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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER

1. Congrès du Parlement (p. 225).

2. Sécurité en mer. - Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête (p. 225).

M. René Leroux, rapporteur de la commission de la production.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

DISCUSSION GÉNÉRALE (p. 229)

Mme Nicole Ameline,

MM. Jean-Yves Le Drian, Charles Cova, Daniel Paul, Léonce Deprez, Georges Sarre, François Cuillandre, Yves Cochet.

Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 238)

Titre (p. 238)

EXPLICATION DE VOTE (p. 238)

M. Jean-Marc Ayrault.

Adoption de l'article unique.

CONSTITUTION DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE (p. 239)

M. le président.

3. Ordre du jour des prochaines séances (p. 239).


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. PIERRE-ANDRÉ WILTZER,

vice-président

M. le président.

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

CONGRÈS DU PARLEMENT

M. le président.

M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :

« Paris, le 19 janvier 2000

« Monsieur le président,

« Par décret du 3 novembre 1999, j'avais soumis au Parlement réuni en Congrès deux projets de loi constitutionnelle relatifs, d'une part, au Conseil supérieur de la magistrature et, d'autre part, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie.

« Les conditions d'adoption du premier projet de loi constitutionnelle n'apparaissant pas réunies, j'ai décidé d'abroger ce décret.

« Je vous l'adresse, ci-joint, avant sa publication au Journal officiel.

« Veuillez croire, monsieur le président, à l'assurance de ma haute considération. »

« Signé : JACQUES CHIRAC » Je donne lecture de ce décret :

« DÉCRET DU 19 JANVIER 2000 ABROGEANT LE DÉCRET DU 3 NOVEMBRE 1999 TENDANT À SOUMETTRE DEUX PROJETS DE LOI CONSTITUTIONNELLE AU PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS

« Le Président de la République,

« Sur le rapport du Premier ministre,

« Vu l'article 89 de la Constitution,

« Décrète :

« Art. 1er . - Le décret du 3 novembre 1999 tendant à soumettre deux projets de loi constitutionnelle au Parlement réuni en Congrès est abrogé.

« Art. 2. - Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.

« Fait à Paris, le 19 janvier 2000.

« Signé : JACQUES CHIRAC

« Par le Président de la République :

« Le Premier ministre,

« Signé :

LIONEL JOSPIN » Acte est donné de cette communication.

2 SÉCURITÉ EN MER Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

M. le président.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité en mer, le transport maritime des produits dangereux et polluants (nos 2062, 2083).

Le rapport de la commission de la production et des échanges porte également sur les propositions de résolution : de M. François Goulard et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête relative aux catastrophes maritimes et à la lutte contre les pollutions maritimes (no 2037) ; de M. Jean de Gaulle et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur le naufrage du navire Erika et ses conséquences, afin de renforcer la sécurité des transports pétroliers et d'améliorer l es moyens de lutte contre les pollutions marines (no 2066) ; de M. Georges Sarre tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité en mer, le transport maritime et la lutte contre les pavillons de complaisance (no 2070) ; de M. André Aschieri et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes du naufrage du pétrolier Erika et sur la sécurité du transport maritime (no 2073).

La parole est à M. René Leroux, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

M. René Leroux, rapporteur de la commission de la production et des échanges.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pas besoin de vous dire que j'aurais souhaité aujourd'hui être dans un autre lieu, compte tenu des circonstances malheureuses.

Pour moi, Erika , c'est E comme écoeurement, R comme révolte, I comme impuissance, K comme kilotonnes et A comme actions.

Je tiens à vous faire part de la vive émotion de nos concitoyens qui, depuis la semaine de Noël, dans nos communes du littoral, observent les dégâts de la marée noire et les côtes souillées par le pétrole.

Le nauffrage du pétrolier Erika, alors qu'il se trouvait au large du Finistère le 12 décembre dernier, a remis dans l'actualité des images que l'on espérait ne plus revoir.

Plus de vingt ans après l'échouage de l' Amoco-Cadiz, une nouvelle fois nos côtes atlantiques ont été maculées par des nappes de pétrole arrivant en vagues successives.


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Une nouvelle fois, nous avons vu des hommes et des femmes lutter courageusement contre l'envahissement de la marée noire.

Les dommages sont déjà considérables, et d'abord sur le plan écologique : il s'agit de la plus grande catastrophe jamais connue pour les oiseaux, qui ont été mazoutés en grand nombre ; les ressources halieutiques risquent d'être touchées. On a affaire à une dégradation massive des paysages et de tout un écosystème, dont il est encore difficile de mesurer toutes les conséquences.

Mais c'est aussi toute une population qui souffre : les riverains, bien sûr, mais aussi tous les Français qui aiment la mer et les paysages du littoral. Je pense surtout aux professionnels de la mer comme les pêcheurs, les paludiers, les conchyliculteurs, les ostréiculteurs, qui subissent déjà les conséquences de cette catastrophe, mais aussi aux professionnels du tourisme, qui craignent pour la saison à venir.

Les élus et les associations travaillent depuis plusieurs années en faveur de l'environnement pour garantir des plages propres, pour se hisser aux exigences européennes les plus strictes, comme les « pavillons bleus ». Tout ce travail se trouve aujourd'hui compromis.

Notre écoeurement et notre révolte sont grands face au sentiment d'impuissance dont nous tous, habitants et élus de ces régions, avons été victimes.

Cependant, saluons ceux qui participent à un travail de nettoyage d'une grande ampleur. A cet égard, il faut souligner la tâche remarquable effectué par l'armée et les pompiers qui, malgré le cruel manque de moyens techniques mis à leur disposition au départ et le manque de préparation à ce type de catastrophe, ont su mettre en oeuvre une énergie formidable et un grand professionnalisme.

Nous remercions également l'énergie et le dévouement des bénévoles qui, pour certains, sont venus de toute la France pour témoigner de leur solidarité envers les régions touchées.

En ces temps où il est de bon ton de dénoncer l'égoïsme de notre société, il était réconfortant de voir tous ces jeunes, et de moins jeunes, se mettre spontanément à disposition et travailler dans des conditions souvent difficiles.

A l'aube du XXIe siècle, on peut s'étonner qu'un travail d'une telle ampleur - 500 kilomètres de côtes polluées doive être réalisé à l'aide de pelles et de seaux.

Nous pouvons également, mes chers collègues, souligner le travail accompli par les élus, qui ont su, avec les professionnels, mobiliser les moyens humains et matériels sur le terrain et, permettez-moi l'expression, « soutenir le moral des troupes » au quotidien.

Plus jamais nous ne voulons que les générations à venir aient à subir ce genre de catastrophe, fruit de la cupidité d'une course démesurée au profit.

Sachons tirer les enseignements de cette terrible catastrophe ! L'opportunité de créer une commission d'enquête est une évidence. Les membres de la commission de la production et des échanges ont retenu la proposition de résolution soumise à votre approbation. Celle-ci vise le transport maritime des produits dangereux et polluants, le contrôle des normes internationales des navires et des cargaisons, ainsi que les moyens d'améliorer la lutte contre les pollutions volontaires ou accidentelles. Elle permettra donc d'enquêter sur les règles applicables aux hydrocarbures, mais aussi sur celles applicables aux produits non pétroliers, notamment aux produits chimiques, dont le caractère nocif n'est pas moindre.

Le « contrôle des normes internationales des navires et des cargaisons » sera également étudié. La question des pavillons de complaisance, comme celle des sociétés de classification et de certification, sera en conséquence très clairement posée.

M. Marcel Rogemont.

Assurément !

M. René Leroux, rapporteur.

Les investigations menées par la commission d'enquête pourraient mettre également l'accent sur les « conséquences juridiques, économiques et sociales des pollutions volontaires et accidentelles ». La commission d'enquête s'intéressera donc au régime de responsabilité non seulement en cas d'avarie mais aussi lors d'opérations intentionnelles de dégazage, dont les effets, pour être moins visibles, n'en portent pas moins des atteintes répétées à l'environnement.

M. Marcel Rogemont.

C'est vrai !

M. René Leroux, rapporteur.

Il convient donc d'étudier les mesures de nature à responsabiliser davantage les chargeurs et les affréteurs, la recherche d'un transport au moindre coût étant souvent leur seul objectif, quelles q u'en soient les conséquences environnementales et sociales. Ainsi, d'autres techniques et moyens de prévention des pollutions, lorsque celles-ci n'ont pas encore atteint les côtes, pourraient être développés.

Mais, au-delà de la réparation du dommage et des moyens qu'elle requiert, il est urgent de mettre en oeuvre les conditions pour éviter la répétition de catastrophes de ce type. Il faut s'interroger sur la réglementation du transport maritime des produits polluants et sur son contrôle car seule une politique de prévention plus efficace permettra d'espérer que l'on ne subira « plus jamais ça ».

Il faut donc rechercher les moyens d'améliorer la lutte contre les pollutions. Si la prévention doit être la priorité, on ne peut exclure qu'un nouvel accident se produise.

Dans ce domaine comme en bien d'autres, le « risque zéro » n'existe pas. Il faut en conséquence disposer aussi de tous les outils de « gestion de crise ». A ce titre, la question du stockage et du traitement des déchets mérite une attention particulière.

Concernant les méthodes que nous emploierons, je souhaite que notre champ d'investigation soit le plus vaste possible. Aucune limite ne sera posée dans le choix de nos interlocuteurs dans les questions qui leur seront posées. Ainsi, nous exigerons la transparence pour un maximum de résultats. Nous travaillerons de façon que la commission d'enquête rende son rapport définitif le plus tôt possible, au plus tard au mois de juin, afin que celui-ci puisse être soumis à la Commission européenne dès la mise en place de la présidence française.

En 1978, puis en 1993, les différents rapports rendus sur des sujets similaires sont malheureusement restés lettre morte. Les constats et recommandations formulés à l'issue de la commission d'enquête devront être suivis d'effet.

Cependant, tout en tenant compte des réalités sociales et économiques d'aujourd'hui, cette commission pourrait, dans les recommandations qu'elle jugera bon de formuler, s'assurer de mesures plus fermes et dissuasives. Nous sommes condamnés à réussir pour assurer aux générations futures un avenir meilleur.


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C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d'adopter l'article unique tel que rédigé par notre commission de la production et des échanges.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Très bien !

M. Marc Rogemont.

Excellent !

M. le président.

La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la décision de créer une commission d'enquête, à l'initiative de Jean-Marc Ayrault et de plusieurs d'entre vous, est une très bonne décision.

J'ai écouté attentivement votre rapporteur. Comment ne pas partager son indignation et sa révolte ? Comment ne pas adhérer au souci de tirer tous les enseignements de la catastrophe pour que, alors même que le risque zéro n'existe pas, comme il l'a rappelé, tous les moyens soient mis en oeuvre afin que plus jamais de tels événements ne se reproduisent ? Il est bon que le Parlement exerce pleinement tout son rôle et qu'il contribue fortement à l'action des pouvoirs publics en faveur de la sécurité maritime.

Des catastrophes se sont déjà produites dans le passé et l'on a bien vu que, une fois l'émotion passée, la tendance à l'évocation tranquille des problèmes, sans les régler, était très forte.

La commission d'enquête que vous allez créer contribuera à la prise de décisions fortes et rapides.

Pourquoi faut-il, après tant et tant de marées noires, vingt et un ans après la catastrophe de l' Amoco-Cadiz , constater avec vous et l'ensemble du peuple français qu'un navire tel que l' Erika puisse faire naufrage au large de la France et souiller plusieurs centaines de kilomètres de nos côtes ? Pourquoi arrive-t-il encore aujourd'hui que des navires poubelles croisent dans les eaux européennes ? Ce qui perpétue l'insécurité maritime, c'est, semble-t-il, le système d'une économie dérégulée et déréglée, qu i privilégie les transports à bas prix pour le profit maximum immédiat, au détriment de la sécurité des hommes et de l'environnement. Cette situation est la conséquence d'un système dont nous ne voulons pas, d'une politique dont les Français ne veulent pas parce qu'elle ne respecte pas l'intérêt public et qu'elle a des conséquences dramatiques sur les hommes et sur leur environnement.

Les Français et, par eux et pour eux, leurs représentants, doivent connaître l'ensemble des raisons d'un tel naufrage et les remèdes qui peuvent être apportés pour qu'il ne se reproduise pas. Vous vous y emploierez dans le cadre de la commission d'enquête, j'en suis sûr. Je mets d'ores et déjà tous mes services à votre disposition pour toutes les questions que vous souhaiterez traiter.

Vous le savez, j'ai moi-même diligenté dès le jour de l'accident une enquête administrative et technique, dont j'ai souhaité que les premières conclusions, un mois après l e naufrage, soient rendues publiques. Le bureau

« enquête accident mer » a été créé en 1997, dès mon arrivée au ministère, justement pour pouvoir disposer des éléments nécessaires dans tous les cas d'incidents tout au long de l'année, pour faire évoluer la réglementation, les pratiques, les contrôles et pour renforcer la sécurité.

Les directeurs du bureau « enquête accident en mer » m'ont exposé, jeudi dernier, les premières recommandations qu'ils pouvaient faire à partie de l'enquête qu'ils ont menée.

Certaines de ces recommandations concernent les armateurs, les assureurs ou les sociétés de classification, autant de responsabilités que vous avez vous-même évoquées, monsieur le rapporteur. Ces points seront abordés pour élaborer la charte pour la sécurité maritime dans le cadre de la table ronde que je réunirai à la mi-février avec l'ensemble des acteurs du transport maritime.

D'autres recommandations concernent les procédures de contrôles mises en place par les affréteurs. C'est pourquoi, sans attendre la table ronde qui va se réunir ni tout ce qui sera fait sur le plan national, européen et international, j'ai demandé aux entreprises pétrolières de me faire connaître toutes les mesures qu'en tant qu'affréteurs elles prenaient pour garantir désormais la sécurité des transports de produits dangereux. Dans ce cadre, je leur ai demandé de s'engager immédiatement à ne plus affréter de vieux navires de plus de quinze ans ou au maximum de vingt ans. Pour tous les navires, j'ai demandé que les contrôles de sécurité soient renforcés, notamment sur les structures. On sait que c'est la structure de l' Erika qui s'est cassée en deux.

Je leur ai également demandé de ne plus affréter de navires dont on ne connaît pas clairement les propriétaires présents et passés ni les conditions des contrôles de sécurité.

Enfin, je leur ai demandé de ne plus affréter des navires battant pavillon de complaisance et de privilégier le recours aux pavillons français ou européens.

Après l'événement que nous venons de connaître, traumatisant pour bien des Français - je pense en particulier aux populations de la côte atlantique -, les principaux donneurs d'ordre doivent prendre des décisions fortes et résolues en faveur de la sécurité maritime. Il y va de la crédibilité du transport maritime et de son développement.

Mais s'il faut exiger des engagements des pétroliers, ces engagements ne sauraient suffire à changer un système qui décourage les vertueux et récompense ceux qui font courir des risques à la vie des hommes et à l'environnement.

C'est pourquoi, dans la continuité de mon engagement depuis deux ans, je m'emploierai à poursuivre mon action nationale et internationale en faveur de la sécurité autour de quatre axes principaux : le renforcement de la réglementation, le renforcement du système de contrôle, la responsabilisation des acteurs du commerce maritime, des sanctions plus fortes pour ceux qui ne respectent pas les règles.

La tragique et lamentable expérience de l' Erika nous enseigne que les obligations et la réglementation qui concernent les navires transportant des matières dangereuses ou polluantes doivent être durcies.

Dans les instances compétentes que sont l'OMI, l'Organisation maritime internationale, qui s'est récemment de nouveau prononcée, même si ses termes ne sont pas toujours évidents, en faveur d'un renforcement des règles, et la Commission européenne, je suis déterminé à demander que les navires à simple coque ou les navires les plus âgés soient rapidement bannis des ports européens. Il me paraît important que, dans ce cadre, les armateurs, notamment les armateurs français de navires-citernes, puissent bénéficier du dispositif du GIE fiscal de façon à moderniser au plus vite leur flotte.


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Je continuerai à défendre avec vigueur, comme je l'ai fait pendant deux ans, une amélioration des conditions de travail et des qualifications des marins, qui constitue un des éléments essentiels de la sécurité des transports.

Je le disais, la réglementation existe. Mais trop nombreux sont ceux qui ne la respectent pas. Cette réglementation doit être renforcée. Que les mêmes puissent obtenir des certificats de complaisance auprès de sociétés p eu scrupuleuses et qu'ils passent aux travers des contrôles n'est pas acceptable et ne devrait plus être possible.

Je ne citerai qu'un exemple récent. A la suite de visites réalisées à bord dans le port de Bordeaux, le Santana III a été sommé de faire un certain nombre de réparations.

Conformément à la réglementation internationale en vigueur et compte tenu des défauts constatés, le navire a été autorisé à rejoindre un port dans lequel il devait faire ces réparations. Il n'a cependant pas rejoint le port qu'il avait indiqué et s'est arrêté à Brest. Dans ces conditions, une nouvelle inspection a eu lieu à bord, confirmant la première, et on l'a enjoint de faire les réparations nécessaires, mais cette fois dans le port de Brest.

De telles sanctions sont régulières. Plus de quatrevingts navires ont ainsi été retenus dans les ports français l'an passé. Mais même avec tous les efforts du personnel des centres de sécurité, on sait bien que cela n'est pas suffisant.

Après des années de disette budgétaire, j'ai décidé de renforcer les moyens en hommes et en investissements p our assurer un meilleur contrôle des navires qui touchent nos ports. Alors qu'entre 1993 et 1997 les postes budgétaires d'inspecteur de sécurité ouverts dans les ports ont été réduits de 7 %, depuis 1997, grâce à un concours exceptionnel, ces postes ont été augmentés de 20 % et ils auront doublé d'ici à deux ans.

A mon arrivée, j'ai constaté que des navires publics n'avaient pas été remplacés depuis des dizaines et des dizaines d'années. Certains des bâtiments armés par les p ersonnels des affaires maritimes pour procéder au contrôle et à la surveillance de nos côtes et à la pose de balises sont en effet vieux de plus de soixante-dix ans ! J'ai décidé de redonner à l'administration en charge de la sécurité les moyens de remplir plus correctement ses missions. Si, entre 1993 et 1997, les investissements de l'Etat en matière de surveillance et de sécurité ont baissé de près de 30 %, ceux-ci ont augmenté de plus de 70 % entre 1997 et 2000 ! Nous payons encore aujourd'hui le lourd tribut du désengagement de l'Etat. L'engagement budgétaire en faveur de la sécurité devra donc se poursuivre pour rattraper les retards accumulés.

Mais le renforcement des contrôles, pour être efficace, doit être le fruit d'une volonté et d'une politique communes, la pollution ne connaissant pas les frontières administratives.

J'ai commencé à mettre en place avec les pays voisins, notamment l'Espagne, un système de surveillance maritime. Je proposerai à nos partenaires de l'Union l'extension de ce système, à l'échelon européen, en conformité avec le droit international.

Il s'agit d'obliger les navires à destination des ports européens à se signaler et à être soumis à des contrôles dès leur entrée dans la zone économique exclusive.

A ce propos, je soulignerai que l' Erika n'a pas coulé dans les eaux territoriales...

M. Léonce Deprez.

La belle affaire ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

... mais, au large, dans la zone économique exclusive.

M. Yves Cochet.

Exactement ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est d'ailleurs pourquoi, dès le 22 ou 23 décembre derniers, j'ai posé ce problème au commissaire européen concerné, Mme Loyola de Palacio. Comment faire en sorte que dans la zone économique exclusive définie par les fameux 200 milles marins - vous imaginez ce que cela représente.

M. Yves Cochet.

370 kilomètres !

M. Charles Cova.

Oui, mais le droit international dit qu'au-delà de 12 milles marins, on ne peut pas intervenir ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

C'est bien parce qu'on a dit qu'on ne pouvait pas intervenir qu'il nous arrive ce qui nous arrive. Je demanderai donc qu'à l'échelle européenne, soit mise en place la possibilité de réaliser rapidement des contrôles sur les navires susceptibles de mettre en péril l'environnement marin, de polluer les côtes, ou de mettre en danger la sécurité des équipages.

Par ailleurs, dans le sens indiqué par le rapport du bureau-enquêtes-accidents/mer, je proposerai à l'Organisation maritime internationale que les contrôles déjà réalisés intègrent un examen plus approfondi de la structure des bateaux.

La banque de données EQUASIS, que j'ai commencé à développer il y a un peu plus d'un an, devra être généralisée pour nous permettre de disposer en temps réel d'informations sur tous les bateaux en mer et mieux cibler les contrôles sur les navires présentant des risques.

Je demanderai également aux pays membres de l'Union européenne de mettre en place un contrôle commun des inspecteurs dans les ports, mais aussi des entreprises de c ertification. Ainsi, au-delà de l'augmentation des contrôles publics, c'est un contrôle sur l'ensemble de ceux qui sont à même de garantir la sécurité que je veux mettre en place.

Cependant, il ne faut point espérer de remèdes à long terme si les dispositions juridiques internationales ne sont pas revues afin de mieux responsabiliser l'ensemble des acteurs du transport maritime, qui, pour le moment encore, font courir un risque aux hommes et à l'environnement. Le mécanisme actuel limite leur responsabilité. Il faut que cette limite soit levée ou, au moins, que la responsabilité financière des pollueurs soit étendue p our les empêcher de recommencer. Les pollueurs doivent être les payeurs. Avant, ils doivent payer le coût de la sécurité, après, ils doivent payer le coût des dommages qu'ils occasionnent.

Enfin, je proposerai à nos partenaires européens que soient renforcées les sanctions à l'encontre des navires ne respectant pas les réglementations en vigueur. Je souhaite que l'accès des ports européens leur soit interdit et que soit examinée la possibilité d'étendre les occasions données aux contrôleurs de bannir un navire.

Nous ne pouvons espérer éradiquer les risques qu'un n ouveau naufrage souille nos côtes sans mobiliser l'ensemble de nos partenaires et des institutions internationales, l'Organisation maritime internationale mais aussi la Commission européenne avec laquelle j'ai eu de nombreux contacts depuis le naufrage de l' Erika.


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Mesdames, messieurs les députés, monsieur le rapporteur, votre initiative va conforter les démarches que le Gouvernement entreprendra au niveau communautaire et international. Elle montrera la solidarité du Gouvernement et des représentants de la nation dans l'action que nous mènerons pour éviter que de telles catastrophes ne se reproduisent.

Je vous confirme donc tout l'intérêt que le Gouvernement porte à la création de la commission d'enquête que vous proposez et toute l'attention qu'il portera aux conclusions que vous en tirerez. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe de l'Union pour la Démocratie française-Alliance.)

Discussion générale

M. le président.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne plus accepter l'inacceptable : c'est bien l'expression de cette volonté qui justifie aujourd'hui la discussion de cette proposition tendant à la création d'une commission d'enquête, à la suite d'un désastre que nous avons sous les yeux et dont nous mesurons l'importance économique et écologique mais qui suscite encore trop d'interrogations, qui impose que toute la vérité soit faite sur les causes, sur les responsabilités, sur les dommages et, d'une façon plus générale, que des leçons en soient tirées afin qu'une telle catastrophe ne se reproduise plus.

Démocratie libérale a été le premier groupe politique à demander la création d'une commission d'enquête parlementaire. Dès le 17 décembre 1999, il proposait en effet la création d'une commission d'enquête sur les catastrophes maritimes et la lutte contre les pollutions marines, avec trois objectifs majeurs : étudier les modalités de renforcement des règles internationales de sécurité pour le transport en mer d'hydrocarbures, et plus généralement des produits à haut risque ; établir la chaîne des responsabilités lors d'un accident ayant pour conséquence la disparition en mer d'un membre d'équipage ou une pollution marine - on sait que la multiplicité des opérateurs contribue à renforcer les risques ; enfin, enquêter sur les moyens de réaction des autorités françaises face à de tels accidents, tant au niveau des moyens mis en oeuvre que de leur coordination et de la gestion des crises.

Il faut agir vite et de façon déterminée, vous l'avez dit, monsieur le ministre, pour tirer rapidement les enseignements de cette catastrophe sur tous les plans : international, bien sûr, européen, aussi.

A cet égard, je rappellerai qu'une proposition de résolution vient d'être déposée au Parlement européen par Mme Grossetête au nom du groupe PPE-DE. Elle vise à un renforcement strict et rapide des moyens d'inspection et des règles de sécurité minimum obligatoires dans l'Union européenne ainsi que la mise en oeuvre d'une politique européenne des transports à long terme pour écarter tout risque d'une nouvelle marée noire. En outre, elle exige que le principe du pollueur-payeur soit pleinement appliqué dans le cadre d'un régime communautaire de responsabilité environnementale.

Les circonstances du naufrage de l' Erika , la mise en oeuvre des secours et la réglementation internationale suscitent d'importantes questions auxquelles la commission d'enquête devra répondre de manière aussi claire et précise que possible.

Sur la cause du naufrage : y a-t-il eu défaillance humaine ou défaillance du pétrolier ? Le premier rapport d'enquête rédigé par le bureau-enquêtes-accidents/mer du ministère de l'équipement et des transports, rendu public le 13 janvier dernier, semble mettre hors de cause l'équipage et parle d'un navire « apparemment en bon état général, mais équipé a minima » et accable les armateurs, la société chargée du contrôle du navire et le groupe TotalFina.

Qu'en était-il réellement de l'état du bateau ? Quelles étaient les conclusions de Veritas et de RINA, les deux dernières sociétés de classification à avoir inspecté le navire ? Quels étaient les résultats du « vetting », le contrôle interne effectué par les affréteurs, en l'occurrence la société Total ? Quel a été le dernier contrôle portuaire ? A chacun de ces stades, il faut savoir comment ont été effectués les contrôles et quel a été leur degré de fiabilité.

Sur la chronologie même du naufrage, il faut savoir également comment les premiers signes de difficulté et de détresse ont été traités. Pourquoi n'y a-t-il apparemment pas eu de suivi des premiers signes reçus par les autorités maritimes ? Qu'un navire lance un « mayday », comme ce fut le cas de l' Erika, est pourtant suffisamment grave pour qu'une suite soit donnée.

S'agissant des secours apportés à Erika , les moyens étaient-ils suffisants ? S'agissant du suivi de la marée noire, pourquoi tant d'erreurs de prévision et de contradictions ? S'agissant de la mise en oeuvre du plan Polmar terre, quelles ont été les erreurs de déploiement ? Comment expliquer l'insuffisance des moyens ? Par ailleurs, concernant la responsabilité de Total, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez quelles ont été les raisons qui ont poussé le Gouvernement socialiste à négocier et à signer en 1992 un protocole modifiant la convention internationale de 1969 qui exonère le pétrolier affréteur de toute responsabilité financière pour la concentrer sur le seul propriétaire, interdisant, par voie de conséquence, tout recours contre le pétrolier affréteur.

Enfin, quand et comment la compagnie Total a-t-elle été prévenue ? Quel est le dispositif de crise qu'elle a mis en place ? A défaut d'obligation juridique, comment s'estelle engagée à concourir à l'indemnisation ? On le voit, le champ d'investigation est immense. Il est en outre essentiel de réfléchir de manière approfondie à la réglementation en vigueur en matière de sécurité maritime. Pourquoi la France ne respecte-t-elle pas l'obligation minimum prévue dans le mémorandum de Paris qui impose de contrôler au moins un quart des navires relâchant dans ses ports. Qu'en est-il de la qualité des contrôles et des moyens qui y sont consacrés ? Le monde du transport maritime s'est doté de nombreuses conventions internationales destinées à améliorer la sécurité en mer. Ces règles sont établies par l'OMI et doivent être respectées par l'ensemble des Etats signataires. Toutefois, les Etats-Unis se sont dotés en 1990 d'une réglementation beaucoup plus stricte : l' Oil Pollution Act ou OPA. Il n'est donc pas sérieux d'opposer, comme nous l'entendons trop souvent sur certains bancs, libéralisme et sécurité lorsque l'on voit qu'un pays libéral a su se doter de règles du jeu extrêmement exigeantes et se trouve, de ce fait, à la pointe des questions de sécurité.

Le bon libéralisme, c'est cela : répondre à la mondialisation en fixant des règles de jeu. Les Etats-Unis sont, dans


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ce domaine, un exemple (Rires sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert) qui pourra inspirer les réflexions de notre commission d'enquête.

Tirant les leçons de la catastrophe de l' Exxon Valdez en 1989 en Alaska, ce pays a renforcé les contraintes pesant sur les armateurs pétroliers dont les tankers naviguent dans ses eaux territoriales. La réglementation prévoit notamment la responsabilité illimitée de l'armateur, voire d e l'affréteur, en cas d'accident avec déversement d'hydrocarbures, l'obligation de la double coque pour les navires accostant aux Etats-Unis à partir de 2010, et l'obligation pour chaque navire de disposer d'un certificat de garanties financières. On sait que l'efficacité de la double coque est parfois contestée. Néanmoins, il y a un exemple à étudier.

En ce qui concerne l'application et le contrôle de conformité aux règles édictées par les conventions internationales, les Etats et les compagnies pétrolières procèdent de diverses manières.

Il y a d'abord le contrôle opéré par l'Etat au moment où le navire fait escale. En 1982, quinze pays européens ont signé le mémorandum de Paris mettant en place un système concerté d'inspection des navires. Mais la France demeure en dessous du minimum des contrôles obligatoires, les 25 % que j'ai évoqués. Il manque à notre pays au moins dix inspecteurs de la navigation.

Il y a ensuite le contrôle effectué par les sociétés de classification qui imposent notamment une vérifiction de l'épaisseur des tôles. Il existe beaucoup de sociétés de ce type dans le monde mais un consensus s'est dégagé autour de celles qui garantissent un contrôle sérieux, au nombre desquelles on compte précisément Veritas et RINA.

La sécurité et la prévention ont un coût, cependant infiniment moins important que le désastre que nous avons aujourd'hui sous les yeux. Force est de constater qu'il existe aujourd'hui une sorte de concurrence entre les réglementations et les contrôles. Mais le résultat est clair : les navires les plus sûrs peuvent aller aux Etats-Unis, les moins sûrs se rendront de préférence en Europe.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Eh oui !

Mme Nicole Ameline.

La solution à apporter au problème de la sécurité du transport maritime se trouve donc aussi à l'échelle européenne. Une solution strictement nationale ne serait à l'évidence pas pertinente. Nous comptons bien évidemment sur la présidence française de l'Union, à partir du 1er juillet prochain, pour une réaction collective face à cette nouvelle donne.

Tous les mois en France, environ douze navires en port ne remplissent pas les conditions de sécurité, on les appelle les navires « sous-normes ». Ils ne transportent pas toujours du pétrole, mais parfois des produits chimiques.

Et lorsque leur cargaison se déverse dans la mer, la pollution n'est pas toujours visible. Il existe en effet des marées transparentes, moins médiatiques mais tout aussi dangereuses.

M. Yves Cochet.

C'est vrai !

Mme Nicole Ameline.

Enfin, la catastrophe de l' Erika a montré la manière admirable et émouvante dont les bénévoles, les associations et les collectivités locales avaient su se mobiliser. Mais pour combattre cette catastrophe, nous ne pouvons nous contenter de voir sur nos plages des hommes et des femmes armés de pelles.

Voilà, mes chers collègues, pourquoi il est si important aujourd'hui d'apporter des réponses aux trop nombreuses questions engendrées par le naufrage du pétrolier Erika.

Je souhaite, au nom de mon groupe, que la commission d'enquête créée à cet effet soit à la hauteur de nos espé rances et fasse émerger les notions de responsabilité et de sécurité, auxquelles nous sommes si sensibles. Vous évoquiez à l'instant, monsieur le ministre, le contrôle des flux maritimes. Avec les nouvelles technologies, des solutions innovantes s'offrent à nous pour prévenir les risques et respecter notre environnement maritime.

M. le président.

La parole est à M. Jean-Yves Le Drian.

M. Jean-Yves Le Drian.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut en finir avec le désordre maritime mondial. La catastrophe de l' Erika , qui fait suite à plusieurs autres depuis vingt ans, démontre que les principes historiques de la « liberté des mers » et du « passage inoffensif » sont devenus criminogènes. Et pourtant, ils ont été ratifiés solennellement, il y a moins de dix ans, par le traité mettant fin à la Conférence internationale du droit de la mer. On peut faire presque n'importe quoi sur les mers, tandis que dans les airs on contrôle, on organise, on régule, on oblige, même si, dans un cas comme dans l'autre, la sécurité absolue ou le risque zéro n'existe pas.

Je suis pour ma part malheureusement très frappé par la similitude des déclarations officielles de l'aprèsAmocoCadiz et de l'aprèsErika . On dénonce les lacunes de la réglementation, l'âge des navires, l'impuissance de l'OMI, le scandale des pavillons de complaisance, le rôle des grands groupes pétroliers et pourtant, vingt ans après, les mêmes causes produisent à peu près les mêmes effets. Il y a même davantage de risques puisque l'augmentation des délocalisations industrielles et l'émergence heureuse de nouvelles puissances économiques accentuent la croissance des échanges maritimes, donc du trafic.

On ne peut pourtant pas dire que rien n'a été fait depuis 1978. D'abord, et heureusement, l'organisation du trafic sur le rail a été considérablement renforcée. Des moyens de surveillance et de prévention ont été mis en place et, au niveau réglementaire, la mise en oeuvre du Mémorandum de Paris, signé en 1982 à l'initiative de Louis Le Pensec, a été une avancée significative obligeant les Etats à contrôler 25 % des navires, faisant escale dans leurs ports, à sanctionner les navires sous normes et à échanger les listes de ceux qui sont dangereux ou non conformes. Mais si ce dispositif a sûrement permis d'éviter plusieurs catastrophes, il ne suffit pas. D'abord parce que les contrôles ne sont pas toujours très bien faits ou pas toujours suffisants. Ensuite parce que les moyens de surveillance ne sont pas à la hauteur du trafics, qui se développe. Enfin, parce que la réglementation et les normes sont largement en deçà de ce qui serait nécessaire pour assurer une sécurité maximale.

Après cette nouvelle catastrophe, il faut frapper fort et utiliser les grands moyens. Pendant que nous ramassions sur les plages le pétrole de l' Erika, d'autres bateaux sous normes se faisaient interpeller - vous l'avez dit, monsieur le ministre -, d'autres catastrophes auraient donc pu se produire. Il aurait suffi d'une nouvelle tempête forte et d'une structure faible sur un bateau sous normes pour que cela recommence. Et imaginons que la cargaison soit non pas du pétrole, mais des produits chimiques encore plus dangereux !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

La population a fait preuve d'une grande détermination, d'une grande solidarité, d'une grande sérénité pour restaurer les côtes et relever le défi de cette catastrophe.

Les pouvoirs publics, le Gouvernement ont été à la hauteur de ce qu'il fallait faire pour remédier au désastre.

Mais cela ne doit pas nous faire oublier que la colère pourrait se transformer en révolte si un nouvel événement de ce type devait se produire, et je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la très grande vigilance dont il faut faire preuve actuellement à l'égard de l'épave de l' Erika

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Absolument !

M. Jean-Yves Le Drian.

Je pense qu'on l'oublie un peu trop ! M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Moi je ne l'oublie pas !

M. Jean-Yves Le Drian.

Ces 20 000 tonnes de fioul sont comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Qu'en est-il aujourd'hui, monsieur le ministre ? Quand va-t-on lancer les appels d'offres pour procéder au pompage ? Qui s'occupe de l'opération ? Une très grande transparence s'impose sur ce sujet.

Si l'on veut que « Plus jamais ça ! » ne soit pas seulement un slogan, il faut agir vite. Si l'on veut que la formule « A bas les pavillons de complaisance ! »...

M. Charles Cova.

Vaste programme !

M. Jean-Yves Le Drian.

... ne soit pas uniquement une formule de discours, il faut s'appuyer sur l'émotion pour engager des mesures rigoureuses, mais je ne suis pas sûr que l'OMI soit le cadre approprié pour ce faire. Nous savons tous, en effet, qu'en raison du mode de vote notamment, les décisions de l'Organisation favorisent les pays qui ont des flottes importantes. Si les Etats-Unis sont très protectionnistes en ce qui concerne leurs propres côtes, madame Ameline, au sein de l'OMI ce sont les plus libéraux. Ils ont pris des mesures extrêmement lourdes après la catastrophe de l' Exxon Valdez . L'Europe doit prendre des dispositions du même type pour établir un rapport de forces au sein de l'OMI. Elle ne doit pas attendre que celle-ci se transforme. J'ai bien noté, monsieur le ministre, votre souhait qu'à partir du 1er juillet prochain, sous la présidence française, nous agissions dans six domaines prioritaires.

Premièrement : la norme - l'âge des bateaux, la technologie ; Deuxièmement : le contrôle - qui contrôle les contrôleurs ? - et la traçabilité - qui contrôle la traçabilité ? ; Troisièmement : la régulation - il faut instaurer une coopération européenne pour le contrôle de la circulation sur la Manche, qui est devenue considérable ;...

M. Charles Cova.

La Manche, c'est le métro à dix-huit heures !

M. Jean-Yves Le Drian, ... Quatrièmement : la responsabilité. Il faut que l'affréteur soit responsable jusqu'au bout, c'est-à-dire jusque dans la holding. Il a été fait état tout à l'heure de l' Oil Pollution Act de 1990 aux EtatsUnis. Par le système du deep pocket, il est possible de poursuivre l'affréteur jusque dans la holding, y compris en prenant immédiatement des actifs de celle-ci. Voilà une disposition qui devrait s'imposer en Europe.

Cinquièmement : l'ingérence. Il n'est pas logique que les régions périphériques ne puissent intervenir pour se protéger alors que ce sont les premières victimes de trafics qui ne dépendent pas d'elles.

Enfin, sixièmement : l'interdiction. On ne voit pas pourquoi on interdirait notre sol au boeuf aux hormones et pas nos ports aux navires poubelles !

M. Charles Cova.

Très juste !

M. Jean-Yves Le Drian.

Sans une volonté politique d'agir dans ces six domaines - mais il semble que vous l'ayez, monsieur le ministre - nous risquons de connaître de nouvelles catastrophes cette nuit, demain, dans quelques jours, et un sentiment de révolte s'imposera alors dans notre pays. Il faut donc une volonté politique forte.

Le Gouvernement en fait preuve. Il devra la conserver jusqu'à la fin de cette année et je suis convaincu que la commission d'enquête parlementaire que nous allons créer, pourra contribuer au maintien d'une mobilisation indispensable.

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Charles Cova, pour le groupe RPR.

M. Charles Cova.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vingt-deux ans après le désastre de l' Amoco-Cadiz , en 1978, force est de constater que nous restons encore bien impuissants à lutter contre les effets ravageurs d'un marée noire. Ce sont les mêmes images, à vingt ans d'écart, d'hommes et de femmes pauvrement armés de pelles et de seaux qui tentent tant bien que mal de juguler la pollution.

La volonté des populations côtières, celle des nombreux bénévoles, le courage et le dévouement exemplaire des militaires, des sauveteurs, des membres de la protection civile, du personnel de l'équipement et de toutes les autorités de l'Etat afin de faire face et de surmonter la catastrophe au plus vite, n'ont d'égal que leur ardeur à nettoyer le littoral. Cette mobilisation et le déploiement d'une solidarité qui souligne la générosité de nos concitoyens ne doivent en rien occulter les multiples carences qui sont l'origine du naufrage de l' Erika.

Le dimanche 12 décembre 1999, à six heures du matin, le navire Erika , voguant sous pavillon maltais et convoyant dans ses soutes plus de 30 000 tonnes de fioul lourd chargées à la raffinerie TotalFina de Dunkerque, lance un appel de détresse au large de la pointe de Penmarc'h. Dès le mercredi 23 décembre à l'aube, les premières nappes de produits pétroliers échouent sur les côtes du Sud Finistère et du Morbihan, avant de frapper l'ensemble des côtes de la Loire-Atlantique. C'est le début d'une nouvelle marée noire qui attriste les fêtes de fin d'année. Nous avons tous à l'esprit ces images de paysages autrefois splendides et aujourd'hui souillés.

L'émoi suscité dans le pays est à la hauteur d'une catastrophe écologique gravissime qui blesse le coeur même d'une France qui attire chaque année de nombreux touristes. L'émoi est - hélas ! - aussi proportionnel à l'ampleur d'une catastrophe économique qui a détruit ou menace encore l'outil de travail de nombreux Français.

De surcroît, comme par un acharnement du mauvais sort, certaines côtes ont été victimes d'une conjonction des tempêtes et du naufrage. L'enchaînement de ces événements laisse poindre un véritable malaise non seulement au regard des conditions de sécurité des hommes et des marchandises transportés en mer, mais aussi face à la rapidité d'action de l'ensemble des autorités et services concernés.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

Je forme le voeu très sincère que la commission d'enquête parlementaire que nous allons mettre en place puisse enfin proposer des solutions pragmatiques aux problèmes récurrents du pavillon de complaisance et des rapports entre les groupes pétroliers et leurs armateurs.

M. Jean-Louis Debré.

Très bien !

M. Charles Cova.

Je souhaite aussi, qu'en collaboration avec nos partenaires européens, nous mettions en place rapidement une nouvelle législation maritime de nature à sécuriser notre littoral et j'associe à ce souhait mes collègues du groupe du Rassemblement pour la République p articulièrement concernés, à savoir : André Angot, député du Finistère ; François Fillon, député de la Sarthe ; Louis Guédon, député de la Vendée ; Michel Hunault, député de Loire-Atlantique ; Serge Poignant, député de Loire-Atlantique et Didier Quentin, député de Charente-Maritime.

Permettez-moi juste de regretter que la majorité ait dédaigné jeter le moindre le coup d'oeil à la proposition de résolution de mon collègue Jean de Gaulle...

M. Jean-Louis Debré.

C'est vrai !

M. Charles Cova.

... tendant à la création d'une commission d'enquête sur le naufrage du navire Erika et ses conséquences, afin de renforcer la sécurité des transports pétroliers et d'améliorer les moyens de lutte contre les pollutions marines. Ce mépris dont la majorité a fait preuve à l'égard d'une bonne idée de l'opposition est misérable. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Debré.

Il fallait le dire !

M. Charles Cova.

J'en veux pour preuve un fait presque sans précédent et quasi ubuesque. Notre « feuilleton » de hier matin, relatant l'ordre du jour des travaux de notre assemblée établi en Conférence des présidents, mentionnait déjà explicitement pour le jeudi 20 janvier à neuf heures la discussion de la proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, et cela avant même que la commission de la production et des échanges ait pu procéder au vote de l'une des cinq propositions de résolution issues de tous les groupes de l'Assemblée.

M. Jean-Louis Debré.

C'est vrai !

M. Charles Cova.

Je ne me faisais pas d'illusion sur l'issue finale du choix opéré par la majorité. Je n'en reste pas moins surpris par une attitude de mépris aussi peu discrète (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste) imprimée noir sur blanc dans un document officiel de l'Assemblée, sur un sujet qui appelait pourtant une approche consensuelle.

M. Jean-Louis Debré.

Ce sont des politiciens !

M. Charles Cova.

Mais ne nous étendons pas davantage sur ce nouveau coup bas et tâchons désormais de travailler utilement ! J'ajouterai simplement, avant d'en revenir au fond, que ce geste absurbe a été précédé par une autre maladresse - le mot est faible - venant cette fois du Gouvernement.

M. Jean-Louis Debré.

Ça ne m'étonne pas !

M. Charles Cova.

Personne n'a oublié les malencontreux propos de Mme Dominique Voynet qui ont jeté le trouble jusque dans les rangs de ses propres militants.

M. René Leroux, rapporteur.

J'étais là quand elle a fait sa déclaration, pas vous !

M. Charles Cova.

Mais laissons là ce qui pourrait passer pour de la polémique ! Revenons à notre sujet et plus exactement aux premières conclusions du rapport d'enquête sur les circonstances du naufrage de l' Erika établi par le bureau d'enquête sur les accidents en mer du ministère de l'équipement, qui met en lumière certaines aberrations aux conséquences redoutables du transport maritime pétrolier.

Si ce document a mis hors de cause l'équipage indien du pétrolier et son commandant, il n'en dénonce pas moins « l'extrême opacité de la chaîne commerciale ». Eh bien, c'est précisément contre cette opacité qu'il nous faut lutter, monsieur le ministre.

Ce même rapport pointe les erreurs ou négligences des armateurs, des gestionnaires du navire, du bureau de certification et de la compagnie TotalFina, erreurs et négligences aux termes desquelles ce bateau, pourtant structurellement déficient, a pris la mer. Là encore, l'objet de notre commission d'enquête doit être de préciser clairement la définition d'un arsenal juridique précis et contraignant afin d'éviter les erreurs et de condamner sévèrement les négligences.

Il nous faudra débuter notre réflexion à partir du naufrage du pétrolier Erika , pour l'élargir ensuite à la sécurité de l'ensemble du transport maritime. Je déplore à ce propos que la proposition de résolution retenue, celle de M. Jean-Marc Ayrault donc, comme l'avait si bien deviné notre feuilleton, ne fasse pas mention explicitement du naufrage, ce que faisait notamment la proposition de Jean de Gaulle qui, de surcroît, étendait avec force détails son champ d'investigation à l'amélioration de la lutte contre les pollutions marines. C'est un détail d'importance, nous l'avons vu, d'autant que les divers procédés actuellement utilisés pour pomper les nappes de pétrole sont loin d'être performants et que l'efficacité des barrages flottants est plus que douteuse. Et j'oublie les produits dispersants ! De fait, la proposition de notre collègue Jean de Gaulle avait aussi le mérite d'inclure dans son champ d'enquête le scandale du « dégazage » en mer des navires profitant de la présence d'une nappe de pétrole dans les environs pour cacher leurs propres rejets.

Mes chers collègues, vous le voyez, le travail qui nous attend est considérable. Rien ne sert de critiquer l'inertie des uns, l'incompétence des autres, rien ne sert de fustiger la désuétude d'une réglementation maritime inappropriée si l'on ne se donne pas les moyens de changer enfin ce qui a permis une accumulation invraisemblable de fautes ! Rien ne sert de déplorer l'étendue de la catastrophe qui a meurtri notre pêche nationale, notre conchyliculture, notre tourisme si nous restons impuissants à juguler une âpreté au gain qui justifierait aux yeux d'aucuns toutes les prises de risques.

Je souhaite que la liste des sept recommandations déjà formulées dans le premier rapport d'enquête dont je viens de parler nous guide dans le début de nos travaux.

Premièrement, il est plus que souhaitable que l'administration maritime maltaise se dote enfin d'un corps d'inspecteurs de la sécurité des navires proportionnel à la flotte immatriculée sous ce pavillon.

Deuxièmement, les groupes pétroliers doivent être plus exigeants pour les navires qu'ils affrètent seulement pour un ou trois ans. Le rapport recommandait fort à propos de ne jamais utiliser les navires dont la propriété n'était pas clairement établie, ni les bateaux anciens dont la propriété avait changé depuis moins de deux ans.

Troisièmement, les services internes de contrôle des compagnies pétrolières devront porter davantage d'attention aux inspections techniques des coques, des cuves et des cloisons, cela a été rappelé par les orateurs précédents


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

Quatrièmement, les inspections effectuées par les Etats des ports fréquentés par les navires devront être plus minutieuses sur le plan technique. Dans les fiches d'identité des navires, des indications précises devront mentionner notamment la situation patrimoniale, les gestionnaires et les opérateurs.

Cinquièmement, tous les navires de plus de vingt ans devraient, dès cette année, être dûment inspectés structurellement, au moins une fois par an, et aux frais de l'armateur, par une commission ad hoc indépendante.

Cela signifierait, étant donné les dépenses prévisibles, que la plupart des navires auraient le choix entre une remise à neuf très onéreuse et la destruction pure et simple.

Enfin et surtout, et ce sera ma conclusion, monsieur le ministre, quels que soient les obstacles et les réticences, faisons triompher partout le principe de précaution ! Ce qui est vrai pour la sécurité sanitaire des aliments, comme l'a prouvé, hélas, l'épidémie dite « de la vache folle », l'est aussi pour la sécurité en mer.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Absolument !

M. Jean-Louis Debré et Mme Nicole Ameline.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le développement du transport maritime est une réalité liée non seulement à la répartition mondiale des lieux de production, de transformation et de commercialisation des denrées comme des produits industriels, mais aussi aux délocalisations d'activités vers des pays où les coûts de main-d'oeuvre sont bas puisque les produits sont ensuite transférés vers les lieux où se trouve le pouvoir d'achat.

Cette réalité explique pour une part l'importance croissante de ce mode de transport. En outre, compte tenu de l'évolution technologique, l'augmentation du nombre et de la taille des navires s'accompagne d'une dangerosité de plus en plus grande des produits transportés. Chaque a nnée 300 000 navires transitent en Manche et 500 000 tonnes de pétrole brut, 35 000 tonnes de gaz, 60 000 tonnes de produits chimiques empruntent chaque jour cette voie maritime qui voit passer plus de douze millions de conteneurs par an. Chaque jour, 150 navires contournent Ouessant. A l'extrême ouest de l'Europe, notre pays est en première ligne.

Cette évolution du transport maritime et sa persistance ont entraîné une totale déréglementation. On a ainsi vu apparaître des supertankers de 300 000 tonnes et plus alors que, dans le même temps, des navires dont la vétusté en fait de véritables dangers pour leurs équipages, pour nos côtes, pour la flore et la faune, étaient maintenus en activité. On a ainsi vu apparaître des pavillons de complaisance dont l'objectif est d'offrir, à des armements motivés par la seule rentabilité financière, les moyens de transporter à bas prix des marchandises à travers le monde, dans l'irrespect total des droits de l'homme.

On a ainsi vu apparaître des navires avec des équipages de nationalité, de langue et de formation fort différentes ce qui, s'agissant en particulier des langues et des formations, pose des problèmes de sécurité.

On a ainsi vu apparaître des bateaux poubelles abandonnés dans des ports, des équipages non payés pendant des mois : ce fut, récemment au Havre, le cas du Kifangondo , qui navigue d'ailleurs à nouveau. Certes, il ne transporte que du sucre et non du pétrole ou des produits chimiques, mais quand même ! On a vu, progressivement, sous les effets du libéralisme, de la recherche du profit maximum et rapide en même temps que du moindre coût, de la moindre contrainte, disparaître dans de nombreux pays les flottes marchandes qui, certes, avaient aussi des difficultés et des insuffisances, mais qui du moins étaient identifiées, répertoriées et dotées d'équipages formés et qualifiés. Car, c'es t aussi une autre réalité, ces évolutions se font sans transparence, dans l'opacité la plus complète. Qui sait aujourd'hui le nom du propriétaire de l' Erika ? On peut craindre que, de société écran en société écran, on ne puisse jamais accéder au propriétaire de ce qu'il faut bien appeler un « scandale flottant ».

On meurt aujourd'hui de cette situation : en moyenne 600 marins ou passagers disparaissent chaque année. Ces dix dernières années, un navire a coulé tous les deux jours dans le monde.

En 1998, en Manche, 308 navires ont connu des avaries, 283 ont commis des infractions aux règles de circulation. 47 260, sur les 300 000 dont je parlais tout à l'heure, soit 16 %, ont transporté des matières dangereuses.

Il est temps d'en tirer les conséquences et de permettre au transport maritime d'effectuer le travail qui est le sien, dans le respect des hommes, des mers, des côtes, des faunes et des flores.

M. Jean-Yves Le Drian.

Très bien !

M. Daniel Paul.

Des règles ont été édictées, mais il faut les appliquer avec plus de rigueur. Des insuffisances existent, il faut les combler, prévoir et appliquer les sanctions nécessaires.

Certaines règles relèvent de l'autorité française et uniquement d'elle. Le ministre des transports en a rappelé certaines comme l'augmentation du nombre de contrôleurs afin de respecter les clauses du mémorandum de Paris, la surveillance, dans une zone de 200 milles, des n avires transportant des matières dangereuses, les recommandations faites aux chargeurs français pour le choix des armements. Cela dit, monsieur le ministre, les informations de ce matin indiquaient que TotalFina était à nouveau mis en cause à la suite des errances d'un pétrolier de plus de vingt-cinq ans, en Méditerranée.

D'autres règles relèvent d'autorités internationales, qu'il s'agisse de l'Organisation maritime internationale ou de la Communauté européenne avec ses quinze Etats actuels et ses prétendants à l'adhésion, dont Malte.

La fermeté s'impose, sauf à déconsidérer totalement les instances compétentes et à confirmer que les Etats, face aux puissants intérêts privés en jeu, n'auraient plus l'autorité suffisante. Il faudrait, entre autres, instituer des sanctions réellement dissuasives contre tous les armateurs et affréteurs qui ne respectent pas les normes de sécurité en vigueur. Car il est financièrement plus intéressant de payer l'amende pour dégazage en pleine mer que d'effectuer cette opération dans un port. Les coûts des réparations des préjudices subis par les riverains, les entreprises, les pêcheurs, les plaisanciers du fait des pollutions dont sont responsables les armateurs et affréteurs doivent être imputés à ces derniers.

Les pavillons de complaisance doivent faire l'objet d'une attention particulière. Comment admettre, au plan humain, la façon dont ils permettent de profiter des hommes et de leur misère ? Comment admettre que des


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

pays candidats à l'Union européenne puissent mettre leur pavillon à disposition, sans examiner la situation ou l'état des navires ? Ne doit-on pas demander qu'un pays ayant des prétentions maritimes ait une véritable administration maritime, avec obligation d'user de son autorité et d'être en tous points responsabilisé ? Si la Suisse peut justifier du lac Léman pour avoir une marine (Sourire) , je cherche toujours comment le Luxembourg est devenu un pays maritime, au point d'avoir son pavillon sur des dragues dans la baie de Seine. Malte, Chypre, les pays baltes, la Turquie, la Pologne devraient se conformer aux règles. Mais d'autres pays déjà adhérents à la Communauté comme la Grèce, les Pays-Bas devraient agir de même. Et que dire de la Russie et des sociétés de classification utilisées, au plan international, dans ce pays ? Les contrôles techniques des navires, dans tous les ports, sont à rendre plus rigoureux, qu'ils concernent les navires eux-mêmes, leurs cargaisons ou leurs équipages.

Pour cela, des postes d'inspecteurs de navigation sont à créer. Vous venez de le décider. Je souhaite que ces postes soient réservés à d'anciens officiers de la marine marchande...

M. Georges Sarre.

Très bien !

M. Daniel Paul.

... justifiant d'une ancienneté minimum à bord de navires et plus aptes, sans doute, à déceler les vices cachés.

Ces contrôles doivent aussi se dérouler en situation réelle, en pleine mer. Je pense plus particulièrement aux navires de charge, dont les structures ont à supporter des efforts importants et parfois dans des conditions difficiles ; il est clair qu'à l'abri d'un quai, dans un port, ces efforts ne se ressentent pas.

Pourquoi ne pas envisager, comme cela se fait pour le transport aérien, des contrôles plus poussés, conditionner les permis de navigation, au bout de dix ans, à une expertise complète de la coque, des moyens de propulsion, de navigation et de sécurité ? S'agissant de pétroliers et de chimiquiers, l'âge limite ne devrait-il pas être ramené à vingt ans ?

M. Jean-Yves Le Drian.

Bien entendu !

M. Daniel Paul.

S'agissant des porte-conteneurs, ne doit-on pas généraliser un dispositif de repérage électronique des conteneurs tombés en mer - et il en tombe régulièrement - sachant qu'il est souvent difficile de savoir exactement ce que l'on peut y trouver ? Il faut dire qu'un tel dispositif a été mis au point par une entreprise brestoise,...

M. François Cuillandre.

C'est exact !

M. Daniel Paul.

... ce qui pourrait lui permettre de se développer.

Meilleure formation des personnels, en nombre suffisant, meilleurs matériels, en particulier dans les zones sensibles, remorqueurs de haute mer aptes à intervenir le long des côtes européennes... la liste est sans doute longue des dispositions possibles. L'émotion suscitée aujourd'hui est forte du fait du caractère de la catastrophe et cette émotion durera.

Bien d'autres commissions d'enquête se sont penchées sur cette question. Trop souvent, les organisations syndicales ont raison de le dénoncer, leurs conclusions se sont heurtées à la disparition d'une politique maritime cohérente dans notre pays, comme d'ailleurs dans d'autres pays européens...

M. Charles Cova.

Il faut un ministre de la marine !

M. Daniel Paul.

Vous avez une responsabilité làdedans...

Les conclusions, disais-je, se sont heurtées au manque de moyens ou à l'indifférence des structures internationales, administratives, techniques ou politiques, à des intérêts financiers puissants, aux lois du marché dominé par le libéralisme et par le triptyque : plus vite, moins cher, moins de contraintes.

Je crois en la possibilité d'appuyer le développement du transport maritime sur des professionnels compétents il serait injuste qu'ils pâtissent de l'incompétence d'une minorité -, désireux de respecter l'homme et l'environnement. Notre pays, présidant la Commission européenne à compter de juin 2000, peut faire avancer les choses dans le bon sens. Les propositions qui sortiront de nos travaux en juin prochain pourront servir cette cause et répondre aux attentes de tous ceux qui refusent de considérer comme inéluctables des catastrophes engendrées, en réalité, par la course aux profits.

Une Amérique libérale, malgré les limites que cela suppose, a su mettre en oeuvre des dispositifs qu'envient sans doute de nombreux marins, pêcheurs et habitants du littoral européen, et ce, à la suite d'un naufrage qui avait pollué ses côtes.

La commission d'enquête dont nous allons décider aujourd'hui la création n'aura sans doute pas pour vocation de refaire le travail réalisé par le bureau d'enquête sur les accidents en mer que vous avez mis en place, monsieur le ministre, pas plus que d'empiéter sur les enquêtes judiciaires susceptibles de se dérouler dans les semaines ou les mois qui viennent.

M. René Leroux, rapporteur.

Très bien !

M. Christian Paul.

D'ailleurs, le règlement nous interdirait sans doute de nous mettre en concurrence avec des enquêtes judiciaires. Mais cette commission vaudra par l'analyse plus large, par la conviction que notre pays et l'Europe peuvent faire au moins autant que les Etats-Unis et par les mesures qu'elle saura obtenir des autorités compétentes.

Je souhaite que les travaux de la commission d'enquête soient totalement transparents et se déroulent en permanence au vu et au su de la presse. Je souhaite également que le lien soit établi avec les professionnels de la mer dans les ports de notre pays comme dans les autres ports de l'Europe.

Nul doute que ses résultats dépendront aussi de la mobilisation de tous. Chacun doit prendre conscience que si le risque zéro n'existe pas il est possible, en privilégiant l'homme, de beaucoup limiter les risques.

(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste.)

M. Charles Cova.

On ne nous parle de la mer qu'en cas de catastophe !

M. le président.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez.

Etant, pour le moment, le seul député du Pas-de-Calais qui ne soit pas de la majorité plurielle, je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous porterez à mes réflexions une attention particulière.

M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Comme toujours !

M. Léonce Deprez.

Je parlerai pour le Pas-de-Calais maritime qui est, cela va de soi, solidaire des autres parties du littoral français. Je parlerai aussi au nom de mes collègues du groupe UDF qui ont été sur le front depuis quelques semaines, comme d'autres députés qui se sont exprimés aujourd'hui.


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

Nous avons connu une catastrophe écologique sur notre littoral français. Après le formidable élan de solidarité nationale qui a mobilisé les énergies afin d'en effacer les traces « mazouteuses », il nous faut faire preuve, en notre Assemblée nationale et au niveau international, d'une détermination qui soit à l'échelle du drame qui s'est produit. Il convient d'en rechercher les causes et faire en sorte que de telles catastrophes ne puissent plus se renouveler. Tel est le double objectif de cette commission d'enquête que les élus de tous les groupes composant notre commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale ont décidé de constituer.

Ces dernières années, certains députés de notre littoral français avaient tenu à lancer des signaux d'alarme qui se sont traduits en questions écrites ou en propositions de loi. Hélas ! autant en emporta le vent, ce vent du large qui souffle parfois jusqu'à Paris.

J'avais moi-même adressé une question écrite pour alerter le Gouvernement sur l'aggravation de la pollution de la Manche due au dégazage des navires et à l'inadmissible manque de respect des disciplines que la mer impose. Dans sa réponse du 20 septembre 1999, date proche du drame de l' Erika , Mme la ministre de l'environnement me répondit que la principale difficulté était d'identifier les contrevenants.

J'insiste sur ce point. Si la politique est devenu rebutante pour trop de Français, c'est parce que de telles réponses traduisent une terrible insuffisance de volonté politique. C'est le porte-parole UDF qui le dit. La liberté dans la vie économique et la volonté politique dans l'organisation de notre territoire et de notre monde ne sont pas contradictoires, mais complémentaires ; ce sont les deux exigences de notre monde moderne.

Notre collègue Bernard Deflesselles avait déposé lui aussi une proposition de loi en septembre 1999, dans le même esprit de révolte contre les pollueurs des mers.

Mon autre collègue Gérard Grignon, député de SaintPierre-et-Miquelon est intervenu lui aussi, notamment par le biais d'une proposition de loi, pour souligner les dérives des pavillons de complaisance et pour instituer, sous l'égide du conseil général de son territoire, un registre d'immatriculation des navires en vue d'empêcher la disparition du pavillon français sur les mers.

M. Charles Cova.

Il n'y a pas de politique maritime en France !

M. Léonce Deprez.

A travers cette proposition de loi qu'il a renouvelée, à travers cette suggestion de créer ce registre d'immatriculation, s'exprime sa volonté de proposer aux armateurs français des conditions permettant de faire face à la mondialisation tout en respectant les conventions internationales relatives à la sécurité. Notre collègue a aussi pour ambition le maintien de la profession de marin français et européen dans des conditions de salaire et de protection sociale acceptables et dignes. Il a donc été étonné, je vous le dis à sa demande, de voir Mme la ministre de l'environnement évoquer, dans un amalgame surprenant de sa part, la question des pavillons de complaisance français en citant Kerguelen, SaintPierre-et-Miquelon et Terre-Neuve. Je pense qu'il y là une confusion qu'elle voudra rectifier très certainement.

Mon collègue Pierre Hériaud est aussi de ceux qui ont, à plusieurs reprises, tiré la sonnette d'alarme. Hier encore, lors des questions d'actualité, ce député de l'Ouest rappelait le sens de ses interventions précédentes, soulignant les effets - scandaleusement impunis - du dégazage des tankers en pleine mer.

Comment en est-on arrivé à voir l' Erika se briser comme une allumette, ainsi que l'écrivait L'Express , alors qu'il avait été contrôlé environ tous les quatre mois depuis avril 1996 ? Comment en est-on arrivé à voir Total, dont la France est fière, affréter un vieux tanker, faire appel à un armateur fantôme et provoquer ainsi la pollution de centaines de kilomètres de côtes françaises ? Comment Total a-t-il pu choisir un bateau construit il y a vingt-quatre ans au Japon, et qui a changé de nom sept fois ? Comment en est-on arrivé à laisser se développer les pavillons de complaisance, au point qu'ils regroupent aujourd'hui 60 % de la flotte mondiale, avec un navire sur trois et un pétrolier sur sept hors normes ? P remière vérité : la mondialisation de l'économie impose l'adoption de règles de compétition au niveau international. Elle impose l'institution d'une autorité internationale capable de les établir et de les faire respecter sur mer comme sur terre. L'UDF estime qu'elle impose aussi l'évolution de l'ONU en organisation politique mondiale touchant tous les grands sujets qui conditionnent non plus seulement la paix dans le monde, mais le destin de notre planète.

Deuxième vérité : la flotte pétrolière mondiale a vieilli, or aucune règle suffisamment stricte n'empêche les armateurs des navires devenus dangereux de les conserver jusqu'à l'extrême limite.

Troisième vérité, nationale, celle-là : la lutte contre les pavillons de complaisance passe par la définition d'une politique favorable aux pavillons français pour améliorer sa compétitivité. Il faudrait que le drame de l' Erika amène l'Assemblée nationale à exiger le réveil d'une politique maritime de la France, politique devenue inexistante depuis trop de décennies.

M. Charles Cova.

Tout à fait !

M. Léonce Deprez.

Pourquoi la France ne se donnerait-elle pas l'ambition de permettre au pavillon français, grâce à une politique cohérente fondée sur des mesures de législation sociale et fiscale appropriées, susceptibles d'assurer la qualité de l'entretien de nos navires, la rigueur des contrôles et la conscience professionnelle des sociétés de classification d'offrir un exemple au monde ? La commission d'enquête devra faire au Gouvernement des propositions pour améliorer la sécurité du transport maritime et pour combattre la concurrence déloyale des navires sous normes, qu'une autorité internationale maritime devrait désormais interdire.

Il importe, pour aboutir, de déterminer au niveau européen les règles fiscales et sociales applicables dans chaque pays européen. Nous devons prendre en considération, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, pour lutter contre le système des pavillons de complaisance, grâce à des mesures liées à la suppression des charges sociales, à la défiscalisation du salaire des navigants, à la taxation forfaitaire au tonnage, les armateurs néerlandais, précurseurs en ce domaine, ont accru leur flotte de plus de 30 % en trois ans et de 10 % les emplois de navigants. Allons-nous laisser la France se laisser distancer par la Hollande, au risque de continuer à perdre chaque année des points dans la compétition des activités maritimes ? C'est une question que nous devons nous poser et que nous vous posons, monsieur le ministre.

M. Charles Cova.

On ne se la pose que lorsqu'il y a une marée noire !


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

M. Léonce Deprez.

Monsieur le ministre, la balle - c'est le gardien de but que je reste en esprit qui vous le dit est dans votre camp. Et votre camp, comme le nôtre, comme celui de tous les Français, est à la fois français et européen.

Nous sommes prêts, au groupe UDF, à soutenir toutes les mesures qui tendront à réguler le marché mondial du transport maritime et à permettre à la France de mobiliser ses forces dans une véritable politique de la mer.

Mme Nicole Ameline et M. Charles Cova.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Georges Sarre, pour le groupe Radical, Citoyen et Vert.

M. Georges Sarre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, plus de vingt ans après le désastre de l' Amoco-Cadiz, le phénomène des marées noires est revenu cruellement au devant de la scène, à commencer d'abord pour les populations du littoral souillé, mais aussi pour tous les Français, solidaires devant ce spectacle désolant.

Après le naufrage récent du pétrolier Erika, l'indignation est légitime, mais elle n'est suffisante. Il est à présent nécessaire de comprendre les raisons qui ont abouti à une telle catastrophe et d'en tirer des enseignements pour l'avenir. Il faut avant tout poser les termes du débat, puis exposer les raisons profondes qui poussent notre assemblée à se doter d'une commission d'enquête.

Plus d'un mois après le naufrage de l' Erika , trop de questions demeurent sans réponse. Toutes les investigations conduites jusqu'à présent n'ont réussi qu'à mettree n évidence un montage juridico-financier d'une complexité invraisemblable. Ainsi, on ne sait pas avec certitude qui est le véritable propriétaire du navire. Le temps de la flibuste serait-il revenu ? Les responsabilités ont été diluées. L'information sur l'avarie qui a été fatale au navire comme sur les carences évidentes de l'inspection n'est pas satisfaisante. Aujourd'hui, plus personne n'a de doute : la certification qui a été donnée était - c'est le cas de le dire - de complaisance.

M. Charles Cova.

De connivence !

M. Georges Sarre.

En effet. Il serait d'ailleurs intéressant que notre commission d'enquête essaie de voir les raisons qui ont conduit à cela.

M. Léonce Deprez.

Tout à fait ! En tout cas, ce naufrage est révélateur d'un problème plus général, celui de la sécurité maritime. Et il est essentiel de clarifier dès à présent les termes de ce débat. Les arguments de spécificité et de fatalité, régulièrement agités par le lobby pétrolier pour justifier son incurie, doivent être démasqués et écartés. Si le risque zéro n'existe pour aucune forme de transport, il existe des moyens de réduire ce risque.

A cet égard, une comparaison s'impose avec le secteur du transport aérien. Dans l'aviation civile, il n'y a pas de pavillons de complaisance. Dans le transport maritime, un pétrolier sombre en moyenne chaque mois, trop souvent avec son équipage. Et cela se passe dans le plus grand silence : aucune émotion, aucune mobilisation, aucun article de presse. Comment justifier une telle différence de traitement ? Pareillement, le discours complaisant à l'égard du

« dumping social » doit être démasqué. Il faut appeler par leur nom les conséquences de l'ultra-libéralisme sur le transport maritime.

Notre commission d'enquête aura pour objectif de dresser un inventaire des règles en vigueur au plan national et international dans le domaine maritime. Elle devra dénoncer leur caractère inadapté. Elle a vocation à présenter des recommandations au terme de ses travaux, parmi lesquelles des mesures à mettre en oeuvre sans tarder, comme le doublement du nombre de contrôleurs des navires dans les ports, par le recrutement de personnels expérimentés issus de la marine marchande.

Au plan européen, une telle initiative pourrait être prise pour transférer à l'affréteur la responsabilité des pollutions par hydrocarbures.

D'une manière générale, l'Etat doit réaffirmer les principes républicains de souveraineté et de sécurité, qui s'appliquent naturellement aux affaires maritimes. Il s'agit, ni plus ni moins, de protéger nos côtes comme cela s'est toujours fait au cours des siècles, même si, depuis le Moyen-Age, les agressions ont pris évidemment des allures très différentes.

L'Etat doit exercer ses prérogatives au plan politique dans ce domaine, et c'est pour l'y aider que je vous demande, mes chers collègues, de voter en faveur de la création de cette commission d'enquête.

Pour résumer ma pensée, monsieur le ministre, je terminerai par une anecdote que vous connaissez sûrement.

Un jour, le Général de Gaulle invita M. Delouvrier à survoler avec lui la région parisienne en hélicoptère.

C'était en 1962. Revenant se poser à l'aéroport d'Issy-lesMoulineaux, il déclara : « Monsieur Delouvrier, il faut mettre de l'ordre dans ce "bordel". »

(Sourires.)

C'est exactement ce que nous avons à faire en matière de transport maritime. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

M. Léonce Deprez.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. François Cuillandre.

M. Charles Cova.

Allez la Bretagne ! (Sourires.)

M. François Cuillandre.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le hasard du calendrier a voulu que deux jours après le naufrage de l' Erika un terme soit mis aux différentes procédures judiciaires engageant les communes bretonnes sinistrées, regroupées en syndicat mixte après le drame de l' Amoco-Cadiz. Près de vingt-deux ans après ! Dix ans auparavant, une autre coïncidence malheureuse avait permis aux mêmes élus bretons de relever la tête face au géant Amoco. Alors que nous étions englués dans une procédure judiciaire longue et coûteuse, le naufrage de l' Exxon Valdez en Alaska avait en effet montré aux Américains ce que marée noire voulait dire. Nous, Bretons, avons d'ailleurs conservé des liens très forts avec des Alaskiens et force est de reconnaître que leur action pour améliorer la sécurité en mer a été beaucoup plus efficace que la nôtre.

Pour autant, je ne fais pas partie de ceux qui disent que rien n'a été fait après l' Amoco Cadiz. Elu de la pointe du Nord Finistère, je dois reconnaître en effet que le rail d'Ouessant, la création des CROSS, la présence de l' Abeille-Flandre ont évité d'autres drames, que le CEDRE, injustement critiqué dans son mode de financement, a eu une action positive même si elle peut être amplifiée ou mieux articulée avec celle d'IFREMER.

Après le drame de l' Exxon Valdez, les Etats-Unis ont accompli un effort important par la combinaison de dispositions législatives - l' Oil pollution Act de 1990 au


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niveau fédéral - et de mesures prises par l'industrie pétrolière elle-même. Cela a entraîné des effets pervers pour nous Européens. En effet, les navires sous normes, qui ne peuvent plus accéder aux ports américains, risquent de refluer vers les eaux européennes accroissant de ce fait les risques de pollution.

M. Jean-Yves Le Drian.

Eh oui !

M. François Cuillandre.

Le travail que doit accomplir la commission d'enquête que nous allons mettre en place est par conséquent de pemière importance. Nous ne partons pas de rien. J'en veux pour preuve le rapport parlementaire rédigé par Charles Josselin en 1994 et intitulé

« La sécurité maritime, un défi européen et mondial ».

Cette commission devra travailler sans tabou et avec la volonté d'aboutir à des propositions concrètes. Sans tabou, mais aussi sans rechercher un trop facile bouc émissaire. La question posée ne saurait se résumer au problème, même s'il est réel, des pavillons de complaisance, qui n'abritent pas tous des poubelles flottantes. Et l' Exxon Valdez, qui battait pavillon américain, transportait du pétrole américain, avec un équipage américain, a causé l'une des plus grandes pollutions par hydrocarbures dans les eaux territoriales américaines.

Nous devrons travailler avec la volonté d'aboutir à des propositions concrètes, car il y a urgence. Hier encore, un vieux pétrolier maltais, ressemblant comme un frère, ou un faux frère, à l' Erika , a trouvé refuge à Brest.

Par ailleurs, nous savons que les réponses à nos interrogations ne sont pas que françaises mais dépendent aussi d'accords internationaux dans un secteur économique où le libéralisme le plus sauvage fait loi. Nous savons encore que le système actuel du FIPOL, s'il permet d'éviter de longues et coûteuses procédures, organise une irresponsabilité de fait de l'armateur et plus encore de l'affréteur.

Nous savons enfin que, s'il y a des pollutions accidentelles - et celle de l' Erika en est une - il y a aussi des pollutions volontaires, dégazages ou déballastages. Et s'il y a des pollutions par hydrocarbures, bien visibles quant à elles, il y a aussi des pollutions plus sournoises, par exemple par produits chimiques.

Comme cela a été dit à plusieurs reprises, le risque zéro n'existe pas dans le domaine maritime. En revanche, le principe de précaution maximale doit jouer à fond et, en tant que législateur, il nous appartient d'apporter notre pierre à l'édifice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. Léonce Deprez.

Très bien !

M. le président.

La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la catastrophe écologique majeure causée par cette dernière marée noire, nous avons été nombreux à souhaiter la constitution d'une commission d'enquête. Certes, le rapport récemment rendu public à la suite de l'enquête administrative a apporté quelques éléments permettant de mieux connaître la chronologie du drame, mais il reste évidemment de nombreuses zones d'ombre.

Mes collègues Verts et moi-même tenions toutefois à ce que cette commission d'enquête ne limite pas son champ d'investigation aux seules circonstances du naufrage de l' Erika. En effet, il est clair pour nous que les causes de cet accident, qui a provoqué une telle catastrophe, sont à rechercher dans l'organisation même du transport maritime mondial, caractérisé par un laisserfaire généralisé.

Cela est toléré par certains, encouragé par d'autres, dans le seul but de transporter des marchandises pour un coût toujours plus dérisoire, la seule logique étant celle du profit immédiat. Pour nous, qui fondons l'essentiel de notre engagement politique sur le concept du développement durable, les choses sont claires. Il faut tirer toutes les conséquences et toutes les responsabilités du naufrage de l' Erika. Celui-ci a montré qu'au mépris du moindre principe de précaution, on n'hésite pas à laisser naviguer de vieux rafiots, peut-être bon marché à affréter, mais qui provoquent des dégâts écologiques et sociaux dont le coût lui-même n'est pas chiffrable. Les conséquences sur certaines espèces d'oiseaux menacés risquent d'être irrémédiables.

Pourquoi un système aussi caricaturalement dangereux se perpétue-t-il aussi facilement ? Parce que ceux-là mêmes qui se prétendent libéraux appliquent toujours le même principe : privatisation des bénéfices mais collectivisation des pertes.

Devant cette situation, nous réclamons, bien sûr, l'application du principe pollueur-payeur. Ce n'est pas à l'Etat, aux collectivités locales et encore moins aux associations de bénévoles que doit incomber le coût de la réparation des dégâts. Ce sont les responsables de la pollution qui doivent payer. Dans le cas de l' Erika , le groupe TotalFina ne doit pas pouvoir échapper à cette responsabilité.

Pour amorcer le débat que la commission d'enquête devra évidemment poursuivre, je souhaiterais évoquerr apidement quelques mesures qui me paraissent incontournables. Avec mes collègues Verts, nous les reprenons d'ailleurs dans une proposition de loi que nous avons déposée hier.

Il faut d'abord renforcer les contrôles de sécurité. Dans ce secteur comme dans les autres, nous refusons la déréglementation. Il faut des règles et il faut se donner les moyens de les appliquer.

Pour tous les contrôles de sécurité, nous proposons, par exemple, de porter la limite des eaux territoriales à 200 milles nautiques, distance qui correspond à la zone d'exclusivité économique. Et on peut parfaitement envisager cette conception à l'échelon européen.

De même, c'est à ce niveau que doit être également renforcé le contrôle dans les ports. Si l'on s'en tient aux ports français, en effet, les navires dangereux iront dans les autres ports européens, moins exigeants, tout en continuant à naviguer le long de nos côtes, quel que soit leur état.

Nous proposons aussi qu'il soit créé une police des mers constituée d'un corps européen de garde-côtes, sur le modèle des coast guards américains, par exemple.

Enfin, pour appliquer correctement le principe pollueur-payeur, il nous paraît indispensable d'étendre la responsabilité en cas de pollution à tous les acteurs et intermédiaires du transport maritime.

Enfin, et c'est plus audacieux, nous soutenons l'idée que la responsabilité de l'Etat dans lequel le navire est inscrit puisse être engagée lors d'une grave pollution.

C'est probablement la seule manière d'en finir avec les pavillons de complaisance. Rappelons qu'il s'agit ni plus ni moins d'Etats qui servent de paradis fiscaux pour les armateurs souhaitant échapper à toute règle.

En espérant qu'elle contribuera à la manifestation de la vérité, à une prise de conscience et à l'adoption de mesures nouvelles assainissant durablement le transport maritime, mes collègues Verts et moi-même voterons,


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ASSEMBLÉE NATIONALE - 1re SÉANCE DU 20 JANVIER 2000

bien entendu, pour la création de cette commission d'enquête parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe socialiste.)

Article unique

M. le président.

J'appelle maintenant dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du règlement, l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

« Article unique. Il est créé, en application des articles 140 et suivants du règlement, une commission parlementaire de trente membres chargée d'enquêter sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants, le contrôle des normes internationales des navires et des cargaisons ainsi que les moyens d'améliorer la lutte contre les pollutions volontaires ou accidentelles. »

Titre

M. le président.

J'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, le titre de la proposition de résolution est ainsi rédigé :

« Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants ».

Explication de vote

M. le président.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour une explication de vote.

M. Jean-Marc Ayrault.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale va donc, dans quelques instants, créer une commission d'enquête après le naufrage du pétrolier Erika et la marée noire causée par ce sinistre maritime. Déjà, M. Jean-Claude Gayssot a reçu du bureau d'enquête sur les accidents en mer un rapport qui nous effare. Ainsi, à qui appartient l' Erika ? La réponse, complexe, à cette question, pourtant simple, montre les difficultés que notre commission d'enquête aura à affronter.

On croit savoir que les propriétaires réels sont deux a rmateurs napolitains, peut-être à travers la société grecque Dry Tanker SA/Cardiff Marine. La société Tevere Shipping, enregistrée à Malte, où est immatriculé le navire, n'assurait que le portage de la propriété du bateau, Selmont/Amarship, son agent à Lugano, donnant les ordres de route. C'est surréaliste ! Pourtant, c'est hélas ! la triste réalité, celle des pavillons de complaisance.

La première tâche de notre commission d'enquête sera donc d'ordre pédagogique. Il s'agira de démêler les us et coutumes d'un monde très particulier qui régentent, à travers la voie maritime, le transport de plus de 70 % du fret mondial.

Les règlements de cette activité, à travers l'organisation maritime internationale, sont-ils adaptés ? Les sociétés de classification et de certification des navires - comme la société italienne Rina qui contrôlait l' Erika - sont-elles à la hauteur des responsabilités qui leur sont confiées ? Nous sommes tentés, dès aujourd'hui, de répondre négativement à ces deux questions. Il appartiendra à la commission de nous éclairer précisément et de formuler les propositions de réforme qui lui apparaîtront nécessaires.

Mais si la commission doit évidemment examiner avec soin les conditions dans lesquelles se développe « l'économie-monde » ou, si l'on veut, la mondialisation des activités humaines, il ne faut pas oublier pour autant que les

Etats en restent les acteurs principaux. Si, pour modifier le droit international, des négociations complexes, nécessairement longues, doivent être menées, rien n'interdit aux acteurs privés et publics de notre pays de se donner les moyens d'être plus responsables. Et cela, mes chers collègues, est possible très vite.

Les Etats-Unis n'ont-ils pas unilatéralement pris des dispositions très sévères à la suite du naufrage de l' Exxon Valdes en 1989 ? En effet, c'est bien d'un port français que l' Erika a appareillé pour son dernier voyage. C'est bien TotalFina France qui a vendu la cargaison sortie de la raffinerie de Dunkerque à sa filiale Total Bermudes. C'est d'ailleurs cette dernière qui devait encaisser le produit de la vente finale de cette cargaison, si elle était arrivée à destination.

Les travaux de la commission d'enquête, chacun le comprend, ne sont donc pas synonymes d'inaction pendant leur durée. Des mesures peuvent être décidées rapidement - vous en avez d'ailleurs annoncé quelques-unes, monsieur le ministre - en ce qui concerne tant nos propres procédures de contrôle que la responsabilité de nos ressortissants et de nos entreprises, ou encore nos règles fiscales et pénales. Il n'est pas nécessaire d'attendre la publication du rapport de cette commission d'enquête pour, par exemple, empêcher certains bateaux, qu'il faut bien appeler des « navires poubelles » de circuler près de nos côtes. Il y a donc urgence.

Enfin, je me réjouis de la décision prise par M. le Premier ministre de réunir à Nantes, d'ici à quelques semaines, deux comités interministériels d'aménagement et de développement du territoire, dont l'un sera consacré uniquement aux problèmes maritimes.

Mes chers collègues, sur les 400 kilomètres de côtes de l'Ouest - de l'île de Ré en Charente-Maritime, à la pointe de Penmarch dans le Finistère - après l'accablement et le dégoût, monte la colère. Il faut l'entendre. Elle est légitime.

Qu'il me soit permis, pour conclure, d'émettre un souhait.

La commission d'enquête devrait être l'occasion de faire connaître le monde des gens de mer, leur vie, les problèmes qu'ils rencontrent. Notre pays a souvent méconnu, voire ignoré, ses marins et, plus largement, les habitants des côtes et des ports qui vivent avec l'océan.

Que ce drame permette au moins de corriger ce trop grand éloignement.

La France a été un grand pays maritime ; elle dispose des moyens humains pour le redevenir ; il lui faut simplement le vouloir. Je suis certain que cette commission d'enquête peut être un élément décisif dans la redéfinition d'une ambition pour notre politique maritime.

C'est dans cet esprit que le groupe socialiste qui, dès le 22 décembre dernier, a déposé une proposition de résolution ayant cet objet, approuvera ce texte, auquel tous ceux qui sont intervenus ont apporté leur soutien. Au sein de cette commission d'enquête, toutes sensibilités confondues, ils formuleront leurs réflexions et leurs propositions.

C'est pourquoi le groupe socialiste votera la proposition de résolution présentée par notre collègue René Leroux tendant à la création de cette commission d'enquête. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical Citoyen et Vert.)


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M. le président.

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

(L'article unique de la proposition de résolution est adopté.)

Constitution de la commission d'enquête

M. le président.

Afin de permettre la constitution de la commission d'enquête dont l'Assemblée vient de décider la création, MM. les présidents des groupes voudront bien faire connaître, conformément à l'article 25 du règlement, avant le mardi 25 janvier 2000, à dix-sept heures, le nom des candidats qu'ils proposent.

La nomination prendra effet dès la publication de ces candidatures au Journal officiel.

3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président.

Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique : Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1927, autorisant l'approbation du protocole visant à amender le paragraphe 2 de l'article X de la convention internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique : M. Guy Lengagne, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2023), (Procédure d'examen simplifiée) ; Discussion du projet de loi adopté par le Sénat, no 1429, autorisant l'adhésion de la République française à la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées approuvée par l'assemblée générale d es Nations unies le 21 novembre 1947 (ensemble dix-sept annexes approuvées par les institutions spécialisées) : M. Xavier Deniau, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1958), (Procédure d'examen simplifiée) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1198, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres interprétatif) : M. Georges Hage, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 1957), (Procédure d'examen simplifiée) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1916 rectifié, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française, le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République italienne, le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord portant création de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) (ensemble quatre annexes) : M. Marc Reymann, rapporteur au nom de la commission des affaires étrangères (rapport no 2025), M. Jean-Noël Kerdraon, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis no 2000), (Procédure d'examen simplifiée) ; Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, no 1867, relatif aux volontariats civils institués par l'article L.

111-2 du code du service national : M. André Vauchez, rapporteur au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (rapport no 2076), M. Yves Dauge, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires étrangères (avis no 2082), Mme Nicole Bricq, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes (rapport d'information no 2071).

A vingt et une heures, troisième séance publique : Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix heures quarante-cinq.)

L e Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

JEAN PINCHOT