement de l'emploi. C'est ainsi, chacun s'en souvient, que nous avons amendé la seconde loi sur les 35 heures, pour y introduire le principe d'une conditionnalité des aides publiques à la création d'emplois.

De la même façon, ce que nous voulons avec cette proposition de loi, c'est permettre une réelle efficacité économique et sociale ainsi que le respect des exigences de transparence, donc de démocratie, et de morale qu'en attendent légitimement les citoyennes et les citoyens.

Exigence morale en effet, car on ne peut accepter qu'une poignée de personnes, en la circonstance quelques dirigeants de grandes entreprises, fassent comme bon leur semble usage de l'argent de la nation, c'est-à-dire de l'argent des contribuables.

Exigence de transparence également, car le maquis actuel des aides publiques rend presque impossible leur l isibilité. Je n'ignore pas que quelques instances s'efforcent de rendre cette lisibilité meilleure et esquissent parfois des opérations de contrôle. Mais nous sommes très loin du compte.

Cette situation est en outre préjudiciable à un très grand nombre d'entreprises, les PME et PMI tout particulièrement. Tout indique - et le rapport de la commission d'enquête parlementaire proposée par André Lajoinie le 2 juin 1999 le soulignait - qu'elles demeurent largement exclues des dispositifs actuels. Ainsi, les plus grandes entreprises perçoivent des aides, sans contrôle et sans véritable obligation de résultat, tandis que d'autres, qui pourraient en faire un usage efficace, en sont privées.

Exigence d'efficacité économique et sociale enfin, pour les raisons que je viens d'évoquer et parce que les directions des grands groupes prétendent en avoir le monopole, appuyées en cela par les partisans du libéralisme économique. Les uns et les autres s'offusquent dès lors que la puissance publique, mais aussi les citoyens, les salariés, les syndicats s'intéressent aux pratiques des entreprises. Ils s'insurgent contre un Etat jugé omniprésent, excessif, de même qu'ils plaident pour l'effacement du politique, des élus sur tout ce qui relève de la « gouvernance d'entreprise ». En revanche, les mêmes estiment que l'Etat n'en fait jamais assez quand il s'agit de mobiliser l'argent public au profit de leur stratégie.

Dans un cas, l'intervention publique est décriée, dans l'autre, elle est sollicitée de façon éhontée.

Pour notre part, nous ne sommes en rien hostiles à l'octroi de fonds publics aux entreprises. Cette forme d'intervention de l'Etat et des collectivités publiques peut parfaitement relever de leurs responsabilités à la condition que les entreprises concernées assument également et pleinement leurs propres responsabilités. Ce n'est pas le cas lorsque rien ne les oblige à afficher clairement la destination des sommes qu'elles sollicitent, ou lorsque, les ayant obtenues, leur utilisation échappe à tout contrôle.

La situation actuelle pousse à une véritable « déresponsabilisation » économique et sociale d'un très grand n ombre d'entreprises, tout particulièrement les plus grandes d'entre elles.

Le texte qui vous est soumis - et sur lequel mon ami Jean Vila vient de rapporter - contient des dispositions susceptibles de mettre en cohérence le travail des gestionnaires d'aides et celui des représentants de l'Etat. Il a pour ambition d'assurer la transparence et l'efficacité de l'ensemble des dispositifs d'aides publiques. Outre la création d'une commission nationale, il prévoit des commissions régionales afin de permettre un suivi de proximité.

Ces commissions seront ouvertes aux élus de la représentation nationale, aux élus locaux ainsi qu'à des personnalités qualifiées, des représentants des organisations représentatives des employeurs et des salariés.

Cette disposition innovante vise à progresser vers une meilleure appropriation des politiques de l'emploi par tous les acteurs qu'elles concernent. Elle est renforcée par l'article 4, qui donne aux salariés, par l'intermédiaire des comités d'entreprise ou des délégués du personnel, des droits nouveaux de regard et d'intervention sur les aides publiques, en faisant obligation à l'employeur de leur en communiquer le montant et l'utilisation.

Ce même article envisage aussi la suspension, la suppression ou le remboursement de ces aides dès lors qu'elles n'ont pas fait l'objet d'un usage conforme aux engagements de l'employeur et aux objectifs avancés par les salariés et leurs organisations représentatives.


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Toutes ces mesures ont pour fil conducteur une mobilisation efficace et moderne de l'argent public au service de l'emploi. Car la modernité, aujourd'hui, passe obligatoirement par la transparence et le partage des informations, par des possibilités effectives d'intervention des salariés et des élus dans des domaines que le libéralisme économique prétend monopoliser au profit exclusif des directions d'entreprise, des actionnaires et des marchés financiers.

Je conclurai mon propos par un appel, adressé, au-delà de cet hémicycle, aux millions de salariés et de citoyens que préoccupe la persistance à un niveau élevé du chômage.

J'ai la conviction que l'adoption de ce texte par notre assemblée permettra de redonner vigueur à l'action en faveur du développement de l'activité économique, de la croissance et de l'emploi.

Cette proposition de loi a pour objet de favoriser l'intervention des salariés et des syndicats dans la définition et le respect d'objectifs audacieux en matière d'emploi et de formation. Il est naturel qu'il en soit ainsi : pour les députés et militants communistes, pour les représentants de la majorité plurielle, une loi est d'autant plus juste qu'elle permet d'avancer concrètement sur le chemin d'une citoyenneté renouvelée, exigeante, étendue et respectée. La proposition de loi que je propose aujourd'hui avec mes amis du groupe communiste et apparentés est un moyen nouveau pour favoriser leur intervention, condition indispensable d'une plus grande démocratie qui reste souvent à la porte de l'entreprise.

J'ai la conviction qu'elle peut constituer un solide point d'appui pour une politique audacieuse au service de la croissance, du dynamisme économique et de l'emploi.

J'ai la conviction que cette initiative de la majorité de gauche plurielle et du Gouvernement répond aux attentes de millions de Françaises et de Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot.

M. Maurice Ligot.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Hue et les membres du groupe communiste ont déposé une proposition de loi, en vue de créer une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

Une commission de plus.

La commission des finances a amendé le texte initial afin de déterminer, d'une part, le champ de compétences de la commission nationale des aides publiques aux entreprises, c'est-à-dire les aides publiques de l'Etat ou de ses établissements publics ainsi que les aides financées par des crédits communautaires, d'autre part, la mission de la commission, à savoir évaluer les impacts économiques et sociaux des aides publiques et contrôler leur utilisation.

La commission nationale, composée, dans des conditions qui seront précisées par décret, de députés et de sénateurs, de représentants de l'Etat désignés par les ministres chargés de l'économie et des finances, de l'industrie et de l'emploi, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national, des associations de chômeurs, des organisations patronales et de personnalités qualifiées, correspond-elle véritablement à un besoin réel ?

M. Jacques Desallangre.

Oui !

M. Maurice Ligot.

S'il est vrai que l'utilisation des fonds publics pour l'emploi et la formation doit être contrôlée très sérieusement, la création de cette commission pose un double problème : d'une part, la multip lication des organismes de contrôle des dépenses publiques - trop de contrôles aboutit à l'absence de contrôles - d'autre part, le dessaisissement de la souveraineté nationale de son pouvoir de contrôle, ce qui est, à mon avis, extrêmement important.

Commençons par celui-ci puisque nous sommes à l'Assemblée nationale.

En vertu de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de la Constitution, le vote et le contrôle de l'utilisation de la dépense publique doivent être assurés par les élus nationaux, les rapporteurs spéciaux étant dotés des pouvoirs nécessaires. Supprimer ou réduire ce contrôle conduit à un affaiblissement du régime parlementaire.

Le président Fabius avait rappelé lors de la création de la mission d'évaluation et de contrôle, le 3 février 1999, q ue « dépenser mieux suppose que les Assemblées contrôlent réellement dépenses et recettes, ainsi que l'efficacité de celles-ci. Cela implique de placer désormais l'évaluation et le contrôle au coeur de l'activité budgétaire du Parlement. Le Parlement dispose, lui, de la légitimité pour faire respecter les articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ».

Si je peux comprendre la volonté du Gouvernement de s'opposer à M. Fabius (Sourires et exclamations sur divers bancs), pourquoi donner le pouvoir de contrôle à une nouvelle commission alors que la mission d'évaluation et de contrôle a entrepris des travaux et émis des conclusions qui ne sont pas appliquées ou qui ne le sont qu'en partie, je pense notamment à la remise en cause de certaines aides à l'emploi jugées par elle inefficaces. Les préconisations parlementaires ne sont pas suivies d'effet, et on préfère créer une autre instance. Quelle curieuse méthode de mise en oeuvre du contrôle ! Nous sommes loin du souhait de M. Fabius qui était

« que dans quelques temps, les rapporteurs fassent le bilan des suites données à leurs préconisations et que l'Assemblée nationale soit appelée à en débattre sur la base de leur rapport », ce qu'il appelait « le droit de suite » des rapporteurs budgétaires.

C'est pourquoi mes collègues UDF membres de la mission d'évaluation et de contrôle ont décidé de ne plus pourvoir leurs sièges lors de la constitution de la mission pour 2000. Ils ont d'ailleurs été suivis par M. Auberger, coprésident de cette mission.

S'agissant des dépenses publiques consacrées à l'emploi, la mission d'évaluation et de contrôle souhaitait évaluer les différents types d'aide à l'emploi à l'aune des objectifs qui leur sont assignés. Le bilan mitigé de ces politiques, qui aurait dû amener le rapporteur à étudier l'efficacité des aides à l'emploi et à en tirer des propositions de réformes concrètes que nous aurions examinées, l'a conduit au contraire à explorer de nouvelles pistes parmi lesquelles la réduction du temps de travail et la réforme du financement de la protection sociale. L'état des lieux complet des flux financiers en matière d'emploi en France n'a pas été fait. Il ne nous est donc pas permis d'évaluer l'efficacité de l'ensemble de la dépense pour l'emploi.

S'agissant des auditions et du rapport sur l'utilisation des crédits à la formation professionnelle, ils ont contribué à évaluer l'obscurité de la gestion de la formation professionnelle. Il en résulte des propositions de réformes qu'il faudra mettre en oeuvre rapidement.

Les travaux de la mission d'évaluation et de contrôle posent avec acuité le problème de la gestion des dépenses publiques. Il faut savoir que le renforcement du droit de


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suite des parlementaires sur l'utilisation des crédits budgétaires n'a de réel intérêt que s'il est pérennisé et s' accompagne d'un pouvoir de contrôle sur le suivi des conclusions et des propositions de réformes à mettre en oeuvre. Cela contribuera à rendre l'Etat plus efficace.

Si l'Assemblée nationale votait la proposition de loi présentée par M. Robert Hue, non seulement sa majorité ne tiendrait pas compte des recommandations parlementaires, mais elle affaiblirait encore un peu plus les missions d'évaluation et de contrôle exercées par le Parlement. Elle contribuerait aussi à affaiblir l'efficacité de l'Etat et à ralentir la réforme de l'Etat qui est pourtant, si j'ai bien compris, une des préoccupations du Gouvernement.

E n ne tenant pas compte des recommandations consensuelles de la mission d'évaluation et de contrôle dans le projet de loi de finances pour 2000, le Gouvernement, pour des raisons politiques, ne souhaite pas permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle qui consiste à contrôler réellement les dépenses et, parmi elles, les aides à l'emploi. Cette attitude est manifestement en contradiction avec la Constitution et avec une véritable représentation démocratique. J'ajoute que je ne vois pas bien où est l'intérêt du Gouvernement dans cette affaire : est-il dans l'opacité ou, au contraire, dans la transparence de sa gestion devant le Parlement, en permettant à la mission d'évaluation et de contrôle de jouer pleinement son rôle, au lieu d'ajouter une commission supplémentaire ? L'autre problème posé par la proposition de loi a trait à la multiplication des organes de contrôle : il existe en effet une instance de contrôle, la Cour des comptes, qui, selon les articles 47 et 47-1 de la Constitution, assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Depuis 1982, les chambres régionales des comptes s'assurent de la régularité de l'exécution des dépenses publiques au plan local.

La volonté du premier président de cette Cour d'appliquer les articles 47 et 47-1 de la Constitution semble être de nature à garantir un meilleur contrôle de la dépense publique en général.

Tout le monde s'accorde à reconnaître la qualité des rapports de la Cour des comptes - le récent rapport qui vient d'être déposé concernant la fonction publique en est une preuve. Toute la question est de savoir si les abus ou les erreurs qu'elle dénonce sont sanctionnés et corrigés.

Or, il est de pratique malheureusement constante que le Gouvernement n'applique qu'avec lenteur, ou pas du tout, les recommandations de la Cour des comptes. C'est pourquoi mon collègue Paillé, suivi par plus de 100 parlementaires, avait déposé une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête portant sur les suites données aux rapports publics de la Cour des comptes.

Cette commission aurait eu pour mission de recenser les dysfonctionnements qui ont été relevés par la Cour des comptes dans ses quatre derniers rapports et qui n'auraient pas été corrigés, et de proposer pour ces cas les modifications législatives nécessaires.

Or la proposition de résolution de M. Paillé a été rejetée par la commission des finances sur la base des conclusions du rapport de Mme Bricq. Ce rapport établissait que la création d'une commission d'enquête apparaissait inutile et inopportune au motif qu'il était « superflu de vouloir contrôler le contrôle ». C'est pourtant ce que propose, aujourd'hui, M. Hue et le groupe communiste en voulant créer une instance permanente - une commission nationale - tout en dessaisissant les parlementaires de leur pouvoir de contrôler les dépenses publiques.

L'Assemblée nationale devrait, dans sa totalité, être convaincue que ce n'est pas en créant une structure supplémentaire, mais plutôt en systématisant les activités de contrôle et d'évaluation de la dépense publique par le Parlement, que les aides à l'emploi seraient mieux utilisées.

M. Robert Hue.

Elles ne sont pas assez nombreuses !

M. Maurice Ligot.

La volonté délibérée de s'opposer aux initiatives du président de notre assemblée ne doit pas affaiblir la démocratie, quel que soit l'enjeu politique.

Vous ne pouvez pas, à quelques mois d'intervalle, justifier votre vote avec les mêmes arguments que ceux qui vous ont conduits à rejeter la proposition de résolution de mon collègue Dominique Paillé. Dans un cas, on dit qu'il ne faut pas de commissions et, dans l'autre, on nous propose de créer une nouvelle commission.

C'est pourquoi, au lieu de créer une nouvelle et supplémentaire instance de contrôle - des instances de contôle existent déjà et le Parlement a son rôle à jouer , le groupe UDF, favorable à un meilleur contrôle et à une meilleure utilisation de la dépense publique, notamment dans le domaine de l'emploi, demande que les conclusions de la mission d'évaluation et de contrôle soient prises en considération par le Parlement, ce qui n'est fait que très modérément, et qu'elles se traduisent par des réformes concrètent et pérennes de la part du Gouvernement.

Le groupe UDF demande aussi que le rôle de la Cour des comptes ne soit pas considéré comme de pure forme et que les dysfonctionnements qu'elle dénonce soient réellement corrigés.

Les instances de contrôle existent. Elles sont au travail.

Il suffit de les écouter. Elles ont déjà commencé à déposer des conclusions sur le problème épineux des aides à l'emploi. En conséquence, le groupe UDF ne votera pas la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. le président.

La parole est à M. Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi tendant à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises est excellente. Opportune, elle vient à point, au moment où se multiplient les plans sociaux téléguidés par des actionnaires cupides qui, on le voit, sacrifient les emplois en dépit des aides obtenues par leurs entreprises.

L'usage des investissements subventionnés et des aides publiques doit être contrôlé : c'est une nécessité non seulement économique, mais aussi éthique.

Cela dit, le Mouvement des citoyens n'est pas favorable à la multiplication des instances de contrôle ou des autorités administratives indépendantes car elles ont en général pour effet indirect d'affaiblir les autorités directement légitimes que sont le Gouvernement, le Parlement et les juridictions. D'autre part, ces commissions, parfois trop nombreuses dans certains domaines, empiètent chacune sur le territoire de l'autre, de sorte que leurs compétences s'en trouvent brouillées. Si leur nombre est trop élevé dans un même domaine, cela nuit à l'efficacité qui est pourtant absolument indispensable.


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Malgré ces réserves, l'importance des fonds en jeu - 170 milliards pour les aides de l'Etat et presque autant pour celles des collectivités locales ou territoriales - et la carence du contrôle justifient amplement la création de la commission proposée par nos collègues. En effet, les dérives du système d'octroi des aides publiques exigent que nous nous en préoccupions : des carences graves se sont ajoutées à la mise en place par certains grands groupes industriels de véritables stratégies de captation et d'abonnement aux aides publiques.

En 1997, la Cour des comptes relevait non seulement qu'aucun chiffrage précis des aides publiques au titre du FNE n'existait, mais encore que plus des deux tiers des allocations FNE ont été accordées à douze entreprises qui se sont adressées au moins trois fois en six ans au Fonds national de l'emploi ! Celles-ci ont ainsi couvert leurs sureffectifs à 41 % par des préretraites totales. Cela permet des restructurations à moindre coût et, surtout, de les faire aux frais de l'Etat.

Ce mode de gestion des entreprises, déjà relevé en 1998 par la commission d'enquête parlementaire Fabre-Pujol, constitue pour certaines une recette comme une autre, mis à part le fait qu'elle a tendance à se pérenniser.

Il est inacceptable, vous en conviendrez, qu'une dizaine de groupes monopolise la majorité des sommes : à l'heure actuelle, les aides destinées spécifiquement aux PME sont m arginales. L'utilisation très contestable des aides publiques amène ainsi la quasi-exclusion des petites structures, et l'essentiel va mécaniquement aux grandes entreprises.

Il convient également d'insister sur l'extrême multiplicité et l'opacité des aides versées. Cela s'ajoute à l'iné galité entre grands groupes transnationaux et PME : inégalité entre ceux qui ont des services spécifiques de chasseurs d'aides et les petites entités, perdues dans un flou qui n'est pas artistique.

Enfin, il est encore plus intolérable que les aides ne soient pas conditionnées au respect d'une bonne conduite sociale. Aujourd'hui, nous sommes tous victimes d'un véritable chantage à l'emploi et chacun de nous est prêt à tout tenter pour que les entreprises qui nous promettent, la main sur le coeur, de créer des emplois bénéficient d'un maximum d'aides publiques. Mais peut-on accepter que les groupes que nous avons généreusement aidés ferment quelque temps plus tard et qu'ils abandonnent des dizaines de familles sans travail et des sites irrécupérables, tout en se permettant par surcroît de nous faire de la morale, sur l'air de : « Dans votre région mal agencée, on ne peut rien faire ! » ou encore : « De toute façon, notre entreprise aurait dû fermer depuis déjà longtemps ! » - ces derniers propos sont de M. Michelin ? Ce comportement n'a que trop duré ! Il faut aujourd'hui dire halte aux diktats des grands groupes qui ne se servent de nos circonscriptions que comme des cases d'un Monopoly géant où ils se déplaceraient au gré des primes offertes.

Si nous décidons, comme je le souhaite, de nous doter d'une instance de contrôle, il sera nécessaire d'exiger des entreprises un comportement social dont l'absence engagerait la responsabilité de la personne morale et ses actionnaires. La seule voie pour obtenir un comportement social juste et humain passe par une contractualisation des relations financières entre l'Etat ou les collectivités et les entreprises.

L'acceptation de clauses instituant des obligations réciproques proportionnées, que chaque partie aurait acceptées, peut nous permettre d'avancer en la matière. Le caractère synallagmatique du contrat peut être un moyen de responsabiliser l'entreprise et une sécurité pour les organismes payeurs. Ainsi, on pourrait éviter qu'une entreprise comme Pirelli, dans mon département, mette la clé sous la porte et deux cent soixante salariés à la rue simplement parce qu'à quatre cents kilomètres de là on l'accueille à bras et à porte-monnaie ouverts, ou qu'un grand groupe spécialisé dans la mise en conserve de fruits et légumes - je veux parler de Bonduelle - puisse, comme c'est actuellement le cas à Soissons, après avoir bénéficié de 600 000 francs d'aide - d'autres aides avaient été antérieurement versées -, licencier ses quatre-vingt-dix salariés en toute impunité, à la faveur d'une délocalisation.

Il arrive parfois, et la Cour des comptes s'en fait l'écho, que les collectivités territoriales créent des régimes d'aide directe sans fondement juridique. Dès lors, comment s'étonner que les chefs d'entreprise ne résistent pas - c'est le moins que l'on puisse dire - à cette surenchère ? Le système est d'autant plus pervers que les émissaires des actionnaires se comportent souvent comme en t errain conquis. Forts de l'argument « création d'emplois », ils exigent beaucoup, subordonnant toute installation à la réalisation de leurs souhaits impérieux.

Enfin, je m'interroge sur l'absence de contrôle de l'affectation des aides publiques. C'est ce point qui nous réunit aujourd'hui. Il y a deux ans, l'usine Delsey, implantée dans l'Aisne, a fermé. Or, que je sache, plusieurs dizaines de millions lui avaient été alloués par des contribuables qui, depuis deux ans, paient également les allocations chômage des anciens salariés. Les élus de la région avaient, à l'époque, demandé s'il n'était pas judicieux d'exiger un remboursement. J'espère que leur demande trouvera aujourd'hui un écho, d'autant que D elsey était, comme Pirelli, très loin vraiment de l'asphyxie financière.

Dans le domaine de ce que j'appellerai la « captation » d'aides publiques, la fermeture d'unités constitue toujours pour les actionnaires une excellente affaire : rappelonsnous le PDG de Michelin annonçant des bénéfices records ! Rappelons-nous Jean-Pierre Gaillard saluant le bond de l'action et Edouard Michelin signifiant en conclusion le licenciement de 7 500 personnes et fermant des sites comme celui de Soissons, accusé simplement non pas de perdre de l'argent, mais de ne pas faire suffisamment de bénéfices ! Le principe d'une restitution sociale doit, me semblet-il, être posé aujourd'hui. Une entreprise qui a bénéficié d'aides de l'Etat et qui licencierait sans motif économique valable serait condamnée à prendre en charge les frais supportés par la société. C'est pourquoi il serait peut-être temps, dans le prolongement de la proposition qui nous est soumise, d'en examiner d'autres comme celle de Jacques Nikonnof, qui propose que les entreprises procédant à un plan social, alors que leurs résultats nets sont bénéficiaires, soient contraintes de prendre en charge le coût des licenciements.

J'ai repris ces propositions dans une proposition de loi que j'ai déposée il y a quelques jours sur le bureau de l'Assemblée nationale. Celle-ci a pour but d'instituer une restitution sociale qui viserait, d'une part, à inciter les entreprises à reclasser les salariés au lieu de les licencier et, d'autre part, à faire en sorte que les actionnaires assument financièrement leur choix. Mais pour cela, il faut s'attaquer à la seule chose à laquelle ils tiennent : leurs plus-values et leurs bénéfices. Peut-être que ce surcoût amènerait l'actionnaire à adopter un comportement social


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plus sain. Aujourd'hui, reconnaissons-le, il n'existe pas de contrepoids aux décisions égoïstes des groupes transnationaux.

De même, pour contrecarrer les entreprises qui ont organisé la perception des aides publiques, il n'existe pas d'institution apte à surveiller l'emploi de celles-ci. La Cour des comptes, chargée de vérifier si les recettes ont été recouvrées et si les dépenses ont été payées, pour rait légalement s'occuper de ce contrôle, la loi lui assignant de vérifier le bon emploi des fonds publics. Mais cette institution dispose-t-elle des moyens adéquats pour déjouer les juristes et les comptables d'entreprises désireuses de gagner le plus possible.

J'ajoute que le maquis juridique et la superposition des rouages administratifs constituent parfois le meilleur abri contre ceux qui s'aviseraient de demander des comptes.

Non seulement il n'existe pas de décompte précis des a ides versées nominativement, mais les principaux groupes bénéficiaires ne donnent aucune information sur le montant des sommes qui leur sont octroyées.

La commission Fabre-Pujol relevait que, hormis Moulinex, aucun groupe n'avait été en mesure de présenter une liste précise des aides versées par la puissance publique. Je note au passage que cela n'a pas empêché Moulinex d'annoncer depuis quarante-huit heures un nombre record de fermetures de sites et de licenciements !

M. Robert Hue.

Exact !

M. Jacques Desallangre.

C'est pourquoi il nous faut décider la mise en place d'une commission chargée spécifiquement du contrôle des montants alloués et de leur affectation.

La liberté totale en ce domaine est dépassée : il faut que soient instaurés entre l'Etat et les entreprises qui bénéficieraient d'aides publiques des accords clairement contraignants.

L'entreprise devra accepter, en recevant les fonds, de fournir un effort proportionnel à celui accompli par l'Etat en sa faveur. Dans la mesure où elle violerait ses engagements, la demande de remboursement ne relèverait pas d'une sanction juridictionnelle, mais elle serait liée à la rupture du lien contractuel. Au-delà de ce lien, la commission devra posséder une capacité d'auto-saisine et disposer de pouvoirs d'investigation.

L'objet de la proposition de loi ne doit pas être de créer une commission qui se substitue aux instances existantes et aux collectivités départementales, régionales, européennes, mais d'obtenir des informations et de contrôler l'emploi des aides publiques. Car la responsabilité constitue l'autre face de la liberté : liberté d'entreprendre, liberté du commerce et de l'industrie.

Une analogie peut être faite entre le comportement de l'entreprise, personne morale, et celui du citoyen. En effet, si le citoyen dispose de droits, il a ainsi des d'obligations. Il est libre parce qu'il est responsable de ses actions et, à ce titre, sa responsabilité civile et pénale peut être engagée. Il doit en être de même des entreprises ! Des entreprises contractantes qui s'engageraient avec l'Etat à adopter un comportement social à la mesure des aides qui leur sont allouées, voilà qui serait dans l'intérêt des syndicats, des travailleurs, de tous les citoyens et de notre pays lui-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. le président.

La parole est à M. Alain Cousin.

M. Alain Cousin.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi se présente comme la conclusion des travaux que certains de mes collègues et moi-même avons conduits dans le cadre d'une mission d'enquête parlementaire, dont le titre portait déjà la marque d'un manque absolu d'objectivité :

« Enquêtes sur les pratiques de certains grands groupes nationaux et internationaux et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire ».

Les « pratiques » ! On ne peut pas dire que l'entreprise soit en odeur de sainteté ! Je déplore que les objectifs que nous nous étions fixés à l'époque, bien plus larges et plus ambitieux que la seule évaluation de l'efficacité des aides, aient été sacrifiés sur l'autel d'une idéologie passéiste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et communiste.)

Je déplore aussi que nos débats, constructifs pendant l'enquête, soient réduits à cette proposition antidémocratique - cela a déjà été dit - et simpliste. La question de l'efficacité des aides publiques mérite beaucoup mieux que cela.

C'est pourquoi je considère, au nom du groupe RPR, que la création d'une commission de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises n'est pas acceptable, ni sur le plan démocratique ni sur le plan économique.

M. Christian Cuvilliez.

Oh ! là là !

M. Alain Cousin.

Examinons d'abord l'aspect antidémocratique.

La commission de contrôle que souhaite créer le groupe communiste affaiblit le régime parlementaire, comme l'a bien dit Maurice Ligot. Pourquoi ? Parce qu'elle n'a pas de légitimité démocratique. Ce n'est pas une instance élue, et les élus y sont minoritaires ; elle n'est même pas paritaire puisque les syndicats patronaux sont moins bien représentés que les syndicats de salariés et les associations de chômeurs. Et de quelles associations de chômeurs s'agit-il ? Comment peut-on garantir leur représentativité ? Cette commission de contrôle affaiblit le régime parlementaire parce qu'elle remet en cause les instances de contrôle issues de la souveraineté nationale.

C'est aux élus de la nation qu'il appartient d'exercer le pouvoir de contrôle sur leurs décisions, et non à un système bureaucratique.

Par cette proposition, le groupe communiste et la majorité nient l'existence d'organismes de contrôle légitimes et démocratiques issus du Parlement et des services de l'Etat : à quoi servent donc l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques ou la Cour des comptes ? Enfin, au nom de quelle autorité cette commission peut-elle prétendre évaluer et contrôler les aides issues de l'Union européenne ?

M. Alain Clary.

La loi !

M. Alain Cousin.

La commission disposera de pouvoirs exorbitants. Habilitée à exercer ses missions sur pièces et sur place et à saisir la Cour des comptes ou l'inspection générale d'un ministère, elle pourra être saisie pratiquement par n'importe qui : le maire... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste),...

M. Alain Clary et M. Jacques Desallangre.

Merci pour les maires !

M. Alain Cousin.

... jaloux d'une implantation dans une commune voisine, ou le délégué du personnel animé d'intentions très éloignées du sujet. C'est la porte ouverte à la délation et à la chasse aux sorcières. La création d'une commission de contrôle est donc inacceptable d'un point de vue démocratique.


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M. Alain Clary.

Quel amalgame !

M. le président.

Laissez parler l'orateur !

M. Alain Cousin.

En outre, et telle est la réalité même si elle dérange, cette création n'est pas économiquement rationnelle. Elle témoigne d'une méconnaissance totale des mécanismes de la mondialisation.

M. Jacques Desallangre.

Tiens donc !

M. Alain Cousin.

Ce n'est pas en plaçant un contrôleur derrière chaque entreprise que l'on empêchera les mouvements de capitaux et ceux des entreprises elles-mêmes.

M. Jacques Desallangre.

Evidemment !

M. Alain Cousin.

Si les exemples de JVC, de Daewoo ou de Panasonic sont atterrants, ils ne sont pas forcément frauduleux ni si nombreux.

M. Alain Clary.

Parlez-nous donc de Nestlé !

M. Alain Cousin.

Ce n'est pas une mesure de contrôle supplémentaire qui empêchera le dumping social qui s'exerce dans la concurrence entre les Etats, y compris ceux de l'Union européenne. L'Irlande, la GrandeBretagne, le Portugal nous font déjà concurrence. Qu'en sera-t-il après l'élargissement de l'Union européenne aux pays de l'Est ? Comment maintiendrons-nous l'attractivité de nos territoires ? La multiplication des contraintes administratives dissuadera les plus vertueux des candidats à l'implantation.

Cette commission de contrôle des fonds publics que l'on nous propose de créer ignore tout simplement la réalité du développement économique. En ne retenant comme critère d'appréciation que la seule création brute d'emplois directs, elle accentue l'inefficacité du système d'aides. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

M. Christian Cuvilliez.

L'emploi n'est pas un critère ?

M. Alain Cousin.

Les effets positifs de l'implantation d'une entreprise ne se mesurent pas seulement au nombre d'emplois directs qu'elle crée. Il faut aussi se demander combien d'emplois indirects sont générés par son implantation - sous-traitance, fournisseurs - et quelle est la valeur ajoutée de ces emplois pour le territoire - innovation, diversification, niveau de qualification. C'est justement cette capacité d'expertise et d'affinage des critères qui manque à nos services pour proposer des systèmes d'aides plus efficaces.

La commission ne tient pas compte non plus du secteur non marchand. Seuls les grands groupes sont dans le collimateur, diabolisés, porteurs de tous les vices. Mais qu'en est-il des associations, des établissements publics ? A ce titre, il serait intéressant d'attendre les conclusions de l'instance nationale d'évaluation des aides publiques du Commissariat du Plan : son enquête prend justement en compte le secteur non marchand.

Enfin, on peut se demander quel sera le coût d'une telle mesure. Vu les pouvoirs exorbitants dont sera dotée la commission, elle ne pourra, seule, exercer ses missions.

Combien de fonctionnaires nécessitera-t-elle ? Est-il seulement prévu d'augmenter les moyens des services publics qui devront travailler pour elle, monsieur le ministre ?

M. Jacques Desallangre.

Ce sera inutile !

M. Alain Cousin.

Cette commission de contrôle de l'utilisation des aides publiques ne remplira pas les objectifs qu'elle s'est fixés. Au contraire, elle risque d'alourdir un système déjà fort complexe en créant, en outre, une instance non démocratique en lieu et place d'organismes de contrôle légitimes.

(Exclamations sur les bancs du groupe communiste.)

M. Alain Néri.

Lesquels ?

M. Alain Cousin.

Aussi les conclusions de la commission d'enquête parlementaire et celles de rapports précédents sur le même sujet - je pense au rapport Péricard - nous conduisent-elles à formuler d'autres propositions - il faut être positif.

Tout d'abord, plutôt que de créer une nouvelle structure, ne vaudrait-il pas mieux réformer l'existant et instaurer de nouvelles relations avec les entreprises ? Ne serait-il pas tout simplement préférable d'adapter nos instances de contrôle à la nouvelle donne économique et de commencer par respecter les dispositions existantes ? Le Gouvernement est le premier concerné. C'est à lui de montrer l'exemple, conformément à ses obligations vis-àvis du Parlement, en présentant systématiquement un rapport sur l'exécution des lois. Mais ce n'est malheureusement pas une pratique très courante.

I l s'agit ensuite de réformer le système d'aides publiques en concentrant les dispositifs et les organismes habilités à les distribuer, mais aussi en définissant des critères plus pertinents pour évaluer l'efficacité de l'aide. A ce sujet, force est de constater les incohérences de la majorité plurielle : comment simplifier le système d'aides aux entreprises quand on sait que le projet de loi de

M. Zuccarelli devrait autoriser les départements et d'autres collectivités à dispenser leurs propres aides ?

M. Alain Néri.

Ce n'est pas une nouveauté !

M. Alain Cousin.

Enfin, pour garantir la nécessaire transparence du système, pourquoi ne pas soumettre l'octroi d'une aide à l'obligation légale d'en faire publicité dans la presse ? En outre, il faut doter les assemblées et leurs services de moyens plus importants en termes d'expertise et de contrôle.

En effet, comment se placer à armes égales avec une multinationale si les organes de contrôle ne disposent pas de moyens comparables, c'est-à-dire d'une informations tratégique que seule l'intelligence économique peut apporter ? Comment ne pas déplorer l'absence de transversalité des ministères, leur manque de coordination, y compris aux niveaux régional et départemental ? C'est aux services de l'Etat de se réformer pour être plus efficaces : une commission de contrôle supplémentaire ne ferait qu'accroître la confusion et faire office de cache-misère bureaucratique.

La proposition de loi du groupe communiste prend les problèmes à l'envers : elle commence par la fin, c'est-àdire le contrôle, au lieu de traiter des causes en donnant des moyens à ceux qui décident, en l'occurrence les assemblées.

A la détestable chasse aux entreprises proposée par la majorité, nous préférons opposer la notion de partenariat entre entreprises et territoires.

Il faut établir des partenariats en temps de crise. Rien, ni personne, sauf à nationaliser l'économie française - mais dans ce cas, qu'on nous le dise -, ne peut empêcher une entreprise de se restructurer. Mieux vaut donc accompagner ces moments difficiles, par exemple en imposant systématiquement la création de cellules de réindustrialisation, nous l'avons souvent évoqué lors des travaux de la commission d'enquête. Celles-ci permettent en effet de mobiliser, en concertation avec les pouvoirs


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publics locaux, le moyens techniques, humains et financiers de l'entreprise pour recréer les emplois détruits. Leur travail, assorti d'une obligation de résultats, est généralement positif à terme, car il permet de renouveler le tissu économique local, de le diversifier.

Mais des partenariats doivent également être établis « à froid », quand l'entreprise n'est pas encore confrontée à une crise de croissance et qu'elle peut anticiper. Essaimages, externalisations vers des PME locales, transferts de savoir-faire ou de technologies, création de formations nouvelles sont autant de moyens de fertiliser les territoires, d'amortir et d'accompagner intelligemment les mutations de l'entreprise.

Les partenariats intelligents avec l'entreprise permettent aux territoires d'être en phase avec l'économie mondiale, de mieux comprende ses enjeux. C'est ainsi qu'ils peuvent adapter leur offre, renforcer leur dynamisme et leur attractivité. En tout cas, ce n'est pas une commission de contrôle qui leur indiquera les pistes stratégiques à suivre pour leur développement ou qui permettra d'établir des relations de confiance.

Pour finir, je voudrais rappeler dans quel contexte politique se situe l'examen de cette proposition de loi. Le groupe socialiste, au nom de la majorité plurielle, va appeler à voter en sa faveur. Pourtant, M. le rapporteur général s'est lui-même déclaré « hostile en principe mais conjoncturellement favorable » à la proposition, ajoutant que ce type de commission de contrôle « dessaisissait la souveraineté nationale de son pouvoir de contrôle » et

« affaiblissait le régime parlementaire ». Ce n'est pas rien ! Devons-nous comprendre que l'on sacrifie la démocratie à la conjoncture politique avec cette deuxième niche parlementaire sur les licenciements économiques accordée au groupe communiste ? Devons-nous comprendre que la démagogie règne en maître au sein de la majorité plurielle ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du g roupe communiste.) Votre brouhaha est déjà une réponse !

La question des aides au développement économique ne mérite pas un tel traitement. Aussi, le groupe du Rassemblement pour la République votera-t-il contre cette proposition de loi.

M. Alain Néri.

Quelle surprise !

M. Jacques Brunhes.

Vive le renard libre dans le poulailler libre !

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si le bien-fondé du principe des aides publiques aux entreprises n'est remis en cause par personne, celles-ci posent une délicate question d'évaluation en termes d'impact et d'efficacité.

Le rapporteur spécial des crédits de l'emploi et du travail de la commission des finances ne saurait donner à penser, ni laisser dire, que tout est à faire en la matière.

Mais il est exact que d'importants progrès peuvent être encore réalisés. C'est la raison pour laquelle la proposition de loi présentée par M. Robert Hue et les membres du groupe communiste et apparentés m'apparaît opportune.

Et elle l'est d'autant plus que certaines pratiques de grandes entreprises adeptes d'un libéralisme absolu et d'un capitalisme débridé ne sauraient s'accompagner de l'utilisation de fonds publics.

Pour être tout à fait objectif et pour garantir l'efficacité des nouvelles dispositions, il importe d'abord de bien dire qu'on ne se trouve pas aujourd'hui devant une absence totale de contrôle et d'évaluation. Nous risquerions sinon de doubler ce qui est déjà fait en certaines occasions. En tant que rapporteur spécial des crédits de l'emploi, j'ai d'ailleurs participé, l'an dernier, à deux exercices d'évaluation approfondis : le premier a été réalisé par l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, à la demande de la commission des finances de notre assemblée ; le second par la mission d'évaluation et de contrôle de cette même commission.

Les conclusions de ces travaux sont concordantes.

P remièrement, il est difficile d'avoir une vue d'ensemble de la dépense pour l'emploi et, plus encore, de l'ensemble des aides publiques aux entreprises. La dépense pour l'emploi, dans l'acception retenue par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi et de la solidarité, atteint plus de 300 milliards de francs, soit près de 4 % du produit intérieur brut. Tout ce qui peut concourir à améliorer la connaissance de l'utilisation de cette masse de crédits publics est donc bienvenu.

Deuxièmement, la création nette d'emplois n'est pas l'unique objectif des aides à l'emploi. En effet, même dans une période de dynamisme économique retrouvé, conforté, monsieur le ministre, par une politique économique intelligemment conduite, il est nécessaire de se doter de moyens d'intervention en vue de réduire la sélectivité du marché du travail au profit des moins qualifiés et des chômeurs de longue durée. Les bons résultats qui montrent, mois après mois, la décrue du chômage n'ont pas ôté leur utilité à ces dispositifs.

Troisièmement, il est nécessaire de systématiser et d'approfondir l'évaluation des différentes aides à l'emploi, en particulier afin de traquer ce que l'on nomme les effets d'aubaine.

Le Parlement joue un rôle primordial dans le contrôle des aides accordées par l'Etat, comme l'a rappelé le rapporteur général à l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi en commission des finances.

Le Gouvernement a pris des engagements précis qu'il met en oeuvre. Et la majorité de l'Assemblée nationale n'a aucune raison de douter qu'il continue à les tenir, qu'il s'agisse de la chasse à l'effet d'aubaine, par souci d'économie, ou de la détermination des meilleurs ciblages, par souci d'efficacité.

Ces engagements, le Gouvernement les tient par la définition et la mise en oeuvre de la politique générale.

Contrairement à ce que vient d'affirmer M. Cousin, les crédits d'intervention du budget de l'emploi ont été recentrés. L'efficacité accrue des aides résulte de leur plus grande sélectivité au bénéfice des travailleurs les plus élo ignés du marché du travail.

En outre, comme l'a souhaité la mission d'évaluation et de contrôle, la part de financement public des préretraites va être réduite. Vous savez, en effet, que par ce biais, des milliards de francs d'aides publiques ont pu être dispensés à des groupes dont le comportement a été à juste titre dénoncé par nos collègues du groupe communiste et du groupe Radical Citoyen et Vert.

Un projet de décret vient d'être transmis pour observation aux caisses de sécurité sociale à la suite de l'annonce de la réforme du régime des préretraites du FNE, faite devant la MEC, en juin 1999, par Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Cette décision est en harmonie avec le souhait unanime exprimé par cette instance de ne plus voir le FNE financer 80 % du coût des départs en préretraite décidés par les entreprises désirant se séparer de leurs salariés âgés


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d'au moins cinquante-cinq ans. Désormais, l'aide de l'Etat ne dépasserait pas plus de 50 %. Elle serait réservée aux emplois pénibles ou aux salariés aux carrières particulièrement longues. L'Etat n'assumerait plus que 20 % de l'allocation si le salarié part en préretraite à cinquantecinq ans et 50 % s'il cesse son activité à cinquantesept ans. Contrairement aux affirmations de M. Ligot et de M. Cousin, le Gouvernement répond donc bien aux propositions de la MEC.

Par ailleurs, il tient aussi ses engagements sur le plan du contrôle de la mise en oeuvre des aides. Il appartient aux représentants de l'Etat - préfets, administrateurs des services déconcentrés - de vérifier que les engagements pris par les employeurs pour bénéficier de ces aides sont bien respectés. Je ne pense pas que l'on puisse instruire un procès en laisser-aller à l'égard de ces fonctionnaires, qui, au surplus, appliquent les directives de fermeté données récemment par le Gouvernement.

Mais les aides de l'Etat ne sont, désormais, qu'une part minoritaire des aides publiques aux entreprises. La bonne connaissance et le suivi des autres aides, accordées par la sécurité sociale, les collectivités locales et la Communauté européenne, justifient donc pleinement de rechercher les moyens d'améliorer leur efficacité.

S'agissant des aides de la sécurité sociale, il faut relever que le fonds national de financement de la réforme des cotisations patronales comprendra un conseil de surveillance, composé de parlementaires, de représentants de l'Etat, des syndicats et des employeurs. En outre, l'article 36 de la loi relative à la réduction négociée du temps de travail prévoit que le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur l'impact sur l'emploi de la réduction du temps de travail et de l'allégement des cotisations sociales. De plus, ce rapport d'évaluation sera soumis pour avis à la Commission nationale de la négociation collective et sera transmis au conseil de surveillance du fonds. Le Parlement aura donc toute sa part dans le suivi des aides et disposera des moyens et des avis permettant une évaluation approfondie.

S'agissant des aides des collectivités locales, il faut aller plus loin. La mission d'évaluation et de contrôle a conclu à l'utilité de demander une évaluation coordonnée des aides à l'emploi accordées par les collectivités territoriales à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes. Mais comme il apparaît que ces dernières ne sont pas encore en mesure de disposer de certains éléments, la commission instituée par la présente proposition de loi devrait contribuer à donner enfin une vue d'ensemble en ce domaine.

Ces aides ne sont pas négligeables puisque les collectivités locales se sont intéressées de plus en plus directement aux entreprises implantées ou susceptibles de s'imp lanter sur leur territoire. Les aides qualifiées de

« directes » sont théoriquement limitées par la législation : elles doivent d'abord être dirigées vers les PME et principalement organisées par la région - primes régionales à l'emploi, primes régionales à la création d'entreprises.

Mais les aides indirectes, elles, sont beaucoup moins encadrées, même si les aides au rachat ou à la location d'immobilier sont réglementées.

Les données disponibles auprès du ministère du budget n'intègrent que les collectivités de plus de 5 000 habitants et les aides au secteur privé. De plus, la Cour des comptes a conclu en 1996 que le recensement des aides apparaissait imprécis, incomplet avec des résultats dont la fiabilité est sujette à caution. Malgré ces difficultés d'analyse, on peut toutefois établir le montant de l'ensemble des aides locales à 14,375 milliards de francs pour 1994 contre 10,8 milliards de francs pour 1989. Elles sont en forte croisance par rapport aux dépenses totales des collectivités locales et représentent de 1 à 5 % du total de leurs dépenses pour les interventions économiques.

La pression sociale sur les élus et sur les collectivités s'est en effet intensifiée : les collectivités locales ont tendance à devenir des acteurs du développement économique local. Mais elles n'ont pas forcément le recul suffisant pour évaluer la cohérence globale et l'efficacité à terme de leurs interventions économiques.

Enfin, s'agissant des aides européennes, il importe également d'avoir une vue d'ensemble, notamment pour juger de leur contribution à la réduction des disparités régionales, puisque leur objet est à la fois la cohésion sociale et la cohésion territoriale.

Loin de mettre en cause l'autonomie de décision des élus locaux, cette meilleure information devrait contribuer à renforcer leur capacité de décision et restreindre la compétition nuisible à l'équilibre des territoires qui se développe entre régions, voire au sein d'une même région.

La proposition de loi présentée par M. Robert Hue et par les membres du groupe communiste et apparentés rejoint tout à fait les conclusions de la MEC en ce qui concerne les aides des collectivités locales et les aides européennes. Il apparaît utile qu'une instance nationale réunisse toutes les parties prenantes et puisse aboutir à é tablir un diagnostic d'ensemble, recommander des bonnes pratiques, rechercher une meilleure cohérence ou souligner certains errements pour en faire part régulièrement au Parlement et au Gouvernement, dans le respect des principes de la décentralisation, en prenant en compte les instances régionales à comité économique et social régional, comité d'orientation pour l'emploi et la formation professionnelle.

Lorsqu'elle a procédé à l'examen de cette proposition, la commission des finances a modifié de façon substantielle le dispositif proposé pour l'alléger et faciliter sa mise en oeuvre. Un certain nombre d'amendements l'amélioreront encore.

La tâche qui attend cette commission est nécessaire et difficile, car il lui faudra procéder à une évaluation d'ensemble en prenant en compte les aspects quantitatifs la création d'emplois - qualitatifs - la nature de ces emplois -, économiques - la capacité des entreprises à soutenir une compétition croissante - et sociaux - le rapprochement durable du marché du travail des personnes qui en sont le plus éloignée.

Cette commission devra enfin prendre en compte la dimension territoriale pour éviter qu'une certaine dérive vers une conception absolue de la décentralisation ne contribue au renforcement des déséquilibres entre bassins d'emploi.

La composition diversifiée et représentative de cette commission est essentielle pour lui éviter le travers d'une approche trop segmentée des problèmes, avec le risque de proposer de supprimer les aides aux entreprises en difficulté ou participant à une dure compétition et de les laisser aux entreprises les plus prospères. Il serait en effet paradoxal qu'une volonté sociale aboutisse aux contraires à ceux qui sont souhaités.

Pour les mêmes raisons, il conviendra aussi d'éviter que la commission de contrôle devienne l'instrument dont la DG IV de la Commission européenne n'aurait jamais osé rêver. Dans ses conclusions, la MEC a en effet bien souligné certaines insuffisances de la réglementation commu-


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nautaire des aides, dites « aides d'Etat », trop systématiquement défavorable aux aides sectorielles favorisant la modernisation et au soutien aux activités innovantes.

Une fois franchie la première étape de sa création, cette commission devra faire la preuve de son efficacité au service d'une conception du progrès économique plus respectueuse des équilibres sociaux, de l'emploi et de l'aménagement du territoire. C'est dans cet objectif que le groupe socialiste soutient l'initiative législative de Robert Hue et du groupe communiste, conforme à l'orientation souhaitée par le Premier ministre dans le discours qu'il a prononcé à Strasbourg en septembre, à l'occasion de la dernière rentrée parlementaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste s'inscrit dans une perspective constructive à l'occasion de ce débat parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le président.

La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour examiner la proposition de loi du groupe communiste visant à constituer une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises. Ce sera une usine à gaz supplémentaire, mais cela correspond tout à fait à la philosophie et à l'idéologie du groupe communiste...

M. Robert Hue.

Ça commence bien !

M. Marc Laffineur.

... qui rêve en fait d'une économie complètement administrée (Rires et exclamations sur les bancs du groupe communiste), d'une « soviétisation » des entreprises même,...

M. Alain Néri.

N'ayons pas peur des mots !

M. Alain Clary.

Le loup-garou, c'est fini !

M. Marc Laffineur.

... tout cela avec la complicité du Gouvernement et du Parti socialiste.

Certes, je suis d'accord avec vous, les 170 milliards de francs d'aides annuelles versées aux entreprises posent un véritable problème.

M. Alain Clary.

Quand même !

M. Marc Laffineur.

Ces aides sont pour le moins inefficaces et l'on doit se demander s'il faut continuer à les verser. En effet, on l'a vu avec la loi sur les 35 heures, certaines entreprises ont simplement recherché l'effet d'aubaine et ont profité de cet argent donné par l'Etat.

Par ailleurs, je vous invite à lire le rapport sur les aides des collectivités locales à l'industrialisation que j'ai réalisé en 1996. Dans ce domaine aussi, on peut se poser beaucoup de questions sur la concurrence que peuvent se faire les régions, les départements et les communes entre eux.

Des bâtiments ont ainsi été loués à 30 % de leur prix de revient simplement par crainte que l'entreprise n'aille sur la commune voisine ou que le chef d'entreprise ne lui demande encore plus. Des terrains qui avaient été viabilisés pour créer une zone industrielle ont même été remis en culture quelques années plus tard. Ces aides suscitent en effet beaucoup de questions,...

M. Alain Néri.

Donc, il est utile de débattre !

M. Marc Laffineur.

... mais ce qu'il faut surtout se demander c'est si l'on doit continuer à les verser. Instituer un contrôle aggravera le fouillis, la complexité actuelle du système qui fait que plus personne ne s'y retrouve. Certaines entreprises paient ainsi des personnes uniquement pour trouver les moyens de toucher les primes et pour rechercher les meilleures propositions des collectivités locales, alors que le rôle du chef d'entreprise consiste à chercher des débouchés et à faire en sorte que son entreprise se développe.

Donc, je le répète, la vraie question est la suivante : doit-on continuer à distribuer ces 170 milliards d'aides alors que leur efficacité est pour le moins douteuse ? Cela dit, si je vous propose de supprimer ces aides, ce n'est pas pour dépenser autrement une telle somme, bien entendu, c'est pour diminuer les prélèvements. En effet, si l'on suit le dernier rapport de l'INSEE, monsieur le ministre, vous allez perdre les élections législatives de 2002...

M. Alain Bocquet.

C'est Mme Soleil !

M. Alain Clary.

C'est la méthode Coué !

M. Marc Laffineur.

... parce que les prélèvements sont trop élevés et que les Français en ont assez d'être pressurés de la sorte.

(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

En effet, alors que le produit intérieur brut augmente comme on l'a rarement vu en France, le revenu des ménages a baissé au troisième trimestre de l'année dernière parce que les impôts ont encore augmenté.

M. Alain Néri.

Mais les ménages continuent à investir quand même !

M. Marc Laffineur.

Alors que vous nous aviez promis une baisse des prélèvements, nous battons ainsi tous les records en la matière.

L e groupe Démocratie libérale propose que l'on revienne sur toutes ces aides, dont l'inefficacité nous préoccupe tous, afin de diminuer les prélèvements et les charges, ce qui sera certainement beaucoup plus utile à la création d'emplois. En effet, notre but à tous, c'est de créer plus d'emplois dans notre pays pour qu'il y ait moins de chômeurs et que nos concitoyens puissent s'épanouir grâce au travail et aux responsabilités qu'ils peuvent y exercer. Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe Démocratie libérale et Indépendants votera contre ce texte.

M. Alain Néri.

Vous n'avez pas grand-chose à dire !

M. André Gerin.

Ce n'était pas brillant !

M. le président.

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, cette proposition de loi présentée par Robert Hue et le groupe communiste, qui a été exposée par le rapporteur M. Jean Vila, est importante.

Elle est importante d'abord parce qu'elle est l'aboutissement d'une longue histoire qui remonte jusqu'à la R évolution. En effet, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui institue le principe d'une contribution publique, impose qu'il soit rendu compte aux citoyens de l'usage qui est fait de leurs impôts. Si l'opacité profite aux puissants, la transparence est une vertu républicaine et la proposition de loi s'inscrit dans le cadre de cette vertu républicaine.

MM. Alain Bocquet, Dominique Baert et Robert Hue.

Très bien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Cette proposition est importante, ensuite, parce qu'elle répond à la nécessité d'une évaluation rejoi-


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gnant le travail réalisé par la mission d'évaluation et de contrôle instituée par le président de l'Assemblée nationale et impulsée par la commission des finances. Les deux démarches sont complémentaires ; il n'y a pas concurrence. Sur ce point, M. Bapt a répondu clairement aux interrogations de MM. Ligot, Cousin et Laffineur. Cette proposition est importante, enfin, parce qu'elle correspond à la volonté du Gouvernement de stimuler la création d'emplois par les entreprises en usant des fonds publics, mais à bon escient.

L'histoire de cette proposition de loi a rapidement été rappelée. Elle trouve sa source dans plusieurs travaux parlementaires. Je pense notamment aux rapports de Daniel Paul et Alain Fabre-Pujol de juin 1999 sur « les pratiques des grands groupes et leurs conséquences sur l'emploi et l'aménagement du territoire » et de Gérard Bapt sur « les aides publiques aux entreprises en matière d'emploi ».

Cette proposition a été conçue par Robert Hue, en septembre dernier puis lors de la manifestation du 16 octobre, comme une des réponses à ce que d'aucuns ont appellé « l'affaire Michelin. » Je salue cette ténacité dans

laquelle je vois le symbole d'une volonté d'articuler contestation et proposition ou, plus précisément, de faire émerger concrètement des propositions à partir de l'expression même de la contestation.

M. Robert Hue.

Très bien !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Fruit de l'histoire sociale de notre pays, cette proposition de loi répond à une nécessité. Le Gouvernement a en effet une double conviction. D'abord, il estime que les aides à l'emploi peuvent être utiles, contrairement à ce qu'a dit M. Laffineur. Si, en 1999, nos entreprises ont créé davantage d'emplois qu'en 1999 alors que la croissance, bien qu'excellente, était moins forte que celle de 1998, c'est bien parce que le dispositif d'aide à l'emploi a été renforcé. Ensuite, le Gouvernement a la conviction qu'il faut améliorer l'efficacité de la dépense publique.

Dès lors, il paraît nécessaire de répondre aux abus qui sont choquants, d'abord et surtout pour les salariés, lorsque c'est un engagement sur l'emploi qui n'est pas respecté, mais aussi pour l'ensemble des contribuables et des citoyens, ainsi que pour les entreprises concurrentes je m'adresse là aux parlementaires de droite - lorsque c ertaines entreprises, peu nombreuses heureusement, chassent les primes comme cela a été fort bien exposé.

M. Robert Hue.

Absolument !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il ne s'agit pas de diaboliser nos systèmes d'aides,..

M. Alain Cousin.

On le dirait pourtant !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

... qui ont leur logique économique et sociale.

Il ne s'agit pas non plus de montrer du doigt l'immense majorité des entreprises, qui créent des emplois, des richesses et font reculer le chômage. Il s'agit uniquement, mais c'est très important, de traquer des dévoiements de comportement : tel chef d'entreprise qui s'engage à maintenir l'emploi alors qu'il sait que c'est impossible, tel autre qui contracte avec une collectivité sans pouvoir respecter les obligations auxquelles il a souscrit, tel autre, enfin, qui se trouve comme « abonné » aux dispositifs d'aide.

Pour remédier à ces abus, il fallait éviter deux écueils : celui de la bureaucratie et celui de l'alibi.

Le premier écueil a été évité. Comme l'a très bien dit Robert Hue dans son exposé, il ne s'agit pas d'établir une tutelle tatillonne sur les entreprises. Il n'est donc pas question de procéder à des investigations systématiques ou de faire peser une suspicion généralisée sur l'ensemble de nos aides aux entreprises. Il s'agit de se focaliser sur les seuls dévoiements et abus.

Le second écueil, celui de la « commission-alibi », est également évité. Non, monsieur Ligot, ce n'est pas « une commission de plus » ! C'est une commission qui sera dotée de moyens d'information puissants, et de relais régionaux efficaces.

Vous l'avez compris, le Gouvernement aborde le débat d'aujourd'hui dans un état d'esprit très positif. Quelques divergences subsistent, mais elles sont de nature technique et ne portent pas sur les principes. Je suis sûr que nous trouverons des solutions lors de l'examen des amendements.

Sur le contenu de la proposition de loi, qui a été fort bien présenté par Jean Vila, je ne ferai pas de commentaire exhaustif et je me contenterai de préciser la position du Gouvernement sur quatre points.

Premier point : le principe même d'une instance nationale d'évaluation répond à un manque. Il est important qu'une telle commission soit créée, car elle pourra examiner la pertinence de dispositifs existants ou projetés au regard du critère de l'emploi.

Le deuxième point est relatif à la composition de la commission, suffisamment large pour que tous les points de vue puissent s'exprimer. Des parlementaires en feront partie, ce qui permettra une bonne articulation entre les travaux de la commission et ceux du Parlement.

Quant aux pouvoirs de la commission - c'est le troisième point -, on peut les résumer en trois mots : information, évaluation et sanction.

Une information précise, grâce aux rapports qui lui seront transmis chaque année par les préfets de région.

Une évaluation rigoureuse, qui sera confortée par la capacité de saisir les organismes gestionnaires d'aides et par le rôle central dévolu au Commissariat général du Plan.

Enfin, des pouvoirs de sanction effectifs sont prévus - c'est très important - car il y aura possibilité de suspendre, voire de supprimer les aides et même d'en obtenir le remboursement lorsqu'elles auront été abusivement utilisées.

Le quatrième point concerne le rôle des acteurs de terrain. Il est proposé que le comité d'entreprise puisse saisir le gestionnaire de l'aide pour lui signaler le non-respect par l'entreprise de ses engagements. Puisque M. Laffineur a fait allusion aux 35 heures, il est bon de préciser que cette disposition est la généralisation d'un amendement de M. Maxime Gremetz au deuxième projet de loi sur les 35 heures, qui instituait une possibilité de recours dans les cas où l'aide structurelle à la réduction du temps de travail ne serait pas correctement utilisée. La disposition proposée ici va dans le sens d'une plus grande efficacité.

En conclusion, je dirai que cette proposition de loi témoigne bien de ce qu'est la majorité de « gauche plurielle ». D'une part, elle est à gauche, c'est clair : il suffisait tout à l'heure d'écouter les discours des uns et des autres pour voir que nous n'avons pas les mêmes conceptions en matière d'intervention de l'Etat.

M. Marc Laffineur.

Ça, c'est clair !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Et si tout le monde a la volonté de bien utiliser l'argent de l'Etat, force est de constater, monsieur Laffineur, que, lorsqu'il s'agit de passer à l'action, certains manifestent plus de timidité que d'autres.

M. René Dutin.

Absolument ! M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

D'autre part, cette majorité est plurielle dans sa méthode. Non seulement le groupe communiste appose sa trace sur certains textes déposés par le Gouvernement - cela a été le cas en matière fiscale ou en matière financière avec le « pôle financier public », mais il souhaite laisser sa marque sur une proposition forte qui va dans le bon sens, celui de l'emploi et d'un meilleur usage des fonds publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Discussion des articles

M. le président.

J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Article 1er

M. le président.

« Art. 1er Il est créé une commission nationale des aides publiques aux entreprises, chargée d'évaluer les impacts économiques et sociaux, quantitatifs et qualitatifs, et de contrôler l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux entreprises par l'Etat ou ses établissements publics, afin d'en améliorer l'efficacité pour l'emploi et la formation professionnelle.

« La commission nationale est également compétente pour évaluer et contrôler l'utilisation des aides mises en place à l'aide de crédits de l'Union européenne. »

MM. Hue, Bocquet, Cuvilliez, Feurtet et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 1 corrigé, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 1er , substituer aux mots : "ou ses", les mots : "et les collectivités locales ou leurs". »

La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint.

Cet amendement vise à la prise en compte des aides distribuées par les collectivités locales et leurs établissements publics. Il s'agit de renforcer la portée de l'article 1er en confirmant que les compétences données à la commission nationale concernent bien l'ensemble des aides aux entreprises. Toutes ces aides devraient aujourd'hui être plus transparentes et surtout beaucoup plus efficaces en termes de soutien et de développement de l'emploi, d'amélioration de la formation et de qualification des salariés.

En proposant cette rédaction, nous ne nions pas la nécessité d'améliorer le suivi et l'efficacité des aides qui peuvent apparaître moins immédiatement liées à l'emploi, comme celles visant au développement de la recherche ou au transfert des technologies. Mais nous voulons affirmer que la priorité à l'emploi efficace et qualifié a des implications directes sur les choix d'investissement, sur le type de compétitivité recherchée. Faire référence à ce critè re central de l'emploi est pour nous essentiel dans la perspective d'une amélioration significative de l'efficacité sociale des aides publiques.

Cet amendement tire les conséquences du fait que les collectivités locales disposent, depuis les lois de décentralisation, de pouvoirs importants en matière d'intervention économique.

De nombreuses formes d'aide distribuées dans les régions s'inscrivent dans des dispositifs mis en place par le législateur et méritent d'être évaluées en prenant en compte leurs déclinaisons aux niveaux régional et local et leurs implications en termes d'aménagement du territoire.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Tout à fait favorable. La commission a accepté cet amendement ce matin.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no 1 corrigé.

(L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 7, ainsi rédigé :

« Compléter le premier alinéa de l'article 1er par les mots : "et les équilibres territoriaux". »

La parole et à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Cet amendement se situe dans le prolongement de celui que nous venons d'adopter à propos des aides des collectivités locales, qui, je le disais tout à l'heure, sont en croissance rapide. Il répond aux préoccupations exprimées, notamment par l'opposition, en raison de la concurrence que peuvent se faire entre elles certaines collectivités territoriales, qu'il s'agisse des régions mais aussi des départements et des communes qui se livrent parfois à un véritable « dumping ».

La commission nationale doit donc pouvoir, dans un souci de cohésion territoriale, prendre en compte les équilibres territoriaux lorsqu'elle évalue l'impact des aides publiques en matière d'emploi.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Favorable. Nous avons accepté cet amendement à l'unanimité.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Avis favorable. (Sourires.)

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

7. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 1er , modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er , ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

M. le président.

« Art. 2. - La commission nationale est composée :

« de députés et sénateurs désignés par leur assemblée respective,

« de représentants de l'Etat,

« de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national,


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« de représentants des organisations d'employeurs les plus représentatives au plan national,

« de représentants des associations de chômeurs,

« de personnalités qualifiées. »

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 11, ainsi rédigé :

« Substituer aux deux derniers alinéas de l'article 2 l'alinéa suivant :

« - de personnalités qualifiées venant notamment du monde associatif. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La représentation parfaitement légitime des chômeurs, qui sont les premiers intéressés par une bonne utilisation des aides à l'emploi, peut se faire efficacement au sein du groupe des personnalités qualifiées. Par ailleurs, les organisations syndicales de salariés, représentatives au niveau national, ont vocation à représenter l'ensemble des travailleurs, qu'ils soient pourvus ou non d'un emploi.

La précision qu'apporte cet amendement est importante. Elle permet de prévoir une large représentation du monde associatif, en particulier celle des associations des chômeurs.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendment no

11. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement no

11. (L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président.

« Art. 3. Outre sa mission générale de contrôle, la commission nationale est consultée lors de l'institution de tout nouveau dispositif national d'aides publiques aux entreprises.

« Elle peut également émettre des avis sur des dossiers particuliers, en ce qui concerne l'attribution, le versement ou l'utilisation d'une aide accordée à une entreprise déterminée. Elle se prononce en fonction de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise considérée, des engagements formulés par le chef d'entreprise pour bénéficier de l'aide et des objectifs avancés par les salariés et leurs organisations représentatives. Dans ce cas, elle peut se saisir ellemême ou être saisie par l'une des organisations habilitées à désigner un représentant en son sein, un comité d'entreprise, ou à défaut un délégué du personnel, une entreprise, un parlementaire, un maire ou le président d'un conseil général ou d'un conseil régional.

« Les membres de la commission nationale exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter leur mission doivent leur être transmis tant par les services ou établissements gestionnaires des aides publiques que par les entreprises bénéficiaires. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents, à l'exception de ceux touchant à un secret protégé par la loi.

« Pour la réalisation d'études, la commission peut faire appel à des personnes ou à des organismes choisis par elle en fonction de leurs compétences.

« Elle peut, en outre, saisir la Cour des comptes ou l'inspection générale d'un ministère gestionnaire d'aides publiques de toutes enquêtes relatives aux aides publiques aux entreprises.

« La commission nationale établit chaque année un rapport transmis au Parlement et qui est rendu public. »

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 12, ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 3, substituer au mot : "est" les mots : "peut être". »

La parule est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Pour ne pas encombrer la commission nationale et pour la rendre pleinement efficace, il convient de ne pas rendre sa consultation systématique. La commission a par ailleurs une capacité d'autosaisie qui est très ouverte, puique ses participants sont très divers.

La disposition proposée va dans le sens de l'efficacité sans diminuer aucunement les prérogatives de la commission nationale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Avis favorable.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Je suis tout à fait favorable à l'amendement présenté par le Gouvernement. Il convient d'éviter de retarder la mise en oeuvre de certains dispositifs, dont l'urgence justifie qu'on prenne les circuits administratifs les plus courts. Néanmoins, j'estime que la saisine de la commission devrait être la règle pour tout nouveau dispositive d'importance en matière d'aides à l'emploi et d'aides aux entreprises provenant de fonds de l'Etat.

Je reviens un instant à l'article 2 pour souligner la nécessité de ne pas oublier le champ de l'économie sociale dans la réprésentation du monde associatif car son rôle est important tant pour la création d'emplois que pour l'équilibre territorial.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

12. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le président, je voudrais vous demander que l'examen de l'amendement no 13 ait lieu après celui de l'amendement no 8 de M. Bapt, qu'il tend à corriger.

M. le président.

La réserve est de droit.

M. Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 8, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa de l'article 3 :

« Chaque préfet de région lui transmet chaque année un rapport sur la mise en oeuvre et l'utilisation de l'ensemble des aides aux entreprises. Ce rapport contient un bilan annuel d'ensemble des aides publiques accordées aux entreprises de la région, par nature et montant des aides ainsi que par la taille des entreprises ; un état des contrôles effectués par les autorités et organismes compétents ; une inform ation précise sur les suites données à ces contrôles. »

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Cet amendement vise, encore une fois, à éviter l'écueil bureaucratique qui - nous sommes tous d'accord pour le dire - constitue un risque (Excla-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

mations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)

M. Alain Cousin.

Quel aveu !

M. Gérard Bapt.

Mais il ne néglige pas pour autant l'échelon régional, qui est important. C'est en effet l'échelon le plus pertinent, le plus approprié à la mise en oeuvre du développement économique local.

Le fait que le préfet doive adresser annuellement un rapport à la commission nationale sur la base des informations retenues auprès des diverses administrations de l'Etat ou des organismes publics habilités au contrôle de l'utilisation des aides, le fait qu'il puisse y associer les institutions régionales - Conseil économique et social régional, comité d'orientation de l'emploi et de la formation p rofessionnelle, une commission représentative de l'ensemble des forces sociales et des décideurs locaux me semblent de nature à assurer la cohérence des aides de l'Etat sans provoquer de lourdeurs administratives et sans faire surgir cet écueil technocratique que nous devons constamment éviter.

M. Marc Laffineur.

Un rapport de plus !

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Avis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'amendement déposé par M. Bapt pose le principe selon lequel, chaque année, le préfet de région fera un rapport d'ensemble sur les aides aux entreprises affectées dans sa région. Ce rapport, messieurs Ligot et Laffineur, constituera un élément d'information important, susceptible d'aider la commission nationale mais aussi le conseil économique et social régional.

Cet amendement va donc dans le sens de la transparence (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) que certains redoutent peut-être.

M. Marc Laffineur.

Cela occupera les préfets !

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

8. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Nous en revenons à l'amendement no 13, précédemment réservé.

Cet amendement, présenté par le Gouvernement, est ainsi rédigé :

« Après le premier alinéa de l'article 3, insérer l'alinéa suivant :

« La commission nationale peut se saisir ellemême ou être saisie par l'une des instances habilitées à désigner un représentant en son sein, un comité d'entreprise, ou à défaut un délégué du personnel, une entreprise, un parlementaire, un maire ou le président d'un conseil général ou d'un conseil régional. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

C'est un amendement technique qui ne pose pas de problème particulier. Il s'agit de rétablir un paragraphe important, que M. Bapt, dans sa fougue, avait oublié et qui concerne la capacité d'autosaisine de la commission nationale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

13. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Hue, Bocquet, Cuvilliez, Feurtet et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 2, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'article 3 :

« Dans chaque région, une commission émet un avis sur le rapport qui lui est transmis par le préfet de région et peut formuler toute proposition tendant à améliorer l'efficacité des politiques poursuivies. La commission régionale connaît les aides publiques définies à l'article 1er , accordées ou mises en oeuvre dans la région. La commission régionale est composée sur le modèle de la commission nationale ; les élus membres de cette commission sont les représentants des différentes collectivités locales. Le secrétariat de la commission régionale est assuré par le préfet de région. »

La parole est à M. Roger Meï.

M. Roger Meï.

Cet amendement, qui me paraît très important, vise à confirmer la compétence des commissions régionales pour le contrôle de toutes les aides accordées ou mises en oeuvre dans la région selon les mêmes modalités que celles retenues pour la commission nationale. Ces commissions régionales auront également toute capacité à avancer des propositions visant à améliorer l'efficacité des politiques suivies. Elles en sortiront renforcées.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

La commission a donné un avis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

2. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Hue, Bocquet, Cuvilliez, Feurtet et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 3, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le quatrième alinéa de l'article 3 :

« La commission nationale peut, le cas échéant, compléter son information en obtenant des différents gestionnaires d'aides toutes précisions utiles à une parfaite transparence dans l'attribution et l'usage des aides publiques. Elle peut interroger les préfets régionaux et départementaux afin d'obtenir les informations permettant d'estimer l'ensemble des aides reçues par une entreprise. »

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

Cet amendement vise à donner à la commission nationale la capacité de réunir tous les éléments d'information nécessaire à sa mission.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

La commission y est tout à fait favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Favorable aussi.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

3. (L'amendement est adopté.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

M. le président.

Le Gouvernement a présenté un amendement, no 14, ainsi rédigé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa de l'article 3. »

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Soucieux d'efficacité, je retire cet amendement parce qu'il est satisfait par ailleurs.

M. le président.

L'amendement no 14 est retiré.

MM. Hue, Bocquet, Cuvilliez, Feurtet et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 4, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa de l'article 3 :

« Un maire, un parlementaire, un président de conseil général ou régional peut saisir la commission nationale ou régionale afin de l'alerter sur une situation particulière et d'obtenir de sa part des informations complémentaires. »

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

Cet amendement vise à renforcer la légitimité du suffrage universel.

Soucieux de voir le suffrage universel s'exercer dans toutes ses prérogatives, nous voulons permettre, avec cet amendement, aux maires, aux parlementaires, à un président de conseil général ou régional de pouvoir saisir, s'ils le souhaitent, la commission nationale ou la commission régionale.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

La commission est tout à fait favorable à cet amendement.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Avis favorable.

M. le président.

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Je voudrais insister sur le caractère décentralisé du système retenu et sur l'élargissement de la capacité d'accès à l'information et d'intervention des élus locaux.

Ce n'est pas une mesure bureaucratique. Il s'agit d'approfondir la démocratie locale en permettant à un élu local d'accéder, auprès d'organismes qui lui sont a priori totalement étrangers et qui ne sont absolument pas tenus de lui répondre, à des informations sur la situation de telle ou telle entreprise dont le devenir est capital pour la situation de sa propre collectivité.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

4. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

MM. Hue, Bocquet, Cuvilliez, Feurtet et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 5, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa de l'article 3 :

« Sur la base des rapports transmis par les préfets et des éventuels compléments d'information, la commission nationale établit son propre rapport qui contient ses remarques et avis sur les politiques poursuivies. Il est transmis au Parlement et rendu public. »

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

Cet amendement vise à préciser les modalités du rapport de la commission nationale, en soulignant que celui-ci est transmis au Parlement et rendu public. Cela me semble très important.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Avis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

5. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

Je mets aux voix l'article 3, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président.

« Art. 4. - Il est également créé, dans chaque région, une commission régionale des aides publiques chargée d'évaluer les impacts économiques et sociaux, quantitatifs et qualitatifs, et de contrôler l'utilisation des aides publiques de toute nature accordées aux entreprises par les collectivités territoriales ou leurs établissements publics, afin de soutenir l'emploi et d'améliorer la formation professionnelle.

« La composition des commissions régionales est analogue à celle de la commission nationale telle qu'elle est définie à l'article 2, sous réserve du remplacement des députés et sénateurs par des représentants des différentes catégories de collectivités territoriales.

« Les collectivités territoriales peuvent saisir les commissions régionales pour émettre un avis sur tout dispositif nouveau d'aides publiques dont elles envisagent la mise en place.

« Les dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article 3 sont applicables aux commissions régionales. Elles peuvent, en outre, saisir la chambre régionale des comptes de toute enquête relative aux aides publiques aux entreprises.

« Les observations des commissions régionales sont annexées au rapport de la commission nationale prévu par le dernier alinéa de l'article 3. »

MM. Hue, Bocquet, Cuvilliez, Feurtet et les membres du groupe communiste ont présenté un amendement, no 6, ainsi libellé :

« Rédiger ainsi l'article 4 :

« Tout comité d'entreprise ou à défaut un délégué du personnel peut saisir l'organisme gestionnaire d'aide ou l'autorité compétente lorsqu'il estime que l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des aides définies à l'article 1er . Il peut le faire à partir de la connaissance du montante t de l'utilisation des aides publiques que l'employeur est tenu de lui communiquer conformément à l'article L. 432-4 du code du travail.

« Le service ou l'autorité compétente saisie peut décider, après avoir entendu l'employeur et les représentants du personnel, de suspendre ou de supprimer l'aide accordée ; le cas échéant, il peut en exiger le remboursement. Il en apprécie l'utilisation en fonction notamment de l'évolution de l'emploi dans l'entreprise considérée ; ou des engagements formulés par le chef d'entreprise pour bénéficier de ces aides ; ou des objectifs avancés par les salariés et leurs organisations syndicales. »

La parole est à M. Daniel Feurtet.

M. Daniel Feurtet.

Lorsque notre pays aura compris que l'entreprise n'appartient pas seulement aux chefs d'entreprise, mais aussi aux salariés, les droits de ces der-


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

niers pourront progresser. L'économie moderne nécessite que l'on accorde des droits nouveaux aux salariés dans les entreprises. Cette proposition de loi nous donne l'occasion de renforcer les capacités d'initiative des comités d'entreprise, qui sont importants dans la vie de l'entreprise.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Cet amendement a été accepté par la commission.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

J'ai déjà déclaré dans mon intervention générale que j'étais favorable à cette disposition.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

6. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.

Après l'article 4

M. le président.

M. Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 9, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Dans la première phrase du sixième alinéa de l'article L.

432-4 du code du travail, après les mots : "bénéfices réalisés", sont insérés les mots : "les aides européennes et". »

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Dans l'esprit de l'amendement que nous venons d'adopter et qui élargit les capacités d'intervention des salariés par le biais de leurs comités d'entreprise, l'amendement que je présente vise à ajouter, dans l'article 432-4 du code du travail, les aides européennes aux autres aides publiques sur lesquelles le chef d'entreprise doit donner des informations, dans le cadre du rapport qu'il présente annuellement au comité d'entreprise.

Cet amendement vise à compléter l'information des salariés et de leurs représentants, de manière à leur permettre de profiter pleinement des dispositions nouvelles que leur offre le texte.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Avis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Avis favorable.

M. le président.

Je mets aux voix l'amendement no

9. (L'amendement est adopté.)

M. le président.

M. Bapt et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, no 10 rectifié, ainsi rédigé :

« Après l'article 4, insérer l'article suivant :

« Le secrétariat de la commission nationale est assuré par le commissariat général du Plan pour l'assister dans ses missions de concertation et d'expertise. »

La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

La proposition de loi vise à mettre en place une commission nationale de contrôle et d'évaluation des aides publiques. Donner à celle-ci les moyens de fonctionner relève de la responsabilité du Gouvernement.

Dans cet amendement, je propose que les moyens qui seront donnés à la commission le soient par un organisme dont la mission est en totale adéquation avec elle la sienne.

M. Laffineur a cité l'instance nationale d'évaluation des aides - y compris au secteur marchand - qui existe au sein du commissariat général du Plan. Sur ce point au moins nous nous rejoignons pour dire que le secrétariat de la commission nationale pourrait être assuré par le commissariat général du Plan qui l'assisterait dans ses missions de concertation et d'expertise.

M. le président.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean Vila, rapporteur.

Avis favorable.

M. le président.

Quel est l'avis du Gouvernement ? M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Avis favorable. Le commissariat général du Plan a une capacité d'expertise technique dans le domaine de l'évaluation. Mettre cette capacité d'expertise au service de la commission nationale accroîtrait son efficacité.

Au moins pour la grande majorité d'entre nous, c'est l'objectif que nous poursuivons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 10 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 5

M. le président.

« Art. 5. Les conditions d'application de la présente loi sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Explications de vote

M. le président.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.

M. Marc Laffineur.

Nous venons d'examiner un texte totalement politicien (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) dont le seul objet est de permettre au Gouvernement et au Parti socialiste de donner des gages au Parti communiste. Aussi faut-il rendre hommage au ministre d'avoir réussi, sans sourire, à nous parler de renforcement de la transparence, de clarification et d'amélioration de l'emploi des fonds publics.

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Absolument !

M. Marc Laffineur.

Je vous félicite sincèrement, monsieur le ministre, d'avoir su garder votre sérieux. Mais en voyant que le résultat de ce débat était d'alourdir encore la proposition de loi, j'ai compris la technique du Gouvernement dans cette affaire : plus on charge la barque, moins le texte sera utilisable, et cette commission, comme des milliers d'autres, finira aux oubliettes. Qu'importe, pourvu que l'on ait pu, en ce début d'année, faire plaisir au Parti communiste ! Reste que la philosophie de ce texte est particulièrement néfaste pour notre pays, pour nos entreprises et pour les salariés. Si jamais il était appliqué, on aboutirait à une mainmise de l'administration sur nos entreprises, qui les empêcherait plus encore de se développer.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

L'efficacité des 170 milliards qui leur sont distribués mérite en effet que l'on s'interroge, mais le vrai problème est celui de l'efficacité de la politique même de distribution. Ces 170 milliards seraient certainement beaucoup mieux dans la poche des Français, que le Gouvernement ponctionne en permanence depuis 1997: 400 milliards de plus en trois ans.

Voilà toutes les raisons pour lesquelles le groupe Démocratie libérale votera, bien entendu, contre la proposition de loi.

M. le président.

La parole est à M. Maurice Ligot, pour le groupe Union pour la démocratie françaiseAlliance.

M. Maurice Ligot.

Nous sommes en présence d'une nouvelle manifestation de cette épidémie - sujet d'actualité - qui s'appelle la « commissionnite ». Le problème est réel, sans doute, mais ce n'est sûrement pas une commission qui le réglera.

Cette proposition de loi, je le rappelle, présente deux défauts.

Premièrement, elle porte atteinte au rôle du Parlement en matière de contrôle de l'utilisation des dépenses de l'Etat. Le Parlement, en effet, s'est pourvu d'un organisme spécifique, la mission d'évaluation et de contrôle.

Elle fonctionne depuis un an et demi à peine, et, déjà, on lui enlève une partie de ses attributions pour les confier à une commission nationale et des commissions régionales.

Deuxièmement, le contrôle des fonds publics existe déjà. La Cour des comptes, qui tient cette mission de l'article 47 de la Constitution, présente chaque année des rapports complets et parfois vigoureux. Vous en savez quelque chose, monsieur le ministre, puisqu'elle vient de vous remettre, sous la plume de M. Joxe, un rapport extrêmement dur sur l'organisation de l'administration.

Inutile de lui ajouter d'autres instances : il suffit d'appliquer ses recommandations.

Le contrôle de l'emploi des 170 milliards attribués aux entreprises pour l'amélioration de l'emploi et la lutte contre le chômage est un problème réel, mais de nature politique. Il doit donc être traité par les instances parlementaires, celles-ci devant bien entendu consulter tous les partenaires en matière d'emploi et de développement économique. Tel est bien le rôle du Parlement. Si le Gouvernement et sa majorité veulent le limiter, c'est leur affaire, mais nous ne pouvons pas l'accepter.

M. le président.

Pour le groupe du Rassemblement pour la République, la parole est à M. Alain Cousin.

M. Alain Cousin.

Dans ce lieu, instance s'il en est d'expression de la démocratie, nous ne pouvons que nous opposer à un tel texte. Nous nous sommes expliqués sur son caractère antidémocratique. L'amendement de Gérard Bapt a d'ailleurs montré quel chemin il restait à accomplir dans le domaine de la démocratie. Ce texte, en outre, n'est pas économiquement rationnel.

J'ai, pour ma part, fait un certain nombre de propositions. Or monsieur le ministre, vous n'en avez tenu aucun compte, pas même pour les critiquer ou pour examiner ce que l'on pourrait éventuellement en retenir.

Ce texte va encore alourdir l'ensemble du dispositif existant, ce qui va à l'inverse de la simplification recherchée. Il est contraire aux intérêts des entreprises et donc des salariés, car il ne faut pas opposer entreprises et salariés.

M. Christian Cuvilliez.

Cela dépend !

M. Alain Cousin.

Ce texte « boomerang » ne rendra pas service aux salariés. Je ne peux donc que voter contre.

M. le président.

Pour le groupe communiste, la parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet.

Je me réjouis, au nom du groupe communiste et apparentés, que cette proposition de loi initiée par notre ami Robert Hue ait reçu l'assentiment, sous réserve des amendements qui l'ont enrichie, de l'ensemble de nos collègues de la majorité de gauche plurielle. Je remercie également M. le ministre pour sa contribution au débat. (Rires sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendante.)

Le texte que nous allons voter est essentiel et n'a pas pour objet, monsieur Laffineur, de faire plaisir à un groupe de la majorité. Les premiers à être heureux que cette loi soit enfin appliquée seront les salariés et leurs représentants. Ils souhaitent que l'argent public - c'est-àdire l'argent des contribuables - versé aux entreprises soit utilisé avec beaucoup plus d'efficacité, en toute transparence et en toute démocratie. Il me paraît naturel et normal que l'emploi de ces fonds soit contrôlé démocratiquement par les élus que nous sommes, par les élus qui seront représentés dans les commissions régionales, mais également par l'ensemble des représentants du monde syndical et du monde associatif. Ce dispositif est très important pour l'avenir du développement économique et pour la bonne et juste utilisation de l'argent public. Il répond à une forte attente, à une grande aspiration.

C'est dans cet esprit constructif que le groupe communiste a voulu apporter sa pierre à une loi qui doit achever le plus rapidement possible son parcours parlementaire afin d'être appliquée à bref délai. Maintenant, en effet, il faut passer à l'acte.

Je vous remercie encore, mes chers collègues, de votre contribution. Nous sommes heureux d'avoir pu faire avancer cette aspiration essentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. le président.

Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt.

Le débat que nous venons d'avoir n'est que l'amorce de celui, beaucoup plus large, que nous engagerons prochainement sur la régulation.

Il est significatif de constater la faible présence de l'opposition en commission - même si chacun de ses groupes est représenté en séance - et aussi son hostilité systéma tique à cette proposition, même dans le contexte de l'affaire Michelin, qui a ému la France entière.

Ce texte vise à mieux évaluer pour mieux contrôler et donc mieux réguler, dans une perspective de meilleure cohésion sociale et territoriale. Il sera complété dans les prochains mois par les projets importants que le Gouvernement nous soumettra en matière de régulation économique.

L'examen de la proposition de loi du groupe communiste a mis en évidence le clivage entre la majorité plurielle qui, tout en acceptant l'économie de marché, s'efforce d'en limiter les aspects les plus durs et d'en réguler les effets sur le territoire et en termes sociaux, et ceux qui refusent le renforcement du contrôle, l'approfondissement de l'information, l'intervention de la base, des comités d'entreprise et des élus locaux dans le contrôle des aides publiques à l'emploi. Ce qui distingue la majorité plurielle de l'opposition, c'est sa volonté d'approfondir la démocratie pour apporter davantage de cohésion sociale au nom d'une certaine vision de la société.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

Dans cette perspective, le groupe socialiste votera, tel qu'il a été amendé, le texte issu de la proposition communiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)

Vote sur l'ensemble

M. le président.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe du groupe communiste et du groupe socialiste.)

3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président.

L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 3 février 2000 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.

Par ailleurs, le rapport annuel de la Cour des comptes sera déposé par son premier président demain, après les questions au Gouvernement.

Enfin, M. le président prononcera mercredi 26 janvier, après les questions au Gouvernement, l'éloge funèbre de Roland Carraz.

4

ORDRE DU JOUR

DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Questions au Gouvernement ; Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, no 1840, relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité : M. Christian Bataille, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges (rapport no 2004).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures vingt-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT

ORDRE DU JOUR ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (Réunion du mardi 18 janvier 2000) L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 18 janvier au jeudi 3 février 2000, a été ainsi fixé : Mardi 18 janvier 2000 : Le matin, à neuf heures quinze : Proposition de loi de M. Robert Hue, relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises (nos 1851-2044).

(Séance mensuelle réservée à un ordre du jour fixé par l' Assemblée, en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution.) L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (nos 1840-2004).

Mercredi 19 janvier 2000 : L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes, et le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Jeudi 20 janvier 2000 : Le matin, à neuf heures : Discussion de la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité en mer, le transport maritime des produits dangereux et polluants (no 2062).

Eventuellement, suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (nos 1840-2004).

L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Eventuellement, suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (nos 1840-2004).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (nos 1927-2023).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'adhésion de la République française à la convention sur les p rivilèges et immunités des institutions spécialisées, approuvé e par l'Assemblée générale des Nations Unies le 21 novembre 1947 (ensemble dix-sept annexes approuvées par les institutions spécialisées) (nos 1429-1958).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres interprétatif) (nos 1198-1957).

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord portant création de l'Organisation conjointe de c oopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) (nos 1916 rect.-2000).

(Ces quatres textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée.) Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national (nos 1867-2076).

Mardi 25 janvier 2000 : Le matin, à neuf heures : Proposition de loi de M. André Lajoinie relative au régime juridique des licenciements pour motif économique (no 2057).

(Ordre du jour complémentaire.)


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 18 JANVIER 2000

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion du projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives (no 2012).

Discussion du projet de loi organique tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la NouvelleCalédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'ass emblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna (no 2013).

(Ces deux textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)

Mercedi 26 janvier 2000 : Le matin, à neuf heures, l'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement et l'éloge funèbre de Roland Carraz, et le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l'élection des sénateurs (nos 1742-2031).

Jeudi 27 janvier 2000 : L'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de l'ordre du jour de la veille.

Mardi 1er février 2000 : Le matin, à neuf heures : Questions orales sans débat.

L'après-midi, à quinze heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à vingt et une heures : Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la prestation compensatoire en matière de divorce (no 735).

Discussion du projet de loi modifiant la loi no 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (no 1821).

Mercredi 2 février 2000, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures, et jeudi 3 février 2000, l'après-midi, à quinze heures, et le soir, à vingt et une heures : Suite de la discussion du projet de loi modifiant la loi no 84610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (no 1821).